Réf. : Cass. civ. 3, 30 juin 2021, n° 19-23.038, FP-B+C (N° Lexbase : A20224YK)
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par Marie-Laure Besson, Docteure en droit privé, Qualifiée aux fonctions de Maître de conférences, Enseignante contractuelle à l’Université d’Avignon
Le 21 Juillet 2021
Mots clés : clause d'indexation • clause d’échelle mobile • variation du loyer exclusivement à la hausse • prescription de l’action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail commercial (non) • distorsion résultant de la clause (non) • principe de réciprocité de la variation indiciaire • clause ayant pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du Code de commerce (oui) • clause réputée non écrite dans son ensemble (non) • validité partielle de la clause
La source du contentieux des clauses d’indexation en matière de baux commerciaux ne se tarit pas et la Cour de cassation se prononce une nouvelle fois sur la validité d’une clause d’échelle mobile prévoyant une variation du loyer exclusivement à la hausse. Dans la continuité de sa position antérieure, la troisième chambre civile affirme qu’une clause qui a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du Code de commerce doit être réputée non écrite, de sorte que l’action en justice y afférente n’est enfermée dans aucun délai de prescription. Elle précise également que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite et non la clause dans son ensemble.
1. Cette décision vient s’ajouter aux nombreux arrêts déjà rendus par la Haute juridiction à propos de la délicate question du sort des clauses d’indexation dans le cadre des baux commerciaux. Il ne s’agit pas d’une solution nouvelle, mais celle-ci mérite quelques explications.
2. Dans l’espèce en question, une société donne à bail à une autre société des locaux à usage commercial à compter du 1er mai 2009. Le contrat de bail commercial comporte une clause d’indexation annuelle stipulant que l’indexation ne s’appliquera qu’en cas de variation de l’indice à la hausse. Le 23 septembre 2016, la société locataire assigne la société bailleresse aux fins de voir déclarer la clause d’indexation réputée non écrite et de la voir condamner à lui restituer la somme de 96 379,31 euros sur le fondement de la répétition de l’indu pour la période s’étendant du premier trimestre 2011 au deuxième trimestre 2016.
3. Les juges du fond [1] accueillent favorablement la demande du preneur tendant à éliminer la clause d’indexation sur le fondement de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5471ICM) et reconnaissent non écrite dans son ensemble la clause litigieuse. Alors que la société bailleresse faisait valoir dans son pourvoi que l’action visant à réputer une clause non écrite se prescrit par cinq ans et qu’une telle clause est divisible, si bien que seule la stipulation prohibée aurait dû être réputée non écrite, les Hauts conseillers ne cassent que partiellement la solution d’appel. D’une part, ils jugent, par une substitution de motifs, que la clause d’échelle mobile prévoyant la variation du loyer exclusivement à la hausse a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du Code de commerce (N° Lexbase : L5037I3X) et doit être réputée non écrite, l’action en justice y afférent étant de ce fait soumise à aucune prescription. D’autre part, ils réputent non écrite ladite clause seulement pour la portion de stipulation prohibée et non dans sa totalité.
4. Si l’imprescriptibilité de l'action en réputé non écrit de la clause d’échelle mobile semble aujourd’hui justifiée, son application aux faits d’espèce peut être sujette à discussion (I). Quant à la problématique de l’application de cette sanction à la clause dans son intégralité ou à une partie seulement de la stipulation, la solution apparaît cohérente (II).
I. L’imprescriptibilité de l'action en réputé non écrit de la clause d’échelle mobile
5. De toute évidence, pour engager une action en justice, il est nécessaire que le délai pour agir ne soit pas prescrit. Les actions judiciaires exercées dans le cadre des baux commerciaux sont encadrées par trois délais de prescription [2]. Certaines d’entre elles sont ainsi gouvernées par la règle de l’imprescriptibilité. C’est justement sur ce point que la solution commentée se prononce en premier lieu.
6. L’historique doctrinal et jurisprudentiel révèle que la validité des clauses d'indexation ne jouant qu'à la hausse a largement été remise en cause [3]. Pour certains juges du fond, une pareille clause est valide dans la mesure où elle ne contrevient pas à l'article L. 145-39 du Code de commerce [4]. Au contraire, d’autres juges ont condamné cette stipulation en faisant référence à l’article L. 112-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier qui interdit la prise en compte d'une période de variation indiciaire supérieure à la durée écoulée entre chaque révision [5]. Un premier principe a été posé par la Cour de cassation suivant lequel le recours à un indice de base fixe ne rend pas à lui seul la clause d'indexation illicite, dès lors qu'il n'en résulte aucune distorsion dans la variation du loyer [6]. Un peu plus tard, en revenant directement à la notion même d'indexation, elle pose un second principe et condamne l'absence de réciprocité de la clause prévoyant une révision du loyer exclusivement à la hausse [7]. La doctrine s'était alors interrogée sur le fondement de cette dernière solution, hésitant notamment entre l'article L. 112-1, alinéa 2, et l'article L. 145-39, pour conclure finalement que ni l'ordre public monétaire, ni l’ordre public statutaire ne pouvaient fonder la solution, si bien que c'était le principe de la réciprocité de la variation qui légitimait la clause d'indexation [8], principe jurisprudentiel dont la constitutionnalité n’a pu être remise en cause [9]. Dans ce contexte, on aurait pu penser que la Cour reprendrait simplement son principe prétorien de réciprocité pour neutraliser la clause problématique sans revenir sur le fondement. Certes, elle le reprend, mais elle en énonce clairement le fondement.
8. Ce faisant, pour condamner l’absence de réciprocité, la troisième chambre rappelle d’abord que « le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse, de sorte que la clause […] fausse le jeu normal de l’indexation » et qu’une telle clause « a mathématiquement pour effet de modifier le délai d’atteinte du seuil de variation du quart ». Ensuite, par une substitution de motifs, la cour d’appel ayant fondé le réputé non écrit sur l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier, elle ajoute que la clause d’indexation excluant toute réciprocité de la variation en prévoyant une indexation à la hausse de l’indice seulement, a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du Code de commerce et qu’elle doit donc être réputée non écrite et ce, par le prisme de l’article L. 145-15 (N° Lexbase : L5032I3R). Il ressort d’une telle formulation que c’est l’ordre public résultant du statut des baux commerciaux et plus particulièrement l’article L. 145-39 qui est contrarié. Si la substitution de motifs paraît logique au regard des précédents jurisprudentiels évinçant l’article L. 112-1 des fondements du principe de réciprocité, le reste de la présentation est un peu curieux alors que ledit principe paraissait être une création prétorienne ne reposant pas sur des dispositions législatives et inhérent à toute clause d'indexation [10]. Quoi qu’il en soit, eu égard à la fonction de l'indexation, qui est de maintenir la valeur du prix en le préservant de l'érosion monétaire et donc, non pas de permettre la hausse du loyer, mais seulement de le maintenir en phase avec son environnement économique [11] et compte tenu de l’objectif poursuivi par le statut des baux commerciaux d’assurer la protection de l’activité économique, la solution est plutôt bienvenue et s’inscrit dans une logique de pérennisation de l’activité économique [12].
9. Il s’en infère alors pour les Hauts magistrats que l’action afférente à cette clause est imprescriptible. La clause réputée non écrite étant considérée comme n’ayant jamais existé, les actions tendant à faire statuer sur son sort ne sont pas soumises à la prescription [13]. Après avoir rappelé que l’article L. 145-15 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la réforme du statut des baux commerciaux opérée par la loi « Pinel » (loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 N° Lexbase : L4967I3D), a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 (N° Lexbase : L5765AID) à L. 145-41 du même code leur caractère réputé non écrit, la Cour de cassation affirme, à l’appui d’une jurisprudence récente [14], que cette nouvelle disposition est applicable aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de cette loi. Bien que l’effet – à savoir l’imprescriptibilité – attaché à la sanction du réputé non écrit soit critiqué par certains membres de la doctrine [15], il est permis de lui trouver un intérêt et une cohérence si l’on suit une logique de pérennisation de l’activité économique, puisque pour préserver cette activité économique, il semble juste qu’une clause qui contrevient à l’exercice de ladite activité puisse être éradiquée à tout moment [16]. Concernant l’application de la sanction du réputé non écrit au cas d’espèce, elle suscite des interrogations quant à l’application de la loi dans le temps. En effet, la sanction du réputé non écrit instituée par le Code de commerce suit normalement les conditions d’application de l’article L. 145-39. Conformément à l’article 21, II de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, cette disposition est applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 [17]. Cependant, l’application de cette sanction aux baux en cours est envisageable selon plusieurs biais [18]. Sans préciser si elle raisonne suivant la théorie de l’effet légal attaché au contrat [19] ou de l’ordre public impérieux, la Cour se retranche derrière sa jurisprudence récente affirmant que la nouvelle sanction du réputé non écrit est d'application immédiate à tous les baux commerciaux, même à ceux conclus antérieurement [20]. La première théorie suppose une situation juridique non définitivement réalisée mais ayant pris naissance avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, et surtout que les dispositions litigieuses n'impactent pas l'équilibre initial du contrat. Si les deux premiers éléments ne posent pas de difficulté, il est moins évident que l'équilibre économique d'un bail commercial ne soit pas contrarié par une indexation du loyer à la hausse comme à la baisse. Le mécanisme de révision est-il véritablement un strict effet légal du contrat ? Cela peut se discuter [21]. Quant à l’ordre public impérieux, il n’est guère plus convaincant.
Restait alors à régler la question de l’éradication totale ou partielle de la clause litigieuse.
II. L’application limitée de la sanction du réputé non écrit de la clause d’échelle mobile
10. La sanction du réputé non écrit consiste à supprimer la clause litigieuse tout en maintenant le contrat [22]. On considère que la clause n’a jamais existé [23]. La doctrine soulève une question à ce sujet : toute la clause sera-t-elle gommée ou seule la stricte partie illicite de la clause le sera-t-elle [24]? C’est sur ce point que la solution analysée se prononce en second lieu.
11. Évoquant en réponse l’embarrassante et fluctuante jurisprudence sociale de la Cour régulatrice, certains auteurs pensent que le débat n’est pas clos [25]. D’autres affirment qu’un maintien partiel de la clause, dans sa partie licite, est possible [26]. Elle est en tout cas diversement appréciée par les juges. Si certaines décisions y sont clairement hostiles [27], d'autres y recourent ouvertement [28]. Typiquement en matière de clauses d’échelle mobile stipulées exclusivement à la hausse, les décisions rendues antérieurement ont pris soin de déterminer si la neutralisation de l'indexation à la baisse est ou non essentielle dans le choix de la clause d'indexation et ont ainsi mis en exergue le critère de l’indivisibilité pour apprécier l’étendue de la sanction du réputé non écrit [29]. On constate ainsi une marge importante d'ajustement de la sanction et de ses conséquences financières dans la mesure où il y a une grande différence entre la restitution de la totalité des indexations perçues et seulement celle des sommes perçues grâce au blocage de l'indexation [30].
12. Justement, faisant intervenir les règles régissant le régime général des obligations et plus particulièrement en visant l’ancien article 1217 du Code civil (N° Lexbase : L1319ABH), d’après lequel l’obligation est divisible ou indivisible selon qu’elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l’exécution, est ou n’est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle, les juges concluent que seule la stipulation pathologique de la clause doit être réputée non écrite. Cette marge d’adaptation de l’étendue de la sanction du réputé non écrit au regard de chaque situation litigieuse nous semble opportune car il peut y avoir un intérêt à sauver le reste d’une clause pour préserver l’activité économique [31]. Cependant, peut-être les critères retenus pourraient être plus efficaces [32], notamment en fonction de la formulation de la clause et des répercussions sur l’activité économique [33]. La limitation de la sanction semble également proportionnée, mais on peut reconnaître que son effet dissuasif s’en trouve amoindri dans le sens où le bailleur stipulant que la clause d'indexation ne jouera qu'à la hausse ne risque pas grand-chose, si l'indexation est maintenue [34].
[1] CA Reims, 9 juillet 2019, n° 18/01648 (N° Lexbase : A5320ZIU).
[2] Délai quinquennal de droit commun, prescription biennale spécifique au statut (C. com., art. L. 145-60 N° Lexbase : L8519AID) et imprescriptibilité des actions en réputé non écrit ; v. en ce sens : J.-P. Blatter et W. Blatter-Hodara (collab.), Traité des baux commerciaux, 6ème éd., Le Moniteur, 2018, p. 839, n° 1770 ; M.‑P. Dumont-Lefrand, Bail commercial, Rép. civ. Dalloz, septembre 2009, n° 503 ; A. Chatty, Les baux commerciaux, 4ème éd., Légis-France, 2015, p. 138, n° 327 ; M.-L. Besson, L’obligation de délivrance dans les baux commerciaux, coll. Logiques juridiques, L’Harmattan, 2021, p. 607, n° 655.
