Réf. : Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-86.492, F-P+B+I (N° Lexbase : A48353KB)
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N2984BY8
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par June Perot
Le 22 Avril 2020
► A justifié sa décision une cour d’appel qui, pour condamner la dirigeante d’une association, pour le délit de banqueroute, à un an d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende, et cinq ans d'interdiction professionnelle d'exercer des fonctions de direction au sein d'un établissement d'hospitalisation ou de santé, s’est fondée sur les circonstances suivantes : la gravité des faits, le fait que la dirigeante était sans ressources et pourtant propriétaire de plusieurs biens immobiliers, l’absence de condamnation au casier judiciaire et les témoignages de personnes ayant travaillé avec elle, qui la décrivent comme étant dotée d'un fort caractère et sachant imposer son point de vue ;
il en résulte que la cour d’appel s’est prononcée en tenant compte, notamment, de la personnalité de l’auteur des faits.
C’est ainsi que se prononce la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 mars 2020 (Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-86.492, F-P+B+I N° Lexbase : A48353KB).
Résumé des faits. Les faits de l’espèce concernaient une association ayant pris la forme d’un établissement d'hospitalisation à domicile (HAD), placée en redressement judiciaire, et dont la dirigeante avait été poursuivie pour avoir commis le délit de banqueroute par détournement d’actif, en maintenant sa rémunération à hauteur de 237 000 euros, soit un salaire au moins deux fois supérieur à celui des directeurs d'établissements publics comparables, représentant à lui seul 7 % de la masse brute salariale, alors que l'association était en état de cessation de paiements. Le tribunal correctionnel l’a déclarée coupable et condamnée à une amende de 30 000 euros, ainsi qu'à l'interdiction pendant cinq ans d'exercer des fonctions de direction au sein d'un établissement d'hospitalisation ou de santé.
Elle a relevé appel de ce jugement.
En cause d’appel. Pour condamner la dirigeante à un an d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende, et cinq ans d'interdiction professionnelle d'exercer des fonctions de direction au sein d'un établissement d'hospitalisation ou de santé, l'arrêt énonce que les faits imputés à la dirigeante sont d'une gravité certaine, s'agissant du délit de banqueroute par détournement ou dissimulation d'actif, notamment en ce qu'il se déploie en l'espèce dans un domaine, celui de la santé, financé par l'assurance maladie.
Également, l'intéressée a déclaré aux enquêteurs qu'elle était demandeur d'emploi, sans ressource, mais qu'elle a déclaré néanmoins être propriétaire d'un logement de type T3 en Martinique d'une valeur à l'acquisition de 275 000 euros, pour lequel elle s'acquitte d'un remboursement de prêt de 1 600 euros mensuels, d'un appartement à Paris de type T2, acquis pour une somme de 242 000 euros, et pour lequel elle s'acquitte d'une mensualité de 1 700 euros, ainsi que d'un bien en indivision avec son ex-mari en Guyane, dont elle prétend qu'il est sans valeur. Ils ajoutent qu'elle est mère de famille, que ses enfants ne sont plus à sa charge, et que par ailleurs, son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation.
Ils concluent que, compte tenu de la gravité et de la nature des faits commis et des conséquences de ces agissements, une peine d'emprisonnement de douze mois assortie du sursis simple se justifie davantage en répression des faits imputés, ainsi qu'une peine d'amende de trente mille euros, tenant compte de ses capacités contributives, dès lors que bien qu'avançant être sans ressources, elle dispose d'un patrimoine conséquent, et enfin, à titre de peine complémentaire, en application combinée des dispositions des articles L. 654-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L2532IBE) et 131 -27 du Code pénal, une interdiction pendant cinq ans d'exercer des fonctions de direction au sein d'un établissement d'hospitalisation ou de santé.
Un pourvoi a été formé par la dirigeante, lequel alléguait notamment la violation de l’article 132-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9834I3M) relatif à l’individualisation de la peine.
Décision. La Haute juridiction considère qu’en statuant ainsi, les juges ont justifié leur décision, dès lors qu'il résulte d'une part de la référence au casier judiciaire de la prévenue, d'autre part d'autres énonciations de l'arrêt rapportant des témoignages de personnes ayant travaillé avec elle, qui la décrivent comme étant dotée d'un fort caractère et sachant imposer son point de vue, qu'ils se sont prononcés en tenant compte notamment de la personnalité de l'auteur des faits.
