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N0326BZ4
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par Jérôme Gavaudan, Avocat au Barreau de Marseille, Président du Conseil National des Barreaux
Le 03 Février 2022
Cela fait 30 ans aujourd’hui que les avocats sont unis et représentés au niveau national, par le Conseil national des barreaux. Quelle fierté aujourd’hui de pouvoir porter votre voix dans tous ces combats qui sont les nôtres, les vôtres et ceux des justiciables.
Si le CNB est né en 1991, c’est bien la loi du 31 décembre 1971 qui fait basculer la profession séculaire d’avocat dans un nouveau monde.
C’est avec cette loi que le métier d’avocat tel qu’on le connaît aujourd’hui est né : libéral et indépendant. C’est cette loi qui a posé les jalons de notre profession, dessiné les contours qui valent encore aujourd’hui et consacré notre déontologie. Ce que nous sommes, la façon dont nous travaillons, dont nos corps sont constitués résultent de cette loi. Elle imprègne notre quotidien, encore aujourd’hui.
De tous les acquis de la loi de 1971, je n’en retiendrais qu’un : la garantie du secret professionnel que nous devons à nos clients, cette garantie universelle que nous défendons depuis vaille que vaille, quelles que soient les tentatives de déstabilisation jurisprudentielles.
Finalement, nous partageons tous les mêmes valeurs : défendre l’État de droit et notre indépendance, inscrite dans le marbre par cette loi. Cette indépendance si souvent attaquée, mais toujours défendue. Cet État de droit, colosse aux pieds d’argile pour lequel nous nous devons de batailler coûte que coûte, car nous sommes les seuls à pouvoir le défendre.
De vingt ans en vingt ans, à chaque génération, la profession d’avocat consolide un peu plus son statut.
Après 1971 vint la loi de 1991 et un nouveau tournant : la fusion des avocats et des conseils juridiques et, corrélativement, la création d’une représentation nationale : le Conseil national des barreaux qui se voit confier la voix des avocats auprès des pouvoirs publics, la formation et l’harmonisation des règles et usages de la profession.
Après 1991, 2022 avec la loi confiance confie au CNB la rédaction du Code de déontologie de la profession. C’est encore le fruit, et peut-être la dernière pierre de l’édifice, de cette loi de 1971.
La loi de 1971 a marqué un nouveau départ pour une belle et grande profession d’avocat. Celle de 1991 a créé une représentation nationale unie et écoutée. Nous devons continuer à évoluer, pour suivre les évolutions de la société, mais nous devons aussi continuer à nous battre pour l’État de droit et pour notre indépendance.
Le CNB se bat depuis 30 ans pour vous, nous serons à vos côtés pour les 30 prochaines années.
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Réf. : Arrêté du 5 janvier 2022 relatif au modèle de formulaire de demande d'aide juridictionnelle et au modèle de notice de présentation fixant la liste des pièces à joindre (N° Lexbase : L3608MAU)
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N9997BYW
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par Marie Le Guerroué
Le 07 Janvier 2022
► L’arrêté du 5 janvier 2022, publié au Journal officiel du 7 janvier 2022, vient fixer le modèle de formulaire de demande d'aide juridictionnelle et le modèle de notice comportant la liste des pièces justificatives qui doivent être jointes à la demande.
L’arrêté a été pris en application des articles 37 et 39 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 (N° Lexbase : L3115LZE) portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles (N° Lexbase : L8607BBE).
Le présent arrêté est entré en vigueur le 8 janvier 2022, à l'exception de l'article 3 qui entrera en vigueur le 1er février 2022.
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Réf. : Circ. SG, NOR JUST2201936C, du 20 janvier 2022, Montant des plafonds de ressources et de patrimoine pour l'admission à l'aide juridictionnelle N° Lexbase : L7776MAA
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N0156BZS
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par Marie Le Guerroué
Le 24 Janvier 2022
► A été publiée au bulletin officiel du ministère de la Justice, une circulaire relative aux montants des plafonds de ressources et de patrimoine pour l’admission à l’aide juridictionnelle ; elle fixe les nouveaux plafonds d’admission applicables à compter du 21 janvier 2022.
Le décret du 28 décembre 2020 (décret n° 2020-1717, portant application de la loi n° 91-647, du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles N° Lexbase : L3115LZE) prévoit trois types de plafonds à respecter pour être admis à l’aide juridictionnelle :
Les plafonds relatifs aux ressources
Pour que les demandeurs soient admis à l’aide juridictionnelle, le revenu fiscal de référence figurant sur l’avis d’imposition le plus récent doit désormais être inférieur ou égal à :
Pour que le demandeur soit admis partiellement à l’AJ, les tranches de ressources à prendre en considération sont les suivantes :
Les plafonds relatifs au patrimoine mobilier et financier
Pour être éligible, le demandeur doit disposer d’un patrimoine mobilier ou financier (not. épargne) inférieur ou égal à 11 580 euros ou 1 381 862 XPF. Le plafond est majoré en fonction de la composition du foyer fiscal (v. ci-dessous).
Les plafonds relatifs au patrimoine immobilier
Le patrimoine immobilier s’apprécie sans prendre en compte les biens qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour les intéressés et notamment :
Pour être éligible à l’AJ, le demandeur doit disposer d’un patrimoine immobilier inférieur ou égal à 34 734 euros ou 4 144 869 XPF. Un plafond majoré en fonction de la composition du foyer fiscal.
Entrée en vigueur. La circulaire entre en vigueur le 21 janvier 2022. Pour les demandes déposées avant cette date, les plafonds pris en compte sont ceux de 2021. Elle n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna.
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N0328BZ8
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par Marie Le Guerroué
Le 03 Février 2022
Mots-clés : veille • avocats • janvier 2022
La revue Lexbase Avocats vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection des décisions, des textes et de l’information professionnelle qui ont fait l’actualité de la profession d’avocat au mois de janvier 2022.
I. L’actualité de la profession
A. États Généraux de la Justice
B. Discipline
D. Honoraires
E. Déclaration d’appel via le RPVA/RPVJ
H. Secret professionnel / Correspondances
K. Institutions représentatives
II. L’actualité de la pratique professionnelle
♦Compétence
♦PLEX
♦Peines
♦MARD
♦Compétence territoriale
♦Covid-19
♦Procédure d'appel
♦Cassation
♦Écritures
♦Mesure d'administration judiciaire
♦Exécution provisoire
C. En procédure administrative
I. L’actualité de la profession
A. États Généraux de la Justice
CNB, AG, 14 janvier 2022 : La Commission des Textes a présenté sa contribution aux États généraux de la justice, et ses pistes de réflexion sur la simplification de la procédure civile, sur l’amélioration de la justice prud’homale et le renforcement de la justice de protection. A également été présenté par le bureau le rapport de synthèse qui présente la contribution de la profession. Y seront annexées les contributions détaillées des différentes commissions.
CNB, AG, 14 janvier 2022 : L’Assemblée générale a donné mandat au Président, au Bureau et à la Commission des Règles et Usages du CNB de poursuivre les discussions avec la Chancellerie sur les orientations de la réforme de la procédure disciplinaire telles qu’elles sont proposées dans son rapport. Les propositions relatives aux sanctions disciplinaires seront abordées lors de l’Assemblée générale de février.
CJUE, 13 janvier 2022, aff. C-55/20, Minister Sprawiedliwosci N° Lexbase : A65887IT : L’article 10, paragraphe 6, de la Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doit être interprété en ce sens qu’il n’a pas pour effet de rendre l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne applicable à une procédure de recours introduite par une autorité publique devant un conseil de discipline du barreau et visant à obtenir l’annulation d’une décision par laquelle un agent disciplinaire a clôturé une enquête menée à l’égard d’un avocat après avoir conclu à l’absence d’infraction disciplinaire imputable à ce dernier et, en cas d’annulation de cette décision, un renvoi du dossier devant cet agent disciplinaire.
Par Marie Le Guerroué
UJA de Paris, Commission permanente, 26 janvier 2022 : L’UJA de Paris, réunie en Commission Permanente, a adopté le tarif UJA pour l’année 2022 suivant :
Cass. civ. 2, 20 janvier 2022, n° 20-17.563, F-B [LXB=A79537IE] : Justifie légalement sa décision, au regard des dispositions de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre N° Lexbase : L6343AGZ, le premier président d'une cour d'appel qui, ayant constaté qu'une convention d'honoraires avait été librement conclue entre un client et son avocat, lequel avait permis à son client, par une défense diligente et appropriée, d'éviter la perte d'une somme importante, a souverainement estimé que l'honoraire complémentaire de résultat convenu ne présentait pas un caractère exagéré au regard du service rendu.
Par Marie Le Guerroué
E. Déclaration d’appel via le RPVA/RPVJ
Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B N° Lexbase : A14867IU : Par son arrêt du 13 janvier 2022, promis à une très large publicité, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, vient censurer la pratique de faire figurer les chefs du jugement critiqués dans une annexe ; les Hauts magistrats précisent qu’en application de l’article 562 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l’acte d’appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement ; dès lors, il en résulte que les mentions prévues par l'article 901, 4°, du code précité doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul ; néanmoins, en cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.
par Alexandra Martinez-Ohayon
Pour aller plus loin : C. Bléry, Application inopportune de la notion d'accessoire à la déclaration d'appel, Lexbase Avocats, février 2022 N° Lexbase : N0197BZC. |
CNB, AG, 14 janvier 2022 : Le CNB demande la suppression de la limitation à 4 080 caractères de la déclaration d’appel via le RPVA/RPVJ. Il a été décidé de saisir le ministre de la Justice afin de supprimer cette contrainte technique, à défaut de modifier l’article 901 CPC afin d’autoriser l’annexion d’un document listant les chefs de jugement attaqués et enfin d’engager une réflexion plus globale sur les réformes nécessaires de la procédure d’appel. L’institution s’engage aussi à proposer un vademecum aux avocats.
H. Secret professionnel / Correspondances
Cass. crim., 18 janvier 2022, n° 21-83.751, F-B N° Lexbase : A65637IW : L'absence, dans la décision prise par le magistrat, des motifs justifiant la perquisition et décrivant l'objet de celle-ci, qui prive le Bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l'information qui lui est réservée et qui interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le président du tribunal judiciaire éventuellement saisi, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l'avocat concerné.
Cass. crim., 26 janvier 2022, n° 17-87.359, F-D N° Lexbase : A87027KI : Le pouvoir, reconnu aux agents de l'Autorité de la concurrence par l'article L. 450-4 du Code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques, trouve sa limite dans le principe de la libre défense, qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense.
Par Marie Le Guerroué
Décret n° 2022-95, du 31 janvier 2022, relatif au permis de communiquer délivré à l'avocat d'une personne détenue N° Lexbase : L9149MA4 : Le décret n° 2022-95, publié au Journal officiel du 1er février 2022, vient préciser les modalités de remise aux avocats des permis de communiquer ; il permet, tout particulièrement, à l'avocat désigné ou commis d'office de demander que le permis soit établi à son nom et à celui de ses associés et collaborateurs qu'il désignera. Le texte fait notamment suite à la décision rendue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 15 décembre 2021précisant que le juge d'instruction n'était tenu de délivrer un permis de communiquer qu'aux avocats nommément désignés par les parties (Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-85.670, F-B N° Lexbase : A03587HQ)
Par Marie Le Guerroué
Circ. SG, NOR JUST2201936C, du 20 janvier 2022, Montant des plafonds de ressources et de patrimoine pour l'admission à l'aide juridictionnelle [LXB=L7776MAAA] : A été publiée au bulletin officiel du ministère de la Justice, une circulaire relative aux montants des plafonds de ressources et de patrimoine pour l’admission à l’aide juridictionnelle ; elle fixe les nouveaux plafonds d’admission applicables à compter du 21 janvier 2022.
Arrêté du 5 janvier 2022 relatif au modèle de formulaire de demande d'aide juridictionnelle et au modèle de notice de présentation fixant la liste des pièces à joindre N° Lexbase : L3608MAU : L’arrêté du 5 janvier 2022, publié au Journal officiel du 7 janvier 2022, vient fixer le modèle de formulaire de demande d'aide juridictionnelle et le modèle de notice comportant la liste des pièces justificatives qui doivent être jointes à la demande.
Par Marie Le Guerroué
K. Institutions représentatives
Cass. civ. 1, 19 janvier 2022, n° 19-25.772, F-B N° Lexbase : A77147IK : Le CNB a qualité à agir en recouvrement des cotisations professionnelles des avocats.
Par Marie Le Guerroué
II. L’actualité de la pratique professionnelle
♦Compétence
Décret n° 2022-16, du 7 janvier 2022, relatif au comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale [LXB= L3983MAR] ; décret n° 2022-17, du 7 janvier 2022, relatif à l’expérimentation de la cour criminelle départementale N° Lexbase : L3982MAQ : Les décrets n° 2022-16 et n° 2022-17, du 7 janvier 2022, publiés au Journal officiel du 9 janvier 2022, précisent, conformément aux dispositions de la loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire, les missions et les modalités de fonctionnement du comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle ainsi que les modalités de renvoi devant cette juridiction des accusés mis en accusation devant la cour d’assises pour des faits relevant de la cour criminelle.
par Adélaïde Léon
♦PLEX
Cass. crim., 12 janvier 2022, n° 21-86.075, F-B N° Lexbase : A31437IA : Constitue une trace écrite d’un envoi par un moyen de télécommunication, au sens de l’article 803-1, I, du Code de procédure pénal, le document figurant au dossier indiquant qu’un avis d’audience devant la chambre de l’instruction a été déposé sur PLEX pour l’avocat du mis en examen, lequel a été averti de ce dépôt par courriel. L’existence d’un justificatif de réception de ce message et l’accord exprès du destinataire pour qu’il puisse être procédé aux notifications par ce moyen de communication électronique ne sont pas des conditions requises par l’article 803-1, I, du Code de procédure pénale.
par Adélaïde Léon
♦Peines
Cass. crim., 5 janvier 2022, n° 21-83.378, F-B N° Lexbase : A42247HW : La chambre de l'application des peines, saisie de l'appel du jugement prononçant la révocation d'un sursis avec mise à l'épreuve, statue par arrêt motivé après un débat contradictoire au cours duquel sont, notamment, entendues les observations de l'avocat du condamné, qui doit être convoqué par lettre recommandée ou par télécopie, au plus tard quinze jours avant ledit débat ; encourt la cassation l’arrêt de la chambre de l’application des peines qui confirme le jugement révoquant une mesure de sursis avec mise à l’épreuve après un débat tenu en l’absence du condamné et de son avocat sans faire mention de la convocation de ce dernier.
par Adélaïde Léon
♦MARD
Loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T : La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a été publiée au Journal officiel du 23 décembre 2021 ; elle prévoit notamment de faciliter le recours aux MARD avec la création d’un Conseil national de la médiation et complète la liste exhaustive des titres exécutoires.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
♦Compétence territoriale
Décret n° 2021-1821 du 27 décembre 2021 N° Lexbase : L1157MA4 - Décret n° 2021-1822 du 27 décembre 2021 N° Lexbase : L1142MAK : Ont été publiés au Journal officiel du 28 décembre 2021, deux décrets n° 2021-1821 et 2021- 1822 du 27 décembre 2021, modifiant la liste des tribunaux judiciaires à compétence départementale désignés sur le fondement de l'article L. 211-9-3 du Code de l'organisation judiciaire et désignant les tribunaux de Mont-De-Marsan et de Dax pour connaître seuls des procédures collectives en matière civile, rurale de pêche maritime.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
♦Covid-19
Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 20-20.443, FS-B : La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 16 décembre 2021, vient préciser qu’il est nécessaire que les parties soient informées de la décision du juge de statuer sans audience ; l’information par tout moyen que le magistrat envisage de statuer sans audience peut être délivrée aux avocats des parties, notamment par RPVA ou, à défaut, par courriels à leur adresse professionnelle, ou encore, par tout autre mode assurant l’effectivité de cette transmission ; les Hauts magistrats énoncent que dans le cas d’espèce la cour d’appel devait rechercher si la note transmise au bâtonnier de l'ordre des avocats par un magistrat chargé de la coordination du pôle civil de la cour d'appel avait été portée à la connaissance des parties.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, deux arrêts, n° 20-18.797, FS-B N° Lexbase : A30297GB et n° 20-18.798, FS-B N° Lexbase : A30237G3 : À l’occasion de deux arrêts, rendus le même jour, le 16 décembre 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, vient préciser que lorsqu’il a été décidé que la procédure se déroule sans audience, le jugement doit à peine de nullité mentionner la décision du président de statuer sans audience, les modalités de l’information aux parties, ainsi que l’absence d’opposition de celles-ci ; la nullité du jugement découlant de l’omission ou l’inexactitude d’une mention peut être prononcée que s’il est établi par les pièces de la procédure, le registre d’audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 20-18.237, FS-B N° Lexbase : A30187GU : La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 16 décembre 2021, vient dans la continuité de ses décisions antérieures (Cass. QPC, 24 septembre 2020, n° 20-40.056, FS-D ; Cons. const., décision n° 2020-866 QPC, du 19 novembre 2020 ; Cass. civ. 1, 1er décembre 2021, n° 20-17.067, FS-B ; Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 20-20.443, FS-B) préciser que dans le cadre de la procédure sans audience, l’intimé dont les conclusions ont été déclarées irrecevables n'est pas privé du droit de s'opposer à la décision de statuer sans audience.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 20-10.724, F-B N° Lexbase : A30227GZ : Les jugements des tribunaux mixtes de commerce dans les DROM sont rendus, sauf dispositions prévoyant un juge unique, par une formation collégiale comprenant, outre le président, trois juges élus ou désignés ; le tribunal ne peut, sous couvert de rectification matérielle, modifier les droits et obligations des parties résultant du jugement initial.
Par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit
Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-16.774, F-B N° Lexbase : A14847IS : La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 13 janvier 2022, vient censurer au nom du droit à un procès équitable et du respect du principe du contradictoire, l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles ayant statué en l’absence de l’une des parties et de son conseil ; la Haute juridiction relève que le communiqué de presse en termes généraux et affirmatifs annonçant la fermeture des juridictions, à l'exception des services assurant le traitement des contentieux essentiels, était de nature à induire en erreur les parties en leur donnant l'assurance que l'affaire, fixée le lendemain à 9 heures, serait nécessairement renvoyée.
♦Procédure d'appel
Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 20-12.000, F-B N° Lexbase : A30207GX : La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 16 décembre 2021, précise que l'appel d'un jugement statuant sur la compétence, rendu par une juridiction prud'homale, est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 19-26.090, F-B N° Lexbase : A30287GA : Si la déclaration d'appel peut être faite par mandataire, aucun texte n'impose qu'un avis doit être adressé au conseil du demandeur, qui a, lui-même, été destinataire de cet avis et a, dès lors, été mis en mesure de se présenter à l'audience et de faire valoir ses droits.
Par Marie Le Guerroué
Cass. civ. 1, 15 décembre 2021, n° 20-18.457, F-D N° Lexbase : A24967HW : Il résulte de l’article 562 du Code de procédure civile qu'en cas d'appel de tous les chefs du dispositif d'un jugement de divorce, la décision, quant au divorce, ne peut passer en force de chose jugée, sauf acquiescement ou désistement, avant le prononcé de l'arrêt, peu important, même en cas de divorce sur demande acceptée, que l'acceptation du principe de la rupture ne puisse plus être contestée, sauf vice du consentement.
Par Anne-Lise Lonné-Clément
Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 20-15.735, F-B N° Lexbase : A30137GP : La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 16 décembre 2021, vient préciser que l'ordonnance du président de chambre, statuant sur la recevabilité de la déclaration de saisine après renvoi de cassation, n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée ; dès lors, l'irrégularité portant sur la première déclaration de saisine, constitue une fin de non-recevoir, qui peut être régularisée par une nouvelle déclaration de saisine régulièrement formée.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B N° Lexbase : A14867IU : Par son arrêt du 13 janvier 2022, promis à une très large publicité, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, vient censurer la pratique de faire figurer les chefs du jugement critiqués dans une annexe ; les Hauts magistrats précisent qu’en application de l’article 562 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l’acte d’appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement ; dès lors, il en résulte que les mentions prévues par l'article 901, 4°, du code précité doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul ; néanmoins, en cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.
Conseil pratique. Le Conseil national des barreaux invite les praticiens ayant saisi des déclarations d’appel comportant moins de 4 080 caractères, en y joignant une annexe, à régulariser leurs déclarations d’appel, par de nouvelles déclarations d’appel, en mentionnant qu’il s’agit d’un acte de régularisation, avec l’indication du numéro RG, et en respectant les délais de la première déclaration d’appel pour tout ce qui est des délais Magendie.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
♦Cassation
Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 20-15.735, F-B N° Lexbase : A30137GP : La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 16 décembre 2021, vient préciser que l'ordonnance du président de chambre, statuant sur la recevabilité de la déclaration de saisine après renvoi de cassation, n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée ; dès lors, l'irrégularité portant sur la première déclaration de saisine, constitue une fin de non-recevoir, qui peut être régularisée par une nouvelle déclaration de saisine régulièrement formée.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-18.635, F-B N° Lexbase : A14927I4 : La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 16 décembre 2021, rappelle que l'absence ou l'inexactitude de la mention relative au domicile du demandeur en cassation exigée par le texte précité constitue une irrégularité de forme susceptible d'entraîner la nullité de la déclaration de pourvoi s'il est justifié que cette irrégularité cause un grief au défendeur ; en ce sens, Cass. com., 15 juin 2011, n° 09-14.953, F-P+B ; Cass. civ. 1, 20 septembre 2019, n° 18-20.222, FS-P+B+I.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
♦Écritures
Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-19.978, F-B N° Lexbase : A14907IZ : La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 13 janvier 2022, précise que les conclusions et pièces déposées trois heures avant une audience de plaidoiries sont irrecevables, dès lors qu’aucun motif ne justifie un tel comportement qui est contraire à la loyauté des débats et au principe du contradictoire ; le dépôt tardif de nouvelles écritures et de nouvelles pièces, mettant dans l'impossibilité la partie adverse d'en prendre connaissance en temps utile ; cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges d’appel.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
♦Mesure d'administration judiciaire
Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 19-26.243, F-B N° Lexbase : A30197GW : En l'absence de dispositions spéciales de la loi et d'excès de pouvoir, n'est pas recevable le pourvoi en cassation formé, indépendamment de la décision sur le fond, à l’encontre d’un arrêt statuant sur le déféré formé contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état, déclarant irrecevable l'appel-nullité formé contre un jugement avant dire droit ayant enjoint aux parties de communiquer des pièces et ayant renvoyé l'affaire à une audience ultérieure aux fins de statuer sur une demande de sursis à statuer ; Constitue une mesure d'administration judiciaire, non susceptible de recours, sauf excès de pouvoir, la décision d'un juge qui se borne à enjoindre à une partie, sollicitant un sursis à statuer du fait d'une information pénale dans laquelle elle est constituée partie civile, de produire des éléments de la procédure pénale en vue d'établir l'influence de celle-ci sur la solution du procès civil et qui renvoie les parties à une audience ultérieure.
Par Alexandra Martinez-Ohayon
♦Exécution provisoire
Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.344, F-B : La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 13 janvier 2022, vient préciser que selon l'article 55, II, du décret n° 2019-1333 du 11 décembre, les dispositions de l'article 3 du décret précité relatives à l'instauration du principe de l'exécution provisoire de droit s'appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020 ; en conséquence, il convient de prendre en considération la date de l’introduction de l’instance en première instance, et non la date à laquelle est saisi le premier président de la cour d’appel aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire.
par Alexandra Martinez-Ohayon
C. En procédure administrative
CE 9° et 10° ch.-r., 24 décembre 2021, n° 444711, mentionné aux tables du recueil Lebon : Le litige né du refus d'une personne privée de communiquer les documents demandés ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative dès lors que cette personne n'exerce pas de mission de service public.
par Yann Le Foll
Cass. soc., 8 décembre 2021, n° 19-22.810, FS-B (N° Lexbase : A46117EI) : La caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que ces conclusions n'ont pas été signifiées au défenseur syndical dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6, § 1, de la CESDH ; dès lors, les délais prescrits aux parties pour effectuer les actes de procédure ne les privent pas de leur droit d'accès au juge.
par Alexandra Martinez-Ohayon
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Réf. : Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ
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par Marie Le Guerroué, Rédactrice en chef
Le 03 Février 2022
Lexbase Avocats vous propose ce mois-ci un dossier spécial consacré à l'anniversaire de la loi du 31 décembre 1971, réalisé sous la direction de Rodolphe Bigot, Maître de conférences en droit privé, UFR de Droit, Le Mans Université.
1. 30 ans de combats passés, mais surtout à venir par Jérôme Gavaudan, Avocat au Barreau de Marseille, Président du Conseil National des Barreaux N° Lexbase : N0326BZ4
2. Histoire critique et origines de la suppression des avoués près les tribunaux de grande instance par Pierre-Louis Boyer, Doyen de la Faculté de Droit, des sciences économiques et de gestion du Mans, Maître de conférences HDR (ThémisUM EA4333 – IODE UMR CNRS 6262) N° Lexbase : N0186BZW
3. L’accès à la profession : 50 ans après par Gaëlle Deharo, Full Professor - ESCE International Business School OMNES Education Research Center CRJP – IRJS Paris 1 – Panthéon Sorbonne N° Lexbase : N0205BZM
4. La structuration des cabinets : 50 ans après par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université, Membre du centre de droit économique (UR 4224), Avocat à la cour d'appel d'Aix-en-Provence N° Lexbase : N0148BZI
5. Le statut d’avocat collaborateur : 50 ans après par Bernard Gauriau, Professeur à l’université d’Angers, Ancien avocat au Barreau de Paris N° Lexbase : N0245BZ4
6. Le secret professionnel de l’avocat : 50 ans après par Daniel Landry, Avocat honoraire - Ancien Bâtonnier - Ancien membre du CNB N° Lexbase : N0210BZS
7. L’avocat, auxiliaire de justice : 50 ans après par Rodolphe Bigot, Maître de conférences en droit privé, UFR de Droit, Le Mans Université Thémis-UM et CEPRISCA et Yves Avril, Docteur en droit, Avocat honoraire, Ancien Bâtonnier N° Lexbase : N0221BZ9
8. Le Conseil de l’Ordre : 50 ans après par Xavier Chiloux, Avocat à la Cour, Ancien Membre du Conseil National des Barreaux, Ancien Membre du Conseil de l’Ordre N° Lexbase : N0219BZ7
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Réf. : Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ
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par Pierre-Louis Boyer, Doyen de la Faculté de Droit, des sciences économiques et de gestion du Mans, Maître de conférences HDR (ThémisUM EA4333 – IODE UMR CNRS 6262)
Le 02 Février 2022
Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « Loi du 31 décembre 1971, 50 ans après » et publié dans l’édition n° 322 du 3 février 2022 de la revue Lexbase Avocats. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N0147BZH.
À Maître Paul Dupuy,
ancien avoué près le tribunal de grande instance de Toulouse
Si les années qui suivent la fin de Seconde Guerre mondiale sont des années de reconstruction humaine et politique, voire de reconstruction de l’Ordre pour les avocats (la CNBF, Caisse Nationale des Barreaux Français, regroupement des caisses de retraite régionales des avocats, fut créée de manière unifiée en 1948), celles qui suivront l’avènement de la Vème République en 1958 vont conduire à des bouleversements conséquents, et même jamais vus, dans la profession d’avocat.
Tout commença avec deux décrets, l’un sur la plaidoirie et les droits de plaidoirie [1], promulgué en 1965, l’autre revenant indirectement sur les conditions d’accès à la profession d’avocat, promulgué en 1967. Ces deux textes furent suivis par l’édition du « Livre bleu » sur la « profession juridique de demain », intitulé Au service de la justice, paru en 1967 sous la direction des avocats Alain Tinayre, président de l’ANA entre 1971 et 1973, et Denis de Ricci. Ce livre, dont nous reparlerons par la suite, ouvrait le chemin de la « grande profession du droit » en prônant « l’unité de la défense » [2]. Les deux textes susvisés de 1965 et 1967, adjoints à la Commission de réforme du Code de procédure civile présidée dès 1969 par Jean Foyer, ainsi que divers décrets et réformes des années 1968-1972, ont été mis en œuvre afin d’amorcer, ou du moins de faciliter, l’érection d’un Nouveau Code de procédure civile, qui conservera sa dénomination de NCPC jusqu’en 2007.
Or, la principale réforme qui toucha la profession d’avocat dans ces années 70 fut la suppression des avoués près les tribunaux de grande instance en 1971. On visait l’un pour servir l’autre. Mais la finalité restait claire et ouvertement affirmée par les avocats :
« Le regroupement des professions judiciaires et juridiques en une seule profession nous paraissait conforme au bon sens. […] La pluralité des professions est génératrice de désordres, de pertes de temps, de complications inutiles, qu’un regroupement permettrait de restreindre, dans de très larges proportions » [3].
Comment cette absorption des avoués près les tribunaux, prémices d’un mouvement d’homogénéisation judiciaire et d’anglo-saxonisation professionnelle, a-t-elle été mise en œuvre ?
L’avant-projet de loi « instituant la protection des usagers du droit, portant création et organisation de la nouvelle profession d’avocat, suppression de la vénalité des charges d’avoués près les tribunaux de grande instance, indemnisation des titulaires de ces charges, ainsi que la réglementation des sociétés fiduciaires et de l’usage du titre de conseil juridique », rendu public en 1971, abordait quatre points distincts. En premier lieu, il y avait l’impossibilité pour une personne non-autorisé d’effectuer des consultations juridiques. Seuls les avocats, les notaires, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, (feu) les avoués près les cours d’appel, les huissiers, les professeurs et les maîtres de conférences agrégés pouvaient, selon cet avant-projet, réaliser des consultations. Toute autre personne qui aurait réalisé des consultations ou des actes juridiques sans y avoir été autorisée était susceptible de sanctions pénales. Il y avait aussi, dans l’article 5 de cet avant-projet, la création, par la disparition des avoués près les TGI et des agréés près les tribunaux de commerce, d’une nouvelle profession d’avocat dont le caractère libéral était de plus en plus affirmé [4]. Était ensuite abordée l’indemnisation des préjudices consécutifs à la suppression de la vénalité des charges d’avoués près le TGI. Et, enfin, était traitée la réglementation de l’usage du titre de conseil juridique, avec l’idée que cette profession serait par la suite fusionnée à celle d’avocat par le législateur, comme cela fut le cas vingt années après [5]. Le politique avait une vision à long terme.
Le projet de loi, après trois présentations devant l’Assemblée nationale entre le 14 octobre 1971 et le 20 décembre 1971, fut finalement adopté et la loi n° 71-1130 promulguée le 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judicaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ. Concernant les modifications de la procédure instaurée par cette loi, la fin du monopole des avoués relatif à la représentation devant le TGI entraîna, en conséquence, la possibilité pour l’ensemble de la nouvelle profession de représenter la partie devant le TGI et, intrinsèquement et conséquemment par l’ampleur de l’accès désormais accordé à la nouvelle profession d’avocat aux TGI, le renversement de la mise en état par le passage d’une procédure accusatoire, dans laquelle les avoués près les TGI se faisaient parvenir leurs « à venir d’audience », vers une procédure inquisitoire dans laquelle le magistrat demeure le grand ordonnateur de la mise en état.
La profession est donc passée, avec la réforme de 1971, d’une situation qui, scindant les professions en fonction de leurs prérogatives, mettait en lien les parties et leurs représentants, à une situation dans laquelle les directives du magistrat s’imposent à une unité, à cette nouvelle profession d’avocat.
Toutefois, on notera que le décret n° 71-740 du 9 septembre 1971, texte initiateur et « fixateur » des principes directeurs du procès du Nouveau Code de procédure civile (ses articles 1 à 17 étant similaires à leurs homologues dudit Code) avait préalablement engendré la suppression des offices d’avoués près les TGI. En effet, dans ses articles 22 et suivants, ce décret fait du seul avocat la personne qui va diriger la procédure et la plaidoirie, que ce soit pour les affaires soumises à une procédure rapide ou pour celles nécessitant la procédure de mise en état. Il est aussi à souligner que l’ordonnancement illogique entre promulgation du NCPC et disparition des avoués près les TGI n’était pas du goût de tous, comme en témoigne les mots du président Philippe Bertin en 1972 : « on arrive à ce résultat que, contre toute logique, la fusion des professions intervient avant la promulgation définitive d’un Code simplifié alors que celle-ci passait généralement pour une condition sine qua non de celle-là » [6].
Dans un article de l’éminent Henri Motulsky, remanié par le professeur Cornu, consacré au décret du 9 septembre 1971 et intitulé « Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile » [7], on perçoit toute la mutation d’une procédure accusatoire en une procédure plus inquisitoire, notamment dans les articles 3, et 6 à 13, du décret, articles qui confèrent au juge des prérogatives autrement plus importantes que ceux qui lui étaient accordés dans le précédent code. Par ce décret, avant même la loi du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, la réforme de la procédure était déjà amorcée, annonçant le renversement ontologique de la procédure et du monde procédural, la première glissant vers un caractère inquisitoire, le second vers son propre aspect libéral, entraînant la profession d’avocat dans des conceptions autrement plus économiques qu’elle ne l’avait été. Le décret n° 72-468, du 9 juin 1972, organisant la profession d’avocat N° Lexbase : L4055IRM reflète exactement cela, en particulier dans ses articles 70 à 82 sur les dispositions relatives aux associations et aux collaborations.
Ce qui demeure fondamental dans l’observation de l’histoire et de l’évolution de la profession d’avocat, c’est cette mise en marche, dès 1958, de la libéralisation économique d’une profession préalablement fondée sur la notion de désintéressement. L’unification des professions judiciaires, sur le modèle anglo-saxon, et donc la suppression des avoués près les tribunaux de grande instance (puis des conseils juridiques et des avoués près les cours d’appel et, prospectivement, des notaires, commissaires-priseurs et huissiers déjà réunis dans la prochaine profession de commissaires de justice, et de toutes les professions dites « réglementées ») est prévue et anticipée depuis les premiers instants de la Vème République. Cette unification souhaitée, en vue de la création d’une unique profession du droit que serait la nouvelle et messianique profession d’avocat, s’appuie curieusement et sophistiquement sur l’affirmation de la nécessité d’un monopole, idée contre laquelle elle s’érige cependant… idéologiquement :
« La nécessité du monopole apparaît comme une évidence. […] Le monopole apparaît une nécessité absolue. Il est la contrepartie de l’unicité de la profession et la garantie indispensable de son élargissement. […] L’idée de protéger par un monopole – et par les sanctions que comporterait sa violation – l’exercice des fonctions dévolues à la profession nouvelle – ou telle ou telle d’entre elles – n’a de quoi effrayer personne. Elle doit être pour le public un sujet d’apaisement » [8].
Étudier distinctement les réformes de 1965, 1967, 1971, 1991, 2011 ou 2015 est impensable tant l’on sait qu’elles sont toutes intrinsèquement liées et qu’elles procèdent d’un même mouvement de libéralisation de la justice. Il est inutile de revenir ici sur les principaux rapports du XXIème qui montrent, sous une apparente, mais factice originalité, toute la continuité existante entre les années post-conflit mondial et 2022. Ce n’est pas Maître Darrois qui contredira cela.
Déjà, en 1951, le professeur Pierre Hébraud, dans un article sur l’élément écrit et l’élément oral en matière de procédure civile publié au sein du Recueil de l’Académie de législation de Toulouse, annonçait les temps futurs d’une justice sans avoué, et l’on ne peut ici que le citer pour s’apercevoir du discernement dont était capable, en ce temps, certains universitaires :
« Parmi les raisons pour lesquelles ont, jusqu’à présent, si rapidement, avorté les propositions, souvent faites, de suppression des avoués, il faut sans doute faire une large place au sentiment de profonde incertitude dans laquelle jetterait la recherche d’un nouvel équilibre de la procédure. C’est pourquoi les avocats sont, dans l’ensemble, partisans du maintien des avoués, qui les déchargent d’une partie ingrate de la procédure, et, en leur permettant de s’adonner pleinement à leur mission propre, favorisent indirectement la prédominance de l’oralité dans la procédure ; si la suppression des avoués devait être un jour réalisée, ce serait sans doute, lorsque l’évolution professionnelle de l’avocat vers une certaine commercialisation, déjà amorcée, aurait été poussée assez loin pour y préparer le terrain » [9].
Hébraud l’avait annoncé, augure aveuglé, héritier de la tradition des processualistes languedociens [10] ! Non pas la suppression des avoués, mais bien la cause politique et économique de celle-ci, à savoir un libéralisme accru favorisant « la commercialisation » de la profession d’avocat.