[3] Ph.-H. Brault Sur l'aménagement conventionnel de la clause d'échelle mobile, Loyers et copr., 2010, étude 2 ; Ph.-H. Brault, J. Monéger et M.-L. Sainturat, Actualité des baux commerciaux, Cah. dr. entr., 2010, n° 3, p. 14-15 ; A. de Galembert, Étude des risques pesant sur la validité des clauses d’indexation dans les baux commerciaux, Rev. loyers, 2011, p. 54-57 ; M.-P. Dumont-Lefrand et H. Kenfack, Baux commerciaux, Dalloz Action, 2010-2011, n° 250.860 ; F. Planckeel, M.-O. Vaissié, J.-J. Martel et G. Delattre, L'indexation et la révision du loyer en cours de bail, in J. Monéger (dir.) et alii, États généraux des baux commerciaux, LexisNexis, 2014, p. 82-84 et 91 ; E. Chavance, Le nouveau régime des clauses d'indexation, Loyers et copr., 2014, étude 2 ; contra J.-P. Blatter, Traité des baux commerciaux, 5ème éd., Le Moniteur, 2012, p. 318-319.
[4] CA Aix-en-Provence, 15 mars 2013, n° 11/06632 (N° Lexbase : A9596I9B), AJDI, 2013, p. 517, obs. F. Planckeel ; Loyers et copr., 2013, n° 145, obs. E. Chavance – CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 3 avril 2013, n° 11/14299 (N° Lexbase : A4546KBY), AJDI, 2013, p. 517, obs. F. Planckeel ; Loyers et copr., 2013, n° 184, obs. Ph.-H. Brault ; Administrer, juin 2013, p. 44, note M.-L. Sainturat – TGI Paris, 18ème ch., 1ère sect., 9 juin 2015, n° 12/16489 (N° Lexbase : A3531NPH). Comp. CA Douai, 21 janvier 2010, n° 08/08568 (N° Lexbase : A2518ETG), AJDI, 2010, p. 552, obs. Y. Rouquet ; Loyers et copr., 2010, n° 107, obs. Ph.-H. Brault ; Administrer, mars 2010, p. 28, obs. M.-L. Sainturat ; Gaz. Pal., 2010, p. 936, note Ph.-H. Brault.
[5] CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 12 juin 2013, n° 11/12178 (N° Lexbase : A5214MTB), AJDI, 2013, p. 517, obs. F. Planckeel ; Loyers et copr., 2013, n° 314, obs. Ph.-H. Brault. V. aussi CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 3 décembre 2014, n° 12/23129 – TGI Grasse, 5 avril 2011, RG n° 09/01658 (N° Lexbase : A4451IGX) – TGI Paris, 18ème ch., 2ème sect., 13 février 2014, n° 12/06387 (N° Lexbase : A1632MY4), Loyers et copr., 2014, n° 149, obs. Ph.-H. Brault – CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 13 avril 2016, n° 14/06301 (N° Lexbase : A6185RC3).
[6] Cass. civ. 3, 3 décembre 2014, n° 13-25.034, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0655M7E), D., 2014, p. 2521, obs. Y. Rouquet ; D., 2015, p. 1615, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI, 2015, p. 283, obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; JCP E, 2015, n° 1006, note B. Brignon ; Administrer, janvier 2015, p. 47, note J.-D. Barbier ; Rev. loyers, 2015, p. 32, note B. de Lacger ; Loyers et copr., 2015, n° 13, obs. E. Chavance ; Gaz. pal., 12-14 avril 2015, p. 20, obs. Ch.-E. Brault.
[7] Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-24.681, FS-P+B (N° Lexbase : A9444N38), AJDI, 2016, p. 365, obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; AJDI, 2016, 157, point de vue J.-P. Dumur ; RTD com., 2016, p. 56, obs. J. Monéger – Cass. civ. 3, 30 mars 2017, n° 16-13.914, FS-P+B (N° Lexbase : A1081UT9), Dalloz Actualité, 6 avril 2017, note Y. Rouquet ; D., 2017, p. 814 ; D., 2017, p. 1572, obs. M.-P. Dumont-Lefrand – CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 20 janvier 2016, n° 13/21626 (N° Lexbase : A2179N4H), AJDI, 2016, p. 360, obs. F. Planckeel et A. Antoniutti – CA Versailles, 10 mars 2015, n° 13/08116 (N° Lexbase : A0193NDI), JCP E, 2015, 1231, obs. B. Brignon ; Loyers et copr., 2015, comm. n° 225, obs. Ph.-H. Brault – CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 20 janvier 2016, n° 13/17680 (N° Lexbase : A2330N43), JCP E, 2016, 1165 ; adde CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 24 janvier 2018, n° 16/09460 (N° Lexbase : A5444XBA). V. sur les clauses « capées » : CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 7 février 2018, n° 16/07034 (N° Lexbase : A9487XCD) ; C. Denizot et G. Trautmann, Le sort des clauses d'indexation ne jouant qu'à la hausse dans les baux commerciaux, JCP N, 2016, 1120, note sous Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-24.681, FS-P+B (N° Lexbase : A9444N38) – Cass. civ. 3, 10 juillet 2013, n° 12-14.569, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8711KIH), JCP N, 2013, act. 828 – Cass. civ. 3, 21 janvier 2014, n° 12-26.689, F-D (N° Lexbase : A0016MDX), Loyers et copr., 2014, comm. 91, note G. Vigneron.
[8] F. Planckeel et A. Antoniutti, Principe d'illicéité de la clause d'indexation ne jouant qu'à la hausse, note sous Cass. civ. 3, 14 janv. 2016, n° 14-24.681, préc., AJDI, 2016, p. 365.
[9] Cass. QPC, 15 février 2018, n° 17-40.069, FS-D (N° Lexbase : A8333XDY), AJDI, 2018, p. 598, obs. M.-P. Dumonf-Lefrand.
[10] M.-P. Dumonf-Lefrand, QPC sur la clause d'indexation uniquement à la hausse, obs. sous Cass. QPC, 15 février 2018, n° 17-40.069, préc., AJDI, 2018, p. 598.
[11] F. Planckeel et A. Antoniutti, Principe d'illicéité de la clause d'indexation ne jouant qu'à la hausse, préc. ; M.-P. Dumonf-Lefrand, QPC sur la clause d'indexation uniquement à la hausse, préc..
[12] V. sur cette idée : M.-L. Besson, L’obligation de délivrance dans les baux commerciaux, op. cit., p. 479 et s., n° 497 et s.
[13] Ibid., p. 610, n° 660 ; S. Gaudemet, La clause réputée non écrite, préf. Y. Lequette, Economica, 2006, p. 127 et s., n° 239 et s. ; T. Douville (dir.) et alii, La réforme du Droit des contrats - Commentaire article par article - Ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Gualino Lextenso, 2016, p. 138 ; J.-P. Blatter et W. Blatter‑Hodara (collab.), Traité des baux commerciaux, 6ème éd., op. cit., p. 857, n° 1814 ; D. Houtcieff, Clauses réputées non écrites et baux commerciaux, Loyers et copr., 2018, n° 10, doss. 14, p. 33. V. contra : H. Barbier, L'action en réputé non écrit est-elle imprescriptible ?, RTD civ., juillet 2019, n° 2, p. 334.
[14] Cass. civ. 3, 19 novembre 2020, n° 19-20.405, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9460347).
[15] H. Barbier, L'action en réputé non écrit est-elle imprescriptible ?, préc..
[16] M.-L. Besson, L’obligation de délivrance dans les baux commerciaux, op. cit., p. 610, n° 661.
[17] M.-P. Dumont-Lefrand, Bail commercial et mise en œuvre des nouvelles normes spéciales dans le temps, Loyers et copr., 2018, n° 10, dossier 11, p. 15 ; J.-P. Blatter, Quatre ans d'existence de la loi Pinel et son application dans le temps, AJDI, 2019, n° 5, p. 340.
[18] V. sur les diverses théories permettant une application de la loi nouvelle aux baux en cours : ibid. ; A. Confino, Réflexions sur le réputé non écrit dans le bail commercial après la loi Pinel, AJDI, 2015, p. 407 ; A. Reygrobellet, Nouvelles dispositions pour le bail commercial : quelles entrées en vigueur ?, JCP N, août 2014, n° 31-35, étude 1262, p. 35.
[19] Cass, avis, 16 février 2015, n° 15002 (N° Lexbase : A6002NBW), D., 2015, p. 489.
[20] Cass. civ. 3, 19 novembre 2020, n° 19-20.405, FS-P+B+I, préc., Dalloz actualité, 4 janvier 2021, obs. A. Cayol.
[21] CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 7 février 2018, n° 16/07034 (N° Lexbase : A9487XCD), Loyers et copr., 2018, n° 4, comm. 91, note Ph.-H. Brault.
[22] G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations - Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2ème éd., Dalloz, 2018, p. 384, n° 439 ; A. Confino, Réflexions sur le réputé non écrit dans le bail commercial après la loi Pinel, préc..
[23] J. Lafond et alii, Code des baux, LexisNexis, 2017, p. 565, n° 11.
[24] A. Confino, Réflexions sur le réputé non écrit dans le bail commercial après la loi Pinel, préc. ; D. Houtcieff, Clauses réputées non écrites et baux commerciaux, préc..
[25] Ibid..
[26] B. Fages et H. Barbier, Pas de réputé non écrit partiel ?, RTD civ., décembre 2013, n° 4, p. 836 ; H. Barbier, Vent de faveur pour le réputé non écrit partiel, RTD civ., 2020, p. 373.
[27] Cass. com., 9 juillet 2013, n° 12-21.238, FS-P+B (N° Lexbase : A8660KIL), D., 2013, p. 2627, note F. Ait-Ahmed ; D., 2013, 2729, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau ; RTD civ., 2013, p. 836, obs. B. Fages et H. Barbier – Cass. com., 9 juillet 2013, n° 11-27.235, FS-P+B (N° Lexbase : A8650KI9), D., 2013, p. 2627, obs. A. Lienhard ; D., 2729, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau ; RTD civ., 2013, p. 836, obs. B. Fages et H. Barbier ; RLDC, octobre 2013, n° 108, p. 3, obs. J. Mestre.
[28] Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-17.941, QPC (N° Lexbase : A9119IXZ), RTD civ., 2013, p. 836, obs. B. Fages et H. Barbier ; comp. néanmoins avec Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-19.029, FS-P+B (N° Lexbase : A6908NYI), D., 2015, p. 2568 ; D., 2016, p. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc., 2016, 187, obs. J. Mouly ; RTD civ., 2016, p. 98, obs. H. Barbier.
[29] Cass. civ. 3, 13 février 1969, n° 67-10.888, publié (N° Lexbase : A2580AU4), D., 1969, somm. 109 – Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-24.681, préc. – CA Versailles, 9 octobre 2018, Loyers et copr., 2018, n° 255, obs. E. Chavance ; JCP E, 2019, 1167, n° 33, obs. S. Regnault ; Cass. civ. 3, 6 juin 1972, n° 71-11279, publié (N° Lexbase : A6789AGK), JCP, 1972, II, 17255 – Cass. civ. 3, 6 février 2020, n° 18-24.599, FS-P+B+I (N° Lexbase : A39713DG), RTD civ., 2020, p. 373, obs. H. Barbier – comp. avec Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-24.681, préc..
[30] F. Planckeel et A. Antoniutti, Principe d'illicéité de la clause d'indexation ne jouant qu'à la hausse, préc..
[31] M.-L. Besson, L’obligation de délivrance dans les baux commerciaux, op. cit., p. 522-523, n° 562 et p. 526-527, n° 567.
[32] V. sur cette idée, S. Regnault, Bail commercial et clause d'indexation : suite et fin ?, Loyers et copr., mai 2021, n° 5, étude 4.
[33] V. sur cette idée : M.-L. Besson, L’obligation de délivrance dans les baux commerciaux, op. cit., p. 526 et s., n° 567.
[34] F. Planckeel et A. Antoniutti, Principe d'illicéité de la clause d'indexation ne jouant qu'à la hausse, préc..
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newsid:478425
Réf. : Cass. civ. 3, 8 juillet 2021, n° 20-16.473, F-D (N° Lexbase : A62534YA)
Lecture: 3 min
N8439BY9
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
Le 30 Août 2021
► Le vendeur-promoteur est tenu d’avertir les acquéreurs sur les risques inhérents à l’investissement proposé ;
► le vendeur-promoteur, qui fait déposer au rang des minutes de l’office notarial de l’acte de vente le document d’information exposant les modalités spécifiques aux résidences de tourisme et les conséquences fiscales en résultant, remplit son devoir d’information.
