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N8812BYZ
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par le Dr Nicolas Catelan, Directeur scientifique de la revue Lexbase Pénal
Le 24 Septembre 2021
Cet éditorial est issu du dossier spécial « Droit pénal et patrimoine : saisir et punir » publié le 23 septembre 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N8809BYW)
Patrimoine, capital, propriété. « La principale leçon de l’histoire », disait Michel Villey, « est d’inviter à la modestie contre l’extravagante vanité collective du présent car ce que l’on croit découvrir l’a été déjà, et mieux, et autrement » [1]. Doit-on comprendre que ce dossier pénal n’ambitionne pas de rebattre les cartes d’une institution si bien systématisée par Aubry et Rau il y a plus d’un siècle [2], ni celles du droit pénal en ce presque début de XXIème siècle ? Est-ce à dire que le poids de l’Histoire serait tel que tout aurait été écrit, pensé et dit ? Cela serait pour le moins paradoxal au moment d’introduire cinq contributions qui gravitent autour du patrimoine pour sonder son appréhension par le droit pénal. L’époque moderne témoigne de ce que la notion de patrimoine a su gagner des champs assez éloignés de la perspective classique des deux auteurs strasbourgeois. La patrimonialisation de nos existences est à l’œuvre (des biens aux données personnelles, du gène à l’humanité en passant par la nation). Notre quotidien est gorgé d’économie de sorte que la valeur patrimoniale et capitalistique (de chaque élément) de nos vies est fixée, calculable et, en un sens, indemnisable. Les atteintes à notre patrimoine font l’objet de plusieurs incriminations : des dégradations aux spoliations, des détournements aux destructions, de la prévarication au péculat, des malversations aux abus de biens sociaux, de l’escroquerie à l’abus de confiance… Le Code pénal tend un tissu répressif particulièrement dense autour de comportements qui semblent porter atteinte à la propriété d’autrui. À telle enseigne que le juge répressif s’est progressivement, mais paradoxalement, mû en un juge de la propriété.
Cette tendance connaît toutefois des résistances : la famille en constitue incontestablement le champ élémentaire. La difficulté à imaginer ici une règle de droit pèse encore plusieurs siècles après le célèbre avertissement aristotélicien, Benoît Auroy s’en fait l’écho, plus de 2 300 ans après le Stagirite. Le droit pénal des sociétés commerciales participe d’une logique différente avec des effets toutefois similaires comme le montre le Professeur Stasiak : le juge bloquant ici par la théorie de l’action, ce que la loi accomplit ailleurs par le jeu des immunités.
L’environnement aurait pu constituer une planche de salut. Mais Julien Lagoutte démontre parfaitement que la notion de patrimoine, fût-il de l’humanité ou de la nation, n’est malheureusement pas de nature à initier le grand soir du droit pénal de l’environnement.
Ces quelques constats, aussi rapides qu’éphémères sont de nature à nourrir un scepticisme contrit. Ce serait oublier la profonde réforme opérée par la loi du 9 juillet 2010, portant sur les saisies et confiscations [3]. Comme le rappelle Maître Hy, la confiscation n’a pas attendu cette loi pour exister. Compulser un ouvrage portant sur l’histoire du droit pénal romain en atteste [4]. Et pourtant, la loi du 9 juillet 2010 a véritablement opéré une révolution en droit pénal français. Les dernières décisions rendues par la Chambre criminelle l’illustrent encore et encore, comme le démontre Monsieur le procureur Éric Camous. La décision QPC n° 2021-932 rendue ce jour, achève de s'en convaincre (v. A. Léon N° Lexbase : N8878BYH).
Lignes. Le patrimoine est de ces notions qui, loin de se laisser enserrer dans des grilles monochromatiques, permet à une pensée réflexive d’en suivre les lignes de crête et les lignes de fuite. Que tous les auteurs ayant accepté de participer à ce dossier soient remerciés pour leur précieuse contribution. Le patrimoine continuera d’échapper à nombre de nos entreprises de définition, par sa mise en abime perpétuelle puisque tout, désormais, est une valeur. Il ne pourra en revanche, au terme de ce dossier, échapper à sa mise en intelligibilité. En ce qu’une revue scientifique ne relève pas de la science-fiction, elle ne peut sans doute pas imaginer l’avenir. Elle peut au moins expliquer le présent par le poids de son passé, et la force de la pensée. C’est ainsi que l’avenir devient possible.
Bonne lecture à toutes et à tous.
[1] M. Villey, Réflexions sur la philosophie et de droit, Les carnets, PUF, livre XIII, p. 296.
[2] C. Aubry et C.-F. Rau, Cours de droit civil français : d'après la méthode de Zachariae, Tome 9 : « Le patrimoine est l’ensemble des biens d’une personne, envisagé comme formant une universalité de droit » (§ 573, p. 333 et s.) [en ligne]).
[3] Loi n° 2010-768, du 9 juillet 2010, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale (N° Lexbase : L7041IMQ).
[4] Y. Rivière, Histoire du droit pénal romain (de Romulus à Justinien), Les Belles Lettres, 2021, spé. p. 94 et s.
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Réf. : Loi n° 2021-998, du 30 juillet 2021, relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (N° Lexbase : L3896L7G)
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N8519BY8
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par Adélaïde Léon
Le 22 Septembre 2021
► Le 31 juillet 2021, la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a été publiée au Journal officiel. Ce texte renforce les mesures relatives à la prévention en matière de terrorisme en rendant notamment pérenne des mesures autorisées à titre temporaire par la loi n° 2017-1510, du 30 octobre 2017, dite « loi SILT ». La récente loi révise par ailleurs la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015, relative au renseignement.
Malgré les censures et limites posées par le Conseil constitutionnel, la loi n° 2021-998, du 30 juillet 2021, relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (N° Lexbase : L3896L7G), apporte plusieurs modifications en matière de lutte contre le terrorisme et de renseignements. Voici un aperçu des apports les plus notables :
I. Renforcement de la prévention d’actes de terrorisme
Pérennisation des mesures temporaires. La loi confère un caractère permanent à quatre mesures de lutte contre le terrorisme introduites par la loi n° 2017-1510, du 30 octobre 2017 (N° Lexbase : L2052LHH). Initialement limitées au 31 décembre 2020, elles avaient été prorogées jusqu’au 31 juillet 2021. Il s’agit de mesures comprises dans le titre II du livre II du Code de la sécurité intérieure :
La possibilité d’ordonner une fermeture est étendue aux locaux dépendant des lieux de culte dont la fermeture est prononcée aux fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme (C. int., art. L. 227-1 N° Lexbase : L2131LHE).
Interdiction de paraître dans des lieux déterminés. L’article 4 modifie l'article L. 228-2 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L7539LPW) afin d’autoriser le ministre de l’Intérieur à interdire, aux fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme, à une personne de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés et dans lesquels se tient un évènement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace terroriste. Cette interdiction doit tenir compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée.
Prévention de la récidive terroriste. L’article 6 crée, aux articles 706-25-16 (N° Lexbase : L3896L7G) et suivants du Code de procédure pénale, une mesure judiciaire applicable aux auteurs d’infractions terroristes, décidée à l’issue de leur peine en considération de leur particulière dangerosité, afin de les soumettre à certaines obligations, en vue de prévenir la récidive et d’assurer leur réinsertion. Quatre conditions cumulatives doivent être réunies pour que la mesure puisse être applicable :
Pour être valablement prononcée, cette mesure doit apparaître strictement nécessaire. Elle est décidée au vu d’un avis d’une commission pluridisciplinaire après examen de la dangerosité et des capacités de réinsertion de l’intéressé et débat contradictoire devant le tribunal. Enfin, cette mesure ne peut être prononcée pour une durée supérieure à un an (renouvelable dans la limite de cinq ans – ou trois pour les mineurs – après avis de la commission pluridisciplinaire et sous réserve de l’existence d’éléments justifiant ce renouvellement).
Suivi des personnes radicalisées faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement. Désormais, les préfets et les services de renseignement peuvent être rendus destinataires des données d’identification et des données relatives à la situation administrative des personnes représentant une menace grave pour la sécurité et l’ordre public en raison de leur radicalisation à caractère terroriste. Ces données devront être strictement nécessaires à l’accomplissement de leurs missions et ne pas être antérieures de plus de trois ans à la date de levée de la mesure de soins sans consentement.
II. Révision des mesures relatives au renseignement
La présente loi révise la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015, relative au renseignement (N° Lexbase : L9309KBE).
Recueil de renseignements. Le texte précise que lorsqu’un service spécialisé de renseignement, ou l’un des services désignés par le Conseil d’État en application de l’article L. 811-4 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L6799KUD), obtient, à l’occasion de la mise en œuvre de techniques de recueil renseignement soumises à autorisation, des renseignements utiles à la poursuite d'une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil, il peut les transcrire ou les extraire pour le seul exercice de ses missions, dans la limite des finalités mentionnées à l'article L. 811-3 du même code (N° Lexbase : L4942KKA).
Conservation des renseignements. La loi autorise les services spécialisés de renseignement à conserver des données au-delà des durées légales, aux seules fins de recherche et de développement en matière de capacités techniques de recueil et d’exploitation et à l’exclusion de toute utilisation pour la surveillance des personnes concernées.
Interception des communications satellitaires. Le texte instaure la possibilité pour les services spécialisés de renseignement d’utiliser des dispositifs techniques permettant d’intercepter des correspondances émises ou reçues par voie satellitaire. Ceux-ci ne peuvent être mis en œuvre que pour les finalités suivantes : l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale, les intérêts majeurs de la politique étrangère, l'exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère, la prévention du terrorisme, la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées.
Conservation des données. La loi fixe par ailleurs de nouvelles durées durant lesquelles les opérateurs de communication électronique sont tenus de conserver certaines informations de leurs utilisateurs pour les besoins de procédure pénale, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale. Cette modification intervient en réaction à la décision du Conseil d’État du 21 avril 2021 dite « French Data Network » (CE, 21 avril 2021, n° 393099, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A01664Q9 ; v. M. Audibert, Conservation des métadonnées : le Conseil d’État préserve la majorité des enquêtes judiciaires, Lexbase Pénal, mai 2021 N° Lexbase : N7503BYK).
Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). La loi renforce le contrôle de la CNCTR, préalable à la mise en œuvre des techniques de collecte, transcription, extraction ou transmission de renseignements.
Partage de renseignements. Certaines dispositions du texte ont vocation à fluidifier les échanges de renseignements entre les services spécialisés eux-mêmes, mais également avec les autorités administratives.
Drones. La loi autorise l’utilisation, par les services de l’État de dispositifs destinés à rendre inopérant l’équipement radioélectrique d’un aéronef circulant sans personne à bord, en cas de menace imminente, pour les besoins de l’ordre public, de la défense et de la sécurité nationales ou du service public de la Justice ou afin de prévenir le survol d’une zone en violation d’une interdiction.
Archives. Conformément à l’article L. 213-2 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L5751LLL), les archives publiques sont communicables de plein droit, à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée. L’article 25 de la loi prolonge le délai au terme duquel certaines catégories de documents peuvent être communiquées. À ce sujet, le Conseil constitutionnel a émis deux réserves. Les dispositions concernées ne sauraient :
Pour aller plus loin :
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Réf. : Cons. const., décision n° 2021-822 DC, du 30 juillet 2021, Loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement (N° Lexbase : A50804Z8)
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N8515BYZ
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par Adélaïde Léon
Le 22 Septembre 2021
► Dans sa décision du 30 juillet 2021, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi relative à la prévention d’actes et terrorisme et au renseignement ; à cette occasion, il a été amené à censurer certaines dispositions relatives aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.
Rappel de la procédure. Saisi par les sénateurs, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la constitutionnalité des articles 4, 6 et 25 de la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.
I. Interdiction de paraître dans certains lieux
A. Motifs de la saisine
L’article 4 modifie l'article L. 228-2 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L7539LPW) afin d’autoriser le ministre de l’Intérieur à interdire, aux fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme, à une personne de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés et dans lesquels se tient un évènement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace terroriste. Il était reproché à ces dispositions de méconnaitre le droit au respect de la vie privée, et en particulier l’inviolabilité du domicile dès lors que n’était pas exclu du dispositif le domicile de l’intéressé.
B. Décision
Le Conseil écarte le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée. Dans la mesure où cette interdiction ne peut concerner qu’un lieu dans lequel se déroule l’évènement d’ampleur précité, elle ne peut, par nature concerner le domicile de l’intéressé.
II. Allongement de la durée maximale des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance
A. Motif de la saisine
L’article dénoncé modifie les articles L. 228-2, L. 228-4 (N° Lexbase : L7559LPN) et L. 228-5 (N° Lexbase : L9281LPG) du Code de la sécurité intérieure qui autorisent le ministre de l'Intérieur à ordonner à une personne de se conformer à une ou plusieurs des obligations et interdictions prévues au titre des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (interdiction de paraître dans certains lieux, obligation de déclaration de domicile et de signaler des déplacements, interdiction de se trouver en relation avec certaines personnes), lorsque son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics en lien avec le risque de commission d’un acte de terrorisme. L’article 4 dénoncé permet l'allongement à vingt-quatre mois de la durée maximale de ces différentes mesures individuelles lorsqu'elles sont prononcées à l'encontre de personnes ayant été condamnées à une peine privative de liberté non assortie du sursis pour des faits de terrorisme. Selon les auteurs de la saisine, ces mesures sont des mesures de sûreté dont le contrôle aurait dû revenir au juge judiciaire. En les durcissant, le législateur aurait dû prévoir des garanties suffisantes, faute de quoi il porte atteinte à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale.
B. Décision
Dans ses décisions 2017-691 QPC, du 16 février (N° Lexbase : A4593XDH) et 2017-695 QPC, 29 mars 2018 (N° Lexbase : A0553XIC), le Conseil avait jugé que, compte tenu de leur rigueur, les mesures prévues aux articles L. 228-2 et L. 228-5 du Code de la sécurité intérieure ne sauraient excéder une durée totale cumulée de douze mois.
Ici encore, et malgré l’encadrement du prononcé de ces mesures, rappelé par le Conseil (raisons sérieuses de penser que le comportement d’une personne constitue une menace d’une particulière gravité en lien avec le risque de commission d’un acte de terrorisme, relation habituelle avec des personnes ou organisations incitant à la commission d’acte de terrorisme, adhésion à une idéologie ou à des thèses incitant à ces actes), les Sages estiment que, compte tenu de la rigueur des mesures prévues aux articles L. 228-2, L. 228-4 et L. 228-5 du Code de la sécurité intérieure, la durée fixée par le législateur dans la loi contrôlée n’assure pas une conciliation équilibrée entre l’objectif constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et la liberté d’aller et venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. Le Conseil déclare donc inconstitutionnels le c du 1°, le b du 2° et le b du 3° du paragraphe I de l’article 4 de la loi déférée.
III. Délai de jugement par le juge des référés du tribunal administratif
A. Motifs de la saisine
Conformément à l’alinéa 7 de l’article L. 228-4 du Code de la sécurité intérieure, en cas de décision de renouvellement d’une mesure prévue à cet article, le juge des référés du tribunal administratif peut être saisi par l’intéressé d’une demande sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3058ALT). Or le paragraphe I de l’article 4 insère un nouvel alinéa à l’article L. 228-4 du Code de la sécurité intérieure en vue d’aménager le délai de jugement imparti au tribunal administratif en cas de saisine d’un tribunal territorialement incompétent. En vertu des dispositions différées, un délai de jugement de soixante-douze heures serait accordé au tribunal administratif à compter de l’enregistrement de la requête par le tribunal auquel celle-ci a été renvoyée. Selon les auteurs de la saisine, ces dispositions contreviendraient à l’objectif constitutionnel d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
B. Décision
Le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution les mots « de soixante-douze heures » après avoir rappelé que le délai de jugement prévu par l’article L. 521-2 du Code de justice administrative est de quarante-huit heures. Le délai prévu par le législateur dans la loi déférée rendait donc les dispositions contestées inintelligibles.
IV. Prévention de la récidive et réinsertion des auteurs d’infractions terroristes.
A. Motifs de la saisine
L’article 6 de la loi déférée crée, aux articles 706-25-16 et suivants du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3896L7G), une mesure judiciaire applicable aux auteurs d’infractions terroristes, décidée à l’issue de leur peine en considération de leur particulière dangerosité, afin de les soumettre à certaines obligations, en vue de prévenir la récidive et d’assurer leur réinsertion. Selon les auteurs de la saisine, les dispositions en cause porteraient, par leur manque de précision, une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale.
B. Décision
Le Conseil rappelle que si les obligations ou interdictions concernées portent atteinte à ces droits elles poursuivent un objectif de lutte contre le terrorisme. Les Sages rappellent par ailleurs que quatre conditions cumulatives doivent être réunies pour que la mesure critiquée puisse être applicable (caractère terroriste de l’infraction, durée de la peine, bénéfice de mesure de réinsertion au cours de l’exécution de la peine, particulière dangerosité), que cette mesure, qui doit être motivée, ne peut être ordonnée que si elle apparaît strictement nécessaire et qu’elle est décidée au vu d’un avis d’une commission pluridisciplinaire après examen de la dangerosité et des capacités de réinsertion de l’intéressé et débat contradictoire devant le tribunal. Enfin, cette mesure ne peut être prononcée pour une durée supérieure à un an (renouvelable dans la limite de cinq ans – ou trois pour les mineurs – après avis de la commission pluridisciplinaire et sous réserve de l’existence d’éléments justifiant ce renouvellement).
Les garanties présentées par cette procédure conduisent le Conseil à juger que les dispositions contestées ne méconnaissent pas la liberté d’aller et venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale.
V. Communication des archives publiques
A. Motifs de la saisine
Conformément à l’article L. 213-2 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L5751LLL), les archives publiques sont communicables de plein droit, à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée. Or, l’article 25 de la loi déférée prolonge ce délai pour certaines catégories de documents. Selon les sénateurs auteurs du second recours, les dispositions seraient non seulement entachées d’incompétence négative, mais cette prolongation conduirait par ailleurs à des délais indéfinis d’incommunicabilité constitutifs d’une atteinte disproportionnée au droit constitutionnel d’accès aux documents d’archives publiques découlant de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1362A9C)
B. Décision
Le Conseil juge les dispositions contestées conformes à la Constitution en émettant toutefois des réserves.
Les Sages soulignent que ces dispositions poursuivent un objectif de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation et de l’ordre public. Par ailleurs, elles s’appliquent à des documents très spécifiques et techniques dans les domaines des renseignements, du nucléaire, de la diplomatie, des matériels et installations militaires. Le Conseil précise toutefois que ces dispositions ne sauraient s’appliquer à des documents dont la communication n’a pas pour effet la révélation d’une information jusqu’alors inaccessible au public.
Le Conseil relève que les dispositions contestées reportent le terme de la période de communication de ces documents jusqu’à la survenue d’un évènement déterminé tenant, notamment à la fin de l’affectation des installations civiles et militaires, laquelle est constatée par un acte publié. Selon les sages, les dispositions critiquées ne sauraient faire obstacle à la communication relative aux caractéristiques de ces installations lorsque la fin de leur affectation est révélée par d’autres actes de l’autorité administrative ou par une constatation matérielle.
Sous ces deux réserves, le Conseil déclare conforme à la Constitution les dispositions visées et rejette le grief tenant à l’incompétence négative.
La loi n° 2021-998, du 30 juillet 2021, relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (N° Lexbase : L3896L7G) a été publiée au Journal officiel du 31 juillet 2021.
Pour aller plus loin : v. M.-L. Hardouin-Ayrinhac, Projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement : publication des avis de la CNIL, Lexbase Pénal, mai 2021 (N° Lexbase : N7506BYN). |
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N8614BYP
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par Adélaïde Léon
Le 21 Septembre 2021
► Ce lundi 30 août 2021, le garde des Sceaux a annoncé l’ouverture aux avocats de la plateforme numérique TIG 360° dédiée au développement de la peine de travail d'intérêt général.
Qu’est-ce que la plateforme TIG 360° ? Il s’agit d’une plateforme numérique créée par l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle (ATIGIP), service du ministère de la Justice créé en 2018. De ses mots, l’ATIGIP a notamment vocation à développer la peine de travail d’intérêt général (TIG), alternative à la prison, et l’activité professionnelle des personnes détenues.
Développée depuis fin 2019 par l’ATIGIP la plateforme TIG 360° a été créée pour répondre à divers objectifs, notamment :
Progressivement ouvert aux différents acteurs du TIG (référents territoriaux du TGI, autorités judiciaires puis structures d’accueil), cet espace numérique sera ouvert aux avocats à compter du 4 octobre 2021.
Que change l’ouverture de TIG 360° aux avocats ? En ayant connaissance des TIG disponibles et susceptibles d’être adaptés à leurs clients, les avocats pourront désormais plaider plus aisément cette alternative à l’emprisonnement et ainsi faire des propositions concrètes aux juges.
Selon le ministre de la Justice, la connaissance par les autorités judiciaires, et désormais par les avocats, des offres de TIG permettront de réduire considérablement les délais d’exécution des peines.
Prochaine étape : ouverture de la plateforme aux détenus eux-mêmes. Le ministère de la Justice a par ailleurs fait savoir qu’en 2022, l’ouverture de l’accès à la plateforme sera finalisée par l’intégration des personnes condamnées elles-mêmes. Celles-ci pourront ainsi accéder aux informations pratiques concernant leur peine de TIG.
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Réf. : Loi n° 2021-1109, du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République (N° Lexbase : L6128L74)
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par Adélaïde Léon
Le 22 Septembre 2021
► Selon les mots du communiqué de presse du Conseil des ministres du 9 décembre 2020, 115 ans après la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Églises et de l’État, « l’ambition de ce texte est de permettre à la République d’agir contre ceux qui veulent la déstabiliser afin de renforcer la cohésion nationale ; Ce texte vise à l’émancipation individuelle contre le repli identitaire » ; En matière pénale, cette nouvelle loi prévoit notamment l’élargissement du FIJAIT, le renforcement de la protection des agents publics contre les menaces et actes d’intimidation, un nouveau délit en matière de haine en ligne et des modifications s’agissant de la police des cultes.
Inscriptions au FIJAIT et mesures de sûreté. La loi prévoit notamment l’inscription dans le fichier judiciaire des auteurs d’infractions terroristes des condamnations pour provocation aux actes de terrorisme et apologie (C. pén., art. 421-2-5 N° Lexbase : L8378I43 et 421-2-5-1 N° Lexbase : L4800K8B).
Le régime d’inscription au FIJAIT est également modifié puisque l’ensemble des infractions visées par l’article 706-25-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7500L7W) (énumérant les infractions inscrites au fichier) sont désormais inscrites de plein droit sauf décision contraire et spécialement motivée.
Il est par ailleurs précisé que les mesures de sûreté énoncées à l’article 706-25-7 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7501L7X) ne seront pas appliquées aux personnes inscrites au FIJAIT lorsque les décisions ayant conduit à cette inscription concernent les infractions suivantes :
Protection des agents publics contre les menaces et actes d’intimidation. Il est créé un nouveau délit constitué par l’usage de menace, de violences ou d’intimidation à l’égard d’un agent public ou de toute autre personne chargée d’une mission de service public afin d'obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service (C. pén., art. 433-3-1 N° Lexbase : L7490L7K).
Ce délit est puni de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Par ailleurs, une interdiction de territoire français peut être prononcée à l’encontre de tout étranger qui se rendrait coupable de cette infraction.
Le texte précise que, lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer cette infraction, le représentant de l'administration ou de la personne de droit public ou de droit privé à laquelle a été confiée la mission de service public dépose plainte.
Protection des enseignants. En réaction à l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020, est par ailleurs créé un nouveau délit d’entrave à la fonction d’enseignant, d’une manière concertée à l’aide de menaces. Cette infraction est punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Extension du dispositif d’alerte. Le texte étend la protection fonctionnelle des agents publics aux atteintes à leur intégrité physique ainsi qu’aux menaces (loi n° 83-634, du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi « Le Pors », art. 6, quater A N° Lexbase : L6938AG3) en leur permettant de signaler ces faits dont ils feraient l’objet dans l’exercice de leur fonction, au dispositif d’alerte dédié.
Par ailleurs, le texte confère à la collectivité publique l’obligation de prendre, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d’urgence de nature à faire cesser tout risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique d’un fonctionnaire et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits.
Fiscalité des associations. La loi comprend également de nombreuses dispositions en matière fiscale, notamment en cas de condamnation pénale d’une association (v. M.-C. Sgarra, Loi confortant le respect des principes de la République : la fiscalité des dons en faveur des associations passée au crible, Le Quotidien Lexbase, 8 septembre 2021 N° Lexbase : N8632BYD).
Lutte contre les discours de haine et contenus illicites en ligne. La loi créée un délit de mise en danger par la révélation ou la diffusion d’informations relatives à la vie privée familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens que l'auteur ne pouvait ignorer (C. pén., art. 223-1-1 N° Lexbase : L7485L7D). Cette infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. La peine est aggravée lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou titulaire d'un mandat électif public ou d'un journaliste.
La loi aggrave les peines des infractions prévues aux articles suivants de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW) lorsqu’elles sont commises par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission :
Par ailleurs, fait notable en matière de presse, pour les délits précités, la loi nouvelle autorise le recours à la comparution immédiate et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, sauf si ces délits résultent du contenu d’un message placé sous le contrôle d’un directeur de la publication. Les travaux parlementaires traduisent la volonté du législateur de viser ainsi les contenus publiés sur les réseaux sociaux.
Lutte contre les sites miroirs. La loi instaure une nouvelle procédure permettant de faciliter le blocage de l’accès aux sites miroirs, lesquels reproduisent des contenus déclarés illicites par décision judiciaire.
Modération en ligne. Nouveauté notable en matière de communication au public en ligne, la loi instaure de nouvelles obligations aux opérateurs de plateformes dépassant un certain nombre de connexions en matière de lutte contre la diffusion publique de contenus illicites. Cette disposition anticipe le projet de législation sur les services numériques (Digital Services Actes ou DSA) de la Commission européenne qui doit être présenté en décembre 2021.
Police des cultes. La loi nouvelle modifie la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Églises et de l’État (N° Lexbase : C03134QN), en durcissant la peine prévue en cas de :
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Réf. : Cons. const., décision n° 2021-926 QPC, du 9 septembre 2021 (N° Lexbase : A921543P)
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par Adélaïde Léon
Le 21 Septembre 2021
► L’article d’une loi qui prévoit que ce texte ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique à une date à laquelle la prescription n’était pas acquise, organise l’application dans le temps de ladite loi et ne fixe pas de règle relative à la prescription de l’action publique ; cette disposition n’instituant ni une peine ni une sanction, le grief tiré de la méconnaissance du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce ne trouve pas à s’appliquer.
Rappel de la procédure. Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation (Cass. crim., 2 juin 2021, n° 21-80.726, F-D N° Lexbase : A92544UB) d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de l’article 4 de la loi n° 2017-242, du 27 février 2017, portant réforme de la prescription en matière pénale (N° Lexbase : L0288LDZ) lequel prévoit que la loi en question ne pouvait avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n’était pas acquise.
Motifs de la requête. Il était fait grief à ces dispositions de faire obstacle à l’application immédiate de l’article 9-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6211LLM) créé par ladite loi.
Cet article limitait le report du point de départ de la prescription de l’action publique des infractions occultes ou dissimulées. Si ce dernier court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, il ne peut toutefois excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l’infraction a été commise.
Les dispositions de l’article 4 auraient donc eu pour effet de méconnaître le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce (DDHC, art. 8 N° Lexbase : L1372A9P) et auraient permis que des poursuites perdurent pour des infractions anciennes et dont ni la nature ni la gravité ne le justifiait, méconnaissant ainsi des exigences relatives à la prescription de l’action publique (DDHC, art., 8 et 16 N° Lexbase : L1363A9D).
En prévoyant de telles dispositions transitoires, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence et, alors que cette loi avait pour but de remédier à l’imprescriptibilité de faire des infractions occultes ou dissimulées, méconnu les principes de précisions, intelligibilité et accessibilité de la loi.
Enfin, le principe d’égalité n’aurait lui aussi pas été respecté puisque le texte permettait que de mêmes faits, commis à la même date, soient soumis à des règles de prescriptions différentes selon qu’ils avaient ou non fait l’objet de poursuites avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.
Décision. Le Conseil constitutionnel déclare conforme l’article 4 de la loi n° 2017-242, du 27 février 2017.
Selon le Conseil, il résultait des dispositions contestées que le nouveau régime de prescription ne s’appliquait pas aux infractions commises avant le 1er mars 2017, lorsqu’elles avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique à une date à laquelle la prescription n’était pas acquise selon les dispositions législatives alors en vigueur. Les Sages jugent que ces dispositions n’instituent ni une infraction ni une peine, mais portent sur les règles relatives à la prescription de l’action publique. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce n’a donc pas vocation à leur être appliqué et est, de ce fait, écarté.
Le Conseil rappelle par ailleurs qu’il appartient au législateur de fixer les règles relatives à la prescription de l’action publique qui ne soient pas manifestement inadaptées à la nature ou à la gravité des infractions. Or, les dispositions en cause ont pour objet d’organiser l’application dans le temps de la loi du 27 février 2017, non de fixer des règles relatives à la prescription de l’action publique. Elles ne contreviennent donc pas, par leur nature, aux exigences relatives à la prescription de l’action publique lesquelles découlent des articles 8 (nécessité des peines) et 16 (garantie des droits) de la DDHC.
Jugeant que l’article 4 de la loi présentée ne méconnaît pas non plus le principe d’égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel le déclare conforme à la Constitution.
Pour aller plus loin : v. Farah Safi, ÉTUDE : L'application de la loi pénale dans le temps, Les lois relatives à la prescription, in Droit pénal général, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E1430GA9). |
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par June Perot & Adélaïde Léon
Le 15 Octobre 2021
La revue Lexbase Pénal vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection des décisions (I) qui ont fait l’actualité des mois de juillet et août 2021 en droit pénal général, droit pénal spécial, procédure pénale et droit de la peine, ainsi que toute l’actualité normative (II), classée sous plusieurs thèmes/mots-clés.
I. Actualité jurisprudentielle
1) Droit pénal général
2) Droit pénal spécial
♦ Corruption d'agent public
♦ Données personnelles
CE, formation spécialisée, 12 juillet 2021, n° 426962, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A79634YL) : dans un arrêt, rendu en sa formation spécialisée, relatif à une demande d'accès aux données à caractère personnel figurant dans le fichier des personnes recherchées (FPR), le Conseil d'État détermine le cadre juridique applicable à un tel traitement, la durée de conservation des données à caractère personnel y figurant et les diligences lui incombant concernant la communication de ces données.
Par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac
Cons. const., décision n° 2021-924 QPC, du 9 juillet 2021, La Quadrature du Net (N° Lexbase : A54744YE) : le deuxième alinéa de l'article L. 863-2 du Code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste, est contraire la Constitution. En effet, le législateur n'a prévu aucune garantie encadrant les transmissions d'informations à destination des services de renseignement. Ainsi, le deuxième alinéa de l'article précité méconnaît le droit au respect de la vie privée. Toutefois, les premier et troisième alinéas du même article, dans sa rédaction résultant de la même loi, sont conformes à la Constitution.
Par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac
♦ Droit pénal de la presse
Cass. crim., 15 juillet 2021, n° 21-90.018, F-D (N° Lexbase : A11354Z3) : la Chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel une QPC portant sur les dispositions de l’article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881, lesquelles excluent, pour l’instruction des diffamations et injures, la possibilité offerte aux parties, par l’article 175 du Code de procédure pénale, de déposer des observations écrites, des demandes d’acte et des requêtes en nullité, dans un certain délai courant à compter soit de chaque interrogatoire ou audition, soit de l’envoi de l’avis de fin d’information.
CEDH, 31 août 2021, Req. 23314/19, Ucdag c/ Turquie (N° Lexbase : A025443S) : méconnaissant la CESDH les juridictions internes qui condamnent un imam en raison de deux publications Facebook sans apporter une explication suffisante sur les raisons pour lesquelles les contenus incriminés devaient être interprétés comme glorifiant, légitimant et encourageant les méthodes de violence employée par le PKK dans le contexte de la publication. En condamnant l’intéressé les autorités nationales n’ont pas réalisé la mise en balance adéquate et conforme aux critères jurisprudentiels entre le droit de l’intéressé à la liberté d’expression et les buts légitimes poursuivis. Par ailleurs, par son interprétation particulièrement stricte du délai de recours individuel, sans apporter de précision sur la date à laquelle le délai devait être considéré comme ayant commencé à courir, la Cour constitutionnel a restreint de façon disproportionnée le droit du requérant à voir son recours individuel examiné au fond.
♦ Droit des étrangers
CEDH, 2 juillet 2021, Req. 57035/18, M.D. et A.D. c/ France (N° Lexbase : A24274ZW) : la Cour a considéré, dans cette affaire que, compte tenu du très jeune âge de l’enfant (quatre mois), des conditions d’accueil dans le centre de rétention n° 2 du Mesnil-Amelot et de la durée du placement en rétention (onze jours), les autorités françaises compétentes avaient soumis l’enfant mineur, alors âgée de quatre mois, ainsi que sa mère à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention.
Par Marie Le Gerroué
♦ Enlèvement et séquestration
Cass. crim., 11 août 2021, n° 21-83.172, F-B (N° Lexbase : A73804ZD) : la libération volontaire, au sens de l’article 224-1 du Code pénal, peut résulter d’une cessation, par les auteurs de la séquestration, de leur surveillance dans des conditions de nature à permettre à la victime de quitter les lieux où elle a été retenue.
♦ Fraude fiscale
Ordonnance de validation d'une Convention judiciaire d'intérêt public - Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris/JPMorgan Chase Bank National Association, du 2 septembre 2021 (N° Lexbase : L9622L7I) : le tribunal de grande instance de Paris a validé le 2 septembre 2021, une Convention judiciaire d’intérêt public conclue entre le Parquet national financier et la banque JPMorgan dans une affaire de fraude fiscale par fourniture de moyens. Le montant de l’amende d’intérêt public, en ce qui concerne les autorités françaises, a été fixé à 25 000 000 euros (Convention judiciaire d'intérêt public entre le Procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris et la société JPMorgan Chase Bank National Association N° Lexbase : L9621L7H).
♦ Terrorisme
Cons. const., décision n° 2021-822 DC, du 30 juillet 2021, Loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement (N° Lexbase : A50804Z8) : dans sa décision du 30 juillet 2021, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi relative à la prévention d’actes et terrorisme et au renseignement. À cette occasion, il a été amené à censurer certaines dispositions relatives aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.
Pour aller plus loin : v. M.-L. Hardouin-Ayrinhac, Projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement : publication des avis de la CNIL, Lexbase Pénal, mai 2021 (N° Lexbase : N7506BYN). |
Cons. const., décision n° 2021-823 DC, du 13 août 2021, Loi confortant le respect des principes de la République (N° Lexbase : A71304Z4) : le retrait de subvention publiques en cas de manquement au contrat d’engagement républicain auquel doivent souscrire les associations lorsqu’elles sollicitent ces subventions ne saurait conduire à la restitution de sommes versées au titre d’une période antérieure au manquement. Porte une atteinte non nécessaire, non adaptée et disproportionnée à la liberté d’association la loi permettant au ministre de l’intérieur de prononcer la suspension des activités d’une association ou d’un groupement de fait faisant l’objet d’une procédure de dissolution sur le fondement de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure en cas d’urgence et à titre conservatoire, et autorisant ainsi une suspension pouvant atteindre six mois des activités d’une association dont il n’est pas encore établi qu’elles trouble gravement l’ordre publique. Est censuré en raison de son imprécision l’article prévoyant qu'un titre de séjour pouvait être refusé ou retiré à un étranger s'il est établi qu'il a manifesté un rejet des principes de la République. Enfin, s’agissant de l’instruction en famille, le Conseil constitutionnel juge qu’il appartiendra au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille conformément aux critères qu’il fixe et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur ces seuls critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit.
♦ Violences conjugales
CEDH, 31 août 2021, Req. 45512/11, Galović c/ Croatie [Disponible en anglais] : ne violent pas la CESDH les autorités internent qui condamnent le requérant pour violences conjugales dans plusieurs séries de procédure dès lors que celles-ci s’inscrivant dans une approche globale et cohérent de la violence domestique. Ce système global permettait ainsi de sanctionner les actes de violence ponctuels au moyen d’une réponse moins sévère suivi d’une réponse plus grave pour le caractère habituel du comportement.
3) Procédure pénale
♦ Contrôle judiciaire
Cass. crim., 11 août 2021, n° 21-83.183, F-B (N° Lexbase : A73854ZK) : la chambre de l’instruction appelée à se prononcer sur une demande de modification d’une obligation d’un contrôle judiciaire n’a pas l’obligation de contrôler l’existence d’indices graves ou concordants, rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions.
Pour aller plus loin : N. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E5129Z3D). |
♦ Détention provisoire
Cass. crim., 28 juillet 2021, n° 21-83.005, F-B (N° Lexbase : A62364ZY) : l’absence de notification au mis en examen de son droit à bénéficier d’un délai pour préparer sa défense ne doit pas obligatoirement figurer dans le procès-verbal du débat contradictoire devant le JLD. L’absence d’une telle mention doit certes conduire à considérer que l’information n’a pas été délivrée. Toutefois, il ne résulte de nullité du défaut de mention qu’en cas de démonstration d’un grief.
Pour aller plus loin : v. N. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction, Les étapes du placement en détention provisoire, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E4181Z9Q). |
♦ Chambre de l’instruction
Cass. crim., 25 août 2021, n° 21-83.238, F-P+B (N° Lexbase : A95834ZX) : la chambre de l’instruction, dont l’arrêt qui mentionne que l’avocat général a été entendu en ses réquisitions et que l’avocat de l’un des co-mis en examen a eu la parole, ne démontre pas que les avocats des demandeurs ont eu la parole en dernier et méconnait les dispositions de l’article 6 de la CESDH et 199 du Code de procédure pénale.
♦ Environnement
CEDH, 1er juillet 2021, Req. 56176/18, Association Burestop 55 et autres c/ France (N° Lexbase : A74944XT) : une association agréée de protection de l'environnement doit disposer d'un droit d'accès au tribunal concernant les risques nucléaires, par exemple le projet d'un centre de stockage de produits radioactifs.
Par Yann Le Foll
♦ Mandat d’arrêt européen
Cass. crim., 11 août 2021, n° 21-84.361, F-B (N° Lexbase : A73794ZC) : justifie sa décision la chambre de l’instruction qui autorise la remise d’une personne aux autorités judiciaire allemandes, en exécution d’un mandat d’arrêt européen sans rechercher si l’intéressé n’était pas atteint d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, et s’il n’était pas en conséquence pénalement irresponsable au regard du droit français. Il appartenait uniquement aux juges de s’assurer que les faits à l’origine du mandat d’arrêt constituent une infraction au regard de la loi pénale française.
♦ Tribunal impartial
CEDH, 31 août 2021, Req. 61344/16, Karrar c/ Belgique (N° Lexbase : A0129438) : la rencontre du président de la cour d’assises avec la mère des victimes au cours de la semaine qui précède le procès est ne nature à faire naître des doutes objectivement justifiés quant à l’impartialité du magistrat et peut ainsi remettre en cause l’impartialité de la cour elle même pour connaître du bien-fondé de l’accusation pénale.
4) Peines
♦ Confiscation
CEDH, 13 juillet 2021, Req. 50705/11, 11340/12, 26221/12, 71694/12, 44845/15, 17238/16 et 63214/16, Todorov et autres c/ Bulgarie [Disponible en anglais] : dans le cadre de la confiscation, par les autorités nationales, des produits du crime, un équilibre doit être trouvé entre l’intérêt général et la protection de la propriété ; une législation nationale permettant aux autorités de confisquer certains biens considérés comme des produits du crime est susceptible de créer un déséquilibre en faveur de l’État lorsqu’elle dispose d’un large champ d’application ; ce déséquilibre doit être contrebalancé par, notamment, l’obligation de démontrer certains liens avec une criminalité réelle dans la provenance des biens à confisquer.
♦ Confusion de peines
Cons. const., décision n° 2021-925, du 21 juillet 2021 (N° Lexbase : A17194ZP) : en procédant à une distinction injustifiée entre personnes condamnées qui demandent la confusion de leurs peines devenues définitives, les dispositions de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 710 du Code de procédure pénale méconnaissent le principe d’égalité devant la justice et sont contraires à la Constitution.
Pour aller plus loin : A. Darsonville, ÉTUDE : L’incidence de la pluralité d’infractions, La confusion facultative, in Droit pénal général, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E3061GAM). |
II. Actualité normative
1) Journal officiel de la République française (JORF)
a. Lois et ordonnances
Ordonnance n° 2021-958, du 19 juillet 2021, transposant la directive (UE) 2019/1153 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l'utilisation d'informations financières et d'une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière (N° Lexbase : L2345L7Y) : le cadre juridique interne permettant déjà, selon des modalités compatibles avec la Directive, d'une part, aux services de police judiciaire d'obtenir les informations figurant dans le FICOBA ou étant détenues par TRACFIN et, d'autre part, à ces services et à TRACFIN d'échanger des informations financières avec leurs homologues dans les autres États membres, la transposition de la Directive n° 2019/1153 n'appelait que des aménagements marginaux, concernant essentiellement les modalités d'échanges d'informations avec l'agence Europol. L’article 1er définit ainsi les modalités de transmission d'informations et d'analyses de TRACFIN à Europol, par l'intermédiaire de l'unité nationale Europol. L'article 3 introduit dans le Code de procédure pénale la possibilité pour les officiers de police judiciaire mentionnés à l'article L. 135 ZC du LPF d'échanger avec Europol des informations contenues dans le FICOBA. Les articles 2 et 4 procèdent enfin à l'extension des dispositions des articles 1er et 3 dans les collectivités d'outre-mer, en prévoyant les adaptations nécessaires.
Par Vincent Techéné
Pour aller plus loin : V. Techené, Transposition de la Directive facilitant l'accès et les échanges d'informations financières permettant de détecter et lutter contre les infractions graves, Lexbase Pénal, septembre 2021 (N° Lexbase : N8580BYG). |
Loi n° 2021-998, du 30 juillet 2021, relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (N° Lexbase : L3896L7G) : le 31 juillet 2021, la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a été publiée au Journal officiel. Ce texte renforce les mesures relatives à la prévention en matière de terrorisme en rendant notamment pérenne des mesures autorisées à titre temporaire par la loi n° 2017-1510, du 30 octobre 2017, dite « loi SILT ». La récente loi révise par ailleurs la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015, relative au renseignement.
Pour aller plus loin :
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Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique : la loi bioéthique établie de nouvelles sanctions en cas de méconnaissance des règles relatives à la conservation d’embryons ou de cellules souches embryonnaire, ainsi qu’à la recherche sur les cellules souches.
Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail (N° Lexbase : L4000L7B) : la loi transposant l'accord national interprofessionnel (ANI) conclu le 10 décembre 2020 par les partenaires sociaux en vue de réformer la santé au travail a été publiée au Journal officiel du 3 août 2021. Elle apporte notamment des modifications en matière de sanction dans les cas d’infractions aux règles relatives à la conception, la fabrication et à la mise sr le marché des équipements de travail et de protection individuelle.
Loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : la loi n° 2021-1040, du 5 août 2021, relative à la gestion de la crise sanitaire a été publiée au Journal officiel du 6 août 2021. Elle prévoit notamment des sanctions en cas de défaut de contrôle du pass sanitaire, de violences sur les personnes charges du contrôle ou encore de vandalisme d’un bien destiné à la vaccination.
Pour aller plus loin :
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Loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (N° Lexbase : N8698BYS) : afin de renforcer la justice environnementale, la loi « climat et résilience » prévoit notamment la création de nouveaux délits, le renforcement de peines existantes et l’assimilation de nombreuses infractions au titre de la récidive.
Loi n° 2021-1109, du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République (N° Lexbase : L6128L74) : selon les mots du communiqué de presse du Conseil des ministres du 9 décembre 2020, 115 ans après la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Églises et de l’État, « l’ambition de ce texte est de permettre à la République d’agir contre ceux qui veulent la déstabiliser afin de renforcer la cohésion nationale. Ce texte vise à l’émancipation individuelle contre le repli identitaire ». En matière pénale, cette nouvelle loi prévoit notamment l’élargissement du FIJAIT, le renforcement de la protection des agents publics contre les menaces et actes d’intimidation, un nouveau délit en matière de haine en ligne et des modifications s’agissant de la police des cultes.
b. Décrets
Décret n° 2020-922, du 13 juillet 2021, portant création, auprès du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, d’un service à compétence nationale dénommé « service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères » (N° Lexbase : L1631L7K) : paru au Journal officiel du 14 juillet 2021, le décret n° 2020-922 attribue au Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDN) une compétence en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations et crée un service de compétence nationale dénommé « service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères », rattaché à cette autorité.
Décret n° 2021-1006, du 29 juillet 2021, relatif aux poids et dimensions des véhicules terrestres à moteur et modifiant le code de la route (N° Lexbase : L3903L7P) : le décret transpose en droit national les dispositions de la directive 96/53/CE du Conseil fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international, telle que révisée par la directive (UE) 2015/719 du 29 avril 2015 et modifiée par le règlement (UE) 2019/1242 du Parlement européen et du Conseil.
Décret n° 2021-1028, du 2 août 2021, modifiant les dispositions de la partie réglementaire du code du sport relatives à la lutte contre le dopage (N° Lexbase : L4005L7H) : pris en application de l’ordonnance n° 2021-488, du 21 avril 2021, relative aux mesures relevant du domaine de la loi nécessaire pour parfaire la transposition en droit interne des principes du Code mondial antidopage. Il organise notamment les obligations des fédérations sportives en matière de prévention et d’éducation et précise les modalités de contrôle antidopage. Il affecte également les dispositions relatives à la procédure disciplinaire de la commission des sanctions
Décret n° 2021-1033, du 4 août 2021, relatif à la limitation et au contrôle de la commercialisation et de l'utilisation de précurseurs d'explosifs (N° Lexbase : L4263L7Z) : ce texte modifie le chapitre du Code de la défense relatif à l’enregistrement des précurseurs d’explosifs et fixe les sanctions pénales applicables aux violations du règlement (UE) 2019/1148 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à la commercialisation et l'utilisation de précurseurs d'explosifs,
Décret n° 2021-1045, du 4 août 2021, portant adaptation et simplification de la procédure applicable à la convention judiciaire d’intérêt public et relatif à l’affectation des assistants spécialisés (N° Lexbase : Z16785TI) : ce texte adapte les dispositions règlementaires du Code de procédure pénale à la nouvelle procédure transactionnelle que constitue la convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale dont la création a été prévue par la loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.
Pour aller plus loin : A. Léon, Publication de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée : focus sur les principales nouveautés, Lexase Pénal, janvier 2021 (N° Lexbase : N5861BYQ). |
Décret n° 2021-1056, du 7 août 2021, pris pour l'application des articles 1er et 16 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire (N° Lexbase : L4933L7T) : ce texte fixe le montant des amendes forfaitaires applicables à certaines contraventions de la cinquième classe réprimant la violation des mesures prévues dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire (absence de contrôle de la détention des documents relatifs au passe sanitaire par l'exploitant d'un service de transport et absence de contrôle par l'employeur du respect de l'obligation vaccinale).
Décret n° 2021-1062, du 9 août 2021, relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur (N° Lexbase : L5053L7B) : le texte instaure l'obligation d'un contrôle technique des véhicules à moteur à deux ou trois roues et des quadricycles à moteur (catégories L).
Décret n° 2021-1064, du 9 août 2021, modifiant l'article R. 222-1 du code de la route (N° Lexbase : L5052L7A) : ce texte précise les modalités de reconnaissance des permis de conduire délivrés par les États n'appartenant plus à l'Union européenne ou n'étant plus partie à l'accord sur l'Espace économique européen par les autorités françaises. Il permet notamment de continuer à reconnaître les permis en cours de validité délivrés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord avant le 1er janvier 2021, sans qu'il soit nécessaire de procéder à leur échange.
Décret n° 2021-1093, du 18 août 2021, relatif à la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle (N° Lexbase : L5710L7M) : le décret préicse les modalités d'application de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle, applicables notamment aux délits de conduite sans permis ou sans assurance ou au délit d'usage illicite de stupéfiants.
Décret n° 2021-1130, du 30 août 2021, pris pour l'application des dispositions de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée et portant diverses modifications du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7677L7H) : paru au Journal officiel du 21 août 2021, le décret n° 2021-1130 du 30 août 2021 précise les modalités d’application de certaines dispositions du Code de procédure pénale créées ou modifiées par la loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, ainsi que d’autres dispositions du même code concernant le magistrat chargé de contrôler les fichiers de police judiciaire, la procédure applicable devant la chambre de l'instruction et le recours à la procédure pénale numérique.
Pour aller plus loin :
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c. Arrêtés
Arrêté du 4 août 2021 portant désignation du plateau d'investigation sur les explosifs et les armes à feu de la gendarmerie nationale comme point de contact national pour le recueil des signalements relatifs aux transactions suspectes, aux disparitions et aux vols importants en matière de précurseurs d'explosifs : ce texte désigne le plateau d'investigation sur les explosifs et les armes à feu relevant du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale comme point de contact national pour recueillir et instruire les signalements relatifs aux transactions suspectes, aux disparitions et aux vols importants en matière de précurseurs d'explosifs pour la France.
d. Circulaires
Direction de l'administration pénitentiaire, Note aux Directeurs interrégionaux des services pénitentiaires, 20 juillet 2021 [en ligne] : le Directeur de l’administration pénitentiaire a circularisé, le 20 juillet 2021, une note aux Directeurs interrégionaux des services pénitentiaires pour rappeler les règles encadrant les visites des avocats en établissements pénitentiaires et les modalités d’assistance et de représentation des personnes détenues lors des procédures disciplinaires, notamment les modalités d’accès au dossier disciplinaire.
Par Marie Le Gerroué
Pour aller plus loin : M. Le Gerroué, Visites des avocats en établissements pénitentiaires : le Directeur de l’administration pénitentiaire rappelle les règles, Lexbase Pénal, septembre 2021 (N° Lexbase : N8594BYX). |
2) Journal officiel de l’Union européenne (JOUE)
(néant)
3) Direction des affaires criminelles et des grâces
(néant)
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N8862BYU
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par Rédaction Lexbase
Le 22 Septembre 2021
Les 7 et 8 octobre 2021, en partenariat avec Lexbase, se tiendra le congrès de l’Association française de droit pénal (AFDP) intitulé « Europe(s) et justice pénale ».
⇒ Retrouvez le programme du congrès.
Pour vous inscrire : cliquez ici
À l'issue de cet évènement, les différentes interventions seront disponibles sur notre plateforme Lexradio.
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Réf. : Direction de l'administration pénitentiaire, Note aux Directeurs interrégionaux des services pénitentiaires, 20 juillet 2021.
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N8594BYX
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par Marie Le Guerroué
Le 08 Septembre 2021
► Le Directeur de l’administration pénitentiaire a circularisé, le 20 juillet 2021, une note aux Directeurs interrégionaux des services pénitentiaires pour rappeler les règles encadrant les visites des avocats en établissements pénitentiaires et les modalités d’assistance et de représentation des personnes détenues lors des procédures disciplinaires, notamment les modalités d’accès au dossier disciplinaire.
