Réf. : Cass. civ. 3, 9 juillet 2020, n° 18-25.181, F-D (N° Lexbase : A11913RK)
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N4234BYH
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par Manon Rouanne
Le 22 Juillet 2020
► Dans le cadre de la conclusion d’un contrat ayant pour objet la construction d'un complexe viti-vinicole sous la condition suspensive de l’obtention d’un permis de construire délivré par l'architecte des Bâtiments de France, la renonciation du maître de l'ouvrage au projet au profit d'une simple réhabilitation des bâtiments existants après deux refus d’octroi du permis de construire ne peut conduire à réputer la condition suspensive accomplie par la faute de ce dernier qui en aurait empêché l’accomplissement, dès lors qu’il ressort des termes du contrat qu’il n’était pas dans l’obligation de déposer une troisième demande de permis de construire après le refus des deux premiers.
Résumé des faits. En l’espèce, une société, exploitant un domaine viticole, a confié, à une société spécialisée en ingénierie, la réalisation d’un projet de construction d'un complexe viti-vinicole. Dans ce cadre, ces deux sociétés ont conclu, sur une période d’un an, trois contrats. L'architecte des Bâtiments de France a refusé le premier projet. Trois mois après ce refus, un nouveau contrat intitulé « ingénierie au prix maximum garanti », s’inscrivant dans la continuité de leurs relations contractuelles dont il représente la finalisation, a été conclu entre les parties. En exécution de ce nouveau contrat, le maître de l'ouvrage a versé à la société en charge du projet la somme de 108 000 euros. Toutefois, la seconde demande de permis de construire déposée en application de ce contrat a fait l'objet d'un nouveau refus de l'architecte des Bâtiments de France. Aussi, le maître de l'ouvrage a informé l'architecte des Bâtiments de France de ce qu'il renonçait au projet au profit d'une simple réhabilitation des bâtiments existants, sans en informer ni la société en charge du projet ni l'architecte qui n'ont été prévenus que postérieurement. Il a assigné son cocontractant en remboursement de la somme de 108 000 euros versées.
En cause d’appel. La cour d’appel n’a pas fait droit à cette demande en jugeant que l’abandon soudain du projet par le maître de l'ouvrage avait empêché la réalisation de la condition suspensive liée à l’octroi d’un permis de construire, de sorte qu’elle devait être réputée accomplie du fait de la faute du débiteur. En effet, le maître de l'ouvrage a soutenu que la non-réalisation de la troisième condition suspensive, consistant dans l'obtention des autorisations légales ou réglementaires qui ont été refusées par deux fois, ne résultait d’aucune faute commise par ses soins ayant pour conséquence la défaillance de cette condition. Néanmoins, les juges du fond, ont, en revanche, retenu, qu’alors que la société en charge du projet avait déposé une nouvelle demande de permis de construire à la suite du refus du premier qui a reçu un nouvel avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, lequel a formulé des recommandations qui ont été immédiatement prises en compte par celle-ci, le maître d’œuvre a informé l'architecte des Bâtiments de France de ce qu'il renonçait au projet au profit d'une simple réhabilitation des bâtiments existants, sans en informer ni la société en charge du projet ni l'architecte qui n'ont été prévenus que plus tard. Aussi, la cour d’appel a jugé que même si l’appelant a fait valoir, à bon droit, qu'il n'était pas obligé de déposer un troisième projet, ce changement d'orientation radical, un mois après la signature du contrat, dans le cadre d'un projet supposant l'aval de l'administration et présentant des écueils qu'il ne pouvait ignorer pour y avoir été confronté une fois, caractérise un abandon du projet qui n'est imputable qu'au seul maître de l'ouvrage et ne saurait caractériser un manquement de la société en charge du projet à ses obligations contractuelles. La juridiction du second degré en a déduit, alors, que la condition suspensive devait être réputée accomplie du fait de la faute du maître de l'ouvrage.
En outre, la cour d’appel a condamné le maître de l'ouvrage à payer à la société en charge du projet une indemnité correspondant à celle prévue par la clause de renonciation du client au projet en retenant que l'engagement contractuel de payer une indemnité comportait convention dérogatoire à la formalité de la mise en demeure.
A hauteur de cassation. Contestant le fait, pour les juges du fond, d’avoir réputé accomplie la condition suspensive du fait de sa faute commise ayant eu pour conséquence la non-obtention du permis de construire, le maître de l'ouvrage a allégué, dans un premier temps, qu’il n’avait commis aucune faute dans la mesure où, comme l’avait relevé la cour d’appel, il n’était pas obligé de déposer une troisième demande de permis de construire après le refus des deux premiers. Dans un second temps, le demandeur au pourvoi a argué la violation, par les juges du fond, du principe de la force obligatoire des conventions en ayant jugé que l'engagement contractuel de payer une indemnité comporte convention dérogatoire à la formalité de la mise en demeure.
