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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Loin de nous l'idée de porter un tel jugement à l'encontre de la direction des musées de France, notamment, à l'occasion d'une offre d'achat d'un pastel de Degas, titré Au théâtre, l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Paris, le 20 octobre 2011, ne nous renseignant pas sur l'issue de cette tentative d'acquisition... Ce que l'on sait, en revanche, c'est que l'Etat s'est vu condamné à verser la somme de 119 659,84 euros TTC à la société d'expertise qu'il avait missionnée pour évaluer l'oeuvre, alors qu'il pensait n'être redevable que de la somme de... 10 000 euros.
Que voulez-vous ? Le montant des honoraires n'était pas mentionné explicitement dans l'accord d'expertise, il résultait d'une formule calculée sur la base de "cinq pour mille de la valeur qui sera convenue conjointement avec l'expert désigné par le propriétaire de l'oeuvre ou, dans le cas où il serait impossible de trouver une valeur conjointe, de trois pour mille de l'estimation la plus élevée". Et, comme le souligne le juge administratif, lorsque la direction des musées de France a confié l'expertise en litige à la société requérante, elle avait connaissance des modalités de détermination du prix, au sens de l'article 12 du Code des marchés publics, et était à même, compte tenu de ses compétences techniques dans son domaine d'attributions, de déterminer l'ordre de grandeur de la rémunération auquel le mode de calcul indiqué par la société allait conduire. Ainsi, elle doit être regardée comme ayant nécessairement accepté de verser les honoraires qui avaient été proposés par la société requérante préalablement à son intervention et dont elle ne pouvait ignorer le montant élevé.
Chacun conviendra qu'après lecture de cette décision, il persiste comme un goût amer, lorsque l'on sait les efforts de discipline budgétaire que l'on impose, chaque jour un peu plus, aux administrations, aux entreprises comme aux ménages. La bévue est d'envergure, certes ; mais l'est-elle tout autant au regard du prix d'évaluation de l'oeuvre en cause : 20 010 005 euros, que l'Etat pourrait débourser pour l'acquérir ?
Il n'est nullement question, ici, bien entendu, de revenir sur l'opportunité de l'achat de telle ou telle oeuvre d'art, par les musées de France. Il est des politiques de conservation du patrimoine culturel, à l'heure de la mondialisation du marché de l'art, qui justifient, sans doute, un effort national, pour ne pas devoir traverser l'Atlantique ou l'Oural, pour admirer, notamment, les tableaux de nos plus grands impressionnistes. La question juridique soulevée par l'arrêt ne fournit pas, elle non plus, matière à discussion. Tout au plus saluerons-nous l'analyse des juges parisiens pour lesquels le prix, mentionné obligatoirement dans le cadre de la passation d'un marché de prestation de services, doit surtout être quantifiable, à défaut d'être quantifié. Et, compte tenu du fait qu'il est d'usage, dans la profession d'expert, de calculer le montant des honoraires sur la valeur de l'oeuvre expertisée, on comprend dès lors le pragmatisme de la cour. Et, l'on s'étonnera essentiellement du fait que le pouvoir adjudicataire, lui-même expert, n'ait pas pris, avant toute mission d'évaluation confiée à un tiers indépendant, l'ordre de grandeur de la valeur du pastel de Degas.
En revanche, cette décision, qui sera mentionnée aux tables du recueil Lebon, pose, tout de même, plusieurs interrogations sur la nature même de la prestation d'expertise d'une oeuvre d'art, comme sur son cadre juridique.
D'abord, on pourrait s'étonner que, malgré "ses compétences techniques", comme le soulignent à raison les juges parisiens, la direction des musées de France doit recourir à un tiers expert indépendant pour évaluer une oeuvre qu'elle envisage d'acquérir. Le refus de la première offre d'achat, par le propriétaire du pastel, aura sans doute échaudé la direction des musées de France, et celle-ci aura cru bon de recourir à une société d'expertise pour évaluer l'oeuvre, en commun accord avec l'expert mandaté par le propriétaire. L'administration ne pouvant pas être juge et partie, l'expert ne pouvait être qu'un expert de droit privé, étant rappelé que le décret n° 70-51 du 8 janvier 1970, prévoit à l'article 7 que "ne peuvent occuper les emplois régis par le présent décret, les personnes qui se livrent directement ou indirectement ou dont le conjoint se livre au commerce ou à l'expertise des oeuvres d'art et des objets de collection". Et, les décrets n° 90-404 et 90-405 du 16 mai 1990, portant statut particulier des corps des conservateurs et conservateurs généraux du patrimoine, concernent non plus les seuls conservateurs des musées mais aussi ceux relevant des spécialités suivantes : archéologie, archives, inventaire général et monuments historiques. D'aucuns soulignent ainsi que l'interdiction de faire des expertises pour des tiers est indispensable pour que les conservateurs préservent leur impartialité et leur objectivité, et pour qu'ils n'apparaissent pas comme juge et partie lors d'opérations d'enrichissement des collections publiques. Soit ! Mais d'autres insisteront sur la nécessité de développer une capacité d'expertise de niveau international, en s'interrogeant, à cet égard, "sur la légitimité des règles qui interdisent aux conservateurs de faire état de leur opinion d'expert, soulignant que, dans son domaine d'activité, on encourageait les chercheurs à établir des liens avec les entreprises, et que, par ailleurs, il est tout à fait admis que les professeurs de droit donnent des consultations juridiques" (cf. audition de M. Jean-Pierre Changeux, président de la commission des dations, devant le Sénat). Alors si l'on peut comprendre le fait qu'un opérateur privé ne puisse faire appel à un expert public pour évaluer une oeuvre, on peine à entrevoir les raisons poussant un opérateur public à recourir aux compétences d'une société privée pour évaluer un bien à acquérir, lorsqu'elle dispose en son sein des meilleurs spécialistes de l'art.
C'est que, comme le souligne André Chandernagor, "le mélange des genres aboutirait inévitablement à la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat". Dans les esprits, plane l'ombre de Poussin, ou plutôt de sa jurisprudence.
On se souvient que les époux Saint-Arroman avaient fait vendre aux enchères publiques un tableau attribué par tradition familiale à Nicolas Poussin mais inscrit, après avis d'un expert missionné par le commissaire-priseur, au catalogue de la vente comme attribué à l'Ecole des Carrache avec leur assentiment. Adjugée pour 2 200 francs, en février 1968, cette oeuvre, qui représentait Apollon et Marsyas, avait été adjugée à un marchand, mais a été préemptée par l'Etat, pour le musée du Louvre. Celui-ci l'a exposée ensuite comme une oeuvre de Poussin. Par jugement du 13 décembre 1972, le tribunal de grande instance de Paris avait prononcé la nullité de la vente pour vice de consentement des vendeurs en raison de l'erreur sur la substance. Et, après plusieurs péripéties judiciaires, dont deux renvois après cassation, la cour d'appel de Versailles, par arrêt du 7 janvier 1987, avait ordonné la restitution du tableau et du prix de vente reçu, considérant que les époux Saint-Arroman avaient fait une erreur portant sur la qualité substantielle et déterminante de leur consentement. Le tableau avait été adjugé, en décembre 1998, pour 7 400 000 francs.
Cette jurisprudence a ouvert la voie à nombre de contentieux de ce type, dont le dernier, en date du 20 octobre 2011, écarte l'erreur substantielle, considérant que l'installation de la marqueterie incontestée Boulle sur un meuble d'époque Louis XVI et l'estampille C.I. Dufour constituaient son originalité, et que les époux P. s'en étaient portés acquéreurs en considération de ces éléments, comme de la provenance du meuble issu de la collection Salomon de Rothschild. Soutenant avoir découvert que le meuble avait été transformé au XIXème siècle et non simplement restauré, les époux P. avaient poursuivi l'annulation de la vente et recherché la responsabilité du commissaire-priseur et de l'expert, mais sans succès.
Et, cette affaire "Poussin" rappelle, surtout, que, si les achats d'oeuvres et objets d'art ou de collection par les musées sont précédés de procédures internes qui les mettent en principe à l'abri de décisions hâtives ou mal fondées, ils sont conclus dans les mêmes conditions que les achats pratiqués par des collectionneurs privés. D'une part, elle consacre définitivement la possibilité, jusque-là contestée ou du moins admise avec réticence, donnée au vendeur aussi bien qu'à l'acheteur, d'invoquer l'erreur sur la substance dont il aurait été victime ; d'autre part, elle admet que la preuve de l'erreur peut résulter de l'analyse des consentements échangés (et non seulement des qualités objectives de l'objet concerné), ce qui conduit donc à accepter une théorie subjective de l'erreur sur la substance. Par ailleurs, elle a confirmé une position constante de la jurisprudence en matière de ventes aux enchères publiques, selon laquelle les contestations en matière d'erreur sur la substance doivent être considérées comme nées directement entre le vendeur et l'acheteur. Il n'y a qu'un pas à ce que l'on suspecte, dès lors, les musées de délit d'initié !
Avec son esprit rationnel, sa confiance dans les vertus de la science, le Français a du mal à admettre que l'histoire de l'art ne soit pas une science exacte, permettant de distinguer le vrai du faux, de tracer une ligne de démarcation claire et, surtout, stable entre la vérité et l'erreur.
Telle est donc, certainement, la cause de cette expertise ordonnée par la direction des musées de France et diligentée par une société reconnue pour sa spécialisation dans les oeuvres de Degas. S'assurer de l'authenticité et de la valeur marchande de l'oeuvre, telle est l'obligation qui est désormais faite aux musées français pour ne pas craindre la restitution ou la surévaluation de l'oeuvre bien des années après son acquisition. Car, si l'acquéreur peut invoquer l'erreur substantielle, le vendeur le peut tout autant. Mais, reconnaissons avec Jacques Thuillier, Professeur au Collège de France, que par cette jurisprudence "Poussin", les juges frustrent les musées "de leur intuition géniale, du fruit de leurs recherches et des intérêts de la somme immobilisée, au profit d'une personne qui n'avait jamais prêté la moindre attention à l'oeuvre". Il ne faudrait pas que, par une sorte de conception absolue de l'authenticité, considérée comme à la fois objective et immuable, alors qu'elle est une affaire d'opinion -de celles des autorités du moment-, on en vienne à frustrer les musées des fruits de leur compétence.
