Réf. : Cass. crim., 4 novembre 2021, n° 21-80.413, F-B (N° Lexbase : A07337BR)
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N9395BYM
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par Adélaïde Léon
Le 24 Novembre 2021
► Aucune disposition n’exclut un ministère sacerdotal de l’application de l’article 223-15-3 du Code pénal, lequel prévoit que les personnes physiques déclarées coupables d’abus de faiblesse encourent la peine complémentaire d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ; l’application de ces dispositions peut donc conduire au prononcé d’une interdiction d’exercer la profession de prêtre.
Rappel des faits. Un tribunal correctionnel reconnait un prêtre et une femme respectivement coupables d’abus de faiblesse et de violences pour l’un et non-dénonciation de mauvais traitements infligés à une personne vulnérable pour l’autre.
Les deux prévenus et le ministère public relèvent appel de cette décision du tribunal correctionnel.
En cause d’appel. La cour d’appel condamne la femme et le prêtre à des peines de huit mois d’emprisonnement avec sursis pour la première et, pour le second, à trois ans d’emprisonnement, 100 000 euros d’amende, cinq ans d'interdiction d'activité, cinq ans d'interdiction des droits civils, civiques et de famille. La cour ordonne également des mesures de confiscation et de publication et prononce sur les intérêts civils.
Les intéressés forment des pourvois contre l’arrêt d’appel.
Moyens des pourvois. Le pourvoi présenté par le prêtre fait grief à la cour d’appel d’avoir prononcé l’interdiction d’exercer pendant cinq ans les fonctions de prêtre alors que « la prêtrise ne constitue par une activité professionnelle ou sociale mais un ministère sacerdotal » lequel relève de la liberté de culte. Le prévenu estimait donc que la cour d’appel avait méconnu le principe constitutionnel de laïcité et les articles 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L6799BHB) (liberté de penser, de conscience et de religion), 1er (N° Lexbase : C03134QN) et 2 (N° Lexbase : C03144QP) de la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Églises et de l’État, 131-27 (N° Lexbase : L9467IYB) (modalités de la peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle) et 223-15-3 (N° Lexbase : L9603IEE) (peines complémentaires encourues en cas d’abus de faiblesse) du Code pénal.
Décision. La Chambre criminelle rejette les pourvois, notamment au visa de l’article 223-15-3 du Code pénal.
La Haute juridiction souligne que pour prononcer l’interdiction mise en cause, la cour d’appel a précisé que les faits d’abus de faiblesse avaient été commis à l’occasion de l’exercice des fonctions de prête. Fonctions qui ont permis à l’intéressé de s’introduire auprès des sœurs qu’il fréquentait de manière régulière et qui avaient toute confiance en lui.
La Chambre criminelle rappelle que selon l’article 223-15-3 du Code pénal, les personnes physiques déclarées coupables d’abus de faiblesse encourent la peine complémentaire d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise et affirme qu’aucune disposition dérogatoire n’existe s’agissant d’un ministère sacerdotal.
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Réf. : CA Paris, 16 novembre 2021, n° 19/14486 (N° Lexbase : A88617BS)
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N9508BYS
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par Marie Le Guerroué
Le 25 Novembre 2021
► Aucune faute ne peut être retenue à l’encontre du Bâtonnier élu qui avait confié à un autre des candidats au Bâtonnat la rédaction d’un rapport sur l'amélioration de la gouvernance des institutions ordinales, par la suite rejeté par le Conseil de l’Ordre parisien.
