Réf. : Cass. civ. 2, 8 juillet 2021, n° 20-13.334, F-D (N° Lexbase : A62834YD)
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par Laïla Bedja
Le 21 Juillet 2021
► La contrainte doit permettre au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ; le renvoi explicite à la mise en demeure régulière adressée au cotisant constitue une motivation suffisante de la contrainte exigée de l'organisme social qui met le cotisant en mesure d'exercer ses droits.
Les faits et procédure. La Caisse interprofessionnelle de prévoyant et d’assurance vieillesse (CIPAV) a décerné, le 30 novembre 2016, à un cotisant une contrainte pour le recouvrement des cotisations et majorations dues pour l’année 2015 au titre du régime d’assurance vieillesse de base, du régime complémentaire de retraite et du régime d’assurance invalidité et décès. Le cotisant a alors formé opposition à contrainte devant une juridiction de Sécurité sociale.
Le pourvoi. Le cotisant fait grief à l’arrêt (CA Paris, Pôle 6, 13ème ch., 20 décembre 2019, n° 17/09925 N° Lexbase : A0681Z94) de le condamner à payer la CIPAV une somme au titre des cotisations restant dues pour l’année 2015, à charge pour la CIPAV de procéder à un nouveau calcul des majorations de retard, alors « que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation », ainsi la contrainte qui ne vise qu’une somme globale ne peut être régulière.
Rejet. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le moyen soulevé par le cotisant.
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par Pauline Le Monnier de Gouville, Maître de conférences à l’Université Paris II – Panthéon-Assas, Directrice des études de l'Institut d'études judiciaires Pierre Raynaud
Le 23 Juillet 2021
Mots-clés : écoutes téléphoniques • secret professionnel • avocat • correspondances • retranscription • droits de la défense
Découverte de la vérité ou protection du secret professionnel ? Culture de la transparence ou du secret ? Le dispositif d’écoutes judiciaires visant les avocats cristallise des intérêts antagonistes, qui fragilisent le respect des droits de la défense et l’activité de la profession d’avocat.
Cet article est issu du dossier spécial « Secret professionnel et droits de la défense » publié le 29 avril 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N7342BYL)
« Un monde où l’on ne pourrait plus partager ses secrets sans craindre qu’ils se transforment en informations serait un monde où l’individu serait privé de liberté » .
Henri Leclerc [1]
Le secret professionnel est un devoir . Il est aussi un droit [2] : tout justiciable doit se voir garantir la confidentialité des échanges qu’il entretient avec son conseil.
Malmené, le secret professionnel de l’avocat s’est trouvé confronté à une triple évolution. Le secret a d’abord évolué, au cours du XXème siècle, en même temps que les missions de la profession se renouvelaient, générant corrélativement des difficultés de nature à rendre particulièrement complexe la question du secret des correspondances [3]. Cette mutation est due au fait que la profession embrasse désormais non seulement une activité de défense, mais aussi de conseil. Le principe du secret des correspondances a ainsi été progressivement ajusté par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : C31398S3), modifiée à diverses reprises [4]. La deuxième évolution est d’ordre technologique, défiant la préservation du secret. Intégrant au sein du Code de procédure pénale de nouveaux procédés d’investigation toujours plus sophistiqués, le législateur a dû définir les garanties procédurales en vue d’éviter les abus susceptibles d’en résulter. Aussi certains professionnels, tels les avocats, font l'objet de régimes particuliers. Par ailleurs, la précaution avec laquelle se sont affinées, peu à peu, les conditions procédurales de tel ou tel dispositif d’investigation attentatoires aux droits et libertés démontre que la démarche est parfois tâtonnante et ne relève pas toujours de l’évidence – preuve en est que le législateur a attendu, par exemple, 2016, pour exiger que la motivation d’une perquisition nocturne se fonde sur l’impossibilité de la réaliser de jour [5]. C’est bien que la prévision de telle ou telle règle ne s’impose pas à ses yeux d’emblée, ni avec certitude. Les écoutes téléphoniques, entrées dans notre champ pénal en 1991, n’échappent pas à ce constat, tant il est vrai qu’un certain nombre de règles élémentaires, relatives aux interceptions de correspondances visant les avocats, ne figurent toujours pas dans notre législation. La troisième (r)évolution, enfin, est culturelle. La question du secret professionnel qui lie les avocats à leurs clients s’inscrit aujourd’hui dans un contexte de « culture de la transparence » [6], décrite parfois comme une vertu, voire une vérité, que le secret, perçu comme un mal, viendrait entraver. Il faut pourtant se garder de cette « transparence névrotique », que dénonçait Carcassonne [7], et se méfier que dans la lumière ainsi faite se dessinent les ombres d’un contrôle excessif de la vie des individus par l’État.
Le principe du secret des correspondances des avocats trouve son fondement dans le Code pénal. Son article 226-13 (N° Lexbase : L5524AIG) incrimine ainsi la violation du secret professionnel en cas de divulgation d’une information à caractère secret. Mais c’est surtout l’article 66-5 de la loi précitée de 1971 qui consacre expressément le principe permettant aux correspondances des avocats de bénéficier du secret professionnel quelle que soit la matière dans laquelle ils interviennent et qu’elles concernent les échanges entre l’avocat et son client, ou l’avocat et ses confères. L’article 2.1 du Règlement Intérieur National (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8) de la profession d’avocat, quant à lui, affirme : « L’avocat est le confident nécessaire du client. Le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps » ; il « couvre en toute matière, dans le domaine du conseil ou celui de la défense, et quels qu’en soient les supports, matériels ou immatériels (papier, télécopie, voie électronique …) : les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci ; les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères […] » (RIN, art. 2.2). Le secret professionnel vise aussi bien les correspondances écrites que celles empruntant la voie des télécommunications [8]. Enfin, le principe prend appui sur l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L4798AQR), selon lequel « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance », de sorte que toute ingérence doit être strictement limitée [9] et faire l’objet de « règles claires et détaillées » [10].
Les écoutes téléphoniques, quant à elles, ont vu leur champ progressivement étendu : réservées, par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L7789H3U) qui les instaure, à l’instruction préparatoire, elles sont étendues à l’enquête de police judiciaire relative à la criminalité ou délinquance organisée par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 [11] (N° Lexbase : L1768DP8) ainsi qu’à l’enquête de police visant à rechercher une personne en fuite [12], une autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) étant alors nécessaire. Au stade de l’instruction, la décision est prise par le magistrat instructeur qui agit de sa propre initiative, les opérations se réalisant « sous son autorité et sous son contrôle » [13]. À cela, ajoutons qu’à titre préventif, il est possible de mettre en œuvre des interceptions administratives de sécurité, sous le contrôle du Premier ministre [14] – nous limiterons toutefois l’analyse à celle des interceptions relevant de l’autorité judiciaire.
Alors que la 32ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris a rendu sa décision dans l’affaire dite « Bismuth » [15], mettant en cause un ancien président de la République, son avocat et un magistrat, l’idée d’une réforme gagne du terrain : en témoignent le rapport remis par la Commission « Mattei » au début de l’année 2021 [16] et l’annonce réalisée par le garde des Sceaux d’un avant-projet de loi comportant des dispositions de nature à renforcer le secret professionnel des avocats [17], auquel s’est substitué, depuis, un « projet de loi » pour la confiance dans l’institution judiciaire [18]. Réclamée depuis longtemps, une « grande loi sur le secret » [19] apparaît en effet nécessaire. L’avocat doit être considéré pour sa fonction de confident et de défense, son cabinet n’étant ni un repaire dont pourrait user, aux fins d’impunité, l’auteur d’une infraction [20], ni un « sanctuaire » où se cacherait un certain nombre de preuves [21].
L’objet de cette étude est ainsi de dresser un état des lieux du dispositif existant, dont les faiblesses sont connues. Sur le fil, les écoutes judiciaires visant les avocats doivent pourtant être mises en œuvre dans le respect des exigences de prévisibilité et de proportionnalité. Il s’agit dès lors de cibler les failles d’un système dont l’approximation n’est pas de nature à répondre de manière satisfaisante à la gravité du secret professionnel. La complexité de la matière tient à la distinction, presque surannée, entre l’interception des correspondances et leur transcription, qui manque de clarté dans les règles applicables. La première est, jusqu’à un certain point, détachée de la seconde : d’un côté, le droit autorise l’interception d’un échange entre l’avocat et son client ; de l’autre côté, l’exercice de la défense peut faire obstacle à la transcription de la conversation. Pour prendre toute la mesure du sujet, le respect du secret professionnel de l’avocat doit dès lors être envisagé tant du point de vue de l’encadrement de l’interception (I) que du rapport qu’entretient la transcription avec les droits de la défense (II).
I. L’interception de correspondances encadrée au nom du secret professionnel
Parce que le secret professionnel de l’avocat doit être protégé, l’interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques fait l’objet d’un encadrement particulier, lequel s’impose a minima compte tenu des exigences européennes (A). L’analyse du dispositif révèle néanmoins l’existence de lacunes au niveau des garanties offertes à l’avocat (B).
A. Une protection minimale
La problématique liée aux écoutes judiciaires suppose d’être mise en perspective avec le respect du principe du secret de l’enquête et de l’instruction, consacré par l’article 11 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7022A4T). Il s’agit en effet d’éviter que les conversations écoutées soient dévoilées au grand public. L’avocat ne concourt pas à la procédure et n’est pas soumis au secret de l’enquête et de l’instruction tel que prévu par l’article 11 du Code de procédure pénale [22] (N° Lexbase : L7022A4T). Il est cependant tenu au secret en application des règles déontologiques de la profession et de l’article 5 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 [23] (N° Lexbase : O5951AS9), modifié par celui n° 2007-932 du 15 mai 2007 (N° Lexbase : L5417HXW), selon lequel « L’avocat respecte le secret de l’enquête et de l’instruction en matière pénale, en s’abstenant de communiquer, sauf pour l’exercice des droits de la défense, des renseignements extraits du dossier ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une enquête ou une information en cours. ». Ne pas respecter cette règle l’exposerait à des poursuites disciplinaires et, le cas échéant, pénales, sur la base de l’article 226-13 du Code pénal [24] (N° Lexbase : L5524AIG). Mais l’avocat est également susceptible d’être lui-même la cible de la violation du secret professionnel, par la mise en place de procédés qui y portent atteinte, tels que les écoutes téléphoniques. Il s’agit, sous cet angle, non plus de sanctionner la violation du secret par l’avocat, mais de préserver celui-ci d’une atteinte, par une autorité publique, au secret professionnel. En cela, et dans une approche plus « positive » [25], l’avocat doit être protégé, le secret préservé.
S’agissant, précisément, des écoutes judiciaires, cette protection est avant tout une exigence européenne [26]. Parce que l’interception de correspondances constitue une ingérence dans la vie privée, elle doit demeurer strictement exceptionnelle et être entourée de garanties légales, adéquates et suffisantes [27]. Ainsi, selon la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), les écoutes judiciaires supposent le respect, dans leur mise en œuvre, de plusieurs exigences et ce, qu’elles visent le client et incidemment l’avocat, ou directement ce dernier. D’abord, le procédé doit être prévu par la loi : l’exigence de prévisibilité implique que le législateur encadre ce dispositif de façon précise. Ensuite, les écoutes téléphoniques doivent être nécessaires dans une société démocratique en vue d’assurer la défense de l’ordre et la sûreté publique [28]. Partant, la notion de nécessité suppose l’existence d’un besoin social impérieux et notamment la proportionnalité de l’ingérence au but poursuivi [29]. Cette exigence de proportionnalité passe par la mise en œuvre de « garanties spéciales de procédure », dont la prévision a été exigée à l’égard des avocats par la CEDH dans le cadre des perquisitions dont ils peuvent faire l’objet [30]. Enfin, un « contrôle efficace » de l’ingérence réalisée par l’autorité publique doit être réalisé [31] ; à cette affirmation s’ajoute la précision selon laquelle le fait qu’un magistrat ordonne et contrôle les écoutes judiciaires ne suffit pas à garantir une telle efficacité : il faut encore que soit mis en place un recours pour l’intéressé [32]. Enfin, le procédé doit se rapporter à des faits d’une certaine gravité, être limité dans le temps et viser des catégories de personnes précises.
Qu’en est-il, dès lors, en droit interne ? Les écoutes judiciaires ont été encadrées par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L7789H3U), l’intervention législative s’imposant à la suite de la condamnation de nos pratiques par la CEDH [33]. La protection de la vie privée et des correspondances est en premier lieu de portée générale, c’est-à-dire non réservée spécialement aux avocats. Le recours aux écoutes téléphoniques se trouve en effet limité au regard de trois exigences. D’abord, elles ne peuvent être réalisées au cours de l’instruction que pour les infractions punies de trois ans emprisonnement, tandis que seules les enquêtes relatives à la délinquance et à la criminalité organisée sont susceptibles de donner lieu à la mise en œuvre de telles mesures [34]. La gravité de l’infraction est donc un premier critère de nature à limiter le recours à ce procédé. C’est ce qu’affirme le Conseil constitutionnel dans sa décision précédant l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (N° Lexbase : L6740LPC) [35]. Celle-ci élève l’exigence de quantum, puisqu’auparavant était prévu un seuil de deux ans d’emprisonnement. Ensuite, la durée des écoutes se trouve limitée, encore davantage depuis que la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 (N° Lexbase : L4202K87) a fixé, durant l’instruction, un seuil butoir au-delà duquel la mesure ne peut plus être renouvelée. Ainsi, dans ce cadre, il est prévu une durée de quatre mois renouvelable, sans que la durée totale de l’interception excède un an ou, lorsqu’il s’agit d’une infraction relevant la délinquance ou criminalité organisée, deux ans [36]. L’enquête, préliminaire ou de flagrance relative à l’une des infractions relevant de la délinquance ou criminalité organisée permet, quant à elle, la mise en œuvre d’écoutes pour une durée maximum d'un mois, renouvelable une fois [37]. La troisième exigence tient à l’autorisation, par le biais d’une ordonnance motivée, d’un juge du siège : le juge d’instruction dans le cadre de son information, celui des libertés et de la détention dans le cadre d’une enquête de police judiciaire.