Mais, si la question du recours à un tiers expert s'éclaircit, celle du quantum des honoraires demeure. On sait, depuis un arrêt du 3 avril 2007 rendu par la Cour de cassation, que le commissaire-priseur ou l'expert qui affirme l'authenticité d'une oeuvre d'art sans assortir son propos de réserves engage sa responsabilité sur cette assertion ; l'expert peut donc être appelé en garantie en cas d'action intentée par la victime de l'erreur substantielle. Pour autant, cette garantie inhérente à sa mission d'expertise justifie-t-elle que le montant des honoraires soit calculé selon la valeur de l'oeuvre expertisée ? Là encore, il est à craindre que l'expert indépendant soit juge et partie du montant de ses honoraires, bien qu'il n'ait pas intérêt à surévaluer la valeur de l'oeuvre, sauf à engager sa responsabilité... Mais, combien d'années plus tard ? Sur la base de quelle valeur, établie à quel moment ? Il n'est pas certain que l'instauration d'un Code de déontologie, non réglementaire, et de la norme NF X 50-110 réunissant les règles applicables à la pratique de l'expertise, dites prescriptions générales de compétence et d'aptitudes requises pour élaborer une expertise, apporte toutes les solutions à la déontologie nécessaire en pareil cas, même si elle y contribue. En revanche, l'utilisation de la loupe binoculaire, de microscopie optique, de la fluorescence sous éclairage U.V., de la photographie et réflectographie infrarouge, de l'endoscopie macro et microscopique, de la tomographie, de la spectrométrie d'absorption infrarouge ou de la microscopie électronique à balayage, etc., réduit considérablement, au XXIème siècle, le risque d'erreur résultant de l'expertise. Et, se pose, à nouveau, la question du quantum des honoraires : quel montant, pour quel risque ? Celui d'être désavoué par un autre expert, bien des années plus tard... Mais n'est-ce pas le propre de l'évaluation de l'art et de l'histoire de l'art en général, à travers les âges ?
Finalement, à trop vouloir protéger ses arrières, par crainte d'une nouvelle affaire "Poussin", la direction des musées de France se voit contrainte de débourser une somme importante, uniquement pour l'évaluation d'une oeuvre dont il était envisagé l'acquisition, sans avoir la totale assurance de ne pas flouer le propriétaire -conception étrange d'un marché libéré de l'art- et de ne pas être flouée elle-même.
"L'art est un jeu entre tous les hommes de toutes les époques" disait Marcel Duchamp (cité par David Rosenberg, dans Art game book : Histoire des arts du XXème siècle ).
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 08 Mai 2012
Et de se poser les questions suivantes : ne faudrait-il pas avertir l'utilisateur des réseaux sociaux des risques encourus ? Faut-il légiférer ?
Christiane Féral-Schuhl rappelle que la raison pour laquelle le droit à l'oubli n'est pas passé est que ses opposants militent pour le devoir de mémoire. Au final il semblerait qu'aucune solution idéale ne se dessine...
L'avocat est un internaute exerçant une profession. Il doit bien évidemment utiliser les réseaux sociaux mais tout en étant conscient que la publication s'inscrit dans le marbre et a une diffusion mondiale. Toute la difficulté réside dans la distinction entre l'amical et le professionnel. Le serment prêté par les avocats rappelle les règles de délicatesse et de confidentialité. Qu'en est-il alors si un avocat est "ami" avec un magistrat ? Avec un client ? De même, la fonction de géolocalisation est problématique pour un avocat soumis au secret professionnel.
Enfin, il faut rappeler les règles relatives à la publicité ; ce qui est applicable sur les sites internet s'applique également aux réseaux sociaux. La publicité ne doit se faire uniquement qu'à des fins d'informations.
Pour le Bâtonnier désigné, les dispositions du règlement intérieur national (N° Lexbase : L4063IP8) sont adaptées au web 2.0, la seule difficulté étant, sur Paris, celle du contrôle ordinal, le barreau regroupant près de 24 000 avocats.
Sur ce sujet, Michèle Brault, membre du conseil de l'Ordre et de la Commission publicité, a rappelé la réglementation applicable.
Réglementée par les articles 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), 15 du décret du 12 juillet 2005 (N° Lexbase : L6025IGA) et 10 du règlement intérieur national, la publicité de l'avocat est autorisée, dès lors qu'elle procure une information au public et que sa mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession. Sont, en revanche, interdits, le démarchage, la publicité comparative et les indications relatives à l'identité des clients. Avant que le Conseil national des barreaux ne modifie la rédaction de l'article 10 du RIN, de nombreuses dérives avaient été constatées sur internet et dénoncées. En effet, certains avocats s'étaient attribués des noms de domaines laissant penser que leurs sites émanaient des structures représentatives de la profession, voire participaient directement à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la norme elle-même : "accidentdutravail.net", "maladies-professionnelles.fr", "controle-urssaf.com", "droitdelasecuritesociale.com", etc..
Aujourd'hui, l'article 10.6 du RIN est très clair. D'abord, l'avocat qui ouvre ou modifie un site internet doit en informer le conseil de l'Ordre sans délai et lui communiquer les noms de domaine qui permettent d'y accéder. Ensuite, le nom de domaine doit comporter le nom de l'avocat ou la dénomination exacte du cabinet, qui peut être suivi ou précédé du mot "avocat". La nouvelle version du RIN interdit dorénavant les noms de domaine évoquant de façon générique le titre d'avocat ou un titre pouvant prêter à confusion, un domaine du droit ou une activité relevant de celles de l'avocat.
Le site de l'avocat ne peut comporter aucun encart ou bannière publicitaire, autres que ceux de la profession, pour quelque produit ou service que ce soit.
De même, il ne peut comporter de lien hypertexte permettant d'accéder directement ou indirectement à des sites ou à des pages de sites dont le contenu serait contraire aux principes essentiels de la profession d'avocat. Là encore, il appartient à l'avocat de faire une déclaration préalable au conseil de l'Ordre de tout lien hypertexte qu'il envisagerait de créer.
Cette disposition du RIN trouve aussi à s'appliquer à l'avocat qui participe à un blog ou à un réseau social en ligne.
Michèle Brault rappelle qu'il y a donc quelques écueils principaux à éviter :
- ne pas revendiquer de spécialités dès lors qu'elles n'ont pas été validées par l'Ordre (lire N° Lexbase : N2946BSW) ;
- éviter de faire apparaître une dénomination de structures ou de réseaux qui n'existerait pas à proprement parler puisque non validée par l'Ordre ;
- ne faire figurer ni références clients, ni témoignages laudateurs.
Enfin, Laurent Caron, avocat au barreau de Paris, a rappelé l'importance de la sécurisation des échanges dans les cabinets, notamment concernant la messagerie électronique, l'agenda de l'avocat ou encore le carnet d'adresse, ces données étant très sensibles. Selon lui, l'informatique des avocats constitue une infrastructure au service des clients et des libertés.
D'ailleurs, la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) a mis en ligne, le 2 novembre dernier, un guide pratique à destination des avocats, élaboré en concertation avec le Conseil national des barreaux, qui apporte des réponses concrètes aux questions que les avocats peuvent se poser, que ce soit en qualité de responsable de traitement ou de conseil auprès de leurs clients. Le respect par les avocats des règles de protection de ces données est un facteur de transparence et de confiance à l'égard de la profession. C'est également un gage de sécurité juridique pour les avocats eux-mêmes qui sont responsables de leurs fichiers ou de ceux de leurs clients.
Ce guide avocat aborde, des thèmes aussi variés que les fichiers relatifs aux clients, l'accès au dossier professionnel, le contrôle de l'activité des membres d'un cabinet ou de ses accès, les problématiques liées à l'utilisation d'internet, les transferts de données à caractère personnel en dehors de l'Union européenne.
Et Laurent Caron de conclure que, pour l'avocat, le choix de son infrastructure informatique est un choix déontologique.
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par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)
Le 10 Novembre 2011
Après avoir, à l'article 1108 du Code civil (N° Lexbase : L1014AB8), expressément fait du "consentement de la partie qui s'oblige" l'une des quatre "conditions [...] essentielles pour la validité d'une convention", et avoir indiqué, à l'article 1109 (N° Lexbase : L1197ABX), qu'"il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol", l'article 1110 (N° Lexbase : L1198ABY) précise les cas dans lesquels l'erreur est susceptible d'entraîner la nullité du contrat. Ainsi est-il énoncé, dans un alinéa premier, que "l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet", tandis que l'alinéa second, lui, exclut que la nullité puisse résulter d'une erreur sur la personne du cocontractant, "à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention". Si l'erreur sur la personne ne donne lieu, en définitive, qu'à un contentieux assez limité, du moins en droit commun des obligations (l'erreur de l'article 180 du Code civil N° Lexbase : L1359HI8 en droit de la famille ayant connu, à une époque récente, un relatif regain d'intérêt, notamment lorsqu'on s'est demandé si la virginité pouvait constituer une qualité essentielle au sens du texte (1)), il en va différemment de l'erreur sur la substance, particulièrement dans le domaine de la vente d'oeuvres d'art, où la jurisprudence a décidé que l'authenticité constituait bien, précisément, une qualité substantielle (2).