Alerte du CNB. Le Conseil national des barreaux avait alerté le Directeur de l’administration pénitentiaire sur certaines difficultés rencontrées par les avocats dans l’exercice de leurs missions en prison. Avait notamment été évoquée la pratique de certains établissements pénitentiaires qui obligeaient des avocates à retirer leur soutien-gorge pour rendre visite à leurs clients.
Rappel du droit des détenus. Le Directeur de l’administration pénitentiaire rappelle qu’en application de l'article 25 de la loi pénitentiaire n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 (N° Lexbase : L9344IES), les personnes détenues disposent du droit de communiquer librement avec leurs avocats. Ce droit, qui ne peut être supprimé ou restreint, implique que les avocats puissent rencontrer les personnes détenues, à l'occasion de visites au sein de l’établissement, mais également échanger avec elles à l’occasion de correspondances téléphoniques et écrites, dans des conditions garantissant la confidentialité (CPP, art. R. 57-7-6 N° Lexbase : L0232IPB).
Retrait du soutien-gorge. Laurent Ridel précise également les règles relatives aux visites des avocats au sein des établissements pénitentiaires. Après avoir constaté que plusieurs avocats avaient fait état de la nécessité de retirer leur soutien-gorge pour accéder à l’établissement pénitentiaire. Il rappelle la procédure qu’il convient de respecter prévue par les notes des 27 février 2009 et 14 avril 2009 relatives aux mesures de sécurité applicables aux personnels accédant à un établissement pénitentiaire et qui ne prévoit aucunement une telle pratique. Le Directeur rappelle également les règles relatives à :
- l’accès des stagiaires et aux élèves-avocats, accompagnant un avocat ;
- l’organisation et aux échanges lors des parloirs avocats ;
- l’assistance et à la représentation lors des procédures disciplinaires.
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Réf. : Loi n° 2021-1040, du 5 août 2021, relative à la gestion de la crise sanitaire (N° Lexbase : L4664L7U)
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par La Rédaction Lexbase
Le 22 Septembre 2021
► La loi n° 2021-1040, du 5 août 2021, relative à la gestion de la crise sanitaire a été publiée au Journal officiel du 6 août 2021. Seront ici traitées les dispositions concernant l'obligation vaccinale, le droit social et le droit pénal.
Concernant la vaccination obligatoire
La loi (art. 12) prévoit une obligation vaccinale à l’égard :
Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de Santé, détermine les conditions de vaccination contre la covid-19 des personnes mentionnées au I du présent article. Il précise les différents schémas vaccinaux et, pour chacun d'entre eux, le nombre de doses requises.
Ce décret fixe les éléments permettant d'établir un certificat de statut vaccinal pour les personnes mentionnées au même I et les modalités de présentation de ce certificat sous une forme ne permettant d'identifier que la nature de celui-ci et la satisfaction aux critères requis.
Lorsqu’elles sont en possession de ce certificat, les personnes visées par l’obligation vaccinale présentent ce certificat à l’employeur ou un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 qui a une durée de validité limitée (à la fin de cette validité, ces personnes devront présenter le certificat de statut vaccinal).
Il peut aussi être présenté un certificat médical de contre-indication à la vaccination. Ce certificat peut être contrôlé par le médecin conseil de l'organisme d'assurance maladie auquel est rattachée la personne concernée. Ce contrôle prend en compte les antécédents médicaux de la personne et l'évolution de sa situation médicale et du motif de contre-indication, au regard des recommandations formulées par les autorités sanitaires (art. 13).
Usage d’un faux certificat. L'établissement et l'usage d'un faux certificat de statut vaccinal ou d'un faux certificat médical de contre-indication à la vaccination contre la covid-19 sont punis conformément au chapitre Ier du titre IV du livre IV du Code pénal. Lorsqu'une procédure est engagée à l'encontre d'un professionnel de santé concernant l'établissement d'un faux certificat médical de contre-indication à la vaccination contre la covid-19, le procureur de la République en informe, le cas échéant, le conseil national de l'ordre duquel le professionnel relève.
Les employeurs et les agences régionales de santé peuvent conserver les résultats des vérifications de satisfaction à l'obligation vaccinale contre la covid-19 opérées, jusqu'à la fin de l'obligation vaccinale.
Ils s'assurent de la conservation sécurisée de ces documents et, à la fin de l'obligation vaccinale, de la bonne destruction de ces derniers.
Dérogation. Cette obligation ne s’applique pas aux personnes chargées de l'exécution d'une tâche ponctuelle au sein des services et établissements concernés.
Suspension. Un décret peut suspendre l’obligation au regard de la situation épidémiologique et des connaissances scientifiques et médicales.
Réparation dommage vaccinal. La réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire administrée est assurée par l’ONIAM conformément à l'article L. 3111-9 du Code de la santé publique (art. 18).
Concernant le placement à l’isolement
La loi, avant censure par le Conseil constitutionnel, le placement obligatoire de manière automatique à l’isolement des personnes testées positives à la covid-19, pendant dix jours. Dans ce cadre, il leur était fait interdiction de sortir de leur hébergement, sauf entre 10 heures et 12 heures, en cas d'urgence ou pour des déplacements strictement indispensables, sous peine de sanction pénale.
Par sa décision du 5 août 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré cette mesure non conforme à la Constitution. Il a considéré que le placement en isolement, mesure privative de liberté, ne pouvait s'appliquer sans qu'une décision individuelle fondée sur une appréciation de l'administration ou du juge n'intervienne. Le projet de loi donnait certes au malade isolé le droit de demander au préfet du département un aménagement des conditions de son isolement ou au juge des libertés et de la détention (JLD) la mainlevée de l'isolement, mais seulement a posteriori.
Indemnités journalières pour les travailleurs indépendants
Dans son article 4, la loi prévoit le bénéfice du règlement des indemnités journalières versées dans le cadre de la crise sanitaire aux travailleurs indépendants sans que le versement ne soit subordonné au paiement d'un montant minimal de cotisations au titre de l'année 2020. La mesure s’applique pour les arrêts de travail débutant jusqu’au 31 décembre 2021.
Concernant le droit du travail
Les points importants de ce texte en droit du travail sont les suivants :
Concernant les diverses sanctions établies
Défaut de contrôle par les exploitants de service de transport. Le texte prévoit que l’exploitant de service de transport qui ne contrôle pas la détention d’un passe sanitaire par les personnes souhaitant y accéder encourt une peine de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe qui pourra faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3923IRQ). Le texte précise que si une telle infraction est verbalisée à plus de trois reprises pendant une période de trente jours, les peines sont portées à un an d’emprisonnement et 9 000 euros d’amende.
Défaut de contrôle par les exploitants de lieux, d’établissements ou les professionnels de l’évènementiel. Dans ces cas, le constat du défaut de contrôle du passe sanitaire conduira l’autorité administrative à délivrer une mise en demeure de se conformer aux obligations en vigueur dans un délai qui ne peut excéder vingt-quatre heures. À défaut de mise en conformité sous ce délai, la fermeture administrative pourra être prononcée pour une durée maximale de sept jours.
Un manquement aux obligations de contrôle constaté plus de trois fois sur une période de quarante-cinq jours sera puni d’un an d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende.
Violences sur les personnes chargées du contrôle du passe sanitaire. Le texte prévoit que ces actes seront punis des peines prévues aux articles 222-8 (N° Lexbase : L6304L4A), 222-10 (N° Lexbase : L6305L4B), 222-12 (N° Lexbase : L6306L4C) et 222-13 (N° Lexbase : L6307L4D) du Code pénal relatifs aux peines des violences aggravées.
Vandalisme d’un bien destiné à la vaccination. Le texte prévoit que la destination de ces biens constitue une circonstance aggravante et sanctionne la destruction, la dégradation ou la détérioration des biens destinés à la vaccination d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (C. pén., 222-3 N° Lexbase : L6229LLB). Quant au fait de tracer des inscriptions, signes ou dessins, sans autorisation préalable sur les façades de ces biens, il est réprimé par 15 000 euros d’amende et une peine de travail d’intérêt général.
Conservation des documents. Le fait de conserver les documents constitutifs d’un passe sanitaire dans le cadre d’un processus de vérification en dehors des cas autorisés ou de les réutiliser à d’autres fins est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Exigence du passe sanitaire en dehors des prescriptions légales. Le fait d’exiger la présentation d'un résultat d'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 pour l’accès à des lieux, établissements, services ou évènements autres que ceux fixés par la loi est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Concernant les modalités de jugement de certaines infractions
L’article 20 du texte prévoit que peuvent être jugés par un seul magistrat, lorsqu’ils sont punis d’une peine inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement, les délits suivants :
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Réf. : CNIL, 6 août 2021, délibération n° 2021-097 (N° Lexbase : X9487CMC)
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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac
Le 22 Septembre 2021
► Suite à la publication de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire (N° Lexbase : L4664L7U ; lire La Rédaction Lexbase, Le Quotidien Lexbase, 23 août 2021 N° Lexbase : N8529BYK), la CNIL rend son avis sur plusieurs décrets d’application concernant le passe sanitaire, le fichier recensant les résultats des tests et l’accès aux données de vaccination des professionnels soumis à une obligation vaccinale.
Contexte. Après examen par le Conseil constitutionnel, la loi relative à la gestion de la crise sanitaire prévoit notamment :
- une extension du passe sanitaire qui concerne désormais de nombreuses activités dont certaines ont trait à la vie quotidienne (restaurants, débits de boissons, transports publics interrégionaux de longue distance, etc.) et qui s’impose désormais à de nouvelles catégories de personnes (salariés des lieux concernés par l’obligation du passe sanitaire, etc.) ;
- un allongement de la durée de conservation des données du fichier contenant la centralisation des tests de dépistage (« SI-DEP »), pour permettre la production des certificats de rétablissement ;
- un accès par les agences régionales de santé (ARS) aux données relatives à la vaccination des professionnels placés sous leur contrôle, dans le cadre de l’obligation vaccinale de certaines professions (médecin, chirurgien-dentiste, infirmier diplômé d’État, etc.).
Le Gouvernement a saisi la CNIL de deux projets de décret qui modifient notamment le passe sanitaire, le fichier « SI-DEP » et le système d’information pour la gestion et le suivi des vaccinations (« Vaccin Covid »).
Les modifications du passe sanitaire et le « convertisseur de certificats »
Rappel des principes fondamentaux. Comme dans ses avis du 12 mai (CNIL, 12 mai 2021, délibération n° 2021-054 N° Lexbase : X8849CMP ; lire M.-L. Hardouin-Ayrinhac, Le Quotidien Lexbase, 17 mai 2021 N° Lexbase : N7504BYL) et 7 juin 2021 (CNIL, 7 juin 2021, délibération n° 2021-067 N° Lexbase : Z241781I ; lire M.-L. Hardouin-Ayrinhac, Le Quotidien Lexbase, 16 juin 2021 N° Lexbase : N7836BYU) et, plus récemment, lors de l’audition de sa Présidente par le Sénat au cours de l’élaboration de la loi (lire M.-L. Hardouin-Ayrinhac, Le Quotidien Lexbase, 23 juillet 2021 N° Lexbase : N8470BYD), le collège de la CNIL, réuni le 6 août, rappelle que le contexte sanitaire actuel peut justifier des mesures exceptionnelles uniquement si elles restent limitées dans le temps et si elles sont nécessaires pour lutter contre le rebond épidémique et éviter un nouveau confinement. Il est donc essentiel que l’impact des différents dispositifs numériques sur la stratégie sanitaire globale soit étudié et documenté régulièrement, à partir de données objectives, afin de s’assurer que le recours à ces dispositifs prenne fin dès que leur nécessité disparaîtra.
Les garanties nécessaires à une évolution des modalités de contrôle du passe sanitaire. Les modalités de contrôle du passe sanitaire font désormais l’objet des évolutions suivantes :
- le contrôle du passe sanitaire pourra se faire en ligne à l’aide de nouveaux dispositifs alternatifs à l’application « TousAntiCovid Verif » ;
- les données accessibles aux contrôleurs dans le cadre de certains déplacements sont élargies aux informations relatives à l'examen de dépistage ou au vaccin réalisé ; et
- certaines informations pourront être conservées temporairement par ces dispositifs.
Compte tenu de la sensibilité du dispositif, la CNIL invite le Gouvernement à revoir le projet de décret sur plusieurs aspects.
La CNIL souligne que le Gouvernement devra :
- vérifier que les dispositifs de lecture alternatifs à l’application « TousAntiCovid Verif » respectent les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la Santé, avant de pouvoir être utilisés par les acteurs devant contrôler le passe sanitaire ;
- contrôler le respect de l’ensemble des conditions posées par les textes, la conformité au « RGPD » (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I ; notamment l’absence de transfert illicite de données en dehors de l’Union européenne) ainsi que la sécurité du dispositif ;
- prévoir des garanties complémentaires permettant d’assurer la transparence du dispositif (par exemple, la publication d’une liste des applications de lecture conformes et du code source de ces dispositifs).
Le projet de décret prévoit un accès élargi aux informations relatives à l'examen de dépistage ou au vaccin réalisé pour certains contrôles du passe sanitaire. Si cela semble justifié par le fait que les règles imposées par les pays étrangers sont variables et peuvent fréquemment évoluer, la CNIL considère que cela devrait être limité à certains déplacements à l’étranger. Le contrôle du passe sanitaire des voyageurs à destination ou en provenance de la Corse ou des Outre-mer ainsi que celui du personnel intervenant dans les services de transport concernés ne devrait permettre qu’un accès limité à l’identité de la personne ainsi qu’à l’information globale sur le caractère valide du justificatif (« bouton vert » ou « bouton rouge »).
La possibilité de vérification du passe sanitaire en ligne peut, dans certains cas, justifier la conservation d’informations résultant d’un tel contrôle jusqu’à ce que la personne concernée puisse effectuer son déplacement ou accéder au lieu où elle souhaite se rendre. La CNIL invite toutefois le Gouvernement à limiter la conservation temporaire au seul résultat de la vérification opérée conformément au principe de minimisation des données.
Le passe sanitaire en cas de vaccination en dehors de l’Union européenne. Afin de faciliter le séjour en France des Français de l’étranger et des touristes étrangers, le Gouvernement a mis en place un portail dédié, connecté au « convertisseur de certificats », permettant la génération d’un passe sanitaire valable en France. Ce passe est généré par des agents habilités sur la base d’informations transmises par les demandeurs.
La CNIL rappelle la nécessité de sécuriser l’envoi des informations nécessaires à la génération du certificat au format européen (par exemple via la mise en place d’un portail web sécurisé) et de s’assurer de la suppression des informations une fois le certificat transmis à leurs détenteurs.
Enfin, elle relève que si le « convertisseur de certificats » faisait intervenir un prestataire étatsunien, le Gouvernement a pris des mesures satisfaisantes afin de garantir la conformité au « RGPD » des transferts de données opérés en prévoyant de changer de prestataire, dans les jours à venir, au profit d’une société soumise à des juridictions relevant exclusivement de l’Union européenne.
La conservation des données dans le système d’information de dépistage (« SI-DEP ») et l’accès des ARS aux données de vaccination des professionnels
Un allongement de la durée de conservation des données de « SI-DEP ». Partant du constat qu’il existait un décalage entre la durée de conservation des données de « SI-DEP » qu’il avait précédemment fixé à 3 mois à compter de leur collecte et la durée de validité des certificats de rétablissement de 6 mois à compter de la contamination, le législateur a décidé d’allonger la durée de conservation des données des personnes testées positives à la Covid-19 jusqu’à 6 mois après leur collecte. Le projet de décret reprend à l’identique les dispositions législatives sur ce point.
Le contrôle de l’obligation vaccinale des professionnels par les ARS. Pour contrôler le respect de l’obligation vaccinale de certains professionnels (médecins, chirurgiens-dentistes, infirmiers diplômés d’État, pédicures-podologues, etc.), la loi a autorisé les ARS à accéder, avec le concours des organismes d’assurance maladie, aux données relatives à la vaccination des professionnels placés sous leur contrôle.
La loi aménage ainsi une dérogation au secret médical au bénéfice des ARS, puisque les données relatives aux personnes vaccinées figurant dans « Vaccin covid », qui sont couvertes par le secret médical, n’étaient accessibles qu’aux professionnels de santé participant à la réalisation de la vaccination de la personne concernée et à certaines autorités sanitaires pour l’exercice de leurs missions (CNAM, ANSM).
Ainsi, la CNIL a été particulièrement vigilante sur :
- le respect de la compétence territoriale et matérielle des ARS en demandant à ce qu'elles reçoivent uniquement les données des professionnels exerçant à titre libéral et dans leur territoire de compétence ;
- la gestion des habilitations d’accès des agents des ARS en recommandant que ces accès soient limités aux seuls agents ayant comme mission le suivi et le contrôle de l’obligation de vaccination des professionnels ;
- les catégories de données qui seront transmises aux ARS en demandant qu’une liste précise des données soit mentionnée dans le décret.
En pratique, le ministère a précisé que les données transmises prendraient la forme de listes de professionnels non vaccinés, par rapprochement avec le Fichier national des professionnels de santé (FNPS), sous la responsabilité de la CNAM. Ce fichier ayant été créé en 2004 pour recenser l’adresse d’exercice professionnel et le numéro identifiant du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), la Commission considère que les finalités du FNPS devraient être modifiées avant que ce fichier puisse être réutilisé pour la constitution de listes.
En outre, la CNIL insiste sur la nécessité :
- d’informer les personnes concernées par le FNPS (tous les professionnels de santé salariés ou libéraux) puisque le système d’information « Vaccin Covid » ne concerne que les personnes ayant reçu un bon de vaccination ou étant vaccinées ;
- de donner la possibilité pour ces personnes d’exercer les droits relatifs à la protection de leurs données.
La CNIL a aussi émis des remarques sur les durées de conservation des listes par les ARS et les organismes d’assurance maladie :
- la possibilité de conserver ces listes seulement jusqu’à la fin de l’obligation vaccinale ;
- un effacement des listes par les organismes d’assurance maladie dès leur accusé de réception par les ARS ;
- une transmission régulière et une conservation par les ARS uniquement de la liste la plus récente.
Enfin, d’une manière générale, la CNIL rappelle qu’elle réalise régulièrement des contrôles sur les dispositifs utilisés dans le cadre de la gestion de la crise et que ses contrôles se poursuivront tout au long de la période d’utilisation des fichiers, jusqu’à la fin de leur mise en œuvre et la suppression des données qu’ils contiennent.
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Réf. : CEDH, 2 septembre 2021, Req. 46883/15, Z.B. c/ France (N° Lexbase : A151143D)
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N8626BY7
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par Adélaïde Léon
Le 21 Septembre 2021
► Le fait, dans l’enceinte d’une école maternelle, de faire porter à un enfant un tee-shirt avec les inscriptions « je suis une bombe » et « Jihad, né le 11 septembre », peu de temps après des attentats ayant coûté la vie à des enfants et dans un contexte de menace terroriste avérée, justifie une ingérence dans le droit à la liberté d’expression au motif que ces messages seraient constitutifs du délit d’apologie de terrorisme.
Rappel des faits. En 2012, après avoir fait inscrire sur un tee-shirt les mentions « je suis une bombe ! » et « Jihad, né le 11 septembre », un homme a offert le vêtement à son neveu, lequel l’a porté à l’école maternelle où il était scolarisé. C’est en rhabillant l’enfant qu’un adulte et la directrice de l’école ont constaté les messages litigieux. Alerté par la directrice de l’établissement, le maire de la commune a saisi le procureur de la République pour dénoncer les faits. Ce dernier a poursuivi l’oncle et la mère de l’enfant pour apologie de crimes d’atteintes volontaires à la vie sur les fondements des articles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW).
Par jugement du 10 avril 2013, le tribunal correctionnel a relaxé les intéressés et déclaré la partie civile irrecevable. Le procureur de la République et la commune ont interjeté appel.
Par arrêt du 20 septembre 2013, la cour d’appel de Nîmes a infirmé le jugement de première instance et reconnu l’oncle et sa sœur coupables de faits reprochés au motif que l’association délibérée des termes renvoyait nécessairement au meurtre de masse commis le 11 septembre 2001. Par ailleurs, la commande du tee-shirt et l’insistance dont a fait preuve l’oncle pour que l’enfant le revête pour aller à l’école, lieu public par destination, traduisaient sa volonté de présenter sous un jour favorable les crimes évoqués auprès des personnes qui seraient amenées à lire les inscriptions au sein de l’établissement. Dès lors, le prévenu avait dépassé les limites de l’article 10 de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ) en utilisant un très jeune enfant comme support d’un jugement bienveillant sur des actes criminels, caractérisant le délit d’apologie de crime. La cour d’appel a condamné les intéressés respectivement à deux mois d’emprisonnement avec sursis et 4 000 euros d’amende pour l’oncle, et un mois d’emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d’amende pour sa sœur. Les prévenus ont par ailleurs été condamnés solidairement à payer à la commune – reçue en sa constitution de partie civile – 1 000 euros au titre de dommages et intérêts. L’oncle de l’enfant a formé un pourvoi en cassation. Par arrêt du 17 mars 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel en ses seules dispositions relatives à l’action civile de la commune et rejeté le pourvoi de l’intéressé en ses autres moyens au motif que la cour d’appel qui, analysant le contexte dans lequel les mentions incriminées ont été imprimées et rendues publiques, a exactement apprécié leur sens et leur portée et a caractérisé en tous ses éléments le délit.
L’oncle a formé une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme.
Motifs de la requête. Selon le requérant, une simple plaisanterie – fut-elle de mauvais goût – et subjectivement perçue comme choquante ne saurait justifier une condamnation pénale aussi lourde. Il soutenait que par ailleurs que les discours présentés comme offensifs ou « de haine » ne sont pas déchus de toute protection et qu’il appartient à la Cour de conserver à leur égard son rôle de gardien des droits conventionnels. En outre, le requérant soulignait que l’exercice de la liberté d’expression dans une optique humoristique ou satirique bénéficie d’une protection conventionnelle renforcée devant faire l’objet d’une attention particulière et que la seule volonté d’interpeller ou même de choquer demeure protégée au titre de la liberté d’expression. Selon le requérant, rien ne permettait d’établir raisonnablement que le message avait pour objet de présenter les attentats sous un jour favorable. Il reprochait à la Cour de cassation d’avoir entériné lapidairement les arguments de la cour d’appel lesquels ne pouvaient être regardés comme une appréciation « acceptable et raisonnable ». Il rappelle que la Chambre criminelle et le Conseil constitutionnel eux-mêmes retenaient la nécessité de caractériser une véritable intentionnalité terroriste pour permettre une répression pénale.
S’agissant du contexte, le requérant estimait que la circonstance que la plaisanterie soit perçue comme étant de mauvais goût ne suffit pas à justifier une condamnation pénale conséquente, a fortiori pour un chef d’incrimination aussi grave.
Enfin le requérant soutient que sa condamnation n’était pas « symbolique » puisqu’elle se traduisait par le prononcé d’une lourde peine d’amende, eu égard à ses ressources limitées, ainsi qu’à une peine d’emprisonnement qui, si elle était assortie d’un sursis, le plaçait néanmoins sous la menace d’une incarcération effective. Par ailleurs, la seule condamnation pénale était elle-même de nature à affecter gravement sa réputation. En l’espèce, l’affaire avait d’ailleurs été largement relayée par la presse.
Décision. La Cour rappelle qu’il ne prête en l’espèce pas à controverse que la condamnation en cause constituait une ingérence dans le droit du requérant à la liberté d’expression, laquelle était prévue par la loi et poursuivait un but légitime, à savoir la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales. Il appartenait donc à la Cour de déterminer si une telle ingérence était nécessaire dans une société démocratique, en l’examinant à la lumière de l’ensemble de l’affaire, y compris la teneur des propos et le contexte de leur diffusion, et en étudiant la proportionnalité de la mesure incriminée aux buts poursuivis ainsi que la pertinence et le caractère suffisants de ses motifs.
S’agissant de l’ingérence dans le droit du requérant à la liberté d’expression. La Cour relève que le requérant a argué du caractère humoristique des messages litigieux. Or, la CEDH rappelle que selon sa jurisprudence constante, la satire est une forme d’expression artistique et de commentaire social qui, du fait de son exagération, vise naturellement à provoquer et agiter et il appartient aux juridictions d’examiner avec une attention toute particulière toute ingérence dans le droit de toute personne à s’exprimer par ce biais (CEDH, 14 mars 2013, Req. 26118/10, Eon c/ France N° Lexbase : A6606I9K). Les formes d’expression humoristiques sont protégées par l’article 10 de la CESDH, y compris si elles se traduisent par la transgression ou la provocation, et ne peuvent être censurées sur le fondement des seules réactions négatives qu’elles suscitent. Toutefois, elles n’échappent pas pour autant aux limites du paragraphe 2 de l’article 10 de la CESDH.
À cet égard, la CEDH note que la cour d’appel de Nîmes a retenu que les inscriptions litigieuses ne constituaient pas une simple plaisanterie mais une volonté délibérée de valoriser des actes criminels, en les présentant favorablement. La CEDH note par ailleurs que les messages en cause ne peuvent être considérés comme relevant d’un quelconque débat d’intérêt général au regard des attentats du 11 septembre 2001 (comparer avec CEDH, 2 octobre 2008, Req. 36109/03, Leroy c/ France N° Lexbase : A5370EA7). La marge d’appréciation de l’État pour juger de la nécessité d’une ingérence dans la liberté d’expression était en conséquence plus large.
S’agissant de la prise en compte des circonstances entourant les faits. La Cour rappelle qu’elle tient compte des circonstances entourant les faits litigieux et en particulier des difficultés liées à la lutte contre le terrorisme, question d’intérêt public de première importance dans une société démocratique (CEDH, 7 juillet 2009, Req. 75512/01, Demirel c/ Turquie). Elle souligne à cet égard que si un évènement relativement récent peut être traumatisant « au point de justifier, pendant un certain temps, que l’on contrôle davantage l’expression de propos à son sujet, il n’en demeure pas moins que la nécessité d’une telle mesure diminue forcément au fil du temps » (CEDH, 15 octobre 2015, Req. 27510/08, Perincek c/ Suisse N° Lexbase : A2687NTP). La CEDH rappelle que les inscriptions litigieuses ont été diffusées quelques mois seulement après des attentats terroristes ayant causé la mort de trois enfants dans une école française. Un tel contexte, aussi grave fut-il ne saurait suffire, selon la Cour, à lui seul à justifier l’ingérence en cause. Mais la CEDH relève qu’en sus du contexte général, les juridictions nationales ont apprécié le contexte spécifique de la diffusion des inscriptions litigieuses. Elle rappelle l’instrumentalisation d’un jeune enfant soulignée par la cour d’appel de Nîmes, mais également le fait que les messages aient été diffusés dans l’enceinte d’un établissement scolaire où se trouvaient de jeunes enfants. La CEDH prend en considération la faible publicité des inscriptions mais note que le requérant ne nie pas avoir spécifiquement demandé que son neveu porte le vêtement à l’école ni avoir voulu partager ce message et se prévalait au contraire d’un trait d’humour. Or, selon la CEDH, le requérant ne pouvait ignorer la résonance particulière de tels messages dans l’enceinte d’une école maternelle, peu de temps après des attentats ayant coûté la vie à des enfants au sein d’une école et dans un contexte de menace terroriste avérée.
La Cour estime qu’à cet égard, les autorités nationales, sont mieux placées que le juge international pour se prononcer sur la nécessité d’une restriction destinée à répondre aux buts légitimes poursuivis ainsi que pour comprendre et apprécier les problèmes sociétaux spécifiques (CEDH, 24 mai 1988, Req. 10737/84, Muller et autres c/ Suisse N° Lexbase : A8192ITL et CEDH, 3 mars 2015, Req. 58060/13, Maguire c/ Royaume-Uni). Dès lors, la connaissance de proximité de la cour d’appel de Nîmes quant au contexte régional dans lequel s’inscrivaient les faits la plaçait dans une situation privilégiée pour appréhender cette nécessité.
La CEDH juge qu’au regard de ces différents éléments, la cour d’appel a veillé à apprécier la culpabilité du requérant en se fondant sur des critères définis par la jurisprudence de la Cour au regard des exigences du paragraphe 2 de l’article 10 de la CESDH après avoir procédé à une mise en balance des différents intérêts en présence. La CEDH ne voit dès lors pas de motif sérieux de substituer son appréciation à celle des instances nationales et estime que les motifs retenus apparaissent dans les circonstances spécifiques à la fois pertinents et suffisants pour justifier l’ingérence litigieuse et répondaient à un besoin social impérieux. Elle note toutefois qu’une motivation plus développée de la part de la Cour de cassation aurait permis de mieux appréhender et comprendre son raisonnement (CEDH, 14 mars 2019, Req. 38299/15, Quilichini c/ France, § 44 N° Lexbase : A6927Y3X).
S’agissant de la proportionnalité de la peine. La CEDH rappelle que pour mesurer la proportionnalité d’une atteinte au droit à la liberté d’expression, il convient également de considérer la nature et la lourdeur des peines prononcées et que, selon sa jurisprudence, le prononcé d’une condamnation pénale constitue l’une des formes les plus graves d’ingérences dans le droit à la liberté d’expression (CEDH, 12 juillet 2016, Req. 50147/11, Reichman c/ France, § 73 N° Lexbase : A9892RWB).
En l’espèce, la Cour juge que, compte tenu des circonstances spécifiques de l’affaire, le montant de l’amende est proportionné. S’agissant de la peine d’emprisonnement, elle estime qu’en raison du sursis dont la peine a été assortie, la condamnation n’était pas poursuivie au regard du but poursuivi.
Dès lors, la CEDH estime que l’ingérence litigieuse pouvait être considérée comme nécessaire dans une société démocratique et juge qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10 de la CEDH.
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Réf. : Ordonnance n° 2021-958 du 19 juillet 2021 (N° Lexbase : L2345L7Y) ; décret n° 2021-1112 du 23 août 2021 (N° Lexbase : L6132L7A) ; décret n° 2021-1113 du 23 août 2021 (N° Lexbase : L6134L7C) ; arrêté du 23 août 2021 (N° Lexbase : L6176L7U) ; arrêté du 23 août 2021 (N° Lexbase : L6205L7X)
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N8580BYG
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par Vincent Téchené
Le 07 Septembre 2021
► Une ordonnance, publiée au Journal officiel du 21 juillet 2021, deux décrets et deux arrêtés, publiés au Journal officiel du 25 août 2021, procèdent à la transposition de la Directive n° 2019/1153 du 20 juin 2019, fixant les règles facilitant l'utilisation d'informations financières et d'une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière (N° Lexbase : L0122LRX).
La Directive. Pour rappel, la Directive a pour objectif de faciliter l'accès et les échanges d'informations financières permettant de détecter et lutter contre les infractions graves. Pour cela, elle prévoit l'accès des autorités répressives aux informations contenues dans le fichier national des comptes bancaires, en France le fichier des comptes bancaires (FICOBA), et à celles qui sont détenues par la cellule de renseignement financier nationale, en France le service TRACFIN. La Directive entend par ailleurs faciliter les échanges d'informations entre ces autorités, TRACFIN et leurs homologues dans les autres États membres ainsi qu'avec Europol. Elle définit enfin les modalités de ces échanges, en prévoyant un certain nombre de garanties relatives à la protection des données.
La Directive complète ainsi les avancées issues des précédentes Directives en matière de lutte contre le blanchiment, notamment la Directive n° 2018/843 du 30 mai 2018, dite « cinquième Directive anti-blanchiment » (N° Lexbase : L7631LKT), transposée en France par une ordonnance du 12 février 2020 (ordonnance n° 2020-115, du 12 février 2020, renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme N° Lexbase : L9352LUW ; J. Lasserre-Capdeville, Présentation du renforcement du dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, Lexbase Affaires, mars 2020, n° 626 N° Lexbase : N2465BYX).
L’ordonnance. Le cadre juridique interne permettant déjà, selon des modalités compatibles avec la Directive, d'une part, aux services de police judiciaire d'obtenir les informations figurant dans le FICOBA ou étant détenues par TRACFIN et, d'autre part, à ces services et à TRACFIN d'échanger des informations financières avec leurs homologues dans les autres États membres, la transposition de la Directive n° 2019/1153 n'appelait que des aménagements marginaux, concernant essentiellement les modalités d'échanges d'informations avec l'agence Europol.
L’article 1er définit ainsi les modalités de transmission d'informations et d'analyses de TRACFIN à Europol, par l'intermédiaire de l'unité nationale Europol. L'article 3 introduit dans le Code de procédure pénale la possibilité pour les officiers de police judiciaire mentionnés à l'article L. 135 ZC du LPF (N° Lexbase : L6002LMA) d'échanger avec Europol des informations contenues dans le FICOBA. Les articles 2 et 4 procèdent enfin à l'extension des dispositions des articles 1er et 3 dans les collectivités d'outre-mer, en prévoyant les adaptations nécessaires.
Le décret n° 2021-1112. Le premier décret définit les modalités pratiques d'échange des informations financières ou relatives aux comptes bancaires entre autorités compétentes, précise les obligations de traçabilité de ces échanges et introduit l'obligation pour les organisations internationales accréditées en France de tenir des listes des personnes politiquement exposées en leur sein.
Le décret n° 2021-1113. Le second décret prévoit, pour sa part, la tenue de statistiques par le conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme conformément à l'article 19 de la Directive n° 2019/1153 du 20 juin 2019 et détermine les conditions d'accès des agents de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) au fichier des comptes bancaires (FICOBA).
Les arrêtés. Les deux arrêtés du 23 août 2021 complètent le dispositif en indiquant, notamment, quels sont les moyens de communication électronique sécurisés (à savoir le SIENA et le FIU.net ou son successeur).
L'un des deux arrêtés (« transposant la Directive 2019/1153 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 ») précise également le contenu :
- des journaux consignant l'accès aux informations traitées ;
- des registres permettant d'assurer la traçabilité des demandes d'informations que TRACFIN adresse et qui lui sont adressées et que ce service a désormais l'obligation de tenir en application de l'article R. 561-37-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6390L7S).
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Réf. : Loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (N° Lexbase : L6065L7R)
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N8698BYS
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par Adélaïde Léon
Le 10 Septembre 2021
► Afin de renforcer la justice environnementale, la loi « climat et résilience » prévoit notamment la création de nouveaux délits, le renforcement de peines existantes et l’assimilation de nombreuses infractions au titre de la récidive.
Mise en danger de l’environnement. La loi vient tout d’abord créer une circonstance aggravante qui permettra désormais de venir sanctionner des comportements en l’absence de réalisation de la pollution. Ainsi, toute personne ayant exposé directement la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable, par violation de dispositions en matière d’ICPE et de police de l’eau d’une part (C. env., art. L. 173-3-1 N° Lexbase : L6471L7S), de transport de marchandises dangereuses d’autre part (C. transp., art. L. 1252-2 N° Lexbase : L1204KZM), encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende. Le texte précise que le montant de l’amende peut être porté jusqu’au triple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction et que sont considérées comme durables les atteintes susceptibles de durer au moins sept ans.
La loi complète par ailleurs l’article L. 541-46 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L6533L74) pour venir sanctionner des mêmes peines le non-respect d’une mise en demeure de respecter la police des déchets lorsqu’il expose directement la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable.
Délit de pollution des eaux et de l’air par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité. Le nouvel article L. 231-1 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L6890L7C) prévoit que la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, d'émettre dans l'air, de jeter, de déverser ou de laisser s'écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances dont l'action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune est punie de cinq ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende.
Le texte précise que cette amende peut être portée jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction et que deux exceptions existent. En effet, ces dispositions ne s’appliquent pas :
Selon la loi, les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore ou à la faune sont considérés comme durables lorsqu’ils sont susceptibles de durer au moins sept ans.
Élément non négligeable précisé par la loi, le délai de prescription de l’action publique de ce nouveau délit est fixé à la découverte du dommage.
Délit de pollution par non-respect des prescriptions en matière de gestion des déchets. La présente loi crée par ailleurs un délit d’abandon et dépôt de déchets en violation de dispositions textuelles relatives à leur gestion et traitement, provoquant une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau. Cette infraction est punie de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
Le point de départ du délai de prescription est également fixé à la découverte du dommage.
Délit d’écocide. La loi « climat et résilience » crée également le désormais célèbre délit d’écocide, lequel est constitué lorsque les infractions prévues aux articles L. 231-1 et L. 231-2 (N° Lexbase : L6891L7D) du Code de l’environnement sont commises de façon intentionnelle et, s’agissant de l’article L. 231-2 que les faits entrainent des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau.
Dans ces cas, les peines prévues aux articles L. 231-1 et L. 231-2 sont portées à dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros (ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction).
Renforcement des sanctions. Enfin, l’article 286 de la présente loi renforce les amendes de plusieurs infractions prévues par le Code de l’environnement.
Récidive. La loi « climat et résilience » assimile par ailleurs de très nombreuses infractions environnementales au titre de la récidive renforçant ainsi également la répression des atteintes à l’environnement.
Entrave aux investigations du bureau d’enquête et d’analyse. La loi crée le bureau d’enquêtes et d’analyses chargé des investigations menées après un accident industriel, dans le but d’améliorer la sécurité et de prévenir de futurs accidents. Le fait, pour une personne physique, d’entraver l’action des enquêteurs techniques est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Des peines spécifiques sont par ailleurs prévues pour les personnes morales qui commettraient ces infractions.
Opportunité d’une codification à droit constant. Enfin, en son article 296, la loi « climat et résilience » dispose que le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur l’opportunité de procéder à une codification à droit constant des dispositions pénales concernant l’ensemble des infractions relatives à l’environnement, de nature législative et réglementaire.
La loi « climat et résilience » fera l'ojet d'un commentaire rédigé par Julien Lagoutte à paraître dans le numéro du mois d’octobre de la revue Lexbase Pénal. |
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Réf. : CA Paris, Pôle 5, 7ème ch., 16 septembre 2021, n° 20/03031 (N° Lexbase : A952644L)
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N8841BY4
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par Vincent Téchené
Le 22 Septembre 2021
► Est confirmée par la cour d’appel de Paris, la condamnation d’une agence de presse pour avoir diffusé de fausses informations sur une société cotée, sans les avoir préalablement vérifiées, les communiqués de presse litigieux ayant eu pour conséquence une baisse substantielle et rapide de son cours de bourse ;
En revanche, la sanction pécuniaire doit être allégée, dès lors qu’il doit être tenu compte de l’importante réactivité de l’agence de presse pour interrompre puis supprimer la diffusion des dépêches en cause et publier ensuite une série de rectificatifs et démentis.
Faits et procédure. Le 22 novembre 2016, entre 16h06m04s et 16h07, deux journalistes du Speed Desk du bureau parisien de l’agence de presse de la société Bloomberg LP ont publié diverses dépêches sur les terminaux Bloomberg reprenant, en substance, le contenu d’un communiqué de presse frauduleux intitulé « Vinci lance une révision de ses comptes consolidés pour l'année 2015 et le 1er semestre 2016 », reçu à 16h05.
L’activité du Speed Desk consiste en la publication d’informations financières en temps réel, extraites de communiqués de presse ou d’autres sources et relayées sous forme de flash ou alertes.
Ce communiqué mentionnait notamment la découverte d’irrégularités comptables très graves nécessitant une révision des comptes consolidés de Vinci au titre de l’exercice 2015 et du premier semestre de l’exercice 2016, avec pour conséquence la constatation d’une perte nette en lieu et place de profits pour la période considérée, ainsi que le licenciement de son directeur financier.
Consécutivement à la diffusion de ces dépêches, dont le contenu a également été relayé par d’autres médias, le cours du titre Vinci a enregistré une baisse de 18,28 %.
Dans une décision du 11 décembre 2019, la Commission des sanctions de l’AMF a infligé à la société Bloomberg LP une sanction de 5 millions d’euros pour avoir diffusé des informations qu’elle aurait dû savoir fausses et susceptibles de fixer le cours du titre Vinci à un niveau anormal ou artificiel (AMF, décision du 11 décembre 2019, sanction N° Lexbase : L0925LUS ; V. Téchené, Lexbase Affaires, décembre 2019, n° 618 N° Lexbase : N1655BYX). Bloomberg a formé un recours contre cette décision.
Décision. La cour d’appel de Paris a donc confirmé sur le fond la décision de la Commission des sanctions ; elle l’infirme néanmoins en ce qui concerne la sanction.
Des 26 pages de l’arrêt, on relèvera plusieurs éléments importants.
Ainsi les juges d’appel retiennent qu’il résulte du libellé clair et précis de l’article 21 du Règlement « MAR » (Règlement (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014 N° Lexbase : L4814I3P), lequel institue un régime spécifique destiné à concilier la lutte contre les abus de marché avec les exigences découlant de la liberté de la presse, combiné à celui des articles 12 et 15 du Règlement, que ce texte ne limite, ni ne subordonne le prononcé d’une sanction contre un journaliste ou un organe de presse, du chef de diffusion d’informations fausses ou trompeuses, au cas où il serait démontré que celui-ci aurait tiré un avantage de cette diffusion ou aurait agi dans l’intention d’induire le marché en erreur.
La cour d’appel retient sur ce point qu’il ressort du libellé de ce même article 21 que le caractère licite ou illicite de la diffusion d’une information est apprécié en tenant compte des règles régissant la liberté de la presse et la liberté d’expression dans les autres médias et des règles ou codes régissant la profession de journaliste. Il en va particulièrement ainsi pour déterminer si un journaliste ou un organe de presse ayant diffusé des informations fausses ou trompeuses aurait dû savoir, au sens de l’article 12 du Règlement « MAR », que lesdites informations présentaient ces caractéristiques.
En outre, la circonstance selon laquelle il n’existerait pas en France, à la différence d’autres pays européens, de régulation contraignante de la profession de journaliste, n’est pas de nature à remettre en cause, au nom du principe de légalité des délits et des peines, l’application en l’espèce de l’article 21 du Règlement « MAR ».
Par ailleurs, les juges parisiens précisent qu’en tant que professionnel averti du monde de la presse, l’agence de presse avait nécessairement connaissance de l’abondante et constante jurisprudence de la CEDH sur les devoirs et responsabilités des journalistes, notamment en ce qui concerne l’étendue de l’obligation de vérification de déclarations factuelles à caractère diffamatoire, ainsi que des chartes (Charte de Munich sur les devoirs et les droits des journalistes de 1971 et Charte française d’éthique professionnelle des journalistes, dite Déclaration de Bordeaux de 2019).
Ainsi, Bloomberg était pleinement en mesure, à partir du libellé de l’article 21 du Règlement « MAR », renvoyant aux règles pertinentes en la matière, à la fois accessibles et prévisibles, d’évaluer à un degré raisonnable les risques encourus en cas de diffusion de fausses informations, quitte à s’entourer des conseils de juristes spécialisés.
La cour d’appel relève, ensuite, que les dépêches litigieuses revêtent un caractère diffamatoire particulièrement grave. En effet, elles font état d’une série de faits précis et convergents mettant directement en cause la gestion et la solidité financière d’une société déterminée. Dès lors, en alléguant ainsi que Vinci connaît une importante dégradation de sa situation financière, les dépêches en cause affectent gravement sa réputation de société cotée. La diffusion de ces dépêches en cours de bourse, dont certaines à deux reprises, a amplifié la gravité de ces allégations. Il s’en est d’ailleurs suivi une chute brutale du cours du titre.
Ainsi, les juges parisiens retiennent-ils que les dépêches litigieuses présentent toutes les caractéristiques de la diffamation, et ce à un niveau de gravité élevé, ce qui exclut la possibilité de délier les journalistes ayant rédigé ces dépêches de leur obligation habituelle de vérification des faits allégués.
Or, ici, ne procédant à aucune de ces vérifications avant la diffusion des dépêches, alors que la simple lecture du communiqué, dans son intégralité, aurait dû les conduire, eu égard à la gravité des allégations, au moment de leur diffusion et à l’emploi de formules manifestement inhabituelles, à s’interroger sur l’authenticité de celui-ci et à procéder immédiatement à des vérifications qui leur auraient permis de détecter rapidement qu’il était faux, les journalistes concernés ont méconnu l’étendue de leurs devoirs et responsabilités.
La cour d’appel ajoute que la circonstance que les informations financières nécessitent une diffusion rapide, notamment, afin d’assurer la transparence des marchés et l’égale information des investisseurs en temps utile, ne remet pas en cause cette analyse.
Les journalistes auraient donc dû savoir que les informations diffusées dans les dépêches en cause étaient fausses.
Enfin, la diffusion des dépêches en cause ayant été réalisée sur les terminaux de Bloomberg, cette dernière a directement participé audit manquement en tant qu’auteur de la diffusion, de sorte que sa responsabilité est engagée.
En revanche, pour les juges d’appel, c’est à tort que la Commission des sanctions n’a pas tenu compte de l’importante réactivité de Bloomberg pour interrompre puis supprimer la diffusion des dépêches en cause et publier ensuite une série de rectificatifs et démentis.
La cour estime qu’il y a lieu de réformer la décision attaquée sur le montant de la sanction et de fixer celui-ci à 3 millions d’euros (au lieu des 5 millions prononcés par la Commission des sanctions).
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Réf. : CEDH, 2 septembre 2021, Req. 45581/15, Sanchez c/ France (N° Lexbase : A151243E)
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N8637BYK
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par Adélaïde Léon
Le 21 Septembre 2021
► Faute pour un homme politique d’avoir agit promptement pour retirer les propos clairement illicites du mur Facebook public qu’il utilisait personnellement dans le cadre de sa campagne électorale, l’ingérence litigieuse caractérisée par sa condamnation par les juridictions internes, peut être regardée comme « nécessaire dans une société démocratique ».
Rappel des faits. Le 24 octobre 2011, un élu, également candidat aux élections législatives poste un billet concernant l’un de ses adversaires politiques sur le mur de son compte Facebook, qu’il gère personnellement et dont l’accès est ouvert au public. Un tiers publie un premier commentaire. S’en suivent, deux autres commentaires visant les personnes de confession musulmane émanant d’une quatrième personne. Le 25 octobre 2011, le premier commentaire est supprimé par son auteur de sa publication après un échange avec la femme de l’homme politique mentionné dans le post initial, elle aussi visée dans le mail. Jugeant les propos racistes, cette dernière dépose plainte le 26 octobre 2011 contre l’élu propriétaire du compte et les deux individus à l’origine des commentaires litigieux.
Le 27 octobre 2011, le propriétaire du compte post sur son mur un message invitant les intervenants à « surveiller le contenu de [leurs] commentaires » mais n’intervient pas sur les commentaires publiés.
Cité à comparaître devant le tribunal correctionnel, les prévenus sont déclarés coupables de provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, nation, race ou religion déterminée. Ils sont condamnés, chacun au paiement d’une amende de 4 000 euros et solidairement à verser 1 000 euros à la partie civile en réparation de son préjudice moral.
Le propriétaire du compte Facebook et l’auteur du premier commentaire interjettent appel avant que le second ne se désiste. La cour d’appel confirme la déclaration de culpabilité réduisant l’amende à 3 000 euros. Selon la cour d’appel, le tribunal correctionnel avait à juste titre jugé que les propos définissaient clairement les personnes de confession musulmane et que leur teneur – assimilation de la communauté musulmane à la délinquance et l’insécurité – tendait incontestablement à susciter un fort sentiment de rejet ou d’hostilité envers ce groupe. La juridiction d’appel souligne par ailleurs que le propriétaire du compte n’a pas agi promptement pour retirer les propos litigieux. Il a à ce titre légitimé sa position en affirmant que de tels commentaires lui paraissaient compatibles avec la liberté d’expression. Qu’en rendant son profit public, l’élu était devenu responsable du contenu des propos publiés. Par ailleurs, selon la juridiction d’appel, sa qualité de personnage politique lui imposait une particulière vigilance.
Le prévenu forme un pourvoi en cassation lequel est rejeté la Chambre criminelle estimant que le délit de provocation est en l’espèce caractérisé et que les propos litigieux entraient dans les restrictions à la liberté d’expression prévues au paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CESDH) (Cass. crim., 17 mars 2015, n° 13-87.922, F-D N° Lexbase : A1896NEX). Le prévenu introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).
Moyen de la requête. Selon le requérant, sa condamnation à raison de propos publiés par des tiers sur le mur de son compte Facebook est contraire à l’article 10 de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ).
Décision.
Sur la nature des commentaires. La Cour note que les commentaires publiés étaient de nature clairement illicite puisqu’il tendait à susciter envers les personnes de confession musulmane, groupe de personnes ici clairement désigné, ainsi qu’envers une personne nommément visée – la femme de l’élu – un fort sentiment de rejet et d’hostilité.
Sur le contexte. La CEDH rappelle que dans un contexte électoral, les partis politiques bénéficient d’une large liberté d’expression. Il n’en demeure pas moins que les discours racistes ou xénophobes contribuent à attiser la haine et l’intolérance. Or, les hommes politiques revêtent une responsabilité particulière en matière de lutte contre les discours de haine.
La CEDH estime qu’au regard des propos litigieux, lesquels incitaient incontestablement à la haine et à la violence, les juridictions nationales ont valablement privilégié la lutte contre de tels discours « face à une liberté d’expression irresponsable et portant atteinte à la dignité, voir à la sécurité de ces parties ou groupes de population ».
Sur la responsabilité du requérant. La Cour rappelle que le requérant, titulaire du compte, ne s’est pas vu reprocher son usage de la liberté d’expression, mais son manque de vigilance et de réaction concernant les commentaires publiés sur son mur. Les propos étaient en l’espèce clairement illicites et auraient dû le conduire à agir promptement. Raison pour laquelle la CEDH juge que les juridictions internes ont fondé leur raisonnement s’agissant de la responsabilité du requérant. Ne pouvant ignorer que son compte était de nature à attirer les propos polémiques, il appartenait au requérant, qui avait sciemment rendu son compte public, d’assurer une surveillance particulière s’agissant des commentaires publiés. Plus encore, son statut de personnalité politique aurait dû l’amener à faire preuve d’une vigilance d’autant plus importante. Or, plus de six semaines après leur publication, des commentaires litigieux étaient encore visibles.
La CEDH rappelle que le requérant n’a pas été condamné en lieu et place des auteurs des commentaires, mais à raison de sa passivité face à des propos clairement illicites et contraires aux conditions d’utilisation de Facebook.
Dès lors, la CEDH juge que faute pour le requérant d’avoir agit promptement pour retirer les propos clairement illicites du mur Facebook public, utilisé dans le cadre de sa campagne électorale, l’ingérence litigieuse caractérisée par la décision interne de condamnation peut être regardée comme « nécessaire dans une société démocratique ».
Pour aller plus loin :
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Réf. : Arrêté du 9 septembre 2021 définissant le cadre de référence pour la lutte contre la fraude et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (N° Lexbase : L8886L7A)
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N8764BYA
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par Vincent Téchené
Le 21 Septembre 2021
► Un arrêté, publié au Journal officiel du 15 septembre 2021, vient définir le cadre de référence pour la lutte contre la fraude et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Le cadre de référence pour la lutte contre la fraude et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est prévu au X de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 (loi n° 2010-476 N° Lexbase : L0282IKN) modifiée par l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard (N° Lexbase : L7996LSX). Il est élaboré puis proposé par l'Autorité nationale des jeux (ANJ) aux ministres de l'Intérieur et de l'Économie qui l'adoptent par arrêté.
La lutte contre la fraude, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme constitue l'un des quatre objectifs de la politique de l'État en matière de jeux d'argent codifié à l'article L. 320-3 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L8188LS3) dont ce cadre de référence se positionne comme la déclinaison opérationnelle.
Pour faire face aux risques élevés de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme que représentent les jeux d’argent et de hasard, l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 a renforcé l'exigence de mise en conformité des opérateurs de jeux en instituant un cadre de référence pour la lutte contre la fraude et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Il vise à expliciter la mise en œuvre des obligations des opérateurs de jeux en matière de la lutte contre la fraude et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi qu'à promouvoir une approche innovante de la régulation sur ce sujet.
