La lettre juridique n°873 du 15 juillet 2021

La lettre juridique - Édition n°873

Assurances

[Brèves] Assurance automobile : caractère abusif de la clause exclusive de garantie en cas de conducteur sous l'empire d'un état alcoolique ? Preuve de la conduite sous l'empire d'un état alcoolique ?

Réf. : Cass. civ. 2, 8 juillet 2021, n° 19-25.552, FS-B (N° Lexbase : A48134YW)

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N8357BY8

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 13 Juillet 2021

► Les clauses litigieuses du contrat, excluant de la garantie du conducteur et de la garantie des dommages subis par le véhicule assuré, les sinistres survenus lorsque le conducteur se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique, en ce qu'elles délimitent le risque assuré et l'engagement de l'assureur, définissent l'objet principal du contrat ; dès lors qu’elles sont rédigées de façon claire et compréhensible, elles échappent en conséquence à l'appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles, au sens de l'article L. 132-1, alinéa 7, devenu L. 212-1, alinéa 3, du Code de la consommation ;
► c'est sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour, pour apprécier si la preuve était rapportée de l'état alcoolique du conducteur au moment de l'accident, s'est fondée sur les seuls résultats obtenus à la suite de cette procédure de vérification, dès lors qu'ils avaient été régulièrement versés aux débats et soumis à la libre discussion des parties.

En l’espèce, un homme était décédé à la suite d'un accident de la circulation survenu alors qu'il conduisait un véhicule assuré par son épouse, en vertu d'un contrat souscrit le 21 décembre 2012.

N'ayant pas été indemnisée par l'assureur, cette dernière avait assigné ce dernier afin d'obtenir notamment le remboursement de la valeur du véhicule et le paiement de sommes au titre de la garantie corporelle conducteur.

Elle faisait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Pau (CA Pau, 7 août 2019, n° 16/03315 N° Lexbase : A0939ZLD) de la débouter de ses demandes, reprochant aux juges de s'être abstenus de rechercher si les clauses d'exclusion de garantie opposées par l'assureur, en vertu desquelles « ne sont pas garantis les accidents survenus alors que l'assuré conduisait sous l'empire d'un état alcoolique », peu important que l'alcoolémie du conducteur ait, ou non, eu d'influence sur la réalisation du sinistre n'étaient pas abusives.

Elle faisait le même grief, reprochant aux juges de s’être fondés exclusivement sur une expertise non contradictoire pour conclure que le conducteur décédé se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique.

  • Sur le caractère abusif des clauses excluant de la garantie les sinistres survenus lorsque le conducteur se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique

Elle n’obtiendra pas gain de cause devant la Cour suprême, qui rappelle qu’aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du Code de la consommation (N° Lexbase : L3278K9B), dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Selon l'alinéa 7 du même article, devenu l'alinéa 3 de l'article L. 212-1, l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa, ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

La Haute juridiction relève alors que les clauses litigieuses, en ce qu'elles délimitaient le risque assuré et l'engagement de l'assureur, définissaient l'objet principal du contrat. Rédigées de façon claire et compréhensible, elles échappaient en conséquence à l'appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles, au sens de l'article L. 132-1, alinéa 7, devenu L. 212-1, alinéa 3, du Code de la consommation, de sorte que la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche inopérante.

  • Sur la preuve de la conduite sous l'empire d'un état alcoolique

Là encore, la Cour de cassation écarte le grief fait aux juges de s’être fondés exclusivement sur une expertise non contradictoire pour conclure que le conducteur décédé se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique.

La Haute juridiction rappelle que, selon l'article L. 3354-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L2849DKQ), les officiers et agents de police judiciaire, en cas d'accident mortel de la circulation, doivent obligatoirement faire procéder sur l'auteur présumé et le cas échéant sur la victime aux vérifications prévues à l'article L. 234-1 du Code de la route (N° Lexbase : L1669DKZ) relatives à la conduite sous l'empire d'un état alcoolique.

Aux termes de l'article R. 234-3 du Code de la route (N° Lexbase : L5441AWG), les vérifications médicales, cliniques et biologiques opérées en application des articles L. 234-4 (N° Lexbase : L6346L4S), L. 234-5 (N° Lexbase : L7450LPM) et L. 234-9 (N° Lexbase : L6347L4T) et destinées à établir la preuve de l'état alcoolique sont effectuées dans les conditions prévues au chapitre IV du titre V du livre III de la troisième partie du Code de la santé publique.

Les articles R. 3354-1 (N° Lexbase : L2849DKQ) et suivants du Code de la santé publique assortissent cette procédure de vérification d'un ensemble de garanties qui comportent un examen clinique médical avec prise de sang, une analyse du sang et l'interprétation médicale des résultats recueillis. En cas de décès de l'intéressé, le prélèvement de sang et l'examen du corps sont effectués soit par un médecin légiste, au cours de l'autopsie judiciaire, soit par un médecin ou, à défaut, par un interne ou par un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant, requis à cet effet par l'officier ou agent de police judiciaire, lequel assiste au prélèvement sanguin.

En outre, les méthodes particulières de prélèvement et de conservation du sang ainsi que les techniques de recherche et de dosage d'alcool dans le sang sont prescrites par un arrêté du ministre chargé de la Santé. Ces textes fixent, notamment, les modalités du prélèvement sanguin assurant la possibilité de solliciter une analyse de contrôle réalisée par un autre expert et, le cas échéant, le recueil de l'avis d'un troisième expert.

Ce dispositif législatif et réglementaire instaure un mode d'établissement de l'état alcoolique mis en oeuvre d'office par l'autorité publique.

En conséquence, c'est sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel, pour apprécier si la preuve était rapportée de l'état alcoolique du conducteur au moment de l'accident, s'est fondée sur les seuls résultats obtenus à la suite de cette procédure de vérification, dès lors qu'ils avaient été régulièrement versés aux débats et soumis à la libre discussion des parties.

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Avocats/Honoraires

[Jurisprudence] Tutelle et honoraire de résultat de l’avocat : le défaut d’autorisation préalable est rédhibitoire !

Réf. : Cass. civ. 2, 6 mai 2021, n° 19-22.141, F-P (N° Lexbase : A96844QQ)

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N8092BYD

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par Gaëlle Casey, Avocat Associé

Le 13 Juillet 2021


Mots-clés : Jurisprudence • avocat • majeur protégé • honoraires • convention•​​​​​​ ​ acte de disposition 

Il résulte de la combinaison des articles 465 (N° Lexbase : L1039KZI), 4° et 505 (N° Lexbase : L8501HWR), alinéa 1er, du Code civil, qu’à peine de nullité de plein droit de l’acte, le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée. Selon l’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 (N° Lexbase : L4112ICB), relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle et en tutelle, constitue un acte de disposition soumis à l’autorisation du juge les conventions d’honoraires proportionnels en tout ou partie à un résultat, indéterminés ou aléatoires. C’est donc par une exacte application de ces dispositions, et sans avoir à procéder à un contrôle des conséquences de ces actes sur le patrimoine de la personne protégée, que le premier président, constatant que les conventions d’honoraires de résultat n’avaient pas été autorisées par le juge, les a déclarées nulles. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.


  

Obs. C’est par un arrêt de principe que la deuxième chambre de la Cour de cassation, au visa des articles 465, 4° et 505, alinéa 1er du Code civil et de l’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 (N° Lexbase : L4112ICB), revient sur la question spécifique de la validité des conventions d’honoraires de résultat signées entre un avocat et un tuteur sans autorisation du juge des tutelles.

À la vérité, ce n’est pas la première fois que la Haute juridiction a eu à se prononcer sur cette question, mais la présente décision mérite d’être signalée car la Cour de cassation affirme nettement une appréciation in abstracto de la qualification de la convention d’honoraires en tant qu’acte de disposition lorsque celle-ci est conclue par un majeur sous tutelle et qu’elle porte sur des honoraires proportionnels, en tout ou partie, indéterminés ou aléatoire.

En cela, cet arrêt, qui ne traite que de la question du défaut d’autorisation préalable au regard d’une convention d’honoraires constituant un acte de disposition, rompt avec une approche plus in concreto de la question, qui faisait dépendre la qualification d’acte de disposition des conséquences concrètes de la convention litigieuse sur le patrimoine du majeur protégé sous tutelle ou du mineur (Cass. civ. 2, 23 mai 2019, n° 18-15.788, F-D N° Lexbase : A5945ZC8). La présente décision vient donc compléter un courant jurisprudentiel plus ancien, lequel a précisé le domaine d’intervention du juge en rappelant que l’autorisation de ce dernier doit être donnée en amont de la solution du litige et ne saurait dépendre du montant du résultat finalement obtenu par le majeur (Cass. civ. 2, 10 septembre 2015, n° 14-23.959, F-P+B N° Lexbase : A9388NNZ).

Deux enseignements peuvent être tirés de cette décision :

  • D’une part, la Cour de cassation fait une application in abstracto de l’autorisation judiciaire, en rejetant l’idée que la qualification d’acte de disposition puisse se faire a posteriori (et donc subjectivement) lorsque le résultat de l’action menée par l’avocat est connu (I).
  • D’autre part, l’arrêt invite à réfléchir sur la question de la défense du majeur protégé et de la possibilité laissée à celui-ci de trouver un avocat, observation étant faite que ces questions ne sont pas traitées identiquement sous tous les régimes de protection, ce qui crée une inégalité entre personnes protégées que l’on ne peut que déplorer (II).

I. Une autorisation judiciaire nécessaire et menée in abstracto

Il résulte clairement de l’article 465 4° du Code civil (N° Lexbase : L1039KZI) que : « Si le tuteur ou le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée, soit seule, soit avec son assistance ou qui ne pouvait être accompli qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, l’acte est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice ». 

Quant à l’article 505 alinéa 1er du Code civil (N° Lexbase : L8501HWR), il dispose que « Le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée ».  

Enfin, les conventions d’honoraires sont expressément visées par le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 (N° Lexbase : L4112ICB), qui dispose : « les conventions d’honoraires proportionnels, en tout ou partie à un résultat, indéterminés ou aléatoires ».  On remarquera donc que trois catégories de conventions d’honoraires sont donc visées : celles prévoyant un honoraire proportionnel, ou indéterminé, ou aléatoire. Cela signifie donc qu’une convention d’honoraires prévoyant un forfait échappe à la qualification d’acte de disposition, puisque ce cas n’est pas expressément visé par le texte précité en tant qu’acte de disposition soumis à autorisation.

En l’espèce, les conventions d’honoraires signées entre l’avocat et la tutrice relevaient sans aucun doute possible des textes susvisés, puisque la tutrice avait conclu avec l’avocat 3 conventions d’honoraires en 2011 et 2015, lesquelles prévoyaient : un honoraire de diligences, un honoraire de résultat d’un taux de 9 % de la valeur d’un bien immobilier vendu pour la première fois, et enfin un honoraire de résultat d’un taux de 10 % portant sur les sommes perçues dans le cadre d’une action en paiement de loyer.

Il convient d’ailleurs de souligner que le litige est né non pas entre le tuteur et l’avocat, mais entre ce dernier et les héritiers du majeur prédécédé. En effet, ces derniers étaient également débiteurs des dettes du défunt, dont les honoraires de l’avocat.

Probablement inspiré des décisions antérieures, le pourvoi essayait de démontrer que les conventions litigieuses ne constituaient pas des actes de disposition. Le pourvoi soutenait en effet que la convention ne peut être qualifiée d’acte de disposition que pour autant qu’elle « engage le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu ». Le pourvoi reprochait ainsi au premier président, d’avoir mené « une appréciation globale et purement théorique de l’effet de l’exécution de l’ensemble des conventions d’honoraires de résultat sur le patrimoine » de la  majeure protégée, « au lieu d’examiner distinctement l’impact du paiement de chacun des honoraires réclamés sur le patrimoine de celle-ci en rapportant le montant de chacun d’eux à la valeur de l’immeuble et aux sommes que les procédures diligentées (…) avait permis de récupérer ». Précisons que le montant en litige était une somme de plus de 50 0000 euros sollicitée par l’avocat, que le Premier avait donc considérée comme constituant une « amputation du capital » de la majeure protégée.

Or, le moyen du pourvoi cherchait manifestement à se raccrocher à un arrêt de cassation récent, ayant admis que la qualification d’acte de disposition puisse se faire in concreto, au vu du résultat concret obtenu par l’avocat et du fait de savoir si le montant sollicité ampute de manière significative le patrimoine du majeur sous tutelle (v., Cass. civ. 2, 23 mai 2019, n° 18-15.788, F-D N° Lexbase : A5945ZC8 qui décide que le premier Président, par son analyse précise de la convention d’honoraires litigieuse avait fait « ressortir que les honoraires prévus par la convention amputait de manière significative le capital de M. A, destiné à réparer ses préjudices » et que c’est à bon droit que « le premier président en a exactement déduit que la convention d’honoraires constituait un acte de disposition soumis à autorisation du juge des tutelles en vertu de l’article 457 ancien du Code civil ; v., aussi, Cass. civ. 2, 8 décembre 2016, n° 15-28.554, F-D N° Lexbase : A3827SPG).

Selon ce courant jurisprudentiel, la qualification d’une convention d’honoraires en tant qu’acte de disposition n’était donc pas automatique et n’excluait pas totalement qu’une analyse soit menée a posteriori et qu’il doive être constaté que son exécution amputait de manière significative le patrimoine du majeur protégé.

Au contraire, dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation retient une interprétation et une application beaucoup plus strictes et automatiques de la règle de droit. Bien qu’intervenant dans un litige où les enjeux étaient beaucoup moins importants que ceux ayant donné lieu à la décision de 2019, la Haute cour décide de s’en tenir à une application stricte, objective, des textes et exclut donc tout contrôle et toute analyse a posteriori, subjective, des conventions litigieuses.

L’acte de disposition est ou n’est pas, quelles que soient les conséquences de la convention d’honoraires sur le patrimoine du majeur protégé.

La qualification de la convention d’honoraires en tant qu’acte de disposition ne dépend donc pas de savoir si la réclamation de l’honoraire de résultat représente ou non une amputation trop importante du capital du majeur protégé. Le seul fait que cette convention comporte un honoraire de résultat, en tout ou partie, classe celle-ci dans la catégorie des actes de disposition visés par le décret de 2008 et la soumet sa signature, en cas de tutelle, à autorisation du juge des tutelles. À défaut de cette autorisation, la convention est nulle.

L’appréciation ne se fait pas in concreto en fonction de l’importance du patrimoine du majeur protégé et/ou au regard du montant de l’honoraire de résultat en cause. La nullité résulte donc de la nature de l’acte prise, in abstrato, au regard des classifications légales et du dispositif législatif en vigueur.

Le mérite de cette décision tient à sa clarté et son automatisme puisque la nullité joue de manière absolue sans que le juge n’ait plus à se livrer à une analyse plus ou moins complexe et subjective de la situation en cause.

Elle vient ainsi compléter un arrêt du 10 septembre 2015 (Cass. civ. 2, 23 mai 2019, n° 18-15.788, F-D), dans lequel l’autorisation avait bien été sollicitée, mais la demande rejetée (par les juges du fond) au motif qu’ils ne pouvaient pas statuer en amont faute de pouvoir apprécier la portée de la convention et son impact. La cour d’appel de Papeete qui avait confirmé la décision du juge des tutelles a été cassée par la Cour de cassation, cette dernière rappelant les pouvoirs de juge et réaffirmant donc son obligation de statuer en amont sur la demande d’autorisation compte tenu du fait que la convention litigieuse constituait un acte de disposition.

Le cadre juridique est donc clair :

  • Une convention d’honoraires impliquant un majeur protégé sous tutelle ou un mineur et comportant des honoraires proportionnels, en tout ou partie, indéterminés ou aléatoires est un acte de disposition soumis à autorisation du juge des tutelles, sous peine de nullité absolue ;
  • L’autorisation préalable doit être donnée en amont du résultat de l’affaire sans qu’il soit possible d’attendre le résultat de celle-ci ;

Pour autant, cela est-il totalement satisfaisant ?

II. Des interrogations subsistantes

Le recours et l’utilisation de la convention d’honoraires comportant un honoraire de résultat tiennent le plus souvent à la nature de litige. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on retrouve souvent ce genre de modalités de paiement dans le cadre des dommages corporels, où le montant du « gain » à recevoir reste encore inconnu, outre le fait que la victime ne dispose, le plus souvent, pas de ressources suffisantes pour faire face seulement à un forfait dont le montant serait par nature difficilement déterminable. C’est également dans ces cas que son utilisation peut apparaitre la plus dangereuse au regard du fait que la somme à recevoir, et servant de base au calcul de l’honoraire de résultat, revêt nécessairement un caractère indemnitaire et donc indispensable, a priori, dans son intégralité à la victime. Dans ce domaine spécifique, il peut paraitre utile de s’interroger sur la notion d’honoraire juste au regard du travail accompli (v., sur la question le commentaire de Valéry Montourcy, AJ Famille, 2020 p. 292).

S’agissant du cas soumis à la Cour de cassation dans son arrêt du 6 mai 2021, le litige concernait la vente d’un bien et la récupération de loyers impayés, dont les montants étaient probablement plus facilement déterminables. Dans tous les cas, au moment d’apprécier la validité de la convention d’honoraires, la protection de la majeure protégée n’était plus en jeu puisqu’elle était décédée, ce qui rend encore plus incongrue l’application automatique de la nullité susvisée.

On pourrait d’ailleurs s’étonner compte tenu de la mesure de protection en place, à savoir une tutelle, que le tuteur, voire même l’avocat, n’aient pas pensé à solliciter l’autorisation du juge des tutelles. Mais il est possible que l’urgence à agir en justice et les délais nécessaires pour obtenir une telle autorisation, aient justifié cette absence de demande préalable afin d’assurer la défense de la majeure sous tutelle. Et ceci d’autant plus que les sommes en jeu n’avaient rien à voir avec celles évoquées dans les décisions de 2019, et que l’on peut parier, sans trop prendre de risque, que le juge des tutelles aurait effectivement autorisé la signature des conventions d’honoraires en cause, s’il avait été saisi en amont.