Le cœur même de la profession d’avocat avait été, de la Rome antique cicéronienne au XIXème siècle, la notion de désintéressement. C’est de cette abnégation, de ces sacrifices, que viennent les termes d’ « honoraires », dans cette idée que le client restait libre dans les émoluments qu’il conférait à son avocat, ce dernier travaillant avant toute chose pour « l’honneur ». Déontologiquement, un avocat ne pouvait pas même abandonner un client si celui-ci n’était en mesure de le payer. Les temps ont bien changé [11]. Les avoués près les tribunaux de grande instance supprimés, la profession d’avocat entrait dans cette ère de la « commercialisation », l’ère de la démultiplication du nombre de praticiens, de l’accroissement de leurs honoraires et de l’ultra-spécialisation juridique née de l’accumulation des normes. Le nombre d’avoués près les tribunaux de grande instance atteignait plus de 1 500 officiers l’année de leur suppression, et la réforme de 1971 vint donc multiplier par 25 % les rangs d’une profession préalablement détachée des soucis de la concurrence libérale. Les avocats, devenus 7941 en 1972 pour toute la France, passèrent à 14 480 sept ans après, et à environ 16600 en 1987. De surcroît, la nouvelle profession née de la loi de 1971 N° Lexbase : L6343AGZ a totalement évincé la profession d’avoué : on promettait une fusion, ce fut une absorption. Elle fut « intégralement celle d’avocat » [12].
Notons aussi que, si les avocats parisiens étaient favorables à cette réforme, ceux de province y étaient principalement hostiles, les mois précédents le vote de la loi ayant révélé une « grande peur des barreaux de France » quant à l’érection de cette nouvelle profession. Ainsi, le député du Haut-Rhin, Raymond Zimmermann, président de la Commission des Lois en remplacement de René Capitant, s’exprimait-il ainsi au cours des débats qui précédèrent le vote :
« Il est évident que mis à part le problème de la postulation auprès des tribunaux nouvellement créés de Créteil, Nanterre et Bobigny, l’accession des avoués à la plaidoirie ne posera aucun problème concurrentiel aux avocats de la capitale. En revanche, la situation est très différente dans les petits et moyens barreaux. Elle est conjoncturelle et variable suivant le nombre d’avoués encore en exercice auprès d’un tribunal de grande instance donné. Elle est variable suivant les usages existant dans les circonscriptions judiciaires et suivant le courant d’activité qui se déplace soit de l’avoué vers l’avocat correspondant, soit de l’avocat vers l’avoué correspondant. Ce que j’ai eu l’occasion d’appeler, au cours des auditions auxquelles j’ai procédé pendant tout l’été, la grande peur du barreau de France, vient en particulier du fait que, dans un certain nombre de ressorts, les avocats se trouveront en présence d’avoués dont ils disent qu’ils auront été préalablement indemnisés et mis en mesure de leur faire une concurrence accrue lors de l’extension de leurs attributions judiciaires » [13].
Et André Tisserand, tel Platon fustigeant le tirage au sort en politique, s’inquiétait de cette confusion des professions et de cette uniformisation qu’allait engendrer la loi de 1971 :
« Que vont faire ensemble ces diverses personnes et pourquoi procéder à cette grande fusion ? Je répondrai à cette question par une observation médicale : je ne voudrais pas confier une opération de la cataracte à un gynécologue. Et pourtant, l’ophtalmologue et le gynécologue sont tous deux médecins ; ils ont sans doute acquis des compétences semblables grâce à un tronc commun d’études ; ils sont l’un et l’autre des spécialistes exerçant la même profession » [14].
Cette loi de 1971, qui fut donc « intégralement celle d’avocat », vient affirmer, outre la disparition d’une profession spécifique, le caractère indépendant et libéral de celle d’avocat qui recherche « l’absence de lien de subordination par rapport à l’État ou par rapport à un client ». Le Livre bleu (pourrions-nous l’appeler « Le programme » ?) mettait en exergue, quelques années avant, ces caractéristiques recherchées :
« Dans le siècle où nous vivons, la profession nouvelle doit, pour remplir intégralement son rôle et pour conserver la confiance du public – exercer son activité en toute indépendance. Et celle-ci n’est concevable que si ses membres assument leurs fonctions sous la forme libérale. Il s’agit là d’un impératif absolu, dont l’abandon – ou seulement la mise en question – ferait crouler tout l’édifice » [15].
Et cette phrase du professeur Giverdon faisait ainsi écho aux souhaits des avocats et aux dispositions des articles 7 à 10 de la loi de 1971 N° Lexbase : L6343AGZ :
« L’indépendance de cette profession et son caractère libéral en ont été les plus beaux fleurons » [16].
Il faut bien avoir conscience que ce programme de libéralisation progressive de la profession d’avocat est prévu plusieurs années avant la loi de 1971, le Livre bleu déjà évoqué étant le symbole de cette marche forcée, et souvent incontrôlée, vers l’anglo-saxonisation effective du barreau français. Ce livre complet et technique est le programme, pour initiés, des réformes à réaliser pour parvenir à la « grande profession du droit », qui n’est en rien une création ou un hobby du XXIème siècle, mais bien une volonté lancinante - et principalement jacobine aujourd’hui - d’une partie de la profession d’avocat. On peut y lire, pour preuve de nos propos, que « la pierre angulaire du système proposé était la profession unique, judiciaire et juridique, libérale et monopolisée » [17]. Jean-Baptiste Sialelli le reconnaît lui-même quand il écrit, à propos de cet ouvrage controversé et confidentiel, que « s’il constitue un manifeste, c’est à coup sûr en faveur de la profession libérale contre l’office ministériel » [18], et cette assertion se vérifie parfaitement à la lecture du livre bleu dans lequel on trouve cette sentence qui présageait des réformes de 1971, de 2011 et des années à venir :
« Il serait souhaitable que l’on vaccine définitivement les professions judiciaires du mal de la vénalité des charges » [19].
Toutefois, on notera que cette libéralisation est limitée, dans un premier temps, par deux éléments liés à la postulation : l’impossibilité pour un avocat non-inscrit au barreau du tribunal devant lequel se déroulera le procès de postuler - celui-ci, alors qualifié de dominus litis, doit s’adjoindre les services d’un avocat postulant inscrit, lui, au barreau du tribunal de grande instance en question -, et la continuité de la tarification pour la postulation. Ainsi, l’avoué semble avoir été substitué, à cette époque, par l’avocat, sans que les conditions de postulation n’aient changé, la tarification conservée pour la postulation devant le TGI limitant de facto la libéralisation de la profession d’avocat, mais laissant augurer, déjà en 1971, une évolution observée depuis sur ces deux points.
Concernant les mesures transitoires relatives à l’adjonction des avocats, avoués et agréés près les tribunaux de commerce à cette « nouvelle profession d’avocat », c’est le décret n° 72-468, du 9 juin 1972, organisant la profession d’avocat N° Lexbase : L4055IRM qui en exposait les modalités définitives. L’inscription sur le tableau de l’Ordre pour les membres des professions supprimées fut régie par les articles 43 à 47 dudit décret, et l’on observe que deux renonciations s’offrent dès lors aux anciennes professions judiciaires concernées : une renonciation à l’incorporation dans la nouvelle profession, et une renonciation à l’exercice d’activités professionnelles non pratiquées avant cette incorporation. De même, les avocats pourraient renoncer à exercer les fonctions antérieurement dévolues aux avoués. Avocats et avoués ont ainsi eu la possibilité, en 1972, de conserver l’ancienne dualité professionnelle qui existait avant la loi du 31 décembre 1971, en renonçant à franchir les limites de leurs anciennes activités, ce qui ne fut pas le cas quelques années après concernant la loi de suppression des avoués près les cours d’appel.
La fusion entre la profession d’avoué près le tribunal de grande instance et celle d’avocat issue de la loi du 31 décembre 1971 entraîna, au-delà de la création d’une nouvelle profession, une réflexion sur les institutions qui devaient représenter cette dernière. Les discussions commencèrent dès 1972 et, le 2 décembre 1977, l’assemblée constitutive d’une nouvelle institution, la Confédération syndicale des avocats, ou CSA, était créée, regroupant l’ANA et le Rassemblement des nouveaux avocats de France, ou RNAF, qui avaient été créés par les anciens avoués devenus, dès lors, avocats.
En 1974, un vieux fantôme revint hanter les couloirs de l’Assemblée, et l’on suggéra de créer un Ordre national en remplacement de la multiplicité des ordres qui existaient sur le territoire français. La machine jacobine semblait continuer dans sa lancée… certains avocats parisiens considérant même que la question du barreau national était déjà tranchée et qu’il fallait se pencher sur celle du barreau européen [20]. Si le RNAF, encore indépendant à l’époque, soutenait cette idée, l’ANA s’y opposa, tout comme la Conférence des bâtonniers, ou encore, pour des raisons autres, le Syndicat national des avocats qui refusait « toute création de cet Ordre qui signifierait obligatoirement la mise en tutelle de la profession sous l’égide d’un mandarinat conservateur » [21]. On ne pouvait pas s’attaquer ainsi aux ordres locaux, à leur indépendance et à leurs Bâtonniers, alors que Bâtonnier Roger Merle évoquait d’ailleurs :
« En parcourant la loi du 31 décembre 1971 et le décret du 9 juin 1972, qui sont aujourd’hui la charte des avocats, on a l’impression que presque tout le pouvoir est détenu par le Conseil de l’Ordre, ou plus généralement par l’Ordre, dont le Bâtonnier est l’organe représentatif et exécutif » [22].
Il n’en fallait pas plus pour que cette profession d’avocat, pourtant si encline aux réformes (mais peut-être uniquement à celles faites en sa faveur ?), ne se fige face au nouveau dessein du pouvoir politique. Le 5 janvier 1976, le barreau de Nantes se mettait en grève, suivi par le barreau de Toulouse puis celui de Paris à compter du 17 janvier, et enfin des autres avocats de France. Les 12 000 avocats que comptait alors le pays étaient en grève. On crut être revenu au temps des crises parlementaires de l’Ancien Régime, à la fameuse « affaire des avocats » de 1730.
Concluons avec les propos du Bâtonnier d’Évreux Jacques Montouchet, président d’honneur de la Conférence des Bâtonniers [23], qui regrettait au sujet de cette réforme « que la loi de 1971 ait transformé des artisans et des artistes en entrepreneurs haletant sous le double joug de la procédure et de la rentabilité » [24].
[1] Décret, du 19 mai 1965, n° 65-379, relatif aux droits de plaidoirie des avocats.
[2] A. Tinayre et D. De Ricci, Au service de la justice. La profession juridique de demain, Paris, Dalloz, 1967.
[3] A. Tinayre et D. de Ricci, Au service de la justice…, op. cit., p. 504-505.
[4] L’article 1.1 du RIN, « La profession d’avocat est une profession libérale et indépendante quel que soit son mode d’exercice », ne fait que reprendre le troisième alinéa de l’alinéa 1er de la loi de 1971 qui dispose que « La profession d’avocat est une profession libérale et indépendante ».
[5] P.-L. Boyer, Aequitas fons et mater. La persistance du droit naturel, HDR, Université de Rennes I, 2016.
[6] P. Bertin, Un feuilleton à suivre : le nouveau Code de procédure civile [Décret du 28 août 1972], La Gazette du Palais, 1972, t. 2, Doctrine, p. 554-561 et 669-676.
[7] H. Motulsky, Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile : la consécration des principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971, Dalloz-Sirey, 1972, Chronique XVII, p. 91-102.
[8] A. Tinayre et D. de Ricci, Au service de la justice…, op. cit., p. 508, puis p. 567-615.
[9] P. Hébraud, L’élément écrit et l’élément oral dans la procédure civile, Recueil de l’Académie de législation de Toulouse, 1951, p. 39-46, publié à nouveau dans le Rapport au IIIème Congrès international de droit comparé, Travaux de l’Institut de droit comparé de Paris, t. 15, 1959, p. 341 sq.
[10] L. Cadiet, Pierre Hébraud, doctrine vivante ?, in L. Miniato et J. Theron (dir.), Pierre Hébraud, doctrine vivante ?, Toulouse, Presses de l’université Toulouse 1-Capitole, 2018, p. 211-231.
[11] J.-L. Halpérin (dir.), Avocats et notaires en Europe, Droit et société, n° 19, Paris, LGDJ, 1996.
[12] J.-B. Sialelli, Les avocats de 1920 à 1987 (ANA – RNAF – CSA), Paris, Litec, 1987, p. 163.
[13] « Débats de l’Assemblée nationale », Gaz. Pal., « Réforme des professions judiciaires et juridiques », 1971.2.9.
[14] « Débats de l’Assemblée nationale », Gaz. Pal., « Réforme des professions judiciaires et juridiques », 1971.2.11.
[15] A. Tinayre et D. de Ricci, Au service de la justice…, op. cit., p. 507.
[16] C. Giverdon, Observations sur une réforme (A propos de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques), Dalloz-Sirey, 1972, Chronique XVIII, p. 103-114.
[17] A. Tinayre et D. de Ricci, Au service de la justice…, op. cit., p. 721.
[18] J.-B. Sialelli, Les avocats de 1920 à 1987 (ANA – RNAF – CSA), Paris, Litec, 1987.
[19] A. Tinayre et D. de Ricci, Au service de la justice…, op. cit., p. 675.
[20] J. Mauro, Représentation nationale des avocats et des barreaux français. Un point de vue communautaire, Gaz. Pal., 1975.2.484.
[21] Gaz. Pal., 26-27 novembre 1975. Cité par J.-B. Sialelli, Les avocats de 1920 à 1987…, op. cit., p. 196.
[22] R. Merle, Le Bâtonnier de l’Ordre des avocats. Une forme de présidence originale, Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Toulouse, Presses de l’Université des Sciences sociales de Toulouse, 1981, p. 560.
[23] Il avait été élu président de la Conférence des Bâtonniers en 1971.
[24] J.-B. Sialelli, Les avocats de 1920 à 1987…, op. cit., p. 159-160. Ces propos font écho à ceux d’un certain « G.M. » qui prophétisait, au lendemain du vote de la loi de 1971, cette disparition des « artistes du droit » : « Il est probable par contre que l’éthique de la nouvelle profession sera différente. Si les hommes nouveaux conserveront les vertus traditionnelles communes des avocats et des avoués, leur manière d’agir, de penser ne sera plus celle de l’avocat d’aujourd’hui. Préoccupés par des problèmes d’administration, d’efficacité et de rendement, l’homme de demain risque de perdre ce trait caractéristique de l’avocat d’aujourd’hui : il ne sera probablement plus un artiste au sens propre et figuré ». G.M., Esquisses sur l’avocat de demain, Gaz. Pal., « Réforme des professions judiciaires et juridiques », 1971.2.1.
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par Gaëlle Deharo, Full Professor - ESCE International Business School OMNES Education Research Center CRJP – IRJS Paris 1 – Panthéon Sorbonne
Le 02 Février 2022
Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « Loi du 31 décembre 1971, 50 ans après » et publié dans l’édition n° 322 du 3 février 2022 de la revue Lexbase Avocats. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N0147BZH.
« Être avocat ce n'est pas justifier, ce n'est même pas excuser. C'est interdire à la haine d'être présente à l'audience. C'est amener, tenter d'amener le juge à rester juste. »
Robert Badinter.
Trouvant ancrage dans un héritage historique et symbolique fort, la figure de l’avocat s’est imposée au fil des siècles dans la représentation collective tant par son rôle dans l’administration de la justice que par l’image de la robe que l’avocat revêt dans l’exercice de ses activités judiciaires [1]. Aux côtés de l’image de l’avocat défenseur et protecteur [2] s’est progressivement « imprimée » [3] celle de l’avocat entrepreneur [4] à la tête de son cabinet [5] : les questionnements relatifs au chiffre d’affaires, à la rentabilité [6], à la survie comme au financement [7] de la structure, aux formes nouvelles et anciennes de concurrence nationale et internationale [8] mais aussi inter et intra [9] professionnelle, à la diversification de l’activité, à la communication, etc… s’imposent à l’avocat comme à tout entrepreneur [10]. Pour autant, si la profession parait subir l’influence croissante d’une logique de marché, l’activité de l’avocat demeure irréductible à toute autre [11].
Intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux, les avocats occupent une position centrale dans l’administration de la justice : « c’est à ce titre qu’ils jouent un rôle clé pour assurer la confiance du public dans l’action des tribunaux, dont la mission est fondamentale dans une démocratie et un État de droit. Toutefois, pour croire en l’administration de la justice, le public doit également avoir confiance en la capacité des avocats à représenter effectivement les justiciables [12] ». Aussi, afin d’assurer la confiance placée en lui par le client, tout avocat est tenu de présenter des garanties communes posées par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ qui, bien que plusieurs fois modifiée, régit et organise la profession depuis cinquante ans, malgré les critiques formulées à son encontre. Cette pérennité du texte ne doit pas occulter les transformations profondes qui ont traversé la profession pendant cinq décennies. L’avocat n’est plus une figure unique [13] : la profession s’est diversifiée, réduisant la place du judiciaire au profit du juridique et les multiples formes d’exercice offrent aujourd’hui un panorama beaucoup plus contrasté qu’hier. Si bien que celle-ci se maintient à un niveau élevé d’attractivité tant elle offre aux avocats une grande diversité de situations professionnelles. Au premier janvier 2020, les 70 073 avocats exerçant en France représentaient 82 % des emplois du secteur libéral juridique [14] et bien que la croissance soit en baisse depuis 2012, le nombre de candidats augmente en moyenne de 3 % par an sur les 10 dernières années. Cet accroissement annuel transforme profondément le contentieux de l’exercice mais aussi de l’accès à la profession d’avocat. Ce contentieux est lui-même nourri par les ambiguïtés de la loi de 1971 dont les dispositions recèlent une véritable complexité théorique, notamment interprétative, mais aussi déontologique et légistique.
La loi du 31 décembre 1971 doit en effet, pour être bien comprise et appliquée, être combinée à d’autres textes : ainsi, les conditions d’accès à la profession d’avocat sont fixées par les articles 11 et suivants de la loi de 1971 et les articles 42 et suivants du décret n° 91-197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat N° Lexbase : L8168AID. En outre, l’apparente simplicité des conditions de principes posées pour accéder à la profession d’avocat se complique des différentes dérogations qui se sont ajoutées et amendées au fil du temps. Si bien que ces conditions donnent lieu à une jurisprudence abondante et subtile qui porte sur les conditions générales d’accès à la profession posées par l’article 11 de la Loi du 31 décembre 1971 (I), mais aussi sur les obligations de formation et les dérogations ouvertes aux candidats avocats (II).
La défense a longtemps constitué le cœur de l’activité de l’avocat, si bien que, dans sa rédaction initiale, l’article 4 de la loi du 31 décembre disposait que « nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et les avoués près les cours d'appel ». L’élargissement des activités judiciaires [15] vers les activités juridiques de conseil, de rédaction d’acte, de résolution amiable, etc.. a déplacé le centre de gravité de la profession [16] en même temps qu’elle a diversifié les profils des candidats et les modalités d’exercice. Pour autant, la profession semble, aujourd’hui comme hier, se rassembler autour d’exigences communes qui correspondent à une figure symbolique de l’avocat légitimant la confiance des justiciables en la profession et auxquelles les candidats doivent se conformer. Réécrite par la loi du 31 décembre 1990, par la loi n° 93-1420, du 31 décembre 1993, portant modification de diverses dispositions pour la mise en œuvre de l’accord sur l’Espace économique européen et du traité sur l’Union européenne N° Lexbase : L2991AIM et par l'Ordonnance n° 2008-507, du 30 mai 2008, portant transposition de la Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles N° Lexbase : L9013H39 [17], la loi du 31 décembre énumère les exigences essentielles auxquelles elle soumet les candidats à l’exercice de la profession. Ces conditions profilent un avocat vertueux (A) et compétent (B) maintenant toute la noblesse de la profession.
A. L’avocat vertueux
L’article 11 de la loi de 1971 N° Lexbase : L6343AGZ énumère six conditions : les trois premières sont relatives à la compétence de l’avocat, les trois suivantes garantissent sa moralité et sa probité. On observe que ces conditions marquent l’accès à la profession puis deviennent dans l’exercice de celle-ci des obligations déontologiques qui pèsent sur l’avocat en toutes circonstances [18].
Il n’existe en effet aucun numerus clausus et le consensus semble s’orienter vers des conditions qualitatives d’accès à la profession [19]. Aussi, les conditions de moralité [20] et de probité [21] ne résultent pas d’une proclamation abstraite d’une éthique du candidat dont il reviendrait au conseil de l’ordre de préciser le contenu. Au contraire, l’article 11 de la loi de 1971 N° Lexbase : L6343AGZ guide l’interprétation en en traçant les contours à partir des sanctions qui auraient pu être prononcées à l’encontre des candidats.
Réciproquement, la jurisprudence a précisé que si l'article 11 de la loi de 1971 énumère les conditions à défaut desquelles nul ne peut accéder à la profession d'avocat, il ne s'ensuit pas que tout candidat qui satisfait à ces conditions doive être admis au barreau. Il appartient au conseil de l'ordre de maintenir les principes de probité et de désintéressement auxquels sont soumis les membres de la profession [22] et d’apprécier l’aptitude de l’intéressé à exercer la profession d’avocat en conformité avec ses principes essentiels [23]. A cet égard, la profession a clairement refusé de se faire dicter par un tiers la maitrise de son tableau [24]. Outre les conditions de moralité et de probité, le conseil de l’ordre doit encore s’assurer que le candidat satisfait aux exigences de nationalité et de diplôme (Maitrise [25] et CAPA) tendant à garantir que le candidat a une bonne maîtrise du droit national.
B. L’avocat compétent
L’exigence de nationalité masque un traitement différencié des candidats selon qu’ils sont, ou non, français, ressortissants de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. La Cour européenne a précisé que la réglementation de l’accès au barreau participe d’une bonne administration de la justice et que les autorités nationales disposent d'une marge d'appréciation en matière de définition des conditions d'accès à la profession d'avocat si bien que l’exigence de nationalité pour y accéder ne saurait à elle seule suffire à créer une distinction discriminatoire [26]. Au demeurant, des exceptions permettent notamment aux avocats étrangers d’accéder à la profession par des voies dérogatoires [27] ou d’exercer en France sous leur titre d’origine [28].
Quel que soit la voie d’accès à la profession, l’avocat, lorsqu’il exercera sa profession, devra faire preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence [29]. Si bien que les exigences de l’article 11 de la loi de 1971 préfigurent les obligations déontologiques auxquelles sera soumis l’avocat dans l’exercice de sa profession. Plus précisément, le devoir de compétence [30] garantit les droits de la défense et une bonne administration de la justice devant les juridictions françaises[31] et s’impose, avant même la prestation de serment [32], comme une condition d’accès à la profession. Si ces compétences ont longtemps été présumées, l’avocat doit désormais en justifier « sous peine de voir remise en cause la place privilégiée qu’il occupe dans le marché des services juridiques » [33]. Dans cette perspective, l’article 11 de la loi de 1971 met en place un processus de validation des acquis reposant sur l’obtention d’un diplôme universitaire, sanctionnant l’acquisition des connaissances en droit national, et du CAPA marquant la réussite à l’examen de fin de formation professionnelle. La physionomie contemporaine de la profession donne à cette phase de formation une dimension singulière qui conduit aujourd’hui la profession à revendiquer non seulement une modification profonde de la formation des avocats, mais également le contrôle de celle-ci afin de garantir qu’elle soit adaptée aux exigences professionnelles [34].
Exigée par l’article 11 de la loi de 1971, l’obtention du CAPA sanctionne les dix-huit mois de formation théorique et pratique, exigée pour l’exercice de la profession et dont l’accès est subordonné à un examen d’entrée [35] à un centre régional de formation professionnelle d’avocat [36] (CRFPA) (A). Des dérogations, qui donnent lieu à une jurisprudence abondante, sont néanmoins prévues (B).
L’article 12 de la loi de 1971 dispose que la formation professionnelle exigée pour l'exercice de la profession d'avocat est subordonnée à la réussite à un examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle [37]. Cette formation [38], sanctionnée par le CAPA, comprend une partie théorique et une partie pratique d'une durée d'au moins dix-huit mois [39]. Chaque avocat ayant satisfait aux exigences de compétences est ensuite inscrit au tableau d’un barreau [40] dans les conditions prévues par les articles 93 à 96 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.
Bien que des dérogations importantes soient prévues [41], l’obtention du CAPA apparait donc comme la voie normale d’accès à la profession d’avocat [42]. Au demeurant, l’exigence de formation apparait centrale dans l’acquisition, le maintien et le développement de la compétence de l’avocat. Si bien que la formation initiale est une condition d’accès à la profession alors que la formation continue est, quant à elle, une obligation déontologique [43]. Il en résulte que les contentieux concernant la formation professionnelle [44] prennent une importance particulière dans la vie professionnelle de l’avocat [45] et la Cour européenne des droits de l’homme a même considéré qu’en la matière le comportement des autorités compétentes doit être cohérent et respectueux de la personne sous peine de porter atteinte à son droit à la vie privée au sens de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen N° Lexbase : L1372A9P [46].
Outre la voie classique du CAPA, différentes voies d’accès coexistent donc pour accéder à la profession :
Les avocats qui ont acquis leur titre professionnel dans un pays de l’Union européenne peuvent exercer sous le titre professionnel d’origine [49].
Les avocats ressortissants d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen, s'ils ne sont pas titulaires du CAPA[50], doivent subir un examen de contrôle des connaissances en droit français.
D’interprétation stricte[51], ces dérogations sont soumises à une condition de territorialité [52] qui a pour finalité d’assurer une connaissance suffisante par le candidat du droit national [53].
[1] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ, art. 3.
[2] L'avocat protecteur, Lexbase Avocats, février 2013 N° Lexbase : N5669BT7.
[3] Bien que peu évoquée, la figure de l’avocat entrepreneur semble avoir été décomplexée par la loi n° 2015-990, du 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC ; G. Deharo, L’influence de la rationalité économique sur l’évolution des missions des gens de justice : vers la fongibilité des professions juridique réglementées ? , in Gens de Justice au XXIè siècle, H. Pauliat, E. Negron et L. Berthier (Dir.), Pulim, 2017, p, 87.
[4] C. Jamin, Services juridiques : la fin des professions ?, Le Seuil, Pouvoirs, 2012/1, n°140.
[5] G. Deharo, De l’avocat à l’entrepreneur : harmonisation des règles de communication de l’avocat, Lexbase Avocats, juillet 2020 N° Lexbase : N3928BY7.
[6] Cass. civ. 2, 10 nov. 2021, n° 20-15.361, F-B N° Lexbase : A45067BI ; D. Houtcieff, Révocation de l'avocat : l'attraction de la rupture brutale des relations commerciales établies, JCP G, 2021, 1321.
[7] M. Le Guerroué, « On ne se fait pas confiance » - Questions à Audrey Chemouli, à propos de l’ouverture des capitaux des cabinets d’avocat à des tiers, Lexbase Avocats, décembre 2021 N° Lexbase : N9627BY9.
[8] C. Jamin, op. cit. et loc. cit..
[9] T. Wickers, C. Jamin, L’avenir de la profession d’avocat, Commentaire 2010/4, n° 132, 985.
[10] C. Chaserant, S. Harnay, Régulation de la qualité des services juridiques et gouvernance de la profession d’avocat, Revue internationale de droit économique, 2015, XXIX, 333-356.
[11] B. Deffains, J.-B. Thierry, Faut-il ouvrir ou restreindre les conditions d'accès à la profession d'avocat ?, JCP G, 2014, doctr. 42.
[12] V., not., CEDH, 15 décembre 2005, Req. 73797/01, Kyprianou c/ Chypre N° Lexbase : A9564DLS ; CEDH, 23 avril 2015, Req. 29369/10, Morice c/ France N° Lexbase : A0406NHI ; CEDH, 27 juin 2017, Jankauskas c/ Lituanie, n° 50446/09 ; CEDH, 15 décembre 2011, Req. 28198/09, Mor c/ France N° Lexbase : A6142IAQ ; CEDH, 4 avril 2018, Req. 56402/12, Correia De Matos c/ Portugal N° Lexbase : A0011XKM .
[13] C. Barszcz, La typologie de la profession d’avocat : l’exemple des avocats d’affaires, Le Seuil, Pouvoirs, 2012/1, n°140, 21 ; F. Saint-Pierre, Le monde « constellaire » des avocats. Les Cahiers de la Justice, 2020, 3, 379-386 ; K. Berthet, Evolutions récentes dans la profession d’avocat, Les cahiers de la justice, Dalloz, 2017 /4, 735.
[15] C. Barszcz, op. cit. et loc ; cit. ; T. Wickers, C. Jamin, op. cit. et loc ; cit. ; Barreau de Paris, Paris Legal Makers : un forum juridique international , JCP G 2021, 1342.
[16] T. Wickers, C. Jamin, op. cit. et loc ; cit.
[17] R. Martin, D. Landry, Avocats, J.-Cl. Pr. civ., Fasc. 300-75, n° 70 ; K. Berthet, Rétrospectives et perspectives de la profession d'avocat, Lexbase Avocats, mai 2017 N° Lexbase : N7900BWI.
[18] RIN, art. 1.3 ; G. Deharo, Délicatesse et modération dans l’exercice de la profession d’avocat, Lexis 360, 16 mai 2012.
[19] Accès à la profession d’avocat : la garde des Sceaux est opposée à l’instauration d’un numerus clausus, JCP G actualités, 4 avril 2018 ; Maison du barreau de Paris, conf. de presse, 19 nov. 2013, Accès à la profession d'avocat : le barreau de Paris lance un cri d'alerte, JCP G, 2013, 1259.
[20] Cass. civ. 1, 12 novembre 2015, n° 14-25.799, F-P+B N° Lexbase : A7456NW3.
[21] J.-M. Brigant, La probité de l’avocat, Lexbase Avocats, mai 2020 N° Lexbase : N3196BYZ ; Y. Strickler, Honneur et probité, Procédure, 2017, comm. 181.
[22] Cass. civ. 1, 14 octobre 2015, n° 14-19.033, F-D N° Lexbase : A5620NTC ; Cass. civ. 1, 10 septembre 2015, n° 14-20.775, F-P+B N° Lexbase : A9438NNU.
[23] Cass. civ. 1, 5 février 2014, n° 12-29.824, F-D N° Lexbase : A9182MDG.
[24] K. Haeri, Rapport sur la réforme de l’accès initial à la profession d’avocat , nov. 2013, p. 3 ; Il faut reprendre en main la question de l'accès à la profession, nous sommes trop nombreux et le niveau général des plus jeunes laisse à désirer ; 3 questions à Isabelle Dor, candidate à l'élection au bâtonnat du barreau de Paris, JCP G, 2015, 746.
[25] TA Paris, 26 juillet 2016, n° 1610704 N° Lexbase : A4006RZE ; Examen d'entrée au CRFPA : le LLM non éligible, le Quotidien, septembre 2016 N° Lexbase : N4251BWD.
[26] CEDH, 28 mai 2009, Bigaeva c/ Grèce, Req. N° 26713/05 N° Lexbase : A6690ZEI.
[27] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ art. 11 ; G. Deharo, Accès dérogatoire à la profession d’avocat : condition de territorialité, Dalloz actualité, 5 juin 2018 ; C. Caseau-Roche, L’accès dérogatoire à la profession d’avocat strictement limité, Dalloz actualité, 20 janvier 2021 ;
[28] Ibid., art. 83 et suiv ; G. Deharo, Accès à la profession d’avocat, Lexis 360 16 févr. 2018.
[29] RIN, art. 1.3.
[30] RIN, art. 21 ; CA Angers, n° 11/01782, 25 octobre 2011 N° Lexbase : A2163HZ7 ; Barreau de Laval : la participation des avocats aux permanences pénales de garde à vue est obligatoire, même si ces derniers ne sont pas compétents en droit pénal !, Lexbase Avocats, novembre 2011 N° Lexbase : N8776BST.
[31] Cass. civ. 1, 19 juin 2019, n° 18-12.671, FS-P+B N° Lexbase : A2871ZGG.
[32] V., Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ art. 12-2. – M. Durand, Elève-Avocat : quel statut avant la prestation de serment ?, Lexbase Avocats, octobre 2021 N° Lexbase : N8970BYU ; CEDH 28 mai 2009, Bigaeva c/ Grèce, Req. N° 26713/05, n° 33 N° Lexbase : A6690ZEI.
[33] C.-S. Pinat, Le contrôle de la qualité de la prestation fournie par l’avocat : le mécanisme de l’évaluation en ligne, Rev. Inter. Dr. éco., 2017/4, t. XXXI, p. 83.
[34] V., le site du CNB [En ligne] ; G. Teboul, La formation des avocats : une réforme impossible ?, Lexbase Avocats, décembre 2021 N° Lexbase : N9554BYI ; C. Fleuriot, Il est urgent de repenser le mode de sélection pour l’accès à la profession, Dalloz Actualités 20 novembre 2013.
[35] L. Le Foyer de Costil, Les contentieux des résultats de l’examen d’entrée au Centre Régional de Formation à la Profession des Avocats (CRFP) et du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat, Lexbase Avocats, décembre 2020 N° Lexbase : N5594BYT.
[36] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ art. 12 ; V., également Décret n° 91-1197, 27 novembre 1991, art. 42 et suiv..
[37] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 13 ; Décret. n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat N° Lexbase : L8168AID, art. 51.
[38] Décision du 11 septembre 2020 définissant les principes d'organisation et harmonisant les programmes de la formation des élèves-avocats (art. 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée) N° Lexbase : Z9502493 ; Nouvelle décision à caractère normatif définissant les principes d'organisation et harmonisant les programmes de la formation des élèves avocats : que faut-il en retenir ?, Lexbase Avocats, décembre 2020 N° Lexbase : N5180BYI.
[39] Rép. Min. n° 26972 à Mme A. Lemaire : JOAN Q, 1er octobre 2013, p. 10377.
[40] G. Deharo, Accès à la profession d’avocat, Lexis 360, 25 mai 2016.
[41] Cass. civ. 1, 6 février 2019, n° 18-50.003 N° Lexbase : A6086YWC, Dalloz actualité, 21 mars 2019, obs. G. Deharo, ibid., 20 février 2019, obs. G. Deharo ; adde, ibid., 15 février 2019, obs. G. Deharo ; A.-L. Blouet-Patin, Les passerelles dérogatoires pour l’accès à la profession, La lettre juridique, 11 octobre 2012, n° 501 N° Lexbase : N3748BTY ; CA Rouen, n° 11/04128 , 17 janvier 2012 N° Lexbase : A0887IBH ; Modalités d’instruction des dossiers de dispense de certificat d’aptitude à la profession d’avocat : le conseil de l’Ordre est souverain, Lexbase Avocats, janvier 2012 [LXB=N98711BSE] ; cf., H. Bornstein (Dir.,), La profession d’avocat, Lexbase N° Lexbase : E43313RT.
[42] Décret n° 91-1197, organisant la profession d’avocat N° Lexbase : L8168AID, art. 93.
[43] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, art. 14-2. – F. Girard de Barros, La formation continue des avocats , Lexbase Avocats, novembre 2011 N° Lexbase : N8245BS8.
[44] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, art. 14.
[45] CE 1° et 6° s-s-r., 22 juin 2011, n° 336757, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3530HUB ; Du contentieux des délibérations du jury de l'examen d'entrée au CRFPA, Lexbase Avocats, septembre 2011 N° Lexbase : N7739BSG ; C. Tahri, Le contentieux des délibérations du jury de l'examen d'accès au CRFPA, La lettre juridique, février 2010 N° Lexbase : N1645BNA ; Cass. civ. 1, 12 novembre 2009, n° 08-20.284, F-P+B N° Lexbase : A1816ENL ; Le contentieux des délibérations du jury de l'examen d'accès au CRFPA relève de la compétence de la cour d'appel, Lexbase Avocats, novembre 2009 N° Lexbase : N4605BMI.
[46] CEDH 28 mai 2009, Bigaeva c/ Grèce, Req. N° 26713/05 N° Lexbase : A6690ZEI.
[47] CJUE, 7 mai 2019, aff. C-431/17 N° Lexbase : A5256ZAW ; Cass. civ. 1, 17 janvier 2018, n° 16-22.868 N° Lexbase : A8861XAG ; G. Deharo, Accès à la profession d’avocat, Lexis 360, dossier, 7 fév. 2018 ; Cass. civ. 1, 4 mai 2016, n° 14-25.800, FS-P+B N° Lexbase : A3316RMR ; G. Royer, Accès dérogatoire à la profession d'avocat : exigence d'une pratique acquise sur le territoire français, La lettre juridique, 26 mai 2016, n° 656 N° Lexbase : N2707BW8 et Lexbase Avocats, mai 2016 N° Lexbase : N2707BW8.
[48] G. Deharo, Avocats non ressortissants de l'Union européenne : conditions d'inscription au tableau, Lexbase Avocats, janvier 2018 N° Lexbase : N2222BXL.