Le cadre de référence remplace, d'une part, les lignes directrices du 12 décembre 2019, définies conjointement par TRACFIN et l'ARJEL à destination des opérateurs agréés de jeu en ligne, et, d'autre part, celles établies par le Service central des courses et jeux (SCCJ) du ministère de l'Intérieur à l'endroit des opérateurs sous droits exclusifs.
Le périmètre d'application du cadre de référence coïncide avec celui des opérateurs assujettis défini au 9° bis de l'article L. 561-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0451LZQ) qui sont désignés sous le vocable « opérateurs ». Il ne s’applique pas aux casinos et clubs de jeux qui relèvent sur ce point du ministère de l'Intérieur.
Ce cadre de référence est composé de trois chapitres :
- le premier chapitre présente le nouveau dispositif du plan d'actions ;
- le deuxième chapitre décline les différentes obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ;
- le troisième chapitre porte plus spécifiquement sur la lutte contre la fraude.
Chaque article mentionne les dispositions législatives et règlementaires pertinentes, explicite les principes généraux qui s'induisent de ces textes ainsi que leurs orientations de mise en œuvre assorties, le cas échéant, de recommandations et des exemples de bonnes pratiques.
Le cadre de référence a, en outre, vocation à être complété par des publications communes à TRACFIN et à l'ANJ, à visée pédagogique, notamment pour présenter des cas typologiques.
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Le 22 Septembre 2021
En ce mois de septembre 2021, la revue Lexbase Pénal propose un dossier spécial consacré au thème « Droit pénal et patrimoine : saisir et punir ». Ce dossier donnera à nos lecteurs l’opportunité d’appréhender, à travers le regard de pénalistes, la notion de patrimoine dans des domaines aussi divers que l’environnement, le droit pénal de la propriété, le droit des sociétés, la famille ou encore, les saisies et confiscations.
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par le Dr Nicolas Catelan, Maître de conférences à l'Université Aix-Marseille
Le 22 Septembre 2021
Mots-clés : propriété • saisies • confiscations • appropriation • restitution
La propriété semble au cœur du droit pénal des biens en général, et des appropriations frauduleuses en particulier. Ce postulat peut à tout le moins être discuté. Il est en revanche certain qu’à travers le contentieux des restitutions, fortement alimenté par les saisies pénales, le juge répressif est régulièrement amené à se pencher sur des contestations civiles relatives à la propriété.
Cet article est issu du dossier spécial « Droit pénal et patrimoine : saisir et punir » publié le 23 septembre 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N8809BYW)
« Un droit terrible et qui n’est peut-être pas nécessaire »…
Ainsi s’exprimait Beccaria dans son célèbre ouvrage « Des délits et des peines » à l’endroit de la propriété [1]. Chantre du libéralisme politique, futur professeur d’économie à Milan, Beccaria n’en demeure pas moins sceptique quant au droit de propriété. Comme il l’explique plus loin, si « la sûreté personnelle est un droit naturel, la sûreté des biens est » quant à elle, un simple « droit social » [2] pouvant donc être régulé au gré des exigences de la vie en groupe. Nonobstant cet avertissement, on sait que les droits répressifs modernes ont embrassé le tournant de la révolution industrielle telle qu’entamée au XVIIIème siècle. Le capital, à travers sa figure juridique, la propriété, allait faire l’objet d’un vaste encadrement répressif. Alors que l’Ancien régime était encore marqué par un subtil jeu des illégalismes de biens [3], par lequel la rapine faisait l’objet d’une certaine tolérance, le capitalisme naissant nécessitait un appareil de production protégé des prédations. Loin de se limiter au patrimoine industriel, l’évolution des mœurs amenait pareillement les citoyens à demander à la justice pénale la sanction de ceux ayant porté atteinte à leurs biens [4]. Le juge pénal est ainsi logiquement devenu l’arbitre des appropriations illicites. Lui est en effet revenu le soin de se prononcer sur l’acquisition de bien (par soustraction, détournement ou fraude) et les éventuelles restitutions que le larcin exige une fois la culpabilité acquise. Ce faisant, le juge pénal ne pouvait être sourd aux sirènes de la propriété.
De nos jours encore, lorsqu’un tribunal se prononce sur l’existence d’un vol, la qualification d’un abus de confiance ou la consommation d’une escroquerie ou un recel, son jugement contiendrait, à tout le moins en germes, une décision sur la propriété. Dire que le prévenu est coupable de vol, c’est affirmer qu’il n’est pas le propriétaire de la chose [5]. Accueillir la constitution de partie civile d’un plaignant et lui octroyer des dommages-et-intérêts, reviendraient à lui reconnaître le statut de propriétaire : il est bien le sujet du droit de propriété portant sur la chose soustraite. Lui accorder la restitution de la chose confisquée ne ferait d’ailleurs que solidifier cette reconnaissance judiciaire. Pareillement, affirmer qu’une information est appropriable signifierait que le droit de propriété peut porter sur cet objet.
Cette présentation semble logique : le Code pénal lui-même accompagne le raisonnement, le triptyque infractionnel « vol - abus de confiance - escroquerie » se situant dans un chapitre relatif aux appropriations frauduleuses. Reste que le lien entre propriété et droit pénal n’est pas nécessairement univoque. Aucune infraction présente dans le Code pénal ne fait expressément référence à la propriété. Le vol peut être consommé aux dépens d’un simple locataire, l’abus de confiance semble davantage incriminer un manquement à la confiance, et l’escroquerie a partie liée avec le consentement. Pareillement, en affirmant qu’une donnée pouvait être soustraite ou encore que le temps de travail pouvait être remis à un salarié, les juges répressifs ont étendu le champ des appropriations frauduleuses au-delà de ce que le droit de propriété semble permettre [6]. Sous la plume des magistrats répressifs, la notion de propriété semble ainsi atteindre ses limites, de sorte qu’on peut légitimement se demander si ce droit joue un rôle effectif lors de la qualification de ces infractions.
Il est en revanche un contentieux qui amène le juge pénal à trancher des conflits relatifs à la propriété. En effet, le droit des saisies pénales et des restitutions impose au juge de prendre parti. Qu’il s’agisse de se prononcer sur l’existence d’une contestation relative au droit de propriété, sur la bonne foi d’un propriétaire, ou encore de restituer concrètement le bien, les magistrats sont invités à trancher des actions portant sur le droit de propriété.
Ainsi, alors que l’action publique peut être interrogée quant à sa capacité à formuler les litiges en termes de propriété (I), apparaît en parallèle un juge pénal devant se prononcer directement, dans le cadre d’une action accessoire, sur le droit de propriété (II). Si prima facie, la perspective peut sembler contre-intuitive à l’heure où sont mises en lumière les valeurs protégées par le droit pénal [7], elle n’est peut-être pas surprenante dans un ordonnancement juridique gouverné par le principe de légalité et l’efficacité de l’action judiciaire…
I. Le juge pénal et l’appropriation : les limites de la propriété
Les appropriations frauduleuses constituent le socle du droit pénal des biens [8]. En incriminant le vol, l’abus de confiance ou encore l’escroquerie le législateur aurait ainsi fait de la propriété privée une valeur cardinale protégée par le Code pénal. La perspective peut être relativisée en termes de consommation de l’infraction. Les actes d’appropriation (A) ne sont peut-être pas aussi dépendants de la notion de propriété que ne le suggère le terme appropriation. La jurisprudence relative aux objets susceptibles d’appropriation (B) révèle d’ailleurs les limites du droit de propriété dans son acception civiliste, les juges répressifs ayant étendu les textes à des situations juridiques que le seul droit de propriété ne paraissait appréhender.
La propriété apparaît ainsi doublement en recul en droit pénal : si elle n’est pas parfaitement au cœur des comportements prohibés, elle n’est pas davantage mobilisée pour éclairer les objets frauduleusement appropriés.
A. Quant à l’acte d’appropriation
Doutes : incriminations et propriété. À grands traits, le droit pénal moderne semble protéger, comme naguère [9], la propriété. L’incrimination des appropriations frauduleuses tendrait à assurer la protection des différents biens visés par les textes, et in fine, à garantir le droit de leurs détenteurs légitimes. On sait pourtant qu’une telle perspective n’emporte pas une conviction unanime. L’existence même d’un droit pénal de la propriété prête déjà à confusion tant la notion de propriété est intensément discutée en doctrine [10]. L’autonomie du droit pénal pourrait ici se justifier à l’aune de l’intensité des controverses en droit civil des biens [11]. Conséquemment, il serait étrange, voire suspect, que le droit pénal assure la protection d’une notion que même les spécialistes peinent à définir. Il a par ailleurs été pertinemment soutenu [12] que la recherche des valeurs sociales protégées par une infraction emporte inexorablement le juge et le chercheur sur une pente morale éloignée en première intention du principe de légalité, pente qui tend inexorablement à étendre le champ des infractions à des cas non explicitement prévus mais qui semblent concorder avec les objectifs plus ou moins avoués du législateur. On peut ainsi douter que la trinité « vol – escroquerie – abus de confiance » ait comme objectif de protéger la propriété. Outre le fait qu’il est tentant de s’interroger sur la capacité du droit pénal à protéger une valeur voire des êtres, il est tout sauf évident que ces trois infractions protègent la propriété. Un simple locataire peut se constituer partie civile du fait d’un vol [13], l’escroquerie est éloignée de la propriété en cas de décharge, et l’abus de confiance semble entretenir un lien plus étroit avec… la confiance que la propriété.
Enfin et surtout, il est tout sauf acquis que la propriété soit la clé de voute des nombreuses infractions portant sur des biens. Bien que le vol constitue inexorablement l’exemple topique de l’atteinte à la propriété, cette vision peut à tout le moins être nuancée. Le voleur a en effet soustrait un bien, privant son légitime propriétaire des différentes prérogatives dont l’article 544 du Code civil (N° Lexbase : L3118AB4) dresse l’inventaire. L’appropriation est frauduleuse car l’auteur du délit n’avait aucun droit de s’approprier la chose appartenant à autrui. Si tant est que cette illustration épuise l’infinité des combinaisons, il n’en demeure pas moins que la propriété est ici définie de manière négative. Le bien est appréhendé sans droit : « les droits de la victime importent moins que l’absence des droits de l’agent » [14]. Cela ne signifie pas que la question de la propriété ne se pose pas. Elle est formulée en des termes négatifs là où le droit civil la pose de manière positive : en droit pénal il ne s’agit pas de déterminer ce qu’un propriétaire légitime peut faire, ou comment il peut revendiquer son bien. La question posée par le droit répressif est toute autre : en adoptant tel comportement, en appréhendant tel bien, en viciant le consentement de tel individu, ou en ne respectant pas les termes de la convention, le prévenu a-t-il commis les faits incriminés par la loi et commis un délit. En jurisprudence d’ailleurs, le fait de la possession semble davantage importer que le droit de propriété. Comme le formulait très tôt la Cour de cassation : il y a vol « lorsque la chose objet du délit passe de la possession du légitime détenteur dans celle de l’auteur du délit, à l’insu et contre le gré du premier ; que pour soustraire, il faut prendre, enlever, ravir » [15]. Ce qui faisait dire à Garçon que le vol est avant tout une dépossession : « l’usurpation de la possession dans ses deux éléments simultanés et concomitants du corpus et de l’animus » [16].
L’escroquerie commande une lecture tout aussi relativiste. La transaction litigieuse a été obtenue au moyen d’une tromperie. Le consentement de la victime a été vicié de sorte que la remise ou la décharge lui cause un préjudice. Peu importe ici que les sommes eussent dû être réellement versées. Il en résulte, selon la Chambre criminelle, que même si une somme est réellement due, dès lors qu’elle a été versée sans que la victime n’y consente librement, le délit est consommé [17]. C’est dire à quel point il est difficile ici de soutenir que l’incrimination et la répression de l’escroquerie protègeraient la propriété. En ce qu’elle est une fraude, elle a trait essentiellement aux conditions dans lesquelles la victime se défausse ou décharge le suspect. Pour le dire autrement, c'est le consentement au transfert de propriété qui apparaît litigieux. Proche du dol civil dont elle peine éternellement à se différencier [18], l’escroquerie n’entretient donc pas un rapport direct et certain avec la propriété, mais plutôt avec le consentement. Puisque le préjudice matériel patrimonial n’est pas exigé pour consommer l’infraction, il est difficile d’affirmer que la propriété est ici en première ligne. L’abus de confiance interroge en revanche quant à la manière dont le suspect a respecté la destination « contractuelle » [19] du bien appartenant à autrui et qui lui a été remis. Sa détention précaire [20] fait de lui un non-propriétaire devant respecter la destination conventionnelle de la chose remise. Lui est davantage reproché le fait de se comporter comme un propriétaire et non pas tant le fait d’avoir porté atteinte à la propriété d’autrui.
Nuances. Au demeurant, il faut ici convenir que la manière dont les juges appliquent les textes peut, elle, être rapprochée d’une certaine conception de la propriété, sa constitution et sa licéité. Dès lors, même si l’on doit se garder de sur-interpréter les textes à l’aune de la propriété, il est malaisé de ne pas analyser leur application à la lumière de ce que la justice pénale entend faire de la notion de propriété. Pour le dire autrement, si le droit pénal spécial doit se limiter à ce que les textes prévoient, il peut être pertinent de savoir ce que les juges disent et font de la propriété en rendant leurs décisions. Ainsi, sans que la propriété ne constitue un élément inexorable d’appréciation au stade de la consommation de tous les délits contre les biens, elle n’en demeure pas moins un puissant outil d’analyse afin de déchiffrer les logiques inhérentes aux différentes atteintes. Comment pourrait-il en aller autrement ? Sauf à couper les juges de la société, comment ne pas lire entre les lignes l’image que la justice se fait du droit de propriété lorsqu’elle sanctionne le vol ou encore les dégradations matérielles ?
Le contentieux pénal relatif aux choses appropriables est à cet égard intéressant. Loin de se limiter à la conception civile de la propriété, le juge répressif a souvent su faire preuve d’audace afin de sanctionner certains comportements jugés contraires à la loi pénale.
B. Quant à l’objet de l’appropriation
L’article 111-4 du Code pénal (N° Lexbase : L2255AMH) commande une interprétation stricte des textes répressifs. Cet impératif aurait dû amener les juges à ne pas développer d’acceptions autonomes de notions civiles définies par ailleurs. Au royaume de la légalité criminelle, il pourrait être inquiétant que « biens » et « choses » deviennent des notions extensibles. La soustraction, la remise et le détournement imposent pareillement des lectures étroites au nom de la prévisibilité de la répression. Les questions portant sur l’objet des appropriations frauduleuses devraient donc constituer un contentieux dépassé depuis que le principe de légalité a été érigé en principe fondamental du droit moderne [21]. On sait pourtant que certaines jurisprudences ont pris une distance certaine avec l’article 111-4 du Code pénal. Ce qui poussa parfois le législateur à reprendre la plume pour compléter les dispositifs.
Dépasser les textes. Les interrogations relatives au périmètre du droit pénal des biens et de la répression des appropriations frauduleuses ne sont pas nouvelles. Sur le plan historique, on sait que le droit français a longtemps hérité des hésitations romaines. Le vieux furtum [22] a laissé place, avant la Révolution, à des infractions pour le moins larges à partir du vol et permettant la répression de ce que nous nommerions parfois faux, abus de confiance ou fraude. Le principe de légalité porté par les réformateurs imposait plus tard une définition plus précise du périmètre et des éléments constitutifs de chaque délit. Le décret du 18-22 juillet 1791 [23] incriminait ainsi pour la première fois l’escroquerie [24] en son article 33, plus tard repris par le Code des délits et des peines de 1795. Quant au Code pénal de septembre - octobre 1791, il détaillait en son titre II, section 2 et ses articles 1 et suivants [25] tant le vol [26] que l’abus de confiance (en son article 29) [27]. Le Code pénal de 1810 [28] construisit quant à lui le triptyque moderne vol / abus de confiance / escroquerie.
Au demeurant – et l’exemple est classique – on sait que le triumvirat des appropriations frauduleuses montra rapidement ses limites. La filouterie [29] en constitua une illustration frappante, poussant le législateur à punir plus précisément [30] ce comportement au moyen d’une loi en date du 26 juillet 1873 [31]. Sans même parler de dématérialisation [32], le domaine du vol fut questionné dès 1912 quant à la pratique consistant à se brancher sur le compteur électrique d’un voisin afin de bénéficier de son accès à cette énergie si moderne à l’époque. La Cour de cassation estima que le vol était ici applicable [33], l’électricité étant ainsi assimilée à une chose appartenant à autrui. Le raisonnement était si audacieux que le législateur de 1992 estima plus opportun d’assimiler l’énergie à une chose dans une disposition expresse du Code pénal [34]. Et ce afin, évidemment, de couper court à toute nouvelle discussion. Or, en 1912, c’est bien par l’effet de la transmission de la possession du producteur à l’usager que la qualification de vol a pu être retenue. Selon le Code pénal de 1810 « (q)uiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas, est coupable de vol ». Cette définition avait d’ailleurs amené les tribunaux à retenir un vol en cas de soustraction d’un bien indivis par un indivisaire motif pris que tant que l’indivision subsiste on ne saurait s’approprier au détriment des autres les fruits de l’héritage commun [35]. On sait qu’avec la modification de l’incrimination [36] en 1992, une réponse similaire a été donnée par la Cour de cassation [37]. Certes le bien indivis appartient au suspect, mais, surtout, appartient-il également à autrui. La propriété collective du bien interdit au coindivisaire de se comporter comme le propriétaire exclusif de la chose. Une fois de plus la propriété est ici appréhendée de manière négative.
Le vol d’information a évidemment fait couler encore plus d’encre doctrinale. L’interprétation académique des quelques décisions rendues par la Chambre criminelle n’est pas parvenue à restituer l’intention exacte des hauts magistrats [38]. Pourtant, en affirmant récemment [39] que « le libre accès à des informations personnelles sur un réseau informatique d'une entreprise n'est pas exclusif de leur appropriation frauduleuse par tout moyen de reproduction », la Cour semble avoir définitivement consacré le vol d’information par « soustraction juridique » [40], notion chère à Émile Garçon [41].
Classique est également la question afférente à la possibilité de réprimer l’escroquerie portant sur un immeuble. Depuis le 26 septembre 2016 [42], la Chambre criminelle fait jouer à plein les termes de l’article 313-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2012AMH). Tout « bien quelconque » doit s’entendre des choses immobilières. La solution paraît évidente, pourtant les hésitations furent longtemps permises en raison de variations jurisprudentielles [43] empêchant le délit de bénéficier d’une interprétation stable et prévisible [44].
Respecter les textures. Toutes ces interrogations auraient pu être légitimes si formulées à une époque où le principe de légalité n’avait pas encore été gravé dans le marbre de la loi républicaine. Et on comprend d’ailleurs aisément les hésitations du prêteur romain face au très vague furtum [45], puis des parlements d’Ancien régime devant se débattre au sein des législations de l’époque. Mais une fois la légalité consacrée, son corollaire – i.e l’interprétation stricte de la loi pénale – interdit de dépasser la lettre de la loi [46]. Si le législateur a pris le soin de modifier l’article 323-3 du Code pénal (N° Lexbase : L0872KCB) [47] afin d’incriminer spécifiquement l’extraction de données contenues dans un S.T.A.D, c’est bien car il avait conscience que mobiliser le vol était un excès. L’incrimination expresse du vol d’énergie en 1992 participe de la même logique.
Au-delà des textes, ne figure pas un espace d’interprétation téléologique aux limites inconnues. On peut cependant y déceler une texture entendue comme la disposition et le mode d'entrecroisement des textes et du tissu juridiques. Une disposition pénale demeure en effet prévisible en son application si son interprétation repose sur une lecture conforme à la combinaison de ses éléments constitutifs [48] et aux notions définies par ailleurs. Le droit (civil) des biens est évidemment de nature à répondre aux questions que le juge pénal se pose. Choses et biens appropriables sont loin de constituer des notions inconnues du droit positif. Dès lors, sauf à ce que le législateur décide d’en donner une définition autonome, il ne semble ni légitime ni opportun que des notions connues et définies par ailleurs fassent l’objet d’une interprétation autonome en droit pénal. Le danger est ici bien connu [49] : l’extension de textes à des cas non envisagés par le législateur, soit la négation même du principe de légalité. Ainsi, que l’abus de confiance puisse porter sur le temps de travail [50] dépasse l’entendement [51]. Que le temps puisse faire l’objet d’une quelconque appropriation peut déjà surprendre. Cela conduit en outre à estimer ici que le temps de travail est remis à titre précaire par un employeur à un salarié. Sous la plume de la Cour de cassation, le temps n’est donc pas une ligne de fuite mais un bien quelconque appropriable…
Paradoxes. Les questions relatives à la consommation des appropriations frauduleuses révèlent ainsi un droit pénal équivoque à l’endroit de la propriété. Ce droit n’épuise pas la compréhension des différents comportements réprimés ; et les objets appropriables dépassent assez régulièrement ce que le simple droit de propriété semble permettre. La possibilité de voler une chose hors du commerce, car acquise illégalement, achève de s’en convaincre [52].
En parallèle, se sont toutefois greffés au contentieux de la consommation des délits, des litiges relatifs à la saisie pénale de biens litigieux. Or, à cette occasion, des plaideurs peuvent soulever devant le juge pénal des prétentions portant directement sur la propriété.
II. Le juge pénal et la restitution : les litiges sur la propriété
Départage. L’image de la propriété apparaît souvent en creux dès lors que le juge pénal se prononce sur la consommation d’une appropriation frauduleuse ou d’une dégradation. Distinguer le propriétaire du simple possesseur, la propriété de l’appropriation, ressort régulièrement à l’analyse du juge répressif. Cet enjeu n’est pas que symbolique puisqu’il est souvent demandé au juge d’en tirer les conclusions qui s’imposent en termes de restitution d’un bien placé sous main de justice. Cette faculté offerte à toute personne intéressée a pris un tour nouveau avec la loi du 9 juillet 2010 [53] ayant créé la saisie pénale, sanction provisoire préalable à la peine de confiscation. Le contentieux des saisies amène ainsi parfois la chambre de l’instruction à statuer sur la bonne foi d’un propriétaire demandant la nullité de la mesure. La question de la propriété peut pareillement se retrouver à l’audience lorsque toute personne prétendant avoir un droit sur le bien placé sous main de justice désire en obtenir la restitution : le juge pénal peut ainsi devenir un arbitre entre des sujets cherchant à faire reconnaître leur droit de propriété.
C’est dire qu’avant jugement (A) comme au cours de l’audience (B), statuer sur une demande relative à la propriété est devenu un office presque normal du juge pénal dès lors qu’un bien a été appréhendé par la justice.
A. Saisies et restitutions hors jugement
Les interrogations relatives à la propriété d’un bien ont été renouvelées par l’apparition d’une sanction provisoire originale anticipant la peine à venir à un stade où un suspect est encore présumé innocent : la saisie pénale. Outil d’une puissance de feu proche de la détention provisoire ou du contrôle judiciaire mais qui emprunte à une vraie peine (la confiscation) ses conditions de fond ! Le contentieux nourri [54] qui accompagne cette mesure provisoire illustre les nombreuses difficultés soulevées par des textes certes novateurs mais également, voire surtout, déficients. L’appel sur les saisies spéciales conduit ainsi le juge à se prononcer sur la propriété à travers la question de la bonne foi et de la proportionnalité de la mesure.
La prolifération des saisies a également alimenté le contentieux relatif aux restitutions hors jugement. Or ces litiges attestent que le juge pénal peut statuer sur la propriété, celui-ci devant se prononcer sur l’existence d’une contestation ! Cette procédure interroge à l’heure où on enseigne encore souvent que le procès pénal se limite à une action publique et à son accessoire, l’action civile ; ce postulat n’est pourtant pas à même d’expliquer tous les contentieux et demandes formulées par un individu dépossédé de son bien [55].
Actions : appel d’une saisie spéciale. À proprement parler, la loi du 9 juillet 2010 a inauguré un contentieux préexistant à celui portant sur l’action publique. Conscient que la confiscation n’a que peu de chances d’aboutir si, au début des investigations, des biens ne sont pas gelés, le législateur a créé une procédure permettant à des magistrats de placer sous main de justice des biens susceptibles de confiscation. La perspective est évidemment étonnante puisque cela amène les magistrats à anticiper deux éléments non encore tranchés : la responsabilité pénale et sa sanction, ici la confiscation. Pour le dire autrement, afin de déterminer quel bien est saisissable, le juge doit se demander quel bien, in fine, serait confiscable au titre de l’article 131-21 du Code pénal (N° Lexbase : L9506IYQ) [56]. Évidemment, un tel raisonnement présuppose les faits commis, l’infraction consommée, car ainsi peut être entamée une réflexion relative au produit, à l’instrument ou à l’objet de l’infraction. Il en va de même pour une confiscation générale de patrimoine. Fort logiquement, toutes ces réflexions ne sont que provisoires et s’appuient sur la vraisemblance de l’infraction [57]. Il n’en demeure pas moins que ce faisant, la loi invite les juges à adhérer à une conception non linéaire du temps judiciaire. Anticiper demain, c’est prévoir aujourd’hui.
Cette saisie est évidemment de nature à alimenter des ressentiments, notamment chez les propriétaires des biens appréhendés. Le législateur a ici prévu qu’en dehors du contentieux des restitutions (v. infra), certaines saisies dites spéciales puissent faire l’objet d’un appel devant la chambre de l’instruction. Ces saisies sont dites spéciales en ce qu’elles portent sur un « objet » précis : le patrimoine [58], un immeuble [59], des biens incorporels [60]. Le recours peut être initié par le suspect directement, celui-ci contestant la proportionnalité de la saisie ou le lien avec l’infraction, ou encore sa vraisemblable responsabilité. Il est également ouvert aux tiers. Leur propriété peut en effet être affaiblie par la saisie. Quand bien même la décision ne serait pas définitive (seule une confiscation sans appel ou rendue en dernier ressort le serait), l’appréhension judiciaire et provisoire d’un bien porte atteinte, même temporairement à leur patrimoine. Qui plus est, on pourrait craindre qu’un tribunal soit plus enclin à confisquer un bien déjà placé sous main de justice [61].
Ce contentieux est pour le moins original car il peut amener une personne tierce à l’action publique à solliciter du juge pénal qu’une saisie pénale soit annulée, la propriété [62] ayant été acquise de bonne foi [63]. Le juge pénal peut d’ailleurs, en cas de saisie de patrimoine, apprécier la proportionnalité de l’atteinte au droit de propriété [64]. L’appel des saisies spéciales est donc susceptible de poser au juge pénal une question en termes de propriété que celui-ci devra trancher.
Actions : restitutions hors audience. Cette perspective rappelle inévitablement les différentes actions en restitution que contient le Code de procédure pénale. En effet, que l’appel soit ou non ouvert à l’encontre d’une mesure de saisie, demeure le droit pour tout un chacun de demander la restitution dudit bien. Cette demande peut être formulée au stade des investigations (enquête [65] comme instruction [66]), au stade du jugement [67], et possiblement après jugement définitif [68]. Ces actions sont certes liées à l’éventuelle responsabilité pénale des différentes personnes poursuivies ou suspectées. Pourtant le contentieux ne saurait être formulé en des termes purement répressifs. Comme l’affirmaient Merle et Vitu, « la restitution est la remise au propriétaire légitime de l’objet sur lequel a porté l’infraction (ainsi les bijoux volés, l’argent détourné) ou qui a été saisi comme pièce à conviction : en ce sens, la restitution sanctionne un droit de propriété préexistant » [69].
L’article 41-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7474LPI) précise ainsi que le procureur ne peut se prononcer sur la restitution que si « la propriété n'en est pas sérieusement contestée » [70]. Il s’agit pour ce magistrat comme pour la chambre de l’instruction saisie d’un recours contre une décision de non-restitution de se prononcer, purement et simplement, sur l’existence d’une querelle relative à la propriété. La jurisprudence ne dit pas le contraire, qui affirme en effet : « (I)l appartient en principe au président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction à qui est déférée la décision de non-restitution rendue par le procureur de la République ou le procureur général sur la requête présentée par la personne entre les mains de laquelle le bien a été saisi, non pas de rechercher si le demandeur justifie d’un droit lui permettant de détenir légitimement celui-ci, mais seulement de rechercher si la propriété est contestée ou susceptible de l’être » [71]. Cette solution peut surprendre : au stade de l’enquête, et confronté à une saisie, le juge pénal est, en matière de propriété, un juge de l’évidence. La personne saisie peut obtenir la restitution du bien si aucune contestation portant sur la propriété du bien ne lui a été signifiée [72]. Il doit donc présumer la bonne foi du saisi à partir de l’absence de contestation. Il faut comprendre qu’à l’inverse, en cas de contestation sérieuse sur la propriété, le seul [73] tribunal pourra statuer au fond sur la restitution du bien [74].
B. Restitutions à l’audience
Restitution. Les tribunaux prennent parti sur une possession et sa licéité quand ils sont saisis d’une demande de restitution à l’audience. Comme le précise l’article 479 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9923IQL), toute « personne autre que le prévenu, la partie civile ou la personne civilement responsable qui prétend avoir droit sur des objets placés sous la main de la justice, peut également en réclamer la restitution au tribunal saisi de la poursuite ». Cet article est riche d’enseignements. Il rappelle tout d’abord que l’action en restitution n’est pas une action attachée à une partie au procès pénal. Elle peut donc être intentée par la partie civile, mais pas seulement. Par ailleurs, cette disposition impose que le réclamant ait un droit sur l’objet placé sous main de justice. L’article 481 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5014K89) dispose cependant que le « tribunal peut refuser la restitution […] lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction » [75].
Si avant jugement, le contentieux des restitutions amène simplement le juge à se positionner sur l’existence d’une contestation, son office est plus vaste lors du procès. Selon la Cour de cassation, en cas de contestation, il lui appartient en effet de rechercher les éléments lui permettant de statuer sur les demandes qui lui sont présentées aux fins de restitution sans pouvoir s’abriter derrière le fait qu'aucun élément de l'espèce ne lui permet en l'état de déterminer quel est le véritable propriétaire ou possesseur des objets placés sous main de justice [76]. Lui revient donc le soin de se prononcer sur la propriété et, au besoin, de diligenter les actes à cette fin.
Encore faut-il toutefois qu’une contestation émerge entre plusieurs personnes. En effet, si une seule personne réclame la restitution du bien saisi, il ne s’agit alors pas d’un litige entre plusieurs revendicants : il appartient seulement au juge de rétablir du point de vue de la détention et de la possession la situation antérieure à la saisie [77]. L’existence d’un droit sur la chose (d’une possession légitime) suffira à autoriser la restitution, le juge ne pouvant ici soulever d'office une contestation sur les droits exercés par le demandeur [78]. Il peut en revanche refuser la restitution s’il estime que la propriété est viciée par la mauvaise foi du propriétaire [79]. C’est dire que la propriété est au centre de ce contentieux : le juge pénal peut être amené à se prononcer sur l’existence de ce droit et sur une éventuelle contestation y afférente.
Sur la nature de l’action en restitution. En ce que le procès pénal est avant tout un contentieux portant sur l’action publique, et accessoirement sur l’action civile, il est surprenant de constater que le contentieux pénal peut également abriter la résolution d’un litige portant sur la propriété [80]. Dès lors que le bien a fait l’objet d’une saisie préalable, il est acquis que, même lorsque le demandeur est un plaignant, ce n’est pas au titre de la responsabilité civile que le bien doit être remis mais bien au nom du droit à restitution. Le fait que cette procédure ne soit pas nécessairement reliée à la qualité de partie achève de se convaincre que cette action en justice se démarque et de l’action publique et de l’action civile. D’ailleurs, selon la Chambre criminelle, le préjudice subi par la partie civile doit « être réparé sous forme de dommages-intérêts et non sous forme de restitutions, lesquelles ne peuvent être ordonnées qu'autant qu'elles concernent des objets placés sous main de justice » [81]. La Cour de cassation l’a confirmé avec éclat en 1986 : « l'action en restitution d'objets placés sous la main de la justice, telle que prévue par les articles 478 et suivants du Code de procédure pénale dont les dispositions sont d'ordre public, est distincte de l'action civile avec laquelle elle ne peut interférer » [82]. Il s’agit donc bien d’une action à part, portée devant le juge pénal et portant sur le droit de propriété.
Conclusion : la propriété comme prisme punitif. Le rapport ambigu qu’entretient le juge pénal avec la propriété apparaît lorsqu’est interrogée la consommation des infractions contre les biens. Les sujets du droit de propriété apparaissent ainsi souvent en creux quand est en jeu la consommation d’une appropriation frauduleuse. Pareillement, les questions relatives aux biens susceptibles d’être appropriés confrontent régulièrement le juge pénal aux limites des incriminations à sa disposition.
Toutefois, la simple consommation des infractions n’a pas constitué, tant s’en faut, la seule pierre de touche de l’étude. Les restitutions et le contentieux des saisies pénales sont en effet de nature à reformuler les interrogations. L’appréhension pénale des biens au titre de la sanction n’est évidemment pas nouvelle, la confiscation n’étant pas née avec la loi du 9 juillet 2010. On ne saurait pour autant nier que cette loi a réinvesti la question patrimoniale afin de priver les délinquants de leurs illégitimes propriétés. La saisie pénale préparant et anticipant la peine a rebattu les cartes d’un système répressif désormais en mesure de placer sous main de justice des biens acquis ou utilisés de manière suspecte. Et la multiplication des saisies amène le juge pénal à trancher des litiges portant directement sur la propriété dans le cadre des actions en restitution ou lors de l’appel à l’encontre d’une saisie pénale spéciale. Le juge pénal est ici un juge accessoire de la propriété.
Les lignes de fuite de la propriété révèlent inexorablement les lignes de crête du droit pénal. Nombreuses sont les interrogations et peu rassurantes sont les réponses. Business as usual…
[1] C. Beccaria, Des Délits et des peines, Flammarion, Paris 1991, p. 113.
[2] Ibid p. 141.
[3] V. M. Foucault, Surveiller et punir, Flammarion, 1975, Tel, p. 87 et s.
[4] V. A.-D. Houte, Propriété défendue – La société française à l’épreuve du vol (XIXe-XXe siècle), Gallimard, NRF, Bibl. des histoires, 2021, p. 358. Sur l’évolution de l’incrimination, v. M.-H. Renaut, La répression du vol de l'époque romaine au XXIe siècle, Revue Historique, T. 295, Fasc. 1, 597, janv.-mars 1996, pp. 3-47 [en ligne].
[5] « La qualification de vol assure la protection par excellence de la propriété » : La propriété dans la jurisprudence de la Cour de cassation, Étude annuelle de la Cour de cassation, La Documentation française, 2019, p. 38 [en ligne].
[6] Sur cette question v. La propriété de l'information, Mél. P. Raynaud, Dalloz-Sirey, 1985, p. 9, M. Vivant, An 2000 : l’information appropriée ?, in Mélanges offerts à Jean-Jacques Burst, Litec, 1997, p. 651 ; La privatisation de l'information par la propriété intellectuelle, in Revue internationale de droit économique, 2006/4, (t. XX, 4), pages 361 à 388.
[7] L’empreinte des valeurs sociales protégées en droit pénal, dir. P. Mistretta, S. Papillon, et C. Kurek, Dalloz, 2020, coll. Thèmes et commentaires.
[8] V. ainsi E. Le Moulec, Pour un renouvellement du système répressif dit des atteintes juridiques aux biens, Thèse, dir. E. Verny, Rennes 1, 2019.
[9] La trinité « vol / abus de confiance / escroquerie » se retrouvait au sein du Code pénal de 1810 dans un chapitre intitulé « Crimes et délits contre les propriétés » (v. art. 379, 405 et 408) [en ligne].
[10] V. ainsi A. Ferracci, Réflexions autour de l’évolution récente des controverses quant à la nature du droit de propriété, Les Cahiers Portalis, 2018/1 (n° 5), pages 63 à 71 [en ligne]. Quant à l’appareil doctrinal ayant initié et nourri cette controverse : v. G. Lardeux, Qu’est-ce que la propriété ?, RTD civ., 2013, p. 741 et s. ; J.-P. Chazal, La propriété : dogme ou instrument politique ? Ou comment la doctrine s’interdit de penser le réel, RTD civ., 2014, p. 763 et s. ; W. Dross, Que l’article 544 du Code civil nous dit-il de la propriété ?, RTD civ., 2015, p. 27 et s.
[11] V. A. Touzain, L'autonomie du droit pénal et le droit des biens, Cahiers de droit de l'entreprise, n° 4, juillet 2021, dossier 25.
[12] E. Dreyer, Droit pénal général, LexisNexis, 6ème édition, 2021, n° 172, p. 161. V. B. Auroy, La consommation de l’infraction, thèse Paris-Saclay 2021, n° 191, spéc. n° 195.
[13] Pour le détenteur précaire v. entre autres Cass. crim., 5 mars 1990, n° 89-80.536 (N° Lexbase : A1651CGA). D’où le fait que certains auteurs préfèrent parler d’atteintes au patrimoine : v. ainsi R. Ollard, La protection pénale du patrimoine, préf. V. Malabat, LGDJ, 2008, Coll. Nouvelle Bibliothèque de Thèses, vol. n° 98.
Pour la détention à la suite d’un premier vol v. Cass. crim., 9 mars 2016, n° 15-80.107, F-P+B (N° Lexbase : A1733Q7C). Sur cette question, v. D. Auger, Droit de propriété et droit pénal, PUAM, préf. S. Cimamonti, 2005 p. 93, n° 135.
[14] E. Dreyer, Droit pénal spécial, LGDJ, 2020, n° 269, p. 171. Au surplus, pour « le droit pénal, la propriété se décline concrètement et négativement : elle est la chose appréhendée privativement par une personne dépourvue de droit exclusif ; la propriété est appréhendée par le droit à partir et sous le seul angle du comportement de celui qui agit comme propriétaire alors qu’il ne l’est pas » : Th. Revet, « Regards d’un civiliste sur le droit pénal des biens », in Droit pénal et autres branches du droit : regards croisés, dir. J.-Ch. Saint-Pau, Cujas, Coll. Actes & études, 2012, p. 30.
[16] E. Garçon, Code pénal annoté, art. 379, n° 44 et suivants. Dès lors, « la détention purement matérielle, non accompagnée de la remise de la possession n’est pas exclusive de l’appréhension qui constitue un élément du délit de vol » (Cass. crim., 11 juin 1990, n° 89-80.467 N° Lexbase : A2854ABC). Cette solution permet de retenir dans les liens de la prévention les soustractions à la suite d’une remise sous condition de paiement (Cass. crim., 10 février 1977, n° 76-91.369 N° Lexbase : A8753CGB) mais encore les remises faites aux salariés pour les besoins de leur travail (Cass. crim., 8 janvier 1979, n° 77-93.038 N° Lexbase : A5560CGZ). Pourtant, comme l’observe le Professeur Beaussonie, si « le détenteur a dépassé ses droits sur un bien qu’il savait appartenir à quelqu’un d’autre, est en cause un abus de confiance plutôt qu’un vol » (D., 2017, p. 1885).
[17] V. ainsi Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 16-84.828, FS-P+B (N° Lexbase : A9941WM7).
[18] V. A. Chauveau et F. Hélie, Théorie du Code pénal, Tome 5, 1852, 3ème éd., p. 298 [en ligne].
V. également L. Saenko : « [...] on a tendance à l’oublier, mais l’escroquerie est d’abord et avant tout une atteinte au consentement, dont l’expression patrimoniale n’est finalement qu’une conséquence accessoire » (obs. ss. Cass. crim., 28 janvier 2015, n° 13-86.772, F-P+B (N° Lexbase : A7166NAN) : D., 2015, 845).
[19] Avec cette précision que le contrat n’est pas le seul champ de commission des faits depuis la réforme opérée par le Code pénal de 1992. En matière de tutelle, v. ainsi Cass. crim., 3 décembre 2003, n° 02-80.041, F-P+F (N° Lexbase : A4418DAU).
[20] Sur les évolutions prétoriennes v. F. Safi, Les abus de la Cour de cassation dans la qualification de l’abus de confiance, note sous Cass. crim., 5 avril 2018, n° 17-81.085, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1101XKY), Lexbase Pénal, mai 2018 (N° Lexbase : N4023BXB).
[21] Nul n’ignore à cet égard que ce principe fut conceptualisé pour encadrer le pouvoir des Parlements d’Ancien régime, suspectés d’un certain arbitraire au moment d’interpréter les incriminations et prononcer les peines y afférentes.
[22] V. à cet égard, Y. Rivière, Histoire du droit pénal romain, in Le vol (Collatio Legum, Tit. 7), Les Belles Lettres, 2021, p. 566 et s.
[23] Voir décret, présenté par M. Démeunier au nom du comité de Constitution, concernant le code de police municipale et de police correctionnelle, lors de la séance du 19 juillet 1791 [en ligne].
[24] Décret du 18-21 juillet 1791, titre II, art. 35 : « Ceux qui, par dol, ou à l'aide de faux noms ou de fausses entreprises, ou d’un crédit imaginaire, ou d'espérance ou de craintes chimériques, auraient abusé de la crédulité de quelque personne, et escroqué la totalité ou partie de leur fortune, seront poursuivis devant les tribunaux de district, et, si l'escroquerie est prouvée, le tribunal du district, après avoir prononcé la restitution et dommages-intérêts, est autorisé à condamner, par voie de police correctionnelle, à une amende qui ne pourra excéder 5000 livres et à un emprisonnement qui ne pourra excéder deux ans. En cas de récidive, la peine sera double. Tous les jugements rendus à la suite des délits mentionnés au présent article seront imprimés et affichés ». Pour une application et une référence v. Cour de cassation, 13 Ventôse an II, arrêt n° 299 [en ligne].
[25] Voir section du Code de 1791 relative aux crimes & délits contre les propriétés sur Galica ou sur ledroitcriminel.fr/.
[26] Avec force détails : de l’article 1 à 28 !
[27] La banqueroute est incriminée à l’article suivant.
[28] V. présentation du code napoléonien par R. Badinter, v. [en ligne].
[29] Sur cette question v. Les filouteries en matière contractuelle, extrait du Cours de droit pénal spécial, de Georges Levasseur, in Les Cours de droit, Paris 1967-1968, p. 358 [en ligne].
[30] Le vol avec adresse ne permettait pas de punir toutes les filouteries : v. ainsi Cass. crim., 5 novembre 1847, Bull. n° 265 [en ligne].
[31] Trois lois du 31 mars 1926, 28 janvier 1937 et 16 juin 1966 ont étendu le champ du délit respectivement à la filouterie de taxi, à celle de logement puis à celle de carburant et de lubrifiant. V. ainsi le Rapport de Mme Labrousse pour l’avis n° 0100001P, du 4 mai 2010 [en ligne].
[32] En ce sens v. R. Ollard, La dématérialisation des infractions contre le patrimoine, in Droit pénal et autres branches du droit : regards croisés (dir. J.-Ch. Saint-Pau), Cujas, Coll. Actes & études, 2012, p. 44.
[33] Cass. crim., 3 août 1912, Bull. n° 450 [en ligne]. : « Attendu, en effet, d’une part que l’électricité est livrée par celui qui la produit à l’abonné qui la reçoit pour l’utiliser; qu’elle passe, par l’effet d’une transmission qui peut être matériellement constatée, de la possession du premier dans la possession du second ; qu’elle doit, dès lors, être considérée comme une chose, au sens de l’article 379 C. pén., pouvant faire l’objet d’une appréhension ».
[34] C. pén., art. 311-2 (N° Lexbase : L1904AMH)
[35] Cass. crim., 27 février 1836, Bull. crim. n° 62 [en ligne]. La Cour a pu plus tard affirmer que « la saisine héréditaire ne confère pas un droit de propriété à l'héritier saisi ; […], dès lors, celui-ci ne peut, sans commettre un vol au préjudice de ses co-héritiers saisis en particulier, et de l'indivision en général, s'approprier à leur insu les biens dépendant de la succession indivise » (Cass. crim., 21 mars 1984, n° 82-90.535 N° Lexbase : A7974AAL ; v. également Cass. crim., 27 février 1996, n° 95-82.370 N° Lexbase : A9162ABX).
[36] Le vol étant désormais la soustraction de la chose d’autrui en vertu de l’article 311-1 du Code pénal (N° Lexbase : L7586ALK).
[37] V. Cass. crim., 12 mai 2015, n° 95-82.370 (N° Lexbase : A8843NHY) : G. Beaussonie, note, AJ pénal, 2015, p. 369.
[38] Sur l’état de la controverse v. La propriété dans la jurisprudence de la Cour de cassation - Étude annuelle de la Cour de cassation, La Documentation française, 2019, p. 33 et s. [en ligne]. Pour une appréciation sceptique (donc réaliste) des évolutions v. S. Detraz, Vol du contenu informationnel de fichiers informatiques, D., 2008, p. 2213 (note sous Cass. crim., 4 mars 2008, n° 07-84.002 N° Lexbase : A2241KBM).
[39] Cass. crim., 28 juin 2017, n° 16-81.113, FS-P+B (N° Lexbase : A7053WLS).
[40] Pour un précédent comportant cependant une étrange référence à l’usage de l’information, v. Cass. crim., 20 mai 2015, n° 14-81.336, F-P+B (N° Lexbase : A5424NIQ).
[41] Pour une légitime critique, v. G. Beaussonie, op. cit.
[42] Cass. crim., 28 septembre 2016, n° 15-84.485, FS-P+B (N° Lexbase : A7125R4N).
[43] V. N. Catelan, Escroquerie immobilière, complicité et recel : la confusion des genres ?, Lexbase Droit privé, octobre 2016, n° 673 (N° Lexbase : N4778BWU).
[44] L’application de l’escroquerie à un immeuble emporte la conviction puisque la lettre de la loi mentionne tout bien quelconque. Quant à la notion de remise, qu’il soit permis d’estimer qu’un bien immobilier peut parfaitement être remis : symboliquement, mais, surtout, juridiquement. Nul besoin de contourner le texte pour appliquer ici un texte ostensiblement adapté.
[45] Sur la plasticité du « contrectatio fraudulosa rei alienae » (maniement délictuel de la chose d’autrui), v. Y. Rivière, Histoire du droit pénal romain, op. cit., p. 574.
[46] Céder aux sirènes de l’esprit du texte, par ce que l’on nomme l’interprétation téléologique, ne saurait d’une manière ou d’une autre satisfaire une stricte légalité assurant la sureté de tous face à la répression.
[47] Loi n° 2014-1353, du 13 novembre 2014, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, art. (N° Lexbase : L8220I49).
[48] Dans le champ du vol, la notion de chose doit être rapprochée de celle de soustraction. Quant à l’escroquerie, le « bien quelconque » doit être interprété à l’aune de la « remise ».
[49] V. M. Brénaut, Sur la justification du principe d'autonomie du droit pénal, Cahiers de droit de l'entreprise, n° 4, Juillet 2021, dossier 22 spé., § 29 et s.
[50] Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-83.031, FS-P+B+R, (N° Lexbase : A1808KHG) ; Cass. crim., 30 juin 2021, n° 20-81.570 F-B (N° Lexbase : A19904YD). Pour le « détournement du temps de travail » d’une salariée par un dirigeant v. Cass. crim., 16 janvier 2019, n° 17-81.136, F-D (N° Lexbase : A6660YTT).
[51] À l’inverse, il est étonnant que l’abus de confiance ne puisse porter sur un immeuble. V. pourtant Cass. crim., 14 janvier 2009, n° 08-83.707, F-D (N° Lexbase : A8135R7G).
[52] V. Cass. crim., 9 mars 2016, n° 15-80.107, F-P+B (N° Lexbase : A1733Q7C).
[53] Loi n° 2010-768, du 9 juillet 2010, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale (N° Lexbase : L7041IMQ).
[54] V. dans ce numéro : M. Hy, Droit des saisies pénales et confiscations : repères jurisprudentiels (N° Lexbase : N8785BYZ) et E. Camous, Panorama saisies et confiscations (janvier 2020 – août 2021) (N° Lexbase : N8791BYA), in Droit pénal et patrimoine : saisir et punir, Dossier spécial, Lexbase Pénal, septembre 2021.
[55] Les insuffisances de la loi ont surtout transformé le juge de cassation en législateur informel et assumé, ajoutant çà et là différents principes destinés à assurer des équilibres que le législateur n’avait fait qu’effleurer tout occupé qu’il fut à assurer la parfaite efficacité des textes, i.e la punition anticipée.
[56] Toutes les dispositions du code de procédure pénale relatives à la saisie pénale énoncent sans exception que seuls les biens susceptibles de confiscation peuvent faire être placés sous main de justice : C. proc. pén., art. 56, al. 1 (N° Lexbase : L5530LZT), 76, al. 1 (N° Lexbase : L0490LTC), 94 (N° Lexbase : L7224IMI), 706-148, al. 1 (N° Lexbase : L5021K8H), 706-150, al. 1 (N° Lexbase : L7454LPR) et 706-153, al. 1 (N° Lexbase : L7453LPQ).
[57] V. entre autres Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.371, F-P+B+I (N° Lexbase : A95133GG). V. N. Catelan, La saisie pénale : sanction provisoire ?, Gaz. Pal., 2 juin 2020.
[58] C. proc. pén., art. 706-148, al. 2 (N° Lexbase : L5021K8H).
[59] C. proc. pén., art. 706-150, al. 2 (N° Lexbase : L7454LPR).
[60] C. proc. pén., art. 706-153, al .2 (N° Lexbase : L7453LPQ), et pour une somme d’argent détenue sur un compte de dépôt v. article C. proc. pén., art. 706-154, al. 2 (N° Lexbase : L9507IYR).
[61] La détention provisoire pose une problématique similaire : il va de soi que comparaitre non détenu est un avantage. En matière de saisie, il n’y a pas lieu de penser autrement.
[62] Un trouble de jouissance peut également justifier l’action : v. Cass. crim. 15 janvier 2020, n° 19-80.89, F-D (N° Lexbase : A17503BG).
[63] Cette originalité interroge notamment en termes de droits de la défense, la jurisprudence ayant ici tant bien que mal cherché un équilibre entre le secret des investigations et la possibilité pour un tiers à l’action publique ou à l’enquête de se défendre de manière efficiente lors de l’audience d’appel devant la chambre de l’instruction. V. notamment Cass. crim., 9 octobre 2019, n° 19-82.172, F- (N° Lexbase : A0052ZRD), et quant aux pièces à fournir au tiers : Cass. crim., 30 janvier 2019, n° 18-82.644, F-P+B (N° Lexbase : A9811YUW) ; Cass. crim., 23 octobre 2019, n° 18-87.097, F-P+B+I (N° Lexbase : A0886ZSM).
[64] V. ainsi Cass. crim., 4 mai 2017, n° 16-87.330, F-D (N° Lexbase : A9516WB3).
[65] C. proc. pén., art. 41-4 (N° Lexbase : L7474LPI)
[66] C. proc. pén., art. 99 C. proc. pén. (N° Lexbase : L7471LPE)
[67] C. proc. pén., art. 478 (N° Lexbase : L9924IQM) à 484 (N° Lexbase : L9918IQE).
[68] C. proc. pén., art. 710 (N° Lexbase : L7690LPI)
[69] R. Merle et A. Vitu, Traité de droit ciminel, Procédure pénale, n° 113.