Le risque est donc grand que le majeur sous tutelle, même représenté par son tuteur, rencontre certaines difficultés à signer une convention d’honoraires (dont il faut rappeler qu’elle est obligatoire depuis le décret n° 2017-1226 du 2 août 2017 N° Lexbase : L3857LGX, lui-même pris en application de l’article 51 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC). Le risque évident pour le majeur sous tutelle est donc de peiner à trouver à temps un avocat pour assurer sa défense, compte tenu de cette exigence absolue d’autorisation préalable du juge.  

Cela apparait d’autant plus critiquable qu’une telle exigence ne concerne que le majeur sous tutelle et le mineur, et vise également les honoraires au temps passé puisque ceux-ci sont visés par la catégorie des « honoraires indéterminés » du décret de 2008. En effet, sous les autres régimes de protection des majeurs, une telle convention n’aurait pas été déclarée nulle puisqu’aucune autorisation n’est nécessaire dans le cadre d’une habilitation familiale, ce qui peut être parfois regrettable (v., les obs. très éclairantes de V. Montourcy, AJ famille, 2020 p. 292) et qu’en matière de curatelle, même renforcée, le majeur protégé aurait pu signer une telle convention avec l’assistance de son curateur, conformément aux dispositions de l’article 467 du Code civil.

De même, on l’a vu, l’honoraire au forfait échappe à la qualification d’acte de disposition ce qui pourrait être contestable au regard du forfait qui pourrait être convenu entre le tuteur et l’avocat. Que dire d’un forfait de 100 000 euros qui pourrait-être conclu entre l’avocat et le tuteur ? et que dire en l’espèce si le montant de 50 000 euros réclamé par l’avocat au titre de son honoraire de résultat avait été prévu dès l’origine en tant que forfait ? La convention d’honoraires ne pouvait pas être qualifiée d’acte de disposition et soumise à l’autorisation préalable du juge. Pourtant le résultat était le même.

On voit donc qu’il existe une grande disparité selon le régime de protection en place qui ne se justifie cependant pas par la mesure de protection elle-même. Au contraire, on pourrait penser que l’exigence de contrôle de la part du juge des tutelles devrait dépendre non pas de la mesure de protection en cause mais du montant des honoraires payés au regard de l’état de fortune du majeur et du litige en cause.

Actuellement, le système consacré par la Cour de cassation dans l’arrêt sous examen, qui repose exclusivement sur la distinction entre acte d’administration et acte de disposition, comporte de réelles lacunes : alourdir le système pour un majeur sous tutelle, et faire échapper à tout contrôle du juge la convention signée par le majeur sous habilitation familiale, et sous curatelle, voire même celle au forfait, quel que soit le montant du forfait, signée par le majeur sous tutelle ou le mineur, le litige se déplaçant alors sur le terrain classique de la contestation des honoraires et non de la validité de l’acte. D’ailleurs, dans tous les cas, qu’il y ait une autorisation judiciaire ou non, la contestation du montant des honoraires risquera toujours de se poser. En effet, ce n’est pas parce que la convention d’honoraires est autorisée par le juge que le montant de l’honoraire final sera incontestable (on sait en effet que les autorisations du juge des tutelles ne purgent pas les actes autorisés de leurs vices de fond, v., par ex., en matière de vente, Cass. civ. 1, 20 octobre 2010, n° 09-13.635, FS-P+B+I N° Lexbase : A2352GC4 ; D., 2011, p. 50, note G. Raoul-Cormeil ; D., 2011, Pan., p. 2501, obs. J.-M. Plazy et D. Noguero ; RTD civ., 2011, p. 103, obs. J. Hauser ; AJ famille, nov. 2010, p. 496, obs. Th. Verheyde ; et en matière d’assurance-vie, l’autorisation ne purge pas les primes d’un éventuel caractère exagéré au regard de l’art. L. 132-13 c.ass., v., Cass. civ. 1, 7 février 2018, n° 17-10.818, FS-P+B+I N° Lexbase : A6768XCN ; AJ famille, 2018. 243, obs. J. Casey ; D., 2018. 295 ; ibid. 1458, obs. J.-J. Lemouland et D. Noguéro).

Au total, la situation résultant de la décision commentée n’est pas pleinement satisfaisante, même si la recherche d’un équilibre n’est pas chose facile. Interdire tout recours à l’honoraire du résultat ou à l’honoraire au temps passé dans une convention concernant un majeur protégé ou un mineur, serait excessif, car cela constituerait une limitation préjudiciable de l’accès à la défense dans des cas où ce sont là les seuls moyens de rémunération possible de l’avocat. On ne peut donc suggérer cette voie.

Sans doute serait-il préférable de permettre un contrôle rapide et sûr de la convention d’honoraire, et si l’on veut bien croire que le juge chargé des contentieux de la protection est débordé, peut-être que le greffe pourrait assurer cette mission, qui consisterait à s’assurer que ladite convention ne nuit pas aux intérêts du majeur, au regard du litige en cause et au regard du cas d’espèce, et ce dans le respect des droits du majeur protégé mais également dans le respect de la liberté de choix et d’accès à un conseil. Évidemment, cette proposition suppose de donner des moyens à notre justice civile, ce qui n’est guère dans l’air du temps.

Pour autant, il ne faut pas désespérer. Beaucoup réfléchissent à des solutions, telle la proposition de chartre rédigée par l’antenne des majeurs vulnérables du barreau de Paris (v., le commentaire de Valéry Montourcy, AJ Famille, 2020 p. 415). Nul doute que l’on pourrait aller encore plus loin en reconnaissant véritablement la spécificité du droit des majeurs protégés, dans toutes ses dimensions, dont fait nécessairement partie l’accès au droit et à la défense. C’est un enjeu de notre société à venir compte tenu du vieillissement de la population française.

  

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Avocats/Honoraires

[Brèves] Est-il possible de cumuler deux honoraires de résultat dans un même dossier ?

Réf. : Cass. civ. 2, 8 juillet 2021, n° 20-12.850, F-B (N° Lexbase : A62664YQ)

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N8289BYN

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par Marie Le Guerroué

Le 31 Août 2021

► Il résulte de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) que l’honoraire de résultat prévu par convention préalable n’est dû par le client à son avocat que lorsqu’il a été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable.

Faits et procédure. Des clients avaient conclu avec une avocate à laquelle ils avaient confié la défense de leurs intérêts à l’occasion d’un litige les opposant à une société, deux conventions d’honoraires prévoyant l’une et l’autre un honoraire de résultat. La première, le 5 novembre 2013, et la seconde, le 29 juillet 2015, après qu’un appel ait été relevé de la décision de première instance leur donnant gain de cause. Les clients contestant la perception par l’avocate d’un premier honoraire de résultat après la décision de première instance, puis d’un second honoraire de résultat après la décision entièrement confirmative rendue en appel, avaient saisi le Bâtonnier de l’Ordre des avocats afin de contester cette double perception, puis, en l’absence de décision du Bâtonnier dans les quatre mois de sa saisine, le premier président de la cour d’appel. Les clients font grief à l’ordonnance de fixer, en application des conventions d’honoraires, les honoraires de résultat de l’avocate pour chacune des procédures de première instance et d’appel.

Ordonnance. Dans l’ordonnance contestée, le premier président relève, tout d’abord, que les deux conventions d’honoraires conclues entre l’avocate et ses clients prévoyaient, outre un honoraire de travail fixe, un honoraire de résultat de 5 % HT sur la différence entre les sommes réclamées par le demandeur et celles allouées par la juridiction, précision étant apportée qu’en cas d’appel, la somme due au titre de l’honoraire de résultat serait consignée sur le compte de l’avocate auprès de la CARPA jusqu’au prononcé de la décision définitive et, qu’au terme de la procédure d’appel, les deux clients autorisaient l’avocate à prélever l’honoraire de résultat lui revenant, directement sur les sommes que la partie adverse lui adresserait, ou sur son compte CARPA. Le premier président relevait ensuite qu’en première instance, les rapports entre l’avocate et son client sont réglés par la première convention d’honoraires du 5 novembre 2013, et que la convention signée au titre de la procédure d’appel le 29 juillet 2015 reprend intégralement les dispositions de la première convention. Retenant enfin que, par arrêt en date du 23 mars 2017, la cour d’appel avait intégralement confirmé le jugement de première instance, il décide que l’honoraire de résultat dû à l’avocate au titre tant de la procédure de première instance que de la procédure d’appel a vocation à être fixé, en application des conventions d’honoraires signées les 5 novembre 2013 et 29 juillet 2015 et qu’il doit être considéré, sauf à vider la convention relative à la procédure de première instance de tout effet quant à l’exigibilité d’un honoraire de résultat, qu’il est dû de manière cumulative un honoraire de résultat au titre de la première instance et un honoraire de résultat au titre de la procédure d’appel.

Réponse de la Cour. Il résulte de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que l’honoraire de résultat prévu par convention préalable n’est dû par le client à son avocat que lorsqu’il a été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable. Dès lors, pour les juges du droit, en statuant ainsi, le premier président, qui a alloué un honoraire de résultat au titre d’une décision juridictionnelle non irrévocable, a violé le texte précité.

Cassation. La Cour censure l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d’appel de Nîmes.

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Bancaire

[Focus] Crédit à la consommation : retour sur une importante recommandation de la Commission des clauses abusives

Réf. : CCA, recommandation n° 21-01, 10 mai 2021 (N° Lexbase : X9106CM9)

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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR, Université de Strasbourg

Le 13 Juillet 2021


Mots clés : crédit à la consommation • clauses abusives • Commission des clauses abusives (CCA) • recommandation • droit de rétractation • solidarité • preuve • la déchéance du terme • résiliation du contrat • indemnité « légale » • crédit renouvelable • crédit affecté • location avec option d’achat

Fin mai 2021, la Commission des clauses abusives a rendu publique une recommandation intéressant les contrats de crédit à la consommation. Cette dernière qualifie d’abusives une quarantaine de clauses se rencontrant dans tous les types de contrats de crédit, mais aussi dans certains crédits à la consommation spéciaux (crédit renouvelable, crédit affecté, location avec option d’achat). Cette recommandation, qui cherche à faire preuve de pédagogie, devrait avoir une incidence notable, dans les années à venir, sur les offres de prêts proposées aux consommateurs.


1. Depuis la loi « Lagarde » du 1er juillet 2010 [1], la rédaction de l’offre de crédit à la consommation par le banquier est plus libre [2]. Les établissements de crédit n’ont ainsi plus à respecter les exigences des modèles-types. Pour autant, la liberté du prêteur n’est pas sans limite : le droit des clauses abusives est, plus particulièrement, susceptible de s’appliquer [3].

2. Ainsi, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, l’article L. 212-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3278K9B) qualifie d’abusives les clauses « qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». De telles clauses sont réputées non-écrites [4].

3. Mais à partir de quel moment un tel déséquilibre peut-il être caractérisé ? Force est de constater que la loi ne dit rien sur ce point [5]. La jurisprudence a néanmoins été amenée à poser plusieurs critères d’appréciation à l’attention des juges qui sont invités à recourir à la méthode du faisceau d’indices [6]. Parmi ceux-ci, nous trouvons notamment :

- l’existence d’un avantage manifestement excessif à la faveur de la partie forte au contrat ;

- l’octroi d’un avantage non assorti d’une contrepartie ;

- l’absence de réciprocité des droits et obligations des parties ;

- ou encore l’octroi à la partie forte du contrat d’un pouvoir unilatéral.

4. Cette importance du droit des clauses abusives en matière de crédit à la consommation a été accentuée par les travaux de la Commission des clauses abusives (CCA). Pour mémoire, cette dernière, instituée par l’article L. 822-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L0648K77) [7], est une commission placée auprès du ministre chargé de la Consommation ayant pour mission d’émettre des recommandations et des avis sur le caractère abusif de clauses contractuelles. Si ces recommandations et avis n’ont pas une normativité de droit, ils demeurent porteurs d’une forte autorité [8]. Pour les professionnels, en effet, ils constituent une incitation forte à modifier leurs contrats pour les mettre en conformité avec eux.

5. Sans surprise, la CCA a été amenée, à plusieurs reprises, à examiner des clauses des contrats de crédit à la consommation, notamment à l’occasion de la recommandation n° 94-02, relative aux contrats porteurs des cartes de paiement assorties ou non d’un crédit [9], mais aussi à par différents avis [10].

6. Or, une nouvelle recommandation a été publiée, le 17 mai 2021, au Bulletin officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (BOCCRF) [11]. Cette dernière, longue de 30 pages, attire immanquablement l’attention. Elle se présente comme une recommandation de synthèse et actualisée examinant les contrats de crédit à la consommation.

7. Après quelques observations préalables d’importance notable (I), la CCA s’intéresse ainsi à diverses clauses concernant l’ensemble des crédits à la consommation (II) mais aussi certains d’entre-eux en particulier (III). Plus de quarante clauses sont alors qualifiées d’abusives.

I. Les observations préalables de la CCA

8. Avant d’étudier différentes clauses, la commission a souhaité préciser deux points utiles. Le premier est relatif à la présentation des contrats (A), et le second à la clause stipulant une pénalité de 8 % du capital dû en cas de déchéance du terme consécutive à des impayés (B).

A. Les observations relatives à la présentation des contrats

9. La CCA commence par rappeler que différentes dispositions encadrent la présentation du contrat de crédit à la consommation. Il en va ainsi, d’une façon générale, avec l’article L. 211-1, alinéa 1er, du Code de la consommation (N° Lexbase : L1629K7H), mais aussi de façon plus spécifique avec les articles L. 312-18 (N° Lexbase : L9594LGG) et R. 312-10 (N° Lexbase : L9730LBY) du Code de la consommation. Or, selon ce dernier, « le contrat de crédit prévu à l’article L. 312-28 (N° Lexbase : L9593LGE) est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit ».

10. On sait que cette disposition a donné lieu à une jurisprudence remarquée : cette notion correspond à « 3 mm en points Didot » et il suffit, pour s’assurer du respect des exigences de l'article R. 311-6 (N° Lexbase : L6954AB8), « de diviser la hauteur en millimètres d'un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne en bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu'il contient ; que le quotient ainsi obtenu doit être au moins égal à trois millimètres » [12].

11. Par sa recommandation de mai 2021, la CCA observe, pour sa part, que certains contrats restent imprimés avec des caractères dont la hauteur est inférieure au dit corps 8 et, de ce fait, contreviennent à ces textes, ainsi qu’à l’exigence de lisibilité. La commission appelle alors les prêteurs professionnels au respect de cette norme d’impression.

B. Les observations relatives à la pénalité de 8 % du capital restant dû

12. Selon l’article L. 312-39 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3280K9D), en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. En outre, et surtout, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui va dépendre de la durée restant à courir du contrat. Elle est fixée par un barème déterminé par décret. Ainsi, pour l’article D. 312-16 du même code (N° Lexbase : L0615K9N) : « Lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance ». Or, il est noté par la CCA que la quasi-totalité des contrats de prêt prévoit que l’emprunteur sera tenu au paiement d’une indemnité représentant 8 % du capital restant dû (soit le maximum admis) à la date de déchéance du terme, lorsque celle-ci résulte d’impayés lui étant imputables.

13. Un constat s’impose alors pour la commission : bien que l’indemnité de 8 % soit autorisée par la loi, il ne s’agit pas pour autant d’une clause qui refléterait une disposition législative ou réglementaire et qui serait impérative. Cette observation est importante. En effet, si ces deux conditions sont réunies, il est acquis que la stipulation sort du domaine d’application de la législation sur les clauses abusives en vertu de la jurisprudence de la CJUE [13]. Dès lors, en l’occurrence, la législation sur les clauses abusives est applicable à l’égard d’une telle clause pénale.

14. Or, pour l’article L. 212-1, alinéa 2, du Code de la consommation, le caractère abusif d’une clause s’apprécie « en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat ». L’examen de la disproportion doit donc s’opérer au regard de l’ensemble des stipulations du contrat [14].

15. En l’occurrence, en présence d’une déchéance du terme consécutive à des impayés, le prêteur perçoit sur sa créance en remboursement des intérêts au taux conventionnel ordinaire, généralement supérieur au taux légal, ceux-ci étant, au surplus, capitalisés. Ces intérêts réparent le préjudice qu’il subit du fait du retard en remboursement. Or, la pénalité étudiée a également une finalité indemnitaire. Dans ces conditions, il est légitime pour la CCA de s’interroger sur le cumul de la clause pénale étudiée avec l’intérêt conventionnel.

16. Elle considère dès lors, par la recommandation étudiée, que la réglementation du Code de la consommation, en ce qu’elle fixe une pénalité maximale sans égard au taux d’intérêts conventionnel, ne répond donc pas aux exigences de la Directive n° 1993/13 du 5 avril 1993 (N° Lexbase : L7468AU7) telle qu’interprétée par la CJUE dans différentes décisions mentionnées [15].

17. Toutefois, il n’appartient pas à la commission de déterminer un taux maximal de la pénalité cumulé avec les intérêts conventionnels et qui serait à ne pas dépasser. Il ne relève pas plus de sa compétence de définir une méthode d’appréciation du caractère disproportionné du cumul de ces clauses. Il revient, dès lors, au pouvoir réglementaire d’apprécier si une réforme des articles L. 312-39 et D. 312-16 du Code de la consommation serait nécessaire.

18. En conséquence, la CCA déclare qu’il sera suggéré, dans son rapport annuel de l’année 2021, de modifier les articles L. 312-39, alinéa 2, et D. 312-16 du Code de la consommation « afin que ces dispositions répondent aux exigences de la directive 1993/13 telle qu’interprétée par la CJUE dans les décisions précitées ».

II. Les clauses intéressant l’ensemble des crédits à la consommation

19. La recommandation procède à quelques rappels à propos de l’appréciation des clauses abusives. D’autre part, elle indique que le caractère abusif de clauses illicites s’apprécie conformément à l’analyse développée dans le rapport annuel d’activité de la Commission pour l’année 2018. D’autre part, elle déclare que pour une décision remarquée de la CJUE [16], « l’existence d’un « déséquilibre significatif » ne requiert pas nécessairement que les coûts mis à la charge du consommateur par une clause contractuelle aient à l’égard de celui-ci une incidence économique significative au regard du montant de l’opération en cause, mais peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle ce consommateur, en tant que partie au contrat, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux- ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales ».