[49] CJUE, 17 juillet 2014, aff. C-58/13 et C-59/13, Torresi c. consiglia dell’Ordine degli Avvocati di Macerata N° Lexbase : A4751MUI ; G. Deharo, Exercice de la profession d’avocat sous le titre professionnel d’origine : précision sur les incompatibilités prévues par le droit national, la lettre juridique, juin 2019 N° Lexbase : N9170BXW.
[50] CA Versailles, n° 17/05707, 22 décembre 2017 N° Lexbase : A9186W8Q ; Cass. civ. 1, 16 mai 2018, n° 17-19.265, FS-P+B N° Lexbase : A4519XNP ; A.-L. Blouet Patin, Impossibilité pour un magistrat marocain de bénéficier de la "passerelle" de l'article 97, Le Quotidien, mai 2018 N° Lexbase : N4161BXE.
[51] CA Metz, n° 15/02222, 13 mars 2018 N° Lexbase : A9466XGP ; Cass. civ. 1, 16 mai 2018, n° 17-19.265, FS-P+B N° Lexbase : A4519XNP ; Cass. civ. 1, 5 juillet 2017, n° 16-20.441, F-D N° Lexbase : A8421WLH ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0308E7K ; Cass. civ. 1, 14 décembre 2016, n° 15-26.635, FS-P+B+I N° Lexbase : A9199SR7 ; La profession d’avocat N° Lexbase : E0307E7I.
[52] Cass. QPC, 4 mai 2016, n° 14-25.800, FS-P+B N° Lexbase : A3316RMR ; Cons. Const., décision n° 2016-551 QPC, du 6 juillet 2016 N° Lexbase : A4265RWU ; Cass. civ. 1, 14 janvier 2016, n° 15-11.305, F-D N° Lexbase : A9260N3D.
[53] Cass. civ. 1, 14 décembre 2016, n° 15-26.635, FS-P+B+I N° Lexbase : A9199SR7, Dalloz actualité, 20 décembre 2016, art. A. Portmann ; D., 2016, 2579 ; ibid. 2018. 87, obs. T. Wickers ; Cass. civ. 1, 14 janvier 2016, n° 15-11.305, F-D N° Lexbase : A9260N3D, Dalloz jurisprudence.
[54] Accès partiel à la profession d’avocat : le Conseil d’Etat rejette les recours des avocats contre l’ordonnance et son décret d’application, Lexis, actualités 8 fév. 2019 ; Accès partiel à la profession d’avocat en France par les ressortissants de l’UE, JCP G, 2017, 1015.
[55] Cass. civ. 1, 3 juin 2015, n° 14-18.246, F-P+B N° Lexbase : A2313NKU ; Dalloz actualité, 12 juin 2015, art. A. Portmann, D., 2015, 1280.
[56] Décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID, art. 97 à 98-1.
[57] Cass. civ. 1, 15 juin 2016, n° 15-16.517, F-D N° Lexbase : A5603RTP ; Cass. civ. 1, 17 mars 2016, n° 15-13.442, F-P+B N° Lexbase : A3482Q8H ; Dalloz actualité, 29 mars 2016, art. A. Portmann ; D., 2016, 721 ; Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-24.422, F-D N° Lexbase : A4375MWX.
[58] Cass. civ. 1, 14 décembre 2016, n° 15-26.635, FS-P+B+I N° Lexbase : A9199SR7 ; Dalloz actualité, 20 décembre 2016, art. A. Portmann ; D., 2016, 2579 ; ibid. 2018. 87, obs. T. Wickers ; Cass. civ. 1, 14 janvier 2016, n° 15-11.305, F-D N° Lexbase : A9260N3D.
[59] Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID art. 98, 4ème; Le juriste non soumis à un statut de droit public et qui relève du groupe des agents de droit privé ne peut être considéré comme assimilé à un fonctionnaire de catégorie A et, par conséquent, bénéficier de la passerelle de l’article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 : Cass. civ. 1, 6 janvier 2021, n° 19-18.273, F-P N° Lexbase : A89494B3 ; CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 10 septembre 2015, n° 14/24871 N° Lexbase : A8648NNM ; Dispense en faveur des fonctionnaires de catégorie A : exercice dans la fonction publique française, Lexbase Avocats, septembre 2015 N° Lexbase : N8998BUS.
[60] Rép. min. n° 26972 : JOAN Q, 1er octobre 2013, p. 10377, Accès à la profession d'avocat : l'exercice d'une activité de juriste d'entreprise à l'étranger bientôt prise en compte ?, JCP G, 2013, 1091.
[61] Cass. civ. 1, 16 mai 2018, n° 17-19.265, FS-P+B N° Lexbase : A4519XNP ; CA Paris, n° 16/05575 ,9 février 2017 N° Lexbase : A0022TN7.
[62] Cass. civ. 1, 6 février 2019, n° 18-50.003, FS-P+B N° Lexbase : A6086YWC ; G. Deharo, Accès dérogatoire à la profession d’avocat, Dalloz actualité, 20 février 2019.
[63] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, art. 12-1. CA Paris, Pôle 1, 1ère ch., 31 août 2018, n° 18/17068 N° Lexbase : A2760X3M ; A.-L. Blouet-Patin, Le doctorat en droit permettant de bénéficier du régime dérogatoire pour accéder à la formation d’avocat et directement passer le CAPA doit-il avoir été délivré par une Université française ?, Lexbase Avocats, septembre 2018 N° Lexbase : N5351BXH. G. Deharo, Territorialité et voie d’accès dérogatoire à la profession d’avocat, Lexbase Avocats, septembre 2018, n° 270 N° Lexbase : N5514BXI : Cass. civ. 1, 27 novembre 2019, n° 18-18.296, F-P+B+I N° Lexbase : A9912Z3I, S. Bortoluzzi, Compétence exclusive des universités françaises en vue de la reconnaissance des diplômes étrangers pour l'accès à la profession d'avocat, JCP G 2019, 1312 ; G. Deharo, le CRFPA n’est pas compétent pour apprécier l’équivalence du diplôme de doctorat en droit délivré par une université française, Dalloz actualité, 18 décembre 2019.
[64] Cass. civ. 1, 5 juillet 2017, n° 16-21.361, F-P+B N° Lexbase : A8219WLY ; Accès à la profession d’avocat et dispense de formation, JCP G, 2017, 849.
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par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université, Membre du centre de droit économique (UR 4224), Avocat à la cour d'appel d'Aix-en-Provence
Le 02 Février 2022
Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « Loi du 31 décembre 1971, 50 ans après » et publié dans l’édition n° 322 du 3 février 2022 de la revue Lexbase Avocats. L’objet de cet article est de faire le point sur les modes d’exercice de la profession d’avocat et leurs évolutions. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N0147BZH.
1. Même si la summa divisio entre exercice individuel et exercice en société perdure, les modes d’exercice de la profession d’avocat sont aujourd’hui pléthoriques [1]. En témoigne la lettre même de l’article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dont l’alinéa 1er constitue le siège de tous ces cas d’exercice [2]. Mais, les modes d’exercice n’ont pas toujours été aussi nombreux. En effet, la profession d’avocat, par nature indépendante [3], s’est longtemps exercée à titre individuel, soit en qualité de collaborateur, soit en qualité d’entrepreneur individuel, soit, de manière plus marginale, en qualité de salarié. Ces trois statuts - entrepreneur individuel, collaborateur, salarié - existent toujours. Pour autant, de nos jours, le salariat n’est quasiment plus utilisé, le nombre de collaborateurs est en baisse tandis que celui d’entrepreneur individuel ne cesse de progresser. A ce sujet, la majorité des avocats exercent à titre individuel et, parmi ceux exerçant à titre individuel, les entrepreneurs individuels sont plus nombreux que les collaborateurs. L’exercice individuel est majoritaire (I), il doit être étudié en premier lieu. Vient en second lieu l’exercice en société (II), étant observé que l’on se réfèrera, pour l’essentiel, à une source de statistiques qui émane de la DACS [4] qui collecte les informations du tableau de tous les Ordres, notamment en matière de mode d’exercice, dont le dernier rapport date de 2019 [5].
2. Répétons-le : la majorité des avocats exercent à titre individuel et, parmi ceux exerçant à titre individuel, les entrepreneurs individuels sont plus nombreux que les collaborateurs. Deux constats peuvent ici être faits. Le premier est que le contrat de collaboration libérale attire moins qu’auparavant. On peut avancer au moins deux raisons : possibilité pour un avocat de s’installer dès sa prestation de serment [6] ; et méfiance vis-à-vis de la collaboration libérale qui peut empêcher le développement d’une clientèle personnelle, cacher un salariat déguisé, imposer des conditions de travail à la limite du supportable [7]. Dans ces conditions, le recrutement des collaborateurs n’est pas simple ; il y a même dans certains barreaux une pénurie. Le second est que la volonté de s’installer à son compte est plus forte qu’avant.
3. Cet engouement pour l’exercice en tant qu’entrepreneur individuel est heureux. Il s’accompagne toutefois d’une montée en puissance de la gestion des dossiers au moyen de la co-traitance et de la sous-traitance. En effet, l’exercice de la profession d’avocat n’est vraiment pas simple au quotidien : le droit est de plus en plus complexe, les réformes toujours plus rapides à intervenir (souvent applicables aux procédures en cours), l’hyper spécialisation devient nécessaire. Sous la pression économique, les avocats acceptent ainsi de plus en plus de dossiers que leurs compétences ne leur permettent pas de traiter ; ils s’adjoignent alors les services d’un confrère compétent en la matière, soit en sous-traitance - le confrère technicien n’apparaît pas aux yeux du client – soit en co-traitance - le confrère sachant est connu du client qui reste tout de même « la propriété » de l’avocat initial. La sous-traitance induit un autre sujet : celui de l’apport d’affaire. De plus en plus, l’apport d’affaires est rémunéré alors que la déontologie des avocats le prohibe, d’où la préconisation du rapport « Perben » relatif à l’avenir de la profession d’avocat de juillet 2020 d’engager une réflexion en la matière [8].
4. La profession d’avocat s’exerce donc toujours majoritairement à titre individuel, même 50 ans après. Mais, à la différence d’il y a 50 ans, l’enthousiasme pour la collaboration libérale s’estompe, victime sans doute d’expériences jugées comme négatives par la majorité des collaborateurs. Les conséquences indirectes sont doubles : des clientèles qui se transmettent moins, donc qui se valorisent moins que par le passé [9] ; et une augmentation du nombre de cas de responsabilités professionnelles [10].
5. A titre de comparaison, on peut évoquer les autres professions du droit, en particulier les officiers publics et ministériels (OPM) : par rapport aux avocats, ils s’exercent plus en qualité d’associés qu’en tant qu’entrepreneurs individuels, et le statut de salarié professionnel - notaire salarié, huissier salarié, etc. - y est bien plus développé, certainement en raison des rémunérations plus attrayantes. Les clientèles des OPM se valorisent bien plus et bien mieux et il y a plus d’achat d’entreprise par les salariés professionnels que chez les avocats où la cession au successeur se rarifie. Cela signifie que la profession d’avocat est économiquement moins forte que celles des OPM, ces derniers pouvant donc plus supporter le coût d’un salarié professionnel. Cela signifie également que le modèle de collaboration libérale, propre à la profession d’avocat [11], est sans doute à revoir.
6. A côté de l’exercice individuel, il existe l’exercice en société.
7. Longtemps, la seule société que les avocats pouvaient constituer étaient la SCP, c’est-à-dire la société civile professionnelle.
8. Qu’est-ce que la SCP ? La SCP est la société traditionnelle. Même si elle peut opter pour l’impôt sur les sociétés, elle est fiscalisée, en général, à l’impôt sur le revenu (tout comme les associés, imposables également à l’impôt sur le revenu) de sorte que l’autofinancement (pour les associés achetant des parts de la SCP), après impôt, s’avère très coûteux. Tous les associés sont en principe des gérants dont les rémunérations sont, fiscalement, assimilées à des salaires, et, socialement, soumises aux cotisations des indépendants. Les associés de la SCP, qui doivent être au moins deux, sont obligatoirement des personnes physiques, si bien qu’aucune ingénierie sociétaire n’est possible, étant observé que la SCP peut être associée d’une société d’exercice libéral ou d’une société d’exercice de droit commun mais que l’inverse n’est pas vrai.
9. La SCP a l’avantage d’être très simple dans son fonctionnement mais l’inconvénient de ne permettre aucune ingénierie ni aucun développement de capacité d’autofinancement [12]. De plus, le droit de retrait des associés y est d’ordre public, ce qui n’est de nature ni à éteindre un conflit naissant ou avéré entre associés ni à éviter le conflit entre associés, sauf à accepter pour les associés restants de payer le prix fort au sortant dans le cadre du rachat de ses parts. La SCP présente aussi l’avantage de permettre l’utilisation des parts d’industrie, ce qui peut être intéressant pour ajuster la rémunération des associés voire priver l’associé parti de la société d’une partie de sa rémunération puisqu’il n’y exercice plus.
10. La SCP reste encore utilisée chez les avocats, moins cependant que chez les OPM ; elle arrive chez les avocats en seconde position, derrière la SELARL, y compris dans sa forme unipersonnelle.
11. Quelques mots à présent sur la SELARL. Régie par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L3046AIN, elle est la déclinaison libérale de la SARL. Elle est constituée classiquement, soit par des apports en numéraire, soit par des apports en nature, soit par des apports mixtes. Les règles de droit commun sont applicables en cette matière. La composition du capital des SELARL résulte des articles 5 et 6 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, telle que modifiée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 N° Lexbase : L8851IPI de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées et par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC dite « Loi Croissance » ou « Loi Macron ». Aucun capital minimum n’est imposé, étant ajouté que le capital peut n’être libéré que d’un cinquième de son montant lors de la constitution.
12. En SELARL, chaque part donne droit à une voix (C. com. art. L. 223-28 N° Lexbase : L5853AIM), sans qu’il puisse être dérogé à cette disposition. Il est également possible d’aménager les droits financiers (répartition des dividendes) des parts sociales de sorte à conférer des privilèges à certaines parts, sous réserve de ne pas aboutir à priver un associé de ses droits aux bénéfices, ce qui constituerait une clause léonine (C. civ. art. 1844-1 N° Lexbase : L2021ABH). En outre, il est possible de mettre en place des parts d’industrie, qui donnent droit à une quotepart des résultats, mais ne sont pas constitutives du capital (C. com. art. L. 223-7 N° Lexbase : L5832AIT). Les associés en industrie participent aux décisions.
13. Lors de la constitution de la SELARL, il est nécessaire que l’époux commun en biens d’un associé intervienne à l’acte si la souscription aux parts sociales est faite avec des deniers de communauté (C. civ. art. 1832-2 N° Lexbase : L2003ABS) afin qu’il puisse attester avoir été averti de la souscription. Usuellement, le conjoint renonce à la qualité d’associé, ce qui est impératif lorsque le conjoint n’exerce pas lui-même la profession d’avocat.
14. En outre, le droit de retrait a fait l’objet d’un arrêt important : à défaut de dispositions spéciales de la loi l'autorisant, un associé d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée d'avocats ne peut se retirer unilatéralement de la société, ni obtenir qu'une décision de justice autorise son retrait, peu important le contenu des statuts [13].
15. Enfin, la loi « Croissance » du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC permet la constitution de SEL interprofessionnelle, c’est-dire de SEL dont le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par d’autres professionnels du droit que des avocats. De plus, depuis ladite loi, des avocats en exercice dans une autre société peuvent détenir le capital social et les droits de vote d’une SEL d’avocats dans laquelle ils n’exercent pas. Cependant, la quasi-totalité des SELARL exerçant la profession d’avocat sont mono-professionnelles. Pourquoi ? D’abord parce l’interprofessionnalité ci-dessus évoquée est de création très récente. Ensuite, parce que cette interprofessionnalité n’est pas sans poser nombre de questions pratiques et déontologiques de sorte qu’elle est parfois considérée non pas comme effrayante mais à tout le moins comme non nécessairement opportune voire compliquée à gérer.
17. La SELARL mono-professionnelle est la société la plus utilisée chez les avocats. L’un de ses succès est sans doute son régime fiscal, classique, à savoir l’impôt sur les sociétés. Pour leur part, les associés relèvent, selon leur situation, des dispositions de l’article 62 du Code général des impôts (CGI) N° Lexbase : L2354IBS ou du régime des traitements et salaires. Relèvent ainsi de l’article 62 du CGI N° Lexbase : L2354IBS les gérants majoritaires ou co-gérants majoritaires de SELARL ainsi que les gérants de SELARL unipersonnelles ayant opté à l’impôt sur les sociétés. Les rémunérations des professionnels (pour l’exercice de leur mandat et leur activité professionnelle) qui relèvent des dispositions de l’article 62 du CGI N° Lexbase : L2354IBS sont fiscalisées au titre des traitements et salaires. Le montant imposable des rémunérations est déterminé après déduction des cotisations et primes mentionnées à l’article 154 bis du Code général des impôts N° Lexbase : L4882LRA(cotisations MADELIN, SSI, CNBF et URSSAF pour la partie AF et CSG déductible), et déduction des frais professionnels (abattement 10 % plafonné ou frais réels). L’associé est donc tenu de s’acquitter de l’impôt sur les rémunérations qu’il a perçu et qui ont dû faire l’objet d’une approbation dans le cadre d’une assemblée générale ou via les statuts. Depuis le 1er janvier 2018, les dividendes versés aux dirigeants et aux associés font l’objet d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% composé de 12,8% d’impôt sur le revenu et de 17,2% de prélèvements sociaux. L’associé peut toutefois opter pour l’imposition de ses dividendes au barème progressif de l’impôt sur les revenus qui lui permettra de bénéficier d’un abattement de 40% sur le montant des dividendes bruts si les conditions sont remplies.
18. Si la SELARL est en première position, la SCP en seconde, la SELAS (société d’exercice libéral par actions simplifiée) n’est pas, contre toute attente, en 3ème position. Elle n’arrive qu’après l’AARPI. Les avocats ont en effet la possibilité d’exercer leur profession sous forme d’association. Si l’AARPI est une association, elle n’est pas tout à fait une association de droit commun.
19. Créée par le décret n° 54-406 du 10 avril 1954, l’association d’avocats est la plus ancienne forme de structure d’exercice ouverte aux avocats et leur est spécifique. Les autres professions du droit ne peuvent pas exercer sous forme d’association. La réforme opérée par le décret n° 2007-932 du 15 mai 2007 [LXB= L5417HXW] a porté création de l’association à responsabilité professionnelle individuelle (AARPI) qui est actuellement régie par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ (art. 7) et le décret n° 91-1197 du 27 novembre. 1991 organisant la profession d’avocat N° Lexbase : L8168AID (art. 124 à 128-1).
20. L’association d’avocats n’est pas une forme d’exercice capitalistique mais une forme contractuelle : on ne parle pas « statuts » mais d’une « convention (ou contrat) d’association ». La notion de liberté contractuelle trouve ici tout son sens, cette forme d’exercice étant caractérisée par sa très grande souplesse d’organisation. L’Association d’avocats, surtout en la forme d’une AARPI, est très proche de la LLP de droit anglo-saxon et s’adresse aussi bien aux plus importants cabinets de la place parisienne qu’à des structures de petite taille ne comportant que deux associés. Les associés peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales (SEL, SCP et sociétés de droit commun), conformément à l’article 124 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID organisant la profession d’avocat, dans sa rédaction issue du décret n°2007-932 du 15 mai 2007 N° Lexbase : L5417HXW précisant désormais. Ce texte précise qu’une association d’avocats peut comprendre des avocats personnes physiques et des personnes morales exerçant la profession d’avocat : les avocats membres de l’AARPI doivent donc être des exerçants, ce qui exclue les holdings dites « SPFPL » pour société de participation financière de profession libérale.
21. Quand ils exercent en la forme d’une association de type « classique », chaque associé répond de façon indéfinie et conjointe sur l’ensemble de son patrimoine des conséquences de ses fautes professionnelles mais également des conséquences des fautes professionnelles commises par les autres associés. Le contrat d’Association peut néanmoins préciser que la mise en cause de la responsabilité professionnelle de l’un des associés n’engagera pas celle des autres associés. L’Association est alors désignée sous le terme « Association à responsabilité professionnelle individuelle » (AARPI). Cette option peut être choisie à la création de l’Association ou ultérieurement, à l’unanimité des associés. L’AARPI reste donc une association d’avocats « classique » dont elle ne diffère qu’au plan de la responsabilité civile professionnelle des associés qu’ils ne partagent pas entre eux.
22. Régie également par les articles 1871 N° Lexbase : L0121LTN à 1873 du Code civil N° Lexbase : L2074ABG applicable aux sociétés en participation, l’Association n’a pas de capital et ne dispose pas de la personnalité morale. Cette absence de personnalité morale au plan juridique doit toutefois être nuancée car il est reconnu à l’association l’existence d’un patrimoine fiscal propre. Elle se voit également reconnaitre une « personnalité sociale » en se voyant attribuer un numéro d’URSSAF d’employeur, même si les associés sont réputés juridiquement être co-employeurs. C’est également au nom de l’AARPI que sont signés les contrats de collaboration. Au plan pratique en matière procédurale, la constitution d’avocat pour un client n’est pas faite au nom de l’association mais au nom d’un des associés, au demeurant seul titulaire de la clé RPVA, même si le nom de l’association est mentionné sur les actes de procédure. L’association n’étant pas inscrite au RCS, les formalités de constitution sont très simplifiées et supposent la validation du contrat d’association par l’Ordre compétent, une publicité légale et l’enregistrement du contrat [14].
23. Au plan fiscal l’AARPI suit en principe le régime des sociétés de personnes de l‘article 8 du CGI N° Lexbase : L1176ITQ et relève des BNC mais elle peut opter pour le régime fiscal de l’impôt sur les sociétés (IS) dans les conditions fixées par l’article 239 du CGI N° Lexbase : L9083LNQ.
24. L’AARPI n’est pas réellement une structure d’exercice car elle n’a pas de capital social [15] et surtout les associés membres de l’AARPI, que doit l’on dénommer des « sociétaires », restent propriétaires de leur clientèle. L’AARPI est ainsi très bien adaptée à des cabinets qui souhaiteraient travailler ensemble, ponctuellement sur certains dossiers, tout en conservant leur autonomie et leur indépendance. L’AARPI ne paraît pas adaptée à des avocats individuels qui souhaiteraient s’associer au sein d’une réelle structure d’exercice.
25. On le répète, l’AARPI n’existe que chez les avocats, ces professionnels du droit étant les seuls à pouvoir exercer sous forme d’association.
26. Il y a ensuite la SELAS. La SELAS, société d’exercice libéral par actions simplifiée, est la déclinaison libérale de la SAS. Elle est constituée classiquement, soit par des apports en numéraire, soit par des apports en nature, soit par des apports mixtes, et les règles de droit commun sont applicables en cette matière. Aucun capital minimum n’est imposé, étant ajouté que le capital peut n’être libéré que de la moitié dans les SELAS. Il est également possible d’aménager les droits financiers (répartition des dividendes) des actions de façon à conférer des privilèges à certaines actions, sous réserve de ne pas aboutir à priver un associé de ses droits aux bénéfices, ce qui constituerait une clause léonine (C. civ. art. 1844-1 N° Lexbase : L2021ABH). En outre, il est possible de mettre en place des actions représentatives d’apports en industrie, qui donnent droit à une quote-part des résultats, mais ne sont pas constitutives du capital (C. com. art. L. 223-7 N° Lexbase : L5832AIT). Lors de la constitution d’une SELAS, il est nécessaire que l’époux commun en biens d’un associé intervienne à l’acte si la souscription aux parts sociales ou aux actions est faite avec des deniers de communauté (C. civ. art. 1832-2 N° Lexbase : L2003ABS) afin qu’il puisse attester avoir été averti de la souscription. Il est impératif que le conjoint renonce à la qualité d’associé lorsqu’il n’exerce pas lui-même la profession d’avocat.
27. Quel est le régime fiscal de la SELAS ? Le régime classique de la SELAS est l’impôt sur les sociétés, ces sociétés imposant dès lors la tenue d’une comptabilité d’engagements, par opposition à la comptabilité de caisse dans les structures dont les associés sont imposables directement à l’impôt sur les revenus dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). En outre, dans une structure à l’IS, les associés percevront pour leur exercice professionnel une rémunération qui constitue une charge déductible en comptabilité, cette rémunération pouvant être décomposée entre la rémunération du mandat social et celle allouée au titre de l’activité d’avocat proprement dite. Outre cette rémunération, les associés pourront décider le versement sous forme de dividendes tout ou partie du bénéfice distribuable constaté à chaque fin d’exercice. La part des résultats après IS qui ne serait pas distribuée aux associés viendra constituer une réserve pouvant être distribuée ultérieurement, permettant ainsi un lissage d’une année sur l’autre des revenus et donc des charges fiscales et sociales des associés. La constitution de réserves, c’est-à-dire la part des bénéfices non distribués, permet de consolider la trésorerie de la société.
28. Quel est le régime fiscal et social des avocats associés d’une SELAS disposant d’un mandat social ? Les rémunérations servies aux associés exerçant dans les SELAS pour leur exercice professionnel relèvent, au plan fiscal, des traitements et salaires, et au plan social, du régime général de la sécurité sociale pour la rémunération du mandat social (président et directeur général et directeur général délégué) et du régime des travailleurs non-salariés pour la rémunération de l’exercice professionnel. Cette solution ressort d’un arrêt du 20 juin 2007 aux termes duquel la Cour de cassation [16] a confirmé la possibilité de double affiliation, au régime des non-salariés au titre de l’activité libérale et au régime général au titre des fonctions de mandataire social d’une SELAS.
29. Pour les professionnels ne relevant pas de l’article 62 du CGI N° Lexbase : L2354IBS, l’administration indique que les revenus perçus relèvent de la catégorie des traitements et salaires (B0I-RSAGER- l 0-10-20 §140, réponse ministérielle COUSIN, n° 39397, 16 septembre 1996 N° Lexbase : L5759HI7 et réponse ministérielle LAMOUR n° 74869 du 15 août 2006). Cependant, le Conseil d’État (CE, 6 octobre 2013, n° 339822 N° Lexbase : A1088KNM) a retenu une position contraire en considérant, alors même que le professionnel ne peut « pas développer de clientèle personnelle », qu’il n’existe pas de « lien de subordination caractérisant l’exercice d’une activité salariée, et qu’ainsi les revenus perçus [...] dans l’exercice de son activité d’avocat [la solution est transposable aux avocats] devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ». Cet arrêt a été jusqu’à présent considéré comme un arrêt d’espèce ne faisant pas jurisprudence (cotation « C » au Recueil Lebon) et n’a pas été repris par la doctrine fiscale.
30. Or, un arrêt du Conseil d’Etat du 8 décembre 2017 [17] fait débat. Le Conseil d’Etat indique en effet que « le président d’une société anonyme, d’une société par actions simplifiée ou d’une société constituée sous ces formes pour l’exercice d’une profession libérale ne peut, à défaut de dispositions législatives le prévoyant, déduire de telles cotisations [les cotisations « Madelin »] des sommes qu’il perçoit en contrepartie de l’exercice de son mandat, qui relèvent de la catégorie des traitements et salaires. Toutefois, lorsque le président d’une société d’exercice libéral à forme anonyme ou d’une société d’exercice libéral par actions simplifiée exerce au sein de cette société, en plus de son mandat de président du conseil d’administration, une activité professionnelle dans des conditions ne traduisant pas l’existence d’un lien de subordination à l’égard de la société, les rémunérations qu’il perçoit à ce titre conservent la nature de bénéfices non commerciaux et sont assujettis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie correspondante ». Ainsi, le Conseil d’Etat considère à nouveau qu’un professionnel libéral exerçant une activité professionnelle au sein de la SELAS dans laquelle il est Président et qui est rémunéré pour cette activité professionnelle doit déclarer ses revenus dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Plus précisément, l'arrêt de 2017 considère, pour un professionnel de santé (mais la solution est transposable aux avocats), que la rémunération versée non pas au titre de son mandat de président mais au titre de son exercice professionnel en qualité d'associé, relève du BNC, permettant, notamment, la déductibilité des contrats Madelin. Il est alors conseillé de rester adhérent à une AGA ou un OGA (ANAFA ou ARA-PL en l'occurrence), étant observé, néanmoins, que cette adhésion, motivée par la majoration de 25 % du bénéfice en cas de non-adhésion, devrait, en 2023, ne plus avoir d'intérêt puisque la loi de finances pour 2021 annonce la fin de cette majoration, avec une baisse progressive, pour atteindre 0 % en 2023.
31. Cela étant, cette solution est contraire à la doctrine de l’Administration fiscale qui considère que les associés de SEL soumis à l’impôt sur les sociétés qui exercent leur activité au nom et pour le compte de la société et qui ne possèdent pas de clientèle personnelle relèvent normalement du régime des traitements et salaires. De plus, elle n’a pas été reprise par l’Administration fiscale qui n’a donc pas rapporté sa doctrine. Il convient par conséquent d’être prudent compte tenu de l’incertitude qui entoure le régime fiscal de l’associé exerçant son activité professionnelle au sein de la SELAS ou de la SAS.
32. Après la SELARL, la SCP, l’AARPI et la SELAS, on trouve, par ordre décroissant, les SARL, les SAS, les SELAFA, les sociétés étrangères autres que les partnerships et LLP, les sociétés en participation, les EURL, les Limited liability partnerships (LLP), les SA, les Partnerships et les SELCA. On peut encore mentionner les GIE et les SCOP.
33. Cette énumération à la Prévert appelle plusieurs observations :
- il n’existe pas ou plus de SA, de Partnerships et de SELCA ;
- les SAS, SELAFA, sociétés étrangères autres que les partnerships et LLP, sociétés en participation et Limited liability partnerships (LLP) sont ultra-minoritaires ;
- de même, les GIE et SCOP sont extrêmement rares, le GIE n’étant pas une structure d’exercice et la SCOP se comptant sur les doigts d’une ou deux mains ;
- de nouvelles sociétés sont possibles aujourd’hui : des sociétés de droit commun et la Société Pluriprofessionnelle d’Exercice (qui est la société permettant à des avocats de s’associer, dans des sociétés d’exploitation, avec d’autres professionnels du droit et/ou avec des professionnels du chiffre et de l’audit), laquelle SPE peut adopter l’une quelconque des formes sociales (SCP, SEL, SDC, etc.), à l’exception des formes sociétaires conférant aux associés la qualité de commerçants (SNC et commandites).
34. Quelques mots sur les sociétés de droit commun dites « SDC » dont la plus utilisée chez les avocats est la SARL y compris dans sa forme unipersonnelle.
35. Depuis la loi « Croissance » du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC, les avocats, comme tous les professionnels du droit, peuvent recourir, pour l’exercice de leur profession, à des sociétés de droit commun régies par le Livre II du code de commerce (SARL et SAS essentiellement) à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant (société en nom collectif, société en commandite par action et commandite simple). Le décret du 29 juin 2016 n°2016-882 N° Lexbase : L1248K94, fixant le régime réglementaire des sociétés de droit commun, renvoie pour un grand nombre de ses dispositions au décret n° 93-492 du 25 mars 1993 (N° Lexbase : L4321A4S) régissant les SEL d’avocats mais il existe cependant des différences entre les SEL et les sociétés de droit commun.
36. L’objet de la SDC obéit au même régime que celui applicable aux SEL. La SDC d’avocat n’a pour objet que l’exercice de la profession d’avocat, ce qui n’empêche pas la SDC ou la SEL, à titre accessoire, de réaliser toutes opérations pouvant se rapporter directement ou indirectement ou être utiles à l'objet social ou susceptibles d'en faciliter la réalisation. Il est ainsi permis à la SEL ou la SDC de détenir de l’immobilier en lien avec son objet social. L’ensemble des activités de la société de droit commun exerçant la profession d’avocat compatibles avec celle-ci.
37. S’agissant des règles de détention du capital, comme en matière de SEL, le nombre d’associés de la société de droit commun dépend des dispositions propres à chaque forme de société. Ainsi, une SARL ou une SAS ne pourront comporter qu’un seul associé (EURL et SASU). Le nombre d’associés de la SARL est limité à 100 conformément à l’article L.223-3 du Code de commerce N° Lexbase : L3174DY9. La détention du capital social des SDC d’avocats obéit aux règles visées aux articles 5 N° Lexbase : Z09412NQ et 6 N° Lexbase : Z09409NQ de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990. Ainsi, le capital social et les droits de vote de la SDC pourront être détenus par toute personne légalement établie dans un Etat membre de l’Union européenne, dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces Etats, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l’exercice constitue l’objet social de la Société et, s’il s’agit d’une personne morale, répondre aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la loi du 31 décembre 1990 précitée. Le capital de la SDC peut également être détenu par des SPFPL. Dans tous les cas, la société devra au moins comprendre, parmi ses associés, un avocat remplissant les conditions requises pour exercer ses fonctions.
38. A l’inverse des dispositions existantes pour les SEL d’avocats, il n’est pas prévu que le capital social de sociétés de droit commun puisse être détenu par des associés minoritaires qui seraient des personnes physiques ayant exercé leur activité professionnelle au sein de la société pendant 10 ans ou par des ayants droit d’avocats associés pendant un délai de 5 ans. Mais, faute d’interdiction en ce sens, l’on peut raisonnablement penser que cela est possible.
39. S’agissant des dirigeants, il est seulement prévu qu’au moins un membre de la profession d’avocat exerçant au sein de la société soit membre du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de la société, ce qui ne semble viser que les sociétés anonymes, et donc ce qui n’a pas trop d’importance puisque la SA ne présente pas d’intérêt en la matière. Néanmoins, il semble que le dirigeant d’une SDC puisse être une non profession réglementée.
40. Quelles sont les différences entre les SDC et les SEL ?
41. A la différence d'une SEL qui est constituée sous la condition suspensive de son inscription au tableau de l’Ordre du barreau compétent, une SDC est constituée indépendamment de son acte d’inscription. Les SDC, contrairement aux SEL, ne sont toutefois pas dispensées des formalités de publicité auprès d’un Journal d’annonce légal et du Bulletin officiel des annonce civiles et commerciales. S’agissant des comptes courants d’associés, si leurs montants sont limités dans les SEL, aucune limite n’est prévue dans les sociétés de droit commun. S’agissant de l’agrément des cessions de parts sociales, à la différence des SELARL qui exigent une majorité des trois quarts, dans une SARL, en application de l’article L. 223-14 du Code de commerce N° Lexbase : L3178DYD, l’agrément est donné à la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales alors que dans les SAS ou SA, il n’y a pas de quorum, ni de majorité exigés, la liberté contractuelle prévaut. S’agissant de la responsabilité professionnelle, contrairement aux SEL, il n’existe pas de disposition prévoyant expressément que chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit personnellement avec solidarité de la société. Mais, il ressort de la doctrine et de la jurisprudence (sur les commissaires aux comptes, applicable par analogie en la matière), que ce principe s’appliquerait à tous les avocats exerçant en société quelle que soit la structure d’exercice retenue.
42. Quelles sont les points communs entre les SDC et les SEL ?
43. Le régime fiscal applicable aux sociétés de droit commun est identique à celui applicable aux SEL. En matière d’exclusion d’associé, le régime légal prévu à l’article 28 du décret de 1993 N° Lexbase : C38908UM précité étant applicable aux SDC, « tout associé exerçant au sein de la société qui a fait l'objet d'une condamnation disciplinaire passée en force de chose jugée à une peine égale ou supérieure à trois mois d'interdiction dans l'exercice de sa profession ou d'une condamnation pénale définitive à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois mois peut être contraint, à l'unanimité des autres associés exerçant au sein de la société, de se retirer de celle-ci. » (al. 1er) « Ses actions ou parts sociales sont cédées dans les conditions prévues par les articles 14 et 15. » (al. 2). Pour le reste, les autres motifs d’exclusion pourront être aménagés par les statuts dans le respect des droits de l’associé dont l’exclusion est envisagée et dans le respect de exigences propres à chacune des formes sociétaires adoptées. Enfin, les statuts fiscaux et sociaux des associés dirigeants associés sont identiques en SELARL et SARL et en SELAS et SAS.
44. Est-il plus avantageux d’utiliser les SEL ou les SDC ? Les SDC sont de création plus récente que les SEL. Elles sont donc plus attractives car nouvelles. Cependant, elles peuvent être moins bien maîtrisées car, d’une part, elles suscitent des interrogations, d’autre part, l’on dispose en la matière de moins de recul que pour les SEL.
45. Après les SDC, la SPE. On l’a dit, les Sociétés Pluriprofessionnelle d’Exercice (SPE), qui sont des sociétés prenant la forme par exemple d’une SCP, d’une SEL ou d’une SDC, et qui ont pour objet au moins deux objets sociaux distincts, parmi lesquels toutes les professions du droit (à l’exception des greffiers des tribunaux de commerce) et les professions d’expert-comptable, de commissaire aux comptes et de conseil en propriété industrielle, sont donc des sociétés pluriprofessionnelles [18].