Pour aller plus loin Cf. l’Ouvrage « Entreprises en difficulté », ETUDE : Les règles spéciales à la banqueroute, Les peines encourues (N° Lexbase : E9056EP4) |
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Réf. : TA Mayotte, 10 avril 2020, n° 2000505 (N° Lexbase : A88713KR)
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N3045BYG
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par Yann Le Foll
Le 22 Avril 2020
► Une association dont l'objet statutaire est général n’a pas vocation pour intervenir dans le domaine de la santé publique.
Telle est la solution d’une ordonnance rendue le 10 avril 2020 par le tribunal administratif de Mayotte (TA Mayotte, 10 avril 2020, n° 2000505 N° Lexbase : A88713KR ; sur l'intérêt à agir d'associations nationales contre des décisions locales ayant un impact médical, voir CE 4° et 5° ch.-r., 7 février 2017, n° 392758, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2490TC9 et lire N° Lexbase : N6704BW9).
Objet de la requête. La requête déposée par un collectif demandait, notamment, au juge des référés d'enjoindre aux directrices de l'agence régionale de santé de Mayotte (ARS) et du centre hospitalier de Mayotte de : passer en conséquence commande, sans délai, de 400 000 tests de dépistage du covid-19, correspondant à la population estimée de Mayotte, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter du lendemain du prononcé de la décision à intervenir ; mettre en œuvre à Mayotte un dispositif de dépistage complet à destination des personnels soignants, des forces de sécurité intervenant en contact avec le public, des membres des familles des personnes déjà atteintes du virus à Mayotte, le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du lendemain du prononcé de la décision à intervenir.
Position du tribunal. S'agissant de l'association, " le collectif X ", il y a lieu de constater que ses statuts prévoient qu'elle " a pour objet la défense des intérêts des mahorais, au sein de la France, de l'Union européenne et auprès de tout autre organisme international dans les domaines tels que : l'éducation, l'économie, le social, le culturel, l'environnement et tout autre domaine qui engage les intérêts de Mayotte et des mahorais " et que " son champ d'action couvrira l'échelle départementale, régionale, nationale, européenne, supra nationale et internationale pourvu que les intérêts de Mayotte soient en jeu ".
Eu égard à l'objet statutaire ainsi défini, l'association n'a pas vocation à intervenir dans le domaine de la santé publique. Elle ne justifie donc pas de son intérêt à agir en justice pour réclamer, par la voie du référé-liberté, des mesures d'urgence relatives au dépistage ou au traitement médical du covid-19.
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Réf. : Décret n° 2020-425 du 14 avril 2020 portant mesures d'urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l'article L. 5421-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6760LWB) + Arrêté du 16 avril 2020 (N° Lexbase : L6919LW8)
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N3079BYP
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par Laïla Bedja
Le 22 Avril 2020
►Pris pour l’application de l'ordonnance n° 2020-324 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de revenus de remplacement (N° Lexbase : L5716LWM), le décret n° 2020-425 du 14 avril 2020 (N° Lexbase : L6760LWB), portant le même nom et publié au Journal officiel du 15 avril 2020, précise les mesures urgentes permettant de faire face aux conséquences économiques et sociales de l'épidémie quant aux demandeurs d'emploi indemnisés.
• Prolongation temporaire de la durée d’indemnisation. Le décret définit les règles de prolongation temporaire de la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi arrivant à épuisement de leurs droits au cours de la période de crise sanitaire.
Ainsi la prolongation concerne les bénéficiaires des allocations de retour à l’emploi, des allocations de solidarité spécifique et des allocations d’assurance dues par certains employeurs publics ayant épuisé leur droit entre le 12 mars et le 31 mai 2020.
Un arrêté du 16 avril 2020 (N° Lexbase : L6919LW8) précise que la durée de prolongation est de :
Une limite générale de 184 jours indemnisés supplémentaires est prévue.
• Allongement du délai relatif à la période de référence pour le calcul de la période d’affiliation. Pour les travailleurs privés d’emploi à compter du 16 avril 2020, la période de référence au cours de laquelle est recherchée la durée d'affiliation requise pour l'ouverture d'un droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi est prolongée du nombre de jours compris entre le 1er mars et le 31 mai 2020 (art. 5 du décret et arrêté du 16 avril).