Faits et procédure. Un Bâtonnier nouvellement élu avait confié à l’un des candidats au Bâtonnat, par des courriers rédigés avant et après son élection, la rédaction d’un rapport sur l'amélioration de la gouvernance des institutions ordinales parisiennes. Ce rapport avait été rejeté par le conseil de l'Ordre. L'avocat a alors fait assigner le Bâtonnier et le Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris devant le tribunal de grande instance de Paris, aux fins d'obtenir la condamnation du Bâtonnier à l'indemniser des préjudices tant matériel que moral qu'il estime avoir subis, et à titre subsidiaire la condamnation in solidum avec lui de l'Ordre des avocats au barreau de Paris. Le TGI de Paris ayant rejeté ses demandes, l'avocat fait appel. Il fait, notamment, valoir qu’un des courriers rédigés par le Bâtonnier avant son élection était une commande passée en son nom personnel, engagement en contrepartie duquel il avait lui-même demandé à ses électeurs de lui apporter leurs voix au second tour.
L’absence d’engagement personnel irrévocable. Pour la cour, il n'est pas contesté que le courrier soit la confirmation d'une conversation entre les deux candidats au Bâtonnat sur le contenu de leurs programmes respectifs, qui convergeaient sur le besoin d'instaurer une gouvernance qui rapproche de l'Ordre les avocats déçus par l'institution, et les moyens d'arriver à un résultat sur ce point. Si la préoccupation électorale sous-jacente à ce rapprochement des deux candidats est évidente, le document ne peut pour autant s'interpréter en un engagement personnel irrévocable du futur Bâtonnier de faire de l’appelant un médiateur appointé de l'Ordre pour trois ans dès lors qu'il serait élu Bâtonnier, en contrepartie d'un appel de ce dernier à ses électeurs à voter en sa faveur. Pour la cour, l'impossibilité d'une telle promesse n'ayant pu échapper ni à l'un ni à l'autre, l’appelant ne peut sérieusement soutenir avoir été la victime d'un dol qu'aurait commis le Bâtonnier élu à son encontre. La cour précisant "seul un aveuglement personnel certain ayant pu lui laisser croire que le nombre de phrases évoquant la configuration du contrepouvoir projeté, rédigé au conditionnel, pouvait être pris comme une promesse ferme de se voir confier un tel poste, quand il ne s'agissait que de proposer les contours de l'institution que le rapport demandé devait préciser."
Le rappel du processus institutionnel. Le Bâtonnier élu, dans une lettre du 22 décembre 2015 rédigé après son élection, confirmait et précisait à l’appelant la demande de rapport, en insistant sur la nécessaire précision de son contenu et sur les délais, tout en remettant la suite à donner entre les mains du Conseil de l'Ordre. Pour la cour, ce faisant, il ne posait pas une condition nouvelle destinée à l'exonérer de l'obligation prétendument contractée, mais il rappelait le processus institutionnel résultant des dispositions de l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), qui soumettent la mise en place de toute institution nouvelle appelée à intervenir dans la relation entre les avocats et l'Ordre à la consultation et l'approbation préalables du Conseil de l'Ordre. La cour relève que l’appelant recevant ce courrier n'a élevé aucune protestation particulière par rapport à cette annonce, confirmant ainsi qu'elle n'avait pour lui rien qui puisse le surprendre. C'est donc, pour la cour d’appel, en toute mauvaise foi et contradiction qu'il prétend aujourd'hui que le Bâtonnier élu aurait eu la latitude d'imposer ses vues, ou en tout cas de décider seul de le nommer à ses côtés pour qu'il y tienne le rôle qu'il voulait jouer, ce qui aurait constitué un comportement contra legem, aux antipodes, en outre, aussi bien de la volonté affichée de l’appelant de lutter contre l'imperium supposé des instances ordinales, que de son intention, partagée avec le Bâtonnier élu, de mettre en place un organe de recours pérenne et indépendant du Bâtonnier.
L’implication du Bâtonnier et un désaccord de fond du conseil de l’Ordre. S'impliquant largement dans la défense du principe qui sous-tendait la proposition, la cour relève que le Bâtonnier a rappelé à plusieurs reprises, au cours de la séance du conseil de l'Ordre, qu'il s'agissait d'un engagement de campagne qu'il entendait tenir, mais s'est manifestement trouvé en difficulté du fait de l'absence de l’appelant. Au demeurant, la cour relève que le motif de ce rejet par le conseil de l’Ordre n'est pas tant sur la personne de l’appelant que sur un désaccord de fond sur le principe d'une institution qui viendrait « surveiller » les activités des institutions ordinales.
