Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 15 décembre 2021, n° 444759, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A28107HK)
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N0126BZP
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par Yann Le Foll
Le 20 Janvier 2022
► Un communiqué de presse révélant la saisine de l'inspection générale de la justice (IGJ) afin de mener une enquête sur le comportement de certains magistrats constitue une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir.
Faits. Un communiqué de presse du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a informé avoir demandé à l'inspection générale de la justice (IGJ) de mener une enquête administrative sur le comportement professionnel de trois magistrats affectés au parquet national financier (PNF).
Saisine de l’IGJ. L'acte par lequel un ministre saisit un des services de son ministère pour l'exercice de missions relevant de sa compétence n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Dès lors, l'acte par lequel le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a saisi l'IGJ, sur le fondement de l'article 2 du décret n° 2016-1675, du 5 décembre 2016 (N° Lexbase : L5525LBA), afin qu'elle mène une enquête administrative sur le comportement professionnel de trois magistrats affectés au PNF n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
Communiqué de presse annonçant la saisine. Si, en principe, un simple communiqué de presse n'est pas en lui-même susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (CE, 8 avril 2020, n° 439822, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A89043KY), le communiqué litigieux, en ce qu'il rend publique l'appréciation selon laquelle trois magistrats nommément désignés sont susceptibles d'avoir commis des « manquements au devoir de diligence, de rigueur et de loyauté » et qu'ils sont pour ce motif visés par une enquête administrative, est de nature à produire des effets notables, notamment sur les conditions d'exercice de leurs fonctions par les intéressés qui seraient, à ce titre, recevables à en demander l'annulation.
Décision. Sans statuer sur le communiqué litigieux, la Haute juridiction déboute les deux organisations requérantes en jugeant que leur demande n'est pas recevable faute d'intérêt à agir.
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newsid:480126
Réf. : Projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, le 14 janvier 2022 [en ligne]
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N0080BZY
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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac
Le 19 Janvier 2022
► Dimanche 16 janvier 2022, l'Assemblée nationale a adopté, en lecture définitive, le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique ; la présentation d'un passe vaccinal est désormais obligatoire pour accéder à certains lieux publics à partir de seize ans ; les sanctions sont durcies pour les fraudes.
Dès que la loi sera publiée par décret, un passe vaccinal se substituera à l’actuel passe sanitaire pour accéder à un certain nombre de lieux publics.
Schéma vaccinal complet. L'obtention du passe vaccinal requiert un schéma vaccinal complet. Pour cela, il faut s’être fait injecter deux doses de vaccin contre la Covid-19 (ou avoir été infecté une fois et avoir fait une dose de rappel), puis avoir bénéficié d’une dose de rappel vaccinal (communément appelée la « troisième dose ») dans les sept mois suivant la dernière injection. À partir du 15 février, il faudra effectuer une dose de rappel quatre mois, et non plus sept, après sa deuxième dose pour que le passe reste valable. Bénéficier d’un certificat de rétablissement de la Covid-19 dont le résultat doit dater de plus de onze jours et de moins de six mois est la seule entorse possible à cette dernière condition.
Lieux concernés. Le passe vaccinal sera exigé pour accéder aux :
Les lieux de culte et les magasins ne sont pas concernés par la mesure, tout comme les établissements et services de santé dont l’accès reste conditionné à un test négatif.
Concernant les transports, la présentation du passe vaccinal n'est pas exigée pour « motif impérieux d’ordre familial ou de santé », sous réserve de présenter un test négatif, « sauf en cas d’urgence ».
Mise en place de contrôles.
Mineurs. Bien que la vaccination contre la Covid-19 soit désormais ouverte aux enfants à partir de cinq ans, le passe vaccinal ne s’appliquera qu’aux personnes à partir de l’âge de seize ans (âge à partir duquel les mineurs n'ont plus besoin d'une autorisation parentale pour se faire vacciner).
Les mineurs de douze à quinze ans resteront quant à eux soumis à l’obligation de présenter l’actuel passe sanitaire pour accéder aux lieux nécessitant la présentation du passe vaccinal. Seuls les moins de douze ans ne restent concernés par aucun passe.
Sanctions. La détention frauduleuse d'un faux passe vaccinal est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende en cas de détention frauduleuse de plusieurs faux documents.
Saisi par une soixantaine de députés, le Conseil constitutionnel devrait rendre sa décision dès ce jeudi 20 janvier. En cas de validation, la loi pourra être promulguée vendredi 21 janvier et entrer en vigueur le lendemain ou le surlendemain.
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newsid:480080
Réf. : CE référé, 11 janvier 2022, n° 460002 N° Lexbase : A96587H8
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N0065BZG
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par Yann Le Foll
Le 26 Janvier 2022
► Le port du masque en extérieur doit être limité aux lieux et aux heures de forte circulation de population quand la distanciation physique n’est pas possible, et uniquement si la situation épidémiologique locale le justifie.
Faits. Le requérant demande la suspension de l'exécution de la décision du Premier ministre de donner instruction aux représentants de l'État territorialement compétents de mettre en œuvre l'obligation du port du masque en extérieur prévue au II de l'article 1er du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 N° Lexbase : L7002L44. Il soutient qu'il n'est pas établi que le port du masque en plein air en toute circonstance soit nécessaire, en l'état actuel des connaissances scientifiques et du taux de vaccination de la population, et que les conditions d'application de cette obligation ne sont pas suffisamment encadrées.
Conditions d’obligation de port du masque en extérieur
Si le risque de contamination est, de façon générale, moins élevé en plein air, il ne résulte pas de l'instruction que, au regard des données et recommandations scientifiques disponibles à la date de la présente décision, puisse être exclue la possibilité qu'un aérosol contenant le virus soit inhalé avec une charge infectante suffisante ou qu'une transmission par gouttelettes puisse avoir lieu en cas de forte concentration de population dans un lieu de plein air, le port du masque pouvant alors contribuer à réduire le risque de contamination.
Dans ce contexte, une obligation de porter le masque à l'extérieur, lorsque la situation épidémiologique localement constatée le justifie, en cas de regroupement ou dans les lieux et aux heures de forte circulation de population ne permettant pas le respect de la distanciation physique, n'apparaît pas, à la date de la présente ordonnance, manifestement dénuée de nécessité.
Proportion aux risques sanitaires encourus
Les dispositions rendant obligatoire le port du masque en extérieur doivent être justifiées par la situation épidémiologique constatée sur le territoire concerné. Elles ne peuvent être proportionnées que si elles sont limitées aux lieux et aux heures de forte circulation de population ne permettant pas d'assurer la distanciation physique et aux lieux où les personnes peuvent se regrouper, tels que les marchés, les rassemblements sur la voie publique ou les centres-villes commerçants, les périodes horaires devant être appropriées aux risques identifiés.
Le préfet, lorsqu'il détermine, pour ces motifs, les lieux et les horaires de port obligatoire du masque en plein air, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour que la règle soit compréhensible et son application cohérente (à l’inverse, un arrêté préfectoral d’une portée trop générale porte atteinte illégalement à la liberté d'aller et venir, TA Strasbourg, 2 septembre 2020, n° 2005349 N° Lexbase : A66823SB).
Décision CE. Dès lors que le Premier ministre s'est borné à donner instruction aux préfets de prendre les mesures prévues au II de l'article 1er du décret du 1er juin 2021, dont la mise en œuvre doit respecter, sous le contrôle du juge, les principes précités, il n'a pas, ce faisant et eu égard à la portée de cette décision, porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté individuelle ainsi qu'en tout état de cause, à la liberté d'aller et venir, à la liberté de réunion et au droit à protection de la santé.
Il lui reviendra simplement d'adapter ses instructions à l'évolution des connaissances scientifiques et notamment, ainsi que le requiert le IV de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 N° Lexbase : L6718L4L, de mettre fin sans délai aux mesures dont la nécessité ne serait plus établie.
TA Paris. Appliquant ce principe de nécessité, le tribunal administratif de Paris a suspendu l’arrêté préfectoral du 29 décembre 2021 imposant le port du masque sur la voie publique et dans les lieux ouverts à Paris, à l’exclusion des bois de Boulogne et de Vincennes, et sur les emprises des aérodromes de Paris Charles de Gaulle, du Bourget et de Paris Orly, estimant, notamment, qu’il existait un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté préfectoral dès lors que le port obligatoire du masque en extérieur n’était pas limité aux lieux et heures de forte circulation de population, tels que les marchés et les rassemblements sur la voie publique qui ne permettent pas d’assurer la distanciation physique (TA Paris, 13 janvier 2022, n° 2200043 N° Lexbase : A65507IG).
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newsid:480065
Réf. : Cass. civ. 1, 12 janvier 2022, n° 20-50.027, FS-B (N° Lexbase : A01947IZ)
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N0064BZE
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par Marie Le Guerroué
Le 19 Janvier 2022
► La requête en prolongation de la rétention administrative devient sans objet lorsque l’intéressé a été assigné à résidence pour assurer l'exécution de son interdiction de retour sur le territoire national.
Faits et procédure. Le 19 juin 2020, un Albanais a été placé en rétention administrative, en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français. Saisi, le 20 juin 2020, par l’intéressé d'une contestation de la décision de placement en rétention et, par le préfet, d'une requête en prolongation de la mesure, le juge des libertés et de la détention a joint les deux procédures, constaté l'irrégularité de la procédure préalable à la rétention, rejeté la requête du préfet et dit n'y avoir lieu de statuer sur la contestation de la régularité du placement en rétention.
Moyen. Le procureur général près la cour d'appel de Lyon fait grief à l'ordonnance de constater que l’intéressé a été assigné à résidence pour permettre l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet et de déclarer, en conséquence, sans objet, l'appel du ministère public, alors « que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que le parquet a interjeté appel de l'ordonnance ayant constaté l'irrégularité de la procédure, qu'en n'examinant pas le chef principal de l'appel, c'est-à-dire la légalité du placement en retenue administrative, au motif que la délivrance d'un arrêté d'assignation à résidence [était intervenue] ultérieurement, le délégué du premier président n'a pas rempli son office et a excédé ses pouvoirs, et ainsi violé l'article 562 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7233LEM) ».
Réponse de la Cour. Ayant relevé que, par un arrêté postérieur à l'appel interjeté par le ministère public à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, l’intéressé avait été assigné à résidence pour assurer l'exécution de son interdiction de retour sur le territoire national, faisant ainsi ressortir que la requête en prolongation de la rétention était devenue sans objet, le premier président en a exactement déduit que l'appel était devenu sans objet. La Cour rejette en conséquence le pourvoi.
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newsid:480064
Réf. : CE référé, 6 janvier 2022, n° 459750, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A60497IU)
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N0092BZG
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par Marie Le Guerroué
Le 19 Janvier 2022
► Les ordonnances rendues par le juge des référés en application de l'article L. 521-4 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3060ALW) participent de la même nature que celle des ordonnances dont la modification est demandée ; est ainsi susceptible d'appel, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 523-1 (N° Lexbase : L9284K4M), une ordonnance rendue, sur le fondement de l'article L. 521-4, sur une demande tendant à ce qu'il soit mis fin à des mesures précédemment ordonnées au titre de l'article L. 521-2 (N° Lexbase : L5793G4C), que cette ordonnance fasse droit à cette demande ou la rejette.
Faits et procédure. La magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg avait annulé l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin décidant du transfert aux autorités italiennes d’un étranger et avait enjoint à l'administration d'enregistrer la demande d'asile de ce dernier et de lui délivrer une attestation de demande d'asile. Par une ordonnance du 24 novembre 2021, le juge des référés de ce même tribunal avait estimé que si les services préfectoraux avaient délivré, en exécution du jugement précité, une attestation de demande d'asile en procédure normale, ils avaient porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en s'abstenant de lui délivrer également le formulaire de demande d'asile et les informations liées à la procédure de demande d'asile permettant de solliciter l'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. En conséquence, il avait enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer au demandeur le formulaire de demande d'asile dans un délai de 48 heures suivant la notification de l'ordonnance sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Cependant, le lendemain de cette ordonnance, le 25 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy avait sursis à l'exécution du jugement du 16 août 2021, ce qui avait conduit la préfète du Bas-Rhin à demander au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de mettre fin aux mesures qu'il avait prises dans l'ordonnance du 24 novembre précédent. Le ministre de l’Intérieur interjette appel de l'ordonnance du 6 décembre 2021 rejetant cette dernière demande.
Réponse du CE. Si, dans un courriel du 26 novembre 2021, un agent de la préfecture a précisé au conseil de l’étranger que ce dernier « restera sous ADA » (attestation de demande d'asile) à la suite de l'intervention de l'arrêt du jour précédent sursoyant à l'exécution du jugement du 16 août 2021 annulant l'arrêté de transfert de l'intéressé aux autorités italiennes, il résulte de l'instruction que l'attestation dont il s'agit n'est pas celle du 19 octobre 2021, relative à une procédure normale, mais celle antérieure du 29 septembre relative à la « procédure Dublin ». Il résulte, en outre, d'une mention manuscrite portée sur l'attestation de demande d'asile en procédure normale que la préfète du Bas-Rhin n'a entendu qu'exécuter le jugement du 16 août 2021 dans l'attente de la décision de la cour administrative d'appel de Nancy, sans reconnaître la compétence des autorités françaises. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient l’étranger que la préfète du Bas-Rhin ait reconnu la responsabilité de la France pour traiter sa demande d'asile et « renoncé au bénéfice de la chose jugée par la cour administrative d'appel de Nancy ». Par suite, l'arrêté de transfert aux autorités italiennes du 10 août 2021 étant redevenu exécutoire à la suite de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 25 novembre 2021 sursoyant à l'exécution du jugement l'ayant annulé, la France n'était, à compter de cette date, plus responsable de l'instruction de la demande d'asile. Ainsi, contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, l'intervention de l'arrêt du 25 novembre 2021 constituait un élément nouveau devant conduire à ce qu'il soit mis fin, en application de l'article L. 521-4 du Code de justice administrative, à la mesure préalablement prise au titre de l'article L. 521-2 du même code, le refus de délivrance du formulaire de demande d'asile ne portant plus atteinte au droit d'asile. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'Intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 6 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a refusé de prendre en compte l'élément nouveau invoqué pour mettre fin à la mesure d'injonction, sous astreinte, de délivrer le formulaire de demande d'asile, ainsi que les informations prévues par l'article R. 521-16 (N° Lexbase : L4933LZQ) dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 100 euros jour de retard.
Annulation. Par suite, il y a lieu d'annuler cette ordonnance et de mettre fin, à compter du 25 novembre 2021, à l'injonction et à l'astreinte prononcées par l'ordonnance du 24 novembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg.
A rappr. de : s'agissant du principe selon lequel la voie de recours contre une ordonnance modificative est la voie ouverte contre l'ordonnance initiale, CE référé, 7 novembre 2003, n° 261475 (N° Lexbase : A1151DAU). |
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newsid:480092
Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 30 décembre 2021, n° 441863, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A40997HB)
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N0128BZR
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par Yann Le Foll
Le 27 Janvier 2022
► Ne commet pas de faute le fonctionnaire territorial n'informant pas la collectivité d'accueil de l'existence d'une enquête pénale le mettant en cause.
Principe. Aucune disposition législative ou réglementaire ne faisant obligation à un fonctionnaire d'informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d'une procédure de mutation de l'existence d'une enquête pénale le mettant en cause, il ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n'en faisant pas état.
Dès lors, la commune d'accueil ne peut légalement retirer à tout moment la décision de recrutement d'un fonctionnaire au motif que ce dernier aurait manqué au devoir de probité auquel il était tenu en sa qualité d'agent public, en lui dissimulant qu'il faisait l'objet d'une enquête pénale pour abus de confiance portant sur des faits commis dans l'exercice de fonctions analogues.
Rappel. Il a déjà été jugé qu'une autorité administrative ne peut utilement se prévaloir d'une éventuelle fraude entachant la nomination d'un agent pour lui refuser le bénéfice de congés de longue durée (CE Contentieux, 29 novembre 2002, n° 223027 N° Lexbase : A5193A44).
En cause d’appel. La cour administrative d'appel (CAA Versailles, 12 décembre 2019, n° 17VE00325 N° Lexbase : A9560Z9X) a estimé que la décision de procéder au recrutement de l’agente avait été obtenue par fraude au motif qu'elle avait manqué au devoir de probité auquel elle était tenue en sa qualité d'agent public en dissimulant à la commune qu'elle faisait l'objet d'une enquête pénale pour abus de confiance portant sur des faits commis dans l'exercice de fonctions analogues, de sorte que la commune avait pu légalement retirer cette décision de recrutement par sa décision contestée du 10 février 2012.
Décision CE. La cour a ainsi commis une erreur de droit dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisant obligation à un fonctionnaire d'informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d'une procédure de mutation de l'existence d'une enquête pénale le mettant en cause, il ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n'en faisant pas état.
Pour aller plus loin :
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newsid:480128
Réf. : CE, 3° et 8° ch.-r., 29 décembre 2021, n° 433838, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A36227HM
Lecture: 3 min
N0130BZT
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par Yann Le Foll
Le 24 Janvier 2022
► Lorsque le juge est saisi d'une contestation de la sanction infligée à un fonctionnaire à raison de la dénonciation de faits de harcèlement moral, il lui appartient, pour apprécier l'existence d'un manquement à l'obligation de réserve, de prendre en compte les agissements de l'administration dont le fonctionnaire s'estime victime.
Principe. En vertu de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 N° Lexbase : L6938AG3, les fonctionnaires ne peuvent être sanctionnés lorsqu'ils sont amenés à dénoncer des faits de harcèlement moral dont ils sont victimes ou témoins. Toutefois, l'exercice du droit à dénonciation de ces faits doit être concilié avec le respect de leurs obligations déontologiques, notamment l'obligation de réserve à laquelle ils sont tenus et qui leur impose de faire preuve de mesure dans leur expression.
Lorsque le juge est saisi d'une contestation de la sanction infligée à un fonctionnaire à raison de cette dénonciation, il lui appartient, pour apprécier l'existence d'un manquement à l'obligation de réserve et, le cas échéant, pour déterminer si la sanction est justifiée et proportionnée, de prendre en compte les agissements de l'administration dont le fonctionnaire s'estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leurs destinataires et des démarches qu'il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation.
Rappel. Si la circonstance qu'un agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne saurait légalement justifier que lui soit imposée une mesure relative à son affectation, à sa mutation ou à son détachement, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration prenne, à l'égard de cet agent, dans son intérêt ou dans l'intérêt du service, une telle mesure si aucune autre mesure relevant de sa compétence, prise notamment à l'égard des auteurs des agissements en cause, n'est de nature à atteindre le même but (CE, 3° et 8° ch.-r., 19 décembre 2019, n° 419062, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6368Z8D et lire le commentaire de P. Bourdon, La mutation d’office d’un agent victime de harcèlement, Lexbase Public, février 2020, n° 574 N° Lexbase : N2235BYG).