46. A dire vrai, il y a lieu de définir l’interprofessionnalité et la pluriprofessionnalité. Ces deux termes renvoient à la possibilité pour des avocats de s’associer avec d’autres professionnels (du droit ou quelques autres professions techniques). Or, on distingue l’interprofessionnalité ou la pluriprofessionnalité capitalistique de l’interprofessionnalité ou la pluriprofessionnalité d’exercice. Surtout, plusieurs schémas sont plausibles :
- dans une société/groupement de moyens ;
- dans une SEL/SDC : des avocats ou des sociétés d’avocats peuvent ainsi prendre des participations dans des SEL/SDC exerçant une profession juridique autre ;
- dans une SPFPL : des avocats ou des sociétés d’avocats peuvent s’associer, au sein de sociétés holdings, dans des SPFPL dites « pluriprofessionnelles », la liste des associés étant énoncée à l’article 31-2 de la loi du 31 décembre 1990 N° Lexbase : Z64577N9 ;
- la SPE : association de deux professionnels distincts du droit avec éventuellement les experts-comptables et commissaires aux comptes et conseils en propriété industrielle, observation faite que les CAC ne peuvent pas s’associer au sein de SPE faute de publication du décret d’application.
47. Les SDC et la SPE sont réellement deux grandes innovations issues de la loi Croissance de 2015 [19] N° Lexbase : L4876KEC. Elles restent toutefois encore marginales. Des SPE ont néanmoins pu être créées, regroupant essentiellement des avocats et experts-comptables, mais il existe aussi des SPE d’avocat, expert-comptable et notaire, des SPE d’avocats et de notaires, des SPE d’avocats et de conseils en PI, des SPE d’avocat et d’administrateur judiciaire. L’avenir dira si la SPE a vocation à se développer. L’avenir dira aussi si les SDC ont vocation à remplacer les SEL.
Conclusion
48. A côté de ces deux formes sociales nouvelles, il ne faudrait pas passer sous silence deux évolutions majeures qui influencent ou ont vocation à influencer la structuration des cabinets d’avocats : d’abord, la possibilité de réaliser des actes de commerce à titre accessoire, ensuite la fin de l’unicité d’exercice [20]. Ce sont là deux très grandes innovations [21], qui ne sont pas sans rappeler, à bien des égards, des innovations passées mais toujours en cours, à savoir, notamment, les activités de mandataire sportif et de transaction immobilière ainsi que l’acte d’avocat (y compris dans sa forme électronique avec signature à distance).
49. Les structures d’exercice ne doivent pas non plus occulter les sociétés ou groupements permettant la mise en commun des moyens (tels que la Société Civile de Moyens) et les sociétés holdings (« SPFPL » : société de participations financières des professions libérales). Les structures d’exercice ont la qualité d’avocat, ce qui n’est le cas ni des sociétés/groupements de moyens ni des sociétés holdings, qu’elles soient mono-professionnelles ou pluri-professionnelles.
50. Autant de sujets d’avenir, surtout la commercialité par accessoire, la pluralité d’exercice, la pluriprofessionnalité d’exercice et les sociétés de droit commun, qui seront sans doute abordés lors d’un prochain anniversaire de la grande loi de 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, à moins que la loi du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L3046AIN, siège des sociétés d’avocats et plus généralement des sociétés des professions libérales réglementées, dont les anniversaires méritent tout autant d’être célébrés, en donne l’occasion.
[1] B. Brignon, Le point sur les structures d'exercice de la profession d'avocat, Lexbase avocats, février 2018 N° Lexbase : N2812BXG.
[2] « L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association dont la responsabilité des membres peut être, dans des conditions définies par décret, limitée aux membres de l'association ayant accompli l'acte professionnel en cause, soit au sein d'entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats ou d'une société ayant pour objet l'exercice de la profession d'avocat. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique ».
[3] N. Noto-Jaffeux, L’indépendance de l’avocat, thèse, J. Moret-Bailly (dir.), 2019, Saint-Étienne.
[4] Direction des Affaires Civiles et du Sceau.
[5] Rapport DACS, Statistiques sur la profession d'avocat, Situation au 1er janvier 2019, p. 18 et s. : cf. les statistiques concernant les modes d’exercice de la profession d’avocat (justice.gouv.fr).
[6] Les deux années d’exercice qui étaient exigées au préalable ne le sont plus.
[7] Le nombre d’avocats quittant la profession, chaque année, est relativement important, en particulier chez les femmes : P. Chambost, Pourquoi quittent-ils la robe pour devenir juristes d’entreprise ?, Dalloz actualité, 17 septembre 2021 ; Th. Coustet, Référent collaboration : un « lanceur d’alerte » au service des avocats parisiens en difficulté, Dalloz actualité, 20 avril 2018.
[8] B. Brignon, En route vers l'amélioration, la modernisation et l'ouverture des sociétés d'avocats, Recommandation n° 10 du rapport Perben relatif à l’avenir de la profession d’avocat, Gaz. Pal., 15 déc. 2020, n° 392x5, p. 55.
[9] Le même phénomène s’observe chez les médecins généralistes.
[10] En s’installant avec moins d’expérience, le risque de commettre des erreurs est plus grand, surtout face à la complexification du droit, en particulier d’un point de vue procédural, face à son instabilité et à l’augmentation du nombre de clients n’hésitant pas à engager facilement la responsabilité de leur conseil quand il n’en change pas très vite.
[11] La collaboration libérale existe également chez les professions de santé mais la mécanique est totalement inversée : ce n’est pas le collaborateur qui facture le cabinet qui lui rétrocède une partie de ses honoraires, mais le collaborateur qui rétrocède une partie de ses honoraires directement facturés aux clients au cabinet avec lequel il a conclu son contrat de collaboration libérale.
[12] Sauf option IS.
[13] Cass. civ. 1, 12 décembre 2018, n° 17-12.467, FS-P+B N° Lexbase : A7054YQC : Lexbase avocats, janvier 2019, note A. Chemouli N° Lexbase : N7018BX9 ; D., 2020, Pan., P., 122, obs. E. Lamazerolles ; JCP E, 2019, 1243, note S. Nonorgue ; BJS 2/2019, p. 26, note A. Reygrobellet ; RJDA, 2019, n° 205 ; Gaz. Pal. 26 mars 2019, p. 80, obs. D. Gallois-Cochet. Rev. sociétés, 2019, p. 322, note B. Brignon.
[14] V., toutefois, CA Poitiers, 28 janvier 2020, n° 19/02107, la lettre juridique n°832 du 16 juillet 2020, note A. Chemouli : « La cour d'appel de Poitiers, tout en rappelant que l’AARPI n’est pas dotée de la personnalité morale, a relevé que l’AARPI pouvait postuler auprès de tribunaux, dispose d’un numéro propre d’immatriculation auprès de l’Urssaf, qu’elle est titulaire de comptes bancaires et d’avoirs et qu’elle a une personnalité civile qui la met en mesure d’être « susceptible de succomber à une condamnation » ». Par un AT du 20 nov. 2020, la commission SPA du CNB a considéré, à propos de cet arrêt jugé « isolé », que « Sous réserve d’un revirement de la Cour de Cassation, la commission ne peut que se référer au droit positif qui ne confère ni personnalité morale ni personnalité civile à l’AARPI ».
[15] Cass. civ. 1, 17 février 2021, n° 19-22.964, FS-P N° Lexbase : A61274HE, La lettre juridique, février 2021, n°855, note M. Le Guerroué N° Lexbase : N6543BYY ; Dalloz actualité, 9 mars 2021, note X. Delpech ; La lettre juridique, 1 avril 2021, note B. Brignon.
[16] Cass. civ. 2, 20 juin 2007, n° 06-17.146, FS-P+B N° Lexbase : A8828DWU.
[17] CE, 3 ch. réunies, 8 déc. 2017, n° 409429 N° Lexbase : A0784W78, Wasels ; Dr. fisc. 2018, n° 13, comm. 238.
[18] B. Brignon, Le guide de la société pluri-professionnelle d'exercice (SPE), Gaz. Pal., 29 septembre 2020, n° 388, a7, p. 57.
[19] P. Mendak, Les opportunités de développement avec la "boîte à outils Macron", Lexbase avocats, janvier 2017 N° Lexbase : N5953BWE.
[20] B. Brignon, Modification du RIN de la profession d'avocat concernant la pluralité d’exercice : entre clarifications et incertitudes, Lexbase avocats, octobre 2020 N° Lexbase : N4667BYI ; Cass. civ. 1, 14 février 2018, n° 17-13.159, F-P+B N° Lexbase : A7653XDS, Lexbase avocats, mars 2018, note B. Brignon.
[21] P. Mendak, Les opportunités de développement avec la "boîte à outils Macron", Lexbase avocats, janvier 2017.
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par Bernard Gauriau, Professeur à l’Université d’Angers, Ancien avocat au Barreau de Paris
Le 04 Février 2022
Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « Loi du 31 décembre 1971, 50 ans après » et publié dans l’édition n° 322 du 3 février 2022 de la revue Lexbase Avocats. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N0147BZH.
Les statuts d’avocat collaborateur et d’avocat salarié sont régis par la loi du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (art. 7) N° Lexbase : L6343AGZ, le décret du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat (art. 129 et 130) N° Lexbase : L8168AID, la loi du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises (art. 18) N° Lexbase : L7582HEK et enfin le Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat auquel il convient d’ajouter la Convention collective nationale des cabinets d’avocats (avocats salariés) du 17 février 1995.
Le législateur a en effet donné pour mission au Conseil national des barreaux d’unifier par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d’avocat [1]. Il constitue le support de la déontologie commune des avocats [2].
La distinction des statuts d’avocat collaborateur et d’avocat salarié ressort de la lecture comparée des dispositions qui les régissent respectivement. Elle n’est pourtant pas toujours aisée à relever : on a pu dire que la conception du lien de subordination, pour l’avocat, est « une conception édulcorée, ce qui s’explique logiquement par la large autonomie, voire l’indépendance dont doit bénéficier l’avocat même lorsqu’il est salarié. Parce que la collaboration libérale est à mi-chemin entre indépendance totale et subordination, son régime s’inspire parfois du salariat dont les règles jouent alors un rôle de modèle » [3].
Si le décret du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID relève que les conditions de la collaboration sont convenues par les parties dans le cadre qui est déterminé par le règlement intérieur du barreau, la loi du 2 août 2005 (art. 18) N° Lexbase : L7582HEK précise que « le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination. Il peut compléter sa formation et peut se constituer une clientèle personnelle ». Là est si l’on peut dire l’essentiel.
Au fil des années d’application du texte, les cabinets d’avocats s’en sont approprié la teneur, la lettre et l’esprit sans toutefois adopter des pratiques uniformes.
L’apparition de l’avocat salarié dans les textes a certes modifié l’approche que l’on pouvait avoir de l’avocat collaborateur et des questions de frontière entre les deux statuts n’ont pas manqué de se poser. Toutefois, l’essentiel est sans doute ailleurs, dans l’évolution des mentalités associée au changement de génération. À cet égard, les générations Y, Z et autres « millennials », nourries au lait-internet, n’ont absolument pas le regard que leurs devanciers projetaient sur le travail et la valeur travail. Pour autant, tout jugement de valeur serait périlleux pour au moins deux raisons : par réalisme tout d’abord, ces générations sont appelées à prendre la place des moins jeunes, qu’on le veuille ou non ; par modestie ensuite, ces générations ont été élevées et éduquées par leurs ainés. Ce qui fait que les valeurs qu’ils n’ont plus ou celles qui les animent sont le fruit d’un héritage qui vient au moins en partie de leurs parents quinquas, sexas et septuagénaires [4].
Quoiqu’il en soit, dans la carrière, le collaborateur nourrit en principe le secret espoir de devenir associé (I), mais se distingue évidemment de l’avocat salarié dont il peut parfois réclamer le statut (II).
I. Collaborateur puis associé ?
Différents sondages ont été réalisés ces dernières années par l’Union des jeunes avocats (UJA) [5] et le CNB. Il en ressort, sans grande surprise, que la vie du collaborateur n’est pas un long fleuve tranquille (comme dans d’autres professions) Les aléas du métier ne sauraient être occultés pour celui qui envisage de devenir associé.
A. Les aléas du métier
L’idée selon laquelle le statut de collaborateur est une porte d’entrée dans la profession n’est pas fausse, mais elle occulte la réalité selon laquelle cette qualité concerne également des avocats plus expérimentés (des seniors) et qu’elle est finalement associée à une certaine stabilité. Bien entendu, un collaborateur peut fort bien interrompre une relation pour intégrer un autre cabinet ou s’installer à son compte, soit parce que son ambition et ses projets de carrière l’y poussent, soit parce qu’une forme de mésentente l’y conduit. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer l’importance des collaborateurs expérimentés au sein des cabinets, qui contribuent bien souvent à leur vigueur : le contrat de collaborateur « of counsel » leur est d’ailleurs ouvert alors qu’ils ne sont pas encore associés mais qu’ils ont l’épaisseur humaine et professionnelle pour intégrer l’association.
Bien entendu, on ne sera pas surpris d’apprendre que certains collaborateurs, regrettent (le mot est faible) de ne pouvoir développer leur clientèle personnelle, à tel point qu’ils ont parfois l’impression d’être de quasi-salariés, quand cette impression ne se mue pas en une action contentieuse (voir Infra).
La tension et le stress quotidiens ne sont pas étrangers aux difficultés associées aux relations humaines au sein des cabinets (parfois)et aux difficultés nées des rapports avec les clients (souvent). Le courriel d’un client attend une réponse rapide et il n’est pas simple de canaliser les exigences de ce dernier. Ces difficultés ne sont pas sans conséquence sur la vie personnelle des collaborateurs (comme dans bien d’autres professions là encore). C’est pourquoi le CNB a fait voter une décision à caractère normatif portant sur le droit à la déconnexion, dénommé principe de délicatesse dans l'usage des outils numériques. Elle fut pareillement adoptée par le Barreau de Paris et repris par le règlement intérieur du Barreau. L’article 14-2 dispose ainsi que « Le contrat de l'avocat collaborateur libéral ou salarié doit prévoir les conditions garantissant (…) le respect du principe de délicatesse dans l’usage des outils numériques. »
Sans noircir le tableau à outrance, la réalité révèle que certains collaborateurs éprouvent des difficultés à poser des congés, relatent des situations de harcèlements [6] et soulignent par ailleurs le non-respect des principes essentiels associés au serment de l’avocat. (Des faits de violences morales, voire physiques, le non-respect de la confidentialité par exemple). Il est vrai que d’autres manient parfois le fantasme et se font une idée fausse des réponses que le Conseil de l’ordre ou le délégué du bâtonnier pourrait à la vérité leur apporter s’ils le sollicitaient. En cas de rupture conflictuelle de la relation, la phase de conciliation devant le bâtonnier révèle parfois de simples malentendus et permet de dédramatiser certaines situations dues à des maladresses plus qu’à une volonté de nuire à tel ou tel collaborateur.
En cinquante ans, les comportements des collaborateurs ont sensiblement évolué, comme nous allons le voir. Pour autant la perspective d’une association relève parfois de la quête du Graal.
B. Un futur associé ?
Il n’est pas faux de dire qu’un certain nombre d’avocats collaborateurs n’ont guère l’espoir d’être jamais associés. Les enquêtes qui témoignent de cette réalité n’expliquent guère le pourquoi du phénomène. La conjoncture économique, le nombre d’avocats trop élevé pour tel barreau, la politique du cabinet ? On comprend pourquoi certains jeunes collaborateurs, après 5 années d’exercice, délaissent la robe pour devenir salariés dans le service juridique ou le service RH de telle ou telle entreprise. La rémunération ne fait pas forcément difficulté une fois maîtrisée la question des charges qui grèvent celle-ci. Bien entendu, le collaborateur qui dispose d’une clientèle personnelle à laquelle il peut consacrer un minimum de temps accroît sa rémunération de façon sensible. Le cercle vertueux de la clientèle-qui-assure-un-revenu-et-contribue-à-l’expérience-qui-justifie-un-revenu-à-la-hausse se vérifie alors.
Les collaborateurs manifestent cependant, selon un sondage récent, un regain d'intérêt pour la collaboration salariée, notamment au regard des bénéfices de l’activité partielle en ces temps de pandémie. Outre les attitudes volontaires, il est difficile de ne pas faire état des tensions qui apparaissent parfois à l’occasion du contentieux.
La situation du collaborateur libéral, telle que l’organise le RIN, révèle qu’entre l’indépendant qu’il est et le salarié qu’il pourrait être, la cloison est poreuse et ce d’autant plus qu’ont été appliquées aux collaborateurs libéraux des normes issues du droit du travail. Chacun sait par exemple que la rétrocession d’un minimum d’honoraires (RIN, art. 14. 3) rappelle le mécanisme du salaire minimum légal (SMIC), l’obligation de respecter un délai de prévenance en cas de résiliation du contrat de collaboration (RIN, art. 14.4.1) rappelle le délai de préavis. Il en est de même s’agissant de l’interdiction, sauf manquement grave aux règles professionnelles, de rompre le contrat pendant les périodes de suspensions liées à l’état de santé (RIN, art. 14.4.2) ou au développement important de protections de la parentalité (RIN, art. 14.5). Citons également la protection des femmes enceintes rappelée par un arrêt rendu le 21 octobre 2020 par la première chambre civile de la Cour de cassation [7]. Cet arrêt n’est pas le fruit du hasard, la protection de la maternité a grandement progressé ces dernières années au sein des cabinets même si on sait fort bien que certaines jeunes collaboratrices subissent parfois reproches et critiques pour avoir eu la « mauvaise idée de tomber enceinte ». D’autres ne manifestent aucune critique à l’encontre des associés du cabinet, mais elles vont assurer leurs audiences jusqu’aux derniers jours de leur grossesse, sans prendre de repos.
L’attitude face au droit aux congés payés a également beaucoup évolué. Hier, un collaborateur ne se serait jamais permis d’évoquer simplement le sujet au jour de la signature de son contrat. Aujourd’hui, les jeunes collaborateurs posent effrontément la question dès leur recrutement, ce qui perturbe quelque peu les associés quinquagénaires et sexagénaires qui ne comprennent pas qu’on ne se donne pas corps et âme au cabinet et qu’on songe déjà à partir en congé alors que l’on n’a pas encore commencé à travailler.
II. Collaborateur plutôt que salarié ?
Régi notamment par les articles 136 à 141 du décret du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID organisant la profession d'avocat, l’avocat-salarié n’est sans doute pas un salarié comme les autres. C’est un salarié très qualifié au regard du nombre d’années d’études accomplies (A). C’est à une requalification qu’il prétend parfois lorsque, collaborateur sans clientèle personnelle, il va au contentieux (B)
A. Un salariat et une qualification
Lorsque l’avocat exerce ses activités professionnelles en qualité de salarié, le décret du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID de préciser qu’il est « lié par un contrat de travail écrit » qui doit détailler les modalités de la rémunération. La Convention collective nous apprend que « l’avocat salarié doit être en mesure de négocier librement ses conditions d’engagement », ce qui n’est pas fondamentalement différent de ce que doit connaître, en théorie du moins, tout autre salarié. Nul n’ignore en effet que le contrat de travail n’est aucunement un contrat de gré à gré, mais un contrat d’adhésion : l’avocat ne saurait échapper à la règle. Il n’en demeure pas moins que l’avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle.
Toutefois, l’article 7 de la loi du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ ajoute que « dans l’exercice des missions qui lui sont confiées, il bénéficie de l’indépendance que comporte son serment et n’est soumis à un lien de subordination à l’égard de son employeur que pour la détermination de ses conditions de travail » [8].
L’essentiel réside bel et bien dans cette difficulté : l’absence ou la présence d’un lien de subordination et la possibilité corrélative de développement d’une clientèle personnelle. L’avocat premier verse à l’avocat collaborateur une rétrocession d’honoraires tandis que l’avocat employeur verse à l’avocat salarié un salaire. Si ce dernier relève du régime général de la sécurité sociale, l’avocat collaborateur relèvera du régime social des indépendants, de la prévoyance des avocats et de la Caisse nationale du Barreau français (CNBF - pour les risques maladie et maternité). L’un et l’autre relèveront de la CNBF pour la retraite de base et la retraite complémentaire et seul l’avocat salarié relèvera du Pôle emploi (hier Assedic) s’agissant du risque chômage.
Il importe toutefois de relever que certains collaborateurs assument totalement leur activité sans songer à développer une clientèle personnelle. D’autres en auraient le souhait, mais en sont empêchés. C’est pourquoi la profession d’avocat, malgré l’indépendance consubstantielle à son exercice, n’échappe pas aux tentations d’une requalification en contrat de travail lorsqu’un contrat de collaboration libérale a primitivement été conclu, mais que les choses se passent moins bien que prévu.
B. Un salariat après requalification
La Cour de cassation a d’ailleurs souligné que le nouveau statut d’ordre public s’est immédiatement appliqué aux professionnels ayant intégré la nouvelle profession d’avocat le 1er janvier 1992, date d’entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L7803AIT. Des juges en ont fait application à un collaborateur qui ne pouvait pas développer une clientèle personnelle, et requalifié son contrat, à compter du 1er janvier 1992, en contrat de travail [9].
Comme chacun sait, l’impossibilité d’avoir et de développer une clientèle dans les conditions prévues pour l’avocat collaborateur par l’article 129 du décret du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID est le nœud du problème, même s’il est vrai que depuis 2020, le collaborateur salarié peut avoir une clientèle personnelle mais en dehors de l’exécution de son contrat de travail (RIN, art. 14-1). Ici, il pourra disposer d’une journée libre par semaine, mais elle sera sans doute insuffisante pour lui donner la possibilité effective et réelle de créer une clientèle propre. Là, le traitement d’un nombre dérisoire de dossiers propres favorisera la qualification en contrat de travail, notamment lorsqu’il sera établi que cette situation n’est pas du fait de l’intéressé, mais due aux conditions d’exercice de son activité qui ne lui ont pas permis de développer effectivement une clientèle personnelle [10] .
Le cabinet dans lequel l’avocat en question exerce peut certes faire valoir qu’il dispose pourtant des moyens matériels utiles au développement de sa clientèle personnelle et souligner que plusieurs secrétaires du cabinet ont témoigné n’avoir jamais refusé de taper ses courriers personnels, ni de lui transmettre ses messages. Pourtant, la subordination totale imposée par des associés hostiles au développement de toute clientèle personnelle et caractérisée par une charge de travail supposant une activité exercée à temps plein fait obstacle au développement par l’intéressé de sa propre clientèle ; la surcharge de travail imposée au secrétariat interdit en pratique que l’avocat puisse demander de travailler à la dactylographie de ses quelques dossiers personnels [11].
Dans d’autres circonstances, l’avocat échouera dans sa tentative de reconnaissance d’un lien de subordination caractéristique du contrat de travail, notamment s’il lui est possible de développer une clientèle personnelle, quand bien même cette clientèle personnelle concernerait principalement des missions d’aide juridictionnelle [12]. Invoquer une rémunération forfaitaire ne lui sera pas non plus d’une grande utilité, non plus que la prise en charge par la SCP dans laquelle il exerce de ses cotisations sociales et ordinales [13]. Nous retrouvons ainsi, au fil des arrêts, des situations dans lesquelles l’avocat a bénéficié d’une grande marge d’autonomie, peu important le caractère fixe de la rémunération perçue et l’obligation faite de reverser ses indemnités de commissions d’office [14]. Il se peut également que la difficulté de développer la clientèle personnelle ne se vérifie qu’au début de la collaboration, dans les tout premiers mois [15].
Certains collaborateurs fond valoir que leur participation au fonctionnement du cabinet est soumise à une évaluation pour s’en plaindre et prétendre au salariat. Il s’agit pourtant là d’une pratique courante dans les cabinets d’avocats, destinée à favoriser la progression des collaborateurs, et qui n’est pas de nature à caractériser, à elle seule, l’existence d’un lien de subordination [16].
De façon générale, il incombe au demandeur lié par un contrat de collaboration libérale qui entend établir sa qualité de salarié de rapporter la preuve manifeste de la volonté de développer une clientèle personnelle et de son empêchement en raison des conditions d’exercice de son activité [17]. À cet égard, les périodes d’intense activités invoquées par le demandeur, lorsqu’elles sont ponctuelles et n’ont pas représenté une pratique systématique et régulière, permettent d’en déduire que, sauf circonstances exceptionnelles, l’obligation de disponibilité à laquelle un collaborateur est soumis n’est pas incompatible avec la constitution et le développement d’une clientèle personnelle.
De ce point de vue, un cabinet a pu démontrer, par des graphiques relatifs à la répartition du temps de travail entre congés/jours fériés, heures non justifiées et heures justifiées, facturables ou non, établis pour les années en cause, à partir des données chiffrées fournies par l’avocate collaboratrice elle-même, l’existence d’un nombre important d’heures non justifiées, ainsi que, certes, celles de pics de travail, mais également de périodes de faible activité [18] .
Conclusion : le critère du développement de la clientèle personnelle est-il toujours pertinent pour distinguer le collaborateur du salarié ? Un avocat très expérimenté me confiait récemment qu’il serait sans doute opportun d’ajouter un autre critère, alternatif au premier. L’investissement du collaborateur dans la formation, l’animation de sessions de formation par lui-même, l’acquisition d’une bonne méthodologie de recherche, l’aptitude à rédiger des notes de synthèses devraient être prises en compte afin de conserver la qualité de collaborateur et chasser la tentation du salariat. Car au fond, le collaborateur révèlerait ainsi sa compétence, son expertise, son expérience, telles qu’il serait à la vérité plus proche de l’association que du salariat.
[1]Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judicaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ, art. 21-1 modifié par Loi n° 2004-130, du 11 février 2004, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques N° Lexbase : L7957DNZ. « Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le Conseil national des barreaux unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocat. »
[2] Il intègre également le Code de déontologie des avocats européens tel qu’il résulte des délibérations du CCBE.
[3] Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-12.644, F-P+B N° Lexbase : A87963YG et n° 19-11.459, F-P+B N° Lexbase : A86403YN et la note de S. Tournaux.
[4] A.-L. Joubaire, Le défi de la génération Z pour les professionnels du droit et du chiffre, 15 mai 2018, Eliott & Markus.
[5] En 2014-2015, puis plus récemment v. pour un compte-rendu, Julien Brochot, « La collaboration est l'affaire de tous les avocats », Affiches parisiennes, 3 février 2021 ; V. aussi, Soazig Le Nevé, « Les jeunes avocats sont tout sauf des nantis » : après l’école du barreau, le côté précaire de la robe, Le Monde, Campus, Etudes sup, 18 mars 2020.
[6] Enquête sur le cabinet d’avocats « Lexing », Libération,18 janvier 2022.
[7] Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-16.300, FS-P+B N° Lexbase : A88873YS précit..
[8] V., également, RIN, art.14-1.
[9] Cass. soc., 8 mars 2000, n° 98-14.222 N° Lexbase : A4965AGY.
[10] Cinq dossiers personnels traités en cinq ans de collaboration, rendez-vous et appels téléphoniques nécessaires au traitement des dossiers personnels placés hors du cabinet et après vingt heures ou pendant le week-end, etc… : v. Cass. civ. 1, 14 mai 2009, n° 08-12.966, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9766EGS.
[11] Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 11-13.809, F-D N° Lexbase : A8229IQT.
[12] Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-14.936, F-D N° Lexbase : A0224DDN.
[13] Cass. civ. 1, 16 janvier 2007, n° 04- 20.615, F-P+B N° Lexbase : A6132DTB.
[14] Cass. soc., 9 octobre 2013, n° 12-23.718, FS-P+B N° Lexbase : A6830KMW.
[15] Cass. civ. 1, 4 février 2015, n° 13-27.720, F-D N° Lexbase : A2487NBQ.
[16] Cass. civ. 1, 9 décembre 2015, n° 14-28.237, F-P+B N° Lexbase : A1780NZX
[17] Faute de quoi le délit de travail dissimulé allégué n’est pas établi : Cass. crim., 15 mars 2016, n° 14-85.328, F-P+B N° Lexbase : A3493Q8U.
[18] Cass. civ. 1, 28 septembre 2016, n° 15-21.780, F-D N° Lexbase : A7170R4C.
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par Daniel Landry, Avocat honoraire - Ancien Bâtonnier - Ancien membre du CNB
Le 02 Février 2022
Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « Loi du 31 décembre 1971, 50 ans après » et publié dans l’édition n° 322 du 3 février 2022 de la revue Lexbase Avocats. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N0147BZH.
À l’extrême nord de la Sibérie, deux hommes au bord de la mer gelée. L’un demande à l’autre « Que penses-tu du secrétaire général du parti ? ». L’autre de répondre : « Parle moins fort, on pourrait nous entendre ! ». Alors que chacun peut porter en soi un lourd secret, peut-il aujourd’hui tenter de s’en alléger en le partageant ? Si ce secret est relatif à un crime ou délit trouvera -t-il, pour sa défense un confident aussi muet qu’une tombe ? De même, à qui chaque membre d’un couple qui se déchire peut-il se confier ? Et à qui le chef d’entreprise peut-il parler en confiance de ses soucis, et demander conseil avisé et confidentiel ? En 1901 dans son Code pénal annoté Émile Garçon notait que l’avocat, était, aux côtés du médecin et du prêtre, un confident nécessaire et qu’il importait donc qu’il soit, comme eux, pour accomplir sa mission, astreint à la discrétion et que le silence lui soit imposé sans condition ni réserve, car personne n’oserait plus s’adresser à lui si l’on pouvait craindre la divulgation du secret confié.
C’est de ce secret professionnel de l’avocat qu’il convient de traiter dans le cadre du cinquantenaire de la loi du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, car d’une part, ses contours évoluent sans cesse tout comme la profession d’avocat, et d’autre part, parce que celle-ci doit toujours se battre pour faire respecter ce secret, non dans son intérêt propre, mais dans celui des justiciables. Par conséquent, après la présentation générale et non exhaustive du secret de l’avocat, et de son champ d’application actuel, devrons-nous aborder les atteintes qu’il subit, que ce soit de la volonté du législateur, du pouvoir réglementaire, ou du fait de dérives judiciaires, et enfin des moyens techniques permettant, hors de tout cadre légal, de briser tout secret.
I. L’affirmation du secret de l’avocat
A. Très bref rappel historique et point actuel des textes y relatifs
L’histoire de l’émergence du secret de l’avocat est intéressante, mais nous la négligeons pour rester dans le cadre imparti à cette étude. Rappelons simplement que le Code pénal de 1810 vint incriminer la violation du secret professionnel en son article 378 : « Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors les cas où la loi les oblige à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à six mois, et d’une amende de cent francs . » Ce texte ne mentionnait pas les avocats, qui devaient se ranger parmi toutes les autres personnes dépositaires par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie. C’est ainsi que dans un arrêt du 24 mai 1862 de la Cour de cassation dit [1] que l’avocat a toujours été tenu de garder un secret inviolable sur tout ce qu’il apprend et que cette obligation absolue est d’ordre public. Pour le reste, le secret professionnel allait de soi au nom de la conscience et de la morale. Durant l’occupation un avocat : Joseph Python (fondateur de l’UJA) paya de sa vie le respect de ces principes [2]. Aujourd’hui le pendant législatif de l’article 378 précité est l’article 226-13 du Code pénal N° Lexbase : L5524AIG ainsi rédigé : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » Cet article s’applique à l’avocat.
Mais, hors du Code pénal quels sont les textes actuels relatifs au secret professionnel de l’avocat ? Inutile de chercher dans le serment de l’avocat à l’article 3 de la loi du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, car il n’y figure pas à côté des cinq vertus, ou obligations professionnelles qui y sont énumérées. Il ne figure pas non plus à l’article 17 de cette même loi, lequel énonce quelques-uns des principes que le conseil de l’Ordre doit faire respecter. Et ce n’est qu’avec la loi du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : O9944B3P, insérant un article 66-5 dans la loi du 31 décembre 1971 précitée qu’apparaît expressément la notion de secret professionnel de l’avocat. Il faut relire le texte de 1990 : « Les consultations adressées par un avocat à son client et les correspondances échangées entre le client et son avocat, sont couvertes par le secret professionnel. » Or, la Cour de cassation faisait une lecture restrictive de ce texte en refusant toute protection due au secret professionnel en matière juridique. Mais à la suite de la saisie par un juge d’instruction d’une consultation en matière de droit fiscale, la profession obtint une modification du texte par la loi n° 97-308, du 7 avril 1997 N° Lexbase : L4398IT3. Au début du texte il fut précisé pour lever toute ambiguïté : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense », tandis qu’était ajouté in fine que le secret couvre aussi « les notes d’entretien, plus généralement, toutes les pièces du dossier ». Pour autant, à l’occasion d’une nouvelle perquisition dans un cabinet d’avocat, la chambre criminelle de la Cour de cassation fit de la résistance par un arrêt du 30 juin 1999 [3], en refusant la restitution de documents couverts par le secret professionnel sous le double motif que leur maintien sous-main de justice était nécessaire à la manifestation de la vérité, et ne portait pas atteinte aux droits de la défense. À l’article 66-5 précité en son alinéa 1er fut ajoutée par la loi n° 2004-130, du 11 février 2004 N° Lexbase : L7957DNZ à propos des correspondances entre confrères, qui sont donc confidentielles, la mention : « à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielles » ». Il faut aussi citer l’article 4 du décret du 12 juillet 2005 N° Lexbase : L6025IGA stipulant : « Sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisées par la loi, l’avocat ne commet, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel ». Il s’agit là d’une obligation générale et absolue ; complétée par l’article 5 du même décret relatif au secret de l’enquête et de l’instruction en matière pénale. Enfin, reste les dispositions du Règlement intérieur national (RIN), lequel a un caractère normatif pour les plus de 70 000 avocats de France. Et, dès l’article 2 de ce RIN, on lit :
« Le secret professionnel 2-1 Principes
L’avocat est le confident nécessaire du client.
Le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps. »
Puis le texte reprend celui du début de l’article 4 précité du décret du 12 juillet 2004 sur la possibilité pour l’avocat d’y déroger pour les strictes exigences de sa propre défense, avant de cerner en un article 2-2 l’étendue de ce même secret étudiée ci-après.
Voici l’état des textes, sauf à préciser qu’en son article 6–1 in fine le RIN précise ceci : Dans l’accomplissement de ses missions, l’avocat demeure, en toutes circonstances, soumis aux principes essentiels. Il doit s’assurer de son indépendance, et de l’application des règles relatives au secret professionnel et aux conflits d’intérêts. »
Par conséquent, l’affirmation du secret professionnel auquel est soumis l’avocat ne saurait être plus claire. On regrettera néanmoins que ce droit fondamental établi au profit du client n’ait pas fait, à ce jour, son entrée dans notre constitution. Pour autant, il est protégé par la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’Homme, d’autant que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme N° Lexbase : L4798AQR assure le respect de la vie privée et familiale, ainsi que le secret des correspondances. La CEDH vise aussi l’article 6 N° Lexbase : L7558AIR concernant les principes du procès équitable, et l’article 10 de la Convention N° Lexbase : L4743AQQ pour ce qui est de la liberté d’expression [4].
Enfin, mention peut être faite du règlement général de protection des données personnelles, dit RGPD (PE et Cons. UE, règlement n°2016/779) lequel éclaire le client sur les garanties résultant des obligations déontologiques de l’avocat, dont le secret professionnel.
B. Champ d’application du secret
Ce champ d’application est étendu à l’infini parce que les avocats ne cessent d’agrandir le périmètre de leur métier. Ce, non seulement en obtenant le droit d’exercer diverses activités accessoires pouvant a priori se rattacher à une activité libérale, mais même une activité commerciale, celle-ci dans le cadre dérogatoire de l’article 111 du décret du 27 novembre 1991, le problème étant d’une part d’arriver à déterminer ce qui est ou non accessoire, et ce faisant de savoir si l’accessoire doit se situer dans le temps postérieurement au principal, et d’autre part d’encadrer déontologiquement par les seuls principes essentiels, dont le respect du secret professionnel, ces activités aussi nouvelles que protéiformes. Cela dit, l’affirmation du début de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 se suffit à elle-même : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense ». Cette expression est reprise à l’article 4 du décret du 12 juillet 2005, mais également à l’article 2.1 du RIN, in fine. Et l’article 2.2 de ce même RIN précise encore que le secret professionnel couvre quels qu’en soient les supports, matériels ou immatériels (papier, télécopie, voie électronique…) non seulement ce qui est déjà expressément visé à l’article 66-5, mais « toutes les informations et confidences reçues par l’avocat dans l’exercice de la profession », ainsi que le nom des clients, l’agenda de l’avocat, les règlements pécuniaires et tous maniements de fonds effectués dans en application de l’article 27 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971, soit en résumé les fonds transitant par la CARPA, et les informations demandées par les commissaires aux comptes lesquelles ne peuvent être communiquées par l’avocat qu’à son client. Et le même de préciser que, s’agissant des appels d’offres, les noms des clients ne peuvent être cités en référence qu’avec l’accord exprès et préalable de ceux-ci. Cette révélation du nom des clients est un sujet sensible. Tout d’abord, elle peut survenir par négligence, tel le fait de recevoir un client en permettant à celui-ci de lire le nom d’autres clients sur des dossiers accumulés dans le cabinet. Mais, certains peuvent être tentés de citer, sans leur en avoir référé, le nom de clients pour se faire de la publicité ; ce qui est pour le moins manquer au devoir de prudence.