Indemnisation (non). Pour la cour d’appel de Paris, de l'absence de faute du Bâtonnier découle qu'aucune indemnisation ne peut être mise à sa charge ou à celle de l'Ordre des avocats. Le jugement dont appel est donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes.
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Réf. : Cass. soc., 17 novembre 2021, n° 20-18.336, FS-B (N° Lexbase : A94637B4)
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N9532BYP
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par Charlotte Moronval
Le 24 Novembre 2021
► Lorsque le CDD est conclu pour remplacer un salarié absent, les dispositions de l'article L. 1244-1 du Code du travail (N° Lexbase : L7363K9L) autorisent la conclusion de plusieurs CDD successifs sans qu'il y ait lieu à application d'un délai de carence et sans qu'il y ait lieu de distinguer le remplacement d'un seul et même salarié dont l'absence est prolongée de celui de plusieurs salariés absents.
Faits et procédure. Un salarié est engagé en qualité d'assistant de vente par une société, suivant quatre CDD successifs pour remplacer quatre salariés absents distincts.
Il saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de ses CDD en CDI. La cour d’appel (CA Paris, Pôle 6, 4ème ch., 3 juin 2020, n° 18/02462 N° Lexbase : A80143MR) accède à sa demande. Elle retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1244-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8109LGG), dans sa rédaction alors applicable, que le délai de carence de l'article L. 1244-3 du même code (N° Lexbase : L8110LGH) n'est pas applicable, notamment lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé. Elle relève également que les quatre contrats souscrits visent des remplacements de quatre salariés absents distincts. Elle en déduit que le délai de carence devait s'appliquer entre ces contrats pour les différents salariés remplacés de sorte que la requalification en contrat à durée indéterminée est acquise.
L’employeur forme un pourvoi en cassation.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. En statuant comme elle l’a fait, alors que, lorsque le CDD est conclu pour remplacer un salarié absent, les dispositions de l'article L. 1244-1 du Code du travail autorisent la conclusion de plusieurs CDD successifs, sans qu'il y ait lieu à application d'un délai de carence, la cour d'appel a violé l’article L. 1244-1.
Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Les cas de recours au contrat à durée déterminée, Le CDD pour remplacement d'un salarié, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E04623NG). |
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Réf. : Cass. civ. 1, 17 novembre 2021, n° 20-19.420, F-B (N° Lexbase : A07367CA)
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N9526BYH
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 24 Novembre 2021
► En application de l’article 3 du Code civil, il appartient au juge saisi d’une requête en divorce, de rechercher si la loi personnelle des époux n'autorisait pas le mariage bigame dont il est demandé la dissolution, de sorte que ce mariage, célébré à l'étranger, produisait effet en France, où il pouvait être dissous ;
► Ne peut donc être déclarée irrecevable la requête en divorce d’un mariage bigame autorisé par la loi personnelle de chaque époux.
Il est acquis que la bigamie est une cause de nullité absolue du mariage, en vertu de l’article 184 du Code civil (N° Lexbase : L7237IAB) ; est nul, et de nul effet en France, tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues à l'article 147 (N° Lexbase : L1573ABU), lequel prévoit que l'on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier.
La règle doit cependant être examinée au regard des principes de droit international privé. Il résulte en effet de l'article 3 du Code civil (N° Lexbase : L2228AB7), d'une part, qu'en matière de droits indisponibles, il incombe au juge français de mettre en œuvre les règles de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle, d'autre part, que les conditions de fond du mariage sont régies par la loi personnelle de chacun des époux.
C’est ainsi que la Cour de cassation avait déjà été amenée à préciser que le mariage contracté à l'étranger en état de bigamie pour l'un ou les deux époux n'est pas obligatoirement nul en France ; il en est ainsi à la condition que les lois nationales de chacun d'eux autorisent la bigamie (Cass. civ. 1, 24 septembre 2002, n° 00-15.789, FS-P+B+R N° Lexbase : A4986AZP).