Nombreux sont les accédants à la propriété qui achètent en l’état futur d’achèvement un bien aux fins de défiscalisation ou, à tout le moins, d’en retirer des avantages fiscaux. Nombreux sont, aussi les acquéreurs qui tentent de se retourner contre le vendeur-promoteur aux motifs qu’ils auraient perdu, de son fait, par exemple en cas de retard dans la livraison, l’avantage qui a motivé l’achat. L’étendue du devoir d’information et de conseil du vendeur-promoteur s’en trouve sans cesse rediscutée, comme l’illustre l’arrêt rapporté.
En l’espèce, une SCI fait édifier dans une station de montagne deux résidences de tourisme. L’opération est placée sous le régime fiscal dérogatoire applicable aux résidences de tourisme classées en zone de revitalisation rurale permettant à l’acquéreur de récupérer la TVA et de bénéficier d’une réduction de l’impôt sur le revenu, à la condition de donner le bien à la location pendant les neuf premières années à l’exploitation de la résidence de tourisme.
Des acquéreurs achètent un appartement en l’état futur d’achèvement mais n’ont pas le bénéfice fiscal escompté. Ils assignent en dommages-intérêts, notamment, le vendeur-promoteur. La cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt du 5 novembre 2019 (CA Grenoble, 5 novembre 2019, n° 18/01685 N° Lexbase : A8542ZTK), les déboute. Les juges estiment que si le promoteur est tenu d’informer les investisseurs éventuels sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qu’ils leur proposent ainsi que sur les risques qui lui sont associés, il n’est pas débiteur d’une obligation de résultat sur la rentabilité de l’investissement.
Les acquéreurs forment un pourvoi en cassation qui est rejeté. Les acquéreurs ont, d’une part, bien été informés puisque le document d’information a été déposé par le promoteur au rang des minutes de l’office notarial chargé de la rédaction de l’acte de vente. Les acquéreurs ne pouvaient, d’autre part, se méprendre sur la portée de la brochure à caractère promotionnel qui était destinée à traduire le potentiel locatif du bien dans l’hypothèse la plus favorable sans garantir le taux de rentabilité et la sécurité d’un tel investissement dont la part d’aléa demeure irréductible.
Il est, depuis longtemps, affirmé que le vendeur-promoteur est tenu d’un devoir d’information et d’un devoir de mise en garde à l’égard de l’acquéreur réalisant un achat en vue de la réalisation d’une défiscalisation (pour exemple encore, Cass. civ. 1, 26 septembre 2018, n° 16-23.500, F-D N° Lexbase : A1995X8E ; Cass. civ. 3, 6 septembre 2018, n° 17-21.096, F-D N° Lexbase : A7236X3E). Pour autant, le vendeur-promoteur n’est pas tenu de l’obligation de résultat de garantir la réalisation de cet avantage.
La nuance est de taille, d’autant que l’action en nullité de la vente sur le fondement des vices du consentement, qui reste l’autre action possible à l’encontre du vendeur-promoteur, aboutit rarement (Cass. civ. 3, 7 avril 2016, n° 14.24.164, F-D N° Lexbase : A1506RCR ; Cass. civ. 3, 15 octobre 2015, n° 13-25.195, F-D N° Lexbase : A5875NTR).
Demeure également l’action fondée sur le terrain de la perte de chance d’avoir effectué un investissement plus rentable (pour un exemple récent, Cass. civ. 3, 14 janvier 2021, n° 19-24.881, FS-P N° Lexbase : A72474CE, obs. J. Mel, Lexbase Droit privé, janvier 2021, n° 851 N° Lexbase : N6170BY8).
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Réf. : CE, avis, 19 juillet 2021, n° 403629 (N° Lexbase : A14674ZD)
Lecture: 7 min
N8415BYC
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par Yann Le Foll et Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac
Le 21 Juillet 2021
► Le Conseil d’État valide avec des réserves le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire duquel il a été saisi le 14 juillet 2021.
Passe sanitaire. Le Conseil d’État souligne que l’application du « passe sanitaire » à chacune des activités pour lesquelles il est envisagé de l’appliquer doit être justifiée par l’intérêt spécifique de la mesure pour limiter la propagation de l’épidémie. Il considère, en conséquence, que les enjeux sanitaires doivent être mis en balance avec les conséquences de la mesure pour les personnes vaccinées et non vaccinées ainsi que pour les professionnels concernés.
Il estime ainsi que le fait de subordonner l’accès à des activités de loisirs, à des établissements de restauration ou de débit de boissons et à des foires et salons professionnels à la détention d’un des justificatifs requis est, en dépit du caractère très contraignant de la mesure pour les personnes et les établissements concernés, de nature à assurer une conciliation adéquate des nécessités de lutte contre l’épidémie de covid-19 avec les libertés, et en particulier la liberté d’aller et venir, la liberté d’exercer une activité professionnelle et la liberté d’entreprendre.
Il note, en revanche, s’agissant de l’application de cette mesure aux grands centres commerciaux, que les éléments communiqués par le Gouvernement, notamment les données épidémiologiques et les avis scientifiques, ne font pas apparaître, au regard des mesures sanitaires déjà applicables et en particulier des exigences qui s’attachent au respect des gestes barrières, un intérêt significatif pour le contrôle de l’épidémie alors qu’elle contraint les personnes non vaccinées, en particulier celles qui ne peuvent l’être pour des raisons médicales, à se faire tester très régulièrement pour y accéder. Il en déduit que cette mesure porte une atteinte disproportionnée aux libertés des personnes concernées au regard des enjeux sanitaires poursuivis.
Sanctions. Concernant les sanctions pénales à l’encontre des personnes qui méconnaissent l’obligation légale qui s’impose à elles de contrôler le respect par les intéressés de détenir un tel justificatif, le Conseil d’État valide la nouvelle sanction envisagée d’un an de prison et de 90 000 euros d'amende si les faits sont verbalisés à plus de trois reprises dans un délai de trente jours (la version initiale prévoyant que cette infraction s’appliquait immédiatement, manifestement disproportionnée au regard de la gravité des manquements observés).
Régime des mesures d’isolement et de quarantaine. Le projet de loi élargit considérablement le champ des personnes susceptibles d’être concernées en prévoyant le placement à l’isolement de l’ensemble des personnes affectées.
Le Conseil d’État valide la disposition dont il résulte que la communication à l’intéressé du résultat d'un examen de dépistage virologique ou de tout examen médical probant concluant à une contamination par la covid-19 emporte, de plein droit, une mesure de placement et de maintien en isolement pour une durée de dix jours dans le lieu d’hébergement qu’il a déclaré lors de l’examen.
Il propose d’ajouter au projet de loi la précision selon laquelle le placement en isolement cesse de s’appliquer avant l’expiration du délai de dix jours si un nouveau test réalisé fait apparaître que les intéressés ne sont plus positifs au virus de la covid-19. Il recommande aussi de préciser expressément dans le projet de loi que les contrôles ne peuvent avoir lieu en période nocturne.
Obligation de vaccination de certains professionnels contre la covid-19. Au vu de la situation actuelle de l’épidémie et des effets bénéfiques attendus, le Conseil d’État considère que l’instauration d’une obligation vaccinale est proportionnée à la lutte contre l’épidémie de la covid-19 et ne se heurte, dans son principe, à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Il suggère toutefois, pour renforcer la clarté et l’intelligibilité du texte, d’introduire une disposition prévoyant expressément que les personnes intervenant ponctuellement, à titre professionnel ou bénévole, au sein des locaux dans lesquelles travaillent les personnes soumises à l’obligation vaccinale ne sont pas soumises à l’obligation vaccinale.
Fonctionnaires licenciés ? Le projet de loi prévoit, en troisième lieu, que le fait pour un salarié ou un agent public de ne plus pouvoir exercer son activité pendant une durée supérieure à deux mois pour n’avoir pas respecté son obligation de vaccination (à partir du 15 septembre 2021), constitue un motif de cessation définitive des fonctions ou de licenciement.
Le Conseil d’État considère que cette disposition aurait dû être soumise pour avis au Conseil commun de la fonction publique et qu’il ne peut dès lors les retenir en ce qu’elles s’appliquent aux agents publics. Comme pour les salariés, ces dispositions appellent en outre des compléments, de façon à assortir des garanties nécessaires la procédure spéciale de licenciement ainsi prévue, de même que la suspension sans rémunération, qui ne se rattachent pas à des procédures existantes en droit de la fonction publique. Elles ne peuvent donc, en l’état, être retenues.
Protection des données personnelles. Le projet du Gouvernement prévoit de modifier l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (N° Lexbase : L8351LW9) pour permettre d’utiliser le traitement de données ayant pour objet d’identifier les personnes contaminées par la covid-19, dont ces dispositions autorisent la création, aux fins de permettre l’édiction des mesures individuelles de placement en quarantaine ou à l’isolement ainsi que le suivi et le contrôle de ces mesures par les services et agents qui en sont chargés.
Le Conseil d'État rappelle les garanties que doit respecter un tel traitement.
En outre, il estime qu’en l’espèce, le suivi et le contrôle administratif du placement à l’isolement peuvent justifier l’accès des services préfectoraux qui en sont chargés, à certaines données figurant dans le fichier « SI-DEP », dont la création a été autorisée par l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 précitée. Il estime dès lors que l’ajout de cette nouvelle finalité au système d’information ainsi que la possibilité pour les agents habilités des services préfectoraux d’accéder aux données strictement nécessaires pour leurs missions de suivi et de contrôle ne méconnaît aucune des exigences de la Constitution et du droit de l’Union européenne.
Il relève, en revanche, que l’accès à ces données ne saurait avoir pour objet, comme le prévoit le Gouvernement, l’édiction de décisions individuelles, dans la mesure où, comme il a été dit, le projet de loi vise précisément à dispenser les services préfectoraux d’avoir à édicter de telles décisions en cas de dépistage positif à la covid-19. Par ailleurs, si le projet de loi prévoit également que pourront avoir accès à certaines données du fichier les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7290L4R), le Conseil d’État estime qu’un tel accès n’est pas nécessaire dans la mesure où les agents des services préfectoraux habilités à consulter le fichier pourront communiquer directement aux agents de contrôle les informations dont ils ont strictement besoin et dont ils sont habilités à prendre connaissance.
Il souligne enfin qu’en application du iv) de l’article 5 du « RGPD » (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I), les données auxquelles les services préfectoraux ainsi accès ne pourront être conservées que pour la durée strictement nécessaire à l’exercice de leur mission de contrôle.
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Réf. : Min. Travail, communiqué de presse, 16 juillet 2021
Lecture: 3 min
N8444BYE
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par Charlotte Moronval
Le 22 Juillet 2021
► La ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion et le secrétaire d’État chargé des Retraites et de la Santé au travail ont réuni les partenaires sociaux pour échanger sur les dispositions prévues dans le projet de loi relatif à l’adaptation de nos outils de gestion de la crise sanitaire pour accompagner les salariés et les employeurs dans la mise en œuvre de l’obligation vaccinale de certaines professions et l’élargissement du passe sanitaire à de nouveaux établissements recevant du public, pour les clients comme pour les salariés, conformément aux annonces du président de la République.
L’augmentation des contaminations liée au variant Delta rend nécessaire d’accélérer la vaccination pour éviter de nouvelles restrictions sanitaires qui viendraient entraver le redémarrage économique de la France. C’est le sens des mesures annoncées par le président de la République concernant l’obligation vaccinale de certaines professions et l’élargissement du passe sanitaire à certains établissements recevant du public.
Un délai accordé aux salariés pour pouvoir effectuer un parcours vaccinal complet
Les salariés concernés par l’obligation vaccinale auront la possibilité, à titre temporaire, de présenter le résultat négatif d’un examen de dépistage. À compter du 15 septembre 2021, ils devront avoir été vaccinés pour pouvoir continuer d’exercer leur activité.
Concernant l’exigence de passe sanitaire pour les salariés des établissements recevant du public concernés par l’obligation de passe sanitaire, elle ne sera effective qu’à partir du 30 août afin de leur laisser le temps d’effectuer un parcours vaccinal complet.
Privilégier le dialogue et faciliter l’accès à la vaccination
Qu’il s’agisse de l’obligation vaccinale ou de l’obligation de présentation d’un passe sanitaire, Élisabeth Borne a rappelé aux partenaires sociaux l’importance de privilégier la pédagogie et l’accompagnement, pour lever les craintes que pourraient avoir certains salariés sur le vaccin, mais aussi de faciliter leur accès à la vaccination.
Dans cette optique, une autorisation d’absence permettant aux salariés de se faire vacciner sur leur temps de travail, sans perte de leur rémunération, est inscrite au projet de loi.
Introduction d’une nouvelle procédure plus souple que les sanctions de droit commun
Si certains salariés devaient ne pas respecter ces obligations, le projet de loi prévoit une procédure incitative et plus souple que celle qui découlerait en droit commun du non-respect de l’obligation de vaccination ou de non-présentation d’un passe sanitaire valide.