Décision CE. Dès lors, en jugeant que l’agente avait manqué à son obligation de réserve en dénonçant, par un courriel formulé en des termes excessifs et adressé à un large cercle d'élus de la commune, le harcèlement moral dont elle s'estimait victime, sans prendre en compte les agissements que l’intéressée estimait avoir subis, la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 25 juin 2019, n° 17LY02345 N° Lexbase : A9327ZGK) a commis une erreur de droit.
Pour aller plus loin :
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newsid:480130
Réf. : CE, 3° et 8° ch.-r., 29 décembre 2021, n° 437489, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A36257HQ
Lecture: 3 min
N0131BZU
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par Yann Le Foll
Le 25 Janvier 2022
► Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité administrative sur l'inaptitude définitive d'un fonctionnaire.
Principe. Il résulte des dispositions des articles 30, 31 et 39 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) N° Lexbase : L0974G8L, que lorsqu'un fonctionnaire territorial, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d'office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme et que l'autorité territoriale doit, préalablement à la mise à la retraite, obtenir un avis conforme de la CNRACL.
La légalité de la décision qu'il appartient à l'autorité territoriale de prendre en vue du placement d'office d'un fonctionnaire à la retraite par anticipation, pour les motifs et, lorsqu'elles sont réunies, dans les conditions déterminées par ces dispositions, s'apprécie au regard de l'ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de ce fonctionnaire au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n'auraient pas été communiqués à l'autorité territoriale préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu'ils éclairent cette situation.
Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité territoriale sur l'inaptitude définitive d'un fonctionnaire.
Application. Dès lors que le rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif ainsi que les pièces et renseignements médicaux sur lesquels il s'est fondé pour l'établir étaient propres à établir la réalité de l'état de santé de l’agent, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 8 novembre 2019, n° 17NT03809 N° Lexbase : A98973B8) a jugé, sur le fondement des constatations non contredites résultant de ces rapport, pièces et renseignements, par un arrêt qui est suffisamment motivé, que le maire avait commis une erreur d'appréciation en estimant que l’intéressé présentait, au 18 janvier 2016, une inaptitude définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions.
Conclusions. Le rapporteur public Laurent Cytermann justifie ainsi sa position : « Le contrôle normal nous paraît pleinement justifié en la matière car à la différence de l’appréciation portée sur la valeur professionnelle d’un stagiaire, l’administration ne jouit d’aucun pouvoir discrétionnaire quand elle se prononce sur l’aptitude physique d’un agent : il s’agit d’une donnée extérieure qui s’impose à elle ».
Pour aller plus loin :
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newsid:480131
Réf. : Cons. const., décision n° 2021-961 QPC du 14 janvier 2022 (N° Lexbase : A30117ID)
Lecture: 2 min
N0075BZS
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par Yann Le Foll
Le 19 Janvier 2022
► Sont conformes à la Constitution certaines dispositions de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021, portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État (N° Lexbase : L7252L4D), relatives aux commissions chargées de proposer la nomination aux grades de maître des requêtes au Conseil d'État et de conseiller référendaire à la Cour des comptes.
Objet QPC. La question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021, sur l'article L. 133-12-3 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L8275L4A) et sur l'article L. 122-9 du Code des juridictions financières (N° Lexbase : L8220L49).
Statut des dispositions en litige. Les Sages, après avoir rappelé qu'ils ne peuvent être saisis par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité que de dispositions de nature législative, constatent que tel n’est pas les cas des dispositions critiquées. Le Conseil constitutionnel en déduit donc qu'il n'y a pas lieu, pour lui, de statuer sur leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Contrôle des dispositions en litige. Le Conseil constitutionnel rappelle que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles.
À cette aune, il juge, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les personnalités qualifiées membres de ces commissions sont désignées en raison de compétences dans un domaine précis et présentent des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts.
En deuxième lieu, les articles L. 133-12-4 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L8276L4B) et L. 122-10 du Code des juridictions financières (N° Lexbase : L8221L4A) précisent que la commission prend en compte l'aptitude des candidats à exercer les fonctions auxquelles ils se destinent et, en particulier, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique.
En dernier lieu, l'absence de règle de départage des voix au sein des commissions d'intégration, qui conduit à ce que ne peuvent être proposés à la nomination que des candidats pour lesquels une majorité s'est dégagée, est sans incidence sur l'indépendance et l'impartialité des juridictions.
Décision. Par ces motifs, le Conseil constitutionnel écarte le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D) (garantie des droits et séparation des pouvoirs) et juge conformes à la Constitution l'article L. 133-12-3 du Code de justice administrative et l'article L. 122-9 du Code des juridictions financières, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 6 juin 2021.
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Réf. : T. confl., 10 janvier 2022, n° 4231 (N° Lexbase : A56317IE)
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N0090BZD
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par Yann Le Foll
Le 18 Janvier 2022
► Un litige relatif à la répartition entre constructeurs de la charge finale des indemnités dues solidairement au maître de l’ouvrage au titre de l’exécution d’un marché de travaux publics relève de la compétence du juge administratif.
Faits. Dans le cadre d’un litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics conclu par une commune, le tribunal administratif saisi, par un jugement confirmé par un arrêt de cour administrative d’appel, a condamné in solidum les constructeurs à verser à cette commune une indemnité et, statuant sur les appels en garantie formés par ces constructeurs, a réparti la charge indemnitaire finale entre eux.
Deux des sociétés qui ont payé à la commune l’intégralité des sommes dues, vont ensuite saisir le tribunal administratif d’une demande tendant à la condamnation d’une troisième société sur le fondement du dernier alinéa de l’article 1317 du Code civil N° Lexbase : L0963KZP à raison de l’insolvabilité d’un autre des codébiteurs afin de répartir la charge en résultant entre les codébiteurs solvables. Cet article prévoit en effet que si l’un des codébiteurs solidaires est insolvable « sa part se répartit par contribution entre les codébiteurs solvables […] »
Saisine T. confl. Le tribunal administratif va surseoir à statuer sur les demandes et renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si ces demandes de sociétés contre une autre fondée sur les dispositions de l’article 1317 du Code civil relèvent, ou non, de la compétence de la juridiction administrative.
Rappel. Le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l’action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé et que le litige concerne l’exécution de ce contrat (T. confl., 24 novembre 1997, n° 3060 N° Lexbase : A07743YC).
Décision. En l’espèce, le litige qui oppose les constructeurs étant né de l’exécution du marché de travaux publics dont la commune de Besançon était le maître d’ouvrage, et ces sociétés n’étant pas unies par un contrat de droit privé, la juridiction administrative est compétente pour connaître de l’action de la première contre la seconde fondée sur le dernier alinéa de l’article 1317 du Code civil.
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Réf. : T. confl., 10 janvier 2022, n° 4230 N° Lexbase : A56307ID
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N0089BZC
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par Yann Le Foll
Le 19 Janvier 2022
► Un litige relatif à la passation d'un accord-cadre à bons de commandes conduite par la RATP agissant comme coordonnateur d'un groupement de commandes qu'elle a formé avec SNCF Voyageurs relève de la compétence du juge administratif.
Faits. Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 26 juin 2018, la RATP, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) agissant en qualité de coordonnateur d’un groupement de commandes conclu avec SNCF Mobilités, EPIC auquel a succédé le 1er janvier 2020 la société SNCF Voyageurs, a lancé une procédure négociée avec mise en concurrence préalable pour la passation d’un accord-cadre à bons de commande relatif à l’étude et la fourniture de matériels roulants à destination de la ligne B du RER.
Rappel - clause légale de compétence. Dans le cadre d'un groupement de commandes constitué entre des acheteurs publics et des acheteurs privés en vue de passer chacun un ou plusieurs marchés publics et confiant à l’un d’entre eux le soin de conduire la procédure de passation, et où, l’un des acheteurs membres du groupement étant une personne publique, le marché qu'il est susceptible de conclure sera un contrat administratif par application de l’article 3 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, relative aux marchés publics N° Lexbase : L9077KBS, le juge du référé précontractuel compétent pour connaître de la procédure est le juge administratif, sans préjudice de la compétence du juge judiciaire pour connaître des litiges postérieurs à la conclusion de ceux de ces contrats qui revêtent un caractère de droit privé.
Décision. Le groupement précité, constitué en vue de la passation d’un marché par chaque membre du groupement, confie au coordonnateur du groupement le soin « de coordonner et organiser la passation du contrat (...) ». La RATP, membre de ce groupement, est un établissement public et les marchés qu’elle est susceptible de conclure sont des contrats administratifs. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le juge administratif est compétent pour connaître de la procédure de passation litigieuse.
Rappel (bis). En revanche, dans le cas où le groupement est constitué pour répondre à un seul contrat, le juge doit rechercher à quels besoins ce contrat doit majoritairement répondre (un litige relatif à la passation d'un accord-cadre à bons de commandes multi-attributaires de prestations de portage salarial conclu par la SNCF pour son compte, ainsi que pour celui de ses filiales, relève de la compétence du juge administratif, T. confl., 13 septembre 2021, n° 4224 N° Lexbase : A469347X).
Pour aller plus loin :
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N0123BZL
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
Le 19 Janvier 2022
En cette période hivernale où certains goûtent la joie de pouvoir dévaler les pistes enneigées, Lexbase Public vous propose un numéro spécial « Droit de l'urbanisme en montagne » réalisé en collaboration avec le cabinet Aldatys, qui dispose d’une expertise reconnue en droit public et droit de l’urbanisme.
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N0067BZI
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par Jean-Marc Petit, Avocat associé, cabinet Adaltys, chargé d’enseignement à l’Université Lyon 3
Le 20 Janvier 2022
Mots clés : urbanisme • montagne • artificialisation
Cet article est issu d'un numéro spécial « Droit de l'urbanisme en montagne » réalisé en collaboration avec le cabinet Adaltys. Pour consulter le sommaire de ce numéro spécial, cliquez ici (N° Lexbase : N0123BZL).
En 1985, lorsque la loi « Montagne » a été promulguée [1], l’article frontispice du Code de l’urbanisme, à l’époque l’article L. 110 (N° Lexbase : L6123IEI), donnait simplement pour objectif aux collectivités de « gérer le sol de façon économe, assurer la protection des espaces naturels et des paysages et promouvoir l’équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ». L’article L. 121-10 (N° Lexbase : L9982LMN) obligeait les documents d’urbanisme « à déterminer les conditions » permettant, d'une part, de limiter l'utilisation de l'espace, de préserver les activités agricoles, de protéger les espaces forestiers, les sites et les paysages et d'autre part, de prévoir suffisamment de zones réservées aux activités économiques et d'intérêt général et de terrains constructibles pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière de logement. Depuis, les exigences ont été très nettement renforcées par les réformes successives (lois « SRU », « Grenelle 2 » …).
La loi « Montagne », directement opposable aux autorisations d’urbanisme pour garantir une plus grande efficacité du dispositif, est restée quant à elle globalement protectrice de l’espace montagnard, malgré les assouplissements introduits en 2003, et en 2016 par la loi dite « Montagne 2 » [2]. Cela n’a pas empêché la France de détenir le « record d'Europe » de la surface artificialisée par habitant et de voir l'artificialisation, avec ses inconvénients induits, augmenter, sur l’ensemble du territoire national, et ce presque quatre fois plus vite que la population.
Parallèlement, les traductions concrètes du réchauffement climatique et les perspectives à terme ont amené à réfléchir à l’évolution de la politique de développement touristique en montagne (en fonction notamment de l’altitude, des possibilités de développement des transports « propres »…). La lutte contre l’artificialisation des sols en vue d’une absence d’artificialisation nette à terme (objectif « ZAN ») a enfin été ajoutée aux objectifs généraux par la récente loi dite « climat et résilience » [3]. La maîtrise du développement rural est désormais visée ; la maîtrise de l’étalement ainsi que le renouvellement urbain sont rappelés à plusieurs reprises [4].
L’ensemble du territoire national est concerné par ces ambitions fortes, susceptibles de contrarier l’application locale des règles. Le dispositif de la loi « Montagne », s’il peut être utilisé pour assurer effectivement une grande protection, rend également possible la consommation d’espaces naturels et l’artificialisation des sols, que la loi climat et résilience tend à réguler de manière drastique.
I. Les possibilités de consommation et d’artificialisation ouvertes par la loi « Montagne »
Les communes soumises aux principes d’urbanisation de la loi « Montagne » [5], énumérés aux articles L. 122-1 (N° Lexbase : L2369KIL) à L. 122-27 et R. 122-1 (N° Lexbase : L6662LEH) à R. 122-20 du Code de l’urbanisme, soit 5 000 communes environ, sont concernées par six principes fondamentaux plutôt protecteurs. Ces dispositions sont opposables à leurs documents d’urbanisme dans des conditions fixées par le Code de l’urbanisme, ainsi qu’aux autorisations individuelles [6] et plus généralement « à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, la réalisation de remontées mécaniques et l'aménagement de pistes, l'ouverture des carrières, la recherche et l'exploitation des minerais et les installations classées pour la protection de l'environnement » [7].
Par exception, sont toutefois exonérés du respect de ces règles les travaux et projets énumérés à l’article L. 122-3 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0270LNC), notamment les services publics autres que les remontées mécaniques mais seulement si leur localisation est justifiée par des nécessités techniques impératives. L’établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public est également concerné si ces réseaux répondent à la nécessité d’améliorer la couverture du territoire. Surtout, ces principes, dont la généralité uniforme se heurte à l’hétérogénéité des territoires, sont assortis d’exceptions et laissent des possibilités d’urbanisation et d’artificialisation.
A. Principe n° 1 : les espaces, paysages, milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard doivent être préservés (C. urb., art. L 122-9)
En application de cet article, les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols « doivent être compatibles avec les exigences de préservation de ces espaces » et pour satisfaire à cette exigence, ils « doivent comporter des dispositions de nature à concilier l’occupation du sol projetée et les aménagements s’y rapportant avec l’exigence de préservation de l’environnement montagnard prévue par la loi » [8]. Le Code de l'urbanisme ne précise pas quels sont les espaces, paysages et milieux caractéristiques concernés. Il peut donc s’agir d’espaces ne faisant pas l’objet d’une protection règlementaire (sites classés et inscrits, parcs...). Les juridictions apprécient l’existence ou non d’un élément caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard et s’il y a ou non préservation de cet élément. Les décisions rendues récemment confirment la complexité de l’approche. Dans une même espèce, il peut y avoir entre les juridictions de première instance et d’appel des divergences de vues radicales [9]. Toujours est-il que les espaces concernés ne sont pas sanctuarisés. Un refus de permis de construire pour un projet éolien dans un espace de ce type peut être invalidé en l’absence « d’impact paysager notable » [10].
B. Principe n °2 : les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières doivent être préservées (C. urb., art. L 122-10)
Là aussi, logiquement, le Code de l'urbanisme ne précise pas quelles sont les terres concernées.
La loi « Montagne 2 » est venue confirmer que les terres se situant en fond de vallée le sont.
L’administration et la jurisprudence apprécient également le respect de cette disposition [11] au vu de différents paramètres (par exemple les labels AOP/AOC, les diagnostics PLU, les délimitations de zones agricoles protégées…). Cet article précise néanmoins que la nécessité de préserver toutes ces terres s’apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d’exploitation locaux et que doivent être également pris en compte leur situation par rapport au siège de l’exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. Dans ce cadre, la jurisprudence considère par exemple que la seule circonstance qu’une vaste prairie très faiblement pentue et présentant les caractéristiques d’un pré agricole ne suffit pas pour qu’elle soit protégée [12]. Il n’y a donc pas de sanctuarisation des terres agricoles ou à vocation agricole. Cette disposition est ensuite assortie d’exceptions : figurent les constructions et équipements prévus à l'article L. 122-11 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L1854LCN), telles les constructions nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières, certains équipements sportifs liés à la pratique du ski et de la randonnée.
C. Principe n° 3 : la capacité d’accueil des espaces destinés à l’urbanisation doit être compatible avec la préservation des espaces naturels et agricoles mentionnés aux articles L 122-9 et L 122-10 (C. urb., art. L 122-8)
Au regard de cette disposition, qui se combine avec les articles précédents, le juge administratif s’attache à une analyse globale du document concerné, qui peut permettre des extensions. Il a été jugé par exemple que cet article est respecté dès lors qu’en « favorisant la densification des espaces urbanisés existants, en densifiant le centre-ville et en ouvrant progressivement les zones de développement futur, la commune a pour objectif de réduire son rythme d’artificialisation des sols de 25 % et que le PLU en litige réduit son potentiel urbanisable par rapport au POS antérieur » [13].
D. Principe n° 4 : l’extension éventuelle de l’urbanisation doit se faire en continuité de l’urbanisation existante (C. urb., art. L 122-5 et suivants)
Il s’agit là d’une disposition essentielle motivée par la lutte contre le mitage de l’espace montagnard, mais qui permet par nature les extensions de l’urbanisation. Elle donne lieu en pratique à des interprétations plus ou moins libérales selon les départements montagnards concernés, notamment sur la condition liée à l’existence d’une urbanisation suffisante pour pouvoir justifier une extension. Elle est constituée historiquement des bourgs et villages [14], mais aussi des hameaux [15]. Depuis 2003, elle peut être également constituée de « groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants », expression introduite pour permettre d’écarter les contours jurisprudentiels exigeants de la notion de hameau. L’interprétation de cette notion est néanmoins assez restrictive. Il est jugé que « l’existence d’un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l’existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble »[16]. Le Conseil d’État a exclu la possibilité de construire en continuité d’une dizaine d’habitations existantes, espacées de 25 à 40 mètres, dans un secteur non desservi par les réseaux d’eau et d’assainissement [17].
Si la loi dite « Montagne 2 » a précisé que le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux[18], l’appréciation de la continuité se fait toujours comme depuis l’origine au cas par cas en utilisant les critères dégagés depuis 1985 par la jurisprudence : distances entre les bâtiments, densité, forme et logique de l'urbanisation locale, présence ou non de voies et de réseaux. Une distance trop élevée au regard du contexte local reste rédhibitoire.
Outre l’exception déjà citée, l’interdiction de construire en discontinuité ne concerne pas l’extension limitée des constructions existantes, ainsi que, depuis la loi « Montagne 2 », les « annexes de taille limitée » à ces constructions. Il a été récemment jugé qu’une annexe de 8 mètres carrés d’une maison de 55 mètres carrés peut être autorisée [19].
