La lettre juridique n°819 du 2 avril 2020

La lettre juridique - Édition n°819

Aide juridictionnelle

[Brèves] Restriction du droit d’accès effectif au juge des requérants qui sollicitent l’aide juridictionnelle après une déclaration d’appel : la Cour de cassation censure

Réf. : Cass. civ. 2, 19 mars 2020, n° 19-12.990, FS-P+B+I (N° Lexbase : A03653KQ)

Lecture: 7 min

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par Marie Le Guerroué

Le 08 Avril 2020

► L’appelant qui a formé appel avant le 11 mai 2017, date d’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017 (décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile N° Lexbase : L2696LEL), et sollicité, dans le délai prévu par l’article 908 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7239LET), le bénéfice de l’aide juridictionnelle, puis remis au greffe ses conclusions dans ce même délai, courant à compter de la notification de la décision statuant définitivement sur cette aide, ne peut se voir opposer la caducité de sa déclaration d’appel.

C’est en ce sens que s’est prononcée la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 19 mars 2020 (Cass. civ. 2, 19 mars 2020, n° 19-12.990, FS-P+B+I N° Lexbase : A03653KQ ; v., aussi Cass. civ. 2, 19 mars 2020, n° 18-23.923, FS-P+B+I N° Lexbase : A48853K7).

Faits et procédure. Le demandeur au pourvoi avait relevé appel, le 9 janvier 2017, d’un jugement d’un tribunal de grande instance, puis avait déposé une demande d’aide juridictionnelle, le 31 janvier 2017, dont le bénéfice lui avait été accordé le 2 mars 2017. Par ordonnance du 23 mai 2017, le conseiller de la mise en état avait prononcé la caducité de la déclaration d’appel, en application de l’article 908 du Code de procédure civile, faute de conclusions dans un délai de trois mois suivant cette déclaration d’appel. L’intéressé avait déféré cette ordonnance à la cour d’appel et conclu au fond le 1er juin 2017.

  • Le raisonnement des juges du fond : application du décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016

Pour prononcer la caducité de la déclaration d’appel, l’arrêt retenait, d’abord, que le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016 (N° Lexbase : L9928LBC) était applicable à l’espèce, s’agissant d’une demande d’aide juridictionnelle déposée le 31 janvier 2017 ayant fait l’objet d’une décision d’admission le 2 mars suivant. L’arrêt retenait, ensuite, que la circulaire du 19 janvier 2017, prise en application du décret du 27 décembre 2016, précisait notamment en son point 2.2 concernant la modification de l’effet interruptif de la demande juridictionnelle sur les délais d’action, que « L’extension de l’effet interruptif aux délais d’appel s’applique également aux délais prévus aux articles 902 (N° Lexbase : L7237LER) et 908 à 910 (N° Lexbase : L7241LEW) du Code de procédure civile, comme cela était le cas jusqu’à présent en vertu de l’ancien article 38-1 du décret du 19 décembre 1991», que cette circulaire, prise à l’occasion de la parution du décret du 27 décembre 2016, ne comportait aucune disposition impérative et ne pouvait avoir pour effet, en l’absence de toute portée juridique, de rétablir les dispositions d’un article abrogé par les nouvelles dispositions. L’arrêt énonce, enfin, qu’en aucun cas le décret ayant abrogé l’article 38 du décret du 19 décembre 1991 ne pouvait être considéré comme contraire à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1370A9M) dans la mesure où chaque justiciable peut déposer, avant de former appel, une demande d’aide juridictionnelle et ainsi bénéficier des nouvelles dispositions, que si le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a modifié les dispositions du décret du 27 décembre 2016, le nouvel article 38, alinéa 2, qui prévoit que la demande d’aide juridictionnelle interrompt les délais prévus par les articles 909 (N° Lexbase : L0163IPQ) et 910 du Code de procédure civile, n’est pas applicable aux délais prévus par les articles 902 ou 908 du même code, et qu’en conséquence, les conclusions déposées le 1er juin 2017 par l’intéressé l’ont été au-delà du délai de trois mois prévu par l’article 908 du Code de procédure civile, qui avait commencé à courir dès le 9 janvier 2017, date de sa déclaration d’appel.

  • Le raisonnement de la Cour de cassation : la primauté de la sécurité juridique 

Conséquences de l'abrogation de l'article 38-1. La Cour rappelle que le décret du 27 décembre 2016 a modifié l’article 38 du décret du 19 décembre 1991, à l’effet de reporter le point de départ du délai d’une action en justice ou d’un recours, au profit de celui qui demande le bénéfice de l’aide juridictionnelle, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, au jour de la désignation d’un auxiliaire de justice en vue d’assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l’exercice de cette action ou de ce recours. Ce décret du 27 décembre 2016 a corrélativement abrogé l’article 38-1 du décret du 19 décembre 1991, qui prévoyait, dans le cas particulier d’une procédure d’appel, l’interruption des délais réglementaires que cette procédure fait courir. L’abrogation de l’article 38-1 a entraîné la suppression d’un dispositif réglementaire, qui était notamment destiné à mettre en œuvre les articles 18 et 25 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), selon lesquels l’aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l’instance et le bénéficiaire de cette aide a droit à l’assistance d’un avocat. Il en résulte qu’en l’état de cette abrogation, le sens et la portée des modifications apportées à l’article 38 de ce décret ne pouvaient que susciter un doute sérieux et créer une situation d’incertitude juridique. La confusion a été accrue par la publication de la circulaire d’application du décret du 27 décembre 2016, bien que celle-ci soit, par nature, dépourvue de portée normative. En effet, commentant la modification apportée à l’article 38 du décret du 19 décembre 1991, cette circulaire affirmait en substance que l’extension aux délais d’appel de l’effet interruptif s’appliquait également aux délais prévus aux articles 902 et 908 à 910 du Code de procédure civile. En outre, elle annonçait qu’une modification du décret du 19 décembre 1991 serait prochainement apportée sur ce point. Postérieurement, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a rétabli, pour partie, le dispositif prévu par l’article 38-1 du décret du 19 décembre 1991.

L’atteinte consécutive au principe de sécurité juridique. Il résulte de ce qui précède, pour les juges du droit, que le dispositif mis en place par le décret du 27 décembre 2016 est susceptible de porter atteinte au principe de sécurité juridique et, en cela, d’avoir pour effet de restreindre, de manière disproportionnée au regard des objectifs de célérité et de bonne administration de la justice que ce texte poursuivait, le droit d’accès effectif au juge des requérants qui sollicitent l’aide juridictionnelle après avoir formé une déclaration d’appel. En effet, ces appelants peuvent se voir opposer la caducité de leur déclaration d’appel, les privant ainsi de la faculté d’accéder au juge d’appel. Elle en déduit, par conséquent, la solution susvisée.

Cassation. La Haute juridiction rend sa décision au visa de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et souligne que le principe de sécurité juridique implique que de nouvelles règles, prises dans leur ensemble, soient accessibles et prévisibles et n’affectent pas le droit à l’accès effectif au juge, dans sa substance même. Aussi, en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle constatait que le demandeur avait relevé appel le 9 janvier 2017, sollicité, le 31 janvier 2017, le bénéfice de l’aide juridictionnelle, qui lui avait été accordé 2 mars 2017, puis conclu le 1er juin 2017, la Cour conclut que la cour d’appel a violé le texte précité. L’arrêt encourt donc la censure (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E8635ETY).

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Avocats/Honoraires

[Brèves] La voie de la tierce opposition est-elle ouverte contre la décision du Bâtonnier saisi d’une contestation d’honoraires ?

Réf. : Cass. civ. 2, 5 mars 2020, n° 18-24.430, FS-P+B+I (N° Lexbase : A04253H9)

Lecture: 4 min

N2504BYE

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par Marie Le Guerroué

Le 02 Avril 2020

► Il résulte des articles 174 et 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), qui réservent l’action en contestation d’honoraires d’avocats à ces derniers et à leurs clients, et de l’article 66-5, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), qui prévoit que les relations entre l’avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel, que, conformément aux prévisions des articles 582 (N° Lexbase : L6739H7Q) et 583 (N° Lexbase : L6740H7R) du Code de procédure civile, la voie de la tierce opposition, qui tend non seulement à faire rétracter le jugement attaqué, mais également à le réformer, n’est pas ouverte contre la décision du Bâtonnier saisi d’une contestation d’honoraires.

Telle est la précision apportée par la Haute juridiction dans un arrêt du 5 mars 2020 (Cass. civ. 2, 5 mars 2020, n° 18-24.430, FS-P+B+I N° Lexbase : A04253H9).

Procédure. Deux banques avaient consenti à diverses sociétés de promotion immobilière des prêts destinés à financer l’achat de biens immobiliers. A la suite de l’annulation des contrats de vente, les notaires instrumentaires avaient été condamnés à indemniser les sociétés de promotion immobilière, lesquelles avaient été condamnées à reverser aux banques les sommes que les notaires étaient tenus de leur régler, à concurrence du capital prêté restant dû. L’avocat des sociétés de promotion immobilière avait fait pratiquer diverses saisies-attributions entre les mains des notaires, débiteurs de dommages-intérêts envers ses clientes, pour paiement des honoraires que lui devaient celles-ci, notamment en vertu de reconnaissances de dette notariées. Le tribunal de grande instance, statuant sur l’action paulienne, notamment d’une des banques, lui avait déclaré inopposables les reconnaissances de dettes émises par les sociétés de promotion immobilière au profit de l’avocat. Entre-temps, le Bâtonnier de l’Ordre, saisi par l’avocat, avait, entre autres dispositions, fixé à la somme de 1 731 310,20 euros HT le montant total des honoraires dus à l’avocat par les sociétés de promotion immobilière. Les deux banques et les notaires avaient formé tierce opposition à la décision du Bâtonnier. Ce dernier les avait déclarés irrecevables. Une des banques et les notaires avaient formé un recours contre cette décision.

Ordonnance (oui). Pour déclarer recevable la tierce opposition formée par l’une des banques, l’ordonnance retenait que le décret du 27 novembre 1991 ne prévoit pas que la décision du Bâtonnier est susceptible de tierce opposition. Elle ne l’interdit pas non plus. En particulier, le fait que l’article 176 du décret ne prévoit qu’un recours devant le premier président de la cour d’appel ne saurait suffire à démontrer que la tierce opposition est exclue, dès lors que l’article 277 dispose qu’il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret. Le Bâtonnier tranche un litige entre l’avocat et son client en faisant application de règles de droit, après que chacun d’eux a pu faire valoir ses arguments dans le cadre d’une procédure organisée et contradictoire, et ce en rendant une décision susceptible d’un recours devant un magistrat de l’ordre judiciaire. Certes, il n’a pas le pouvoir d’ordonner l’exécution provisoire de sa décision, néanmoins la loi prévoit qu’elle peut être rendue exécutoire par le président du tribunal de grande instance si elle n’est pas frappée de recours. Il se déduit de ces divers éléments que le Bâtonnier rend un jugement au sens de l’article 585 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6742H7T). Les termes de « juridiction », « juge » ou « magistrat » utilisés par les textes relatifs à la tierce opposition ne démontrent pas que la tierce opposition est impossible en la matière.

Réponse de la Cour (non). Les dispositions du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 réservent l’action en contestation en matière d’honoraires d’avocats à ces derniers et à leurs clients. Selon l’article 66-5, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les relations entre l’avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel. Pour la Cour, il s’ensuit qu’en cette matière, la voie de la tierce opposition, qui tend non seulement à faire rétracter le jugement attaqué, mais également à le réformer, n’est pas ouverte contre la décision du Bâtonnier saisi de la contestation. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés. La Cour censure donc l’ordonnance précédemment rendue par le premier président de la cour d’appel de Paris et déclare irrecevable la tierce opposition formée par l’une des banques contre la décision du Bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Paris (cf. l’Ouvrage « La profession d’avocat » N° Lexbase : E2704E4W).

 

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Contrats administratifs

[Brèves] De la qualité de contribuable local pour former un recours "Tarn-et-Garonne"

Réf. : CE 2° et 7° ch-r., 27 mars 2020, n° 426291, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A42543KR)

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N2837BYQ

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par Yann Le Foll

Le 01 Avril 2020

Un contribuable local a qualité pour former un recours "Tarn-et-Garonne" (en présence d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine, CE, Ass., 4 avril 2014, n° 358994 N° Lexbase : A6449MIP), à condition d'établir que le contrat contesté est susceptible d'emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité.

Ainsi statue le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 27 mars 2020 (CE 2° et 7° ch-r., 27 mars 2020, n° 426291, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A42543KR).

Faits. Etait en cause un recours contre un contrat de concession du service public du développement et de l'exploitation du réseau de distribution et de fourniture d'énergie électrique aux tarifs réglementés, attribué à la société X.

Les requérants se prévalaient de leur qualité de contribuables locaux pour contester, d'une part, la validité des clauses relatives à la délimitation du périmètre des ouvrages concédés, dont ils estimaient qu'elles n'incluaient pas certains dispositifs dans les biens de retour, et, d'autre part, la validité des clauses relatives à l'indemnité susceptible d'être versée au concessionnaire en cas de rupture anticipée du contrat, dont ils estimaient que l'application pouvait excéder le montant du préjudice réellement subi par ce dernier et constituer de ce fait une libéralité prohibée.

Principe. L'intérêt à agir des requérants en tant que contribuables locaux ne peut être écarté en se fondant sur le caractère aléatoire du déploiement des dispositifs exclus de la liste des ouvrages concédés et sur le caractère incertain de la mise en œuvre de la clause relative à la rupture anticipée du contrat :

- d'une part, le caractère éventuel ou incertain de la mise en œuvre de clauses est par lui-même dépourvu d'incidence sur l'appréciation de leur répercussion possible sur les finances ou le patrimoine de l'autorité concédante ;

- et d'autre part, bien que l'article L. 111-52 du Code de l'énergie (N° Lexbase : L1281K8X) fixe des zones de desserte exclusives pour les gestionnaires de réseaux publics et attribue de ce fait un monopole légal à la société X et que la convention litigieuse a été conclue pour trente ans, au vu des évolutions scientifiques, techniques, économiques et juridiques propres au secteur de l'énergie, des modifications d'une telle concession sont probables au cours de la période couverte par le contrat et pourraient, notamment, nécessiter la mise en œuvre des clauses critiquées.

Décision. L’arrêt (CAA Nancy, 16 octobre 2018, n° 17NC01597 N° Lexbase : A5988YHA) ayant rejeté les demandes d’annulation du jugement ayant lui-même rejeté le recours des requérants contre le contrat est donc annulé.

newsid:472837

Contrôle fiscal

[Brèves] Principe du respect des droits de la défense : portée de l’obligation d’information de l’administration des douanes

Réf. : Cass. com., 18 mars 2020, n° 17-20.596, FS-P+B (N° Lexbase : A49223KI)

Lecture: 3 min

N2829BYG

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par Marie-Claire Sgarra

Le 01 Avril 2020

Il résulte en outre du principe du respect des droits de la défense, qui trouve à s'appliquer dès lors que l'administration se propose de prendre à l'encontre d'une personne un acte qui lui fait grief, que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision.

Telle est la solution retenue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 18 mars 2020 (Cass. com., 18 mars 2020, n° 17-20.596, FS-P+B N° Lexbase : A49223KI).

En l’espèce, une société a, en 2011 et 2012, procédé à l’expédition de boissons alcoolisées en suspension de droits d’accise, après émission de documents administratifs électroniques, à destination d’entreprises situées notamment dans des Etats membres de l’Union européenne, les destinataires émettant un docuemlent d’apurement à la réception des marchandises. L’administration des douanes a retenu que plusieurs des sociétés destinataires des livraisons étaient fictives ou n’avaient jamais reçu de marchandises.

Après notification d’un avis prélable de taxation, l’administration des douanes a notifié à la société un procès-verbal d’infractions puis un avis de mise en recouvrement que cette dernière a contesté. L’administration rejette la contestation de la société qui l’a assignée aux fins d’obtenir l’annulation du procès-verbal d’infractions, de l’avis de mise en recouvrement et de la décision de rejet de sa contestation.

Aux termes de l’article L. 80 M du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L6962LLG), en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration. Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration. Il est invité à faire connaître ses observations. Lorsque la communication se fait par écrit, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de taxation pour formuler ses observations ou faire connaître son acceptation. A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l'issue de ce délai, l'administration prend sa décision.

La cour d’appel, pour déclarer la procédure régulière, après avoir constaté que la société avait demandé communication des pièces de la procédure le 11 juin 2013 et que l'administration ne les lui a communiquées que le 23 octobre 2013, soit après avoir dressé le procès-verbal d'infractions et émis un AMR, retient que, toutefois, il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense de la société car la précision du procès-verbal d'infractions lui a permis de faire valoir utilement ses observations. A tort selon la Cour de cassation qui juge qu’en statuant ainsi, alors que, faute d'avoir eu connaissance des documents sur lesquels l'administration entendait fonder sa décision, la société n'avait pas pu faire valoir utilement ses observations avant que celle-ci n'établisse le procès-verbal d'infractions, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le principe des droits de la défense et le texte susvisés.

 

 

 

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Contrôle fiscal

[Brèves] Précisions des conditions de mise en œuvre de la procédure d’opposition à contrôle fiscal en cas de défaut de réalisation d’une partie des traitements demandés dans le cadre de la vérification d’une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 13 mars 2020, n° 421725, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A77353IC)

Lecture: 4 min

N2865BYR

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par Marie-Claire Sgarra

Le 07 Avril 2020

Le contribuable qui décide d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification garde la possibilité de changer d'option jusqu'à l'expiration du délai qui lui a été fixé par l'administration pour réaliser ces traitements.

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 13 mars 2020 (CE 9° et 10° ch.-r., 13 mars 2020, n° 421725, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A77353IC).

En l’espèce, une société qui exploite une officine de pharmacie a fait l’objet d’un contrôle inopiné suivi de deux vérifications de comptabilité. Après avoir mis en œuvre la procédure d’évaluation d’office prévue par l’article L. 74 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L0428IYI) pour opposition à contrôle fiscal et rejeté la comptabilité de la société comme non probante, l’administration fiscale a procédé à la reconstitution des recettes de celle-ci. Le tribunal administratif de Montreuil rejette la demande de la société. La cour administrative d’appel de Versailles confirme ce jugement (CAA de Versailles, 26 avril 2018, n° 15VE02592 N° Lexbase : A0867XM3).

A la suite du contrôle inopiné effectué le 15 mars 2011, l'administration fiscale a informé la société de son intention de réaliser des traitements sur la comptabilité informatisée présentée. La société a décidé d'effectuer elle-même ces traitements informatiques conformément aux dispositions de l'article L. 47 A du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L5998LM4). Par courriers du 8 avril 2011 s'agissant des exercices clos en 2008 et 2009, et du 29 septembre 2011 s'agissant de l'exercice clos en 2010, l'administration a transmis à la société les cahiers des charges détaillant les traitements à effectuer avant respectivement les 29 avril et 20 octobre 2011. La société a transmis le 30 mai 2011 s'agissant de la première période vérifiée, et le 13 février 2012 s'agissant de la seconde période vérifiée, une partie des traitements informatiques demandés et indiqué rencontrer des difficultés techniques importantes pour réaliser les autres traitements. Après avoir accordé à la société des délais supplémentaires, l'administration lui a notifié, par courriers du 7 octobre 2011 s'agissant de la première période vérifiée et du 1er juin 2012 s'agissant de la seconde, deux procès-verbaux constatant le défaut de réalisation d'une partie des traitements informatiques demandés et précisant que cette carence était susceptible de conduire à la mise en oeuvre de la procédure d'opposition à contrôle fiscal prévue à l'article L. 74 du Livre des procédures fiscales. En l'absence de réalisation des traitements manquants, cette procédure a été effectivement mise en oeuvre par l'administration fiscale.

La cour administrative d'appel de Versailles, pour retenir la qualification d'opposition à contrôle fiscal justifiant la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du Livre des procédures fiscales, a notamment relevé que l'administration fiscale avait accordé à la société des délais suffisants pour effectuer les traitements informatiques que celle-ci avait choisis de réaliser elle-même et qu'il lui avait été possible de renoncer à cette option si elle avait estimé ne pas être en mesure, techniquement, de satisfaire aux exigences des cahiers des charges qui lui avaient été transmis.

En jugeant que le comportement de la société caractérisait une opposition à contrôle fiscal sans rechercher, d'une part, si elle avait été informée de la possibilité qui lui était ouverte de renoncer à l'option prévue à l'article L. 47 A du Livre des procédures fiscales et de choisir l'une ou l'autre des deux autres options prévues par ces mêmes dispositions, et d'autre part, si les traitements informatiques non réalisés par la société étaient nécessaires au contrôle de sa comptabilité, la cour a commis une erreur de droit.

Dans le cas de la suppression d'une partie des données soumises au contrôle, le Conseil d’Etat a jugé que les informations nominatives enregistrées dans le système informatique d'une pharmacie à l'occasion d'un achat revêtent un caractère secret seulement lorsqu'elles se rapportent à un médicament, produit ou objet dont la vente lui est réservée. Peu importe qu'ils aient fait l'objet d'une prescription médicale. Des ventes sans ordonnance réalisées par des pharmaciens peuvent donc être couvertes par le secret professionnel dès lors qu'ils en ont le monopole (CE 9° et 10° ch.-r., 24 juin 2015, n° 367288, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0111NM3). Lire en ce sens, Franck Laffaille, Secret professionnel et opposition au contrôle fiscal, Lexbase Fiscal, 2015, n° 624 (N° Lexbase : N8871BU4).

(cf. le BOFiP annoté N° Lexbase : X8864AMA).

 

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Covid-19

[Focus] L’état d’urgence sanitaire : une « circonstance exceptionnelle » en matière de contrats publics

Réf. : Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5734LWB)

Lecture: 10 min

N2818BYZ

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par Olivier Garreau, Avocat à la Cour, docteur en droit public, spécialiste en droit public

Le 01 Avril 2020

Face à la crise sanitaire majeure actuelle, l’exécutif a été autorisé à légiférer par voie d’ordonnances par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT).

Dans un objectif affiché de soutien aux entreprises, l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19, vient d’être adoptée.

Celle-ci vient « adapter » le droit de la commande publique à la période d’exception en cours en agissant sur deux volets : les procédures d’attribution des contrats soumis au Code de la commande publique, d’une part, et l’exécution des contrat publics, dont les marchés, d’autre part.