• Neutralisation des jours non travaillés pour le calcul de l’indemnisation. Il prévoit la neutralisation des jours non travaillés au cours de la période de crise sanitaire pour le calcul de la durée d'indemnisation et du salaire journalier de référence qui entreront en vigueur au 1er septembre 2020 (art. 7).
Il en de même concernant les périodes d’activité partielle au cours de la période de crise sanitaire
• Dégressivité de l’allocation. Il suspend, pour la durée de la crise sanitaire, le délai de 182 jours à l'issue duquel l'allocation devient dégressive. La durée de la suspension du délai de 182 jours correspond au nombre de jours pendant lesquels le bénéficiaire a été indemnisé à l’ARE au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mai 2020
Il définit en outre les modalités de prise en compte dans le calcul de la durée d'affiliation des intermittents du spectacle des périodes de suspension du contrat de travail indemnisées au titre de l'activité partielle.
• Démission antérieure au confinement (17 mars 2020). Enfin, afin de préserver la situation des salariés qui auraient démissionné, avant le début du confinement, en vue d'une mobilité professionnelle n'ayant pu trouver à se réaliser, le décret introduit, à titre temporaire, deux nouveaux cas de démissions légitimes ouvrant droit au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.
Ainsi, la démission sera considérée comme légitime et ouvrira droit à indemnisation en l’absence d’embauche effective à l’issue de la démission, sous réserve :
Il doit avoir été initialement prévu que l’embauche par le nouvel employeur intervienne après le 1er mars 2020.
Ces dérogations seront applicables jusqu’au 31 mai 2020.
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Réf. : Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 (N° Lexbase : L7438LWE)
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N3109BYS
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par Marie-Claire Sgarra
Le 29 Avril 2020
►La seconde loi de finances rectificative pour 2020 (loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L7438LWE) a été publiée au Journal officiel du 26 avril 2020.
Pour rappel le ministre de l’Economie et des Finances et le ministre de l’Action et des Comptes publics ont présenté le projet de loi de finances rectificative pour 2020 en Conseil des ministres le 15 avril 2020. Il a été adopté en première lecture par les députés le 17 avril 2020, puis par les sénateurs le 23 avril 2020. Cette seconde loi de finances rectificative complète les mesures instaurées par la première loi de finances rectificative du 23 mars 2020 (loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L5505LWS).
En ce qui concerne les mesures fiscales le texte prévoit :
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newsid:473109
Réf. : Décret n° 2020-471 du 24 avril 2020, portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d'état d'urgence sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 dans le domaine du travail et de l'emploi (N° Lexbase : L7382LWC)
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N3115BYZ
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par Charlotte Moronval
Le 29 Avril 2020
► Publié au Journal officiel du 25 avril 2020, le décret n° 2020-471 du 24 avril 2020 (N° Lexbase : L7382LWC) restaure des délais administratifs en droit du travail qui étaient suspendus par l'ordonnance du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5730LW7) afin de faire face à l'état d'urgence sanitaire.
Pour rappel, cette ordonnance a suspendu les délais de certaines procédures administratives, à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, afin de faire face aux conséquences de la crise sanitaire.
Le décret du 24 avril 2020 dresse la liste des catégories d'actes, de procédures et d'obligations, prévus par le Code du travail, pour lesquels, par dérogation, les délais reprennent leur cours à compter du 26 avril 2020. Ces dérogations sont fondées sur des motifs de sécurité, de protection de la santé, de sauvegarde de l'emploi et de l'activité, ainsi que sur les motifs de sauvegarde de l'emploi et de l'activité et de sécurisation des relations de travail et de la négociation collective.
La liste des délais dont le cours a repris est reproduite dans le tableau ci-dessous.