En l'espèce, lors d'une vente aux enchères publiques, des époux avaient acquis un meuble mis en vente par la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques (FAGP) et présenté au catalogue sous les mentions suivantes : "table à écrire en marqueterie Boulle et placage ébène. Elle s'ouvre à deux tiroirs sur les côtés et repose sur des pieds fuselés. Riche ornementation de bronze ciselé et doré à décor masques rayonnants, rosaces, frises de fleurs et de feuilles, sabots feuillagés. Estampillé C.I. B... et J.M.E., époque Louis XVI (accidents et restaurations) H.79 cm. L.93 cm. P.63 cm, mise à prix 60/80 000 francs". Soutenant avoir découvert que le meuble avait été transformé au XIXème siècle et non simplement restauré, les acquéreurs ont, entre autres, poursuivi l'annulation de la vente pour erreur. Alors que la Cour de cassation, sur premier pourvoi, avait effectivement accueilli cette demande, décidant, sous le visa de l'article 1110 du Code civil, que "les mentions du catalogue, par leur insuffisance, n'étaient pas conformes à la réalité et avaient entraîné la conviction erronée et excusable des acquéreurs que bien que réparé et accidenté [le] meuble n'avait subi aucune transformation depuis l'époque Louis XVI de référence" (3), la cour d'appel de renvoi a résisté (4), refusant d'admettre la nullité. Sur second pourvoi, la Cour de cassation se rallie finalement à la position des juges du fond, énonçant en effet, pour écarter l'erreur, "qu'après avoir constaté que l'installation de la marqueterie incontestée Boulle sur ce meuble d'époque Louis XVI et l'estampille C.I. B... constituaient son originalité, la cour d'appel a estimé que les époux Z s'en étaient portés acquéreurs en considération de ces éléments, comme de la provenance du meuble issu de la collection Salomon de Rothschild".
L'arrêt est intéressant en ce qu'il montre que la seule insuffisance, appréciée purement objectivement, des mentions du catalogue ne permet pas d'établir à coup sûr l'existence d'une erreur sur la substance. Sans doute ces mentions constituent-elles, pour les magistrats, un outil précieux en la matière, notamment toutes les fois que, parce que trompeuses, il est avéré qu'elles ont conduit le contractant à se méprendre sur la qualité de la chose déterminante de son consentement : ainsi a-t-on admis la nullité pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue de la vente aux enchères d'une oeuvre dont le catalogue ne mentionnait pas qu'il s'agissait seulement d'une partie d'un décor de scène créé par Dali et non d'une oeuvre réalisée par Dali lui-même, la qualification de "tableau", s'agissant d'une simple partie de châssis de coulisse, étant inexacte (5). Mais il reste que, pour que l'erreur puisse effectivement être établie, il faut toujours démontrer qu'elle porte sur un élément déterminant du consentement (6). Aussi bien, lorsqu'il ressort des circonstances de fait que la fausse représentation de la réalité n'a pas été déterminante du consentement, ce qui suppose par hypothèse que le motif impulsif et déterminant du consentement ait résidé ailleurs, on ne saurait induire de la seule insuffisance des mentions du catalogue une erreur. Pour le dire autrement, toutes les fois que les circonstances de fait permettent de considérer qu'en dépit de l'insuffisance des mentions du catalogue, le contractant aurait bien contracté, et ce parce que, en tout état de cause, le motif déterminant de son consentement ne tenait pas à la fausse représentation de la réalité, il n'y a pas lieu d'admettre l'erreur.
Tel paraissait précisément être le cas en l'espèce, les acquéreurs ne démontrant pas qu'ils avaient consenti à la vente en considération de la seule intégrité matérielle du bien en son entier et avec la volonté d'acquérir un meuble conservé dans son état d'origine ou restauré par des artistes ayant appliqué les mêmes techniques et utilisé les mêmes matériaux que l'ébéniste ayant construit le meuble. Sous cet aspect, la solution de l'arrêt mérite d'être approuvée, en ce qu'elle correspond, d'un point de vue méthodologique, à la conception subjective de l'erreur sur la substance : l'insuffisance des mentions du catalogue, soit ; mais ce qui importe avant tout, c'est la qualité de la chose déterminante du consentement. Là où l'on éprouvera tout de même une certaine gêne à la lecture de l'arrêt, c'est dans le fait que les magistrats ne se contentent pas d'affirmer que les demandeurs ne rapportent pas la preuve de l'erreur, mais, allant au-delà, énoncent que "l'installation de la marqueterie incontestée Boulle sur ce meuble d'époque Louis XVI et l'estampille C.I. B.." en constituaient l'originalité et, donc, la raison pour laquelle les époux acquéreurs avaient entendu contracter. En somme, le juge vient dire ce qui doit être considéré comme constituant, plus objectivement (selon l'opinion commune ?) que subjectivement nous semble-t-il, la qualité substantielle (7). Mais peut-être est-ce la rançon d'une notion aussi psychologique, et donc difficile à saisir, que l'erreur...
La définition de la clause pénale fait l'objet, depuis de nombreuses années déjà, d'une jurisprudence abondante qui s'explique notamment par le souci d'encadrer et de cantonner le pouvoir de révision que le juge tient de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1253ABZ). Une partie de la doctrine, revenant à la distinction initiale faite par les rédacteurs du Code civil entre, d'une part, l'évaluation forfaitaire des dommages et intérêts visés par l'article 1152 et, d'autre part, la clause pénale de l'article 1226 (N° Lexbase : L1340ABA), a certes pu émettre l'idée selon laquelle la clause visée à l'article 1152 ne s'identifierait pas nécessairement à la clause pénale, ce texte, figurant dans une section relative aux dommages et intérêts dus en cas d'inexécution de l'obligation, concernant a priori toute convention relative aux dommages et intérêts (8). Autrement dit, le domaine du pouvoir judiciaire de révision, tel qu'il résulte de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil, serait plus étendu que celui de la clause pénale et serait "constitué par les hypothèses d'évaluation conventionnelle de sommes dues à titre de dommages-intérêts, pour le cas d'inexécution de la convention" (9). Toujours est-il que la Cour de cassation n'a pas entendu consacrer une telle analyse et décide, à tort ou à raison (10), de subordonner la mise en oeuvre du pouvoir de révision que le juge reçoit de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil à la qualification de la clause en clause pénale. Mais tel n'est pas le seul intérêt attaché à la définition de la clause ainsi qu'à la détermination de sa nature juridique et, par suite, de son régime : on s'est en effet demandé s'il était nécessaire, pour déclencher l'application de la pénalité contractuelle, que le créancier ait subi un préjudice du fait de l'inexécution imputable au débiteur ou bien, au contraire, si le seul constat de la faute du débiteur suffisait à mettre en oeuvre la clause, et ce même en l'absence de préjudice pour le créancier ? Un récent arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 4 octobre 2011, bien qu'inédit, mérite d'être ici signalé dans la mesure où il vient confirmer une solution qui nous paraît, au plan des principes, parfaitement cohérente.
Les faits de l'espèce, dont l'arrêt ne livre d'ailleurs pas toute la substance, révèlent tout de même que l'affaire opposait un maître de l'ouvrage à un maître d'oeuvre, celui-ci ayant, à la suite de l'abandon du projet par le maître de l'ouvrage, réclamé l'application d'une clause du contrat fixant le montant de l'indemnité forfaitaire de résiliation représentant 20 % de la partie des honoraires qui lui aurait été versée en cas d'exécution de son entière mission. Les premiers juges ayant fait droit à cette demande, le maître de l'ouvrage contestait devoir cette indemnité, qui s'analysait en une clause pénale, dans la mesure où le maître d'oeuvre ne justifiait d'aucun préjudice. La Cour de cassation rejette cependant assez sèchement le pourvoi en énonçant que "la clause pénale, sanction du manquement d'une partie à ses obligations, s'appliquant du seul fait de cette inexécution, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes relatives à l'existence du préjudice".
La Cour de cassation confirme ainsi une solution déjà admise antérieurement (11) : la clause pénale s'applique dès lors qu'une inexécution contractuelle imputable au débiteur est établie, malgré l'absence de préjudice souffert par le créancier. Comme avait justement pu le dire un auteur, la règle suivant laquelle la production d'un préjudice est sans influence sur l'exécution de la peine est une conséquence logique de la primauté, "mieux de l'exclusivité" de la faute en matière de clause pénale : "puisque l'inexécution illicite est une condition suffisante de l'exécution de la peine, peu importe qu'un préjudice ait été causé" (12). C'est en effet pour inciter le débiteur à exécuter son obligation que les parties conviennent à l'avance que, si tel n'était finalement pas le cas, il devrait la pénalité prévue au contrat, pénalité qui, en cas de préjudice, se substitue aux dommages et intérêts de droit commun. On peut ainsi considérer que la garantie de l'exécution constitue la cause finale, donc le but poursuivi par les contractants, de la clause pénale, l'inexécution par le débiteur de l'obligation principale constituant, elle, la cause efficiente de la peine, autrement dit "le fait sans lequel ni l'exécution, ni même l'existence d'une peine ne sont concevables" (13). On comprend donc que, l'inexécution illicite étant le fondement nécessaire et suffisant de la clause pénale, l'existence d'un préjudice subi par le créancier du fait de cette inexécution ne soit pas nécessaire à l'exécution de la peine.
On pourrait, il est vrai, s'interroger sur le point de savoir si la solution ne risquerait pas d'être contournée dans l'hypothèse dans laquelle le débiteur, plutôt que de plaider l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir de la pénalité en raison d'une absence de préjudice, préfèrerait demander au juge de réviser le montant de la peine en application de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil, et ferait valoir, sur ce fondement, que, faute de préjudice, le juge devrait procéder à la suppression pure et simple de la clause. On n'ignore pas, en effet, que certaines décisions ont eu l'occasion de considérer que, en l'absence de préjudice pour le créancier, le juge, saisi d'une demande en révision au motif que la pénalité contractuelle serait manifestement excessive, dispose du pouvoir d'exonérer totalement le débiteur du paiement de la peine convenue (14). L'arrêt du 4 octobre 2011 ne permet pas bien de savoir si la demande consistait dans l'inapplicabilité de la clause litigieuse faute de préjudice ou dans la suppression de la clause par le juge qui exercerait son pouvoir de révision au sens de l'article 1152, alinéa 2. En tout état de cause, dans cette dernière hypothèse, on redira, après d'autres, que la suppression de la pénalité en l'absence de préjudice pour le créancier ne saurait être approuvée dans la mesure où cette solution conduit non seulement à faire peu de cas de la lettre même de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil qui n'a guère autorisé le juge qu'à "modérer" la peine manifestement excessive ou dérisoire, et non à la supprimer, mais encore et surtout, à méconnaître la nature réelle de ladite clause (15).