L’article 1er de l’ordonnance susvisée définit un champ d’application très étendu.

Dans l’urgence, le Président de la République, sur rapport du Premier ministre et du ministre de l’Economie et des Finances, n’a pas donné de détail et a souhaité que les mesures prises soient applicables à l’ensemble des contrat publics, puisque sont concernés, « sauf mention contraire », l’ensemble des « contrats soumis au Code de la commande publique ainsi qu'aux contrats publics qui n'en relèvent pas, en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, augmentée d'une durée de deux mois ».

L’ordonnance se veut également pragmatique et offre aux pouvoirs adjudicateurs et donneurs d’ordre le choix de faire application de ces mesures d’exception en cas de nécessité, pour faire face aux effets des mesures prises pour prévenir la propagation du covid-19, sans plus de précision.

L’article 1er de l’ordonnance, étant donné son caractère général et du fait de la « souplesse » qu’il donne à l’administration dans ses modalités d’application, s’éloigne de la rigueur normalement de mise lors de la définition d’un régime dérogatoire, notamment en matière de règle de passation des marchés publics.

L’état d’urgence sanitaire décrété par les autorités semble pouvoir être, à ce titre, assimilé aux « circonstances exceptionnelles » des arrêts « Dames Dol et Laurent » (CE, 28 février 1919, n° 61593 N° Lexbase : A8878B8C) et « Heyries » (CE, 28 juin 1918, n° 63412 N° Lexbase : A9180B8I), bien connus des administrativistes.

En complément, on pourra noter que le Conseil constitutionnel vient d’ailleurs d’estimer que, si la Constitution n’est pas suspendue, il est possible d’y déroger en raison des circonstances liées à la crise du Covid-19. En effet, la loi sur l’état d’urgence sanitaire suspend jusqu'au 30 juin 2020 le délai dans lequel le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation doivent se prononcer sur le renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité et celui dans lequel ce dernier doit statuer sur une telle question. Le conseil Constitutionnel a admis que, « compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l'article 46 de la Constitution » (Cons. const, décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020 N° Lexbase : A25003KS).

Pour revenir à l’ordonnance ° 2020-319 du 25 mars 2020, celle-ci définit un « régime d’exception » concernant les modalités de passation des contrats soumis au Code de la commande publique (I) ; elle aménage, en outre, des dérogations aux modalités d’exécution de ces contrats (II).

I - Sur les mesures relatives aux règles de passation des contrats soumis au Code de la commande publique

L’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 permet aux pouvoirs adjudicateurs de prolonger les délais de réception des candidatures et des offres, dans le cadre des procédures d’attribution en cours « d’une durée suffisante », sauf lorsque les prestations objet du contrat « ne peuvent souffrir aucun retard ».

Cette mesure, qui a sans doute pour objet de pallier les ralentissements liés à la réduction des effectifs dans les administrations et les entreprises, du fait, notamment, des mesures de confinement, reste une dérogation « acceptable » aux articles R. 2143-1 (N° Lexbase : L3807LRG) et R. 2143-2 (N° Lexbase : L3970LRH) du Code de la Commande publique. L’atteinte aux principes de libre concurrence et d’égalité des candidats est mesurée.

Il n’en va pas de même, me semble-t-il, pour ce qui concerne les dispositions de l’article 3 de l’ordonnance qui dispose que, « lorsque les modalités de la mise en concurrence prévues en application du code de la commande publique dans les documents de la consultation des entreprises ne peuvent être respectées par l'autorité contractante, celle-ci peut les aménager en cours de procédure dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats ».

La possibilité d’adaptation et donc de modification des documents de la consultation, en cours de procédure d’attribution, heurte les principes fondamentaux de la commande publique, quand bien même injonction serait faite aux pouvoirs adjudicateurs de respecter le « principe d’égalité de traitement des candidats ».

De telles dispositions sont assimilables à une suspension du Code de la commande publique. Leur caractère général pourra permettre à l’administration, en cours de procédure, par exemple, de modifier tant les critères d’attribution, que la nature ou la quantité des prestations prévues au cahier des clauses administratives particulières et au cahier des clauses techniques particulières.

Il est fort à craindre qu’en cette période de « circonstances exceptionnelles », le contrôle du juge sur le respect du principe d’égalité de traitement des candidats soit réduit à sa plus simple expression, si tant est que ce contrôle puisse matériellement être exercé dans un délai utile.

II - Sur les dérogations aux modalités d’exécution

En matière d’exécution des contrats administratifs en cours, l’ordonnance du 25 mars 2020 prend une série de mesures dont l’objet affiché est clairement de protéger la continuité de l’activité économique et la pérennité des entreprises, mais également de protéger l’administration et la continuité du service des effets de la crise sanitaire.

Ainsi, l’article 4 de l’ordonnance permet une prolongation, par avenant, de la durée d’exécution des contrats arrivés à terme, lorsque l’organisation d’une procédure de remise en concurrence ne peut être mise en œuvre. Ces dispositions dérogent aux dispositions des articles L. 2125-1 (N° Lexbase : L7085LQH) et L. 2325-1 (N° Lexbase : L7105LQ9) du Code de la commande publique pour les accords cadre et concerne également les contrats de concession.

La durée de prolongation est cependant encadrée et celle-ci ne pourra excéder la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, augmentée d'une durée de deux mois, auquel pourra être ajouté le délai nécessaire à l’organisation d’une nouvelle procédure de mise en concurrence.

L’article 5 autorise les acheteurs à modifier, par avenant, les conditions de versement de l'avance. Son taux peut être porté à un montant supérieur à 60 % du montant du marché ou du bon de commande. Ils ne sont pas tenus d'exiger la constitution d'une garantie à première demande pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché.

Enfin, l’article 6 tente de prévenir les difficultés d’exécution que pourrait provoquer la crise sanitaire, dans le sens d’une protection du cocontractant de l’administration.

Ainsi, l’article 6-1° autorise le cocontractant de l’administration à bénéficier d’un délai d’exécution complémentaire pour une ou plusieurs obligations du contrat, au-delà de la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, augmentée d'une durée de deux mois.

Les dispositions de l’article 6-2° suppriment la possibilité de sanctionner le cocontractant de l’administration lorsque celui-ci est dans l'impossibilité d'exécuter tout ou partie d'un bon de commande ou d'un contrat, notamment lorsqu'il démontre qu'il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive.

Parallèlement, le pouvoir adjudicateur, pourra en cas d’impossibilité pour le titulaire d’exécuter le contrat, mais uniquement pour les besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard, passer un marché de substitution, sans toutefois pouvoir en imputer les frais et risques au titulaire initial. Le titulaire initial ne pourra non plus rechercher la responsabilité de l’administration pour la passation de ce marché de substitution.

De même, aux termes de l’article 6-3°, l’acheteur public pourra résilier un marché ou renoncer à un marché à bon de commande en raison des conséquences de mesures liées à l’état d’urgence sanitaire, sous condition d’indemniser le titulaire du marché des dépenses engagées liées à l’exécution du contrat. Cette mesure semble plus restrictive pour le titulaire du marché que l’hypothèse de la résiliation pour motif d’intérêt général, puisqu’elle ne comprend pas l’indemnisation de son manque à gagner, c’est-à-dire le bénéfice manqué par le titulaire en raison de l’interruption du marché.

L’article 6-4° concerne exclusivement la suspension en cours d’exécution d’un marché à forfait et impose à l’administration le règlement sans délai du marché selon les modalités et pour les montants prévus par le contrat, avec, à l'issue de la suspension, un avenant déterminant les modifications du contrat éventuellement nécessaires, sa reprise à l'identique ou sa résiliation, ainsi que les sommes dues au titulaire ou, le cas échéant, les sommes dues par ce dernier à l'acheteur.

Ces dispositions, sous réserve de l’interprétation de leur caractère imprécis, semblent permettre au titulaire du marché d’obtenir le règlement de l’intégralité du marché, sans délai, à charge pour ce dernier d’avoir à rembourser l’administration d’un trop éventuel perçu, notamment en cas de résiliation, après la fin de la suspension. Si tel est bien le cas, il est peu probable que le pouvoir adjudicateur soit enclin à suspendre les marchés forfaitaires de travaux d’un montant important, surtout si ceux-ci n’en sont qu’au début de leur exécution.

Enfin, les articles 6-5° et 6-6° de l’ordonnance concerne les concessions, et permet la suspension de l’exécution du contrat, accompagné de la suspension des versements des redevances et toutes autres sommes au concédant, le concessionnaire pouvant, en revanche, solliciter le versement d’une avance pour sommes dues à hauteur de ses besoins, si la situation le justifie.

 
En dehors de la suspension, l’article 6-6° permet, lorsque le concédant est conduit à modifier significativement les modalités d'exécution prévues au contrat, le versement de droit d’une indemnité destinée à compenser le surcoût qui résulte de l'exécution, même partielle, du service ou des travaux, « lorsque la poursuite de l'exécution de la concession impose la mise en œuvre de moyens supplémentaires qui n'étaient pas prévus au contrat initial et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire ». Les termes « charges manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire », du fait de leur imprécision, promettent d’âpres négociations entre les cocontractants et pourraient être source de contentieux.

L’article 8 de l’ordonnance précise, enfin, les modalités d’application des dispositions de celle-ci pour les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

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Covid-19

[Questions à...] Crise sanitaire - "Il est dommage de constater que les avocats sont encore exclus des dispositifs d’aides" - Questions à Audrey Chemouli

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N2841BYU

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par La Rédaction

Le 06 Avril 2020


Mots-clefs : Interview • Avocat • Crise sanitaire • Covid-19


Audrey Chemouli co-dirige le département droit des affaires du cabinet In Extenso Avocats, en Ile-de-France. Présidente de la Commission « Structures d’Exercice » du syndicat des Avocats Conseils d’Entreprises à Paris, elle est également membre élue du Conseil National des Barreaux et dirige en son sein la commission « Statut professionnel de l’avocat ».

Elle a accepté, pour Lexbase Avocats, de répondre à nos questions sur les mesures prévues pour aider les avocats à traverser cette période de baisse d’activité liée à la crise sanitaire du Covid-19 mais, également, sur les conséquences de cette crise pour la profession.

La Rédaction : Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour aider les indépendants et particulièrement les avocats en cette période de crise ?

Malheureusement, les mesures de chômage partiel ne sont pas applicables aux collaborateurs libéraux, cela a été demandé par la présidente du Conseil National des Barreaux avec force. Il semblerait que la Garde des Sceaux ait confirmé lors de son dernier entretien avec les instances de la profession que nous ne serons pas éligibles au dispositif s’agissant des collaborateurs libéraux, il est néanmoins ouvert aux salariés.

La Rédaction : Certains avocats s’inquiètent de ne pas pouvoir payer leurs salariés et leurs collaborateurs. Pourront-ils bénéficier du dispositif de chômage partiel ? 

La crise est importante et profonde, elle touche tous les avocats et après la grève qui a affecté la profession, il est d’autant plus nécessaire de restructurer nos cabinets. Le sujet des collaborateurs et salariés de nos entreprises est primordial. Ils sont les forces vives de nos cabinets, c’est notre moyen de créer de la valeur. En ces temps difficiles, conserver et protéger nos collaborateurs est essentiel.

Il est, à mon sens, nécessaire de travailler pour l’après crise, c’est-à-dire réactualiser les modèles du cabinet, écrire des articles, préparer des formations… autant de chose qui sont nécessaires et utiles et pour lesquelles nos collaborateurs et personnel salarié peuvent aider.

Ce qui ressortira de cette crise c’est aussi la nécessité de conserver sa trésorerie, beaucoup de cabinets pâtissent d’une gestion sans calcul de coût, de point mort, de business plan. C’est le cas de nombreux d’entre nous.

Malheureusement, les mesures de chômage partiel ne sont pas encore applicables aux collaborateurs, cela a été demandé par la présidente du Conseil National des Barreaux avec force, nous n’avons pas encore reçu de réponse à ma connaissance. Il est, néanmoins, ouvert aux salariés.

Il faut donc distinguer les collaborateurs libéraux, des collaborateurs salariés qui suivront le même régime que le personnel salarié. Pour les collaborateurs libéraux, il faut rappeler que la modification du contrat de collaboration est soumise à des règles strictes d’accord des parties. Il a été rappelé par de nombreux barreaux et le Conseil National que les mesures de confinement décidées par le Gouvernement ne sauraient justifier qu’une partie impose unilatéralement la modification du contrat de collaboration libérale à temps plein - en temps partiel, ni la prise de congés par les collaborateurs durant cette période.

La seule circonstance de la crise sanitaire du Covid-19, ne peut pas justifier la suspension du contrat de collaboration libérale, suspension qui n’est d’ailleurs pas prévue dans notre Règlement Intérieur National.

L’article 14.4 du RIN prévoit que « Sous réserve des dispositions relatives à la rupture du contrat en cas de parentalité et sauf meilleur accord des parties, chaque cocontractant peut mettre fin au contrat de collaboration en avisant l'autre au moins trois mois à l'avance. Ce délai est augmenté d'un mois par année au-delà de trois ans de présence révolus, sans qu'il puisse excéder six mois. Ces délais n'ont pas à être observés en cas de manquement grave flagrant aux règles professionnelles ». 

Pour les collaborateurs salariés et le personnel salarié des cabinets, à mon sens le dispositif de chômage partiel devrait trouver à s’appliquer, même s’il est vrai que nous avons reçu des avis divergents selon les DIRECCTE.

Sur les mesures de chômage partiel, le Conseil National des Barreaux a réalisé des fiches que chacun peut consulter.

La Rédaction : Les représentants de la profession ont adressé une lettre au ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire et au ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin à propos du projet de décret relatif au fonds de solidarité. Ils soulignent le caractère particulièrement inadapté des mesures prévues pour les avocats. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? 

Pour de nombreuses raisons ! Le décret a été publié ce 30 mars et on peut se féliciter que les avocats fassent parti du dispositif, on doit cette victoire à nos représentants. Cela étant les mesures prévues ne correspondent pas toujours à la vie des cabinets. La période de référence tout d’abord, le texte prévoit que le dispositif est soumis à la condition que les entreprises aient « subi(es) une perte de chiffre d'affaires d'au moins 70 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ».

Or le confinement est effectif depuis le 16 mars, par conséquent, pendant toute une partie du mois de mars, les cabinets ont fonctionnés normalement. On peut aussi penser que pendant la première semaine du confinement, c’est également le cas. La problématique de la perte de chiffre se pose depuis la fin mars et surtout sur le mois d’avril et éventuellement les mois suivants. 

Par ailleurs et comme précédemment évoqué, les cabinets continuent de payer leurs collaborateurs libéraux qui ne bénéficient pas des mesures de chômage partiel. Leur chiffre d’affaires est donc maintenu nonobstant la perte d’activité du cabinet, obérant ainsi la trésorerie des structures en affichant facialement un maintien d’activité pour eux.

Mais également, on se situe au niveau des cabinets alors que les rémunérations des avocats sont calculées en fonction de leur chiffre d’affaires respectifs au sein desdits cabinets. 1 500 euros au niveau du cabinet, ce n’est pas la même chose que 1 500 euros au niveau de chaque associé ! Nous aurons donc une distorsion entre ceux qui exercent à titre individuel et les autres.

Enfin, ce dispositif, tel que présenté, ne prend pas en compte les différences en matière de comptabilité de caisse ou d’engagement. Il est possible de considérer qu’il y aura des différences qui seront notables en cette matière entre les cabinets.

Quid des AARPI qui sont tellement développées dans certain barreaux, ces structures n’ont pas la personnalité morale, il se peut que leur associés l’ait ou pas…

S’agissant de la deuxième condition relative au bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l’activité exercée, qui ne devrait excéder pas 60 000 euros au titre du dernier exercice clos. 

Ce critère présenté comme cela n’est pas adapté, en l’espèce, puisque dans nos structures il n’y a pas véritablement de dirigeant (même si facialement il y a évidemment des mandataires sociaux) mais les avocats qui exercent en qualités d’associés de la structure ne sont pas rémunérés au titre de leur mandat social, mais au titre de leur activité. 

La condition d’impossibilité de paiement des charges au 31 mars 2020 pose également une difficulté. La trésorerie des cabinets sera peut-être encore suffisante à la fin de ce mois, mais qu’en est-il des mois suivants ? Là encore il y a un sujet sur la période, il aurait très certainement fallu englober toute la période de confinement ! 

Sur la condition de refus d’une demande de prêt de trésorerie d’un « montant raisonnable » : cette condition ajoute à la confusion car il est délicat de se positionner sur le caractère raisonnable du prêt. Mais encore est-il nécessaire de rappeler qu’un prêt est très différent d’une aide et qu’il est difficile d’assimiler les deux ou de faire dépendre l’un de l’autre.

Ces inadéquations ont été dénoncées par la présidente du Conseil National des Barreaux, la présidente de la Conférence des Bâtonniers et le Bâtonnier de Paris dans la lettre ouverte à Messieurs les ministres de l’Economie et des Finances et de l’Action et des Comptes publics. 

La Rédaction : Le CNB et les Ordres vont-ils eux aussi pouvoir aider les avocats ? Certains avocats réclament, par exemple, une exonération de leurs cotisations CNB pour 2020, est-ce que cela serait envisageable ? 

Cette question du règlement des cotisations est éminemment politique et il appartient à chaque Ordre de se positionner en fonction des possibilités qui sont les siennes. Mais les barreaux et le CNB sont bien entendu mobilisés et entendent, comme pour ce qui s’est fait pour le régime des retraites, défendre la profession.

La Rédaction : Quels sont les autres mesures qui peuvent être mise en place par les cabinets pour faire face aux difficultés financières ?  

Pour faire face à la crise, les avocats doivent se saisir de tous les mécanismes mis en place par les pouvoirs publics faute d’en avoir qui soient spécifiquement dédiés à la profession.

On peut citer le prêt de trésorerie mis en place afin de soutenir l’économie et aider les entreprises de moins de 5 000 salariés à surmonter les difficultés engendrées par la crise sanitaire liée au coronavirus Covid-19 (loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L5505LWS). L’Etat a décidé de garantir à hauteur 300 milliards d’euros, les prêts de trésorerie consentis par les banques françaises. 

Peuvent bénéficier de ce dispositif les entreprises de toute taille et de toute forme juridique (sociétés, commerçants, exploitants agricoles, professions libérales, micro-entrepreneurs, associations et fondations ayant une activité économique) à l’exclusion des sociétés civiles immobilières, des établissements de crédit et des sociétés de financement (v., la page d’information du CNB).

Il faut également citer l’aide du fonds de solidarité mis en place par l’Etat (1 500 euros) et les régions (2 000 euros).

Chacun doit également veiller à solliciter un moratoire sur ses échéances de prêts, décaler ses échéances de règlement URSAFF, son impôt personnel... Un guide pratique sera mis en ligne très prochainement par le CNB.

La Rédaction : Les avocats souscrivent à des prévoyances, mais quid du délai de carence ?

A mon sens, aujourd’hui, nous sommes encore soumis aux 30 jours de carence en cas de maladie et nous ne savons pas si nous bénéficierons du régime dérogatoire en cas d’infection au COVID-19. Si nous en bénéficions, il faudra mobiliser nos mutuelles pour qu’elles soutiennent les avocats placés dans cette situation. Il est impensable que nous ne soyons pas soutenu par nos partenaires.

La Rédaction : Certains avocats doivent aussi garder leurs enfants pendant cette période de confinement, peuvent-ils bénéficier des indemnités journalières versées par l’Urssaf ?

Pour l’instant ma compréhension est que les avocates et les avocats qui en ont fait la demande se sont vu refuser la possibilité d’avoir recours au dispositif, ce qui est inacceptable. Nous avons, néanmoins, reçu un communiqué le 25 mars de la CNBF indiquant que « l’indemnité journalière prévue à ce titre pour les salariés pourra être versé aux avocates et avocats concernés dans les mêmes conditions, selon les mêmes critères, mais sur la base d’un forfait journalier. Ordonnances et décrets seront publiés dans les prochains jours, fixant notamment le montant du forfait ».

A date, c’est pour l’instant la seule information dont je dispose.

La Rédaction : Après des semaines de grève contre la réforme des retraites, ces mesures de crise seront-elles suffisantes pour aider les avocats déjà éprouvés à faire face à la baisse d’activité ? 

Ces mesures sont loin d’être suffisantes et il est dommage de constater que les avocats mais plus généralement les libéraux, sont encore exclus des dispositifs d’aides. Il a été opposé à nombreux de nos confrères, par exemple dans le cas des indemnités journalières pour garde d’enfants, que nous n’étions pas des indépendants mais des libéraux ! C’est inacceptable.

La Rédaction : Peut-on d’ores et déjà évaluer les conséquences de cette crise sur l’économie de la profession ? Et en tirer des conclusions ? 

Pour notre cabinet comme pour beaucoup d’autres, je suppose qu’il faut se poser la question de la restructuration et de la modernisation. Il est certain que chacun d’entre nous en parle, mais peu on fait leur « mutation ». Cette crise accélèrera certainement les choses, mais après la grève, c’est un vrai coup dur pour notre profession qui n’en avait pas besoin. En disant cela j’ai conscience que c’est le cas pour beaucoup d’autres alors en attendant, j’applaudis à ma fenêtre à 20 heures…

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Covid-19

[Textes] Covid-19 : épidémie et mesures spécifiques aux loyers et charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux

Réf. : Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5731LW8) ; décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 (N° Lexbase : L6090LWH)

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N2867BYT

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par Julien Prigent et Catherine Mutelet, Avocats à la cour d'appel de Paris, Mutelet-Prigent & Associés

Le 03 Avril 2020

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), dispose que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations, ainsi que ses incidences sur l'emploi, en prenant toute mesure :
«[…] Permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d'être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique (N° Lexbase : L3154ICS), dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie » (art. 11, 1°, g).

L’ordonnance prise à cette fin est l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19, qui a été publiée au Journal officiel du 26 mars.
Elle circonscrit un peu plus le champ d’application de cette mesure, tout en renvoyant à un décret pour des précisions supplémentaires, et en détermine les effets.

Le décret n° 2020-378 du 31 mars 2020, relatif au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19, publié au Journal officiel du 1er avril, précise les bénéficiaires de la mesure.

En substance, cette mesure relative aux loyers et charges paralyse les pénalités, les clauses résolutoires et « l’activation des garanties ou caution » en cas de non-paiement de certaines échéances.