En deuxième lieu, parce qu’il s’agit de préserver le secret professionnel, la protection des correspondances est spécifique et suppose une condition supplémentaire. Ainsi, la loi précitée du 10 juillet 1991 a prévu un dispositif particulier de nature à protéger certains professionnels : députés et sénateurs, magistrats, avocats. S’agissant de ces derniers, l’article 100-7 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5915DYQ) soumet en effet la mise en œuvre de l’interception sur une ligne dépendant du cabinet ou du domicile d’un avocat à la condition, pour le juge d’instruction, d’en informer le Bâtonnier. Une obligation identique est prévue dans le cadre de l’enquête policière, l’article 706-95 dudit Code (N° Lexbase : L0578LTL) procédant par renvoi aux dispositions applicables durant l’instruction préparatoire. Le dispositif appelle quelques remarques. Avant tout, le contenu de l’information requise suscite des interrogations. Comme le remarque Me V. Nioré [38], le texte ne vise en effet que « l’interception […] sur la ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile ». Nulle communication de l’identité de la personne concernée n’est précisée. Aussi serait-il légitime, selon lui, de penser que l’information ne devrait porter que sur le numéro de téléphone de l’avocat. L’on pourrait observer que l’information reçue du juge doit être considérée comme étant couverte par le secret ; aucun texte, cependant, ne prévoit cependant que le Bâtonnier est tenu au secret professionnel à cette occasion. En outre, le parallèle peut être établi avec le dispositif de perquisitions visant le cabinet ou le domicile d’un avocat, prévu par l’article 56-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0488LTA) et faisant intervenir le Bâtonnier, à propos duquel la Cour de cassation a affirmé qu’il n’est pas, au regard des prérogatives qui lui sont accordées, une partie, dès lors qu’il « agit dans le cadre d’une mission d’auxiliaire de justice chargée de la protection des droits de la défense » [39]. L’exercice des droits de la défense constituant un fait justificatif de la violation du secret professionnel, rien ne pourrait ainsi, selon Me Nioré, s’opposer à ce que le Bâtonnier informé de la procédure avertisse l’avocat dont l’identité serait révélée de son placement sur écoutes [40]. La seconde interrogation tient, ensuite, à l’absence d’harmonisation des dispositifs, sans doute liée à l’accumulation de textes de loi sans aplanissement des règles préexistantes. Ainsi, il est curieux de constater que certains lieux ne peuvent faire l’objet d’un dispositif de géolocalisation tels, notamment, les cabinet et domicile d’avocat [41], alors même que les procédures d’écoutes téléphoniques de la ligne de ce cabinet ou de ce domicile, elles, sont autorisées. La CEDH et le Conseil constitutionnel considèrent pourtant que le procédé de géolocalisation porte une atteinte moindre aux libertés individuelles que celui des écoutes téléphoniques [42]. À cette interrogation succèdent plusieurs réserves, liées aux lacunes du dispositif actuel.
B. Des garanties lacunaires
L’analyse des textes révèle en réalité une déficience des « garanties spéciales de procédure » pourtant requises. D’abord, le régime est davantage permissif en instruction puisque le seuil de trois ans d’emprisonnement apparaît minime par rapport à la gravité des infractions justifiant la mise en œuvre d’écoutes téléphoniques dans le cadre d’une enquête de police judiciaire. Certes, ce seuil a été réhaussé – le quantum étant le même que celui de la détention provisoire – et paraît en adéquation avec celui de gravité que met en avant le Conseil constitutionnel pour refuser l’extension d’écoutes judiciaires, dans le cadre de l’enquête de police, aux infractions punies de trois ans d’emprisonnement [43]. Dans la pratique, le quantum relatif à la peine encourue se révèle cependant de peu d’utilité, au point d’en faire une simple condition formelle : la condition du quantum s’épuise en effet par le recours, dans la majeure partie des procédures, à l’infraction de recel et à sa spécificité de quantum [44] ; rappelons que le recel est puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement, quand bien même le quantum de l’infraction d’origine serait inférieur.
Ensuite, si la prévision temporelle d’un seuil butoir dans le cadre d’une instruction préparatoire est une avancée heureuse, il est permis de s’interroger sur la durée prévue de quatre mois et sur l'opportunité de le diviser par deux [45] et ce, par référence aux dispositifs de droit étranger [46]. En enquête de police judiciaire, la durée, initialement de quinze jours, a été portée à un mois par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 (N° Lexbase : L5066IPC). Doubler cette durée plutôt, en instruction, que de la multiplier par quatre aurait le mérite de favoriser, de ce point de vue, la proportionnalité de la mesure en fonction du cadre d’investigations.
S’agissant, par ailleurs, de la motivation des écoutes judiciaires, le législateur se contentait, jusqu’à récemment, de préciser l’exigence d’une « décision écrite », comportant « tous les éléments d'identification de la liaison à intercepter, l'infraction qui motive le recours à l'interception ainsi que la durée de celle-ci » [47]. Depuis la loi précitée du 23 mars 2019, l’ordonnance doit également être « motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires », ce qui, à cet égard, permet d’uniformiser l’exigence de motivation relative aux actes d’investigations. Il était, en effet, surprenant de constater que les perquisitions de nuit, permises en matière de criminalité ou délinquance organisée, requéraient la motivation par référence à de tels éléments, tandis que le texte relatif aux écoutes judiciaires, datant certes de 1991, n’exigeait pas de telles précisions. La référence aux « nécessités » de la procédure d’enquête ou d’instruction apparaît cependant trop vague et il est permis de suggérer de renforcer l’exigence de motivation – par le biais d’une motivation spéciale – en obligeant le magistrat à indiquer les indices qui fondent la mesure, dès lors que la personne visée par le dispositif est l’avocat [48].
Ensuite, et surtout, la mise en œuvre du procédé ne peut faire l’objet d’aucun recours, ce qu’indique expressément la loi [49]. Le Bâtonnier, dans ce cadre, n’a qu’un rôle limité puisque son avis n’a pas de force contraignante et que l’accès au dossier ne lui est pas permis. En outre, l’information requise à son égard ne vise que l’hypothèse dans laquelle un avocat de son barreau est placé sous écoute, mais non celle dans laquelle un avocat serait écouté dans le cadre de l’interception des conversations sur la ligne d’un tiers, quand bien même celui-ci serait également avocat [50]. Si la garantie de l’information requise pourrait conduire, à première vue, à établir un parallèle avec le dispositif prévu, en matière de perquisition visant les avocats, par l’article 56-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0488LTA), l’observation s’épuise rapidement à l’examen du dispositif : la loi octroie en effet au Bâtonnier un rôle actif en lui permettant de saisir le JLD en cas de saisie d’un document portant atteinte aux droits de la défense. Tel n’est pas le cas en matière d’écoutes téléphoniques, puisqu’il n’est permis au Bâtonnier ni de s’opposer à l’interception judiciaire, ni d’en contrôler la réalisation. À cela, ajoutons qu'alors que le pouvoir de réaliser les perquisitions au sein du domicile ou du cabinet d’un avocat revient à un magistrat – procureur de la République ou juge d’instruction –, les écoutes téléphoniques visant un avocat sont réalisées, en instruction préparatoire, sur commission rogatoire par les officiers de police judiciaire (OPJ). Il est en définitive assez paradoxal de constater que les documents susceptibles d’être saisis font l’objet d’une protection supérieure, tant par la présence requise d’un magistrat que par le rôle actif du Bâtonnier – une contradiction curieuse, sauf à considérer que les perquisitions représentent une atteinte plus grande à la vie privée et au secret des correspondances ? En outre, le dispositif contrevient à la jurisprudence européenne, laquelle exige « l'existence de garanties adéquates et effectives contre les abus », ce qui dépend notamment du type de recours fourni par le droit interne [51]. Le Conseil constitutionnel, quant à lui, juge sur la base de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1363A9D) « qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction » ajoutant que « le respect des droits de la défense [...] implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties » [52]. À défaut d’un tel recours, le dispositif prévu pourrait ne pas apparaître en conformité avec cette exigence. Après tout, il ne serait pas illégitime de suggérer que toute décision prise par un juge de premier degré, relative aux droits et libertés fondamentaux, doive pouvoir faire l’objet d’un recours.
En l’état, la jurisprudence européenne affirme qu’un système dans lequel le juge qui ordonne est celui qui contrôle n’apporte pas de garanties suffisantes [53]. Elle souligne en outre l’importance de « la garantie que constitue l’intervention du Bâtonnier » [54]. Si l’on souhaite renforcer le dispositif et la spécificité des garanties procédurales, il serait possible de soumettre la mise en place d’écoutes judiciaires visant la ligne d’un avocat au contrôle d’un juge tiers et indépendant, suffisamment détaché du dossier, tel que le JLD et ce, dans le prolongement de son rôle de garant des libertés que le législateur lui reconnaît, réforme après réforme [55]. Il est, en réalité, diverses orientations possibles. La première tiendrait à l’exigence d’une autorisation a priori du JLD, en enquête de police comme dans le cadre d’une instruction [56]. C’est d’ailleurs en ce sens que vont les propositions de la Commission « Mattei » et le projet de loi « Dupond-Moretti » pour la confiance dans l'institution judiciaire [57]. Le juge serait saisi par requête motivée du procureur de la République ou du juge d’instruction, indiquant les raisons qui justifient la mesure. L’on pourrait alors imaginer que la décision du juge puisse faire l’objet d’un recours par le Bâtonnier ou son représentant, devant le premier président de la cour d’appel, de la même manière qu’un tel recours est prévu, par exemple, s’agissant des décisions de visites et saisies en matière économique autorisées par le JLD – exigence résultant, en matière fiscale, de l’arrêt « Ravon c/ France » de la Cour européenne [58]. Il s’agirait de vérifier le bien-fondé de la mesure et le respect des formalités. Un autre contrôle serait ensuite prévu, en vue de contester la transcription de la conversation, dans une logique similaire, là encore, au contrôle supplémentaire du déroulement de l’opération existant en matière économique. Le contrôle consisterait à s’assurer que les propos transcrits corroborent et se limitent à l’existence d’indices préalables de participation de l’avocat à la commission d’une infraction [59]. La seconde orientation possible consisterait à permettre au Bâtonnier ou à son représentant, une fois informé de la décision du JLD d’autoriser l’interception, de contester la mesure dans une logique semblable à celle de l’article 56-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0488LTA) relatif aux perquisitions, c’est-à-dire en portant cette contestation, lors d’un débat contradictoire, devant le JLD [60]. La question soulevée serait alors celle du caractère juridictionnel ou non de la décision rendue dans ce cadre. S’agissant des perquisitions, le projet de loi précité envisage de modifier ledit article 56-1 en prévoyant la possibilité d’un recours contre la décision du JLD relative aux saisies de documents, qui serait porté devant le premier président de la cour d’appel [61]. Dans la même logique, le législateur a permis, en 2019, de demander au JLD l’annulation d’une perquisition, la décision de celui-ci étant susceptible d’appel devant le président de la chambre de l'instruction [62]. Toutefois, le Conseil constitutionnel a jugé, la même année, que lorsque le juge a lui-même autorisé la mesure contestée, le principe d’impartialité implique qu’il ne peut statuer sur la demande tendant à l’annulation de sa décision [63]. Si donc, demain, le JLD était amené à autoriser, a priori, toute écoute téléphonique visant les avocats, prévoir la possibilité de contester la mesure devant lui soulèverait une difficulté liée à cette exigence d’impartialité. Soit une telle contestation est instaurée, mais sans conférer de caractère juridictionnel à la décision rendue par le JLD. Soit la contestation portée devant le JLD donne lieu à une décision susceptible de recours, auquel cas le procédé risquerait de s’exposer à un grief d’inconstitutionnalité. Tout dépend en réalité du degré de judiciarisation, voire de juridictionnalisation, que l’on souhaite appliquer à la procédure. Il apparaît en définitive plus conforme aux exigences européennes et constitutionnelles d’uniformiser l’autorisation a priori du JLD par-delà les cadres d’investigation, et de prévoir une possible opposition de la part du bâtonnier, lors du placement sous écoute ou du renouvellement de la mesure, devant le président de la cour d’appel.
Une telle évolution repose sur le postulat selon lequel la question n’est pas tant celle de l’autorité compétente pour réaliser l’acte d’investigation que celle des moyens d’en contrôler la légalité – que les écoutes soient mises en œuvre, donc, par le procureur de la République, ou par le juge d’instruction. Les régimes applicables en enquête et en instruction seraient ainsi alignés en faisant intervenir le contrôle d’un magistrat tiers et indépendant, commandé par l’existence d’une atteinte aux libertés d’une gravité en toute hypothèse identique [64]. En déplaçant le curseur du contrôle sur l’atteinte portée à la vie privée et au secret des correspondances, la singularité du cadre des investigations étant ainsi indifférente, l’on garantit un « double regard » [65] émanant de magistrats, tel qu’il peut d’ailleurs exister, parfois, en instruction – ainsi, par exemple, de la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation dans un lieu privé d’habitation et en dehors des horaires de droit commun, supposant pour le juge d’instruction d’obtenir une autorisation préalable du JLD [66]. Comme l’affirme Me P.-O. Sur au sujet des écoutes judiciaires, « il faut qu’il y ait un juge qui puisse contrôler le juge » [67], tandis que Me C. Charrière-Bournazel, s’inspirant de l’article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L0895AHM) relatif à l’autorité judiciaire, affirme que l’avocat peut également être « le garant du droit et le gardien et des libertés » [68]. Le projet de loi précité évince pourtant toute idée de recours.