20. Au final, la commission des clauses abusives en déduit que si une clause peut créer un déséquilibre significatif, dès lors qu’elle place le consommateur dans une situation moins favorable que celle prévue par une règle supplétive, a fortiori une clause contrevenant à une norme légale ou réglementaire impérative le place dans une situation juridique encore moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur et crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, à son détriment.

21. Ce rappel effectué, la CCA analyse un certain nombre de clauses concernant le droit de rétractation (A), la solidarité (B), la preuve (C), la déchéance du terme (ou la résiliation du contrat) (D), et enfin la présence d’une indemnité « légale » (E).

A. Les clauses encadrant le droit de rétractation

22. La majorité des contrats, rappelant que le consommateur peut exercer son droit de rétractation, précisent bien que, pour ce faire, il peut utiliser le bordereau détachable joint au contrat de crédit. Toutefois, il apparait, pour la CCA, que certains contrats contiennent des stipulations qui ne réservent aucune alternative à l’utilisation du bordereau. Elles peuvent alors laisser croire à l’emprunteur que l’exercice de ce droit de repentir est subordonné à une condition de forme.

23. En conséquence, de telles clauses énonçant que le consommateur pour exercer son droit de rétractation utilisera le bordereau détachable, sans réserver d’autres formes d’expression, sont jugées illicites en ce qu’elles sont stipulées en contravention des dispositions impératives de l’article L. 312-21 du Code de la consommation. Elles créent pour la commission un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en défaveur du consommateur, dès lors qu’elles ont pour objet ou effet de placer ce dernier dans une situation juridique moins favorable que celle prévue par le droit national. Elles sont qualifiées d’abusives.

B. Les clauses relatives à la solidarité

24. En premier lieu, la CCA envisage les clauses relatives à la représentation entre co-obligés solidaires. Elle observe que certaines de ces clauses se présentent de telle façon que la solidarité passive acceptée par les co-obligés induit une représentation mutuelle et irrévocable de ceux-ci dans le cours de l’exécution du contrat, et ce sans limiter cette représentation aux seuls actes accomplis améliorant la situation de celui qui n’y a pas souscrit. Elle considère alors qu’elles ont pour objet ou pour effet de laisser croire au consommateur que la solidarité passive qu’il a souscrite induit un pouvoir de représentation mutuelle des co-obligés pour tout acte de gestion du crédit, même ceux qui pourraient entraîner une perte de droit de l’emprunteur supposément représenté. En outre, ces clauses laissent penser au consommateur qu’il ne dispose pas de la faculté prévue à l’article 2004 du Code civil (N° Lexbase : L2239ABK) de révoquer le mandat quand bon lui semble. Elles sont dès lors qualifiées d’abusives.

25. En second lieu, les clauses relatives au droit d’informer un seul des co-obligés solidaires sont étudiées. Il apparait qu’elles confèrent au prêteur la faculté discrétionnaire de choisir celui des co-obligés auquel il entend s’adresser. Or, force est de constater que le banquier est tenu d’une obligation d’information à l’égard de chacun des deux. En conséquence, de telles clauses ont aussi pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, et sont déclarées abusives.

C. Les clauses relatives à la preuve

26. Toute une série de clauses sont abordées ici par la commission des clauses abusives. Il en va ainsi, tout d’abord, des clauses relatives à la force probante des écritures du prêteur. Comme leur nom l’indique, elles permettent au prêteur de prouver l’exécution de ses obligations en produisant ses propres écritures comptables sans offrir au consommateur la possibilité de rapporter une preuve contraire. Or, en instaurant de la sorte une présomption irréfragable au profit du professionnel, les clauses sont qualifiées d’illicites en ce qu’elles sont stipulées en contravention de l’article 1356, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1010KZG). Elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en défaveur du consommateur et sont donc jugées, à leur tour, abusives.

27. Citons, ensuite, les clauses relatives à la preuve par appels téléphoniques enregistrés qui ne permettent qu’au seul professionnel d’opérer de tels enregistrements à des fins probatoires. Une difficulté se pose cependant ici. Le consommateur pourrait aussi de son côté procéder à de tels enregistrements, sans pour autant être soumis aux contraintes de « RGPD » (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I) [17]. Aussi, ces clauses créent un déséquilibre manifeste entre les parties quant aux moyens de preuve qu’ils peuvent recueillir. Ce déséquilibre se retrouve dans le fait que ce moyen de preuve ne peut porter que sur les demandes ou engagements souscrits par le consommateur, alors même que le prêteur a pu, lui-même, prendre des engagements dans la gestion du contrat, tel par exemple, un report d’échéance, dont son client pourrait arguer et dont la preuve pourrait être recherchée. Leur caractère abusif est donc manifeste. Il en va de même lorsque ces clauses, accordant force probante à des enregistrements téléphoniques opérés et conservés par le professionnel, empêchent le consommateur à y accéder et en tirer lui-même un élément de preuve des échanges intervenus ou des engagements pris par le prêteur.

28. La CCA s’intéresse encore aux clauses interdisant tout autre élément de preuve que le contrat imprimé sur papier. Celles-ci portent, traditionnellement, sur l’existence d’un accord qui aurait modifié une ou plusieurs stipulations du contrat. Pour la commission, elles privent le consommateur de la possibilité de prouver l’existence d’un accord qui aurait modifié une ou plusieurs stipulations du contrat par un écrit électronique, lequel a pourtant, en vertu de l’article 1366 du Code civil (N° Lexbase : L1034KZC), la même force probante que l’écrit sur support papier, ou de se prévaloir des dispositions de l’article 1361 du Code civil (N° Lexbase : L1005KZA) aux termes duquel il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve. Ces clauses ont donc pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur. Elles sont alors présumées abusives, en application des dispositions de l’article R. 212-2, 9° du Code de la consommation (N° Lexbase : L0547K97).

29. La recommandation se poursuit par une analyse des clauses présumant que le professionnel a recueilli et conservé les données enregistrées dans des conditions de nature à garantir l’intégrité. La commission observe que ces clauses affirmant la fiabilité du mode de recueil et de conservation des ordres et opérations enregistrés électroniquement ou téléphoniquement mis en œuvre par le professionnel ont pour objet ou pour effet d’opérer une inversion de la charge de la preuve des conditions posées à l’article 1366 du Code civil [18]. Elles sont, par conséquent, irréfragablement présumées abusives en application de l’article R. 212-1, 12°, du Code de la consommation.

30. Enfin, sont abordées les clauses relatives à la reconnaissance par l’emprunteur du respect par le prêteur de ses obligations pré-contractuelles d’explications. On rappellera qu’en vertu de l’article L. 312-14 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1348K73), le prêteur est tenu de fournir à l'emprunteur « les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière ». Il doit alors attirer l’attention de l'emprunteur « sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement » [19]. Or, pour la CCA, de telles « clauses-types de contrats pré-rédigées de façon abstraite et générale » ont simplement pour objet ou pour effet de laisser croire au consommateur que la preuve qu’il a reçu l’information personnalisée est ainsi rapportée alors qu’il ne peut s’agir que d’un simple indice devant être complété par le prêteur. Il est ainsi démontré qu’elles sont abusives.

31. Cette solution est convaincante. Il est d’ailleurs à rappeler que la Cour de cassation, elle-même, réfute toute portée à de telles clauses à propos de la remise de la fiche précontractuelle d’information (FIPEN) [20], de la remise de la notice d’assurance [21] ou encore de la présence d’un bordereau de rétractation conforme aux exigences règlementaires dans l’offre délivrée à l’emprunteur [22]. Il est vrai que la CJUE se prononce en ce sens depuis une décision remarquée du 18 décembre 2014 [23].

D. Les clauses de déchéances du terme et/ou de résiliation du contrat

32. Les clauses de déchéance du terme et/ou de résiliation du contrat suscitent, de longue date, des discussions à propos de leur caractère abusif.

33. C’est ainsi qu’ont déjà été qualifiées de la sorte les clauses permettant au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme ou de la résiliation du contrat en cas :

- d’inscription de l’emprunteur sur le FICP [24] ;

- d’impayés concernant un autre crédit [25] ou un autre compte [26] ;

- de la clôture de son compte courant ouvert dans les livres de la banque [27] ;

- de la « liquidation judiciaire, déconfiture, cessation d'exploitation, cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure collective de l'emprunteur » [28] ;

- ou encore de la destruction de l’automobile financée à l’aide du crédit [29].

34. En l’espèce, par la recommandation étudiée, la CCA recommande que soient éliminées les clauses ayant pour effet ou objet de permettre au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme ou de la résiliation du contrat en raison ou en présence :

- de l’invalidité du consommateur ;

- d’impayés intervenus dans l’exécution d’un autre contrat de crédit ;

- de la perte de la garantie réelle ou de la diminution de sa valeur ;

- de saisie ou de cession de rémunérations de l’emprunteur ;

- de décès de l’emprunteur ;

- de la liquidation judiciaire de la caution.

- de fausses déclarations de la caution ;

- de comportement gravement fautif de l’emprunteur [30] ;

- d’une déclaration inexacte apportée lors de la formation du contrat d’assurance, lorsque la souscription de cette assurance est facultative.

35. Ce passage de la recommandation est particulièrement important. Il devrait permettre de faire « le tri » dans les clauses de déchéance du terme (ou de résiliation) envisagées par les établissements prêteurs dans leurs offres. La clause visant comme cause le comportement gravement fautif de l’emprunteur, qualifié d’abusive en raison d’un manque de précision, fait songer à la jurisprudence actuelle intéressant les clauses de résiliation en matière de crédit immobilier. En effet, seules les clauses dépourvues d’ambiguïté, ne sont pas jugées abusives [31].

D. Les clauses stipulant une « indemnité » légale

36. La CCA observe que les clauses mettant à la charge de l’emprunteur défaillant une pénalité contractuelle sous l’intitulé d’une « indemnité légale » alors qu’il s’agit d’une clause pénale, c’est-à-dire d’une stipulation contractuelle facultative, ont pour objet ou effet de laisser croire au consommateur qu’il ne peut demander en justice la réduction de son indemnité dans l’hypothèse où elle serait manifestement excessive.

37. Sans surprise, elles créent ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Il est donc démontré qu’elles sont abusives.

III. Les clauses intéressant les crédits à la consommation spéciaux

38. Diverses clauses se rencontrant dans les offres de crédits à la consommation spéciaux sont également envisagées par la recommandation étudiée. Elles concernent le crédit renouvelable (A), le crédit affecté (B) et enfin la location avec option d’achat (C).

A. Les clauses intéressant le crédit renouvelable

39. Il convient de citer, tout d’abord, les clauses ayant trait à l’acceptation des modifications contractuelles. Il s’agit, plus précisément, des clauses insérées dans des contrats par nature à durée déterminée et qui autorisent le professionnel à modifier les stipulations du contrat à tout moment, hors de tout consentement exprès et du seul fait du silence du consommateur. Pour la CCA, ces clauses sont illicites en ce qu’elles sont stipulées en contravention des dispositions impératives des articles L. 312-77 (N° Lexbase : L9582LGY) [32] et L. 312-78 (N° Lexbase : L9836LCB) [33] du Code de la consommation. Elles permettent, en outre, au prêteur de modifier unilatéralement toute autre clause du contrat que celle relative au taux d’intérêt variable, dont celles ayant trait aux caractéristiques du service à rendre. Elles sont donc irréfragablement présumées abusives, par application de l’article R. 212-1, 3° du Code de la consommation (N° Lexbase : L0546K94).

40. Ensuite, sont étudiées les clauses ayant trait au respect des obligations du prêteur. Ces clauses concernent, plus concrètement, la preuve du respect par le prêteur de l’obligation d’information annuelle, prévue à l’article L. 312-65, alinéa 2, du Code de la consommation (N° Lexbase : L1297K78), qui sera acquise dès lors que l’emprunteur ne l’aura pas avisé du défaut de réception de cette information, au surplus par lettre recommandée et dans un délai limité. Sans surprise, la Commission des clauses abusives déclare que ces clauses ont pour objet ou pour effet d’imposer au consommateur la charge de la preuve, qui, en vertu du droit applicable, devrait incomber normalement à l’autre partie au contrat. Elles sont donc, à leur tour, irréfragablement présumées abusives, en application de l’article R. 212-1, 12° du Code de la consommation.

41. En outre, et surtout, sont observées des clauses ayant trait aux contrat intitulés « crédit en réserve ». En réalité, il s’agit ici d’une observation générale de la Commission des clauses abusives. Cette dernière constate que des contrats, sous l’intitulé d’un « crédit renouvelable par fractions », ont en vérité pour objet la souscription d’emprunts distincts, remboursables selon les modalités d’un prêt personnel ou d’un crédit affecté avec chacun un taux d’intérêt spécifique dépendant notamment de la nature de cet emprunt ou de l’objet financé. On se souvient que cette situation a été confirmée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un avis remarqué du 8 avril 2018 [34]. La plupart des juridictions du fond se prononcent également en ce sens aujourd’hui [35].

42. Pour la CCA, de telles modalités contractuelles ont pour objet ou pour effet de priver le consommateur de la faculté qu’il aurait eu, sur le fondement de l’article L. 312-25 du Code de la consommation, de renoncer à chacun des emprunts. Le cas échéant, elles ont aussi pour objet ou effet de priver le consommateur de la protection née du lien entre le crédit affecté et le contrat principal financé, découlant de l’application des articles L. 312-44 (N° Lexbase : L9839LCE) à L. 312-56 du Code de la consommation, d’ordre public [36]. Elle en conclue, qu’en tout cela, ces clauses, illicites en ce qu’elles sont stipulées en contravention des dispositions impératives précitées, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en défaveur du consommateur, dès lors qu’elles ont pour objet ou pour effet de placer celui-ci dans une situation juridique moins favorable que celle prévue par le droit national. Elles sont donc abusives.

43. La Commission des clauses abusives recommande par conséquent que soient éliminées les modalités contractuelles qui, sous l’intitulé « crédit renouvelable par fractions », ont pour objet la souscription d’emprunts distincts, remboursables selon les modalités d’un prêt personnel ou d’un crédit affecté avec chacun un taux d’intérêt spécifique dépendant notamment de la nature de cet emprunt ou de l’objet financé.

44. Citons, encore, les clauses ajoutant une majoration de l’intérêt à la pénalité de 8 %. Il est noté que certains contrats prévoient la possibilité pour l’emprunteur d’opérer, à l’occasion du crédit renouvelable, des emprunts à des conditions particulières de taux. On parle alors d’opérations dites « spéciales ». Cependant, des clauses de ces mêmes contrats prévoient qu’en présence d’une défaillance de l’emprunteur, les sommes restant dues à ce titre ne bénéficieront plus des conditions particulières et produiront intérêt aux conditions de taux « habituelles ». Ces contrats stipulent, par ailleurs, en cas de défaillance du consommateur, une pénalité à sa charge de 8 % du capital restant dû. Dès lors, pour la CCA, ces clauses, autorisant le prêteur à prétendre à la perception d’un intérêt d’un taux supérieur à celui négocié, en plus d’une indemnité égale à 8 % du capital restant dû, ont pour objet ou pour effet de stipuler à la charge de l’emprunteur des pénalités qui, conjuguées, dépassent le plafond fixé à l’article D. 312-16 du Code de la consommation. Ces clauses, qualifiées d’illicites en ce qu’elles sont stipulées en contravention des dispositions impératives de l’article D. 312-16 du Code de la consommation, sont vues comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en défaveur du consommateur. Elles sont ainsi jugées abusives.

45. Par la suite, la commission évoque les clauses autorisant le prêteur à opérer des déblocages de fonds. De façon plus précise, ce sont les clauses de contrats de crédits renouvelables par fractions assortis d’une carte de paiement autorisant le prêteur à procéder à des déblocages de fonds pour couvrir le solde non autorisé du compte bancaire du consommateur, sans accord exprès préalable de celui-ci, à chaque déblocage, ou exprimé dans un délai raisonnable à réception de l’état actualisé dudit crédit. Elles sont alors jugées illicites par la commission en ce qu’elles sont stipulées en contravention des dispositions impératives de l’article L. 312-70 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1292K7Y) [37]. Elles créent également un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en défaveur du consommateur, dès lors qu’elles ont pour objet ou effet de placer celui-ci dans une situation juridique moins favorable que celle prévue par le droit national. Elles sont donc abusives.

46. Sont enfin mentionnées les clauses de suspension du droit d’utilisation d’un crédit. Celles-ci autorisent le prêteur [38], concrètement, à suspendre unilatéralement le droit d’utilisation du consommateur ou à réduire le montant total des concours financiers disponibles au seul motif d’une utilisation abusive, sans que cette dernière notion ait été définie précisément. Ces clauses sont également qualifiées d’abusives.

B. Les clauses intéressant le crédit affecté

47. En premier lieu, plusieurs clauses ayant trait au gage et à la réserve de propriété sont déclarées abusives par la CCA. Il en va ainsi à propos :

- des clauses qui prévoient que le prêteur peut bénéficier d’une réserve de propriété et d’un gage sur le bien financé, sans préciser que ces garanties ne peuvent être que successives et sans imposer à ce professionnel d’informer l’emprunteur du passage d’une sûreté à l’autre ;

- des clauses de contrats de crédit accessoires à une vente stipulant, en l’absence de réserve de propriété, qu’en cas de déchéance du terme le consommateur doit restituer le bien financé hors de l’exercice d’une voie d’exécution après obtention d’un titre exécutoire ;

- des clauses stipulant, en cas de déchéance du terme, l’obligation pour le consommateur de restituer au prêteur le bien gagé sans prévoir la vente en justice dans les conditions de l’article 2346 du Code civil (N° Lexbase : L1173HIB) ou l’évaluation de la valeur du bien dans les conditions prévues à l’article 2348, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1175HID) ;

- des clauses stipulant, par le mécanisme de la subrogation, une réserve de propriété sur le bien financé au profit du prêteur, qui aurait payé le prix de vente, laissant alors indûment croire à l’emprunteur, pourtant devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise au prêteur, ce qui entrave l’exercice de son droit de propriété ;

- des clauses stipulant, en présence d’une réserve de propriété sur le bien dont l’acquisition a été financée par le prêt, que le consommateur supportera le risque de dégradation ou de perte dudit bien, sans exclure le cas fortuit ou la force majeure ;

- et enfin des clauses qui, comme l’a déjà relevé la Cour de cassation [39], ne prévoient pas, en cas de volonté de revente par le prêteur du bien financé grevé d’une réserve de propriété, la possibilité pour l’emprunteur de présenter lui-même un acheteur faisant une offre d’achat.