Se pose la question de l’articulation de ces dispositions avec celles, dont le champ d’application est plus général mais dont les effets sont parfois proches, de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (N° Lexbase : L5730LW7), selon lequel :
« les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er.
Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme.
Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er
 ».

Ces dernières dispositions paralysent également les pénalités et les effets de la clause résolutoire, mais de manière provisoire, et leur champ d’application n’est pas lié à l’échéance de paiement, mais à la date d’expiration du délai à partir duquel la sanction « anesthésiée » aurait dû s’appliquer.

Une application cumulative de ces deux dispositifs pourrait, en théorie, s’envisager.

Dans la mesure où l’article 1er, II, de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus, exclut son application « aux délais et mesures ayant fait l'objet d'autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci », il n’est pas certain cependant que ses dispositions puissent être invoquées par les locataires pour les loyers et charges locatives car ces derniers font l’objet de la mesure spécifique prévue par l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement des loyers.

1. Champ d’application du dispositif

1.2. Critères liés au locataire

Les locataires concernés sont, aux termes de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, les « microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 », soit, selon ce dernier texte, « les entreprises qui d'une part occupent moins de 10 personnes et d'autre part ont un chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros ».

La loi prévoit que la mesure bénéficiera aux entreprises précitées « dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie ».

L’article 1er de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement des loyers, prévoit que peuvent bénéficier des dispositions relatives aux loyers et aux charges :
« les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020  (N° Lexbase : L5725LWX) » (ordonnance portant création du fonds de solidarité [1]) ;
« celles [personnes physiques et morales de droit privé] qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire […] au vu de la communication d'une attestation de l'un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure ».

Le dernier alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement du des loyers, précise ensuite que « les critères d'éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret, lequel détermine notamment les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la crise sanitaire ».

Les personnes physiques ou morales de droit privé exerçant une activité économique sont tout d’abord visées.

La détermination du champ d’application ratione personae s’opère ensuite par renvoi à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

Peuvent ainsi bénéficier de la mesure relative aux loyers, les personnes « susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité » mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, soit les « personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation ».
La loi visait les microentreprises « dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie ».
Ce n’est donc plus l’activité qui doit être affectée (ce que prévoit la loi), mais le bénéficiaire lui-même du dispositif (ce que prévoit l’ordonnance), cette distinction semblant cependant indifférente.
Ce ne sont plus, enfin, seulement les conséquences de la propagation de l’épidémie (ce que prévoit la loi) qui doivent toucher les bénéficiaires du dispositif, mais également les conséquences des mesures prises pour en limiter la propagation (qui sont aussi des conséquences de l’épidémie).

L’article 3 de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, portant création d'un fonds de solidarité, dispose que « un décret fixe le champ d'application du dispositif, les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds ».
Il s’agit du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation (N° Lexbase : L6019LWT).
Le préambule de ce dernier précise que le fonds de solidarité « bénéficie aux personnes physiques (travailleurs indépendants, artistes-auteurs, etc.) et aux personnes morales de droit privé (sociétés, associations, etc.) exerçant une activité économique et » remplissant certaines conditions.

Le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité, modifié par le décret n° 2020-394 du 2 avril 2020 (N° Lexbase : L6270LW7) détaille les conditions d’octroi du fonds de solidarité.
L’article 1er du décret n° 2020-378 du 31 mars 2020, relatif au paiement des loyers, dispose que « peuvent bénéficier des dispositions [relatives notamment au paiement des loyers] les personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, remplissant les conditions et critères définis aux 1° et 3° à 8° de l'article 1er et aux 1° et 2° de l'article 2 du décret n° 2020-371 ».
Il existe donc un alignement entre les conditions pour bénéficier du fonds de solidarité et celles pour bénéficier de la mesure relative au paiement des loyers, à l’exception de celles spécifiques aux entreprises en difficulté, ces dernières pouvant bénéficier de la mesure relative au paiement des loyers aux termes de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020. Le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité prévoit en effet que les entreprises éligibles à ce fond ne doivent pas avoir déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ou ne pas être en difficulté au 31 décembre 2019.

Les conditions pour être bénéficiaire de la mesure portant sur le paiement des loyers sont donc les suivants :

  1. 1/ Personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique ;

2/ Ayant débuté leur activité avant le 1er février 2020 ;

3/ Dont l’effectif est inférieur ou égal à dix salarié, ce seuil étant calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L7686LQQ) ;

4/ Dont le montant du chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d'euros.
Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros.
La notion de chiffre d'affaires s'entend, selon le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité, comme le chiffre d'affaires hors taxes ou, lorsque l'entreprise relève de la catégorie des bénéfices non commerciaux, comme les recettes nettes hors taxes.

5/ Dont le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l'activité exercée, n'excède pas 60 000 euros au titre du dernier exercice clos.
Pour les entreprises n'ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29 février 2020, sur leur durée d'exploitation et ramené sur douze mois.

6/ Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet ou d'une pension de vieillesse et n'ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d'indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant supérieur à 800 euros ;

7/ Elles ne sont pas contrôlées par une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L5817KTM) ;

8/ Lorsqu'elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés relatifs au chiffre d’affaires, à l’effectif et au bénéfice ;

9/ Elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 par rapport à la même période de l'année précédente ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ou, pour les personnes physiques ayant bénéficié d'un congé pour maladie, accident du travail ou maternité durant la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019, ou pour les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d'un tel congé pendant cette période, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020.

Le seuil de perte de chiffre d'affaires avait été initialement fixé, dans le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité, à 70 %. Le décret n° 2020-394 du 2 avril 2020 a modifié ce décret pour ramener le seuil de perte de chiffre d'affaires de 70 % à 50 % ».

Sous le seul angle de la définition de la microentreprise, ce ne sont pas toutes les microentreprises mais certaines d’entre-elles qui peuvent donc bénéficier de la mesure relative au paiement des loyers : le champ d’application est plus étroit que celui initialement prévu par la loi (chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros, tandis que la micro-entreprise, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 auquel renvoie la loi, est celle ayant un chiffre annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros). L’ordonnance et le décret relatifs aux loyers prévoient en outre leur application pour les entreprises dont l’effectif est inférieur ou égal à dix salariés, tandis que la microentreprise est celle qui emploie moins de dix personnes.

Pour résumer, les bénéficiaires de cette mesure sont en conséquence :

  • Les personnes physiques et personnes morales de droit privé et résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique ;
  • Dont l’effectif est inférieur ou égal à dix salarié ;
  • Dont le montant du chiffre d'affaires est inférieur à un million d'euros ;
  • Dont le bénéfice imposable n'excède pas 60 000 euros ;
  • Ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou ayant subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % en mars 2020 par rapport à mars 2019 du fait de la crise sanitaire.

1.2. Critère relatif aux locaux

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 visait « toute mesure […] g) Permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux ».

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, qui porte sur la mesure elle-même, vise les loyers et charges locatives afférentes aux locaux professionnels ou commerciaux.

Les baux devront donc porter sur des locaux professionnels ou commerciaux, ce qui inclura en principe les bureaux, que l’activité stipulée au bail pour ces derniers soit libérale ou commerciale.

2. Effets de la mesure sur les loyers et les charges

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 vise toute mesure « g) Permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers ».

Le terme report ou étalement implique a priori que l’intégralité du loyer sera due, mais que son exigibilité sera reportée ou étalée, l’étalement impliquant un report.

La loi ne vise pas les charges.
L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 dispose que : « les personnes mentionnées à l'article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 (N° Lexbase : L8845INW) et L. 641-12 (N° Lexbase : L8859ING) du Code de commerce ».
Sont donc visés désormais par l’ordonnance, le loyer et les charges, ce que ne prévoyait pas la loi pour ces dernières.
Une discussion pourrait avoir lieu sur la notion de charges locatives qui n’est pas légalement définie (le statut des baux commerciaux par exemple distingue les charges locatives et les dépenses liées aux travaux ; cf. C. com., art. R. 145-35 N° Lexbase : L7051I4W).

L’ordonnance ne prévoit que la mise à l’écart de sanctions liées au non-paiement des loyers et des charges locatives : pas de pénalités financières, d’intérêt de retard, d’astreinte, d’exécution de la clause résolutoire ou de toute clause prévoyant une déchéance.
Elle écarte également dans ce cas l’activation des garanties (garantie bancaire, garantie à première demande) ou cautions.
Il ne s’agit pas tout à fait du report ou de l’étalement prévu par la loi, même si dans les faits, faute de sanction, l’effet sera similaire.
Les loyers et charges restent dus pour la période couverte par le dispositif, mais leur non-paiement ne sera pas sanctionné par des pénalités ou la clause résolutoire.
Rien n’exclut, en revanche, en théorie (sous réserve de l’application d’autres mécanismes qui auraient des effets sur l’exigibilité même de la dette de loyers et charge), de pouvoir solliciter la condamnation du locataire à régler ses loyers et charges pour cette période.

3. Loyers et charges concernés

Les loyers et charges concernés par la mesure sont les « loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée ».

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 autorise les mesures pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020.

Il convient de déterminer la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire pour connaître le terme de la période visée.
L’article 4 de la loi du 23 mars 2020 dispose que « par dérogation aux dispositions de l'article L. 3131-13 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5585LWR), l'état d'urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi ».
La loi du 23 mars 2020 a été publiée au Journal officiel du 24 mars 2020.
L’article 1er du Code civil dispose que : « les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent […] ».
La loi du 23 mars 2020 précise qu’elle « entrera en vigueur immédiatement et sera exécutée comme loi de l'Etat ». Elle est en conséquence entrée en vigueur le jour de sa publication, soit le 24 mars 2020, la publication étant en principe une condition de l’entrée en vigueur [2].
L’état d’urgence cessera donc le 24 mai 2020, sous réserve d’une modification de sa durée.

La mise à l’écart des sanctions (et de la possibilité d’activer des garanties) porte sur les loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. Ce délai en l’état actuel de la situation, expirera donc le 24 juillet 2020.
C’est l’échéance de paiement des loyers et charges qui est prise en considération, et non la période pour laquelle les loyers et charges considérés sont dus.
Ainsi et par exemple, pour les loyers payables trimestriellement à terme échu, l’échéance du premier trimestre (due au 31 mars 2020) et celle du deuxième trimestre (due au 30 juin 2020), soit deux trimestres en tout, sont concernées par le dispositif.
Pour les loyers payables trimestriellement d’avance, l’échéance du premier trimestre (due au 1er janvier) ne pourra se voir appliquer ces mesures. En revanche, celle du deuxième trimestre (due au 1er avril 2020) et celle du troisième trimestre (due au 1er juillet 2020), soit deux trimestres en tout également, sont concernées par le dispositif.

4. Modalités de mise en œuvre

L’article 2 du décret n° 2020-378 du 31 mars 2020, relatif au paiement des loyers, précise que les bénéficiaires de la mesure relative au paiement des loyers justifient qu'ils remplissent les conditions pour en bénéficier en « produisant une déclaration sur l'honneur attestant du respect des conditions prévues à l'article 1er du présent décret et de l'exactitude des informations déclarées ».
L’intérêt d’une telle attestation à l’égard du bailleur et sa portée probatoire interrogent.

Les locataires souhaitant bénéficier de la mesure portant sur les loyers devront, en outre, présenter l'accusé-réception du dépôt de leur demande d'éligibilité au fonds de solidarité ou, lorsqu'ils ont déposé une déclaration de cessation de paiements ou sont en difficulté au sens de l'article 2 du Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 (N° Lexbase : L5604I3X), une copie du dépôt de la déclaration de cessation de paiements ou du jugement d'ouverture d'une procédure collective.

Il ne suffit donc pas a priori que le locataire qui souhaite bénéficier de la mesure relative au paiement des loyers soit éligible au fonds de solidarité, il devra avoir déposé une demande d’aide, étant rappelé qu’elle doit s’effectuer au plus tard le 30 avril 2020 par voie dématérialisée (décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité, art. 3).

5. Synthèse

MESURES SPECIFIQUES AUX LOYERS ET CHARGES LOCATIVES
(ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers et décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers,)

Bénéficiaires

Locaux

Loyers et charges    locatives

                Effet de la mesure

(1) Les personnes physiques (travailleurs indépendants, artistes-auteurs, etc.) et personnes morales de droit privé (sociétés, associations, etc.), résidentes fiscales françaises et exerçant une activité économique

(2) Dont l’effectif est inférieur ou égal à dix salarié

(3) Dont le montant du chiffre d'affaires est inférieur à un million d'euros

(4) Dont le bénéfice imposable n'excède pas 60 000 euros

(5) Ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou ayant subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 70 % en mars 2020 par rapport à mars 2019 (il a été annoncé un abaissement du seuil à 50 %)

(6) Ayant déposé une demande d'éligibilité au fonds de solidarité au plus tard le 30 avril 2020.

Locaux professionnels ou commerciaux

Loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars et le 24 juillet 2020

Les loyers et charges restent dus mais exclusion :

Dans les rapports bailleur/locataire

  • Des pénalités financières ;
  • Des intérêts de retard
  • Des dommages-intérêts

D'astreinte

  • D'exécution de clause résolutoire
  • De clause pénale
  • De toute clause prévoyant une déchéance

Dans les rapports bailleur/tiers :

  • D'activation des garanties ou cautions
 
 

[1] V., not., V Téchené, Covid-19 : création du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie, Lexbase, éd. Affaires, 2020, n° 630 (N° Lexbase : N2836BYP).

[2] Y. Gaudemet et B. Plessix, Promulgation et publication des lois, J.-cl. Civil, art. 1, Fasc. n° 10, spéc. n° 153 et s..

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Covid-19

[Brèves] Possibilité de reporter le paiement des cotisations sociales à l’échéance du 5 avril

Réf. : Min. Comptes publics, communiqué de presse, 22 mars 2020

Lecture: 1 min

N2876BY8

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par Charlotte Moronval

Le 01 Avril 2020

► Afin de tenir compte de l’impact de l’épidémie de coronavirus sur l’activité économique et, conformément aux annonces du Président de la République, le ministre de l'Action et des Comptes publics a ouvert la possibilité de reporter le paiement des cotisations sociales dues au 5 avril 2020.

Pour les entreprises qui paient leurs cotisations salariales et patronales le 15 mars (entreprises de moins de 50 salariés), la possibilité de reporter tout ou partie de ces cotisations avait été instaurée par le réseau des URSSAF conformément aux annonces du Président de la République. 380 000 établissements ont eu recours à ce décalage de paiement, ce qui représente plus de 3 milliards d’euros de report sur les 9 milliards d’euros de cotisations sociales qui devaient être encaissées initialement sur cette échéance.

Le 22 mars 2020, le ministre de l'Action et des Comptes publics a annoncé que ce report de cotisations sociales pourra concerner aussi les entreprises dont la date d’échéance de paiement de leurs cotisations URSSAF intervient le dimanche 5 avril 2020. Parmi les employeurs de plus de 50 salariés, qui représentent 224 000 établissements et dont l’échéance est prévue à cette date, ceux qui font face à de sérieuses difficultés de trésorerie pourront ajuster leur paiement selon leurs besoins, ce qui entraînera le report de l'échéance. Des informations leur ont été communiquées par les URSSAF sur le mode opératoire à suivre.

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Covid-19

[Focus] Le télétravail à l’épreuve du covid-19

Lecture: 19 min

N2838BYR

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par Jean-Yves Kerbourc’h, Professeur à l’Université de Nantes

Le 01 Avril 2020

La crise sanitaire que vit le pays a conduit nombre d’entreprises à imposer à leurs salariés des formes de travail à distance, le plus souvent exercé à leur domicile. Le phénomène n’est pas nouveau (mis à part son intensité) puisque des circulaires ministérielles de 2009, relatives à la pandémie de grippe « H1N1 » avaient déjà incité les entreprises à recourir à des formes d’exécution du travail en dehors des locaux de l’entreprise.

Le terme « télétravail », galvaudé dans la presse généraliste et parfois par des ministres eux-mêmes, répond à une définition légale stricte. L’un des enjeux, en termes de risque juridique, est de savoir quelles sont les sanctions applicables aux entreprises qui y recourent, soit en méconnaissance des critères de définition, soit en violation des règles qui l’encadrent.
Le télétravail trouve sa source dans un accord national interprofessionnel étendu, conclu le 19 juillet 2005. Cet accord est applicable à toutes les entreprises entrant dans le champ d’application professionnel de ses signataires. Le télétravail est également régi par les articles L. 1222-9 (N° Lexbase : L0292LMR) à L. 1222-11 (N° Lexbase : L8103LG9) du Code du travail qui prévoient la possibilité de le mettre en place par accord collectif de travail.

Depuis la modification des règles relatives à l’articulation des normes conventionnelles à leur différents niveau, un accord de groupe, d’entreprise ou d’établissement pourrait comporter des clauses moins favorables que celles de l’ANI (C. trav., art. L. 2253-3 N° Lexbase : L7333LH3). En revanche, la mise en place d’une charte dont les clauses seraient moins favorables que celles prévues par l’ANI n’écarte pas l’application de ce dernier puisqu’une charte n’est pas assimilable à un accord. Dans ce cas l’application de l’ANI prime sur la charte.

I - Conditions de recours au télétravail

1 - Notion de télétravail et de télétravailleur

Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux (C. trav., art. L. 1222-9 N° Lexbase : L0292LMR) :

  • de façon volontaire ;
  • en utilisant les technologies de l'information et de la communication.

Le télétravailleur est le salarié de l'entreprise qui effectue, soit dès l'embauche, soit ultérieurement, du télétravail ainsi défini.

2 - Mise en place conventionnelle
Le télétravail est mis en place soit :

  • dans le cadre d'un accord collectif ;
  • ou, à défaut, dans le cadre d'une charte élaborée par l'employeur après avis du comité social et économique, s'il existe.

L'accord collectif ou la charte précise :

  • les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail. Le Code du travail cite le cas, notamment, d'épisode de pollution mentionné à l'article L. 223-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L3442LUZ) ;
  • les modalités d'acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
  • les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  • la détermination des plages horaires durant lesquelles l'employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
  • les modalités d'accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail.

3 - Mise en place contractuelle
En l'absence d'accord collectif ou de charte, salarié et l'employeur peuvent convenir de recourir au télétravail. Ils formalisent alors leur accord par tout moyen. Il sera recouru à un avenant lorsque le salarié n’a pas été directement embauché directement en télétravail.
4 - Mise en place unilatérale (circonstances exceptionnelles)

En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés (C. trav., art. L. 1222-11 N° Lexbase : L8103LG9).

Ce cas de recours ne nécessite ni accord collectif ni charte ni avenant au contrat de travail. À notre avis « l’aménagement du poste de travail » s’analyse en une modification des conditions de travail (pas de modification du contrat lui-même). Il ne requière donc pas l’assentiment du salarié non plus qu’un avenant au contrat de travail. Le salarié qui refuserait de télétravailler s’expose donc à des sanctions disciplinaires.

5 - Acceptation / Refus

L'employeur qui refuse d'accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un mode d'organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte, motive sa réponse. Le télétravail est donc un droit pour le salarié et une obligation pour l’employeur dès lors que les critères pour en bénéficier sont remplis.
Est-il une obligation pour le salarié ? Le Code du travail prévoit que le refus d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas un motif de rupture du contrat de travail. Le télétravail n’est donc pas une obligation. En effet le télétravail requière la conclusion d'un avenant au contrat de travail (ANI, art. 2). Dans ce cadre, une période d'adaptation doit être aménagée pendant laquelle chacune des parties peut mettre fin au télétravail. Dans ce cas le salarié retrouve un poste correspondant à sa qualification dans l'entreprise.

Doit toutefois être réservée l’hypothèse du télétravail mis en place par voie unilatérale en cas de circonstances exceptionnelles. À notre avis, ce texte s’applique même en présence d’un accord ou d’une charte. Autrement dit, des circonstances exceptionnelles (une épidémie) permet à l’employeur de recourir au télétravail pour la totalité du personnel susceptible d’y être placé. Le salarié ne peut alors le refuser.

II - Droits du salarié et protection sociale

Le Code du travail et l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 prévoient des règles de protection du salarié applicables, selon nous, à tous les cas de télétravail, y compris ceux liés à des circonstances exceptionnelles (notamment de menace d’épidémie). Dans ce dernier cas, l’employeur qui, le plus souvent, n’aura pas anticipé leur application (pas d’accord collectif ou de charte dans l’entreprise) devra très rapidement se mettre en conformité pour un nombre important de salariés.
Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise (C. trav., art. L. 1222-9 N° Lexbase : L0292LMR).  Les télétravailleurs doivent être identifiés comme tels sur le registre unique du personnel (ANI, art. 11).

1 - Pas de modification de l’organisation sans accord du télétravailleur

Le télétravail est obligatoirement mis en place par accord (contrat de travail ou avenant à ce contrat). La Cour de cassation juge que l'employeur ne peut pas modifier cette organisation contractuelle sans l'accord du salarié [1], et sauf bien sûr, si l’accord collectif ou la charte en prévoit la possibilité. Par ailleurs une clause de mobilité est sans effet sur cette modalité d’exécution du travail [2].

2 - Réversibilité du télétravail

L’employeur est tenu de donner priorité au télétravailleur pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature (C. trav., art. L. 1222-10 N° Lexbase : L8105LGB).

3 - Conditions de travail

Le Code du travail prévoit qu’outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l'employeur est tenu, à l'égard du salarié en télétravail (C. trav., art. L. 1222-10) :

  • d'informer le salarié de toute restriction à l'usage d'équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;
  • d'organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d'activité du salarié et sa charge de travail.

Mais à cet égard l’ANI contient des dispositions importantes qui n’ont pas été reprises par la loi et qui sont applicables.

Le télétravailleur bénéficie des mêmes entretiens professionnels que les autres salariés de l'entreprise et il est soumis aux mêmes règles d'évaluation (ANI, art. 9).

Le télétravailleur gère l'organisation de son temps de travail dans le respect des règles légales et conventionnelles (ANI, art. 9).

La charge de travail, les normes de production et les critères de résultats exigés du télétravailleur doivent être équivalents à ceux des salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’employeur. Des points de repère moyens identiques à ceux utilisés dans l’entreprise doivent être donnés au télétravailleur. La charge de travail et les délais d’exécution, évalués suivant les mêmes méthodes que celles utilisées pour les travaux exécutés dans les locaux de l’entreprise, doivent, en particulier, permettre au télétravailleur de respecter la législation relative à la durée du travail et tout spécialement la durée maximale du travail et les temps de repos.