Reste qu’avec de telles prévisions, il conviendrait de s’assurer de l’effectivité du contrôle du JLD en matière d’interceptions en lui donnant, par exemple, le pouvoir d’y mettre fin et l’assurant, dans les faits, d’une information sans délai [69] et en temps réel quant au déroulement de l’opération. La question se pose également de l’accès au dossier de la procédure. L’on renverra à d’autres lectures témoignant du contrôle limité du juge en la matière [70], et il est certain que le désaveu du Conseil constitutionnel, réalisé à l’occasion de l’examen de la loi du 23 mars 2019 et faisant état des insuffisances à cet égard pour justifier le refus d’étendre les écoutes téléphoniques aux infractions punies de 3 ans d’emprisonnement [71], doit conduire à scruter avec vigilance de telles évolutions.
Au regard de ce qui précède, le dispositif actuel révèle des déficiences de nature à fragiliser le secret professionnel, auxquelles s’ajoute non sans regret la décision du Conseil constitutionnel jugeant qu’« aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats » [72].
Alors que l’encadrement de l’interception téléphonique suscite des réserves, la transcription des conversations entre l’avocat et son client se heurte également à des difficultés dans son rapport à l’exercice des droits de la défense.
II. La transcription de correspondances confrontée à l’exercice des droits de la défense
Le secret professionnel est mis en péril à travers deux types d’actes : les écoutes téléphoniques visant le client de l’avocat, hypothèse dans laquelle les droits de la défense doivent pouvoir faire obstacle à la transcription des écoutes (A) ; et celles visant personnellement l’avocat, dont la transcription est autorisée dès lors que celui-ci est lui-même soupçonné d’avoir participé à la commission de l’infraction (B).
A. L’interdiction de la transcription justifiée par l’exercice des droits de la défense
L’hypothèse concernée est celle des écoutes téléphoniques visant le ou les clients de l’avocat et qui peuvent concerner ce dernier incidemment ; d’aucuns diront que le professionnel est ainsi placé sur écoutes « par ricochet ». En ce cas précis, l’exercice des droits de la défense justifie l’interdiction de la transcription des écoutes : le secret professionnel est en effet « la pierre angulaire de toute défense, de toute justice » [73] et consubstantiel à l’exercice des droits de la défense, comme l’écrivaient Mes É. Dupond-Moretti, P. Haïk et H. Temime à l’occasion d’une pétition lancée le 12 novembre 2014. La Cour européenne de sauvegarde des droits de l'Homme juge ainsi que la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client est la condition du procès équitable de la Justice, rappelant qu’il s’agit d’un élément essentiel de la « bonne administration de la justice » [74]. Selon la CJUE, la confidentialité est acquise à la condition que l’échange avec l’avocat soit lié à « l’exercice du droit de la défense de son client » [75]. L’exposé des motifs d’une proposition de loi de septembre 2020, quant à lui, affirme : « La confidentialité des échanges n’est pas un privilège d’avocat, c’est un droit du citoyen » [76]. L’étymologie du terme « avocat », du reste, nous rappelle qu’il signifie « parler pour » : c’est dire que le client place en lui sa confiance et ne doit pas craindre de lui faire des confidences [77]. Il s’agit alors de préserver le lien de confiance entre l’avocat et son client et de garantir que celui-ci ne soit privé de moyen de défense ou contraint de s’auto-incriminer [78]. Parce que ce lien protège les justiciables, et au-delà la Justice elle-même, l’avocat joue un rôle de « contre-pouvoir » [79] dans la dialectique judiciaire, et le secret celui d’une protection du justiciable contre l’arbitraire de l’État. Le secret comme condition de l’effectivité de l’exercice de la profession d’avocat ressort clairement d’un arrêt de la cour d’appel de Paris, affirmant que : « Le secret professionnel s'impose à l'avocat, confident nécessaire de son client à raison de tous les renseignements recueillis dans l'exercice de sa profession et dont la divulgation pourrait s'avérer préjudiciable, soit à celui qui s'est confié, soit au crédit attaché à sa profession [...] » [80].
C’est donc au nom de l’exercice des droits de la défense que la protection du secret est, en cette hypothèse, absolue. Si les échanges entre une personne mise en cause et son avocat restent libres, rien n’interdit d’intercepter les correspondances d’un proche de cette personne avec l’avocat de celle-ci [81]. En revanche, l’article 100-5, alinéa 3, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3498IGN), ajouté par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 (N° Lexbase : L4971HDH), prévoit que les correspondances d’un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense ne sauraient être transcrites, à peine de nullité. La Cour a jugé que cette même interdiction s’applique, au profit d’une personne mise en examen, aux conversations tenues entre un autre mis en examen et leur avocat commun [82]. La règle est reprise à l’article 706-95 dudit Code, relatif aux infractions de délinquance et criminalité organisée [83]. Concrètement, le procès-verbal d’écoute sera écarté s’il relate une conversation téléphonique entre l’avocat et son client. Il revient donc à l’OPJ de ne pas transcrire ces conversations, quand bien même seraient-elles utiles à la manifestation de la vérité. La jurisprudence développe une conception protectrice des droits de la défense puisqu’elle juge que les juridictions répressives doivent vérifier si l’enregistrement et la transcription ont porté atteinte au principe de la confidentialité des conversations entre un avocat et un client, la retranscription d’une conversation entre un avocat et son client devant alors être annulée [84] d’office par la chambre d’instruction amenée à examiner la régularité de la procédure [85]. En vue de renforcer la protection des droits de la défense et du secret professionnel, l’on pourrait concevoir que les OPJ chargés de la mise en œuvre du dispositif d’écoutes téléphoniques soient légalement contraints d’interrompre le procédé dès lors qu’ils identifient que l’interlocuteur est un avocat et que celui-ci n’est pas lui-même visé par l’ordonnance autorisant l’interception [86]. Une autre voie possible serait de mettre en place un dispositif technique tel qu’existant à New-York et que plusieurs praticiens du droit ont pu revendiquer : l’avocat désigné ferait enregistrer son numéro de téléphone auprès du magistrat compétent tandis qu'un logiciel permettrait de neutraliser l’interception dès lors que le client appelle ou est appelé par son conseil – ce à quoi s’ajouterait le serment des agents concernés [87]. La Commission « Mattei » recommande, à cet égard, une expertise sur la faisabilité d’un tel dispositif [88].
La difficulté s’accroît lorsque l’avocat se trouve lui-même soupçonné d’être impliqué dans la commission d’une infraction.
B. L’exception liée à la participation de l’avocat dans la commission d’une infraction
L’hypothèse, à ce stade, est double. Elle vise, d’abord, celle de l’avocat qui échangerait au téléphone avec son client placé sur écoutes et dont celles-ci révéleraient incidemment la participation du professionnel à la commission d’une infraction. Elle concerne, ensuite, l’avocat faisant directement l’objet d’une interception, fondée sur des indices liés à une telle participation. À s’en tenir à la jurisprudence, ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’il peut être dérogé au principe de confidentialité des correspondances téléphoniques de l’avocat désigné par le mis en cause. Cette exception est tirée de l’existence d’indices de nature à « caractériser » [89] ou « faire présumer » [90] la « participation » de l’avocat à une infraction [91]. Le ministère de la Justice relève, quant à lui, qu’en présence d’un tel cas de figure, « les droits de la défense ne sont alors plus en cause et la commission présumée d’une infraction constitue un motif légitime à [la] retranscription » des conversations [92]. Plus encore, affirme la Chambre criminelle, la dérogation au principe de confidentialité des échanges vaut également en présence d’indices de participation de l’avocat à des faits constitutifs d’une infraction et étrangers à la saisine du juge [93]. Le Bâtonnier est lui-même concerné : si la conversation au cours de laquelle un avocat, placé sous écoute, réfère de sa mise en cause dans une procédure pénale à son Bâtonnier ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure, tel n’est pas le cas lorsqu'elle révèle un indice de participation personnelle de ce dernier à une infraction pénale [94]. La CEDH confirme la validité d’une telle dérogation, le secret n’étant à ses yeux pas intangible, à la condition toutefois que la transcription des écoutes incidentes n’affecte pas les droits de la défense du client, c’est-à-dire que les propos retenus ne soient pas utilisés contre ce dernier dans la procédure dont il est l’objet [95]. La liberté de communication entre l’avocat et son client n’est ainsi pas affectée, dès lors que ce sont les propos de l’avocat lui-même qui sont susceptibles de constituer une infraction [96]. La Cour de cassation, quant à elle, a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative au sort des écoutes incidentes, se fondant sur le caractère exceptionnel de leur transcription [97].
Une telle construction jurisprudentielle ne permet pas, cependant, de garantir une protection suffisante contre d'éventuels abus. En premier lieu, le dispositif pose question du point de vue de la prévisibilité de la loi, ce que relève la Cour de Strasbourg après avoir constaté que le Code de procédure pénale ne prévoit pas que les propos provenant d’une personne autre que celle visée par la mesure puissent être utilisés contre cette dernière dans le cadre d’une procédure distincte de celle ayant donné lieu aux écoutes [98]. La Cour se montre attentive aux dispositifs nationaux ne précisant pas « la situation des personnes écoutées mais non visées par l’autorisation d’interception » [99]. Le législateur français, de son côté, n’a pas prévu de dispositions semblables à celles de l’article 706-95-14 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7227LPD) relatif aux techniques spéciales d’enquêtes, autorisant que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans l’autorisation du magistrat [100]. En outre, la loi ne mentionne nullement de critère d’existence de soupçons à l’égard de l’avocat quant à son implication dans l’infraction poursuivie – se contentant de se référer aux « nécessités » de l’instruction ou de l’enquête de police [101], lorsque la jurisprudence évoque des « indices », ce qui est trop vague.
En second lieu, le dispositif interpelle quant au contrôle de l’opération de transcription des écoutes. Comment, en effet, identifier et contrôler ce qui constitue un indice de participation à une infraction ou un comportement suspect de l’avocat ? Quel peut être le contrôle, sur le terrain, réalisé par les policiers ou par les juges, a posteriori ? La première difficulté tient à la possibilité de transcrire des conversations couvertes par le secret sans que soient caractérisés au préalable les indices d’une participation de l’avocat à la commission d’un délit. En cela, la mesure intrusive précède le soupçon. L’affaire « Bismuth », à cet égard, est révélatrice d’un tel écueil. La Cour de cassation a validé les écoutes judiciaires en invoquant le fait que l’avocat placé sous écoute n’était pas le défenseur de son client dans la procédure litigieuse et que leurs propos non seulement ne procédaient pas de l’exercice des droits de la défense dans ladite procédure, mais en outre révélaient des « indices de participation à des faits susceptibles de qualification pénale » [102]. La Cour délivre, de ce point de vue, une définition préoccupante de l’exercice des droits de la défense, conduisant à n’appliquer le secret des échanges entre l’avocat et son client qu’à la condition que celui-ci soit officiellement mis en cause (c’est-à-dire gardé à vue, mis en examen ou témoin assisté) et que le défenseur avec qui il s’entretient soit son défenseur désigné. Une telle solution paraît exclure le secret professionnel dans le cadre de l’activité de conseil et de contentieux, voire hors de toute procédure pénale [103]. La 32ème chambre correctionnelle a néanmoins retenu une interprétation différente, jugeant que le secret professionnel s’applique même si l’avocat n’assurait pas formellement la défense du justiciable dans le cadre d’une procédure où ce dernier avait été officiellement poursuivi [104]. La difficulté, surtout, résulte de ce que la validité des écoutes repose dans cette espèce sur un constat a posteriori – rappelons que la chambre de l’instruction avait validé le procédé non pas en présence d’indices de participation à une infraction, mais parce qu’« il semblait intéressant d’intercepter cette ligne confidentielle » [105]. Le risque est alors d’amoindrir les garanties existantes et d’user des écoutes judiciaires comme de filets dérivants [106] « captant tout dans leurs mailles » [107]. Le cabinet d’avocat deviendrait « un réservoir à preuves dans lequel on viendrait pêcher au filet dériveur » [108] : « chercher sans savoir ce que l’on cherche mais dans l’espoir de le trouver » [109], ce que Picasso et son propos célèbre, « je ne cherche pas, je trouve », n’auraient pas renié. Me Spinosi déplore ainsi une jurisprudence qui « permet d’écouter d’abord et de légitimer ensuite la transcription par ce soupçon d’une infraction à l’égard de l’avocat » [110]. Un tel dispositif, qui consister à valider a posteriori la transcription sur la base d’indices d’infraction étrangère à la saisine du magistrat ayant autorisé l’opération, semble au demeurant discutable du point de vue du principe de loyauté des preuves. Comment ne pas y voir, en effet, une forme de détournement d’un procédé légal ? Alors que les écoutes judiciaires sont réservées à la poursuite d’infractions d’un certain quantum, la loi ne fixe aucun critère de cet ordre relatif à l’infraction pour laquelle serait impliqué l’avocat et qui serait pourtant révélée par une mesure intrusive subordonnée, elle, à des conditions légales [111]. Or la transcription des écoutes judiciaires devrait servir à conforter la preuve d’une infraction dont le magistrat est saisi, non à obtenir la preuve d’une infraction, sauf à constituer une provocation à l’apparition d’une preuve illégale [112], consistant à user faussement d’une disposition légale afin de bénéficier des pouvoirs que celle-ci offre : dans la mesure où le procédé vise à éluder des dispositifs légaux de protection, sans doute pourrait-il être sanctionné au nom, donc, du principe de loyauté.