[70] Au stade de l’instruction l’article 99 dispose quant à lui que le juge d’instruction statue, entre autres « sur requête de la personne mise en examen, de la partie civile ou de toute autre personne qui prétend avoir droit sur l'objet ». Le texte ajoute qu’il peut « avec l'accord du procureur de la République, décider d'office de restituer ou de faire restituer à la victime de l'infraction les objets placés sous main de justice dont la propriété n'est pas contestée. »
[71] Cass. crim., 6 janvier 2021, n° 20-80.128, F-P+B+I (N° Lexbase : A56134BI).
[72] Et si évidemment aucun empêchement répressif prévu à l’alinéa 2 n’est caractérisé : le bien est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction, ou encore sa destruction est prévue par la loi. Cette liste a été « complétée » par la chambre criminelle : « la chambre de l'instruction statuant, au cours de l'enquête, sur une demande de restitution présentée sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article 41-4 du code de procédure pénale et de l'alinéa 5 de l'article 41-5 du même code peut refuser de restituer les biens saisis lorsque la confiscation desdits biens est prévue par la loi ou lorsque la restitution est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité » Cass. crim., 6 novembre 2019, n° 18-86.921, F-P+B+I (N° Lexbase : A8756ZTH).
[73] Si celui-ci vient à ne pas être saisi, v. note précédente et Cass. crim., 26 mars 2019, n° 17-87.493, F-D (N° Lexbase : A7205Y7Y).
[74] L’arrêt du 6 janvier 2021 précise d’ailleurs que « lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie au terme de l’enquête ou lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, le président de la chambre de l’instruction ou la chambre de l’instruction est tenu de trancher la contestation relative à la propriété des objets réclamés si la décision sur la restitution en dépend » (§ 8).
[75] Mais il faut alors rappeler qu’au visa de de l’article 6, § 2, de la Directive n° 2014/42, du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne (N° Lexbase : L1123I3Y), la Cour de cassation a dû assurer une protection du tiers de bonne foi : Cass. crim., 7 novembre 2018, n° 17-87.424, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1753YK7).
[76] Cass. crim., 28 octobre 1987, n° 86-94.229 (N° Lexbase : A3743CKT).
[77] Cass. crim., 23 octobre 1979, n° 78-93.974 (N° Lexbase : A7403CIZ).
[78] Cass. crim., 10 mars 2004, n° 02-85.285, FS-P+F (N° Lexbase : A7575DB8).
[79] Cass. crim., 5 février 1997, n° 96-80.257 (N° Lexbase : A8478CMX)
[80] Au sens civil, il ne s’agit pas à proprement parler et stricto sensu d’une action en revendication « par une personne invoquant un droit contre le possesseur » (Cass. crim., 9 mai 1985, n° 84-91.548 (N° Lexbase : A3384AAL). V. également Cass. crim., 15 mai 1995, n° 94-82.509 (N° Lexbase : A6232CTY).
[81] Cass. crim., 14 mars 1973, n° 72-91.258 (N° Lexbase : A4076CHG)).
[82] Cass. crim., 3 février 1986, n° 84-94.813 (N° Lexbase : A3456AAA).
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par Frédéric Stasiak, Professeur à l’Université de Lorraine
Le 22 Septembre 2021
Mots-clés : patrimoine • abus de confiance • abus de biens sociaux • banqueroute • droit pénal des affaires • société in bonis • société en cessation des paiements • action civile • sanctions
En droit pénal des sociétés, les atteintes au patrimoine social réalisées par les dirigeants relèvent essentiellement des détournements d’actifs. Trois qualifications principales permettent d’appréhender ces comportements : l’abus de confiance pour les sociétés de personnes, l’abus de biens sociaux pour les sociétés de capitaux et la banqueroute pour les sociétés en cessation des paiements. La convergence de ces incriminations et la divergence des actions en réparation subséquentes conduit à s’interroger sur l’opportunité de fusionner les deux premières et de mieux redéfinir les contours de la troisième, afin d’aboutir à une protection optimale du patrimoine social par le droit pénal.
Cet article est issu du dossier spécial « Droit pénal et patrimoine : saisir et punir » publié le 23 septembre 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N8809BYW)
Le droit pénal reste très présent, voire très pressant, en droit des sociétés, malgré les différents mouvements de dépénalisation qu’a pu connaître la matière [1]. Des infractions subsistent aux différents stades qu’une personne morale peut connaître : constitution (émission et négociation illicites d’actions, surévaluation des apports en nature), fonctionnement (présentation ou publication de comptes annuels infidèles, répartition de dividendes fictifs, abus de biens sociaux, infractions relatives au commissariat aux comptes), disparition (désignation et obligations du liquidateur).
Il est possible d’y voir une forme d’oppression vis-à-vis du développement économique de l’entreprise, tout comme il est permis d’y percevoir une protection du patrimoine de la société contre le risque de satisfaction d’intérêts personnels au détriment de l’intérêt commun, contre le risque de « desaffectio » societatis en quelque sorte. Ce risque se matérialise principalement par une captation de l’actif social, au moyen d’une soustraction ou d’un détournement des biens de la société, réalisés par les salariés ou par les dirigeants de la personne morale.
Si la situation des salariés de la société passe par des appropriations frauduleuses classiques, telles que le vol ou l’abus de confiance, celle des dirigeants sociaux retient davantage l’attention dans la mesure où les détournements d’actifs sont susceptibles de revêtir des qualifications différentes selon le type, ou la situation comptable, de la société qui les subit : abus de confiance, abus de biens sociaux, banqueroute.
L’objet de cette étude n’est pas de revenir de façon détaillée sur les éléments constitutifs ou sur la répression de ces infractions, mais de s’interroger sur leur articulation dès lors qu’elles permettent d’appréhender les détournements réalisés par le dirigeant social, investi du pouvoir de gestion des biens de la société. Détourner signifie, littéralement, écarter de la voie à suivre [2] et, juridiquement, faire d’un bien une utilisation autre que celle prévue. En droit pénal des sociétés, les détournements de l’actif social réalisé par les dirigeants sociaux reçoivent la qualification spéciale d'abus de biens sociaux ou celle générale d'abus de confiance selon que la victime est une société de capitaux (SA, SAS, société en commandite par actions, SARL, ...) ou une société de personnes (société en nom collectif, société en commandite simple par exemple), du moins lorsque la société est in bonis et qu’elle dispose de l’ensemble de ses droits sur son patrimoine. En revanche, lorsque la société est en situation de cessation de paiements, et qu’elle ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible [3], c’est le délit de banqueroute qui a vocation à s’appliquer, étant précisé qu’il ne s’agit pas d’une infraction spécifique aux sociétés [4]. L’article L. 626-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3330ICC) incrimine à ce titre différents comportements dont le fait d’avoir « détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ».
Historiquement, l’abus de confiance, comme le vol ou l’escroquerie, tire son origine « de la notion unique de furtum connue du droit romain et de l’ancien droit français » [5] et fut consacré par l’article 408 du Code pénal de 1810. La banqueroute possède également une origine ancienne puisqu’elle tire son nom d’une pratique du Moyen-Âge consistant à rompre le banc [6] sur lequel siégeait le débiteur en faillite au sein d’une assemblée de marchands. Elle faisait alors l’objet d’une répression sévère puisque l’article 143 de l’ordonnance d’Orléans de 1560 précisait que « tous banqueroutiers et qui feront faillite en fraude seront punis extraordinairement et capitalement », la répression s’étant progressivement adoucie par la suite. En comparaison, les abus de gestion, que l’on désigne plus communément par une partie d’entre eux, les abus de biens sociaux, constituent des délits beaucoup plus récents puisqu’ils ont été créés par un décret-loi du 8 août 1935, à la suite d’un scandale politico-financier, l’affaire Stavisky.
Au-delà de leur composante matérielle commune, un détournement d’actif, ces infractions possèdent des champs d’application bien distincts et, a priori, insusceptibles de se recouper : sociétés de capitaux, sociétés de personnes, sociétés en cessation des paiements.
En pratique, la situation s’avère plus complexe puisque la jurisprudence retient parfois la qualification de banqueroute pour appréhender des détournements d’actifs antérieurs à la cessation des paiements, qui s’apparentent davantage à des abus de biens sociaux. Pourtant, le choix de la qualification n’est pas sans conséquence sur la répression de ces comportements et, surtout, sur la réparation des préjudices qui peuvent en résulter. Le législateur ajoute également à la confusion en multipliant les dispositions répressives au sein du Code de commerce, ce qui ne saurait être leur place naturelle, ou en limitant la recevabilité des actions civiles du chef de banqueroute, limitation que le juge pénal s’efforce de contourner.
Dès lors, la confrontation du patrimoine des sociétés au droit pénal fait apparaître une convergence des incriminations (I), à travers la notion de détournement, mais elle révèle une regrettable divergence des sanctions subséquentes (II).
I.Patrimoine des sociétés et convergence des incriminations
Si la convergence des incriminations relatives au détournement de biens de la société est patente lorsque la société est in bonis (A), elle s’avère moins évidente lorsque la société en situation de cessation des paiements (B).
A. Une convergence patente pour les atteintes au patrimoine de la société in bonis
Ces atteintes ont d’abord été appréhendées par le délit d’abus de confiance de l’article 408 de l’ancien Code pénal mais au prix, parfois, d’une application qualifiée d'« audacieuse » [7]. Ainsi, la jurisprudence retenait-elle la qualification d’abus de confiance en assimilant le contrat de société à un contrat de mandat, ou en interprétant largement les biens susceptibles d’être détournés [8].
Il aura fallu néanmoins attendre presque soixante-dix ans, et le scandale politico-financier de l’affaire Stavisky et un décret-loi du 8 août 1935, pour que soient palliées les insuffisances de l’article 408 du Code pénal de 1810 [9] par la création du délit dit d’abus de biens sociaux. Ce délit consiste, pour les dirigeants d’une société de capitaux, à faire, de mauvaise foi, soit des biens ou du crédit de la société, soit des pouvoirs qu’ils possèdent ou des voix dont ils disposent, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement [10].
La distinction entre abus de biens ou du crédit et abus de pouvoirs, l’abus de voix étant aujourd’hui « inusité » [11], peut sembler artificielle dans la mesure où les pouvoirs de gestion du dirigeant social ont vocation à s’exercer sur les biens de la société.
Le décret-loi du 8 août 1935 ne visait initialement que les SA et les SARL mais, progressivement, le législateur a étendu l’incrimination à d’autres types de sociétés : sont désormais concernées les sociétés en commandite par actions [12], les sociétés par actions simplifiées [13] et les sociétés européennes [14]. En dehors du Code de commerce et sans prétendre à l’exhaustivité, sont également visées, le plus souvent par un renvoi à l’article L. 242-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L9515IY3), les sociétés civiles de placement immobilier [15] ; les caisses d’épargne et de prévoyance [16] ; les sociétés de constructions [17] ; les entreprises d’assurance [18] ou les sociétés coopératives [19]. Les sociétés d’exercice libéral sont également concernées puisqu’elles peuvent revêtir la forme d’une SARL, d’une SA, d’une société par actions simplifiée ou d’une société en commandite par actions [20]. Ces diverses interventions législatives ont entraîné un développement anarchique de l’incrimination et de sa répression puisque certaines dispositions prévoient des peines distinctes de celles du Code de commerce [21] ou la répression de la tentative [22].
Le juge pénal retient une acception large des biens ou du crédit de la société. D’une part, tous les biens appartenant à la société sont concernés, corporels (matériel, mobilier) ou incorporels (créances [23], baux, brevets), meubles ou immeubles [24]. Parmi les comportements les plus fréquemment sanctionnés, il est possible de citer le dirigeant qui utilise du matériel ou du personnel de la société pour des constructions ou réparations à son domicile ; qui fait rémunérer par la société du personnel de maison [25], voire un détective privé [26] ; qui recourt à des emplois fictifs [27] ; qui se fait payer des dettes de jeu [28], des amendes pénales [29] ou des véhicules [30] ; qui s’octroie des rémunérations manifestement excessives [31] ou des prêts à un taux anormalement bas [32] ; qui s’attribue des redevances de cession de brevets ayant dû revenir à la société [33], qui s’approprie des sommes versées en paiement de marchandises [34], qui vend à un proche un bien immobilier appartenant à la société à un prix inférieur à sa valeur [35], ou même qui puise directement dans la caisse de la société [36], etc.
L’atteinte au crédit social, qui porte sur la capacité de la société à emprunter, garantir ou cautionner [37], s’apparente à une atteinte différée, voire potentielle, à l’actif social : « C'est l'aléa du décaissement qui caractérise l'abus de crédit » [38] et il importe peu que ce risque de décaissement se réalise ou non. Il suffit d’avoir exposé le patrimoine de la société à un risque auquel elle ne devait pas être soumise pour que le délit soit constitué [39].
Dès lors, se dessine un curieux partage répressif puisque les détournements affectant le patrimoine des autres formes sociales relèvent du délit de droit commun d’abus de confiance : tel est le cas pour les sociétés de personnes (sociétés en nom collectif, sociétés en commandite simple), les sociétés en participation [40], les sociétés de fait [41] ou encore, les sociétés de droit étranger [42]. Toutefois, les immeubles sont exclus du champ de l’abus de confiance, la jurisprudence refusant de les considérer comme des biens « quelconques », même si des avancées apparaissent à l’égard d’infractions proches [43]. La frontière entre l’abus de confiance et l’abus de biens sociaux n’est cependant pas étanche dans la mesure où le juge répressif « retient l’abus de confiance lorsque le comportement du dirigeant social a préjudicié essentiellement non pas à la société mais aux associés ou aux tiers » [44]. Ainsi en est-il du détournement de fonds confiés par un souscripteur à un gérant de SARL en vue d’une augmentation de capital et finalement affectés à la trésorerie générale de la société pour en apurer les dettes [45].
Dans ce contexte, une harmonisation des qualifications pénales des détournements de l’actif social des différents types de sociétés commerciales serait envisageable. Une alternative possible consisterait soit à élargir le champ d’application du délit d’abus de biens sociaux, à l’instar de l’article L. 247-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L6478AIR), relatif au liquidateur, qui figure dans un chapitre VII du Code de commerce intitulé « Des infractions communes aux diverses formes de sociétés » ; soit à procéder à une « regénéralisation » [46] de la matière afin de soumettre tous les détournements de biens d’une société in bonis au délit d’abus de confiance. Le droit pénal y gagnerait assurément en clarté mais ce qui apparaît juridiquement souhaitable risque d’être considéré comme politiquement indésirable, d’aucuns risquant d’y voir une dépénalisation excessive du droit des sociétés, pour ne pas dire une amnistie pure et simple de certains comportements ou de certaines personnes.
B. Une convergence latente pour les atteintes au patrimoine de la société en cessation des paiements
Parmi les différents comportements incriminés par l’article L. 654-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3433IC7), le détournement ou la dissimulation de l’actif du débiteur interpelle puisqu’ils évoquent clairement l’élément matériel des délits d’abus de confiance et d’abus de biens sociaux. Aussi n’est-il pas étonnant de retrouver ici des illustrations similaires à celles précédemment évoquées pour l'abus de biens sociaux, ce cas de banqueroute pouvant se manifester par des comportements tels que : des retraits de fonds non justifiés [47], l’octroi de rémunérations excessives au vu de la situation financière de l’entreprise [48], la non-restitution d’un véhicule appartenant à la société [49], le financement de la réfection de sa maison avec des fonds sociaux [50], la vente d’un fonds de commerce appartenant à la société en utilisant le prix de vente à des fins personnelles [51], la cession de matériel à une autre société dans laquelle le dirigeant a des intérêts [52], le détournement de règlements de clients et des contrats de construction constituant le patrimoine social [53] ou la vente d’une immeuble pendant la période suspecte, à un prix très inférieur à son prix d’acquisition [54].
Plus généralement, l’article L. 654-2 du Code de commerce incrimine différents comportements qui semblent caractériser des formes d’abus de biens ou de pouvoirs, à l’instar des abus de gestion. Le débiteur, dirigeant social, n’abuse-t-il pas de ses pouvoirs lorsqu’il réalise des achats en vue d’une revente en dessous du cours, lorsqu’il emploie des moyens ruineux ou lorsqu’il tient une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière voire inexistante ? Et n’abuse-t-il pas des biens sociaux lorsqu’il détourne ou dissimule une partie de l’actif voire lorsqu’il augmente frauduleusement le passif ? C’est dire que les délits de banqueroute et d’abus de biens sociaux, ou d’abus de confiance, semblent se recouper au-delà du seul détournement d’actifs.
Une limite à cette superposition apparaît cependant à propos des comportements d’abstention : alors que la jurisprudence retient l’abus de confiance en cas de simple omission [55] et admet que « l’usage des biens ou du crédit de la société contraire à l’intérêt de celle-ci (puisse) résulter non seulement d’une action, mais aussi d’une abstention volontaire » [56], elle refuse de considérer que la banqueroute par détournement d’actif puisse résulter d’une abstention et, notamment, du fait que le débiteur aurait laissé perdre une créance, après le jugement d’ouverture de la procédure collective [57] ce qui n’apparaît guère protecteur de l’intérêt des créanciers sociaux. Il en va différemment pour la banqueroute par dissimulation d’actifs qui peut résider dans le fait de ne pas remettre au liquidateur ni au repreneur de la société les codes sources permettant de faire évoluer, en fonction des besoins de la clientèle, les logiciels qui figurent à l’actif du bilan de la société [58]. Cependant, la dissimulation se distingue difficilement du détournement dans la mesure où dissimuler tout ou partie de l’actif social revient à en faire un usage autre que celui prévu.
La similarité des comportements incriminés au titre de la banqueroute et de l’abus de biens sociaux, ou de l’abus de confiance, aurait dû conduire la jurisprudence à mettre en place un critère de distinction simple, par exemple l’antériorité ou la postériorité du détournement par rapport à la cessation des paiements, en rappelant que le juge pénal n’est pas lié par la date de cessation des paiements retenu par la juge commercial ou civil. L’abus de biens sociaux, ou l’abus de confiance, serait retenu dans la première situation et la banqueroute dans la seconde. Pourtant, la jurisprudence décide que les qualifications de banqueroute et d’abus de biens sociaux sont incompatibles [59], ce qui suppose la survenance de situations dans lesquelles les deux qualifications ont vocation à s’appliquer cumulativement. Si la banqueroute doit être seule retenue lorsque les faits poursuivis sont postérieurs à la date de cessation des paiements [60] la situation se complique lorsque lesdits faits sont antérieurs à cette date. Par principe, l’abus de biens sociaux devrait être retenu[61] mais la banqueroute peut l’être aussi dès lors, selon la Chambre criminelle, que les faits « ont pour objet ou pour effet soit d’éviter ou de retarder la constatation de cet état, soit d’affecter la consistance de l’actif disponible, dans des conditions de nature à placer l’intéressé dans l’impossibilité de faire face au passif exigible » [62].
En retenant, même sous certaines conditions, la banqueroute plutôt que l’abus de biens sociaux pour des faits antérieurs à la cessation des paiements la jurisprudence crée un concours idéal de qualifications. Dans cette situation, seule la qualification emportant la peine la plus élevée devrait être retenue, en l’occurrence l’abus de biens sociaux. Il pourrait en aller différemment si les deux qualifications en concours protégeaient des valeurs sociales distinctes, car il conviendrait alors de faire application des règles du concours réel d’infractions [63], c’est-à-dire de retenir les deux infractions et de cumuler les peines de même nature dans la limite de la plus grave encourue. Si l’on estime que la banqueroute porte atteinte au crédit social [64], force est de constater qu’elle ne fait que recouper l’abus de gestion portant sur le crédit de la société, qui n’est qu’une composante de l’intérêt social. Les règles du concours réel d’infractions pourraient être retenues en cas de conflit de qualification avec l’abus de confiance qui semble protéger deux valeurs distinctes, la propriété et la confiance, mais avec une « prédominance » [65] de la première sur la seconde.
Telle n’est cependant pas la solution retenue par la jurisprudence pénale qui retient le seul délit de banqueroute en pareille situation. Cette solution n’apparaît guère convaincante car, en prenant en considération la survenance d’un événement postérieur au détournement d’actifs, la cessation des paiements, pour en déterminer la qualification applicable, cette jurisprudence s’éloigne du principe selon lequel cette qualification doit se faire au temps de l’action. Il est permis de se demander si cette prédilection jurisprudentielle pour la banqueroute lorsque les faits sont antérieurs à la cessation des paiements, ne procéderait pas d’une certaine facilité répressive, dans la mesure où la banqueroute ne suppose pas de caractériser la recherche d’un intérêt personnel. L’interrogation ne semble cependant pas valoir pour l’abus de confiance qui ne nécessite pas la caractérisation de cet intérêt personnel, ce qui tendrait à rapprocher ce délit de celui de banqueroute. Pourtant, la jurisprudence décide que « s'il appartient au juge répressif de restituer aux faits dont il est saisi leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits et circonstances non compris dans la poursuite (or) les éléments constitutifs du délit d'abus de confiance, différents de ceux de la banqueroute par détournement d'actif, n’étaient pas compris dans la poursuite » [66].
Qui plus est, le choix de la qualification d’abus de confiance, d’abus de biens sociaux ou de banqueroute n’est pas neutre au regard des sanctions, pénales ou civiles, qui peuvent en découler [67].
II. Patrimoine des sociétés et divergences des sanctions
Si ces divergences apparaissent relatives à l’égard des sanctions répressives (A), elles s’avèrent excessives à l’égard des sanctions réparatrices (B).
A. Divergences relatives des sanctions répressives
Les peines principales encourues pour les infractions examinées divergent peu, en particulier depuis que la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 (N° Lexbase : L2698LZX) [68] a aligné la durée de la peine d’emprisonnement de l’abus de confiance sur celle prévue pour l’abus de biens sociaux et la banqueroute, c’est-à-dire cinq ans. Les peines d’amende varient davantage puisqu’elles sont de 375 000 pour l’abus de confiance et l’abus de biens sociaux, mais seulement de 75 000 euros pour la banqueroute, sans doute afin de tenir compte de la situation de cessation des paiements du débiteur à la procédure collective, ce qui peut ne pas convaincre précisément lorsque le débiteur a détourné des éléments d’actifs.
Les circonstances aggravantes sont plus diversifiées puisque l’abus de confiance peut être puni de sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsqu’il est réalisé dans l’une des quatre circonstances énumérées par l’article 314-2 du Code pénal (N° Lexbase : L0466DZB), voire de dix ans d’emprisonnement et 1,5 million d’euros d’amende lorsqu’il est commis réalisé « par un mandataire de justice ou par un officier ministériel soit dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, soit en raison de sa qualité » [69]. Pour l’abus de biens sociaux, stricto sensu, il aura fallu attendre la loi n° 2013-1117, du 6 décembre 2013 (N° Lexbase : L6136IYW) [70], pour que cette infraction soit assortie d’une circonstance aggravante et punie « de sept ans d'emprisonnement et de 500 000 euros d'amende lorsqu'elle a été réalisée ou facilitée au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger, soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ». Quant à la banqueroute, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque l’auteur est le dirigeant d’une entreprise prestataire de service d’investissement ou prestataire de service d’investissement [71].
Parmi les peines complémentaires prévues par le Code pénal, l’interdiction d’exercer une activité industrielle ou commerciale, ou de diriger une société devrait logiquement accompagner les dirigeants sociaux qui ont abusé de leurs pouvoirs ou des biens de la société. L’article 314-10, 2° du Code pénal (N° Lexbase : L2467IBY) prévoit une peine de cette nature pour l’auteur d’un abus de confiance : « L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 (N° Lexbase : L9467IYB), soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ». Aussi est-il surprenant qu’une disposition rigoureusement identique figure à l’article L. 249-1 du Code commerce (N° Lexbase : L2526IB8) en droit des sociétés commerciales ainsi qu’à l’article L. 654-5 du même code (N° Lexbase : L2532IBE) pour la banqueroute, la divergence étant ici purement formelle, donc artificielle : un renvoi à l’article 131-27 du Code pénal pourrait être utilement opéré [72].
S’agissant spécifiquement de la banqueroute, et suite à une évolution [73] que l’on pourrait qualifier de chaotique, le juge pénal se trouve aujourd’hui privé de la possibilité de prononcer la faillite personnelle de l’article L. 653-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L4144HB4) et l’interdiction de gérer de l’article L. 653-8 du même code (N° Lexbase : L2082KG9) qui relèvent de la compétence des seules juridictions civiles ou commerciales [74]. Sans doute conviendrait-il de fusionner ces deux « sanctions ayant le caractère d’une punition » [75] qui se recoupent largement. Il serait possible de préciser, par exemple, que la faillite personnelle « emporte l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci » et de l’étendre aux deux autres situations actuellement visées aux alinéas 2 et 3 de l’article L. 653-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L2082KG9).
Par ailleurs, dès lors que l’action publique a été émise en mouvement du chef de banqueroute, il conviendrait de permettre à la juridiction répressive de recourir à cette sanction, à titre de peine complémentaire [76]. Dans cette perspective, l’alternative pourrait être la suivante : soit revenir à la rédaction de l’ancien article L. 626-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L9523ICP), antérieur à la loi la loi no 2005-845, du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT) [77], qui disposait notamment que « lorsqu'une juridiction répressive et une juridiction civile ou commerciale ont, par des décisions définitives, prononcé à l'égard d'une personne la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 625-8 à l'occasion des mêmes faits, la mesure ordonnée par la juridiction répressive est seule exécutée » ; soit préciser que lorsque la juridiction répressive et la juridiction civile ou commerciale ont prononcé cette sanction par des décisions définitives, leurs durées peuvent se cumuler dans la limite du maximum légal de quinze ans prévu par l’article L. 653-11, al. 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3328ICA), afin d’être en conformité avec le principe de stricte nécessité des peines [78].
Par ailleurs, lorsque la personne condamnée pour banqueroute est le dirigeant d’une entreprise prestataire de service d’investissement, ou lorsqu’il est prestataire de service d’investissement, il s’expose à la peine accessoire de l’article L. 500-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8171LSG) qui prévoit une interdiction de diriger, gérer, administrer, d’être membre d'un organe collégial de contrôle de certains organismes, ou de disposer du pouvoir de signer pour le compte de cet organisme [79]. Toutefois, la condamnation qui déclenche l’application de cette peine doit comporter une peine d'emprisonnement ferme ou d'au moins six mois avec sursis. Le juge peut donc éviter le déclenchement de cette peine accessoire en prononçant une peine d’emprisonnement inférieure aux seuils requis. Dans le cas contraire, il n’est pas dépourvu de tout pouvoir d’appréciation puisqu’il peut « en réduire la durée » [80]. Pour autant, les remarques précédemment formulées à propos des interdictions professionnelles figurant dans le Code de commerce peuvent être reprises à propos de l’article L. 500-1 du Code monétaire et financier. D’abord, il peut sembler incongru qu’une peine accessoire puisse subsister alors que ce type de peine est en principe prohibé par l’article 132-17 du Code pénal (N° Lexbase : L3757HGA). Toutefois, l’article 132-21, alinéa 2 du même code (N° Lexbase : L3759HGC) prévoit le relèvement possible des interdictions, déchéances ou incapacités résultant « de plein droit, en raison de dispositions particulières, d’une condamnation pénale » et l’article L. 500-1 du Code monétaire et financier n’est pas la seule disposition particulière à contenir une peine résultant de plein droit d’une condamnation pénale[81]. Ensuite, il conviendrait de ramener cette interdiction professionnelle dans le giron de l’article 131-27 du Code pénal et d’en faire une peine complémentaire afin d’éviter une possible inconstitutionnalité [82] de l’article L. 500-1 qui, dans sa rédaction actuelle, pourrait s’avérer incompatible avec le principe de nécessité des peines ou constituer une entrave excessive à la liberté d’entreprise.
B. Divergence excessive des sanctions réparatrices
Deux régimes coexistent pour la réparation des préjudices résultant d’une atteinte au patrimoine social : le régime général de l’article 2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9908IQZ) pour l’abus de confiance ou l’abus de biens sociaux, et le régime spécial prévu par l’article L. 654-17 du Code commerce (N° Lexbase : L4163HBS) pour la banqueroute
1) Les personnes recevables à exercer l’action civile du chef des infractions d’abus de confiance et d’abus de biens sociaux.
Lorsque la société est in bonis, deux infractions ont vocation à s’appliquer : l’abus de biens sociaux, s’il s’agit d’une société de capitaux, et l’abus de confiance, s’il s’agit d’une société de personnes. Or la jurisprudence ne soumet pas l’action civile du chef de l’une ou l’autre de ces infractions au même régime.
Concernant l’abus de biens sociaux, la Chambre criminelle affirme que « les abus de biens sociaux portent atteinte non seulement aux intérêts des associés, mais aussi à ceux des tiers qui contractent à avec elle (sic) » [83] mais encore convient-il de distinguer entre les atteintes directes et indirectes portées à ces différents intérêts. L’action de la société victime des détournements est bien évidemment recevable, qu’elle soit exercée ut universi par le représentant légal de la société, son dirigeant le plus souvent, du moins s’il n’est pas lui-même auteur de l’infraction ou qu’elle soit exercée ut singuli par un ou plusieurs associés ou actionnaires [84]. Normalement destinée à pallier la carence des organes statutaires dans la protection des intérêts sociaux, l’action sociale ut singuli suppose que les associés ou les actionnaires agissent, à leurs frais, comme des mandataires occasionnels de la personne morale : les éventuels dommages-intérêts obtenus rejoignent donc le patrimoine de la société. Cette action est largement accueillie par la jurisprudence pénale, peut-être en compensation du rejet de l’action civile personnelle des associés ou des actionnaires [85]. D’une part, la Chambre criminelle semble atténuer le caractère subsidiaire de l’action ut singuli, en admettant sa recevabilité alors que le représentant légal, présent en première instance, n’interjette pas appel de la décision [86]. D’autre part, elle admet que cette action puisse être exercée, au sein d’un groupe de sociétés, par l’actionnaire minoritaire de la société mère, elle-même actionnaire de l’une de ses filiales victime d’un abus de biens sociaux [87]. L’action ut singuli est également recevable à l’encontre des complices et receleurs de l’abus de biens sociaux, alors même que l’action publique serait éteinte à l’égard de l’auteur de l’infraction principale [88]. Deux situations particulières peuvent encore être évoquées : dans le cadre d’un groupe de sociétés, c’est la société mère qui a qualité pour agir en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de l’abus de biens subi par sa filiale à 100 % [89] et, en cas de fusion-absorption, c’est la société absorbante qui est recevable à se constituer partie civile en raison du préjudice qu’elle subit [90].
À l’opposé, mais de façon tout aussi constante, la Chambre criminelle déclare irrecevable l’action civile des créanciers sociaux [91], ou celle des salariés [92], au motif qu’ils ne subissent qu’un préjudice indirect dont la réparation ne peut être demandée que devant les juridictions civiles [93]. En revanche, est recevable l’action du liquidateur désigné comme représentant des créanciers sociaux en cas de liquidation de la société victime d’un abus de biens sociaux, tant qu’il n’a pas été procédé à la clôture des opérations de liquidation [94]. Pourtant, il a été rappelé que lorsque les détournements d’actifs ont eu pour objet ou pour effet d’aboutir à l’ouverture d’une procédure collective, c’est la qualification de banqueroute que la jurisprudence privilégie [95].
Quant à l’action civile des associés ou des actionnaires, elle a connu une évolution plus contrastée. Leur action civile a d’abord été rejetée [96], puis largement admise [97], au motif que leur préjudice personnel, distinct du préjudice social, consistait essentiellement en une privation de bénéfice ou une perte de valeur de leurs actions découlant directement de l’infraction [98]. Toutefois, leur action a de nouveau été déclarée irrecevable en raison du caractère indirect du préjudice subi [99]. Les associés ou les actionnaires ne se trouvent pas complètement démunis dans la mesure où le juge pénal accueille l’action en réparation de leur préjudice personnel du chef de présentation ou de publication de comptes annuels infidèles [100]. Il a justement été remarqué que « cela leur sera d’autant plus facile que, bien souvent, la passation inexacte d’écritures comptables servira au dirigeant social indélicat à dissimuler la destination des fonds détournés, objet de l’abus » [101].
S’agissant des préjudices réparables, le juge pénal se montre accueillant puisqu’il admet que la société puisse subir un préjudice moral [102], même si c’est le préjudice matériel qui est le plus souvent retenu. Ce préjudice correspond, classiquement, au montant de l'abus de gestion et doit être intégralement réparé [103]. L’appréciation de son montant relève de l’appréciation souveraine des juges du fond [104] qui peuvent, par exemple, réparer le préjudice résultant du règlement de factures de prestations fictives de formations émises par la société du prévenu pour couvrir les détournements d'actif auxquels il se livrait dans son seul intérêt personnel, sans tenir compte du montant des subventions dont la société a indûment bénéficié sur le fondement de ces formations fictives [105]. En revanche, il ne saurait être question de condamner le prévenu à rembourser l'intégralité des rémunérations qu'il a perçues alors que seul l'excès de ces rémunérations est préjudiciable à la société [106]. En tout état de cause, il importe peu que le prévenu n'ait pas profité de la totalité de ces détournements [107].
Le dirigeant coupable doit rembourser les sommes détournées mais également verser des dommages-intérêts à la société [108], étant précisé que la société ne saurait être mise en cause en raison du soutien financier qu'elle a pu apporter à ses dirigeants mis en examen, ni par la défaillance des organes de contrôle, ni même par l'accroissement de ses bénéfices lié aux agissements reprochés [109].
Il convient cependant de prendre en considération le revirement intervenu par un arrêt de la Chambre criminelle du 25 juin 2014 [110], rendu dans l’affaire Kerviel à propos du délit d’abus de confiance. La Cour de cassation décide, aux visas de l’article 2 du Code de procédure pénale et de l’article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1018KZQ) que « lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l'appréciation appartient souverainement aux juges du fond ». C’est dire, désormais, que la victime d’une infraction intentionnelle contre ses biens peut se voir opposer sa faute de négligence, dont l’impact causal relève de l’appréciation souveraine des juges du fond [111]. Plus précisément, la négligence de la société aura une incidence sur l'étendue de son droit à réparation. Se pose néanmoins la question de savoir quelle personne physique, organe ou représentant, devra avoir commis cette négligence pour que celle-ci puisse être imputée à la personne morale. Il ne saurait s’agir du dirigeant poursuivi pour les raisons précédemment indiquées. Aussi, ne peut-il s’agir que des autres organes de direction ou de gestion de la société, ce qui devrait fortement les inciter à s’impliquer dans la gestion de la société.
S’agissant de l’abus de confiance, l’action civile est largement ouverte « non seulement au propriétaire, mais encore aux détenteurs et possesseurs des effets ou des deniers détournés » [112]. Dans ces conditions, est recevable l’action civile d’une société en charge de la gestion des comptes de ses clients, pour les malversations commises à leur détriment par ses dirigeants [113], ou celle d’une banque dont un employé détourne les fonds déposés par les clients sur leurs comptes [114]. Il en va de même, selon la Chambre criminelle, en cas de détournements commis par l’associé en nom collectif, occasionnant un préjudice personnel et direct aux autres associés qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales [115]. Pourtant, l’on discerne mal en quoi l’associé d’une société de personnes subirait un préjudice plus direct, ou moins indirect, que celui d’une société de capitaux. Il répond, certes, indéfiniment et solidairement des dettes sociales mais il ne le fait que de façon subsidiaire [116]. En cas de détournement de l’actif social, l’obligation à la dette n’est donc que la conséquence de l’appauvrissement de la société, ce qui semble établir le caractère indirect du préjudice subi par l’associé en nom collectif et, partant, l’irrecevabilité de sa constitution de partie civile au regard des exigences de l’article 2 du Code de procédure pénale.
2) Les personnes recevables à exercer l’action civile du chef de banqueroute
L’article L. 654-17 du Code de commerce énumère limitativement les personnes recevables à se constituer partie civile du chef de banqueroute : l'administrateur, le mandataire judiciaire, le représentant des salariés, le commissaire à l'exécution du plan, le liquidateur ou, enfin, la majorité des créanciers nommés contrôleurs agissant dans l'intérêt collectif des créanciers lorsque le mandataire de justice ayant qualité pour agir n'a pas agi, selon l’article R. 654-1 du Code de commerce, après une mise en demeure restée sans suite pendant deux mois. L’article L. 641-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L7329IZH) prévoit, par ailleurs, que le débiteur en liquidation judiciaire « peut se constituer partie civile dans le but d’établir la culpabilité de l’auteur d’un crime ou d’un délit dont il serait victime, s’il limite son action à la poursuite de l’action publique sans solliciter de réparation civile ». Ce texte vise n'importe quelle infraction et pas uniquement celles liées à la procédure collective.
En dehors de ces cas légaux, toute autre constitution de partie civile devrait être déclarée irrecevable et la Chambre criminelle considère comme telle l’action civile des salariés [117] ou celle d’un agent judiciaire du Trésor qui « ne figure pas au nombre des personnes que l'article L. 654-17 du Code du commerce autorise seules, par dérogation à l'article 2 du Code de procédure pénale, à se constituer partie civile du chef de banqueroute » [118].
La question se pose de savoir si la société ne pourrait pas également être considérée comme victime du délit de banqueroute et se constituer partie civile de ce chef. La réponse apparaît négative dans la mesure où l’article L. 654-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3411ICC) prévoit la responsabilité pénale de la personne morale. Par conséquent, si les conditions de l’article 121-2 du Code pénal (N° Lexbase : L3167HPY) sont réunies, la société peut se voir imputer le délit de banqueroute. Toutefois, une doctrine autorisée estime qu’ « il est permis de penser qu'en pratique, c'est le président ou le gérant, personne physique, qui peut engager sa propre responsabilité pénale pour cette infraction. En effet, c'est lui qui aura omis de faire tenir régulièrement une comptabilité, aura eu recours à des moyens ruineux de se procurer des fonds ou aura détourné un élément d'actif. En revanche, l'administrateur est plus mal placé pour commettre un tel délit, dès lors qu'il ne fait que participer à une décision collective et qu'il n'aura pas accès aux comptes bancaires ou ne pourra pas appréhender certains éléments d'actif […]. À notre sens, seule la personne physique devrait être recherchée pénalement, tandis que la personne morale pourrait être poursuivie pour recel ou être garante des réparations civiles » [119].
À l’instar de l’abus de biens sociaux, la personne morale apparaît davantage comme une victime des détournements d’actifs opérées par son dirigeant, surtout lorsque ces comportements interviennent avant la cessation des paiements et qu’ils conduisent la personne morale à une telle situation. D’ailleurs, même lorsque les détournements de l’actif social interviennent après la date de cessation des paiements, peut-on véritablement considérer que la banqueroute a été commise « pour le compte » de la personne morale, au sens de l’article 121-2 du Code pénal ? Dans un arrêt, qui semble isolé, du 22 septembre 2010 [120], la Chambre criminelle approuve les juges du fond, lesquels ont déclaré coupable de banqueroute une banque dont le directeur, ayant par ailleurs la qualité de gérant de fait d'une SCI mise en liquidation judiciaire, avait employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds dans l'intention de retarder l'ouverture de la procédure collective dont cette société avait fait l'objet. Il était ainsi reproché à la banque d’avoir « artificiellement maintenu les crédits en compte courant, dans le but de réaliser des actifs à son profit et de réduire ainsi le débit de ce compte ». Il a été justement souligné que « la banque aurait dû être condamnée, en l'espèce, pour complicité du délit de banqueroute et non en tant qu'auteur principal » [121].
Ce régime spécifique de l’action civile, dérogatoire à l’article 2 du Code de procédure pénale se justifierait par le fait que « le délit de banqueroute porte atteinte au crédit social, et non à l’intérêt social, les personnes recevables à se constituer partie civile du chef de ce délit diffèrent largement de celles l’étant du chef d’abus de biens sociaux » [122]. L’explication n’emporte pas pleinement la conviction dans la mesure où les dispositions relatives aux abus de gestion visent expressément l’abus du crédit de la société [123]. Faudrait-il alors considérer que ce sont davantage les créanciers sociaux qui seraient protégés par l’incrimination de la banqueroute [124] dans la mesure où, ayant fait « crédit » à l’entreprise, leur confiance aurait été abusée ? Une telle approche pourrait expliquer les solutions divergentes relatives au fait justificatif tiré de l’existence d’un groupe de sociétés, selon qu’il s’agit d’un abus de biens sociaux [125] ou d’une banqueroute [126], mais elle se heurte à une objection dirimante : les créanciers sociaux ne figurent pas dans la liste de l’article L. 654-17, contrairement à l’ancien article 137 de la loi du 13 juillet 1967 [127]. Par conséquent, ces derniers sont en principe irrecevables à se constituer partie civile du chef de banqueroute [128], sauf à ce qu’ils puissent invoquer, par voie d’intervention, un préjudice distinct du montant de la créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre son débiteur et découlant directement de l’infraction [129]. Tel semble être le cas, par exemple, de la perte de chance de récupérer leur créance [130], ou « si les sommes perçues (viennent) en déduction du montant des créances arrêtées dans le cadre de la procédure collective […] de sorte qu’ils ne percevront pas une double indemnisation » [131]. La jurisprudence admet également la recevabilité de l’action en réparation du chef de banqueroute par détournement d’actifs contre des dirigeants sociaux déjà condamnés dans le cadre d’une action en comblement d’insuffisance d’actif, les deux actions, qui possèdent un objet différent, pouvant se cumuler [132].
Cette propension du juge pénal à sortir du carcan de l’article L. 654-17 se retrouve également à propos du cessionnaire des actifs sociaux puisque la Chambre criminelle a décidé que « l’article L. 654-17 du Code de commerce n’interdit pas que toute personne ayant personnellement souffert des conséquences directes d’une banqueroute puisse se constituer partie civile pour obtenir réparation de son préjudice et que le cessionnaire des actifs de la société en redressement judiciaire subit un préjudice direct résultant du détournement de certains actifs, objet de la cession » [133].
Quant aux associés ou aux actionnaires, Il semble possible d’adopter un raisonnement identique à celui retenu pour l’abus de biens sociaux, même si « la Haute juridiction n’a pas clairement tranché la difficulté » [134]. Il s’agirait de distinguer selon qu’ils agissent ut singuli pour demander la réparation du préjudice subi par la société, auquel cas leur action semble recevable [135], ou qu’ils demandent la réparation de leur préjudice personnel, auquel cas leur action est irrecevable [136], sauf à ce « qu'ils invoquent un préjudice distinct du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre leur débiteur et résultant directement de l'infraction » comme l’a récemment décidé la Chambre criminelle [137].
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Au terme de cette étude, une certaine perplexité demeure non pas sur le principe même de l’intervention du droit pénal pour protéger le patrimoine des sociétés, mais sur les modalités de cette intervention, spécialement à l’égard des détournements d’actifs. Il semblerait judicieux de ne retenir qu’une seule infraction pour appréhender la situation des sociétés in bonis. Il conviendrait également de s’interroger davantage sur le statut d’auteur ou de victime de banqueroute d’une société faisant l’objet d’une procédure collective.
La perplexité persiste encore sur les modalités de l’action civile du chef des infractions étudiées. Le juge pénal semble parfois adopter une position extensive lorsque cette action se fonde sur la disposition dérogatoire du droit des procédures collectives prévue par le Code de commerce, alors qu’il semble retenir une position restrictive lorsque cette action se fonde sur la disposition générale de l’article 2 du code de procédure pénale, ce qui ne participe guère d’une protection optimale du patrimoine social.
[1] Voir Ph. Conte et W. Jeandidier, Droit pénal des sociétés commerciales, LexisNexis Litec, coll. Affaires-Finances, 2004, pp. 4 à 8 ; M.-C. Sordino, Rev. Lamy dr. aff., 2021, p. 408-410.
[3] C. com., art. L. 621-1 (N° Lexbase : L2762LBW).
[4] Ibid.
[5] R. Merle et A. Vitu, Droit pénal spécial par A. Vitu, Traité de droit criminel, Cujas 1982, p. 1794, n° 2205.
[6] De l’italien banca rotta, signifiant littéralement « banc rompu ».
[7] V. Verdier, L'abus de mandat social : abus des biens et du crédit de la société ; abus des pouvoirs, in Le droit pénal des sociétés anonymes, D., 1955, p. 184.
[8] W. Jeandidier, Abus des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix, JCl Sociétés, fasc. 60, §1.
[9] Alors, par exemple, que l’infraction de répartition de dividendes fictifs existait dès la loi du 24 juillet 1867 : en ce sens J.-H. Robert et H. Matsopoulou, Traité de droit pénal des affaires, coll. Droit fondamental, PUF, 2004, p. 471.
[10] Cf. C. com., actuels art. L. 241-3, 4° et 5° (N° Lexbase : L9516IY4) et L. 242-6, 2° et 3° 6 (N° Lexbase : L9515IY3). D’une certaine manière, toute infraction commise par un dirigeant social, ès-qualité, ne relève-t-elle pas d’un abus des biens de la société ou du pouvoir qu’il détient au sein de celle-ci ?
[11] D. Rebut, V° Abus de biens sociaux, éléments constitutifs, Rép. pén. Dalloz n° 144.
[12] C. com., art. L. 243-1 (N° Lexbase : L6446AIL).
[13] C. com., art. L. 244-1 (N° Lexbase : L5772ISL).
[14] C. com., art. L. 244-5 (N° Lexbase : L3844HBY).
[15] C. mon. fin., art. L. 231-11 (N° Lexbase : L3727APQ).
[16] C. mon. fin., art. L. 512-87 (N° Lexbase : L9606DYG) et L. 512-90 (N° Lexbase : L4967IZY).
[17] CCH, art. L. 241-6 (N° Lexbase : L7297ABU) et L. 313-32 (N° Lexbase : L7343LA9).
[18] C. assur., art. L. 328-3 (N° Lexbase : L7040IAY).
[19] Loi n° 47-1775, du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération, art. 26, al. 3 (N° Lexbase : L4471DIG).
[20] Loi n° 90-1258, du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, art. 1er (N° Lexbase : L3046AIN).
[21] CCH, art. L. 241-6 (N° Lexbase : L7297ABU) : 5 ans et 18 000 euros ; CCH, art. L. 313-32 : 5 ans et 150 000 euros (N° Lexbase : L7343LA9).
[22] CCH, art. L. 241-6. V. égal. C. com., art. L. 247-8 (N° Lexbase : L6478AIR), qui punit le liquidateur d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de … 9000 euros.
[23] Encore que, pour les créances, la jurisprudence privilégie l’abus de pouvoirs : Cass. crim., 15 mars 1972, n° 71-91.378 (N° Lexbase : A6940AG7) : B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1973, p. 357. Cependant, pour le détournement de clientèle : Cass. crim., 8 janvier 1998, n° 96-86.640 (N° Lexbase : A5235CPL) ; comp. Cass. crim., 19 novembre 1979, n° 78-91.77 (N° Lexbase : A3506AGX) ; Cass. crim., 10 janvier 1994, n° 92-86.380 (N° Lexbase : A6197CQL).
[24] Cass. crim., 19 octobre 1971, n° 70-90.661 (N° Lexbase : A1689CIE) pour la vente, à l’épouse de l’un des dirigeants sociaux, d’un immeuble appartenant à la société à un prix inférieur aux évaluations réalisées.
[25] Cass. crim., 26 juin 1978, n° 77-92.833 (N° Lexbase : A3465AGG) : JCP 1978, IV, 273.
[26] Cass. crim., 20 février 2002, n° 01-86.329, F-P+F (N° Lexbase : A1903AY7) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 2002, p. 546
[27] Cass. crim., 28 mai 2003, n° 02-83.544, FS-P+F+I (N° Lexbase : A8644C8N) : J.-F. Barbiéri, note, Bull. Joly 2003, p. 1147.
[28] Cass. crim., 6 mars 1974, n° 73-90640 (N° Lexbase : A2946CG9).
[29] Cass. crim., 3 février 1992, n° 90-85.431 (N° Lexbase : A0375ABI).
[30] Cass. crim., 26 février 1998, n° 96-86.505 (N° Lexbase : A4746C38) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés, 1998, p. 604
[31] Cass. crim., 22 septembre 2004, F-D (N° Lexbase : A1435WTC) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2005, comm. 177.
[32] Cass. crim., 26 juin 1978, n° 77-92.833 (N° Lexbase : A3465AGG).
[33] Cass. crim., 14 novembre 1973, n° 72-93.925 (N° Lexbase : A9810AGG) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés, 1974, p. 550.
[34] Cass. crim., 16 mars 1970, n° 95-84.315 (N° Lexbase : A2549CIA) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 1970, p. 480.
[35] Cass. crim., 19 octobre 1971, op. cit.
[36] Cass. crim., 8 mars 1967, n° 65-93.757 (N° Lexbase : A5750CG3).
[37] Le délit peut être caractérisé vis-à-vis du dirigeant social faisant garantir par la société, par des sûretés réelles ou personnelles, des dettes personnelles (Cass. crim., 10 mai 1955, Bull. crim., no 234) ou de ses proches, comme par exemple sa maîtresse (Cass. Crim., 13 mars 1975, n° 91-95.574, Bull. n° 78 [numéro de pourvoi]).
[38] E. Joly et C. Joly-Baumgartner, L'abus de biens sociaux à l'épreuve de la pratique, Économica, 2002, p. 74.
[39] Cass. crim., 27 octobre 1997, n° 96-83.698, affaire Carignon (N° Lexbase : A4624AGD) : Bouloc, note, Revue des sociétés, 1997, p. 869 ; Robert, note, Dr. pén., 1998, comm. 21 ; M. Pralus, note, JCP 1998, II, 10017.
[40] Cass. crim., 28 octobre 1981, n° 80-95268 (N° Lexbase : A3724CK7) ; Cass. crim., 13 juin 1983, n° 81-95.011 (N° Lexbase : A9473ATZ).
[41] Cass. crim., 1er février 1972, n° 70-92.146 (N° Lexbase : A6234CEM) : J.-J. Burst, note, JCP 1973, II, 17304.
[42] Cass. crim., 3 juin 2004, n° 03-80.593 (N° Lexbase : A8112DCG).
[43] Comp. Cass. crim., 28 sept mbre 2016, n° 15-84.485, FS-P+B (N° Lexbase : A7125R4N) pour le recel d’un bien immobilier provenant d’une escroquerie.
[44] S. Détraz, V° abus de confiance, Rev. Lamy dr. aff., 2021, p. 173, § 435.
[45] Cass. crim., 9 janvier 1980, n° 79-91.056 (N° Lexbase : A6301A47) ; Cass. crim., 16 mars 1987, n° 86-91.200 (N° Lexbase : A7081AAI) ; Cass. crim., 28 mai 2008, n° 07-85.183.
[46] Rappr. Colloque, Faut-il regénéraliser le droit pénal (dir. G. Beaussonie), LGDJ 2015, coll. Grands colloques.
[47] Cass. crim., 23 octobre 1997, n° 96-84.717 (N° Lexbase : A1311ACK).
[48] Cass. crim., 18 juin 1998, n° 97-82.527 (N° Lexbase : A5006CWC) : J.-H. Robert, obs., JCP E, 1999, no 4, p. 174. ; plus récemment, Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-86.492, F-P+B+I (N° Lexbase : A48353KB).
[49] Trib. corr. Paris, 16 janvier 1986 : Gaz. Pal. 1986, 1, p. 138.
[50] Cass. crim., 18 juillet 1985, n° 84-91.797 (N° Lexbase : A4954AAQ).
[51] Cass. crim., 11 mai 1995, n° 94-83.515 (N° Lexbase : A8873ABA).
[52] Cass. crim., 7 décembre 1992, n° 91-83.937 (N° Lexbase : A4255CPB).
[53] Cass. crim., 5 octobre 1992, n° 91-86.770 (N° Lexbase : A0737ABW).
[54] Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-82.490.
[55] Cass. crim., 8 novembre 1982, n° 82-90.448 (N° Lexbase : A6744CGU), pour le détournement par un mandataire de fonds remis pour son mandant et qu’il omet de révéler afin de ne pas devoir les représenter.