Tel était précisément le cas en l’espèce, s’agissant d’un mariage contracté par deux époux de nationalité libyenne.
Et c’est la raison pour laquelle la Cour suprême censure l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Orléans qui avait déclaré irrecevable la requête en divorce de l’épouse, au motif qu’avant son mariage avec celle-ci, l’époux avait contracté une précédente union en Libye et que, la loi française ne reconnaissant pas la bigamie, ce second mariage n'avait pas d'existence légale et ne pouvait donc être dissous par une juridiction française.
La Haute juridiction reproche en effet aux conseillers d’appel de ne pas avoir recherché, comme il leur incombait, si la loi personnelle des époux, dont ils avaient constaté qu'ils étaient tous deux Libyens, n'autorisait pas la bigamie.
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Réf. : Cass. crim., 17 novembre 2021, n° 20-82.300, F-B (N° Lexbase : A94617BZ)
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N9474BYK
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par Marie-Claire Sgarra
Le 24 Novembre 2021
► La Chambre criminelle a donné, dans un arrêt du 17 novembre 2021, des précisions sur le formalisme applicable dans la procédure de taxation en matière de contributions indirectes.
Les faits :
En cause d’appel, les juges ont infirmé le jugement du tribunal correctionnel et rejeté les exceptions de nullité et de prescription élevées par la brasserie en énonçant qu’aucun texte normatif n’impose un formalisme dans la procédure de taxation en matière de contributions indirectes.
🔎 Principe. Aux termes de l’article L. 80 M du LPF (N° Lexbase : L6962LLG) :
⚖️ Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi formé par le gérant et la société.
👉 En effet, d'une part, l'article L. 34 du LPF (N° Lexbase : L3136KW3), qui au contraire réglemente l'hypothèse de son absence, n'exige pas la présence du représentant légal de l'entrepositaire agréé dans les locaux duquel est effectué un contrôle au titre des contributions indirectes.
👉 D'autre part, si ce texte commande que la copie du procès-verbal établi lors des opérations soit transmise à l'occupant des locaux contrôlés, ni lui ni aucun autre texte n'impose que ce procès-verbal soit signé par l'entrepositaire agréé.
👉 Enfin, l'article L. 80 M du LPF précité, qui impose un échange contradictoire entre l'administration et le contribuable au cours de la procédure aboutissant à l'établissement d'un procès-verbal de notification d'infraction à la législation sur les contributions indirectes, n'implique pas que chacune des opérations effectuées par les agents des douanes en application des prérogatives qui leur sont reconnues par la loi soit réalisée en présence de la personne contrôlée.
💡 Sur la procédure de rectification contradictoire en matière de contributions indirectes mise en place par l’article L. 80 M du LPF, rappelons que la Chambre criminelle a eu l’occasion de juger que « faute d’avoir eu connaissance des documents sur lesquels l’administration entendait fonder sa décision, le redevable n’avait pas pu faire valoir utilement ses observations avant que celle-ci n’établisse le procès-verbal d’infractions ». Ainsi, le principe du contradictoire n’est pas respecté lorsque le contribuable reçoit les documents sur lesquels l’administration fonde sa décision après l’établissement du procès-verbal d’infractions. |
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Réf. : Cass. com., 17 novembre 2021, n° 19-50.067, FS-B+R (N° Lexbase : A94717BE)
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N9499BYH
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par Vincent Téchené
Le 24 Novembre 2021
► L’article L. 721-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L2446LH3) qui donne compétence aux tribunaux de commerce spécialisés pour connaître des procédures collectives des entreprises dépassant certains seuils ne prive pas le tribunal de commerce non spécialement désigné du pouvoir juridictionnel de connaître de ces procédures lorsque les seuils qu'il prévoit ne sont pas atteints mais détermine une règle de répartition de compétence entre les juridictions appelées à connaître des procédures, dont l'inobservation est sanctionnée par une décision d'incompétence et non par une décision d'irrecevabilité.