48. En second lieu, la CCA s’intéresse aux clauses de contrats de crédit, finançant l’acquisition d’un véhicule en dehors de tout gage ou réserve de propriété, par lesquelles l’emprunteur s’engage à rembourser immédiatement le prêt en question en cas de revente de ce bien. Elle considère que ces clauses entravent le droit du consommateur de disposer librement d’un véhicule lui appartenant. Elles sont, à leur tour, qualifiées d’abusives.

C. Les clauses intéressant la location avec option d’achat

49. À nouveau, un grand nombre de clauses se rencontrant dans les contrats de location avec option d’achat sont analysées et critiquées par la Commission des clauses abusives. Elles sont toutes jugées abusives. Nous nous contenterons ici de les mentionner.

50. Il en va ainsi à propos :

- des clauses stipulant que le délai de livraison du bien loué est donné à titre indicatif, hors d’un cas où la loi l’autorise ;

- des clauses interdisant au locataire de poursuivre le bailleur en réparation du dommage subi du fait d’un retard de livraison, sans réserver l’hypothèse d’un retard imputable au bailleur [40] ;

- des clauses de contrats de location avec option d’achat prévoyant au profit du seul professionnel un droit de résolution du bail avec option d’achat en présence d’un retard du fournisseur dans la livraison du bien [41] ;

- des clauses par lesquelles le locataire s’engage, solidairement avec le fournisseur, à indemniser le bailleur de tout dommage, en cas de non-conformité, mauvais fonctionnement, défectuosité et plus généralement non-respect de l’un quelconque des termes de la commande passée ou des conditions d’achat du bailleur [42] ;

- des clauses de contrat de location avec option d’achat qui interdisent au locataire, à la fois, de mettre le bailleur en cause en cas de vice du véhicule loué et d’exercer en son nom l’action en résolution de la vente [43] ;

- des clauses stipulant que le locataire est tenu du paiement des loyers, même quand il a saisi une juridiction en contestation sur l’exécution du contrat de vente du bien loué [44] ;

- des clauses qui mettent à la charge du locataire une indemnité de résiliation du contrat de location avec option d’achat, en présence d’une résolution du contrat de vente formé entre le fournisseur du véhicule et le bailleur, consécutive à un vice caché affectant le véhicule [45] ;

- des clauses stipulant que l’ensemble des indemnités que le locataire recevra à la suite de son action contre le fournisseur seront versées au bailleur [46] ;

- des clauses stipulant qu’il appartient au locataire de supporter le risque de perte de la chose louée y compris lorsqu’elle résulte d’un cas fortuit ou de force majeure [47] ;

- des clauses stipulant qu’il appartient au locataire de souscrire dès la livraison du véhicule une assurance couvrant le risque d’événements climatiques et catastrophes naturelles ou de la force majeure [48] ;

- des clauses interdisant au locataire de poursuivre le bailleur en réparation du dommage né d’un défaut de jouissance paisible du bien loué, sans réserver l’hypothèse d’une faute de ce loueur à l’origine de ce dommage [49] ;

- des clauses faisant supporter au locataire la charge de remettre en état le bien loué ayant subi un sinistre né d’un cas fortuit, de force majeure ou du fait d’un tiers, alors que cette charge incombe au professionnel [50] ;

- des clauses stipulant qu’en cas de sinistre total, rendant le véhicule irréparable, ou qu’en cas de vol de ce bien, par suite d’un cas fortuit, le consommateur est redevable d’une indemnité de résiliation au bailleur ou des coûts de dépannage et de gardiennage [51] ;

- des clauses prévoyant qu’un loyer sera dû après la résiliation du contrat consécutive à la perte de la chose louée ;

- des clauses imposant le paiement de sommes, même à titre d’acompte, après la résiliation du contrat consécutive à la perte de la chose louée [52] ;

- des clauses stipulant qu’au terme de la location ou après sa résiliation, le bailleur peut unilatéralement désigner le lieu de restitution du bien loué alors que ce contrat met à la charge du consommateur les frais de cette opération [53].

51. Pour finir, la CCA s’intéresse aux clauses imposant au preneur de restituer le véhicule loué immédiatement ou sans délai à compter de la résiliation prononcée par le bailleur. Pour la commission, elles empêchent le consommateur de mettre en œuvre la faculté de présentation d’un acquéreur impérativement ouverte par l’article D. 312-18 du Code de la consommation (N° Lexbase : L0617K9Q). Elles sont donc qualifiées d’abusives. Cette solution est d’ailleurs partagée par une décision de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 10 avril 2013 [54].

52. Voilà, pour conclure, une recommandation « d’une grande importance, susceptible d’entraîner des changements réels dans les offres proposées aux candidats emprunteurs » [55]. En effet, on peut penser qu’elle aura des incidences sur les établissements de crédit et les sociétés de financement qui chercheront, à titre préventif, à se mettre en conformité avec l’ensemble des indications qu’elle donne. Un « nettoyage » massif des offres des différents crédits à la consommation proposés à la clientèle, par les services juridiques des établissements prêteurs, est ainsi fortement probable.

53. On rappellera, néanmoins, que les recommandations comme les avis de la CCA ne s’imposent ni aux parties, ni aux juges. Dès lors, si les magistrats ont certes pris l’habitude de les confirmer, il n’en va pas ainsi dans tous les cas. Le droit bancaire peut d’ailleurs en témoigner concernant les clauses stipulant que l’intérêt conventionnel sera calculé sur une année de 360 jours (dite année « lombarde ») et non pas une année civile : si la CCA a vu, par le passé, une clause abusive dans un tel cas [56], la Haute juridiction n’a pas partagé cette solution [57].


[1] Loi n° 2010-737, du 1er juillet 2010, portant réforme du crédit à la consommation (N° Lexbase : L6505IMU).

[2] J. Lasserre Capdeville, Le droit du crédit à la consommation 10 ans après la loi Lagarde, collection Les intégrales, éd. LGDJ, 2021, n° 194 et s..

[3] J. Lasserre Capdeville, Le droit des clauses abusives et le contrat de crédit à la consommation, RD banc. fin., mai-juin 2016, n° 3, dossier 19, p. 90 ; N. Rzepecki, Les clauses abusives et illicites, LPA, 28 juillet 2017, n° 150, p. 8. V. également, par le passé, P. Lokiec, Clause abusive et crédit à la consommation, RD banc. fin., 2004, p. 221 ; J.-Ph. Tricoit, Sanction des clauses abusives en crédit à la consommation : déchéances du droit aux intérêts ou clause réputée non écrite ?, D., 2005, p. 443 ; G. Poissonnier, Les clauses résolutoires abusives dans les contrats de crédit à la consommation, D., 2006, p. 370 ; G. Poissonnier, Panorama des clauses abusives en droit français du crédit à la consommation, Rev. europ. dr. consom., 3/2006, p. 171.

[4] C. consom., art. L. 241-1, al. 1er (N° Lexbase : L1415K7K).

[5] Elle se contente d’indiquer, en effet, que l’appréciation de ce déséquilibre significatif doit se faire, non seulement, en considération des circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat, mais aussi en considération de l’économie générale du contrat, force est de constater

[6] Pour une étude complète, G. Chantepie et N. Sauphanor-Brouillaud, Déséquilibre significatif, Rép. dr. civ., Dalloz, 2019.

[7] Selon cet article, « la commission des clauses abusives, placée auprès du ministre chargé de la consommation, connaît des modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels à leurs contractants consommateurs ou non professionnels. Elle est chargée de rechercher si ces documents contiennent des clauses qui pourraient présenter un caractère abusif ».

[8] L. Leveneur, Les recommandations de la Commission des clauses abusives, in Études Oppetit, éd. Litec, 2009, p. 495.

[9] CCA, recommandation n° 94-02, du 17 décembre 1994 (N° Lexbase : X9374CM7), BOCCRF, 27 septembre 1994.

[10] CCA, avis n° 13-01, 6 juin 2013 (N° Lexbase : X0841CKD), RTD com., 2013, p. 789, obs. D. Legeais ; RD banc. fin., 2013, comm. 189, obs. N. Mathey ; D., 2013, AJ p. 1632, obs. G. Poissonnier – CCA, avis n° 15-01, 24 septembre 2015 (N° Lexbase : X9373CM4), RD banc. fin., janvier-février 2016, comm. 11, obs. N. Mathey, LEDB décembre 2015, n° 11, p. 5, obs. J. Lasserre Capdeville ; D., 2015, AJ p. 2437, obs. G. Poissonnier.

[11] Contrats, conc. consom., juillet 2021, comm. 126, obs. S. Bernheim-Desvaux ; G. Poissonnier, Clauses abusives dans les contrats de crédit à la consommation : vers une modification en profondeur des offres proposées ? : Contrats, conc. consom., juillet 2021, alerte 26 ; J.-D. Pellier, Regards sur la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 21-01 relative aux contrats de crédit à la consommation, JCP E, 2021, à paraître.

[12] CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 20 juin 2013, n° 10/11947 (N° Lexbase : A6645MTB). V. ég., CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 21 février 2013, n° 10/16771 (N° Lexbase : A4883I8D), Contrats, conc. consom., 2013, comm. 146, obs. G. Raymond ; LPA, 1er novembre 2013, n° 219-220, p. 9, obs. J. Lasserre Capdeville – CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 15 janvier 2015, n° 14/03029 (N° Lexbase : A6578SDY, LPA, 1er juin 2015, n° 108, p. 7, obs. J. Lasserre Capdeville – CA Metz, 7 juillet 2016, n° 14/02697 (N° Lexbase : A6388RWI), LPA, 9 janvier 2017, n° 6, p. 12, obs. J. Lasserre Capdeville – CA Rennes, 2 juin 2017, n° 14/03488 (N° Lexbase : A1500WGN), RD banc. fin., 2017, comm. 150, obs. N. Mathey – CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 25 juin 2020, n° 17/11979 (N° Lexbase : A44443PB), LPA, 12 avril 2021, n° 72, p. 28, obs. J. Lasserre Capdeville – CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 12 novembre 2020, n° 17/14199 (N° Lexbase : A285134D), LEDB janvier 2021, p. 3, obs. J. Lasserre Capdeville.

[13] CJUE, 7 novembre 2019, aff. jointes C-419/18 et C-483/18 (N° Lexbase : A9980ZTS) – CJUE, 9 juillet 2020, C-81/19 (N° Lexbase : A80843QH).

[14] CJUE, 21 avril 2016, aff. C-377/14 (N° Lexbase : A1934RKT), JCP E, 2016, 1364, note S. Moracchini-Zeidenberg ; D., 2016, p. 1744, note H. Aubry.

[15] V. par ex., CJUE, 21 avril 2016, C-377/14, préc., D., 2016, préc. ; Contrats, conc. consom.,  2017, chron. 3, n° 15, obs. C. Aubert de Vincelles ; Europe, 2016, comm. 211, obs. E. Daniel ; JCP E, 2016, préc. – CJUE, 7 août 2018, aff. C-96 et C-94/17 (N° Lexbase : A0047X37).

[16] CJUE, 16 janvier 2014, aff. C-226/12 (N° Lexbase : A8066KTW), D., 2014, AJ p. 269 ; D., 2014, p. 1297, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD eur., 2014, p. 715, obs. C. Aubert de Vincelles ; Europe, 2014, comm. 132, obs. J. Dupont-Lassalle ; JCP E, 2014, 1177, obs. S. Moracchini-Zeidenberg.

[17] En effet, l’article 2.2, c) du « RGPD » exclut de son champ d’application le traitement de données à caractère personnel effectué « par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle ou domestique ».

[18] Selon cet article : « L'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ».

[19] Pour une présentation détaillée, J. Lasserre Capdeville, Le droit du crédit à la consommation 10 ans après la loi Lagarde, collection Les intégrales, éd. LGDJ, 2021, n° 100 et s..

[20] Cass. civ. 1, 5 juin 2019, n° 17-27.066, FS-P+B (N° Lexbase : A9189ZDP), D., 2019, AJ p. 1746, note G. Poissonnier ; LEDB, août-septembre, 2019, p. 4, n° 112h9, obs. J. Lasserre Capdeville ; Contrats, conc. consom., 2019, comm. 149, obs. C. Berheim-Desvaux ; RD banc. fin., 2019, comm. 118, obs. N. Mathey ; LPA, 29 juin 2020, n° 129, p. 7, obs. J. Lasserre Capdeville – Cass. civ. 1, 8 avril 2021 n° 19-20.890, F-P (N° Lexbase : A12554P8), J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, avril 2021, n° 673 (N° Lexbase : N7195BY7).

[21] Cass. civ. 1, 8 avril 2021, préc., J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, préc..

[22] Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-18.971, FS-P+B+I (N° Lexbase : A31913YT), D., 2020, AJ p. 2061 ; LEDB, décembre 2020, p. 1, obs. J. Lasserre Capdeville ; Dalloz, actualité, 16 novembre 2020, obs. J.-D. Pellier ; JCP G, 2020, n° 46, 1248, obs. N. Kilgus ; J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, novembre 2020, n° 653 (N° Lexbase : N5113BYZ) ; LEDC, décembre 2020, p. 4, n° 113n9, obs. G. Cattalano ; Gaz. Pal., 1er décembre 2020, n° 42, p. 31, obs. S. Piédelièvre.

[23] CJUE, 18 décembre 2014, aff. C-449/13 (N° Lexbase : A7873M7Q), LPA, 2015, n° 108, p. 9, obs. N. Éréséo ; D., 2015, p. 715, note G. Poissonnier ; D., 2015, Pan. p. 594, obs. H. Aubry ; RTD com., 2015, p. 138, obs. D. Legeais ; JCP E, 2015, 1137, note S. Moracchini-Zeidenberg ; JCP E, 2015, 1254, n° 18, obs. A. Salgueiro ; Contrats, conc. consom., 2015, comm. 75, obs. G. Raymond ; Banque et droit, mai-juin 2015, p. 30, obs. Th. Bonneau.

[24] TI Saintes, 4 janvier 2006, n° 11-05-000283.

[25] CA Caen, 15 mars 2007, n° 05/02487 (N° Lexbase : A85353WZ) – CA Rennes, 7 mars 2014, n° 11/04292 (N° Lexbase : A2509MZX) – Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, n° 07-15.226, FS-P+B (N° Lexbase : A4581EBB), RD banc. fin., 2009, comm. 50, obs. F.-J. Crédot et Th. Samin – CA Amiens, 30 mars 2021, n° 19/07440 (N° Lexbase : A31854NB). On parle parfois de « clause de défaut croisé » ou de « clause de déchéance par contagion ».

[26] Cass. civ. 1, 1er février 2005, n° 01-16.733, FS-P+B (N° Lexbase : A6166DGH), D., 2005, AJ p. 640, obs. V. Avena-Robardet ; Contrats conc. consom., 2005, comm. 99, obs. G. Raymond.

[27] CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 10 décembre 2015, n° 14/25505 (N° Lexbase : A0283NZI), LPA, 10 janvier 2017, n° 7, p. 7, obs. J. Lasserre Capdeville.

[28] CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 24 novembre 2011, n° 10/11916 (N° Lexbase : A7335H4G).

[29] CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 14 novembre 2013, n° 12/18676 (N° Lexbase : A5180KPK), D., 2013, AJ p. 2909, obs. G. Poissonnier ; LPA, 1er août 2014, n° 153, p. 10, obs. J. Lasserre Capdeville.

[30] En effet, ces clauses qui prévoient la résolution du contrat en cas de comportement gravement fautif de l’emprunteur, ne précisent pas les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.

[31] V. notamment, Cass. civ. 1, 10 octobre 2018, n° 17-20.441, F-P+B (N° Lexbase : A3262YGW), D., 2019, p. 57, note J. Lasserre Capdeville ; Dalloz actualité, 25 octobre 2018, obs. J.-D. Pellier ; LEDB, décembre 2018, p. 1, obs. M. Mignot et p. 4, obs. S. Piédelièvre ; RD banc. fin., 2019, comm. 4, obs. N. Mathey ; JCP E, 2019, 1070, note G Poissonnier ; Gaz. Pal., 19 février 2019, n° 7, p. 47, note M. Bourassin et M. Roussille – Cass. civ. 1, 28 novembre 2018, n° 17-21.625, F-D (N° Lexbase : A9253YNZ), AJ contrat, février 2019, p. 84, obs. J. Lasserre Capdeville ; Banque et droit, mars-avril 2019, n° 184, p. 42, obs. S. Gjidara-Decaix – Cass. civ. 1, 20 janvier 2021, n° 18-24.297, FS-P+I (N° Lexbase : A00014DE), JCP G, 2021, 297, note G. Paisant ; Contrats, conc. consom., 2021, comm. 48, obs. S. Bernheim-Desvaux ; J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, janvier 2021, n° 663 (N° Lexbase : N6197BYS) ; LEDB, mars 2021, p. 1, n° 113v1, obs. S. Piédelièvre.

[32] Selon cet article, « lors de la reconduction du contrat, jusqu'au moins vingt jours avant la date où celles-ci deviennent effectives, l'emprunteur peut s'opposer aux modifications proposées par le prêteur en utilisant un bordereau-réponse annexé aux informations fournies par le prêteur, sur support papier ou tout autre support durable ».

[33] Cette disposition indique qu’« en cas de refus des nouvelles conditions de taux ou de remboursement proposées lors de la reconduction du contrat, l'emprunteur rembourse aux conditions précédant les modifications proposées le montant du crédit déjà utilisé, sans pouvoir, toutefois, procéder à une nouvelle utilisation de l'ouverture de crédit ».