[56] Cass. crim., 28 janvier 2004, (N° Lexbase : A0610DCL) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 2004, p. 722 ; comp. Cass. crim., 23 mars 2005 : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2005, comm. 91.
[57] Cass. crim., 12 janvier 2005, n° 04-80.513 : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2005, comm. 95.
[58] Cass. crim., 26 novembre 1998, n° 97-86.438 (N° Lexbase : A1380CKC).
[59] Voir notamment, M.-Ch. Sordino, Banqueroute par détournement d'actif et abus de biens sociaux : un conflit de qualifications... des solutions en "clair-obscur", Mélanges M. Cabrillac, 1999, Litec, p. 697 et s.
[60] Cass. crim., 27 octobre 1999, n° 98-85.651 (N° Lexbase : A3209C4M) : J.-H. Robert, note, JCP E, 2000, n° 26, p. 1045 ; Cass. crim., 30 juin 2004, n° 03-87427 (N° Lexbase : A8128DER) : J.-H. Robert, note, JCP E, 2004, n° 50, p. 1978 ; D. Rebut, obs., RSC, 2004, p. 895.
[61] Cass. crim., 18 juin 1998, n° 97-83.996 (N° Lexbase : A8964AG4) : J.-H. Robert, obs., JCP E, 1999, 174.
[62] Cass. crim. 21 septembre 1994, n° 93-85.544 (N° Lexbase : A2514CYR) : F. Dekeuwer, note, JCP E 1995, II, 690. Plus récemment, Cass. crim., 14 février 2007, n° 06-86.721 : .-H. Robert, obs., Dr. pénal. 2007, comm. 73.
[63] C. pén., art. 132-2 (N° Lexbase : L2178AMM) à 132-4 (N° Lexbase : L2256AMI).
[64] A. Lepage, P. Maistre du Chambon et R. Salomon, Droit pénal des affaires, LexisNexis Litec,5ème édit .2018, p. 596, n° 1140.
[65] S. Detraz, V° Abus de confiance, Lamy Droit pénal des affaires, 2021, p. 170, n° 428.
[66] Cass. crim., 9 février 2005, n° 04-81.419 ; Cass. crim., 3 novembre 2011, n° 10-88.832, F-D (N° Lexbase : A4641H3B).
[67] Cf. infra.
[68] Loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.
[69] C. pén., art. 314-3 (N° Lexbase : L1790AMA).
[70] Loi n° 2013-1117, du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
[71] C. com., art. L. 654-4 (N° Lexbase : L0432LG4).
[72] La remarque pouvant valoir pour d’autres dispositions de nature pénale, substantielles ou formelles (par exemple, art. L. 490-6 N° Lexbase : L2218LDI) du Code commerce, voire d’autres codes.
[73] Sur cette évolution voir notamment H. Matsopoulou, V° Banqueroute et autres infraction, JCl pénal des affaires, Fasc. 10, s, n° 69 à 85.
[74] Cf. Cons. const., décision n° 2016-570 QPC, du 29 septembre 2016 (N° Lexbase : A7361R4E) et Cons. const., décision n° 2016-573 QPC, 29 septembre 2016 (N° Lexbase : A7364R4I).
[75] Ibid.
[76] En ce sens, H. Matsopoulou, op. cit.
[77] Loi n° 2005-845, du 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises.
[78] Ibid.
[79] Ceux mentionnés aux articles L. 213-8 (N° Lexbase : L8811I3Q), L. 511-9 (N° Lexbase : L9739L4H), L. 517-1 (N° Lexbase : L2597LZ9), L. 517-4 (N° Lexbase : L4976IZC), L. 522-1 (N° Lexbase : L5149LGS), L. 531-1 (N° Lexbase : L0338LGM), L. 542-1 (N° Lexbase : L0148LTN) et L. 543-1 (N° Lexbase : L0374LGX) C. mon. fin.
[80] C. mon. fin., art. L. 500-1, IV.
[81] La remarque vaudrait, ici encore, pour d’autres dispositions parmi lesquelles : C. assur., art. L. 322-2 (N° Lexbase : L8181LSS) ; C. com., art. L. 123-11-3 (N° Lexbase : L8151LSP) ; C. com., art. L. 241-3 (N° Lexbase : L9516IY4) et CCH, L. 241-7 (N° Lexbase : L9778G8N).
[82] Malgré la « pusillanimité » du Conseil constitutionnel en ce domaine : E. Dreyer, Les incidences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la peine, Rev.Lamy dr. aff., septembre 2011, supplément au n° 63, spéc. p. 42.
[83] Cass. crim., 26 mai 1994, n° 93-84.615 (N° Lexbase : A8414ABA) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés, 1994, p. 771 ; Cass. crim., 23 mars 2005, J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2006, comm. 77.
[84] C. com., art. L. 225-252 (N° Lexbase : L2093LY8). V. Cass. crim., 19 octobre 1978, n° 77-92.742 (N° Lexbase : A3466AGH).
[85] Cf. infra.
[86] Cass. crim., 12 décembre 2000, n° 97-83/470 (N° Lexbase : A9289AT9) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., avril 2001, comm. 48.
[87] Cass. crim., 4 avril 2001, n° 00-80.406 (N° Lexbase : A3631CMG) : E. Scholastique, note, D., 2002, juris., p. 1475 ; J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2001, comm. 102.
[88] Cass. crim. 14 janvier 2009, n° 08-83.707, F-D (N° Lexbase : A8135R7G) : J.-H. Robert, obs., Dr. Pén., 2009, comm. 64.
[89] Cass. crim., 13 décembre 2000, n° 99-80.387 (N° Lexbase : A3245AUQ).
[90] Par ex. Cass. crim., 25 mai 1987, n° 85-94.968 (N° Lexbase : A3948AGC) ; plus récemment, Cass. crim., 15 février 2005, n° 04-81.923 (N° Lexbase : A9867HUY).
[91] Cass. crim., 24 avril 1971, n° 69-93.249 (N° Lexbase : A3030AUR) : JCP, 1971, II, 16890 ; B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 1971, p. 608.
[92] Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-84.765.
[93] Cass. crim., 9 novembre 1992, n° 92-81.432 (N° Lexbase : A0804ABE) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 1993, p. 433 ; Cass. crim., 27 juin 1995, n° 94-84.648 (N° Lexbase : A8934ABI) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 1995, p. 746 ; Cass. crim., 9 janvier 1996, n° 95-81.596 (N° Lexbase : A0741CQI) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 1996, comm. 110.
[94] Cass. crim., 12 octobre 1995, n° 95-80.730 (N° Lexbase : A9076ABR) ; Cass. crim., 12 juin 2012, n° 11-87.799, F-D (N° Lexbase : A9610IQY).
[95] Cf. supra.
[96] Cass. crim., 12 février 1959, n° 6435/56.
[97] Cass. crim., 6 janvier 1970, n° 68-92.397 (N° Lexbase : A3180AUC) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés, 1971, p. 25.
[98] Cass. crim., 11 janvier 1996, n° 95-80.018 (N° Lexbase : A9048ABQ) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 1996, comm. 110.
[99] Cass. crim., 13 décembre 2000, n° 99-80.387 (N° Lexbase : A3245AUQ) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2001, comm. 47 ; Cass. crim., 12 septembre 2001, n° 01-80.895 (N° Lexbase : A1155CSL) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., janvier 2002, comm. 6. Cette irrecevabilité de l’action civile des actionnaires ne peut pas être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation : Cass. crim. 24 septembre 2008, n° 08-80.971 : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2008, comm. 156.
[100] Cass. crim., 30 janvier 2002, n° 01-84.256, F-P+F (N° Lexbase : A9951AXT).
[101] A. Lepage, P. Maistre du Chambon et R. Salomon, Droit pénal des affaires, LexisNexis, 5ème édit., 2018, p. 374, n° 802.
[102] CA Colmar, 4 février 1960 : JCP G 1960, II, 11833 ; Journ. sociétés 1961, p. 330 ; Revue des sociétés 1960, p. 426 et Cass. crim., 27 octobre 1997, op. cit.
[103] Par exemple : Cass. crim., 5 décembre 2012, n° 11-85.838, F-P+B (N° Lexbase : A5556IYG). Les juges du fond ne sauraient donc accorder à la partie civile une somme supérieure à celle demandée (Cass. crim., 11 février 2009, n° 07-88.695).
[104] Cass. crim., 4 mai 2016, n° 14-88.237, F-D (N° Lexbase : A3447RNY).
[105] Cass. crim., 19 mai 2016, n° 14-88.387, F-D (N° Lexbase : A0767RQH).
[106] Cass. crim., 7 décembre 2016, n° 15-86.731, F-P+B (N° Lexbase : A3979SP3).
[107] Cass. crim., 28 septembre 2016, n° 15-85.049, F-D (N° Lexbase : A7248R49).
[108] Cass. crim., 20 juin 2007, n° 07-80.065 (N° Lexbase : A0524SY3).
[109] Cass. crim., 16 février 1999, n° 98-80.537 (N° Lexbase : A6752CHK).
[110] Cass. crim., 19 mars 2014, n° 12-87.416, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0748MH8) ; Cass. crim., 25 juin 2014, n° 13-84.450, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7733MRT) ; Cass. crim., 23 septembre 2014, n° 13-83.357, F-P+B+I (N° Lexbase : A9183MWZ).
[111] Cass. crim., 19 mars 2014, n° 12-87.416, FP-P+B+R+I ; Cass. crim., 25 juin 2014, n° 13-84.450, FS-P+B+I ; Cass. crim., 23 sept. 2014, n° 13-83.357, F-P+B+I.
[112] Cass. crim., 6 mars 1997, n° 96-80.944 (N° Lexbase : A1126ACP) ; plus récemment Cass. crim., 20 mars 2019, n° 17-85.246, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8967Y4U).
[113] Cass. crim., 17 juin 2009, n° 08-86.517.
[114] Cass. crim., 5 avril 2006, n° 05-83.130.
[115] Cass. crim., 10 avril 2002, n° 01-81.282, FS-P+F (N° Lexbase : A7150AYH). V. égal. Cass. crim., 1er juin 2016, n° 14-86.438, F-D (N° Lexbase : A8764RRZ) pour l’associé d’une société civile immobilière.
[116] C. com., art. L. 221-1, al. 2 (N° Lexbase : L5797AIK) pour les sociétés en nom collectif.
[117] Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-84.756, F-D (N° Lexbase : A6863RNI).
[118] Cass. crim., 28 février 2006, n° 05-83.461, F-P+F (N° Lexbase : A8112DNR).
[119] H. Matsopoulou, Fasc. 20, Banqueroute et autres infractions, JCl Lois pénales spéciales, n° 19.
[120] Cass. crim., 22 septembre 2010, n° 09-83.274, F-D (N° Lexbase : A4008GDS) : R. Salomon, note, Dr. sociétés, 2011, comm. 19.
[121] H. Matsopoulou, Fasc. 20, Banqueroute et autres infractions, JCl Lois pénales spéciales, op. cit.
[122] A. Lepage, P. Maistre du Chambon et R. Salomon, Droit pénal des affaires, LexisNexis Litec,5ème édit .2018, p. 596, n° 1140.
[123] C. com., art. L. 241-3, 4° et L. 242-6, 3°.
[124] En ce sens, L. Saenko, Rev. Lamy dr. aff., 2021, p. 1019, n° 2379.
[125] Notamment, Cass. crim., 4 février 1985, n° 84-91.581 (N° Lexbase : A3881AGT).
[126] Notamment, Cass. crim., 20 juillet 1993, n° 92-84.086 (N° Lexbase : A4124ACQ).
[127] Selon ce texte, « Le syndic ne peut agir au nom de la masse qu'après y avoir été autorisé par une délibération prise par les créanciers réunis en assemblée, à la majorité des créanciers présents. Tout créancier peut intervenir à titre individuel dans une poursuite en banqueroute si celle-ci est intentée par le syndic au nom de la masse ».
[128] Pour des salariés, Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-84.756, F-D (N° Lexbase : A6863RNI) ; pour l’agent judiciaire du Trésor, Cass. crim., 28 février 2006, n° 05-83.461, F-P+F (N° Lexbase : A8112DNR).
[129] Cass. crim., 11 octobre 1993, n° 92-81.260 (N° Lexbase : A4029AC9) ; plus récemment, Cass. crim., 17 février 2016, n° 15-80.984, F-D (N° Lexbase : A4715PZN) et Cass. crim., 15 juin 2016, n° 15-81.474, F-D (N° Lexbase : A5589RT8).
[130] Cass. crim., 4 décembre 1997, n° 96-85.729 (N° Lexbase : A5429A4T) ; comp. cepdt, Cass. crim., 3 février 2016, n° 14-83.427, FS-D (N° Lexbase : A3064PKP).
[131] Cass. crim., 6 avril 2016, n° 14-85.227, F-D (N° Lexbase : A1705RC7).
[132] Cass. crim., 11 mars 2015, n° 13-86.155, F-D (N° Lexbase : A3291NDA).
[133] Cass. crim., 30 octobre 2013, n° 12-86.707, F-D (N° Lexbase : A8155KND).
[134] L. Saenko, Lamy Dr. pén., aff., édit. 2021, p. 1033, n° 2418.
[135] Cass. crim., 26 janvier 2005, n° 04-84.403.
[136] CA Douai, 22 septembre 2005, Bull. Joly sociétés 2006, p. 369.
[137] Cass. crim., 8 juillet 2020, n° 18-83.536, FS-D (N° Lexbase : A41763R4).
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par Benoît Auroy, Maître de conférences à l’Université Rennes 1
Le 22 Septembre 2021
Mots-clés : patrimoine • famille • entreprise criminelle
Alors qu’il se faisait traditionnellement preuve de retenue face aux relations familiales de nature patrimoniale, le droit pénal semble de plus en plus s’immiscer en leur sein. Son action est alors ambivalente. S’il s’agit parfois de sanctionner certaines relations familiales qui troublent l’ordre public malgré leur caractère patrimonial, il s’agit parfois de se servir du patrimoine familial afin d’assurer une répression plus efficace du condamné. Mais ce faisant, le droit pénal ne risque-t-il pas de malmener cette solidarité familiale qu’il entendait, pourtant, préserver autrefois ?
Cet article est issu du dossier spécial « Droit pénal et patrimoine : saisir et punir » publié le 23 septembre 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N8809BYW)
« Le châtiment ne doit châtier que l’auteur du crime. Trop souvent il blesse indirectement la famille du coupable ; l’amende la plus légère diminue son revenu ; l’emprisonnement peut être sa ruine. Le devoir du législateur est de restreindre ces effets indirects dans les limites les plus étroites, par le choix de ses peines » [1].
Les relations familiales relèvent-elles de la justice publique ? Certains philosophes antiques en ont douté, tel Aristote, pour qui les rapports entre membres d’une même famille appartenaient à la « justice domestique » et non au droit de la Cité, le Dikaion [2]. Ses arguments étaient doubles. Le premier reposait sur la figure tutélaire du « père de famille », souverain sur ses enfants et supérieur à son épouse ; or, la Justice au sens politique ne pourrait régir que « ceux à qui appartient une part égale dans le droit de gouverner et d’être gouverné ». Le second s’appuyait sur une distance insuffisante séparant les parents de l’enfant : ce dernier serait « une partie de nous-mêmes », et personne ne choisirait de se causer du tort à soi-même [3]. Mais de tels arguments ont fait leur temps, et nul ne songerait plus à contester, par principe, la légitimité des pouvoirs publics à intervenir dans le cercle familial. À cet égard, le préambule de la Convention de New-York, du 26 juin 1990, relative aux droits de l’enfant déclare que « la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté ». Plus encore, pour le sociologue Émile Durkheim, la famille exigerait entre ses membres des droits et des devoirs sanctionnés par la société et ne pourrait donc se concevoir que comme une « institution sociale, à la fois juridique et morale, placée sous la sauvegarde de la collectivité ambiante » [4]. Or, si elle est ce milieu naturel de bien-être, la famille est aussi le lieu d’une criminalité endogène singulièrement opaque [5]. Par exemple, une violence sur deux recensées en 2020 a eu lieu dans le cadre familial, et plus d’un viol sur trois [6]. Le droit pénal est alors amené à réprimer sévèrement celui qui a troublé l’ordre public en portant atteinte à son prochain, mais aussi à la confiance devant régner dans les foyers. Les infractions contre les personnes aggravées par un lien de famille unissant l’auteur à sa victime sont ainsi très nombreuses. C’est bien sûr le cas du meurtre [7], ainsi que des tortures et actes de barbarie [8], des violences volontaires [9] ou encore du proxénétisme [10]. Quant aux agressions sexuelles, le Code pénal les qualifie désormais d’incestueuses lorsqu’elles sont commises par certaines personnes – tels les ascendants, frères et sœurs et oncles et tantes [11] – et assouplit leur constitution : depuis la loi n° 2021-478, du 21 avril 2021 [12], toute pénétration sexuelle commise sur un mineur par l’une des personnes visées est un viol incestueux, même en l’absence de violence, contrainte, menace ou surprise [13]. Cette énumération des auteurs rendant incestueuse l’agression sexuelle révèle d’ailleurs la méthode adoptée par le droit pénal à l’égard de la famille. Réaliste, il décrit à chaque fois les membres concernés [14]. S’il crée alors des listes variables au gré des incriminations, il évite une entreprise de définition de la famille qui pourrait s’avérer périlleuse.
On le voit, la justice répressive n’hésite pas à réprimer sévèrement les atteintes aux personnes commises dans le cercle familial. Face aux questions familiales de nature patrimoniale en revanche, le droit pénal fait traditionnellement preuve de plus de retenue. Les enjeux ne sont plus les mêmes, et la nature patrimoniale de l’atteinte tend à dissuader le législateur de faire entrer la justice répressive au sein du foyer. Lors de l’adoption du Code pénal de 1810, les orateurs du Gouvernement estimaient ainsi que « les rapports entre [parents] sont trop intimes pour qu’il convienne, à l’occasion d’intérêts pécuniaires, de charger le ministère public de scruter des secrets de famille qui peut-être ne devraient jamais être dévoilés ; pour qu’il ne soit pas extrêmement dangereux qu’une accusation puisse être poursuivie dans des affaires où la ligne qui sépare le manque de délicatesse du véritable délit est souvent très difficile à saisir ; enfin pour que le ministère public puisse provoquer des peines dont l’effet ne se bornerait pas à répandre la consternation parmi tous les membres de la famille, mais qui pourraient encore être une source éternelle de divisions et de haines » [15].
Pourtant, le droit pénal paraît de plus en plus s’immiscer dans les questions familiales de nature patrimoniale. En particulier, l’intérêt de la justice répressive pour le patrimoine familial lui-même semble s’accroître en cas d’infraction commise par une personne, qu’elle ait agi ou non à l’encontre de ses parents ou alliés. Sans nécessairement porter atteinte au principe de personnalité des peines, le risque est alors de nuire, au nom d’une répression accrue de l’individu, à cette cohésion de la famille que le législateur entend pourtant traditionnellement ménager. Dès lors, s’il est vrai que la répression des relations familiales de nature patrimoniales paraît avoir atteint un relatif équilibre (I), le constat est beaucoup plus incertain lorsqu’elle s’exerce sur le patrimoine de la famille (II).
I. Droit pénal et relations familiales patrimoniales : un équilibre à parfaire
Si la répression des relations familiales de nature patrimoniale semble parvenue à un relatif point d’équilibre, c’est grâce, semble-t-il, à une forme d’ambivalence dont fait preuve le législateur. D’un côté, il se montre soucieux de ménager la cohésion de la famille et maintient la justice répressive en retrait des conflits patrimoniaux nés à l’intérieur du foyer. Mais d’un autre côté, il semble redouter cette solidarité qui pourrait unir les membres d’une famille jusque dans le crime et réprime énergiquement cette cohésion illégitime. En somme, la répression pénale fait preuve à la fois de prudence face aux conflits familiaux de nature patrimoniale (A) et de défiance envers l’entreprise criminelle familiale (B).
A. La prudence de la répression face aux conflits familiaux de nature patrimoniale
Prudent, le droit pénal semble réticent à s’immiscer dans les conflits familiaux de nature patrimoniale. Il est vrai que quelques dispositions répressives encadrent spécialement de telles relations entre parents ou alliés. Mais à bien y regarder, elles s’appuient, pour l’essentiel, sur des considérations extrapatrimoniales. Par exemple, l’abandon de famille incriminé à l’article 227-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2328LXI) consiste, pour une personne, à ne pas exécuter une décision judiciaire lui imposant de verser au profit de son conjoint, d’un enfant mineur, d’un descendant ou d’un ascendant une prestation due en raison de l’une des obligations familiales prévues par le Code civil, en demeurant plus de deux mois sans s’en acquitter intégralement. La répression repose sur l’existence préalable d’une décision de justice, de nature civile. Sans elle, l’infraction ne saurait être consommée [16]. Le droit pénal paraît trouver dans la condamnation civile un surcroît de légitimité – ou le motif qui lui manquait – pour intervenir dans un litige patrimonial né au sein d’une famille et punir celui qui, en plus d’être indélicat envers ses proches, porte atteinte au respect dû à l’autorité judiciaire [17]. De même, le fait, pour un ascendant, de priver de soins ou d’aliments un mineur de quinze ans n’est un délit que si sa santé s’en trouve compromise [18].
Lorsque le conflit au sein de la famille est purement patrimonial en revanche, le droit pénal semble se tenir en retrait. Non seulement les obligations familiales de cette nature ne sont guère sanctionnées pénalement, mais la répression de certaines infractions est également limitée par le jeu d’une immunité familiale. L’article 311-12 du Code pénal (N° Lexbase : L8535LXE) prévoit ainsi que le vol commis par une personne au préjudice de son ascendant, de son descendant ou de son conjoint ne peut donner lieu à des poursuites pénales [19]. Cette disposition a pu être critiquée. Il est vrai que « les vols couverts par l’immunité se produisent souvent quand la famille est déjà divisée » [20], et que « commettre un vol au détriment d’un proche semble plus grave que commettre un vol à l’égard d’un inconnu » [21]. Pourtant, lors de la refonte du Code pénal, le législateur a conservé l’immunité et consacré son extension jurisprudentielle à d’autres infractions. Comment expliquer une telle disposition ? Si plusieurs arguments ont pu être avancés, les plus convaincants sont de deux ordres. D’une part, l’immunité se justifierait par des « raisons sociales […] de décence » [22] : la société désapprouverait des poursuites pénales entre membres d’une même famille pour de simples intérêts patrimoniaux. D’autre part, le législateur craindrait que de telles poursuites annihilent tout espoir de pardon [23], surtout si elles sont à l’initiative de la victime [24]. Il reste que le champ d’application de la mesure interroge. S’agissant des personnes qui en bénéficient tout d’abord, l’article 311-12 du Code pénal vise le conjoint, mais pas le partenaire lié par un pacte civil de solidarité. La restriction se comprend difficilement, alors que PACS et mariage ne cessent de se rapprocher. S’agissant des infractions concernées ensuite, l’immunité porte sur la plupart des appropriations frauduleuses [25]. Deux questions en résultent. Pourquoi l’avoir cantonnée à ces infractions ? Les raisons ayant conduit à la reconnaître semblent pourtant se retrouver à l’identique dans les destructions de biens sans danger pour les personnes. À l’inverse, pourquoi admettre une immunité pour l’extorsion alors que l’infraction met en cause l’intégrité physique de la personne ? Ce constat paraît suffisant pour justifier l’intervention du droit pénal dans la famille [26]. Enfin, l’immunité est écartée lorsque l’infraction concerne des objets indispensables à la vie quotidienne. C’est qu’elle est alors le moyen de maintenir la victime dans la dépendance de l’auteur et représente donc un enjeu extrapatrimonial [27].
Le législateur se montre donc prudent face aux conflits de nature patrimoniale qui naîtraient au sein du couple ou entre ascendant et descendant. De tels conflits ne lui semblent pas assez graves pour justifier le risque d’une intervention du droit pénal dans la famille, à moins qu’ils ne présentent également une dimension extrapatrimoniale qui rendrait nécessaire la répression de l’auteur. En l’absence de conflit en revanche, une défiance du législateur envers les relations patrimoniales dans la famille se dessine. Il entend alors réprimer sévèrement l’entreprise criminelle familiale.
B. La défiance de la répression envers l’entreprise criminelle familiale
Si l’unité de la famille doit être préservée, la solidarité qui l’entoure peut être l’occasion d’une association de ses membres dans une même entreprise criminelle. Cette cohésion illégitime menace alors l’ordre public et justifie une intervention énergique des autorités. Certes, le Code pénal ménage la famille en exceptant certains de ses membres de la non-dénonciation de crime et du recel de malfaiteurs [28]. Mais il s’agit de leur éviter le « dilemme insoluble d’être ou un mauvais citoyen ou un parent indigne » [29], tandis que leur action paraît désintéressée et extérieure à l’infraction. Lorsque le proche semble profiter de celle-ci ou s’y associer plus activement, le législateur fait preuve de moins de mansuétude [30].
En premier lieu, de telles relations familiales sont parfois expressément envisagées. Par exemple, l’article L. 654-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L3294ICY) fait encourir les peines prévues pour l’abus de confiance aux conjoint et ascendants, descendants, collatéraux et alliés du débiteur soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire qui ont détourné, diverti ou recelé des effets dépendant de l’actif de celui-ci. Ce texte suit l’article L. 654-9 du même code (N° Lexbase : L8957IN3), qui punit de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende quiconque accomplit ces actes dans l’intérêt du débiteur. Le lien de famille permet une constitution plus aisée de l’infraction, puisque l’article L. 654-10 n’exige pas la recherche de l’intérêt du débiteur. Pour cause, ce lien permet, en quelque sorte, de la présumer. En outre, la loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020 [31], a porté les peines de l’abus de confiance à cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. C’est dire que l’infraction prévue par l’article L. 654-10 est désormais plus sévèrement sanctionnée que celle de l’article L. 654-9.
En second lieu, un certain nombre de dispositions répriment des associations criminelles particulièrement susceptibles de se développer en famille. Point d’immunité ici ! En effet, la famille apparaît d’abord comme un lieu privilégié où un recel pourrait naître entre l’auteur de l’infraction d’origine et un de ses proches [32]. À cet égard, la jurisprudence exigeait traditionnellement que le conjoint ou concubin ait détenu les biens à titre personnel lorsqu’ils se trouvaient au domicile commun [33]. Toutefois, la Cour de cassation a approuvé la condamnation d’une concubine de l’auteur de vols qui avait hébergé sciemment ses comparses et les biens soustraits [34]. Les juges ont uniquement affirmé que le recel « n’implique pas nécessairement la détention matérielle des objets », sans mentionner son caractère personnel. Pourtant, si la concubine dispose effectivement d’un pouvoir sur les biens, « il n’en demeure pas moins que ce pouvoir, qui caractérise la détention, est très limité » [35]. Le droit pénal pourrait mettre ici le compagnon de l’auteur d’une infraction dans une situation délicate : ne pouvant simplement se désintéresser des biens, il devrait s’opposer à leur dépôt au domicile du couple. En outre, il faut probablement se méfier d’une approche trop extensive de l’autre forme de recel. Si un époux paie une dette ménagère avec le produit d’une infraction, l’autre en « bénéficie » puisqu’il est solidairement tenu à son paiement [36]. Mais cette matérialité paraît trop intangible pour lui être reprochée. Ensuite, à côté du recel proprement dit, l’article 321-6 du Code pénal (N° Lexbase : L6140HHU) érige en délit l’impossibilité de justifier son train de vie ou l’origine d’un bien, tout en étant en relations habituelles avec une personne qui commet des infractions procurant un profit ou qui en est victime. Or, la famille n’est-elle pas le lieu par excellence de relations habituelles ? La logique de l’incrimination se comprend. Les faits rendent vraisemblable la participation de la personne à l’entreprise criminelle, en tant que receleur ou auteur. Le procédé demeure cependant discutable, pour créer une infraction de manière un peu artificielle afin de limiter la possibilité de renverser une présomption. Enfin, si l’organisation frauduleuse de son insolvabilité peut être commise contre la famille, elle peut aussi l’être par son intermédiaire. L’auteur peut évidemment être tenté de transmettre des biens à ses proches dans le but d’échapper à ses créanciers [37].
On le voit, la répression tend à faire preuve d’une certaine retenue face aux relations familiales de nature patrimoniale. N’intervenant qu’avec parcimonie lorsqu’elles sont conflictuelles, elle entend tout de même frapper efficacement – au risque d’aller trop loin – les entreprises criminelles qui pourraient naître de la solidarité unissant les membres d’une famille. Pourtant, afin d’assurer une répression plus grande de l’individu, le droit pénal s’intéresse de plus en plus au patrimoine familial lui-même. Or, il n’est pas sûr que la même prudence préside à cette démarche.
II. Droit pénal et répression par le patrimoine familial : un équilibre à rechercher
Alors que le droit pénal se saisit de plus en plus du patrimoine familial, son intervention peut sembler hétérogène. Le but est certes toujours le même : assurer la répression de l’auteur d’une infraction. Mais les chemins empruntés diffèrent, car cette répression est tantôt dans l’intérêt de la famille (A), tantôt à son détriment (B).
A. Une répression dans l’intérêt de la famille
Deux domaines en particulier témoignent d’une prise en compte croissante du patrimoine familial par le droit pénal dans l’intérêt des proches de l’auteur d’une infraction. Le premier concerne les partages de biens au sein de la famille. Certaines dispositions entendent, en effet, priver de droits sur un ou plusieurs biens de l’actif à partager celui qui a entrepris de nuire à ses proches. En ce sens, l’article 726 du Code civil (N° Lexbase : L3466AWB) rend indigne de succéder la personne condamnée à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt, ou pour avoir commis des violences ayant entraîné sa mort sans intention de la donner. L’article 727 du même code (N° Lexbase : L8565LXI) liste encore des hypothèses où l’agent peut être déclaré indigne en raison de certaines condamnations. Institution héritée du droit romain [38], l’indignité successorale est analysée par la jurisprudence comme une « peine privée » [39]. Il faut dire que la sanction présente bien le caractère d’une punition dès lors qu’elle prive une personne de ses droits dans la succession et possède assurément une dimension infamante [40]. Or, en prévoyant une indignité de plein droit, la conformité de l’article 726 du Code civil au principe constitutionnel d’individualisation des peines est douteuse. En effet, cette mesure s’applique sans que le juge la prononce et puisse l’écarter [41]. Par comparaison, l’article 207 prévoit qu’en cas de condamnation du créancier pour un crime commis sur la personne du débiteur, ce dernier est déchargé de son obligation alimentaire, sauf décision contraire du juge. Enfin, dans le même ordre d’idées, l’héritier qui recèle des biens d’une succession ou dissimule l’existence d’un autre héritier et l’époux qui recèle ou détourne des effets de la communauté ne peuvent prétendre à aucun droit sur les biens concernés [42].
Le second domaine où le droit pénal appréhende spécialement le patrimoine familial dans l’intérêt des proches de l’auteur d’une infraction est celui des violences domestiques. Il réserve alors un sort particulier au logement familial. Après condamnation, le juge qui prononce un sursis probatoire peut imposer à l’auteur d’une infraction commise contre son conjoint, concubin ou partenaire, ou contre ses enfants, de résider hors du domicile ou de la résidence du couple et de s’abstenir de paraître à ses abords immédiats [43]. La même interdiction peut aussi être prononcée avant toute condamnation, dans le cadre d’un contrôle judiciaire [44] ou d’une ordonnance de protection [45]. Dans ce dernier cas, il suffit qu’ « il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables » les faits de violences et le danger auquel la victime est exposée [46].
Le droit pénal n’hésite ainsi pas à appréhender certains biens de la famille dans l’intérêt de celle-ci, afin de réprimer sévèrement celui qui a entrepris de lui nuire ou de protéger la victime de violences intrafamiliales. Toutefois, il arrive également que le droit pénal se saisisse du patrimoine familial dans l’unique but d’assurer une répression accrue de l’auteur d’une infraction. Son intervention risque alors de se faire au détriment de la cohésion de la famille.
B. Une répression au détriment de la famille
Cherchant à assurer l’exécution de certaines peines, le droit pénal se saisit parfois de biens liés à l’auteur d’une infraction en accordant peu de considérations au contexte familial dans lequel ils s’inscrivent. En premier lieu en effet, l’article 133-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2149AMK) prévoit que, si le décès du condamné empêche l’exécution de la peine, le recouvrement de l’amende et des frais de justice ainsi que l’exécution de la confiscation demeurent possibles après son décès. L’exception peut surprendre : voilà la répression qui s’attache aux biens plus qu’à la personne. Certes, tant que l’actif successoral permet l’exécution des peines, la situation de l’héritier n’est pas différente de celle de tout proche affecté indirectement par la peine prononcée contre un condamné. Mais lorsque l’actif successoral ne suffit plus, l’héritier peut-il être tenu de payer l’amende sur son propre patrimoine ? Il subirait directement la répression, de sorte que l’éventualité peut sembler contraire au principe de personnalité des peines. En d’autres termes, il serait probablement opportun de limiter l’exécution post mortem des peines à l’actif successoral, et ce y compris lorsque l’héritier a accepté purement et simplement la succession.
En second lieu, la Cour de cassation a récemment admis qu’un bien commun puisse faire l’objet d’une confiscation et être dévolu pour le tout à l’État, nonobstant la bonne foi de l’époux du condamné [47]. Pour ce faire, les juges ont relevé, tout d’abord, qu’en vertu de l’article 1413 du Code civil, le paiement des dettes personnelles de chaque époux peut être poursuivi sur les biens communs, puis qu’il n’y a lieu à liquidation de la masse commune qu’après dissolution de la communauté et que le législateur n’a pas prévu de cause de dissolution partielle. Les juges ont néanmoins précisé que la peine fait naître un droit à récompense pour la communauté lors de sa dissolution [48]. A priori, la solution peut sembler s’imposer au regard des règles civiles gouvernant la communauté. Pourtant, de nombreux auteurs ne manquent pas de la critiquer. Il faut dire que « le système de la récompense paraît peu opératoire pour assurer une protection sérieuse [de l’époux de bonne foi] » [49], en raison de son caractère « aléatoire et tardif » [50]. En outre, la conformité de la solution tant avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne [51] qu’avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme [52] est douteuse. Enfin, au regard de l’attention croissante des autorités pour le logement familial, le législateur serait sans doute avisé de lui réserver une protection particulière face à la peine de confiscation, qu’il soit un bien commun ou un bien propre du condamné. Sans nécessairement proscrire la mesure, il pourrait permettre au juge d’octroyer un droit au maintien dans les lieux à l’époux de bonne foi [53].
Finalement, l’intervention du droit pénal dans les questions familiales de nature patrimoniale révèle une certaine contradiction. Empreinte de pragmatisme, la répression des relations familiales de cette nature se veut équilibrée. Afin de ménager la cohésion de la famille et un espoir de réconciliation, elle se tient en retrait des conflits patrimoniaux nés entre ascendant et descendant ou au sein du couple. Soucieuse, néanmoins, d’éviter que la famille ne devienne le lieu d’une solidarité illégitime, elle entend frapper énergiquement les entreprises criminelles qui pourraient se développer à la faveur du foyer. L’équilibre est certes fragile et des progrès restent à faire. Mais lorsqu’il s’agit d’assurer la répression de l’individu, le droit pénal n’hésite plus à se saisir du patrimoine familial lui-même. Son action rejoint parfois opportunément l’intérêt de la famille. Mais elle se fait parfois aussi à son détriment. Il peut alors sembler regrettable que le droit pénal ne recherche pas, ici encore, cet équilibre délicat entre défense de l’ordre public et préservation de la cohésion familiale.
[1] A. Chauveau, F. Hélie, Théorie du Code pénal, 6e éd. ann. par E. Villey, Marchal et Billard, 1887, p. 93.
[2] Aristote, Éthique à Nicomaque, annoté par J. Tricot, Librairie philosophique J. Vrin, 1979, V, 10, p. 250.
[3] Ibid.
[4] É. Durkheim, La famille, L’année sociologique, 1896, p. 329, à propos de E. Grosse, Die Formen der Familie und die Formen der Wirthschaft, Fribourg-en-Brisgau, J.-C.-B. Mohr.
[5] V. B. Bouloc, Droit pénal général, 26e éd., Dalloz, 2019, n° 16, p. 13, soulignant l’influence du milieu familial dans le développement de la criminalité.
[6] Insécurité et délinquance en 2020 : bilan statistique, Service statistique ministériel de la sécurité intérieure, p. 76 et 98 [en ligne].
[7] C. pén., art. 221-4, 2° (N° Lexbase : L7895LCE).
[8] C. pén., art. 222-3, 3° (N° Lexbase : L6229LLB).
[9] C. pén., art. 222-8, 3° (N° Lexbase : L6304L4A) ; 222-10, 3° (N° Lexbase : L6305L4B) ; 222-12, 3° (N° Lexbase : L6306L4C) ; 222-13, 3° (N° Lexbase : L6307L4D).
[10] C. pén., art. 225-7, 5° (N° Lexbase : L2153AMP).
[11] C. pén., art. 222-22-3 (N° Lexbase : L2620L4S).
[12] Loi n° 2021-478, du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste (N° Lexbase : L2442L49).
[13] C. pén., art. 222-23-2 (N° Lexbase : L2621L4T).
[14] V. D. Fenouillet, V. Malabat, Droit pénal et droit de la famille, in Droit pénal et autres branches du droit (dir. J.-C. Saint-Pau), Cujas, 2012, p. 94 ; C. Montagne, L’appréhension du lien de famille par le droit pénal », in Le lien familial hors du droit civil de la famille (dir. I. Maria et M. Farge), Institut Universitaire Varenne, 2014, p. 103.
[15] Exposé des motifs du Code pénal, présenté au Corps législatif par MM. les orateurs du Gouvernement, Paris, A. Galland, 1810, p. 74 [en ligne].
[16] Quelles que soient les sommes dues ou la durée de l’abandon.
[17] L’article 220-2 du Code civil (N° Lexbase : L2392AB9) prévoit encore qu’un époux, à qui le juge aux affaires familiales a interdit de disposer des biens communs ou de ses biens propres sans le consentement de l’autre, est gardien responsable comme un saisi. Il commet donc le délit de l’article 314-6 du Code pénal (N° Lexbase : L1918AMY) s’il détourne ou détruit ces biens, mais, ici aussi, il y a un jugement civil préalable.
[18] C. pén., art. 227-15 (N° Lexbase : L2636L4E).
[19] Si la formule employée comme les fondements de l’immunité laissent peu de doute sur sa nature procédurale – de sorte que la poursuite des complices ou receleurs est possible – la Cour de cassation soumet au principe de non-rétroactivité la loi qui en limite la portée (Cass. crim., 14 novembre 2007, n° 07-82.527, FS-P+F N° Lexbase : A0499D3U) La solution obscurcit la frontière entre fond et forme (v. Y. Mayaud, Rebondissement sur les immunités familiales : fond ou forme ?, in Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, p. 541 et s.), mais elle peut sans doute s’appuyer sur l’alinéa 2 de l’article 112-1 du Code pénal (N° Lexbase : L8535LXE), puisque l’auteur n’encourait pas la peine prévue au moment des faits.
[20] W. Jeandidier, Vol, JCl. Pénal Code, art. 311-1 à 311-16, § 146.
[21] E. Dreyer, Droit pénal spécial, LGDJ, 2020, n° 306, p. 189.
[22] G. Clément, L’immunité familiale d’ordre patrimonial, in Mélanges J.-H. Robert, Lexisnexis, 2012, p. 110.
[23] Ce qu’exprimait le procureur général Dupin : « on n’a pas voulu que dans un intérêt pécuniaire […], un fils en dénonçant son père ou un père en dénonçant son fils, dans un moment d’indignation peut-être, se créassent de tristes et longs regrets » (Réquisitoires, plaidoyers, et discours de rentrée, prononcés par M. Dupin, procureur-général à la Cour de cassation, t. 8, Vidocq fils aîné, 1848, p. 68, ccl. ss. Cass. ch. réun., 25 mars 1845, Bull. n° 110). Il s’agit bien de préserver une chance de réconciliation, non de présumer un pardon.
[24] Envisagée par le législateur en 1992, la proposition de remplacer l’immunité par l’exigence d’une plainte préalable de la victime serait contreproductive à cet égard, pour lier étroitement la famille à l’initiative des poursuites.
[25] Outre le vol, sont concernés l’extorsion (C. pén., art. 312-9 N° Lexbase : L7153ALI), le chantage (C. pén., art. 312-12 N° Lexbase : L1965AMQ), l’abus de confiance (C. pén., art. 314-4 N° Lexbase : L1959AMI) et l’escroquerie (C. pén., art. 313-3 N° Lexbase : L1902AME).
[26] V. M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, 8e éd., Dalloz, 2018, n° 262, p. 318.
[27] E. Dreyer, op. cit.
[28] C. pén., art. 434-1 (N° Lexbase : L0264K7W) et 434-6 (N° Lexbase : L1819AMC).
[29] C. Courtin, op. cit., §19.
[30] Dans le même sens, v. not. A. Cerf-Hollender, Le risque pénal des contrats et montages juridiques tendant à favoriser la famille au détriment de la vie professionnelle : illustration dans le contexte des procédures collectives, in La recherche désespérée d’une préservation de la famille au détriment des créanciers : réflexions civilistes et pénalistes sur les fraudes, LPA 2014, n° 110, p. 24.
[31] Loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée (N° Lexbase : L2698LZX).
[32] C. pén., art. 321-1 (N° Lexbase : L1940AMS).
[33] Cass. crim., 12 juillet 1945, Bull. crim. n° 83, Gaz. Pal., 1945, II, 80.
[34] Cass. crim., 16 novembre 1999, n° 99-80.970 (N° Lexbase : A5666AWR) : B. Bouloc, obs., RTD com., 2000, 474.
[35] C. de Jacobet de Nombel, Recel de choses, JCl. Pénal des Affaires, §105.
[36] C. civ., art. 220 (N° Lexbase : L7843IZI).
[37] C. pén., art. 314-7 (N° Lexbase : L1833AMT). Le proche peut être complice ou receleur.
[38] P. trencard, De l’indignité en droit romain et en droit français, Retaux frères, 1866.
[39] Cass. civ. 1ère, 18 décembre 1984, n° 83-16.028 (N° Lexbase : A2654AAK).
[40] La mesure devrait certainement relever de la matière pénale au sens de la Cour européenne des droits de l’homme. Toutefois, celle-ci a pu la décrire comme une simple prétention à caractère civil (CEDH, 1er décembre 2009, Req. 64301/01, Velcea et Mazăre c/ Roumanie N° Lexbase : A2927EP4).
[41] Elle s’apparente donc à une peine accessoire. Or, le Conseil constitutionnel semble prohiber de telles peines (v. not. Cons. const., 3 février 2012, n° 2012-218 QPC : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2012, p. 36). Cependant, la doctrine souligne la « motivation à géométrie variable » des juges constitutionnels en la matière (X. Pin, Droit pénal général, 12e éd., Dalloz, 2020, n° 403, p. 427). Et si l’article 728 du Code civil (N° Lexbase : L3335AB7) permet à la victime de lever l’indignité, l’article 726 du même code vise des cas où l’agent a tué ou tenté de tuer le défunt : l’éventualité d’un pardon est, de fait, limitée.
[42] C. civ., art. 778 (N° Lexbase : L1803IEI) et 1477 (N° Lexbase : L1700IEP). L’héritier est aussi réputé accepter purement et simplement la succession.
[43] C. pén., art. 132-45, 18° (N° Lexbase : L7640LPN).
[44] C. proc. pén., art. 138, 17° (N° Lexbase : L8553LX3).
[45] C. civ., art. 515-11 (N° Lexbase : L8563LXG) et C. pén., art. 227-4-2 (N° Lexbase : L7574LP9) incriminant sa violation.
[46] Sur l’exigence, v. not. F. Defferrard, "La suspicion légitime" contre les violences au sein du couple ou le nouveau "référé-protection", Dr. pén., 2011, n° 11, étude n° 27.
[47] Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-84.619, FS-P+B+I (N° Lexbase : A16713T3) : H. Robert, obs., Gaz. Pal., 2020, n° 39, p. 23.
[48] Déduction faite du profit retiré.
[49] H. Robert, obs. op. cit.
[50] M. Nicod, De la confiscation d’un bien commun, RTD Civ., 2021, p. 191. En somme, « la personnalité des peines se réduit à peau de chagrin quand un "tiers", par le jeu d’une peine, recueille un droit personnel éventuel en échange d’un droit réel actuel » (N. Catelan, Confiscation d’un bien de communauté : l’épouse n’est pas un tiers, Gaz. Pal., 2021, n° 11, p. 63).
[51] Ibid., évoquant CJUE, 14 janvier 2021, aff. C-393/19, OM (N° Lexbase : A23244C3).
[52] V. S. Fucini, Confiscation d’un bien commun : dévolution pour le tout et droit à récompense, Dalloz actualité, 8 octobre 2020 [en ligne], s’appuyant sur CEDH, 16 avril 2019, Req. 27879/13, Bokova c/ Russie (N° Lexbase : A2821Y9D).
[53] Certes, le juge peut privilégier une confiscation en valeur (C. pén., art. 131-21, 9° N° Lexbase : L9506IYQ). Or, nul doute que le caractère familial du logement constitue un motif en ce sens. Mais encore faut-il que la mesure soit possible.
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par Julien Lagoutte, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux, Institut des sciences criminelles et de la justice
Le 23 Septembre 2021
Mots-clés : patrimoine • théorie civiliste du patrimoine • patrimoine commun • environnement • protection pénale • droit pénal de l'environnement
L’urgence environnementale conduit le législateur à solliciter de plus en plus souvent le droit pénal aux fins de protection de l’environnement, au point qu’il devient urgent, pour s’assurer de la cohérence à la matière, de lui trouver ou de lui donner un fondement précis. Peut-il s’agit du concept de patrimoine ? S’il est, certes, présent en droit pénal de l’environnement, il est malgré tout insuffisant à remplir cet office : le patrimoine de la théorie d’Aubry et Rau ne permet pas la protection de toutes les choses de la nature et parasite le message de protection de l’environnement que l’on veut porter ; les concepts de patrimoine commun, en revanche, sont symboliquement très forts mais sans doute trop flous pour être utilisables.
Cet article est issu du dossier spécial « Droit pénal et patrimoine : saisir et punir » publié le 23 septembre 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N8809BYW)
1. Protection pénale de l’environnement. La protection pénale de l’environnement est dans l’air du temps, cela n’aura échappé à personne. L’intérêt pour la question croît, chez les juristes [1] comme les citoyens [2]. Même le législateur s’empare de la question, comme l’atteste le flot de réformes inauguré [3] par celle du 24 décembre 2020 [4] et poursuivi très récemment par la loi Climat du 22 août 2021 [5]
Quant à la réponse apportée, elle est pour l’heure décevante : les progrès se font petit à petit, sans que l’ambition affichée ne donne lieu à une réforme systémique. Les défauts de la méthode, au-delà des raisons historiques – qui n’expliquent pas tout et, en tous cas, pas indéfiniment – tiennent sans doute en partie au manque, voire à l’absence d’assise théorique, sinon idéologique, cohérente au fondement de la politique pénale environnementale. On erre entre un courant principalement anthropocentrique – tourné vers les intérêts humains – et des orientations tantôt pathocentriques – accordant de l’importance à la sensitivité des êtres – tantôt écocentriques – fondée sur la valeur de la communauté biotique, l’équilibre des écosystèmes et, in fine, de la biosphère [6]. Le caractère relativement récent du droit de l’environnement et des préoccupations écologistes de masse est peut-être aussi à l’origine de ces difficultés.
Le recours à un concept juridique aux contours mieux cernés, à l’ancrage plus ancien pourrait-il être une solution ?
2. Patrimoine(s) et environnement. C’est là qu’entre en scène le patrimoine [7] ou, plutôt, en matière environnementale, les patrimoines ! La question mérite d’être posée car, en effet, le patrimoine se dédouble en droit de l’environnement [8].
D’un côté, on trouve le patrimoine au sens classique du terme, celui, individuel, personnel, de la théorie civiliste forgée par Aubry et Rau [9]. Cette universalité de droit, attachée à une personne et liant son actif et son passif, peut intéresser le droit de l’environnement pour deux raisons : d’abord, tant de choses de la nature sont appropriées qu’il est inutile de les citer déjà ; ensuite, la défense de l’environnement via la propriété et plus largement le droit des biens est une voie de plus en plus préconisée par la doctrine [10], voire par le législateur [11] ou la pratique [12].
D’un autre côté, l’environnement est un objet privilégié du concept moderne de patrimoine commun [13], à dimension collective, communautaire, et ce, quelles que soient ses formes. Le patrimoine commun de l’humanité, dont relève, de manière explicite ou implicite [14], la Zone [15], la Lune, l’espace extra-atmosphérique et les corps célestes [16] ou l’Antarctique [17] ; le patrimoine commun de la Nation [18], notion inaugurée au sujet du territoire [19] mais appliquée ensuite à l’eau [20], puis aux « espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, (aux) sons et odeurs qui les caractérisent, (aux) sites, (aux) paysages diurnes et nocturnes, (à) la qualité de l'air, (aux) êtres vivants et (à) la biodiversité » [21] ; les sous-patrimoines communs du Code de l’environnement [22]; (presque) tous [23] sont dédiés à l’environnement.
3. Pertinence limitée. Ces liens pourraient-ils se décliner en droit pénal de l’environnement ? Le concept de patrimoine pourrait-il offrir un fondement satisfaisant à la matière ? À moindre échelle, peut-il être vecteur d’une protection efficace de l’environnement ?
À bien y réfléchir, on peut soutenir que sa pertinence ne saurait être autre que limitée. Elle existe, certes, en droit positif ou simplement en germe, mais ce n’est pas la panacée. Pour des raisons différentes, il semble en être ainsi aussi bien du concept classique de patrimoine personnel que de celui, moderne, de patrimoine commun.
I. La pertinence limitée du concept classique de patrimoine personnel en droit pénal de l’environnement
La pertinence limitée du concept de patrimoine en droit de l’environnement est, en premier lieu, celle du patrimoine classique, au sens de la théorie civiliste. Pris en ce sens, le patrimoine offre une protection partielle à l’environnement. Effective, la pertinence du concept n’est donc que relative.
A. Une pertinence effective
4. Infractions contre les biens à usage environnemental. La pertinence du concept civiliste de patrimoine en droit pénal de l’environnement est, d’une part, effective.
L’atteste, tout d’abord, le fait que la plupart des infractions contre les biens, des infractions patrimoniales [24], peuvent évidemment permettre la protection de biens environnementaux, ce qui présente un intérêt particulier lorsqu’il s’agit d’espèces et d’espaces échappant à la protection du droit de l’environnement. Ainsi, il va sans dire que l’on peut voler un chien, élaborer des manœuvres frauduleuses afin de s’approprier indûment champs ou vergers ou refuser la restitution de minéraux remis à titre précaire. Certaines infractions du livre III du Code pénal ont même vocation à protéger certains écosystèmes contre des dégradations : le délit de destruction, dégradation, détérioration involontaire du bien d’autrui est ainsi aggravé lorsque ledit bien prend la forme de « bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements » [25]. Il y a même suraggravation en cas de risque de dommage irréversible à l’environnement [27]. Et la qualification devient criminelle si l’incendie a été commis intentionnellement [26].
5. Infractions environnementales à dimension patrimoniale. Certaines infractions environnementales, ensuite, ont une dimension patrimoniale, laquelle peut se manifester de différentes manières.