En cas de non-respect de l’obligation vaccinale, le texte prévoit ainsi que l’employeur peut suspendre le contrat de travail du salarié jusqu’à ce que celui-ci atteste d’un schéma vaccinal complet. Cette suspension peut durer jusqu’à deux mois maximum.
Le même mécanisme de sanction est envisagé s’agissant de l’obligation de présenter un passe sanitaire valide.
Le déclenchement de cette procédure devra donner lieu à un entretien préalable entre le salarié et l’employeur dans le but d’échanger sur les moyens de régulariser la situation mais aussi de privilégier la pédagogie avant d’arriver à la suspension du contrat.
À l’issue du délai de deux mois, permettant aux salariés de réaliser son schéma vaccinal complet, la procédure de droit commun prévue par le Code du travail s’appliquera et permettra à l’employeur d’engager une procédure de licenciement pour non-respect de l’obligation de vaccination ou de non-présentation d’un passe sanitaire valide.
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newsid:478444
Réf. : CEDH, 13 juillet 2021, Req. 50705/11, 11340/12, 26221/12, 71694/12, 44845/15, 17238/16 et 63214/16, Todorov et autres c. Bulgarie [Disponible en anglais]
Lecture: 4 min
N8370BYN
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par Adélaïde Léon
Le 28 Juillet 2021
► Dans le cadre de la confiscation, par les autorités nationales, des produits du crime, un équilibre doit être trouvé entre l’intérêt général et la protection de la propriété ; une législation nationale permettant aux autorités de confisquer certains biens considérés comme des produits du crime est susceptible de créer un déséquilibre en faveur de l’État lorsqu’elle dispose d’un large champ d’application ; ce déséquilibre doit être contrebalancé par, notamment, l’obligation de démontrer certains liens avec une criminalité réelle dans la provenance des biens à confisquer.
Rappel de la procédure. Dans différentes affaires, des requérants ont été condamnés par des tribunaux bulgares pour diverses infractions, parmi lesquelles abattage illégal de bois, privation de liberté, tentative d'extorsion, détournement de fonds aggravé, détention d'armes à feu, vol qualifié, falsification de documents aggravée, détention illégale de stupéfiants et fraude fiscale. Toutes ces personnes ont été condamnées en vertu d’une loi de 2005, sur les produits du crime, permettant aux autorités de confisquer certains biens considérés comme des produits du crime.
Après une enquête de la Commission pour la découverte des produits du crime, qui a examiné, entre autres, leurs revenus et leurs dépenses au cours de la période concernée, des biens appartenant aux requérants ont été confisqués par l’État, puis les tribunaux nationaux ont conclu que les dépenses des intéressés au cours de la période examinée avaient largement dépassé leurs revenus légaux et que les autres actifs acquis étaient les produits du crime.
Les décisions ont été confirmées par les juridictions supérieures.
Motifs de la requête. Les requérants ont introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme se plaignant de divers aspects de la procédure de confiscation.
Décision. La Cour constate tout d’abord que la confiscation était légale, car fondée sur la loi sur les produits du crime, et que la saisie d’avoirs obtenus par la criminalité est conforme à l’intérêt général. Toutefois, la Cour rappelle qu’un juste équilibre doit être trouvé entre l’intérêt général et la protection des droits fondamentaux parmi lesquels figure la protection de la propriété (Protocole additionnel n° 1, art. 1 N° Lexbase : L1625AZ9).
Selon la Cour, le large champ d’application de la loi applicable en l’espèce est susceptible de faire pencher la balance en faveur de l’État. Un déséquilibre qui, selon la Haute juridiction, doit être contrebalancé par, notamment, l’obligation de démontrer certains liens avec une criminalité réelle dans la provenance des biens à confisquer. La Cour affirme qu’il appartient aux juridictions internes de déterminer si une telle compensation a eu lieu. Toutefois, la Cour devient compétente lorsqu’il est démontré que le raisonnement des juridictions a été arbitraire ou manifestement déraisonnable.
En l’espèce, dans les affaires Todorov et autres (n° 50705/11), Gaich (n° 11340/12), Barov (n° 26221/12) et Zhekovi (n° 71694/12), la Cour juge que la confiscation des biens a été disproportionnée, entraînant une violation de la Convention, en raison de l’absence de garanties suffisantes pour parvenir au juste équilibre requis pour garantir le droit de propriété des requérants. La Cour pointe notamment :
En revanche, dans les affaires Rusev (n° 44845/15), Katsarov (n° 17238/16) et Dimitrov (n° 63214/16), la Cour estime que les juridictions internes ont examiné les éléments en détail et ont donné aux requérants la possibilité de présenter des arguments et ont présenté une motivation suffisante. Dès lors, la Cour estime que la confiscation n’a pas été disproportionnée.
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newsid:478370
Réf. : CJUE, 15 juillet 2021, aff. C-804/18 et C-341/19 (N° Lexbase : A01924Z7)
Lecture: 5 min
N8369BYM
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par Charlotte Moronval
Le 21 Juillet 2021
► L’interdiction de porter toute forme visible d’expression de convictions politiques, philosophiques, religieuses sur le lieu de travail peut être justifiée par le besoin de l’employeur de se présenter de manière neutre ou de prévenir des conflits sociaux ;
Toutefois, cette justification doit répondre à un besoin véritable de l’employeur et, dans le cadre de la conciliation des droits et intérêts en cause, les juridictions nationales peuvent tenir compte du contexte propre à leur État membre et notamment des dispositions nationales plus favorables en ce qui concerne la protection de la liberté de religion.
Les faits. Mme X et Mme Y, employées au sein de sociétés de droit allemand en tant que, respectivement, éducatrice spécialisée et conseillère de vente et caissière, ont porté, sur leur lieu de travail respectif, un foulard islamique.
Considérant que le port d’un tel foulard ne correspondait pas à la politique de neutralité politique, philosophique et religieuse poursuivie à l’égard des parents, des enfants et des tiers, l’employeur de Mme X a demandé à celle-ci d’enlever ce foulard et, à la suite de son refus, l’a, à deux reprises, provisoirement suspendue de ses fonctions, tout en lui infligeant un avertissement.
L’employeur de Mme Y, quant à lui, devant le refus de celle-ci de retirer ce foulard sur son lieu de travail, l’a, d’abord, affectée à un autre poste lui permettant de porter ledit foulard, puis, après l’avoir renvoyée chez elle, lui a enjoint de se présenter sur son lieu de travail sans signes ostentatoires et de grande taille d’expression d’une quelconque conviction religieuse, politique ou philosophique.
La procédure. Mme X a saisi le tribunal du travail d’Hambourg, en Allemagne, d’un recours visant à condamner son employeur à retirer de son dossier personnel les avertissements relatifs au port du foulard islamique. De son côté, Mme Y a introduit un recours devant les juridictions nationales visant à faire constater l’invalidité de l’injonction de son employeur et à obtenir une indemnité en réparation du préjudice subi. Mme Y ayant obtenu gain de cause devant ces juridictions, son employeur a introduit un recours en révision devant la Cour fédérale du travail en Allemagne.
Les questions préjudicielles. C’est dans ce contexte que les deux juridictions de renvoi ont décidé de demander à la CJUE si :
La position de la CJUE. Énonçant la solution susvisée, les juges européens estiment qu’une règle interne d’une entreprise, interdisant aux travailleurs de porter tout signe visible de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail, ne constitue pas, à l’égard des travailleurs qui observent certaines règles vestimentaires en application de préceptes religieux, une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions, au sens de cette directive, dès lors que cette règle est appliquée de manière générale et indifférenciée.
Par ailleurs, une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou les convictions, découlant d’une règle interne d’une entreprise interdisant aux travailleurs de porter tout signe visible de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail, est susceptible d’être justifiée par la volonté de l’employeur de poursuivre une politique de neutralité politique, philosophique et religieuse à l’égard des clients ou des usagers, pour autant :
La Cour précise également qu’une telle discrimination ne peut être justifiée que si l’interdiction couvre toute forme visible d’expression des convictions politiques, philosophiques ou religieuses. Une interdiction qui est limitée au port de signes de convictions politiques, philosophiques ou religieuses ostentatoires et de grande taille est susceptible de constituer une discrimination directe fondée sur la religion ou les convictions, laquelle ne saurait en tout état de cause être justifiée.
Enfin, la Cour juge que les dispositions nationales protégeant la liberté de religion peuvent être prises en compte en tant que dispositions plus favorables, dans le cadre de l’examen du caractère approprié d’une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou les convictions.
Pour en savoir plus :
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newsid:478369
Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 12 juillet 2021, n° 424617, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A79624YK) et n° 427387, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A79644YM)
Lecture: 4 min
N8367BYK
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par Yann Le Foll
Le 21 Juillet 2021
►Les mesures prises par les autorités françaises via le décret du 30 juillet 2018 étaient bien nécessaires pour protéger la santé humaine ou animale ou l'environnement des risques liés à l'usage des néonicotinoïdes.
Rappel. Le décret n° 2018-675 du 30 juillet 2018, relatif à la définition des substances actives de la famille des néonicotinoïdes présentes dans les produits phytopharmaceutiques (N° Lexbase : L5780LLN), a inséré dans le Code rural et de la pêche maritime un article D. 253-46-1 (N° Lexbase : L1590LZW) qui dispose que les substances de la famille des néonicotinoïdes mentionnées à l'article L. 253-8 du même code (N° Lexbase : L1256LZK) sont l'acétamipride, la clothianidine, l'imidaclopride, le thiaclopride et le thiaméthoxame, alors autorisées par la Commission. Le Conseil d'État, statuant au contentieux sur la requête de l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP) tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 30 juillet 2018, a sursis à statuer jusqu'à ce que la CJUE ait statué sur les questions qu'il lui a renvoyées (CE 3° et 8° ch.-r., 28 juin 2019, n° 424617, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3510ZHH).
Réponse CJUE. Dans un arrêt du 8 octobre 2020 (CJUE, 8 octobre 2020, aff. C-514/19 N° Lexbase : A05433XE), la Cour de Luxembourg a considéré que la France avait valablement informé la Commission de la nécessité d’adopter la mesure en litige, considérée comme une mesure d’urgence, sous réserve du contrôle par le Conseil d’État des modalités de présentation de ces mesures à la Commission européenne et aux autres États membres.
Position CE. Les requérantes ne peuvent donc utilement soutenir que ce décret et la loi dont il fait application (loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 N° Lexbase : L8435K9B) seraient contraires aux dispositions des articles 4 à 20, 36, 44, 49 et 50 du Règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 (N° Lexbase : L9336IEI) et aux règlements d'exécution approuvant les substances actives concernées au motif que l'interdiction de ces substances, d'une part, empiéterait sur la compétence de la Commission européenne en matière d'approbation de substances actives, d'autre part, méconnaîtrait les dispositions relatives à la délivrance et au retrait des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques et à la mise sur le marché des semences traitées avec de tels produits.
Protection de la santé humaine ou animale ou l'environnement. La Haute juridiction rappelle que les néonicotinoïdes présentent des effets néfastes sur la santé des abeilles, tant pour la toxicité aiguë que pour les effets dits sublétaux, c'est-à-dire de long terme, et « de sévères effets négatifs sur les espèces non-cibles qui fournissent des services écosystémiques incluant la pollinisation », ainsi que des effets négatifs sur les invertébrés aquatiques et, par le jeu de la chaîne alimentaire, sur les oiseaux.
Par ailleurs, la circonstance que d'autres États membres n'ont pas adopté de réglementation comparable à celle en litige n’est pas de nature à établir l'absence de risques liés à l'usage des néonicotinoïdes. En outre, l'UIPP n'apporte pas d'élément probant de nature à remettre en cause les données scientifiques attestant des risques liés à l'utilisation des néonicotinoïdes visés par l'interdiction.
Accord d'une dérogation devenu impossible à la date à laquelle le juge statue (n° 427387). Les nouvelles possibilités de dérogation par arrêté interministériel prévues jusqu'au 1er juillet 2023 ne visent que les cultures de betteraves sucrières. Dès lors, une demande tendant à l'annulation d'un refus de dérogation en vue d'autoriser temporairement l'utilisation d'un produit phytopharmaceutique sur les semences de maïs, laquelle ne peut plus donner lieu à aucune mesure d'exécution de la part des ministres concernés, est devenue sans objet.
Décision. La demande d’annulation du décret du 30 juillet 2018 est donc rejetée.
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Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 5 juillet 2021, n° 434517, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A30144YB)
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N8384BY8
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par Laurine Dominici, Doctorante contractuelle chargée de mission d’enseignement – Université d’Aix-Marseille - Centre d’Études fiscales et financières EA 891
Le 03 Août 2021
► Quelle que soit la répartition du quotient familial entre les deux parents, les pensions alimentaires versées au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants mineurs, y compris lorsqu’elles prennent la forme de prestation en nature, doivent être comprises dans les bases de l’impôt sur le revenu dû par le parent qui en bénéficie au titre de l’année au cours de laquelle celui-ci les a perçues.