(1) Voir infra.
(2) Sur la question, v. not. Chatelain, Etudes Flour, Defrénois, 1979, p. 63 ; et pour des illustrations en jurisprudence : Cass. civ. 1, 23 février 1970, n° 68-13.563 (N° Lexbase : A6519CIB), JCP 1970, II, 16347 ; Cass. civ. 1, 22 février 1978, n° 76-11.551 (N° Lexbase : A0563AYI), Grands arrêts de la jurisprudence civile, n° 148 ; Cass. civ. 1, 13 janvier 1998, n° 96-11.881 (N° Lexbase : A2203ACL), Bull. civ. I, n° 17 ; Cass. civ. 1, 30 septembre 2008, n° 06-20.298 (N° Lexbase : A5831EA9), Bull. civ. I, n° 117.
(3) Cass. civ. 1, 30 octobre 2008, n° 07-17.523, F-P+B (N° Lexbase : A0616EBG).
(4) CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 21 septembre 2010, n° 08/21208 N° Lexbase : A1811GAC).
(5) Cass. civ. 1, 30 septembre 2008, préc..
(6) Ce qui explique d'ailleurs que, saisis d'une action en nullité pour cause d'erreur, les juges du fond apprécient souverainement les qualités qui, dans le contrat, doivent être considérées comme substantielles aux yeux des parties : Cass. civ. 1, 26 février 1980, n° 78-15.631 (N° Lexbase : A0416CKM), Bull. civ. I, n° 66 ; Cass. civ. 3, 9 juin 2010, n° 08-13.969, FS-D (N° Lexbase : A0010EZE) ; Contrats, conc., consom. 2010, n° 222, obs. L. Leveneur.
(7) Le juge ne fait-il d'ailleurs pas de même lorsqu'il s'agit d'apprécier l'erreur sur les qualités essentielles de la personne au sens de l'article 180 du Code civil ? V. not, au sujet du point de savoir si la virginité est une qualité essentielle de la personne (CA Douai, 1ère ch., sect. 1, 17 novembre 2008, n° 08/03786 N° Lexbase : A3937EBG, JCP éd. G, 2008, II, 10005, note Ph. Malaurie ; Adeline Gouttenoire,En mariage trompe qui peut..., Lexbase Hebdo n° 328 du 27 novembre 2008 - édition privée N° Lexbase : N7668BHH).
(8) Ph. Malaurie, La révision judiciaire des clauses pénales, Defrénois, 1976, art. 31075, p. 533 ; J. Mestre, Les conditions de la révision judiciaire dans le cadre de l'article 1152 du Code civil, de la peine convenue entre les parties, RTDCiv., 1985, p. 372 ; D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, préf. F. Chabas, n° 258.
(9) J. Mestre in RTDCiv., 1986, p. 103.
(10) Sur cette question, V. not. Ph. Malinvaud, De l'application de l'article 1152 du Code civil aux clauses limitatives de responsabilité, in L'avenir du droit, Mélanges F. Terré, Dalloz-PUF-JurisClasseur, 1999, p. 689.
(11) Cass. civ. 3, 12 janvier 1994, n° 91-19.540 (N° Lexbase : A6543ABX), Bull. civ. III, n° 5 ; Cass. civ. 3, 20 décembre 2006, n° 05-20.065, FS-P+B (N° Lexbase : A1023DT3), JCP éd. G, 2007, II, 10024, nos obs..
(12) D. Mazeaud, op. cit., spéc., n° 564, p. 322.
(13) D. Mazeaud, op. cit., n° 424.
(14) Cass. com, 28 avril 1980, n° 78-16.463 (N° Lexbase : A3169CKL), Bull. civ. IV, n° 167 ; Cass. com., 16 juillet 1991, n° 89-19.080 (N° Lexbase : A3027CUN), D., 1992, p. 365, note D. Mazeaud ; Cass. com., 14 octobre 1997, n° 95-11.448 (N° Lexbase : A1732AC7), Defrénois, 1998, art. 36753, p. 358, obs. D. Mazeaud.
(15) V. déjà, de façon tout à fait convaincante, la note de D. Mazeaud sous Cass. com., 16 juillet 1991, préc..
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 21 septembre 2011, n° 349149, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9827HXA)
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N8560BST
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par Frédéric Dieu, Maître des requêtes au Conseil d'Etat
Le 10 Novembre 2011
A - Les faits de l'espèce
Le projet de contrat était un marché de travaux. Un groupement représenté par la société X avait présenté une offre dont l'un des nombreux prix unitaires avait attiré, par sa faiblesse, l'attention du département, futur maître d'ouvrage. En réponse à un courrier interrogatif, le groupement avait confirmé une erreur et rectifié en indiquant qu'il ne fallait pas lire 22 euros mais 220 euros. De manière assez déloyale, la commission d'appel d'offres avait rejeté l'offre sans l'examiner au motif qu'elle était irrégulière dès lors qu'elle avait été modifiée en cours de procédure. Saisi par la société X, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (2) avait annulé la procédure au stade de l'examen des offres.
Après avoir affirmé que le candidat à un marché ne peut pas, sans que soit méconnu le principe d'égalité, modifier la teneur de son offre mais seulement la compléter ou la préciser selon les termes du I de l'article 59 du Code des marchés publics, l'ordonnance énonçait une exception à cette règle : est possible la rectification d'erreurs matérielles "notamment lorsque celles-ci sont minimes et n'apparaissent pas susceptibles d'avoir une influence sur la comparaison entre les offres et le choix des candidats". Appliquant cette grille, le juge des référés estimait qu'il y avait bien erreur matérielle compte tenu des explications de la société et de ce que l'incidence sur le montant de l'offre de cette erreur était négligeable (0,008 % du prix total du marché), et rendait donc sa correction possible.
La question qui se posait au Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi du département, était donc de savoir s'il était possible de modifier une offre afin de rectifier une erreur matérielle et, dans l'affirmative, d'indiquer quels étaient les critères d'identification d'une erreur matérielle en général. Autrement posée, la question était de savoir si un candidat peut, sans voir son offre éliminée de ce seul fait, rectifier une erreur matérielle de lui-même ou sur invitation du pouvoir adjudicateur.
B - Une jurisprudence contrastée
1 - Une jurisprudence restrictive en ce qui concerne la présentation des offres
Contrairement aux apparences, le I de l'article 59 du Code des marchés publics, qui permet au pouvoir adjudicateur de "demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre", ne permet pas à un candidat de modifier une offre incomplète ou imprécise. Il donne seulement au pouvoir adjudicateur la possibilité de solliciter des candidats des précisions (ou des compléments) sans que la réponse puisse, en principe, prendre la forme d'une modification.
Pour l'application de ce texte qui n'a pas changé au cours des différentes modifications du code, la jurisprudence du Conseil d'Etat regarde avec circonspection, voire suspicion, toute intervention de l'autorité chargée de l'examen des offres. Le défaut de signature de l'offre par le dirigeant de l'entreprise ou son gérant est, ainsi, un vice obligeant la commission à rejeter l'offre sans être tenue, ni même habilitée, à inviter l'entreprise à régulariser (3). Une commission d'appel d'offres ne peut pas non plus retenir une offre irrégulière sous réserve de régularisation postérieure, quel que soit le motif de l'oubli ou de l'erreur (4), car aucune régularisation ne peut être admise (5). De manière générale, une intervention de la commission porte en elle le risque d'une rupture d'égalité entre les candidats (6) : dans cette décision a, en effet, été jugée illégale une procédure d'attribution d'un marché au cours de laquelle la commission d'appel d'offres avait rectifié les prix d'une entreprise d'une manière ayant eu pour effet "de rendre plus avantageuse les propositions d'une autre entreprise".
En conséquence, seules des erreurs minimes sont regardées comme n'ayant pas vicié la procédure : tel est le cas lorsqu'une photocopie d'une attestation du candidat n'était pas certifiée conforme par ce même candidat (7), ou encore lorsqu'une pièce devant figurer dans l'enveloppe de l'offre figurait dans le dossier avec les autres pièces relatives à la candidature (8). Une correction de l'offre du fait de l'omission d'un prix a, certes, été regardée comme possible mais ce prix, seul oubli, pouvait se déduire du montant global proposé et des autres prix. Autrement dit, la correction n'a pas affecté le montant de l'offre (9). A l'inverse, la jurisprudence a refusé qu'une entreprise complète sa gamme de prix unitaires pour des prestations qu'elle avait omis de chiffrer (10). Aucune décision du Conseil d'Etat n'avait donc admis que les caractéristiques techniques ou financières d'une offre puissent être réellement modifiées, même de manière minime et même en cas d'erreur.
2 - Une jurisprudence plus souple en ce qui concerne la rectification du prix après l'attribution du marché
S'agissant de la rectification des erreurs entachant les prix du marché, et donc postérieurement à l'attribution du marché, le Conseil d'Etat a, cependant, déjà eu l'occasion d'opposer au principe de l'intangibilité du prix du marché la possibilité de rectifier des erreurs purement matérielles.
En effet, par une décision du 26 novembre 1975 "Société Entreprise Py" (11), le Conseil a jugé que, "si le caractère définitif des prix stipulés à un marché s'oppose, en principe, à toute modification ultérieure par l'une des parties, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s'agit d'une erreur purement matérielle et d'une nature telle qu'il est impossible à l'autre partie de s'en prévaloir de bonne foi", principe appliqué au cas d'un marché "stipulant un prix aberrant pour la fourniture et la mise en oeuvre de gravier". Cette jurisprudence avait été inaugurée dès 1963 (12). Le Conseil a repris ce principe, pour cette fois en refuser l'application, dans une décision du 21 mai 1990 (13). Selon cette jurisprudence, l'erreur matérielle, c'est l'erreur grossière, flagrante, évidente, qui ne peut être ignorée, comme le relève la cour administrative d'appel de Nancy à propos d'un prix toutes taxes comprises identique à un prix hors taxe (14).