Mais surtout peuvent toujours être réalisées en discontinuité les unités touristiques nouvelles (UTN), qui regroupent notamment les opérations de construction d’hébergements et d’équipements touristiques, qui peuvent être structurantes. Il y a certes certaines limites : aux termes de l’article L 122-15 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9766LEG), le développement touristique est admis dès lors qu’il prend en compte les communautés d'intérêt des collectivités territoriales concernées mais aussi la vulnérabilité de l'espace montagnard au changement climatique. La création ou l'extension d’une UTN ne peut pas par ailleurs être autorisée si la qualité des sites et les grands équilibres naturels ne sont pas respectés.
Peuvent également être réalisés en discontinuité les installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. Cette dernière exception profite aux constructions et ouvrages qui en raison des nuisances ou des risques qu’ils génèrent doivent être éloignés des habitations (relevant notamment de la législation ICPE). Les éoliennes, soumises à des règles de distance en application du code de l’environnement, sont concernées [20]. À l’inverse, un parc photovoltaïque ne remplit pas en principe cette condition d’incompatibilité [21], mais il peut être autorisé dans le cadre d’une autre exception [22].
À cet égard, le Code de l’urbanisme laisse notamment la possibilité, en présence d’un SCOT, d’un PLU, d’une carte communale et même en l’absence de ces documents de réaliser des projets en discontinuité, certes sous des conditions strictes définies par l’article L 122-7 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2375KIS) [23].
E. Principe n° 5 : les parties naturelles des plans d’eau de moins de moins de 1000 hectares sont protégées sur une distance de 300m à compter de la rive (C. urb., art. L 122-12 et s)
Ce principe est lui-aussi assorti d’exceptions, assez limitées, prévues par les articles L. 122-12 (N° Lexbase : L2380KIY), L. 122-13 (N° Lexbase : L2381KIZ), notamment pour les gîtes d’étapes ouverts au public pour la promenade et la randonnée et par l’article L. 122-4 (N° Lexbase : L2372KIP) qui vise notamment la possibilité pour un SCOT ou un PLU de délimiter des secteurs constructibles (avec l’accord de l’État).
F. Principe n° 6 : certaines routes nouvelles sont interdites (C. urb., art. L 122-4)
Les routes concernées sont seulement les routes nouvelles de vision panoramique, de corniche ou de bouclage dans la partie des zones de montagne située au-dessus de la limite forestière, sauf exception justifiée par le désenclavement d'agglomérations existantes ou de massifs forestiers ou par des considérations de défense nationale ou de liaison internationale ([24]).
Ainsi, même si ces articles protecteurs sont d’application cumulative, d’interprétation restrictive s’agissant des exceptions qu’ils ouvrent, au point que le dispositif est souvent présenté comme menant à l’asphyxie des possibilités de construction en montagne, ils permettent, dans certaines limites, de consommer des espaces naturels, agricoles et forestiers et d’artificialiser les sols.
II. Les objectifs nationaux de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers et du « zéro artificialisation nette »
Dès octobre 2018, après la présentation par le Gouvernement du « plan biodiversité » incluant « l’objectif ZAN », le ministre de la Cohésion des territoires indiquait que les dispositions particulières à la montagne devaient être envisagées comme un moyen permettant de concilier les différents enjeux du territoire, à savoir préserver les espaces naturels et agricoles « en luttant contre l'artificialisation des sols », tout en garantissant aux communes et intercommunalités « de pouvoir répondre à la demande de logement et de développement des activités économiques » [25].
Depuis, la loi « climat et résilience » a été promulguée. Certes, elle ne réduit pas directement les possibilités ouvertes par les articles susvisés. Mais elle fixe comme objectif national d’atteindre l’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, en compensant entièrement les surfaces éventuellement artificialisées par des surfaces renaturées [26]. Ensuite, l’optique n’est plus d'affirmer des principes et de s’en remettre, pour le résultat, au volontarisme des collectivités et au contrôle par les services de l’État. La loi fixe désormais la mobilisation des moyens à la réalisation d'un résultat formulé sous une forme quantitative et impérative, qui doit être mis en œuvre selon un calendrier imposé [27]. Il s’agit là d’un véritable changement de paradigme [28]. Une première étape de réduction du rythme de l’artificialisation pour les dix ans à venir est fixée au niveau national et également au niveau régional dans le cadre, notamment, des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) : 50 % maximum de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport à la consommation réelle de ces espaces sur les dix dernières années. Les SCOT et les PLU sont mobilisés pour traduire localement ces options (lire notre article dans ce même numéro spécial, Les SCoT et PLU de montagne : entre la mise en œuvre de la loi « climat et résilience » et la planification du développement touristique éventuel N° Lexbase : N0069BZL).
La notion d’artificialisation, qui est centrale, doit encore être précisée par un décret qui établira une nomenclature des sols artificialisés à utiliser, à terme, par les documents régionaux. La loi en donne une définition générale [29] et une plus opérationnelle, précisant que l’on devra considérer comme artificialisée une surface « dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d'un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites ». Le texte réglementaire, qui devrait être plus précis s’agissant des sols dont la structure et la composition sont perturbés par l'homme, et qui devrait comporter des seuils de déclenchement pour la classification des surfaces, est bien entendu très attendu…
L’urbanisation en continuité, les créations d’UTN et les aménagements de domaines skiables vont s’inscrire dans ce nouveau cadre, encore flou, qui ne semble pas susceptible de s’adapter davantage aux spécificités et aux ambitions de certains territoires montagnards…
[1] Loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne (N° Lexbase : L7612AGZ).
[2] Loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (N° Lexbase : L0100LCP).
[3] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (N° Lexbase : L6065L7R).
[4] Cf. les nouveaux art. L. 101-2 (N° Lexbase : L7076L79) et L 101-2-1 (N° Lexbase : L7077L7A) du Code de l’urbanisme.
[5] C’est-à-dire les seules communes délimitées par les arrêtés auxquels fait référence l’arrêté interministériel du 6 septembre 1985. Cf. CE, 20 juillet 2020, n° 428023 (N° Lexbase : A62093RE). La liste des communes concernées figure sur le site du ministère de la Transition écologique.
[6] Sauf sur le territoire de la DTA des Alpes-Maritimes, seule opposable lorsqu’elle fixe les modalités d’application des dispositions particulières aux zones de montagne, sous réserve que ces prescriptions soient suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions. Cf. CE, 19 novembre 2021, n° 435153 (N° Lexbase : A48077CZ).
[7] C. urb., art. L. 122-2 (N° Lexbase : L2370KIM).
[8] CE, 24 avril 2012, n° 346439 (N° Lexbase : A4188IKC).
[9] Cf. par exemple CAA Marseille, 19 novembre 2021, n° 19MA03306 (N° Lexbase : A61457CL).
[10] CAA Marseille, 2 février 2021, n° 18MA02635 (N° Lexbase : A82104ES).
[11] Elle a récemment été considérée comme méconnue dès lors que les parcelles concernées étaient assez vastes (4 500 m2), exploitées pour un usage de fauche, qu’elle s’inscrivaient dans un couloir préservé de toute urbanisation dédié aux activités agricoles et pastorales à proximité de plusieurs exploitations agricoles dont celle qui les exploite, et alors qu’une étude de la chambre d’agriculture avait conclu à la nécessité de préserver les parcelles situées à moins de 600 mètres des bâtiments agricoles (CAA Lyon, 7 juillet 2020, n° 18LY03445 N° Lexbase : A69713SY).
[12] CAA Lyon, 13 avril 2021, n° 19LY01654 (N° Lexbase : A02574QL).
[13] CAA Marseille, 13 juillet 2021, n° 20MA01160 (N° Lexbase : A17354ZB).
[14] Cette dernière notion renvoyant à une urbanisation également organisée autour d'un noyau traditionnel, ayant une vie propre toute l’année, accueillant ou ayant accueilli des éléments de vie collective (commerces, service public…).
[15] Ce terme désigne un petit ensemble de bâtiments d’habitation (une dizaine ou une quinzaine environ), regroupés, proches et structurés, d’une taille inférieure aux bourgs et aux villages, et distincts de ces derniers.
[16] CAA Marseille, 27 février 2020, n° 19MA05462 (N° Lexbase : A94973GT).
[17] CE, 2 octobre 2019, n° 418666 (N° Lexbase : A5093ZQP).
[18] C. urb., art. L. 122-5-1 (N° Lexbase : L1260LCN).
[19] CAA Lyon, 30 novembre 2021, n° 20LY00707 (N° Lexbase : A68167E8).
[20] CE, 16 juin 2010, n° 311840 (N° Lexbase : A9801EZZ).
[21] CE, 7 octobre 2015, n° 380468 (N° Lexbase : A8951NSC).
[22] CAA Marseille, 16 novembre 2021, n° 18MA04138.
[23] Notamment étude de discontinuité, création de hameaux et de groupes d'habitations nouveaux intégrés à l'environnement, zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées (ZUFTECAL).
[25] Instruction du Gouvernement du 12 octobre 2018, relative aux dispositions particulières à la montagne du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L6982MAT).
[26] Article 191 de la loi.
[27] Article 194 de la loi.
[28] P. Soler-Couteaux, J.-P. Strebler, Les documents d'urbanisme à l'épreuve du zéro artificialisation nette : un changement de paradigme, RDI, 2021, p. 512.
[29] C. urb., art. L. 101-2-1 (N° Lexbase : L7077L7A) : « L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. L’artificialisation nette des sols est le solde de l'artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés ».
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par Jean-Marc Petit, Avocat associé, cabinet Adaltys, chargé d’enseignement à l’Université Lyon 3
Le 20 Janvier 2022
Mots clés : urbanisme • montagne • Scot • tourisme
Cet article est issu d'un numéro spécial « Droit de l'urbanisme en montagne » réalisé en collaboration avec le cabinet Adaltys. Pour consulter le sommaire de ce numéro spécial, cliquez ici (N° Lexbase : N0123BZL).
Les SCoT et les PLU de montagne n’ont pas de régime juridique propre. Comme les autres SCoT et PLU, ils peuvent d’ailleurs être des documents « modernisés », c’est-à-dire avoir un contenu conforme aux dernières réformes intervenues [1], ou « non-modernisés » s’ils sont antérieurs à ces réformes ou s’ils ont profité de leurs dispositions transitoires, permettant des modernisations échelonnées dans le temps [2]. Dans tous les cas, ils sont mobilisés comme les autres pour assurer la mise en œuvre de la loi « climat et résilience » (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R). Mais ces SCoT et PLU, soumis à la loi « Montagne » (loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne N° Lexbase : L7612AGZ), qui intéressent des territoires ayant des enjeux particuliers (environnementaux, économiques…), ont pour vocation spécifique de planifier l’éventuel développement touristique, de maintenir les activités, en utilisant les outils prévus, plus ou moins précisément, par le Code de l’urbanisme.
I. Loi « climat et résilience » : une mise en œuvre qui s’annonce complexe
La loi a prévu une mise en œuvre à marche forcée et en cascade de ses objectifs. Le dispositif, complexe, est décrit par son article 194 qui dervait être modifié prochainement par la loi dite « 3D » (le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, étant actuellement en cours de discussion).
Dans un premier temps, les régions, à travers leurs schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) [3], devraient normalement définir avant le 22 août 2023 (en l'état), une trajectoire permettant d'aboutir à l'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 ainsi que, par tranches de dix années, un objectif de réduction du rythme de l'artificialisation, décliné entre les différentes parties du territoire régional. Pour la première tranche de dix ans (22 août 2021 – 22 août 2031), ce rythme doit permettre de réduire de moitié la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport à la consommation observée entre 2011 et 2021, ce qui correspond à l’objectif au niveau national [4]. Cette consommation de référence doit être « entendue comme la création ou l'extension effective, d'espaces urbanisés sur le territoire concerné », c’est-à-dire la consommation réelle constatée.
Lors de leur première révision ou modification à compter de l'adoption des schémas régionaux [5], les SCoT ou, en l'absence de SCoT, les PLU, devront être modifiés ou révisés pour prendre en compte les objectifs intégrés par lesdits schémas, et donc être « climatisés ». Pour les projets de SCOT et de PLU, en cours d’élaboration ou de révision, et arrêtés avant le 22 août 2021, les exigences de la loi ne s'appliquent pas jusqu'à l'approbation du document, mais ses dispositions leur seront « opposables immédiatement » après leur approbation, ce qui impliquera alors de conduire très rapidement une nouvelle révision ou modification pour se conformer aux objectifs de la loi avant les dates imparties.
À ce propos, les SCoT doivent fixer dans le délai de 5 ans, soit avant le 22 août 2026, par tranches de dix années, un objectif de réduction du rythme de l'artificialisation en cohérence avec le SRADDET. Il pourra lui-même le décliner par secteur géographique en tenant compte de critères fixés par la loi [6]. Ils comprennent notamment ceux « du potentiel foncier mobilisable dans les espaces déjà urbanisés et à urbaniser et de l'impact des législations relatives à la protection du littoral, de la montagne et des espaces naturels sur la disponibilité du foncier », des « besoins en matière d'implantation d'activité économique », ainsi que « les projets d'intérêt communal ou intercommunal ». L’obligation de fixer un objectif et la possibilité de le décliner par secteur géographique concernent également les SCoT non encore modernisés [7].
Les PLU devront, quant à eux, s’inscrire dans le cadre défini par le SCoT dans les 6 ans après la promulgation de la loi, soit avant le 22 août 2027. Les prévisions d'ouverture à l'urbanisation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers dans le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) devront par ailleurs être justifiées par une étude de densification des zones déjà urbanisées, pour démontrer que la capacité d'aménager et de construire dans ces zones y est déjà mobilisée, compte tenu des possibilités de mobilisation des logements vacants, des friches et des espaces déjà urbanisés entre l'élaboration, la révision ou la modification du PLU et l'analyse tous les 6 ans de son application [8].
Si les SRADDET sont défaillants, la loi prévoit que ce sera aux SCoT d’assurer directement, avant le 22 août 2026, l'intégration de l'objectif légal de réduction de division par deux pour la tranche 2021-2031 de la consommation réelle 2011-2021, qui, par hypothèse, n’aura pas été modulé territorialement par le schéma régional. En l'absence de SCoT, le PLU ou la carte communale remonteront alors en première ligne et devront, dans ce cas également, être approuvés avant le 22 août 2027. Ce même délai s'appliquera aux PLU et aux cartes communales en l’absence d’un SCoT « climatisé » dans le délai imparti. Un délai plus long est prévu pour les SCoT, les PLU et les cartes communales approuvés après le 22 août 2011 et qui fixent des objectifs de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’au moins un tiers : la date butoir est reportée les concernant au 22 août 2031.
Dans ce contexte, il parait évident que les auteurs de PLU vont devoir conduire leurs études et réflexions en parallèle de celles menées par les auteurs de SCoT et les régions. Il appartiendra également aux auteurs des documents de faire le bilan de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix années précédant la promulgation de la loi [9]. En parallèle, les communes et les EPCI dotés d'un PLU, sont astreints à établir au moins une fois tous les trois ans, un rapport relatif à l'artificialisation des sols sur leurs territoires au cours des années civiles précédentes. Un décret en Conseil d'État doit venir préciser les indicateurs et les données qui doivent y figurer [10].
On peut considérer avec certains auteurs que ce dispositif complexe et les notions utilisées, dont celle de ZAN, risquent « de placer l'élaboration des documents d'aménagement et d'urbanisme sous le règne de la calculette, au détriment des arbitrages qu'appelle toute politique d'aménagement un tant soit peu intelligente » [11].
Si le SCoT modifié ou révisé selon les attentes légales n'est pas entré en vigueur avant le 22 août 2026, les ouvertures à l'urbanisation des zones et secteurs visées à l’article L. 142-4 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L4551LXT) seront suspendues. Si le PLU « climatisé » n'est pas entré en vigueur avant le 22 août 2027, aucune autorisation d'urbanisme ne pourra plus être délivrée, dans les zones à urbaniser du PLU, donc même si elle juridiquement ouverte à l’urbanisation, et ce jusqu'à l'entrée en vigueur du PLU climatisé.
Afin de permettre de respecter ces délais, la loi autorise, à titre dérogatoire, de « climatiser » SCoT et PLU par la procédure de modification dite simplifiée, c’est-à-dire sans enquête publique. Mais les collectivités concernées pourront bien entendu préférer mettre en œuvre les procédures « normales » d'évolution de leurs documents d'urbanisme - révision, procédure allégée de révision ou, éventuellement modification de droit commun - ce qui devrait être le cas si les adaptations peuvent être considérées comme allant au-delà de la seule mise en œuvre de la loi.
II. Le respect d’un environnement juridique spécifique
En montagne, les SCoT et PLU sont très souvent en prise avec des documents particuliers, tels les chartes de parcs naturels régionaux, de parcs nationaux, les PGRI, les SDAGE et les SAGE, et en Corse le PADDUC [12]. Les SCoT doivent être compatibles [13], avec ces documents, plus particulièrement avec les objectifs de gestion des risques d'inondation, ainsi qu’avec les orientations fondamentales et les mesures prises par les PGRI, notamment pour la maîtrise de l’urbanisation [14], les orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs de qualité et de quantité définis par les SDAGE (élaborés pour chacun des grands bassins hydrographiques), les objectifs de protection définis par les SAGE (élaborés à une échelle plus locale) [15]. Il doit également être compatible avec les règles générales du fascicule du SRADDET, pour celles de leurs dispositions auxquelles ces règles sont opposables.
Vis-à-vis des dispositions d’urbanisme de la loi « Montagne », qui protège le territoire montagnard et encadre son développement, le SCoT est également en première ligne. L’article L. 131-1 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L4668LX8) applicable aux SCoT non encore modernisés leur fait obligation d’être compatibles avec les dispositions particulières aux zones de montagne ou avec les modalités d'application de ces dispositions lorsqu'elles ont été précisées par une DTA. La seule DTA intéressée par ce cas est celle des Alpes-Maritimes, toujours applicable. Pour les SCoT modernisés, le cas d’une DTA n’est plus visé, le lien entre SCoT et DTA ayant été coupé. Les SCoT modernisés couvrant le territoire de la DTA sont donc soumis à la seule compatibilité avec les dispositions d’urbanisme de la loi « Montagne » [16].