Faits et procédure. Le tribunal de commerce de Saint-Étienne, après s'être déclaré compétent, a ouvert le redressement judiciaire d’une société. Le ministère public a fait appel du jugement. La débitrice a ensuite été mise en liquidation judiciaire.
Les administrateurs judiciaires nommés et l’un des mandataires ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Lyon, 3ème ch., sect. A, 14 novembre 2019, n° 19/07075 N° Lexbase : A3799ZYD ; Fl. Reille, Lexbase Affaires, novembre 2020, n° 655 N° Lexbase : N5299BYW), lui reprochant de dire recevables les demandes du ministère public tendant à ce que soit relevée d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Étienne et à ce que ce tribunal soit déclaré incompétent pour connaître de la situation de la débitrice, relevant de la compétence d'un tribunal de commerce spécialisé.
Pourvoi. Les demandeurs au pourvoi soutenaient que les exceptions de procédure, telles qu'une exception d'incompétence, doivent à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, même lorsque les règles invoquées sont d'ordre public. En l’espèce, l'exception d'incompétence selon laquelle seul le tribunal de commerce spécialisé de Lyon pouvait connaître de l'ouverture de la procédure collective de la débitrice, plutôt que le tribunal de commerce de Saint-Étienne, était irrecevable dès lors qu'elle n'avait pas été soulevée dès la première instance et in limine litis.
Décision. Apportant une précision inédite, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 721-8 du Code de commerce et 74 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1293H4N).
Elle rappelle que selon le premier de ces textes, des tribunaux de commerce spécialement désignés connaissent des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire lorsque le débiteur répond à certains critères relatifs au nombre de salariés ou au montant net du chiffre d'affaires.
Ainsi, selon la Cour, ce texte ne prive pas le tribunal de commerce non spécialement désigné du pouvoir juridictionnel de connaître de ces procédures lorsque les seuils qu'il prévoit ne sont pas atteints mais détermine une règle de répartition de compétence entre les juridictions appelées à connaître des procédures, dont l'inobservation est sanctionnée par une décision d'incompétence et non par une décision d'irrecevabilité.
Or, les Hauts magistrats relèvent que pour déclarer recevables les demandes du ministère public tendant à obtenir de la cour d'appel qu'elle relève d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Étienne, et qu'elle déclare ce tribunal incompétent pour connaître de la situation de la société débitrice, au motif qu'elle serait de la compétence d'un tribunal de commerce spécialisé, l'arrêt d’appel, après avoir relevé que le ministère public avait requis, devant le tribunal, l'ouverture de la procédure collective sans solliciter le dessaisissement au profit d'un tribunal spécialisé, retient que le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Étienne sur le fondement de l'article L. 721-8 du Code de commerce constitue non une exception d'incompétence, mais une fin de non-recevoir relevant de l'article 125 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1421H4E), au demeurant d'ordre public, pouvant être soulevée en tout état de cause.
Dès lors, pour la Cour de cassation, « en statuant ainsi, alors que la contestation par le ministère public de la compétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne pour connaître de la procédure collective de la société […] devait s'analyser, non en une fin de non-recevoir, mais en une exception d'incompétence, et que le ministère public, qui avait conclu au fond en première instance, n'était pas recevable à la soulever pour la première fois devant elle, la cour d'appel, qui, en application de l'article 76, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9291LTB), n'aurait pu relever d'office l'incompétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne, a violé les textes susvisés ».
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le tribunal compétent en matière de procédures collectives, La spécialisation de certains tribunaux de commerce, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase (N° Lexbase : E3829E8C). |
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Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 15 novembre 2021, n° 432819, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A82397BR)
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N9525BYG
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par Yann Le Foll
Le 24 Novembre 2021
► Le juge de cassation laisse à l'appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve de dénaturation, le point de savoir si un pétitionnaire remplit ou non la condition tenant aux capacités techniques et la condition tenant aux capacités financières pour se voir délivrer une autorisation d'exploiter une installation classée.