II - La possibilité reconnue au candidat de modifier son offre pour rectifier certaines erreurs matérielles
A - La difficile définition de l'erreur matérielle et de ses conséquences
Le Conseil d'Etat a dû, dans la présente affaire, répondre à la question de savoir ce qui caractérisait l'erreur matérielle. Deux grands types d'erreurs peuvent être distingués : les absurdités ou incohérences, comme la proposition d'un prix sans aucun rapport avec la réalité du coût (de l'ordre du simple au décuple au centuple par omission ou rajout de 0), ou les contradictions entre les différents documents de l'offre (par exemple, entre le bordereau de prix unitaire et le détail quantitatif estimatif mentionné dans l'acte d'engagement). Dans le cadre de cette conception stricte, il serait, cependant, possible de demander aux candidats de préciser ou compléter leur offre afin de réparer une contradiction interne : ainsi, si deux prix différents sont indiqués pour la même prestation, il est logique que le candidat puisse et doive même résoudre cette contradiction en indiquant au pouvoir adjudicateur quel est le "bon" prix (15).
Il s'avère, cependant, délicat de distinguer ces erreurs matérielles des simples oublis qui peuvent être eux-mêmes le fruit d'une erreur matérielle ou technique ou même des erreurs de calcul. La définition de l'erreur matérielle est, ainsi, potentiellement très extensive et cette extensivité risquait de porter atteinte au principe de l'intangibilité de l'offre. L'on peut, cependant, distinguer le motif de l'opération de son résultat : une rectification a pour motif la correction d'une erreur et elle a seulement pour résultat une modification de l'offre ; il ne s'agit pas de présenter une nouvelle offre, mais de présenter l'offre telle qu'elle aurait dû être présentée initialement. La rectification est donc, en quelque sorte, recognitive. La décision n° 278646 du 16 novembre 2005 (16) envisage, ainsi, l'hypothèse d'une "rectification purement matérielle", qui a pour résultat une "modification substantielle". Dans cette décision relative à la rectification d'un avis d'appel public à la concurrence, le Conseil a censuré un jugé des référés qui n'avait pas recherché "si cette rectification constituait une modification substantielle des conditions de la consultation impliquant de recommencer la procédure d'appel d'offres". C'est donc bien qu'il y a lieu d'examiner non seulement le motif (rectification), mais aussi le résultat (modification) des changements apportés à l'offre. En revanche, comme son nom l'indique, une modification de l'offre a d'emblée pour motif une volonté de modifier l'offre et de présenter une nouvelle offre. La modification de l'offre crée, en elle-même, une nouvelle offre.
Les conséquences à tirer de l'existence des erreurs matérielles posent, néanmoins, des difficultés. Le remède aux contradictions se trouve parfois dans la hiérarchie existant entre les documents contractuels, énoncée par le règlement de consultation qui fera prévaloir le bordereau de prix unitaire sur le détail quantitatif estimatif par exemple. Toutefois, si aucune hiérarchie n'est fixée ou n'est applicable, quel prix choisir : le plus élevé, le plus bas ? Il n'y a pas non plus de remède satisfaisant aux erreurs par oubli ou ajout de "0" : si le prix comporte un chiffre de trop, lequel sacrifiera-t-on ? Si un chiffre ou plusieurs sont oubliés, jusqu'où pourra-t-on rectifier cet oubli, jusqu'au décuple, au centuple ?
Dans l'espèce qui était soumise au Conseil d'Etat, la société X avait voulu écrire 220 euros mais avait oublié un "0". Compte tenu de la nature de la prestation (transport, stockage et traitement d'un mètre cube de déchets dangereux), le prix de 22 euros était sans doute aberrant, mais il s'agissait, également, d'un oubli, aussi bien d'un "0" que d'une partie de la prestation, à savoir un montant de 198 euros correspondant au stockage et au traitement. Rajouter un "0" à 22 euros ou lui additionner 198 euros donnaient donc le même résultat, de sorte que si l'erreur semblait (et était probablement) matérielle, l'on pouvait y voir soit une absurdité, soit l'oubli d'un élément du prix, ce qui n'était pas équivalent.
B - L'application à la présentation des offres de la jurisprudence "Entreprise Py" et la possibilité de rectifier certaines erreurs matérielles
Face à toutes ces difficultés, le Conseil d'Etat a choisi de transposer à la présentation de l'offre la jurisprudence relative à la correction des erreurs matérielles entachant les prix du marché après que celui-ci a été attribué : une jurisprudence de l'amont du marché a, ainsi, été transposée à l'aval du marché et plus généralement du contrat.
Le juge des référés avait estimé que la rectification était possible, notamment lorsque l'erreur était minime et apparemment insusceptible d'avoir eu une influence sur la comparaison entre les offres et le choix des candidats. Les critères qu'il avait ainsi tenté de dégager pour encadrer la rectification des erreurs matérielles n'ont pas été retenus par le Conseil d'Etat qui a privilégié une conception subjective et contractuelle de ces erreurs. Selon le Conseil, en effet, si les dispositions du I de l'article 59 du Code des marchés publics "s'opposent, en principe, à toute modification du montant de l'offre à l'initiative du candidat ou du pouvoir adjudicateur, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s'agit de rectifier une erreur purement matérielle, d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue".
La solution est logique : en effet, distinguer selon les conséquences de l'erreur plutôt que selon sa nature montre bien la difficulté à cerner celle-ci. La solution retenue par le juge des référés obligeait le pouvoir adjudicateur et, le cas échéant, le juge, à procéder à un classement fictif des offres pour déterminer si la rectification avait ou non eu une incidence, ce qui était probablement à la fois trop complexe et trop dangereux au stade de l'examen de la régularité des offres. Par ailleurs, si les enjeux et les principes à mettre en oeuvre sont différents selon que l'on se place avant ou après l'attribution du marché, puisque prévaut avant (en amont) le principe d'égalité des candidats dans le cadre de la procédure de passation et après (en aval) le principe de bonne foi ou de loyauté des relations contractuelles, il n'y a pas, comme le soulignait Nicolas Boulouis dans ses conclusions sous la décision commentée, "d'étanchéité totale entre l'aval et l'amont". Selon ce dernier, en effet, "ne pouvant exiger le paiement d'un prix aberrant, la partie susceptible d'être lésée -pouvoir adjudicateur ou candidat- doit pouvoir prévenir cette difficulté par une modification spontanée ou provoquée de l'offre. Ne pas le faire en amont mais en aval c'est fausser aussi les conditions du jeu de la concurrence, et le faire peut-être volontairement : une erreur vraiment grossière doit être repérée au moment de l'examen des offres".
Face à l'alternative qui lui était offerte (refuser toute rectification ayant une incidence, même minime, sur le montant de l'offre ou l'admettre dès lors que le contrat, s'il était conclu en l'état, ne pourrait pas être exécuté de bonne foi), le Conseil d'Etat a choisi un solution soulignant l'unité et la continuité qui existent entre la procédure d'attribution du contrat et son exécution : ce qui est une erreur matérielle rectifiable au stade de l'exécution l'est, en effet, également au stade de la procédure d'attribution.
Appliquant cette solution à l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé qu'en portant de 22 euros à 220 euros le montant de l'un des 905 (!) prix du bordereau des prix unitaires, la société avait "procédé à la rectification d'une erreur purement matérielle, laquelle était d'une nature telle que nul, notamment pas le département, n'aurait pu ensuite s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où l'offre du groupement dont la société était le mandataire aurait été retenue".
(1) CE, Ass., 28 décembre 2009, n° 304802, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0493EQC).
(2) TA Cergy-Pontoise, 20 avril 2011, n° 1102708 (N° Lexbase : A9841HXR).
(3) CE, 10 décembre 1993, n° 124529, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1536AN9).
(4) CE, 15 décembre 1954, Melly, Rec., p. 665 ; CE 4° et 2° s-s-r., 1er mars 1968, n° 69575 N° Lexbase : A1104B7Z).
(5) CE 5° et 7° s-s-r., 29 juillet 2002, n° 243686, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3002AZ9).
(6) CE 7° et 10° s-s-r., 9 décembre 1994, n° 129677, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4170ASA), Rec., p. 545.
(7) CE 7° et 10° s-s-r., 6 novembre 1998, n° 194960, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9212ASY).
(8) CE 2° et 7° s-s-r., 7 novembre 2008, n° 292570, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1734EBT), p. 807.
(9) CE 2° et 7° s-s-r., 9 novembre 2007, n° 288289, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4092DZL).
(10) CE 2° et 7° s-s-r., 20 mai 2009, n° 318871, inédit au recueil Lebon ([LXB=A1829EH9)]).
(11) CE 6° et 2° s-s-r., n° 93927, 26 novembre 1975, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8171B87).
(12) CE, 3 juillet 1963, n° 54708, Rec., p. 417 : somme cent fois supérieure au prix effectif.
(13) CE 4° et 1° s-s-r., 21 mai 1990, n° 79506, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7256AQS) ; voir, également, refusant la qualification d'erreur matérielle, CE 1° et 4° s-s-r., 25 février 1976, n° 89776, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7064B87).
(14) CAA Nancy, 1ère ch., 30 avril 1992, n° 90NC00357, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6251A8Z).
(15) Voir, pour un exemple de résolution d'une contradiction, CAA Bordeaux, 20 décembre 2005, n° 02BX00814, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5139DMB).
(16) CE 2° et 7° s-s-r., 16 novembre 2005, n° 278646, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6377DLR).
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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III
Le 15 Avril 2015
Une SARL est associée d'une société en nom collectif (SNC), qui a pour objet la vente de lots immobiliers en l'état futur d'achèvement. La SNC a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. A la suite de cette vérification, l'administration a notifié à la SARL, sur le fondement de l'article 8 du CGI (N° Lexbase : L2311IB9), des redressements à l'impôt sur les sociétés, conséquence des rehaussements apportés aux résultats de la SNC, à concurrence des droits qu'elle détenait dans cette dernière.