Certaines infractions environnementales, primo, notamment les infractions forestières [28], se déterminent souvent par rapport aux infractions contre les biens. Par assimilation le plus souvent, lorsqu’elles ne sont presque [29] que des redites, en plus précis, des infractions du Code pénal. L’article L. 163-4, alinéa 1er, du Code forestier (N° Lexbase : Z46311LL) dispose ainsi que « le fait de provoquer involontairement l'incendie des bois et forêts appartenant à autrui, par des feux allumés à moins de 200 mètres de ces terrains, par des feux allumés ou laissés sans précautions suffisantes, par des pièces d'artifice allumées ou tirées, ou par tout engin ou appareil générant des matières inflammables ou de fortes chaleurs, est sanctionné conformément aux dispositions des articles 322-5, 322-15, 322-17 et 322-18 du Code pénal ». De même, l’article L. 163-10 du même code (N° Lexbase : Z46329LL) incrimine « le fait, sans l'autorisation du propriétaire du terrain, de procéder à l'extraction ou l'enlèvement d'un volume supérieur à 2 mètres cubes de pierres, sable, minerai, terre, gazon ou mousses, tourbe, bruyère, genêts, herbes, feuilles vertes ou mortes, engrais » et renvoie aux peines, simples et aggravées, prévues pour le vol [30]. On peut n’y voir qu’une illustration particulière de ce délit. À ceci près que le texte laisse la place à l’interprétation a contrario et à une autre qualification. Car les infractions forestières se construisent aussi parfois par opposition au Code pénal ! Pour les prélèvements de quantité moindre, en effet, la peine est inférieure à celle encourue pour vol ; il ne s’agit que d’une contravention de la quatrième classe [31]. C’est dire qu’il s’agit d’un vol spécial, moins sévèrement sanctionné.
Secundo, d’autres infractions environnementales intègrent une dimension propriétariste dans leur constitution. Il suffit de citer l’exemple des infractions de chasse, qui sont aggravées lorsqu’elles sont commises « sur le terrain d’autrui » [32] ou « sur le terrain d’autrui sans son consentement, si ce terrain est attenant à une maison habitée ou servant d’habitation et s’il est entouré d’une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins » [33]. Il en est encore ainsi de certaines infractions forestières « commises en forêt d’autrui » comme le fait, pour le propriétaire ou le gardien d’animaux, d’être « trouvés en délit dans les semis ou plantations réalisés depuis moins de dix ans » [34].
Plus implicitement, tertio, il est encore quelques infractions environnementales qui offrent une protection spécifique aux espèces objets de propriété et de commerce juridique. Ainsi, les infractions du Code pénal [35] et du Code rural [36] protégeant les animaux réservent la répression aux animaux sous main humaine, c’est-à-dire, suivant les cas, aux animaux domestiques, apprivoisés et/ou captifs. De même, le Code rural ne protège pénalement que la santé des espèces végétales cultivées [37].
6. Peines patrimoniales. Enfin, à une moindre échelle, le patrimoine privé, personnel, peut servir la cause écologiste par le biais des peines patrimoniales. La criminalité environnementale se caractérise par le mobile très fréquemment lucratif des auteurs, qu’il s’agisse de tirer un gain de la revente d’animaux ou de produits d’animaux appartenant à des espèces protégées ou de bois rare ou de faire des économies en ne se soumettant pas aux polices administratives spéciales, par exemple en se débarrassant de ses déchets dans des pays-poubelles du tiers-monde. À l’échelle internationale, il s’agirait de la troisième activité criminelle la plus lucrative, derrière le trafic de stupéfiants et la contrefaçon, entre 110 et 281 milliards de dollars par an [38]. Partant, on peut penser que les sanctions pénales s’attaquant au patrimoine des pollueurs, réprimant leur profit illicite, spécialement la confiscation et l’amende proportionnelle [39], ont toute leur place en droit pénal de l’environnement.
Et il leur en fait : la confiscation est déjà une peine complémentaire prévue de manière générale par le Code de l’environnement [40] ; l’amende proportionnelle, peu usitée[41], y a récemment fait son entrée avec la Loi Climat. En fonction des infractions environnementales, des amendes égales au double, triple, quintuple ou décuple du profit tiré par le responsable sont désormais encourues [42].
Le patrimoine, au sens classique du terme, est donc d’un intérêt certain en droit pénal de l’environnement. Un intérêt certain mais à nuancer.
B. Une pertinence relative
7. Le domaine limité de la protection. Le patrimoine personnel est d’une pertinence relative, d’autre part, car ce concept ou cette technique est inapte à fonder une protection pénale optimale de l’environnement, et ce, pour plusieurs raisons.
Le domaine de la protection en question, d’un côté, est nécessairement limité. Par définition, les infractions contre les biens, supposant un rapport de propriété ou ayant pour objet un élément entrant dans la composition du patrimoine d’une personne juridique, sont inapplicables à certaines choses de la nature. Il en est ainsi, premièrement de celles non appropriées : les res nullius, tel le gibier, qui ne reçoit qu’une protection très limitée via le droit pénal de la chasse [43] ; et les res derelictae, sous réserve de la rigueur avec laquelle la Chambre criminelle apprécie parfois le déguerpissement [44] et sans aborder déjà le fait que l’abandon même est parfois incriminé [45]. Il en est de même, secondement et a fortiori, des choses non appropriables, physiquement ou juridiquement. Les res communis [46] (les eaux courantes, les espèces protégées, l’air ou l’atmosphère) sont naturellement insusceptibles de vol, d’escroquerie ou d’abus de confiance. Si l’on s’en tient au patrimoine tel que conçu dans le cadre de la théorie civiliste « éponyme » en tous cas.
Sorti du champ des biens environnementaux, appropriables et appropriés, le droit pénal doit nécessairement trouver un autre fondement à la protection qu’il entend apporter à l’environnement.
8. L’objet ambigu de la protection. D’un autre côté, si patrimoine et environnement font parfois bon ménage, allier patrimonial et environnemental au sein d’une incrimination peut parfois jeter le trouble.
Pour commencer, une interrogation peut naître : quelle est la valeur protégée ? L’environnement ou la propriété ? La question se pose notamment au sujet des infractions de chasse aggravées par le fait que l’acte est accompli sur le terrain d’autrui, des destructions, dégradations, détériorations des « bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements » d’autrui ou encore des infractions forestières protégeant les bois et forêts des particuliers [47]. Si la question se pose, il ne s’agit pas d’un véritable problème pour autant : les délits plurioffensifs existent [48]. Les destructions, dégradations, détériorations dangereuses de biens en sont d’ailleurs une illustration topique, qui protègent aussi bien la propriété que la personne et… l’environnement ! De même, les circonstances aggravantes sont des moyens aussi utiles que classiques d’enrichir la portée expressive d’une incrimination en y accolant plusieurs biens juridico-pénaux.
La difficulté peut être réelle, sur le plan à la fois symbolique et de la politique criminelle, cependant. Car la protection du patrimoine (de la propriété) et de l’environnement, pour finir, ne se fait pas toujours de manière harmonieuse ; entre l’un et l’autre, le cœur du législateur balance et il choisit parfois l’un au détriment de l’autre. Parfois, c’est la propriété qui peut se retourner contre l’environnement : ainsi le propriétaire qui détruit, y compris par le feu, ses propres « bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements » ne tombe pas sous le coup des articles 322-5 (N° Lexbase : L3406IQ9) et 322-6 (N° Lexbase : L0468DZD) du Code pénal. Restera l’article 223-1 (N° Lexbase : L3399IQX) en cas de mise en danger d’autrui… et quelques infractions du Code forestier pour protéger l’environnement. Car le plus souvent, et de plus en plus, c’est à l’inverse l’environnement qui l’emporte face à la propriété ! Le droit de détruire du propriétaire [49], d’abord, connaît bien des limites pénales. Certaines infractions du code forestier relatives aux bois et forêts des particuliers – coupe illicite [50], coupe abusive [51], défrichement sans autorisation [52] – premièrement, visent à les protéger de leurs propriétaires. Le Code pénal, secondement, interdit à toute personne, y compris le propriétaire, de porter atteinte à la vie ou à l’intégrité d’un animal [53]. Ensuite, c’est la faculté d’abandonner ses biens qui est parfois refusée au propriétaire, que ce soit dans l’intérêt du bien, être vivant [54], ou parce que ce bien à valeur négative [55] est à même de causer des dommages à l’environnement [56]. Enfin, le propriétaire se voit imposer des obligations de faire relativement aux choses de la nature qui sont dans son patrimoine. Par exemple, il doit veiller au bien-être de son bétail [57], celui-ci serait-il destiné à l’abattoir, ou est obligé de débroussailler autour de ses bois et forêts [58], en une forme sylvestre d’état de nécessité !
Décidément, la protection pénale de l’environnement se fait donc mieux sans le patrimoine d’Aubry et Rau ! Le concept de patrimoine commun est-il plus pertinent ? Rien n’est moins sûr.
II. La pertinence limitée du concept moderne de patrimoine commun en droit pénal de l’environnement
En second lieu, le rapprochement du concept de patrimoine commun et du droit pénal de l’environnement confirme le caractère limité de la pertinence plus générale du patrimoine en la matière. Précisément, l’utilité politique du concept, certaine, ne se prolonge pas sur le plan technique.
A. L’utilité politique du concept de patrimoine commun
9. Valeur du concept en droit de l’environnement. D’une part, le concept de patrimoine commun revêt une utilité certaine pour la protection pénale de l’environnement.
Il faut admettre, dans un premier temps, que la valeur proprement politique des concepts de patrimoine commun, de l’Humanité ou de la Nation en particulier, est évidente. Il est inutile d’entrer dans le détail de leur origine – ils ont déjà plusieurs décennies [59] – ou de leur évolution – en forme de désamour pour le premier [60] et de surenchère pour le second [61]. Il suffit de noter que, politiquement, l’usage du signifiant « patrimoine commun » est fort, connoté et finalisé ; il s’agit systématiquement de signifier : qu’un élément ou un ensemble d’éléments relativement précis – le plus souvent un écosystème ou un de ses éléments ou mécanismes – doit être soustrait aux prérogatives exclusives d’une personne et/ou d’un État ; en raison de l’importance de sa valeur [62] pour une communauté, plus ou moins étendue ; importance changée en appartenance par la grâce du nom « patrimoine », lequel met en valeur les éléments naturels envisagés et appelle à un partage dans l’espace et dans le temps, impliquant gestion raisonnable et transmission [63].
La valeur juridique du concept de patrimoine commun, dans un second temps, est moins assurée. Tout d’abord, il est de droit positif : il figure dans des textes en vigueur, parfois supralégislatifs, invoqués par les justiciables et appliqués par les juges [64]. Sa proximité avec des concepts bien connus, tels que l’ordre public ou l’intérêt général [65], sans même parler des techniques juridiques auxquelles on essaye de le rattacher (fiducie [66], trust [67], usufruit [68], droit d’usage [69], domaine éminent [70] ou universel [71], etc.) permet, ensuite, d’y voir un concept qui n’est pas juste méta ou préjuridique. Enfin, c’est en réalité sa portée juridique qui est discutée. Alors que certains y voient une véritable qualification ou statut auquel un régime juridique presque complet est associé [72], d’aucuns y voient au mieux un principe, fondateur ou directeur, pouvant justifier ou orienter l’action du législateur et, plus généralement, de la puissance publique [73].
10. Importation du concept en droit pénal. Que l’on penche en faveur d’une thèse ou de l’autre, tout cela est suffisant pour faire du patrimoine commun un concept fructueux pour la protection pénale de l’environnement. Car, d’une manière générale, lorsque le pouvoir politique estime qu’une valeur ou un intérêt social est suffisamment important, légitime pour intégrer, par le biais d’une notion ou d’une autre, le système juridique, il peut être happé, en droit pénal, par le principe de nécessité.
Partant, le concept de patrimoine commun, de l’Humanité ou de la Nation, peut fonder le principe d’une incrimination pénale et/ou orienter son élaboration ; il peut constituer un bien juridique pénalement protégé, qui sera représenté, techniquement, par telle ou telle condition préalable précise (les bois et forêts de protection, les animaux, apprivoisés ou domestiques, les eaux souterraines ou superficielles, le sol, le cœur des parcs nationaux, etc.). Le concept apparaît équivalent à d’autres notions auxquelles il peut être recouru pour fonder le droit pénal de l’environnement : la sûreté de la planète [74], l’environnement naturel, la communauté biotique [75] ou les limites planétaires [76], par exemple. À vrai dire, il présente même des atouts qui en font un concurrent des plus sérieux. D’un côté, il est d’une densité éthique supérieure aux notions purement scientifiques d’origine écologiste. D’un autre côté, son entrée déjà réalisée en droit positif lui offre une longueur d’avance sur le concept de sûreté de la planète. Sa dimension anthropocentrique est peut-être un défaut, partagé avec d’autres, mais elle peut aussi, si l’on est cynique ou pragmatique, susciter davantage d’adhésion, sinon d’engouement, qu’une notion écocentrique comme la biosphère ou la communauté biotique, par exemple [77].
Ne reste donc au concept de patrimoine commun qu’à passer l’épreuve de son utilité technique.
B. L’utilité technique du concept de patrimoine commun
11. Un concept inutilisé. Sur le plan technique, d’autre part, le concept de patrimoine commun déçoit malheureusement.
De lege lata, pour commencer, il ne semble guère utilisé par le législateur et le juge répressifs. Il en est ainsi du patrimoine commun de l’Humanité, d’un côté : il n’existe pas de crime environnemental international qui pourrait y trouver son fondement, d’abord [78] ; les conventions internationales mentionnant le terme ou empruntant son esprit ne contiennent pas de dispositions pénales intéressant l’entité qualifiée de patrimoine commun [79], ensuite ; et celles pouvant être sources de droit pénal de l’environnement [80] ne s’inspirent pas du concept, enfin. Tout au plus la Convention Marpol doit-elle s’articuler à la Convention de Montego Bay pour ce qui concerne les questions de compétence [81] mais cela est sans rapport avec le statut de la Zone. Quant au patrimoine commun de la Nation, d’un autre côté, la conclusion, quoiqu’elle s’impose avec moins d’évidence, est identique. Certes, les textes extrapénaux invoquant le concept et ses dérivés sont renforcés par des infractions pénales (police de l’eau [82] ou de la protection du patrimoine naturel [83], par exemple). Certes encore, le Code pénal fait de l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement l’un des intérêts fondamentaux de la Nation [84]. Rien ne dit pour autant qu’il y ait un lien logique entre la référence à un patrimoine commun et la protection pénale des éléments le composant, rien ne dit qu’il s’agisse du fondement de ces incriminations. D’autant plus vus le caractère technique de ces infractions, la faiblesse des sanctions encourues et l’absence d’infraction environnementale dans le Titre Ier du Livre IV du Code pénal !
12. Un concept inutilisable. De lege ferenda, pour finir, on peut douter que le concept de patrimoine commun soit même utilisable en droit pénal.
Ce n’est pas l’indétermination de son titulaire ou son absence de personnalité juridique qui pose problème. Cela gêne les privatistes mais les pénalistes ne doivent pas y voir une difficulté. Non seulement, les biens juridico-pénaux n’ont pas à être associés à un référent individuel (c’est le cas de la vie humaine ou de la propriété mais pas de l’environnement) [85] mais, en outre, lorsque tel est le cas, l’identité de la victime est indifférente. L’illustrent l’indifférence à la constitution de l’infraction de l’error personae [86] ou encore le fait que le vol soit caractérisé dès lors qu’il est établi que la chose appréhendée n’appartenait pas à un auteur qui le savait, nonobstant l’ignorance de l’identité du véritable propriétaire [87].
C’est ailleurs qu’achoppe le patrimoine commun. Si, en effet, le principe de nécessité y trouve son compte, il ne paraît pas vraiment conforme au principe de légalité. Son contenu est évolutif et fonctionnel, le seul point commun de ses composants étant que le droit entend les protéger d’une manière spécifique. Les termes de référence (Humanité, Nation) eux-mêmes ne sont pas des plus précis ; on sent mieux ce qu’ils sont qu’on ne le sait. Ils peuvent constituer des valeurs, certes ; les ériger en condition préalable d’incriminations est plus délicat. Le Code pénal connaît les crimes contre l’Humanité [88] mais ce dernier terme, lorsqu’il est mentionné dans les textes, n’y est ni défini ni utilisé de manière opératoire. Il en est de même des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et des articles 411-1 et suivants, qui les sanctionnent. On passe toujours par un vecteur [89] – le « groupe national, ethnique, racial ou religieux », les « enfants » [90] ; la liste des intérêts fondamentaux de la Nation de l’article 410-1, les « troupes appartenant aux forces armées françaises » ou le territoire national [91] – ce qui nous paraît le signe de la nature non technique mais politique du patrimoine commun.
13. Bilan. Partant, et de manière générale, le bilan est des plus mitigé s’agissant de la pertinence du concept de patrimoine en droit pénal de l’environnement. À son actif, on peut relever son utilité réelle : le patrimoine de la théorie civiliste intègre effectivement des incriminations pouvant protéger l’environnement naturel ; le patrimoine commun fournit une assise théorique de qualité à ce qui pourrait être de meilleures infractions environnementales. À son passif, cependant, le patrimoine n’en est pas moins un concept insuffisant : le patrimoine personnel est inapte à fonder l’ensemble des infractions environnementales et entre parfois en contradiction avec la dimension écologiste de ces dernières ; les patrimoines communs sont trop flous pour intégrer un texte d’incrimination.
Cela étonnera-t-il ? Pas nécessairement. Cela décevra-t-il ? Pas définitivement. Un auteur a déjà pu soutenir qu’il est peut-être vain de chercher un fondement unique à la protection juridique de l’environnement [91]. Peut-être cela vaut-il aussi pour sa branche pénale ? En guise de réponse, pour l’heure, on ne peut qu’affirmer qu’à supposer que ce fondement existe, ce n’est pas le patrimoine… et continuer à chercher. Ailleurs.
[1] V. récemment, Département de la recherche et de la documentation de l’ENM, La justice pénale environnementale, RJA, juin 2021, n° 25 [en ligne].
[2] V. à cet égard, Convention citoyenne pour le climat, Proposition SN7.1.1, in Rapport final, 29 janvier 2021, p. 399 et s [en ligne].
[3] Si l’on s’en tient, néanmoins, aux réformes récentes et « bruyantes », l’ordonnance n° 2012-34, du 11 janvier 2012, portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement (N° Lexbase : L7242IRN), ou la loi n° 2019-773, du 24 juillet 2019, portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement (N° Lexbase : L3020LRB), par exemple, les ayant en réalité précédées.
[4] V. Loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée (N° Lexbase : L2698LZX) (v. J. Lagoutte, Joyeux Noël ? Regard sur la Loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, Dr. pén., 2021, Étude n° 5).
[5] Loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « climat et résilience » (N° Lexbase : L6065L7R) : sur laquelle, v. J. Lagoutte, La révolution n’a pas été légiférée : réflexions sur la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et sur son titre VII en particulier, Lexbase Pénal, octobre 2021, à paraître ; J. Lagoutte et J.-H. Robert, Le principal et l’accessoire des dispositions pénales de la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, Dr. pén., 2021, Étude à paraître.
[6] À ce sujet, v. O. Clerc, La légitimité philosophique du droit privé de l’environnement : une approche axiologique, in L’apport du droit privé à la protection de l’environnement (dir. J. Lagoutte), Mare & Martin, 2021, p. 27 et s. ; J. Lagoutte, La protection différenciée des êtres vivants : spécisme, antispécisme (et au-delà) du droit pénal français ?, à paraître.
[7] À distinguer de la notion plus large de patrimonialisation malgré les liens entre les deux. V. M. Deffairi, La patrimonialisation en droit de l’environnement, IRJS éd., Bibliothèque André Tunc, t. 61, 2015.
[8] Sur les convergences et divergences de ces patrimoines, v. not. M. Cornu, À propos de l’adoption du code du patrimoine, quelques réflexions sur les notions partagées, D., 2005, p. 1452 ; M. Deffairi, op. cit., spéc. n° 11 et s., et 805 et s., et V° Patrimoine commun de la Nation, in Dictionnaire des biens communs (dir. M. Cornu, F. Orsi et J. Rochfeld), PUF, 2017 ; M.-J. Del Rey, La notion controversée de patrimoine commun, D., 2006, p. 388 ; R. Ollard, La protection pénale du patrimoine, Dalloz, NBT, vol. 98, 2010, n° 5 ; L. Roulette, Le statut des ressources minières marines françaises. Pour un rattachement au patrimoine commun de la Nation, PUAM, 2019, n° 25, et 63 et s. ; I. Savarit, Le patrimoine commun de la Nation, déclaration de principe ou notion juridique à part entière, RFDA, 1998, p. 305 ; F. Terré, L’humanité, un patrimoine sans personne, Mélanges Ph. Ardant, LGDJ, 1999, p. 339 ; Rappr. J. Rochfeld, Les grandes notions du droit privé, PUF, 2011, p. 351 et s.
[9] Sur la question, v. not. A. Sériaux, La notion juridique de patrimoine. Brèves notations civilistes sur le verbe avoir, RTD civ., 1994, p. 811 ; F. Zénati, Mise en perspective et perspectives de la théorie du patrimoine, RTD civ., 2003, p. 667.
[10] V. not. W. Dross, De la revendication à la réattribution : la propriété peut-elle sauver le climat ?, D., 2017, p. 2553 ; B. Grimonprez, La fonction environnementale de la propriété, RTD civ., 2015, p. 539, Le droit de propriété à l’ère du changement climatique, in Le changement climatique : quel rôle pour le droit privé ? (dir. M. Hautereau-Boutonnet et S. Porchy-Simo), Dalloz, Thèmes et commentaires, 2019, p. 243 ; Droit privé des biens : pour un réel apport en nature, in L’apport du droit privé à la protection de l’environnement, op. cit., p. 133, et Le droit des biens au service de la transition écologique (dir. B. Grimonprez), Dalloz, Thèmes et commentaires, 2018.
[11] V. l’obligation réelle environnementale (C. env., art. L. 132-3 N° Lexbase : L7444LZQ).
[12] V. not. L. Mazeyrie, Le point de vue des praticiens : la pratique notariale, in L’apport du droit privé à la protection de l’environnement, op. cit., p. 175.
[13] V. not. J. Attard, Le fondement solidariste du concept « environnement-patrimoine commun, RJE 2003, p. 161 ; M. Deffairi, La patrimonialisation en droit de l’environnement, op. cit., n° 748 et s., et 798 et s. ; M.-J. Del Rey, op. cit. ; C. Groulier, Quelle effectivité pour le concept de patrimoine commun ?, AJDA, 2005, p. 1034 ; J. Rochfeld, op. cit., p. 238, 351, et 389 et s. ; F.-G. Trébulle, La propriété à l’épreuve du patrimoine commun : le renouveau du domaine universel, Mélanges Ph. Malinvaud, Litec, 2007, p. 659.
[14] V. M. Deffairi, op. cit., n° 47 et s., et 463 et s. ; E. Gaillard, Le patrimoine commun de l’humanité. Trust intergénérationnel et « biens communs » », in Repenser les biens communs (dir. B. Parance et J. de Saint Victor), CNRS éd., 2014, p. 131 ; J. Rochfeld, op. cit., p. 238 ; L. Roulette, op. cit., n° 23 ; F. Terré, op. cit. Certains distinguent le patrimoine commun de l’humanité d’autres notions, telles que l’« apanage de l’humanité », la « préoccupation commune à l’humanité » ou le « patrimoine mondial de l’humanité ». V. C. Groulier, op. cit. ; C. Le Bris, V° Patrimoine commun de l’humanité, in Dictionnaire des biens communs, op. cit.
[15] Convention sur le droit de la mer, 10 décembre 1982, Montego Bay, art. 136.
[16] Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, 27 janvier 1967, Washington, Moscou, Londres, art. 1er ; Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes, 5 décembre 1979, New-York, art. 4 et 11.
[17] Traité sur l’Antarctique, 1er décembre 1959, Washington.
[18] V. not. M. Deffairi, op. cit., n° 51 et s., et 767 et s., et V° Patrimoine commun de la Nation, op. cit. ; L. Roulette, op. cit. ; I. Savarit, op. cit.
[19] C. urb., art. L. 110-1 (N° Lexbase : L6662C8A).
[20] C. env., L. 210-1 (N° Lexbase : L6864L7D). Adde, pour le milieu marin, C. env., art. L. 219-7 (N° Lexbase : L7696IMY).
[21] C. env., art. L. 110-1 (N° Lexbase : L6857L74).
[22] Par exemple, les patrimoines paysager (C. env., art. 131-2 N° Lexbase : L1805DK3), minéralogique (C. env., art. L. 342-1 N° Lexbase : L2919ANG), naturel (C. env., Livre IV), biologique (C. env., art. L. 411-1 N° Lexbase : L7924K9D) ou encore faunistique et floristique (C. env., art. L. 411-5 N° Lexbase : L5265LRG).
[23] On peut noter l’existence de notions proches mais différentes : le « patrimoine des peuples européens » (Directive 79/409/CEE du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages, 2 avril 1979, préambule N° Lexbase : L9378AUU ; Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages, 30 novembre 2009, préambule N° Lexbase : L4317IGY) ou celui des « êtres humains » (Charte de l’environnement, préambule N° Lexbase : L0268G8G ; Cons. const., décision n° 2019-823 QPC, du 31 janvier 2020 N° Lexbase : A85123CA).
[24] R. Ollard, op. cit.
[25] C. pén., art. 322-5, al. 3 (N° Lexbase : L3406IQ9).
[26] C. pén., art. 322-5, al. 4.
[27] C. pén., art. 322-6 (N° Lexbase : L0468DZD).
[28] C. for., art. L. 161-1 et s. (N° Lexbase : L8925AB8).
[29] Car la qualification d’infraction forestière donne tout de même lieu à l’application d’un régime répressif spécifique.
[30] Ce qui est contestable, les comportements visés prenant plutôt la forme de destructions.
[31] C. for., art. R. 163-4 (N° Lexbase : L3727LT9).
[32] C. env., art. L. 428-4, 2° (N° Lexbase : L5316LRC) ; L. 428-5, 1° (N° Lexbase : L7432IRP).
[33] C. env., art. L. 428-5, 1° (N° Lexbase : L7432IRP).
[34] C. for., art. L. 163-9 (N° Lexbase : Z46327LL).
[35] C. pén., art. 521-1 (N° Lexbase : L3431HTA), R. 653-1 (N° Lexbase : L0882ABB), R. 654-1(N° Lexbase : L4612LLE), et R. 655-1 (N° Lexbase : L0884ABD).
[36] V. not. CRPM, art. L. 215-4 (N° Lexbase : L3478AEK), L. 215-11 (N° Lexbase : L6913LMY), L. 228-3 (N° Lexbase : L3582AEE), R. 215-4 (N° Lexbase : L4739LGM), et R. 215-9 (N° Lexbase : L4737LGK).
[37] V. not. CRPM, art. L. 228-1 (N° Lexbase : L8200IQR) et s., et L. 251-20 (N° Lexbase : L3903LTQ) et s., et R. 251-41 (N° Lexbase : L0540DZZ).
[38] Interpol célèbre le dixième anniversaire de la lutte contre la grande criminalité environnementale organisée, 23 novembre 2020 [en ligne].
[39] V. J. Lagoutte, La répression du profit illicite, Les colloques de l'ISCJ, n° 3, 2018.
[40] C. env., art. L. 173-7 (N° Lexbase : L7369IRD) et L. 173-8 (N° Lexbase : L6472L7T).
[41] V. par exemple, C. for., art. L. 362-1 (N° Lexbase : L8931IMQ), sanctionnant la coupe abusive d’une peine d’amende ne pouvant dépasser « quatre fois et demie le montant estimé de la valeur des bois coupés dans la limite de 20 000 euros par hectare parcouru par la coupe pour les deux premiers hectares et de 60 000 euros par hectare supplémentaire ».
[42] V. J. Lagoutte, La révolution n’a pas été légiférée ; et J. Lagoutte et J.-H. Robert, op. cit.
[43] V. M. Lacaze, V° Environnement-Faune (animaux non domestiques), JCl. Pénal des affaires, fasc. 70-20, 2018, n° 63 et s. ; J. Lagoutte, La protection différenciée du vivant : spécisme, antispécisme (et au-delà) du droit pénal français ?, op. cit. ; M. Lavaine, L’animal et la chasse, in L’animal et l’homme (dir. F.-X. Roux-Démare), Mare & Martin, 2019, p. 65.
[44] V. not. Cass. crim., 25 octobre 2000, n° 00-82.152 (N° Lexbase : A5022AWW) ; Cass. crim., 10 mai 2005, n° 04-85.349, F-P+F (N° Lexbase : A3828DIM).
[45] V. infra n° 8.
[46] V. M.-A. Chardeaux, Les choses communes, LGDJ, Bib. droit privé, t. 464, 2006. On notera d’ailleurs que les choses communes semblent être de récurrents grains de sable lorsque l’on part à la recherche d’unité en droit de l’environnement. V. à cet égard, M. Deffairi, La patrimonialisation en droit de l’environnement, op. cit., n° 742 et s.
[47] V. supra n° 4 et 5.
[48] R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, Droit pénal spécial, Cujas, 1982, n° 22.
[49] M. Rémond-Gouilloud, Du droit de détruire. Essai sur le droit de l’environnement, PUF, 1989.
[50] C. for., art. R. 362-1 (N° Lexbase : Z65808IK).
[51] C. for., art. L. 362-1 (N° Lexbase : Z83428KK).
[52] C. for., art. L. 363-1 (N° Lexbase : C09777QA).
[53] V. supra n° 5.
[54] Suivant les circonstances, il pourra s’agir d’un mauvais traitement envers un animal : C. pén., art. R. 654-1 (N° Lexbase : L4612LLE).
[55] V. D. Chilstein, Les biens à valeur négative, RTD civ., 2006, p. 663 ; W. Dross, op. cit.
[56] On pense ici aux déchets dont l’abandon irrégulier donne lieu à une série d’incriminations : C. pén., art. R. 635-8 (N° Lexbase : L5962IMR) ; C. env., art. L. 541-4 et s. (N° Lexbase : L9594INN).
[57] CRPM, art. R. 215-4 (N° Lexbase : L4739LGM), R. 215-6 (N° Lexbase : L4738LGL), et R. 215-8 (N° Lexbase : L5437IRS).
[58] C. for., art. L. 163-5 (N° Lexbase : Z46315LL), et R. 163-3 (N° Lexbase : L3725LT7).
[59] L’expression « patrimoine commun de l’Humanité » aurait été prononcée pour la première fois en 1966 et la notion de patrimoine commun de la Nation fait son entrée en 1983 dans le Code de l’urbanisme. Pour un historique, v. M. Deffairi, op. cit., n° 47 et s., 478, et V° Patrimoine commun de la nation, op. cit. ; M.-J. Del Rey, op cit. ; J. Rochfeld, op. cit., p. 390 et s. ; L. Roulette, op. cit., n° 23 et s.
[60] V. M. Deffairi, La patrimonialisation en droit de l’environnement, préc., passim. ; C. Le Bris, op. cit.
[61] V. not. L. Roulette, op. cit., qui en propose l’extension aux ressources minières marines françaises ; F.-G. Trébulle, op. cit.
[62] La référence à la valeur, symbolique ou économique, est ici aussi fréquente que déterminante. V. J. Attard, op. cit. ; M. Deffairi, V° Patrimoine commun de la Nation, op. cit. ; M.-J. Del Rey, op. cit. ; C. Groulier, op. cit. ; L. Roulette, op. cit., n° 124, note 352.
[63] V. J. Attard, op. cit. ; M. Deffairi, La patrimonialisation en droit de l’environnement, op. cit., n° 467 et s. ; M.-J. Del Rey, op. cit. ; C. Groulier, op. cit. ; J. Rochfeld, op. cit., p. 395 et s. ; L. Roulette, op. cit., n° 25 et s., et 76 et s.
[64] M. Deffairi, op. cit., passim. et V° Patrimoine commun de la Nation, op. cit. ; F.-G. Trébulle, op. cit.
[65] V. J. Attard, op. cit. ; M.-J. Del Rey, op. cit. ; C. Groulier, op. cit. ; I. Savarit, op. cit. Rappr. J. Rochfeld, op. cit., p. 309 et s.
[66] L. Roulette, op. cit., n° 66 ; I. Savarit, op. cit.
[67] Ibid.
[68] M. Cornu, op. cit. ; I. Savarit, op. cit.
[69] M. Deffairi, La patrimonialisation en droit de l’environnement, op. cit., n° 1137 et s.
[70] C. Groulier, op. cit. ; F. Terré, op. cit. ;
[71] F.-G. Trébulle, op. cit.
[72] V. spéc. L. Roulette, op. cit., not. n° 123 et s., selon qui le régime prévu par la Convention de Montego Bay pour la Zone (non-appropriation, usage scientifique commun, exploitation pacifique et solidaire des ressources) peut servir de modèle, à parfaire à la marge. Adde M.-J. Del Rey, op. cit.
[73] C. Groulier, op. cit. ; M. Deffairi, op. cit., n° 767 et s., et V° Patrimoine commun de la Nation, op. cit. ; I. Savarit, op. cit. Rappr. C. Le Bris, op. cit.
[74] H. Hellio, De la valeur partagée de la sûreté de la planète à la répression internationale de l’écocide. Une nouvelle quête, in Des écocrimes à l’écocide, Le droit pénal au secours de l’environnement (dir. I. Fouchard et L. Neyret), Bruylant, 2015, p. 109 ; L. Neyret, Libres propos sur le crime d’écocide : un crime contre la sûreté de la planète, in Mélanges G.-J. Martin, éd. Frison-Roche, 2013, p. 411.
[75] A. Leopold, Almanach d’un Comté des sables, 1949.
[77] Rappr., plus généralement, J. Attard, op. cit.
[78] V. A. Gogorza, Existe-t-il un crime international écologique ?, in La protection pénale de l’environnement (dir. A. Gogorza et R. Ollard), Travaux de l’ISCJ, n° 4, 2014, p. 381 ; J. Lagoutte, L’apport du droit pénal international à la réaction au risque et au dommage environnemental, in L’apport du droit privé à la protection de l’environnement, op. cit.
[79] La Convention de Montego Bay (art. 215 et s.) admet néanmoins la possibilité que le respect des normes visant la prévention, la réduction et la maîtrise de la pollution du milieu marin résultant d’activités menées de la Zone soit assuré par le biais de la loi pénale mais cela est très implicite.
[80] Convention de Washington sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction du 3 mars 1973, Convention de Londres pour la prévention de la pollution par les navires, dite Convention Marpol, du 2 novembre 1973 ou Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination du 22 mars 1989, par exemple. V. J. Lagoutte, op. cit.
[81] V. S. Sana et V. Malabat, Internationalisation des compétences judiciaires : conflit et articulation des compétences, in La protection pénale de l’environnement, op. cit., p. 360.
[82] C. env., art. L. 216-3 (N° Lexbase : L1210KZT) et s.
[83] C. env., art. L. 415-3 (N° Lexbase : L5270LRM) et s.
[84] C. pén., art. 410-1 (N° Lexbase : L1980AMB).
[85] V. M. Lacaze, Réflexions sur le concept de bien juridique protégé par le droit pénal, LGDJ/Varenne, n° 39, 2010, n° 134, et 341.
[86] Cass. crim., 4 janvier 1978, n° 77-90.947 (N° Lexbase : A9646CEY).
[87] Cass. crim., 30 janvier 1862, DP 1862, 1, p. 442.
[88] C. pén., art. 211-1 et s. (N° Lexbase : L4443GTQ).
[89] V. F. Terré, op. cit.
[90] C. pén., art. 211-1 (N° Lexbase : L4443GTQ).
[91] C. pén., art. 411-2 (N° Lexbase : L1938AMQ).
[92] M. Deffairi, op. cit.
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par Matthieu Hy, avocat au Barreau de Paris, ancien Secrétaire de la Conférence
Le 22 Septembre 2021
Mots-clés : saisie pénale • confiscation • droits de la défense • tiers de bonne foi
La loi n° 2010-768, du 9 juillet 2010, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, a conduit les praticiens à redécouvrir une peine aux potentialités répressives indéniables. Pendant dix ans, la jurisprudence a explicité, affiné ou même complété les dispositions législatives limitées du Code pénal et du Code de procédure pénale. Ce droit principalement prétorien a récemment montré ses limites. L’intervention du législateur est désormais requise pour permettre de poursuivre l’édification de la matière.
I. Règles procédurales
A. Accès aux pièces de la procédure
1. Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.238, FS-D
2. Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.893, FS-P+B
3. Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-87.071, FS-P+B+I
B. Statut procédural du tiers à la procédure
4. Cass. crim., 20 mai 2015, n° 14-81.741, F-P+B
5. Cons. const., décision n° 2021-899 QPC, du 23 avril 2021
II. Droit substantiel
A. Contrôle de proportionnalité et motivation
6. Cass. crim. 4 mai 2017, n° 16-87.330, F-D
7. Cass. crim., 24 octobre 2018, n° 18-80.834, FS-P+B+R+I
8. Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-86.979, FS-P+B+I
9. Cass. crim., 18 mars 2020, n° 19-82.978, F-P+B+I
10. Cass. crim., 29 janvier 2020, n° 17-83.577, F-P+B+I
B. Réserve des droits du tiers de bonne foi
11. Cass. crim., 7 novembre 2018, n° 17-87.424, FS-P+B+R+I
12. Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-84.619, FS-P+B+I
I. Règles procédurales
A. Accès aux pièces de la procédure
Le mis en cause, au stade de l’enquête préliminaire, et le tiers, tout au long de procédure, ne peuvent avoir accès, pour faire valoir leurs droits, à l’intégralité du dossier. Ils ne peuvent disposer que des « seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie » [1], au stade de la contestation d’une saisie pénale spéciale, ou aux seuls « procès-verbaux relatifs à la saisie des objets » [2] au stade du jugement. Ces formulations imprécises ont nécessité une clarification de la part de la Cour de cassation qui a néanmoins toujours estimé que cette limitation de l’accès au dossier était conforme aux normes conventionnelles [3] et ne méritait pas d’être soumise au Conseil constitutionnel [4].
1. Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.238, FS-D (N° Lexbase : A3232XR7) [5] – mise à disposition indispensable de la requête et de l’ordonnance de saisie pénale. En l’espèce, dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte des chefs de travail dissimulé et abus de biens sociaux, les investigations ont révélé que la mise en cause avait financé un bien immobilier par des sommes susceptibles de provenir des infractions poursuivies. À la requête du ministère public, le juge des libertés et de la détention (JLD) a autorisé la saisie pénale dudit bien. Il a été relevé appel de la décision. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance en rappelant qu’en limitant l’accès de l’appelant aux seules pièces se rapportant à la saisie, l’article 706-150, alinéa 2, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7454LPR) garantissait un juste équilibre entre le droit de l’appelant à un recours effectif et la nécessité de protéger le secret de l’enquête. L’appelante s’est pourvue en cassation.
D’une part, la Chambre criminelle affirme que constituent les seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie, au sens de la disposition précitée, « la requête du ministère public, l’ordonnance attaquée et la décision de saisie [6] précisant les éléments sur lesquels se fonde la mesure de saisie immobilière ». D’autre part, elle souligne que l’appelant ne démontre pas que la chambre de l’instruction s’est fondée sur des pièces qui ne lui ont pas été communiquées.
La Chambre criminelle avait déjà eu l’occasion d’affirmer, dans un arrêt du 31 mai 2017 [7], que la requête du procureur de la République devait nécessairement être mise à disposition de l’appelant. La jurisprudence postérieure à l’arrêt commenté a maintenu cette exigence minimale de mise à disposition de la requête du ministère public et de l’ordonnance du JLD tout en précisant qu’il appartenait à la chambre de l’instruction d’assurer le respect de cette formalité, au besoin en renvoyant l’affaire à une audience ultérieure [8]. S’agissant des saisies réalisées sur le fondement des articles 706-153 et 706-154 du Code de procédure pénale, s’ajoute l’exigence de mise à disposition du procès-verbal constatant les opérations de saisie initiale [9].
L’interdiction, pour une chambre de l’instruction, de se fonder sur des pièces non communiquées à l’appelant, avait déjà été affirmée dans un arrêt du 12 mai 2015 [10].
Cette double solution permet peut-être de sauver les apparences. Elle est en réalité impraticable. En premier lieu, la seule communication à l’appelant d’une ordonnance dont il dispose déjà, dès lors qu’il en a interjeté appel, et d’une requête dont l’ordonnance peut n’être que le copier-coller [11], rend toute défense illusoire. Elle contraint même l’appelant à faire preuve d’une prudence qui peut paralyser son argumentation lorsqu’il risque de s’auto-incriminer. Pire, la pauvreté du débat qu’elle engendre profite au seul ministère public. Il n’est point besoin d’exposer en quoi toute perspective de débat est anéantie quand une partie n’a accès qu’à la requête introduite par son adversaire lors d’une première instance non-contradictoire.
En second lieu, la contrepartie, consistant à interdire à la chambre de l’instruction de se fonder sur des pièces non communiquées, est doublement critiquable. D’une part, elle suppose que la juridiction a, tout comme le ministère public, pu prendre connaissance de pièces dissimulées à l’appelant. En effet, la solution dégagée consiste uniquement à ne pas en faire état dans sa décision. D’autre part, cette prohibition empêche la juridiction d’appel de remplir son office et notamment de se conformer aux exigences même de la Cour de cassation. À titre d’illustration, lorsqu’elle statue sur l’appel d’une ordonnance de saisie pénale d’un bien appartenant à une personne mise en cause au stade de l’enquête préliminaire, la chambre de l’instruction doit « s’assurer, par des motifs propres, de l’existence d’indices laissant présumer la commission des infractions sur la base desquelles » la saisie a été réalisée [12]. La Chambre criminelle ajoute qu’elle doit, pour ce faire, se placer « à la date où elle se prononce » sur la saisie pénale [13]. De manière générale, la juridiction d’appel doit vérifier le caractère confiscable du bien. Ces exigences ne peuvent être remplies sur la seule base de la requête du ministère et de l’ordonnance du JLD qui est fréquemment sa sœur jumelle.
2. Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.893, FS-P+B (N° Lexbase : A3194XRQ) [14] – nécessité de communiquer les pièces sur lesquelles la chambre de l’instruction se fonde dans ses motifs décisoires. En l’espèce, à la suite de l’ouverture d’une information judiciaire du chef de fraude fiscale et blanchiment aggravé de ce délit, la magistrat instructeur a ordonné la saisie pénale en valeur des sommes figurant au solde d’un compte bancaire dont un mis en cause était titulaire. Ce dernier a interjeté appel de la décision. Pour rejeter l’exception de nullité tirée de l’absence de mise à disposition de pièces autres que l’ordonnance de saisie et les réquisitions du procureur général, la chambre de l’instruction a notamment rappelé que l’appelant avait eu connaissance des faits à travers l’ordonnance déférée et les réquisitions du ministère public. L’appelant s’est pourvu en cassation.
Au visa de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH), la Chambre criminelle estime qu’en matière de saisie pénale spéciale, la chambre de l’instruction « qui, pour justifier d’une telle mesure, s’appuie sur une ou des pièces précisément identifiées de la procédure est tenue de s’assurer que celles-ci ont été communiquées à la partie appelante ». À ce titre, elle considère que la juridiction d’appel aurait dû s’assurer que l’appelant avait eu accès à la plainte de l’administration fiscale sur laquelle elle se fondait pour confirmer la saisie.
Si la solution semble plus respectueuse des droits de la défense que l’arrêt déjà évoqué du même jour [15], il n’est encore une fois question que d’apparence.
En premier lieu, le principe posé, qui conduit à ce que la chambre de l’instruction doive réaliser une communication à dose homéopathique, tantôt d’une plainte comme en l’espèce, tantôt de déclarations [16] ou d’interceptions téléphoniques [17], s’avère particulièrement artificiel. Un arrêt de chambre de l’instruction se fonde nécessairement, tout comme la requête du ministère public et l’ordonnance du JLD ou du juge d’instruction, sur une multitude d’éléments contenus dans l’ensemble du dossier et pouvant être considérés comme le support des motifs décisoires.
En deuxième lieu, la solution conduit à favoriser les motivations les moins précises qui ne nécessiteront aucune mise à disposition de pièces supplémentaires, ce qui constitue une sorte de prime à l’imprécision.
En troisième lieu, elle fait du respect du contradictoire une formalité postérieure à la décision de confirmation de la saisie. En effet, une fois que la chambre de l’instruction a pris sa décision, elle doit s’assurer que les pièces précisément identifiées dans ses motifs décisoires avaient bien été communiquées à l’appelant. À défaut, elle devra rendre une décision avant-dire droit qui présagera, derrière la soudaine volonté de respecter le contradictoire, une décision défavorable à l’appelant.
3. Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-87.071, FS-P+B+I (N° Lexbase : A31933YW) – limitation de l’accès aux pièces pour le tiers durant la phase de jugement. En l’espèce, à l’occasion de poursuites diligentées des chefs de blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs, un prévenu a été condamné notamment à la confiscation d’un immeuble, peine confirmée en appel. Une société de droit panaméen a sollicité en vain la restitution de l’immeuble, dont elle prétendait être propriétaire, tant devant le tribunal correctionnel que devant la cour d’appel. Elle s’est pourvue en cassation, reprochant notamment aux juges du fond d’avoir retenu, pour rejeter la demande de restitution, que la procédure avait établi les infractions commises par le prévenu sans s’assurer que la société avait eu communication de l’entier dossier de la procédure.
La Chambre criminelle rappelle que si l’article 1er du protocole n°1 à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9) prévoit que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que ces dispositions n’interdisent nullement aux Etats de réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général, « les intéressés doivent bénéficier d’une procédure équitable, qui comprend le droit au caractère contradictoire de l’instance ». Elle synthétise ensuite les principes qui régissent la communication de pièces au tiers requérant la restitution d’un bien devant la juridiction correctionnelle et dont celle-ci doit assurer le respect. À titre préalable, la Haute juridiction expose que ces principes ne trouvent à s’appliquer au tiers que « si la saisie a été opérée entre ses mains ou s’il justifie être titulaire de droits sur le bien dont la restitution est sollicitée ». En l’espèce, elle estime que la société panaméenne n’était dans aucune de ces deux situations. Lorsque tel est le cas, doivent être « communiqués en temps utile, outre les procès-verbaux de saisie ou, en cas de saisie spéciale, les réquisitions aux fins de saisie, l’ordonnance et, le cas échéant, la décision de saisie » ainsi que « les pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle se fonde dans ses motifs décisoires ». Ce faisant, la Chambre criminelle calque le régime de la communication de pièces devant la juridiction de jugement sur celui applicable devant la chambre de l’instruction [18]. Il est vrai que l’article 479, alinéa 2, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9923IQL), qui prévoit, devant le tribunal correctionnel, la communication des seuls « procès-verbaux relatifs à la saisie des objets » n’invitait guère la Chambre criminelle à l’audace. Pourtant, non seulement les critiques émises quant au caractère impraticable de cette solution (v. supra) restent valables lors de phase de jugement, mais la limitation même de l’accès au dossier ne se justifie plus. En effet, la Chambre criminelle n’a eu de cesse de rappeler que l’accès limité aux pièces de l’appelant d’une ordonnance de saisie pénale résultait d’une mise en balance de ses droits d’une part et de la nécessité de protéger le secret de l’enquête et de l’instruction d’autre part [19]. Or, la phase de jugement est publique, orale et contradictoire si bien que reléguer le tiers requérant à la situation de spectateur du procès principal ne se justifie pas. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) paraît exiger que la personne dont le bien est menacé de confiscation bénéficie du statut de partie au procès [20]. En outre, la nécessité préalable de vérifier que le tiers remplit les conditions lui permettant de prétendre aux quelques pièces énumérées et celle de déterminer les pièces à communiquer risquent fort de conduire à dissocier le jugement au fond de celui portant sur la requête. Or, si ces deux jugements n’ont pas lieu simultanément, le tribunal ou la cour pourrait rendre deux décisions contradictoires.
B. Statut procédural du tiers à la procédure
4. Cass. crim., 20 mai 2015, n° 14-81.741, F-P+B (N° Lexbase : A5397NIQ) – possibilité de solliciter la restitution d’un bien définitivement confisqué. À la suite de la condamnation définitive d’un individu pour infraction à la législation sur les stupéfiants à la peine de confiscation d’un immeuble lui appartenant ainsi qu’à son épouse, cette dernière et le condamné ont saisi la cour d’appel d’une requête en difficulté d’exécution fondée sur l’article 710 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7690LPI) tendant à ce que soit restitué à l’épouse les droits qu’elle détenait. La cour d’appel a rejeté la requête au motif que l’arrêt de condamnation était opposable erga omnes et qu’il n’était affecté d’aucune erreur matérielle. Les époux se sont pourvus en cassation.
Au visa des articles 710 du Code de procédure pénale et 131-21 (N° Lexbase : L9506IYQ) et 222-49 (N° Lexbase : L6422ISN) du Code pénal, la Chambre criminelle rappelle que doit être examinée, au regard de la réserve des droits du tiers propriétaire de bonne foi, « la requête de toute personne non condamnée pénalement qui est copropriétaire d’un bien indivis et qui soulève des incidents contentieux relatifs à l’exécution d’une décision pénale ordonnant la confiscation de ce bien ». Elle estime que si le condamné était irrecevable, la situation de son épouse devait en revanche être examinée afin de déterminer si celle-ci pouvait être considérée comme « propriétaire de bonne foi de sa part indivise ».
Par application du principe selon lequel nul ne plaide par procureur, le prévenu n’a pas qualité pour solliciter la restitution au profit d’un tiers d’un bien saisi [21]. Dès lors, si le tiers peut intervenir à l’audience de jugement afin de solliciter la restitution de son bien [22] ou si la juridiction peut le lui restituer d’office [23], il ne saurait être reproché au tiers son absence dès lors qu’il n’a pas été cité. Ainsi, compte-tenu de l’absence d’opposabilité erga omnes d’un jugement de confiscation [24], la Chambre criminelle a ouvert la voie de l’article 710 du Code de procédure pénale au tiers dont le bien a été définitivement confisqué afin qu’il puisse en solliciter la restitution [25]. Cette disposition fourre-tout, qui ne contient aucune disposition spécifique à la requête en restitution – au point qu’en l’espèce la cour d’appel semble avoir supposé que les époux avaient déposé une « requête en rectification d’erreur matérielle » – prévoit que « tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ». Elle permet donc d’obtenir, à condition que le tiers soit considéré de bonne foi, la restitution d’un bien pourtant définitivement confisqué.
Cette procédure pose une double difficulté.
En premier lieu, elle conduit à demander à la juridiction même qui a prononcé la confiscation de se déjuger, ce qui implique à l’évidence une difficulté relative à l’impartialité.
En second lieu, selon que le condamné aura décidé ou non d’interjeter appel, le tiers devra saisir tantôt un tribunal correctionnel, tantôt une cour d’appel. Il peut donc être privé sans raison pertinente d’un double degré de juridiction. Cette même critique a été retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 21 juillet 2021 [26] comme justifiant l’abrogation de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 710 du Code de procédure pénale : « elle statue sur les demandes de confusion de peines présentées en application de l’article 132-4 du Code pénal ». Si les Sages ont pu considérer, s’agissant de telles demandes, que le mécanisme de l’article 710 du Code de procédure pénale conduit « à une distinction injustifiée entre les personnes condamnées qui demandent la confusion de peines après qu’elles sont devenues définitives », le caractère constitutionnel du même mécanisme appliqué aux tiers sollicitant la restitution de leurs biens est désormais plus que douteux car il engendre également une distinction injustifiée.