La deuxième difficulté liée au contrôle de la transcription des écoutes tient à la marge de manœuvre dont bénéficient les officiers de police judiciaire. Selon l’article 100-5 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3498IGN), il leur revient en effet de transcrire la correspondance, appréciant pour cela a posteriori, c’est-à-dire une fois les écoutes réalisées, ce qui peut l’être et ce qui ne le peut. Puisque nul recours a posteriori n’est prévu, l’échange entre un client et son avocat sera écouté par des OPJ, lesquels détermineront ainsi librement si son contenu doit être retranscrit, sans intervention ni d’un magistrat, ni du bâtonnier. Les OPJ se trouvent érigés, de la sorte, en gardiens du secret professionnel des avocats. Il ne faut pas négliger, en outre, le risque pour eux de garder en mémoire certains éléments – bien qu’écartés car relevant de l’exercice des droits de la défense – qui pourront leur servir dans l’obtention ultérieure de preuves [113]. De ce point de vue, il n’est pas certain que le droit à un procès équitable soit respecté.
Parce que le procédé est insusceptible de recours, et parce qu’il revient à l’OPJ de décider de ce qui relève du secret professionnel, le dispositif s’expose en définitive à un grief d’inconventionnalité [114].
Certes, la Cour de cassation est venue préciser, dans un arrêt remarqué, que la transcription doit être exclue si le contenu des conversations « procédait de l’élaboration d’une stratégie de défense et ne révélait pas, au moment de l’écoute, des indices de nature à faire présumer la participation de l’avocat à une infraction » [115] : aussi bien, les enquêteurs ne peuvent transcrire une conversation téléphonique entre un client et son avocat si les indices faisant présumer de la participation de ce dernier à une infraction sont postérieurs à l’écoute, donnant sens à l’interception. La garantie n’est toutefois pas suffisante et l’évolution souhaitable pourrait consister à interdire l’écoute et la transcription de la conversation, hormis l’hypothèse dans laquelle des indices antérieurs à la conversation laisseraient présumer la participation de l’avocat à l’infraction [116].
Conclusion - Pistes d’évolution
L’étude se sera révélée riche – de contradictions – et il est permis à ce stade de formuler plusieurs pistes d’évolution, certaines d’entre elles correspondant au projet de loi faisant actuellement l’objet de discussions :
En premier lieu, il s’agirait d’inscrire dans la loi un certain nombre de principes, en vue de remédier à l’absence de prévisibilité :
En second lieu, et en vue de garantir un contrôle efficace :
Telles sont ainsi, toutes proportions gardées, plusieurs évolutions qui pourraient s’envisager en vue de renforcer le secret professionnel. Nous nous en remettrons, pour clore le propos, à celui de Me H. Temime tenu à l’occasion de l’affaire Bismuth : « Il n’y a pas de bonne justice sans bonne défense, sans défense forte. Et il n’y a pas de défense sans secret professionnel […] » [127].
[1] H. Leclerc, Les secrets de l’avocat, in Secrets professionnels, (dir. M.-A. Frison-Roche), éd. Autrement, 1999, p. 209, spéc. p. 225. Me H. Leclerc a également tenu ce propos à l’occasion du colloque Justice et secret(s), Confluences Pénales de l’Ouest, Angers, 28-29 mars 2019.
[2] H. Leclerc, ibid., p. 225.
[3] B. Bouloc, Le secret professionnel de l’avocat, in Sciences pénales et sciences criminologiques, Mélanges offerts à R. Gassin, 2007, PUAM, p. 121, spéc. p. 126 ; Ph. Bonfils, E. Gallardo, Secret des correspondances, Rép. pén. Dalloz, n° 106 et s. ; B. Py, Secret professionnel, ibid., n° 24 ; M. Delmas-Marty, À propos du secret professionnel , D., 1982, p. 270.
[4] Loi n° 93-2, du 4 janvier 1993, portant réforme de la procédure pénale (N° Lexbase : L8015H3A) ; Loi n° 97-308, du 7 avril 1997, modifiant les articles 54, 62, 63 et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L4398IT3) ; Loi n° 2004-130, du 11 février 2004, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques (N° Lexbase : L7957DNZ) ; Loi n° 2011-331, du 28 mars 2011, de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées (N° Lexbase : L8851IPI).
[5] C. proc. pén., art. 706-92 (N° Lexbase : L0577LTK), mod. par la loi n° 2016-731, du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (N° Lexbase : L4202K87).
[6] D. Soulez Larivière, Les écoutes et le secret professionnel de l’avocat, JCP G, 2016, n° 20-21, 581 et du même auteur, La transparence et la vertu, Albin Michel, 2014.
[7] G. Carcassonne, Le trouble de la transparence, in Transparence et secret, Pouvoirs, 2001, n° 97, p. 17.
[8] Cass. crim., 18 janvier 2006, n°05-86.447, F-P+F+I (N° Lexbase : A5634DMM).
[9] CEDH, 24 août 1998, Req. 88/1997/872/1084, Lambert c/ France (N° Lexbase : A7236AWW) ; CEDH, 6 septembre 1978, Req. 5029/71, Klass et a. c/ Allemagne, § 50 (N° Lexbase : A3754ET9).
[10] CEDH, 24 avril 1990, Req. 11105/84, Huvig c/ France, § 32 (N° Lexbase : A6324AW7) et CEDH, 24 avril 1990, Req. 11801/85, Kruslin c/ France, § 33.
[11] C. proc. pén., art. 706-95 (N° Lexbase : L0578LTL).
[12] C. proc. pén., art. 74-2 (N° Lexbase : L5532LZW).
[13] C. proc. pén., art. 100 (N° Lexbase : L7405LPX).
[14] CSI, art. L852-1 (N° Lexbase : L4487K93).
[15] E. Mercinier-Pantalacci, Jugement Bismuth : le secret professionnel de l’avocat, fantôme ou disparition ? Dalloz actualité, 5 mars 2021 [en ligne] ; P.-A. Souchard, Affaire Bismuth : les écoutes au cœur de la condamnation, Dalloz actualité, 2 mars 2021 [en ligne]. ; V. Vantighem, Affaire dite « des écoutes Paul Bismuth » : les « amis » Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert lourdement condamnés, Lexbase Pénal, 25 mars 2021 (N° Lexbase : N6975BYY) et Nicolas Sarkozy de retour au tribunal avec treize autres prévenus pour le dossier « Bygmalion », Lexbase Pénal, 25 mars 2021 (N° Lexbase : N6972BYU).
[16] L. Garnerie, Commission Mattei : entre consensus et divisions, Gaz. Pal., 2021, n° 9, p. 9 ; P. Januel, Rapport Mattei : avocats et magistrats divisés sur les réformes à venir, Dalloz actualité, 26 février 2021 [en ligne].
[17] Avant-projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire [en ligne] ; P. Januel, Les grands lignes du projet de loi Dupond-Moretti, Dalloz actualité, 3 mars 2021 [en ligne] ; L. Garnerie, Réformes de la profession d’avocat : l’heure de la réflexion, Gaz. Pal., 2 février 2021 [en ligne].
[18] Ass. nat., Projet de loi n° 4091 pour la confiance dans l’institution judiciaire, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 14 avril 2021.
[19] P.-O. Sur, Il faut une grande loi sur le secret, Le Parisien, 30 septembre 2014, p. 16 [en ligne].
[20] F. Doyez, Avocat et secret professionnel, AJ pénal, 2004, p. 144.
[21] H. Leclerc, op. cit., p. 224.
[22] Cass. crim., 11 janvier 2001, n° 00-80.748 (N° Lexbase : A2818AYZ) ; Cass. crim., 18 septembre 2001, n° 00-86.518 (N° Lexbase : A1097AWK) ; Cass. crim., 12 juin 2007, n° 06-87.361, F-P+F (N° Lexbase : A1097AWK). Pour aller plus loin, v. P. Le Monnier de Gouville, Secret de l’instruction, droit à l’information et présomption d’innocence, in L’information (dir. T. Bonneau et A. Lepage), éd. Panthéon-Assas, 2020, p. 397 s.
[23] Cass. crim., 27 octobre 2004, n° 04-81.513, FS-P+F (N° Lexbase : A8547DDW).
[24] V. J. Lasserre-Capdeville, L’avocat et le secret de l’instruction : état des lieux, Gaz. Pal., 2020, n° 12, p. 14.
[25] C. Ambroise-Castérot, note sous CEDH, 16 juin 2016, Req. 49176/11, Versini-Campinchi et Crasnianski c/ France, AJ pénal, 2016, p. 427.
[26] V. not. A. Seid Algadi, Secret professionnel des avocats dans le cadre des écoutes téléphoniques et perquisitions : quel impact des décisions de la CEDH en droit interne ? Lexbase Avocats, avril 2015, n° 192 (N° Lexbase : N6895BUW).
[27] CEDH, 24 août 1998, Lambert c/ France, op. cit. ; CEDH, 6 septembre 1978, Klass et a. c/ Allemagne, op. cit., § 50.
[28] V. not. CEDH, 2 août 1984, Req. 8691/79, Malone c/ Royaume-Uni (N° Lexbase : A9002EWC) ; CEDH, 24 avril 1990, Kruslin et Huvig c/ France, op. cit. ; CEDH, 25 juin 1997, Req. 20605/92, Halford c/ Royaume-Uni (N° Lexbase : A8304AWH) ; CEDH, 25 mars 1998, Req. 23224/94, Kopp c/ Suisse (N° Lexbase : A7211AWY) ; CEDH, 24 août 1998, Lambert c/ France, op. cit.
[29] CEDH, 6 décembre 2012, Req. 12323/11, Michaud c/ France (N° Lexbase : A3982IY7).
[30] CEDH, 16 décembre 1992, Req. 72/1991/324/396, Niemietz c/ Allemagne (N° Lexbase : A6532AWT).
[31] CEDH, 24 août 1998, Lambert c/ France, op. cit., § 34 ; CEDH, 6 septembre 1978, Klass et a. c/ Allemagne, op. cit., § 55 s. ; cette exigence se rattache parfois à celle de la qualité de la loi : CEDH, 7 juin 2016, Req. 19602/06, Cevat Özel c/ Turquie, §§ 29-38 (N° Lexbase : A9691RRD).
[32] CEDH, 29 mars 2005, Req. 57752/00, Matheron c/ France (N° Lexbase : A6255DH7).
[33] CEDH, 24 avril 1990, Kruslin et Huvig c/ France, op. cit.
[34] Adde C. proc. pén., art. 74-2 (N° Lexbase : L5532LZW) : l’interception peut être décidée dans le cadre d’une enquête visant à chercher une personne en fuite.
[35] Cons. const., décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, § 138 et s. (N° Lexbase : A5079Y4U).
[36] C. proc. pén., art. 100-2 (N° Lexbase : L4941K8I).
[37] C. proc. pén., art. 706-95 (N° Lexbase : L0578LTL). Lorsque le dispositif vise à rechercher une personne en fuite, la durée prévue est de deux mois renouvelables, dans la limite de six mois en matière correctionnelle (C. proc. pén., art. 74-2 N° Lexbase : L5532LZW).
[38] V. Nioré, Le secret professionnel de l’avocat : un chef d’œuvre en péril ?, JCP G, 2014, n° 43, 1095.
[39] Cass. crim., 8 janvier 2013, n° 12-90.063, F-D (N° Lexbase : A5069I37).
[40] V. Nioré, op. cit.
[41] C. proc. pén., art. 230-34 (N° Lexbase : L7400LPR).
[42] CEDH, 2 septembre 2010, Uzun c/ Allemagne, op. cit., § 52 ; Cons. const., décision n° 2014-693 DC, 25 mars 2014, § 13 (N° Lexbase : A9174MHA).
[43] Cons. const., décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, op. cit., § 138 et s.
[44] En ce sens, v. C. Ingrain, R. Lorrain, M. Brochier et L. Saenko, Le secret professionnel de l’avocat balayé par les écoutes téléphoniques, note ss Cass. crim., 22 mars 2016, n°s 15-83205, 15-83206, 15-83207, Gaz. Pal., 2016, n° 14, p. 19.
[45] En ce sens, v. la pétition lancée le 12 novembre 2014 par Mes É. Dupond-Moretti, P. Haïk et H. Temime pour défendre le secret professionnel.
[46] Pour des précisions de droit comparé, v. E. Daoud et B. Bouche, Interceptions judiciaires : mais qui gardera les gardiens ? AJ pénal, 2014, p. 333.
[47] C. proc. pén., art. 100 (N° Lexbase : L7405LPX) et 100-1 (N° Lexbase : L7404LPW).
[48] V. infra.
[49] C. proc. pén., art. 100.
[50] Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-83.206, FS-P+B (N° Lexbase : A6046Q8G).
[51] CEDH, 7 juin 2016, Cevat Özel c/ Turquie, op. cit., § 29-38.
[52] Cons. const., décision n° 2014-693 DC, 25 mars 2014 (N° Lexbase : A9174MHA) ; Cons. Const., décision n° 2014-387 QPC, 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4069MIK) ; Cons. Const., décision n° 2014-390 QPC, 11 avril 2014 (N° Lexbase : A8257MIN).
[53] CEDH, 29 mars 2005, Matheron c/ France, op. cit., § 40 : à propos du juge d’instruction qui contrôle l’opération qu’il ordonne.
[54] CEDH, 6 décembre 2012, Michaud c/ France, op. cit., § 130.
[55] P. Le Monnier de Gouville, Le juge des libertés et de la détention. Entre présent et avenir, Thèse, Panthéon-Assas, 2011.
[56] En ce sens, v. la pétition op. cit., 12 novembre 2014.