Actes, procédures et obligations | Textes applicables |
Validation ou homologation par l'autorité administrative de l'accord collectif relatif au plan de sauvegarde de l'emploi |
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Validation ou homologation par l'autorité administrative du plan de sauvegarde de l'emploi pour les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire
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Homologation de la rupture conventionnelle |
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Notification de la décision de validation par l'autorité administrative d'un accord collectif portant rupture conventionnelle collective |
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Instruction par l'autorité administrative de la demande de dérogation à la durée maximale hebdomadaire absolue du travail
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Décision d'autorisation de la reprise de l'activité après mise à l'arrêt temporaire
| C. trav., art. R. 4731-12 |
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newsid:473115
Réf. : Décret n° 2020-412 du 8 avril 2020, relatif au droit de dérogation reconnu au préfet (N° Lexbase : L6512LW4)
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N3052BYP
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par Yann Le Foll
Le 22 Avril 2020
► Le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020, relatif au droit de dérogation reconnu au préfet (N° Lexbase : L6512LW4), a été publié au Journal officiel du 9 avril 2020.
Rappel. Le décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 (N° Lexbase : L7915LHM) a autorisé certains préfets identifiés à déroger pendant deux ans, pour la prise d'une décision non réglementaire relevant de leur compétence, aux normes réglementaires applicables dans certaines matières limitativement énumérées, dans le but d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques.
Ces matières sont les suivantes : subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ; aménagement du territoire et politique de la ville ; environnement, agriculture et forêts ; construction, logement et urbanisme ; emploi et activité économique ; protection et mise en valeur du patrimoine culturel ; activités sportives, socio-éducatives et associatives.
Dans un arrêt rendu le 17 juin 2019, le Conseil d’Etat a considéré que ce décret ne constitue pas une violation du principe de non-régression dès lors qu’il ne permet pas de déroger à des normes réglementaires ayant pour objet de garantir le respect de principes consacrés par la loi (CE 5° et 6° ch.-r. 17 juin 2019, n° 421871, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6649ZEY).
Le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 pérennise ce dispositif. Toutefois, la dérogation doit répondre aux conditions suivantes : être justifiée par un motif d'intérêt général et l'existence de circonstances locales ; avoir pour effet d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques ; être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ; et ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.
La décision de déroger prend la forme d'un arrêté motivé, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture.
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Réf. : Cass. crim., 1er avril 2020, n° 19-80.875, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A90403KZ)
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N3106BYP
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par June Perot
Le 27 Mai 2020
► Le procureur de la République financier est compétent, en application du 6° de l’article 705 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0541LT9), pour la poursuite du délit de blanchiment des infractions citées, notamment, aux 1° à 5° du même article, parmi lesquelles figure celle de détournement de biens publics prévue par l’article 432-15 du Code pénal (N° Lexbase : L4114LS8), lorsque les faits revêtent un caractère de complexité ;
Cette complexité peut notamment être caractérisée par :
C’est ainsi que s’est prononcée la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 1er avril 2020 (Cass. crim., 1er avril 2020, n° 19-80.875, F-P+B+R+I N° Lexbase : A90403KZ).
Résumé des faits. Les faits de l’espèce concernaient des opérations de rachats d’hôtels de luxe dans toute la France, et notamment à Courchevel, par une société de holding (SHA) détenue par un couple russe, dont l’époux était l’ancien ministre des Finances de la région de Moscou. Les fonds investis dans l’acquisition de l’hôtel Pralong étaient susceptibles de constituer le produit direct ou indirect de détournements qui auraient été commis par les époux au préjudice des municipalités de la région moscovite.
Tracfin avait effectué un signalement auprès du procureur de la République de Paris. Une enquête diligentée en Russie du chef de détournement de fonds publics laissait penser à des opérations financières liées à un processus de blanchiment de crime ou de délit. L’époux était en effet soupçonné d’avoir constitué une organisation délictuelle avec son épouse et plusieurs autres personnes, et obtenu, grâce à l’établissement de faux contrats conclus entre des sociétés gérées par eux et des structures publiques municipales, la cession, au bénéfice des premières, de droits de créance détenus par les secondes pour un montant total de 3,8 milliards de roubles.
A la suite de ce signalement, le procureur de la République de Paris a diligenté une enquête préliminaire sur les faits de blanchiment commis en France, tandis que le procureur de la République d’Albertville, saisi par les autorités judiciaires russes d’une demande d’entraide, a également ouvert une enquête préliminaire du chef de blanchiment en bande organisée aux fins de vérifier si les personnes visées dans cette demande n’avaient pas effectué d’autres investissements mobiliers ou immobiliers sur le territoire français, financés par le produit des infractions commises en Russie. Il s’est finalement dessaisi en faveur du parquet JIRS de Lyon, qui s’est dessaisi à son tour au profit du procureur de la République financier.