Principe. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L6525L7S), ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 (N° Lexbase : L6919L7E) et L. 516-2 (N° Lexbase : L6394LCS) du même code (CE, avis, 26 juillet 2018, n° 416831, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6292XZ3 et lire S. Becue, Nouvelles précisions des conséquences de l’adoption du régime de l’autorisation environnementale pour les contentieux en cours, Lexbase Public, septembre 2018, n° 513 N° Lexbase : N5364BXX).
En cause d’appel. La cour administrative d'appel (CAA Nantes, 5ème ch., 21 mai 2019, n° 17NT03927 N° Lexbase : A97483BN) s'est prononcée sur le caractère suffisant des capacités financières de la Compagnie électrique de Bretagne au regard des critiques qui étaient formulées par les requérants à cet égard et qui portaient, d'une part, sur l'origine et la composition du capital de la société pétitionnaire, la répartition entre la contribution en fonds propres de ses actionnaires et le montant de la dette nécessaire, ainsi que les lettres établies par les établissements bancaires pour confirmer l'intérêt qu'ils portaient au projet, d'autre part, sur les difficultés financières supposées auxquelles, selon les requérants, seraient confrontées les sociétés Direct Énergie et Siemens, détentrices du capital de la société pétitionnaire.
Solution CE. En estimant que les difficultés financières alléguées n'étaient pas établies et que les modalités selon lesquelles la société pétitionnaire entendait constituer ses capacités financières étaient pertinentes au regard de la nature et de l'importance du projet, la cour, qui a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas limité son contrôle des capacités financières de la Compagnie électrique de Bretagne aux seules exigences liées à l'exploitation de l'installation, à l'exclusion de celles liées à la cessation éventuelle de l'exploitation et à la remise en état du site, et n'a, par suite, pas entaché son arrêt d'une erreur de droit.
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newsid:479525
Réf. : Cass. civ. 1, 17 novembre 2021, n° 19-23.298, FS-B (N° Lexbase : A94707BD)
Lecture: 4 min
N9534BYR
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 25 Novembre 2021
► Sont renvoyées à la Cour de justice de l'Union européenne, les questions suivantes :
À l’occasion d’un litige entre une société et son ancien administrateur, la Cour de cassation a sursois à statuer et renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne les questions énoncées ci-dessus, portant sur l’étendue précise de la définition autonome de l’autorité de la chose jugée en droit de l’Union.
Faits et procédure. Dans cette affaire, une société luxembourgeoise invoquant des détournements d'actifs commis par son ancien administrateur a assigné ce dernier devant les juridictions luxembourgeoises, en paiement de certaines sommes.
Par un arrêt du 11 janvier 2012, la cour d’appel de Luxembourg a déclaré cette demande mal fondée, considérant que les fautes alléguées relevaient d’une responsabilité de nature contractuelle, alors que la demande était expressément fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle. Le 24 février 2012, la société a assigné l’administrateur devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement des mêmes sommes, en raison des mêmes faits, en fondant ses demandes sur le fondement des dispositions du droit luxembourgeois relatives à la responsabilité contractuelle. Par l’arrêt attaqué (CA Versailles, 4 juin 2019, n° 18/05950 N° Lexbase : A1662ZDW), l’action a été déclarée irrecevable par les juges d’appel, par application de la règle dite de « concentration de moyens » aux motifs que l’autorité de la chose jugée par les juridictions luxembourgeoises devait s’apprécier au regard de la loi française de procédure. En conséquence, la société demanderesse ne pouvait être admise à invoquer un fondement juridique différent de celui qu’elle s’était abstenue de soulever en temps utile. La société luxembourgeoise a formé un pourvoi à l’encontre de cette décision.
Position des parties.
La CJUE devra donc définir les conditions et les effets de l’autorité de la chose jugée des décisions rendues par les États membres.
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