Les faits. La requérante a fait l’objet d’un contrôle sur pièces à la suite duquel l’administration a réintégré dans ses revenus imposables des années 2010 à 2012 les dépenses supportées directement par son ex-époux au titre de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de leurs trois enfants mineurs.
En appel (CAA Paris, 11 juillet 2019, n° 18PA01834 N° Lexbase : A8097ZK4), l’arrêt énonce que la requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le service a réintégré dans son revenu imposable des années 2010 à 2012 les pensions alimentaires réglées en nature par son ex-époux au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants mineurs. En conséquence de quoi, il résulte qu’il n’y a pas lieu de corriger à la baisse le quotient familial.
📌 Solution du Conseil d’État. Le Conseil d’État a confirmé l’arrêt de la CAA de Paris rendu le 11 juillet 2019 en énonçant que la requérante devait être imposée à raison des pensions alimentaires réglées en nature par son ex-époux. Dans la mesure où elle n’a pas établi que la charge principale d’entretien des enfants était supportée par leur père, le Conseil d’État a validé la position retenue par la CAA de Paris selon laquelle, la requérante est présumée en assumer la charge principale pour le calcul du quotient familial.
💡 Jurisprudences relatives à la déductibilité des pensions en nature à rapprocher des arrêts suivants :
👉 Ainsi, le contribuable est en droit de déduire de son revenu global l'avantage en nature correspondant à la mise à la disposition gratuite de son épouse de l'appartement dont il est propriétaire pour moitié.
👉 Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, une pension versée par un contribuable en vue de pourvoir aux besoins de toute nature de ses enfants mineurs, du fait de son obligation d'entretien, est déductible du revenu global en vertu des dispositions du 2° du II de l'article 156 du Code général des impôts (N° Lexbase : L8643L4U). Possibilité de cumuler avec la réduction d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile pour la garde du même enfant, dont bénéficie un autre contribuable qui en a la garde (CGI, art. 199 sexdecies N° Lexbase : L3951I7H). |
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N8394BYK
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par Virginie Pradel, Fiscaliste, Docteur en droit, Institut de recherche fiscale
Le 17 Janvier 2022
Mots-clés : patrimoine • viager
La vente en viager peut représenter une excellente opportunité pour l’acquéreur comme pour le vendeur. Force est toutefois de constater que la demande demeure encore faible par rapport à l’offre. Une majorité de Français entretient assurément des réserves vis-à-vis de ce dispositif. Ces dernières résultent notamment de considérations morales et des clichés véhiculés par le film « Le Viager ».
La vente en viager est un contrat qui permet à une personne propriétaire d’un bien immobilier, le plus souvent une personne âgée disposant de peu de ressources, de vendre son bien tout en se réservant un revenu qui lui sera versé jusqu’à son décès et éventuellement la jouissance du bien.
L’acquéreur qui devra verser la rente est appelé débirentier, tandis que le vendeur bénéficiaire de ladite rente est appelé crédirentier.
La vente en viager se réalise le plus souvent sous la forme d’un « viager occupé ». Ce type de vente prévoit une dissociation entre :
Le viager peut également être « libre » permettant à l’acquéreur d’utiliser immédiatement le bien immobilier, soit en l’occupant, soit en le louant.
Cet article a vocation à présenter la fiscalité applicable au débirentier et au crédirentier.
📌 S’agissant des droits d’enregistrement
Le débirentier doit s’acquitter des droits d’enregistrement sur la valeur en capital de la rente versée au crédirentier.
Cette valeur est exprimée dans l’acte de vente (taxation du prix converti en rente viagère) ou fixée par une déclaration estimative des parties (prix consistant directement en rente viagère). Dans ce dernier cas, l’administration peut, pour contrôler l’évaluation fournie par les parties, utiliser les barèmes des compagnies d’assurances sur la vie ou de la caisse nationale de prévoyance [2].
Le cas échéant, le montant de la rente doit être augmenté du bouquet.
Les droits d’enregistrement s’appliquent dans les conditions de droit commun. Leur taux global s’élève à 5,8 % dans la plupart des départements.
📌 S’agissant de la taxe foncière et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)
Le débirentier est tenu de s’acquitter de la taxe foncière et de la TEOM dans la mesure où ce dernier est propriétaire du bien occupé [3].
📌 S’agissant de la taxe d’habitation
Dans le cas d’un viager « occupé », le crédirentier doit s’acquitter de la taxe d’habitation.
Dans le cas d’un viager « libre », c’est :
📌 S’agissant de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI)
Si le viager est « occupé », le crédirentier conserve le droit d’usage et d’habitation ou l’usufruit. Dans les deux cas, il doit déclarer la valeur de ce droit au titre de l’IFI. Le droit d’usage et d’habitation comme l’usufruit sont calculés à partir du même barème fiscal. Toutefois, le droit d’usage étant plus restreint, un abattement de 40 % lui est appliqué.
De son côté, le débirentier d’un viager « occupé » doit déclarer à l’IFI la valeur de la nue-propriété du bien.
Si le viager est « libre », le débirentier déclare la pleine propriété. Le crédirentier n’est, quant à lui, pas imposé.
Dans tous les cas, le crédirentier peut déduire le capital représentatif de la rente à verser.
Pour rappel, le barème de l’IFI est le suivant :
💡 Précisions Le seuil d’imposition à l’IFI correspond à un patrimoine net taxable de 1 300 000 euros. Toutefois, lorsqu’une personne est imposable à l’IFI, le calcul commence à 800 000 euros. Pour les patrimoines nets taxables compris entre 1 300 000 euros et 1 400 000 euros, un système de décote permet d’atténuer l’impôt. Le montant de la décote est égal à 17 500 — (1,25 x montant du patrimoine net taxable). |
📌 S’agissant de l’impôt sur le revenu (IR)
Pour le crédirentier, la rente viagère versée par le débirentier représente un revenu imposable au barème progressif de l’IR, pour une fraction seulement de son montant. Le législateur exonère en effet d’IR la quote-part des arrérages censée correspondre au remboursement partiel du capital initial.
Le montant des arrérages imposables est déterminé d’après l’âge du crédirentier lors de l’entrée en jouissance de la rente viagère et non d’après l’âge atteint par le crédirentier l’année de l’imposition.
La fraction imposable est ainsi fixée l’année où la rente entre en service. Elle demeure ensuite invariable. Elle ne peut donc plus être modifiée.
Fraction imposable | Le crédirentier est âgé | Le jour d’entrée en service de la rente doit être situé |
70 % | De moins de 50 ans | Avant le jour du cinquantième anniversaire |
50 % | De 50 à 59 ans inclus | Entre le jour du cinquantième anniversaire et la veille du soixantième anniversaire, ces deux jours étant inclus. |
40 % | De 60 à 69 ans inclus | Entre le jour du soixantième anniversaire et la veille du soixante-dixième anniversaire, ces deux jours étant inclus. |
30 % | De plus de 69 ans | Le jour du soixante-dixième anniversaire ou postérieurement. |
La date d’entrée en jouissance de la rente viagère est déterminée différemment selon que cette rente est à jouissance immédiate ou à jouissance différée.
Si la rente est à jouissance immédiate, la date à retenir est celle du contrat constitutif de rente viagère dans le cas d’aliénation d’un bien, par exemple, ou celle de la remise des fonds ou du capital aliéné.
Si la rente est à jouissance différée, la date à retenir est celle d’entrée en jouissance effective de la rente. Cette date peut, en effet, être différente de celle d’entrée en jouissance théorique fixée par le contrat primitif de rente, à partir de laquelle l’organisme débiteur s’engage à servir la rente. L’entrée en jouissance n’est pas nécessairement automatique et dépend, notamment, de la diligence des intéressés qui sont tenus de satisfaire à certaines obligations pour obtenir de l’organisme débiteur l’établissement du titre de rente.
La date à retenir figure, en principe, sur le titre de rente ainsi établi.
Le barème de l’IR est le suivant ;
Tranches | Taux d’imposition à appliquer sur la tranche correspondante |
---|---|
Jusqu’à 10 084 euros | 0 % |
De 10 085 euros à 25 710 euros | 11 % |
De 25 711 euros à 73 516 euros | 30 % |
De 73 517 euros à 158 122 euros | 41 % |
Plus de 158 122 euros | 45 % |
💡 Précisions L’abattement de 10 % pour frais professionnels n’est pas applicable à la fraction imposable des rentes viagères. |
📌 La fiscalité applicable en cas de revente d’un bien en viager
Pour le calcul de la plus-value immobilière, le prix d’acquisition retenu est en principe la valeur en capital de la rente majorée de l’éventuel bouquet.
Si la revente a lieu avant le décès du crédirentier, le prix d’acquisition retenu est constitué :
Si la revente a lieu après le décès du crédirentier, on retient les versements opérés au profit du crédirentier, majorés du bouquet.
La plus-value immobilière est taxée l’année de la cession.
Le taux applicable est de 36,2 % :
La plus-value imposable bénéficie toutefois d’un abattement par année de détention au-delà de la cinquième, qui aboutit à une exonération :
Lorsque le bien vendu en viager est la résidence principale du vendeur, l’éventuel bouquet reçu n’est pas soumis à la taxation des plus-values immobilières.
Ce dernier est toutefois soumis à la taxation des plus-values immobilières dans le cas d’une résidence secondaire ou d’un investissement locatif.
Le vendeur bénéficie alors d’un abattement en fonction de son âge :
[1] C. civ. art. 595 (N° Lexbase : L3176ABA).
[2] BOI-ENR-DMTOI-10-10-20-10 § 60 (N° Lexbase : X5497AL8).
[3] BOI-IF-TFB-10-20-20 § 100 (N° Lexbase : X7896ALZ) « Dans le cas de vente en viager avec réserve du seul droit d'usage et d'habitation au profit du vendeur, c'est l'acheteur qui est le redevable légal de la taxe ».
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Réf. : Cass. soc., 23 juin 2021, n° 19-13.856, FS-B (N° Lexbase : A40994X4)
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par Joël Colonna et Virginie Renaux-Personnic, Maîtres de conférences à la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille, Centre de Droit social (UR 901)
Le 21 Juillet 2021
Mots-clés : contrôle et surveillance des salariés • vidéosurveillance constante • inopposabilité de la preuve au salarié
Conformément aux dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P), la Cour de cassation approuve une cour d’appel d’avoir jugé inopposables au salarié les enregistrements issus d’une caméra de surveillance en ce qu’ils sont attentatoires à la vie personnelle de ce dernier et disproportionnés au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens. Les juges du fond ont, en effet, constaté que le salarié, qui exerçait seul son activité en cuisine, était soumis à la surveillance constante de la caméra qui y était installée.
La vidéosurveillance des salariés sur le lieu de travail ne représente sans doute plus le principal risque d’atteinte aux droits fondamentaux des salariés, tout particulièrement au droit au respect de la vie privée [1]. C’est que, conséquence de la révolution numérique, les techniques de contrôle de l’activité des salariés se sont considérablement accrues [2] depuis que, par l’arrêt « Néocel » du 20 novembre 1991 [3], la Cour de cassation « a inauguré » - précisément à propos de la vidéosurveillance - « une déontologie des contrôles » [4]. Il n’en demeure pas moins que, secrète ou non, la vidéosurveillance reste un dispositif particulièrement intrusif dans la vie privée [5], et que son utilisation par l’employeur pour surveiller les salariés et, le cas échéant, sanctionner les comportements fautifs est, aujourd’hui encore, source de nombreux contentieux. En témoigne l’arrêt rendu, le 23 juin 2021, par la Chambre sociale de la Cour de cassation à propos d’un salarié, exerçant les fonctions de cuisinier dans une pizzeria, qui contestait la recevabilité des preuves produites par l’employeur pour justifier son licenciement pour faute grave, au motif qu’elles étaient issues d’un système de vidéosurveillance illicite.
On rappellera brièvement que la licéité d’un tel dispositif est subordonnée, à peine d’irrecevabilité des éléments de preuve recueillis, à deux séries de conditions. D’abord, une exigence de transparence qui implique pour l’employeur la double obligation d’informer, préalablement à la mise en œuvre de ce procédé de contrôle, le comité social et économique, qui doit également être consulté [6], et le salarié [7]. Ensuite, l’obligation, conformément aux dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du travail, que les restrictions que ce dispositif est susceptible d’apporter aux droits et libertés du salarié soient « justifiées par la nature de la tâche à accomplir [et] proportionnées au but recherché ».