S’il existe un SCoT - en 2019, 70 % environ des communes de montagne étaient couvertes par un SCoT [17] - les PLU (et les cartes communales) doivent alors être compatibles avec le SCoT. Ce dernier semble faire entièrement écran entre le PLU et les dispositions de la loi « Montagne » [18]. Mais la réalité est plus complexe au vu de la jurisprudence rendue par le Conseil d’État pour les dispositions spécifiques au littoral [19], qui peut être transposée. Les auteurs d’un PLU, en présence d’un SCoT, doivent quand même veiller au respect par leur document des dispositions particulières aux zones de montagne. Si par principe les PLU doivent être compatibles avec les SCoT, les auteurs d’un PLU sont d’ailleurs tenus d’écarter un règlement illégal [20], comme le serait un SCoT incompatible avec la loi « Montagne ». L’incompatibilité du SCoT peut ainsi amener le juge à confronter le PLU aux dispositions particulières de la loi sans tenir compte du SCoT. Cela peut être le cas lorsque le SCoT ne comporte aucun élément permettant d’apprécier la compatibilité sur un point précis [21]. La loi « Montagne » reste donc toujours en arrière-plan…
En l’absence de SCoT, les PLU doivent être directement compatibles avec les dispositions particulières aux zones de montagne et aux documents ci-dessus [22]. À titre d’illustration, le Conseil d’État a considéré que la création de deux zones à urbaniser de 80 hectares environ dans une plaine n’était pas compatible avec les dispositions de l’article L. 122-10 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L1853LCM), compte tenu de leur situation, de leurs dimensions et de la rareté des bonnes terres agricoles disponibles dans la commune [23].
Par ailleurs, l’article L.131-10 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7616LC3) impose aux documents d'urbanisme applicables aux territoires frontaliers de prendre en compte l'occupation des sols dans les territoires des États limitrophes.
Enfin, indépendamment des documents et règles supérieurs, tous les SCoT et PLU doivent être compatibles avec les dispositions de l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7076L79) [24]. Cet article contient un grand nombre d’objectifs généraux que doivent poursuivre les collectivités en matière d’urbanisme [25]. Les PLU sont parfois contestés sur la base des dispositions combinées de la loi « Montagne » et de cette disposition, aux motifs par exemple que les auteurs de PLU auraient surestimé le développement de l'activité touristique et fixé des règles incompatibles avec le principe d'une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels. Le tribunal administratif de Grenoble a annulé le PLU révisé de la commune de l’Alpe-d’Huez, jugé incompatible avec ces dispositions, dès lors notamment que « la réhabilitation des lits froids n’est pas appréhendée et n’a fait l’objet d’aucune étude prospective, que l’avenir des lits chauds et les conditions de leur pérennisation n’est pas davantage étudiée, que l’objectif de 40 à 45 % de résidences de tourisme n’est justifié que par la comparaison à d’autres stations de sports d’hiver du département de la Savoie, au demeurant peu comparables, que le développement de l’hôtellerie de luxe n’est pas d’avantage justifié, que les principes de mixité sociales ne sont pas respectés » [26].
III. Maintien et développement de l’activité touristique : les évolutions récentes
Les auteurs de SCoT et PLU de montagne ont à s’interroger sur des sujets spécifiques. Ils peuvent en effet déroger, dans certaines conditions et limites, à quelques interdictions posées par la loi « Montagne » : ils peuvent prévoir une urbanisation en discontinuité [27], soustraire certains plans d’eau de faible importance au principe de protection des rives prévue par l’article L. 121-12 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2329KI4) ou rendre possible la construction dans certains secteurs aux abords des lacs inférieurs à 1 hectare [28]. Il revient ensuite aux PLU de délimiter les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d'y être prévus [29]. Cette délimitation est importante dès lors que c’est uniquement dans ces zones que les équipements et aménagements destinés à la pratique du ski alpin et les remontées mécaniques, équipements sportifs que l’on peut implanter sur les terres agricoles à préserver pourront être réalisés [30] et que la servitude prévue notamment pour les pistes, pylônes et survol peut être instituée [31] .D’autres enjeux sont plus complexes à traiter dans les documents d’urbanisme.
A. La réhabilitation de l’immobilier de loisir
SCoT et PLU doivent aborder le thème de la réhabilitation de l’immobilier de loisir. Le diagnostic, intégré dans le rapport de présentation des SCOT non modernisés [32] ou dans les annexes des SCoT modernisés [33] doit être établi également au regard des besoins. Le DOO d’un SCoT non modernisé doit préciser les objectifs poursuivis [34] tandis que celui d’un SCoT modernisé doit définir ceux de la politique de réhabilitation mais aussi de « diversification » de l'immobilier de loisir [35]. Dans tous les cas, l’analyse des résultats de l’application du SCoT approuvé ou révisé porte notamment sur ces aspects [36]. S’agissant des PLU, le diagnostic doit également être établi au regard des besoins en matière de réhabilitation de l'immobilier de loisir [37], mais les dispositions régissant les dispositions opposables d’un PLU ne fait pas mention d’outils particuliers. L’articulation entre les documents d’urbanisme et les ORIL, qui constituent une des traductions opérationnelles de la politique de réhabilitation, n’est pas spécialement décrite. Les pouvoirs des auteurs de PLU sont enfin limités du fait de la nature des règles d’urbanisme et des mesures susceptibles d’être adressées aux propriétaires privés…
Le sujet, qui intéresse le maintien de l’attractivité et la performance du parc touristique, l’occupation des lits dits tièdes et froids, est sensible et le jugement du tribunal administratif de Grenoble susvisé montre que l’absence de réflexion approfondie sur ces sujets peut entraîner l’annulation d’un PLU de montagne. Il deviendra plus prégnant encore sous l’impulsion de la loi « climat et résilience », qui tout à la fois tend à la maîtrise de l'étalement urbain, au renouvellement urbain, et à l’optimisation de la densité des espaces urbanisés. Ainsi qu’il a été dit, un PLU ne pourra prévoir l'ouverture à l'urbanisation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers que s'il est justifié, au moyen d'une étude de densification des zones déjà urbanisées, que la capacité d'aménager et de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés [38].
Les SCoT peuvent devenir un document pivot de cette politique. La réforme de 2020 a donné à ces documents modernisés un contenu plus opérationnel et plus large. Le DOO d’un SCoT modernisé peut décliner toute orientation nécessaire à la traduction du PAS relevant des objectifs énoncés à l'article L. 101-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7076L79) et de la compétence des collectivités publiques en matière d'urbanisme [39]. Le SCoT peut comprendre un programme d'actions visant à accompagner sa mise en œuvre, et précisant les actions prévues sur le territoire qu’elles soient portées par la structure compétente ou ses membres, et même par tout acteur public ou privé du territoire concourant à la mise en œuvre du SCoT ou associé à son élaboration, en prenant en compte les compétences de chacun [40]. Ces nouvelles dispositions vont permettre, si cela est souhaité, d’inscrire dans le SCoT une stratégie opérationnelle pour la ou les stations concernées.
B. Le maintien de l’hébergement touristique et des hôtels
Le sujet, lié au précédent, intéresse toutes les communes touristiques, balnéaires et de montagne, et soulève la délicate question de l’étendue des pouvoirs impartis aux auteurs de PLU, dans le cadre des dispositions du Code de l’urbanisme qui régissent le contenu des PLU et les destinations [41]. Des auteurs de PLU ont introduit des règles, souvent contestées, interdisant le changement de destination des hébergements hôteliers existants, identifiés dans les documents graphiques. La jurisprudence évolue favorablement à l’égard de telles dispositions. La cour administrative d’appel de Nantes a annulé une disposition de ce type, mais parce qu’elle n’était pas prévue pour les hébergements hôteliers à construire dans les secteurs concernés et que les auteurs du PLU ne pouvaient pas prévoir, sur le fondement de l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0545LEW), des règles différentes pour des constructions relevant de la même catégorie de destination. Pour elle, les hôtels créés postérieurement à l'adoption du PLU n’étaient pas dans une situation différente de ceux identifiés, au regard de l'objectif de maintien de la capacité hôtelière, et la différence de traitement au sein d’une même destination était disproportionnée [42]. Viser les hôtels futurs dans les secteurs concernés peut être une précaution à prendre…
La cour administrative d’appel de Marseille a quant à elle validé récemment une interdiction prévue dans certaines zones d’un PLU, de même qu’une disposition permettant de déroger dans les cas de reconstruction ou de transformation, sans changement de destination des établissements existants, aux règles de gabarit, hauteur, emprise au sol, prospect, si la construction existante ne respectait pas lesdites règles. Bien entendu, ces mesures doivent être justifiées. Dans cette dernière affaire, le PADD du PLU prévoyait de préserver le tissu hôtelier stratégique pour pérenniser la vocation touristique de la commune. Le rapport de présentation faisait état de la volonté de « maintenir les mesures incitatives telles que des emprises au sol élevées pour les aménagements hôteliers tout en dissuadant l’évolution des 53 hôtels existant vers l’immobilier classique » [43].
C. Les projets d’UTN
La réforme des UTN opérée par la loi « Montagne 2 » (loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne N° Lexbase : L0100LCP), entrée en vigueur le 1er août 2017, a eu pour objet, principalement, de les intégrer dans les SCoT et PLU, selon qu’il s’agit d’UTN structurantes ou locales. Elle a fait l’objet d’un commentaire complet par le ministère en 2018 [44]. Récemment, les députés chargés du rapport d’information sur l’évaluation de la loi « Montagne 2 » [45] ont noté avec satisfaction que cette loi a instauré un équilibre, « recherché par tous les acteurs », et que, de l’avis du ministère de la Cohésion des territoires, « les collectivités territoriales n’émettent pas de remontées négatives et semblent s’être approprié le dispositif qui avait pour principaux objectifs la simplification et la planification des projets ».
Ils ont également noté que l’objectif ZAN faisait peser de nombreuses inquiétudes sur la constructibilité en zone de montagne et que certains projets de SCoT comportaient, en quelque sorte par précaution, un grand nombre d’UTN structurantes « dont il est évident qu’il n’est pas prévu de toutes les réaliser »…
[1] Ordonnance n° 2020-744 du 17 juin 2020 pour les SCoT (N° Lexbase : L4299LXI), loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (N° Lexbase : L8342IZY), et décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 (N° Lexbase : L0839KWY) pour les PLU.
[2] Cf. pour les SCoT, l’article 7 de l’ordonnance qui prévoit que ses dispositions sont applicables aux SCoT, aux PLU, aux documents en tenant lieu et aux cartes communales « dont l’élaboration ou la révision est engagée à compter du 1er avril 2021 », les auteurs de SCoT en cours pouvant se soumettre volontairement à ses dispositions.
[3] Les autres documents régionaux, le PADDUC, le SDRIF et les SAR sont également concernés.
[4] Art. 191.
[5] Ou lors de leur première modification ou révision à compter du 22 août 2021, dans l’hypothèse où le schéma régional intègrerait déjà des objectifs de la loi.
[6] Nouvel art. L. 141-8 (N° Lexbase : L6783L7D).
[7] art. 194, § IV, 11°. Le DOO et le PADD à défaut de PAS seront alors utilisés.
[8] C. urb., art. L. 153-27 (N° Lexbase : L6909L7Z).
[9] Une partie de ces données devrait être disponible compte tenu des obligations qui pèsent déjà sur les SCoT et les PLU en matière d'analyse de la consommation foncière.
[10] CGCT, art. L. 2231-1 (N° Lexbase : L6707L7K). Ce rapport rendra compte de la mesure dans laquelle les objectifs de lutte contre l'artificialisation sont atteints.
[11] P. Soler-Couteaux, J.-P. Strebler, Les documents d'urbanisme à l'épreuve du zéro artificialisation nette : un changement de paradigme, RDI, 2021, p. 512.
[12] Le PADDUC comprend un « plan montagne » pour répondre aux problématiques de la montagne Corse. Cf Le PADDUC dans son intégralité.
[13] La compatibilité se distingue de la conformité en ce que la seconde implique un rapport de stricte identité alors que la première se satisfait d’une non-contrariété. Elle implique l’obligation de ne pas aller à l’encontre de la politique d’ensemble retenue lors de l’élaboration du document supérieur. Pour mesurer cette compatibilité, il faut rechercher dans le cadre d'une analyse globale conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose ce document, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier du document supérieur.
[14] Le PGRI définit les objectifs de la politique de gestion des inondations à l’échelle du bassin ou d’un groupement de sous-bassins. Il traite l’ensemble des aspects de la gestion des inondations : la prévention, la surveillance, la prévision et l’information sur les phénomènes, la réduction de la vulnérabilité des territoires, l’information préventive, l’éducation, la résilience et la conscience du risque.
[15] Les SDAGE et SAGE appréhendent notamment les enjeux du développement touristique en montagne (impact sur l’eau potable en haute saison, impact des enneigeurs artificiels sur le cycle naturel de l’eau, opportunité de réaliser certains projets au regard de l’évolution climatique et de la pérennité de l’enneigement…).
[16] La DTA des Alpes-Maritimes continuera ainsi à s’appliquer en termes de compatibilité à tous les SCoT de son périmètre, tant que leur élaboration ou leur révision n’aura pas été prescrite à compter du 1er avril 2021 (sauf application anticipée de l’ordonnance « hiérarchie des normes » dans le cadre d’une procédure d’élaboration ou de révision en cours avant 1er avril 2021).
[17] Cerema, SCoT et montagnes Repères techniques et juridiques. On trouve bien entendu des situations très différentes, entre des SCoT comportant une partie de territoire en montagne (Grand Clermont, Grande Région de Grenoble, Ouest Alpes Maritimes), des SCoT dont le territoire est intégralement en zone de montagne (Haut-Jura, Tarentaise-Vanoise, Pays de Maurienne…).
[18] C. urb., art. L 131-4 (N° Lexbase : L4653LXM).
[19] L. Prieur, La loi « littoral » et le SCoT, Lexbase Pub. n° 635 N° Lexbase : N8399BYQ), 2021 et CE, 29 septembre 2020, n° 423087 N° Lexbase : A13923WH).
[20] CE, 9 mai 2005, n° 277280 (N° Lexbase : A2186DIS).
[21] Cf. dans un cas de ce type CAA Marseille, 9 juillet 2019, n° 18MA04160 (N° Lexbase : A9840ZKN).
[22] C. urb., art. L 131-6 (N° Lexbase : L4654LXN).
[23] CE, 6 février 1998, n° 161812 (N° Lexbase : A6336ASH).
[24] Parmi lesquels, le principe d’équilibre entre notamment le renouvellement urbain, le développement urbain et rural maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain et une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels, le principe de diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, le principe de protection des milieux naturels et des paysages.
[25] Pour une application récente s’agissant d’un SCoT : CAA Douai, 12 octobre 2021, n° 20DA00617 (N° Lexbase : A5298494).
[26] TA Grenoble, 19 octobre 2017, n° 1600090 (N° Lexbase : A9039WWP).
[27] C. urb., art. L. 122-7 (N° Lexbase : L2375KIS).
[28] C. urb., art. L. 122-14 (N° Lexbase : L2382KI3).
[29] C. urb., art. L. 151-38 (N° Lexbase : L2595KIX) et R. 151-48 (N° Lexbase : L0294KWS).
[30] C. urb., art. L. 473-2 CU (N° Lexbase : L2778KIQ).
[31] C. tour., art. L 342-18 (N° Lexbase : L1811LC3). Condition non applicable notamment aux servitudes instituées en vue de faciliter la pratique du ski de fond ou l'accès aux sites d'alpinisme, d'escalade en zone de montagne et de sports de nature ainsi que l'accès aux refuges de montagne.
[32] C. urb., art L 141-3 (N° Lexbase : L6780L7A).
[33] C. urb., art. L 141-15 (N° Lexbase : L4674LXE).
[34] C. urb., art. L 141-12 (N° Lexbase : L4534LX9).
[35] C. urb., art. L 141-11 (N° Lexbase : L4533LX8).
[36] C. urb., art. L 143-28 (N° Lexbase : L6785L7G).
[37] C. urb., art. L 151-4 (N° Lexbase : L9974LMD).
[38] C. urb., art. L 151-5 modifié (N° Lexbase : L6786L7H).
[39] C. urb., art. L 141-4 (N° Lexbase : L9974LMD).
[40] C. urb., art. L. 141-19 (N° Lexbase : L4575LXQ).
[41] C. urb., art. R. 123-9 (ancien) pour les PLU non modernisés et R. 151-33 (N° Lexbase : L0309KWD) pour les PLU modernisés.
[42] CAA Nantes, 6 octobre 2020, n° 19NT03666 (N° Lexbase : A95313WW).
[43] CAA Marseille, 17 décembre 2021, n° 19MA04240.
[44] Ministère de la Cohésion des territoires, Fiche n° 5, Les unités touristiques nouvelles.
[45] Rapport d'information sur l’évaluation de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.
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par Jean-Marc Petit, Avocat associé, cabinet Adaltys, chargé d’enseignement à l’Université Lyon 3
Le 20 Janvier 2022
Mots clés : urbanisme • montagne • risques naturels
Cet article est issu d'un numéro spécial « Droit de l'urbanisme en montagne » réalisé en collaboration avec le cabinet Adaltys. Pour consulter le sommaire de ce numéro spécial, cliquez ici (N° Lexbase : N0123BZL).
Bien entendu, les risques naturels n’intéressent pas tous les territoires de montagne et pas seulement ces territoires. Selon le ministère de la transition écologique et solidaire, les deux tiers des communes françaises sont exposés à un risque naturel au moins [1]. Mais les territoires montagnards sont affectés par des risques spécifiques (avalanches) et plus fortement par d’autres (chûtes de blocs, éboulements, crues torrentielles…). Quel que soit le territoire concerné, notre législation qui intéresse les risques est marquée par une très grande complexité, due à plusieurs causes, dont la diversité des règlementations, issues de plusieurs codes [2], la coexistence de documents locaux intéressant un même risque, résultant de démarches distinctes et élaborés à des niveaux différents [3] et l’imbrication des compétences de l’État et des collectivités. Cette complexité génère un manque de visibilité sur les limites des interventions et les responsabilités des collectivités, par exemple en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI), de gestion des eaux pluviales, de police générale [4]… Dans le domaine de l’urbanisme, les difficultés récurrentes tiennent surtout aux limites de cette législation.
I. La prise en compte des risques à travers les éventuels PPRN et les PLU
Le document qui a pour objet particulier de régir l’occupation et l’utilisation des sols en cas d’existence de risques naturels est le plan de prévention des risques naturels (PPRN), document de l’État, régi par le Code de l’environnement [5]. Les PPRN peuvent concerner les inondations (PPRI), les mouvements de terrain, les avalanches (PPRA). L’existence d’un tel plan déclenche par ailleurs des obligations en matière d’information sur les risques majeurs [6].
En tant que servitude d’utilité publique (SUP), ils doivent être annexés aux PLU. Ensuite, le principe, résultant de la combinaison de plusieurs dispositions légales et règlementaires, est que l'ensemble des servitudes instituées par le PPRN sont immédiatement opposables, pendant une durée d'un an à compter de l'approbation de ce plan, aux décisions d'occupation du sol et qu’au-delà seules les servitudes annexées au PLU demeurent opposables [7]. Les PPRN doivent alors justifier des refus de permis leurs dispositions ne sont pas respectées, indépendamment des règles contenues dans le PLU applicable, même si ces dernières sont plus favorables. En pratique toutefois, certains PPRN soulèvent des difficultés lors de l’instruction des demandes d’autorisation en ce qu’ils identifient des règles de construction distinctes de règles d’urbanisme [8], et précisent que les services chargés de l’application du droit des sols ne sont pas chargés de vérifier leur respect, ce qui au demeurant peut difficilement être au vu des pièces des dossiers de demande (c’est le cas également de règles identifiées comme des règles d’urbanisme). La jurisprudence n’ayant visiblement pas eu à connaître de cette distinction, les maîtres d’ouvrage privilégient de démontrer dans leurs dossiers que l’ensemble des règles du PPR sont respectées [9].