L’employeur s’assure que des mesures sont prises pour prévenir l’isolement du télétravailleur par rapport aux autres salariés de l’entreprise. À cet effet, le télétravailleur doit pouvoir rencontrer régulièrement sa hiérarchie. Il est souhaitable, selon l’ANI, que l’employeur désigne, dans cette perspective, un référent.

Le télétravailleur doit également avoir la possibilité de rencontrer régulièrement ses collègues et avoir accès aux informations et aux activités sociales de l’entreprise. Il bénéficie des mêmes entretiens professionnels que les autres salariés de l’entreprise. Il est soumis aux mêmes politiques d’évaluation que ces autres salariés.

4 - Vie privée

L’employeur est tenu de respecter la vie privée du télétravailleur (ANI, art. 6). À cet effet, il fixe, en concertation avec le salarié, les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter.

Si un moyen de surveillance est mis en place, il doit être pertinent et proportionné à l’objectif poursuivi et le télétravailleur doit en être informé. La mise en place, par l’employeur, de tels moyens doit faire l’objet d’une information et d’une consultation préalable du comité social et économique.

5 - Matériel

Sous réserve, lorsque le télétravail s’exerce à domicile, de la conformité des installations électriques et des lieux de travail, l’employeur fournit, installe et entretient les équipements nécessaires au télétravail (ANI, art. 7). Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, l’employeur en assure l’adaptation et l’entretien.

L’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications. Il a été jugé « que si le salarié, qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation à titre professionnel du domicile » [3]. L’Urssaf a mis en place des barèmes de franchise de cotisations et contributions sociales (V. infra).

L’employeur fournit au télétravailleur un service approprié d’appui technique.

L’employeur assume la responsabilité, conformément aux dispositions en vigueur, des coûts liés à la perte ou à la détérioration des équipements et des données utilisés par le télétravailleur.

En cas de panne ou de mauvais fonctionnement des équipements de travail, le télétravailleur doit en aviser immédiatement l’entreprise suivant les modalités fixées par celle-ci.

Le télétravailleur doit prendre soin des équipements qui lui sont confiés.

6 - Régime Urssaf des frais professionnels

Selon une information de l’Urssaf du 18 décembre 2019, lorsque le salarié en situation de télétravail, régie par le contrat de travail ou par convention ou accord collectif, engage des frais, l’allocation forfaitaire versée par l’employeur sera réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine. Cette allocation forfaitaire passe à 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour trois jours par semaine etc.

Lorsque le montant versé par l’employeur dépasse ces limites, l’exonération de charges sociales peut être admise à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié (V. tableau ci-dessous).

Évaluation des frais engagés par le salarié en télétravail (Source : Urssaf)

NATURE DES FRAIS

EVALUATION DES FRAIS

Les frais fixes

  • Loyer
    Montant du loyer ou, à défaut de loyer, valeur locative brute
  • Taxe d’habitation.
  • Taxe foncière sur les propriétés bâties.
  • Taxes régionales, départementales ou communales comme la taxe d’enlèvement d’ordures ménagères.
  • Charges de copropriété.
  • Assurance multirisque habitation

Valeur réelle

Quote-part de l’ensemble des frais fixes réellement supportés au titre du local affecté à un usage professionnel au prorata de la superficie totale de l’habitation principale.

Exemple :
Appartement de 70 m² dont 10 m² pour l’usage professionnel.
Le loyer s’élève à 370 €/mois, la taxe d’habitation à 35 €/mois et la prime d’assurance à 15 €/mois.
Le montant des frais déductibles s’élève donc à 420 x 10 / 70 = 60 €.

Les frais variables

  • Chauffage et/ou climatisation
  • Électricité

Valeur réelle

Quote-part des frais variables réellement supportés au titre du local affecté à un usage professionnel.

Dépenses d’acquisition du mobilier.

Bureau ergonomique.

Fauteuil ergonomique.

Étagères, meubles de rangement.

Lampe de bureau.

Prêt de mobilier :

- absence de dépenses supplémentaires du salarié : pas de remboursement de frais possible ;

- avantage en nature à évaluer sur une base réelle (valeur résiduelle = valeur nette comptable) s’il y a abandon définitif du mobilier au travailleur salarié ou assimilé.

Achat du mobilier par le salarié pour le compte de l’entreprise, le salarié en restant toutefois propriétaire :

- remboursement des frais exclu de l’assiette dans la limite de 50 % de la dépense réelle sur justificatifs.

Frais liés à l’adaptation du local.

Frais de diagnostic de conformité électrique.
Installations de prises (téléphoniques, électriques...)
Modifications liées à la mise en conformité avec la législation du travail.

Valeur réelle :

L’exclusion de l’assiette des cotisations de ces frais est admise sur présentation de la facture (travaux aménagement).

Matériels informatiques et périphériques : ordinateur, imprimante, modem.

Prêt de matériel :

- absence de dépenses supplémentaires du travailleur salarié ou assimilé, pas de remboursement de frais possible ;

- avantage en nature à évaluer sur une base réelle (valeur résiduelle = valeur nette comptable) s’il y a abandon définitif du mobilier au travailleur salarié ou assimilé.

Achat de matériel par le salarié pour le compte de l’entreprise, le salarié en restant toutefois propriétaire

- remboursement des frais et exclusion de l’assiette dans la limite de 50 % de la dépense réelle sur justificatifs.

Consommables (ramettes de papier, cartouches d’encre...).

Remboursement exonéré des cotisations sociales sur justificatifs des frais engagés.

Frais de connexion au réseau téléphonique, frais d’abonnement (téléphonique, Internet...).

Remboursement exonéré des cotisations sociales sur justificatifs des frais engagés.

7 - Santé, sécurité, AT/MP

L’article 8 de l’ANI prévoit que les dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et la sécurité au travail sont applicables aux télétravailleurs. L’employeur doit veiller à leur strict respect.

L’employeur informe le télétravailleur de la politique de l’entreprise en matière de santé et de sécurité au travail, en particulier, des règles relatives à l’utilisation des écrans de visualisation. Le télétravailleur est tenu de respecter et d’appliquer correctement ces politiques de sécurité.

Afin de vérifier la bonne application des dispositions applicables en matière de santé et de sécurité au travail, l’employeur, les représentants du personnel compétents en matière d’hygiène et de sécurité (CSE, le cas échéant la commission santé, sécurité et conditions de travail) et les autorités administratives compétentes ont accès au lieu du télétravail suivant les modalités prévues par les dispositions légales et conventionnelles en vigueur.

Si le télétravailleur exerce son activité à son domicile, cet accès est subordonné à une notification à l’intéressé qui doit préalablement donner son accord. Le télétravailleur est autorisé à demander une visite d’inspection.
Des mesures doivent être prises pour prévenir l'isolement du télétravailleur par rapport à sa hiérarchie et aux autres salariés (ANI, art. 9).

L'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l'article L. 411-1 (N° Lexbase : L5211ADD) du Code de la Sécurité sociale (C. trav., art. L. 1222-9 N° Lexbase : L0292LMR). Le salarié victime, à son domicile, d’un accident bénéficie donc d’une présomption d’imputabilité de l’accident. En pratique, le salarié travaille à son domicile, ce qui signifie qu’il existe une intrication entre des faits relevant de sa vie professionnelle et de sa vie personnelle. La preuve contraire sera difficile à rapporter (cas du travailleur en conférence téléphonique qui se brûle en préparant un repas…).

III - Sanctions du télétravail irrégulier

Le Code du travail ne prévoit ni sanctions civiles ni sanctions pénales en matière de télétravail irrégulier. Ce sont donc les sanctions de droit commun qui trouveront à s’appliquer. Deux types d’irrégularité peuvent être soulevés.

1 - Inéligibilité au télétravail

Selon la définition légale est éligible au télétravail toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux. Mais le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise (C. trav., art. L. 1222-9). Le Code du travail rappelle également, incidemment, que l’employeur a les mêmes « obligations de droit commun » à l’égard des télétravailleurs que ceux qui ne le sont pas (C. trav., art. L. 1222-10). Cela peut soulever des difficultés pour certaines catégories de travailleurs.

Pour ce qui concerne les contrats d’apprentissage, leurs titulaires peuvent exécuter leurs obligations en télétravail. Encore faut-il que les règles du contrat d’apprentissage soient strictement observées. Dans une circulaire « Questions-Réponses » du 17 mars 2020 [4], le ministère du Travail indique qu’en cas de fermeture du centre de formation d’apprenti sans mise en place d’enseignements à distance, « l'apprenti va en entreprise, les temps de formation en CFA seront récupérés sur d'autres périodes initialement prévues en entreprise. L’apprenti est un salarié de l’entreprise, il bénéficie donc à ce titre des mêmes dispositions que les autres salariés (télétravail, activité partielle, garde d’enfant) ». Transformer des jours de formation en jours de travail contrevient aux règles légales de l’apprentissage. La possibilité envisagée par le ministère dans sa circulaire doit nécessairement être immédiatement actée dans un avenant à la convention de formation et au contrat d’apprentissage. En outre, s’il est exact, comme le précise le ministère, qu’un apprenti peut exécuter son contrat en télétravail, c’est à condition, d’une part, d’en respecter strictement les critères comme pour tous les salariés, et, d’autre part, d’être en mesure d’appliquer les règles d’encadrement de l’apprenti par le maître d’apprentissage. Il faut notamment que le maître d'apprentissage puisse continuer à dégager sur son temps de travail les disponibilités nécessaires à l'accompagnement de l'apprenti (C. trav., art. L. 6223-7 N° Lexbase : L3255H9G).

Il en est de même pour les contrats de professionnalisation. Le Code du travail prévoit que « le titulaire d'un contrat de professionnalisation bénéficie de l'ensemble des dispositions applicables aux autres salariés de l'entreprise dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les exigences de la formation ». Il peut donc bénéficier du télétravail mais à condition que toutes les règles de ce type de contrat puissent être appliquées en situation de télétravail.

En revanche, les stagiaires en entreprise sont inéligibles au télétravail. En effet, ce ne sont pas des salariés et le Code de l’éducation n’autorise pas cette forme d’exécution du stage. L’article L. 124-2 du Code de l’éducation (N° Lexbase : L7730I3P) prévoit que « les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel ». A notre avis, le stage ne peut se dérouler que dans les locaux de l’entreprise. En cas de circonstances exceptionnelles (notamment en cas d’épidémie), il est préférable de suspendre le contrat de stage et d’en reporter l’exécution dans les limites de durée prévues par la loi. Un employeur qui emploie un stagiaire en télétravail s’expose à une requalification du stage en contrat de travail et, le cas échéant, à des sanctions pénales pour travail illégal.

2 - Télétravail irrégulier

Un salarié peut être éligible au télétravail mais l’employeur peut ne pas en respecter les règles. Sur le plan civil, un salarié peut demander des dommages-intérêts s’il prouve avoir subi un préjudice. De telles demandes pourraient survenir à l’occasion d’un contentieux portant sur le non-respect des règles de santé et de sécurité au travail. Les chefs d’action et de préjudice pour manquement de l’employeur à son obligation de résultat sont de plus en plus ouverts, tant sur le fondement de la législation des accidents du travail (faute inexcusable) que sur celui du Code du travail (harcèlement moral, inaptitude d’origine professionnelle notamment).

En outre le ministère du Travail a cru bon de préciser que la mise en télétravail de salariés pour lesquels l’employeur a demandé le bénéfice des allocations d’activité partielle constitue une fraude pénalement sanctionnée (C. pén., art. 441-6 N° Lexbase : L0848IZG) susceptible d’être aussi poursuivie sur le fondement du travail illégal.

Pour l’instant, le télétravail suscite peu de contentieux. Mais il faut se méfier de l’eau qui dort car les salariés se plaignent de ses effets néfastes : charge mentale importante, inadaptation des matériels de travail (petits écrans d’ordinateur, usage intensif du téléphone portable, ergonomie de l’espace de travail, exiguïté des surfaces de travail), non contrôle des temps de travail, rupture des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle etc..


[1] Cass. soc., 13 avril 2005, n° 02-47.621, FS-P+B (N° Lexbase : A8645DHN) ; Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-22.360, F-D (N° Lexbase : A0415I8U).

[2] Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-43.592, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7230DPH) ; Cass. soc., 12 février 2014, n° 12-23.051, FS-P+B (N° Lexbase : A3612MEI).

[3] Cass. soc., 7 avril 2010, n° 08-44.865, FS-P+B (N° Lexbase : A5814EUU).

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Covid-19

[Focus] Gestion de crise (sanitaire) en cabinet

Lecture: 12 min

N2831BYI

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par Pascal Mendak, Directeur Conseil chez Eliott & Markus

Le 22 Septembre 2022


Mots-clefs : Focus • Gestion de crise • Avocats • Cabinet • Covid-19 


 

Une crise sanitaire d’une ampleur inégalée depuis un siècle touche aujourd’hui la France et paralyse son économie. Edouard Philippe l’a rappelé, il faut se préparer à endurer sur le long terme. Les coûts pour notre économie sont et seront terribles, et ce malgré les mesures prises par le Gouvernement. Ce choc brutal impactera l’activité des cabinets d’avocats. Nous avons interrogé plusieurs spécialistes de la gestion de crise en cabinet, afin de nous éclairer sur ce contexte si particulier, ainsi que sur la conduite à adopter, afin de limiter au maximum les impacts de cette crise.

Qu’est-ce qu’une bonne gestion de crise ?

Emmanuelle Hervé, Dirigeante de EH&A Consulting :

« Il faut différencier la gestion de crise du management de risques. Ce dernier consiste à identifier les risques possibles (corruption, harcèlement, perte d’un associé…) en les cartographiant et en mettant des processus en place pour baisser les probabilités de survenue de ces risques.

La gestion de crise, elle ne s’occupe pas de la cause mais de l’impact. Elle repère les signaux faibles et leurs impacts possibles tant en termes financiers qu’en termes humains. Elle dresse des scénarii d’évolution, en imaginant les évolutions défavorables jusqu’à la pire situation. Par exemple, si on doit mettre des salariés en chômage partiel, il peut arriver qu’on néglige de maintenir le contact avec eux. Leur santé mentale peut se dégrader, provoquant une dépression, puis au pire, les poussant au suicide. L’entreprise peut, ensuite, être accusée par la famille, ce qui aura de très lourdes conséquences en termes judiciaires et réputationnels pouvant mener à la faillite. De même, imaginons le maintien au travail d’un salarié (ex. une caissière de supermarché) contaminé par le virus et en meurt, le scandale pourrait toucher la marque de grande distribution

Contrairement à ce que l’on pense souvent, le travail d’une cellule de crise n’est pas de prendre des mesures opérationnelles mais de mener des réflexions sur la stratégie à mettre en œuvre pour éviter que les scenarii défavorables ne se produisent ou alors pour en minimiser les impacts si on ne peut pas empêcher qu’ils se produisent. Ce travail doit être mené toutes les semaines jusqu’à la sortie de crise. Cette stratégie est ensuite déclinée en tactique par des actions diverses et de communication (de crise) auprès de toutes les parties prenantes internes comme externes (fournisseurs, clients). 

Certaines entreprises ont déjà fermé leurs cellules de crise, or la première chose est d’admettre que nous sommes en crise et que cela va être long. On constate une grande hétérogénéité entre ceux qui ont déjà réfléchi à des processus et qui les ont déclenchés et ceux qui n’avaient rien prévu et se sont retrouvés démunis ». 

Que se passe-t-il pour les entreprises qui n’ont pas anticipé et n’ont pas de processus de gestion de crise en place ?

Emmanuelle Hervé, Dirigeante de EH&A Consulting : 

« Il y a deux sortes de cas : ceux qui n’ont rien préparé, ne savent pas où trouver l’information et se replient sur eux-mêmes et, ceux qui n’ont rien préparé mais se tournent vers des experts externes. Pour ces derniers, l’accompagnement peut être exhaustif ou plus limité en fonction des besoins et du niveau d’avancement de l’entreprise.  

Il faut, toutefois, noter que même ceux qui avaient préparé un processus de gestion de crise peuvent en dévier complètement et prendre des décisions inconsidérées dans le feu du moment. D’autres refusent aussi de suivre les conseils d’experts ».

Quelles sont les spécificités de la gestion de crise en cabinet ?

Dominic Jensen, Associé chez Librato, Cabinet d’avocats :

« Certains cabinets sont très sollicités par leurs clients habituels, notamment pour identifier toutes les implications de cette crise et essayer de les juguler. La situation est différente pour les cabinets qui ont une activité transactionnelle ou spécialisée qui voient déjà une réduction importante de leur charge de travail par le report de nombreuses opérations.

Généralement, les crises en cabinets d’avocats sont liées à des tensions sur les rémunérations ou des départs d’associés. On constate que la crise actuelle exacerbe ces foyers de tensions, notamment car les cabinets ont peu de trésorerie. Les associés, qu’ils aient des marges ou soient à flux tendus doivent se mettre d’accord sur leur rémunération ou avances sur résultat dès maintenant pour limiter les tensions

L’autre enjeu se situe au niveau de la cohésion et, notamment, vis-à-vis des collaborateurs qui se voient confier de moins en moins de dossiers. Certains cabinets ont pris des libertés par rapport aux conditions contractuelles de collaboration : pas de travail, pas de paie. Les Ordres sont déjà saisis de plusieurs dossiers.

Il est crucial de rassurer vos collaborateurs sur leur avenir, de les informer régulièrement sur l’évolution de la situation du cabinet et d’instaurer des rendez-vous réguliers pour parler d’autre chose que les dossiers en cours. Il faut soulager l’anxiété en maintenant l’esprit d’équipe. C’est indispensable pour rebondir dans de bonnes conditions ». 

A-t-il été facile de passer aussi subitement en télétravail complet ?

Dominic Jensen, Associé chez Librato, Cabinet d’avocats :

« Le métier d’avocat s’adapte bien au télétravail, même si l’adaptation est plus difficile pour ceux qui gèrent beaucoup de contentieux judiciaires. Nous pouvons déjà faire le constat que les cabinets se sont rapidement familiarisés avec les outils permettant de travailler à distance ».

Que peuvent faire les cabinets d’avocats pour limiter l’impact de la crise ?

Dominic Jensen, Associé de Librato, Cabinet d’avocats :

« Il faut commencer par parer au plus urgent en préservant la trésorerie du cabinet. Il est nécessaire de vous rapprocher des parties prenantes essentielles que sont les experts-comptables et banquiers, afin de mettre en place des suspensions de prélèvement et les aides disponibles.

Il est crucial de mobiliser les collaborateurs avec une vision de sortie de crise. Ceux qui connaissent une baisse de travail peuvent essayer de mettre à profit ce temps pour réfléchir à la stratégie post-crise et, notamment, l’aide future à apporter aux clients ainsi que l’adaptation de l’offre. En tout état de cause, il faut continuer à communiquer avec les clients tout au long de la crise ».

Il est, en effet, fortement probable que la demande d’experts en droit du travail, droit des restructurations, droit de la santé, droit de la responsabilité augmente fortement. Il faudra être prêt à offrir des compétences à la hauteur des enjeux. Toutes les innovations, ainsi que les lois et décrets qui viennent d’être publiés ou qui le seront prochainement ne disparaîtront pas. 

Les mesures annoncées par le Gouvernement sont-elles appropriées concernant le secteur du droit ?

Dominic Jensen, Associé de Librato, Cabinet d’avocats :

« Je constate une adhésion à ces mesures. Les indépendants que sont les avocats ne se sentent pas abandonnés. Beaucoup de cabinets ont été rassurés sur leur éligibilité aux prêts garantis par la BPI. Toutefois, ils sont inquiets sur leur trésorerie en sortie de crise (notamment sur les loyers). Il existe aujourd’hui, également, un flou important sur la situation des collaborateurs et leur éligibilité aux 1500 euros d’aide pour les indépendants ou les conditions dans lesquelles ils pourraient bénéficier d’arrêts maladie pour la garde de leurs enfants ».

Quelles sont les bonnes pratiques à adopter pour gérer cette crise ?

Fabrice Lorvo, Associé chez FTPA :

« La première obligation est présentielle. Pour que l’avocat joue pleinement son rôle de conseil de son client, il doit être lui-même en état de marche pour pouvoir aider ses clients à surmonter leurs propres difficultés. Cela suppose implicitement mais nécessairement que l’avocat ait déjà surmonté le problème de la continuation de son activité, dans le meilleur des cas, à distance pour limiter l’exposition de ses propres équipes, et qu’il le fasse savoir à ses clients. Parallèlement à cette exigence d’hyper digitalisation, l’avocat va devoir maintenir une dimension humaine dans les relations avec tout son environnement, que ce soit avec ses clients, ses adversaires et tous les intervenants des cabinets. Les conséquences psychologiques du confinement, qui sont mal connues, ne sont pas à négliger.

Pour le reste, les avocats sont des entrepreneurs comme les autres, ils sont confrontés aux mêmes difficultés que les autres entreprises. Les cabinets doivent donc trouver le difficile point d’équilibre entre différents impératifs contradictoires.

L’avocat va d’abord devoir faire preuve de solidarité que ce soit vis-à-vis de son pays de ses clients ou de ses équipes. On saluera les efforts du CNB qui a très rapidement lancé l’opération « COVID 19 / Avocats solidaires » qui permet aux entreprises d’avoir accès gratuitement pendant 30 minutes aux conseils d’un avocat. On notera aussi les efforts pédagogiques des différents intervenants institutionnels (Gouvernement, administrations, barreaux) pour informer sur les dispositions exceptionnelles prises pour lutter contre la crise.

Néanmoins, le souci de préserver l’entité individuelle qu’est le cabinet ne doit pas se faire ou être perçu comme étant fait au détriment de ses équipes, qu’ils soient associés, collaborateurs ou  salariés. Il faut veiller à préserver un environnement social et humain bienveillant ».

Dans le même temps, les cabinets d’avocats doivent aussi protéger leurs structures. Ils sont aussi des entreprises qui doivent participer à la poursuite du fonctionnement de notre économie, notamment en continuant de facturer leurs prestations.

Les cabinets devront se positionner entre ces différentes exigences contradictoires sans avoir pour boussole une anticipation raisonnable de l’avenir qui est à ce jour complètement incertain. 