En application de l'article 8 précité, les bénéfices réalisés par les sociétés de personnes sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés qui sont, ainsi, réputés avoir personnellement réalisé chacun une part des bénéfices, proportionnellement à leurs droits dans la société. En outre, la combinaison des articles 206 (N° Lexbase : L0111IKC) et 218 bis (N° Lexbase : L4046HLG) du CGI permet de conclure que les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés sont soumises à cet impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent en qualité de membre d'une société de personnes, lorsque celle-ci n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux.
L'administration a rectifié les bases d'imposition de la société vérifiée en remettant en cause la comptabilisation en charges constatées d'avance des frais de commercialisation versés à une société tierce et en les réintégrant dans le calcul du coût de revient de travaux en cours. A l'occasion de ce contrôle, l'administration a spontanément procédé à une compensation partielle d'assiette en corrigeant l'erreur commise par le contribuable à son détriment qui, à tort, avait inclus les frais de commercialisation dans la valeur du stock en cours.
L'article 39-1 du CGI (N° Lexbase : L3894IAH) fixe pour principe que le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges et, notamment, des frais généraux de toute nature. Au regard de l'article 38-2 du même code (N° Lexbase : L9369IQ3), la déduction des charges payées par l'entreprise se pratique au cours de l'exercice dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, à l'exception de celles "constatées d'avance", c'est-à-dire correspondant au paiement d'un bien ou d'une prestation de service dont la livraison ou la fourniture n'interviendra qu'au cours d'un exercice ultérieur, sur les résultats duquel il y aura lieu de l'imputer. Les charges constatées d'avance sont le corollaire des produits constatés d'avance.
Les charges qui correspondent à des achats de biens et services dont la fourniture ou la prestation ne doit intervenir qu'au cours d'un exercice ultérieur sont, à titre de charges constatées ou payées d'avance, soustraites des charges de l'exercice par l'intermédiaire d'un compte de régularisation pour n'être imputées qu'aux résultats de l'exercice au cours duquel le bien a été livré ou la prestation de services effectivement réalisée.
Il a été jugé qu'il résulte de l'article 38 précité et du principe d'indépendance des exercices que les charges payées ou comptabilisées d'avance ne peuvent être admises en déduction que du bénéfice de l'exercice auquel se rattachent les produits de l'opération qu'elles concernent, et qu'elles doivent figurer, à la clôture de l'exercice au cours duquel elles ont été supportées, à un compte de régularisation, à défaut d'être portées à un compte de travaux en cours (CAA Lyon, 14 mars 2002, n° 00LY02403, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8602AZM, Droit fiscal, 2002, comm. 984).
Dans le principe, nous pouvons considérer que le contribuable a pris une décision de gestion. Rappelons, à cet égard, qu'il y a lieu de tenir pour acquises les décisions que le contribuable a été amené à prendre au cours et à la clôture des exercices pour la gestion de l'entreprise et qui, constatées en écritures, sont définitives à l'égard du contribuable et sont opposables à l'administration, dès lors qu'elles ne sont contraires à aucune disposition législative ou réglementaire (CE 1° et 4° s-s-r., 23 janvier 1961, n° 45377, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3515AM7, Droit fiscal, 1961, comm. 423).
Dans cette affaire, le tribunal administratif de Nice, le 11 avril 2005, retient qu'il résulte de l'examen des notifications de redressements que les frais de commercialisation ont été exclus des stocks et travaux en cours, et qu'ils ont bien été admis en charge au titre de chacun des exercices concernés. En conséquence, il a rejeté la demande en décharge de la SARL sur tous les points soulevés.
Puis, la cour administrative d'appel, le 16 décembre 2008, a jugé que les frais de commercialisation ne sont pas des charges constatées d'avance, comme le soutient l'administration (CAA Marseille, 4ème ch., 16 décembre 2008, n° 06MA00822, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8535EC4). Pour la cour, qui suit l'argumentation du contribuable, il s'agit de charges certaines dans leur principe comme dans leur montant qui sont, par suite, déductibles des résultats. La cour a réduit les bases imposables à l'impôt sur les sociétés de la SARL, en proportion de sa participation au capital de la SNC, correspondant aux frais de commercialisation exposés par la SNC et devant figurer dans les charges déductibles des exercices.
Le ministre s'est pourvu contre cette décision.
En l'espèce, le Conseil d'Etat relève que la cour administrative d'appel n'a pas procédé à une compensation d'assiette, qui fut en réalité faite par l'administration. Contrairement à ce que soutenait le ministre dans sa requête, la cour n'a commis ni une erreur de droit, ni une erreur quant à la qualification juridique.
En conséquence, c'est à bon droit que le pourvoi du ministre a été rejeté.
Le contribuable a remis aux services postaux un pli recommandé avec accusé de réception le 13 juillet 2010, alors même que le délai d'appel pour parvenir à la juridiction compétente expirait le 16 du même mois. Le courrier du contribuable, contenant une requête, a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 19 juillet 2010.
Le président de chambre de la cour administrative d'appel a rejeté la requête comme tardive, sur le fondement de l'article R. 222-1 de Code de justice administrative (N° Lexbase : L2818HWB).
Priver un contribuable d'appel est préjudiciable car celui-ci peut, notamment, faire valoir un moyen de droit nouveau devant les juges du fond à condition, toutefois, que celui-ci n'implique pas l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances qui n'auraient pas été produites dans sa demande au comptable public (CE 9° et 10° s-s-r., 4 août 2006, n° 284940, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8037DQQ, Procédures, 2006, note Pierre).
L'article R. 200-18 du LPF (N° Lexbase : L4995AEQ) ouvre un délai de recours devant les cours administratives d'appel de quatre mois pour l'administration et de deux mois pour le contribuable. Le délai de deux mois court à compter de la date à laquelle une partie a reçu notification de la décision, sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'une autre partie aurait reçu notification de la même décision à une date différente (CE 3° et 8° s-s-r., 26 novembre 2007, n° 288085, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9635DZU, RJF, 2008, 2, comm. 210). A suivre le Conseil d'Etat, la différence de traitement dans les délais pour former des recours n'est pas contraire au principe d'égalité (CE 8° et 3° s-s-r., 23 décembre 2010, n° 306228, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6968GNE). En outre, les dispositions de l'article R. 200-18 ne trouvent à s'appliquer qu'aux litiges qui relèvent de la compétence de la juridiction administrative (CAA Nantes, 1ère ch., 27 mars 2002, n° 98NT1872, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4291AZX, RJF, 2004, 7, comm. 844).
Il a été jugé que, lorsqu'un jugement est notifié par lettre recommandée, et que celle-ci n'a pu être remise à son destinataire, le délai d'appel ne commence à courir qu'à la date de retrait du pli, et non à la date de présentation. Il a été précisé à cette occasion que, dès lors que le retrait de la lettre de notification du jugement au bureau de poste est effectué avant l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la présentation du pli, le délai d'appel ne commence à courir qu'à compter de la date de retrait (CE 9° s-s., 26 mars 2007, n° 286566, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8134DUS, RJF, 2007, 6, comm. 733 ; Procédures, 2007, 6, comm. 155, note Pierre).
Dans l'hypothèse d'un changement d'adresse, la notification du jugement retournée au tribunal avec la mention "N'habite pas à l'adresse indiquée" est régulière, et fait courir le délai d'appel, dès lors que l'intéressé n'avait pas suffisamment informé le greffe de son changement de domicile (CE 3° et 8° s-s-r., 16 février 2004, n° 244720, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3400DBK, RJF, 2004, 5, comm. 523). Rappelons, enfin, qu'en cas d'incarcération du contribuable, condamné devant le tribunal administratif, il appartient au juge d'appel de veiller à ce qu'il ait bien reçu la notification de jugement avant de prononcer la tardiveté de l'appel formé contre lui (CE 8° et 3° s-s-r., 8 juin 2011, n° 330051, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4741HTR ; lire nos obs., Chronique de procédures fiscales, Lexbase Hebdo- édition fiscale n° 448 du 8 juillet 2011 N° Lexbase : N6966BSS).
En ce qui concerne le délai d'interjection imposé à l'administration, celui-ci court à compter de la réception par le ministre du Budget du jugement et du dossier en instance (CE 8° et 3° s-s-r., 6 avril 2001, n° 219443, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3629ATL, RJF, 2001, 7, comm. 991).
Le Conseil d'Etat, après avoir rappelé que les délais pour interjeter appel sont d'interprétation stricte, a jugé que les contribuables doivent prendre garde à poster leur requête suffisamment avant l'expiration du délai pour interjeter appel, notamment en période de fêtes, pour que celle-ci soit recevable (CE 8° et 3° s-s-r., 1er mars 2000, n° 182545, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0652AUP). Le contribuable doit prendre toutes dispositions dans ce sens.
Toutefois, dans l'affaire qui nous occupe, le Conseil d'Etat fait quelque peu évoluer sa position. En effet, il a retenu "des circonstances propres à la période de l'année considérée" pour justifier le fait qu'il était "prévisible un allongement de la durée d'acheminement du courrier". Autrement dit, envoyer un courrier pendant une période estivale suffit à considérer que celui-ci puisse être présenté hors délai au destinataire.
Si la solution semble pragmatique, on peut aussi penser qu'elle va ouvrir la voie à de nombreux contentieux et qu'il appartiendra au juge, et à lui seul, d'apprécier la recevabilité des requêtes en s'affranchissant, si nécessaire, de la rigueur des textes.
Une EURL, qui a un gérant et associé unique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Les bénéfices industriels et commerciaux ont été évalués d'office, en application de la procédure d'opposition à contrôle fiscal, visée par l'article L. 74 du LPF (N° Lexbase : L0640IH8). Ce dernier dispose, effectivement, que "les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers".
Le commissaire de Gouvernement Arrighi de Casanova, dans ses conclusions sur un arrêt du 10 avril 1991, considérait que l'opposition à contrôle fiscal suppose non seulement que le contrôle n'ait pas seulement été rendu plus difficile par l'inertie du contribuable, mais aussi qu'il ait été quasiment impossible compte tenu de l'attitude de celui-ci (CE 8° et 7° s-s-r., 10 avril 1991, n° 107710, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8950AQK, RJF, 1991, 6, concl. Arrighi de Casanova). Cette infraction se caractérise par un élément matériel constitué par tout obstacle apporté par toute personne, contribuable ou tiers, à l'exercice légal des fonctions des agents habilités à constater les infractions à la législation fiscale, et ayant pour effet de mettre les agents de l'administration dans l'impossibilité d'accomplir leurs missions.