Par ailleurs, aucune disposition ne régit vraiment l’articulation entre un PLU et un PPR applicables sur un même territoire. La jurisprudence rendue montre qu’un PLU peut être entaché d’une erreur manifeste d’appréciation et annulé lorsque les risques sont identifiés par le PPR applicable alors qu’ils ne le sont pas par le PLU. La difficulté porte sur la manière d’assurer une cohérence entre ces documents, ou au minimum la bonne information des usagers, notamment dans les zones qui, sans être inconstructibles, font l’objet de dispositions particulières dans le PPRN. La jurisprudence n’exige pas à ce titre que les prescriptions de ce dernier soient reprises dans le PLU [10]. Un PLU n’a pas à reprendre par exemple l’enveloppe inondable d’une zone rouge et la marge de recul de vingt mètres par rapport au cours d’eau prescrite par le PPRN [11]. Il a été récemment considéré que « les autorités compétentes en matière d’urbanisme sont seulement tenues de reporter en annexe du PLU les servitudes environnementales résultant de PPRN » et qu’il leur est « loisible, sur le fondement de la législation d’urbanisme (…) de prévoir dans le PLU leurs propres prescriptions destinées à assurer, dans des secteurs spécifiques exposés à des risques naturels qu’elles délimitent, la sécurité des biens et des personnes » [12]. En pratique, les manières de procéder varient selon le niveau de risque défini par le PPRN et les directives données par les services de l’État.
Il reste que les territoires soumis à des risques ne sont pas tous couverts par un PPRN. Le PLU se trouve alors en « première ligne ». Les SCoT ne sont pas, sauf rares exceptions, opposables aux demandes d’autorisation. Mais ils doivent être compatibles avec les SDAGE, SAGE et PGRI notamment, et ne peuvent pas se désintéresser de cet aspect [13]. Parmi les objectifs assignés aux collectivités par l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7076L79) figurent notamment «la sécurité et la salubrité publiques » et «la prévention des risques naturels prévisibles et des pollutions et des nuisances de toute nature». Dans les communes de montagne, en l'absence de PPRN, les documents d'urbanisme « tiennent compte des risques naturels spécifiques à ces zones, qu'il s'agisse de risques préexistants connus ou de ceux qui pourraient résulter des modifications de milieu envisagées » [14].
En l’état, les PLU sont encore très majoritairement, surtout en zone de montagne, élaborés au niveau communal, qui, souvent, ne correspond pas à l’échelle de gestion des risques naturels.
Les leviers que peuvent utiliser les auteurs d’un PLU (PLUi) sont nombreux, mais ils ne sont pas tous connus et utilisés. Le PLU peut d’abord classer en zone naturelle et forestière, les secteurs à protéger en raison, notamment, de la nécessité de prévenir les risques, notamment d'expansion des crues [15]. Le Code de l’urbanisme permet également aux documents graphiques de faire apparaître, s’il y a lieu, les secteurs de zones, urbaines ou non, où l'existence de risques naturels justifient que les constructions et installations de toute nature, permanentes ou non, les plantations, dépôts, affouillements, forages et exhaussements des sols soient interdites [16] ou soumises à des conditions spéciales [17]. À défaut, le PLU est susceptible d’être considéré comme illégal. L’erreur manifeste d’appréciation est par exemple caractérisée si une zone urbaine n’est pas identifiée comme un secteur de risques naturels alors qu’elle l’est par l'atlas des zones inondables et que la collectivité n'apporte aucun élément permettant d'estimer que ce risque serait en réalité faible ou inexistant [18].
À l’inverse, les prescriptions fixées par un PLU ne doivent pas être trop restrictives : elles sont illégales s'il apparaît que le risque identifié ne justifie pas les règles figurant dans le PLU [19].
Le règlement du PLU peut également utiliser toutes les autres prescriptions habituelles (destination des constructions, règles d'implantation…). Le PLU peut aussi fixer des conditions pour limiter l'imperméabilisation des sols, pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement, et prévoir le cas échéant des installations de collecte, de stockage voire de traitement des eaux pluviales et de ruissellement dans les zones délimitées en application du 3° et 4° de l'article L. 2224-10 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9222IMI) [20]. Souvent, les collectivités et leurs groupements mènent d’ailleurs en parallèle les deux procédures – PLU et zonage pluvial – pour aboutir à une cohérence de contenu et de politiques de prévention. L'article R. 151-43 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0299KWY) ouvre d’autres possibilités : imposer que les surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables d'un projet représentent une proportion minimale de l'unité foncière, imposer des obligations en matière de réalisation d'espaces libres et de plantations, d’installations nécessaires à la gestion des eaux pluviales et du ruissellement…
En revanche, les PLU ne doivent pas contenir une disposition prescrivant la production, par les pétitionnaires, de pièces non prévues par le Code de l’urbanisme, par exemple une étude géotechnique, et ce même si le PLU procède lui-même à une délimitation de zones exposées à des risques[21].
II. La prise en compte des risques lors de l’instruction et la délivrance des autorisations d’urbanisme
A. La composition des dossiers de demande
Pour certains projets situés dans des secteurs exposés à des risques, des pièces particulières doivent être comprises dans les dossiers de demande. L’article R. 431-16 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7508L9X) vise diverses attestations de professionnels, notamment lorsque lorsqu’une étude préalable est imposée par un PPRN, portant sur les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation des constructions projetées. Dans ce dernier cas, le f) dudit article impose de produire un document établi par l’architecte du projet ou par un expert attestant qu’une étude a été menée et que les conditions susvisées ont été prises en compte par le projet au stade de sa conception. Ces documents sont fournis sous l'entière responsabilité des demandeurs [22] et relèvent ainsi d’une forme de système déclaratif sur la prise en compte des études menées par des professionnels compétents. Ces documents alimentent une jurisprudence assez abondante. Le service instructeur doit impérativement s’assurer que ces attestations figurent dans le dossier de demande. À défaut, il doit demander au pétitionnaire, en principe dans le premier mois de son dépôt [23] de compléter son dossier, et ce même si une étude est produite. A cette occasion, il doit vérifier que la rédaction de l’attestation répond exactement à ce qui est exigé. L’attestation doit être ainsi sans ambiguïté, ce qui n’est pas le cas si elle mentionne par erreur un autre projet, et le dossier ne doit pas faire apparaître qu’elle antérieure à l’étude [24]. Il a enfin été confirmé, ce qui est important pour les services instructeurs, qu’une attestation régulière suffit, qu’il n’est donc pas nécessaire d’exiger l’étude elle-même [25] et que, si elle est néanmoins produite, il n’y pas lieu de porter une appréciation sur le contenu de l’étude et son caractère suffisant au regard des exigences du PPRN [26].
B. L’utilisation de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme
L’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0569KWY), applicable dans toutes les communes, prévoit de manière générale que « le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ».
L’existence d’un PLU qui permettrait de construire n’empêche pas de refuser un permis ou de l’assortir de prescriptions sur le fondement de cet article. La jurisprudence a précisé qu’il en va de même lorsqu’un PPRN existe, si le risque n’est pas pris en compte par ce document, s’il l’est insuffisamment ou si les prescriptions du PPRN afférentes à ce risque apparaissent insuffisantes ou inadaptées [27]. Dans tous les cas, l’autorité doit d’abord rechercher si des prescriptions particulières sont suffisantes et c’est seulement à défaut, ou si ces prescriptions conduiraient à des modifications substantielles du projet imposant le dépôt d’une nouvelle demande, que le refus d’autorisation s’impose. A ce propos, il faut rappeler que si la rédaction de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme laisse penser que l’autorité compétente n’est pas obligée de refuser l’autorisation lorsqu’il y a un risque pour la sécurité publique, cette liberté est très relative. Un permis délivré peut en effet faire l’objet d’un recours et être annulé pour erreur manifeste d’appréciation. A pu ainsi être annulé un permis portant sur une maison d’habitation alors que les études effectuées montraient que le terrain concerné était situé dans une zone inondable avec un aléa fort, et ce, même si l'intéressé avait prévu d'aménager les parties habitables à 1m au-dessus du sol, dès lors que cette précaution était insuffisante au vu de l'intensité des risques [28]. Même si un permis n’est pas contesté, son illégalité peut également être constatée à l’occasion d’un contentieux ultérieur en indemnisation lorsqu’un dommage se produit. Si l’existence du risque est avérée et connue, même non identifiée par les documents règlementaires applicables ou en cours d’élaboration, la responsabilité de l’administration peut être engagée en cas de délivrance du permis [29]. Des responsabilités pénales sont même encourues, en cas de connaissance du risque par l’administration [30].
Inversement, si, au stade de l’instruction des demandes, l’autorité n’a que de simples suspicions non justifiées, un refus de permis est illégal et peut engager la responsabilité de l’administration [31]. Certes, il lui appartient de prendre en compte le principe de précaution, mais elle ne peut pas opposer légalement un refus en l’absence d’éléments circonstanciés faisant apparaître, en l’état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier ce refus [32].
Toutefois, à ce stade, les études, quand elles existent, peuvent ne pas être fines ou avoir été menées sur l’ensemble du secteur concerné. Dans ce cas, la commune peut décider de réaliser une étude spécifique, ou comme certaines le font, demander au pétitionnaire de lui transmettre une telle étude. En droit toutefois, le principe est que la production de documents non prévus par le code de l’urbanisme ne peut pas être demandée, même si le PLU impose une telle étude. L’article R. 431-4 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L4931I87), après avoir listé les pièces exigibles, précise très clairement qu’«aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente». De plus, la réalisation d’une telle étude cadre mal avec le délai d’instruction d’une demande de permis, qui ne peut pas plus être prolongé par une demande portant sur la production d’une pièce non exigible. Cette étude peut par ailleurs ne pas être pertinente, lorsque des investigations sont nécessaires sur d’autres terrains ou secteurs. Les résultats de l’étude peuvent enfin être difficilement interprétables ou utilisables, lorsqu’elles renvoient à des techniques de construction.
Dans nombre de situations, les collectivités sont démunies, notamment lorsqu’elles ne savent pas si le maître d’ouvrage a pris des mesures et si elles suffisent à prévenir les risques. Certains services instructeurs proposent alors de refuser systématiquement les permis de construire sur le fondement de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme et du principe de précaution, alors même qu’un danger n’est pas caractérisé à la parcelle et que des prescriptions seraient peut-être possibles. La jurisprudence considère effectivement que, saisie d’une demande portant sur un projet susceptible de présenter un risque, l’autorité administrative peut la refuser s’il apparaît que ce risque est sérieux et que, n’étant pas tenue de réaliser à ses frais une étude sur les conditions de prise en charge de ce risque, elle ne dispose d’aucune étude suffisamment précise pour garantir la protection de la sécurité. Dans ce cas, le refus est justifié et le seul fait que le Code de l’urbanisme ne permet la production d’une étude technique n’est pas de nature à entacher d’illégalité ce refus [33]. In fine, il revient au tribunal administratif, s’il est saisi, de statuer sur la légalité des refus et permis délivrés au vu des éléments techniques produits par les parties. Sont ainsi discutées des questions techniquement complexes (notamment en matière d’avalanches [34]).
Enfin, s’agissant des prescriptions particulières, il est souvent indiqué qu’elles ne devraient pas porter sur des techniques de construction, relevant de la responsabilité des constructeurs et non des règles sanctionnées par les permis de construire [35]. Mais la distinction entre prescriptions légales ou illégales n’est pas toujours facile à opérer, la jurisprudence s’accommodant par ailleurs souvent de mesures constructives pour conclure à la légalité d’un permis délivré [36]. Là aussi, les collectivités procèdent de façon pragmatique, surtout en l’absence de PPRN contenant des prescriptions techniques.
L’article R 111-2 du Code de l’urbanisme n’est ainsi pas toujours facile à manier par les collectivités et le juge administratif. Les textes pourraient être modifiés, au prix d’un surenchérissement pour les pétitionnaires du coût des études préalables, ne serait-ce que pour étendre aux périmètres de risques délimités par les PLU le régime des attestations de l’article R. 431-16 du Code de l’urbanisme, applicable uniquement lorsqu’un PPRN existe.
[1] Cf. Prévention des risques naturels, site du ministère de la Transition écologique.
[2] Code de l’environnement, Code rural et de la pêche maritime, Code de l’urbanisme.
[3] SDAGE, PGRI, PPRI…
[4] Par exemple en ce qui concerne l’obligation de réaliser des ouvrages de protection (contre les eaux, les avalanches…), les mesures susceptibles d’être prises à l’égard de propriétaires privés, par exemple en cas de risques de chutes de blocs, selon l’imminence et la gravité des dangers…
[5] C. env., art. L. 562-1 (N° Lexbase : L7809IUR) et suiv.
[6] Etablissement d’un dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM) par l’État, d’un document d'information communale sur les risques majeurs (DICRIM) et plan communal (ou intercommunal) de sauvegarde (PCS ou PIS) pour les collectivités.
[7] Cf. par ex. CE, 19 novembre 2010, n° 331640 (N° Lexbase : A4277GKM). Sous réserve néanmoins de la publication du PPRN : CAA Lyon, 7 janvier 2021, n° 19LY01521 (N° Lexbase : A48404CA).
[8] Portant par exemple sur la création à l’intérieur de bâtiments de zones refuges, la localisation des réseaux et équipements électriques, électroniques, micro-mécaniques et les installations de chauffage, les fondations à une profondeur suffisante (inondations), l’adaptation du dispositif d’infiltration à la nature du terrain (glissements de terrain), la protection ou le renforcement des façades exposées (chutes de blocs).
[9] Le juge vérifiant ensuite le respect de ces règles. Par exemple pour les modalités de construction des façades : TA Grenoble, 9 mars 2021, n° 2002782.
[10] CE, 14 mars 2003, n° 235421 (N° Lexbase : A5608A7T).
[11] CAA Marseille, 30 septembre 2019, n° 19MA04014 (N° Lexbase : A5709ZQI).
[12] CAA Nantes, 6 mars 2020, n° 19NT03320 (N° Lexbase : A62367IS).
[13] Cf. C. urb., art. L. 141-5 (N° Lexbase : L4546LXN) applicable aux SCOT non modernisés et le nouvel article L. 141-4 (N° Lexbase : L4530LX3) pour les SCOT modernisés.
[14] C. env., art. L. 563-2 (N° Lexbase : L9769LEK).
[15] C. urb., art. R. 151-24 (N° Lexbase : L0318KWP).
[16] C. urb., art. R. 151-31 2° CU (N° Lexbase : L0311KWG).
[17] C. urb., art. R. 151-34 1° (N° Lexbase : L0308KWC).
[18] CAA Bordeaux, 7 mars 2018, n° 18BX00515 (N° Lexbase : A3699XHH).
[19] CAA Marseille, 19 oct.2006, n° 03MA01967 (N° Lexbase : A7526DSK).
[20] C. urb., art. R. 151-49 (N° Lexbase : L0293KWR).
[21] CAA Lyon, 27 mars 2012, n° 11LY01465 (N° Lexbase : A7857IPP).
[22] C. urb., art. R. 431-33-2 (N° Lexbase : L9310I7X).
[23] C. urb., art. R. 423-38 (N° Lexbase : L3484L78). Au-delà, la demande de complement peut être faite mais elle ne prorogera pas le délai d’instruction.
[24] CAA Marseille, 30 septembre 2021, n° 20MA01341 (N° Lexbase : A11497AS).
[25] CAA Lyon, 13 avril 2021, n° 19LY02419 (N° Lexbase : A02724Q7). Contra : CAA Versailles, 28 février 2020, n° 18VE03804 (N° Lexbase : A19373LC).
[26] CE, 25 octobre 2018, n° 412542 (N° Lexbase : A0710YI7) ; CAA Lyon, 16 mai 2019, n° 18LY03004 (N° Lexbase : A5340ZD7).
[27] CE, 22 juillet 2020, n° 426139 (N° Lexbase : A61983RY).
[28] CAA Lyon, 27 juill. 2004, n° 02LY01552 (N° Lexbase : A5173DDX).
[29] CE, 13 mars 2020, n° 423501 (N° Lexbase : A77363ID).
[30] Cf. par exemple la jurisprudence rendue dans le cadre de la tempête Xynthia : Cass. crim., 2 mai 2018, n° 16-83.432, F-D (N° Lexbase : A62347IQ).
[31] CAA Marseille, 9 octobre 2008 n° 06MA01214 (N° Lexbase : A0280EBY).
[32] CAA Versailles, 28 février 2020, n° 18VE04178 (N° Lexbase : A93303GN).
[33] CAA Lyon, 30 septembre 2014, n° 13LY02421 (N° Lexbase : A9960M9R) et CE, 14 mars 2003, n° 233545 (N° Lexbase : A5601A7L).
[34] CAA Lyon, 11 février 2020, n° 19LY01205 (N° Lexbase : A79233E8).
[35] TA Marseille, 13 mars 2008, n° 0507609.
[36] CAA Nantes, 15 novembre 2013, n° 12NT00765 (N° Lexbase : A8868MLZ) ; CAA Nantes, 12 octobre 2012, n° 11NT01119 (N° Lexbase : A4369IX4).
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par Virginie Corbalan, Avocat, cabinet Adaltys
Le 20 Janvier 2022
Mots clés : urbanisme • montagne • chalets
Cet article est issu d'un numéro spécial « Droit de l'urbanisme en montagne » réalisé en collaboration avec le cabinet Adaltys. Pour consulter le sommaire de ce numéro spécial, cliquez ici (N° Lexbase : N0123BZL).
Les dispositions de la loi « montagne » (loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne N° Lexbase : L7612AGZ) organisent un principe de protection des terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières.
Cette protection est codifiée à l’article L. 122-10 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1853LCM) [1].
La loi autorise néanmoins, dans ces espaces « la restauration ou la reconstruction d'anciens chalets d'alpage ou de bâtiments d'estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d'alpage ou de bâtiments d'estive existants dans un objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard et lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière » en application de l’article L. 122-11 3° du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1854LCN).
Le législateur n’a pas donné de définition du chalet d’alpage qui a fait son apparition dans le Code de l'urbanisme avec la loi n° 94-112 du 9 février 1994, portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de construction (N° Lexbase : L8040HHA), définissant pour la première fois un régime juridique particulier relatif à la protection et à la mise en valeur des chalets d’alpage.