Quelles sont les pratiques à éviter pour gérer cette crise ?

Fabrice Lorvo, Associé chez FTPA :

« Plutôt que de tenter une liste des pratiques à éviter, il faut avoir conscience que ceux qui feront les mauvais choix dans la recherche de l’équilibre que nous venons d’évoquer porteront durablement atteint à leur image. 

Dans la probable crise économique vers laquelle nous allons, il n’est pas utile d’y ajouter une crise d’image. On sait tous que l’on met 20 ans pour construire une réputation et cinq minutes pour la perdre. L’air numérique a rajouté une difficulté supplémentaire, car il faut maintenant plus de 50 ans pour recoller les morceaux. En effet, du fait des moteurs de recherche, les données vous concernant sont dorénavant immédiatement et indéfiniment accessibles. 

Si une partie du public percevait mal vos agissements, cela peut faire le buzz puis vous être durablement reproché. Un cabinet américain de Hong Kong s’est vu reprocher d’avoir réouvert trop tôt et donc potentiellement exposé ses équipes. Même si, le jour d’après ne ressemblera plus au jour d’avant’ selon les mots du Président de la République, rien ne sera oublié comme on le voit déjà avec le hashtag #onnoublierapas sur les réseaux sociaux ». 

Emmanuelle Hervé, Dirigeante de EH&A Consulting :

« Les associés doivent d’ores et déjà prévoir un RETEX (retour d’expérience) et se fixer des indicateurs chiffrés leur permettant de déterminer la réussite ou non de leur stratégie de communication de crise. Ils doivent communiquer en continu avec toutes leurs parties prenantes en n’oubliant aucun.e stagiaire, secrétaire ou intérimaire. Au niveau de la communication interne, ils doivent apporter tout le soutien possible (financier, opérationnel, psychologique) aux collaborateurs/salariés malades ou à leurs familles ».

Certaines marques ont réussi à obtenir une très belle visibilité grâce à leur réactivité et leur générosité comme ‘Michelin’ en fermant ses usines très tôt, ‘Pernod Ricard’ en livrant de l’alcool pour la fabrication de gel, ‘Yves Rocher’ et ‘Dior’ en produisant du gel hydro alcoolique, ‘Chanel’ des masques, 'Armani' des tenues de protections, ‘SFR’ en donnant des mobiles et données ou ‘Promod’ en fermant la vente en ligne pour protéger les livreurs.  

Au contraire, certaines font un bad buzz : dépôt de ‘la Poste’ où la direction a fait appel à des policiers pour contrer le droit de retrait de certains postiers ; menaces de sanctions pour droit de retrait dans un ‘Carrefour’ ; appel à des auto-entrepreneurs chez ‘Franprix’ ou maintien des livraisons par ‘Amazon’ et ‘McDo’ malgré leur caractère non essentiel. 

Quels sont les enjeux en termes de réputation et de communication ?

Gwénaëlle Henri, Dirigeante de Eliott & Markus :

« Plus que jamais, les cabinets d’avocats doivent être cohérents avec leur stratégie de communication et leur positionnement sur le marché. Difficile de s’affirmer comme « Business Partner » de l’entreprise ou de tenir un discours « de cabinet engagé », si au premier revers ou première crise, l’avocat décroche de son client ou le harcèle pour payer ses honoraires.   

C’est un dilemme, car les premières réactions, et non à tort, seront de privilégier la survie ou le maintien économique. Mais les cabinets de services professionnels, comme toute entreprise, devront résister à cette tentation afin d’assurer leur réputation post-crise. 

Mon conseil est donc de rester cohérent et d’aligner au maximum ses choix de crise avec son positionnement de communication et son image de marque. 

Si nous pouvons voir quelques effets positifs à cette crise, je pense qu’elle finira par convaincre définitivement les plus réticents de la pertinence de la communication digitale et de la nécessité de la communication interne. Elle amorcera également une sensibilisation des cabinets aux enjeux de communication citoyenne et solidaire. 

Enfin, le moment semble opportun pour penser son marketing stratégique. Les cartes sont brutalement rebattues et c’est maintenant qu’il faut réfléchir aux besoins d’après crise de ses clients ». 

newsid:472831

Covid-19

[Brèves] Publication de six ordonnances en droit public : les premières mesures pour faire face à l'épidémie de covid-19

Réf. : Ordonnances du 25 mars 2020, n° 2020-305 (N° Lexbase : L5719LWQ), n° 2020-306 (N° Lexbase : L5730LW7), n° 2020-307 (N° Lexbase : L5735LWC), n° 2020-319 (N° Lexbase : L5734LWB), n° 2020-320 (N° Lexbase : L5723LWU) et n° 2020-328 (N° Lexbase : L5737LWE)

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N2789BYX

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par Yann Le Foll

Le 01 Avril 2020

► Prises sur le fondement de l’habilitation conférée par l’article 11 de la loi d’urgence pour faire face au covid-19 (loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 N° Lexbase : L5506LWT), vingt-cinq ordonnances adaptant les règles existantes dans de très nombreux domaines ont été publiées au Journal officiel du 26 mars 2020.

Parmi ces ordonnances, six intéressent directement le droit public.

L’ordonnance « juridictions administratives »

L'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif (N° Lexbase : L5719LWQ), permettra de compléter des formations de jugement grâce à l'adjonction de magistrats issus d'autres juridictions, de tenir des audiences en usant de moyen de communication audiovisuelle ou, en cas d'impossibilité, par tout moyen de communication électronique, ou de dispenser dans toutes matières le rapporteur public d'exposer des conclusions lors de l'audience.

L’ordonnance « prorogation des délais » (volet administratif)

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (N° Lexbase : L5730LW7), prévoit, à son article 7, que des délais de l'action administrative sont suspendus. 

L'article 8 suspend les délais imposés par l'administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature, à compter du 12 mars 2020 jusqu'à la fin du mois suivant la période d'état d'urgence sanitaire, sauf lorsqu'ils résultent d'une décision de justice (avec une dérogation prévue, notamment, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique).

L'article 12 aménage, à compter du 12 mars 2020 et pour la durée de la période d'état d'urgence sanitaire augmentée d'un mois, les procédures d'enquête publique relatives à des projets présentant tout à la fois un intérêt national et un caractère d'urgence. L'autorité compétente pour organiser l'enquête peut, pour toute enquête publique déjà ouverte relative à un tel projet, décider qu'elle se poursuit uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.

L’ordonnance « conseillers consulaires »

L’ordonnance n° 2020-307 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des mandats des conseillers consulaires et des délégués consulaires et aux modalités d'organisation du scrutin (N° Lexbase : L5735LWC), indique que le renouvellement général des conseillers des Français de l'étranger et des délégués consulaires initialement prévu en mai 2020 est reporté au mois de juin 2020. L'échéancier des élections se tient en sa totalité dans un laps de temps contraint de quarante jours contre quatre-vingt-dix jours pour le processus légal en temps normal.

Sont refixés les délais légaux des échéances suivantes : la convocation des électeurs (au plus tard quarante jours avant le scrutin) ; les nouvelles déclarations de candidatures (au plus tard trente jours avant le scrutin) ; la délivrance du récépissé définitif de candidature par les autorités consulaires (quarante-huit heures) ; l'état des déclarations de candidatures par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire (vingt-neuf jours avant le scrutin) ; et l'information des électeurs (au plus tard dix-huit jours avant le scrutin).

L’ordonnance « commande publique » 

L’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au Code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5734LWB), comporte les mesures nécessaires à l'assouplissement des règles applicables à l'exécution des contrats publics qui serait compromise du fait de l'épidémie de covid-19, afin de ne pas pénaliser les opérateurs économiques et de permettre la continuité de ces contrats.
Afin de pallier les difficultés susceptibles d'être rencontrées par les opérateurs économiques dans l'exécution des marchés et des concessions et d’éviter les ruptures d'approvisionnement pour les acheteurs, les contrats dont la durée d'exécution arrive à échéance pendant cette période peuvent être prolongés au-delà de la durée maximale fixée par le Code de la commande publique et les autorités contractantes sont autorisées à s'approvisionner auprès de tiers nonobstant d'éventuelles clauses d'exclusivité.

Afin de ne pas pénaliser les opérateurs économiques qui sont empêchés d'honorer leurs engagements contractuels du fait de l'épidémie, des mesures doivent également être prises pour faire obstacle aux clauses contractuelles relatives aux sanctions pouvant être infligées au titulaire et prévoir les modalités de son indemnisation en cas de résiliation du contrat ou d'annulation de bons de commande.

Il est, en outre, nécessaire d'assouplir les règles d'exécution financières des contrats de la commande publique, notamment en permettant aux acheteurs de verser des avances d'un montant supérieur au taux maximal de 60 % prévu par le Code de la commande publique.

L’ordonnance « communications électroniques »

L’ordonnance n° 2020-320 du 25 mars 2020, relative à l'adaptation des délais et des procédures applicables à l'implantation ou la modification d'une installation de communications électroniques afin d'assurer le fonctionnement des services et des réseaux de communications électroniques (N° Lexbase : L5723LWU), adapte les procédures applicables pour garantir la continuité du fonctionnement des services et des réseaux de communications électroniques pour faire face à l’accroissement massif des usages numériques du fait de la mise en œuvre des mesures de confinement de la population. 

Son article 1er suspend l’obligation de transmission d'un dossier d'information au maire ou au président d'intercommunalité en vue de l'exploitation ou de la modification d'une installation radioélectrique sur le territoire d'une commune. 

L'article 2 prévoit la possibilité pour l'exploitant d'une station radioélectrique de prendre une décision d'implantation sans accord préalable de l'Agence nationale des fréquences.

L'article 3 vise à réduire à quarante-huit heures le délai d'instruction des demandes de permissions de voirie relatives aux installations de communications électroniques implantées à titre temporaire et dans le cadre d'interventions urgentes rendues strictement nécessaires pour assurer la continuité du fonctionnement des services et des réseaux de communications électroniques. Aux termes de ce délai, le silence gardé par l'administration vaut acceptation.

L'article 4 permet aux constructions, installations et aménagements nécessaires à la continuité des réseaux et services de communications électroniques ayant un caractère temporaire d'être dispensées d'autorisation d'urbanisme pendant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire.

L’ordonnance « titres de séjour »

L’ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020, portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour (N° Lexbase : L5737LWE), prévoit la prolongation de la durée de validité des documents de séjour (visas de long séjour, titres de séjour, autorisations provisoires de séjour, récépissés de demande de titre de séjour et attestations de demande d'asile) pour une durée de quatre-vingt-dix jours.

Cette ordonnance a pour objet de sécuriser la situation au regard du droit au séjour des étrangers réguliers dont le titre de séjour devrait arriver à expiration dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines et d'éviter, ainsi, les ruptures de droits.

Ainsi, elle permettra aux étrangers concernés de se maintenir régulièrement sur le territoire après la fin de validité de leur titre de séjour et pour une période de quatre-vingt-dix jours, en attendant que la demande de renouvellement de leur titre puisse être instruite par les préfets.

newsid:472789

Covid-19

[Brèves] Publication de l’ordonnance portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle

Réf. : Ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020, portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle (N° Lexbase : L5883LWS)

Lecture: 2 min

N2801BYE

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par Charlotte Moronval

Le 01 Avril 2020

► L’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020, portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle (N° Lexbase : L5883LWS), a été publiée au Journal officiel du 28 mars 2020.

Les principaux apports de cette ordonnance au régime de l’activité partielle sont les suivants :

I - Extension du domaine de l’activité partielle

Peuvent désormais bénéficier du dispositif d’activité partielle :

  • les salariés des particuliers employeurs ainsi que les assistantes maternelles ;
  • les entreprises publiques qui s’assurent elles-mêmes contre le risque de chômage. Les sommes mises à la charge de l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage dans ce cadre seront remboursées par les entreprises concernées dans des conditions qui seront définies par décret ;
  • les entreprises étrangères ne comportant pas d'établissement en France et qui emploient au moins un salarié effectuant son activité sur le territoire national. Ce dispositif est réservé aux seules entreprises relevant du régime français de Sécurité sociale et de l’assurance chômage.

II - Calcul de l'indemnisation

  • les salariés à temps partiel qui sont placés en activité partielle bénéficient désormais d'une indemnisation qui ne peut être inférieure au taux horaire du Smic sauf si la rémunération du salarié à temps partiel est inférieure au taux horaire du SMIC ;
  • les salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation peuvent désormais bénéficier d’une indemnité d’activité partielle égale à leur rémunération contractuelle si cette dernière est inférieure au SMIC ;
  • pour les salariés en formation, l’indemnité d’activité partielle sera aussi égale à 70 % de la rémunération brute (pour les formations ayant donné lieu à un accord de l’employeur postérieurement à la publication de l’ordonnance) ;
  • pour les salariés au forfait jours, la détermination du nombre d’heures prises en compte pour l’indemnité d’activité partielle et l’allocation d’activité partielle sera effectuée en convertissant en heures un nombre de jours ou demi-journées. Les modalités de conversion seront définies par décret.
A noter que cette ordonnance supprime également l’obligation de solliciter l’accord préalable du salarié protégé pour le placement en activité partielle, dès lors qu’il affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté ou rattaché l’intéressé.

👉 Pour en savoir plus, lire S. Gustin, Crise Covid-19 : La mise en place de l’activité partielle, Lexbase Social, 2020, n° 818 (N° Lexbase : N2691BYC).

newsid:472801

Covid-19

[Focus] Coronavirus : les conséquences fiscales pour les particuliers et les entreprises

Réf. : Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (N° Lexbase : L5730LW7)

Lecture: 9 min

N2862BYN

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par Virginie Pradel, Fiscaliste

Le 14 Avril 2021

La crise actuelle liée à l’épidémie de coronavirus entraîne de nombreuses conséquences, notamment économiques et fiscales. Pas moins de 25 ordonnances ont été prises le 25 mars 2020 à cet égard. L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période prévoit certaines mesures relatives aux procédures fiscales en cours (I). D’autres mesures ont été précisées ultérieurement (II). Elles visent les particuliers comme les entreprises.

 

I -  Les mesures prises dans l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période

Le titre I de cette ordonnance est relatif aux dispositions générales relatives à la prorogation des délais. L’article 3 de l’ordonnance prévoit que certaines mesures administratives ou juridictionnelles et dont le terme vient à échéance au cours de la période dite « d’état d’urgence sanitaire » sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période. Celle-ci prenant fin à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, la prorogation sera donc donc de trois mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Parmi les mesures visées se trouvent les mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation ; ainsi que les autorisations, permis et agréments.

Le titre II de cette ordonnance relatif aux autres dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative s'applique aux administrations de l'Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs ainsi qu'aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale.

L’article 10 de l’ordonnance prévoit la suspension à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à la fin de la période d’état d’urgence sanitaire (celle-ci expirant dans le délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire) et le fait que ne courent qu'à compter de cette dernière date, s'agissant de ceux qui auraient commencé à courir pendant la période précitée :

  • Les délais accordés à l'administration pour réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition et appliquer les intérêts de retard et les sanctions en application des articles L. 168 (N° Lexbase : L1999DAB) à L. 189 (N° Lexbase : L8757G8T) du Livre des procédures fiscales ou de l'article 354 du Code des douanes (N° Lexbase : L3662KWK) lorsque la prescription est acquise au 31 décembre 2020. Cela implique que les prescriptions qui auraient du être acquises aux contribuables au 31 décembre 2020 ne seront acquises que courant 2021, en fonction de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Cela laisse donc plus de temps à l’administration pour interrompre le délai de prescription, notamment par l’envoi d’une proposition de rectification.
  • Les délais accordés à l'administration ou à toute personne ou entité et prévus par les dispositions du titre II du livre des procédures fiscales, à l'exception des délais de prescription prévus par les articles L. 168 à L. 189 du même Livre, par les dispositions de l'article L. 198 A du même Livre (N° Lexbase : L3179LCQ) en matière d'instruction sur place des demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que par les dispositions des articles 67 D (N° Lexbase : L3182LCT) et 345 bis (N° Lexbase : L6977LLY) du Code des douanes. Cela implique que les contrôles fiscaux, qu’ils visent les particuliers (ESFP) ou les entreprises (vérifications de comptabilité, etc.) pourront être poursuivis au-delà de la date limite.
  • Les délais prévus à l'article 32 de la loi du 10 août 2018 (loi n° 2018-727 du 10 août 2018, pour un Etat au service d'une société de confiance N° Lexbase : L6744LLD). Cet article prévoit que à titre expérimental et pour une durée de quatre ans dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, l'ensemble des contrôles opérés par les administrations à l'encontre d'une entreprise de moins de deux cent cinquante salariés et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ne peut dépasser, pour un même établissement, une durée cumulée de neuf mois sur une période de trois ans.

NB : Ces dispositions ne s'appliquent pas aux déclarations servant à l'imposition et à l'assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes. Par suite, les contribuables, particuliers comme entreprises, restent tenus de remplir leur déclaration dans les délais imposés, sous peine d’être sanctionnés.

L’article 11 de l’ordonnance dispose que « S'agissant des créances dont le recouvrement incombe aux comptables publics, les délais en cours à la date du 12 mars 2020 ou commençant à courir au cours de la période définie au I de l'article 1er prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité ou déchéance d'un droit ou d'une action sont suspendus jusqu'au terme d'un délai de deux mois suivant la fin de la période d’état d’urgence sanitaire ».

L’article 12 de l’ordonnance dispose que « Le présent article s'applique à toute enquête publique déjà en cours à la date du 12 mars 2020 ou devant être organisée pendant la période définie au I de l'article 1er de la présente ordonnance. Lorsque le retard résultant de l'interruption de l'enquête publique ou de l'impossibilité de l'accomplir en raison de l'état d'urgence sanitaire est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent, l'autorité compétente pour organiser l'enquête publique peut en adapter les modalités :
1° En prévoyant que l'enquête publique en cours se poursuit en recourant uniquement
à des moyens électroniques dématérialisés. La durée totale de l'enquête peut être adaptée pour tenir compte, le cas échéant, de l'interruption due à l'état d'urgence sanitaire. Les observations recueillies précédemment sont dûment prises en compte par le commissaire enquêteur ;
2° En organisant une enquête publique d'emblée conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.
Lorsque la durée de l'enquête excède la période définie au I de l'article 1er de la présente ordonnance, l'autorité compétente dispose de la faculté de revenir, une fois achevée cette période et pour la durée de l'enquête restant à courir, aux modalités d'organisation de droit commun énoncées par les dispositions qui régissent la catégorie d'enquêtes dont elle relève.
Dans tous les cas, le public est informé par tout moyen compatible avec l'état d'urgence sanitaire de la décision prise en application du présent article
 ».

Ces mesures conduisant à la suspension des contrôles fiscaux et des recouvrements sont inédites et justifiées non seulement par la volonté de ne pas affaiblir davantage des entreprises en difficulté, mais aussi pour des raisons sanitaires (difficultés pour exercer les contrôles en l’absence de matériel et absence de plus de 60 % du personnel) et par le fait que les grands groupes, plus fréquemment contrôlés, ont basculé massivement vers le télétravail.

II - Les mesures prises ultérieurement

A - Sur la déclaration de l’impôt sur le revenu

Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé avoir « pris la décision de décaler la déclaration de revenus d'une semaine». La déclaration se fera donc à partir du 20 avril, au lieu du 9 avril initialement. Il a également annoncé que les déclarants papiers auraient un mois de plus pour faire leur déclaration, soit jusqu'au 11 juin. Les télédéclarations pourront également être faites jusqu'au 11 juin

Se pose bien entendu la question de l’organisation pratique de la campagne déclarative pour l'impôt sur le revenu. Celle-ci va être compliquée par le fait que les rendez-vous ont été réduits au strict minimum dans les centres des impôts. Or, chaque année, 5 millions de particuliers se déplacent dans leur centre des impôts, la plupart du temps pendant la campagne de déclaration afin d’obtenir des informations pour bien déclarer leurs revenus. Les syndicats de Bercy ont demandé un report, ce qui a été refusé.

B - Possibilité de moduler son taux de prélèvement à la source pour les particuliers

Il a également été rappelé que le prélèvement à la source permet aux personnes physiques qui subissent une baisse de revenu de moduler leur taux à la baisse. Pour cela, elles doivent directement se rendre sur leur espace personnel en ligne et procéder à l’ajustement nécessaire.

C - Possibilité d’obtenir un délai de paiement ou une remise pour les entreprises

Il a enfin été précisé que les entreprises présentant des difficultés de paiement de leurs impositions à la suite du Coronavirus, peuvent demander à bénéficier sans justification d'un délai de paiement ou d'une remise d'impôt d'impôt sur les sociétés et de taxe sur les salaires. Selon un premier bilan pour l'impôt sur les sociétés, 27 000 entreprises ont demandé un report de l'acompte dû en mars. Cela correspond à un montant reporté de 1,2 milliard d'euros pour cette échéance qui rapporte habituellement 10 milliards d'euros à l'Etat.

Si les entreprises ont déjà payé les échéances de ces impôts prévues en mars, elles peuvent en demander le remboursement. Pour faciliter les demandes, un imprimé est à leur disposition : il doit être adressé au service des impôts.

D - Possibilité d’obtenir une aide par le biais du Fonds de solidarité

C'est à la Direction générale des finances publiques (DGFIP) que revient la gestion de ce nouveau fonds de solidarité. Celui-ci est dédié aux plus petites entreprises qui font moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires : TPE, indépendants et micro-entrepreneurs. Toutes les petites entreprises qui subissent une fermeture administrative ou qui auront connu une perte de chiffre d’affaires de plus de 50 % au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019 bénéficieront d’une aide rapide et automatique de 1 500 euros sur simple déclaration dématérialisée dans leur espace personnel.

Pour les situations les plus difficiles, un soutien complémentaire de 2000 euros pourra être octroyé par les régions pour éviter la faillite au cas par cas. Des plateformes régionales seront ouvertes à cet effet.