Les investigations réalisées dans le cadre de l’enquête préliminaire ont permis d’établir que la société de holding présidée par l’épouse avait pour objet principal l’acquisition de la société des Hôtels Pralong et Crystal 2000 (SHPC 2000) pour le compte de la RI Group LLC, société de droit américain, dirigée par elle.
En réponse à une demande d’entraide judiciaire adressée par le procureur de la République financier, le Comité d’instruction de la fédération de Russie a confirmé que l’enquête russe avait établi que le couple avait participé à une bande organisée qui s’était livrée à des infractions « classées comme graves selon le Code pénal de la Fédération de Russie » et que les intéressés avaient été renvoyés devant le tribunal russe.
Le JLD, statuant sur une requête du procureur de la République financier, a autorisé la saisie de l’hôtel Pralong. La société Pralong a interjeté appel de cette ordonnance.
En cause d’appel. Pour confirmer l’ordonnance de saisie, la chambre de l’instruction énonce qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, issus de la note Tracfin et de la requête du procureur de la République financier aux fins de saisie, que des faits, impliquant le couple, pouvant être qualifiés en droit pénal français de « détournement de fonds publics », ont été commis sur le territoire russe pour un montant de 3,6 milliards de roubles, soit environ 97 millions d’euros au cours de change moyen en vigueur à l'époque des faits et que l'acquisition de biens en France, notamment l'hôtel Pralong 2000 à Courchevel, constitue une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect des délits commis en Russie. Les informations transmises par les autorités russes, exposées dans la requête aux fins de saisie, caractérisent suffisamment le lien existant entre les détournements commis en Russie et l'acquisition des deux hôtels puisqu'une partie du prix versé au vendeur de ces biens provenait d'un compte de la société Alderly Limited sise à Chypre, lui-même alimenté par des fonds provenant de la société RI Group, lui-même encore alimenté par un compte de la société Confael crédité par le montant des prêts, environ 3,8 milliards de roubles, obtenus en apportant en garantie les droits de créance détournés.
Elle énonce également que le lien existant entre cet investissement, l'achat de l'hôtel Pralong 2000, et les infractions commises en Russie est conforté par les constatations de Tracfin, qui mettent, notamment, en évidence l'opacité du circuit de financement de cette acquisition et la qualité de bénéficiaire réel de l'opération de l’épouse et que les pièces du dossier, dont la requérante a eu connaissance, sont ainsi suffisantes pour considérer que l'hôtel Pralong 2000 constitue l'objet de l'infraction de blanchiment du produit direct ou indirect du délit de détournement de fonds publics commis en Russie, pour laquelle l’épouse est susceptible d'être poursuivie et condamnée, la confiscation de ce bien étant, en cas de condamnation, encourue en application de l'article 131-21, alinéa 3, du Code pénal (N° Lexbase : L9506IYQ).
Elle conclut que les pièces dont l'appelant a eu connaissance sont suffisantes pour justifier la saisie et que celle-ci portant sur un bien objet, dans sa totalité, du blanchiment du produit direct ou indirect de l'infraction de détournement de fonds publics commise en Russie, le principe de proportionnalité n'a pas lieu de s'appliquer.
Un pourvoi a été formé par la société Pralong, laquelle soulevait notamment l’incompétence matérielle du PNF dans cette affaire. Elle considère en effet que le PNF n’a été institué que pour veiller à la moralisation de la vie publique française et ne peut connaître du blanchiment d’infractions commises à l’étranger susceptibles de correspondre aux délits visés dans le livre IV du Code pénal, consacré aux « crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique ».
Pour contester la saisie, la société demanderesse faisait valoir qu’aucune des pièces de la procédure, postérieures à la note de Tracfin communiquée, n’avait été mise à sa disposition.
Décision. Au terme d’une motivation très précise, la Haute juridiction approuve la position des juges du fond et rejette le pourvoi de la société Pralong.