La circulaire n° 96-66 du 19 juillet 1996 les a définis comme désignant « les constructions en alpage traditionnellement utilisées de façon saisonnière pour l’habitat et les besoins professionnels des éleveurs et des agriculteurs occupées à la fauche » [2].
Dans une réponse ministérielle de 1999 [3], ils ont été définis comme correspondant « aux constructions situées en alpage qui traditionnellement servaient d'habitat saisonnier dans le cadre d'activités pastorales ».
La jurisprudence les a définis comme « des constructions en alpage traditionnellement utilisées de façon saisonnière pour l’habitat et les besoins professionnels des éleveurs et des agriculteurs » [4].
Le bâtiment d’estive a quant à lui fait son apparition dans le Code de l’urbanisme avec la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003, urbanisme et habitat (N° Lexbase : L6770BH9).
L’ajout des bâtiments d’estive a ainsi permis d’étendre le régime des chalets d’alpage à d’autres massifs, notamment dans le Massif central et les Pyrénées [5].
La circulaire n° 96-66 du 19 juillet 1996 a été abrogée par l’instruction du 12 octobre 2018 explicitant les modalités d'application des dispositions particulières à la montagne du Code de l’urbanisme, issues du titre IV de la loi « montagne » et du titre III de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (N° Lexbase : L0100LCP), et codifiées aux articles L. 122-1 (N° Lexbase : L2369KIL) à L. 122-25 [6] et son annexe, la fiche thématique n° 10 relative au régime applicable aux chalets et bâtiments d’estive [7].
La définition du chalet d’alpage n’a toutefois pas été remise en cause.
Trois critères cumulatifs permettent donc d’identifier un ancien chalet d’alpage ou bâtiment d’estive :
- une situation en alpage ou en estive ;
- une utilisation saisonnière ;
- et une mixité fonctionnelle du bâtiment servant à la fois d’habitation et d’activité professionnelle des éleveurs ou agriculteurs de fauche en montagne (par exemple, la production de fromage).
La restauration/reconstruction et l’extension limitée de ces chalets d’alpage et bâtiments d’estive répondant à ces trois critères cumulatifs peuvent, dans le souci de préservation du patrimoine culturel montagnard consacré à l’article L. 122-9 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2377KIU), être réalisées sur des terres nécessaires à l’activité agricole.
Encore faut-il que le chalet d’alpage ou le bâtiment d’estive ne soit pas en l’état de ruine [8] et, en cas d’extension limitée, que la destination soit liée à une activité professionnelle saisonnière.
Le régime dérogatoire applicable en matière de restauration/reconstruction et d’extension limitée des anciens chalets d’alpage et bâtiments d’estive est fondé sur une double autorisation : une autorisation préfectorale (I) qui se cumule à une autorisation d’urbanisme de droit commun (II), outre la constitution préalable d’une servitude en l’absence de desserte par les voies et les réseaux (III).
Ne sont pas soumis à ce régime dérogatoire :
- la restauration, la reconstruction et l’extension de chalets d’alpage et bâtiments d’estive existants déjà affectés à une exploitation agricole, pastorale et forestière ;
- et la construction de nouveaux chalets d’alpage à des fins d’exploitation agricole, pastorale et forestière.
I. L’autorisation préfectorale
Une autorisation préfectorale est nécessaire préalablement à la restauration/reconstruction et à l’extension limitée des anciens chalets d’alpage et bâtiments d’estive depuis la loi n° 94-112 du 9 février 1994.
L’objectif du législateur était de « contribuer effectivement à l’objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard dont ces constructions constituent un témoignage irremplaçables » [9] tout en assurant un contrôle plus efficace de ces opérations qui ne sont pas soumises au principe d’urbanisation en continuité prévu par l’article L. 122-5 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1851LCK) [10] en raison de la nature et de la destination de ces bâtiments.
En effet, les chalets d’alpage et les bâtiments d’estive sont souvent isolés.
L’arrêté préfectoral autorisant la restauration/reconstruction ou l’extension limitée des anciens chalets d’alpage ou bâtiments d’estives est pris après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Pour être autorisés, les travaux doivent, conformément aux dispositions de l’article L. 122-9 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1851LCK) :
- préserver et mettre en valeur la patrimoine culturel montagnard ;
- et ne pas porter atteinte à la préservation des espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel.
La protection et la mise en valeur du patrimoine montagnard a été appréciée strictement par la jurisprudence.
Ainsi, le Conseil d'Etat a considéré que :
« pour l’application [des dispositions de l’article L. 145-3 du Code de l'urbanisme, aujourd’hui codifiées à l’article L. 122-11 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1854LCN)], qui visent à protéger et à mettre en valeur le patrimoine montagnard et participent de l’objectif de maîtrise de l’urbanisation des zones de montagne poursuivi par les dispositions issues de la loi du 9 janvier 1985, la reconstruction ne peut être autorisée qu’au même emplacement » [11].
Le Conseil d'Etat confirme ainsi l’arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qui, pour rejeter l’appel, a relevé que l’emplacement de la construction projetée était distinct de celui de l’ancien chalet détruit (différence d’implantation de 10 à 20m) et en a déduit que celle-ci ne pouvait être qualifiée de reconstruction au sens des dispositions de l’article L. 145-3 du Code de l'urbanisme.
Cette protection du patrimoine montagnard passe également par le contrôle des matériaux utilisés.
La cour administrative d'appel de Lyon a estimé que le préfet de de Savoie avait pu, sans erreur d’appréciation, estimer que le projet portait atteinte à l’objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard en raison du choix du matériau de couverture constitué d’un bac acier et non d’une toiture traditionnelle de lauzes [12].
Le dossier de demande d’autorisation préfectorale doit être composé :
- d’un plan de situation du terrain (carte au 1/25 000ème et extrait cadastral) ;
- d’un plan masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions ainsi que, le cas échéant, les travaux extérieurs à celles-ci ;
- de plans et les photos des façades existantes ;
- d’une ou des vues en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire et indiquant le traitement des espaces extérieurs ;
- de la description de l'accès au chalet actuel et futur et l'état des abords actuels et futurs ;
- de deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe, les points et les angles de vue étant reportés sur le plan de situation et sur le plan masse ;
- d’un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel et sa situation à l'achèvement des travaux ;
- d’une notice descriptive permettant d'apprécier l'impact visuel du projet, définissant le paysage et l'environnement existants, exposant et justifiant les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans le paysage de la construction ;
- d’une notice justifiant que le projet concerne bien un chalet d’alpage ou un bâtiment d’estive et détaillant notamment l'historique du chalet, l'utilisation actuelle, et l'utilisation envisagée ;
- de l’autorisation du propriétaire s’il n’est pas le demandeur ;
- et de la servitude administrative établie par la mairie si le chalet n’est pas desservi par les voies et réseaux ou, s’il est desservi par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale.
Une notice explicative du dossier de demande d’autorisation est disponible sur le site internet de la préfecture de Savoie [13] .
Le préfet dispose d’un délai de quatre mois, à compter de la date de réception de la demande pour se prononcer.
Depuis le décret n° 2018-1237 du 24 décembre 2018 (N° Lexbase : L5583LN4), l’article R. 122-3-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L6513LNK) précise que la demande d’autorisation préfectorale doit être expresse et que faute de délivrance dans le délai de quatre mois, la demande est réputée rejetée.
II. L’autorisation d’urbanisme
L’autorisation préfectorale ne vaut pas autorisation d’urbanisme.
Une fois l’autorisation préfectorale obtenue, le pétitionnaire doit demander une autorisation d’occupation du sol au titre de l’urbanisme.
En effet, les travaux de restauration/reconstruction et d’extension des chalets d’alpage et bâtiments d’estive restent soumis au droit commun de l’urbanisme et doivent être précédés de la délivrance d’un permis de construire [14] ou d’une non-opposition à déclaration préalable de travaux [15] selon le cas.
Dans les communes non dotées d’un plan local d’urbanisme, les travaux seront soumis à l’application du Règlement National d’Urbanisme (RNU).
Dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme, les dispositions de ce document local seront applicables ainsi que les dispositions d’ordre public du RNU.
La cour administrative d'appel de Lyon a rappelé que l’autorisation préfectorale de reconstruction des chalets d’alpage ne fait pas obstacle à l’application des règles d’urbanisme fixées par ailleurs par le règlement du PLU, notamment les règles de hauteur [16].
III. L’institution d’une servitude administrative préalable restreignant l’usage des chalets d’alpages et bâtiments d’estive en l’absence de desserte par les voies et réseaux
La loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 est venue permettre à l’autorité délivrant l’autorisation d’urbanisme de conditionner les travaux de restauration ou de reconstruction des anciens chalets d’alpage et des bâtiments d’estive à l’instauration d’une servitude administrative qui en interdit ou en limite l’usage l’hiver.
Le deuxième alinéa de l’article L. 145-3-I du Code de l'urbanisme, dans sa version issue de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003, précisait que :
« Lorsque des chalets d'alpage ou des bâtiments d'estive, existants ou anciens, ne sont pas desservis par les voies et réseaux, ou lorsqu'ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale, l'autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux faisant l'objet d'un permis de construire ou d'une déclaration de travaux à l'institution d'une servitude administrative, publiée au bureau des hypothèques, interdisant l'utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l'absence de réseaux. Lorsque le terrain n'est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l'interdiction de circulation des véhicules à moteur édictée par l'article L. 362-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7798K9P) ».
L’objectif était de :
« résoudre les difficultés nées, en montagne, de l’application, d’une part, des dispositions de l’article L. 421-5 du Code de l’urbanisme et, d’autre part, de celles de l’article L. 362-1 du Code de l’environnement. Ces deux articles rendent, en pratique, nécessaire une desserte permanente des bâtiments par les réseaux publics d'assainissement ou de distribution d'eau et d'électricité, pour ce qui concerne l'article L. 421-5 du Code de l'urbanisme, et par des voies de circulation des véhicules à moteur, en ce qui concerne l'article L. 362-1 du Code de l'environnement
L'article L. 421-5 du Code de l'urbanisme subordonne ainsi la délivrance d'un permis de construire à des engagements de l'autorité qui le délivre, portant sur la réalisation des travaux d'extension des réseaux publics d'assainissement ou de distribution d'eau et d'électricité nécessaires à la desserte de la construction autorisée. (…)
En vue d'assurer la protection des espaces naturels, l'article L. 362-1 du Code de l'environnement interdit, pour sa part, la circulation des véhicules à moteur en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l'Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique.
Là encore, l'application de ces dispositions rencontre des difficultés en montagne, car elle rend nécessaire la réalisation de travaux de déneigement très coûteux » [17].
L’article 189 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 (N° Lexbase : L0198G8T) est d’ailleurs venu compléter les dispositions de l’article L. 145-3 du Code de l'urbanisme en indiquant que « cette servitude précise que la commune est libérée de l'obligation d'assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics ».
Il s’agissait d’une simple faculté pour l’autorité délivrant l’autorisation d’urbanisme et dans la pratique, peu de servitudes étaient constituées.
Aussi, la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 subordonne l’autorisation préfectorale à l’institution, par l’autorité qui délivre le permis ou se prononce sur la déclaration préalable, d’une servitude administrative publiée au fichier immobilier interdisant l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l’absence de réseaux [18].
Désormais, et en l’absence de réseaux, l’ordre des décisions à venir est le suivant :
- institution de la servitude administrative interdisant ou limitant l’usage du bâtiment en hiver ;
- autorisation préfectorale ;
- et autorisation d’urbanisme.
Le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité a validé le dispositif après avoir considéré que :
« D'une part, la servitude instituée en vertu des dispositions contestées n'entraîne pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1364A9E) mais une limitation à l'exercice du droit de propriété.
D'autre part, en permettant d'instituer une telle servitude, le législateur a voulu éviter que l'autorisation de réaliser des travaux sur des chalets d'alpage ou des bâtiments d'estive ait pour conséquence de faire peser de nouvelles obligations de desserte de ces bâtiments par les voies et réseaux. Il a également voulu garantir la sécurité des personnes en période hivernale. Ainsi le législateur a poursuivi un motif d'intérêt général (...)
La décision d'établissement de la servitude, qui est subordonnée à la réalisation, par le propriétaire, de travaux exigeant un permis de construire ou une déclaration de travaux, est placée sous le contrôle du juge administratif. Le propriétaire du bien objet de la servitude dispose de la faculté, au regard des changements de circonstances, d'en demander l'abrogation à l'autorité administrative à tout moment.
(...) Les dispositions contestées ne portent pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1366A9H) doit donc être écarté » [19].
L’objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard dont les emblématiques anciens chalets d’alpage et bâtiments d’estive font partie intégrante doit être concilié avec le principe de protection des terres nécessaires aux activités agricoles et le principe d’urbanisation en continuité.
L’équilibre entre ces différents principes de la loi « montagne » peut s’avérer difficile à trouver.
Pour y parvenir, le législateur a opté pour un régime d’autorisation dérogatoire qui se caractère par une certaine complexité et la multiplication de décisions et des intervenants.
[1] C. urb., art. L. 122-10 (N° Lexbase : L1853LCM) : « Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. »
[2] Voir le dossier documentaire de la décision n° 2016-540 QPC.
[3] QE n° 25880 de M. Augustin Bonrepaux, JOANQ 1er mars 1999, réponse publ. 24 mai 1999, p. 3191, 11ème législature (N° Lexbase : L6983MAU).
[4] TA Grenoble, 18 janvier 2002.
[5] Voir les travaux parlementaires de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003.
[6] Instruction du Gouvernement du 12 octobre 2018 relative aux dispositions particulières à la montagne du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L6982MAT).
[7] Fiche n°10 : Le régime applicable aux chalets d’alpage et aux bâtiments d’estive, site du Ministère de la Cohésion des territoires.
[8] CAA Lyon, 1er octobre 2013, n° 13LY00315 (N° Lexbase : A5043MPH) ; CE, 13 mai 1992, n° 107914 (N° Lexbase : A9246B7L) ; CE, 11 mai 1994, n° 129592 (N° Lexbase : A0889ASQ).
[9] Circulaire n°66-96 du 19 juillet 1996.
[10] C. urb., art. L 122-5 : « L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées »;
[11] CE, 27 mai 2013, n° 349262 (N° Lexbase : A9692KEP) confirmant CAA Lyon, 7 mars 2011, n° 09LY00369 (N° Lexbase : A3143HNQ).
[12] CAA Lyon, 9 novembre 2010, n° 10LY01293 (N° Lexbase : A1937GMP).
[13] Demande d'autorisation préfectorale pour la restauration ou la reconstruction d’un ancien chalet d'Alpage, Préfecture de la Savoie.
[14] C. urb., art. R. 421-14 (N° Lexbase : L7462HZE).
[15] C. urb., art. R. 421-17 (N° Lexbase : L7465HZI).
[16] CAA Lyon, 29 octobre 2019, n° 18LY04125 (N° Lexbase : A8061Z3X).
[17] Rapport n° 717, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, 28 mars 2003.
[18] C. urb., art. L. 122-11 3°.
[19] Cons. const., décision n° 2016-540 QPC du 10 mai 2016 (N° Lexbase : A5065RNW).
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par Emilie Saint-Lager, Avocat, cabinet Adaltys
Le 20 Janvier 2022
Mots clés : urbanisme • hébergement • tourisme
Cet article est issu d'un numéro spécial « Droit de l'urbanisme en montagne » réalisé en collaboration avec le cabinet Adaltys. Pour consulter le sommaire de ce numéro spécial, cliquez ici (N° Lexbase : N0123BZL).
La faible prise en compte de l’environnement dans la loi dite « Montagne II » [1] a été soulignée, même s’il peut être rappelé que le changement climatique doit être pris en compte dans le développement touristique, et un équilibre à trouver entre les activités économiques et de loisirs.
La consultation des titres et chapitres de la loi « Montagne II » est néanmoins éclairante quant aux objectifs recherchés, en particulier le titre II de la loi, intitulé « Soutenir l’emploi et le dynamisme économique en montagne » (articles 28 à 70) [2], et le titre III intitulé « Réhabiliter l'immobilier de loisir par un urbanisme adapté » [3].
L’on voit alors l’attraction que représentent ces territoires, à des fins résidentielles et économiques, et en particulier touristiques.
Mais l’hébergement touristique en montagne est à conjuguer au pluriel, qui s’insère dans un écosystème complexe de législations indépendantes les unes des autres.
De très nombreuses communes de montagne développant une activité touristique constatent, depuis plusieurs années, que l’offre d’hébergement touristique se diversifie significativement sur leur territoire.
En effet, l’hôtellerie « classique » est supplantée par des modes d’hébergement touristique variés, qui évoluent pour répondre aux besoins d’une clientèle de proximité et internationale.
Du village de vacances au chalet hôtelier, en passant par le gîte, l’appart hôtel, le meublé de tourisme, la résidence de tourisme ou encore la résidence hôtelière, les produits d’hébergement touristique fleurissent pour capter et fidéliser une clientèle qui fait de la montagne son lieu de villégiature l’hiver, tout étant de plus en plus l’objet d’une évolution des politiques publiques vers un tourisme des « 4 saisons » [4].
L’indépendance des différentes législations applicables à ces produits d’hébergement ne facilite pas la lecture du « paysage » de l’hébergement touristique et des règles à appliquer à des hébergements, qui ont tous pour point commun d’accueillir une clientèle de passage.
Ainsi, si le Code du tourisme prévoit des dispositions concernant les hôtels (articles L. 311-1 N° Lexbase : L1887KGY et suivants), les résidences de tourisme (articles L. 321-1 N° Lexbase : L6050ISU et suivants), les meublés de tourisme (article L. 324-1 N° Lexbase : L6052ISX et suivants), les chambres d’hôtes (articles L. 324-3 N° Lexbase : L3367HNZ et suivants), les villages de vacances (article L. 325-1 N° Lexbase : L6048ISS), les refuges de montagne (article L. 326-1 N° Lexbase : L1860LCU), n’y figurent cependant pas, par exemple, les « résidences hôtelières », au demeurant non définies ou encadrées par des dispositions légales et réglementaires spécifiques.
S’ajoutent, et parfois se superposent également les dispositions issues du code de la construction et de l’habitation, en particulier pour l’application du régime des établissements recevant du public (ERP) [5], celles applicables en matière fiscale (BOFIP) outre les différents arrêtés et circulaires adoptés….
Les appellations issues de ces législations diffèrent en outre de celles retenues par le code de l’urbanisme, au gré des réformes successives.
I. L’hébergement touristique en montagne : les difficultés de rattachement des produits d’hébergement aux destinations et sous-destinations prévues par le Code de l’urbanisme
L’ancien article R. 123-9 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0545LEW) a permis d’adopter des règles différentes selon les destinations. Il distinguait notamment l’habitation, le commerce et l’hébergement hôtelier (étant relevé que les hébergements hôteliers sont une catégorie d’hébergement touristique marchand) [6].