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Covid-19

[Textes] La réponse du droit des entreprises en difficulté au covid 19 : l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire

Réf. : Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale (N° Lexbase : L5884LWT)

Lecture: 32 min

N2822BY8

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre du CERDP (EA 1201)

Le 25 Mai 2020

1. Dans le contexte d’angoisse sanitaire que traverse le Pays, le Gouvernement a pris en urgence l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 (JORF du 28 mars 2020, texte n° 3), qui porte adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire. Notons également une autre ordonnance, celle n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (N° Lexbase : L5730LW7). Cette ordonnance a un impact sur le droit des entreprises en difficulté. Selon son article 2, « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit
 ». Ce texte a, par exemple, pour effet de prolonger le délai de déclaration de créance, non expiré entre le 12 mars 2020 et la fin de la période d’urgence sanitaire, majoré d’un mois, soit le 24 juin 2020, ce qui permet au créancier d’être toujours dans les délais en déclarant sa créance jusqu’au 24 août 2020.

Pour sa part, l’article 4 précise que « Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er.
Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme.
Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er
 ». Ainsi ce texte neutralise-t-il pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois les clauses de résiliation de plein droit et les déchéances du terme.

Pour le surplus, nous concentrerons notre attention sur la seule ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020.

2. Applications de l’ordonnance dans le temps et dans l’espace. L’article 5 précise les règles d’application de l’ordonnance dans le temps et dans l’espace.

Le I précise que « La présente ordonnance s'applique aux procédures en cours ».

Il faut entendre par là les procédures de conciliation ou les procédures collectives en cours. L’état d’urgence sanitaire justifie la dérogation aux règles classiques d’application de la loi dans le temps dans notre matière, à savoir la seule application de la loi nouvelle aux procédures collectives, aux conciliations et aux rétablissements professionnels ouverts après son entrée en vigueur.

Le II dispose que « nonobstant les dispositions de l'article R. 670-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4183LT4), les dispositions de l'article R. 662-2 du même code (N° Lexbase : L4177LTU) sont applicables dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ».

L’urgence sanitaire justifie aussi l’application de l’ordonnance aux départements de l’Alsace-Moselle, alors surtout qu’ils sont considérablement impactés par la crise sanitaire.

Le III précise enfin que « La présente ordonnance est applicable à Wallis-et-Futuna. Pour l'application du 2° du I de l'article 1er et des 2° et 3° du II de l'article 2, la référence au Code du travail est remplacée par la référence aux dispositions applicables localement ».

L’objet de l’ordonnance est simple. Il s’agit de tenir compte des difficultés extrêmes rencontrées pendant la période de crise sanitaire par les débiteurs, pour modifier quelques règles intéressant directement leur situation. La méthode employée tient compte des difficultés de fonctionnement des juridictions et des études de mandataires de justice pendant la période de confinement. Et c’est pourquoi certains textes sont adaptés pour régler cette question.

L’examen de l’ordonnance sera mené dans l’ordre des articles, étant précisé que l’article 4 ne concerne pas notre matière. Il ne subsiste donc que trois articles à étudier.

I - L’article 1er de l’ordonnance

3. Une appréciation particulière de l’état de cessation des paiements. L’article 1, I de l’ordonnance dispose que « Jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée :
1° L'état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020, sans préjudice des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 631-8 du Code de commerce
(N° Lexbase : L7315IZX), de la possibilité pour le débiteur de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou le bénéfice d'un rétablissement professionnel, et de la possibilité de fixer, en cas de fraude, une date de cessation de paiements postérieure ».

L’article L. 631-1, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3381IC9) dispose qu’« il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 (N° Lexbase : L8806LQ9) ou L. 631-3 (N° Lexbase : L7313IZU) qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements ». Ainsi, classiquement, l’état de cessation des paiements se définit par une comparaison entre l’actif disponible à très court terme et le passif exigible. Si la balance penche du côté du passif exigible, il y a état de cessation des paiements.

Dans cette appréciation, tout le passif exigible est pris en compte. C’est sur cet élément qu’intervient l’ordonnance. L’état de cessation des paiements sera apprécié à la date du 12 mars 2020, sans prendre en compte les dettes devenues exigibles à compter de cette date. Cette façon de procéder perdurera entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de trois mois qui expirera à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 août 2020.

C’est donc une véritable neutralisation du passif devenu exigible à compter du 12 mars 2020 que met en place le législateur.

4. Raisons de la neutralisation du passif exigible depuis le 12 mars 2020. Pourquoi avoir instauré cette neutralisation du passif exigible depuis le 12 mars 2020 ? Le législateur ne le dit pas ; mais la ratio legis est évidente.

Cette neutralisation a d’abord et avant tout pour objectif de répondre à la problématique des ouvertures de procédures collectives. S’il n’est pas procédé à cette neutralisation du passif devenant exigible pendant cette période extrêmement difficile que traversent et vont traverser les entreprises en France, de très nombreuses vont se retrouver en état de cessation des paiements et n’avoir guère d’autres choix que de demander l’ouverture d’un redressement judiciaire, s’il est encore temps, une liquidation judiciaire ou un rétablissement professionnel dans les autres cas.

Lorsque l’on connaît le faible taux de réussite des redressements judiciaires, on a de bonnes raisons d’avoir peur. Il faut donc les éviter à tout prix. Or le redressement judiciaire peut être évité si les chefs d’entreprise, grâce au gel de leur passif exigible à la date du 12 mars 2020, dans l’appréciation de leur état de cessation des paiements, utilisent les mesures de prévention. Il faut donc prendre le gel du passif exigible comme une invitation à utiliser le mandat ad hoc et la conciliation, voire la sauvegarde, tant qu’il est encore temps.

Notons accessoirement que la neutralisation du passif exigible intéresse aussi la question des conversions de sauvegarde en redressement judiciaire pour apparition de l’état de cessation des paiements en cours de période d’observation.

Elle intéresse également la question de la résolution des plans sur caractérisation de l’état de cessation des paiements. En ne prenant pas en compte le passif exigible pendant la période de la crise sanitaire, cela permet d’éviter de très nombreuses résolutions de plans, et par conséquent leur cortège de liquidations judiciaires.

5. Maintien de la possibilité de reporter la date de cessation des paiements. Bien que l’appréciation du passif exigible soit gelée à la date du 12 mars 2020, cela n’interdira pas de faire remonter la date de cessation des paiements antérieurement, ce que signifie l’expression « sans préjudice des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 631-8 du Code de commerce ».

6. Possibilité d’ouvertures de procédures justifiant l’état de cessation des paiements. Le fait que le passif exigible soit ainsi figé n’interdit cependant pas, précise cette disposition « la possibilité pour le débiteur de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou le bénéfice d'un rétablissement professionnel ». Cela veut donc dire que le débiteur pourra ainsi solliciter une telle procédure, alors même que, au regard de l’ordonnance, il ne serait pas encore en état de cessation des paiements.

7. Réserve de la fraude. L’ordonnance réserve cependant le cas de la fraude, et la possibilité de fixer, en pareil cas, une date de cessation de paiements postérieure. 

8. Mesures visant à éviter le ralentissement du paiement des créances salariales. L’ordonnance (art. 1, I, 2°) prévoit que, jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire jusqu’au 24 août 2020, « les relevés des créances résultant d'un contrat de travail sont transmis sans délai par le mandataire aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du Code du travail (N° Lexbase : L8479LQ4). Les dispositions du premier alinéa de l'article L. 625-1 (N° Lexbase : L3315ICR) et de l'article L. 625-2 (N° Lexbase : L3383ICB) du Code de commerce s'appliquent sans avoir pour effet l'allongement du délai de cette transmission ». 

Cette disposition [1] vise à assouplir les modalités de vérification du passif social avant transmission des relevés de créances à l’AGS, afin que les salariés n’aient pas à subir les ralentissements naturellement induits par la situation sanitaire. 

L’obtention du visa du juge-commissaire et la signature du représentant des salariés s'avèrent compliquées pendant la période de crise sanitaire. Ainsi, si l’ordonnance n’écarte ni la signature du représentant des salariés, ni le visa du juge-commissaire, elle permet, sans attendre leur intervention, une transmission des relevés à l’AGS par le mandataire judiciaire. 

Les relevés de créances qui seraient transmis à l’AGS sans ces signatures devront être régularisés ultérieurement.

9. Prolongation de la durée de la conciliation. L’article L. 611-6, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L8621LQD) prévoit que la mission du conciliateur n’excède pas quatre mois, cette durée pouvant être portée, par décision motivée à cinq mois.

L’article 1, II, alinéa 1er de l’ordonnance indique que « La période mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 611-6 du Code de commerce est prolongée de plein droit d'une durée équivalente à celle de la période prévue au I ».

Il faut donc comprendre que la conciliation peut durer quatre mois, prorogeable par décision motivée jusqu’à 5 mois, prorogeable encore pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire (du 24 mars 2020 au 24 mai 2020), et en plus d’une durée de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré, soit jusqu’au 24 août 2020. La mesure va ainsi permettre d’allonger sensiblement la durée de la recherche de l’accord, non seulement pour les procédures de conciliation ouvertes à compter du 12 mars 2020, mais encore pour les conciliations dont la durée n’était pas expirée à cette même date. La solution résulte de l’article 5, I selon lequel « La présente ordonnance s'applique aux procédures en cours ».

L’ordonnance s’emploie ensuite à aménager la situation si l’accord de conciliation n’est pas trouvé dans le délai légal.

L’alinéa 2 de l’article L. 611-6 du Code de commerce prévoit que la conciliation prend fin de plein droit à l'expiration du délai de 4 mois, sauf prorogation d’un mois, si un accord n’a pas été trouvé. Cette même disposition interdit l’ouverture d’une autre conciliation moins de trois mois avant la fin de la précédente.

L’article 1, II, alinéa 2 de l’ordonnance dispose que « Jusqu'à l'expiration du délai prévu au I, et sans préjudice des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 611-7 du même code (N° Lexbase : L1071KZP), la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 611-6 n'est pas applicable ».

Il faut comprendre que la conciliation ne prend fin de plein droit, faute d’accord, qu’à l’expiration de la durée classique de la conciliation (4 mois prorogeable jusqu’à 5 mois), cette durée étant elle-même prolongée pendant l’état d’urgence sanitaire et du délai de trois mois suivant la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré.

Le législateur précise toutefois que la solution posée vaut « sans préjudice des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 611-7 du même code », ce qui signifie que si le conciliateur est convaincu, avant l’expiration du délai prolongé, qu’un accord ne sera pas trouvé, il doit présenter sans délai un rapport au président du tribunal.

10. Succession possible de deux conciliations sans délai d’attente. En écartant la totalité de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 611-6, il faut aussi comprendre que, par exception, il sera possible, une fois expiré le délai prolongé, d’enchaîner immédiatement sur une seconde conciliation, sans attendre trois mois.

11. Mesures relatives à la durée des plans de sauvegarde et de redressement. La durée des plans de sauvegarde et de redressement, à l’exception de ceux intéressant les exploitations agricoles exploitées sous formes individuelles ou sociétales, est de 10 ans, à moins que ces plans ne soient adoptés après vote des comités de créanciers.

Les délais de paiement imposés aux créanciers ne peuvent être supérieurs à cette même durée.

L’article 1, III de l’ordonnance dispose que, s'agissant des plans arrêtés par le tribunal en application des dispositions de l'article L. 626-12 (N° Lexbase : L8804LQ7) ou de l'article L. 631-19 (N° Lexbase : L8856I3E) du Code de commerce, « 1° Jusqu'à l'expiration du délai prévu au I, le président du tribunal, statuant sur requête du commissaire à l'exécution du plan, peut prolonger ces plans dans la limite d'une durée équivalente à celle de la période prévue au I. Sur requête du ministère public, la prolongation peut toutefois être prononcée pour une durée maximale d'un an ».

Cette prorogation n’intervient pas de plein droit.

Il faut comprendre que la durée du plan, fixée par le tribunal, dans la limite de 10 ans, peut être prolongée d’une durée de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, fixée au 24 mai 2020, ce qui amène au 24 août 2020. Il conviendra de saisir une juridiction avant l’expiration du délai de trois mois suivant la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. Pour tenir compte des contraintes liées à l’urgence sanitaire, il n’y aura pas lieu de saisir le tribunal, mais seulement, par requête, le président du tribunal. Cette saisine devra être l’œuvre du commissaire à l’exécution du plan.

Il faut aussi comprendre que la durée du plan, fixée par le tribunal, dans la limite de 10 ans, peut être prononcée pour une durée maximale d'un an. La saisine, non du tribunal, mais de son président, devra ici encore intervenir avant l’expiration du délai de trois mois suivant la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. Elle prendra la forme d’une requête et émanera du ministère public. La solution rappelle le renouvellement exceptionnel de la période d’observation.
Le législateur a aussi prévu l’hypothèse d’un plan expirant plus de trois mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire, soit après le 24 août 2020. En ce cas, l’article 1, III, de l’ordonnance dispose que « 2° Après l'expiration du délai prévu au I, et pendant un délai de six mois, sur requête du ministère public ou du commissaire à l'exécution du plan, le tribunal peut prolonger la durée du plan pour une durée maximale d'un an ».

La prolongation du délai du plan pourra être sollicitée pendant un délai de six mois faisant suite à l’expiration du délai de trois mois courant à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire. La prorogation de la durée du plan sera possible pour une année au maximum. Cette prorogation sera demandée, par requête, par le commissaire à l’exécution du plan ou par le ministère public.

Cette prolongation des plans doit s’entendre, pour donner un véritable sens au texte, tout à la fois de la durée des plans, mais encore et surtout de la durée de remboursement des dividendes. Seule cette interprétation semble possible, compte tenu du contexte dans lequel l’ordonnance a été prise. Il s’agit de soulager financièrement le débiteur, qui, sans cela se retrouverait ipso facto en cessation des paiements au moment de payer la dernière échéance du plan. La question intéresse spécialement la dernière échéance du plan, qui pourra ainsi se trouver reportée dans les limites prévues aux textes.

12. Prorogation des délais imposés aux organes de la procédure collective. Le législateur tient ici compte des difficultés de fonctionnement des études de mandataires de justice.

En ce sens, l’article 1, IV de l’ordonnance précise que « Jusqu'à l'expiration du délai prévu au I, le président du tribunal, statuant sur requête de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire, du liquidateur ou du commissaire à l'exécution du plan, peut prolonger les délais qui sont imposés à ces derniers d'une durée équivalente à celle de la période prévue au I ».

Cet allongement n’est pas de droit. Il doit être demandé avant l’expiration du délai de trois mois suivant la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, soit avant le 24 août 2020.

L’allongement peut être d’au maximum 5 mois, c’est-à-dire le délai de l’état d’urgence du 24 mars 2020 au 24 mai 2020, plus trois mois.

La demande prend la forme d’une requête adressée au président du tribunal. La demande émanera de l’intéressé, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan.

Cela permettra, par exemple, à un liquidateur de disposer de délais plus longs pour réaliser les actifs, de commencer cette réalisation, ou encore à un mandataire judiciaire ou à un liquidateur, de disposer d’un délai plus long pour vérifier le passif.

II - L’article 2 de l’ordonnance

13. Suppression temporaire du rapport aux fins de poursuite de l’activité en redressement judiciaire. L’article 2, I de l’ordonnance prévoit que « jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire : 1° Le I de l'article L. 631-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L3398ICT) n'est pas applicable ».

L’article L. 631-15, I, alinéa 1er, du Code de commerce pose en règle qu’« au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que l’entreprise dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. Toutefois, lorsque le débiteur exerce une activité agricole, ce délai peut être modifié en fonction de l’année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de cette exploitation ». L’alinéa 2 ajoute que « le tribunal se prononce au vu d’un rapport, établi par l’administrateur ou, lorsqu’il n’en a pas été désigné, par le débiteur ». Ce rapport, qui n’est obligatoire que dans le redressement judiciaire et non dans la sauvegarde, est destiné à permettre à la juridiction de se prononcer, en connaissance de cause sur la poursuite de l’activité en période d’observation.

L’ordonnance précise que ce rapport n’a pas lieu d’être jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 juin 2020. Le renouvellement de la période d’observation pourra ainsi intervenir sans ce rapport. La solution s’explique sans doute par la volonté du Gouvernement d’alléger au maximum la tâche des juridictions et également par le fait que ce rapport, en une telle période de crise, n’a guère de sens pour l’essentiel des entreprises qui, faute d’activé, n’ont plus de rentrées d’argent et ne peuvent donc payer, grâce à leur trésorerie, leurs dettes d’exploitation.

14. Simplification de la saisine de la juridiction par le débiteur. L’article 2, I, 2° de l’ordonnance prévoit que « Les actes par lesquels le débiteur saisit la juridiction sont remis au greffe par tout moyen. Le débiteur peut y insérer une demande d'autorisation à formuler par écrit ses prétentions et ses moyens, en application du second alinéa de l'article 446-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1138INH). Lorsque la procédure relève de sa compétence, le président du tribunal peut recueillir les observations du demandeur par tout moyen ».

Les formes de procédés avec le greffe sont assouplies. La plupart des actes par lesquels le débiteur doit saisir la juridiction suppose, en effet, une requête.  Cette forme ne s’imposera pas, pas plus qu’une autre telle que la déclaration au greffe, technique dangereuse par ces temps de confinement.

En outre, le caractère oral de la procédure devant la juridiction de l’entreprise en difficulté n’a pas à être respecté, ce qui évite le déplacement à une audience, qu’il faut au plus tenir. Le confinement oblige à l’assouplissement des règles de la procédure civile.

15. Communication simplifiée entre le greffe et les organes et entre les organes eux-mêmes.  L’article 2, I, 3° de l’ordonnance prévoit que « les communications entre le greffe du tribunal, l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire ainsi qu'entre les organes de la procédure se font par tout moyen ».

16. Prolongation de plein droit de la période d’observation. L’article 2, II de l’ordonnance dispose que « sont prolongés, jusqu'à l'expiration du délai prévu au I, d'une durée équivalente à celle de la période prévue au I :
1° Les durées relatives à la période d'observation
 ».

Le I prévoit : « Jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ».

La combinaison des deux textes fait donc apparaître que jusqu’au 24 août 2020 [sauf prorogation de l’état d’urgence sanitaire], la période d’observation qui aurait pris à compter du 24 mars 2020 est prolongée d’une durée équivalente à la période comprise entre le 24 mars 2020 et le 24 aout 2020, soit cinq mois.

Le pluriel utilisé par le législateur « les durées relatives à la période d'observation » permet de considérer que la période initiale, la période normalement renouvelée et même la période exceptionnellement renouvelée à la demande du Procureur de la République sont toutes prolongées de plein droit.

Une solution identique est posée pour la durée prévue par l'article L. 661-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L4175HBA).

Selon l’alinéa 1er de cet article, un nouveau délai de période d’observation peut être accordé par la cour d’appel en cas d’infirmation du jugement d’ouverture et de renvoi de l’affaire devant le tribunal. Cette période ne peut excéder 3 mois. Il ne s’agit pas d’une prolongation de la période d’observation déjà écoulée, mais bien d’un délai nouveau

En outre, selon l’alinéa 2 du même article, la durée de la période d’observation est prolongée jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel, en cas d’arrêt de l’exécution provisoire à la suite d’un appel du jugement de liquidation sur conversion, du jugement arrêtant ou rejetant le plan de sauvegarde et de redressement. Dans ces deux hypothèses, la durée de la période d’observation ne sera prolongée que si le premier président de la cour d’appel, saisi d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire, y fait droit.

Dans ces deux cas, la durée de la période d’observation prorogée ou nouvelle sera prolongée dans les mêmes conditions que ce qui a été précisé ci-dessus.

17. Les délais relatifs au maintien de l'activité. L’article L. 641-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L7330IZI) énonce que « si la cession totale ou partielle de l’entreprise est envisageable, ou si l’intérêt public ou celui des créanciers l’exige, le maintien de l’activité peut être autorisé par le tribunal pour une durée maximale fixée par décret en Conseil d’Etat ». Cette durée est de trois mois, renouvelable une fois.

L’article 2, II, 1° de l’ordonnance dispose que sont prolongés, jusqu'à l'expiration du délai prévu au I, d'une durée équivalente à celle de la période prévue au I, 2°, les délais relatifs au maintien de l'activité.

Le I prévoit : « Jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ».

La combinaison des deux textes fait donc apparaître que du 24 mars 2020 au 24 août 2020 [sauf prorogation de l’état d’urgence sanitaire], les délais de maintien provisoire de l'activité en liquidation judiciaire peuvent être prolongés d’une durée de 5 mois.

Ici encore, l’expression est assez imprécise. Il ne semble pas que le législateur s’intéresse ici à la durée de l’activité en période d’observation, puisque la période d’observation est par hypothèse une période de poursuite de l’activité. Or la question de la durée de la période d’observation, et par conséquent de la poursuite d’activité, est déjà traitée par le législateur.

Il faut donc plutôt comprendre, nous semble-t-il, que le législateur a ici voulu viser la poursuite exceptionnelle de l’activité en liquidation judiciaire. La lettre de l’ordonnance semble être en ce sens, lorsqu’elle évoque, après les durées relatives à la période d'observation et au plan, les durées relatives au maintien de l'activité, et à la durée de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée. Ces trois dernières questions intéressent toutes la liquidation judiciaire, alors que les deux premières ne peuvent la concerner.

18. Les délais relatifs à la durée de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée. . La durée de la procédure de liquidation judiciaire, toujours obligatoire depuis la loi « PACTE » du 22 mai 2019 (loi n° 2019-486 N° Lexbase : L3415LQK), est variable, suivant le nombre de salariés et le chiffre d’affaires du débiteur. Si le débiteur emploie au plus un salarié et réalise au plus 300 000 euros de chiffre d’affaires hors taxes, la durée de la liquidation judiciaire est fixée à six mois. Si un des seuils est atteint, la durée de la liquidation judiciaire simplifiée est d’un an.

L’article 2, II, 1° de l’ordonnance dispose que sont prolongés, jusqu'à l'expiration du délai prévu au I, d'une durée équivalente à celle de la période prévue au I, 2°, les délais relatifs à la durée de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée.

Le I prévoit : « Jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ».

La combinaison des deux textes fait donc apparaître que du 24 mars au 24 août 2020 [sauf prorogation de l’état d’urgence sanitaire], les délais relatifs à la durée de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée sont prolongés d’une durée de 5 mois.

Il s’agit ici d’un allongement de durée de plein droit.

19.  Les délais de couverture par l’AGS de certaines sommes dues en liquidation judiciaire. L’article 2, II de l’ordonnance précise que « Sont prolongés, jusqu'à l'expiration du délai prévu au I, d'une durée équivalente à celle de la période prévue au I :
2° Les délais mentionnés aux b, c et d du 2° de l'article L. 3253-8 du Code du travail
 (N° Lexbase : L7959LGU) ».