[57] Commission « Mattei », op. cit., proposition n° 13 ; Projet de loi n° 4901, op. cit., art. 3, 6°.
[58] LPF, art. L16B ; CEDH, 21 février 2008, Req. 18497/03, Ravon et a. c/ France (N° Lexbase : A9979D4D). V. également, en d’autres matières : C. com., art. L450-4 (N° Lexbase : L0136LZ3), CMF, art. L621-12 (N° Lexbase : L2759LBS), C. consom., art. L512-63 (N° Lexbase : L0437LTD) et s.
[59] V. infra.
[60] En ce sens : V. Nioré, op. cit. ; E. Daoud, B. Bouche, op. cit. ; Proposition de loi n° 3311 visant à renforcer le secret professionnel des avocats, 15 septembre 2020, art. 1 [en ligne].
[61] Projet de loi n° 4901, op. cit., art. 3, 2°.
[62] C. proc. pén., art. 802-2 (N° Lexbase : L7201LPE).
[63] Cons. const., 21 mars 2019, op. cit., § 198.
[64] P. Le Monnier de Gouville, Quel juge pour l’enquête ? in La juridictionnalisation de l’enquête pénale, Actes du Colloque ICSJ/ ENM Bordeaux, 30 avril 2014, (dir. O. Décima), Cujas, coll. Actes et études, 2015, p. 83 ; Le juge des libertés et de la détention. Entre présent et avenir, op. cit.
[65] L’expression fait référence à la « théorie du double regard » liée au contrôle du JLD requis, depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 (N° Lexbase : L0618AIQ), en matière de détention provisoire.
[66] C. proc. pén., art. 706-91 (N° Lexbase : L4851K88). V. aussi C. proc. pén., art. 706-96-1 (N° Lexbase : L7417LPE), s’agissant des mesures de sonorisation et fixation d’images.
[67] P.-O. Sur, Les avocats sont les seuls à avoir une vision transverse de ce que véhicule qu’est le droit, JCP G, 2014, n° 17, 499.
[68] C. Charrière-Bournazel, L’avocat et la protection effective des droits fondamentaux, Combat d’un bâtonnat, Intervention donnée dans le cadre de la conférence organisée à Ouagadougou par la Conférence internationales des barreaux de tradition juridique, cité in E. Daoud, B. Bouche, op. cit.
[69] Contra : Cass. crim., 23 mai 2006, n° 06-83.241, F-P+F (N° Lexbase : A8697DPS) : la Cour n’exige pas un contrôle immédiat et valide une information à l’issue des opérations.
[70] P. Le Monnier de Gouville, La mutation du juge des libertés et de la détention, AJ pénal, 2019, p. 131.
[71] Cons. const., 21 mars 2019, op. cit., § 138 et s.
[72] Cons. const., décision n° 2015-478 QPC, 24 juillet 2015, §16 (N° Lexbase : A9644NM7).
[73] Me F. Szpiner, in La parole est à l’avocat, O. Duhamel et J. Veil, Dalloz, 2015, 2e éd., V° Secret professionnel, p. 149.
[74] CEDH, 16 décembre 1992, Niemietz c/ Allemagne, op. cit., § 37.
[75] CJUE, 14 septembre 2010, aff. C-550-07, Akzo Nobel Chemicals Ltd c/ Commission européenne, § 40-41 (N° Lexbase : A1978E97).
[76] Proposition de loi n° 3311, op. cit.
[77] E. Pierroux, Du regrettable art perdu du secret, Gaz. Pal., 2016, n° 1, p. 23.
[78] D. Soulez Larivière, op. cit.
[79] C. Porteron, Le secret professionnel de l’avocat, AJ pénal, 2009, p. 158.
[80] CA Paris, 1er juillet 1999, D. 1999. IR. 230.
[81] Cass. crim., 10 mai 1994, n° 93-81.522 (N° Lexbase : A9171CGR) ; Cass. crim., 30 septembre 1998, n° 98-81.951 (N° Lexbase : A5280ACK).
[82] Cass. crim., 12 mars 2013, n° 12-86.592, F-D (N° Lexbase : A9791I9I).
[83] Adde C. proc. pén., art. 727-1, al. 1 (N° Lexbase : L7705LP3) : les communications téléphoniques de personnes détenues avec leur avocat ne peuvent être écoutées ni enregistrées par l’administration pénitentiaire.
[84] Cass. crim., 17 septembre 2008, n° 08-85.229, F-P+F (N° Lexbase : A5077EAB).
[85] Cass. crim., 18 janvier 2006, n° 05-86.447, F-P+F+I (N° Lexbase : A5634DMM).
[86] En ce sens : E. Daoud et B. Bouche, op. cit.
[87] V. A. Seid Algadi, Le secret professionnel de l’avocat dans le cadre des écoutes téléphoniques : vers une inspiration états-unienne ? Lexbase Avocats, mars 2015, n° 190 (N° Lexbase : N6415BU7) ; P.-O. Sur, Le secret professionnel des avocats : pour quoi faire ? Colloque de l’Institut de droit pénal du barreau de Paris, 4 mars 2015, cité par A. Gallois, in Protection du secret professionnel des avocats : les limites du droit français, D., 2015, p. 977.
[88] Commission « Mattei », préc., prop. n°16.
[89] Cass. crim., 18 juin 2003, n°03-81.979, F-P+F (N° Lexbase : A0422C9I).
[90] Cass. crim., 23 mai 2001, n°01-81.567 (N° Lexbase : A1742CZK).
[91] Cass. crim., 15 janvier 1997, n° 96-83.753 (N° Lexbase : A1274AC8) ; Cass. crim., 8 novembre 2000, n° 00-83.570 (N° Lexbase : A6814CGH) ; Cass. crim., 14 novembre 2001, n° 01-85.965 (N° Lexbase : A4801CHB) ; Cass. crim., 12 mars 2013 et 17 sept. 2018, op. cit.
[93] V. par ex. Cass. crim., 1er octobre 2003, n° 03-82.909 : D. Luciani et J.-F. Mien, note, AJ pénal, 2003, p. 64 ; J. Pradel, obs., D. 2004, p. 671 ; C. Ambroise-Castérot, obs., RSC, 2004, p. 99.
[94] Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-83.205 : F. Cordier, obs., RSC, 2016, p. 364 ; P. de Combles de Nayves, note, AJ pénal, 2016, p. 261 ; C. Ingrain, R. Lorrain, M. Brochier et L. Saenko, note, Gaz. Pal., op. cit. ; H. Haxaire, note, Lexbase Avocats, mars 2016, n° 214. V. également D. Piau, Le bâtonnier, protecteur et confident nécessaire de ses confrères, là est la victoire, et elle est belle !, Dalloz actualité, 6 avril 2016 ; B. Fiorini, Affaire Paul Bismuth : Peut-on surveiller les avocats ?, Lexbase Avocats, juillet 2020 (N° Lexbase : N3969BYN).
[95] CEDH, 16 juin 2016, Versini-Campinchi et Crasnianski c/ France, op. cit., § 79-80 : É. Raschel, note, D. 2016, p. 1852 ; A. Portmann, note, Dalloz actualité, 17 juin 2016 ; C. Ambroise-Castérot, note, AJ pénal, 2016, p. 427 ; J. Andriantsimbazovina, obs., Gaz. Pal., 2016, n° 27, p. 24 . V. égal. : CEDH, 6 décembre 2012, Michaud c/ France, op. cit.
[96] Ibid., §83 (1er arrêt).
[97] Cass. crim., 6 avril 2016, n° 15-86.043, FS-P+B (N° Lexbase : A1550RCE) : C. Benelli de Bénazi, obs., Dalloz actualité, 22 juin 2016.
[98] CEDH, 16 juin 2016, Versini-Campinchi et Crasnianski c/ France, op. cit., § 54.
[99] CEDH, 3 février 2015, Req. 30181/05, Pruteanu c/ Roumanie, § 44 (N° Lexbase : A7713NAW).
[100] Cela « ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes ». V. H. Vlamynck, Le traitement procédural des faits nouveaux, incidents ou distincts, AJ pénal, 2012, p. 215.
[101] C. proc. pén., art. 100 et 706-95. Au sujet du dévoiement de la notion de nécessité, v. O. Cahn et K. Parrot (dir.), Le principe de nécessité en droit pénal, Actes de la journée d’études radicales, Cergy-Pontoise, 12 mars 2012, Lextenso, coll. LEJEP, 2013.
[102] Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-83.206, op. cit.
[103] O. Dufour, Le secret de l’avocat victime des vapeurs toxiques du bismuth, Gaz. Pal., 2016, n° 13, p. 5.
[104] E. Mercinier-Pantalacci, op. cit. ; P.-A. Souchard, op. cit.
[105] S. Lavric, Affaire Paul Bismuth : ce qu’a dit la cour d’appel pour valider les écoutes, Dalloz actualité, 26 janvier 2016 [en ligne].
[106] L’expression, très employée, est vraisemblablement attribuée à Me P. Spinosi dans l’affaire Bismuth (d’après F. Sicard, in Le droit fondamental pour tous de pouvoir bénéficier d’un avocat libre, indépendant et tenu au secret professionnel, Gaz. Pal., 2016, n° 30, p. 11.
[107] P. Dourneau-Josette, Interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications électroniques, Rép. pén. Dalloz, n° 89.
[108] J. Danet, cité par D. Luciani et J.-F. Mien, in op. cit.
[109] C. Ingrain, R. Lorrain, M. Brochier et L. Saenko, op. cit.
[110] Au sujet de l’arrêt CEDH, 16 juin 2016, op. cit., cité par A. Portmann in Dalloz actualité, 17 juin 2016, op. cit.
[111] En ce sens, v. C. Ingrain, R. Lorrain, M. Brochier et L. Saenko, op. cit.
[112] Sur cette manifestation de la déloyauté, v. P. Le Monnier de Gouville, Loyauté des preuve et identification du stratagème déloyal, Lexbase Droit privé, septembre 2017, n° 710 (N° Lexbase : N9929BWN).
[113] En ce sens, v. S. Fucini, Écoutes téléphoniques et interceptions de conversations avec un avocat, Dalloz actualité, 12 juillet 2016 [en ligne].
[114] J.-P. Lévy, À propos des atteintes portées au secret par la pratique des écoutes téléphoniques judiciaires des cabinets d’avocats, Lettre juridique, Lexbase, 10 juillet 2014, n° 578 (N° Lexbase : N2951BUT).
[115] Cass. crim., 15 juin 2016, n°15-86.043, FS-P+B : S. Fucini, op. cit. ; A. Portmann, Avocats : « Il faut partir du principe qu’on est tous placés sur écoute », Dalloz actualité, 22 juin 2016 [en ligne].
[116] En ce sens, S. Fucini, op. cit.
[117] D. Soulez Larivière, op. cit. Ces modifications permettraient, selon lui, à la France d’être en harmonie avec les principes édictés par la CEDH, la Cour pénale internationale et la pratique de la plupart des pays de l’Union européenne.
[118] V. la pétition préc., 12 novembre 2014. La proposition fut aussi celle de Me C. Charrière-Bournazel, alors président du CNB (cité par V. Nioré, in op. cit).
[119] En ce sens, proposition de loi n° 3311. op. cit, art. 3.
[120] « Aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile, sauf s’il existe contre celui-ci des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure ». L’avant-projet de loi, lui, précisait : « Lorsque l’interception porte sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile, elle n’est possible que s’il existe contre celui-ci des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction. »
[121] D. Perben, Mission relative à l’avenir de la profession d’avocat, juillet 2020, p. 41 ; P. Januel, Rapport Perben : comment sauver les avocats ? Dalloz actualité, 26 août 2020 [en ligne].
[122] En ce sens, v. A. Gallois, op. cit.
[123] V. en ce sens J.-P. Lévy, op. cit.
[124] Barreau de Paris, communiqué, 20 mars 2014, cité par E. Daoud, B. Bouche, op. cit.
[125] Proposition de loi n° 3311, op. cit., art. 4.
[126] V. égal. en ce sens : D. Soulez Larivière, op. cit.
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par Audrey Probst, Avocat counsel, Cabinet Fromont Briens
Le 22 Juillet 2021
Le droit du travail s’est historiquement construit sur le modèle économique industriel, lequel impliquait une présence physique des salariés dans l’établissement de l’employeur. Pour la majorité des salariés, ce schéma est encore d’actualité. Mais en télétravail, les fonctions s’exécutent depuis le réseau informatique de l’entreprise, et la réalisation de ces fonctions à distance ne nécessite aucunement la présence du salarié dans un lieu déterminé. Reprenant les dispositions de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, le législateur a défini le lieu de télétravail par opposition. Ainsi, l’article L. 1222-9 du Code du travail (N° Lexbase : L0292LMR) désigne le télétravail comme « toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication ».
Une telle définition permet d’exclure les salariés qui exécutent leur contrat de travail à distance depuis un autre bureau de l’entreprise (bureau satellite), et ceux dont les fonctions n’auraient pas pu, en tout état de cause, être exécutées dans les locaux de l’employeur. En revanche, tout autre lieu extérieur aux locaux de l’entreprise peut être un lieu de télétravail. En pratique, le télétravail s’exerce majoritairement depuis le domicile du salarié, ou depuis un télécentre ou espace de « co-working ». Mais le télétravail peut aussi s’exercer en d’autres lieux (depuis les locaux des clients de l’employeur, la résidence secondaire du salarié, une chambre d’hôtel, dans un train, une gare, un aéroport…). L’ANI précité prévoit d’ailleurs expressément l’hypothèse des télétravailleurs « dit nomades », à savoir des salariés pouvant exercer leurs fonctions totalement, ou partiellement, à distance grâce aux outils technologiques depuis n’importe quel lieu. Il pourrait dès lors être envisagé une relation de télétravail salarié sans détermination d’un quelconque lieu de travail. L’obligation du salarié se résumerait alors à devoir se connecter au réseau de l’entreprise pour y effectuer sa prestation de travail (recevoir les ordres et directives de l’employeur et les exécuter). Le salarié serait ainsi libre de choisir le lieu depuis lequel il se connecte au réseau de l’entreprise. A cet égard, il convient de noter que la Directive n° 2019/1152 du 29 juin 2019, relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union Européenne (N° Lexbase : L0121LRW), qui abroge la Directive du 14 octobre 1991 à compter du 1er août 2022, modifie l’obligation d’information de l’employeur notamment en ce qui concerne le lieu de travail, en permettant expressément de prévoir que le salarié peut être « libre de déterminer son lieu de travail ».