S’agissant de la compétence du PNF
La Haute juridiction énonce que le procureur de la République financier est compétent, en application du 6° de l’article 705 du Code de procédure pénale, pour la poursuite du délit de blanchiment des infractions citées, notamment, aux 1° à 5° du même article, parmi lesquelles figure celle de détournement de biens publics prévue par l’article 432-15 du Code pénal, lorsque les faits revêtent un caractère de complexité qui peut être caractérisé, notamment, par la dimension internationale des faits, la présence de multiples sociétés écrans dans plusieurs pays considérés comme des paradis fiscaux et des circuits de blanchiment complexes.
La Cour de cassation considère que les textes qui définissent le délit de blanchiment, qui est une infraction générale, distincte et autonome, n'imposent ni que l'infraction ayant permis d'obtenir les sommes blanchies ait eu lieu sur le territoire national ni que les juridictions françaises soient compétentes pour la poursuivre. Selon la Cour, l’interprétation stricte de l’article 705 opérée par la demanderesse au pourvoi, qui aboutirait à interdire à ce magistrat de connaître du délit de blanchiment de sommes provenant d’infractions commises à l’étranger et susceptibles de correspondre à celles constituant la catégorie des atteintes à la probité, va à l’encontre de la volonté du législateur qui, en votant la loi n° 2013-1115 du 6 décembre 2013 (N° Lexbase : L6139IYZ), a souhaité doter l’organisation judiciaire d’un parquet hautement spécialisé dont l’objet, à la faveur d’une centralisation des moyens et des compétences, est de lutter contre les formes les plus complexes de la délinquance économique et financière à dimension, notamment, internationale.
Cette interprétation est également en contradiction avec la volonté des instances européennes et internationales qui tendent à favoriser la dimension internationale des poursuites en matière de blanchiment.
Les faits de l’espèce, qui font intervenir des sociétés écrans situées dans plusieurs États étrangers, sont complexes au sens de l’article 705 susvisé. Par ailleurs, les investigations effectuées sur le territoire français permettent de soupçonner que l’acquisition du bien saisi par la société Pralong, gérée par l’épouse, a été financée par des fonds constituant le produit des détournements susvisés.
En conséquence, la Cour de cassation étant en mesure de s’assurer que les faits constituant l’infraction d’origine du délit de blanchiment, commis en Russie et consistant dans le détournement de fonds au préjudice de personnes publiques, peuvent recevoir, en France, la qualification de détournements de biens publics, faits prévus et réprimés par l’article 432-15 du Code pénal, déjà en vigueur à la date de commission des faits par les mis en cause, c’est à bon droit que le procureur de la République financier a diligenté, en France, une enquête préliminaire sur le blanchiment de fonds qui en constituent le produit.
S’agissant de la saisie pénale immobilière
La Chambre criminelle considère qu’en prononçant ainsi, et dès lors qu’il a été communiqué à la société requérante les pièces sur la base desquelles la chambre de l’instruction s’est prononcée, et, notamment, la requête du procureur de la République financier faisant état tant du témoignage du commissaire aux comptes de la société SHA que du contenu de la demande d’entraide pénale internationale, cette juridiction a justifié sa décision.
Pour aller plus loin : Sur la compétence du PNF, v. Eric Maurel, ETUDE : Les règles de compétences pénales, La compétence du Parquet national financier (PNF) et du tribunal judiciaire de Paris, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E19393BG) |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:473106
Réf. : Cass. crim., 31 mars 2020, n° 19-80.428, F-D (N° Lexbase : A76203KG)
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N3040BYA
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par Manon Rouanne
Le 22 Avril 2020
► Dans le calcul de l’assiette du recours subrogatoire exercé par la caisse d’assurance suisse (ci-après la Suva) ayant, en qualité de tiers payeur, indemnisé la victime d’un accident de la circulation, d’une part, il relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, sur le fondement des éléments de preuve des versements effectués apportés par le tiers payeur, de déterminer le montant de ce recours, notamment, au titre des prestations destinées à compenser les pertes de gains professionnels futurs ;
d’autre part, s’agissant de la détermination du montant de l'indemnité allouée pour atteinte à l'intégrité physique, dans la mesure où les droits passent à l’assureur pour les prestations de même nature et sont de même nature l’indemnité pour atteinte à l’intégrité et l’indemnité à titre de réparation morale, le recours subrogatoire de la Suva peut s'exercer sur l'ensemble des postes de préjudices extrapatrimoniaux temporaires et permanents, de sorte qu’en s’abstenant de rechercher si l’indemnité de réparation de l’atteinte à l’intégrité physique versée par l’organisme social suisse ne réparait pas d’autres préjudices à caractère personnel subis par la victime que ceux correspondant au déficit fonctionnel permanent et en refusant, dès lors, d’imputer, sur l’ensemble des préjudices extrapatrimoniaux, la créance du tiers payeur au titre de l’indemnité de l’atteinte à l’intégrité physique, le cour d’appel a méconnu l’étendue de recours subrogatoire de ce dernier.