Naturellement, le rattachement d’un projet de construction à la destination « hébergement hôtelier », plutôt qu’à celle « d’habitation » a souvent fait l’objet de débats [7], l’enjeu étant, outre de s’assurer des dispositions applicables, de la nécessité d’une éventuelle demande de changement de destination (susceptible d’être refusée en fonction des dispositions du PLU applicables), et les décisions rendues en la matière sont, sans surprise, abondantes [8].
L’adoption du décret de décembre 2015 [9], et des textes subséquents [10], a conduit à définir un nouveau canevas : au sein de la destination d’habitation il est possible de distinguer deux sous-destinations, « logement » et « hébergement », et, au sein de la destination « commerces et activités de service », depuis 2020 seulement, entre plusieurs sous-destinations au sein de la destination « commerces et activités de service », parmi lesquels les hôtels et les autres hébergements touristiques [11].
Il est en effet apparu nécessaire de mieux distinguer les types d’hébergement hôteliers et touristiques selon leur nature, et de permettre, en scindant l’ancienne destination en deux, de distinguer les hôtels d’une part, et les autres hébergements touristiques d’autre part, ce qui permet de prévoir des règles différentes et mieux adaptées à chacune de ces deux typologies d’hébergement, notamment en prévoyant des règles plus favorables pour la construction d’hôtels.
Rappelons en effet qu’en application des dispositions de l’article R. 151-33 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0309KWD), le règlement peut, en fonction des situations locales, soumettre à conditions particulières, les types d’activités qu’il définit et les constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations.
Ainsi, il pourrait donc, sous l’empire de ces dispositions et dans un PLU adopté sur la base des dispositions issues de la « réforme » de 2015 [12], prévoir des règles différentes :
Pour les hôtels : selon l’arrêté du 31 janvier 2020 déjà cité [13], la sous-destination « hôtels » recouvre les constructions destinées à l’accueil de touristes dans des hôtels, c’est-à-dire des établissements commerciaux qui offrent à une clientèle de passage, qui, sauf exception, n’y élit pas domicile, des chambres ou des appartements meublés en location ainsi qu’un certain nombre de services.
Et pour les autres hébergements touristiques, destination qui recouvre, elle, les constructions autres que les hôtels, destinées à accueillir les touristes, notamment les résidences de tourisme et les villages de vacances, ainsi que les constructions dans les terrains de camping et dans les parcs résidentiels de loisirs.
La distinction opérée permettrait ainsi de favoriser certains projets plutôt que d’autres, et de contrôler dans certains cas, à l’occasion du dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme, un éventuel changement de destination et/ou de sous-destination, entre un hôtel et un autre hébergement touristique, conformément à l’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7462HZE).
Ce dernier soumet à permis de construire (et non à déclaration préalable), les travaux exécutés sur des constructions existantes (à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires) qui ont pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 (N° Lexbase : L0315KWL) et R. 151-28 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7858LUL).
En revanche, les changements de sous-destinations au sein d’une même destination ne sont pas soumis à contrôle (cf C. urb., art. R. 421-17 b N° Lexbase : L7465HZI), ce qui conduirait à ne pas pouvoir contrôler le changement de sous-destination « hôtels » en sous-destination « autres hébergements touristiques ».
Cependant, tous les PLU n’intègrent pas les dispositions de la réforme de 2015, et pour beaucoup, les destinations issues de l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0545LEW) continuent de s’appliquer [14], et ce, tant que le document d’urbanisme n’a pas évolué à l’occasion d’une procédure de révision, pour intégrer les destinations et sous-destinations issues des articles susvisés.
Comme il l’a été jugé, cette circonstance n’est cependant pas de nature à faire obstacle à l’application, par les services instructeurs, des dispositions de l’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme, dans leur version en vigueur depuis le 1er janvier 2016, qui fait référence aux articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme (et non plus à l’article R. 123-9 du même code) [15].
Mais cette évolution des textes et l’apparent « progrès » qui en résulte pour les auteurs du PLU dès lors qu’ils pourraient prévoir des règles plus incitatives pour l’une ou l’autre destination, est-elle réellement de nature à apporter une réponse à la problématique du maintien d’un hébergement touristique « traditionnel » de type hôtellerie, assurant une occupation en lits « chauds » ?
À ce stade et faute de recul suffisant sur les effets de PLU modifiés pour intégrer cette distinction, dès lors qu’en tout état de cause l’article R. 151-28 dans sa rédaction antérieure demeure applicable aux PLU dont l’élaboration ou la révision a été engagée avant cette date [16], toute conclusion serait hâtive.
Mais on peut d’ores et déjà relever que l’absence de nécessité systématique [17] de demander un changement de sous-destination au sein de la même destination (ex : changement de sous-destination « hôtel » en « autres établissements touristiques ») soit de nature à permettre un meilleur contrôle des services instructeurs.
La réalité « pratique » est en tout état de cause complexe, et les outils à disposition des auteurs de PLU et services instructeurs sont souvent considérés par ces derniers comme trop peu ambitieux pour répondre aux préoccupations des élus.
Certains s’alarment notamment de projets de réhabilitation d’anciens hôtels ou parfois de démolition d’anciens bâtiments pour ériger de nouvelles constructions, pour y réaliser des hébergements offrant certes des prestations de nature hôtelière, mais échappant au secteur purement marchand pour entrer dans un secteur « diffus » (de type chalets hôteliers haut de gamme) [18], au point d’interdire les changements de destination [19].
Les règles avantageuses prévues par les auteurs du PLU pour inciter à la rénovation ou à la construction d’hébergements hôteliers « classiques » présentant l’avantage d’être largement occupés toute la saison et d’être pourvoyeurs d’emplois (personnel saisonnier en nombre), sont parfois utilisées pour des projets totalement différents dans leur finalité et leur esprit, qui pourraient relever d’une destination « habitation ».
Cela pose la question épineuse du contrôle des destinations lors de l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme.
II. L’hébergement touristique en montagne : le contrôle de la destination lors de l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme
Lors du dépôt de la demande de permis (ou de celle du dossier de déclaration préalable), il est nécessaire de renseigner la ou les destinations du projet et un éventuel changement de destination. Ces informations sont portées dans le formulaire CERFA du permis [20], ainsi que dans la notice du dossier.
Et c’est sur la base de ces informations que les services instructeurs vont instruire, puis délivrer ou refuser le permis, le caractère déclaratif du régime du permis de construire étant, de jurisprudence constante, établi [21].
Autrement dit, le risque ou la simple crainte que les plans et indications du dossier pourraient ne pas être respectés ou que les constructions autorisées seraient ultérieurement transformées ou affectées à un usage non conforme aux documents et règles d’urbanisme, ne peut faire obstacle à la délivrance du permis, le tout sauf hypothèse de fraude [22].
Cette situation conduit à délivrer des autorisations d’urbanisme en raison de leur conformité (apparente) aux règles d’urbanisme, et notamment à la destination déclarée dans le dossier.
Lorsque les PLU prévoient des règles incitatives à l’hébergement hôtelier voire des zones dédiées, la tentation peut être grande de « bâtir » le dossier de demande en affichant une telle destination, et, une fois l’autorisation obtenue, de revoir la conception du projet en supprimant tout ou partie des prestations hôtelières. Les lits touristiques sont susceptibles de disparaître au profit d’un produit d’investissement pouvant dans le pire des scénarios redoutés par les élus locaux, relever de la résidence secondaire (lits froids).
Et aucune disposition réglementaire n’impose la communication, dans le dossier de demande, des plans de niveaux, qui pourraient permettre de vérifier l’existence des aménagements propres à assurer des prestations hôtelières (accueil, salles de petits déjeuners / restaurant etc.), à l’exception des établissements soumis au régime ERP (établissements recevant du public) [23].
Il y a également l’hypothèse du changement de destination, qui est parfois opéré « de fait » sur une construction existante, et sans demande en ce sens, lors de travaux ne nécessitant qu’une déclaration préalable, et non un permis (cf C. urb., art. R. 421-17), étant rappelé que le changement de sous-destination en une autre sous-destination de la même destination ne donne pas lieu à déclaration [24].
Face à cette situation et au stade de l’instruction de la demande, les services instructeurs sont parfois démunis.
Si la signature d’une convention dite loi « Montagne » conclue en application de l’article L. 342-1 du Code du tourisme (N° Lexbase : L0153HGR) et conduisant à un engagement du porteur de projet de maintenir une destination d’hébergement hôtelier pendant une longue durée (variable selon les pratiques des communes), est susceptible d’être convenue, force est de constater que cette convention n’est cependant pas une pièce exigible du dossier de permis de construire [25], et ne peut conditionner la délivrance du permis.
C’est donc souvent a posteriori, une fois le permis délivré voire les travaux réalisés, que le contrôle pourra s’effectuer, ce qui n’est pas sans poser quelques difficultés.
Un droit de visite est prévu par le Code de l’urbanisme [26], qui permet à l’autorité administrative de se rendre sur place et vérifier que les dispositions applicables aux constructions autorisées sont respectées et se faire communiquer tous documents se rapportant à la réalisation de ces opérations. Un tel droit de visite est naturellement encadré, et une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire peut être nécessaire, pour lorsque l’accès à un domicile ou à un local comprenant des parties à usage d’habitation est refusé [27].
Cette visite pourra permettre de constater les non-conformités au permis délivré et de dresser procès-verbal.
Naturellement, c’est également au moment du récolement des travaux, qu’il soit obligatoire ou qu’il ait été décidé d’y procéder, que l’autorité administrative pourra intervenir, en mettant en demeure le maître de l’ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité, si ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré [28], et ce, à la suite du dépôt par le pétitionnaire d’une déclaration d’achèvement des travaux [29].
Mais l’autorité administrative ne dispose que d’un délai de 3 mois (ou 5 mois si le récolement est obligatoire) pour contester la conformé des travaux au permis (ou à la déclaration) [30], délai impératif, faute de quoi l’autorité administrative ne peut plus contester les travaux [31], et la conformité doit être délivrée [32].
La marge de manœuvre est étroite et le processus administratif lourd, et à l’issue incertaine : une fois le PV dressé et transmis au procureur de la République, il n’est pas exclu qu’un classement sans suite intervienne plusieurs mois ou années plus tard, ce qui amène des communes à procéder par citation directe.
Reste enfin l’hypothèse de la fraude. Encore faut-il établir que, dès le dépôt de la demande de permis, le pétitionnaire avait l’intention de réaliser un projet différent de celui présent dans son dossier de permis de construire, ce qui est loin d’être évident [33].
Ainsi, on le voit, assurer le maintien d’un hébergement hôtelier de nature à assurer des lits touristiques « chauds » et permettre de contribuer au développement touristique et à l’animation des communes de montagne, en particulier des stations de ski, n’est pas toujours aisé.
Les élus se heurtent à une législation perçue comme ne leur permettant pas de s’assurer que les autorisations qu’elles délivrent satisfont le parti d’urbanisme qu’elles ont défini, et qui vise à développer leur territoire sur un plan économique, pour en faire un lieu de vie et de loisirs animé et pérenne, au bénéfice du tourisme et de la population locale.
[1] Loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (N° Lexbase : L0100LCP).
[2] Un chapitre dédié au déploiement du numérique et de la téléphonie mobile (articles 28 à 41), un second chapitre consacré à encourager la pluriactivité et faciliter le travail saisonnier (articles 42 à 50), un troisième chapitre intitulé « développer les activités agricoles, pastorales et forestières » (articles 51 à 63), un chapitre 4 intitulé « développer les activités économiques et touristiques » (articles 64 à 68), et un chapitre 5 intitulé « organiser la promotion des activités touristiques » (articles 69 à 70).
[3] Trois chapitres : le premier réformant la procédure de création des unités touristiques nouvelles et leur intégration dans les documents d'urbanisme (articles 71 et 72), le second prévoyant une adaptation des règles d'urbanisme en zone montagne (articles 73 à 78) et le troisième visant à favoriser la réhabilitation de l'immobilier de loisir pour lutter contre le problème dit des « lits froids » (articles 79 à 83).
[4] Rapport d'information n° 635 (2019-2020) de M. Cyril Pellevat, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, déposé le 15 juillet 2020.
[5] Difficultés posées par certains opérateurs à l’origine de projets de « résidences hôtelières », qui entendent s’appuyer sur des dispositions issues du règlement de sécurité et de sa circulaire d’application pour échapper à la réglementation des établissements recevant du public (ERP).
[6] Dans ce cadre-là, les auteurs de PLU pouvaient préciser, pour des motifs d’urbanisme et sous le contrôle du juge, le contenu des catégories, sans qu’il soit possible de créer de nouvelles destinations par sous-catégorisation ou de distinguer entre des constructions au sein d’une même destination (cf CE, 30 décembre 2014, n° 360850 N° Lexbase : A4669M9S et jurisprudences constantes depuis cet arrêt).
[7] À titre d’exemple, s’agissant des résidences de service à vocation hôtelière et leur rattachement à l’hébergement hôtelier : QE n° 20434 de M. Roland Povinelli, JO Sénat 20 octobre 2011, p. 2676, réponse publ. 1er mars 2012, p. 577, 13ème législature (N° Lexbase : L4196KKM), ou encore s’agissant des chambres d’hôtes, QE n° 27235 de M. Christophe Euzet, JOANQ 3 mars 2020, réponse publ. 30 juin 2020, p. 4617, 15ème législature (N° Lexbase : L3793L8Y).
[8] Cf notamment CE, 5 juillet 1993, n° 123955 (N° Lexbase : A0318AN4).
[9] Décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015, relatif à la partie réglementaire du livre Ier du Code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du PLU (N° Lexbase : L0839KWY).
[10] Arrêté du 10 novembre 2016, définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et les règlements des PLU ou les documents en tenant lieu (N° Lexbase : L3203LBA) ; décret n°2020-78 du 31 janvier 2020, modifiant la liste des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les PLU ou les documents en tenant lieu (N° Lexbase : L7388LU8) ; arrêté du 31 janvier 2020, modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les PLU ou les documents en tenant lieu (N° Lexbase : L7452LUK).
[11] C. urb., art. R. 151-28 et art. R. 151-29 (N° Lexbase : L0313KWI).
[12] Nouveau régime issu de l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015, relative à la partie législative du libre Ier du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2163KIX) et du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015, relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du PLU.
[13] Arrêté du 31 janvier 2020, modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les PLU ou les documents en tenant lieu.
[14] Sur les dispositions transitoires relatives au PLU : voir VI et VII de l’article 12 du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 (N° Lexbase : L0839KWY).
[15] CAA Paris, 20 mai 2021, n° 19PA00986 (N° Lexbase : A09724WW).
[16] Cf article 2 du décret n° 2020-78 du 31 janvier 2020 (N° Lexbase : L7388LU8), cet article précisant, en outre, que pour les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu dont l’élaboration ou la révision a été prescrite avant l’entrée en vigueur du décret, l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou le conseil municipal peut décider, par une délibération expresse intervenant au plus tard lorsque le projet est arrêté, que seront applicables au projet les nouvelles dispositions de l’article R. 151-28.
[17] Hors hypothèse visée à l’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2746KWM).
[18] Sur la question des lits chauds / lits froids, voir notamment, ante réforme de 2015 et décret/arrêté de 2020 le rapport d'information n° 384 (2013-2014) de Mme Hélène Masson-Marret et M. André Vairetto, fait au nom de la commission du développement durable du Sénat, déposé le 19 février 2014.
[19] CAA Marseille, 17 décembre 2021, n° 19MA04240 (N° Lexbase : A65517IH).
[20] Cerfa n° 13409*05 pour une demande de permis de construire, à jour des destinations et sous-destinations des constructions, telles que définies par les articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme.
[21] Cf notamment Conseil d’Etat, 18 juillet 2018, n° 410465 (N° Lexbase : A0951XYU).
[22] Ibidem.
[23] C. urb., art. R. 431-30 (N° Lexbase : L7871ICI).
[24] C. urb., art. R. 421-17.
[25] Cf C. urb., art. R. 431-5 (N° Lexbase : L7987LQU) et suiv.
[26] C. urb., art. L. 461-1 (N° Lexbase : L0023LN8) .
[27] C. urb., art. L. 461-2 (N° Lexbase : L9807LM8).
[28] C. urb., art. L. 462-2.
[29] C. urb., art. L. 462-1 (N° Lexbase : L6808L7B), R. 462-1 (N° Lexbase : L3491L7G) et suiv.
[30] C. urb., art. R. 462-6 (N° Lexbase : L7706HZG) et R. 462-7 (N° Lexbase : L3203L7R).
[31] C. urb., art. L. 462-2.
[32] C. urb., art. R. 462-10 (N° Lexbase : L7710HZL).
[33] CE, 3 juin 2013, n° 342673 (N° Lexbase : A3356KGE).
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par Virginie Corbalan, Avocat, cabinet Adaltys
Le 20 Janvier 2022
Mots clés : urbanisme • unités touristiques nouvelles
Cet article est issu d'un numéro spécial « Droit de l'urbanisme en montagne » réalisé en collaboration avec le cabinet Adaltys. Pour consulter le sommaire de ce numéro spécial, cliquez ici (N° Lexbase : N0123BZL).
La procédure de création ou d’extension des unités touristiques nouvelles (UTN) a été créée en 1977 pour faciliter la construction d’équipements touristiques en zone de montagne.
Son principal intérêt est de permettre de déroger au principe d’urbanisation en continuité [1].
L’acte II de la loi « montagne » (loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne N° Lexbase : L7612AGZ) définit l’UTN comme « toute opération de développement touristique effectuée en zone de montagne et contribuant aux performances socio-économiques de l'espace montagnard » [2].
Le régime des UTN en résultant prévoit une nouvelle répartition des compétences permettant de planifier chaque catégorie d’UTN au niveau local le plus adapté.
Il distingue deux catégories d’UTN [3] :
- l’UTN structurante dont la création et l’extension est prévue par le schéma de cohérence territoriale (SCoT) [4] ;
- et l’UTN locale dont la création et l’extension est prévue par le plan local d’urbanisme (PLU) [5].
L’objectif était « d’en finir avec la gestion au cas par cas, et de permettre aux élus de mener une réflexion globale dans le cadre des documents d’urbanisme » [6].