Pour autant, le contrat de travail peut-il se passer totalement de la détermination d’un lieu de travail ? En pratique, cela apparait difficile, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, ne serait-ce que pour des considérations pratiques, et notamment pour pouvoir adresser au salarié des correspondances, ou faire effectuer des visites, l’employeur doit, pour le moins, disposer de l’adresse du domicile du salarié. Il convient de préciser, à cet égard, que le fait pour l’employeur d’exiger du salarié qu’il communique l’adresse de son domicile a été jugé par la Cour de cassation, et régulièrement par les juges du fond, comme parfaitement licite, cette information étant nécessaire pour pouvoir remplir le salarié de ses droits [1], ou exercer son droit à faire pratiquer une contre-visite médicale [2].
Deuxièmement, à l’égard des télétravailleurs salariés, l’employeur reste débiteur de son obligation de sécurité. L’article L. 1222-10 du Code du travail (N° Lexbase : L8105LGB) dispose expressément que l’employeur est tenu à l’égard des salariés en télétravail à ses obligations de droit commun. L’article 8 de l’ANI du 19 juillet 2005 prévoit également expressément que « les dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et à la sécurité au travail sont applicables aux télétravailleurs », et que « l’employeur doit veiller à leur strict respect ». L’employeur doit donc respecter les dispositions du Code du travail relatives à l’hygiène, la santé et la sécurité, y compris à l’égard des salariés placés en situation de télétravail. Pour le moins, l’employeur doit s’enquérir des conditions de travail des salariés en télétravail, et donc du, ou des lieux potentiels de télétravail, afin de prévenir tout risque d’atteinte à leur santé et leur sécurité, et ce d’autant plus que l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail et pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail (C. trav., art. L. 1222-9, in fine N° Lexbase : L0292LMR).
Troisièmement, le lieu depuis lequel le salarié exécute le télétravail peut avoir une incidence sur les règles de droit applicables en matière de droit du travail et de protection sociale, ainsi que sur la compétence du tribunal en cas de litige. Le coût des déplacements professionnels dépend également directement du lieu de télétravail. L’employeur peut donc avoir un intérêt à déterminer le, ou les lieux, de télétravail.
Enfin, il convient de noter qu’à défaut de fixation d’un lieu de télétravail, les juges considèrent que celui-ci s’exerce, au moins pour partie, au domicile du salarié, avec les conséquences juridiques qui en découlent. Tel est le cas, par exemple, d’un salarié itinérant devant effectuer une partie de ses fonctions (notamment gérer des commandes, préparer ses visites et en rendre compte, actualiser les informations, répondre aux courriels…), au moyen d’une connexion Internet (Wifi ou clé 3G fournie par l’employeur), et ce en tout lieu, alors que « l'employeur ne peut pour autant prétendre que l'exécution par les salariés de leurs tâches administratives à domicile ne résulte que de leur seul choix, compte tenu de la diversité de ces tâches et de la nécessité de pouvoir s'y consacrer sérieusement dans de bonnes conditions » [3]. Tel est également le cas d’un Directeur de région qui, à l’instar des commerciaux, ne dispose pas d’un bureau professionnel pour gérer et stocker les dossiers clients, se connecter aux données de l’entreprise, lire et répondre aux courriels [4].
Pour toutes ces raisons, les parties ont donc intérêt à prévoir, au sein du contrat le, ou les lieux d’exercice du télétravail, en particulier si le contrat de travail s’exécute uniquement depuis ce lieu, ainsi que, le cas échéant, les modalités de poursuite du contrat sans télétravail.
Le télétravail, en particulier lorsqu’il s’exécute au domicile du salarié, présente des particularités, liées à la fixation du lieu de télétravail (I.), aux conditions d’exercice du télétravail (II.) et à la fin du télétravail (III.).
I. La fixation du lieu de télétravail
Conformément au droit commun, le, ou les lieux de télétravail, font l’objet d’une clause au sein du contrat de travail, l’employeur étant tenu d’informer le salarié de son lieu de travail. La portée de cette clause dépend toutefois du lieu fixé pour le télétravail.
A. La fixation du lieu de télétravail autre qu’au domicile du salarié
Le télétravail exercé dans un autre lieu que le domicile du salarié, recouvre les hypothèses de télétravail en télécentre, et de télétravail nomade avec un bureau mis à disposition du salarié dans les locaux de l’employeur.
Lorsque le télétravail est exercé depuis un télécentre, l’adresse de celui-ci sera, en principe, indiquée à titre d’information au sein du contrat de travail. En effet, sauf accord des parties sur la fixation d’un lieu de travail exclusif au sein du contrat de travail, le lieu de travail mentionné au sein du contrat a, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, une simple valeur d’information [5]. En conséquence, le contrat de travail n’est modifié que si le changement du lieu de travail se situe à l’extérieur du secteur géographique du lieu de travail initial. A l’intérieur du secteur géographique, la modification du lieu de travail constitue un simple changement des conditions de travail pouvant être imposé au salarié [6]. Le salarié refusant ce changement de ses conditions de travail est alors susceptible de se voir notifier son licenciement pour faute grave, sauf à démontrer, le cas échéant, une atteinte disproportionnée à sa vie personnelle et familiale [7].
Ces principes restent les mêmes dans le cadre du télétravail en télécentre. Le lieu du télécentre peut ainsi être changé unilatéralement par l’employeur à l’intérieur du même secteur géographique sans pour autant modifier le contrat de travail.
Pour des télétravailleurs « nomades », c’est-à-dire les salariés itinérants, dont l’exécution du contrat de travail nécessite de pouvoir recevoir des ordres et des directives de l’employeur et y répondre à distance par l’utilisation des outils technologiques, le lieu de travail est généralement fixé au siège social de l’entreprise ou dans un établissement, assorti de la définition d’un secteur géographique (secteur d’intervention, de prospection de la clientèle…). Le télétravail s’exécutera alors au sein de ce secteur géographique, tout changement de secteur devant alors faire l’objet d’un accord des parties, sauf clause éventuelle de mobilité géographique.
B. Spécificités du lieu de télétravail fixé au domicile du salarié
Le lieu de télétravail fixé au domicile du salarié présente plusieurs particularités. D’une part, le télétravail ne peut, en principe, jamais être fixé au domicile sans l’accord préalable du salarié (a.). D’autre part, le salarié reste libre de choisir le lieu d’établissement de son domicile, même si le télétravail s’exécute à son domicile et qu’il décide de déménager à plusieurs centaines de kilomètres ou à l’étranger (b.). En conséquence, se pose la question de la validité d’une clause contractuelle fixant le lieu de télétravail dans un secteur géographique déterminé (c.).
a. Le télétravail au domicile du salarié est subordonné à l’accord préalable de ce dernier
Par principe, l’accord du salarié pour l’exécution d’un télétravail au domicile est nécessaire. Parce qu’il est une forme particulière d’exécution du contrat de travail, le télétravail nécessite, par principe, l’accord tant de l’employeur que du salarié. Mais lorsque le télétravail s’exécute depuis le domicile du salarié, l’accord de ce dernier est doublement requis.
La Cour de cassation a posé ce principe dans un arrêt du 2 octobre 2001, au visa des articles L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) (anciennement L. 120-2 N° Lexbase : L5441ACI) du Code du travail et 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), selon lesquels « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » et que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». La Cour de cassation en conclut que « le salarié n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail » [8]. L’accord du salarié est donc toujours nécessaire, que le domicile soit ou non situé dans le même secteur géographique que les locaux de l’employeur, le fait d’imposer au salarié de travailler à son domicile constituant une atteinte à l’intimité de la vie privée. La Cour de cassation a, par la suite, confirmé sa position précisant que « l'occupation, à la demande de l'employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail » [9].
Un télétravail au domicile du salarié requiert donc obligatoirement, et sauf circonstances exceptionnelles, l’accord exprès du salarié, non seulement sur le principe du télétravail, mais également sur le fait que celui-ci s’exercera au domicile du salarié.
En conséquence, le lieu du télétravail, à savoir le domicile du salarié, est nécessairement contractualisé, de sorte que, sauf clause de réversibilité, le retour du salarié dans les locaux de l’employeur nécessite également son accord [10]. Il est à noter qu’il en va ainsi, si une clause du contrat de travail prévoit expressément le télétravail au domicile, mais également lorsque le télétravail au domicile est implicitement, mais nécessairement, induit par l’absence de tout lieu de travail laissé à la disposition du salarié dans les locaux de l’employeur [11]. Et, il importe peu, à cet égard, que le contrat de travail comporte, par ailleurs, une clause de mobilité géographique [12]. Ce qui est contractualisé est, en effet, le principe d’une organisation du travail au domicile du salarié.
Par exception, des circonstances exceptionnelles, comme un risque d’épidémie, peut justifier d’imposer le télétravail au domicile. Selon les dispositions de l’article L. 1222-11 du Code du travail (N° Lexbase : L8103LG9), « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés. » La crise de la pandémie de la covid-19 a conduit les entreprises, sur recommandation des pouvoirs publics, à imposer un télétravail au domicile des salariés. La solution n’allait pas de soi dans la mesure où le télétravail à domicile ne constitue pas seulement une modification du contrat de travail, mais également une atteinte à la liberté individuelle et à l’intimité de la vie privée du salarié. Nombre de salariés, ayant dû à la fois, assurer l’exécution de leur contrat de travail, le suivi scolaire de leurs enfants, et/ou les préoccupations diverses et variées de leurs enfants en bas âge, ont vite compris que cette immixtion de leur vie professionnelle dans l’intimité de leur vie privée n’était pas sans conséquences. Une telle atteinte ne peut qu’être très exceptionnelle. Lors de l’état d’urgence sanitaire, celle-ci a pu être, d’une part, justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise (devant assurer la poursuite de l’activité tout en assurant la santé et la sécurité des salariés au regard du contexte sanitaire et des restrictions aux libertés prises par les autorités publics) et proportionnée au but recherché (dès lors que celle-ci était temporaire et liée à la déclaration d’état d’urgence sanitaire). Il convient toutefois de bien noter que le recours à l’article L. 1222-11 du Code du travail pour imposer un télétravail au domicile, doit, compte tenu de l’atteinte particulière portée à la vie privée et familiale des salariés, être strictement encadré par le contrôle du caractère indispensable et proportionné de cette mesure. Les hypothèses où le télétravail peut être imposé au salarié à son domicile personnel sont donc, par nature, extrêmement limitées.
b. Le télétravailleur à son domicile est-il libre de fixer le lieu du télétravail ?
Par principe, le salarié est libre de fixer le lieu d’établissement de son domicile privé. Le domicile privé du salarié n’est pas un lieu comme un autre. Il est notamment protégé par les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR) qui dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance », et la Cour de cassation considère que le libre choix du domicile personnel et familial est un attribut de ce droit. Ainsi, le salarié est libre de choisir le lieu d’établissement de son domicile privé, et l’employeur ne peut pas, par principe, exiger qu’il soit situé dans un secteur géographique déterminé.
La Cour de cassation sanctionne ainsi, sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des liberté fondamentales et/ou l’article 9 du Code civil et l’article L. 1121-1 du Code du travail, toute clause de domiciliation qui ne serait pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’employeur et proportionnée au but recherché. Le contrôle du caractère indispensable et proportionné des clauses de domiciliation est en outre particulièrement stricte, de sorte qu’il est possible de se demander si elles ne sont pas purement et simplement prohibées.
Par exemple, a été jugée nulle la clause réservant le droit, pour l’employeur, de modifier le secteur géographique d’un attaché commercial, en lui demandant d’être domicilié sur ce secteur dans les 6 mois du changement d’affectation. La Cour de cassation a, en effet, désapprouvé l’analyse de la cour d’appel qui avait estimé cette clause valable, exigeant que soit caractérisé le caractère indispensable de cette clause pour la protection des intérêts légitimes de l’employeur et le caractère proportionné de celle-ci, compte tenu de l’emploi occupé, précisant qu’en l’espèce, l’employeur ne justifiait pas de la nécessité d’un changement de domicile, le salarié ayant proposé de prendre une résidence sur son nouveau secteur d’affectation [13]. De même, elle a sanctionné la clause du contrat de travail d’un avocat salarié, stipulant que celui-ci devait être domicilié « dans l’environnement local », estimant que la justification tirée de la nécessité d’une bonne intégration de l’avocat salarié dans l’environnement local du cabinet, ne constituait pas un objectif justifiant l’atteinte portée à la liberté individuelle du salarié [14]. Elle a également sanctionné une clause de résidence, imposée à une employée gouvernante, chargée notamment de veiller au confort physique et moral des majeurs sous tutelle ou curatelle, logés par l'association dans un appartement, l’obligation faite à la salariée de résider à moins de 200 mètres de son lieu de travail n’étant ni justifiée, ni proportionnée [15]. N’est pas davantage justifié le fait, pour un employeur, d’exiger d’un salarié son déménagement, en raison du fait que celui-ci détenait dans le cadre de l’exécution de ses fonctions une importante collection de bijoux appartenant à l’entreprise, et qu’il avait déjà subi plusieurs agressions à son domicile, de sorte que la compagnie d’assurance refusait désormais de garantir tout sinistre survenant dans certains départements [16].