Mais, s’il lie l’avocat, le secret n’entrave pas les tiers et plus encore les clients, et certains de ces derniers peuvent révéler d’eux-mêmes non seulement le nom de leur conseil, mais encore le contenu de leur dossier, dont au besoin une lettre reçue de celui-ci. Par ailleurs, dans ses contacts avec les proches du client, l’avocat doit, ici encore, être circonspect, et s’efforcer de respecter le secret de l’instruction en se rappelant que ses interlocuteurs, suppliant d’en savoir plus sur l’affaire, sont peut-être coauteurs ou complices. C’est d’ailleurs au regard de la violation du secret que l’étendue de celui-ci se révèle. Ici, sont cités les cas, qu’au-delà des textes, seul le discernement de la conscience peut aider à dénouer. Que doit faire l’avocat assistant un client qui lui confie qu’il veut assassiner sa femme ? Ici, l’avocat doit assumer le conflit entre deux obligations impératives, soit celle d’empêcher la possible réalisation d’un crime ou d’un délit, et celle de respecter le secret professionnel. Bien entendu, dans un tel cas l’avocat doit tenter de dissuader le client de passer à l’acte. Il peut aussi, à défaut prendre conseil auprès d’un confrère expérimenté, et au premier chef de son Bâtonnier ; et ce dans le cadre d’un secret partagé avec quelqu’un tenu au même secret. Si le danger est imminent, mieux vaut, entre deux risques, choisir le moindre, soit pour l’avocat d’être lui-même poursuivi disciplinairement. Ici, faut-il rappeler que, si l’article 226-14 du Code pénal N° Lexbase : L7491L9C permet à l’avocat la révélation d’un cas de privation ou sévices sur mineur ou personne en situation de faiblesse, ce n’est pas une obligation, la protection de la victime pouvant peut-être prendre une autre voie qu’une dénonciation abrupte à l’autorité [5]. À cet égard, et en l’absence actuelle de tout casier disciplinaire, les poursuites disciplinaires pour violation du secret professionnel paraissent peu fréquentes ; sauf à savoir quel sera ici, à partir du 1er juillet 2022, l’effet de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, permettant en son article 42 une admission, certes avec un certain filtre, des réclamations des particuliers ? Quant aux violations du secret sanctionnées pénalement, les quelques exemples visant des avocats concernent principalement la violation du secret de l’instruction. Et souvent, s’ils violent ce secret, c’est en produisant dans un procès civil des pièces émanant d’un dossier pénal, dont ils ont eu connaissance par ailleurs, et ce souvent par manque de réflexion ; étant noté que ce délit exige tant l’élément matériel que moral.
Pour délimiter les contours du secret professionnel, il faut encore aborder trois points. Tout d’abord, on lit souvent que le client ne peut délier l’avocat du secret. Mais, outre qu’avec son accord il peut parfois révéler son nom (ex. : les appels d’offres), ne serait-il pas plus juste de noter que c’est à l’avocat, parmi les confidences reçues, de trier celles qu’il peut et doit révéler pour la défense de ce même client ? En second lieu, voyons la question des correspondances entre avocats portant la mention « officielle », simplement pour rappeler que n’importe quelle lettre ne peut se voir attribuer cette mention « officielle », et qu’il faut ici se reporter l’article 3 du RIN quant aux conditions de cette qualification ; laquelle comme toute exception doit être interprétée strictement. Ajoutons que les correspondances sans cette mention ne peuvent être déconfidentialisées ; ce que certains semblent encore ignorer. Enfin limite essentielle au secret : celle permettant à l’avocat de s’en affranchir devant toute juridiction pour les strictes nécessités de sa propre défense (art. 4 du D. du 12 juillet 2005, et 2 du RIN). Mais attention, il faut qu’une juridiction ait été saisie d’une action civile, pénale ou disciplinaire contre l’avocat ; ce qui pose un problème, lors de la mise en cause amiable de la responsabilité de l’avocat, puisqu’ il ne peut à ce stade faire état de tous ses moyens de défense.
Voici pour les contours du secret professionnel, sauf à ajouter que l’avocat doit faire respecter par son personnel ce même secret. Voyons maintenant ses restrictions et atteintes tant légales qu’illégales ou tenant plus prosaïquement à une multitude d’autres causes.
II. Les atteintes au secret professionnel
Même dans une démocratie, les avocats n’ont pas que des amis. Leur secret, dans le seul intérêt des clients, a toujours agacé les pouvoirs publics, et notamment le ministère des Finances et, parfois, certains parquetiers et juges d’instruction.
A. Atteintes et restrictions légales
Tout d’abord, certaines des activités de l’avocat peuvent ne pas être couvertes par le secret professionnel, comme faisant partie des prestations de services soumises aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et des activités terroristes dans les termes des articles L.561-2 et suivants du Code monétaire et financier N° Lexbase : L1692MAW. Car l’avocat, dès qu’il a ont un doute quant à la finalité d’une opération, doit faire une déclaration de soupçon ; du moins si l’activité ne se rattache pas à une procédure juridictionnelle. Par ailleurs, si le conseil de l’Ordre des avocats a connaissance de faits susceptibles d’être liés au blanchiment des capitaux ou au financement du terrorisme, le Bâtonnier en informe le procureur général près la cour d’appel qui transmet cette information au service compétent ; étant précisé que le Bâtonnier ou son délégataire figure parmi les personnes mentionnées à l’article R. 561-57 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L0974LWY ayant accès à l’intégralité des informations relatives aux bénéficiaires de l’opération faisant l’objet de la déclaration de soupçons. Doivent donc redoubler de vigilance les avocats participant au nom et pour le compte de leurs clients, ou les assistant à diverses opérations énumérées à l’article L.561-3 N° Lexbase : L0745LWI du Code précité. Sont spécialement visés les avocats fiscalistes et ceux mettant en place des fiducies, ces derniers étant au surplus tenu à la réglementation prévue, notamment quant au secret professionnel, à l’article 6-5 du RIN ; les avocats lobbyistes pouvant de leur côté être contraints de révéler le nom de leurs clients (art. 6.3.4 du RIN).
Ici, abordons les atteintes permises par le législateur au secret professionnel, soit les perquisitions dans les cabinets des avocats ou même à leur domicile, ainsi que les écoutes téléphoniques ; et ce à la lumière de la toute nouvelle loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire N° Lexbase : L3146MAR ; laquelle, applicable en notre matière le 1er avril 2022, a suscitée bien des réactions de la profession très unie. En effet, si l’article 3 de cette loi complète l’article préliminaire du Code de procédure pénale in fine de sa section III en y réaffirmant la garantie du secret professionnel de la défense et du conseil, commencer à distinguer deux sortes de secrets est déjà introduire un possible affaiblissement de l’un deux. Et c’est dans cette voie qu’est entré le législateur en prévoyant toute une liste d’exception au secret professionnel du conseil. Car, sans préjudice des prérogatives du Bâtonnier ou de son délégué lors d’une perquisition, ce secret ne serait pas opposable lors de l’enquête et de l’instruction en matière fiscale, de corruption et de trafic d’influence, ainsi que le blanchiment de ces délits. Ce, lorsque les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l’avocat ou son client, établiraient la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou faciliter la commission desdites infractions. Modifiant l’article 56-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0488LTA, la nouvelle loi conditionne la perquisition au préjudice d’un avocat à l’existence de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenter de commettre l’infraction objet de la procédure. Le magistrat qui perquisitionne doit, notamment veiller à ce qu’aucun document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret de la défense et du conseil ne soit saisi et placé sous scellé ; étant noté que la décision du JLD sur la régularité d’une saisie peut désormais faire l’objet d’un recours suspensif dans un délai de 24 heures devant le président de la chambre d’instruction. Lorsque la perquisition a lieu hors du cabinet ou du domicile de l’avocat, la personne y domiciliée peut s’opposer à s’opposer à la saisie d’un document protégé par le secret professionnel ; lequel document est transmis sous scellé au JLD qui statuera.
Enfin viennent les écoutes téléphoniques, qui ont donné lieu à bien des contentieux [6]. L’article 100 CPC nouveau se termine par : « Aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile, sauf s’il existe contre celui-ci des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure. » La décision sera prise par le JLD et toujours transmise au Bâtonnier, qui ne peut alerter son confrère. (C. proc. pen. art. 100-7 N° Lexbase : L5915DYQ). On voit ici le rôle important du JLD, et il est à souhaiter que, plus que jamais, ce poste soit délégué par le président du tribunal judiciaire à un magistrat particulièrement indépendant et de qualité.
B. Atteintes discutables ou totalement illégales
Sans vouloir a priori leur faire un procès d’intentions, les nouvelles dispositions légales ne seront protectrices que si elles sont appliquées sans réticences par les magistrats, et que soit mis fin aux perquisitions inutiles ou à grand spectacle, sans parler de celles dites « à filet dérivant ». Par ailleurs, il n’y a pas que les magistrats à pratiquer des perquisitions au cabinet ou au domicile d’un avocat, tels par exemple les services fiscaux ou ceux des fraudes ; perquisitions donnant souvent lieu à la saisie du matériel informatique révélant ainsi tous les échanges avec les clients [7]. Quant aux écoutes téléphoniques des avocats, demeurent, toujours aussi irritantes, celles incidentes sur la ligne du client. Officiellement, l’avocat n’est pas visé, mais seulement son client. Pour autant, même si les propos de l’avocat ne sont pas forcément retranscrits et transmis au parquet pour poursuites contre lui, ils sont au moins écoutés [8]. Bien mieux, le secret peut être écorné par des organes d’État, qui, pour autant, agissent hors de tout état de droit. Dans un livre sur la DGSE [9] on lit que certaines sociétés et leurs avocats travaillant dans des secteurs sensibles de l’économie ou de la défense nationale peuvent attirer les « grandes oreilles » de ce service ou d’autres. On est loin ici des exemples de renseignements généraux opérant une dérivation artisanale sur la ligne d’un avocat conseillant une centrale syndicale ou un parti politique.
Mais, si autrefois on pouvait voir, l’alcool étant l’ennemi du secret, tel ou tel avocat racontant au bistrot du Palais ses aventures professionnelles, sans trop se soucier du secret, les avocats d’aujourd’hui, ne sont-ils pas parfois à l’origine de la violation par d’autres du secret qu’ils doivent à leur client ? Car, à force d’avoir une véritable addiction aux réseaux sociaux et d’y étaler leur vie, certains ne s’exposent-ils pas à tous les logiciels espions [10]? Et ne conviendrait-il pas qu’ils se rappellent l’autre devoir qu’est celui de prudence [11] ? En tout cas, on ne peut que formuler le vœu, pour l’intérêt de toute la société, que ce secret soit le plus possible préservé, en se rappelant que, là où règne la dictature, il n’y a plus ni secret, ni parfois même d’avocats.
[1] Cass. crim., 24 mai 1862, D.P. 1862. 1. 545
[2] A. Damien, Les règles de la profession d’avocat, 7ème édition 1992, p. 403.
[3] Cass. crim., 30 juin 1999, D., 1999. 458, note Pradel.
[4] CEDH, 16 nov. 2021, n°698/19 Särgava/Estonia ; GP, 24 décembre 2021, note Boissavy
[5] CNB. Comm. R. et U. avis n°2008-001 du 15 janvier 2008 et n°2019/015 du 27 mai 2019
[6] Ex : Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-83.205, FS-P+B N° Lexbase : A7139Q9B 206 et 207
[7] CEDH, 3 septembre 2015, Servolo et Associedos/Portugal, n° 27013/10 N° Lexbase : A3761NNM D. actualité 20/9/2015
[8] CEDH, section 5, 16 juin 2016, n° 49176/11, Versini-Campichi/France N° Lexbase : A1124RTS.
[9] J. Guisnel Histoire de la DGSE, R. Laffont 2021
[10] E. Pierroux, Tribune : Secret, vous avez dit secret ? GP du 14 décembre 2021, p3
[11] D. Landry, Le principe de prudence, 7 octobre 2021 N° Lexbase : N8723BYQ
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par Rodolphe Bigot et Yves Avril
Le 02 Février 2022
Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « Loi du 31 décembre 1971, 50 ans après » et publié dans l’édition n° 322 du 3 février 2022 de la revue Lexbase Avocats. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N0147BZH.
En 1971, le législateur, sans véritable hésitation, a donné naissance à une nouvelle profession, qui n’est pas « la grande profession » [1]. Il s’est borné à faire fusionner les avocats et les avoués de première instance, définis aussitôt comme « auxiliaires de justice ». La fusion en 1991 avec les conseils juridiques, puis avec les avoués d’appel dix ans plus tard, est venue s’ajouter à de nouvelles activités éloignées du concours à apporter au juge. L’avocat est-il encore un auxiliaire de justice ? Oui, mais avec une notion plus élargie : l’avocat doit concourir à ce qui est juste.
I. L’avocat, auxiliaire de justice, au sens strict
D’un point de départ qui conçoit l’avocat auxiliaire de justice au sens strict comme l’auxiliaire du juge (A), ses tâches se sont progressivement élargies par suite d’évolutions marquantes depuis 1971 (B).
A. L’auxiliaire de justice, l’auxiliaire du juge
Les débats parlementaires précédant la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaire et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ montrent qu’au moment de rattacher le nouvel avocat à une définition, des hésitations ont touché le législateur. Dans un projet initial, les avocats étaient tenus d’apporter leur concours au service public de la justice. Dans le projet soumis au Parlement, il devait participer, comme auxiliaire de justice, au service public de la justice. La formule retenue (article 3 N° Lexbase : C27688SC) [2] a le mérite de la simplicité : « les avocats sont des auxiliaires de justice » [3]. Cette affirmation est un progrès. Le texte précédent [4], qui organisait la profession d’avocat, ne le qualifiait qu’incidemment d’auxiliaire de justice, à propos du conseil de l’Ordre.
Cette définition ne souffre aucune difficulté et la jurisprudence sait en tirer toutes les conséquences lorsqu’il faut appliquer les dispositions de l’article 47 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7226LED). Applicable depuis le 1er janvier 1976, ce texte énonce que « lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction dans un ressort limitrophe ». Cette règle, dérogeant au droit commun des règles de compétence, fournit une jurisprudence abondante qui ne se tarit pas. Récemment, une cour d’appel [5] précisait qu’un avocat honoraire, expert judiciaire, n’était pas un auxiliaire de justice. Il est vrai que pour un expert judiciaire la jurisprudence avait déjà apporté une réponse négative [6]. Les nombreuses décisions rendues à ce sujet donnent parfois une définition de l’auxiliaire de justice : « est auxiliaire de justice une personne, qui, par profession, concourt de façon principale et habituelle à l’administration de la justice ». Cette définition a permis à la cour d’appel de considérer qu’un greffier de tribunal de commerce est un auxiliaire de justice [7].
Le 31 décembre 1971, la loi faisait fusionner deux professions, celle d’avocat et celle d’avoué devant le tribunal de grande instance. La première pouvait exercer des fonctions de conseil et la rédaction d’actes, mais le plus souvent ces activités étaient exercées par une profession distincte, celle de conseil juridique. Celle-ci était réglementée [8], mais n’était pas organisée. Elle ne composait aucun ordre et n’avait aucune obligation déontologique propre. En revanche la profession assimilée, celle d’avoué, avait une organisation de longue date pour remplacer les procureurs [9]. Ces officiers ministériels avaient pour fonction première de représenter les parties, lorsque la représentation par leur ministère était obligatoire, devant le tribunal de grande instance. Incontestablement, ils avaient pour fonction d’apporter leur concours « de façon principale à l’administration de la justice ».
Plus récemment la profession de conseil juridique devait se fondre dans celle d’avocat [10]. Aboutissant à l’organisation d’une « grande profession », une loi [11] dont on pourrait fêter le dixième anniversaire, augmentée d’un décret d’application [12], opérait la fusion des professions d’avocat et d’avoué devant les cours d’appel [13], la suppression de cette dernière profession ayant initialement été prônée par le rapport « Attali » [14].
Dans ce contexte la qualité d’auxiliaire de justice s’applique, comme le veut la loi, à tout avocat. Quand il s’agit d’apprécier si telle ou telle profession est auxiliaire de justice, la jurisprudence ne se penche pas sur son activité réelle. C’est l’ensemble d’une profession qui reçoit la qualité ou se la voit refuser. A ce titre, « la qualité d’auxiliaire de justice n’a pas été reconnue aux notaires, ni aux experts judiciaires, et, curieusement, aux avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’État » [15].
En 1971, le concours de l’avocat à l’administration de la justice se manifestait de façon institutionnelle, sans que l’on ait à examiner son activité quotidienne. Ainsi l’avocat paraissait être indispensable à l’acteur principal qui est le juge. Certaines situations rendaient indispensable son concours au fonctionnement de la justice. Tel était le cas de l’aide judiciaire. La loi du 31 décembre 1971 est entrée en vigueur le 16 septembre 1972, ce qui était indispensable pour permettre au justiciable démuni, ou aux ressources limitées, d’agir en justice en demande ou en défense. Ce fut l’œuvre d’une loi intervenue quelques mois plus tôt [16]. À un système d’aide aux indigents où les mots ont leur sens [17], on substituait un régime prévoyant, de principe, la rémunération de l’avocat, mais le concours du barreau restait indispensable.
La commission d’office était également un concours obligatoire pour la profession. Que dire enfin lorsque, en cas d’insuffisance de magistrats, l’avocat doit compléter le tribunal ? D’auxiliaire, il devient même acteur [18].
Pour un auteur fort connu du XIXème siècle [19] ces tâches permettaient même de donner à la responsabilité civile de l’avocat un fondement de droit public : « L’avocat, ne peut, en principe, ni refuser son ministère ni accepter d’honoraires, il est astreint à un service public ». Le trait est forcé, mais il souligne que sans l’avocat le service public de la justice ne peut être assuré. Les avocats, auxiliaires de justice centraux, seraient ainsi, à l’égal des juges, « des garants de l’État de droit » selon la Cour européenne des droits de l’Homme [20].
B. Les évolutions depuis 1971
Les tâches de l’avocat se sont élargies. Sur le plan institutionnel, la fusion avec les conseils juridiques a éloigné une partie de la profession du concours à apporter à l’administration de la justice. Toutefois le conseil juridique, devenu avocat, n’a pas prêté serment et est réputé l’avoir prêté, exemple unique d’un serment étendu à une personne sans prestation [21]. Il devra donc appliquer tous les principes essentiels, y compris ceux qui sont contenus dans la formule du serment qu’il n’a pas prêté. Devenu avocat, l’ancien conseil juridique est tenu de participer aux permanences pénales organisées par le Barreau si le bâtonnier l’a décidé. Celui-ci est habilité à prendre cette mesure pour que soit assurée la mission de service public des commissions d’office. Ainsi, dans un barreau de 70 avocats, l’ancien conseil juridique est tenu des obligations d’un auxiliaire de justice sans pouvoir s’abriter derrière son incompétence en matière pénale [22].
En matière juridictionnelle, la responsabilité disciplinaire sanctionne l’avocat, qui, d’une façon ou l’autre, entraverait l’accès à la justice. Les bénéficiaires ont droit à la gratuité de ses services. Exiger de chacun un carnet de timbres est une faute déontologique méritant d’être sanctionnée [23].
La jurisprudence la plus récente se prononce sur l’obligation pour l’avocat d’exécuter la commission d’office qui provient d’une désignation du président de la cour d’assises. Le principe a été déclaré conforme à la Constitution [24] et la Cour de cassation [25] n’a écarté la sanction disciplinaire de principe que pour un vice de forme. Une décision sur le fond de la Cour d’appel de Paris désignée comme cour de renvoi est ensuite intervenue [26]. Elle a prononcé la peine de l’avertissement, montrant ainsi que l’avocat, auxiliaire de justice, est tenu de se conformer et d’exécuter la désignation du président de la cour d’assises.
Quant à la suppression des avoués devant la cour d’appel dix ans plus tard, elle concerne des officiers ministériels qui prêtaient exclusivement leur concours à l’administration de la justice. Ceux qui n’ont pas abandonné la profession sont devenus de plein droit avocats et ont souvent fait valoir une expérience, exclusivement judiciaire en devenant avocats spécialistes en procédure d’appel. Le professeur Giraud en témoigne : « « L’avoué est mort ; vive l’avoué ! » Dans certains cabinets, le recours à des anciens avoués est devenu la norme : soit par externalisation (recours à un autre cabinet composé d’anciens avoués, ou de spécialistes de la procédure d’appel), soit par internalisation (les anciens avoués intégrant le cabinet) » [27]. Pleinement auxiliaires de justice, ils le sont restés.
II. Vers une conception élargie de l’auxiliaire de justice
Sous l’influence des activités nouvelles (A), la notion d’auxiliaire de justice a été étendue (B).
A. L’influence des activités nouvelles
Comme le souligne la doctrine, « l’élargissement du cadre du champ d’activité de l’avocat s’est poursuivi dans de multiples directions » [28]. L’exercice de la fonction de correspondant informatique et libertés a été ouvert aux avocats en 2009 [29]. La même année l’avocat a été autorisé à devenir mandataire en transactions immobilières [30].
En 2010, l’avocat, comme le notaire et l’expert-comptable, peut intervenir comme tiers de confiance dans les relations entre l’administration fiscale et les contribuables [31]. En 2008, la faculté de devenir fiduciaire a été étendue à l’avocat [32].
En 2011, l’avocat a reçu la faculté de devenir mandataire sportif [33]. En 2015, l’avocat s’est vu reconnaître la possibilité de devenir représentant d’intérêts (lobbyiste) [34]. En 2017, l’avocat a reçu le droit d’être mandataire d’artistes et d’auteurs [35]. En 2021, l’avocat peut devenir mandataire d’un intermédiaire d’assurances [36].
Ces activités nouvelles sont trop récentes pour bénéficier de l’éclairage de la jurisprudence. On se doit toutefois de signaler une décision récente [37] dont on ignore le caractère définitif et dont la portée devrait rester limitée. Elle se borne à annuler la disposition du règlement intérieur du Barreau de Paris jugée contraire à la loi pour la rémunération du mandataire sportif. Le même arrêt rappelle que les activités nouvelles doivent rester accessoires et que l’avocat ne peut exercer une activité commerciale.
Ces nouvelles fonctions vont-elles se développer ? Il est encore trop tôt pour répondre. Aucune comptabilité isolée ne permettra de mesurer le chiffre d’affaires engendré par ces secteurs d’activités à l’exception de l’activité de fiduciaire qui impose une formation spécifique [38]. La lutte contre le blanchiment impose des obligations déclaratives. Dans toute correspondance, quel qu’en soit le support, l’avocat fiduciaire doit préciser sa qualité [39] et attirer l’attention sur le fait que le secret professionnel n’est pas absolu. Il peut être levé au profit des organes de la fiducie. Enfin l’avocat, à l’appui de sa déclaration aux instances de l’Ordre, doit justifier d’une assurance spécifique [40] et être spécialement couvert pour la représentation des fonds [41].
Ces activités ont un trait commun : de façon incontestable elles s’éloignent des activités traditionnelles de l’avocat que constituent la défense et le conseil. Quoiqu’il en soit, la loi, en indiquant que les avocats sont des auxiliaires de justice [42], ne s’est pas attachée à l’activité déployée par les membres du Barreau, mais à leur état, tel qu’il résulte de la simple lecture du tableau de l’ordre. En filigrane dans cet état, il a été relevé que les auxiliaires de justice se sont vus reconnaître un rôle éminent au regard de certaines obligations incluses dans une mission juridique [43].
Si les tâches de l’avocat sont incontestablement plus variées [44], sur le plan de l’organisation professionnelle les ouvertures ne sont pas sans fin. Des personnes sans rapport avec les activités judiciaires devront au mieux attendre encore pour intégrer le Barreau. On pense à l’idée, écartée, d’intégrer les conseils en propriété industrielle, profession réglementée [45]. La proposition, avant d’être rejetée, est venue devant le Parlement en 2009 [46]. De façon récurrente l’intégration, selon des formes à définir, des juristes d’entreprise fait l’objet de rapports favorables [47], mais est rejetée par la profession à une très large majorité, compte tenu des risques majeurs qu’elle présente [48].
B. Une notion d’auxiliaire de justice étendue
Si la justice est un service public, elle est aussi une valeur, une vertu située en bonne place quand il s’agit de les mettre en exergue au nombre de dix-sept [49]. Cette notion de justice qui a pour antinomie la force et l’arbitraire fournit des études sur la déontologie des professionnels du droit [50].
Cet engouement se traduit même par la volonté de relever l’existence d’un véritable droit des déontologies [51]. Quand une réforme de la procédure disciplinaire, sanction des manquements déontologiques, est envisagée, une procédure commune qui rassemblerait des professions aussi disparates que les avocats, les commissaires aux comptes et les greffiers des tribunaux de commerce est présentée [52].
Ayant ainsi marqué, par référence à ce qui doit être juste, le souci majeur de la déontologie, ce qu’il y a de commun, on peut, sans se projeter dans l’avenir, voir ce qui s’impose aujourd’hui à l’avocat pour, avec justesse, faire œuvre de justice. Ces règles impératives proviennent de ce que l’on appelle, depuis le décret du 12 juillet 2005 [53], les principes essentiels [54]. Comme on le verra, ils ne sont pas figés puisqu’un nouveau principe est apparu en 2019.
Si l’on ne peut s’arrêter sur tous les principes essentiels, on retiendra que le dernier, récent et donc peu éclairé par la jurisprudence mais examiné par la doctrine [55] se réfère à l’égalité, principe emblématique de la République française. Ce nouveau principe essentiel a reçu un développement certain quand a été signée une charte par les trois institutions représentatives de la profession [56] (Conférence nationale des Bâtonniers, Conseil national des barreaux, Barreau de Paris). Le principe de la non-discrimination mériterait d’ailleurs, en droit public, de devenir une valeur autonome, dépassant même celle d’égalité [57]. On voit donc qu’en se rapprochant d’un idéal de justice la profession d’avocat n’a pas fini d’étendre ses exigences.
Pour l’avocat l’engagement de respecter des principes de justice est pris dès la prestation du serment. Les évolutions de la formule sont nombreuses et révélatrices [58]. Elles traduisent une distance à chaque fois plus grande vis-à-vis des pouvoirs en place et cette inclination est conforme à l’idée que l’on se fait de la justice. En 1972 [59], le candidat s’engageait « dans le respect des tribunaux, des autorités publiques… », ce qui pouvait limiter l’indépendance, notamment par la répression possible des délits d’audience.
En 1982 [60], la seconde partie de la formule a été supprimée ; l’expression se fait plus courte et moins servile : « Je jure comme avocat, d’exercer la défense et le conseil avec dignité, conscience, indépendance et humanité ».
Avec la réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, c’est-à-dire au moment de la fusion avec les conseils juridiques [61], est apparue une formule plus sobre encore : « Je jure, comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ». Il n’y a plus lieu de distinguer entre la défense et le conseil, ce qui est un progrès, car on omettait les fonctions de représentation, qui sont la substance des activités nouvelles (le mandat). On relèvera que la formule du serment, longtemps du domaine règlementaire, relève depuis 1982 de la loi. Elle se réfère en tout cas à des valeurs qui doivent inspirer l’auxiliaire de justice.
***
Une déontologie en mouvement, soutenue par une responsabilité disciplinaire qui s’adapte, donne à la notion d’auxiliaire de justice un domaine plus vaste. L’avocat ne concourt pas forcément à l’administration de la justice mais il sait respecter cette valeur qui s’appelle justice en servant l’intérêt général.
[1] Finalement, une profession unifiée est apparue plus réaliste qu’une profession unique du droit : Mission confiée par le Président de la République. Rapport sur les professions du droit. Mars 2009, p. 24 et s. – Cf. J.-M. Darrois, À défaut d’une profession unique du droit, une profession unifiée est réaliste, JCP G 2009, n° 14, Doctrine Entretien I, 131, p. 15 et s.. Par une lettre de mission en date du 30 juin 2008, le Président de la République avait chargé un avocat, M. Darrois, de présider « une commission de réflexion tendant à réformer à nouveau la profession d’avocat avec, comme objectif, la création d’une grande profession du droit », notamment quant aux possibilités d’unification des professions de notaires, d’huissiers, d’avoués et d’avocats : D. Jensen, Dossier spécial : Commission Darrois, La Revue des Notaires, nov. 2008, p. 4 et s. - Cf. déjà, J.-M. Varaut, Mission de réflexion et de propositions en vue de l’élaboration d’un code des professions judiciaires et juridiques, La Documentation française, 1998.
[2] J.-B. Sialelli, La réforme des professions judiciaires et juridiques, D., 1970, Chr. p. 13.
[3] T. Revet (annoté par), Ordre des avocats de Paris, Code de déontologie, éd. 2021, Dalloz, 2020, p. 686.
[4] Décret du 10 avril 1954, art. 16, al. 3.
[5] CA Nîmes, n° 20/02514 , 3 février 2021 N° Lexbase : A63064EB.
[6] Cass. civ. 2, 7 mai 1980, n° 78-15.382 N° Lexbase : A4549CGL.
[7] CA Versailles, n° 12/04145, 12 janvier 2014.
[8] L’art. 55 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 oblige à souscrire une assurance de responsabilité N° Lexbase : Z69353MH.
[9] Lois des 29 janvier et 20 mars 1791.
[10] Loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires N° Lexbase : L7803AIT.
[11] Loi n° 2011-94, du 25 janvier 2011, sur la fusion des professions d’avocat et d’avoué N° Lexbase : L2387IP4.
[12] Décret n° 2012-634, du 3 mai 2012, relatif à la fusion des professions d’avocat et d’avoué des cours d’appel N° Lexbase : L0080IT7.
[13] B. Beignier, Réformer ou supprimer la postulation en appel ?, D., 2009, n° 29, p. 1982-1983. - Comp. T. Le Bars, Suppression de la profession d’avoués : et après ?, JCP G, 2009, n° 28, Libres propos 91, p. 12-13. - J. Junillon, Fusion avoués/avocats. Pour le meilleur et pour le pire, JCP G ,2011, n° 5, p. 200 et s. - M. Verpeaux, La suppression des avoués près les cours d’appel : non à la propriété, oui à l’égalité !, Droit et patrimoine, n° 203, mai 2011, p. 36 et s. - Cf. aussi le décret n° 2011-451 du 22 avr. 2011 (JO 24 avr. 2011, p. 7328) sur les conditions d’accès des avoués et de leurs collaborateurs aux professions juridiques et judiciaires.
[14] Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, présidé par J. Attali, La Documentation française, 2008, décision 214, « Supprimer totalement les avoués près les cours d’appel ». - Puis la suppression-fusion souhaitée par J.-M. Darrois, Mission confiée par le Président de la République. Rapport sur les professions du droit, mars 2009, p. 24 et s..
[15] D. Cholet, in S. Guinchard (dir.), Droit et pratique de la procédure civile. Droits interne et de l’Union européenne, Dalloz Action 2012/2013, n° 131.243.
[16] Loi n° 72-11, du 3 janvier 1972, instituant l’aide judiciaire.
[17] Loi du 22 janvier 1851, sur l’assistance judiciaire.
[18] Sur les limites, cf. E. Fabing, M. Simoné, F. Koppel, Le statut d’avocat est-il compatible avec la fonction de conseiller prud’homal ?, Lexbase avocats, janvier 2022, N° Lexbase : N9955BYD.
[19] Appleton, Traité de la profession d’avocat, 1923, n° 223. - Y. Avril, La responsabilité civile de l’avocat, Thèse, Rennes, 1979, p. 47.
[20] CESDH, 18 novembre 1999, décision d’irrecevabilité, Peter Döring c/ Allemagne, n° 37595/97, p. 6-7.
[21] Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, art. 249 N° Lexbase : L8168AID.
[22] CA Angers, n° 11/01782, 25 octobre 2011 N° Lexbase : A2163HZ7, Gaz. Pal., 7 février 2012, p. 20.
[23] Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 17-19.933, F-P+B N° Lexbase : A4329XMB.
[24] Const. const., décision n° 2018-704 QPC du 4 mai 2018 N° Lexbase : A1936XMN.
[25] Cass. civ. 1, 20 mai 2020, n° 19-10.868 N° Lexbase : A83303L4.
[26] CA Paris, n° 20/11630, 9 décembre 2021 N° Lexbase : A59297EC.
[27] P. Giraud, Les risques d’appel, in R. Bigot et F. Viney (dir.), Colloque du 25 sept. 2020, Université de Picardie Jules Verne, Faculté de droit et sciences politique d’Amiens, La profession d’avocat : les risques d’exercice, Lexbase Avocats, février 2021, p. 13 et s., spéc. p. 18 : « L’objectif est de diminuer le risque d’erreur bien sûr, mais aussi, en cas d’externalisation, pour externaliser le risque et donc l’engagement de la responsabilité du cabinet. Dans ce cas, le gain économique pour le justiciable n’est pas équivalent à celui qui aurait été le sien si son avocat de première instance avait assuré seul l’intégralité du procès ».
[28] S. Bortoluzzi, D. Piau, T. Wickers, H. Ader, A. Damien, Règles de la profession d’avocat, Dalloz Action 2018, § 012.35.
[29] A.G. du CNB du 16 mai 2009, modifiée par une décision prise en A.G. du 9 décembre 2016, art. 6.3.3. du R.I.N.
[30] Art. 6.3 et 6.4 du R.I.N.
[31] Loi n° 2010-1658 du 28 déc. 2010 des finances, rectificative pour 2010 N° Lexbase : L9902IN3.
[32] Loi n° 2008.776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie N° Lexbase : L7358IAR, art. 18-1, 2°.
[33] Loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions règlementées N° Lexbase : L8851IPI.
[34] R.I.N, art. 6.3.4 - Cf. D. Heintz, Le lobbying et l’avocat, Gaz. Pal., 20 nov. 2008, p. 8 et s..
[35] C. trav., art. L. 7121-9 et s. du Code du travail N° Lexbase : L8412IMI.
[36] Voir, S. Bortoluzzi, De l’activité de l’avocat « intermédiaire en assurance » à celle de « mandataire d’un intermédiaire d’assurance », Dalloz Actualité, 6 octobre 2021.
[37] CA Paris, n° 20/11.621, 14 octobre 2021 N° Lexbase : A259049S ; Dalloz Actualité, 7 novembre 2021, obs. Ph. Touzet.
[38] R.I.N. art. 6.5.5.
[39] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judicaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ, art. 6.6.5 .
[40] Loi n° 71.1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2010-1209, du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, art. 27, dernier alinéa.
[41] C. civ., art. 2026 N° Lexbase : L6522HWH.
[42] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, art. 3.
[43] C. Brenner, L’acte conservatoire, préface P. Catala, th. LGDJ, 1999, p. 333, n° 632.
[44] Au sens large, les auxiliaires de justice seraient « des hommes de loi, des professionnels du droit, dont les activités sont nombreuses et variées » : S. Guinchard, G. Montagnier, A. Varinard, T. Debard, Institutions juridictionnelles, Dalloz, 10ème éd., 2009, n° 875. - Adde J.-L. Halpérin (dir.), Les professions judiciaires et juridiques dans l’histoire contemporaine, modes d’organisation dans divers pays européens, LGDJ, 1996.
[45] CPI, art. L. 421-1 N° Lexbase : L3509ADC à L.422-13 N° Lexbase : L4537DYP.
[46] Discussion devant le Sénat le 11 février 2009.
[47] Commission Darrois, Rapport sur le rapprochement entre les professions d’avocat et de juriste d’entreprises. - M. Prada, A. Damais, L. Jariel, P. de Lapasse, M. Lebecq, Rapport sur Certains facteurs de renforcement de la compétitivité juridique de la place de Paris, Mission confiée par le Garde des Sceaux et le ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie, mars 2011, p. 5. - R. Gauvain, C. d’Urso, A. Damais, Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale, Rapport à la demande du Premier Ministre, Assemblé nationale, 26 juin 2019.
[48] R. Bigot et Y. Avril, L’avocat en entreprise, boîte de Pandore ou cheval de Troie ?, Lexbase Avocats, La lettre juridique n° 803 du 21 novembre 2019 N° Lexbase : N1202BY8.
[49] A. Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus, PUF, 1995.