[34] Cass. avis, 6 avril 2018, n° 15007 (N° Lexbase : A4081XKD), Dalloz actualité, 4 mai 2018, obs. J.-D. Pellier ; AJ contrat, mai 2018, n° 5, p. 234, obs. V. Legrand ; RTD com., 2018, p. 753, obs. D. Legeais ; LEDB, juin 2018, p. 3, n° 111k0, obs. S. Piédelièvre ; JCP E, 2018, 1371, note G. Poissonnier ; Contrats, conc. consom., 2018, comm. 123, obs. S. B.-D. ; Banque et droit, juillet-août 2018, p. 11, obs. S. Gjidara-Decaix ; LPA, 27 novembre 2018, n° 227, p. 3, obs. J. Lasserre Capdeville ; JCP G, 2018, n° 47, 1596, n° 18, obs. N. Mathey ; D., 2018, p. 2106, obs. D.-R. Martin ; Gaz. Pal., 12 juin 2018, n° 21, p. 60, obs. M. Roussille.

[35] J. Lasserre Capdeville, Un prêt personnel ne saurait être qualifié par le prêteur de crédit renouvelable. Retour sur un avis de la Cour de cassation remarqué, Lexbase Affaires, novembre 2020, n° 654 (N° Lexbase : N5201BYB) ; G. Poissonnier, Crédit à la consommation : les modèles hybrides à la casse, D., 2018, p. 1266. V. par ex., récemment, CA Douai, 20 mai 2021, n° 19/01294 (N° Lexbase : A36394SL).

[36] Selon nous, le client perd également, et surtout, le bénéfice des obligations pesant sur le banquier au cours de la période précontractuelle du crédit à la consommation.

[37] Selon ce dernier : « Lorsqu'une carte de paiement émise par un établissement de crédit est associée soit à un compte de dépôt et à un crédit renouvelable, soit à un compte de paiement et à un crédit renouvelable, l'utilisation du crédit résulte de l'accord exprès du consommateur exprimé lors du paiement avec la carte ou dans un délai raisonnable, à réception de l'état actualisé de l'exécution du contrat de crédit prévu à l'article L. 312-71 (N° Lexbase : L9585LG4) ».

[38] Cette situation ne concerne pas l’hypothèse légale prévue à l’article L. 312-76 du Code de la consommation (N° Lexbase : L9583LGZ). Selon ce dernier, « le prêteur peut réduire le montant total du crédit, suspendre le droit d'utilisation du crédit par l'emprunteur ou ne pas proposer la reconduction du contrat lorsque les éléments recueillis en application des dispositions de l'article L. 312-75 (N° Lexbase : L1287K7S) le justifient ou, à tout moment, s'il dispose d'informations démontrant une diminution de la solvabilité de l'emprunteur telle qu'elle avait pu être appréciée lors de la conclusion du contrat. Il en informe préalablement l'emprunteur sur support papier ou sur un autre support durable ».

[39] Cass. avis, 28 novembre 2016, n° 16011 (N° Lexbase : A8724SNG), LEDB, janvier 2017, p. 1, n° 110e6, obs. N. Mathey ; AJ Contrat, 2017, n° 1, p. 29, note J. Lasserre Capdeville ; JCP E, 2017, 1065, note G. Poissonnier ; Gaz. Pal., 21 février 2017, p. 68, obs. M. Bourassin.

[40] Elles ont ainsi pour objet ou pour effet de supprimer le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations.

[41] Ces clauses ont pour effet de laisser indûment croire au consommateur qu’il ne bénéficie pas lui-même d’un tel droit de résolution.

[42] Elles ont pour objet ou pour effet de de priver le consommateur de tout recours contre le bailleur même dans l’hypothèse où le vice ou le défaut de conformité aurait pour origine en tout ou partie une faute de celui-ci.

[43] Elles ont ainsi pour effet de priver le locataire de toute action résolutoire lorsque les vices ou défaut de la chose louée en empêchent l’usage. En outre, en privant le locataire du droit d’exercer l’action indemnitaire prévue à l’article 1721 du Code civil (N° Lexbase : L1843ABU), ces clauses ont pour effet de placer le consommateur dans une situation juridique moins favorable que celle prévue par le droit national 

[44] Elles ont donc pour objet ou pour effet de laisser croire au consommateur qu’il ne peut solliciter du juge, en application des dispositions de l’article L. 312-55, alinéa 1er, du Code de la consommation (N° Lexbase : L1307K7K), une suspension de cette obligation.

[45] Ces clauses obligent alors le locataire à supporter une pénalité, hors de toute faute.

[46] Elles ont pour objet ou pour effet de priver le consommateur des indemnités réparant le dommage personnel qu’il peut avoir subi

[47] Elles ont pour effet de placer le consommateur dans une situation juridique moins favorable que celle prévue par les dispositions supplétives des articles 1196, alinéa 3 (N° Lexbase : L0908KZN), et 1722 du Code civil.

[48] Elles ont ainsi pour objet ou pour effet de mettre à la charge du locataire le coût financier d’une police d’assurance couvrant un risque de perte devant être supporté par le bailleur.

[49] Elles ont pour objet ou pour effet de supprimer le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations.

[50] Ces clauses créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en défaveur du consommateur, dès lors qu’elles ont pour objet ou pour effet de placer le consommateur dans une situation moins favorable que celle prévue par les dispositions supplétives de l’article 1722 du Code civil.

[51] Ici encore, ces clauses ont pour objet ou pour effet de le placer dans une situation moins favorable que celle prévue par les dispositions supplétives de l’article 1722 du Code civil ; elles sont abusives.

[52] Ces clauses ont pour objet ou pour effet de mettre à la charge du consommateur une obligation de paiement sans contrepartie.

[53] Pour la CCA, ces clauses ont pour objet ou pour effet de faire dépendre du seul choix du bailleur le montant des sommes engagées à ce titre par le consommateur.

[54] Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.169, F-P+B+I (N° Lexbase : A0774KCN), RTD com., 2013, p. 799, obs. B. Bouloc ; Contrats, conc. consom., 2013, comm. 170, obs. G. Raymond ; Defrénois 2013n 781, obs. J.-B. Seube ; RDC, 2013, p. 960, obs. N. Sauphanor-Brouillaud.

[55] G. Poissonnier, Clauses abusives dans les contrats de crédit à la consommation : vers une modification en profondeur des offres proposées ?, Contrats, conc. consom., juillet 2021, alerte 26.

[56] BOCC, 20 septembre 2005.

[57] Cass. civ. 1, 9 septembre 2020, n° 19-14.934, FS-P+B (N° Lexbase : A55083T8), D., 2020, p. 2219, note J. Lasserre Capdeville ; LEDB, novembre 2020, p. 1, obs. S. Piédelièvre ; G. Biardeaud, Lexbase Affaires, octobre 2020, n° 649 (N° Lexbase : N4681BYZ).

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Collectivités territoriales

[Focus] Les modalités de contestation d’un arrêté municipal

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N8337BYG

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par Max Boiron Bertrand, Avocat au barreau de Lyon

Le 19 Juillet 2021

 


Mots clés : pouvoirs de police • contestation • arrêtés municipaux

Les maires des communes littorales sont amenés, surtout pendant la période estivale qui entraîne un afflux de touristes, à réglementer les activités des entreprises de loisirs profitant de cette manne tout en participant à l'animation des centres-villes et des bords de plages. Cet encadrement implique nécessairement une restriction du champ d'action de ces entreprises, lesquelles peuvent être amenées à contester les décisions de l'édile qu'elles trouveraient injustifiées.


 

Durant la période estivale, on peut assister à une singulière migration depuis près d’un siècle. Les villes des côtes françaises se remplissent de ces vacanciers qui viennent s’y délasser. L’espace de quelques semaines où « le temps dure longtemps », la vie locale change.

Dans ce contexte particulier, les maires des communes touristiques sont en première ligne pour canaliser l’afflux massif d’une population pérégrine. Ils sont alors souvent amenés à encadrer un peu plus strictement le quotidien en prévoyant des règles spécifiques concernant le bruit, les tenues vestimentaires, la pratique de certains loisirs, etc. Ils disposent à cette fin d’un pouvoir de police administrative qui leur permet de prendre de nombreuses mesures destinées à prévenir toute atteinte (à l’ordre public, à la sécurité, à la salubrité). L’édiction de ces mesures crée régulièrement des polémiques saisonnières : on se souvient notamment des arrêtés « anti-burkinis » [1] ou encore des récurrents arrêtés « anti-mendicité » [2]. Plus localement, certaines décisions encadrant la pratique de loisirs, en particulier sur les plages, peuvent également générer certains remous.

On peut ainsi relever une récente décision prise par le maire de la commune de La Tremblade (Charente-Maritime) pour interdire la pratique des « activités cyclables » (sic) sur les plages de la commune. Cet arrêté du 14 juin 2021 est notamment justifié, selon l’édile, par la dangerosité que représente la circulation des vélos sur les plages, et plus particulièrement les « fatbike » (vélos aux pneus plus épais permettant de rouler sur le sable et pouvant être équipés d’une assistance électrique).

Une entreprise locale de location de vélos s’estime particulièrement touchée par cette décision, dans la mesure où les vélos qu’elle loue sont essentiellement destinés à rouler sur le sable. Comme beaucoup d’entreprises mises en difficulté par des restrictions estivales, elle pourrait s’interroger sur la légalité de l’arrêté litigieux (I), et même envisager une ou plusieurs actions contentieuses (II).

I. La légalité des mesures de police

Il convient tout d’abord d’identifier clairement la nature de l’acte en cause, afin de pouvoir lui faire correspondre un régime juridique. Ensuite, il s’agira d’analyser les conditions de légalité d’un tel acte, qui se décomposent classiquement en deux volets : sa légalité externe et sa légalité interne.

A. L'identification préliminaire de la nature de l’acte en cause

Avant d’entrer dans l’analyse à proprement parler de l’arrêté en question, il convient de le qualifier avec justesse. En effet, les actes de police administrative obéissent à un régime particulier. L’arrêté en cause semble pouvoir concilier deux objectifs : d’une part, la préservation des dunes, de la faune et de la flore du milieu dunaire, et d’autre part, la prévention de toute atteinte à la sécurité et la tranquillité publique. On pourrait alors se demander si cette décision constitue un simple acte de préservation d’un bien du domaine communal (les dunes), ou bien un acte de police. Dans le cas d’espèce, bien que le maire invoque la « nécessité de protéger le littoral » et la faune et la flore dunaire, il souligne que cet arrêté a été pris dans le but « d’assurer la sécurité des différents usagers de la mer et des lieux de baignade ». La préservation du milieu dunaire et de son biotope apparaît donc secondaire : le principal objet de cette décision est d’encadrer la pratique d’activités cyclables dans certains secteurs, notamment en période d’affluence. La décision litigieuse semble donc constituer, non pas un simple acte de gestion du domaine communal, mais bien une mesure de police [3]. À ce titre, elle est soumise à certaines conditions de légalité.

B. La légalité externe de la mesure de police : la compétence de son auteur, sa forme et la procédure préalable

Les mesures de police sont des actes administratifs qui doivent respecter certaines conditions de légalité qui tiennent non pas au contenu de l’acte, mais aux conditions de sa formation, à savoir la compétence de son auteur, sa forme et la procédure qui doit être suivie préalablement à leur édiction. En général, les questions de la compétence de l’auteur de la mesure et de la procédure qui a mené à sa formation posent peu de problèmes. La forme de l’acte peut en revanche être plus facilement critiquée.

1) Sur les questions de la compétence de l’auteur de l’acte et de la procédure menant à sa formation

En premier lieu, maire détient de nombreuses compétences en tant qu’autorité de police administrative. Il tire l’essentiel de ses pouvoirs du Code général des collectivités territoriales, et notamment de ses articles L. 2212-2 (N° Lexbase : L0892I78) et suivants. Sa compétence est limitée par celle des autres autorités de police : un certain domaine peut lui échapper car il est matériellement attribué à une autre autorité (par exemple, les conditions d’utilisation du glyphosate [4]), ou parce que sa compétence rencontre ses limites géographiques (un maire n’est en principe pas compétent sur le territoire d’une autre commune). Plusieurs édiles de communes limitrophes peuvent tout à fait harmoniser les mesures qu’ils prennent, notamment pour la règlementation de la circulation [5]. Ce point pose en général peu de difficultés.

En second lieu, il arrive qu’avant de prendre certains actes de police, l’autorité compétente doive suivre une certaine procédure prévue par les textes. Par exemple, la dissolution d’une association de supporters nécessite la saisine d’une commission spécifique pour avis [6]. Ce cas de figure est assez rare et bien souvent, le maire n’a pas à suivre de procédure particulière préalablement à l’édiction d’un arrêté. Dans l’hypothèse où la décision qu’il prend n’est pas une décision individuelle (qui concerne une personne en particulier) mais qu’elle est une décision règlementaire (comme c’est le cas en l’espèce), le maire n’est notamment pas soumis au respect du contradictoire [7].

En ce qui concerne l’arrêté étudié qui règlemente l’usage des vélos sur le territoire de la commune de La Tremblade, la compétence de l’auteur ne semble poser aucun problème. Cet arrêté est en effet signé du maire qui, a priori, dispose bien de la compétence nécessaire à la prise d’une telle décision. Il ne semble pas qu’une procédure particulière aurait dû être suivie préalablement à la décision du maire de la commune.

2) Sur la motivation de l’arrêté

Le Code des relations entre le public et l’administration pose une obligation de motivation des décisions individuelles défavorables dont font partie les mesures de police[8]. À ce titre, l’administration doit mettre l’intéressé à même de comprendre les raisons de fait et de droit qui fondent sa décision. En revanche, sans texte spécifique l’imposant, les décisions règlementaires ne sont en principe pas concernées par l’obligation de motivation. Seules quelques exceptions sont concernées, telles que les mesures de police de la circulation et du stationnement.

L’article L. 2213-4 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3143LUX) prévoit notamment que « le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès […] de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation […] dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, […] soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels ». Il impose donc une obligation de motivation au maire qui réglemente l’accès de certains secteurs aux véhicules. La cour administrative d’appel de Versailles a rendu un arrêt intéressant à ce sujet, dans lequel elle a jugé qu’un arrêté municipal était insuffisamment motivé car ses dispositions « visent le Code général de collectivités territoriales [a priori sans viser spécifiquement les articles concernés] et si le maire a mentionné qu'il y avait lieu de modifier la réglementation de la circulation automobile » [9].

En l’espèce, l’arrêté du maire de La Tremblade semble au moins pour partie soumis à une obligation de motivation, en ce qu’il prohibe l’accès de certains secteurs aux véhicules [10]. La décision litigieuse fait référence assurément aux considérations de fait qui ont motivé cette décision. Elle pourrait donc sembler motivée en fait, bien qu’il ne soit pas clairement expliqué dans quelle mesure les activités interdites portent atteinte à la sécurité des usagers. En revanche, l’arrêté en question ne fait pas référence au Code pénal et au Code général des collectivités territoriales dans ses visas. On peut donc s’interroger sérieusement sur le caractère suffisant de la motivation de cette décision. Si la jurisprudence n’est pas absolument tranchée sur ce point, on retrouve toutefois des arrêts qui ont censuré des décisions administratives qui ne faisaient référence qu’à une législation en général, sans indiquer les dispositions qui étaient appliquées [11]. La motivation de l’arrêté litigieux semble donc critiquable sur ce point.

C. La légalité interne de la mesure de police : son contenu

Il convient d’envisager les principales critiques qui peuvent être formulées contre des décisions de police administrative qui ont pour objet l’encadrement de la pratique d’une activité sur le territoire d’une commune. Il s’agira notamment du détournement de pouvoir, de l’erreur dans la qualification matérielle des faits et de la disproportion de la mesure.

Tout d’abord, le maire ne peut faire usage de ses pouvoirs de police dans un but autre que celui dans lequel ils lui ont été conférés : le cas échéant, son acte serait entaché d’un détournement de pouvoir. À titre d’exemple, le juge a déjà sanctionné un arrêté restreignant le commerce ambulant qui était en fait motivé par la volonté de protéger les commerçants de la localité [12]. Un tel vice est en général difficile à prouver (a fortiori quand on entend soutenir que l’administration a « déguisé » sa décision pour lui donner une apparence de légalité, en cachant sa volonté réelle qui serait moins avouable).

Ensuite, l’administration ne doit naturellement pas avoir commis d’erreur dans la qualification matérielle des faits. Ainsi, est illégal l’arrêté d’un maire qui interdit le stationnement dans une partie de la chaussée sur sa commune en se fondant sur la nécessité, d'une part, d'assurer le bon ordre et de prévenir tout accident et, d'autre part, de préserver le caractère environnemental du site, alors que le stationnement de véhicules ne présente aucune gêne, aucun danger, ou aucune menace pour l’environnement [13].

Enfin, une mesure de police restreint la liberté. Partant, elle doit être « adaptée, nécessaire et proportionnée » [14] pour assurer l’objectif de maintien de l’ordre public. Au titre de la proportionnalité, la mesure de police ne doit pas créer d’interdiction générale et absolue et être adaptée au but poursuivi. Une mesure disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi pourra être annulée. À titre d’exemple, le juge administratif a annulé une décision de maintien de barrières métalliques au milieu d’une rue, dont la manipulation est difficile pour laisser les riverains accéder à leur propriété, en jugeant que cette mesure est disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi [15]. Au contraire, il a estimé qu’un arrêté par lequel le maire d’une commune a interdit la pratique de randonnées équestres sur une partie des plages de sa commune n’était pas disproportionné au regard de l’objectif de sécurité et de tranquillité poursuivi. Il a estimé que cette décision ne portait pas une atteinte excessive au principe de liberté de commerce et d’industrie [16].

En l’espèce, la légalité interne de l’arrêté municipal en question pourrait être discutée.

1. Il n’apparaît pas pertinent de se prononcer sur un éventuel détournement dont serait entachée une décision administrative en la commentant ex nihilo ;

2. Au titre de l’erreur dans la qualification matérielle des faits, on pourrait certainement discuter la réalité de l’existence de risques pour la faune et la flore du milieu dunaire induits par la pratique du vélo ou de la trottinette. De prime abord, ces activités n’apparaissent en effet pas en elles-mêmes représenter un danger. Au demeurant, l’arrêté litigieux indique que « le piétinement déstabilise le sable et détruit la végétation », ce qui semble dénué de lien avec les « activités cyclables » (sauf à considérer que les cyclistes descendent les dunes en vélo, et les remontent en piétinant le sable).