L’article L. 3253-8, 5° du Code du travail fait bénéficier de la garantie de l’AGS, dans la limite maximale correspondant à un mois et demi de travail, lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire :

a) les sommes dues au salarié au cours de la période d’observation ;
b) les sommes dues au salarié dans le mois suivant le jugement arrêtant le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;
c) les sommes dues au salarié dans les 15 jours ou 21 si un PSE est élaboré, suivant le jugement de liquidation judiciaire ;
d) les sommes dues au salarié dans les 15 jours ou 21 si un PSE est élaboré, suivant la fin de la poursuite provisoire de l’activité en liquidation judiciaire.

Seuls les délais prévus au b, c et d de l’article L. 3253-8, 5° du Code du travail sont prolongés, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 août 2020.

Mais attention : la limite fixée par l’article L. 3253-8, 5° du Code du travail reste d’actualité.

III - L’article 3 de l’ordonnance

20. Désignation du conciliateur du règlement amiable agricole en dépit de l’état de cessation des paiements. L’article 3 de l’ordonnance prévoit que « Pour l'application des articles L. 351-1 (N° Lexbase : L3911AEL) à L. 351-7 du Code rural et de la pêche maritime, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire :
1° Le juge ne peut refuser de désigner un conciliateur au motif que la situation du débiteur s'est aggravée postérieurement au 12 mars 2020
 ».

L’ouverture du règlement amiable agricole suppose que le débiteur soit confronté à des difficultés financières qui viennent d’apparaître ou qui sont prévisibles (C. rur., art. L. 351-1, al. 1er). Le règlement amiable agricole ne pourra être ouvert que si le débiteur n’est pas en état de cessation des paiements.

Le dispositif mis en place par l’article 3 de l’ordonnance autorise au contraire la nomination du conciliateur agricole même si le débiteur est en état de cessation des paiements, dès lors que cet état est apparu postérieurement au 12 mars 2020, et cela jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

21. Possibilité du constat ou de l’homologation de l’accord de règlement amiable agricole en dépit de la subsistance de l’état de cessation des paiements. L’article 3 de l’ordonnance prévoit également que « Pour l'application des articles L. 351-1 à L. 351-7 du Code rural et de la pêche maritime, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire : […] 
2° Lorsque l'accord ne met pas fin à l'état de cessation des paiements, ce dernier est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 ».

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article L. 351-6 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L2736LBX), « le président du tribunal, si le débiteur ne se trouve pas en cessation des paiements ou si l'accord y met fin, constate l'accord conclu en présence du conciliateur ou, sur son rapport, met fin à sa mission. A la demande du débiteur, le président du tribunal peut homologuer l'accord ».

L’accord de règlement amiable agricole, qu’il soit constaté ou homologué, suppose donc l’absence de cessation des paiements, soit que l’état de cessation des paiements n’ait jamais existé, soit que, le plus souvent, l’accord y mette fin.

On comprend donc la dérogation de premier plan introduite par l’article 3 de l’ordonnance : l’accord pourra être constaté ou homologué même s’il ne met pas fin à la cessation des paiements, pendant la période comprise entre le 24 mars 2020 et l’expiration d’un délai de trois mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 août 2020.

Mais il n’en sera ainsi que pour autant que l’état de cessation des paiements soit apparu après le 12 mars 2020, raison pour laquelle l’article 3 de l’ordonnance précise que l’état de cessation des paiements sera alors apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020.

Le débiteur agriculteur exécutera ensuite l’accord dans ses termes, les poursuites individuelles et mesures d’exécution étant suspendues.

Le législateur espère que la situation s’améliorera pendant l’exécution de l’accord. Si tel n’est pas le cas, il faudra passer à l’étape suivante, celle du traitement judiciaire des difficultés de l’agriculteur.

***

Aux termes de cette présentation de l’ordonnance, on comprend que l’heure est à la protection des plus faibles. Ne doit-on pas garder jusqu’à une amélioration sensible de la situation économique, la dimension protectrice de notre droit des entreprises en difficulté, instantanément primordiale, avant de penser à instaurer les classes de créanciers, et, dans une vision européenne très libérale, à réformer le droit des sûretés ?

 

[1] Explications recueillies auprès de Léa Vechionni-Ben Cheikh, auteure d’une thèse sur « les avances de l’AGS », Nice 2019.

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Covid-19

[Brèves] Covid-19 : création du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie

Réf. : Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5725LWX) ; décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 (N° Lexbase : L6019LWT)

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par Vincent Téchené

Le 01 Avril 2020

► Prise sur le fondement de l’habilitation conférées par l’article 11 de la loi d’urgence pour faire face au covid-19 (loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 N° Lexbase : L5506LWT), une ordonnance, publiée au Journal officiel du 26 mars, 2020, crée un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 (ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020  N° Lexbase : L5725LWX).  Cette ordonnance est complétée par un décret, publié au Journal officiel du 31 mars 2020 (décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 N° Lexbase : L6019LWT).

  • Durée du fonds

Le fonds est créé pour une durée de trois mois prolongeable par décret pour une durée d'au plus trois mois.

  • Entreprises éligibles

L’article 2 du décret précise les entreprises éligibles à l’aide. Le fonds peut bénéficier aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, qui remplissement les conditions suivantes :
- elles doivent avoir débuté leur activité avant le 1er février 2020 ;
- elles ne doivent pas avoir déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ;
- leur effectif est inférieur ou égal à dix salariés ;
- le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d'euros. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros ;
- leur bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l'activité exercée, n'excède pas 60 000 euros au titre du dernier exercice clos. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29 février 2020, sur leur durée d'exploitation et ramené sur douze mois ;
- les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne doivent pas être titulaires, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet ou d'une pension de vieillesse et n'ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d'indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant supérieur à 800 euros ;
- elles ne doivent pas être contrôlées par une société commerciale ;
- lorsqu'elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils de CA, bénéfice et effectif, précédemment énoncés ;
- elles ne doivent pas être, au 31 décembre 2019, en difficulté, en difficulté au sens de l'article 2 du Règlement (UE) n° 651/2014 du 17 juin 2014 (N° Lexbase : L5604I3X).

Par ailleurs, ce fonds s’adressant aux entreprises qui connaissent des difficultés en raison de la crise sanitaire, ces entreprises doivent :
- avoir fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ; ou
- avoir subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 70 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020. Selon les dernières annonces au Gouvernement, ce seuil devrait être abaissé à 50 %.

La perte du chiffre d’affaire est calculée :
- par rapport à la même période de l'année précédente ;
- ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ;
- ou, pour les personnes physiques ayant bénéficié d'un congé pour maladie, accident du travail ou maternité durant la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019, ou pour les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d'un tel congé pendant cette période, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020.

  • Allocation de l’aide

Le fonds comporte deux volets (art. 3 et 4)

1. Premier volet d’aide (décret, art. 3)

Montant. L’aide est de 1 500 euros. Toutefois, les entreprises ayant subi une perte de chiffre d'affaires inférieure à 1 500 euros perçoivent une subvention égale au montant de cette perte.

Modalités de la demande d’aide. La demande d'aide est réalisée par voie dématérialisée. Elle est accompagnée des justificatifs suivants :
- une déclaration sur l'honneur attestant que l'entreprise remplit les conditions prévues, l'exactitude des informations déclarées ainsi que la régularité de sa situation fiscale et sociale au 1er mars 2020 ;
- une estimation du montant de la perte de chiffre d'affaires ;
- les coordonnées bancaires de l'entreprise.

Date de la demande d’aide. La demande d'aide doit être faite au plus tard le 30 avril 2020.

2. Second volet d’aides (art. 4)

Montant. Les entreprises qui bénéficient du premier volet peuvent également percevoir une aide complémentaire forfaitaire de 2 000 euros lorsque :
- elles emploient, au 1er mars 2020, au moins un salarié ;
- elles se trouvent dans l'impossibilité de régler leurs dettes exigibles dans les 30 jours suivants ;
- leur demande d'un prêt de trésorerie d'un montant raisonnable faite depuis le 1er mars 2020 auprès d'une banque dont elles étaient clientes à cette date a été refusée par la banque ou est restée sans réponse passé un délai de dix jours.

Modalités de la demande d’aide. La demande d'aide est réalisée auprès des services du conseil régional du lieu de résidence, par voie dématérialisée. La demande est accompagnée des justificatifs suivants :
- une déclaration sur l'honneur attestant que l'entreprise remplit les conditions prévues par le présent décret et l'exactitude des informations déclarées ;
- une description succincte de sa situation, accompagnée d'un plan de trésorerie à trente jours, démontrant le risque de cessation des paiements ;
- le montant du prêt refusé, le nom de la banque le lui ayant refusé et les coordonnées de son interlocuteur dans cette banque.

Date de la demande d’aide. La demande d'aide doit être faite au plus tard le 31 mai 2020.

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Covid-19

[Brèves] Covid-19 : adaptation des délais et procédures de l’Autorité de la concurrence pendant la période d’urgence sanitaire

Réf. : Aut. conc., communiqué de presse du 27 mars 2020

Lecture: 10 min

N2798BYB

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par Vincent Téchené

Le 01 Avril 2020

► Dans un communiqué de presse du 27 mars 2020, l’Autorité de la concurrence précise aux entreprises comment les règles concernant les délais et procédures seront adaptées du fait de l’état d’urgence sanitaire à la suite de l’adoption de la loi du 23 mars 2020 sur l’état d’urgence sanitaire (loi n° 2020-290 N° Lexbase : L5740LWI) et de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (ordonnance n° 2020-306 N° Lexbase : L5730LW7).

Sont concernés :
- les dossiers de concentration ;
- l’installation des professions juridiques réglementées ;
- le dépôt des observations et mémoires ;
- les demandes de clémence ;
- la transmission des actes de procédure ;
- la prescription ;
- les recours ;
- l’exécution des engagements et des injonctions

  • Suspension des délais d’instruction des cas relatifs aux projets de concentration et à l’installation des professions juridiques régies par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

En application de l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 sont notamment suspendus, à compter du 12 mars 2020, et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire :

♦ En matière de contrôle des concentrations, les délais légaux et réglementaires fixés notamment aux articles L. 430-5 (N° Lexbase : L2041KGP) et L. 430-7 (N° Lexbase : L2040KGN) du Code de commerce.

♦ En ce qui concerne la liberté d’installation des professions juridiques régies par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC) :

- le délai légal de deux mois au cours duquel l’Autorité se prononce, à la demande du ministre de la Justice, sur les projets de création d’offices publics et ministériels dans les zones d’installation contrôlée (« zones orange »), et à l’issue duquel une décision implicite dudit ministre est susceptible d’intervenir ;

- le délai de la consultation publique, fixé par l’Autorité entre le 9 mars et le 9 avril 2020, en vue d’élaborer un nouvel avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation (cf. Aut. conc., communiqué de presse du 9 mars 2020).

L’Autorité précise que l’ordonnance ne fait pas obstacle à la réalisation d’un acte ou d’une formalité dont le terme échoit dans la période visée ; elle permet cependant de considérer comme n’étant pas entaché d’illégalité l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti. En outre, elle « fera ses meilleurs efforts, chaque fois que c’est possible, pour rendre ses décisions et avis de manière anticipée, sans attendre l’expiration des délais supplémentaires conférés par ces dispositions ».

  • Prorogation des délais de production des observations et des mémoires en réponse à une notification des griefs ou à un rapport

L’Autorité de la concurrence relève que les restrictions de déplacement actuellement en vigueur sur le territoire national sont de nature à rendre plus difficile l’exercice des droits de la défense.

Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, le rapporteur général a décidé que le délai de deux mois dont disposent les entreprises pour présenter, en application de l’article L. 463-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8112IB3), leurs observations en réponse à une notification de griefs ou un rapport, est suspendu à compter du 17 mars 2020. Ce délai reprendra à compter du lendemain de la publication du décret qui lèvera les restrictions de déplacement instituées initialement par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 (N° Lexbase : L5282LWK).

Pour les entreprises qui ont d’ores et déjà bénéficié, en application du 4ème alinéa de l’article L. 463-2 du Code de commerce, d’un délai supplémentaire, cette prorogation des délais continuera à s’appliquer si elle est plus favorable que la suspension des délais. Dans le cas contraire, un nouveau délai supplémentaire pourra en tout état de cause être demandé après la levée des restrictions de déplacement, si de nouvelles circonstances exceptionnelles le justifient.

Pendant la durée des restrictions de déplacement, toute demande relative aux délais est adressée aux services d’instruction et au service de la procédure par courrier électronique, à l’exclusion de tout autre mode de transmission.

  • Demandes de clémence

Jusqu’à la levée des restrictions de déplacement instituées par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, et par dérogation à l’article R. 464-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L8657IBA), les demandes de clémence sont déposées par voie électronique en envoyant le formulaire accessible sur le site de l’Autorité de la concurrence dûment rempli (clemence@autoritedelaconcurrence.fr), à l’exclusion de tout autre mode de transmission.

Les délais d’ores et déjà accordés dans le cadre du marqueur de clémence sont suspendus à compter du 17 mars 2020, et reprendront à la levée des restrictions de déplacement.

  • Modalités de transmission des actes de procédure

Les échanges par lettre recommandée avec demande d’avis de réception prescrits par la partie réglementaire du Code de commerce impliquent des déplacements qui pourraient être assimilés à des « déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle ».  A ce stade, et nonobstant le secret des correspondances, l’Autorité précise qu’elle n’envisage pas de recourir à la lettre recommandée électronique pour des raisons de confidentialité.

Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, pendant toute la durée des restrictions de déplacement instituées initialement par le décret n° 2020-260, et par dérogation aux articles R. 463-1 (N° Lexbase : L8561IBP), R. 463-11 (N° Lexbase : L8555IBH), R. 463-13 (N° Lexbase : L9106LDM), R. 463-15 (N° Lexbase : L9179ICX) et R. 464-30 (N° Lexbase : L4573LE4) du Code de commerce, les saisines, observations à une notification de griefs, mémoires en réponse à un rapport, demandes de secret d’affaires ou de levée du secret des affaires sont transmises par voie électronique à l’Autorité, qui en accusera réception (L-PROCEDURE@autoritedelaconcurrence.fr).

De la même manière, les notifications de griefs, les rapports, les projets de déclassement d’informations confidentielles et les décisions de l’Autorité et du Rapporteur général seront notifiés par voie électronique aux personnes concernées et au commissaire du Gouvernement.

Les décisions ou les avis de l'Autorité sont adressés par voie électronique aux personnes concernées. La notification faisant courir les délais de recours n’interviendra, sauf exception, qu'à la suite de la levée des restrictions de déplacement.

Ces transmissions ou notifications au format électronique pourront s'opérer par tout moyen : messagerie informatique, plateforme d’échanges de documents, application de transferts de fichiers...

Les actes transmis à l’Autorité par lettre recommandée pendant la période allant du 12 mars 2020 au 27 mars 2020 doivent être à nouveau envoyés par voie électronique, à l’adresse indiquée ci-dessus.

  • Délais de prescription et délais de recours

Le premier alinéa de l’article L. 462-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L2311LDX) prévoit que « l'Autorité ne peut être saisie de faits remontant à plus de cinq ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ». Le troisième alinéa du même article dispose que « la prescription est acquise en toute hypothèse lorsqu'un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s'est écoulé sans que l'Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci ».

En application de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, les actes ou décisions mentionnés à l’article L. 462-7, qui auraient dû intervenir dans la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, afin d’éviter la prescription d’action de l’Autorité, pourront être accomplis dans un délai de deux mois à compter de la fin de cette période, sans être sanctionnés pour leur tardiveté.

De même, les recours contre les décisions de l’Autorité, qui auraient dû être formés dans la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, conformément aux délais prévus aux articles L. 464-7 (N° Lexbase : L2051ICX), L. 464-8 (N° Lexbase : L4973IUQ) et L. 464-8-1 (N° Lexbase : L1900LBY) du Code de commerce, pourront être accomplis dans un délai de deux mois à compter de la fin de cette période, sans être sanctionnés pour leur tardiveté. Sont donc concernés :
- le délai de 10 jours imparti aux parties et au commissaire du Gouvernement pour introduire un recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel de Paris contre les décisions prises par l’Autorité en matière de mesures conservatoires (C. com., art. L. 464-7) ;
- le délai d'un mois imparti aux parties et au ministre de l’Economie pour introduire un recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel de Paris des décisions de sanction prises par l’Autorité (C. com., art. L. 464-8) ;
- le recours en réformation ou en annulation formé devant le premier président de la cour d'appel de Paris ou son délégué contre les décisions prises par le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence de refuser la protection du secret des affaires ou de lever la protection accordée (C. com., art. L. 464-8-1).

  • Délais d’exécution des engagements et des injonctions

L’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 dispose que « Lorsqu'ils n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l'administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er, sauf lorsqu'ils résultent d'une décision de justice. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci ».

Les délais de mise en œuvre des engagements, injonctions ou mesures conservatoires sont dès lors suspendus ou reportés jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

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Covid-19

[Focus] Droit de retrait et arrêts de travail : les incidences du covid-19

Lecture: 13 min

N2870BYX

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par Xavier Aumeran, Maître de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon III - Equipe de recherche Louis Josserand (EA 3707)

Le 01 Avril 2020


Résumé : L’appréciation de la légitimité de l’exercice de son droit de retrait par un salarié confronté au risque de contamination est délicate. La qualification de la situation de celui atteint du covid-19 à l’occasion de son travail l’est également. En revanche, les conditions d’indemnisation du salarié contraint de rester à son domicile sont désormais bien établies. Une fois la pandémie terminée, l’assouplissement des conditions de bénéfice des indemnités journalières opéré invite, durablement, à supprimer les conditions de contributivité minimale afin de bénéficier des prestations en espèces de l’assurance maladie.


Les mesures prises par les entreprises afin d’organiser au mieux leur activité, souvent réduite, voire mise à l’arrêt, ne sont pas les seules à avoir une incidence sur les relations de travail. La situation de chaque salarié influe également sur l’exécution des contrats de travail. Les obligations réciproques des parties interrogent alors. Il en est ainsi dans le cas d’un salarié exerçant son droit de retrait (I), de celui susceptible d’être atteint du covid-19 (II), de celui en arrêt de travail pour garder ses enfants (III), ou encore de celui tombé malade (IV).

I - Le salarié exerçant son droit de retrait

Le salarié peut se retirer d’une « situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection » [1]. En la matière, comme le souligne le Professeur Verkindt, le fossé « entre un propos qui fait usage d’argument juridique et un phénomène d’une ampleur inégalée » est tel, que chacun ne doit « prendre la plume qu’en tremblant » [2]. Il ne saurait être asséné de réponses et de vérités indiscutables à la question de savoir si un salarié peut user de son droit de retrait du fait de son exposition potentielle au virus covid-19.

En outre, il convient de souligner que l’existence d’un droit à se retirer d’une situation dangereuse n’implique pas nécessairement que le salarié l’exerce. En droit, d’abord, dès lors qu’il ne s’agit que d’une faculté lui étant offerte, et non d’une obligation [3]. En fait, ensuite, au regard de ce que Monsieur Wilde, dont les travaux furent ensuite repris et développés en France par Madame Keim-Bagot dans sa thèse, dénomme la « théorie de l’homéostasie des risques » [4]. Confronté à un risque, non seulement le travailleur l’évalue successivement et en permanence, tout en s’ajustant, mais il intègre également dans son analyse le risque lié à la perte de son emploi [5]. Préserver sa santé peut s’effectuer au détriment de son emploi. Aussi, en fonction des situations d’emploi, l’acceptation du risque est plus ou moins importante. Dans un contexte de situation économique difficile, « les questions de sécurité passent au second plan » et l’exercice effectif du droit de retrait s’en trouve affecté [6].

Ces précisions préalables invitent encore davantage à la prudence, dès lors qu’il est question de l’exercice du droit de retrait par des salariés potentiellement exposés au covid-19. Tout juste peut-on remarquer que, dans le contexte de pandémie due au virus, la gravité et l’imminence du risque de contamination lié au contact avec d’autres individus ne soulèvent guère de doutes. Certes, ces notions sont subjectives et doivent être appréciées au cas par cas, mais bien souvent, le danger excède les risques inhérents au poste.

L’attention se concentre davantage sur le système de protection mis en œuvre par l’employeur, dont l’importance est rappelée par l’article L. 4131-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1463H93) [7]. Les obligations de l’employeur sont principalement celles prévues par les articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L8043LGY) et L. 4121-2 (N° Lexbase : L6801K9R) du code. Il s’agit notamment d’informer les salariés, mais aussi de mettre en place une organisation et des moyens adaptés, qu’il convient de modifier et d’améliorer en fonction des circonstances. Ce sont ensuite les différentes prescriptions prévues par l’article L. 4121-2 du Code du travail qu’il convient de mettre en œuvre. Le respect de son obligation de sécurité par l’employeur est à ce prix [8].

Inéluctablement, se pose la question des équipements de protection individuelle devant être mis à la disposition des salariés (notamment les masques et les gants). Le respect des recommandations gouvernementales est-il suffisant en la matière ? Fort logiquement, le ministère du Travail répond positivement, tout en se prononçant systématiquement « sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux » [9]. La précision est logique et nécessaire, car la position ministérielle n’est pas opposable au juge. La question demeure donc entière. Dans l’immédiat, il appartient néanmoins à chaque employeur, en lien avec les représentants du personnel, et non sans difficulté et incertitude, de la trancher.

Des divergences d’analyses quant à la légitimité ou non de chaque salarié à mettre en œuvre son droit de retrait surviennent et surviendront. Seul le juge sera en mesure a posteriori de statuer sur la gravité et l’imminence du risque, ainsi que sur la pertinence des mesures de protection mises en œuvre par l’employeur. Il en sera ainsi lorsque ce dernier sera passé outre l’interdiction de l’article L. 4131-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1467H99) et aura sanctionné son salarié ou réduit son salaire.