[50] Les déontologies des professions du droit : quel avenir ?, Lamy 2010. - Les règles déontologiques au service des usages du droit, Dalloz, 2013. - J. Moret-Bailly, D. Truchet, Pour une autre déontologie des juristes, PUF, 2014. - Recueil des obligations déontologiques des magistrats, La Documentation française, 2020
[51] J. Moret-Bailly, D. Truchet, Droit des déontologies, PUF, 2016.
[52] La discipline des professions du droit et du chiffre, Rapport de l’Inspection générale de la Justice, décembre 2020.
[53] Décret, n° 2005-790, relatif aux règles de la déontologie de l’avocat N° Lexbase : L6025IGA.
[54] T. Revet, Déontologie de la profession d’avocat, LGDJ, 2020, pp. 87-126.
[55] M. Poincloux, C. Quendolo, A. Battaglia, J. Peissel, A. Bortoluzzi, « Egalité et non-discrimination », principe essentiel de la profession d’avocat, Lexbase Avocats, janvier 2021 N° Lexbase : N5955BY9.
[56] Lutte contre les discriminations et le harcèlement, la profession d’avocat se dote d’une charte, Gaz. Pal., 8 octobre 2019, n° 34, p. 5.
[57] J. Charruau, La notion de non-discrimination en droit public français, Thèse, Angers, 2017.
[58] S. Bortoluzzi, D. Piau, T. Wickers, H. Ader, A. Damien, Règles de la profession d’avocat, Dalloz Action 2018, § 314, 31 s..
[59] Décret du 9 juin 1972, art. 23.
[60] Loi n° 82-506, du 15 juin 1982, relative à la procédure applicable en cas de faute professionnelle commise à l’audience par un avocat.
[61] Loi n° 90-1259, du 31 décembre 1990 N° Lexbase : C53098SG, art. 2.
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par Xavier Chiloux, Avocat à la Cour, Ancien Membre du Conseil National des Barreaux, Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Le 02 Février 2022
Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « Loi du 31 décembre 1971, 50 ans après » et publié dans l’édition n° 322 du 3 février 2022 de la revue Lexbase Avocats. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N0147BZH.
Le conseil de l’Ordre des avocats est un peu ce qu’est un parlement à une monarchie constitutionnelle, la plupart du temps, et à une monarchie absolue trop souvent.
Ne nous leurrons pas, le pouvoir surtout dans les barreaux importants, comme Paris, appartient plus au Bâtonnier qu’au conseil de l’Ordre et ce malgré les textes en vigueur.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas très bien la profession d’avocat, l’accession au conseil de l’Ordre pour un avocat est l’une des marches d’un cursus honorum assez court.
En effet, il y a assez peu de distinction chez les avocats entre un débutant de 25 ans et un avocat aspirant à devenir Honoraire.
Au cours de sa carrière, l’avocat pourra prétendre à être secrétaire, puis ancien secrétaire de la conférence du stage, et ce dans les premières années d’exercice, puis par la suite, membre et ancien membre du conseil de l’Ordre, membre et ancien membre du conseil national des barreaux et outre la présidence de quelques organismes techniques ou autonomes de la profession, Bâtonnier de l’Ordre.
Comme on le voit, il y a assez peu de promotion dans une profession qui se veut farouchement libérale et indépendante.
C’est pourquoi, chaque année, l’accession à la qualité de membre du conseil de l’Ordre via une élection par ses pairs, est recherchée.
Peut-être d’ailleurs devrions-nous dire était recherchée.
De fait, alors qu’il y a encore quelques années, à tout le moins en ce qui concerne le barreau de Paris, il y avait parfois 45 candidats pour 12 postes, nous sommes plus aujourd’hui sur un ratio de 24 candidats pour 14 postes.
Quelles sont les raisons de cette relative désaffection ?
Peut-être un désintérêt qui est un peu dans l’air du temps tendant à une promotion de l’individualisme et d’un manque d’appétence pour l’autre et les affaires publiques.
Peut-être aussi, car il faut le souligner le mandat de trois ans du membre du conseil de l’Ordre n’est pas rémunéré, ni d’ailleurs indemnisé pour les frais, une volonté de plutôt se consacrer au développement de son cabinet.
C’est bien dommage assurément, car outre le mandat passionnant de trois ans, les élections au conseil de l’Ordre ne manquent pas de piment ni d’intérêt.
Certains s’en sont fait l’écho [1].
Reprenons si vous le voulez bien un cours plus linéaire et académique du propos.
Les textes qui régissent le conseil de l’Ordre sont la loi portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, du 31 décembre 1971N° Lexbase : L6343AGZ et le décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat N° Lexbase : L8168AID, années importantes pour les avocats car il s’agit pour la première de la fusion avec les avoués de première instance et pour la seconde de celle avec les conseils juridiques.
De par, ces textes, le conseil de l’Ordre dispose de trois grandes missions :
En pratique, de quoi s’agit-il ?
Pour résumer, on parle ici de la gestion du tableau des avocats, des modifications du règlement intérieur (RIBP à Paris), de l’autorisation des structures d’exercice et des bureaux secondaires, de la déontologie, de la discipline, de la gestion des biens de l’Ordre, et tout ceci en autorégulation.
I. L’Élection
Les membres du conseil de l’Ordre sont renouvelés par tiers chaque année pour former cet organe délibérant qui administre l’Ordre et qui est présidé par un Bâtonnier élu lui, tous les deux ans et qui paradoxalement n’en est pas membre.
Depuis 2016, il n’existe quasiment plus de conseil de l’Ordre en nombre impair sauf dans les barreaux entre 8 et 15 avocats (trois membres du conseil de l’Ordre).
En dessous de huit avocats, les attributions du conseil de l’Ordre sont dévolues à l’assemblée générale du tribunal de grande instance.
Nous voilà donc avec des conseils de l’Ordre en nombre impair dont le plus grand est celui de Paris avec 42 membres.
Cette caractéristique, pair/impair pourrait sembler totalement anecdotique si cependant elle n’avait pas conditionné en 2016 le mode d’élection actuel des membres du barreau
En effet, dans le but d’ériger en principe la parité, qui rappelons-le, n’est pas de 50/50, mais de 60/40 ou 40/60, il avait donc été prévu des élections paritaires de membre du conseil de l’Ordre, en deux collèges : masculin et féminin, étant précisé qu’il y aurait tirage au sort entre candidats de sexe opposé dans les barreaux impairs.
Il aurait semblé évident et rationnel de pratiquer, comme dans de nombreuses assemblées paritaires, avec un collège féminin d’un côté et un collège masculin de l’autre, chacun présentant des membres dans chaque catégorie.
Néanmoins, et alors qu’à l’époque les conseils de l’Ordre impair étaient plus nombreux qu’aujourd’hui, un statisticien de la chancellerie a mis en évidence que si, en cas d’égalité dans tous les conseils de l’Ordre impair, il y avait au tirage au sort le même sexe qui apparaissait, la parité ne serait plus alors de 40/60 mais de 38/62…
Ceci a amené à mettre en place un système assez peu naturel et contesté par plusieurs avocats, de présentation en binôme : féminin/masculin.
Ce mode de fonctionnement favorise les syndicats qui sont légitimes à présenter des binômes parmi leurs membres et pénalise les candidats indépendants, si tant est qu’il en reste d’ailleurs, qui doivent trouver un alliage qui ne plaît pas forcément à leur électorat naturel.
On remarque ainsi depuis quelques années que ce système amène à une surreprésentation des syndicats qui arrivent à faire élire systématiquement un, mais.
II. Le Fonctionnement
Une fois tout ce petit monde élu, il va falloir envisager le fonctionnement de ce conseil de l’Ordre lors de séances qui sont habituellement hebdomadaires, mais que certains Bâtonniers ont parfois voulues bimensuelles, le conseil de l’Ordre n’ayant aucun pouvoir quant à sa convocation.
Il convient que la moitié de ses membres soit présents, et s’il y a bien un Ordre du jour, toute autre question qui n’en serait pas issue peut faire l’objet d’un vote, à tout le moins en théorie.
Celui-ci n’est soumis à aucun formalisme et peut même être dorénavant électronique dans certain conseil de l’Ordre.
Pas plus de formalisme d’ailleurs concernant les délibérations de l’Ordre dans les textes.
Néanmoins à la fameuse formule de l’ancien régime : « l’Ordre n’a pas de registre » l’ère moderne a répondu par des PV de séance rédigés par le secrétaire du conseil de l’Ordre et validés de réunion en réunion.
Si le conseil de l’Ordre dispose du pouvoir d’affecter certains de ses membres à certaines fonctions, en fait c’est le Bâtonnier qui préside notamment à l’établissement de l’organigramme.
Certains postes prestigieux sont recherchés qui parfois dans certains barreaux, dont Paris étaient rémunérés.
À la tradition du plus jeune des membres pour devenir secrétaire du conseil s’est substitué celui de véritable bras droit du Bâtonnier en exercice.
D’autres nominations sont particulièrement prestigieuses comme celle de secrétaire de la commission de déontologie, secrétaire de la commission de l’exercice et enfin secrétaire de la commission financière.
Ces « patrons » vont chapeauter plusieurs sous-services composant une structure particulièrement élaborée dans les grands barreaux.
Ainsi, la déontologie contrôlera plusieurs commissions elles-mêmes dirigées par d’autres membres du conseil de l’Ordre.
Il s’agit de celles : de la commission du secret de la confidentialité, du conflit d’intérêts et des incompatibilités, de la réglementation de l’exercice du droit, du respect du contradictoire, de la succession entre avocats, des honoraires et du ducroire.
Le ducroire est d’ailleurs une notion que l’on apprend pendant ses études pour immédiatement l’oublier et qui revient à l’esprit une fois membre du conseil de l’Ordre.
Son principe en est simple : lorsqu’un avocat fait travailler un prestataire pour le compte de son client, il doit en garantir le paiement des prestations sauf à préciser dans la lettre de mission qu’il ne le fera pas et donc qu’il ne sera pas ducroire.
Ainsi, si vous n’avez pas précisé que vous n’étiez pas ducroire… vous l’êtes…
Traditionnellement, le deuxième pôle majeur est celui de l’exercice.
On y retrouve ainsi les commissions suivantes : accès dérogatoire, interprofessionnalité, structure professionnelle, recouvrement des cotisations et omissions financières.
Dépendent aussi de l’exercice les deux grandes commissions préalables de conciliation avant la saisine de l’arbitrage du Bâtonnier que sont la commission des difficultés d’exercice en groupe, et la commission de la collaboration.
Enfin, il reste la commission financière centrale et stratégique comme chacun le sait.
Comme chaque Bâtonnier adore marquer, ou tenter de marquer de son empreinte le fonctionnement de l’Ordre, au fil du temps de nombreuses commissions se sont rajoutées.
On peut parler ici des relations avec les justiciables, des relations avec les juridictions, de la responsabilité sociale de l’avocat : qualité de vie et handicap, de la commission égalité, de la commission harcèlement et lutte contre les discriminations, de la commission internationale, de celle des affaires publiques, de celle encore de la médiation et des modes alternatifs de règlement des différends, de la commission culture et pour finir de la commission sport !
Toutes ces commissions travaillent sous l’égide de leur secrétaire et rapportent de leurs travaux suivant l’Ordre du jour établi par le Bâtonnier au conseil de l’Ordre.
III. Les Fonctions
Le règlement intérieur
Il s’agit là d’une mission primordiale du conseil de l’Ordre consacrée dès l’origine, mais renforcée encore par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, réformant le statut de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L7957DNZ.
Si ce pouvoir est cependant subsidiaire par rapport à celui du Conseil national des barreaux (CNB), il n’en reste pas moins important.
Le règlement intérieur, RIBP à Paris, est en effet l’ensemble des textes qui doivent régler la vie quotidienne des membres des barreaux.
Ainsi seront définies les modalités d’élection des membres du conseil de l’Ordre ainsi que du Bâtonnier et du vice-Bâtonnier le cas échéant, les dates d’élections, les conditions dans lesquelles les délibérations de l’assemblée générale sont prises, les droits et devoirs des collaborateurs, ceux de ceux qui les emploient, les rétrocessions minimales d’honoraires…
Toute modification du règlement intérieur doit être notifiée au procureur général, au premier président de la cour, au président du tribunal de grande instance dont dépend le barreau, aux avocats inscrits et enfin doit être déposée au greffe.
Le budget de l’Ordre
Le conseil de l’Ordre vote le budget qui néanmoins est présenté, et donc organisé et préparé par le bâtonnier.
Il agit ainsi plus en qualité de chambre d’enregistrement qu’autre chose.
Néanmoins, et cela fut le cas il y a peu à Paris, avec un projet à près de 100 millions d’euros, le conseil de l’Ordre vote les acquisitions et aliénations immobilières.
Les visas
Les membres du conseil de l’Ordre, le plus souvent par roulement, doivent lire et apprécier tous les actes judiciaires mettant en cause un professionnel du droit : huissier, notaire, magistrat, greffier, et avocat entre autres.
Si les documents soumis semblent respecter les principes essentiels, dont notamment ceux de délicatesse, de courtoisie et de dignité, le membre en charge octroiera son visa préalable à l’acte.
Dans le cas contraire, il invitera l’avocat à modifier son projet en fonction de ces fameux principes essentiels de la profession.
Le Tableau
Le conseil de l’Ordre statue sur les inscriptions des avocats au tableau, sur les différentes omissions, qu’elles soient financières, à la demande du protagoniste ou à celle du procureur.
Il autorise les mentions de spécialisation revendiquée par les avocats, il autorise les avocats ayant quitté provisoirement la profession à la rejoindre de nouveau et enfin il autorise les ouvertures de bureau secondaire.
Les commissions
Le travail le plus prégnant du membre du conseil de l’Ordre est cependant celui de siéger dans les différentes commissions dont il relève.
Celles-ci peuvent être fort nombreuses et solliciter de ce fait une implication que l’on dit de un jour la première année du mandat, puis de deux la seconde pour finir à trois lors de dernière année.
Ceci est bien évidemment une moyenne à mettre en perspective avec l’adage fort connu qu’un tiers des membres du conseil de l’Ordre travaille, un autre tiers sur-travaille et le dernier… ne fait pas grand-chose…
Pour une illustration de la quantité et bien évidemment de la qualité de travail à fournir dans les commissions, l’on prendra l’exemple d’un membre du conseil de l’Ordre de Paris avec ses différentes fonctions :
IV. La discipline
Dans tous les barreaux de France sauf celui de Paris, la procédure disciplinaire est dévolue au conseil de discipline et non au conseil de l’Ordre.
Paris est donc une exception notable et l’investissement, tant des membres du conseil de l’Ordre, des anciens membres du conseil de l’Ordre que des anciens Bâtonniers dans cette procédure disciplinaire particulière, est importante.
La production de Paris en matière disciplinaire, toutes proportions gardées, est beaucoup plus importante qu’en province et il est rare que les formations ne siègent pas, pour à chaque fois plusieurs affaires, chaque mois.
La procédure est engagée après une plainte d’un tiers, d’un avocat ou par saisine du ministère public, le plus souvent après une condamnation pénale d’un avocat.
Il y a bien une autorité de poursuite, souvent dirigée par un ancien membre du conseil de l’Ordre, mais le Bâtonnier reste partie prenante dans la procédure disciplinaire, ayant l’opportunité des poursuites.
Certains s’en émeuvent et il n’est pas totalement impossible d’imaginer que le Bâtonnier puisse renoncer à cette fonction, lui qui doit aussi être le garant des secrets de ses confrères, transmettant l’opportunité des poursuites à la seule autorité de poursuite.
Au cours de l’année 2021, deux décisions de la cour d’appel statuant en second degré du conseil de discipline de Paris ont ébranlé celui-ci et l’indépendance des parties prenantes disciplinaires a été contestée.
Il s’agit des décisions Vermeille et Bourdeaut dont les bénéficiaires ont assuré la publicité sur les réseaux sociaux.
La stigmatisation de l’instrumentalisation de la procédure disciplinaire par certains cabinets d’avocats est une accusation qui revient fréquemment dorénavant.
Le tout nouveau membre du conseil de l’Ordre de paris a le choix entre siéger en formation disciplinaire ou devenir instructeur aux pouvoirs assez comparables à ceux d’un juge d’instruction.
Néanmoins, et a contrario de celui-ci, l’instructeur ne dispose pas du pouvoir de non-lieu.
Ceci implique qu’une fois que la procédure disciplinaire a été lancée… elle doit aller à son terme jusqu’à la décision du conseil de discipline.
Là encore, cette procédure gagnerait à être amendée tant la comparution des avocats lors de la phase d’instruction permet souvent de dégonfler totalement la prétendue faute disciplinaire, à l’origine de la poursuite.
Les formations disciplinaires parisiennes, au nombre de cinq dorénavant, siègent la plupart du temps le mardi matin lors de procédures contradictoires dans lesquelles si le mis en cause est entendu, le plaignant pour l’heure ne l’est pas.
Après un exposé du rapporteur, qui par la suite rédigera l’arrêté, le mis en cause s’exprime avant les réquisitions de l’autorité de poursuite et la défense qui doit avoir la parole en dernier.
Les formations disciplinaires sont présidées par des anciens Bâtonniers.
Il est à noter une réforme qui risque de changer éminemment la donne, issue de la loi confiance dans les institutions judiciaires.
En effet, dorénavant lorsqu’un tiers sera plaignant ou lorsque le mis en cause le sollicitera, les formations disciplinaires ne seront plus présidées par un ancien Bâtonnier mais par un magistrat de l’Ordre judiciaire.
Comme on a pu le voir, le conseil de l’Ordre de par ses membres, est une cheville ouvrière indispensable du fonctionnement d’un barreau, organe de décision quelquefois et surtout de consultation, gardien des principes essentiels de la profession qui sont les socles de la déontologie donc de la raison d’être des avocats.
[1] X. Chiloux, Petit guide Chiloux des élections au conseil de l’Ordre des avocats, L'Empyrée, 2013.
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par Tiphaine Mary, Avocat au barreau de Paris
Le 03 Février 2022
Le présent dessin est issu d’un dossier spécial intitulé « Loi du 31 décembre 1971, 50 ans après » et publié dans l’édition n° 322 du 3 février 2022 de la revue Lexbase Avocats. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N0147BZH.
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Réf. : CJUE, 13 janvier 2022, aff. C-55/20, Minister Sprawiedliwosci N° Lexbase : A65887IT
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par Marie Le Guerroué
Le 10 Février 2022
► L’article 10, paragraphe 6, de la Directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doit être interprété en ce sens qu’il n’a pas pour effet de rendre l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne applicable à une procédure de recours introduite par une autorité publique devant un conseil de discipline du barreau et visant à obtenir l’annulation d’une décision par laquelle un agent disciplinaire a clôturé une enquête menée à l’égard d’un avocat après avoir conclu à l’absence d’infraction disciplinaire imputable à ce dernier et, en cas d’annulation de cette décision, un renvoi du dossier devant cet agent disciplinaire.
Faits et procédure. Une demande de décision préjudicielle avait été présentée à la CJUE. Elle portait sur l’interprétation de la Directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur N° Lexbase : L8989HT4, ainsi que de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne N° Lexbase : L0230LGM. Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par le ministre de la Justice polonais contre la décision d’un agent disciplinaire ayant clôturé une enquête ouverte à l’égard d’un avocat après avoir conclu à l’absence d’infraction disciplinaire imputable à l’intéressé.
Recevabilité de la demande. La Cour affirme, tout d’abord, que le conseil de discipline du barreau de Varsovie satisfait aux conditions requises pour pouvoir être considéré comme une juridiction au sens de l’article 267 du TFUE N° Lexbase : L2581IPB. La demande de décision préjudicielle est donc recevable. Le conseil de discipline du barreau de Varsovie demandait, notamment à la Cour de justice si le chapitre III de la Directive et notamment l’article 10, § 6, de celle-ci s’appliquent à une procédure disciplinaire visant les avocats et les avocats étrangers inscrits sur la liste des avocats, et permettant notamment d’infliger à un avocat une sanction pécuniaire, la suspension de ses activités professionnelles, voire sa radiation du barreau, et à un avocat étranger une sanction pécuniaire, la suspension, voire l’interdiction du droit de fournir une assistance juridique en Pologne. En cas de réponse positive, il souhaitait savoir si la Charte, notamment son article 47, était applicable à cette procédure menée devant les conseils de discipline du barreau, et si elle est également applicable lorsque tous les éléments pertinents de l’affaire se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre.
Réponse de la CJUE. La Cour note, d’une part, que la procédure pendante devant la juridiction de renvoi n’est pas de nature à pouvoir conduire à l’imposition d’une sanction disciplinaire à la charge d’un avocat, dont celle d’exclusion éventuelle du barreau, et, d’autre part, que cette procédure qui a exclusivement trait à une décision de l’agent disciplinaire de ne pas engager de poursuites disciplinaires contre un tel avocat, oppose cet agent disciplinaire au ministre de la Justice, l’avocat concerné n’étant, pour sa part, à ce stade, ni poursuivi disciplinairement ni partie à ladite procédure. Elle ajoute que l’article 10, paragraphe 6, de la Directive n° 2006/123 est sans vocation à s’appliquer dans le contexte de cette procédure. En conséquence, cette disposition n’est, dans ce même contexte, pas davantage de nature à conduire à une applicabilité de l’article 47 de la Charte. S’agissant de l’article 47 de la Charte, la CJUE rappelle que cette disposition constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective et consacre, en faveur de toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés, le droit à un recours effectif devant un tribunal. Ainsi, la reconnaissance de ce droit, dans un cas d’espèce donné, suppose, comme il ressort de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, que la personne qui l’invoque se prévale de droits ou de libertés garantis par le droit de l’Union. Or, pour la CJUE, il ne ressort pas des informations contenues dans la décision de renvoi que, dans la configuration actuelle de la procédure au principal, l’avocat, lequel n’est, à ce stade, pas lui-même partie à cette procédure, serait en position de se prévaloir d’un droit dont il se trouve investi par le droit de l’Union, l’article 10, paragraphe 6, de la Directive n° 2006/123 ne pouvant, en particulier, trouver à s’appliquer en l’occurrence. Contrairement à l’avis qui avait été rendu par l’Avocat général Bobek, la Cour répond donc par la négative et rend la décision susvisée.
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Réf. : Cass. crim., 26 janvier 2022, n° 17-87.359, F-D N° Lexbase : A87027KI
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par Marie Le Guerroué
Le 02 Février 2022
► Le pouvoir, reconnu aux agents de l'Autorité de la concurrence par l'article L. 450-4 du Code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques, trouve sa limite dans le principe de la libre défense, qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense.
Faits et procédure. Statuant sur requête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence dans le cadre d'une enquête relative à un système d'ententes prohibées entre les fabricants, les grossistes et les grandes enseignes de détail dans le secteur de la distribution de produits électroménagers, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris avait autorisé des opérations de visite et de saisies dans les locaux d’une société située à Suresnes. Devant la Cour de cassation, la société et l'Autorité de la concurrence forment des pourvois contre l'ordonnance rendue par le premier président se prononçant sur la régularité de ces opérations.
Ordonnance. Pour prononcer l'annulation de la saisie de quatre documents (ainsi que tous les documents en annexe), la décision attaquée énonçait que même si le courriel de la pièce n° 8 n'émanait pas ou n'était pas adressé à un avocat, il reprenait une stratégie de défense mise en place par le cabinet d’avocat, qu'il était constant également que bien que ces pièces n'émanaient pas ou n’étaient pas adressées à un avocat, elles reprenaient une stratégie de défense mise en place (l'avocat ayant étudié la possibilité de recourir au statut de demandeur à la clémence pour l'exclure ensuite) par le cabinet, le même raisonnement pouvant être adopté s'agissant de la pièce n° 10 regroupant les trois courriels saisis dans des messageries. Le premier président retenait que de même, après une analyse in concreto des pièces n° 6 et n° 7, il ne faisait aucun doute que ces éléments se référaient à des opérations de visite et de saisies, notamment aux pratiques prohibées supposées (fixation de prix de revente, restrictions de vente en ligne, distribution sélective), à la « black list », au terme « stock », à la déclaration du gérant du site, et étaient destinés à analyser les pratiques de la société, afin de corriger d'éventuels errements volontaires ou involontaires, et à préparer sa défense dans l'hypothèse d'une future visite inopinée de l'Autorité de la concurrence.
Réponse de la Cour. La Chambre criminelle rend sa décision au visa des articles 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, et L. 450-4 du Code de commerce N° Lexbase : L6272L43. Elle précise qu’il résulte de ces textes que le pouvoir, reconnu aux agents de l'Autorité de la concurrence par l'article L. 450-4 du Code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques, trouve sa limite dans le principe de la libre défense, qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense.
Pour la Cour, le premier président, qui, par une appréciation qui relève de son pouvoir souverain, a constaté que les données confidentielles couvertes par le secret des correspondances échangées avec un avocat, et contenues dans les documents saisis, en constituaient l'objet essentiel, a justifié sa décision. Le moyen n'est dès lors pas fondé. La Cour rejette, par conséquent, les pourvois.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La confidentialité des correspondances échangées entre le client et son avocat, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E34573RH. |
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Réf. : CA Paris, 10 janvier 2022, n° 19/00083 N° Lexbase : A07717IE
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N0112BZ8
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par Marie Le Guerroué
Le 07 Février 2022
► Est disproportionné le montant des honoraires réclamés au titre d’une procédure d’appel dès lors que l’avocat n'a pas fait de recherche complémentaire et a déposé un mémoire presque identique à celui qui était déposé devant le tribunal administratif, procédure dont le coût avait été pris en charge par la compagnie d'assurance de la cliente.
Faits et procédure. Une cliente avait saisi un avocat dans le cadre d'un litige l'opposant à un centre hospitalier. Le tribunal administratif avait rendu un jugement ordonnant son expertise médicale. Elle avait alors demandé à son avocat d'interjeter appel de la décision. Le litige porte sur les honoraires réclamés dans le cadre de la procédure d'appel, les honoraires de première instance ayant été pris en charge par la protection juridique dans le cadre de du contrat d'assurance de la cliente.
Réponse de la cour. Il n'est pas contesté que la cliente a fait choix d'un nouvel avocat et a dessaisi le premier de sa mission. Ce dernier a alors adressé sa facture à sa cliente pour un montant de 500 euros HT au titre de la « procédure devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, mémoire et communication de 177 pièces ». Les parties n'ayant pas signé de convention, les honoraires revenant à l'avocat doivent être fixés en application des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, et de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005 N° Lexbase : L6025IGA. Il ressort des débats et des pièces produites par les parties que les diligences accomplies par l'avocat au titre de la procédure d'appel ont consisté en la déclaration d'appel, la rédaction d'un mémoire à destination de la cour administrative d'appel et la communication de 194 pièces, dont bordereau est produit aux débats. Mais, pour la cour, il convient de souligner qu'il résulte de la comparaison des mémoires présentés devant le tribunal administratif et devant la cour administrative d'appel, que ceux-ci sont presque totalement identiques, l'avocat s'étant contentée de faire un « copier/coller » et seuls quelques paragraphes diffèrent, ce qui ne modifie aucunement les demandes présentées devant les deux juridictions. Devant le tribunal administratif, l’avocat a communiqué 170 pièces et 24 pièces supplémentaires ont été rajoutées devant la cour administrative d'appel. Ces mémoires, ainsi que la décision du tribunal administratif de Pau démontrent que l'affaire était relativement simple et le montant des honoraires réclamés au titre de la procédure d'appel apparaît disproportionné, dès lors que l’avocat n'a pas fait de recherche complémentaire et a déposé un mémoire presque identique à celui qui était déposé devant le tribunal administratif, procédure dont le coût avait été pris en charge par la compagnie d'assurance de la cliente.
Réduction des honoraires. Les honoraires sont fixés par la cour à la somme de 300 euros TTC pour les démarches effectuées auprès de la cour administrative d'appel de Bordeaux, d'autant que l’avocat n'a pas poursuivi la procédure d'appel jusqu'à son terme.
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Réf. : CA Paris, 19 janvier 2022, n° 18/00726 N° Lexbase : A83267I9
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N0312BZL
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par Marie Le Guerroué
Le 02 Février 2022
►La signature apposée sur la convention d'honoraires n'est pas de la main du client, il ne peut être tenu au paiement de l'honoraire de résultat prévu dans cet acte.
Faits et procédure. Un client déniait expressément être le signataire d’une convention d'honoraires dont se prévalait son avocat pour réclamer le règlement de l'honoraire de résultat prévu par l’acte sous seing-privé, soit 10 % des sommes allouées au client et l'indemnité fixée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Réponse de la cour. Il résulte des articles 287 N° Lexbase : L4770LAW et 288 N° Lexbase : L1895H4X du Code de procédure civile que lorsque l'écriture ou la signature d'un acte sous-seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer. Aux termes de l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC « est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu », ce dont il résulte qu'un honoraire de résultat ne peut être réclamé que s'il a été prévu par une convention conclue entre les parties. Le juge de l'honoraire ne pouvant statuer sans tenir compte de la convention d'honoraires dont se prévaut l’avocat, il avait été ordonné avant dire droit une vérification d'écriture.
La cour précise que la comparaison de la signature apposée sur la convention d'honoraires et celle des échantillons de la signature du client permettent de mettre en évidence des dissemblances significatives. Alors que la signature entièrement stylisée apposée sur la convention d'honoraires est constituée de courbes déliées qui ne permettent d'identifier aucune partie du nom du client, les échantillons de signature s'échelonnant sur la période de juin 1999 à octobre 2004 laissent apparaître le tracé maladroit des trois premières lettres du nom de l'intéressé, « DIA », prolongé de courbes dont le tracé maladroit est à mettre en rapport avec son absence de maîtrise de l'écrit. Il apparaît ainsi que la signature apposée sur la convention d'honoraires n'est pas de la main du client, de sorte qu'il ne peut être tenu au paiement de l'honoraire de résultat prévu dans cet acte. L’avocate est ainsi mal fondée à obtenir le règlement, au titre d'un honoraire de résultat. La décision du Bâtonnier est, en conséquence, infirmée.
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Réf. : CA Paris, 17 décembre 2021, n° 18/00440 N° Lexbase : A71197GR
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N0311BZK
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par Marie Le Guerroué
Le 09 Février 2022
► Le recouvrement d'honoraires payés à un avocat étranger pour ses prestations effectuées à l'étranger, par un avocat français ayant eu recours à ses services, est justiciable de la procédure instaurée aux articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, lorsque l'avocat français entend obtenir de son client français, outre le paiement de ses propres honoraires, le remboursement des honoraires dont il a fait l'avance en lieu et place de son client en vue de rémunérer les services de l'avocat étranger
Faits et procédure. Un client demandait, notamment, à la cour d’appel de Paris d'infirmer la décision du Bâtonnier de Paris précisant qu’il devait rembourser à son avocat la somme de 15 000 euros TTC versée par celle-ci à son avocat belge. Le liquidateur de la société d’avocat concernée justifie par la production des relevés de compte de l’avocat belge que la somme de 5 000 euros lui a été versée par le cabinet et qu'un virement de 10 000 euros a également été effectué au même avocat au titre de la procédure engagée par le client. Ce dernier soulevait l'incompétence du juge de l'honoraire pour statuer sur cette demande de remboursement et demande de confirmer la décision déférée sur ce point.
Réponse de la cour. Le recouvrement d'honoraires payés à un avocat étranger pour ses prestations effectuées à l'étranger, par un avocat français ayant eu recours à ses services, est justiciable de la procédure instaurée aux articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID, lorsque l'avocat français entend obtenir de son client français, outre le paiement de ses propres honoraires, le remboursement des honoraires dont il a fait l'avance en lieu et place de son client en vue de rémunérer les services de l'avocat étranger. Cette demande ressort donc, pour la cour, des pouvoirs du juge de l'honoraire.
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Réf. : Cass. civ. 2, 25 janvier 2022, n° 21-40.024, F-D, QPC autres N° Lexbase : A86397K8
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N0299BZ4
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par Marie Le Guerroué
Le 03 Février 2022
► Les dispositions de l'article 10, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971, en ce qu'elles prévoient, à défaut de convention, la fixation des honoraires de l'avocat en fonction de critères suffisamment précis et objectivables, et reposent sur des différences objectives de situation qui sont en rapport direct avec l'objet de la loi, ne portent pas atteinte au principe d'égalité, lequel ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes.
Faits et procédure. À l'occasion du recours qu'il avait formé devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers contre la décision d'un Bâtonnier fixant les honoraires de son avocate, le client avait présenté une question prioritaire de constitutionnalité.
Question. La première présidente de la cour d'appel de Poitiers a transmis la question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée : « L'alinéa 4 de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ porte-t-il atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi et des citoyens entre eux en prévoyant la rémunération de l'avocat selon des critères susceptibles de donner lieu à des conflits d'interprétation, et notamment selon la situation de fortune du client ? ».
Réponse de la Cour. D'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. D'autre part, selon la Cour, elle ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que les dispositions de l'article 10, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971, en ce qu'elles prévoient, à défaut de convention, la fixation des honoraires de l'avocat en fonction de critères suffisamment précis et objectivables, et reposent sur des différences objectives de situation qui sont en rapport direct avec l'objet de la loi, ne portent pas atteinte au principe d'égalité, lequel ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes.
Renvoi (non). En conséquence, il n'y a pas lieu, pour la Haute jurdiction, de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel.
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Réf. : Cass. civ. 2, 20 janvier 2022, n° 20-17.563, F-B N° Lexbase : A79537IE
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N0170BZC
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par Marie Le Guerroué
Le 26 Janvier 2022
► Justifie légalement sa décision, au regard des dispositions de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre N° Lexbase : L6343AGZ, le premier président d'une cour d'appel qui, ayant constaté qu'une convention d'honoraires avait été librement conclue entre un client et son avocat, lequel avait permis à son client, par une défense diligente et appropriée, d'éviter la perte d'une somme importante, a souverainement estimé que l'honoraire complémentaire de résultat convenu ne présentait pas un caractère exagéré au regard du service rendu.
Faits et procédure. Un client avait conclu avec une société d'avocat, à laquelle il avait confié la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à l'administration fiscale et portant sur la somme de 289 012 euros d'impôts supplémentaires, une convention d'honoraires prévoyant des honoraires de diligences et des honoraires de résultat sur le montant des pertes évitées. Contestant les honoraires de résultat réclamés par l'avocat pour un montant de 34 264, 44 euros toutes taxes comprises après la décision du 20 novembre 2015 prise par la direction générale des finances publiques (DGFIP), réduisant à la somme de 3 475 euros la rectification d'impôts initiale, il avait saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats afin de contester ces honoraires. Le client fait grief à l'ordonnance rendue par la cour d’appel de Paris de fixer à la somme de 32 553,70 euros hors taxes le montant des honoraires dus à l'avocat et de dire qu'il lui versera, à titre de solde de ses honoraires, après déduction du versement de 4 000 euros HT déjà effectué, la somme de 28 553,70 euros majorée de la TVA au taux de 20 %, outre intérêts.
Ordonnance. Pour fixer l'honoraire à cette somme, l'ordonnance relève qu'à l'issue du rendez-vous du 13 novembre 2015, l'avocat a fait parvenir le 16 novembre suivant à l'administration fiscale une lettre recommandée avec avis de réception de deux pages, contestant formellement l'imposition des cessions de valeurs mobilières réalisées par le client et sollicitant l'imposition des seules plus-values de celles-ci, que, par lettre du 20 novembre 2015, la DGFIP a accepté de diminuer de 289 012 euros à 3 475 euros l'imposition opérée sur les plus-values de 5 821 euros, comme l'avait demandé l'avocat et que le client avait félicité ce dernier du résultat obtenu. La décision retient que, dès lors qu'il est établi par les pièces produites que l'avocat a évité à une perte de 285 537 euros en exécutant la mission qu'il lui avait confiée dans la convention, qu'il avait signée en toute connaissance de cause, il apparaît que l'honoraire complémentaire de résultat fixé à 10 % de la perte évitée ne présente pas un caractère exagéré.
Réponse de la Cour. Pour la Cour, en l'état de ces constatations et énonciations, dont il ressort que la convention d'honoraires avait été librement conclue et que l'avocat avait permis à son client, par une défense diligente et appropriée, d'éviter la perte d'une somme importante, le premier président, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et n'avait pas à effectuer d'autres recherches, a souverainement estimé, aux termes d'une décision motivée, que l'honoraire complémentaire de résultat convenu ne présentait pas un caractère exagéré au regard du service rendu. Le moyen n'est, dès lors, selon la Cour, pas fondé. Elle rejette le pourvoi.
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N0267BZW
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par Marie Le Guerroué et Joséphine Pasieczny
Le 03 Février 2022
Mots-clés : Interview • Barreau • Lyon • loi "Confiance dans l'institution judiciaire" • Justice "malade" •
Marie-Josèphe Laurent et Jean-François Barre ont, respectivement, été élus Bâtonnière et vice-bâtonnier de l’Ordre des avocats de Lyon le 24 novembre 2021 et ont pris leurs fonctions le 1er janvier dernier.