Décision. Faisant siens les arguments développés par le demandeur au pourvoi, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la cour d’appel. Sur le fondement de la force obligatoire des conventions, la Haute juridiction censure les juges du fond d’avoir, d’une part, retenu que c'était l'abandon brutal du projet par le maître de l'ouvrage qui avait empêché l'accomplissement de la condition relative à l'obtention du permis de construire, laquelle était donc réputée accomplie alors qu’ils avaient relevé que celui-ci n’était pas tenu de déposer une troisième demande d’obtention de permis de construire après le refus des deux premiers. D’autre part, le juge du droit ne rejoint pas la cour d’appel d’avoir condamné le maître de l'ouvrage à payer l’indemnité attachée à la clause contractuelle de renonciation au projet par le client en retenant, par une dénaturation des termes et précis du contrat, que l'engagement contractuel de payer une indemnité comportait convention dérogatoire à la formalité de la mise en demeure et que la demande de mise en œuvre de la clause pénale était recevable.
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Réf. : Cass. crim., 19 août 2020, n° 20-82.171, F-P+B+I (N° Lexbase : A09993SS)
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N4323BYR
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par Adélaïde Léon
Le 23 Septembre 2020
► Le détenu qui fonde sa demande de mise en liberté sur la violation des articles 2 (N° Lexbase : L4753AQ4) et 3 (N° Lexbase : L4764AQI) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH), du fait de ses conditions de détention dans le contexte de l’épidémie de covid-19 dans un établissement pénitentiaire en situation de surpopulation carcérale, doit faire état de ses conditions personnelles de détention de façon suffisamment crédible et actuelle pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne et alléguer que sa vie a été exposée à un risque réel et imminent en raison de ses conditions de détention dans le contexte de ladite épidémie.
Rappel des faits. Une personne détenue provisoirement a saisi le juge d’instruction d’une demande de mise en liberté. Par ordonnance, le juge des libertés et de la détention (JLD) a rejeté cette demande. L’intéressé a interjeté appel de cette décision soutenant que les conditions de sa détention durant la crise sanitaire justifiait sa remise en liberté compte tenu de la surpopulation carcérale et de l’état de délabrement de l’établissement pénitentiaire lesquels rendaient impossible la mise en place des mesures de distanciation nécessaires.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance du JLD en précisant que la situation sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, si elle justifie l’adoption de mesures spécifiques, ne saurait constituer un obstacle légal au maintien en détention provisoire d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis une infraction.
L’intéressé a formé un pourvoi contre cette décision.
Moyens du pourvoi. Le pourvoi dénonce la violation des articles 2 et 3 de la CESDH respectivement relatifs au droit à la vie et à l’interdiction de la torture. Selon le requérant, il appartient au juge de s’assurer que la privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant. À défaut, il doit ordonner la mise en liberté de l’intéressé en l’astreignant, le cas échéant, à un contrôle judiciaire.
L’intéressé faisait valoir que son maintien en détention au cours de l’épidémie de covid-19 dans un établissement pénitentiaire en situation de surpopulation carcérale l’exposait à un risque sanitaire très élevé portant atteinte à son droit à la vie et à la dignité et constituait ainsi un traitement inhumain ou dégradant. Il précisait notamment que les mesures de distanciation sociale et les gestes barrières étaient rendus impossibles par la grande promiscuité dans l’établissement. Il estimait avoir décrit ses conditions personnelles de détention comme constitutives de mauvais traitements en raison d’un risque élevé pour sa santé et sa sécurité en période de crise pandémique liée à un virus potentiellement mortel.
L’auteur du pourvoi reprochait par ailleurs à la chambre de l’instruction d’avoir subordonné sa remise en liberté à la réunion des conditions des articles 147-1 (
Décision de la Cour. La Cour rejette le pourvoi formé par le demandeur estimant que la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés par celui-ci.
S’agissant de l’article 3 de la CESDH, la Cour constate que le demandeur n’a pas fait état de ses conditions personnelles de détention au sein de l’établissement pénitentiaire de façon suffisamment crédible, précise et actuelle susceptible de constituer un commencement de preuve de leur nature indigne. La Cour précise qu’il n’appartenait pas à la chambre de l’instruction de faire constater lesdites conditions.
Concernant l’article 2 de la CESDH, la Haute juridiction estime que le requérant n'a pas démontré que sa vie était exposée à un risque réel et imminent en raison de ses conditions personnelles de détention dans le contexte de l’épidémie de covid-19.
Enfin, la Cour écarte le débat sur l’article 147-1 du Code de procédure pénal jugeant le motif surabondant et soulignant que sa mise en œuvre n’avait pas été sollicitée.
Contexte. Jusqu’au 8 juillet 2020, selon la jurisprudence de la Cour, des conditions indignes de détention n’étaient pas susceptibles de faire, en elles-mêmes, obstacle au placement ou au maintien en détention provisoire d’un individu. La mise en liberté ne pouvait être ordonnée qu’en présence d’éléments propres à la personne concernée attestant que son état de santé physique ou mentale était incompatible avec la détention et à la condition qu’il n’existe pas de risque grave de renouvellement de l’infraction.