3. Le point central de la discussion de la légalité de cet arrêté serait probablement la proportionnalité des mesures qu’il contient. En effet, on pourrait relever pêle-mêle que :

- cet arrêté prévoit une interdiction générale d’accès et de circulation sur les dunes et ses abords (qui ne sont, au demeurant, imprécisément définis [17]) ;

- que les secteurs dont l’accès est restreint sont également imprécisément définis [18] ;

- que les mesures prises sont disproportionnées, en ce qu’elles concernent de nombreux moyens de déplacement (pas uniquement ceux qui permettent de se déplacer sur l’estran), et que d’autres mesures moins restrictives étaient peut-être à envisager.

Ces arguments pourraient servir de base à une ou plusieurs actions contentieuses.

II. Les actions contentieuses envisageables

Une personne qui est affectée par une mesure de police peut envisager de la contester pour obtenir sa disparition.

Tout d’abord, elle peut demander à l’administration de retirer ou d’abroger son acte. Si le maire retire ou abroge un acte règlementaire illégal, rien ne l’empêche en principe de prendre un nouvel acte purgé de toute illégalité. Ce type de démarche peut permettre d’obtenir des résultats rapides et très satisfaisants s’il existe un excellent contact entre les élus et les demandeurs. En revanche, son issue est incertaine et il apparaît souvent préférable de privilégier la voie contentieuse, qui peut être plus rapide et qui est mieux cadrée.

Ainsi, il convient envisager l’introduction d’un ou plusieurs recours contentieux contre cette décision.

En premier lieu, la procédure contentieuse « normale » est le recours en annulation qui permet d’obtenir la disparition rétroactive de la décision visée (son annulation juridictionnelle). Un recours doit être introduit dans un délai de deux mois suivant la publication de l’arrêté en cause. Cette procédure appelée procédure « au fond » est assez longue : l’audience n’intervient en général pas avant au moins un an, et durant ce délai, la décision litigieuse continue à produire ses effets.

En deuxième lieu, il apparaît souvent nécessaire d’introduire un recours d’urgence en parallèle : il s’agit des référés. Deux procédures sont à envisager (de façon alternative ou conjointe) : le « référé-suspension » et le « référé-liberté ». Ces deux recours peuvent permettre d’obtenir la suspension de la décision litigieuse (elle ne produit plus d’effets jusqu’à l’intervention du jugement du recours en annulation). Il faut pouvoir démontrer l’existence d’une urgence pour que le juge ordonne la suspension de la décision (ou toute autre mesure, pour le « référé-liberté »). En référé-suspension, le juge suspendra la mesure contestée s’il existe un « doute sérieux » quant à la légalité de la décision contestée. En référé-liberté, il pourra ordonner sa suspension si elle porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, comme la liberté du commerce et de l’industrie [19]. Le référé-suspension est en général audiencé sous deux ou trois semaines quand, en référé-liberté, le juge se prononce sous 48 heures.

En troisième lieu, l’édiction d’une mesure de police peut engager la responsabilité de l’administration. Tout d’abord, si sa décision est illégale, il pourra être retenu qu’elle a commis une faute. Une personne qui a subi un préjudice du fait de l’illégalité fautive d’une mesure de police administrative pourra alors demander l’indemnisation de son préjudice. Une personne qui a subi un préjudice anormal et spécial du fait d’une mesure de police légale pourra également chercher à obtenir l’indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité sans faute. Par exemple, l’interdiction de circulation de certains véhicules ayant entrainé le tarissement de la clientèle d’un relais routier a justifié l’indemnisation de son exploitant [20].

En l’espèce, le maire de la commune de La Tremblade a pris un arrêté qui règlemente la pratique des « activités cyclables » sur les plages de la commune (et interdit l’accès et la circulation sur les dunes et leurs abords). Cet arrêté semble porter préjudice à un loueur de vélo installé sur le territoire de la commune.

Ce dernier, s’il estime que la mesure de police litigieuse est illégale, peut en demander l’abrogation ou le retrait au maire. Cette démarche présentant certaines limites (et le maire ne semblant pas disposé à faire droit à sa demande), il semble préférable pour lui d’attaquer directement cet arrêté devant le tribunal administratif de Poitiers. Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter de la publication de la décision litigieuse. L’arrêté en question ayant été affiché le 16 juin 2021, le loueur pourrait donc introduire un recours en annulation jusqu’au 17 août 2021. Il ne lui est toutefois pas conseillé d’attendre l’échéance de la fin du délai de recours contentieux s’il souhaite obtenir la censure de cette décision au plus vite. S’il souhaite sauver une partie du chiffre d’affaires de sa saison estivale, il devra a priori doubler son recours en annulation d’un référé. Suivant l’urgence de sa situation et l’issue d’une première analyse de la légalité de la décision, il lui sera conseillé d’introduire un référé-suspension ou un référé-liberté. Il faudra, dans ce cadre, qu’il démontre au moins l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse (en référé liberté). Son argumentation devra être particulièrement poussée sur la légalité interne de la décision (proportionnalité et exactitude matérielle des faits). En effet, si la décision est suspendue pour une question de légalité externe – par exemple, ici, la motivation de l’arrêté litigieux semble discutable – l’administration pourra toujours retirer sa décision et en prendre une nouvelle.

Illustration de la procédure contentieuse

 

[1] CE, référé, 26 août 2016, n° 402742, 402777 (N° Lexbase : A6904RYD).

[2] Voir notamment CE, 9 juillet 2003, n° 229618, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1932C9G).

[3] Voir en ce sens, CE, 11 décembre 2008, n° 307084 (N° Lexbase : A7041EBE), sur l’interdiction de la pratique de sports en eaux vives sur certaines parcelles du domaines communal, prise pour le maintien de la tranquillité publique

[4] CE, 31 décembre 2020, n° 439253, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A35294BC).

[5] Voir par exemple CAA Nantes, 8 décembre 2017, n° 16NT00395 (N° Lexbase : A1853W7R), concernant des arrêtés du maire du Mont-Saint-Michel réglementant la circulation et le stationnement dans l'agglomération, sur la digue-route, le pont-passerelle et l'esplanade.

[6] C. sport, art. L. 332-18 (N° Lexbase : L7805LPR) et R. 332-10 (N° Lexbase : L8544HZH).

[7] Voir CAA Lyon, 27 mai 2021, n° 19LY01149 (N° Lexbase : A87134WM), concernant un arrêté interdisant le stationnement de véhicules sur certaines parcelles.

[8] CRPA, art. L. 211-2 (N° Lexbase : L1815KNK).

[9] CAA Versailles, 25 novembre 2004, n° 02VE00419 (N° Lexbase : A7991D9T).

[10] Il pourra exister une réelle interrogation sur la notion de véhicule, et de l’application de la notion de piéton entendue selon les dispositions du II de l’article R. 412-34 du Code de la route (N° Lexbase : L0795LTM).

[11] En creux, l’arrêt de la CAA de Versailles précité semble aller dans ce sens. Voir aussi CAA Lyon, 1er mars 1994, n° 93LY01724 (N° Lexbase : A8448BEM) ; CAA Nancy, 26 juin 2008, n° 07NC01185 (N° Lexbase : A7991D9T) ; CAA Paris, 12 mars 2008, n° 07PA02091 (N° Lexbase : A4781D8L).

[12] CE, 25 janvier 1991, n° 80969, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0953AI7).

[13] CAA Douai, 6 mai 2014, n° 13DA00855 (N° Lexbase : A1584MPD).

[14] CE Ass., 26 octobre 2011, n° 317827, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0171HZD).

[15] CAA Nantes, 19 octobre 2018, n° 17NT02592 (N° Lexbase : A5946YHP).

[16] CE, 31 mars 1999, n° 160880 (N° Lexbase : A4487AXH).

[17] Voir, sur l’imprécision de définition temporelle d’une mesure, CAA Marseille, 21 février 2005, n° 02MA00879 (N° Lexbase : A2324DHK), et sur l’imprécision géographique CAA Nantes, 8 février 2017, n° 15NT01606 (N° Lexbase : A2611TCP).

[18] Voir CAA Nancy, 25 avril 2002, n° 98NC02344 (N° Lexbase : A5375BMZ).

[19] Voir CE, 16 février 2021, n° 449605 (N° Lexbase : A18374HI).

[20] CE, 13 mai 1987, n° 50876, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3731APU).

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] Rétractation de la promesse unilatérale de vente : un revirement rétrospectif !

Réf. : Cass. civ. 3, 23 juin 2021, n° 20-17.554, FS-B (N° Lexbase : A95684WB)

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par Dimitri Houtcieff, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Saclay, Vice-Doyen de la Faculté d'Evry Val d'Essonne, Directeur du Master 2 "Contrats d'affaires et du crédit"

Le 27 Juillet 2021

 


Mots-clés : contrat • promesse unilatérale de vente • avant-contrat • consentement • acceptation • levée d’option • rétractation • ordonnance du 10 février 2016

Dans une promesse unilatérale de vente conclue antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, le promettant s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat : dès lors, la rétractation du promettant ne constitue pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente, les consentements des parties se rencontrant lors de la levée de l’option par le bénéficiaire.


 

1. Les revirements de jurisprudence sont par nature rétroactifs : ils s’appliquent à des faits qui leur sont antérieurs. La Cour régulatrice ne s’y résout dès lors qu’avec précaution : cet arrêt rendu le 23 juin 2021 est ainsi d’autant plus surprenant que la troisième chambre civile revient, non seulement sur une jurisprudence que l’on pouvait croire définitivement acquise, mais sur une solution qu’elle avait elle-même réaffirmée quelques mois plus tôt, et dans la même affaire [1].

2. Une promesse de vente d’immeuble avait été consentie le 1er avril 1999. Il y était convenu que l’option ne pourrait être levée avant le décès du précédent propriétaire de l’immeuble, qui s’était réservé un droit viager d’usage et d’habitation. Le promettant rétracta sa promesse peu avant ce décès : le bénéficiaire leva malgré tout l’option avant d’assigner le promettant en réalisation de la vente. La cour d’appel de Grenoble accueillit sa demande, estimant que le promettant avait donné son consentement à la vente sans restriction et qu’il ne pouvait dès lors se rétracter, l’acceptation de la promesse par le bénéficiaire ayant eu pour effet de rendre la vente parfaite. La troisième chambre civile censura cette décision par un arrêt du 6 décembre 2018, affirmant qu’ « en statuant ainsi, alors que, la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forcée de la vente ne [pouvait] être ordonnée », la cour d’appel avait violé les anciens articles 1101 et 1134 du Code civil [2]. L’affaire fut renvoyée devant la cour d’appel de Lyon, qui refusa de s’incliner : estimant qu’une « promesse unilatérale de vente contient l’engagement du promettant de vendre son bien et donne donc par avance son consentement au futur contrat de vente dans l’hypothèse où le bénéficiaire manifesterait à son tour sa volonté d’acquérir », elle déclara la vente parfaite. Le promettant se pourvut à nouveau en cassation. La troisième chambre civile rejette cette fois le pourvoi, au motif, notamment, que le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente «  s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire » : dès lors, la cour d’appel a « retenu à bon droit que la rétractation du promettant ne constituait pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente, [et] en a exactement déduit que, les consentements des parties s’étant rencontrés lors de la levée de l’option par les bénéficiaires, la vente était parfaite ».

3. Cette décision prend le contrepied d’une jurisprudence qui paraissait solidement établie (I). Si elle aplanit les différences entre les solutions antérieures et postérieures  à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, elle demeure cependant légèrement en contrepoint des dispositions de l’article 1124 du Code civil (N° Lexbase : L0826KZM), dans la mesure où elle s’appuie de manière surprenante sur l’exécution forcée de l’obligation du promettant (II).

I. Contrepied

4. La motivation enrichie à laquelle recourt cette décision est particulièrement bienvenue : le revirement est si inattendu (A) qu’il mérite bien une explication (B).

A. Le revirement

5. L’arrêt rapporté revient sur une jurisprudence aussi constante que critiquée, selon laquelle, l’obligation du promettant ne constituant qu’une obligation de faire consistant à maintenir l’offre, la levée d’option postérieure à la rétractation excluait toute rencontre des volontés réciproques [3]. Quoiqu’elle ait eu d’éminents partisans [4], cette solution paraissait en effet discutable. Sur un plan pratique, d’abord, le bénéficiaire préfère bien souvent obtenir la prestation promise plutôt que de simples dommages-intérêts. Sur un plan théorique ensuite, le raisonnement adopté par la Cour régulatrice pouvait également être contesté. S’appuyant sur la lettre de l’ancien article 1142 du Code civil [5] (N° Lexbase : L1242ABM), la Cour régulatrice avait d’abord affirmé que l’obligation de faire ne pouvait se résoudre autrement qu’en dommages et intérêts, écartant donc systématiquement l’exécution en nature. Cette justification n’était pas admissible. Au-delà de la formule trompeuse de l’ancien article 1142, il est admis depuis longtemps que seules les obligations de faire impliquant la personnalité du débiteur se résolvent nécessairement en dommages et intérêts [6] : si l’on ne peut par exemple forcer un artiste à peindre le portrait qu’il a promis, rien n’interdit en revanche de poursuivre l’exécution forcée de l’obligation de livraison du tableau achevé. L’explication était si peu convaincante que la Cour de cassation elle-même finit par la délaisser.

6. Plutôt que d’évoquer l’obligation de faire du promettant, les arrêts les plus récents – au nombre desquels le premier rendu dans cette affaire par la troisième chambre civile –  préféraient affirmer que la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, déduisant de cette proposition que la réalisation forcée de la vente ne pouvait dès lors être ordonnée [7]. Cette explication n’était à la vérité pas beaucoup plus convaincante. Le promettant ayant donné son consentement à la convention définitive, ne méconnaissait-il pas la force obligatoire de son propre engagement en se rétractant [8] ?

7. Malgré les critiques, et au-delà de quelques décisions ayant parfois laissé espérer un revirement [9],  la jurisprudence n’avait cependant jusqu’à présent jamais varié : au point, ainsi qu’on l’a dit, que la troisième chambre civile l’avait réaffirmée à l’occasion de la première décision rendue dans cette même affaire.  Sa position pouvait d’ailleurs se comprendre : après tout, les promesses unilatérales de contrats conclues avant le 1er octobre 2016 ont vocation à disparaître à mesure que le temps passe. Il pouvait donc paraître inutile de surprendre les contractants et d’inquiéter la pratique en revenant sur une solution que la Cour de cassation avait maintenue jusque-là contre vents et marées. Le revirement finalement consommé par cette décision surprend donc d’autant plus. S’il est vrai que nul n’a droit à une jurisprudence figée [10], la brusquerie de ce changement de pied paraît susceptible de décevoir quelques attentes légitimes. Aussi comprend-on que la Cour régulatrice ait recouru à la motivation enrichie pour en donner l’explication.

B. L’explication

8. Le revirement opéré explique que la troisième Chambre civile ait eu recours à la technique de la motivation dite « enrichie » [11] : plutôt que de se réduire à l’énoncé d’un syllogisme, l’arrêt énonce explicitement les arcanes de son propre raisonnement afin de rendre la décision mieux compréhensible et d’en faciliter la réception. La motivation retenue suscite cependant elle-même un peu d’étonnement. L’on aurait en effet pu s’attendre à ce que la troisième chambre civile s’appuie sur l’évolution du droit des obligations résultat de l’ordonnance du 10 février 2016, ainsi qu’elle l’a fait à plusieurs reprises depuis l’entrée en vigueur de la réforme [12]. Ce raisonnement aurait été d’autant moins surprenant qu’il a été admis à propos des promesses d’embauche par la Chambre sociale de la Cour de cassation [13]. Certes, la solution admise par le droit nouveau ne porte que sur la rétractation intervenue « pendant le temps laissé au bénéficiaire pour lever l’option », alors qu’en l’espèce la rétractation était intervenue avant que le bénéficiaire ne soit en mesure d’exercer l’option. Cette considération n’était cependant pas décisive : après tout, il ne s’agissait pas de faire une application anticipée de l’article 1124 du Code civil (N° Lexbase : L0826KZM) à un contrat antérieur à la réforme [14], mais d’interpréter le droit ancien à la lumière des évolutions résultant de la réforme du droit des obligations. La troisième chambre civile a pourtant préféré faire mine de s’en tenir à la seule considération du droit antérieur.

9. Ainsi, selon cette décision, « à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire et à la date duquel s'apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s'agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien ». La motivation est un tantinet hors sujet : à quoi bon évoquer la capacité du promettant ou le pouvoir de disposer de son bien ? L’on aurait cependant pu s’attendre à ce que la décision se poursuive en déduisant de la qualification d’avant-contrat la force obligatoire de la promesse : c’est pourtant un autre chemin qui est emprunté.  La Cour régulatrice affirme en effet que « par ailleurs, en application de l'article 1142 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l'exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible (1re Civ., 16 janvier 2007, pourvoi n° 06-13.983, Bull. 2007, I, n° 19) ». Restituant ainsi « in extremis »[15] sa véritable portée à l’article 1142 du Code civil, la troisième chambre civile en déduit qu’il « convient dès lors d’apprécier différemment la portée juridique de l’engagement du promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente et de retenir qu’il s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire ».  Considérant « que la rétractation du promettant ne constituait pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente », la Cour régulatrice approuve donc finalement la cour d’appel d’en avoir « exactement déduit que, les consentements des parties s’étant rencontrés lors de la levée de l’option par les bénéficiaires, la vente était parfaite ».  Cette décision rapproche ainsi le droit applicable aux promesses unilatérales conclues antérieurement à la réforme des dispositions de l’article 1124 du Code civil. Encore la solution admise paraît-elle toutefois légèrement en contrepoint, dans la mesure où elle ne semble pas reposer tout à fait sur les mêmes présupposés.