Telles sont les précisions apportées, dans le cadre de la détermination de l’assiette du recours subrogatoire des tiers payeurs ayant indemnisé la victime, quant aux modalités d’évaluation de la somme allouée en réparation des préjudices subis, par la Chambre criminelle de la Cour de cassation statuant sur les intérêts civils dans un arrêt en date du 31 mars 2020 (Cass. crim., 31 mars 2020, n° 19-80.428, F-D N° Lexbase : A76203KG ; en ce sens, Cass. crim., 17 mars 2020, n° 19-81.332, F-P+B+I N° N° Lexbase : A48633KC).
En l’espèce, la caisse nationale suisse d’assurances en cas d’accident, après avoir indemnisé, en tant que tiers payeur, la victime d’un accident de la circulation, a exercé, à l’encontre du responsable de cet accident, un recours subrogatoire afin d’obtenir le remboursement, d’une part, de la somme versée à la victime en réparation des pertes de revenus postérieures à la date de consolidation et, d’autre part, de celle correspondant à l’indemnité pour atteinte à l'intégrité physique versée à la victime, réparant, selon elle, l’ensemble des préjudices extrapatrimoniaux subis par celle-ci.
Contestant le calcul opéré par la cour d’appel dans la détermination de l’assiette de son recours subrogatoire, la Suva a, alors, formé un pourvoi en cassation. Après avoir, d’abord, contesté la détermination du montant versé à la victime au titre du préjudice des pertes de gains professionnels futurs, le tiers payeur s’est, ensuite, opposé aux modalités d’évaluation de la somme versée en réparation de l’atteinte à l’intégrité physique de la victime en alléguant, comme moyen au pourvoi, que la somme effectivement versée au titre de cette atteinte englobait la réparation de l’ensemble des préjudices extrapatrimoniaux subis par cette dernière et que, dans la mesure où les droits passent à l’assureur pour les prestations de même nature et sont de même nature l’indemnité pour atteinte à l’intégrité et l’indemnité à titre de réparation morale, la cour d’appel, en refusant d’imputer sur l’ensemble des préjudices extrapatrimoniaux sa créance au titre de l’indemnité de l’atteinte à l’intégrité physique, a méconnu l’étendue du recours subrogatoire des tiers payeurs suisses.
Ne remettant pas en cause la détermination de l’assiette du recours de la Suva quant au montant versé par celle-ci correspondant à l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs qui a été appréciée souverainement par les juges du fond eu égard aux éléments de preuve des sommes effectivement versées à la victime apportés par le tiers payeur, la Cour de cassation, en revanche, ne rejoint pas la limitation, par les juges du fond, du montant alloué par ce dernier au titre de la réparation des atteintes à l’intégrité physique et casse l’arrêt rendu par la cour d’appel. En effet, sur le fondement du principe de la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit pour les parties et sur celui, invoqué par le demandeur au pourvoi, en vertu duquel les droits de la victime passent à l’organisme social pour les prestations de même nature et que sont notamment des prestations de même nature l’indemnité pour atteinte à l’intégrité physique et l’indemnité à titre de réparation morale, la Haute juridiction s’oppose, s'agissant de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique, au refus de la juridiction du second degré, d’inclure, dans l’assiette du recours subrogatoire de la Suva, l'ensemble des postes de préjudices extrapatrimoniaux temporaires et permanents, alors qu'il lui appartenait de rechercher si l’indemnité de réparation de l’atteinte à l’intégrité physique versée par l’organisme social suisse, ne réparait pas d’autres préjudices à caractère personnel subis par la victime que ceux correspondant au déficit fonctionnel permanent.
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