Ils ont accepté, pour Lexradio et Lexbase Avocats, d’exposer leurs ambitions pour ce mandat mais également de revenir sur les sujets qui ont fait l’actualité de la profession ces dernières semaines.
Cette interview est également à retrouver en podcast sur Lexradio.
Lexbase Avocats : Comment abordez-vous ce mandat ? Quelle est votre ambition pour le barreau de Lyon ?
Marie-Josèphe Laurent : Nous abordons ce bâtonnat avec humilité et enthousiasme. Nos ambitions sont, de poursuivre ce qui a été entrepris par nos prédécesseurs. On se situe dans la continuité avec, bien évidemment, la volonté de marquer un petit peu notre passage. Ce que nous souhaitons, c'est mettre notre bâtonnat sous le signe de la poursuite, de l'adaptation et de l’innovation.
Jean-François Barre : Nous sommes, aujourd’hui, 3 793 avocats au barreau de Lyon. L'idée est aussi de réfléchir à l’avenir du barreau de Lyon en 2030-2040. Pour cela, nous disposons du Centre de Recherche Développement Ordinal (CREDO). Nous serons bientôt 4 000 et davantage encore dans quelques années et, nous avons le souhait de promouvoir la profession et d’accompagner les confrères dans leur développement à moyen / long terme.
Lexbase Avocats : Comment définiriez-vous les rôles de Bâtonnier et de vice-Bâtonnier ?
M.-J. Laurent : le Bâtonnier c'est, avant tout, celui qui dirige, qui a la responsabilité du fonctionnement de l'Ordre et du barreau. Il assure des fonctions régaliennes à la fois de protection et également de « poursuites », s'il estime que des fautes déontologiques ont été commises par certains confrères. Il s’agit là de ses missions premières.
Je considère que le Bâtonnier, aidé par son vice-Bâtonnier, doit aussi jouer un rôle « d’incitateur ». Il doit engager ses confrères à agir, à se développer, à innover.
J.-F. Barre : Quant au rôle de vice-bâtonnier, il est plus récent. Il a été créé par le décret en date du 14 octobre 2009 afin de permettre au Bâtonnier de déléguer un certain nombre de compétences. Le Barreau de Lyon a eu jusqu'à présent deux vices-bâtonnières. Ce statut de vice-bâtonnier doit trouver sa place au niveau national, notamment à la Conférence des Bâtonniers. Il s’agit d’une aide pour le Bâtonnier et d’un travail qui se complète parfaitement à deux.
M.-J. Laurent : Il s’agit aussi d’une envie. Celui qui se présente à l'élection du Bâtonnier n'a pas, pour l'instant, l'obligation de se présenter en binôme. Il s’agit d’un choix personnel. En ce qui nous concerne, cela m'a paru une évidence compte tenu de l'ampleur de ce qu'il y a à assumer, mais aussi en raison de nos domaines de compétence. Nous sommes, tous deux, des avocats judiciaires, mais je ne fais plus de pénal depuis très longtemps. Il s’agit toutefois d’un domaine d'activité fondamentale de la profession d'avocat et cela me paraissait impensable de vouloir être bâtonnier sans avoir à mes côtés quelqu'un qui connaisse cette matière parfaitement. Il s’agit d’un choix naturel et mutuel.
Lexbase Avocats : La loi sur la « Confiance dans l’institution judiciaire » a été promulguée le 22 décembre 2022. Les mesures relatives au secret professionnel de l’avocat avaient provoqué la colère de la profession. Selon vous, ces mesures sont-elles une avancée ou une déception ?
J.-F. Barre : Je dirais, étonnamment, les deux !
La loi du 22 décembre dernier a permis tout un pan de protection pour l'activité de conseil. Si l’on se réfère à la jurisprudence de la Chambre criminelle, cette activité n’était pas concernée par cette protection. Seule l'activité judiciaire était protégée au sens du secret professionnel, s’agissant de l’exercice des droits de la défense.
Aujourd’hui, la protection du secret professionnel de l’avocat est consacré de manière unifiée à l’article préliminaire du code de procédure pénale. Le respect de ce secret, tant pour la défense que pour le conseil, est garanti tout au cours de la procédure pénale. Cette avancée est par conséquent satisfaisante.
Ce qui l'est moins, en revanche, c'est de considérer que pour certaines infractions le secret professionnel ne peut pas englober les confidences qui seraient faites par le client. Ces infractions (par ex. : blanchiment, corruption) tombent dans le cadre de la transparence. Le secret professionnel des avocats n’est pas absolu. C'est donc à la fois une avancée et une déception. Quand une personne vient confier des éléments, même s’il s’agit d’éléments infractionnels a posteriori , il est difficile de considérer que l'avocat ne soit pas le premier taisant à travers ses confidences.
M.-J. Laurent : Cela crée une dichotomie entre les secrets professionnels. Nous avons eu également le sentiment qu’on nous faisait un procès en culpabilité ou en complicité d'infraction notamment au barreaux d'affaires ou fiscaliste. On ne peut pas concevoir que les hommes politiques laissent à penser que nous sommes les complices de nos clients. C’est inacceptable de laisser ce genre d'idées se répandre auprès de nos concitoyens.
Lexbase Avocats : Un nouveau rôle de contrôleur des lieux de privation et de liberté a, également, été octroyé aux Bâtonniers par la loi. Quels enjeux représentent l’ouverture des lieux de privation de liberté aux Batonniers ? Comment souhaitez-vous vous emparer de ce nouveau pouvoir ?
J.-F. Barre : : Il s’agit effectivement d’un nouveau pouvoir consacré par l’article 719 du Code de procédure pénale. À la différence des députés, par exemple, aucun journaliste ne peut accompagner le Bâtonnier ou son délégué. C’est le Bâtonnier qui a ce pouvoir. Il le délègue à son vice-bâtonnier ou à des membres du conseil de l'Ordre. C'est une excellente avancée qui était soutenue par la profession. Nous sommes les premiers au contact des personnes privées de liberté. Ce qui englobe les centres de rétention administrative, la douane, les locaux de garde à vue, les prisons, les hôpitaux psychiatriques… Cela va permettre d'aller vérifier que les justiciables sont accueillis dans des conditions dignes et qu'il n’existe aucune difficulté concernant les lieux précités. La profession va s'emparer de cette avancée ainsi que le barreau de Lyon, mais avec une méthodologie qui nous apparaît tout à fait nécessaire pour ne pas aller visiter les lieux et repartir de manière « candide ». Nous allons mettre en place un véritable process avec les membres du conseil de l'Ordre sur la mission dévolue au délégué ou au Bâtonnier. Il nous faut nous interroger sur ce que nous attendons exactement de la visite de ces lieux et sur ce que nous pourrons extraire comme données de travail par la suite. Une connexion doit avoir lieu avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui réalise ses contrôles depuis sa création en 2008. Je pense que nous pouvons mettre en commun et partager nos travaux respectifs. Cette matière doit servir aux confrères, à la société civile et à la cité. Si nous devons en user pour engager des actions, nous serons présents.
M.-J. Laurent : Nous souhaitons traiter ce nouveau pouvoir de façon très méthodique, presque scientifique. On veut en faire un outil d’analyse, et se coordonner avec les autres barreaux afin d’avoir un impact supplémentaire.
Lexbase Avocats : La fin de l’année 2021 a aussi été marquée par la colère des personnels de Justice et des avocats qui ont dénoncé leurs conditions difficiles de travail et un manque de moyens criant de la Justice. Quelles mesures attendez-vous du Gouvernement ? Pensez-vous que ce mouvement trouvera un écho dans la campagne présidentielle à venir ?
M.-J. Laurent : C’est évidemment notre souhait. Nous ne sommes toutefois pas certains que l’élan perdure. Nous voudrions vraiment que cette question s’invite dans la campagne présidentielle. En ce qui nous concerne, nous souhaitons que les candidats à l'élection présidentielle se positionnent, nous expose leur plan « Marshall » pour la Justice. Le garde des Sceaux est venu vendredi 21 janvier dernier à la Conférence des Bâtonniers expliquer ce qui avait été fait durant ce quinquennat. Nous ne contestons pas l’augmentation du budget de la Justice. Là où nous mettons un bémol, c'est que, la plus grosse partie de ces augmentations sont allées vers l'administration pénitentiaire. Nous ne disons pas, compte tenu des conditions de détention en France, que cela n'était pas légitime, mais cela relativise beaucoup l’augmentation du budget de fonctionnement des juridictions. A vrai dire, aujourd'hui, ces augmentations de budget, nous - magistrats, greffiers, avocats…- ne les avons pas véritablement ressenties. Le garde des Sceaux explique qu'il y a eu plusieurs centaines de nouveaux magistrats. Il oublie toutefois de dire que la quasi-totalité de ces nouveaux magistrats a été affectée au remplacement de départs à la retraite, non remplacés, remplacement d’arrêts maladie ou congés maternité. En clair, pour vous communiquer une information un peu plus précise, sur l'année 2021, il y a eu 40 créations de nouveau postes de magistrats pour toute la France ! Nous espérons sincèrement que le sujet va être un sujet de campagne. Je crois que l’on peut déjà constater un petit frémissement sur les réseaux sociaux. Certains de nos concitoyens commencent à s’intéresser et posent des questions même si pour l'instant cela n’est pas encore un mouvement flagrant. D’autres sujets tiennent la corde comme le pouvoir d’achat et l’immigration, mais nous espérons que le sujet émerge, car nous ne pouvons pas continuer comme ça !
J.-F. Barre : Nous devons aussi nous emparer du sujet. À quelques mois des élections présidentielles, la tribune des magistrats et des greffiers a eu un écho massif. Les avocats étaient aussi à leurs côtés lors de la journée de manifestation nationale le 15 décembre dernier. Je pense qu'il faut donc s'en saisir et rappeler un constat simple : il y a, en France, 3 magistrats du parquet pour 100 000 habitants alors que la moyenne européenne est de 11 pour 100 000 habitants. Il y a, en France, 11 magistrats du siège pour 100 000 habitants alors que la moyenne européenne est à 21. C'est effectivement un véritable plan « Marshall » qu'il faut mettre en place rapidement. À Lyon, il faudrait au minimum 70 magistrats. Cela permettrait un déstockage des dossiers et raccourcissement des délais audiences. Aux prud’hommes, nous avons par exemple des audiences fixées en 2024.
M.-J. Laurent : Avec 70 magistrats, nous ne remplirions toujours pas les standards européens précités, mais nous pourrions commencer à voir vraiment la différence. Lors de la Conférence des Bâtonniers, le garde des Sceaux nous a expliqué que, comme l'Allemagne, la Chancellerie avait lancé une étude pour déterminer combien de magistrats nous avions besoin. Mais nous n’aurons le résultat de ce travail que dans deux ou trois ans ! Cela m'a mise véritablement en colère.
Je comprends parfaitement que créer des postes de magistrats aguerris, compétents, formés, cela prend du temps. Évidemment, il ne suffit pas de faire des chèques, nous avons parfaitement conscience que cela ne relève pas d’une pensée magique, mais nous expliquer que nous allons commencer par faire un algorithme ou je ne sais quelle commission « Théodule » pour déterminer de combien de magistrats nous avons besoin et que ce travail va mettre environ deux ans, pour ne pas dire trois, cela n’est pas acceptable aujourd'hui ! Je pense que le « stock » de dossiers en retard pourrait être, en partie, résorbé si nous recrutions de façon significative des avocats -par exemple en fin de carrière- pour une période de transition de quelques années pour aider l'institution judiciaire à résorber ses dossiers en retard et, pendant ce temps-là, mettre en place des recrutements massifs de magistrats.
Il faut également évoquer la nécessaire modernisation des outils informatiques de la Justice. Vous n'imaginez pas avec quoi travaillent les magistrats et les greffiers, c'est impensable ! Certains greffiers ne peuvent pas vous envoyer un document utilisable par tous parce qu’ils n’ont pas Excel ou alors ils nous envoient des documents que nous ne pouvons pas lire tellement les logiciels sont anciens !
J.-F. Barre : Il y a effectivement un manque de moyens humains, moyens budgétaires et d'outils informatiques accumulés depuis décennies ! En 2017, M. Jean-Jacques Urvoas, qui était alors Garde des Sceaux, avait dénoncé ce qu’il appelait « la clochardisation de la Justice ». Le mot avait choqué à l'époque, mais il n’est pas très éloigné des conditions de travail des magistrats et des greffiers dans l’exercice dégradé de leur profession, qui rappelons-le, reste, comme le nôtre, un « métier passion ».
Cela nous soucie en tant qu’avocat, mais aussi parce que cela rejaillit sur les justiciables en termes de délais, de qualité et d'écoute.
M.-J. Laurent : Et cela n’est pas digne d’une grande démocratie ! Comment voulez-vous que la magistrature inspire aux français le respect et la confiance alors qu'il s'agit d'un corps qui est et se dit en grande souffrance ?
Lexbase Avocats : Dans ce numéro, nous revenons aussi, dans un dossier spécial, sur l’anniversaire de la loi du 31 décembre 1971 « La loi du 31 décembre 1971, 50 ans après ». Est-ce que vous pouvez nous partager votre vision de la profession dans 50 ans ?
M.-J. Laurent : Alors cela relève un peu de la boule de cristal ! Actuellement avec le CREDO, au-delà de la réflexion philosophique, nous allons réfléchir sur trois thèmes : 1. La formation : comment devons-nous faire évoluer la formation des avocats ? 2. La rémunération de l'avocat : quelle doit être la rémunération ? Comment peut-elle évoluer ? 3. L'évolution du contrat de collaboration.
Les paradigmes sont en train de changer. Lorsque nous prêtions serment il y a vingt, trente ou quarante ans, pour la plupart d'entre nous, nous n'imaginions pas faire un autre métier un jour. Aujourd'hui, cela n'est plus le cas. Un certain nombre d'avocats imaginent être avocats quelques années et passer à autre chose, faire d'autres métiers. Donc le statut du collaborateur libéral qui commençait dès le départ à développer sa clientèle puis s'installait et /ou s'associer, n'est plus forcément la trajectoire de l'ensemble des avocats. Certains avocats souhaitent, par exemple, entrer dans de grands cabinets dans lesquels ils traitent des dossiers importants et le développement de leur clientèle n'est pas leur préoccupation. Ils veulent gagner en compétences et peut-être faire autre chose. Donc il faut qu'on même une réflexion pour à faire évoluer la collaboration entre avocats. De la même façon, nous avons un autre phénomène actuellement qui est que les avocats peuvent s’installer dès la sortie d’école. L'obligation de stage a été supprimée. Cela pose un certain nombre de problèmes parce qu’il s’agit d’un métier qui nécessite un véritable apprentissage et un accompagnement par les « ainés ». Être savant en droit est une chose, devenir avocat cela prend du temps. Mais cette possibilité existe et si elle n’est pas majoritaire nous voyons d'année en année des confrères qui s'installent tout seuls, parfois sans n’avoir jamais travaillé dans un cabinet. De la même façon, nous remarquons que les collaborateurs s'installent de plus en plus vite. De ce fait, les cabinets d'avocats actuellement, dans certains domaines, notamment à Lyon, en doit des sociétés, droit social, fiscal ou immobilier, ne trouvent pas de collaborateur. Il y a vraiment une forme de recomposition du développement de la profession. Il faut que nous réfléchissions à cela pour proposer des pistes d’évolution sur la formation, la rémunération et l'intégration dans la profession. Au sein du barreau de Lyon, nous sommes dans une réflexion a un caractère prospectif sur tous ces sujets. Nous aurons aussi, demain, avec la pluriprofessionnalité, des cabinets, des structures, des groupes qui aligneront les compétences du chiffre et du droit. Et nous aurons toujours des petits cabinets unipersonnels ou simplement des regroupements de confrères qui n'auront pas forcément de lien capitalistique entre eux, mais qu'ils se partageront des locaux, voire des cabinets en coworking dans des lieux collectifs. Il y aura une palette de modes d'exercice qui est extrêmement variée - de l'avocat individuel à la structure très intégrée des grands groupes. Je ne sais pas de quel côté la balance va pencher, mais je reste assez optimiste !
J.-F. Barre : Le CREDO, institué par nos prédécesseurs, est vraiment un laboratoire d'idées sur ce que deviendra la profession à moyen terme. La loi du 31 décembre 1971 qui fête ses 50 années d’application et la loi du 31 décembre 1990 sur la fusion des professions d’avocat et des conseils juridiques qui célèbre ses 30 ans d’application, nous donnent de parfaits repères. Si, ensemble, nous nous projetons dans les 30 prochaines années, notamment en matière pénale, nous aurons toujours besoin d’avocates et d’avocats pour plaider la personnalité, pour plaider en faveur de celui qui est accusé.
Nous évoquons beaucoup l'intelligence artificielle dans les développements des aides à la décision peut-être que cette intelligence artificielle prendra sa place dans certains contentieux, mais l'avocat aura toujours cette nécessité d'être au soutien de celui qui est accusé ou victime. Nous avons également une volonté, celle d’être vigilant quant à l'oralité des débats et la plaidoirie. Cette dernière ne peut être rongée pour des questions budgétaires, de temps, de management ou de coûts humains. La plaidoirie est l'essence même de l'avocat, c'est son ADN.
Avec Madame la Bâtonnière nous y sommes très attachés et très attentifs.
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Réf. : Cass. civ. 1, 19 janvier 2022, n° 19-25.772, F-B N° Lexbase : A77147IK
Lecture: 1 min
N0241BZX
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par Marie Le Guerroué
Le 28 Janvier 2022
► Le CNB a qualité à agir en recouvrement des cotisations professionnelles des avocats.
Faits et procédure. Le Conseil national des barreaux avait saisi un tribunal d'instance aux fins de condamnation d’un avocat, à lui payer la somme de 1 590 euros au titre des cotisations dues pour les années 2013 à 2017. L’avocat fait grief au jugement de déclarer recevable l'action formée par le CNB et d'accueillir la demande en paiement, alors que seul le conseil de l'Ordre a qualité à agir en recouvrement des cotisations professionnelles des avocats relevant de ce conseil de l'Ordre. En déclarant recevable l'action du Conseil national des barreaux en recouvrement de cotisations dues par l’avocat, le tribunal a, selon lui, violé les articles 17 et 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, dans leur rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 31 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1169H43.
Réponse de la Cour. C'est à bon droit que le tribunal a retenu que, si le conseil de l'Ordre était, selon l'article 17, 10° de la loi du 31 décembre 1971, chargé d'assurer dans son ressort l'exécution des décisions prises par le CNB, celui-ci avait qualité pour agir en recouvrement de ses propres cotisations. La Cour rejette, par conséquent, le pourvoi.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le rôle et les missions du Conseil national des barreaux, La représentation de la profession d'avocat, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E34173RY. |
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Réf. : CEDH, 18 janvier 2022, Req. 15508/15 (disponible en anglais)
Lecture: 2 min
N0141BZA
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par Marie Le Guerroué
Le 20 Janvier 2022
►L’absence d’accès du requérant à un avocat de son choix et l’impossibilité de consulter son avocat commis d’office lors des interrogatoires de police subis pendant sa détention au secret viole l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH).
Faits et procédure. L’affaire concernait la détention provisoire au secret du requérant et les interrogatoires de police espagnole subis hors la présence d’un avocat, au cours desquels il avait fait des déclarations qui l’incriminaient lui-même. Ces déclarations figuraient parmi les motifs pour lesquels le requérant avait été reconnu coupable de crimes terroristes. Invoquant l’article 6, §§ 1 (droit à un procès équitable) et 3 c) (droit à l’assistance d’un défenseur de son choix) de la Convention N° Lexbase : L7558AIR, le requérant alléguait, devant la CEDH, qu’on lui avait refusé l’accès à un défenseur de son choix au cours des interrogatoires de police qu’il avait subis pendant sa détention au secret.
Réponse de la CEDH. La Cour rappelle que l’article 6 s’applique non seulement à la procédure de jugement devant un tribunal, mais aussi aux phases précédant la procédure de jugement. Il y a « accusation en matière pénale » dès lors qu’une personne est officiellement inculpée par les autorités ou que les actes effectués par celles-ci en raison des soupçons qui pèsent sur l'intéressée ont des répercussions importantes sur sa situation. Il faut en règle générale que l’accès à un avocat soit consenti dès qu’il existe une telle « accusation en matière pénale ». La Cour réaffirme que la détention au secret ne peut être ordonnée que par un juge d’instruction, dans des circonstances exceptionnelles et aux seules fins prévues par la loi.
La Cour juge aussi que le fait, pour les autorités, d’avoir empêché le requérant d’accéder à un avocat sans justification individuelle a eu pour conséquence de nuire à l’équité du procès pénal ultérieur dans la mesure où la déclaration incriminante initiale du requérant a été versée au dossier. Aucune mesure de redressement n’ayant été prise au cours du procès, les droits de l’intéressé ont subi une atteinte irrémédiable.
La Cour européenne des droits de l’Homme dit, par conséquent, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6, §§ 1 (droit à un procès équitable) et 3 c) (droit à l’assistance d’un défenseur de son choix) de la Convention et condamne l'Espagne.
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newsid:480141
Réf. : Cass. crim., 12 janvier 2022, n° 21-86.075, F-B N° Lexbase : A31437IA
Lecture: 3 min
N0114BZA
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par Adélaïde Léon
Le 18 Janvier 2022
► Constitue une trace écrite d’un envoi par un moyen de télécommunication, au sens de l’article 803-1, I, du Code de procédure pénal, le document figurant au dossier indiquant qu’un avis d’audience devant la chambre de l’instruction a été déposé sur PLEX pour l’avocat du mis en examen, lequel a été averti de ce dépôt par courriel. L’existence d’un justificatif de réception de ce message et l’accord exprès du destinataire pour qu’il puisse être procédé aux notifications par ce moyen de communication électronique ne sont pas des conditions requises par l’article 803-1, I, du Code de procédure pénale.
Rappel de la procédure. Un individu est mis en examen des chefs, notamment, d’infractions à la législation sur les stupéfiants, importation de stupéfiants en bande organisée, exportation de stupéfiants en bande organisée et association de malfaiteurs.
Le juge des libertés et de la détention (JLD) rend une ordonnance plaçant l’intéressé en détention provisoire. L’avocat de ce dernier relève appel de l’ordonnance.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction confirme l’ordonnance du JLD. Le mis en examen forme un pourvoi contre l’arrêt d’appel.
Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir violé l’article 803-1 du Code de procédure pénale en confirmant l’ordonnance de placement en détention provisoire alors que l’avocat du mis en examen n’avait pas reçu de convocation pour l’assister devant cette juridiction, ladite convocation ayant été adressée par le biais de la plate-forme PLEX sans que l’avocat ait donné un accord exprès pour l’utilisation de ce procédé et sans trace écrite ni preuve de réception figurant au dossier.
Décision. La Cour rejette le pourvoi. La Haute juridiction souligne que la plate-forme PLEX, objet d’une convention signée entre le ministère de la Justice et le CNB concernant la communication électronique en matière pénale entre les juridictions ordinaires du premier et second degré et les avocats, permet la transmission de copies de procédure pénale ainsi que des notifications prévues à l’article 803-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1638MAW.
La Chambre criminelle précise par ailleurs que le document figurant au dossier, indiquant qu’un avis d’audience devant la chambre de l’instruction a été déposé sur PLEX pour l’avocat de l’intéressé, constitue une trace écrite d’un envoi par un moyen de télécommunication au sens de l’article 803-1, I du Code de procédure pénale. En l’espèce, l’avocat du mis en examen avait été averti du dépôt par un courriel qu’il indique n’avoir découvert qu’après avoir reçu notification de l’arrêt.
Or, la Cour affirme que ni l’existence d’un justificatif de réception de ce message, ni l’accord exprès du destinataire pour qu’il puisse être procédé aux notifications par ce moyen de communication électronique ne sont des conditions requises par l’article 803-1, I précité.
Dès lors, le demandeur ne pouvait en l’espèce se faire grief de ce que la notification à son avocat de l’avis d’audience avait été réalisée par l’envoi d’un courriel indiquant le dépôt de la convocation sur la plate-forme PLEX pour l’utilisation de laquelle ce conseil n’avait pas donné d’accord exprès et ne disposait par de preuve de réception.
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Réf. : Cass. crim., 18 janvier 2022, n° 21-83.751, F-B (N° Lexbase : A65637IW)
Lecture: 4 min
N0125BZN
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par Marie Le Guerroué
Le 19 Janvier 2022
► L'absence, dans la décision prise par le magistrat, des motifs justifiant la perquisition et décrivant l'objet de celle-ci, qui prive le Bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l'information qui lui est réservée et qui interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le président du tribunal judiciaire éventuellement saisi, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l'avocat concerné.
Faits et procédure. M. [E] agissant tant en son nom personnel qu'au nom de la Société immobilière & promotion, avait porté plainte et s'était constitué partie civile à l'encontre de la CARPA du barreau de Besançon, pour des faits de recel d'abus de confiance commis le 7 juillet 2013. Des enquêteurs, agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, avaient requis le président de la CARPA en vue de la communication d'éléments relatifs à un chèque encaissé sur le compte de celle-ci, le 3 juillet 2013. La CARPA n'a pas donné suite à cette réquisition en opposant le secret professionnel. Par décision du 11 mai 2021, le juge d'instruction a ordonné une perquisition dans les locaux de la CARPA, à laquelle il a procédé, le 12 mai 2021, en présence du Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Besançon. Le Bâtonnier s'est opposé à la saisie de documents, qui ont été placés sous scellé fermé. Un procès-verbal de contestation a été dressé et transmis au président du tribunal judiciaire.
Ordonnance. L'ordonnance de perquisition, prise par le juge d'instruction indique, d'une part, que la CARPA est mise en cause par M. [E] pour des faits de recel de bien obtenu à l'aide d'un abus de confiance commis le 7 juillet 2013, consistant en un virement de 100 000 euros ayant transité sur le compte de la première et pouvant correspondre à une dette personnelle de M. [J]. D'autre part, le magistrat instructeur fait état du défaut de réponse de la CARPA à une réquisition adressée par un service d'enquête, sollicitant tous les documents relatifs au versement de cette somme, par chèque, le 3 juillet 2013.
Réponse de la Cour. La Cour rend sa décision au visa des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme N° Lexbase : L4798AQR et 56-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0488LTA. Il résulte de ces textes que les perquisitions dans les locaux des caisses de règlement pécuniaire des avocats ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du Bâtonnier ou de son délégué, à la suite d'une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du Bâtonnier ou de son délégué. L'absence, dans la décision prise par le magistrat, des motifs justifiant la perquisition et décrivant l'objet de celle-ci, qui prive le Bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l'information qui lui est réservée et qui interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le président du tribunal judiciaire éventuellement saisi, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l'avocat concerné.
Pour la Cour, les motifs de l'ordonnance de perquisition, insuffisants pour décrire l'objet de la perquisition et contradictoires entre eux, quant à la date des faits reprochés et au moyen de paiement en cause, ne permettent ni à la CARPA ni au Bâtonnier d'identifier la nature des relations entre la première et la société SIP, ainsi qu'entre elles et les dénommés [J] et [E], interdisant ainsi le contrôle réel et effectif de cette mesure par le président du tribunal judiciaire. Il en résulte que le Bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, n'a pas reçu, au début de la perquisition, les informations lui permettant de connaître les motifs de celle-ci et d'en identifier l'objet. Cette imprécision de l'ordonnance de perquisition a porté atteinte aux intérêts de la CARPA. Ainsi, en ordonnant le versement, au dossier de l'information, de documents saisis au cours d'une perquisition irrégulière, le président du tribunal judiciaire a excédé ses pouvoirs.
La Haute juridiction annule l’ordonnance et ordonne la restitution des documents saisis lors de la perquisition faite dans les locaux de la Caisse des règlements pécuniaires des avocats du barreau de Besançon.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le secret et la confidentialité des échanges, Le régime des perquisitions des cabinets d'avocats, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E43153RA. |
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Réf. : Cass. civ. 2, 2 décembre 2021, n° 20-18.732, F-B N° Lexbase : A90947D8
Lecture: 13 min
N0235BZQ
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par Christophe Lhermitte, Avocat Associé, spécialiste en procédure d’appel
Le 02 Février 2022
Mots-clés : appel • procédure avec représentation obligatoire • conclusions • caducité • maladie de l’avocat • force majeure • article 910-3 du Code de procédure civile • caractère insurmontable • appréciation in concreto • appréciation souveraine des juges du fond • confirmation de jurisprudence • précision
La force majeure, qui permet au juge d’écarter les sanctions en cas de non-respect des délais de remise et de notification des conclusions, est constituée en cas de circonstance non imputable au fait de la partie et lorsqu’elle revêt un caractère insurmontable.
Ces conditions ne sont pas réunies, et la sanction est encourue, lorsqu’il n’est pas démontré que les effets de la caducité, pour absence de remise des conclusions dans le délai de trois mois, ne pouvaient pas être évitées par des mesures appropriées.
En l’espèce, compte tenu de la structure d’exercice du cabinet, et des diligences faites par ailleurs, il n’était pas démontré que la maladie de l’avocat constituait un cas de force majeure l’ayant empêché de remettre ses conclusions dans le délai de l’article 908.
Ayant été condamné au profit de salariés, dans le cadre d’un licenciement collectif pour motif économique, l’employeur saisit la cour d’appel le 28 février 2019.
Le 3 juin 2019, soit après l’expiration du délai de trois mois de l’article 908 du Code de procédure N° Lexbase : L7239LET, l’avocat de l’appelant remet ses conclusions au greffe de la cour d’appel.
Le conseiller de la mise en état se saisit d’office d’un incident de caducité, pour non-respect du délai de trois mois de remise des conclusions au greffe.
Finalement, la caducité sera écartée.
Les intimés défèrent l’ordonnance de mise en état à la cour d’appel qui réforme les ordonnances et prononcent en conséquence la caducité de la déclaration d’appel.
Les pourvois sont rejetés, l’appelant ne démontrant pas que les conditions pour retenir la force majeure de l’article 910-3 N° Lexbase : L7043LEL étaient réunies.
La force majeure, cet évènement non imputable et insurmontable
Avec le décret du 6 mai 2017 [1], le conseiller de la mise en état, qui ne connaissait jusqu’alors que les sanctions automatiques, s’est vu investi d’une marge d’appréciation dans l’application des sanctions.
C’est l’article 910-3 qui lui a ouvert cette possibilité, qui reste cependant plutôt mesurée.
En effet, cette disposition ne concerne pas toutes les diligences auxquelles les parties doivent procéder en appel. Ne sont visés que les articles 905-2 N° Lexbase : L7036LEC
et 908 à 911, c’est-à-dire la remise et la notification des conclusions, en circuit ordinaire avec désignation d’un conseiller de la mise en état et en bref délai.
Ne sont pas concernées les diligences consistant à notifier l’acte d’appel, et sont exclues les procédures sur renvoi de cassation ou le jour fixe.
Le champ d’application demeure donc restreint.
Même si elle lui ressemble a priori, la force majeure n’est pas la cause étrangère. Cette cause étrangère, introduite dans le Code par le décret du 9 décembre 2009 [2], est limitée aux seuls actes de procédure remis au greffe, sans pouvoir être invoquée lorsqu’il y a eu un « loupé » dans la notification de l’acte, qu’il s’agisse de conclusions ou de la déclaration d’appel. Mais la cause étrangère s’applique en renvoi de cassation, ou en jour fixe.
Même si la cause étrangère et la force majeure semblent proches, il n’en est rien, et les deux notions n’entreront que très rarement en concurrence. Chacun sert sa cause.
Plus précisément, la force majeure permet au magistrat de la mise en état d’écarter la sanction, à la condition toutefois qu’il y ait… force majeure.
Et c’est là tout le nœud du problème.
Si nous avions pu redouter une invocation à tout-va de cette disposition, force est de constater qu’il n’en est rien.
Et il suffit au demeurant de voir les arrêts rendus au visa de cette disposition pour se convaincre qu’il n’en est pas fait un usage abusif.
Et il ne devrait pas y avoir une prolifération de cet usage au regard de la jurisprudence qui se dégage sur cette disposition, la Cour de cassation veillant au grain, et refusant en outre d’admettre largement qu’il soit dérogé à des sanctions dont nous savons bien qu’elles ne constituent pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel[3]. À défaut de convaincre, c’est l’argument que la Cour de cassation sort de manière assez systématique.
Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que cette disposition, qui déroge au principe de l’automaticité de la sanction, n’est admise que dans des circonstances exceptionnelles. La Cour de cassation, qui semble s’en défendre, vérifiera que tel est bien le cas, même si elle rappelle qu’il appartient au seul juge le soin d’apprécier souverainement qu’il y a effectivement force majeure.
Comme l’avait déjà jugé la Cour de cassation, la force majeure est constituée par la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt un caractère insurmontable [4].
Ici, la Cour de cassation ne retient pas une autre définition de la force majeure, et elle confirme sa jurisprudence.
Et nous pouvons constater que cette force majeure n’est pas aisée à démontrer.
Qu’est-ce qu’une circonstance non imputable au fait de la partie qui revêt un caractère insurmontable ?
Une fois la définition donnée, l’avocat n’est pas beaucoup plus avancé pour savoir s’il remplit les cases lui permettant d’échapper à la sanction encourue et par voie de conséquence à la déclaration de sinistre.
Il est difficile de déterminer précisément ce qu’est une force majeure, autrement qu’en prenant des cas concrets. Et même alors, l’exercice reste délicat.
En effet, par exemple, il est impossible d’affirmer que la maladie ou l’hospitalisation d’une partie, ou une panne informatique, constitue en elle-même une force majeure.
Tout est affaire de circonstances, et dépend d’autres éléments, à partir desquels il sera décidé s’il faut ou non écarter la sanction. Et toujours sous l’œil vigilant d’une Cour de cassation qui souhaite probablement éviter que l’article 910-3 devienne la carte joker pour gommer les effets d’une erreur de procédure.
Ainsi, s’il est concevable que la partie hospitalisée n’est pas en mesure de faire diligence, il en est autrement si cette même partie, alors qu’elle était hospitalisée, a formé appel puis conclu tardivement.
La question qui est à se poser pour savoir s’il y a force majeure est celle-ci : aurait-il pu en être autrement, soit parce que la partie s’est elle-même mise dans cette situation, soit parce qu’au regard des circonstances, il était possible de faire autrement ?
Ainsi, pour la partie malade, la Cour de cassation ne s’est pas laissée convaincre de l’existence d’une force majeure dès lors que cette hospitalisation ne l’avait pas empêchée d’exercer son recours, et que lorsqu’elle a conclu, tardivement, elle était toujours hospitalisée [5].
La partie, nonobstant cette hospitalisation, pouvait bien conclure puisqu’elle a conclu alors qu’elle était hospitalisée. Elle pouvait donc faire autrement pour conclure plus tôt, dans son délai. Si l’hospitalisation n’est pas de son fait, a priori, la situation n’était pas insurmontable, puisqu’elle l’a surmontée par ailleurs.
N’est pas davantage retenue comme constituant un cas de force majeure une panne informatique empêchant l’avocat de remettre ses conclusions par voie électronique au greffe de la cour d’appel, dès lors que l’avocat pouvait remettre ses conclusions sur support papier le lendemain du délai, comme le prévoit l’article 930-1 [6]. Il appartenait donc à l’appelant de surmonter la difficulté, en procédant à une remise des conclusions sur support papier.
De même est écartée la force majeure lorsque la partie s’est mise dans l’impossibilité de remettre ses conclusions au greffe dans le délai imparti, au motif qu’elle attendait un rapport d’expertise non judiciaire pour conclure au fond [7].
Il ne dépendait que de l’appelant que les conclusions soient remises au greffe dans le délai de l’article 908. La circonstance lui est donc imputable.
En l’espèce, c’est la maladie de l’avocat qui était invoquée comme constituant une force majeure.
De prime abord, on peut admettre que l’avocat malade n’est pas en mesure de conclure, et ne doit pas être soumis à des délais pour la remise et la notification de conclusions.
Mais ici encore, l’évènement est remis dans son contexte, de manière à apprécier s’il suffit d’être malade pour se dispenser de respecter les délais.
Tout est affaire d’espèce…
On comprend que la Cour de cassation souhaite éviter que l’article 910-3 ne devienne l’article de la dernière chance, celui que l’on invoque pour gommer une erreur, avec une réécriture des faits pour tenter d’activer la corde sensible d’un magistrat qui décide de vie ou de mort d’un appel.
La cour d’appel se livre à un véritable examen des faits de l’espèce pour trancher. Et alors, tout y passe, et tous les moyens sont bons pour apprécier si la circonstance n’est pas imputable à la partie, ou si l’évènement était insurmontable.
L’avocat de l’appelant était en mesure de justifier, d’un point de vue médical, un empêchement physique de travailler.
Mais cela ne suffit pas, en soi, et les juges vérifient en quelque sorte la véracité de l’affirmation, en se fondant sur des indices.