Une clause de domiciliation peut-elle être néanmoins valable dans le cadre spécifique du télétravail à domicile ?
L’employeur peut-il légitimement s’opposer au déménagement du télétravailleur à domicile ? Si le salarié est, par principe, libre de choisir le lieu d’établissement de son domicile privé, ce choix, surtout si le télétravail est exercé à temps plein au domicile, peut indéniablement avoir des conséquences sur l’économie générale du contrat de travail. En effet, le salarié pourrait parfaitement décider de s’installer à plusieurs centaines de kilomètres des locaux de l’employeur, voire à l’étranger. Quelles en sont les conséquences ? L’employeur peut-il s’y opposer ?
- Conséquences du déménagement à l’étranger du télétravailleur à domicile
Outre les frais de déplacement qui peuvent être considérablement alourdis, la décision du salarié de déménager son domicile à l’étranger, et donc d’y exercer le télétravail, peut bouleverser l’économie générale du contrat de travail.
En effet, la loi applicable au contrat est, à défaut de choix des patries, la loi du pays où est habituellement accompli le travail, sauf si le travail n’est pas habituellement accompli dans un même pays, et sauf s’il résulte des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays (Convention de Rome, art. 6 ; Règlement « Rome I » du 17 juin 2008, art. 8). Dans l’hypothèse d’un télétravail débuté en France, entre des parties de nationalité française et selon les lois françaises, il est possible que les juges considèrent que la loi applicable reste la loi française. Rappelons, à cet égard, que l’application de la loi française emporte également celle de la convention collective de branche applicable à l’entreprise. En revanche, le choix de la loi applicable à un salarié étranger, certes embauché en France, mais ayant immédiatement déménagé pour rejoindre son pays d’origine en télétravail, et exerçant, par exemple, ses fonctions avec des interlocuteurs situés dans cet Etat, pourrait bien emporter l’application de la loi étrangère. En tout état de cause, même si la loi applicable restait la loi française en raison d’un faisceau d’indices concordants, les lois impératives plus favorables au salarié trouveront à s’appliquer. D’autant que se pose également la question de l’application aux télétravailleurs des dispositions de la Directive n° 2018/957 du 28 juin 2018 (N° Lexbase : L3559LLE), imposant pour tout détachement de plus de 12 mois sur le territoire d’un autre Etat membre, l’application au salarié, au titre de l’égalité de traitement, de la législation et de la réglementation applicables dans l’Etat européen au sein duquel est exécuté le travail (sauf pour ce qui concerne la conclusion et la rupture du contrat de travail, ainsi que les régimes complémentaires de retraite). Cette disposition, transposée en droit français par l’ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019 (N° Lexbase : L3486LPS) et codifiée à l’article L. 1262-4 du Code du travail (N° Lexbase : L3709LP3), l’a été tout autant dans les autres pays de l’Union européenne. Certes, les télétravailleurs ne sont pas expressément visés par ces dispositions, mais ils ne semblent pas pour autant exclus, compte tenu notamment de la définition du détachement posée à l’article L. 1262-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5748IA7) [17].
Il convient, en outre, de noter, qu’en cas de litige, le tribunal compétent sera celui du lieu habituel de travail, et donc le lieu du domicile du télétravailleur situé à l’étranger. Le litige pourrait donc échapper aux juridictions françaises.
Par ailleurs, l’application du régime de protection sociale du salarié établi et exerçant ses fonctions depuis l’étranger pose question. En effet, dans le cadre d’un télétravail volontairement organisé à l’étranger, et pour une courte durée, (inférieure à 24 mois), le régime des travailleurs détachés pourrait trouver à s’appliquer. Même si elle n’est pas (encore) expressément prévue, la situation des télétravailleurs à domicile à l’étranger ne contrevient pas, en effet à la définition du travailleur détaché et aux règles particulières posées à l’article 12 du Règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L7666HT4) [18], ou encore à l’article 14 du Règlement n° 987/2009 du 16 septembre 2009 (N° Lexbase : L8946IE3) [19].
Toutefois, si le déménagement du salarié ne s’effectue pas dans le cadre d’un « détachement », qui suppose que l’employeur « détache » volontairement le salarié dans un autre Etat-membre pour effectuer une prestation pour son propre compte, le télétravailleur devra alors être affilié aux régimes de Sécurité sociale de l’Etat dans lequel il a fixé son domicile. Il en va de même, si le salarié en situation de télétravail déménage à l’étranger pour une plus longue période, sans « esprit de retour ». Dans ce cas, une difficulté pratique se présente pour assurer l’affiliation du salarié et payer les cotisations, si l’employeur ne dispose d’aucun établissement dans le pays d’accueil.
Le déménagement du télétravailleur à l’étranger, à l’intérieur ou non de l’Union européenne, emporte donc des conséquences sur les règles de droit applicables au contrat de travail et sont susceptibles de bouleverser l’économie générale du contrat de travail [20].
- L’employeur peut-il valablement s’opposer au déménagement à l’étranger du télétravailleur à domicile ?
Compte tenu des conséquences engendrées par le déménagement du télétravailleur à l’étranger sur les règles applicables au contrat, l’employeur pourrait alors, a priori, disposer d’un motif légitime pour opposer un refus à un tel déménagement. Néanmoins, une telle solution apparait critiquable.
En effet, même dans cette hypothèse, l’entrave au libre choix du domicile du salarié ne sera pas nécessairement jugée comme indispensable aux intérêts légitime de l’entreprise. En outre, pour être licite, une telle entrave devra être proportionnée au but recherché. Or, le fait qu’un salarié décide d’établir son domicile à l’étranger (par exemple dans un Etat frontalier pour des raisons personnelles et familiales) n’aura pas de conséquences sur le contrat de travail si, par ailleurs, il exécute sa prestation en télétravail depuis une résidence située en France. Le choix du salarié d’effectuer des trajets entre son domicile privé et sa résidence en France lui appartient, et on voit dès lors mal comment l’employeur pourrait lui imposer le lieu de son domicile privé.
En conséquence, sauf à ce que le déménagement emporte des conséquences sur les autres conditions posées dans le contrat de télétravail, et rendant de fait, impossible la poursuite du télétravail (absence de connexion Internet…), le refus de l’employeur au déménagement du domicile du salarié nous apparait difficilement justifiable et proportionné au regard de l’atteinte portée à la vie privée du salarié.
Pour ces mêmes raisons, une clause contractuelle de domiciliation, même pour un salarié exécutant son contrat de travail à temps plein à son domicile, et sauf à justifier d’autres circonstances particulières indispensables aux intérêts légitimes de l’entreprise, sera illicite et réputée non écrite.
c. Peut-on fixer contractuellement le lieu du télétravail, sans entraver la liberté du salarié de choisir le lieu de son domicile ?
Ce qui est avant tout protégé par la Cour de cassation, c’est la liberté d’une personne d’établir son domicile personnel et familiale au lieu de son choix. Si cette liberté n’est pas entravée, l’employeur pourra davantage justifier le fait d’imposer le lieu du télétravail dans un secteur géographique déterminé (nécessité de pouvoir se déplacer dans l’entreprise à bref délai pour participer à des réunions, prise en charge des frais de déplacements…). Dans ce cas, la clause du contrat de travail devra alors préciser que le télétravail s’effectue dans tel secteur géographique, depuis le domicile du salarié, mais également dans toute autre résidence (voir depuis un télécentre) située dans ce secteur. Le salarié sera ainsi libre d’établir son domicile personnel et familial dans le lieu de son choix, mais conserverait l’obligation de télétravailler depuis un lieu personnel et stable, situé dans un périmètre géographique déterminé.
En pratique, les entreprises évitent bien souvent le sujet en organisant un télétravail au domicile pour une ou deux journées par semaine, obligeant ainsi le salarié à conserver son domicile, ou pour le moins une résidence, à proximité des locaux de l’employeur. La question devrait, en revanche, se poser avec plus d’acuité à l’avenir, avec le développement du télétravail à domicile à temps plein.
II. Les conditions d’exercice des fonctions au lieu du télétravail
Les parties au contrat peuvent librement déterminer les conditions d’exécution du télétravail, sous réserve toutefois, et notamment lorsque le télétravail s’exécute au domicile du salarié, de ne pas porter d’atteinte injustifiée ou disproportionnée à sa vie privée (A.). Par ailleurs, l’exécution du télétravail entraine, en application du principe d’égalité de traitement, l’application des mêmes avantages que ceux accordés aux salariés exerçant dans les locaux de l’employeur. La situation du lieu de télétravail au domicile du salarié pose alors la question des remboursements de frais (B.).
A. Le contrat de travail, ou l’avenant, peut fixer les conditions de l’exercice du télétravail, sous réserve du respect de la vie privée du salarié
Les parties au contrat peuvent contractuellement fixer les conditions d’exercice du télétravail. Les dispositions du Code du travail n’imposent pas de clauses contractuelles spécifiques au télétravail, l’article L. 1222-9 (N° Lexbase : L0292LMR) se contentant de prévoir que l’accord des parties sur le télétravail peut être formalisé par tout moyen.
Néanmoins, les parties peuvent parfaitement fixer au sein du contrat, ou d’un avenant, les conditions d’exercice du télétravail, notamment pour préciser :
Les conditions d’hygiène et de sécurité applicables au lieu de télétravail. S’agissant du télétravail en télécentre, les conditions d’exécution du télétravail ne posent guère de difficulté juridique. Ce lieu dépend du choix de l’employeur, qui assume en conséquence, la responsabilité de la conformité de ce lieu aux normes d’hygiène et de sécurité. L’exécution de la relation de travail ne présentera que peu de différences avec celle des salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise.
Au domicile du salarié en revanche, l’employeur se trouve privé de la faculté d’organiser l’espace de travail. Tout au plus, peut-il remplir son obligation de prévention en assurant une information, voire une formation du salarié sur les risques en matière de santé et de sécurité, sur les règles d’ergonomie du poste du travail, du travail sur écran, d’éclairage, d’aération, de niveau sonore…et en sollicitant une attestation du salarié sur la conformité de son poste de travail à ces règles. Dès lors que l’employeur a connaissance d’un non-respect de ces règles, il devra alors mettre un terme au télétravail au domicile.
Les conditions du télétravail devront respecter la vie privée du télétravailleur. Les conditions d’exécution du télétravail ne devront pas porter une atteinte injustifiée ou disproportionnée à sa vie privée, conformément aux dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du travail et de l’article 9 du Code civil.
En conséquence, le contrôle exercé par l’employeur sur l’activité du télétravailleur ne devra pas être excessif (webcam de l’ordinateur activée en permanence, logiciels de contrôle permanent de l’activité de l’ordinateur, appels intempestifs pour vérifier la présence du salarié…).Rappelons également qu’« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance » [21], qu’il doit être informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles, et que celle-ci doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie [22]. En conséquence, de telles mesures de contrôle seraient non seulement illicites, mais également inefficaces.
De même, la protection de la vie privée des télétravailleurs impose une charge de travail et des horaires de disponibilité raisonnables. C’est la raison pour laquelle, les parties ont intérêt à prévoir :
B. L’employeur doit prendre en charge les frais exposés par le salarié pour l’exercice du télétravail
Si, depuis le 24 septembre 2017, le Code du travail ne prévoit plus de règle expresse imposant à l’employeur de prendre en charge les coûts liés au télétravail, cette l’obligation demeure néanmoins. L’article 7 de l’ANI du 19 juillet 2005 prévoit expressément que « l’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications ». La Cour de cassation rappelle également régulièrement le principe selon lequel, il incombe à l’employeur de supporter les frais engendrer par l’exécution du contrat de travail [23]. Et une clause du contrat de travail ne peut pas valablement prévoir que le salarié supportera intégralement ces frais [24]. Le cas échant, les parties peuvent prévoir le versement d’une somme forfaitaire, fixée à l’avance, et correspondant aux remboursements de frais, si toutefois cette somme reste en adéquation avec le montant des frais réellement supportés par le salarié [25]. Dans ce cas, la qualification de la somme en remboursement de frais, exonérés de cotisations de Sécurité sociale, demeure toutefois soumise à la justification par l’employeur auprès de l’URSSAF des frais réellement exposés par le salarié [26].
S’agissant des télétravailleurs, il convient donc d’évaluer les frais engagés par le salarié pour l’exercice direct du télétravail, c’est-à-dire les frais que le salarié n’aurait pas eu à exposer s’il n’avait pas exercé ses fonctions depuis son domicile. Dans certaines circonstances, notamment lorsque le télétravail est ponctuel et/ou mis en œuvre en raison de circonstances exceptionnelles (telles que le confinement au domicile décrété actuellement par les autorités), le montant des frais peut être négligé, le salarié n’ayant pas, ou très peu, exposé de frais supplémentaires.
En revanche, dans le cadre d’un télétravail à domicile habituel, des frais supplémentaires sont généralement exposés par le salarié. Il convient alors de faire un tri dans les dépenses du salarié pour ne prendre en compte que celles qu’il n’aurait pas exposées s’il n’avait pas télétravaillé.
Par exemple, pourraient être exclus d’un remboursement de frais :
En revanche, dans le cadre d’un télétravail à domicile habituel, il existe nécessairement des surcoûts liés notamment à :
Pour l’ensemble de ces frais, l’URSSAF applique désormais une tolérance sur l’exonération de cotisations de Sécurité sociale à hauteur de 10 € par mois pour un jour de télétravail dans la semaine, 20 € pour deux jours de télétravail, 30 € pour trois jours…
C. Une indemnité d’occupation du domicile doit-elle être nécessairement versée dans le cadre d’un télétravail au domicile ?