II - Le salarié susceptible d’être atteint du covid-19

Initialement, le premier décret publié, celui du 31 janvier 2020, instaurait un droit au bénéfice des indemnités journalières de l’assurance maladie pour les personnes faisant l’objet d’une mesure d’isolement du fait d’avoir été en contact avec une personne malade du coronavirus ou d’avoir séjourné dans une zone concernée par un foyer épidémique de ce virus et dans des conditions d’exposition de nature à transmettre cette maladie [10]. Les intéressées pouvaient alors percevoir les indemnités journalières pendant un maximum de vingt jours, sans que les conditions relatives aux durées minimales d’activité ou de contributivité minimale ne soient prises en considération. Le décret écartait alors les délais de carence, afin de permettre le versement des indemnités journalières dès le premier jour d’arrêt. Depuis, non seulement ces conditions dérogatoires ont été maintenues, mais également élargies, aux parents d’un enfant de moins de seize ans faisant lui-même l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile [11].  Les mesures de confinement ayant été élargies par la suite, cette hypothèse d’exposition est désormais soumise aux mêmes conditions que le salarié en arrêt de travail pour garder ses enfants (V. infra) [12].

Pour les personnes présentant un risque élevé de développer une forme sévère de la maladie du fait de leur état de santé, telles que les femmes enceintes, les personnes atteintes de mucoviscidose, les personnes souffrant d’hypertension artérielle ou encore les personnes atteintes de maladies des coronaires (une douzaine de situations est énumérée), l’Assurance maladie leur permet de se connecter directement pour demander à être mises en arrêt de travail pour une durée initiale de 21 jours [13]. Elles n’ont alors pas à solliciter leur employeur ni leur médecin.

A l’heure du bilan, une fois la pandémie terminée, la suppression de la condition de contributivité minimale (montant de cotisations ou durée de travail) dans ces circonstances exceptionnelles pourrait inspirer plus durablement le pouvoir règlementaire. En effet, déjà abaissée par un décret du 30 janvier 2015 [14], la pertinence de cette condition au sein de notre droit positif interpelle. Pourquoi est-il décidé de l’imposer quelle que soit la maladie et de la lever pour le covid-19 ? Ce virus est-il plus grave que d’autres maladies parfois mortelles susceptibles d’affecter la personne ? Les prestations en espèces de l’assurance maladie sont contributives. Aussi, celui ayant faiblement contribué ne percevra que peu. Rien ne justifie que celui qui exerce une activité à temps très partiel ou très faiblement rémunérée soit exclu de toute prestation en espèces lorsqu’il est exposé à la maladie, alors même que ses cotisations et celles de son employeur ont financé le régime.

III - Le salarié en arrêt de travail pour garder ses enfants

Sur le fondement de l’article L. 16-10-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0673LPM), un nouveau cas d’éligibilité aux indemnités journalières de l’assurance maladie est instauré [15]. Lorsque le télétravail est impossible, les salariés dépourvus de solution de garde pour leurs enfants de moins de 16 ans peuvent demander un arrêt de travail indemnisé. Cet arrêt d’un genre un peu particulier, car ne nécessitant pas nécessairement de maladie, peut être sollicité sans consultation médicale. Il est fractionnable, ce qui permet de l’adapter en fonction des besoins de garde du salarié. L’employeur ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation de cet arrêt. Il doit le déclarer et envoyer l’attestation à l’assurance maladie.

Alors même que le salarié n’est pas malade, l’ordonnance n° 2020-322 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5738LWG) prévoit néanmoins qu’il bénéficie du maintien de salaire par l’employeur prévu par l’article L. 1226-1 du Code du travail. Les conditions d’ancienneté, de justification de l’incapacité de travail dans les 48 h et de soins sur le territoire français ou d’un Etat membre de l’UE ou de l’Espace économique européen, sont ainsi expressément écartées par le texte [16]. Seule demeure la condition d’être pris en charge par la Sécurité sociale, en l’occurrence remplie du fait de la combinaison de l’article L. 16-10-1 du Code de la Sécurité et du décret du 31 janvier 2020, modifié par celui du 9 mars.

En revanche, l’autonomie des partenaires sociaux demeure s’agissant des compléments aux indemnités journalières de la Sécurité sociale instaurés par les conventions et accords collectifs. Tout dépend alors de la formulation retenue par le texte conventionnel. Dans la quasi-totalité des conventions collectives de branche, seuls la « maladie » et l’« accident », souvent conditionnés à la production d’un certificat médical, sont évoqués [17]. Dans cette hypothèse, sauf engagement volontaire plus favorable, aucune obligation conventionnelle ne vient compléter les indemnités journalières et le maintien légal de salaire à la charge de l’employeur.

IV - Le salarié atteint du covid-19

Lorsque le salarié est atteint du covid-19, et non plus simplement exposé, il est en arrêt maladie de droit commun et perçoit notamment les indemnités journalières de la Sécurité sociale du fait de son incapacité de travail. Le décret du 9 mars 2020 permet en outre de déroger au parcours de soins coordonné et à certaines des dispositions relatives à la téléconsultation et aux actes de télésoin [18]. De même que pour les personnes exposées, les délais de carence et conditions relatives à la durée minimale d’activité et à la contributivité minimale sont supprimés.

En complément des prestations de l’assurance maladie, l’employeur est légalement tenu d’assurer le maintien de salaire du salarié, selon les modalités mentionnées à l’article L. 1226-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8858KUM). L’une des ordonnances du 25 mars 2020 est venue l’affirmer expressément, tout en allégeant les conditions afin de bénéficier du complément patronal [19]. Ainsi, la condition minimale d’ancienneté d’un an n’est plus exigée et les salariés travaillant à domicile, salariés saisonniers, salariés intermittents et salariés temporaires sont inclus dans le champ de l’obligation. Il convient d’ailleurs de souligner que ces dérogations ne sont pas expressément limitées aux personnes atteintes du covid-19. L’ordonnance vise en effet « l’incapacité résultant de maladie ou d’accident ». La condition d’ancienneté et la restriction des salariés éligibles au maintien de salaire sont donc levées pour toutes les maladies et accidents de droit commun. Le rapport au Président de la République le précisant expressément, cet élargissement des bénéficiaires du maintien de salaire jusqu’au 31 août 2020 est délibéré [20].

En relais de l’obligation mise à la charge de l’employeur par le législateur, le salarié atteint du covid-19, comme pour n’importe quelle autre maladie, est susceptible de bénéficier de stipulations conventionnelles plus avantageuses, notamment s’agissant de la durée d’indemnisation. Il peut s’agir tant d’un maintien conventionnel de rémunération à la charge de l’employeur que d’indemnités journalières de prévoyance versées par un organisme assureur.

L’atteinte peut également être d’origine professionnelle. Le salarié a alors contracté la maladie du fait de son exposition au travail. L’hypothèse est potentiellement fréquente, notamment pour les personnes poursuivant leur activité en dépit des restrictions de déplacement. Les difficultés se concentrent alors sur la qualification de l’atteinte et sur l’établissement du lien de causalité entre la pathologie et l’activité professionnelle.

L’existence d’un accident du travail apparait peu probable. L’apparition de la maladie n’est pas soudaine. Sauf à retenir la soudaineté du fait accidentel, toute instruction réalisée par la caisse primaire à la suite d’une déclaration d’accident du travail du fait d’une contamination par le virus covid-19 devrait aboutir au rejet d’une telle qualification. La jurisprudence « Docteur Gendre », précisant que les maladies contagieuses contractées à l’occasion du travail ne constituent pas des accidents du travail, devrait trouver à s’appliquer [21].

Dès lors, la contamination par le covid-19 est-elle susceptible de caractériser une maladie professionnelle ? Au regard du caractère évolutif de la pathologie, cette qualification est bien plus cohérente. Elle risque néanmoins rapidement de se heurter aux méandres des procédures de reconnaissance des maladies professionnelles [22]. Aucun tableau de maladie professionnelle ne prévoit cette maladie. Dès lors, le lien de causalité avec le travail, qui n’est donc pas présumé, doit être prouvé par la victime, dans le cadre de la procédure dérogatoire de reconnaissance des maladies professionnelles. En particulier, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles doit être saisi. La procédure est longue et inadaptée.

Ce n’est qu’à défaut de reconnaissance de la pathologie en tant que maladie professionnelle que les salariés concernés pourront engager une action contre leur employeur devant les conseils de prud’hommes [23]. Afin de s’exonérer de sa responsabilité, l’employeur devra alors être en mesure de justifier que toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ont été prises.

Dès lors, l’indemnisation des victimes du covid-19 ou de leurs ayants-droit en tant que risque professionnel est loin d’être automatique, ni même aisée. Elle demeurera en tout état de cause incomplète, l’indemnisation du dommage corporel d’origine professionnel, même en cas de faute inexcusable, n’étant pas intégrale. Probablement que la création d’un dispositif spécial d’indemnisation des victimes du virus, qu’importe leur régime de sécurité sociale d’affiliation, sera nécessaire. Une fois encore, les carences du système actuel d’indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles sont mises en évidence. Une solution bricolée à la hâte permettra probablement de répondre spécifiquement au besoin d’indemnisation des victimes du virus et de leurs ayants-droit.


[1] C. trav., art. L. 4131-1 (N° Lexbase : L1463H93).

[2] P.-Y. Verkindt, Du bon usage du droit de retrait, SSL, 2020, n° 1901, p. 11.

[3] Cass. soc., 9 décembre 2003, n° 02-47.579, inédit (N° Lexbase : A4403DAC), Dr. soc., 2004, 313, obs. Ph. Waquet.

[4] M. Keim-Bagot, De l’accident du travail à la maladie : la métamorphose du risque professionnel. Enjeux et perspectives, préf. R. de Quenaudon et F. Meyer, Dalloz, 2015, n° 386, p. 272-274 ; G. Wilde, Le risque cible. Une théorie de la santé et de la sécurité. Prises de risque au volant, au travail et ailleurs, traduit de l’anglais par M. Camiolo, éd. EME, coll. « Proximité-Sociologie », 2012.

[5] M. Keim-Bagot, op. cit., n° 386, p.273.

[6] M. Keim-Bagot, op. cit., n° 386, p.274.

[7] E. Bledniak, Les questions auxquelles sont confrontés les élus, SSL, 2020, n° 1901, p. 9 ; Ph. Rozec, Le droit du travail face au coronavirus, JCP éd. G, 2020, 330.

[8] Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7767NXX), JCP éd. S, 2016, 1011, étude M. Babin ; JCP éd. E, 2016, 1146, obs. A. Bugada ; Cah. soc., 2016, p. 23, note J. Icard ; D., 2016, p. 807, obs. P. Lokiec ; Rev. contrats, 2016, p. 217, note G. Viney - L. Gratton (dir.), Dossier « Les mutations de l’obligation de sécurité - Enjeux et perspectives en droit du travail et en droit de la sécurité sociale », Cah. soc., 2016, p. 260.

[9] Site internet du ministère du Travail, Coronavirus : Questions/réponses pour les entreprises et les salariés, publié le 26 février 2020, mis à jour le 31 mars 2020. - Dernière consultation le 31 mars 2020.

[10] Décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 (N° Lexbase : L7381LUW) ; Circ. CNAM 2020-9 du 19 février 2020 ; G. Loiseau et A. Martinon, Coronavirus : le droit social en alerte, BJT, 2020, n° 113d2, p. 1.

[11] Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 (N° Lexbase : L3714LWH).

[12] Ordonnance n° 2020-322 du 25 mars 2020, art. 1 (N° Lexbase : L5738LWG).

[13] CNAM, Covid-19 : l’Assurance Maladie étend le téléservice declare.ameli.fr aux personnes à risque élevé, Communiqué de presse du 17 mars 2020 ; Th. Ruckebusch, Coronavirus : des solutions tout azimut pour permettre aux entreprises de surmonter la crise, JCP éd. S, 2020, act. 128.

[14] Décret n° 2015-86 du 30 janvier 2015 (N° Lexbase : L7781I7C).

[15] Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 (N° Lexbase : L3714LWH).

[16] Ordonnance n° 2020-322, préc., art. 1.

[17] Par exemple : CCN des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, 15 décembre 1987, art. 43 ; CCN des transports routiers et activités auxiliaires du transport, 21 décembre 1950, art. 16 ; CCN du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que contrôle technique automobile, 15 janvier 1981, art. 2.10 ; CCN de la boulangerie-pâtisserie, 19 mars 1976, art. 37 ; CCN de la plasturgie, 1er juillet 1960, art. 13 ; CCN du caoutchouc, 6 mars 1953, art. 21 ; CCN de la pharmacie d’officine, 3 décembre 1997, art. 16.

[18] Décret n° 2020-227, préc., art. 1.

[19] Ordonnance n° 2020-322, préc., art. 1er, 2°.

[20] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2020-322 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : Z559229S).

[21] Ass. plén., 21 mars 1969, n° 66-11.181 (N° Lexbase : A1181ABD), Bull. AP, 1969, n° 3.

[22] CSS, art. L. 461-1 (N° Lexbase : L8868LHW).

[23] Cass. soc., 11 octobre 1994, n° 91-40.025, publié (N° Lexbase : A0874ABY), Bull. civ. V, n° 269 ; RTD civ., 1995, p. 890, obs. P. Jourdain ; D., 1995, p. 440, note Ch. Radé ; Cass. soc., 28 octobre 1997, n° 28-40.509, Bull. civ. V, n° 339 ; D., 1998, p. 219, note Ch. Radé ; RDSS, 1998, p. 121, obs. P.-Y. Verkindt ; Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-22.875, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1882H4H), Bull. civ. V, n° 287 ; JCP éd. E, 2012, n° 11, 1191, obs. A. Bugada ; Dr. soc., 2012, 208, obs. P. Chaumette ; Cass. soc., 30 novembre 2016, n° 15-15.162 F-D (N° Lexbase : A8476SNA) ; Ch. Radé, Préjudices et indemnisation : à la croisée des disciplines (Heurs et malheurs du principe de réparation intégrale en droit du travail), Dossier « Préjudice et indemnisation en droit social » (dir. A. Charbonneau et J. Porta), Dr. ouvr., 2015, p. 441.

newsid:472870

Filiation

[Brèves] Enfant né d’une PMA à l’étranger et transcription de l’acte de naissance instituant parents légaux la mère biologique et son épouse

Réf. : Cass. civ. 1, 18 mars 2020, n° 18-15.368, FS-P+B (N° Lexbase : A48583K7)

Lecture: 4 min

N2874BY4

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 02 Avril 2020

► Il se déduit articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant (N° Lexbase : L6807BHL) et 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR), ensemble l’article 47 du Code civil (N° Lexbase : L1215HWW) que, en présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de naissance étranger d’un enfant, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né d’une assistance médicale à la procréation ni celle que cet acte désigne la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à sa transcription sur les registres français de l’état civil, lorsque l’acte est probant au sens de l’article 47 du Code civil.

Tel est le rappel opéré par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 18 mars 2020 (Cass. civ. 1, 18 mars 2020, n° 18-15.368, FS-P+B N° Lexbase : A48583K7 ; déjà en ce sens, cf. Cass. civ. 1, 18 décembre 2019, n° 18-14.751, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8961Z8E, lire N° Lexbase : N1708BYW).

Dans cette affaire, aux termes de son acte de naissance dressé par le bureau de l'état civil de l'arrondissement de Kensington et Chelsea (Royaume-Uni), un enfant était né le 1er octobre 2014 à Chelsea, ayant pour mère Mme A. et pour parent Mme B., son épouse, la première étant de nationalité australienne et la seconde de nationalité française. Les intéressées avaient eu recours à une assistance médicale à la procréation au Royaume-Uni.

Le consulat général de France à Londres ayant refusé de transcrire l'acte de naissance sur les registres de l’état civil consulaire, au motif que la filiation n’était pas établie avec Mme B., qui seule avait la nationalité française, Mmes B. et A. avaient assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes afin de voir ordonner la transcription de l'acte de naissance de l’enfant sur les registres français de l'état civil.

Pour rejeter la demande de transcription, la cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 18 décembre 2017, n° 16/09525 N° Lexbase : A6213W8M) avait retenu que l'acte de naissance dressé au Royaume-Uni instituait comme parent légal Mme B. sans qu'une adoption ait consacré le lien de filiation à l'égard de l’épouse de la mère biologique de l'enfant et que cet acte ne correspondait pas à la réalité, en l'absence de statut juridique conféré à la maternité d'intention et alors qu'un enfant ne peut avoir qu'une seule mère biologique. Il ajoutait que la mère qui avait accouché étant de nationalité australienne, la filiation envers Mme B., ressortissante française, n'était pas établie, de sorte que la demande de transcription sur les registres français de l’état civil devait être rejetée, le grief pris de la violation des conventions internationales étant en conséquence inopérant.

La décision est censurée par la Cour suprême, dès lors, selon elle, qu’il résultait de ses constatations que les actes de l’état civil étrangers étaient réguliers, exempts de fraude et avaient été établis conformément au droit anglais en vigueur.

Adoption. On rappellera, par ailleurs, que la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que le recours à l'assistance médicale à la procréation, sous la forme d'une insémination artificielle avec donneur anonyme à l'étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l'adoption, par l'épouse de la mère, de l'enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l'adoption sont réunies et qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant (Cass. avis, 22 septembre 2014, n° 15010 N° Lexbase : A9175MWQ et n° 15011 N° Lexbase : A9174MWP).

♦ GPA. On relèvera encore que la décision ici rendue s’inscrit dans la lignée de l’évolution de la jurisprudence retenue dans le cadre de la transcription de l’acte de naissance, et plus généralement de la reconnaissance de la filiation, d’un enfant né de gestation pour autrui (GPA) à l’étranger : pour aller plus loin, cf. l’Ouvrage « La filiation », La gestation ou maternité pour autrui  (N° Lexbase : E4415EY8).  

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Responsabilité

[Brèves] Modalités d’évaluation des pertes de gains professionnels actuels et futurs résultant d’un accident de la circulation permettant la détermination de l’assiette du recours subrogatoire des tiers payeurs

Réf. : Cass. crim., 17 mars 2020, n° 19-81.332, F-P+B+I (N° Lexbase : A48633KC)

Lecture: 5 min

N2832BYK

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par Manon Rouanne

Le 01 Avril 2020

► Dans le cadre de la détermination de l’assiette du recours des tiers payeurs, subrogés dans le droit d’action de la victime d’un accident de la circulation et exerçant, dès lors, contre le responsable, une action subrogatoire pour obtenir remboursement des sommes versées à la victime en réparation des préjudices résultant de l’accident, l’évaluation du montant alloué en réparation des pertes de gains professionnels actuels (ci-après PGPA) et futurs (ci-après PGPF), d’une part, ne doit pas se fonder sur le salaire de la victime après impôts dans la mesure où les dispositions relatives aux impôts sur le revenu sont sans incidence sur les obligations du responsable d’un dommage corporel et sur le droit à réparation de la victime et, d’autre part, doit prendre en compte les intérêts au taux légal à compter de la demande en paiement et non à compter du prononcé de la décision car la créance du tiers payeur n’est pas indemnitaire mais porte sur le paiement d’une somme d’argent et produit, ainsi, intérêt au jour de la demande.

Telles sont les précisions apportées, dans le cadre de la détermination de l’assiette du recours subrogatoire des tiers payeurs ayant indemnisé la victime, quant aux modalités d’évaluation de la somme allouée en réparation des préjudices subis, par la Chambre criminelle de la Cour de cassation statuant sur les intérêts civils dans un arrêt en date du 17 mars 2020 (Cass. crim., 17 mars 2020, n° 19-81.332, F-P+B+I N° Lexbase : A48633KC).

Dans cette affaire, la caisse nationale suisse d’assurances en cas d’accident (ci-après CNA-Suva) ainsi que l’assureur de la victime d’un accident de la circulation ont indemnisé celle-ci des préjudices en résultant et, subrogés dans les droits de la victime, se sont, ensuite, pour obtenir remboursement des sommes ainsi versées, retournés contre le responsable de l’accident déclaré coupable de blessures involontaires aggravées ayant entraîné une incapacité temporaire de travail inférieure à trois mois.

Statuant sur les intérêts civils, la cour d’appel, pour déterminer l’assiette du recours subrogatoire de la CNA-Suva, s’est, dans l’évaluation du montant alloué au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs qui devra être remboursé, à cette dernière, par le responsable, fondée sur le salaire de la victime après impôts et a intégré, à ce montant, les intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision.

Contestant les modalités d’évaluation, par les juges du fond, des préjudices consistant dans les pertes de gains professionnels actuels et futurs résultant de l’accident de la circulation subi par la victime, permettant de déterminer le montant de la créance détenue par les tiers payeurs à l’encontre du responsable et dont ils demandent le recouvrement par subrogation dans le droit d'action de la victime, ces derniers ont formé un pourvoi en cassation.

Comme moyens au pourvoi, les demandeurs ont, dans un premier temps, allégué la violation, par la juridiction de second degré, du principe de la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit pour la victime en se basant, pour déterminer le montant correspondant à l’indemnisation des PGPA et PGPF, sur le salaire net après impôt de la victime alors que les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l’indemnisation de la victime. Dans un second temps, les tiers payeurs ont contesté, devant la Cour de cassation, le fait, pour les juges du fond, d’avoir condamné le responsable de l’accident à leur rembourser une somme correspondant à l’indemnisation des PGPA et PGPF subies par la victime avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, alors que la créance du tiers payeur, qui est poursuivie par subrogation dans le droit d’action de la victime, ne présente pas un caractère indemnitaire et se borne au paiement d’une somme d’argent, de sorte qu’elle produit intérêts au jour de la demande en paiement et non au jour du jugement.

Apportant des précisions quant aux modalités d’évaluation des PGPA et PGPF résultant d’un dommage corporel, la Cour de cassation rejoint les demandeurs au pourvoi quant aux éléments à prendre en compte pour évaluer ces préjudices et, ainsi, définir l’assiette du recours subrogatoire des tiers payeurs et casse l’arrêt rendu par la cour d’appel.

A l’instar des demandeurs au pourvoi, la Haute juridiction affirme d’une part, que les dispositions relatives aux impôts sur le revenu sont sans incidence sur les obligations du responsable d'un dommage corporel et sur le droit à réparation de la victime et, d’autre part, que la créance du tiers payeur, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime, n'est pas indemnitaire, mais porte sur le paiement d'une somme d'argent et produit intérêts au jour de la demande pour en déduire que l’évaluation de la somme correspondant à la réparation des PGPA et PGPF qui devra être remboursée, par le responsable de l’accident, aux tiers payeurs subrogés dans les droits de la victime, ne doit pas se fonder sur les salaires de la victime après impôts et doit intégrer les intérêts au taux légal non pas à compter du jugement mais à compter de la demande en paiement formée par les tiers payeurs.

 

newsid:472832