Caractérise une opposition à contrôle fiscal, par exemple, l'attitude du contribuable qui retarde, par des manoeuvres dilatoires, la reprise d'une vérification de comptabilité (CE 9° et 10° s-s-r., 19 mars 2001, n° 169880, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1549ATK, BDCF, 2001, 6, n° 83, concl. Courtial). Le Conseil d'Etat se montre parfois exigeant, considérant qu'il y a opposition à un contrôle fiscal de la part d'un contribuable incarcéré qui n'a pas pris toutes les dispositions nécessaires pour que la vérification de comptabilité puisse être effectuée (CE 9° et 8° s-s-r., 17 novembre 1997, n° 136114, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4982ASC, BDCF, 1998, 1, n° 17, concl. Goulard).
L'évaluation d'office applicable en cas d'opposition à contrôle peut être utilisée dès l'échec de la première tentative de vérification. Toutefois, l'administration recommande à chaque agent "de nuancer son attitude suivant le degré de gravité des événements auxquels il doit faire face" (DB 13 L-142).
Cette situation emporte des conséquences importantes.
La mise en oeuvre de cette procédure d'évaluation d'office entraîne l'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ainsi qu'aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat (CGI, art. 1732 N° Lexbase : L1722HN4). En outre, les contribuables concernés se voient interdits de participer aux travaux des commissions visées par les articles 1650 (N° Lexbase : L0669IHA) à 1650 bis (N° Lexbase : L0669IHA) et 1653 A (N° Lexbase : L3920IPU) du CGI. Il est précisé que cette majoration n'est pas incompatible avec l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), dès lors qu'elle n'implique pas que le juge ne puisse moduler l'application de la majoration en substituant un taux inférieur à celui ci (CAA Nantes, 1ère ch., 24 mars 2004, n° 00NT01924, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5297DC8, RJF, 2004, 8 - 9, comm. 910). Elle n'est pas non plus contraire à l'article 4 du protocole 7 de la même Convention (CE 9° et 10° s-s-r., 26 décembre 2008, n° 282995, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9620EBW, RJF, 2009, 3, comm. 237).
Que s'était-il passé en l'espèce pour en arriver à cette situation ?
L'EURL a été destinataire d'un pli, contenant à la fois l'avis de vérification et la charte du contribuable, adressé au "245 allée Louis Blériot BP 99". Ce pli a été effectivement réceptionné le 28 mars 1998. Il a été ouvert puis retourné à l'expéditeur avec la mention suivante, portée par le service de la poste : "Refusé - Retour à l'envoyeur".
D'autres courriers envoyés par l'administration à l'adresse "BP 99", dont l'un annonçait la visite sur place du vérificateur, ont été retournés à l'expéditeur sans avoir été ouverts. Ils portaient la mention inscrite par le service de la poste "Non réclamé - Retour à l'envoyeur".
Il est établi depuis fort longtemps que, lorsque les plis envoyés par l'administration lui sont retournés avec la mention "Retour à l'envoyeur", et qu'en outre le vérificateur a trouvé l'entreprise fermée bien qu'il ait annoncé son intervention sur place, il s'agit d'éléments caractérisant une opposition au contrôle fiscal du fait du contribuable.
Dans l'affaire qui nous occupe, l'entreprise était abonnée à la boîte poste (BP) n° 98. Par ailleurs, les contribuables ont produit des notifications de redressements, faisant suite à leur examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, qui mentionnaient comme étant leur adresse la boîte postale n° 98. Il n'en reste pas moins surprenant que le premier courrier de l'administration, adressé à la boîte postale n° 99, ait été ouvert avant qu'il ne soit réexpédié.
C'est à juste titre que les juges du Palais-Royal ont considéré que l'administration, qui a commis une erreur sur l'adresse de destination de l'avis de vérification, ne peut mettre en oeuvre la procédure d'opposition à contrôle fiscal.
L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel.
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Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2011, jonction, n° 11-10.290 et n° 11-60.003 , F-P+B (N° Lexbase : A0630HZD)
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par Bernard Gauriau, Professeur à l'université d'Angers, Avocat au barreau de Paris (Cabinet Idavocats)
Le 10 Novembre 2011
Résumé
Lorsque deux syndicats de même affiliation ont chacun présenté leur propre liste au premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'entreprise, il n'y a pas lieu de procéder à la totalisation, au profit de l'un ou de l'autre, des suffrages recueillis en propre par chacun. Si ni l'un, ni l'autre de ces syndicats n'a recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés, il en résulte que ni l'un, ni l'autre n'est représentatif au sein de l'établissement et ne peut dès lors procéder aux désignations de ses représentants. |
Commentaire
Des syndicats affiliés à une même confédération ne peuvent présenter qu'une seule liste dans le même collège. Telle est, chacun le sait, la position adoptée par la Cour de cassation avant (1) comme après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (N° Lexbase : L7392IAZ) (2).
Le maintien de cette jurisprudence n'allait pas de soi tant la suppression de la présomption irréfragable de représentativité et la démonstration de celle-ci dans les entreprises par rapport à l'audience obtenue aux élections professionnelles pouvaient laisser entrevoir une conception autonome du syndicat, qu'il soit affilié ou non, fondée sur une légitimité ascendante et non plus descendante. En conséquence, l'affiliation commune de deux syndicats pouvait ne plus constituer un obstacle à la présentation par ceux-ci de liste propre.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 22 septembre 2010 (préc.), a préféré maintenir sa jurisprudence antérieure (3). Outre qu'elle peut contenir les risques de conflits entre syndicats, elle prend en considération le fait que le syndicalisme français est un syndicalisme de tendance, qui ne peut s'abstraire de l'affiliation syndicale.
L'arrêt, ici commenté, rendu le 26 octobre 2011 par la Chambre sociale de la Cour de cassation, en témoigne à sa façon.
I - Présentation de l'espèce
Le syndicat CGT Douai (créé en 1974) et le syndicat CGT confédéré de Douai (crée en 2009) de la société R. ont présenté, chacun, des listes de candidats dans les mêmes collèges au premier tour de l'élection des membres du comité d'établissement de Douai. La contestation de l'employeur n'a surpris personne. Pourtant, le tribunal d'instance de Douai a débouté l'employeur de sa demande tendant à voir interdire pareille combinaison.
Aucun pourvoi n'a été formé par celui-ci, lequel a peut-être trouvé fort opportune cette division syndicale. Quoiqu'il en soit, le jugement est devenu irrévocable et cette solution considérée comme acquise.
C'est donc sur une anomalie juridique, mais une réalité pratique, que repose la suite du contentieux ayant donné lieu à l'arrêt ici commenté.
Les élections professionnelles ont, en effet, donné les résultats suivants : le syndicat CGT Douai n'a recueilli, tous collèges confondus, que 8,72 % des suffrages exprimés, et le syndicat CGT confédéré de Douai n'a pour sa port obtenu que 5,69 % des suffrages. La barre des 10 % n'était donc atteint par aucun d'entre eux.
Malgré ce défaut d'audience, et donc de représentativité, chacun des deux syndicats, successivement les 8 novembre et 17 novembre 2010, a procédé à la désignation de quatre délégués syndicaux d'établissement et de six représentants syndicaux conventionnels au sein de divers CHSCT.
Sur recours formé par l'employeur, le tribunal d'instance a retenu que les deux syndicats totalisaient, ensemble, 14,41 % des suffrages exprimés et validé les désignations des délégués syndicaux opérées par le syndicat CGT Douai comme étant les seules portant sur des candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages ainsi que celles des représentants syndicaux aux CHSCT opérées par ce même syndicat comme étant chronologiquement les premières.
La Chambre sociale a cassé le jugement, sous le visa des articles L. 2324-4 (N° Lexbase : L3771IBB), L. 2324-22 (N° Lexbase : L3748IBG), L. 2121-1 (N° Lexbase : L5751IAA), L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9),L. 2122-3 (N° Lexbase : L3740IB7) et L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) du Code du travail, en décomposant sa démonstration en deux temps.
Tout d'abord, les syndicats CGT Douai et CGT confédéré de Douai avaient présenté chacun leur propre liste au premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'entreprise, il n'y avait pas lieu de procéder à la totalisation, au profit de l'un ou de l'autre, des suffrages recueillis en propre par chacun.
Ensuite, ni l'un, ni l'autre de ces syndicats n'ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés, il en résultait que ni l'un, ni l'autre n'était représentatif au sein de l'établissement de Douai et ne pouvait dès lors procéder aux désignations contestées.
La solution adoptée est, à la vérité sans surprise, dans la mesure où les syndicats n'ont pas réussi à s'entendre sur une liste commune.
II - L'absence de liste commune
A - Le constat
1 - Rappel des modalités attachées à la présentation d'une liste commune
La seule option envisageable, pour que les syndicats puissent totaliser leurs suffrages, était qu'ils présentent une liste commune, ce qu'ils n'avaient pas fait.
L'article L. 2122-3 du Code du travail dispose que "lorsqu'une liste commune a été établie par des organisations syndicales, la répartition entre elles des suffrages exprimés se fait sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de leur liste. A défaut d'indication, la répartition des suffrages se fait à part égale entre les organisations concernées".
La Chambre sociale a interprété ce que recouvrait le terme "indiquée" alors que deux syndicats s'étaient contentés d'informer l'employeur de leur base de répartition 55 % et 45 % sans en informer les salariés.
La Cour de cassation a relevé l'absence d'information des électeurs pour imposer contre la volonté des syndicats une répartition des suffrages par parts égales (4) ce qui eut pour effet de renvoyer les deux syndicats sous le seuil des 10 %.