Par un arrêt du 10 avril 2019 [27], la Haute juridiction a considéré que la voie procédurale de l’article 710 du Code de procédure pénale, ouverte à toute personne non condamnée pénalement et prétendant être titulaire de droits sur le bien confisqué, l’était à la personne définitivement acquittée par une cour d’assises ayant confisqué un bien lui appartenant. Ainsi, bien qu’elle soit partie à la procédure ayant abouti à la confiscation, cette personne peut déposer une requête en restitution qui pourra aboutir à remettre en cause l’autorité de la chose d’un arrêt qui lui était pourtant opposable.
5. Cons. const., décision n° 2021-899 QPC, du 23 avril 2021 (N° Lexbase : A10534Q3) – inconstitutionnalité du statut du tiers propriétaire lors de la phase jugement. En l’espèce, trois membres d’une même famille, poursuivis des chefs de proxénétisme aggravé, traite des êtres humains aggravée, association de malfaiteurs et blanchiment aggravé, ont été condamnés, notamment à la peine de confiscation de patrimoine, par le tribunal correctionnel. Saisie de l’appel de deux d’entre eux, limité à la peine de confiscation, la cour d’appel a confirmé le jugement. Parmi les biens confisqués se trouvaient des immeubles appartenant aux enfants du prévenu non appelant et des parts de société dont la grand-mère d’un des appelants était propriétaire. Les trois prévenus initiaux se sont pourvus en cassation. À cette occasion, ils ont soulevé deux questions prioritaires de constitutionnalité estimant, en substance, que les dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale portaient atteinte au droit au recours effectif en ce qu’elles ne prévoyaient pas l’obligation d’attraire à la procédure le tiers dont le bien est susceptible d’être confisqué. Par un arrêt en date du 3 février 2021 [28], la Chambre criminelle a renvoyé les questions au Conseil constitutionnel, les jugeant sérieuses dès lors que la loi ne prévoit pas que le tiers propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure soit cité à comparaître devant la juridiction de jugement pour y faire valoir ses droits.
Sans surprise, le Conseil constitutionnel reconnaît que le statut procédural du tiers propriétaire au stade du jugement méconnait le droit à exercer un recours juridictionnel effectif et le respect des droits de la défense garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1363A9D). Les Sages abrogent en conséquence les mots « ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition » figurant à l’article 225-25 du Code pénal (N° Lexbase : L7002K7H). Ils reportent l’abrogation au 31 décembre 2021.
La portée de cette décision est particulièrement importante. En effet, l’article 225-25 du Code pénal ne concerne que la peine de confiscation du patrimoine en matière de traite des êtres humains ou de proxénétisme. Toutefois, d’une part, cette disposition ne constitue, comme le relevait la Chambre criminelle dans son arrêt de transmission [29], qu’une « application spéciale de la peine définie en des termes identiques par le sixième alinéa de l’article 131-21 du Code pénal ». Il en résulte que cette déclaration d’inconstitutionnalité concerne nécessairement la peine de confiscation de patrimoine dans son ensemble ainsi que toutes ses applications spéciales. D’autre part, le mécanisme permettant de confisquer un bien qui est à la libre disposition du condamné et dont le propriétaire, tiers à la procédure, est de mauvaise foi, est prévu dans des termes similaires à ceux abrogés par le Conseil constitutionnel pour la confiscation de l’instrument de l’infraction [30], celle reposant sur la présomption d’illicéité [31] et la confiscation en valeur [32]. Enfin, la réserve des droits du tiers de bonne foi a été étendue par la jurisprudence au produit de l’infraction [33]. Dans ces conditions, il n’est pas exagéré de considérer que l’inconstitutionnalité concerne le statut du tiers lors de la phase de jugement, quel que soit le type de confiscation encouru.
Procéduralement, le fait d’être mis en mesure de faire valoir ses droits de tiers de bonne foi devant la juridiction de jugement paraît être subordonné au fait que la qualité de propriétaire soit connue des autorités judiciaires, ce qui est le cas notamment en cas de saisie pénale immobilière, ou qu’elle ait été réclamée au cours de la procédure, ce qui sera naturellement le cas dans l’hypothèse d’une requête en restitution formée lors de la phase d’enquête ou d’instruction. Dès lors que la citation à l’audience subordonne l’opposabilité de la décision rendue par les juridictions du fond [34], le législateur ne pourra se borner à un dispositif qui prévoirait par exemple l’audition du tiers par les services de police au cours de la procédure. Une telle mise en conformité ne suffirait pas à faire obstacle à une requête ultérieure en difficulté d’exécution du tiers qui aurait été mis en mesure de présenter ses observations dès lors que le jugement ne lui serait pas opposable.
II. Droit substantiel
Le principal apport de la jurisprudence de la décennie écoulée en matière de saisies pénales et confiscations est probablement la mise en place et la définition des contours du contrôle de proportionnalité de ces mesures qui ne figure ni à l’article 131-21 du Code pénal, ni aux articles 706-141 (N° Lexbase : L7245IMB) et suivants du Code de procédure pénale.
A. Contrôle de proportionnalité et motivation
6. Cass. crim. 4 mai 2017, n° 16-87.330, F-D (N° Lexbase : A9516WB3) – contrôle de proportionnalité de la saisie de patrimoine. En l’espèce, un individu mis en examen des chefs d’infraction à la législation sur les jeux en bande organisée et blanchiment aggravé s’est vu saisir pénalement cinq biens immobiliers lui appartenant. Il a interjeté appel des ordonnances du juges d’instruction. La chambre de l’instruction a confirmé les saisies en cause, estimant qu’elles n’étaient pas de nature à constituer une atteinte à la propriété privée dès lors qu’elles ne constituaient que des mesures conservatoires. Un pourvoi en cassation a été formé par le propriétaire des biens.
Au visa notamment de l’article 1 du protocole n° 1 à la CESDH, la Chambre criminelle pose pour principe que « le juge qui prononce une mesure de saisie de tout ou partie du patrimoine doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée aux droits de l’intéressé ». Elle conclut à la cassation faute pour la chambre de l’instruction d’avoir recherché « si les mesures critiquées, en ce qu’elles concernent des éléments de patrimoine insusceptibles de constituer le produit de l’infraction, ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété du demandeur ». Quelques mois plus tôt, la Haute juridiction avait affirmé qu’était « inopérant le moyen pris de la violation du principe de proportionnalité par une mesure de saisie pénale en valeur au regard du droit de propriété dès lors que cette saisie a porté sur la valeur de l’objet ou du produit direct ou indirect supposé de l’infraction » [35].
Ainsi étaient posées les bases du contrôle de proportionnalité en matière de saisies pénales spéciales. Si ce contrôle s’applique à la saisie de patrimoine – ce qui renvoie à la confiscation de l’alinéa 6 de l’article 131-21 du Code pénal – il est exclu s’agissant de la saisie portant sur la valeur de l’objet ou du produit de l’infraction – ce qui renvoie à la confiscation des alinéas 3 et 9 de l’article 131-21 du Code pénal.
Deux arrêts en date du 25 septembre 2019 [36] synthétisent les principes applicables au contrôle de proportionnalité de la façon suivante : « hormis le cas où la saisie, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, le juge, en autorisant ou ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé, au regard de la situation personne de ce dernier et de la gravité concrète des faits, lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une saisie de patrimoine ».
Il résulte de l’ensemble de ces arrêts que le contrôle de proportionnalité est exclu lorsque le bien est, dans sa totalité, en nature ou valeur, l’objet ou le produit de l’infraction. Lorsqu’il est applicable, ce contrôle a lieu sur invocation de l’intéressé ou d’office en cas de saisie de patrimoine. Enfin, les critères cumulatifs [37] du contrôle sont la situation de l’intéressé et la gravité concrètes des faits. Ainsi a-t-il été logiquement jugé que le contrôle de proportionnalité s’appliquait, sur invocation, à la saisie, en valeur [38] ou en nature [39], de l’instrument de l’infraction.
Le principe de proportionnalité ne doit pas être confondu avec celui selon lequel le montant d’une saisie en valeur, sur le fondement de l’article 131-21, alinéa 9, ne saurait être supérieur au montant saisissable en nature, en général sur le fondement des alinéas 2 ou 3 de la même disposition [40]. Ce dernier principe exige le respect d’un plafond dont le dépassement conduit impérativement à lever la mesure de saisie [41].
L’exclusion de tout contrôle de proportionnalité en matière de saisie, en valeur ou en nature, de l’objet ou du produit de l’infraction se révèle en apparence compréhensible. En effet, saisir puis confisquer l’objet ou le produit de l’infraction aboutirait à un logique statu quo ante, garantissant que « le crime ne paie pas ». Il est aisé de concevoir en quoi il serait illégitime pour un suspect, présomption d’innocence mise à part [42], de prétendre que la saisie du bien qu’il a, par exemple, volé ou de son équivalent pourrait porter une atteinte disproportionnée à son droit de propriété.
Toutefois, au-delà des apparences, l’absence de contrôle de proportionnalité se révèle contestable.
En premier lieu, la notion d’objet de l’infraction peut conduire à saisir un bien qui n’a pas été acquis de manière illicite et qui ne représente pas non plus, en valeur, l’avantage économique tiré de l’infraction. Cette observation s’ajoute au caractère imprécis de cette notion qui, bien qu’à mi-chemin entre l’instrument et le produit de l’infraction [43], suit le régime juridique du produit dans la mesure où il relève du même alinéa 3 de l’article 131-21 du Code pénal. Or, jusqu’à la loi du 5 mars 2007 [44], cette disposition précisait que « la chose qui est l’objet de l’infraction est assimilée à la chose qui a servi à commettre l’infraction ou qui en est le produit ». Ainsi, le principe de légalité paraît mis à mal par cette notion qui pourrait conduire à faire échapper au contrôle de proportionnalité un bien qui serait plus proche de l’instrument que du produit de l’infraction. En tout état de cause, en pratique, la saisie de l’objet de l’infraction peut se révéler parfaitement disproportionnée. Tel est par exemple le cas de sociétés qui se voient saisir l’objet d’un délit de blanchiment, sommes qui peuvent être particulièrement importantes alors même que le profit retiré par ces sociétés sur les comptes desquels ont transité ces sommes se révèle minime.
En deuxième lieu, la notion de produit de l’infraction manque également de précision alors même que la jurisprudence est plus abondante qu’en matière d’objet de l’infraction. Un arrêt du 5 mai 2021 [45] définit ce produit comme « l’avantage économique tiré de l’infraction pénale et qui constitue la conséquence patrimoniale de sa commission ». Par une autre décision du 10 mars 2021 [46], la Chambre criminelle paraît admettre que le produit de l’infraction puisse correspondre à la marge nette hots taxe réalisée par une société. Il est d’autant plus souhaitable que la jurisprudence affine cette notion que les juges sont tenus d’évaluer le produit en matière de saisie en valeur [47]. Lorsque le produit peut aisément être évalué au montant du préjudice subi par la partie civile, il n’en reste pas moins que le caractère disproportionné peut résulter du fait que ce préjudice ne correspond pas au profit corrélatif de l’auteur des faits, voire que l’auteur n’a tiré aucun profit du fait de la perte ou de la destruction du bien.
En troisième lieu, l’exclusion du contrôle concerne également la saisie en valeur. Dans cette hypothèse, le bien saisi n’a pas de lien avec l’infraction, ce qui ne devrait pas être indifférent, ne serait-ce que parce que la saisie pénale est susceptible de porter atteinte à d’autres droits et libertés, tel que le droit à la vie privée et familiale. Une illustration est la saisie ou le refus de restitution d’un bien à la valeur sentimentale importante mais à la valeur vénale faible au motif que cette dernière valeur est inférieure au produit de l’infraction et que le bien encourt donc la confiscation en valeur. Toutefois, la jurisprudence ne semble pas interdire un contrôle de proportionnalité qui serait fondé sur un autre droit que le droit de propriété.
En quatrième lieu, l’exclusion du contrôle de proportionnalité en matière de saisie de l’objet ou du produit de l’infraction fait fi de la partie civile. En effet, la saisie pénale est moins logique qu’il n’y paraît lorsqu’est souligné le fait que celle-ci n’a pas vocation à indemniser la partie civile. Or, le statu quo ante, objectif affiché pour que le crime ne paie pas, est obtenu par l’indemnisation de la partie civile. Hors le cas de l’absence de partie civile, la somme saisie au titre du produit s’ajoutera, si elle est confisquée, à celle correspondant au montant des dommages et intérêts ou des sanctions, notamment fiscales, résultant de procédures parallèles. Ainsi, ce que la jurisprudence estime par nature proportionné n’est souvent rien de moins que des sanctions pécuniaires équivalant au double du produit de l’infraction. Ce constat n’est pas remis en cause par le mécanisme de l’article 706-164 du Code de procédure pénale dès lors que si la victime peut être indemnisée sur les biens confisqués, l’Etat sera subrogé dans les droits de la victime à hauteur des sommes versées. Les dommages et intérêts et les sommes confisquées ne se confondront donc jamais.
L’absence de caractère obligatoire de la peine de confiscation de l’objet ou du produit de l’infraction ne saurait constituer une réponse à de telles critiques.
La Chambre criminelle a toutefois posé une limite à cette exclusion du contrôle de proportionnalité dans un arrêt du 24 octobre 2018 [48].
7. Cass. crim., 24 octobre 2018, n° 18-80.834, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5490YI8) – limitation de l’exclusion du contrôle de proportionnalité du produit de l’infraction. En l’espèce, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte du chef d’escroquerie en bande organisée portant sur de la TVA et ayant causé à l’Etat un préjudice évalué à environ 10 millions d’euros, un mis en examen s’est vu saisir en valeur un bien immobilier d’une valeur de 245 000 euros lui appartenant ainsi qu’à sa compagne. Il a interjeté appel de l’ordonnance de saisie pénale immobilière, faisant notamment valoir le caractère disproportionné de cette mesure qui faisait suite à des saisies opérées sur ses comptes bancaires ainsi qu’à la saisie de deux véhicules. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de saisie au motif que la valeur du bien saisi était inférieur à celle du produit de l’infraction. Le propriétaire du bien immobilier s’est pourvu en cassation.
À titre liminaire, la Haute juridiction expose que la chambre de l’instruction n’avait pas à caractériser un risque de dissipation du bien pour justifier la saisie. Bien que constante [49], cette solution ne manque pas d’étonner. D’une part, il est surprenant que le traditionnel duo nécessité et proportionnalité soit amputé en matière de saisies pénales. D’autre part, toutes les ordonnances de saisie rendues par les JLD et les juges d’instruction contiennent donc un argument, celui du risque de dissipation, auquel l’appelant n’a pas le droit de répondre.
Dans un premier temps, la Chambre criminelle rappelle que « le montant d’une saisie pénale en valeur ne doit pas excéder la valeur du bien susceptible de confiscation ».
Dans un deuxième temps, elle énonce qu’en cas de pluralité d’auteurs ou de complices, ce qui était le cas dans les tentaculaires faits d’espèce, « chacun d’eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées, avec ou non la circonstance de bande organisée, à la condition que la valeur totale des biens confisqués n’excède pas celle du produit total de cette ou de ces infractions ». Ainsi, d’une part, le produit ne doit pas être évalué au regard de l’ensemble de l’affaire mais de la ou des infractions reprochées au mis en examen dont le bien est saisi. D’autre part, le cumul des montants des biens confisqués ne pourra dépasser le produit total de la ou des infractions en question.
Dans un troisième temps, la Chambre criminelle réintroduit partiellement le contrôle de proportionnalité lorsqu’il est établi que le mis en cause n’a pas bénéficié de la totalité du produit de l’infraction. Dans cette hypothèse, l’intéressé peut invoquer le caractère disproportionné de la saisie pour la partie du produit dont il n’a pas tiré profit.
Ces solutions permettent de tempérer la sévérité de l’exclusion du contrôle de proportionnalité en matière de saisie de l’objet ou du produit de l’infraction. Tel est en effet particulièrement le cas lorsque la personne n’est mise en cause que pour avoir été l’un des auteurs de l’une des infractions poursuivies. Les faits de l’espèce illustrent parfaitement cette hypothèse dans laquelle la personne dont le bien a été saisi pénalement a une implication limitée dans une affaire de grande ampleur.
8. Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-86.979, FS-P+B+I (N° Lexbase : A552137M) – application du principe de proportionnalité au tiers de mauvaise foi. Dans le cadre d’une affaire d’infractions à la législation sur les stupéfiants, une cour d’appel a condamné un prévenu notamment à la peine de confiscation d’un bien immobilier appartenant en indivision à ce dernier et à son épouse, partie intervenante non condamnée, qui a corrélativement vu sa requête en mainlevée rejetée. L’épouse s’est pourvue en cassation.
Dans un premier temps, la Chambre criminelle approuve la cour d’appel d’avoir retenu que seul le condamné avait la libre disposition de l’immeuble et des loyers afférents. En effet, outre qu’il assurait seul la gestion locative de l’immeuble, la Haute juridiction relève que le prêt ayant permis son acquisition n’avait pu être remboursé qu’au moyen des revenus occultes du condamné, ce qui la conduit à conclure qu’il était le propriétaire économique réel de la totalité de l’immeuble confisqué. Est ainsi rappelée la définition de la libre disposition, notion consistant à déterminer l’ayant droit économique réel d’un bien.
Dans un deuxième temps, la Chambre criminelle estime que l’épouse avait connaissance des activités délictueuses de son conjoint, ce qui caractérise sa mauvaise foi. Elle confirme ainsi que l’élément moral qui autorise la confiscation d’un bien appartenant à un tiers, à savoir la mauvaise foi de celui-ci, ne se définit pas comme la volonté d’apparaître comme le propriétaire d’un bien que l’on sait appartenir en réalité à autrui mais aussi comme la connaissance des activités délictueuses du condamné [50].
Dans un troisième temps, la Haute juridiction affirme que le contrôle de proportionnalité, au besoin d’office s’agissant en l’espèce d’une confiscation prononcée sur le fondement de l’article 131-21, alinéa 6, du Code pénal, s’applique au tiers de mauvaise foi. Le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété doit être examinée au regard de la gravité concrète des faits et de la situation personnelle des indivisaires. En l’espèce, l’absence d’atteinte disproportionnée résulte, selon les juges du fond approuvés par la Chambre criminelle, de l’absence de confiscation d’un autre immeuble appartenant en propre à l’épouse et dont les travaux ont en partie été financés par des fonds d’origine douteuse.
La solution de la Cour de cassation est logique et discutable. Dès lors que le contrôle de proportionnalité s’applique, d’office en matière de confiscation de patrimoine, au prévenu reconnu coupable dont un bien est confisqué, il mérite de s’appliquer au tiers de mauvaise foi. À défaut, ce dernier, pourtant non poursuivi pénalement, se trouverait dans une situation moins favorable qu’un condamné. Toutefois, la nécessaire extension du contrôle de proportionnalité au tiers de mauvaise foi n’est que le résultat d’une définition contestable de la mauvaise foi inspirée de certaines dispositions du Code pénal tel que l’article 222-49 (N° Lexbase : L6422ISN) qui prévoit la confiscation de l’instrument et du produit du trafic de stupéfiants « à quelque personne qu’ils appartiennent et en quelque lieu qu’ils se trouvent, dès lors que leur propriétaire ne pouvait en ignorer l’origine ou l’utilisation frauduleuse ». Si la jurisprudence se bornait à considérer que la mauvaise foi n’est caractérisée que lorsque le tiers sait qu’il n’est pas le véritable ayant-droit économique du bien concerné, le principe de proportionnalité n’aurait pas à lui être appliqué dès lors que la confiscation ne serait pas susceptible d’affecter son patrimoine personnel réel. Il s’agirait alors, non de sanctionner le tiers pour sa mauvaise foi, mais de s’assurer que la confiscation n’est pas susceptible de l’affecter. En définissant la mauvaise foi comme la simple connaissance par le tiers des activités délictueuses du condamné, la jurisprudence en fait un tiers qui mérite de subir une sanction et qui doit, dès lors, également bénéficier du contrôle de proportionnalité. Dans ces conditions, la Chambre criminelle estime devoir exiger d’avoir recours, pour l’examen de la situation d’un tiers, au critère de la gravité des faits.
9. Cass. crim., 18 mars 2020, n° 19-82.978, F-P+B+I (N° Lexbase : A49563KR) – application du principe de proportionnalité au refus de restitution après jugement. En l’espèce, une cour d’appel avait condamné un prévenu pour pratiques commerciales trompeuses tout en omettant de statuer sur le sort de biens placés sous main de justice lui appartenant. Le condamné a alors sollicité la restitution des biens saisis, dont une somme d’argent figurant au crédit d’un compte bancaire et un ordinateur, au procureur général, conformément aux dispositions de l’article 41-4 du Code de procédure pénale. Ce dernier a refusé la restitution de ces biens au motif qu’ils constituaient l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction. Le requérant a interjeté appel. La chambre de l’instruction a confirmé la décision de non-restitution dès lors que l’ordinateur et les sommes saisies constituaient le produit et l’instrument de l’infraction. L’appelant s’est pourvu en cassation.
La Chambre criminelle estime que le régime du contrôle de proportionnalité applicable au stade pré-sentenciel et durant la phase de jugement l’est, dans les mêmes conditions, au stade post-sentenciel. Ainsi expose-t-elle qu’ « hormis le cas où le bien saisi constitue, dans sa totalité, l’objet ou le produit de l’infraction ou la valeur de ceux-ci, le juge qui en refuse la restitution, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée au droit de propriété de l’intéressé, au regard de la situation personnelle de ce dernier et de la gravité concrète des faits, lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une saisie de patrimoine ». En l’espèce, d’une part, les biens saisis constituaient le produit de l’infraction, les faisant échapper à tout contrôle de proportionnalité. D’autre part, l’ordinateur était l’instrument de l’infraction, ce qui aurait permis un contrôle de proportionnalité sur invocation, ce dont ne justifiait pas le requérant.
Avec cette solution, la Haute juridiction aligne le régime du refus de restitution qui, au stade post-sentenciel, revêt un caractère définitif, sur celui de la peine. Elle retire tout caractère automatique au refus de restitution de l’instrument de l’infraction, comme pourrait le suggérer l’article 41-4, alinéa 2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7474LPI). Dès lors que l’intéressé aurait pu obtenir la restitution d’un tel bien par la juridiction qui l’a condamné si celle-ci n’avait pas omis de statuer, il apparaît opportun de laisser cette faculté à la chambre de l’instruction. Un doute subsiste sur la possibilité pour le ministère public d’opérer, s’il le souhaitait, ce contrôle de proportionnalité en sa qualité d’autorité de première instance. Il doit par ailleurs être relevé que la Chambre criminelle ajoute doublement au texte en permettant un refus de restitution de l’objet de l’infraction d’une part et de biens constituant, en valeur seulement, l’objet ou le produit de ladite infraction d’autre part.
Cet arrêt est l’occasion de s’interroger sur le mécanisme de l’article 41-4 du Code de procédure pénale qui autorise l’une des parties au procès, le ministère public, puis la chambre de l’instruction en cause d’appel, à modifier l’économie d’un jugement définitif en y ajoutant une mesure qui suit un régime strictement à celui de la peine de confiscation. Un auteur a affirmé qu’il n’était pas certain que le refus de restitution fondé sur l’instrument ou le produit de l’infraction, ajouté par la loi du 3 juin 2016 [51], « résiste à la première QPC venue » [52], d’autant que ce motif de non-restitution avait été ajouté pour éviter la restitution d’un bien lorsqu’une procédure pénale n’avait pu aboutir, par exemple en raison du décès de la personne mise en cause.
Dans un arrêt du 20 janvier 2021 [53], la Chambre criminelle précise que la possibilité de restituer l’instrument de l’infraction sur une requête post-sentencielle se justifie par le fait qu’au stade du jugement, la peine de confiscation de l’instrument de l’infraction, prévue à l’article 131-21, alinéa 2, du Code pénal, et le refus de restitution de l’instrument ou du produit de l’infraction, prévu à l’article 481, alinéa 3, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5014K89) ne constituaient qu’une simple faculté pour la juridiction. Elle ajoute qu’il appartient à la chambre de l’instruction d’apprécier s’il y a lieu ou non de restituer le bien au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle. En l’espèce, les juges avaient été convaincus de restituer les biens saisis au motif qu’ils pouvaient contenir des données personnelles et familiales du requérant et de ses proches, que l’infraction avait duré quelques mois seulement, que le bénéfice en avait été limité et que le requérant déclarait avoir indemnisé les parties civiles.
10. Cass. crim., 29 janvier 2020, n° 17-83.577, F-P+B+I (N° Lexbase : A83173CZ) – motivation de la peine de confiscation. En l’espèce, deux sociétés civiles immobilières ont été poursuivies des chefs de complicité de fraude fiscale et blanchiment, leur représentante légale étant la principale prévenue. Les deux sociétés ont été condamnées, à titre de peine principale, à la confiscation de biens immobiliers leur appartenant. La cour d’appel a retenu que la principale prévenue, également condamnée, était la représentante légale de ces sociétés et leur associée très largement majoritaire. Les deux SCI se sont pourvues en cassation.
Cet arrêt constitue, pour la Chambre criminelle, l’occasion de rappeler aux juges du fond la méthodologie à appliquer en cas de prononcé d’une peine de confiscation à l’encontre d’une personne physique ou morale [54].
En premier lieu, au visa notamment des articles 132-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9834I3M) et 485 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9916IQC), la Haute juridiction rappelle « qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ». Il s’agit de l’exigence générale de motivation des peines à laquelle s’ajoute, dans certaines hypothèses comme le prononcé d’une peine d’amende [55] ou d’emprisonnement ferme [56], des critères de motivation spécifique [57].
En deuxième lieu, elle expose qu’« hormis le cas où la confiscation, qu’elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l’objet ou le produit de l’infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte au droit de propriété de l’intéressé lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine » [58].
Il peut être noté qu’en matière de confiscation, le contrôle de proportionnalité s’applique dans les mêmes conditions qu’en matière de saisie. Il est exclu lorsque le bien constitue en totalité, en valeur ou en nature, le produit de l’infraction [59]. Il n’est réalisé que sur invocation lorsqu’il ne s’agit pas d’une confiscation de patrimoine.
L’exclusion du contrôle de proportionnalité en matière de confiscation de l’objet ou du produit de l’infraction s’est malheureusement doublé d’une dispense de motivation du choix de cette peine. En effet, les articles 365-1 (N° Lexbase : L0982LKL) et 485-1 (N° Lexbase : L7241LPU) du Code de procédure pénale précisent que la motivation doit porter sur le choix de la peine au regard des dispositions de l’article 132-1 du Code pénal, sauf s’il s’agit notamment de la confiscation prévue à l’article 131-21, alinéa 3, du Code pénal.
En troisième lieu, lorsque le juge décide de confisquer un bien, étant rappelé que cette peine n’est pas obligatoire, y compris lorsque le bien est l’objet ou le produit de l’infraction, il lui incombe, « après s’être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l’origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s’expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété du prévenu ».
Est donc révolu le temps où « la confiscation des scellés » constituait presque plus une mesure d’administration judiciaire qu’une peine [60].
B. Réserve des droits du tiers de bonne foi
11. Cass. crim., 7 novembre 2018, n° 17-87.424, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1753YK7) – extension de la réserve des droits du tiers de bonne foi au produit de l’infraction. En l’espèce, un gestionnaire en assurance et une autre prévenue ont été condamnés par le tribunal correctionnel pour escroquerie et recel, le premier ayant détourné des fonds dont il a fait bénéficier la seconde. Cette dernière en avait, à son tour, fait profiter une troisième personne placée sous le statut témoin assisté avant de bénéficier d’un non-lieu à l’issue de l’information judiciaire. Des biens mobiliers et immobiliers appartenant à cette dernière avaient par ailleurs fait l’objet d’une saisie pénale. Devant le tribunal correctionnel, celle-ci, devenue tiers à la procédure, a sollicité en vain la restitution de ses biens. En effet, la juridiction répressive a condamné les prévenus à la peine de confiscation des biens saisis en ce qu’ils constituaient le produit direct de l’infraction. La requérante à la restitution a interjeté appel de la décision rejetant sa demande. La cour d’appel a confirmé le rejet de restitution. D’une part, elle a opposé à l’appelante l’autorité de la chose jugée dès lors que les prévenus condamnés à la peine de confiscation de ses biens n’avaient pas interjeté appel. D’autre part, tout en reconnaissant la qualité de tiers de bonne foi de l’appelante, elle a rappelé que les biens saisis constituaient le produit direct des infractions. La propriétaire des biens s’est pourvue en cassation.
Au visa de l’article 482 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9919IQG), qui dispose que « le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d’appel de la part de la personne qui a formé cette demande », la Chambre criminelle souligne que cette voie de recours est ouverte au tiers « sans que puisse lui être opposé l’autorité de la chose jugée de la décision ordonnant la confiscation ». Elle précise en outre que lorsque les biens ont été confisqués, la demande de restitution doit être examinée à l’aune de l’article 131-21 du Code pénal, tandis que l’article 481 du Code de procédure pénale est réservé au cas où les biens n’auraient pas été confisqués. Au visa de l’article 6, § 2 de la directive 2014/42/UE, du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014 (N° Lexbase : L1123I3Y), elle estime que « les droits du propriétaire de bonne foi doivent être réservés, même lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l’infraction ».
L’article 131-21 du Code pénal mentionne, à quatre reprises et selon la même formule, la réserve des droits du propriétaire de bonne foi. Ainsi en va-t-il de la confiscation de l’instrument de l’infraction [61], de celle reposant sur la présomption d’illicéité [62], de la confiscation de patrimoine [63] et de la confiscation en valeur [64]. Comme le rappelaient les juges du fond en l’espèce, l’article 131-21, alinéa 3 du Code pénal, qui prévoit la peine de confiscation de l’objet ou du produit direct ou indirect de l’infraction, mentionne une seule exception : les biens susceptibles de restitution à la victime. S’appuyant sur le droit de l’Union européenne, la Haute juridiction estime donc la réserve des droits du tiers de bonne foi applicable à une hypothèse non prévue par le texte. Cette solution est conforme tant à sa propre jurisprudence qu’à celle du Conseil constitutionnel. Dans un arrêt du 3 novembre 2011 [65], la Chambre criminelle considérait déjà, au visa de l’article 131-21 du Code pénal, que « la confiscation porte sur les biens qui sont l’objet ou le produit de l’infraction, à l’exception de ceux susceptibles d’être restitués soit à la victime, soit à une personne de bonne foi dont le titre de propriété ou de détention est régulier ». Dans une décision du 26 novembre 2010 [66], le Conseil constitutionnel concluait, sans distinction, que l’article 131-21 du Code pénal était conforme à la Constitution en ce qu’il préservait le droit des tiers de bonne foi.
12. Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-84.619, FS-P+B+I (N° Lexbase : A16713T3) – confiscation pour le tout d’un bien commun malgré la bonne foi de l’épouse. En l’espèce, après avoir déclaré un prévenu coupable d’abus de confiance, une cour d’appel a notamment prononcé la confiscation, à titre de produit indirect de l’infraction, de deux biens immobiliers lui appartenant ainsi qu’à son épouse, tous deux mariés sous le régime de la communauté légale. Ultérieurement, l’épouse a saisi la cour d’une requête tendant à se voir restituer ses droits sur les biens immeubles confisqués en sa qualité de tiers de bonne foi. Les juges ayant fait droit à sa demande, le procureur général près la cour d’appel s’est pourvu en cassation, reprochant à la juridiction d’avoir procédé à une liquidation anticipée partielle de la communauté alors même qu’elle n’est pas dissoute.
La Chambre criminelle rappelle en premier lieu sa jurisprudence assurant la protection des propriétaires de bonne foi, y compris lorsque le bien constitue, comme il l’avait été jugé en l’espèce, le produit direct ou indirect de l’infraction [67] et y compris en cas de situation d’indivision [68].
En deuxième lieu, la Haute juridiction expose les dispositions civiles applicables aux dettes dont chaque époux est tenu pendant la communauté, sauf récompense due à celle-ci s’il y a lieu, et rappelle l’inexistence de cause de dissolution partielle. Elle en conclut que « la confiscation d’un bien commun prononcée en répression d’une infraction commise par l’un des époux ne peut qu’emporter sa dévolution pour le tout à l’Etat, sans qu’il demeure grevé des droits de l’époux non condamné pénalement, y compris lorsque ce dernier est de bonne foi ».
En troisième lieu, la Chambre criminelle tente de justifier cette solution. D’une part, elle affirme que la confiscation peut faire naître un droit à récompense pour la communauté, qu’il n’est pas excessif de qualifier d’illusoire après deux confiscations immobilières. D’autre part, elle compare la confiscation à l’amende, feignant de ne pas saisir la différence entre la condamnation à une peine, le montant de l’amende étant déterminé « en tenant compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction » [69], et l’exécution de cette peine. En outre, le fait que la réserve des droits du propriétaire de bonne foi n’existe pas en matière d’amende, tandis qu’elle est consacrée en matière de confiscation, ne résulte sans doute pas du hasard.
En quatrième lieu, la Haute juridiction refuse de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne dès lors que lors que l’époux n’est pas un tiers au sens de l’article 6 de la directive 2014/42/UE, du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014 qui vise la personne qui a acquis ou s’est vue transférée ce produit. Cette dernière précision mérite d’être saluée tant la jurisprudence française se montre moins attachée aux règles posées par l’Union européenne quant à la définition notamment de la bonne foi.
La solution de la Cour de cassation conduit à priver un tiers propriétaire de bonne foi de toute voie de recours alors même qu’il n’était pas partie à la procédure ayant abouti à la confiscation de ses biens. Elle augure une solution tout aussi injuste lorsqu’une juridiction confisque un bien immobilier appartenant à une société civile immobilière dont le condamné n’est pas propriétaire de l’intégralité des parts. En effet, dans cette dernière situation, le fait, pour une juridiction, de ne confisquer un bien immobilier qu’à hauteur du pourcentage de parts détenus par le condamné et de restituer le surplus à la société n’a pas, à proprement parler, pour effet d’évincer le condamné le condamné de la société civile immobilière et de répartir la partie non confisquée du bien entre les associés de bonne foi. En définitive, cet arrêt démontre que le droit des saisies pénales et confiscations ne peut se borner à une construction prétorienne et nécessite l’intervention du législateur.
À l’occasion de la transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à cette interprétation jurisprudentielle, la Chambre criminelle de la Cour de cassation amorce un évident revirement de jurisprudence [70]. Tout en réaffirmant la solution de l’arrêt du 9 septembre 2020, elle reconnaît, outre le droit à récompense, la possibilité pour l’époux de bonne foi d’obtenir, à l’occasion de l’audience de jugement du prévenu ou par une requête postérieure sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale, la restitution totale ou partielle du bien saisi ou confisqué à la communauté. Ainsi, un an après avoir dénié à une requérante de bonne foi toute possibilité d’obtenir une restitution au point que la Haute juridiction avait rejeté elle-même sa requête, la Chambre criminelle affirme désormais que l’époux peut se prévaloir de sa bonne foi et obtenir la restitution d’un bien commun confisqué. La conciliation entre la décision du 9 septembre 2020 et les arrêts du 15 septembre 2021 résiderait dans le fait que la restitution doit être réalisée au profit de la communauté et non du seul époux de bonne foi. En tout état de cause, les règles de la communauté ne seraient donc plus un obstacle insurmontable à la protection des droits de l’époux de bonne foi et le droit à récompense le seul hochet proposé à ce dernier.
[1] C. proc. pén., art. 706-148, al. 2 (N° Lexbase : L5021K8H), 706-150, al. 2 (N° Lexbase : L7454LPR), 706-153, al. 2 (N° Lexbase : L7453LPQ), 706-154, al. 2 (N° Lexbase : L9507IYR) et 706-158, al. 2 (N° Lexbase : L7452LPP).
[2] C. proc. pén., art. 373, al. 3 (N° Lexbase : L5013K88) et 479, al. 2 (N° Lexbase : L9923IQL).
[3] Not. Cass. crim., 25 février 2015, n° 14-86.450, F-D (N° Lexbase : A5092NCL) et n° 14-86.447, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5129NCX) ; Cass. crim., 17 juin 2015, n° 14-83.236, F-D (N° Lexbase : A5220NLW).
[4] Not. Cass. crim., 3 mai 2018, n° 18-90.004, F-D (N° Lexbase : A4412XMD) ; Cass. crim., 9 octobre 2019, n° 19-82.172, F-D (N° Lexbase : A0052ZRD) ; Cass. crim., 3 février 2021, n° 20-84.966, F-D (N° Lexbase : A01784L8) ; Cass. crim., 29 juin 2021, n° 21-80.887, F-D (N° Lexbase : A21344YP).
[5] V. également Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.242, FS-D (N° Lexbase : A3310XRZ).
[6] Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice (N° Lexbase : L6740LPC).
[7] Cass. crim., 31 mai 2017, n° 16-83.238, F-D (N° Lexbase : A2747WGT).
[8] Cass. crim., 17 février 2021, n° 20-81.397, F-P+B+I (N° Lexbase : A18454HS).
[9] Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-84.631, F-P+B+I (N° Lexbase : A21093PS).
[10] Cass. crim., 12 mai 2015, n° 14-81.590, F-D (N° Lexbase : A8690NHC).
[11] Sur la faculté pour le juge des libertés et de la détention de ne motiver que par référence à la requête du ministère public : Cass. crim., 11 décembre 2012, n° 11-89.111, F-D (N° Lexbase : A8860I3K). Sur la faculté de reproduire les motifs énoncés dans la requête : Cass. crim., 6 novembre 2019, n° 18-86.918, F-D (N° Lexbase : A3989ZUB).
[12] Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-84.631, F-P+B+I (N° Lexbase : A21093PS).
[13] Idem.
[14] V. également : Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.894, FS-D (N° Lexbase : A3229XRZ).
[15] Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.238, FS-D (N° Lexbase : A3232XR7).
[16] Cass. crim., 23 octobre 2019, n° 18-87.097, F-P+B+I (N° Lexbase : A0886ZSM) ; Cass. crim., 20 novembre 2019, n° 19-80.422 (N° Lexbase : A4672Z3G).
[17] Cass. crim., 30 janvier 2019, n° 18-82.644 , F-D (N° Lexbase : A4672Z3G).
[18] Voir notamment, Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.893, FS-P+B (N° Lexbase : A3194XRQ) ; Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.238, FS-D (N° Lexbase : A3232XR7).
[19] Cass. crim., 25 février 2015, n° 14-86.450, F-D (N° Lexbase : A5092NCL).
[20] Notamment, CEDH, 16 avril 2019, Req. 27879/13, Bokova c/ Russie (N° Lexbase : A2821Y9D).
[21] Cass. crim., 27 juin 2018, n° 17-82.467, F-D (N° Lexbase : A5622XUR).
[22] C. proc. pén., art. 373, al. 1 (N° Lexbase : L5013K88), art. 479, al. 1 (N° Lexbase : L9923IQL) et 543 (N° Lexbase : L5345LCX).
[23] C. proc. pén., art. 373, al. 1 (N° Lexbase : L5013K88) et 478, al. 2 (N° Lexbase : L9924IQM).
[24] Cass. crim., 7 novembre 2018, n° 17-87.424, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1753YK7).
[25] Cass. crim., 13 avril 1999, n° 97-85.443 (N° Lexbase : A2920CHM).
[26] Cons. const., décision n° 2021-925 QPC, du 21 juillet 2021 (N° Lexbase : A17194ZP).
[27] Cass. crim., 10 avril 2019, n° 18-85.370, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7856Y8H).
[28] Cass. crim., 3 février 2021, n° 20-84.441, F-D (N° Lexbase : A02324GP).
[29] Cass. crim., 3 février 2021, n° 20-84.441.
[30] C. pén., art. 131-21, al. 3 (N° Lexbase : L9506IYQ).
[31] C. pén., art. 131-21, al. 5.
[32] C. pén., art. 131-21, al. 9.
[33] Not. Cass. crim., 7 novembre 2018, n° 17-87.424, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1753YK7).
[34] Cass. crim., 7 novembre 2018, n° 17-87.424, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1753YK7).
[35] Cass. crim., 5 janvier 2017, n° 16-80.275, FS-D (N° Lexbase : A4793S3W) ; v. également Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.893, FS-P+B (N° Lexbase : A3194XRQ) ; Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-83.894, FS-D (N° Lexbase : A3229XRZ).
[36] Cass. crim., 25 septembre 2019, n° 18-85.211, F-D (N° Lexbase : A0388ZQG) ; Cass. crim., 25 septembre 2019, n° 18-85.216, F-D (N° Lexbase : A0388ZQG).
[37] En ce sens, Cass. crim., 9 décembre 2020, n° 20-81.907, F-D (N° Lexbase : A582639N).
[38] Cass. crim., 6 novembre 2019, n° 19-82.683, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8757ZTI).
[39] Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.818, F-P+B+I (N° Lexbase : A95143GH).
[40] Par ex. Cass. crim., 10 mars 2021, n° 20-84.966, F-D (N° Lexbase : A01784L8) ; Cass. crim., 24 octobre 2018, n° 18-80.834, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5490YI8).
[41] Cass. crim., 10 mars 2021, n° 20-84.966, F-D (N° Lexbase : A01784L8).
[42] Sur le caractère inopérant de la présomption d’innocence : Cass. crim., 12 mai 2015, n° 14-81.590, F-D (N° Lexbase : A8690NHC).
[43] L. Ascensi, À la recherche de l’objet de l’infraction, Lexbase Pénal, juillet 2020.
[44] Loi n° 2007-297, du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance, article 66 (N° Lexbase : L6035HU3).
[45] Cass. crim., 5 mai 2021, n° 20-86.529, F-D (N° Lexbase : A33454RC).
[46] Cass. crim., 10 mars 2021, n° 20-84.117, F-P+I (N° Lexbase : A47374KN).
[47] Cass. crim., 6 janvier 2021, n° 19-86.199, F-D (N° Lexbase : A89714BU).
[48] Cass. crim., 24 octobre 2018, n° 18-80.834, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5490YI8).
[49] Par exemple, Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 16-83.773, F-D (N° Lexbase : A9700WM9).
[50] Déjà en ce sens, Cass. crim., 9 décembre 2014, n° 13-85.150, F-D (N° Lexbase : A5847M7P) ; Cass. crim., 3 février 2016, n° 14-87.754, F-D (N° Lexbase : A3191PKE).
[51] Loi n° 2016-731, du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, art. 84 (V) (N° Lexbase : L4202K87).
[52] E. Camous, La peine patrimoniale : une alternative prospective à la peine d’emprisonnement, AJ pénal, 2018, 25.
[53] Cass. crim., 20 janvier 201, n° 20-81.118, FS-P+B+I (N° Lexbase : A00044DI).
[54] Déjà en ce sens, Cass. crim., 27 juin 2018, n° 16-87.009, FP-P+B (N° Lexbase : A5508XXB) ; Cass. crim., 16 janvier 2019, n° 17-86.581, F-P+B (N° Lexbase : A6555YTX) ; postérieurement : Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.074, F-P+B+I (N° Lexbase : A21143PY) ; Cass. crim., 3 mars 2021, n° 19-87.093, F-D (N° Lexbase : A00774K3) ; Cass. crim, 23 mars 2021, n° 20-81.479, F-D (N° Lexbase : A67234MX).
[55] C. pén., art. 132-20 (N° Lexbase : L5004K8T).
[56] C. pén., art. 132-19 (N° Lexbase : L7614LPP).
[57] Sur le caractère cumulatif des critères généraux et spécifiques : Cass. crim., 13 juin 2019, n° 18-85.442, F-D (N° Lexbase : A5691ZEI).
[58] Voir également, au visa de l’article 1er du Protocole additionnel à la CESDH : Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-83.986, F-D (N° Lexbase : A49543KP) ; Cass. crim., 2 septembre 2020, n° 19-81.557.
[59] Déjà en ce sens, Cass. crim., 7 décembre 2016, n° 16-80.879, F-P+B (N° Lexbase : A3814SPX).
[60] Pour un exemple d’absence totale de motivation : Cass. crim., 22 avril 2020, n° 19-84.431, F-D (N° Lexbase : A17683L3).
[61] C. pén., art. 131-21, al. 2.
[62] C. pén., art.131-21, al. 5.
[63] C. pén., art.131-21, al. 6.
[64] C. pén., art.131-21, al. 9.
[65] Cass. crim., 3 novembre 2011, n° 10-87.630, F-D (N° Lexbase : A1920H4U). Egalement en ce sens : Cass. crim., 13 avril 1999, n° 97-85.443 (N° Lexbase : A2920CHM) ; Cass. crim., 29 octobre 2003, n° 10-87.630 (N° Lexbase : A1920H4U).
[66] Cass. crim., 26 novembre 2010, n° 2010-66 QPC (N° Lexbase : A3868GLT).
[67] Cass. crim., 7 novembre 2018, n° 17-87.424, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1753YK7).
[68] Cass. crim., 3 novembre 2016, n° 15-85.751, FS-P+B (N° Lexbase : A9164SE7).
[69] C. pén., art. 132-20 (N° Lexbase : L5004K8T).
[70] Cass. crim., 15 septembre 2021, n° 21-90.029, F-D (N° Lexbase : A912944U) ; Cass. crim., 15 septembre 2021, n° 21-82.389 (N° Lexbase : A9161443).
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par Éric Camous, Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Narbonne, Docteur en droit, Lauréat du grand prix de l’École nationale de la magistrature
Le 04 Octobre 2021
Mots-clés : confiscation • droit de propriété • communauté • saisies • AGRASC
Ce panorama sur les saisies et confiscations concerne les arrêts de la Chambre criminelle considérés comme les plus importants rendus entre janvier 2020 et août 2021. Si la chronologie de la procédure commande d’analyser les saisies avant les confiscations, la bonne compréhension des règles impose d’inverser la grille de lecture. En effet, il faut d’abord maîtriser le fonctionnement de la peine de confiscation pour savoir quelles règles s’appliquent aux saisies.
Cet article est issu du dossier spécial « Droit pénal et patrimoine : saisir et punir » publié le 23 septembre 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N8809BYW)
I. La confiscation
1. La décision de confiscation ne peut avoir deux fondements différents
Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-83.986, F-D
2. Le prononcé de la confiscation obéit aux règles qui gouvernent la motivation de toute peine
Cass. crim., 2 décembre 2020, n° 19-84.363, F-D
3. Propriété économique et libre disposition
Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-86.979, FS-P+B+I et n° 16-86.240, FS-P+B+I
4. La confiscation ne peut être prononcée à l’encontre d’un tiers propriétaire de bonne foi
CJUE, 14 janvier 2021, aff. C-393/19, OM
Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.074, F-P+B+I
Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-84.619, FS-P+B+I
7. La confiscation en valeur ne peut être supérieure au montant du produit de l’infraction
Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 19-84.301, FS-P+B+I
Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-84.477, F-D
Cass. crim., 16 décembre 2020, n° 19-87.622, FS-P+B+I
Cass. crim., 12 mai 2021, n° 20-81.014, F-P
Cass. crim., 27 mai 2021, n° 20-83.197, F-D
10. Le fondement de la confiscation doit être expressément indiqué dans la motivation de la décision
Cass. crim., 23 mars 2021, n° 20-81.479, F-D
II. Les saisies pénales
11. La procédure pénale tient la procédure commerciale en l’état
Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.874, F-P+B+I
Cass. crim., 1er avril 2020, n° 19-85.770, F-P+B+I
13. L’annulation de la mise en examen ne fait pas obstacle au maintien de la saisie pénale
Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.371, F-P+B+I
14. Saisie de l’instrument de l’infraction et contrôle de proportionnalité
Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.818, F-P+B+I
Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-87.783, F-D
I. La confiscation
1. La décision de confiscation ne peut avoir deux fondements différents - Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-83.986, F-D (N° Lexbase : A49543KP). Condamnées pour des faits de blanchiment, des personnes se sont vues confisquer des fonds et un bien immobilier sur la base d’une motivation selon laquelle « les prévenus encourent la confiscation de tout ou partie des biens acquis au moyen de fonds blanchis et que les relevés de comptes qu'ils produisent ne suffisent pas à prouver que l'achat de la maison en cause a été exclusivement financé avec des fonds dont l'origine est licite, motifs de nature à justifier la confiscation du produit direct ou indirect de l’infraction ». La Cour de cassation a cassé cet arrêt en ce que les juges du fonds se sont appuyés sur deux fondements différents qu’ils ont réunis dans une même analyse. Ils ont tout d’abord fait référence à la confiscation de l’ensemble des biens que prévoit l’article 324-7, 12 du Code pénal (N° Lexbase : L3744IYC) en matière de répression du blanchiment et auquel renvoie l’article 131-21, alinéa 6 du même code (N° Lexbase : L9506IYQ). Finissant leur propos, ils ont évoqué la confiscation du produit direct ou indirect de l’infraction que prévoit l’article 131-21 alinéa 3. Or la peine de confiscation ne peut avoir qu’un seul fondement qu’il appartient de préciser et de motiver (Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-83.986, F-D).
2. Le prononcé de la confiscation obéit aux règles qui gouvernent la motivation de toute peine - Cass. crim., 2 décembre 2020, n° 19-84.363, F-D N° Lexbase : A957838A). Comme toute peine, la confiscation doit être motivée. Cette exigence est d’autant plus forte que la Chambre criminelle en contrôle aujourd’hui la bonne application. Le débat s’est focalisé depuis plusieurs années sur la question de la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété. Cette question n’est cependant pas la seule à laquelle les juges sont tenus de répondre. Il leur faut également expliquer en quoi la sanction répond aux exigences de l’article 132-1, alinéa 3 du Code pénal (N° Lexbase : L9834I3M) selon lequel « dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1 ». C’est pour avoir omis de répondre à ces questions que la Chambre criminelle est entrée en voie de cassation par un arrêt en date du 2 décembre 2020. En l’espèce, une cour d’appel a condamné une personne reconnue coupable de non-justification de ressources du fait de relations entretenues avec un trafiquant de stupéfiants à la confiscation du pavillon servant de domicile familial. Si la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété a été abordée, les juges ne se sont pas suffisamment expliqués « sur la situation personnelle de la prévenue décrite comme sans profession et sans ressources et mère de deux enfants mineurs » (Cass. crim., 2 décembre 2020, n° 19-84.363, F-D). Cette décision a le mérite de mettre en lumière la double exigence de motivation de la peine de confiscation. Les juges sont tenus de dire en quoi cette peine est proportionnée à l’atteinte portée au droit de propriété lorsque ce principe s’applique. Mais ils doivent aussi s’expliquer sur les exigences de l’article 132-1 du Code pénal.
3. Propriété économique et libre disposition - Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-86.979, FS-P+B+I N° Lexbase : A552137M et n° 16-86.240, FS-P+B+I N° Lexbase : A552137M. La confiscation peut porter sur les biens dont la personne est propriétaire mais également, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, sur ceux dont elle a la libre disposition. Cette règle a pour objet de lutter contre toutes les formes de dissimulation du patrimoine consistant à le confier à des tiers tout en continuant à en avoir la jouissance. Encore faut-il démontrer que le tiers en question est de mauvaise foi. Le sujet nourrit un abondant contentieux qui a conduit la Chambre criminelle à préciser le sens devant être donné à cette mauvaise foi et les critères utiles à l’identification de son existence. C’est dans cette doctrine en construction que s’inscrit l’arrêt en date du 25 novembre 2020.