En l’espèce, la lecture de la décision de la cour d’appel [8] révèle que les juges du fond, dont la solution est approuvée par la Cour de cassation, ne se sont attardés ni sur la question de l’information du salarié, qui leur a pourtant semblé incomplète, ni sur la justification du système de vidéosurveillance, nécessaire selon l’employeur pour assurer la sécurité des personnes et des biens se trouvant dans la cuisine, mais n’ont retenu que le caractère disproportionné de ce dispositif. Ayant, en effet, constaté « que le salarié, qui exerçait seul son activité en cuisine, était soumis à la surveillance constante de la caméra qui y était installée », ils en ont déduit à bon droit, selon la Haute juridiction, « que les enregistrements issus de ce dispositif de surveillance, attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens, n’étaient pas opposables au salarié ». L’arrêt retient tout particulièrement l’attention en ce que c’est exclusivement au regard de l’exigence de proportionnalité qu’il apprécie la licéité de la vidéosurveillance (I.), et non, comme c’est le plus souvent le cas, au regard de son caractère déloyal et clandestin [9]. Mis en perspective avec les dernières décisions de la Cour de cassation en matière de contrôle de l’activité des salariés [10], l’arrêt du 23 juin 2021 interroge d’autant plus que la Haute juridiction a jugé opportun de lui donner une certaine publicité en le publiant sur son site Internet. Doit-il être interprété comme une réaffirmation de la protection de la vie privée ou comme annonçant un possible infléchissement de l’appréciation de la vidéosurveillance, mise en balance avec le droit à la preuve de l’employeur (II.) ?
I. Proportionnalité de la vidéosurveillance et droit à la vie privée du salarié
Si la vidéosurveillance constitue une ingérence dans l’exercice du droit à la vie privée du salarié, celle-ci ne doit pas excéder ce qui est strictement nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi. À cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme a posé, dans l’arrêt « Bărbulescu » [11], un certain nombre de critères permettant d’apprécier la licéité d’un dispositif de surveillance des salariés et « dont l’article L. 1121-1 du Code du travail permet la réception et la mise en œuvre par le juge national » [12]. De ces critères dégagés à propos du contrôle par l’employeur des communications des salariés, mais transposables mutatis mutandis à la mise en place d’une mesure de vidéosurveillance sur le lieu de travail [13], on retiendra tout particulièrement, outre l’information préalable du salarié, la double exigence que l’objectif poursuivi par l’employeur soit légitime et qu’il n’existe pas de moyens moins intrusifs pour y parvenir. S’agissant du premier critère, la jurisprudence considère que l’employeur a un intérêt légitime à contrôler et surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail [14] afin d’assurer la bonne marche de l’entreprise et la protection de ses biens [15]. Or, en l’espèce, si l’objectif affiché de l’employeur était précisément d’assurer la sécurité des personnes et des biens dans la cuisine, il semblait que la mise en place du dispositif de vidéosurveillance, qui était intervenue après que le salarié eût fait l’objet d’un avertissement, avait pour principale voire pour seule finalité de surveiller l’intéressé - qui travaillait seul en cuisine - en réaction aux reproches qui lui avaient été adressés et d’éviter la réitération de ses comportements fautifs. Quant au second critère tiré du caractère proportionné du dispositif utilisé, il faisait également défaut car, outre le fait que l’intéressé était filmé en permanence, les manquements qui lui étaient reprochés aux règles élémentaires d’hygiène et de sécurité (lots de viande avariée dans le réfrigérateur, absence de traçabilité des aliments, mauvaise gestion des stocks de nourriture entraînant des gaspillages) pouvaient être établis tout aussi bien, voire mieux, sans avoir à recourir à la vidéo. C’est donc sans surprise que la Cour de cassation estime que cette surveillance constante du salarié par la caméra installée dans la cuisine porte une atteinte disproportionnée à la vie personnelle de ce dernier au regard du but allégué par l’employeur. Cette solution rejoint, pour la première fois à notre connaissance, la position de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et du Conseil d’État [16], selon laquelle, d’une part, un dispositif de vidéosurveillance ne peut avoir pour seul objectif la mise sous surveillance spécifique, comme en l’espèce, d’un salarié déterminé [17] ; et, d’autre part, sauf circonstances exceptionnelles [18], un tel dispositif ne peut placer les salariés sous surveillance constante, générale et permanente avec des caméras les filmant en continu sur leur poste de travail [19]. Une telle surveillance n’est, en effet, pas strictement limitée à l’objectif poursuivi, qu’il s’agisse de lutter contre le vol ou, comme en l’espèce, d’assurer la sécurité des personnes et des biens. Ne restait plus à la Cour de cassation qu’à tirer les conséquences classiques des enregistrements recueillis au moyen d’un dispositif de surveillance disproportionné : ils sont inopposables au salarié. La preuve du comportement fautif de l’intéressé ne reposant que sur les images le montrant en train de se lacérer volontairement le bras avec des morceaux de verre sur son lieu de travail a, en conséquence, été écartée.
Il reste que la solution doit être confrontée à la consécration récente par la Chambre sociale du droit à la preuve de l’employeur.
II. Proportionnalité de la vidéosurveillance et droit à la preuve de l’employeur ?
L’arrêt du 23 juin 2021 interroge en ce qu’il passe totalement sous silence l’évolution importante initiée par deux décisions rendues les 30 septembre [20] et 25 novembre 2020 [21], dans lesquelles la Chambre sociale de la Cour de cassation admet que le droit à la preuve de l’employeur peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que l’atteinte soit indispensable à l’exercice de ce droit et proportionnée au but poursuivi [22]. On aurait pourtant légitimement pu s’attendre [23] à ce que la présente décision intègre cette solution inspirée de la Cour européenne des droits de l’homme, en particulier de l’arrêt « Lopez Ribalda » du 17 octobre 2019 [24], qui concernait, lui-aussi, la preuve par vidéosurveillance. Ce silence est susceptible de deux interprétations. Il peut, d’abord, s’expliquer par les circonstances de l’espèce, qui ne permettaient pas d’adopter une solution identique.
On rappellera, en effet, que ces arrêts ont admis la production en justice d’éléments portant atteinte à la vie privée du salarié. Mais si la lecture de l’arrêt « Petit Bateau » du 30 septembre 2020 avait pu laisser penser que cette solution n’avait été admise que parce que le procédé d’obtention de la preuve (extraits du compte privé Facebook du salarié) n’avait pas été jugé déloyal par les juges du fond, l’arrêt « Manfrini » du 25 novembre 2020 a rendu cette interprétation obsolète. Franchissant une étape supplémentaire, il décide que le caractère illicite de la preuve n’empêche pas sa recevabilité, le juge devant « apprécier si [son] utilisation a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve […] ». Tel est le cas, par exemple, de l’absence de déclaration préalable du dispositif à la CNIL lorsqu’elle était obligatoire [25] ou encore du manquement de l’employeur à son obligation d’information. Ainsi, dans l’arrêt « Lopez Ribalda », l’installation par l’employeur de caméras de vidéosurveillance, à l’insu des caissières du supermarché et des représentants du personnel, cachées et orientées vers les caisses, n’a pas empêché la Cour de Strasbourg de valider le dispositif, relevant que l’intrusion dans la vie privée des requérantes ne revêtait pas un degré de gravité élevé. Il apparaît ainsi que l’élément commun de toutes ces décisions - qui faisait défaut dans la présente espèce - est que la nature des manquements dans le droit d’obtenir la preuve conditionne le droit de la produire en justice. Autrement dit, si un manquement à l’obligation de loyauté dans la collecte des preuves ne disqualifie pas nécessairement la recevabilité de la preuve, il en va différemment d’un dispositif portant une atteinte disproportionnée à la vie privée. Ainsi, l’ampleur de l’atteinte à la vie privée serait déterminante pour écarter les éléments de preuve issus d’un dispositif trop intrusif. Selon cette première interprétation, l’arrêt du 23 juin ne serait pas en contradiction avec ces solutions car, sans même se prononcer sur l’obligation d’information du salarié pourtant contestée, il a écarté la vidéosurveillance du cuisinier, en raison de son caractère constant, en ce qu’elle portait une atteinte disproportionnée à sa vie personnelle. Et cela, alors même que les enregistrements litigieux étaient pourtant indispensables à établir le comportement fautif du salarié qui travaillait seul, donc sans témoins, et à sauvegarder les droits de l’employeur, du moins en ce qui concerne les mutilations que l’intéressé s’infligeait pour justifier d’un arrêt de travail d’origine professionnelle.
À moins - et ce serait une seconde interprétation - de comprendre la solution retenue par l’arrêt du 23 juin 2021 comme le signe d’un regrettable repentir de la Cour de cassation après ses audaces [26] précédentes et comme une volonté de renouer avec des solutions plus protectrices du salarié [27].
On conviendra que, sous des apparences classiques, l’arrêt du 23 juin témoigne d’une jurisprudence complexe et à tout le moins difficile à systématiser.
[1] B. Bossu, Surveillance du salarié et respect des droits fondamentaux, Lexbase Social, novembre 2019, n° 802 (N° Lexbase : N0956BY3).
[2] V. La surveillance de l’activité des salariés, LSQ, 27 novembre 2020, Dossier pratique n° 216.
[3] Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120 (N° Lexbase : A9301AAQ), Droit social, 1992, p. 28, rapp. Ph. Waquet.
[4] Ph. Waquet, L’entreprise et les libertés du salarié, éd. Liaisons, 2003, p. 163.
[5] CEDH, 28 novembre 2017, Req. 70838/13, Antović et Mirković c/ Monténégro ; F. Marchadier, La surveillance du salarié sur les temps et lieux de travail, Mélanges en l’honneur du Professeur Bernard Teyssié, LexisNexis, 2019, p. 248, spéc. p. 254.
[6] C. trav., art. L. 2312-38, al. 3 (N° Lexbase : L8271LGG).
[7] Cass. soc., 20 novembre 1991, préc. ; C. trav., art. L. 1222-4 (N° Lexbase : L0814H9Z).
[8] CA Paris, Pôle 6, ch. 5, 17 janvier 2019, n° 16/10144 (N° Lexbase : A3220YTG).
[9] V., par ex., Cass. soc., 20 septembre 2018, n° 16-26.482, FS-D (N° Lexbase : A6568X7E).
[10] Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A41383W8), JCP S, 2020, 3042, avis A. Berriat, note G. Loiseau ; JCP G, 2020, 1226, note G. Loiseau ; D., 2020, p. 2314, obs. S. Vernac ; D., 2021, p. 207, obs. A. Aynès ; Ch. Radé, Salariés : attention à ce que vous publiez sur Facebook, Lexbase Social, octobre 2020, n° 840 (N° Lexbase : N4864BYS) ; Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A5510379), Droit social, 2021, p. 21, avis N. Trassoudaine-Verger ; JCP G, 2021, 159, note B. Bossu ; D., 2021, p. 117, note G. Loiseau ; D., 2021, p. 1156, obs. S. Vernac.
[11] CEDH, 5 septembre 2017, Req. 61496/08, Bărbulescu c/ Roumanie (N° Lexbase : A6623WQD), JCP S, 2017, 1328, note G. Loiseau ; Gaz. Pal., 12 décembre 2017, p. 43, note J. Colonna et V. Renaux-Personnic ; Procédures, 2017, comm. 240, note A. Bugada.
[12] F. Marchadier, préc., p. 257.
[13] CEDH, 17 octobre 2019, Req. 1874/13 et 8567/13, Lopez Ribalda et a. c/ Espagne (N° Lexbase : A3700ZRH), Légipresse, 2020, p. 64, obs. G. Loiseau ; RTD civ., 2019, p. 815, obs. J.-P. Marguénaud ; D., 2021, p. 207, obs. A. Aynès.
[14] Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120, préc..
[15] CEDH, 17 octobre 2019, Req. 1874/13 et 8567/13, Lopez Ribalda et a. c/ Espagne, préc., n° 122.
[16] CE, 9° et 10° s-s-r., 18 novembre 1995, n° 371196 (N° Lexbase : A5615NXA), JCP S, 2016, 1023, note Y. Pagnerre. V. E. Wolton, Vidéosurveillance sur le lieu de travail. Confirmation par le Conseil d’État d’une sanction de la CNIL, RJS, 2016, p. 117.
[17] Délib. CNIL, n° 2010-112, 22 avril 2010 [en ligne] ; Cass. soc., 18 novembre 2020, n° 19-15.856, F-D (N° Lexbase : A501937Z).
[18] Ces circonstances tiennent à la nature des fonctions exercées, telle la manipulation d’objets de grande valeur (Délib. CNIL, n° 2019-006, 13 juin 2019 [en ligne]) ou à la règlementation, par exemple pour les salariés travaillant dans les casinos (Cass. soc., 2 février 2011, n° 10-14.263, F-D N° Lexbase : A3698GRE, JCP S, 2011, 1313, note B. Bossu).