Du côté de celui qui invoque la force majeure, il ne peut se contenter d’un certificat médical qui ne constitue qu’un commencement de preuve. Il doit en outre démontrer le caractère insurmontable de l’évènement, et si des « mesures appropriées » n’auraient pas permis d’éviter la caducité encourue pour absence de remise des conclusions au greffe.
Et il apparaît que tel était le cas puisque l’avocat n’exerçait pas en cabinet individuel, mais dans le cadre d’une structure importante d’une trentaine de personnes, dont une équipe en droit social. L’avocat n’exerce pas seul, mais est entouré de collaborateurs.
Et partant du principe que ces collaborateurs pouvaient traiter des dossiers en l’absence de l’avocat en charge du dossier, c’est à ce dernier de démontrer que tel n’était pas le cas.
La Cour de cassation fait peser une lourde charge de la preuve sur celui qui invoque la force majeure, car nous imaginons la difficulté qui peut exister pour démontrer que seul l’avocat était en mesure de conclure, alors que le cabinet est composé de nombreux avocats.
N’est-il pas exigé la preuve impossible ?
Au surplus, pour rejeter d’autant l’argument, il est retenu que deux jours après l’empêchement physique de travailler, l’avocat a été en mesure de communiquer un décompte des condamnations.
À ce propos, il aurait pu être répondu que c’est le collaborateur en charge de l’exécution qui a adressé ce décompte. Mais l’argument est à double tranchant, puisqu’il alimente le premier moyen de rejet quant au fait que l’avocat est entouré d’une équipe qui œuvre en son absence.
D’autre part, et l’argument devient alors beaucoup plus pertinent, c’est le jour de son rétablissement, soit le 3 juin 2019, que l’avocat a remis (tardivement) ses conclusions d’appel.
Et la cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a pu constater que ce n’était pas des conclusions quelconques. Elles contenaient une trentaine de pages, et exploitaient 269 pièces comme visées dans le bordereau.
Manifestement, sans être entouré d’une équipe, un avocat ne pouvait pas, en un jour, produire de telles conclusions.
Le moyen de la force majeure perd toute crédibilité.
De là à penser que la solution aurait pu être différente si l’avocat avait attendu quelques jours pour remettre ses conclusions, il n’y a qu’un pas. Toutefois, même si cela aurait été préférable, il n’en demeurait pas moins que l’avocat exerce dans une structure, et que l’avocat était entouré de collaborateurs.
Dans un tel cas de figure, il apparaît illusoire de convaincre un juge qu’un cabinet d’avocats très organisé, avec des pôles constitués de plusieurs avocats, puisse se trouver dans l’incapacité de rédiger des conclusions pour les remettre à la cour d’appel dans le délai imparti.
Nous le devinions, considérant déjà que « si l’accident peut constituer une force majeure pour un avocat exerçant seul, il sera plus difficile de le soutenir lorsqu’il s’agit d’une cabinet dans lequel exercent plusieurs dizaines d’avocats » (Procédures d’appel, Dalloz coll. Delmas express, n° 1219).
Et cela est somme toute assez logique.
Le rejet, en l’espèce, de la force majeure, semble cohérent et correspond à une réalité.
Une appréciation sans limites ?
Si l’article 910-3 a fait une entrée salutaire dans le Code de procédure civile, nous constatons qu’il est et reste l’exception à la sanction automatique.
Ce n’est pas une faveur accordée à la partie, mais une exception qui se mérite, le principe étant l’application (automatique) de la sanction.
Cette approche est la même que pour le relevé de forclusion de l’article 540 du Code de procédure N° Lexbase : L2321LUI. La partie est irrecevable, pour forclusion, mais on lui accorde la possibilité de passer outre cette tardiveté si les circonstances le justifient. Et ce relevé, qui est une exception, il se mérite.
La force majeure est bien souvent écartée, et celui qui entend en profiter doit avoir de sérieux arguments à faire valoir. Les juges d’appel, dont il est dit qu’ils procèdent à une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve, ce dont nous pouvons douter quelque peu, devront passer à la loupe les arguments soumis au soutien de ce moyen.
Et l’investigation pourra aller loin.
En l’espèce, les juges n’ont regardé que le côté insurmontable. Nous ne voulons penser au caractère non imputable, car cela peut devenir délicat, et nous ignorons jusqu’où le juge d’appel peut aller. Ainsi, le juge d’appel peut-il considérer, pour écarter la force majeure, que l’avocat aurait pu éviter d’être alité pour cause de grippe s’il s’était fait vacciner ?
La difficulté, dans cette jurisprudence, est la fixation de la limite au-delà de laquelle le juge d’appel ne doit pas aller.
Et cette limite, nous ne la devinons pas.
Un avocat peut être empêché de travailler, par exemple parce qu’il a contracté un virus tel le Covid-19 qui l’empêche à tout le moins de se rendre au cabinet. Mais le confinement pourrait ne pas constituer un motif suffisant pour se prévaloir de la force majeure de l’article 910-3. Ainsi, au regard de l’arrêt rendu, l’avocat ne devra-t-il pas démontrer que les symptômes dont il souffrait l’empêchaient effectivement de travailler de son domicile ? Ne devra-t-il pas en outre démontrer qu’il n’était pas en possession de la clé lui permettant de signer numériquement les actes de procédure remis au greffe, et qu’il ne disposait pas d’un ou plusieurs assistants à qui il pouvait transmettre les conclusions pour une remise au greffe par voie électronique ?
Le caractère insurmontable reste une notion relativement subjective, et floue. Surtout, l’exigence peut aller très loin et nous ne voyons pas où l’investigation doit s’arrêter.
C’est là, nous semble-t-il, toute la difficulté de cet article 910-3.
À retenir : Compte tenu de la difficulté à la démonter, la force majeure restera l’exception, et il ne faut pas trop compter sur cette notion pour échapper à la sanction, qu’il s’agisse de la caducité ou de l’irrecevabilité des conclusions. Il faut garder à l’esprit que le filet a été enlevé et que tout mauvais pas entraîne la chute, l’article 910-3 ne constituant qu’une faible branche à laquelle il sera difficile de se raccrocher. |
[1] Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile N° Lexbase : L2696LEL.
[2] Décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile N° Lexbase : L0292IGW.
[3] P. ex. Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 13-28.017, F-P+B N° Lexbase : A8173NPE - Cass. civ. 2, 5 décembre 2019, n° 18-17.867, FS-P+B+I N° Lexbase : A9839Z48 - Cass. civ. 2, 1er juin 2017, n° 16-18.212, F-P+B N° Lexbase : A2584WGS - Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-21.978, F-P+B+I, N° Lexbase : A88773YG - Cass. civ. 2, 4 novembre 2021, n° 20-15.757, F-B N° Lexbase : A07267BI.
[4] Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 20-10.654, F-P N° Lexbase : A67324MB, D. actu., 12 avril 2021, obs. Ch. Lhermitte.
[5] Cass. civ. 2, 14 novembre 2019, n° 18-17.839, FS-P+B+I N° Lexbase : A6543ZYY, D. actu., 6 déc. 2019, note Laffly ; D., 2019, 2255 ; ibid. 2020. 576, obs. Fricero ; JCP, 2019, 1386, obs. Veyre; Gaz. Pal. 28 janv. 2020, p. 59, obs. Guez
[6] Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-17.137, F-D N° Lexbase : A88843YP.
[7] Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-17.137, F-D, précité.
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Réf. : Décret n° 2022-95, du 31 janvier 2022, relatif au permis de communiquer délivré à l'avocat d'une personne détenue N° Lexbase : L9149MA4
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N0269BZY
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par Marie Le Guerroué
Le 02 Février 2022
► Le décret n° 2022-95, publié au Journal officiel du 1er février 2022, vient préciser les modalités de remise aux avocats des permis de communiquer ; il permet, tout particulièrement, à l'avocat désigné ou commis d'office de demander que le permis soit établi à son nom et à celui de ses associés et collaborateurs qu'il désignera.
Genèse. La Cour de cassation avait rendu, le 15 décembre 2021, un arrêt qui avait suscité l’indignation de la profession d’avocat (Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-85.670, F-B N° Lexbase : A03587HQ). La Haute juridiction avait, en effet, précisé, au visa de l’article 115 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0931DY7, que le juge d'instruction n'était tenu de délivrer un permis de communiquer qu'aux avocats nommément désignés par les parties ce qui n’incluait pas nécessairement ses collaborateurs ou ses associés. Cette jurisprudence empêchait un client d’être représenté par un collaborateur non désigné et impactait les fonctionnements des cabinets d’avocat. Conscient de ces difficultés, le garde des Sceaux avait indiqué lors de l’assemblée générale de la Conférence des Bâtonniers le 21 janvier dernier qu’un décret viendrait remédier à ces difficultés et préciser l’interprétation à donner à l’article 115 du Code de procédure pénale. Promesse tenue. Le décret a été publié au Journal officiel du 1er février 2022.
Notice. Le nouveau texte vient donc préciser les modalités de remise par le juge d'instruction des permis de communiquer délivrés aux avocats des personnes mises en examen et placées en détention provisoire, afin de permettre aux associés et collaborateurs de l'avocat d'en bénéficier.
Il prévoit que l'avocat désigné ou commis d'office pourra demander que le permis soit établi à son nom et à celui de ses associés et collaborateurs qu'il désignera. Ces dispositions, qui consacrent des pratiques existant dans de nombreux cabinets d'instruction, mais qui ne sont cependant pas généralisées, permettent ainsi d'assurer l'effectivité des droits de la défense lorsqu'un avocat doit se faire substituer par un associé ou un collaborateur pour assister son client détenu. Le nouvel article D. 32-1-2 précise que l'avocat désigné ou commis d'office pourra, en cours de procédure, demander un permis de communiquer actualisé en modifiant la liste des associés et collaborateurs concernés. Le permis de communiquer initial ou actualisé sera mis à la disposition de l'avocat désigné ou commis d'office ou lui sera adressé par tout moyen dans les meilleurs délais. L’article précise encore que lorsque l'avocat sera convoqué pour un interrogatoire ou un débat contradictoire, le permis sera mis à sa disposition ou lui sera envoyé au plus tard le premier jour ouvrable suivant la réception de la demande par le greffe du juge d'instruction.
Entrée en vigueur. Le décret entre en vigueur le 1er février 2022.
Pour aller plus loin : v. N. Catelan, ÉTUDE : Le recours à l'instruction préparatoire, Les droits du mis en examen, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E65783CM. |
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Réf. : Cass. soc., 12 janvier 2022, n° 15-24.989, F-D N° Lexbase : A52737I7
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N0115BZB
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par Lisa Poinsot
Le 28 Janvier 2022
► La seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que ne soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait.
Faits et procédure. Engagée en qualité d’avocate collaboratrice salariée par contrat à durée indéterminée le 17 octobre 2011, une salariée prend acte de la rupture de son contrat le 21 mai 2014.
La cour d’appel (CA Douai, 18 mai 2015, n° 14/06594 N° Lexbase : A3408NI3) retient que la prise d’acte de la rupture produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur forme un pourvoi en cassation. Il reproche à la cour d’appel de le condamner à payer diverses sommes notamment à titre de rappel de salaire, congés payés afférents, ou encore les rémunérations dues jusqu’au terme du contrat, solde de l’indemnité de licenciement compris. Il soutient que les dispositions de la convention collective peuvent permettre de considérer qu’une convention de forfait de salaire a été valablement convenue entre les parties en sorte qu’en considérant celle-ci comme illicite, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 4.1 de la convention collective du 17 février 1995 des cabinets d’avocats (avocats salariés) N° Lexbase : X8195AP9. Relevant que le principe d’une rémunération forfaitaire a été posé par la convention collective et que la rémunération stipulée était supérieure aux minimas conventionnels, l’employeur soutient que la convention de rémunération ne pouvait être écartée.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que le moyen n’est pas fondé. La cour d’appel, qui a constaté que les conventions de forfait de rémunération ne précisaient pas le nombre d'heures supplémentaires inclus dans la rémunération, en a exactement déduit que les parties ne pouvaient avoir valablement conclu une telle convention.
Pour aller plus loin :
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Réf. : Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B N° Lexbase : A14867IU
Lecture: 20 min
N0197BZC
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par Corinne Bléry, Professeur de droit privé à l’Université Polytechnique Hauts-de-France (Valenciennes) Faculté de droit et d’administration publique Directrice du Master Justice, procès, procédure Membre du conseil scientifique de Droit & Procédure
Le 28 Janvier 2022
Mots clés : déclaration d’appel • annexe • effet dévolutif • RPVA • CPVE • formalisme • empêchement d’ordre technique
Les mentions prévues par l’article 901, 4°, du Code de procédure civile N° Lexbase : L5415L83 doivent figurer dans la déclaration d’appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul. Cependant, en cas d’empêchement d’ordre technique, l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.
Un arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la deuxième chambre civile doit impérativement être connu des avocats pratiquant la procédure d’appel, tant il fait l’effet d’un « coup de tonnerre » dans une matière qui est pourtant souvent agitée d’orages, de brouillards et d’embruns. Il a d’ailleurs déjà suscité de vives discussions, souvent critiques et inquiètes [1]. Il assène, sans ménagement pour les avocats et plaideurs, que l’annexe de la déclaration d’appel ne doit pas être utilisée en « première intention », mais seulement en « secours », en cas d’empêchement d’ordre technique…
Une banque interjette appel, par voie électronique, d’un jugement l’ayant, notamment, condamnée au paiement d’une certaine somme à une société. Pour ce faire, elle « se borne » à joindre à la déclaration d’appel proprement dite (c’est-à-dire au message RPVA) « un document intitulé “motif déclaration d’appel PDF” ».
La société demande au conseiller de la mise en état de déclarer nulle la déclaration d’appel « mentionnant un appel total sans distinguer les chefs critiqués du jugement ». Le conseiller de la mise en état (CME) rejette cette demande. Son ordonnance n’est pas déférée à la cour d’appel.
La société saisit en revanche la cour d’appel d’une autre demande, tendant cette fois, à voir dire sa saisine non valable, « le nombre de caractères nécessaires à l’énonciation des chefs critiqués du jugement ne justifiant pas qu’un document les mentionnant soit joint à la déclaration d’appel ».
La cour d’appel constate qu’elle n’était saisie d’aucune demande par la déclaration d’appel « qui n’a pas opéré dévolution » : en effet, « “l’annexe”, qui indiquait les chefs de jugement expressément critiqués, n’était pas de nature à opérer dévolution en ce qu’elle ne valait pas déclaration d’appel ».
La banque se pourvoit alors en cassation par un moyen divisé en quatre branches. La troisième, qui seule échappe à l’application de l’article 1014, alinéa 2, du Code de procédure civile N° Lexbase : L7860I4U, reproche à la cour d’appel une violation des articles 562 N° Lexbase : L7233LEM et 901 N° Lexbase : L5415L83 du Code de procédure civile : elle aurait ajouté une condition à ces textes, aucune forme n’étant imposée à cette déclaration en ce qu’elle doit mentionner les chefs de jugement critiqués.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle :
- les règles de fond et de forme relatives à la déclaration d’appel posées par les articles 562 et 901 du CPC, tels qu’issus du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL ;
- les règles relatives à la communication par voie électronique (CPVE [2]), prévues aux articles 748-1 N° Lexbase : L0378IG4 et 930-1 N° Lexbase : L7249LE9 du même code.
Elle énonce ensuite le principe et l’exception rapportés au chapô, avant d’approuver la cour d’appel, devant laquelle aucun empêchement à renseigner la déclaration technique n’avait été allégué, d’avoir déduit que l’annexe « ne valait pas déclaration d’appel, seul l’acte d’appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement »…
L’arrêt marque une césure : il y a « l’avant » et « l’après », tant la situation des plaideurs est affectée par la décision qui interdit de maintenir une pratique, pourtant peu gênante, mais pas assez rigoureuse au regard de la Cour de cassation… sauf à résister.
I. Avant l’arrêt
L’arrêt du 13 janvier 2022 invite à rappeler le droit de la déclaration d’appel en procédure avec représentation obligatoire mais aussi des éléments d’informatique, pour ne pas dire de « cuisine » technique, qui sont à l’origine de la sévère décision de la Cour de cassation.
A. Déclaration d’appel et droit
L’arrêt, pédagogique, rappelle les différentes règles, de fond comme de forme, relatives à la déclaration d’appel (n° 6 et 7)…
L’appel a été réformé par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile [3]. Depuis l’entrée en vigueur de cette réforme, l’appel général a disparu, l’étendue de la dévolution est déterminée par l’acte d’appel et lui seul.
Bien que rédigé différemment depuis 2017, l’article 562, alinéa 1er, du Code de procédure civile N° Lexbase : L7233LEM a repris l’idée traditionnelle selon laquelle « tantum devolutum quantum appellatum » [4], puisqu’il dispose : « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent ». L’appelant peut donc, à son choix, et dans la limite de sa succombance, reprendre toutes ses prétentions de première instance ou limiter son appel à certains chefs de jugement et/ou contre certaines des personnes ayant été parties en première instance. Par exception, selon son alinéa 2, « la dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ».
La nouveauté, depuis 2017, est que l’étendue de la dévolution est déterminée par l’acte d’appel,
C’est l’article 901 N° Lexbase : L5415L83 qui régit la forme de la déclaration d’appel. Il prévoit que « la déclaration d’appel est faite par acte contenant » un certain nombre de mentions dont « 4° les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible » [7].
Quant au vecteur de transmission de la déclaration d’appel, il est acquis depuis longtemps que c’est, obligatoirement, le RPVA [8]. L’article 930-1 du CPC N° Lexbase : L7249LE9, qui s’applique aux procédures ordinaires et à jour fixe, prévoit qu’« à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique » (al. 1er). Les alinéas 2 et 3 prévoient le retour au papier en cas de cause étrangère : l’acte est remis ou adressé par LRAR – depuis le décret du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL – au greffe – tandis qu’est envisageable le report au prochain jour ouvrable de l’accomplissement d’un acte impossible en raison d’une telle cause étrangère (CPC, art. 748-7 N° Lexbase : L0423IGR). De même, « les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur » (al. 4). Enfin, l’article 930-1, alinéa 5, du CPC précise qu’« un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique ».
Il s’est longtemps agi de l’arrêté du 30 mars 2011, applicable dans notre affaire. S’il n’était pas des plus clairs, il a toujours été certain que la remise par l’avocat à la juridiction des actes de procédure qu’il visait, dont la déclaration d’appel, par voie électronique était la règle. L’arrêté du 30 mars 2011 est aujourd’hui abrogé, mais l’arrêté du 20 mai 2020 – mieux rédigé – reproduit la règle.
Si l’on regarde assez rapidement, on voit que l’appelant a bien formé un appel contenant une critique des chefs du jugement le condamnant, qu’il a utilisé pour ce faire une déclaration d’appel qui semble conforme à l’article 901 du CPC N° Lexbase : L5415L83 et qui a été adressée par voie électronique, conformément à l’article 930-1 N° Lexbase : L7249LE9. Autrement dit, il semble que les diverses prescriptions, tant de fond que de forme aient été respectées.
Alors quid ? De quoi se plaignait l’intimé ? Qu’est-ce qui a justifié l’arrêt de la cour d’appel ? Puis le rejet du pourvoi ?
C’est du côté de l’informatique – des « tuyaux » – qu’il faut chercher l’explication.
B. Déclaration d’appel et tuyaux
On sait que le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) et le réseau privé virtuel de la justice (RPVJ) ne brillent pas par leur modernité et leur capacité – étant précisé que le RPVJ « impose ses règles » au RPVA, en ce sens que les zones remplies par les avocats dans le RPVA doivent être jumelles des zones du RPVJ.
Rappelons que, « à l’origine, en effet, ont été utilisés des outils qui n’avaient pas pour fonction première de notifier des actes de procédure. Ce sont des logiciels de messagerie existants qui ont servi à la transmission de ces actes de procédure : le RPVA a ainsi été conçu sur la base du RPVJ, système adapté à la gestion des greffes mais très éloigné des nécessités résultant d’échanges d’acte de procédure entre avocats et entre avocats et juridictions. Ou plutôt certaines juridictions » [9]. D’ailleurs, « la jurisprudence de la Cour de cassation témoigne de leurs diverses déficiences. Ainsi les arrêts rendus sur la cause étrangère attestent-ils que le RPVA/RPVJ ne supportait pas des fichiers trop pesants [10], qu’il était « bridé » par une territorialité technique – il était impossible de remettre un acte par RPVA en dehors du ressort de la cour d’appel où l’avocat est inscrit [11] –, que des « cases » manquaient pour effectuer certains actes de procédure – le recours en annulation en matière d’arbitrage n’était pas prévu [12] –, que les cases existantes n’étaient pas assez « grandes » – le nombre de caractères pour rédiger une déclaration d’appel était limité à 4 080 [13],… » [14].
C’est justement cette déficience – la limitation des caractères dans les zones de saisies – et son remède « bricolé » qui sont à l’origine de l’arrêt. Si, « en pratique les transmissions [des actes de procédure] prennent la forme de courriers électroniques, échangés entre boîtes aux lettres sécurisées associés à un certificat électronique garantissant l’identité de l’auxiliaire de justice […] et auxquels sont, le cas échéant, joints les actes de procédure ou pièces qu’ils transmettent » [15], la déclaration d’appel est rédigée directement dans des champs informatiques du RPVA.
Comme certains de ces champs sont limités à 4 080 signes, espaces compris [16], du côté du RPVJ, ils le sont aussi du côté du RPVA... Il a donc fallu trouver une solution lorsque le nombre de caractères nécessaires pour que les avocats saisissent les chefs de jugement critiqués est supérieur à cette limite. Il a ainsi été permis de joindre une « annexe » à la déclaration d’appel, fichier pdf complétant cet acte de procédure. C’est une circulaire de la chancellerie du 4 août 2017 qui a offert cette porte de sortie… non prévue par le CPC, à la différence de la cause étrangère [17] ... et mal nommée : ce n’est pas tant une « annexe » dont il est question que d’une « déclaration d’appel avec énonciation des chefs du jugement critiqués ».
Sans doute aurait-il fallu commencer à saisir le début de la déclaration d’appel dans le RPVA, puis – une fois « coincé » par le manque de place – de continuer avec l’annexe, mais les auxiliaires de justice ont souvent tout rassemblé en un seul document : l’annexe s’est – dans les faits – transformée en déclaration d’appel. Autant dire que ce sont, en partie, des aléas, échappant au contrôle des avocats, qui ont conduit à la pratique consistant à annexer souvent un document dans lequel sont énoncés les chefs de jugement expressément critiqués. Notons que, certains auxiliaires de justice, prudents, se sont contentés du champ du RPVA lorsqu’ils n’avaient pas besoin de plus de 4080 signes.
Pratique commode et imposée par l’informatique – plus que contra legem – de rédiger un seul fichier, envie, en outre, d’avoir un texte mis en forme grâce à un logiciel « normal » (plus performant que le RPVA), habitude qui ne gênait personne… : les raisons ne manquaient pas à cette métamorphose d’une annexe en un support complet du contenu de la déclaration d’appel. Pour autant, profitant de l’argumentation développée pour sa défense par l’intimé, la cour d’appel a remis en cause cette pratique. Et la Cour de cassation a validé…
II. Après l’arrêt
L’annexe doit, dès maintenant, puisque l’arrêt ne bénéficie d’aucune modulation dans le temps, (ré)intégrer une fonction subalterne. Pas de modulation, puisque ce n’est pas une charge procédure nouvelle que la Cour de cassation impose ici aux appelants. C’est en effet dans un tel cas de figure, en particulier à propos de la procédure d’appel, que la Cour de cassation a limité pour l’avenir certaines de ses interprétations: elle n’entendait pas priver les appelants du droit à un procès équitable en appliquant cette nouvelle solution aux instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de l’arrêt [18]. Dans notre arrêt, la Haute juridiction reviendrait seulement à une stricte orthodoxie, ce qui ne serait pas une « surprise » ? Ce serait oublier la pratique consacrée en raison de la déficience de la technique. L’absence de modulation conduisant à une application aux affaires pendantes, revient à changer la règle en cours de route : c’est de la rétrospectivité, autant dire une forme de rétroactivité porteuse d’insécurité et d’injustice, puisqu’elle prive bel et bien les appelants du droit à un procès équitable.
Même si l’on peut chercher à comprendre les raisons de la Cour de cassation (A), l’arrêt est très critiquable car il revient à faire porter aux avocats – et aux justiciables – la charge des péchés originels du RPVA (B).
A. Des justifications peu convaincantes
L’arrêt peut être compris comme se voulant respectueux des notions. L’adjectif annexe signifie en effet « Qui se rattache accessoirement à quelque chose de plus important pour le compléter : Article annexe de la loi », il a pour synonyme : « accessoire » et pour contraire « principal » ; dans son sens n° 2, le nom féminin annexe désigne une « Pièce jointe à un ouvrage, un rapport, un procès-verbal, une loi » [19]. Aux yeux de la cour de cassation, la pratique a transformé « l’annexe » en « principal », qui se substitue à la déclaration d’appel plus qu’elle ne s’y joint. L’arrêt remet en effet les pendules – les concepts – à l’heure. Sur le plan de la technique informatique, l’annexe peut être vue comme nuisant à l’échange de données structurées, prévu hier par l’arrêté technique du 30 mars 2011 et aujourd’hui par celui du 20 mai 2020. Mais, une nouvelle fois, c’est en raison des déficiences du RPVA que la pratique a été instaurée et « l’annexe » mal nommée est « tout sauf annexe » [20].
Dans la même veine elle a récemment rendu un arrêt relatif au formalisme électronique de l’appel particulier en matière de compétence, en procédure avec représentation obligatoire [21] : si ce formalisme très rigoureux, voire rigoriste, n’est pas respecté, l’appel est irrecevable. La Cour de cassation a en effet considéré qu’adresser par voie électronique la déclaration d’appel et les conclusions visées à l’article 85 du CPC le même jour ne pouvait être analysé comme la jonction évoquée par ledit article. La jonction juridique de l’article 85 N° Lexbase : L1423LGS (et d’autres textes du Code de procédure civile) a une traduction informatique : l’annonce de la jonction des conclusions à venir aurait dû être faite dans le champ informatique (RPVA) de la déclaration d’appel et les conclusions elles-mêmes adressées en pièce jointe par le même envoi RPVA. Mais c’était là techniquement possible… à la différence de faire tenir plus de 4 080 signes dans un champ limité à ce chiffre.
En outre, dans le procès en question, une régularisation de la déclaration d’appel avait pu intervenir dans le délai des conclusions, de sorte qu’un sauvetage quasiment inespéré avait pu avoir lieu [22]. Ce n’était pas le cas dans notre affaire et dans de nombreuses autres, puisqu’une régularisation n’était même pas imaginée, la déclaration d’appel étant conforme à la pratique pas si contra legem…
B. Des interrogations et des critiques évidentes
L’arrêt suscite diverses interrogations. En effet, la Cour de cassation encadre doublement l’utilisation de l’annexe (v. chapô) : puisqu’elle n’est qu’une annexe, elle ne peut se substituer à la déclaration d’appel, mais s’y ajouter, en cas d’ « empêchement d’ordre technique » et à condition qu’un renvoi du principal à l’accessoire assure l’unité du tout.
Or, qu’est-ce qu’un « empêchement d’ordre technique » ? La notion est créée par l’arrêt, elle ne figure pas dans les textes. Est-ce une cause étrangère ou autre chose ? La Cour de cassation ne donne aucune définition et ajoute une complication inutile à une matière déjà assez complexe. Il semble que l’empêchement en cause ne vise que la limite de signes. L’arrêt implique sans doute d’épuiser les 4 080 signes, avant de pouvoir continuer sur l’annexe, et en prenant soin d’inclure dans les 4 080 signes le renvoi à l’annexe afin de la rattacher à la déclaration d’appel. Concrètement, faudra-t-il justifier d’un rejet pour dépassement des 4 080 caractères pour qu’il soit possible de joindre une annexe au regard de la condition mise par la Cour de cassation dans son arrêt ? Devra-t-on s’arrêter en milieu d’une phrase pour bien épuiser le champ ? L’appelant sera inspiré d’invoquer par principe et par précaution l’empêchement d’ordre technique…
En fait de revenir aux « concepts », n’est-ce finalement pas plutôt à une autre « cuisine » que l’arrêt convie les avocats… tant que l’outil informatique n’est pas capable de transmettre dans de bonnes conditions les actes de procédure.
La communication par voie électronique est un progrès indéniable, sa réglementation n’est pas mauvaise dans l’ensemble. En revanche, le pouvoir réglementaire ne devrait pas adopter des réformes alors que les outils informatiques ne sont pas opérationnels : la « saga de l’assignation à date » [23] en est l’illustration la plus flagrante, mais il est dommage aussi que les outils informatiques ne soient pas améliorés quand les textes, devenus « classiques » appellent des supports dignes du XXIe siècle. Si la Cour de cassation a parfois rendu des arrêts de provocation, si l’arrêt est ici destiné à « asticoter » ceux qui ont la main sur les « tuyaux », cela ne devrait pas être au détriment des avocats et surtout des justiciables.
La technique doit enfin être mise au niveau nécessaire aux avocats, aux juges et aux greffiers : la plateforme Portalis, qui n’en finit pas d’être déployée « à petits pas » sera-t-elle vraiment opérationnelle un jour, afin de permettre une communication par voie électronique de qualité ? En attendant, la CPVE doit être entendue souplement par la jurisprudence, car, en l’état de la technique informatique, l’arrêt limite injustement l’accès au juge d’appel, en toute contrariété avec l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR.
Conseils de survie (en attendant mieux [24]) pour les avocats en procédure d’appel avec représentation obligatoire :
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[1] R. Laffly, D. actu, 20 janvier 2022 [en ligne] V. aussi les comptes Twitter de (notamment) J. Jourdan-Marques, M. Barba, Avokayon… ou, plus favorable à l’arrêt, C. Lhermitte [en ligne].
[2] Sur la CPVE, v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile, Droits interne et de l’Union européenne 2021/2022, S. Guinchard (dir.), Dalloz Action, 10e éd. 2020, n° 273 s. ; Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, novembre 2018 (actu. décembre 2019) ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, 4e éd., LexisNexis, 2018, n° 485 s. ; M. Dochy, La dématérialisation des actes du procès civil, Dalloz - Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2021 et M. Dochy, ÉTUDE : La communication électronique, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E53404ZS.
[3] V. J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, LexisNexis, 4e éd. 2018 ; D. d’Ambra, Droit et pratique de l’appel, Dalloz Référence 2021/2022, 4e éd. 2021 ; Ph. Gerbay et N. Gerbay, Guide du procès civil en appel 2021/2022, LexisNexis 2020 ; C. Lhermitte, Procédures d’appel 2020/2021, Dalloz Delmas express, 2020 ; F. Seba, ÉTUDE : L'appel in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E5626EYZ.
[4] Il est tant dévolu qu’appelé.
[5] Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-22.528, FS-P+B+I N° Lexbase : A89403C4, D. avocats avril 2020, p. 252, M. Bencimon. Cette position a été confirmée : Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 20-12.037, F-P N° Lexbase : A68084M4, D. actu. 26 avril 2021, R. Laffly. En fait, déjà avant 2017, la dévolution pouvait être restreinte par les conclusions postérieures, mais jamais élargie (Cass. civ. 2, 26 mai 2011, n° 10-18.304, F-P+B N° Lexbase : A8836HS3, Procédures 2011, comm. 251, R. Perrot).
[6] Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-17.630, F-P+B+I N° Lexbase : A86133YN, D. actu. 5 novembre 2020, C. Lhermitte ; Cass. civ. 2, 10 décembre 2020, n° 19-12.257, F-P+B+I N° Lexbase : A590739N, D. actu., 20 janvier 2021, G. Sansone ; Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-22.080, F-B N° Lexbase : A261144H , D. actu, 29 septembre 2021, C. Bléry.
[7] Ce 4° est issu du décret de 2017 N° Lexbase : L2696LEL. L’article 901 a été légèrement corrigé par le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 N° Lexbase : Z7419194, mais pas ce 4°. Notons aussi que la déclaration d’appel, en procédure sans représentation obligatoire, opère dévolution pour l’ensemble des chefs du jugement, alors même qu’elle ne mentionne pas les chefs critiqués (Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-13.662, FS-B+R N° Lexbase : A256044L, D. actu. 5 octobre 2021, C. Lhermitte).
[8] C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile, Droits interne et de l’Union européenne 2021/2022, S. Guinchard (dir.), Dalloz Action, 10e éd. 2020, n° 273.112.
[9] C. Bléry, Peut-on faire confiance à la justice civile numérique ?, in La confiance numérique – Travaux de la Chaire sur la confiance numérique (dir. A. Giudiccelli, E. Caprioli), LexisNexis, 2022, p. 301 (à paraître).
[10] Cass. civ. 2, 16 novembre 2017, n° 16-24.864, FS-P+B+I N° Lexbase : A1935WZP P, D. actu. 22 novembre 2017, C. Bléry ; D. 2017. 52, C. Bléry ; D. avocats 2018. 32, C. Lhermitte ; D. 2018. 692, n°19, N. Fricero ; D. 2018. 757, n° 3, E. de Leiris.
[11] Cass. civ. 2, 6 septembre 2018, n° 17-18.698, F-D N° Lexbase : A7131X3I, NP, Gaz. Pal. 27 novembre 2018, p. 73, C. Bléry ; Cass. civ. 2, 6 septembre 2018, n° 17-18.728, F-D N° Lexbase : A7195X3U, NP, Gaz. Pal. 27 novembre. 2018, p. 75, V. Orif ; Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 18-13.940, F-P N° Lexbase : A67304M9, D. actu, 13 avril 2021, C. Bléry.
[12] V. CA Angers, ch. com., sect. A, 14 octobre 2014, n° 14/01751 N° Lexbase : A6034MY7, CA Douai, ch. 8, sect. 3, 29 janvier 2015, n°13/06684 N° Lexbase : A6698XAC, Gaz. Pal. 20-22 septembre 2015, p. 13, O. Pomiès. Cass. civ. 2, 26 septembre 2019, n° 18-14.708, F-P-B+I N° Lexbase : A7137ZPZ, P., D. actu. 2 octobre 2019, C. Bléry.
[13] V. circulaire du 4 août 2017 N° Lexbase : L6244LGD . Adde, C. Lhermitte, D. actu. 2 octobre 2019, à propos de Cass. civ. 2, 5 décembre 2019, n° 18-17.867, FS-P+B+I N° Lexbase : A9839Z48. – V. encore, Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-22.080, F-B N° Lexbase : A261144H, D. actu. 29 septembre 2021, C. Bléry.
[14] C. Bléry, Peut-on faire confiance à la justice civile numérique ?, in La confiance numérique – Travaux de la Chaire sur la confiance numérique (dir. A. Giudiccelli, E. Caprioli), LexisNexis, 2022, p. 301 (à paraître).
[15] J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, LexisNexis, 4e éd. 2018, n° 521 s., sp. n° 496.
[16] Selon une image empruntée à Maurice Bencimon, il s’agit en quelque sorte de verser un litre et demi (côté RPVA) de liquide dans une bouteille d’un litre (côté RPVJ)... qui ne peut que déborder !
[17] V. ciruclaire préc. en note, qui dispose : « Dans la mesure où le RPVA ne permet l’envoi que de 4 080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d’appel une pièce jointe la complétant afin de lister l’ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fera ainsi corps avec la déclaration d’appel ». Adde R. Laffly, note préc ; V. aussi, C. Lhermitte, Dalloz actualité 13 janvier 2020, à propos de Cass. civ. 2, 5 décembre 2019, FS-P+B+I, n° 18-17.867
[18] Par ex, Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A88313TA, D. actu. 1er octobre 2020, C. Auché et N. De Andrade ; D. 2020. 2046, M. Barba.
[20] V, R. Laffly, note préc.
[21] Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-22.080, F-B (préc.), D. actu, 29 septembre 2021, C. Bléry.
[22] V. supra.
[23] F.-X. Berger, La saga de « l’assignation à date » : fin de la saison 1 : D. actu. 5 janvier 2021.
S. Amrani-Mekki, Prise de date, prise de tête ? : Gaz. Pal. 26 janvier 2021, p. 49. C. Bléry, Peut-on faire confiance à la justice civile numérique ?, préc.
[24] « Le CNB demande la suppression de la limitation à 4080 caractères de la déclaration d’appel via le RPVJ » [en ligne] : « il a été décidé de saisir le ministre de la Justice afin de supprimer cette contrainte technique, à défaut de modifier l’article 901 CPC afin d’autoriser l’annexion d’un document listant les chefs de jugement attaqués et enfin d’engager une réflexion plus globale sur les réformes nécessaires de la procédure d’appel ».
[25] Procédures 2011, comm. 171, N. Fricero.
[26] Procédures 2016, comm. 15, N. Fricero.
[27] Procédures 2016, comm. 288, N. Fricero.
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