En l’espèce, un homme et son épouse étaient propriétaires indivis d’un immeuble dont une cour d’appel a prononcé la confiscation dans son entier. La peine a donc porté pour moitié sur la part dont le condamné était propriétaire et pour l’autre moitié sur celle appartenant à son épouse qui pourtant n’a pas été condamnée. C’est donc au titre de la libre disposition que cette part a pu être confisquée selon une motivation qui mérite toute l’attention. Les juges ont uniquement concentré le propos sur le fait que le mari était le seul en rapport avec les locataires. Il se comportait par conséquent comme le « propriétaire économique » de la totalité de l’immeuble et des loyers sans rien dire de la mauvaise foi de l’épouse. (Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-86.979, FS-P+B+I et n° 16-86.240, FS-P+B+I). Deux enseignements doivent être tirés de cette décision. Le premier est que la preuve de la mauvaise foi du propriétaire tend à être absorbée par la démonstration de la libre disposition d’un bien selon des conditions qui se révèlent particulièrement souples. En témoigne, la seule prise en considération de ce que l’époux était le seul en rapport avec les locataires. Le second enseignement est la réapparition de cette notion de propriété économique qui renvoie à celle d’« ayant droit économique » ou de « bénéficiaire effectif » et que défend une certaine doctrine (V. H. Robert, Une importante réforme de la procédure pénale inachevée. À propos de la loi du 9 juillet 2010, JCP G, 2010, 1067).
4. La confiscation ne peut être prononcée à l’encontre d’un tiers propriétaire de bonne foi - CJUE, 14 janvier 2021, aff. C-393/19, OM (N° Lexbase : A23244C3). Les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) portant sur la peine de confiscation méritent d’être signalés au regard de l’importance que peut avoir une jurisprudence qui, dépassant les frontières nationales, concerne l’ensemble des pays de l’union. Elle constitue le marqueur d’une harmonisation en devenir des règles répressives qui en l’espèce intéressent la législation bulgare. Manifestation soucieuse de lutter contre toutes les formes de contrebande, elle prévoit la confiscation des moyens de transport utilisés, même lorsqu’ils appartiennent à un tiers de bonne foi. C’est en application de cette règle qu’une demande de restitution d’un camion de transport appartenant à une société turque a été rejetée. Le chauffeur s’est vu reprocher le transport illégal de 3 000 pièces de monnaie anciennes en Allemagne.
La société n’étant en aucune manière mise en cause dans la procédure, sa bonne foi ayant été reconnue, la CJUE a été interrogée sur la compatibilité de sa législation avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX). Si le droit de propriété est garanti à l'article 17 de la Charte, il peut cependant être soumis à des limitations obéissant à des objectifs d'intérêt général poursuivis par l'Union et ne constituant pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit garanti. C’est pourquoi la confiscation des instruments utilisés pour commettre une infraction pénale passible d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à un an est prévue par la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005 (Décision-cadre n° 2005/212/JAI du Conseil, du 24 février 2005, relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime N° Lexbase : L2912LHC). Ce texte autorise expressément la confiscation des biens appartenant à des tiers tout en indiquant – et la précision a tout son sens – que leurs droits doivent être protégés lorsqu'ils sont de bonne foi. C’est au visa de ces dispositions que la confiscation du véhicule a été jugée comme constituant une atteinte démesurée et intolérable au droit de propriété, contraire à l'article 17 de la Charte (CJUE, 14 janvier 2021, aff. C-393/19, OM).
La législation française prévoit elle aussi la possible confiscation des biens qui appartiennent à des tiers non visés par les chefs de prévention et qui par conséquent ne sont pas appelés à être jugés et condamnés. Elle subordonne toutefois cette peine à deux conditions cumulatives. Il faut tout d’abord que le condamné ait eu la libre disposition de ces biens et surtout que la mauvaise foi de leur propriétaire soit démontrée (C. pénal, art. 131-21, al. 2, 5, 6). L’atteinte ainsi portée au droit de propriété n’est pas appelée à constituer une atteinte disproportionnée au droit de propriété eu égard à l’importance du motif d’intérêt général poursuivi : lutter contre toutes les formes de dissimulation des enrichissements illicites.
5. Le contrôle de proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété s’applique au visa des textes généraux et spéciaux – Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.074, F-P+B+I (N° Lexbase : A21143PY). La proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété doit faire l’objet d’une motivation spéciale dès lors que la confiscation porte sur un bien qui n’est ni le produit ni l’objet de l’infraction. C’est cette règle que rappelle la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 24 juin 2020. Elle sanctionne l’arrêt d’une chambre des appels correctionnels qui a prononcé la confiscation de comptes bancaires et d’un bien immobiliser au visa des articles 131-21 alinéa 6 et 324-7, 12° du Code pénal. Ces dispositions intéressent la confiscation de patrimoine qui notamment réprime le délit de blanchiment. Les biens en question s’avéraient être la propriété des personnes condamnées sans qu’il soit fait référence au produit ou à l’objet de l’infraction. Comme le rappelle la cour, « il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de cette peine » (Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.074, F-P+B+I).
6. La confiscation d’un bien appartenant à la communauté dont un seul est condamné doit porter sur la totalité de ce bien – Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-84.619, FS-P+B+I (N° Lexbase : A16713T3). Une cour d’appel a prononcé la confiscation, au titre du produit de l’infraction, d’une maison et d’un appartement détenus par un couple qui se trouvait être marié sous le régime de la communauté. Toute la difficulté résidait dans le fait que l’époux était le seul à être condamné, l’épouse ayant bénéficié d’une ordonnance de non-lieu interdisant qu’elle puisse elle aussi être mise en cause. Faisant valoir sa bonne foi, celle-ci a demandé à la cour d’appel de rectifier l’arrêt initial en précisant que la confiscation ne portait que sur la seule part indivise des immeubles appartenant au condamné. C’est ainsi que l’arrêt de fond rendu à ce sujet a limité la confiscation à la seule quote-part indivise de l’époux. Une décision dont le pourvoi a permis à la Chambre criminelle de confirmer la jurisprudence applicable à la confiscation des biens soumis au régime de l’indivision. La peine de confiscation doit porter sur la totalité du bien. Une solution qui s’impose parce qu’il ne peut en exister d’autres. Tout vient de ce que chaque quote-part correspond à une quotité indéterminée qu'il n'est pas possible d'individualiser. S'il en était décidé autrement, il faudrait préalablement connaître la valeur de chaque part et par voie de conséquence celle de l'ensemble. Une méthode qui n'est envisageable que dans le cadre d'un partage qui justement n’a pas eu lieu. À défaut, ce serait au juge de fixer cette valeur ce qui est impossible sans courir le risque d'une sous-évaluation qui constituerait une atteinte au droit de propriété.
Envisagé dans le cadre d’un régime de communauté, la situation présente certaines singularités que rappelle la Chambre criminelle. Il résulte des dispositions de l’article 1413 du Code civil (N° Lexbase : L1544ABS) que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu. Il en est ainsi des dettes nées d'une infraction commise par un époux seul. Encore faut-il s’entendre sur le sens de l’expression « dettes nées d’une infraction commise par un époux seul » dont il n’est pas certain, au regard du principe d’interprétation stricte de la loi pénale, que cela puisse concerner la peine de confiscation qui ne crée pas une dette en soit.
Plus pertinente est la référence aux articles 1441 (N° Lexbase : L1592ABL) et 1467 (N° Lexbase : L1604ABZ) du Code civil qui disposent que, lorsque des époux sont mariés sous le régime de la communauté légale, il n’y a lieu à liquidation de la masse commune, laquelle a pour finalité la fixation des droits des époux dans celle-ci, qu’après dissolution de la communauté, et que le législateur, qui a limitativement énuméré les motifs de dissolution, n’a pas prévu de cause de dissolution partielle. Or, prévoir comme l’a fait la cour d’appel que la confiscation porte sur la seule quote-part indivise conduit à préjuger de cette dissolution. Raison pour laquelle la décision a été cassée.
Comme en matière d’indivision, le bien soumis au régime de la communauté doit être confisqué dans son entier quand bien même l’autre époux jamais condamné serait de bonne foi. Tout se règle au moment de l’exécution de la peine. Le bien sera vendu par adjudication à l’issue de quoi les opérations de partage pourront avoir lieu entre l’État, nouveau propriétaire et ce qui revient au tiers de bonne foi (Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-84.619, FS-P+B+I).
7. La confiscation en valeur ne peut être supérieure au montant du produit de l’infraction - Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 19-84.301, FS-P+B+I (N° Lexbase : A16753T9). Prévue par l’article 131-21, alinéa 9 du Code pénal, la confiscation en valeur constitue une modalité de mise en œuvre de cette peine. Elle conduit à confisquer une somme correspondant au montant du bien concerné en lieu et place de ce dernier. Dit autrement, le bien objet de la confiscation n’est pas celui qui va constituer l’objet de la sanction. Celle-ci va porter sur un montant qui correspond à la valeur dudit bien. Le tribunal indiquera à ce sujet : « prononce la confiscation du bien (désignation) et dit que cette confiscation s’appliquera en valeur pour un montant de … ». La conséquence est que cette valeur doit correspondre au prix de marché du bien en question. Un montant qui doit lui-même être en adéquation avec les règles qui gouvernent le motif même de la confiscation. Car cette peine peut avoir différents fondements : objet, ou produit de l’infraction, bien ayant servi à sa commission, richesses dont la personne ne peut justifier l’origine ou, tout simplement, pour les qualifications les plus graves, patrimoine propre du condamné. S’agissant plus particulièrement du produit de l’infraction, la règle veut que ce qui est confisqué doive être en adéquation avec ce produit. Il est possible de confisquer moins. Il n’est en revanche pas permis de confisquer plus sauf à changer de fondement. C’est pour ne pas avoir respecté cette règle que l’arrêt de cour d’appel en question a été cassé (Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 19-84.301, FS-P+B+I).
8. La confiscation d’un bien dont le condamné avait la libre disposition exige la démonstration de cet état de fait - Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-84.477, F-D (N° Lexbase : A70023PZ). La peine de confiscation ne porte pas seulement sur les biens dont le condamné est propriétaire. Elle peut également s’étendre à ceux dont il a la libre disposition sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi. La conséquence est qu’un tiers à la procédure peut se voir déposséder d’une part de son patrimoine pour l’avoir abandonné à celui qui est condamné, et ce, en pleine connaissance de cause s’agissant des infractions reprochées. Une mesure qui est particulièrement attentatoire au droit de propriété et que justifie la lutte contre les opérations de dissimulation que savent mettre en œuvre les délinquants les plus chevronnés. Encore faut-il, et c’est l’objet de la cassation prononcée le 24 juin 2020, que cette libre disposition soit suffisamment univoque (Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-84.477, F-D). En l’espèce, une cour d’appel a prononcé la confiscation de valeurs contenues dans un coffre-fort qui était au nom de la sœur du condamné. Le père et l’oncle, propriétaires déclarés de ces valeurs, en ont sollicité la restitution. Pour rejeter la demande, la cour d’appel a fait état de ce que le condamné était lié par des liens familiaux très fort avec les auteurs de la requête. En outre, le montant particulièrement important des richesses confisquées était très supérieur à celui de la couverture d’assurance du coffre-fort. Une analyse que la Chambre criminelle a jugé insuffisante ce qui s’entend malgré les soupçons légitimes qui pèsent sur l’origine réelle de ces valeurs.
La libre disposition implique la démonstration rapportée de ce que le condamné s’est comporté en légitime propriétaire. Il faut pour cela qu’il en ait eu les moyens matériels ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il lui fallait à tout le moins le concours de sa sœur pour accéder au coffre. La décision aurait pu être toute autre si le condamné avait eu procuration ou si la sœur elle-même avait été jugée pour blanchiment. Dans ce cas, la libre disposition était acquise sous réserve de la mauvaise foi démontrée des propriétaires annoncés.
9. Les biens sur lesquels porte la confiscation doivent être clairement spécifiés tout comme le fondement de la peine à laquelle ils se rapportent - Cass. crim., 16 décembre 2020, n° 19-87.622, FS-P+B+I (N° Lexbase : A06794AE) ; Cass. crim., 12 mai 2021, n° 20-81.014, F-P (N° Lexbase : A85734RX) et Cass. crim., 27 mai 2021, n° 20-83.197, F-D (N° Lexbase : A48484TQ). « Si la cour d’assises n’a pas à préciser les raisons qui la conduisent à ordonner la confiscation du produit ou de l’objet de l’infraction, elle doit néanmoins énumérer les objets dont elle ordonne la confiscation et indiquer, pour chacun d’eux, s’ils constituent l’instrument, le produit ou l’objet de l’infraction, afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s’assurer de la légalité de sa décision, et d’apprécier, le cas échéant, son caractère proportionné » (Cass. crim., 16 décembre 2020, n° 19-87.622, FS-P+B+I). La confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis. Il faut que les biens concernés soient clairement identifiés dans une décision qui les énumère ou permette à tout le moins de les identifier en même temps que doit être précisé le fondement de la peine prononcée. À ce titre, la seule référence à la confiscation des scellés est insuffisante (Cass. crim 12 mai 2021, n° 20-81.014, F-P et Cass. crim., 27 mai 2021, n° 20-83.197, F-D).
10. Le fondement de la confiscation doit être expressément indiqué dans la motivation de la décision - Cass. crim., 23 mars 2021, n° 20-81.479, F-D (N° Lexbase : A67234MX). L’arrêt de la Chambre criminelle en date du 23 mars 2021 a le mérite de rappeler une règle fondamentale du droit de la confiscation. Les juges sont tenus de préciser le fondement sur lequel ils appuient leur décision. C’est que la confiscation est une peine qui fonctionne à trois étages dont le centre de gravité tourne autour de la preuve. Le premier étage porte sur la confiscation des biens qui ont un lien avec l’infraction. C’est le cas de tout ce qui en est le produit direct ou indirect de l’infraction (C. pén, art. 131-21, al. 3). Il appartient à l’accusation de démontrer que les richesses saisies sont bien en lien avec l’infraction commise. Le deuxième étage relève de ce qui est appelé la confiscation élargie. Lorsque le mis en cause a tiré profit d’une infraction punie de 5 ans d’emprisonnement, sont confiscables tous les biens dont il ne peut justifier l’origine (C. pén, art. 131-21, al. 5). La charge de la preuve est renversée. C’est à la personne poursuivie de démontrer que ce dont la confiscation est envisagée a été acquis de manière licite. Si elle ne le fait pas, le juge peut prononcer la peine de confiscation. Le troisième étage concerne la confiscation de patrimoine (C. pén, art. 131-21, al. 6). Le législateur a entendu punir le plus sévèrement possible ceux qui commettent les infractions les plus nuisibles. Une peine qui intéresse une liste de treize infractions, dont le blanchiment (C. pén, art. 324-7, 12° N° Lexbase : L3744IYC). Dans ce cas, il est possible de confisquer tout ou partie du patrimoine du condamné même si celui-ci a une origine parfaitement licite. La seule preuve qui doit être apportée est le fait que la personne est propriétaire du bien ou qu’elle en a la libre disposition. En l’espèce, « Pour confirmer la confiscation des sommes créditrices saisies sur un compte bancaire du prévenu ouvert au Crédit Agricole de la Corse pour un montant de cent mille euros, l'arrêt retient qu'il disposait sur les comptes ouverts auprès du Crédit Agricole d'une somme de 271 699,47 euros et que la confiscation de la somme de 100 000 euros est proportionnée au regard des infractions et des sommes figurant sur son compte bancaire. En prononçant ainsi, par des motifs qui ne précisent pas à quel titre le bien a été confisqué, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision » (Cass. crim., 23 mars 2021, n° 20-81.479, F-D)
II. Les saisies pénales
11. La procédure pénale tient la procédure commerciale en l’état - Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.874, F-P+B+I (N° Lexbase : A21123PW). L’arrêt de la Chambre criminelle du 24 juin 2020 a été l’occasion pour la Cour de cassation d’affirmer la prédominance de la procédure pénale sur la procédure commerciale ce qu’elle avait déjà fait à propos de la procédure civile (Cass. civ. 2, 5 décembre 2019, n° 17-23.576, FS-P+B+I N° Lexbase : A2972Z79 et Cass. crim., 23 octobre 2019, n° 18-85.820, FS-P+B+I N° Lexbase : A0885ZSL). En l’espèce, la saisie pénale d’un bien immobilier appartenant à une société était contestée en ce que celle-ci bénéficiait d’une procédure de sauvegarde. Dans un tel cas de figure, l'article L. 622-21, II, du Code de commerce (N° Lexbase : L3452ICT) interdit toute procédure d’exécution. La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi. « Aucune disposition légale non plus que réglementaire n'interdit au juge des libertés et de la détention, ni au juge d'instruction d'ordonner la saisie pénale d'un immeuble en application de l'article 706-150 du Code de procédure pénale, dont le propriétaire bénéficie d'une procédure de sauvegarde, dès lors que cette mesure, que ces magistrats ont le pouvoir d'ordonner dans le cadre des procédures pénales afin de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation selon les conditions définies à l'article 131-21 du Code pénal, est d'une nature propre et ne s'analyse pas en une procédure d'exécution au sens de l'article L. 622-21, II, du Code de commerce » (Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.874, F-P+B+I). La saisie pénale est donc bien une mesure autonome qui ne peut être confondue avec celles qui sont pratiquées dans les autres branches du droit.
12. La date de réalisation de la saisie des fonds déposés sur un compte bancaire correspond au moment où ceux-ci deviennent indisponibles quelle que soit la date à laquelle la somme est versée sur le compte de l’AGRASC - Cass. crim., 1er avril 2020, n° 19-85.770, F-P+B+I (N° Lexbase : A90063KR). « Par dérogation aux dispositions de l'article 706-153, l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen, par le procureur de la République ou le juge d'instruction à procéder, aux frais avancés du Trésor, à la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts. Le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou le juge d'instruction se prononce par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation ». Ce texte de l’article 706-154 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9507IYR) est particulièrement utile en pratique. Il permet aux services d’enquête de saisir immédiatement les fonds qui se trouvent sur un compte courant ce qui évite qu’ils ne disparaissent d’un clic une fois le titulaire averti de l’enquête judiciaire dont il fait l’objet. Encore faut-il que la mesure soit confirmée par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction dans le délai de dix jours à compter de sa « réalisation ». C’est le sens donné à ce terme qui est à l’origine de l’arrêt de la Chambre criminelle en date du 1er avril 2020. Une chambre de l’instruction a considéré que le terme qualifiait l’acte par lequel les fonds étaient transmis à l’AGRASC comme prescrit par l’article 706-160, 2° du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0663L4C). Tel n’a pas été l’analyse de la Cour de cassation. Elle a considéré que cette réalisation correspond au moment où la somme est rendue indisponible autrement dit, lorsque l’établissement bancaire se voit notifier la saisie par l’officier de police judiciaire et ce quelle que soit la date à laquelle les sommes sont effectivement versées sur le copte de l’AGRASC (Cass. crim., 1er avril 2020, n° 19-85.770, F-P+B+I).
13. L’annulation de la mise en examen ne fait pas obstacle au maintien de la saisie pénale - Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.371, F-P+B+I (N° Lexbase : A95133GG). La saisie pénale d’un bien n’est pas subordonnée à la mise en examen du propriétaire ou de celui qui a la libre disposition de la chose (Cass. crim., 7 décembre 2016, n° 16-81.280, F-D N° Lexbase : A3824SPC). De ce principe, la Chambre criminelle en a dégagé un second selon lequel l’annulation d’une mise en examen est sans incidence sur la saisine pénale d’un bien dès lors que les juges ont effectivement constaté l’existence d’indices graves ou concordants de la commission d’une infraction dont la sanction est susceptible d’entraîner le prononcé de la peine de confiscation (Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.371, F-P+B+I). En l’espèce, une chambre de l’instruction a, par deux arrêts, rendus le même jour, annulé une mise en examen pour défaut d’indices graves ou concordants tout en confirmant la saisie pénale de la créance d’un contrat d’assurance sur la vie. La Chambre criminelle a cassé cette décision uniquement en ce que les motifs invoqués portaient à confusion. Les juges du fond ont considéré qu’il n’était pas exclu que la poursuite de l’information judiciaire aboutisse à recueillir de nouveaux éléments caractérisant une implication plus consistante de l’intéressé, ajoutant qu’en l’état du rôle important qu’il avait joué dans le mécanisme de fraude suspecté, et jusqu’à l’issue définitive de l’information judiciaire, il encourait toujours la peine complémentaire de confiscation. Cette argumentation est maladroite en ce qu’elle porte sur la personne même de celui qui est susceptible d’être mis en cause là où, en l’absence de mise en examen – ce qui est le cas du fait de son annulation – le maintien de la saisie doit se justifier au regard de la seule existence d’indice grave ou concordant attestant de la commission d’une infraction. L’attendu de principe relatif à la seule « existence d’indices de commission d’une infraction de nature à justifier la mesure de saisie pénale » entraîne deux conséquences. Il n’est pas nécessaire de justifier de la gravité de l’infraction dès lors que les indices suffisent à en caractériser l’existence. Mais surtout, la saisie peut être opérée sans être raccrochée à une personne déterminée.
14. Saisie de l’instrument de l’infraction et contrôle de proportionnalité - Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.818, F-P+B+I (N° Lexbase : A95143GH). L’article 131-21 du Code pénal prévoit la possible confiscation de ce qui a servi à la commission de l’infraction. Différent de l’objet ou du produit, l’instrument occupe une place particulière dans la qualification pénale. Il intègre directement le fait dont il constitue un élément indissociable sans lequel il n’aurait pu être commis. Les exemples les plus courants sont l’arme qui a servi au vol à main armée, le véhicule avec lequel les malfaiteurs sont arrivés sur les lieux et/ou se sont enfuis. Mais l’instrument a aussi sa place dans les infractions financières notamment en ce qui concerne la corruption. C’est ce que nous apprend l’arrêt de la Chambre criminelle du 18 mars 2020 qui a validé l’analyse d’une chambre de l’instruction ayant confirmé la saisie pénale de la somme de 840 000 euros en ce qu’elle a constitué l’instrument de l’infraction de corruption active (Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.818, F-P+B+I).
15. Le risque de dissipation du bien est inopérant pour justifier la saisie pénale d’un bien dont la mise en œuvre est soumise à une motivation spéciale - Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-87.783, F-D (N° Lexbase : A85883YQ). « Pour confirmer l’ordonnance de saisie rendue par le juge des libertés et de la détention, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l’article 706-150 du Code de procédure pénale, relève, notamment, que le bien saisi ayant hébergé des associations pour lesquelles les infractions ont été commises apparaît en lien direct avec l'infraction de blanchiment pour laquelle la peine de confiscation est prévue par l'article 131-21 du Code pénal, et ce indépendamment de sa date d'achat ». Cette référence à l’existence d’un lien avec l’infraction ne permet pas de savoir quel est le fondement de la confiscation susceptible d’être prononcée. Rien ne permet de savoir s’il est question du produit, de l’objet de l’instrument de l’infraction ou s’il s’agit d’une possible confiscation de patrimoine. C’est ce qui explique l’arrêt de cassation en date du 21 octobre 2020 qui rappelle en même temps – car cela faisant partie de la motivation des juges du fond – que le risque de dissipation est indifférent à la décision de saisie, ce critère ne faisant pas partie des exigences légales (Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-87.783, F-D).
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Réf. : Cons. const., décision n° 2021-932 QPC, du 23 septembre 2021 (N° Lexbase : A141347H)
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par Adélaïde Léon
Le 15 Octobre 2021
► Sont contraires à la Constitution les dispositions des articles 131-21, 313-7 et 324-7 du Code pénal qui permettent à la juridiction de jugement d’ordonner la confiscation d’un bien dont la personne condamnée a seulement la libre disposition, sans prévoir que le tiers propriétaire, dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure, soit mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure devant la juridiction de jugement aux fins, notamment de faire valoir son droit de propriété et sa bonne foi.
Rappel de la procédure. Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation (Cass. crim., 16 juin 2021, n° 20-87.060, F-D N° Lexbase : A66114WR) d’une QPC portant sur les dispositions suivantes :
Motifs de la requête. Il était reproché à ces dispositions de permettre à la juridiction de jugement d’ordonner la confiscation d’un bien dont la personne condamnée a seulement la libre disposition, sans prévoir que le tiers propriétaire, dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure, soit cité à comparaître devant elle.
Il résulterait de ces articles une méconnaissance :
Les requérantes sollicitaient par ailleurs la transmission à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle portant sur la faculté, pour une juridiction constitutionnelle nationale, de reporter la date de l’abrogation des dispositions litigieuses dans le temps.
Décision. Le Conseil rappelle les dispositions de l’article 16 de la DDH de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D) qui garantissent le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense.
Les sages soulignent que, selon les dispositions contestées, la peine complémentaire de confiscation peut porter sur tous les biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, à l’exception de ceux susceptibles de restitution à la victime. Par ailleurs, cette peine complémentaire peut être ordonnée en valeur et, le cas échéant, exécutée sur tous les biens appartenant au condamné. En matière d’escroquerie et de blanchiment, le Conseil expose que, toujours selon les dispositions litigieuses, peut être confisquée la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou la chose qui en est le produit, à l’exception des objets susceptible de restitution.
La Haute juridiction rappelle que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la confiscation peut également porter sur les biens dont les intéressés ont seulement la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi.
Toutefois, aucune disposition ne prévoit que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure soit mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée, notamment aux fins de faire valoir le droit qu’il entend revendiquer et sa bonne foi.
Pour cette raison, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées méconnaissance les principes découlant de l’article 16 de la DDHC de 1789 ci-dessus rappelés et déclare inconstitutionnel le troisième alinéa et les mots « ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition » figurant au neuvième alinéa de l’article 131-21 du Code pénal, le 4° de l’article 313-7 et le 8° de l’article 324-7 du même code.
Cette décision est la suite logique de celle rendue par le même Conseil le 23 avril dernier (Cons. const., décision n° 2021-899 QPC, du 23 avril 2021 (N° Lexbase : A10534Q3). Les Sages avaient alors jugé qu’était inconstitutionnelle la possibilité offerte par l’article 225-25 du Code pénal (N° Lexbase : L7002K7H) de confisquer un bien à la disposition d’une personne condamnée pour traite des êtres humains ou proxénétisme sans qu’il ne soit prévu que le tiers propriétaire puisse présenter ses observations devant la juridiction de jugement afin notamment de faire valoir le droit de propriété qu’il revendique.
Commentant cette dernière décision, Maître Matthieu Hy, avocat au barreau de Paris, avait d’ailleurs écrit : « dès lors qu’est abrogée l’expression « ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition », faute pour le législateur d’offrir un statut protecteur au tiers, toutes les dispositions qui font usage de ces termes apparaissent nécessairement contraires à l’article 16 de la DDHC » (Inconstitutionnalité du statut du tiers propriétaire lors de la phase de jugement, Lexbase Pénal, mai 2021 N° Lexbase : N7502BYI).
S’agissant des conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité. Le Conseil écarte les conclusions aux fins de transmission d’une question préjudicielle à la CJUE puis, estimant que l’abrogation immédiate des dispositions contestées entraînerait des conséquences manifestement excessives en privant la juridiction de jugement de la faculté de prononcer une peine de confiscation, il reporte au 31 mars 2022 la date de l’abrogation des dispositions contestées.
Rappelons cependant que le législateur a jusqu’au 31 décembre prochain pour modifier les dispositions de l’article 225-35 déclaré inconstitutionnel en avril. Or, plus de 30 dispositions font référence à la libre disposition dans le Code pénal. Une modification de l’article 131-21, cadre commun à tous les textes spéciaux, permettrait de rapidement mettre le droit des confiscations en conformité avec les exigences formulées par les Sages.
Pour aller plus loin :
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N8859BYR
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par le Dr Nicolas Catelan, Directeur scientifique de la revue Lexbase Pénal
Le 24 Septembre 2021
Dans le cadre du dossier spécial de la revue Lexbase Pénal « Droit pénal et patrimoine : saisir et punir » dirigé par Nicolas Catelan, nous vous proposons un exercice de mise en situation pour tester vos connaissances.
=> Commencer le test immersif |
Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N8809BYW)
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Réf. : Cass. crim., 25 août 2021, n° 21-83.238, F-P+B (N° Lexbase : A95834ZX)
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N8627BY8
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par Adélaïde Léon
Le 22 Septembre 2021
► La chambre de l’instruction, dont l’arrêt qui mentionne que l’avocat général a été entendu en ses réquisitions et que l’avocat de l’un des co-mis en examen a eu la parole, ne démontre pas que les avocats des demandeurs ont eu la parole en dernier et méconnait les dispositions de l’article 6 de la CESDH et 199 du Code de procédure pénale.
Rappel des faits. Un homme et une femme ont été mis en examen dans le cadre d’une information judiciaire diligentée de divers chefs. Les intéressés ont saisi la chambre de l’instruction de requêtes en nullité d’actes de la procédure.
Ces requêtes ont été partiellement rejetées par arrêt du 31 juillet 2012 à l’encontre duquel les prévenus se sont pourvus en cassation. Par ordonnance du 18 septembre 2012 du président de la Chambre criminelle, la requête des demandeurs aux fins d’examen immédiat des pourvois a été rejetée.
Le 26 février 2019, la chambre de l’instruction, statuant après cassation, a ordonné un supplément d’information aux fins de mise en examen des prévenus. Ces derniers se sont pourvus en cassation. Par ordonnance du 13 mai 2019, le président de la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté la requête des demandeurs aux fins d’examen immédiat des pourvois.
Par arrêt du 11 mai 2021, la chambre de l’instruction, statuant après cassation (Cass. crim., 11 avril 2018, n° 17-86.557, F-D N° Lexbase : A1491XLS et Cass. crim., 11 avril 2018, n° 17-86.554, F-D N° Lexbase : A1568XLN) a renvoyé les intéressés devant le tribunal correctionnel sous la prévention, le premier, d’association de malfaiteurs, blanchiment en bande organisée, travail dissimulé, abus de faiblesse, escroquerie en bande organisée et complicité de détournement de la finalité de fichiers informatiques nominatifs, la seconde, de blanchiment en bande organisée, escroquerie en bande organisée, complicité de détournement de la finalité de fichiers informatiques nominatifs et blanchiment de fraude fiscale.
Moyens du pourvoi dirigés contre l’arrêt du 11 mai 2021. Les prévenus reprochaient à la chambre de l’instruction d’avoir méconnu les articles 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) et 199 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4955K8Z) au motif qu’il ressort de l’arrêt attaqué que seul l’avocat de l’un des co-mis en examen a eu la parole en dernier après les réquisitions de l’avocat général.
Décision.
Sur l’examen immédiat de la recevabilité immédiate des pourvois formés contre les arrêts des 31 juillet 2012 et 26 février 2019. La Chambre criminelle juge que, dans la mesure où son président avait dit n’y avoir lieu à l’examen immédiat des pourvois formés contre les arrêts des 31 juillet 2012 et 26 février 2019, ces pourvois ne pouvaient être jugés qu’en même temps que les pourvois formés contre le jugement ou l’arrêt sur le fond. Or, la décision du 11 mai 2021 rendue par la Chambre criminelle, examinée ici par la Cour, confirme l’ordonnance du juge d’instruction renvoyant les personnes mises en examen devant le tribunal correctionnel et ne constitue pas un arrêt sur le fond. La Cour juge qu’il n’y a donc pas lieu en l’état d’examiner les pourvois.
Sur l’arrêt du 11 mai 2021. La Chambre criminelle casse l’arrêt d’appel au visa des articles 6 de la CESDH et 199 du Code de procédure pénale au terme desquels, devant la chambre de l’instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole en dernier.
Or, en l’espèce, l’arrêt mentionne que l’avocat général a été entendu en ses réquisitions et que l’avocat de l’un des co-mis en examen a eu la parole En l’état de ces mentions, dont il ne ressort pas que tous les avocats des demandeurs ont eu la parole en dernier, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés.
Pour aller plus loin : v. L. Heinich et H. Diaz, ÉTUDE : Les actes de l’instruction, La procédure devant la chambre de l’instruction, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E87963AZ). |
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Réf. : Cass. crim., 7 septembre 2021, n° 21-80.642, FS-B (N° Lexbase : A459043E)
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N8736BY9
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par Adélaïde Léon
Le 15 Septembre 2021
► La jurisprudence, qui réserve au seul titulaire d’un droit sur le local perquisitionné la qualité pour agir en nullité, ne peut être maintenue en cas de violation d’une formalité substantielle dont l’objet est de garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations de perquisition ainsi que la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis ; ainsi, toute partie a qualité pour invoquer la méconnaissance de la formalité prise de l’absence de signature du procès-verbal de perquisition et saisie.
Rappel des faits. Informés par la responsable d’un hôtel de la possible utilisation d’une chambre pour le conditionnement de produits stupéfiants, des policiers ont interpellé trois personnes qui sortaient d’un véhicule et une quatrième parvenait à fuir. Du cannabis conditionné dans des sachets était retrouvé dans le véhicule. Du cannabis et de l’argent étaient saisis au cours d’une perquisition dans ladite chambre d’hôtel, en présence de l’un des occupants.
Une information judiciaire du chef d’infractions à la législation sur les stupéfiants était ouverte et les trois personnes interpellées étaient mises en examen de ce chef. La quatrième personne ayant pris la fuite lors de l’arrestation était interpellée puis mise en examen pour ces faits.
Le conseil de ce dernier mis en examen saisissait la chambre de l’instruction d’une requête en nullité de la perquisition précitée, prise de l’absence de signature du procès-verbal de transport et de perquisition par le mis en examen présent lors de cette opération.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction rejetait la demande de nullité des opérations de perquisition et de saisie au motif que, si le mis en examen ayant interjeté appel revendiquait avoir loué la chambre d’hôtel, cette location avait été payée avec la carte bancaire de la compagne du mis en examen présent lors de l’opération. Par ailleurs, les quatre hommes avaient passé une partie de la soirée dans cette chambre sans y loger. Enfin, lors de la perquisition, aucun des mis en cause n’a revendiqué avoir un droit sur ladite chambre et le mis en examen revendiquant la nullité de l’acte avait lui-même pris la fuite.
La juridiction soulignait également que le mis en examen présent était garant de la régularité de la perquisition dès lors qu’il n’avait pas émis de contestation sur le procès-verbal de perquisition.
Selon la chambre de l’instruction, les enquêteurs pouvaient considérer que chacun des occupants était légitime à s’assurer de la régularité des opérations de perquisitions en y assistant. L’auteur de la requête en nullité avait fait le choix de fuir et ne pouvait dès lors se prévaloir de la nullité de l’absence de signature du co-mis en examen présent sur le procès-verbal.
Le même mis en examen formait un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.
Moyens du pourvoi. Il était reproché à la chambre de l’instruction d’avoir privé le mis en examen de la possibilité de contester la perquisition de la chambre d’hôtel au motif qu’il avait pris la fuite alors qu’il avait occupé les lieux, qu’il avait un titre à les occuper et que les éléments découverts avaient fondé sa mise en examen.
Décision. La Chambre criminelle casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa des articles 171 (N° Lexbase : L3540AZ7) et 802 (N° Lexbase : L4265AZY) du Code de procédure pénale.
La Cour souligne qu’il résulte de ces articles que la méconnaissance des formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité doit entraîner la nullité de la procédure, lorsqu’il en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie concernée. La Haute juridiction poursuit en précisant qu’il appartient à la chambre de l’instruction saisie d’une requête en nullité de vérifier si :
La question en l’espèce portait donc sur le fait de savoir quel requérant avait la qualité pour agir en cause de méconnaissance d’une formalité substantielle lors d’une perquisition.
La Cour rappelle que sa jurisprudence réserve au seul titulaire d’un droit sur le local perquisitionné la qualité pour agir en nullité (Cass. crim., 6 février 2018, pourvoi n° 17-84.380, FS-P+B N° Lexbase : A6728XC8). Toutefois, la formalité substantielle dont la méconnaissance était dénoncée – la signature du procès-verbal de perquisition et de saisie – a pour objet d’authentifier la présence effective sur les lieux des objets découverts et de garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations.
Or, selon l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR), tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 10 mars 2009, Req. 4378/02, Bykov c/ Russie N° Lexbase : A4528EMN), et l'article préliminaire du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3311LTS), tout requérant doit se voir offrir la possibilité de remettre en question l’authenticité des éléments de preuve et de s’opposer à leur utilisation.
Dès lors, toute partie a qualité pour invoquer la méconnaissance de la formalité prise de l’absence de signature du procès-verbal de perquisition et saisie, peu important qu’elle ait pris la fuite.
Par ailleurs, la Cour précise que l’absence de contestation, par le co-mis en examen présent, sur la présence des produits dans ladite chambre ne pouvait être opposée au mis en examen qui contestait cette présence.
Pour aller plus loin : v. F. Dupuis, ÉTUDE : Le contrôle et la contestation des actes d’investigation, La qualité pour agir, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E4142ZMD). |
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Réf. : Cass. crim., 28 juillet 2021, n° 21-83.005, F-B (N° Lexbase : A62364ZY)
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N8527BYH
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par Adélaïde Léon
Le 21 Septembre 2021
► L’absence de notification au mis en examen de son droit à bénéficier d’un délai pour préparer sa défense ne doit pas obligatoirement figurer dans le procès-verbal du débat contradictoire devant le JLD ; l’absence d’une telle mention doit certes conduire à considérer que l’information n’a pas été délivrée ; toutefois, il ne résulte de nullité du défaut de mention qu’en cas de démonstration d’un grief.
Rappel des faits. Une information a été ouverte et un individu a été mis en examen des chefs de viols et agressions sexuelles. Présenté au juge des libertés et de la détention (JLD), il a été placé en détention provisoire puis a interjeté appel de cette décision estimant que le défaut de notification de son droit à bénéficier d’un délai pour préparer sa défense avait porté atteinte à ses intérêts et justifiait l’annulation du débat contradictoire et de l’ordonnance de placement en détention.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de placement en détention provisoire du JLD. La juridiction d’appel rejette le moyen de nullité soulevé par l’intéressé au motif qu’il était assisté d’un avocat qui avait eu le temps de s’entretenir avec son client avant le débat contradictoire, qui a pu présenter ses arguments au cours de ce débat et qui n’a pas sollicité de délai pour préparer la défense de son client.
Le mis en examen a formé un pourvoi.
Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi au visa de l’article 145, alinéa 4, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2791KGH), lequel prévoit la formalité substantielle de l’information du mis en examen de son droit à solliciter un délai pour préparer sa défense.
La Chambre criminelle précise tout d’abord que ces dispositions n’imposent pas que la mention de cette formalité soit portée au procès-verbal de débat contradictoire. Toutefois, la Cour précise que l’absence d’une telle mention doit conduire à considérer que l’information n’a pas été délivrée.
Enfin, la Chambre criminelle conclut en précisant qu’il ne résulte de nullité du défaut de mention qu’en cas de démonstration d’un grief.
En l’espèce, le demandeur a été assisté par un avocat choisi devant le JLD, lequel a pu s’entretenir avec son client, prendre connaissance du dossier et a été mis en mesure d’apprécier l’opportunité de solliciter un délai pour préparer la défense de son client. Selon la Cour, l’existence d’un grief n’est donc pas démontrée.
Pour aller plus loin : v. N. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction, Les étapes du placement en détention provisoire, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E4181Z9Q). |
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Réf. : Décret n° 2021-1194, du 15 septembre 2021, relatif au recours prévu à l'article 803-8 du Code de procédure pénale et visant à garantir le droit au respect de la dignité en détention (N° Lexbase : L8943L7D)
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N8783BYX
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par Adélaïde Léon
Le 22 Septembre 2021
► La loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention avait créé un article 803-8 du Code de procédure pénale instituant une procédure visant à faire reconnaître et cesser l’existence de conditions indignes de détention affectant tant les détenus provisoires que les personnes condamnées. Les modalités d’application de ce nouvel article devaient être précisées par décret en Conseil d’État. C’est désormais chose faite avec le décret n° 2021-1194, du 15 septembre 2021, relatif au recours prévu à l'article 803-8 du Code de procédure pénale et visant à garantir le droit au respect de la dignité en détention.
On notera notamment les précisions suivantes :
Magistrats compétents pour connaître du recours formé sur le fondement de l’article 803-8.
Modalités de saisine.
La requête devra faire l’objet d’une déclaration par le requérant ou par son avocat. Le texte précise les mentions et signatures devant y figurer.
Selon la situation du requérant la déclaration, devra être faite :
- auprès du greffe du juge d’instruction si une information est en cours ;
- auprès du secrétariat du procureur de la République si le tribunal correctionnel est saisi ;
- auprès du secrétariat du procureur général si la chambre des appels correctionnels ou la cour d’assises est saisie ou si un pourvoi est en cours ;
Dans ces deux configurations, le destinataire de la requête la transmet par tout moyen, le jour même ou le premier jour ouvrable suivant, avec ses éventuelles observations portant notamment sur la recevabilité de la requête, au juge des libertés et de la détention ;
La déclaration peut également être faite au moyen d’une LRAR ou auprès du chef de l’établissement pénitentiaire par le biais d’un formulaire.
Recevabilité de la requête.
Le juge devra statuer dans un délai de dix jours à compter de la réception de la requête par ordonnance motivée conformément à l’article 803-8, alinéas 2 et 3 du I du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0665L4E).
Vérifications des conditions de détention.
Pour vérifier si les conditions de détention portent ou non atteinte à la dignité du requérant, le juge peut :
Décision sur le bien-fondé de la requête.
L’ordonnance motivée sur le bien-fondé de la requête doit être rendue dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle l’ordonnance de recevabilité de la requête a été rendue.
Le juge se prononce au vu de la requête, des observations de l’intéressé ou de son avocat, de l’administration pénitentiaire et de l’avis écrit du juge d’instruction, du procureur de la République ou du procureur général.
Si la requête est jugée fondée, le juge :
Mise en œuvre par l’administration pénitentiaire.
L’administration pénitentiaire prend toute mesure qui lui paraît appropriée pour mettre fin aux conditions de détention en cause.
Elle peut notamment proposer à l’intéresser un transfèrement dans un autre établissement pénitentiaire. Le décret apporte deux précisions importantes à cet égard :
Issue du délai imparti à l’administration.
Avant l’expiration du délai d’un mois donné à l’administration pénitentiaire, celle-ci adresse un rapport d’information au juge sur les mesures prises ou proposées au détenu. Copie de ce rapport est adressée par tout moyen à l’avocat du requérant ou à ce dernier s’il n’est pas assisté.
À la réception du rapport, le juge peut procéder à des vérifications afin de constater qu’il a été mis fin aux conditions de détention en cause. Par ailleurs, dix jours au plus tard après l’expiration du délai imparti à l’administration pour agir, le juge, après avoir recueilli les observations et avis de l’article R. 249-25, prend l’une des décisions suivantes :
- 1° transfèrement ;
- 2° mise en liberté immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ;
- 3° mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de détention à domicile sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte). L’article R. 249-34 définit les conditions dans lesquelles le JAP peut faire application de ce point y compris si l’octroi des mesures concernées relève normalement de la compétence du tribunal de l’application de peines.
Toutefois, le juge peut refuser de rendre l'une de ces décisions au motif que la personne s'est opposée à un transfèrement qui lui a été proposé sauf s'il s'agit d'un condamné et si ce transfèrement aurait causé, eu égard au lieu de résidence de sa famille, une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale.
S’il envisage d’ordonner le transfèrement, le juge ne peut le faire que dans l’un des établissements proposés par l’administration pénitentiaire.
Audition du requérant.
Lorsque le requérant a demandé à être entendu et que sa requête a été déclarée recevable, le juge informe l’intéressé et son avocat, par tout moyen, de la date et du lieu de l’audition. Cette audition doit intervenir avant le prononcé sur le bien-fondé ou, si la requête a été jugée fondée mais que l’administration n’a pas mis fin aux conditions en cause à l’issue du délai qui lui était imparti, avant que le juge ne prenne une des décisions du II de l’article 803-8 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0665L4E).
Voies de recours.
Le présent décret prévoit qu’il peut être fait appel des décisions précitées dans un délai de dix jours à compter de leur notification. L’appel peut être formé par le détenu, son avocat ou le procureur de la République soit par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée soit par déclaration auprès du chef d'établissement.
Les décisions des juridictions d’appels devront être motivées.
Autres dispositions.
Le décret précise par ailleurs les règles applicables :
- la répartition des compétences entre le JLD et le JAP dans le cas d’un individu incarcéré à la fois placé en détention provisoire et en exécution d’une peine ;
- le JLD compétent lorsque la personne placée en détention provisoire fait l’objet de plusieurs mandats de dépôt délivrés par des JLD de tribunaux judiciaires différents ;
Pour aller plus loin :
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Réf. : Décret n° 2021-1130, du 30 août 2021, pris pour l'application des dispositions de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée et portant diverses modifications du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7677L7H)
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N8587BYP
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par Adélaïde Léon
Le 01 Septembre 2021
► Paru au Journal officiel du 21 août 2021, le décret n° 2021-1130 du 30 août 2021 précise les modalités d’application de certaines dispositions du Code de procédure pénale créées ou modifiées par la loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, ainsi que d’autres dispositions du même code concernant le magistrat chargé de contrôler les fichiers de police judiciaire, la procédure applicable devant la chambre de l'instruction et le recours à la procédure pénale numérique.
Compétence territoriale des enquêteurs. Le troisième alinéa de l’article 18 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5524LZM) prévoit qu’un officier de police judiciaire qui se transporte hors des limites territoriales où il exerce ses fonctions habituelles doit aviser préalablement le magistrat saisi de l’enquête. Conformément aux ajouts apportés par la loi n° 2020-1672 (N° Lexbase : L2698LZX), le décret n° 2021-1130 (N° Lexbase : L7677L7H) vient préciser au sein du chapitre réglementaire relatif à la police judiciaire que l'information du magistrat n'est pas nécessaire lorsque le transport s'effectue dans un ressort limitrophe à celui dans lequel l'officier exerce ses fonctions et que pour l’application de ces dispositions, Paris et les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne sont considérés comme un seul département.
Police judiciaire. Le décret prévoit que, lorsque des fonctionnaires et agents concourent à la réalisation d’une même enquête avec des officiers et agents de police judiciaire, le cas échéant, en les assistant dans les actes auxquels ils procèdent, les dispositions de l’article D. 5 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1120ACH) sont applicables. Celles-ci concernent la mise en commun des compétences et moyens de ces officiers ou agents, le partage d’information, l’inscription à la procédure des concours apportés et le rôle du magistrat dans la répartition des tâches et la centralisation des éléments d’enquête.
Le décret dispose par ailleurs que les dispositions du dernier alinéa de l'article 28 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5525LZN), prévoyant l'absence de renouvellement de la prestation de serment en cas de changement d'affectation, sont applicables à toutes les personnes exerçant des missions de police judiciaire, quel que soit leur statut public ou privé.
Information des jurés des cours d'assises en matière de période de sûreté. Le décret modifie l’article D. 45-2-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1883LWN) afin de prévoir que, lorsque les conditions de l’article 132-23 du Code pénal (N° Lexbase : L3750HGY) relatives au prononcé d’une période de sûreté sont remplies, le président de la cour d’assises informe les jurés des conséquences de la peine prononcée sur la période de sûreté et de la possibilité de la moduler selon les modalités prévues par l’article D. 45-2-1.
Permis de visite au tuteur ou curateur d'un condamné faisant l'objet d'une mesure de protection juridique. L’article D. 404 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1356AC9) est rétabli aux fins de prévoir que lorsque le condamné est un majeur faisant l’objet d’une mesure de procédure juridiction, son curateur, son tuteur ou la personne désignée dispose de plein droit d’un permis de visite.
Débat contradictoire devant le JLD de Mayotte pour statuer sur une demande de mise en liberté. Conformément à l’article 883-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5619LZ7), lorsqu’en matière criminelle le juge des libertés et de la détention (JLD) est saisi par le juge d’instruction d’une demande de mise en liberté et qu’il n’envisage pas d’accepter cette demande, il statue sur celle-ci à l’issue d’un débat contradictoire. Selon l’article D. 602 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2591IRE) tel que rétabli par le décret n° 2021-1130, il ne peut être recouru, pour le déroulement dudit débat contradictoire devant le JLD de Mayotte, à un moyen de télécommunication audiovisuel sauf accord de la personne ou si son transport fait courir des risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion.
Remplacement du magistrat chargé de contrôler les fichiers de police judiciaire. En cas d’indisponibilité temporaire du magistrat chargé de contrôler les fichiers de police judiciaire, le décret prévoit que ses fonctions sont exercées par le magistrat du parquet hors hiérarchie faisant partie du comité chargé d’assister le magistrat en charge dans sa mission.
La procédure applicable devant la chambre de l'instruction et le recours à la procédure pénale numérique. Pour l’application des articles 187-3 (N° Lexbase : L1641A7W) et 194 (N° Lexbase : L3906IR4) relatifs à l’appel des décisions du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention et à la procédure devant la chambre de l’instruction, le décret prévoit que le dossier de la procédure d'instruction peut être transmis au premier président de la cour d'appel, au procureur général, à la chambre de l'instruction ou à son président, par un moyen de communication électronique à l'adresse électronique du service compétent du greffe de la cour d'appel, notamment lorsque ce dossier a été établi ou converti sous format numérique.
Audition du juge d’instruction par la chambre de l’instruction. Il prévoit notamment que lorsque la chambre de l'instruction est saisie d'un contentieux concernant le déroulement d'une information, son président peut recueillir les observations orales du juge d'instruction. Le décret précise par ailleurs que « Lorsque cette audition intervient alors que la chambre a été saisie par les parties, le président rédige un compte rendu de celle-ci, qui est versé au dossier de la procédure au moins 48 heures avant que la chambre ne se prononce. À l'occasion de son audition, le juge d'instruction peut remettre des observations écrites qui sont alors immédiatement versées au dossier ».
Précisions sur les décisions à juge unique de la chambre de l’instruction. Le décret précise que lorsque le président de la chambre de l'instruction est compétent pour statuer seul sur une demande, un recours ou un contentieux, il se prononce dans un délai raisonnable et dans le respect du contradictoire, après avoir recueilli les observations écrites du procureur général et des parties. Par ailleurs, sauf disposition contraire, la décision ainsi prise peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation en cas d’excès de pouvoir.
Transmission électronique. Enfin, le décret apporte certaines précisions sur les actes susceptibles d’être notifiés aux avocats par un envoi adressé par un moyen de télécommunication électronique.
Pour aller plus loin :
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Réf. : Cass. crim., 11 août 2021, n° 21-83.183, F-B (N° Lexbase : A73854ZK)
Lecture: 2 min
N8620BYW
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par Adélaïde Léon
Le 22 Septembre 2021
► La chambre de l’instruction appelée à se prononcer sur une demande de modification d’une obligation d’un contrôle judiciaire n’a pas l’obligation de contrôler l’existence d’indices graves ou concordants, rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions.
Rappel des faits. Mis en examen des chefs d’escroquerie, blanchiment, aggravés, association de malfaiteurs, un individu a été placé sous contrôle judiciaire avec, notamment, une obligation de cautionnement de 50 000 euros.
Par la suite, l’intéressé a saisi le magistrat instructeur aux fins de mainlevée partielle du cautionnement, sollicitant la réduction de celui-ci à hauteur de 15 000 euros. Cette demande ayant été rejetée par le juge d’instruction, le mis en examen a interjeté appel contre cette décision.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction et rejeté la demande de mainlevée partielle du contrôle judiciaire de l’intéressé.
Ce dernier a formé un pourvoi.
Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir confirmé la mesure de sûreté sans contrôler l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés.
Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi au motif que la chambre de l’instruction n’était pas amenée dans cette procédure à prononcer, prolonger ou maintenir une mesure de sûreté.
La demande de modification d’une des obligations du contrôle judiciaire ne mettant pas en cause le bienfondé de la mesure, les juges n’avaient pas l’obligation de contrôler la réunion des conditions légales des mesures de sûreté.
Pour aller plus loin : N. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E5129Z3D). |
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