[19] Délib. CNIL, n° 2010-112, 22 avril 2010, préc. ; Délib. CNIL, n° 2009-201, 16 avril 2009 [en ligne]. V. L. Marino, Vidéosurveillance au travail : le principe de proportionnalité mis en œuvre par la CNIL, RDT, 2010, p. 108 ; V. dans le même sens, Les questions-réponses de la CNIL sur le télétravail, 12 novembre 2020 [en ligne].
[20] Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058, préc..
[21] Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523, préc..
[22] On relèvera que les exigences de la Chambre sociale de la Cour de cassation diffèrent dans son admission du droit à la preuve : nécessaire pour les représentants du personnel (Cass. soc., 9 novembre 2016, n° 15-10.203, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2511SG4), elle est indispensable lorsqu’il s’agit du droit à la preuve de l’employeur. V. dans le même sens, G. Lardeux, note sous Cass. soc., 9 novembre 2016, préc., D., 2017, p. 37 ; Le droit à la preuve : tentative de systématisation, RTD civ., 2017, p. 1.
[23] V. en ce sens, G. Loiseau, note sous Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523, préc., D., 2021, p. 117.
[24] CEDH, 17 octobre 2019, Req. 1874/13 et 8567/13, Lopez Ribalda et a. c/ Espagne, préc..
[25] Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523, préc..
[26] L’expression est empruntée à B. Bossu in, Surveillance au travail : une protection du salarié en recul, Lexbase Social, juin 2021, n° 870 (N° Lexbase : N8026BYW).
[27] V. en ce sens, C. Couëdel, D. actu., 9 juillet 2021.
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Réf. : Aut. conc., décision ° 21-D-17, 12 juillet 2021 (N° Lexbase : X9372CM3)
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par Vincent Téchené
Le 22 Juillet 2021
► Dans une décision du 12 juillet 2021, l’Autorité de la concurrence inflige à Google une sanction de 500 millions d’euros pour avoir méconnu plusieurs injonctions prononcées dans le cadre de sa décision de mesures conservatoires d’avril 2020 (Aut. conc., décision n° 20-MC-01, 9 avril 2020 N° Lexbase : X9925CIG ; V. Téchené, Lexbase Affaires, avril 2020, n° 632 N° Lexbase : N2986BYA).
L’Autorité ordonne, par ailleurs, à Google de présenter une offre de rémunération pour les utilisations actuelles de leurs contenus protégés aux éditeurs et agences de presse ayant saisi l’Autorité et de leur communiquer les informations nécessaires à l’évaluation d’une telle offre, sous peine de se voir infliger des astreintes pouvant atteindre 900 000 euros par jour de retard, si Google n’y a pas procédé dans un délai de deux mois.
La décision n° 20-MC-01. Pour mémoire, dans sa décision de mesures d’urgence, l'Autorité avait constaté qu’à la suite de l’adoption de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019, tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse (N° Lexbase : L3023LRE ; V. Téchené, Création d’un droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse, Lexbase Affaires, septembre 2019, n° 604 N° Lexbase : N0322BYL), Google avait unilatéralement décidé qu’elle n’afficherait plus les extraits d’articles, les photographies et les vidéos au sein de ses différents services, sauf à ce que les éditeurs lui en donnent l’autorisation à titre gratuit. L’Autorité avait considéré que ce comportement était susceptible de constituer un abus de position dominante et qu’il portait une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse. Elle avait prononcé, dans l'attente d'une décision au fond, sept injonctions à l'égard de Google. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 8 octobre 2020 (CA Paris, Pôle 5, 7ème ch., 8 octobre 2020, n° 20/08071 N° Lexbase : A14633XH ; V. Téchené, Lexbase Affaires, octobre 2020, n° 651 N° Lexbase : N4937BYI), et est devenue définitive (Google n’ayant pas formé de pourvoi en cassation).
Non-respect de plusieurs injonctions. Dans sa décision du 12 juillet, l’Autorité a donc estimé que Google a méconnu, à plusieurs titres, plusieurs injonctions de la décision et notamment, l’injonction 1, la plus importante, relative à l’obligation de négociation de bonne foi.
L’Autorité a constaté que Google a imposé de manière unilatérale que les discussions avec les éditeurs et l’AFP portent sur un partenariat global dénommé Showcase consacré principalement à l'offre de nouveaux services par les éditeurs, et dans lequel les droits voisins au titre des utilisations actuelles de contenus protégés ne constituaient qu'une composante accessoire et dépourvue de valorisation financière distincte.
Par ailleurs, Google a volontairement circonscrit le champ d'application de la loi relative au droit voisin en excluant le principe d'une rémunération des contenus de presse issus de titres ne disposant pas d'une certification « Information Politique et Générale » (IPG) et, en s'appuyant pour ce faire, sur une interprétation de mauvaise foi de l'article L. 218-4 du Code de la propriété intellectuelle.
Enfin, relevant que Google a signifié à l'AFP et à la Fédération Française des Agences de Presse, à plusieurs reprises, qu'en tant qu'agences de presse, elles ne pouvaient bénéficier d'une rémunération de leurs contenus repris par des éditeurs tiers dans leurs publications, l’Autorité a estimé que cette attitude de négociation était contraire à la décision du 9 avril 2020, qui s’appuyait elle-même sur les termes de la loi, pour considérer que les agences de presse pouvaient prétendre aux droits voisins.
Les éléments recueillis pendant l’instruction montrent que cette communication a été :
- partielle, car limitée aux seuls revenus publicitaires directs générés par le service Google Search, à l'exclusion de l'ensemble des revenus, notamment indirects, liés à l’utilisation de ces contenus ;
- tardive au regard du cadre temporel imposé, puisque des informations relatives aux services Discover et Google Actualités ont été données quelques jours à peine avant la fin du délai fixé par l'injonction ;
- et enfin insuffisante pour permettre aux saisissantes de faire le lien entre l'utilisation par Google de contenus protégés, les revenus qu'elle en tire et ses propositions financières globales.
Pour l’Autorité, Google a violé l’obligation de neutralité des négociations que lui imposait la décision de mesures conservatoires en liant la négociation sur la rémunération au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés par le droit voisin à la conclusion d’autres partenariats pouvant avoir un impact sur l’affichage et l’indexation des contenus des éditeurs et agences de presse.
L’Autorité relève que pendant la quasi-totalité de la période de négociation, Google a lié les discussions relatives à une éventuelle rémunération pour l’utilisation actuelle de contenus protégés à celles relatives au nouveau programme Showcase.
Par ailleurs, Google a pu également lier la participation au programme Showcase à la souscription au service Subscribe with Google (SwG). Google a ainsi fait un lien entre la négociation sur les droits voisins et la souscription de nouveaux services.
Des pratiques extrêmement graves. L’Autorité considère que le comportement de Google relève d’une stratégie délibérée, élaborée et systématique de non-respect de l’injonction 1 et apparaît comme la continuation de la stratégie d’opposition de Google, mise en place depuis plusieurs années, pour s’opposer au principe même des droits voisins lors de la discussion de la Directive sur les droits voisins (Directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 N° Lexbase : L3222LQE), puis pour en minimiser au maximum ensuite la portée concrète.
Elle relève, par ailleurs, que la circonstance que l’APIG, comme d’autres éditeurs à titre individuel, ait signé un accord postérieurement au cadre temporel fixé par les injonctions ne saurait, par elle-même, faire obstacle au constat d’un non-respect des injonctions (F. Fajgenbaum et Th. Lachacinski, Accord APIG / Google ou la reconnaissance pratique de la valeur créée par les éditeurs, Lexbase Affaires, février 2021, n° 665 N° Lexbase : N6416BYB).
Sanctions. Outre la sanction de 500 millions d’euros, on notera, notamment que l’Autorité enjoint Google :
- au titre de l’exécution de l’injonction 1, de proposer une offre de rémunération répondant aux prescriptions de la loi et de la décision au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés sur les services de Google aux saisissantes qui en feraient la demande ;
- au titre de l’exécution de l’injonction 2, d’assortir cette offre des informations prévues à l’article L. 218-4 du Code de propriété intellectuelle.
L’Autorité a assorti ces injonctions d’une astreinte de 300 000 euros par jour de retard à l’expiration du délai de deux mois courant à compter de la demande formelle de réouverture des négociations formulée, le cas échéant, par chacune des saisissantes. En cas de non-respect du délai imparti de deux mois, Google s’expose donc à des astreintes pouvant atteindre 900 000 euros par jour de retard.
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Réf. : Cass. civ. 1, 2 juin 2021, n° 19-19.349, FS-P (N° Lexbase : A94424TU)
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par Céline Mangematin, Professeur des universités, Université Toulouse 1- Capitole, Institut de Droit Privé
Le 22 Juillet 2021
Mots-clés : responsabilité du fait des produits défectueux • faute de la victime • exonération • dommage • sinistre
Dans une décision du 2 juin 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation rend une décision étonnamment bienveillante envers une victime fautive. Elle considère en effet qu’il n’est pas conforme au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux de justifier la réduction des dommages et intérêts dus par le producteur par le fait que si la faute de la victime n’a pas causé le dommage, elle l’a seulement aggravé.
Dans une décision rendue le 2 juin 2021, la première chambre civile nous offre à voir l’équilibre précaire que le droit positif tend à maintenir lorsqu’il s’agit d’exonérer un responsable civil en raison du comportement fautif de la victime.
En l’espèce, un couple avait vu sa villa ravagée par un incendie. Une expertise judiciaire demandée en référé par le couple avait déterminé que l’incendie avait été causé par une surtension sur le réseau électrique mais que l’installation par le couple d’un réenclencheur sur son réseau électrique privatif avait contribué à aggraver les dommages. La cour d’appel d’Aix-en-Provence avait reconnu la responsabilité du fournisseur d’électricité assignée par le couple sur le fondement du régime de la responsabilité du fait des produit défectueux [1]. Toutefois, elle avait limité l’indemnisation des victimes à 60 % de leurs dommages car en installant un dispositif non conforme aux normes et dangereux, les victimes avaient commis une faute ayant aggravé le dommage.
Cette décision du fond fait l’objet d’un pourvoi en cassation. Les victimes considèrent en effet que la cour d’appel a violé l’article 1386-13 ancien du Code civil (N° Lexbase : L1506ABE), devenu l’article 1245-12 (N° Lexbase : L0632KZG) en réduisant leur indemnisation à raison d’une faute qui n’est pas reconnue comme une cause de l’incendie mais seulement comme une circonstance ayant pu aggraver le dommage [2].
La Cour de cassation devait donc dire si la faute de la victime qui n’a fait qu’aggraver le dommage sans le causer pouvait permettre l’exonération (partielle) du responsable. Au visa de l’article 1386-13 ancien, devenu 1245-12 du Code civil, la Cour de cassation va répondre négativement. Il lui semble que retenir la faute de la victime alors que cette « faute […] n’a […] pas causé le dommage mais l’a […] seulement aggravé » conduit à violer l’article visé. Elle casse donc l’arrêt de la cour d’appel.
La pratique comme la doctrine sont toujours attentives aux décisions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux. En effet, ce régime introduit par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 (N° Lexbase : L2448AXX) transposant la Directive du 25 juillet 1985 [3] présente de nombreuses originalités au regard du droit français [4] qui s’expliquent souvent par les motivations qui ont conduit à son adoption [5]. Ainsi en 1985, les instances européennes étaient animées par la volonté de consolider un marché économique européen. Pour ce faire, il convenait de faciliter la libre circulation des produits et des services et la libre concurrence au sein de l’espace européen ; harmoniser la responsabilité civile des producteurs à l’échelle européenne poursuivait cet objectif en les plaçant sur un pied d’égalité au regard des charges d’indemnisation des victimes. Ce même objectif justifiait également que la Directive soit un texte de conciliation entre la préservation des intérêts économiques des producteurs et la protection des intérêts des victimes assurée par la mise en place d’un régime de responsabilité objective.
Confrontés à l’origine européenne du texte qui oblige à scruter non seulement la jurisprudence de la Cour de cassation mais également celle de la Cour de justice de l’Union européenne, le commentateur comme le praticien doivent prendre en compte cet objectif de conciliation pour comprendre et anticiper le droit positif. Et les causes d’exonération de ce régime n’échappent pas à ce constat.
Pourtant, à cet égard, la solution rendue semble cruellement manquer d’intérêt. Elle est en effet relative à une cause d’exonération très commune dans les régimes de responsabilité civile : la faute de la victime [6] ; elle intervient sous l’autorité de la loi puisque l’article 1245-12 du Code civil (N° Lexbase : L0632KZG) a consacré cette cause d’exonération spécialement pour le régime des produits défectueux et elle intervient pour interpréter ledit article après d’autres décisions à son propos [7].