II. Contrepoint

10. L’évocation de l’exécution forcée plutôt que de la force obligatoire du contrat pour fonder cette décision a sa part d’inattendu : sans doute s’est-il agi de tourner définitivement la page de la jurisprudence d’hier (A). En admettant l’efficacité des clauses interdisant l’exécution forcée, cet arrêt ne sera cependant sans doute pas sans conséquences sur les promesses postérieures à la réforme (B).

A. Promesses d’hier

11. Le détour par l’exécution forcée semble atténuer la portée du revirement. Quand l’article 1124 du Code civil ne s’embarrasse d’aucune précaution particulière en affirmant que la révocation « n’empêche pas la formation du contrat », l’arrêt commenté n’évoque que la faculté de poursuivre l’exécution forcée « lorsque celle-ci est possible », prenant soin de relever que la rétractation du promettant ne constituait pas une « circonstance propre à empêcher la formation de la vente ». Certes, ces considérations ne déparent pas avec le nouvel article 1221 du Code civil (N° Lexbase : L1985LKQ), qui affirme depuis la réforme que « le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature, sauf si cette exécution est impossible (…) ». Elles introduisent cependant une certaine ambiguïté : comme si la Cour régulatrice hésitait à admettre tout à fait les conséquences de la force obligatoire de la promesse unilatérale, en préférant se placer sur le terrain mouvant de l’exécution forcée de l’obligation du promettant plutôt que sur celui de l’effet obligatoire de la promesse.

12. L’équivoque ne devrait cependant pas avoir de conséquences. Certes, cette décision laisse en théorie entrevoir quelques hypothèses d’inefficacité de la promesse unilatérale malgré la levée de l’option. Ainsi qu’on l’a relevé, les règles de la publicité foncière pourraient parfois conduire à résoudre le conflit entre acquéreurs au détriment des bénéficiaires de promesses unilatérales de vente [16]. Pour autant, non seulement ces hypothèses ne sont pas si nombreuses, mais elles reposent sur l’interprétation de la notion d’ « exécution impossible » que fera en cette matière la jurisprudence, laquelle pourrait bien être particulièrement rigoureuse. Surtout, il n’est pas certain qu’un tel contentieux prospère : non seulement les promesses conclues avant le 1er octobre 2016 se raréfient avec le temps, mais cette décision autorise expressément les parties à exclure conventionnellement l’exécution forcée. Somme toute, le détour par cette dernière notion a principalement vocation à enterrer définitivement, non seulement la jurisprudence passée, mais aussi l’idée suivant laquelle l’obligation de faire ne se résout qu’en dommages-intérêts. L’on aurait cependant tort de croire que cet arrêt n’aura aucune incidence sur les contrats postérieurs à l’entrée en vigueur de la réforme.  

B. Promesses d’aujourd’hui

13. Cet arrêt mérite aussi d’être retenu en ce qu’il admet l’efficacité des clauses écartant l’exécution forcée en cas de rétractation fautive du promettant.  Sous l’empire de la jurisprudence à laquelle cette décision met fin, la question se posait à rebours : la pratique avait en effet tenté de restituer à la promesse unilatérale sa force obligatoire en stipulant des clauses « d’exécution en nature », selon lesquelles le promettant demeurait tenu de conclure la convention définitive même en cas de rétractation. L’admissibilité de ces clauses n’a jamais été tout à fait clairement admise. Certes, une décision avait laissé entendre que «  les parties à une promesse unilatérale de vente étaient libres de convenir que le défaut d’exécution par le promettant de son engagement de vendre pouvait se résoudre en nature par la constatation judiciaire de la vente »[17]. L’arrêt était cependant lié aux circonstances de l’espèce et n’avait pas été publié, ce qui laissait planer quelques doutes quant à sa portée. Si le revirement opéré par cet arrêt dispense désormais de s’interroger sur l’efficacité de  la clause d’exécution en nature pour les promesses antérieures à la réforme, la question aurait pu se poser de l’admissibilité des stipulations qui l’interdisent : la précision selon laquelle le promettant s’oblige définitivement sans possibilité de rétractation « sauf stipulation contraire » est dès lors opportune. Reste à savoir si elle vaut aussi pour les promesses conclues après le 1er octobre 2016.

14. Si la portée de la décision rapportée ici ne vaut théoriquement que pour les contrats antérieurs à la réforme, l’on peut penser que la solution retentira aussi sur les promesses unilatérales conclues postérieurement à son entrée en vigueur. Il serait en effet surprenant que la Cour régulatrice se refuse à admettre par exception ce qu’elle imposait par principe, pour peu que les parties conviennent d’encadrer ainsi les effets de la promesse conclue. Le refus de la troisième chambre civile de s’appuyer sur l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance  du 10 février 2016 n’empêchera donc pas l’interprétation du droit nouveau de se faire à l’aune de l’ancien.

 

[1] Cass. civ. 3, 23 juin 2021, n° 20-17.554, Publié au bulletin, JCP 2021, doctr. 787, n° 1, obs. G. Loiseau, JCP N 2021, n°26, 2 juill. 2021, 4, obs. M. Mekki, JCP N 2021, n°27, 1252 note P. Pierre et avis P. Brun.

[2] Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, nos 17-21.170 (N° Lexbase : A7834YPT), AJ Contrat, 2019, p. 94, obs. D. Houtcieff, D., 2019, p. 298, avis P. Brun, D., 2019, p. 300, note M. Mekki, Gaz. Pal., 2019, n° 14, p. 20, obs. D. Houtcieff ; Contrats, conc. consom. 2019, comm. 39, note L. Leveneur ; JCP E 2019, 1109, note D. Mainguy ; JCP G 2019, 418, note N. Molfessis.

[3] Cass. civ. 3, 15 décembre 1993, n° 91-10.199, « Cruz » (N° Lexbase : A4251AGK), JCP G, 1995, II, 22366, D. Mazeaud, D., 1995, somm., p. 88, L. Aynès, RTD civ., 1994, n° 1, p. 588, J. Mestre ; Cass.  civ. 3, 28 octobre 2003, n° 02-14.459, F-D (N° Lexbase : A0064DAM), RDC, 2004, p. 270, D. Mazeaud ; Cass. civ. 3, 25 mars 2009, n° 08-12.237, FS-P+B (N° Lexbase : A2116EE4) ; Cass. civ. 3, 11 mai 2011, n° 10-12.875, (N° Lexbase : A1164HRK) Bull., III, n° 77, D., 2011, p. 1457, D. Mazeaud, Gaz. Pal., 4 août 2011, p. 15, D. Houtcieff ; Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-19.526, F-D (N° Lexbase : A7535HXD) ; Cass. civ. 3, 12 juin 2013, n° 12-19.105, FS-D (N° Lexbase : A5736KGK) ; Cass. com., 14 janvier 2014, n° 12-29.071 (N° Lexbase : A7988KTZ).

[4] M. Fabre-Magnan, L’engagement du promettant – Engagement au contrat préparatoire, RDC, 2012, p. 633 ; D. Mainguy, L’efficacité de la rétractation de la promesse de contracter, RTD civ., 2004, p. 15 et 16 ; J. Schmidt-Szalewski, La force obligatoire à l’épreuve des avant-contrats, RTD civ., 2000, p. 4 et s. Adde  M. Fabre-Magnan, De l’inconstitutionnalité de l’exécution forcée des promesses unilatérales de vente, dernière plaidoirie avant l’adoption du projet de réforme du droit des contrats, D., 2015, p. 826.

[5] Selon cette disposition, « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur ».

[6] L’ancien article 1142 n’était qu’une mauvaise traduction d’un vieil adage selon lequel nul ne peut être contraint à l’accomplissement d’un fait : cet adage lui-même n’a jamais été compris de manière absolue. Pothier écrivait déjà que « cette maxime n’a d’application que lorsque le fait renfermé dans l’obligation est un pur fait de la personne du débiteur, merum factum ; comme lorsque quelqu’un s’est obligé envers moi de me copier mes cahiers ou de me faire un fossé, il est évident que je ne puis le faire écrire ou travailler au fossé malgré lui, et que son obligation, en cas de refus par lui de l’exécuter, doit nécessairement se résoudre en dommages et intérêts » : R.J. Pothier, Traité du contrat de vente, Paris, Béchet, 1824-25, n° 68, p. 300.

[7] Cass.  civ. 3, 11 mai 2011, n° 10-12.875, FS-P+B (N° Lexbase : A1164HRK), Bull., III, n° 77, D., 2011, p. 1457, D. Mazeaud, Gaz. Pal., 4 août 2011, p. 15, D. Houtcieff ; Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-19.526, F-D (N° Lexbase : A7535HXD) ; Cass. civ. 3, 12 juin 2013, n° 12-19.105 (N° Lexbase : A5736KGK) ; Cass. com., 14 janvier 2014, n° 12-29.071, F-D (N° Lexbase : A7988KTZ) ; Cass. civ. 3 , 6 décembre 2018, nos 17-21.170 et 17-21.171, FS-D (N° Lexbase : A7834YPT), AJ Contrat, 2019, p. 94, obs. D. Houtcieff, D., 2019, p. 298, avis P. Brun, D., 2019, p. 300, note M. Mekki, Gaz. Pal., 2019, n° 14, p. 20, obs. D. Houtcieff.

[8] L. Boyer, Les promesses synallagmatiques de vente, contribution à la théorie des avant-contrats, RTD civ., 1949, pp. 1 et s., spéc. p. 26.

[9] Cass. civ. 3, 8 septembre 2010, n° 09-13.345, FS-P+B (N° Lexbase : A9547E84) RTD civ., 2010, p. 778, obs. B. Fages, Gaz. Pal., 4 novembre 2010, p. 14, obs. D. Houtcieff, et Gaz. Pal., 2 décembre 2010, p. 15, 13814, note G. Pignarre, RDC, 2011, p. 153, obs. P. Brun. Voy. aussi, Cass. civ. 3, 6 septembre 2011, n° 10-20.362, F-D (N° Lexbase : A5353HXK), D., 2011, p. 2649 obs. F. Rome, et p. 2838 note C. Grimaldi, Gaz. Pal., 12 janvier 2012, n° 12, p. 17, obs. D. Houtcieff.

[10] Cass. civ. 1, 9 octobre 2001, n° 00-14.564 (N° Lexbase : A2051AWU), D. 2001. 3470, rapp. P. Sargos , note D. Thouvenin, RTD civ. 2002. 176, obs. R. Libchaber, ibid. 507, obs. J. Mestre et B. Fages  ; Cass. civ. 1, 21 mars 2000, n° 98-11.982 (N° Lexbase : A4676ATD), D. 2000. 593 , note C. Atias, RTD civ. 2000. 592, obs. P.-Y. Gautier, ibid. 666, obs. N. Molfessis.

[11] La motivation enrichie n’est en principe utilisée que pour « les revirements de jurisprudence, la réponse à une question juridique de principe, lorsqu’il est répondu à l’évocation de la violation d’un droit ou d’un principe fondamental, lorsqu’est exercé un “contrôle de proportionnalité”, lorsque l’arrêt présente un intérêt pour l’unification de la jurisprudence et le développement du droit, ainsi que pour les questions préjudicielles ». V. Rapport sur la réforme de la Cour de cassation, avril 2017, spéc. p. 152, prop. n° 33.

[12] Cass. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411, publié au Bulletin (N° Lexbase : A8476TNA), AJ Contrat, 2017, n° 2, obs. X. Delpech, n° 4, AJ Dalloz, 2017, n° 4, p. 175, note D. Houtcieff, D., 2017, p. 793, note B. Fauvarque-Cosson, Gaz. Pal., 2017, n° 15, p. 33, obs. D. Houtcieff. Adde, invoquant également « l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance », Cass. civ. 1, 20 septembre 2017, n° 16-12.906, FS-P+B (N° Lexbase : A7608WSL), et la note explicative de la Cour de cassation [en ligne], Lexbase Droit privé, 12 octobre 2017, n° 715, comm., note D. Houtcieff (N° Lexbase : N0576BXM) ; Cass. soc., 21 septembre 2017, deux arrêts, n° 16-20.103 (N° Lexbase : A7544WS9) et n° 16-20.104 (N° Lexbase : A7687WSI),FS-P+B+R+I , D., 2017, p. 2007, note D. Mazeaud, AJCA, 2017, p. 480, note C.-E. Bucher, Gaz. Pal., 2018, n° 1, p. 29, obs. D. Houtcieff.

[13] Cass. soc., 21 septembre 2017, nos 16-20.103 et 16-20.104, préc.

, D., 2017, p. 2007 note D. Mazeaud, AJCA, 2017, p. 480, note C.-E. Bucher, Gaz. Pal., 2018, n° 1, p. 29, obs. D. Houtcieff. Selon cette décision, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis.

[14] V. cep. contra P. Brun, avis, sous Cass.  civ. 3, 23 juin 2021, préc..

[15] Selon l’expression de P. Brun, avis sous Cass.  civ. 3, 23 juin 2021, préc..

[16] V. M. Mekki, obs. sous Cass. civ. 3, 23 juin 2021, préc..

[17] Cass. civ. 3, 27 mars 2008, n° 07-11.721, FS-D (N° Lexbase : A6102D77), RDC, 2008, p. 734 ; D. Mazeaud, Dr. et patrimoine, février 2009, p. 121, P. Stoffel-Munck.

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Habitat-Logement

[Brèves] Contrôle du juge sur l’aménagement de l'obligation de réaliser des logements sociaux justifié par des « raisons objectives »

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 2 juillet 2021, n° 433733, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A21924YT)

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par Yann Le Foll

Le 13 Juillet 2021

► L’absence de foncier disponible et le coût extrêmement élevé du foncier ne peuvent, dès lors qu'ils résultent en grande partie de la faiblesse des instruments dont la commune mise en cause s'était, à l'époque, dotée pour les combattre, constituer une raison objective justifiant qu’elle ait pu manquer à son obligation de réaliser des logements sociaux sur son territoire.

Principe. Il résulte de l'article L. 302-9-1-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L0734LZ9) que, lorsque, pour une commune n'ayant pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, la commission départementale estime que l'absence d'atteinte des objectifs s'explique par des raisons objectives et que la commission nationale, saisie par la commission départementale, estime à son tour que cette absence d'atteinte s'explique par des raisons objectives, elle peut saisir le ministre chargé du Logement d'une recommandation tendant à aménager les obligations prévues à l'article L. 302-8 du même code (N° Lexbase : L0185LN8).

Il incombe alors au ministre chargé du Logement d'apprécier, au vu des circonstances ayant prévalu au cours de la période triennale en question et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si des raisons objectives justifient que la commune n'ait pas respecté l'obligation résultant des objectifs fixés pour cette période. Dans l'affirmative, il appartient au ministre de modifier, le cas échéant, compte tenu des circonstances qui prévalent à la date de sa décision, les objectifs de la période triennale qui est en cours à la date à laquelle il se prononce ou, s'ils sont déjà fixés, ceux d'une période ultérieure.

Application. En l’espèce, la commune n'a atteint que 49 % de ses objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux au cours de la période triennale 2005-2007 et se prévaut, pour justifier de cette insuffisance, de raisons tenant, notamment, à la rareté et au coût anormalement élevé du foncier disponible sur son territoire. Or, à cette époque, elle n’avait pas de programme local de l'habitat depuis la fin d'un premier programme à la fin de l'année 1999, et n'avait, avant cette période ou au cours de celle-ci, ni modifié ou révisé ses documents d'urbanisme en vue de favoriser le logement social.

Elle n'avait, notamment, jamais inscrit d'emplacement réservé au logement social dans son plan d'occupation des sols ou son plan local d'urbanisme, ni imposé de quota minimum de logements sociaux aux programmes immobiliers, s'étant bornée à adopter la faculté légale de majoration du coefficient d'occupation des sols pour la construction de logements sociaux.

Solution CE. Appliquant le principe précité, la Haute juridiction censure l’arrêt (CAA Versailles, 20 juin 2019, n° 17VE02936 N° Lexbase : A3287ZGT) ayant annulé le jugement (TA Cergy-Pontoise, 11 juillet 2017, n° 1400344 N° Lexbase : A3446ZH4) qui avait rejeté la demande de la commune d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 octobre 2013 par laquelle la ministre de l'Égalité des territoires et du Logement a maintenu à 746 logements, son obligation de réalisation de logements sociaux pour la période 2008-2010.

newsid:478314

Licenciement

[Brèves] Licenciement d’un salarié pour refus de prêter serment en utilisant les termes « je le jure »

Réf. : Cass. soc., 7 juillet 2021, n° 20-16.206, FS-B (N° Lexbase : A41384YW)

Lecture: 3 min

N8288BYM

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par Charlotte Moronval

Le 13 Juillet 2021

► Le respect de la liberté de conscience et de religion impose de permettre à une personne qui prête serment de substituer à la formule « je le jure » une formule équivalente d’engagement solennel.

En l’espèce. Une salariée stagiaire de la RATP devait être affectée dans un service d’agents de contrôle après avoir prêté le serment des agents en application de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer. Cette loi ne détermine pas la formule du serment que doivent prononcer les agents. L’usage est de recourir à la formule suivante : « Je jure et promets de bien et loyalement remplir mes fonctions et d’observer en tout les devoirs qu’elle m’impose » et « Je jure et promets en outre d’observer fidèlement les lois et règlements concernant la police des chemins de fer et de constater par des procès-verbaux les contraventions qui viendraient à ma connaissance ».

À l’audience de prestation de serment, devant le président du tribunal de grande instance de Paris chargé de recevoir ce serment, la salariée a proposé une autre formule au motif que sa religion chrétienne lui interdisait de jurer. Le président du tribunal a refusé la substitution de formule et a fait acter que le serment n’avait pas été prêté.

Faute de prestation de serment, la salariée a été licenciée pour faute par la RATP.

La procédure. Ayant saisi la juridiction prud’homale d’une contestation de son licenciement, la salariée a vu sa demande rejetée par la cour d’appel de Paris qui a jugé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse en raison de la faute de la salariée ayant refusé de se soumettre à la procédure d’assermentation.