La distinction entre les deux catégories dépend de leur impact sur la consommation du foncier :
UTN structurante | UTN locale |
1/ La création, l’extension ou le remplacement de remontées mécaniques, lorsque ces travaux ont pour effet :
| 1/ La création, l’extension ou le remplacement de remontées mécaniques, lorsqu’ils ont pour effet l’augmentation de plus de 10 hectares et de moins de 100 hectares d’un domaine skiable alpin |
2/ Les liaisons entre domaines skiables alpins existants | 2/ L’aménagement, la création et l’extension de terrains de golf d’une superficie inférieure ou égale à 15 hectares |
3/ Les opérations de construction ou d’extension d’hébergements touristiques d’une surface de plancher totale supérieure à 12 000 m², à l’exclusion des logements à destination des personnels saisonniers ou permanents des équipements et hébergements touristiques | |
4/ L’aménagement, la création et l’extension de terrains de golf d’une superficie supérieure à 15 hectares | 3/ Les opérations suivantes, lorsqu’elles ne sont pas situées dans un secteur constructible situé en continuité de l’urbanisme : a) la création ou l’extension sur une surface de plancher totale ou supérieure à 500 m², d’hébergements touristiques ou d’équipements touristiques ; b) l’aménagement de terrains de camping d’un superficie comprise entre 1 et 5 hectares c) la création de refuges de montagne mentionnés à l’article L. 326-1 du Code du tourisme (N° Lexbase : L1860LCU), ainsi que leur extension pour une surface de plancher totale supérieure à 200 m² |
5/ L’aménagement de terrains de camping d’une superficie supérieure à 5 hectares | |
6/ L’aménagement de terrains pour la pratique de sports ou de loisirs motorisés d’une superficie supérieure à 4 hectares | |
7/ Les travaux d’aménagement de pistes pour la pratique des sports d’hiver alpins, situés en site vierge au sens du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L7121LCQ) d’une superficie supérieure à 4 hectares | |
8/ La création d’une remontée mécanique n’ayant pas pour objet principal de desservir un domaine skiable, pouvant transporter plus de dix mille voyageurs par jour sur un dénivelé supérieur à 300 mètres |
Il existe pour chaque catégorie d’UTN (structurante/locale) une sous-catégorie dérogatoire parfois nommée « résiduelle » ou « ad hoc » créée par autorisation préfectorale dans les communes non couvertes respectivement par un SCoT [7] ou par un PLU [8].
Le régime de ces UTN dites « résiduelles » vient d’être totalement revu par le décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 (N° Lexbase : L5532L8E) dont les dispositions sont entrées en vigueur le 16 octobre 2021.
Ce décret, pris en application de l’article 40 de la loi du 7 décembre 2020 dite « ASAP » [9], fait suite à l’annulation partielle du décret du 10 mai 2017 [10] qui ne soumettait pas à évaluation environnementale l’autorisation préfectorale créant l’UTN locale ou structurante en l’absence de PLU et de SCoT.
Rappelons que les UTN structurantes et locales définies dans le cadre d’un SCoT ou d’un PLU sont nécessairement prises en compte lors de l’évaluation environnementale réalisée dans le cadre de la procédure d’élaboration ou de révision du document d’urbanisme en question [11].
Tel n’était pas le cas pour l’autorisation préfectorale prise en matière d’UTN résiduelle qui n’est, par définition, pas prévue par un SCoT ou un PLU.
Le régime des UTN résiduelles, dans sa version issue du décret du 10 mai 2017, prévoyait simplement de joindre à la demande d’autorisation préfectorale « un dossier comportant un rapport et documents graphiques précisant :
1° L'état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l'historique de l'enneigement local, l'état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l'économie locale ;
2° Les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d'exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l'extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d'être créées ;
3° Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ;
4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l'économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l'environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures pour éviter, réduire et en dernier lieu compenser les incidences négatives notables sur l'environnement qui n'auront pu être ni évitées ni réduites, et l'estimation de leur coût ;
5° Les conditions générales de l'équilibre économique et financier du projet » [12].
Pour autant, l’autorisation préfectorale n’était pas soumise à évaluation environnementale, procédure qui requiert notamment la consultation pour avis de l’autorité environnementale sur le dossier comprenant le rapport sur les incidences environnementales de l’UTN.
C’est cette absence de soumission à évaluation environnementale des UTN résiduelles que le Conseil d'État censure [13] :
« Eu égard à sa nature et à sa portée, la décision préfectorale créant une telle unité touristique nouvelle doit être regardée, non comme statuant sur une demande relative à un projet, mais comme constituant un plan ou programme au sens de la Directive du 27 juin 2001 […]. Si l'article R. 122-14 du même code, dans sa rédaction issue du décret attaqué, précise que pour la création d'unités touristiques nouvelles hors du cadre d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un plan local d'urbanisme, le dossier de demande d'autorisation comporte des éléments relatifs notamment à l'état des milieux naturels, aux caractéristiques principales du projet, à ses effets prévisibles sur les milieux naturels, aux mesures pour éviter, réduire et en dernier lieu compenser les incidences négatives notables sur l'environnement qui n'auront pu être ni évitées ni réduites ainsi qu'à l'estimation de leur coût, les dispositions du décret attaqué, qui ne prévoient notamment pas de consultation de l'autorité environnementale, ne peuvent être regardées comme instituant, pour ce type d'unités touristiques nouvelles, une procédure d'évaluation environnementale conforme aux objectifs de la Directive du 27 juin 2001 ».
Cette solution du Conseil d'État est en rupture avec la position retenue par le juge de cassation jusqu’alors, qui, à trois reprises, avait considéré que l’UTN n’était pas un plan programme [14].
En procédant à ce revirement de jurisprudence, le Conseil d'État s’aligne sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) en matière de plans et programmes soumis à évaluation environnementale en application de la Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (N° Lexbase : L7717AUD) (dite « ESIE »).
Rappelons, en effet, que pour la CJUE, « l’objectif essentiel de la Directive 2001/42, ainsi qu’il ressort de l’article 1er de celle-ci, consiste à soumettre les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, lors de leur élaboration et avant leur adoption, à une évaluation environnementale » [15] et qu’il ressort du considérant 4 de la directive que « l’évaluation environnementale est un outil important d’intégration des considérations en matière d’environnement dans l’élaboration et l’adoption de certains plans et programmes » [16].
Enfin, que « compte tenu de la finalité de la Directive 2001/42, qui consiste à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement, les dispositions qui délimitent le champ d’application de cette directive, et notamment celles énonçant les définitions des actes envisagés par celle-ci, doivent être interprétées d’une manière large » [17].
S’agissant plus particulièrement de la notion de plans et programmes, la CJUE a eu l’occasion de rappeler qu’elle « se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement » [18].
Ainsi, la CJUE considère qu’un périmètre de remembrement urbain portant acceptation de principe d’un projet d’urbanisme à venir qui pourra être réalisé au moyen de dérogations à des prescriptions d’urbanisme existantes doit être considéré comme un plan et programme au sens de la Directive 2011/42/CE dans la mesure où un tel arrêté qui « emporte modification du cadre juridique de référence offrant, sans limitation, la possibilité de s’écarter de règles urbanistiques pour tous les projets réalisés ultérieurement dans la zone géographique concernée » est susceptible des incidences notables sur l’environnement [19].
Dans cet arrêt, la CJUE rappelle que « l’évaluation environnementale est censée être réalisée aussi tôt que possible afin que ses conclusions puissent encore influer sur d’éventuelles décisions » et que la circonstance que les demandes ultérieures d’autorisation d’urbanisme seront soumises à une procédure d’évaluation des incidences au sens de la Directive « EIE » [20] n’est pas susceptible de remettre en cause la nécessité de procéder à une évaluation environnementale d’un plan ou programme relevant du champs d’application de la Directive « ESIE ».
C’est notamment en application de cette jurisprudence rendue en matière de périmètre de remembrement urbain définissant une zone géographique dans laquelle des prescriptions d’urbanisme dérogeant au droit commun pourront être mise en œuvre que le rapporteur public a, dans ses conclusions rendues sous l’arrêt du 27 juin 2019, invité le Conseil d'État à revenir sur sa position antérieure et considérer l’UTN comme un plan programme [21].
Le décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 tire les conséquences de cette annulation partielle du décret du 10 mai 2017 prononcée en raison de l’absence de soumission à évaluation environnementale des UTN résiduelles.
Les UTN résiduelles autorisées par le préfet sont désormais soumises à évaluation environnementale dans les conditions suivantes :
Evaluation environnementale systématique des créations et extensions des : | Examen au cas par cas des créations et extensions des : |
UTN structurantes et locales résiduelle dès lors que leur création ou leur extension est susceptible d’affecter un site Natura 2000 | UTN locales résiduelles (sauf si elles sont susceptibles d’affecter un site NATURA 2000) |
UTN structurantes résiduelles visées aux 1°, 5°,7° et 8 de l’article R. 122-8 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L6664LEK), à savoir : - les UTN portant création, extension ou remplacement de remontées mécaniques, lorsque ces travaux ont pour effet :
- les UTN portant des travaux d’aménagement de pistes pour la pratique des sports d’hiver alpins, situés en site vierge au sens du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L6275LXP) d’une superficie supérieure à 4 hectares - les UTN portant création d’une remontée mécanique n’ayant pas pour objet principal de desservir un domaine skiable, pouvant transporter plus de dix mille voyageurs par jour sur un dénivelé supérieur à 300 mètres | UTN structurelles résiduelles visées aux 4° et 6 de l’article R. 122-8 du Code de l'urbanisme, à savoir : - l’aménagement, la création et l’extension de terrains de golf d’une superficie supérieure à 15 hectares - l’aménagement de terrains pour la pratique de sports ou de loisirs motorisés d’une superficie supérieure à 4 hectares |
UTN structurantes résiduelles visées aux 2° et 3° de l’article R. 122-8 du Code de l'urbanisme, lorsque le projet est soumis à évaluation environnementale systématique au regard des rubriques 43a et 39a de l’annexe à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement, à savoir : - liaisons entre domaines skiables alpins existants portant création de remontées mécaniques ou téléphériques transportant plus de 1 500 passagers par heure ; - opérations de constructions ou d’extension d’hébergements touristiques d’une surface de plancher totale supérieure à 12 000 m², à l’exclusion des logements à destination des personnels saisonniers ou permanents des équipements et hébergements touristiques : - travaux et construction créant une emprise au sol supérieure à 40 000 m² dans un espace autre que :
| UTN structurantes résiduelles visées aux 2° et 3° de l’article R. 122-8 du Code de l'urbanisme, lorsque le projet est soumis à évaluation environnementale au cas par cas au regard des rubriques 43a et 39a de l’annexe à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement, à savoir : - liaisons entre domaines skiables alpins existants portant création de remontées mécaniques ou téléphériques transportant moins de 1 500 passagers par heure à l’exclusion des remontées mécaniques démontables et transportables et des tapis roulants visés à l’article L. 342-17-1 du Code du tourisme (N° Lexbase : L3375HNC)
- opérations de constructions ou d’extension d’hébergements touristiques d’une surface de plancher totale supérieure à 12 000 m², à l’exclusion des logements à destination des personnels saisonniers ou permanents des équipements et hébergements touristiques :
- travaux et constructions qui créent une surface de plancher ou une emprise au sol supérieure ou égale à 10 000 m² |
En matière d’UTN résiduelles soumises au cas par cas, si la personne publique responsable définie à l’article R. 122-13 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L6674LEW) [22] estime que la création ou l’extension de l’UTN est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, elle décidera de réaliser une évaluation environnementale dans les conditions prévues aux articles R. 104-19 (N° Lexbase : L6084L8T) à R. 104-27 du Code de l'urbanisme.
Si au contraire, elle estime que la création ou l’extension de l’UTN n’est pas susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement, la personne publique responsable saisira l’autorité environnementale pour avis conforme dans les conditions prévues aux articles R. 104-34 (N° Lexbase : L7864LEY) à R. 104-37 du Code de l'urbanisme et, au vu de cet avis conforme, prendra une décision relative à la réalisation ou non d’une évaluation environnementale [23].
Concrètement, il incombe à la personne publique responsable de transmettre à l’autorité environnementale un dossier comprenant [24] :
1° Une description de la création ou de l'extension de l'unité touristique nouvelle ;
2° Un exposé décrivant notamment :
a) Les caractéristiques principales de l’UTN et notamment les éléments mentionnés aux 2°, 3° et 5° du I de l'article R. 122-14, à savoir :
- les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d'exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l'extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d'être créées ;
- les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ;
- et les conditions générales de l'équilibre économique et financier du projet.
b) L'objet de la procédure ;
c) Les caractéristiques principales, la valeur et la vulnérabilité du territoire concerné par la procédure ;
d) Les raisons pour lesquelles son projet ne serait pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement, au regard des critères de l'annexe II de la Directive 2001/42/ CE du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement et, par conséquent, ne requerrait pas la réalisation d'une évaluation environnementale.
L'autorité environnementale doit rendre un avis conforme, dans un délai de deux mois à compter de la réception initiale du dossier, sur l'absence de nécessité de réaliser une évaluation environnementale et le transmet à la personne publique responsable.
En l'absence de réponse dans ce délai, l'avis de l'autorité environnementale est réputé favorable à l'exposé mentionné au 2° de l'article R. 104-34, et notamment sur les raisons exposées par la personne publique justifiant de l’absence de soumission à évaluation environnementale de son projet [25].
Notons, enfin que de façon plus anecdotique, le décret du 13 octobre 2021 prévoit également la possibilité de réaliser une évaluation environnementale commune à la création et l’extension de l’UTN résiduelle et à son projet [26].
Il aura donc fallu attendre le décret du 13 octobre 2021 pour que les UTN dites résiduelles soient soumises à évaluation environnementale.
Reste que pour celles qui relèvent d’un examen au cas par cas, l’évaluation de leurs incidences dépendra de la décision de la personne publique responsable de réaliser une évaluation environnementale et, en l’absence d’évaluation environnementale décidée par la personne publique responsable, du contrôle effectivement exercé par l’autorité environnementale dans le cadre de son avis conforme, qui pourra intervenir tacitement en l’absence de réponse dans les délais impartis.
[1] C. urb., art. L. 122-5 (N° Lexbase : L1851LCK) et L. 122-6 (N° Lexbase : L2258IWK).
[2] C. urb., art. L. 122-16 (N° Lexbase : L9765LEE).
[3] Ministère de la Cohésion et des territoires, Fiche n° 5, Les unités touristiques nouvelles.
[4] C. urb., art. L. 122-20 (N° Lexbase : L4540LXG).
[5] C. urb., art. L. 122-21 (N° Lexbase : L9760LE9).
[6] Rapport sur le projet de loi après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, Assemblée nationale, 29 septembre 2016.
[7] C. urb., art. L122-20, al. 2.
[8] C. urb., art. L122-21, al. 2.
[9] Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d’accélération et de simplification de l’action publique (N° Lexbase : L9872LYB).
[10] Décret n° 2017-1039 du 10 mai 2017, relatif à la procédure de création ou d'extension des unités touristiques nouvelles (N° Lexbase : L4471LEG).
[11] C. env., art. R. 122-17 (N° Lexbase : L6121L89).
[12] C. urb., art. R. 122-14 (N° Lexbase : L6105L8M), dans sa version issue du décret n° 2017-1039 du 10 mai 2017 (N° Lexbase : L4471LEG).
[13] CE, 26 juin 2019, n° 414931 (N° Lexbase : A7037ZGQ).
[14] CE, 26 juin 2015, n° 360212 (N° Lexbase : A0108NMX) ; CE, 26 juin 2015, n° 365876 (N° Lexbase : A0110NMZ) et CE, 19 juillet 2017, n° 400420 (N° Lexbase : A2060WNM).
[15] CJUE, 17 juin 2020, aff. C-105/09 et C-110/09 (N° Lexbase : A1917E3E).
[16] CJUE, 7 juin 2018, aff. C-160/17 (N° Lexbase : A4451XQW).
[17] CJUE, 22 mars 2012, aff. C-567/10 (N° Lexbase : A5644IG7) ; CJUE, 27 octobre 2016, aff. C-290/15 (N° Lexbase : A0725SA4).
[18] CJUE, 7 juin 2018, aff. C-160/17 préc.
[19] CJUE, 7 juin 2018, aff. C-160/17 préc.
[20] Directive (UE) 2011/92 du 16 avril 2014, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et qui soumet les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement préalablement à leur autorisation (N° Lexbase : L0675I3E).
[21] BJDU 5/2019, p. 318.
[22] La ou les communes ou l’EPCI compétent en matière de PLU sur lequel s’étend l’emprise du projet.
[23] C. urb., art. R. 104-33 (N° Lexbase : L6091L84).
[24] C. urb., art. R. 104-34 (N° Lexbase : L7864LEY).
[25] C. urb., art. R. 104-35 (N° Lexbase : L6093L88).
[26] C. urb., art. R. 104-38 (N° Lexbase : L6102L8I).
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Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 15 décembre 2021, n° 453316, 453317, 453318, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A62357IR)
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par Yann Le Foll
Le 19 Janvier 2022
► Un recours contre la mesure de régularisation d'un permis initial entièrement annulé par un jugement frappé d'appel doit obligatoirement faire l’objet d’une transmission au juge d'appel.
Principe. Il résulte de l'article L. 600-5-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9805LM4) que, lorsque le juge d'appel est saisi d'un appel contre un jugement d'un tribunal administratif ayant annulé un permis de construire en retenant l'existence d'un ou plusieurs vices entachant sa
légalité et qu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure visant à la régularisation de ces vices a été pris, seul le juge d'appel est compétent pour connaître de sa contestation dès lors que ce permis, cette décision ou cette mesure lui a été communiqué ainsi qu'aux parties (voir, lorsqu'une telle mesure est délivrée dans le cadre d'un sursis à statuer ordonné par les premiers juges, CE, 5 février 2021, n° 430990 (N° Lexbase : A02554GK).
Dès lors, si un recours pour excès de pouvoir a été formé contre ce permis, cette décision ou cette mesure devant le tribunal administratif, il incombe à ce dernier de le transmettre, en application des articles R. 351-3 (N° Lexbase : L9932LA4) et, le cas échéant, R. 345-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L7243KHQ), à la cour administrative d'appel saisie de l'appel contre le jugement relatif au permis initial.
Application. La cour administrative d'appel de Nancy est seule compétente pour connaître, dans le cadre de l'instance d'appel dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Nancy du 7 mai 2019 ayant annulé le permis de construire délivré le 2 juillet 2018 par le maire d'Heillecourt, de la contestation dirigée contre l'arrêté pris le 2 juillet 2020 par le même maire, à la demande de la société bénéficiaire, en vue de régulariser les vices affectant le permis initial retenus par le tribunal administratif, permis qui a été communiqué au juge d'appel et aux parties à cette instance par son bénéficiaire.
La seule circonstance que le tribunal administratif a considéré, dans le jugement frappé d'appel, que les vices qu'il relevait n'étaient pas susceptibles d'être régularisés par un permis de construire modificatif ne saurait à elle seule faire obstacle à la compétence de la cour administrative d'appel, saisiE en appel de ce jugement, pour connaître de cette contestation.
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