Dans un arrêt du 8 juillet 2020 (Cass. crim., 8 juillet 2020, n° 20-81.739, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A71573Q7), la Cour de cassation était venu préciser que la constatation de conditions indignes de détention pouvait désormais constituer un obstacle au maintien de cette mesure.
Quelques semaines après l’arrêt du 8 juillet 2020 la Chambre criminelle vient ici préciser ses exigences de démonstration s’agissant des demandes de mise en liberté fondées sur des conditions de détention contraires aux articles 2 et 3 de la CESDH.
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Réf. : AMF, actualité, 10 juillet 2020
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N4258BYD
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par Vincent Téchené
Le 22 Juillet 2020
► À la suite de la publication de la position-recommandation DOC-2020-03 (N° Lexbase : L5102LWU) qui détaille les informations liées à la prise en compte de critères extra-financiers que peuvent communiquer les placements collectifs français et les OPCVM étrangers autorisés à la commercialisation en France, l’AMF a créé des formulaires spécifiques pour les procédures d’agrément, d’établissement d’un DICI/DIC ou d’un prospectus et sur l’information périodique ;
Elle a donc modifié, le 10 juillet 2020, plusieurs instructions.
L’AMF modifie chacune des instructions relatives aux produits afin d’y ajouter, en annexe, des formulaires à renseigner en cas de modification impliquant la prise en compte ou l’évolution de la prise en compte de critères extra-financiers comme élément central de la gestion du produit dans le document d’information clé pour l’investisseur (DICI/DIC) ou la documentation commerciale des placements collectifs.
Un formulaire est aussi à renseigner en cas de dépôt d’une demande de commercialisation en France d'un OPCVM ou d’un compartiment d’OPCVM de droit étranger souhaitant faire de l’extra-financier un élément central de communication ou faire évoluer ses critères extra-financiers. Il est ajouté dans l’instruction DOC-2011-19 sur les procédures d’agrément, d’établissement d’un DICI et d’un prospectus et d’information périodique des OPCVM français et des OPCVM étrangers commercialisés en France.
Pour rappel, l’AMF a intégré des ajustements qui découlent de la publication de la position-recommandation DOC-2020-03 et introduit de nouvelles précisions afin de mieux guider les acteurs de la gestion d'actifs. Les instructions relatives aux procédures d’agrément des principaux placements collectifs prévoient, depuis le 11 mars 2020 que la prise en compte de critères extra-financiers dans la méthode de gestion, par dérogation aux articles des instructions relatifs aux modifications de la politique d’investissement des produits, n’implique plus d’agrément de l’AMF, mais une information particulière aux investisseurs.
Les documents de doctrine mis à jour sont les suivants :
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Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 22 juillet 2020, n° 427163, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A62043R9)
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N4328BYX
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par Yann Le Foll
Le 02 Septembre 2020
► Un requérant est recevable à invoquer, par la voie de l’exception, l’illégalité du futur PLU contre un sursis à statuer opposé à sa demande de permis de construire (CE 1° et 4° ch.-r., 22 juillet 2020, n° 427163, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A62043R9).
Faits. Un conseil municipal a, par une délibération du 23 mars 2009, prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune et, par une délibération du 10 juillet 2013, tiré le bilan de la concertation et arrêté le projet de plan local d'urbanisme. Le 18 octobre 2013, le maire a opposé un sursis à statuer pour une durée de deux ans à une demande de permis de construire le 26 août 2013 en vue de la construction d'une maison individuelle et d'un garage. Par un jugement du 21 novembre 2016 (TA Versailles, n° 1402316 N° Lexbase : A4366Z89), le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 18 octobre 2013, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision. La commune se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 novembre 2018 par lequel de la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, n° 17VE00223 N° Lexbase : A4006YMC) a annulé ce jugement, l'arrêté du 18 octobre 2013 et le rejet implicite du recours gracieux formé contre cet arrêté.
Rappel. Un sursis à statuer peut être opposé, sur le fondement des articles L. 153-11 (N° Lexbase : L7790LCI) et L. 424-1 (N° Lexbase : L9903LMQ) du Code de l’urbanisme, pour une durée maximale de deux ans, « sur les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable ».
Principe posé par l’arrêt. Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme (PLU) pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution. La Haute juridiction abandonne donc ici la jurisprudence selon laquelle l’on ne pouvait exciper de l'illégalité interne du plan d'occupation des sols prescrit à l’occasion du sursis à statuer sur une demande de permis de construire (CE, 17 mars 1982, n° 24962 N° Lexbase : A8836AKH).
Application. Ne commet ainsi pas d'erreur de droit la cour administrative d’appel qui, pour apprécier la légalité d'une décision de sursis à statuer, examine la légalité du futur PLU. Le pourvoi de la commune est donc rejeté.
Pour aller plus loin : La forme de la décision d'acceptation ou de refus de l'autorisation d'urbanisme : les décisions expresses, in Droit de l’urbanisme, Lexbase ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 26388052, "corpus": "encyclopedia"}, "_target": "_blank", "_class": "color-encyclopedia", "_title": "La forme de la d\u00e9cision d'acceptation ou de refus de l'autorisation d'urbanisme", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: E4675E7B"}}). |
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