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’employeur a l’obligation de verser au salarié une indemnité d’occupation du domicile à des fins professionnelles, si aucun bureau n’est laissé à sa disposition dans les locaux de l’entreprise [27]. A l’inverse, dès lors qu’un bureau est laissé à la disposition du salarié et que ce dernier n’exécute son contrat de travail depuis son domicile que par convenance personnelle, aucune indemnité d’occupation du domicile n’est due [28].
Ces arrêts, rendus dans des affaires intéressant des salariés itinérants, sont-ils transposables à la situation du télétravail à domicile, qui, par définition, doit avoir été expressément accepté par le salarié ? La solution dépend de l’existence et du degré de sujétion supplémentaire imposé au salarié. A notre sens, dans le cadre d’un télétravail à domicile sollicité par le salarié, il peut être soutenu que l’employeur n’ayant aucunement imposé le télétravail, aucune sujétion particulière n’a été imposée au salarié, de sorte qu’il n’y a pas lieu de lui verser une indemnité à ce titre. En revanche, la solution ne serait pas nécessairement identique si au fil de la relation de travail, le télétravailleur se voit contraint d’entreposer des dossiers, d’imprimer des documents, de les détruire de manière sécuriser, de recevoir ou d’adresser des correspondances par voie postale etc. Dans ce cas, une sujétion supplémentaire pourrait bien exister. Les parties pourraient alors convenir expressément d’inclure cette indemnité de sujétion dans le salaire forfaitaire du collaborateur.
D. Les télétravailleurs ont droit aux avantages accordés aux salariés non-télétravailleurs placés dans une situation comparable
Comme tout salarié, les télétravailleurs ont droit à tous les avantages légaux ou conventionnels accordés aux salariés placés dans une situation comparable. La situation du télétravail au domicile pose toutefois plus particulièrement la question du remboursement des frais de déplacement entre le domicile et les locaux de l’entreprise et celle du bénéfice des titres-restaurant.
Sur les remboursements de frais de déplacement domicile-entreprise. La confusion du domicile et du lieu de travail dans le cadre du télétravail à domicile pose la question de la qualification des trajets effectués par le salarié, entre ce lieu et l’entreprise. Si le salarié se déplace de son domicile vers l’entreprise les jours « non-télétravaillés », se déplacement sera, à notre sens, indéniablement un trajet domicile-lieu de travail. En revanche, dans l’hypothèse où l’employeur demanderait au télétravailleur de se rendre dans ses locaux au cours d’une journée de télétravail, le trajet devra être considéré comme un déplacement professionnel.
Dans le cadre de leur trajet domicile-lieu de travail, les télétravailleurs ont droit, comme tout salarié, au remboursement de 50 % de leur frais de transport en commun, dans les conditions de droit commun [29]. La proratisation de ce remboursement, selon les principes applicables aux salariés à temps partiel [30], se pose pour les salariés exerçant plus de la moitié de leur temps de travail à leur domicile. Une telle proratisation apparaitrait légitime et conforme au principe d’égalité de traitement. Un salarié exécutant sa prestation exclusivement à domicile n’aurait alors droit à aucun remboursement, alors qu’un salarié ne télétravaillant qu’un ou deux jours par semaine en bénéficierait intégralement.
En application du principe d’égalité de traitement, les télétravailleurs ont également droit aux remboursements de leurs frais de transport domicile-lieu de travail prévus conventionnellement ou mis en place unilatéralement par l’employeur. Dans l’hypothèse d’un télétravail exercé à 100 % au domicile, le salarié n’aura toutefois pas à exposer de frais et, de fait, ne bénéficiera donc pas de ces mesures. Dans l’hypothèse d’un télétravail pendulaire, le coût des remboursements de trajets pourra être alourdi, pour l’employeur, les jours de travail sur site, mais une économie sera par ailleurs réalisée les jours télétravaillés.
Sur les titres-restaurant. Au cours de la crise de la covid-19, tant le Gouvernement que l’URSSAF ont affirmé, reprenant la position de la Commission nationale des titres-restaurant, que les télétravailleurs à domicile devaient continuer à bénéficier de cet avantage en application du principe d’égalité de traitement.
C’est toutefois oublier que les télétravailleurs à domicile ne sont pas tout à fait dans la même situation que les salariés présents dans les locaux de l’employeur, s’agissant des frais exposés pour leur repas. Lors des journées de télétravail au domicile, le salarié n’expose pas, en effet, de frais de repas supplémentaires par rapport à une journée de repos. En outre, si l’on déconnecte totalement le titre-restaurant de son objet initial, qui était d’indemniser les salariés d’une partie de leurs frais de repas pris à l’extérieur du domicile en raison des contraintes liées au travail, on voit mal alors pourquoi maintenir l’exclusion des salariés dont l’horaire de travail n’est pas entre-coupé d’une pause déjeuner.
En pratique, il convient de noter que, dans la mesure où l’attribution de titres-restaurant résulte d’une décision de l’employeur, il est possible d’introduire des critères d’attribution objectifs, ayant pour effet d’exclure les télétravailleurs à domicile, mais aussi tout autre salarié pouvant prendre son déjeuner à domicile.
III. Le terme du télétravail
La fin du télétravail peut avoir été prévue par les parties au contrat de travail, dans le cadre soit d’un avenant à durée déterminée, soit dans le cadre d’une clause de « retour » ou de « réversibilité ». L’objet de cette clause est de mettre fin au télétravail pour revenir à une exécution des fonctions sans télétravail. L’article 3 de l’ANI du 19 juillet 2005 prévoit expressément cette possibilité [31]. L’article L. 1222-9 du Code du travail (N° Lexbase : L0292LMR) prévoit également que l’accord collectif ou la charte encadrant le télétravail doit préciser « les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ». Cette clause est donc très souvent prévue dans les contrats. Rappelons qu’à défaut d’une telle clause, l’employeur ne peut jamais mettre fin unilatéralement au télétravail à domicile, celui-ci ayant été contractualisé [32].
Pour autant, la question de sa validité pourrait se poser, a fortiori lorsque le télétravail a été prévu dès l’embauche. La Cour de cassation n’a pas encore eu à se prononcer sur cette question, mais à l’instar des clauses de mobilité géographique ou de non-concurrence, il est possible qu’une telle clause ne soit jugée valable que pour autant qu’elle soit précisément définie, justifiée par les intérêts légitimes de l’employeur et proportionnée au but recherché.
La clause de « retour » devrait ainsi :
Dès lors que sa mise en œuvre répond à un objectif légitime, l’application de la clause de réversibilité ne constitue pas alors une modification du contrat de travail, mais sa mise en œuvre, de sorte qu’elle s’impose à l’autre partie. L’employeur ne pourra pas s’opposer au retour du salarié dans ses locaux. De même, le salarié ne sera pas en situation d’opposer valablement un refus. Un tel refus pourrait ainsi entrainer une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave, sauf, pour le salarié, à démontrer une atteinte disproportionnée à sa vie personnelle et familiale.
L’employeur peut-il également appliquer la clause de réversibilité à la suite d’un comportement fautif du salarié (salarié injoignable, absence de réponse à des courriels, non-respect de la Charte informatique…) ? La Cour de cassation a déjà admis la mise en œuvre d’une clause de mobilité géographique à ce titre et les solutions posées pourraient, à notre sens, être transposées à la clause de « réversibilité ». Dans ce cas, le contrat de travail ne serait pas modifié et le retour dans l’entreprise pourrait être imposé au salarié sous réserve toutefois que la mise en œuvre de la clause ne résulte pas d’un abus. L’employeur pourra, dès lors, avoir à justifier de la réalité de la faute du salarié [33]. Si la mise en œuvre de la clause est, en tout état de cause, justifiée au regard des intérêts de l’entreprise, aucun abus ne sera caractérisé, la Cour de cassation ayant précisé, dans le cadre d’une clause de mobilité géographique, que dans ce cas, il importe peu que la décision de l’employeur procède d’un motif disciplinaire [34]. En tout état de cause, la mise en œuvre de la clause de réversibilité ne devra pas résulter d’un abus.
[1] Cass. soc., 3 mai 2018, n° 17-11.048, F-D (N° Lexbase : A4337XML) ; CA Versailles, 14 octobre 2015, n° 14/01865 (N° Lexbase : A2427NT3).
[2] CA Metz, 24 avril 2001, n° 96/3965.
[3] Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-18.499, FS-P+B (N° Lexbase : A8332WYA).
[4] Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502, FS-P+B (N° Lexbase : A1167IZA) ; voir également Cass. soc., 14 avril 2016, n° 14-13.305, F-D (N° Lexbase : A6817RIC).
[5] Cass. soc., 21 janvier 2004, n° 02-12.712, publié (N° Lexbase : A8593DAI) ; Cass. soc., 15 mars 2006, n° 02-46.496, publié (N° Lexbase : A6000DNK) ; Cass. soc., 26 octobre 2011, n° 09-71.322, F-D (N° Lexbase : A0725HZU).
[6] Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-15.461
[7] Cass. soc., 29 octobre 2014, n° 13-21.192, F-D (N° Lexbase : A4974MZA) ; Cass. soc., 7 juillet 2016, n° 15-15.342, F-D (N° Lexbase : A0112RXG) ; Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 15-23.375, F-D (N° Lexbase : A2386SI9).
[8] Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.727, inédit (N° Lexbase : A6254AGQ).
[9] Cass. soc., 7 avril 2010, n° 08-44.865, FS-P+B (N° Lexbase : A5814EUU).
[10] Cass. soc., 12 décembre 2000, n° 98-44.580 (N° Lexbase : A1659AIB) ; Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-22.360, F-D (N° Lexbase : A0415I8U).
[11] V. par exemple, Cass. soc., 13 avril 2005, n° 02-47.621, FS-P+B (N° Lexbase : A8645DHN).
[12] Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-43.592, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7230DPH).
[13] Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 96-40.755, publié (N° Lexbase : A4618AG7).
[14] Cass. soc., 12 juillet 2005, n° 04-13.342, FS-P+B (N° Lexbase : A9337DIN).
[15] Cass. soc., 28 février 2012, n° 10-18.308, FS-P+B (N° Lexbase : A8829IDD).
[16] Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-40.434, FP-P+B (N° Lexbase : A3509ELK).
[17] C. trav., art. L. 1262-1 du Code du travail : « Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. Le détachement est réalisé :
1° Soit pour le compte de l'employeur et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ;
2° Soit entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe ;
3° Soit pour le compte de l'employeur sans qu'il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire ».
[18] Règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004, art. 12 : « La personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que cette personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne détachée ».
[19] Selon lequel l’employeur doit exercer dans l’Etat-membre « des activités substantielles autres que des activités de pure administration interne sur le territoire de l'État membre dans lequel il est établi ».
[20] Pendant la crise de la covid-19, des mesures exceptionnelles ont été prises pour les salariés transfrontaliers, devant télétravailler, afin de maintenir leurs droits. Ces mesures sont maintenues, pour le moins jusqu’au 31 décembre 2020.
[21] C. trav., art. L. 1222-4 (N° Lexbase : L0814H9Z).
[22] C. trav., art. L. 1222-3 (N° Lexbase : L0811H9W).
[23] Cass. soc., 9 janvier 2001, n° 98-44.833 (N° Lexbase : A2029AIY).
[24] Cass. soc., 15 juin 2005, n° 03-44.936, F-D (N° Lexbase : A7551DII) ; Cass. soc., 3 mai 2012, n° 10-24.316, F-D (N° Lexbase : A6566IKE).
[25] Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-17.038, F-D (N° Lexbase : A6984NYC).
[26] Cass. civ. 2, 28 mai 2014, n° 13-18.212, F-P+B (N° Lexbase : A6264MPP).
[27] Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502, FS-P+B (N° Lexbase : A1167IZA) ; Cass. soc., 14 avril 2016, n° 14-13.305, F-D (N° Lexbase : A6817RIC) ; Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-18.499, FS-P+B (N° Lexbase : A8332WYA) ; Cass. soc., 5 avril 2018, n° 16-26.526, F-D (N° Lexbase : A4467XKN).
[28] Cass. soc., 4 décembre 2013, n° 12-19.667, FS-P+B (N° Lexbase : A5541KQB).
[29] C. trav., art. L. 3261-2 (N° Lexbase : L2712ICG).
[30] C. trav., art. R. 3261-9 (N° Lexbase : L5239ICZ).
[31] ANI du 19 juillet 2005, art. 3 : « Si le télétravail ne fait pas partie des conditions d’embauche, l’employeur et le salarié peuvent, à l’initiative de l’un ou de l’autre, convenir par accord d’y mettre fin et d’organiser le retour du salarié dans les locaux de l’entreprise. Les modalités de cette réversibilité sont établies par accord individuel et/ou collectif. Si le télétravail fait partie des conditions d’embauche, le salarié peut ultérieurement postuler à tout emploi vacant, s’exerçant dans les locaux de l’entreprise et correspondant à sa qualification. Il bénéficie d’une priorité d’accès à ce poste ».
[32] Cass. soc., 12 février 2014, n° 12-23.051, FS-P+B (N° Lexbase : A3612MEI).
[33] V. s’agissant de la mise en œuvre de clauses de mobilité géographique à titre disciplinaire : Cass. soc., 11 juillet 2001, n° 99-41.574 (N° Lexbase : A5096AGT) ; Cass. soc., 15 janvier 2002, n° 99-45.979, publié (N° Lexbase : A8113AXR).
[34] Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 11-21.365, F-D (N° Lexbase : A5678IYX).
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