En 2017 (Cass. soc., 1er février 2017, n° 16-10.459, FS-P+B N° Lexbase : A4203TBB), la Chambre sociale a cassé cet arrêt pour deux motifs :

  • d’une part, il résulte de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer que le serment des agents de surveillance exerçant au sein des entreprises visées par cette disposition peut être reçu selon les formes en usage dans leur religion,
  • d’autre part, la salariée, n’ayant pas commis de faute, le licenciement avait été prononcé en raison de ses convictions religieuses et était nul.

En 2019, la cour d’appel a rejeté la demande de nullité du licenciement aux motifs que la formule juratoire est dénuée de connotation religieuse et qu’ainsi l’employeur avait seulement respecté la loi qui exige l’assermentation pour exercer des fonctions d’agent de contrôle. La salariée forme un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.  

Elle juge que refuser de dire « je le jure » ne constitue pas une faute et que le licenciement prononcé par la RATP sur ce fondement est sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, la Cour retient que l'employeur n'avait pas commis de discrimination car il n'avait pas décidé ce licenciement en raison des croyances religieuses de la salariée.

Elle juge donc que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse et renvoie l'affaire devant une autre cour d'appel, mais uniquement pour que soit fixée l'indemnisation à laquelle celle-ci peut prétendre à ce titre.

Pour en savoir plus :

  • lire le communiqué de presse ;
  • lire S. Tournaux, Discrimination religieuse par ricochet à la RATP, Lexbase Social, février 2017, n° 688 (N° Lexbase : N6736BWE) ;
  • v. ÉTUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, Les motifs discriminatoires de licenciement, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E9235EST).

 

newsid:478288

Procédure pénale

[Brèves] Box vitrés : le Conseil d’État valide les modalités de sécurisation des box des salles d’audience des juridictions judiciaires

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 21 juin 2021, n° 418694, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A76444WZ)

Lecture: 5 min

N8292BYR

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par Adélaïde Léon

Le 28 Juillet 2021

La mise en place de box vitrés, prévue par le point 5.1.3.2.6 de l’arrêté du 18 août 2016 du garde des Sceaux, portant approbation de la politique ministérielle de défense et de sécurité au sein du ministère de la Justice, ne méconnait pas les dispositions prévoyant la comparution libre du prévenu ou de l’accusé ainsi que la présomption d’innocence, le droit à un procès équitable et les droits de la défense.

Rappel de la procédure. Le 28 septembre 2020 (CE 5° et 6° ch.-r., 28 septembre 2020, n° 418694, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A27713WK), saisi d’une requête du Syndicat des avocats de France (SAF) tendant à l’annulation du point 5.1.3.2.6 de l’arrêté du 18 août 2016 du garde des Sceaux, portant approbation de la politique ministérielle de défense et de sécurité au sein du ministère de la Justice, le Conseil d’État a sursis à statuer et refusé d’abroger le point litigieux jusqu’à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel était l’ordre de juridiction compétent pour connaître de cette requête.

Le 8 février 2021, le Tribunal des conflits a déclaré la juridiction administrative compétente pour connaître du litige (T. conf., 8 février 2021, n° 4202, Syndicat des avocats de France c/ garde de Sceaux, ministre de la Justice N° Lexbase : A62934HK). Le 22 mars 2021, le Conseil national des barreaux (CNB) est intervenu pour demander au Conseil d’État de faire droit aux conclusions de la requête du Syndicat des avocats de France.

Motifs de la requête. Le point litigieux de l’arrêt prévoit la mise en place de « box vitrés » en salles d’audience. Il s’agit « d’espaces fermés destinés à accueillir les prévenus sous escorte » pouvant être intégralement vitrés ou présenter un barreaudage en façade et un vitrage sur les faces latérales, côté public et côté magistrats.

Par une lettre du 26 octobre 2017, le Syndicat des avocats de France a saisi le ministre de la Justice d’une demande tendant à l’abrogation des dispositions de ce point 5. 1. 3. 2. 6 en demandant l’annulation pour excès de pouvoir, dans cette mesure, de cet arrêté ainsi que de la décision implicite refusant de l’abroger.

Décision. Le Conseil d’État relève tout d’abord la compétence du ministre de la Justice pour arrêter des recommandations relatives à la sécurisation des salles d’audience des tribunaux.

Comparution libre et box vitrés. La Haute juridiction rappelle ensuite les termes des articles préliminaire (mesures de contraintes et dignité) (N° Lexbase : L3311LTS) et 309 du Code de procédure pénale (police de l’audience) (N° Lexbase : L3587DGX) pour conclure que l’article 318 du même code (comparution libre de l’accusé) (N° Lexbase : L4363AZM) ne fait pas obstacle à ce que des mesures de contrainte, justifiées par la sécurité des personnes présentes à l’audience ou la nécessité d’empêcher l’accusé de fuir ou de communiquer avec des tiers, soient prises à l’égard de l’intéressé, dans le respect des droits de la défense.

Dès lors, l’article 318 du Code de procédure pénale qui prévoit la comparution libre de l’accusé n’interdit pas que celui-ci comparaisse dans un box sécurisé vitré si les circonstances le justifient.

Présomption d’innocence et box vitrés. Le Conseil d’État juge par ailleurs que les dispositions contestées se bornent à définir les modalités de sécurisation des box des salles d’audience des juridictions judiciaires destinés à accueillir des prévenus ou des accusés retenus sous escorte et n’ont ni pour objet ni pour effet d’instaurer une présomption de culpabilité à leur égard. Dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe du respect de la présomption d’innocence garanti par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (DDHC) (N° Lexbase : L1373A9Q) et l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) (N° Lexbase : L7558AIR) ainsi que les objectifs de l’article 5 de la Directive n° 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L0018K7S).

Traitements inhumains ou dégradants et box vitrés. La Haute juridiction affirme par ailleurs que « le placement d’un prévenu ou d’un accusé dans un box vitré n’est pas par lui-même de nature à exposer le prévenu ou l’accusé à un traitement inhumain ou dégradant prohibé par l’article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ». À cet égard, le Conseil rappelle que le président de juridiction, sous le contrôle de la Cour de cassation, reste tenu de déterminer les modalités de comparution du prévenu ou de l’accusé adaptées à sa personne et aux circonstances.

Procès équitable et box vitrés. Selon le Conseil d’État, l’installation de box vitrés dans les salles d’audience de juridictions judiciaires ne méconnaît pas non plus, par elle-même, le droit à un procès équitable et les droits de la défense garantis par l’article 6 de la CESDH. Le Conseil souligne que la participation effective aux débats de la personne qui comparaît dans un tel box, ainsi que sa communication libre et secrète avec son avocat, demeurent assurées par le président de juridiction sous le contrôle de la Cour de cassation.

Le Conseil d’État rejette donc les conclusions de la requête du Syndicat des avocats de France.

Pour aller plus loin : E. Morain, Architecture et justice, Lexbase Pénal, février 2018 (N° Lexbase : N2630BXP).

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Marque sonore présentée en format audio : première décision du Tribunal de l’Union européenne

Réf. : Trib. UE, 7 juillet 2021, aff. T-668/19 (N° Lexbase : A48064YN)

Lecture: 5 min

N8286BYK

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par Vincent Téchené

Le 13 Juillet 2021

► Un fichier audio contenant le son qui se produit à l’ouverture d’une canette de boisson, suivi d’un silence et d’un pétillement, ne peut pas être enregistré en tant que marque pour différentes boissons et pour des conteneurs pour transport et entrepôt en métal, dans la mesure où il ne présente pas un caractère distinctif.

Faits et procédure. Une société a introduit une demande d’enregistrement d’un signe sonore en tant que marque de l’Union européenne auprès de l’EUIPO. Ce signe, présenté par le biais d’un fichier audio, rappelle le son qui se produit à l’ouverture d’une canette de boisson, suivi d’un silence d’environ une seconde et d’un pétillement d’environ neuf secondes. L’enregistrement a été demandé pour différentes boissons ainsi que pour des conteneurs pour transport et entrepôt en métal. L’EUIPO a rejeté cette demande d’enregistrement au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif. Le déposant a formé un recours contre le Tribunal de l’Union européenne.

Décision. Le Tribunal de l’Union européenne rejette le recours, se prononçant, pour la première fois, sur l’enregistrement d’une marque sonore présentée en format audio. Il apporte des précisions quant aux critères d’appréciation du caractère distinctif des marques sonores et à la perception de ces marques en général par les consommateurs.

Tout d’abord, le Tribunal rappelle que les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques sonores ne diffèrent pas de ceux applicables aux autres catégories de marques et qu’un signe sonore doit posséder une certaine prégnance permettant au consommateur visé de le percevoir en tant que marque et non pas comme un élément de nature fonctionnelle ou un indicateur sans caractéristique intrinsèque propre (v. not. Trib. UE, 13 septembre 2016, aff. T-408/15 N° Lexbase : A6013RZQ). Ainsi, le consommateur des produits ou des services en cause doit pouvoir, par la seule perception de la marque, sans qu’elle soit combinée à d’autres éléments tels que, notamment, des éléments verbaux ou figuratifs, voire une autre marque, faire le lien avec leur origine commerciale.

Ensuite, dans la mesure où l’EUIPO a appliqué par analogie la jurisprudence selon laquelle seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur n’est pas dépourvue de caractère distinctif (v. not. CJUE, 7 octobre 2004, aff. C-136/02 P, point 31 N° Lexbase : A6238DDE), le Tribunal souligne que cette jurisprudence a été développée par rapport aux marques tridimensionnelles consistant en la forme du produit lui-même ou de son emballage, alors qu’il existe une norme ou des habitudes du secteur concernant cette forme. Or, dans un tel cas, le consommateur concerné qui est accoutumé à voir une ou des formes correspondant à la norme ou aux habitudes du secteur ne percevra pas la marque tridimensionnelle comme une indication de l’origine commerciale des produits si sa forme est identique ou similaire à la ou aux formes habituelles. Le Tribunal juge que cette jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles ne saurait, en principe, être appliquée aux marques sonores. Toutefois, bien que l’EUIPO ait appliqué, à tort, cette jurisprudence, le Tribunal constate que cette erreur n’est pas de nature à vicier le raisonnement exposé dans la décision attaquée qui se fonde également sur un autre motif.

S’agissant de cet autre motif, tiré de la perception de la marque demandée par le public pertinent comme étant un élément fonctionnel des produits en cause, le Tribunal observe, d’une part, que le son émis lors de l’ouverture d’une canette sera effectivement considéré, eu égard au type de produits, comme un élément purement technique et fonctionnel. D’autre part, le public pertinent associe immédiatement le son du pétillement des bulles à des boissons. En outre, le Tribunal relève que les éléments sonores et le silence d’environ une seconde, pris dans leur ensemble, ne possèdent aucune caractéristique intrinsèque leur permettant d’être perçus par ce public comme étant une indication de l’origine commerciale des produits. Ces éléments ne sont pas assez prégnants pour se distinguer des sons comparables dans le domaine des boissons.

Partant, le Tribunal confirme les conclusions de l’EUIPO quant à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée.

Enfin, le Tribunal réfute le constat de l’EUIPO selon lequel il serait inhabituel sur les marchés des boissons et de leurs emballages de ne signaler l’origine commerciale d’un produit qu’à l’aide de sons au motif que ces produits sont silencieux jusqu’à ce qu’ils soient consommés. En effet, le Tribunal relève que la plupart des produits sont silencieux en eux-mêmes et ne produisent un son qu’au moment de leur consommation. Ainsi, le simple fait qu’un son ne puisse retentir que lors de la consommation ne signifie pas que l’usage de sons pour signaler l’origine commerciale d’un produit sur un marché déterminé serait encore inhabituel. Le Tribunal explique cependant qu’une éventuelle erreur de l’EUIPO à cet égard n’entraîne pas l’annulation de la décision attaquée car elle n’aurait pas eu d’influence déterminante sur le dispositif de cette décision.

newsid:478286

Successions - Libéralités

[Brèves] Certificat successoral européen : validité d’une copie certifiée conforme du certificat successoral européen, portant la mention « durée illimitée » ?

Réf. : CJUE, 1er juillet 2021, aff. C-301/20, UE c/ Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank AG (N° Lexbase : A24264YI)

Lecture: 2 min

N8356BY7

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 16 Juillet 2021

► L’article 70, § 3, du Règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 sur les successions internationales, doit être interprété en ce sens qu’une copie certifiée conforme du certificat successoral européen, portant la mention « durée illimitée », est valable pour une durée de six mois à partir de la date de sa délivrance et produit ses effets, au sens de l’article 69 de ce Règlement, si elle était valable lors de sa présentation initiale à l’autorité compétente ;
► l’article 65, § 1, du Règlement n° 650/2012, lu en combinaison avec l’article 69, § 3, de ce Règlement, doit être interprété en ce sens que le certificat successoral européen produit des effets à l’égard de toutes les personnes qui y sont nommément citées, même si elles n’en ont pas demandé elles-mêmes la délivrance.

Dans cette affaire, pour réclamer la libération d’actifs sous séquestre, sur lesquels ils prétendaient avoir des droits, les enfants du défunt, afin de prouver leur qualité d'héritiers, avaient présenté une copie certifiée d'un certificat successoral européen, délivrée par un notaire espagnol.

Saisie du litige, la Cour suprême autrichienne avait émis des doutes, notamment, quant à la validité d'une copie certifiée conforme qui ne comportait pas de date d'expiration, puisque revêtant la mention « durée illimitée », alors que le Règlement européen n° 650/2012 (N° Lexbase : L8525ITW) prévoit une durée de validité limitée à six mois pour le traitement de cette copie. Cette juridiction se demandait également si, étant donné que le Règlement n° 650/2012 ne prévoit pas le cas où seul l'un des héritiers demande la délivrance du certificat successoral européen, l'effet de ce certificat concerne seulement le « demandeur » ou également toutes les personnes qui y sont mentionnées. Elle avait alors décidé de surseoir à statuer, soumettant diverses questions préjudicielles à la Cour européenne.

La CJUE  apporte donc les précisions mentionnées en introduction, faisant notamment le choix de refuser une interprétation trop stricte, susceptible d’engendrer des retards, des démarches et des efforts supplémentaires, tant pour les intéressés à la succession que pour les autorités chargées de celle-ci, afin de respecter à l'objectif poursuivi par le Règlement n° 650/2012, consistant à régler de manière rapide, aisée et efficace une succession ayant une incidence transfrontière ainsi que les droits des intéressés à la succession.

newsid:478356

Vente d'immeubles

[Brèves] Qualité à agir sur le fondement de la garantie décennale en cas de résolution de la vente

Réf. : Cass. civ. 3, 8 juillet 2021, n° 20-15.669 F-B (N° Lexbase : A63354YB)

Lecture: 3 min

N8349BYU

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 13 Juillet 2021

► La résolution de la vente a un effet rétroactif ;
► l’acquéreur de l’ouvrage dont la vente a été résolue perd le bénéfice de l’action en responsabilité décennale à l’encontre des constructeurs.

L’affaire n’est pas banale. Une SCI, maître d’ouvrage, confie la construction d’une villa à un constructeur, depuis en liquidation judiciaire. La SCI vend l’ouvrage à un particulier. Des intempéries provoquent un glissement de terrain, affectant le talus sous l’immeuble et provoquant des fissures à l’ouvrage. Deux arrêtés de périls successifs interdisent l’accès à la propriété. Une expertise est ordonnée aux termes de laquelle l’expert conclut que les désordres ne sont pas réparables. L’acquéreur assigne le vendeur en résolution de la vente ainsi que l’assureur du constructeur sur le fondement de la responsabilité civile décennale.

Ses demandes sont rejetées contre l’assureur. L’acquéreur forme un pourvoi en cassation aux termes duquel il expose notamment que l’acquéreur d’un immeuble dont la vente est résolue demeure recevable à agir contre les constructeurs dès lors qu’il démontre un préjudice personnel lui conférant un intérêt direct et certain à agir.

Le moyen est, également, rejeté par la Cour de cassation. Après avoir rappelé que les juges du fond ont prononcé la résolution de la vente de l’immeuble sur le fondement de la garantie des vices cachés, la Haute juridiction considère que, par l’effet rétroactif de la résolution de la vente, l’acquéreur a perdu sa qualité de propriétaire du bien. Il n’est donc plus recevable à agir.

La solution mérite d’être approuvée. En l’espèce, la SCI maître d’ouvrage redevient donc titulaire de l’action en responsabilité décennale à l’encontre des constructeurs. L’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ) dispose, en effet, que le bénéfice de cette action est accordé au maître d’ouvrage puis, suivant la chose, elle se transmet aux propriétaires successifs de l’ouvrage. Autrement dit, en cas d’annulation rétroactive d’une vente, s’opère un retour en arrière.

Il existe, toutefois, une exception à ce principe qui semblait être, peut-être trop brièvement, soulevé dans le moyen. Il s’agit du cas dans lequel le maître d’ouvrage ou l’acquéreur démontre un préjudice personnel, direct et légitime distinct (pour exemple, Cass. civ. 3, 23 septembre 2009, n° 08-13.470, FS-P+B N° Lexbase : A3411ELW ; Cass. civ. 3, 4 mars 2014, n° 13-12.468, F-D N° Lexbase : A4162MGA).

Depuis longtemps, la jurisprudence admet qu’il soit possible d’agir en résolution de la vente malgré la possibilité d’agir contre les constructeurs sur le fondement de la responsabilité civile décennale (Cass. civ. 3, 2 mars 2005, n° 03-16.561, FS-P+B N° Lexbase : A1020DHA ; Cass. civ. 3, 17 juin 2009, n° 08-15.503, FS-P+B N° Lexbase : A3024EIT). Le demandeur dispose donc d’une option en fonction des fondements juridiques.

Ce qui est intéressant, en l’espèce, est le résultat de cette option. Lorsque le demandeur obtient gain de cause sur le fondement de la résolution de la vente, cela le prive du bénéfice de l’action en responsabilité civile décennale.

De pareille manière, la Cour de cassation a pu estimer que le vendeur n’est pas fondé, en raison de l’annulation de la vente, à obtenir une indemnité d’occupation de l’immeuble (Cass. ch. mixte, 9 juillet 2004, n° 02-16.302 N° Lexbase : A0278DDN).

Bien que logique, la solution implique de mesurer les conséquences des fondements choisis lors d’une action contentieuse.

newsid:478349