Il nous semble toutefois qu’il convient de dépasser cette première impression pour constater que la solution rendue est étonnante vis-à-vis de la logique de la responsabilité du fait des produits défectueux (I) et audacieuse au regard du droit commun de la faute de la victime (II).
I. Une solution étonnante vis-à-vis de la logique de la responsabilité du fait des produits défectueux
Dès une toute première analyse, la solution rendue par la Cour de cassation est surprenante car elle semble très favorable à la victime tandis que les dispositions fondant ce régime de responsabilité sont très éloignées de l’idéologie de la réparation souvent décriée [8].
Ainsi, ce régime admet-il de très nombreuses causes d’exonération [9] même si certaines peuvent être jugées redondantes au regard des conditions d’engagement de la responsabilité [10]. Parmi ces causes d’exonération, deux ont été particulièrement remarquées : le « fait du prince » qui consiste à démontrer que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire » (5°) et le risque-développement qui consiste à démontrer que « l’état des connaissances scientifiques et techniques […] n’a pas permis de déceler l’existence du défaut » (4°). Elles manifesteraient une faveur faite aux producteurs au nom de l’efficacité économique.
Quant aux causes d’exonération « classiques », elles reçoivent un traitement ambigu dans le cadre de la responsabilité qui n’autorise pas toujours à penser qu’elles seront utilisées pour faciliter la réparation de la victime. En effet, si la force majeure paraît avoir été oubliée par la loi de 1998 [11], le fait du tiers produit des effets analogues au fait du tiers en droit commun, à savoir qu’il est non exonératoire pour le responsable au stade de l’obligation à la dette [12] puisque la jurisprudence prononce une obligation in solidum des co-responsables, en attendant la vraisemblable consécration d’une responsabilité solidaire lors de la réforme [13]. A contrario, ce qui est prévu par l’article 1245-12 du Code civil à propos de la faute de la victime est éloigné du droit commun puisque ledit article prévoit que si la faute de la victime a conjointement causé le dommage avec le défaut du produit, une réduction ou une suppression de la responsabilité du producteur peut être prononcée. Il semble donc que le juge ait la possibilité de supprimer toute responsabilité et donc toute réparation alors même que la faute ne présenterait pas les caractéristiques de la force majeure, à rebours des solutions de droit commun mais conformément à ce qui découle de la loi du 5 juillet 1985 [14] portant indemnisation des accidents de la circulation. La suppression de toute réparation apparaît donc être soumise à des conditions moins strictes dans le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux que dans le droit commun.
Assurément, la solution adoptée n’est donc pas guidée par la ratio legis de 1985 de ce régime. Elle se rapprocherait plutôt de plusieurs décisions récentes laissant entrevoir une nouvelle inclinaison du régime vers la victime, sous l’autorité bienveillante de la Cour de justice de l’Union européenne. Il en est ainsi lorsque la Cour de cassation et la Cour de justice admettent la preuve de la défectuosité dommageable du produit par présomptions graves, précises et concordantes [15] ou le renversement de la charge de la preuve du produit en cause [16].
Plus encore, la solution ne s’explique certainement pas par la spécificité de la responsabilité du fait des produits défectueux mais plutôt par la spécificité de la faute de la victime comme cause d’exonération.
II. Une solution audacieuse au regard du droit commun de la faute de la victime
Selon la Cour de cassation, la cour d’appel a violé l’article 1245-12 du Code civil (N° Lexbase : L0632KZG) en admettant une réduction de l’indemnisation de la victime tout en constatant que la faute de cette victime n’avait pas causé le dommage mais l’avait seulement aggravé.
Certes, parce que l’article 1245-12 du Code civil exige que la faute de la victime [17] ait « causé conjointement » le dommage avec le défaut du produit, la cour d’appel a pour le moins été maladroite en écartant expressément toute causalité entre la faute de la victime et son dommage. D’autant que cette affirmation est incompréhensible lorsqu’elle est immédiatement suivie de celle selon laquelle la même faute a aggravé le dommage, donc en a causé une partie. Sans doute aurait-elle été plus inspirée de dénoncer le rôle causal de la faute dans la survenance du sinistre mais d’admettre le rôle causal de la faute dans la production du dommage. En affirmant que l’installation fautive du réenclencheur n’a pas causé le sinistre mais a contribué à causer le dommage tel qu’ils peuvent le constater, les juges du fond auraient été dans la droite ligne de l’article 1245-12 du Code civil qui vise le lien causal entre la faute et le dommage.
Sur le fond, leur décision était au demeurant conforme à d’anciennes décisions de la Cour de cassation [18] qui reconnaissait elle-même qu’il convenait de distinguer la cause du sinistre et la cause du dommage. Ainsi, elle avait admis que si laisser pendre son bras en dehors de son véhicule par la fenêtre ne pouvait être à l’origine de l’accident, ce comportement fautif pouvait avoir aggravé les dommages corporels subis par la victime, ce qui justifiait une réduction de son indemnisation [19].
Si la solution rendue par la Cour de cassation ne devait pas s’expliquer par la motivation formellement maladroite des juges du fond, mais par une interprétation de fond, elle devrait se comprendre comme rejetant toute réduction de réparation dans le cas où la faute de la victime aurait seulement aggravé son dommage.
Et dans ce cas, l’approche de la Cour de cassation ressemblerait alors à s’y méprendre à la solution qu’elle retient dans deux autres situations étrangères à celle qui lui était ici soumise.
Elle se rapprocherait d’abord de la solution qu’elle retient à propos des prédispositions de la victime. En ce domaine, la Cour de cassation indique que « le droit à réparation de la victime ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été révélée ou provoquée que du fait de l’infraction elle-même » [20]. Or il n’y a pas lieu de traiter de manière identique une pathologie qui ne peut être reprochée à la victime et son comportement illicite.
Elle se rapprocherait ensuite de la solution qu’elle retient à propos de ce qu’il est communément convenu d’appeler l’obligation de la victime de minimiser son dommage [21]. La Cour de cassation adopte une position très nette pour ce qui concerne le dommage corporel : « il résulte de l’article 16-3 du Code civil que nul ne peut être contraint, hors les cas prévus par la loi, de subir une intervention chirurgicale [22] ». Mais là encore, il est permis de se demander s’il est vraiment opportun d’étendre la solution au comportement fautif antérieur ayant contribué à la survenance d’une partie du dommage matériel subi. La question est d’autant plus prégnante que l’un des projets de réforme a pu admettre la réduction des dommages et intérêts dus à la victime de dommages matériels si elle n’a pas pris les « mesures sûres et raisonnables propre à éviter l’aggravation de son préjudice » [23].
Au regard de ces questionnements, on ne peut émettre que deux hypothèses : soit que la Cour de cassation aura souhaité souligné la maladresse de la motivation des juges du fond soit qu’elle aura rendu une solution compassionnelle envers des victimes ayant perdu leur lieu d’habitation.
Cette clémence se justifie parce que la personne affligée ne saurait être traitée comme la personne responsable [24], même s’il reste de bonne politique de maintenir l’existence d’une obligation de veiller à sa propre sécurité [25]. Et cette nécessaire clémence a sans doute également motivé les propositions contenues dans les projets de réforme. Il y est ainsi question de subordonner l’exonération pour faute au discernement de la victime [26] ou de subordonner l’exonération en cas de dommage corporel à une faute lourde de la victime [27].
Le traitement singulier, voire erratique, de la faute de la victime a donc de beaux jours devant lui. Espérons toutefois qu’il ne se manifeste plus, comme ici, par une motivation quelque peu difficile à comprendre.
La faute de la victime est une cause d’exonération opérationnelle dans le régime de la responsabilité du fait des produits des défectueux mais elle connaît de règles un peu différentes de celles du droit commun. Il n’est pas possible de justifier la réduction de la réparation de la victime en affirmant que sa faute n’a pas causé le dommage mais l’a seulement aggravé. |
[1] Cf. article 1245-2 du Code civil (N° Lexbase : L0622KZ3) qui considère expressément l’électricité comme un produit.
[2] Nous n’évoquerons pas les autres moyens, fondés sur le droit processuel.
[3] Directive (CE) n° 85-374 du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (N° Lexbase : L9620AUT).
[4] Au nombre desquelles, des délais spéciaux de prescription (C. civ., art. 1245-16 N° Lexbase : L0636KZL) ou de forclusion (C. civ., art. 1245-15 N° Lexbase : L0635KZK) ou encore l’admission d’une franchise pour les dommages aux biens (C. civ., art. 1245-1 N° Lexbase : L0621KZZ).
[5] Ph. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, LexisNexis, 5e éd., 2018, n° 744.
[6] Pour une critique de cette cause d’exonération en présence d’un système de responsabilité objective, V. Ph. Le Tourneau et alii, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 12e éd., 2021-2022, n° 2144.111 ; M. Eloi et alii, La faute de la victime dans la responsabilité civile extra-contractuelle in Mélanges Lapoyade-Deschamps, PUB, 2003, p.47 et s., spé. p. 60.
[7] Par ex. Cass. civ. 1, 6 novembre 2006, n° 05-11.604, F-P+B (N° Lexbase : A2977DS3) ; Cass. civ. 1, 4 février 2015, n° 13-19.781, F-P+B (N° Lexbase : A2454NBI).
[8] L. Cadiet, Sur les faits et les méfaits de l’idéologie de la réparation in Mélanges Drai, Dalloz 1999, p.495
[9] Formellement, on peut en dénombrer sept, réparties dans les articles 1245-10 (N° Lexbase : L0630KZD) et 1245-12 (N° Lexbase : L0632KZG) du Code civil.
[10] Par exemple, lorsque l’article vise l’absence de défectuosité du produit au moment de la mise en circulation du produit ou l’absence de mise en circulation du produit dommageable, indique-t-il une cause d’exonération ou une condition d’engagement de la responsabilité a contrario ? Il est plutôt permis de penser que le dispositif répartit la charge de la preuve des conditions de la responsabilité entre la victime et le responsable : à la victime la charge de démontrer l’existence d’un produit défectueux ; au responsable de démontrer que la mise en circulation présumée n’a en réalité pas eu lieu. À défaut de certitude sur la notion de causes d’exonération, nous nous garderons bien de trancher définitivement cette question.
[11] Aucun article n’en fait mention.
[12] C. civ., art. 1245-13 (N° Lexbase : L0633KZH); V. également, Cass. civ. 1, 28 novembre 2018, n° 17-14.356, FS-P+B (N° Lexbase : A9319YNH).
[13] Article 1265 dans le projet de réforme présenté le 13 mars 2017 [en ligne] et article 1267 dans la proposition de loi du Sénat du 29 juillet 2020 [en ligne].
[14] Ph. Brun, op.cit., n°766.
[15] Cass. civ. 1, 22 mai 2008, deux arrêts, n° 06-10.967 (N° Lexbase : A7005D8X) et n° 05-20.317 (N° Lexbase : A7001D8S), FS-P+B+R+I ; CJUE, 21 juin 2017, aff. C-621/15, N.W et a. c/ Sanofi Pasteur (N° Lexbase : A1281WKN).
[16] La Cour de cassation juge qu’en présence d’un médicament fabriqué par deux laboratoires, chaque laboratoire doit « prouver que son produit n’est pas à l’origine du dommage » pour échapper à sa responsabilité (Cass. civ. 1, 24 septembre 2009, n° 08-16.305 N° Lexbase : A3175EL8).
[17] Ou celle d’une personne dont elle est responsable.
[18] Cass. civ. 2, 19 février 1969, n° 67-13.561, publié au bulletin (N° Lexbase : A14694ZG) ; Cass. civ. 2, 29 avril 1969, n° 67-12.937, publié au bulletin (N° Lexbase : A14684ZE).
[19] Cass. civ. 2, 19 février 1969, réf. préc.
[20] Cass. crim., 10 avril 1973, n° 71-92.772, publié au bulletin (N° Lexbase : A8959CGW).
[21] M. Fabre-Magnan, Droit des obligations. Responsabilité civile et quasi-contrats, PUF, 4ème éd., 2019, n°452 ; S. Tisseyre, Le devoir de minimiser son dommage, l’hostilité du droit français est-elle toujours opportune ?, RCA 2016, étude 1.
[22] Cass. civ. 2, 19 mars 1997, n° 93-10.914 (N° Lexbase : A9338ABH) – V. également Cass. civ. 1, 15 janvier 2015, n° 13-21.180, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3900M9C).
[23] Article 1263 dans le projet présenté en 2017 [en ligne] et dans la proposition sénatoriale de 2020 [en ligne].
[24] En ce sens, Ch. Lapoyade-Deschamps, La responsabilité de la victime, Bordeaux, 1977.
[25] A. Duméry, La faute de la victime en droit de la responsabilité civile, L’Harmattan, 2011.
[26] Article 1255 dans le projet de 2017 et la proposition sénatoriale de 2020.
[27] Article 1254 dans les mêmes textes.
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