Ces difficultés associées à la présentation d'une liste commune ne sauraient toutefois être confondues avec d'éventuels conflits nés de désignations concurrentes
2 - La question voisine d'un éventuel conflit lié à des désignations concurrentes
On sait que, "sauf accord collectif plus favorable, une confédération syndicale et les organisations syndicales qui lui sont affiliées ne peuvent désigner ensemble un nombre de délégués syndicaux supérieur à celui prévu par la loi".
Il appartient aux syndicats de "justifier des dispositions statutaires déterminant le syndicat ayant qualité pour procéder aux désignations des délégués syndicaux ou à leur remplacement, ou de la décision prise par l'organisation syndicale d'affiliation pour régler le conflit conformément aux dispositions statutaires prévues à cet effet".
"A défaut, par application de la règle chronologique, seule la désignation notifiée en premier lieu doit être validée" (5).
La Cour de cassation a clairement voulu éviter que le seul critère chronologique n'opère dans ce genre de circonstances ; elle préfère de beaucoup s'appuyer sur les statuts afin de sortir de ce genre de complications (6) quitte à les interpréter quelque peu si cela s'avère nécessaire (7). Si les statuts sont silencieux, c'est alors l'organisation syndicale d'affiliation qui doit trancher (un bureau fédéral dans l'espèce évoquée). A défaut, la règle chronologique doit l'emporter.
Quoiqu'il en soit, ces questions n'ont pas eu lieu d'être dans la mesure où seule la mesure de l'audience propre à chacun des deux syndicats a retenu l'attention des magistrats, pour constater qu'aucun des deux ne franchissait la barre fatidique des 10 %.
Cet arrêt souligne combien la mesure de l'audience n'est pas détachée de l'affiliation syndicale et combien la suppression de la présomption irréfragable de représentativité n'a pas conféré à tous les syndicats une indépendance et une liberté totale d'action. Au demeurant, les arrêts du 18 mai 2011 ont souligné combien l'affiliation confédérale est un élément essentiel du vote des électeurs (8).
B - Conséquence de ce qui précède
L'article L. 2122-1 reprend le chiffre minimum de 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections -affirmé dans la Position commune- en précisant qu'il ne concerne que les titulaires dans ces différentes institutions élues et ce "quel que soit le nombre de votants", ce qui évacue la question d'un quorum éventuel à respecter.
La Cour de cassation considère que l'exigence d'un seuil ne porte pas atteinte au principe de la liberté syndicale (9).
Ce seuil se calcule tous collèges confondus, peu important que le syndicat n'ait pas présenté de candidats dans chacun des collèges (10), en décomptant chaque suffrage pour chaque liste, peu important les listes incomplètes et les ratures (11).
L'audience électorale est calculée à partir des résultats des élections au CE. Elle n'est calculée à partir des résultats des élections des DP que s'il ne s'est pas tenu d'élections au CE ou à la DUP dans l'entreprise (12).
Quoiqu'il en soit, dans l'arrêt ici commenté, le calcul ne laissait pas la place au doute : les chiffres de 8,72 % et de 5,69 % des suffrages exprimés en faveur des deux syndicats parlaient d'eux-mêmes.
(1) Cass. soc., 16 octobre 2001, n° 00-60.203, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4735AWB).
(2) Cass. soc., 22 septembre 2010, n°10-60.135, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2465GAK) et aussi Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 09-60.435, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2357GAK) sur la représentativité d'une confédération au niveau d'une UES, laquelle prend en compte les résultats de chacun des syndicats affiliés à la confédération dans les entités distinctes constitutives de l'UES.
(3) V. M-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles, 2ème édition, Dalloz, 2011, n°123-31.
(4) Cass. soc., 13 janvier 2010, n° 09-60.208, FS-P+B (N° Lexbase : A3136EQ9).
(5) Cass. soc., 29 octobre 2010, jonction, n° 09-67.969 et n° 09-68.207, F-P+B+R (N° Lexbase : A5612GD9).
(6) V. Cass. soc., 16 décembre 2009, n° 09-60.118, F-P+B (N° Lexbase : A0948EQ8).
(7) Dans l'arrêt du 16 décembre 2009 (préc.), les statuts n'envisageaient formellement que les difficultés relatives aux sections syndicales.
(8) Cass. soc., 18 mai 2011, n°10.60.069, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2903HRX).
(9) Cass. soc., 18 juin 2010, n° 10.40-005, P+B (N° Lexbase : A4056E3M) : JCP éd. S, 2010, 1354, étude B. Gauriau.
(10) Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 10-10.678, FS-P+B (N° Lexbase : A2455GA8) : JCP éd. S, 2010, 1454, note J.-Y. Kerbourc'h.
(11) Cass. soc., 6 janvier 2011, deux arrêts, n° 10.17-653, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7331GNT) et n° 10.60-168, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7332GNU).
(12) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 10-60.148, FS-P+B (N° Lexbase : A6917E4X), JCP éd. S, 2010, 1402, note B. Gauriau ; Cass. soc., 10 novembre 2010, n° 09.72-856, FS-P+B (N° Lexbase : A9085GGL) ; JCP éd. S, 2011, 1116, étude B. Gauriau.
Décision
Cass. soc., 26 octobre 2011, jonction, n° 11-10.290 et n° 11-60.003 , F-P+B (N° Lexbase : A0630HZD) Cassation, TI Douai, 29 décembre 2010 Mots-clés : confédération syndicale, élections professionnelles, audience Liens base : (N° Lexbase : E1798ETR) |
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Réf. : Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-18.989, F-P+B (N° Lexbase : A8700HYU)
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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse I Capitole)
Le 10 Novembre 2011
Cette demande fut repoussée par un arrêt de la cour d'appel de Douai du 18 mars 2010, confirmant une ordonnance rendue le 16 octobre 2008 par le président du tribunal de commerce de Lille. La juridiction du second degré avait justifié sa décision par le fait que jusqu'à sa destitution, cet époux était, eu égard à ses fonctions sociales, en position de réunir les pièces demandées et, pour la situation postérieure, compte tenu de leur qualité d'actionnaire de ces sociétés, les deux intéressés bénéficiaient de droits d'information et de vote reconnus par le droit des sociétés et, éventuellement, de procédures spécifiques pour la mise en oeuvre de ces droits. Ils ne sauraient donc se prévaloir de leur propre carence pour justifier d'un intérêt à la mesure d'instruction.
Autrement dit, les juges d'appel reprochaient aux demandeurs, d'une part, de n'avoir pas recouru à l'expertise de gestion de l'article L. 225-231 du Code de commerce, spécifique au droit des sociétés et plus appropriée à leur situation ; d'autre part, bien qu'ayant utilisé à tort l'expertise de droit commun de l'article 145 du Code de procédure civile, ils n'avaient indiqué ni l'objet, ni le fondement potentiel de leur future demande, le caractère légitime de l'actuelle demande n'étant alors pas suffisamment caractérisé. Ils estimaient donc incompatibles ces deux procédures.
Cette argumentation est fortement critiquée en l'espèce par la Chambre commerciale qui, au visa des articles 4 (N° Lexbase : L1113H4Y) et 145 du Code de procédure civile, censure l'arrêt de la cour d'appel de Douai et renvoie devant celle-ci différemment composée, la cause et les parties dans la situation où elles se trouvaient auparavant pour être fait droit.
II - La solution adoptée ici par la juridiction douaisienne n'est pas vraiment insolite, quoique surprenante en raison la position constante de la juridiction du droit depuis une trentaine d'années en faveur de la coexistence entre les deux procédures (6), suivie par certaines cours d'appel (7), après tout de même une hésitation. En effet, la Cour de cassation avait considéré qu'un demandeur, désireux d'obtenir des précisions sur un acte de gestion, mais déclaré irrecevable à agir à l'appui de l'article 226 de la loi de du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 225-231 du Code de commerce, l'était également lorsqu'il intervenait en vertu de l'article 145 du Code de procédure civile. Elle semblait lier le sort des actions intentées sur ces deux terrains, pourtant différents. Ce n'est que quelques années plus tard dans l'arrêt de 1981, qu'elle a admis le cumul de l'expertise préventive et de l'expertise de gestion (8).
Seul, le tribunal de commerce de Paris avait rejeté au fond la demande en référé de désignation d'un expert dans le cadre de l'article 145 du Code de procédure civil présentée par les actionnaires d'une société (9). Le jugement, bien qu'ayant déclaré la demande recevable, avait fondé le rejet sur deux raisons : d'une part, les intéressés n'avaient pas fait état d'un motif légitime, condition essentielle de l'article 145 qui exige l'établissement de faits dont pourrait dépendre l'issue d'un futur procès, puisque ce texte suppose qu'à la suite des mesures d'instruction ordonnées, un procès soit envisageable ; d'autre part, les intéressés disposaient "de par la loi de la possibilité de solliciter une expertise de gestion".
En statuant de la sorte, les juges de première instance entendaient ouvrir une seule voie : soit l'expertise de minorité du droit des sociétés, soit l'expertise probatoire de droit commun, mais pas les deux en même temps. Cela signifiait qu'en cas de possibilité pour eux de solliciter une expertise de gestion, les actionnaires se heurteraient à la fermeture de l'expertise préventive ; réciproquement, celle-ci ne leur serait ouverte, que faute de remplir des conditions requises pour agir sur le terrain du droit des sociétés.
Cette juridiction consulaire s'était peut-être inspirée d'une opinion doctrinale qui, tenant compte des assouplissements apportés par le législateur à l'expertise de gestion, plus précisément l'abaissement du seuil de 10 % à 5 % du capital social, la possibilité aux actionnaires de se regrouper et celle de solliciter une expertise pour les opérations de gestion accomplies par des filiales, avait condamné le cumul de celle-ci avec l'expertise préventive. Pour certains auteurs évoquant la coexistence des deux techniques, "pareille situation pouvait à l'extrême rigueur se justifier lorsque les conditions de désignation d'un expert de minorité étaient par trop sévères, limitant ainsi le droit d'information des actionnaires. Mais, elle devenait intenable dès lors que les mêmes conditions étaient assouplies par la loi NRE" (10). Un autre fait valoir que laisser aux intéressés le choix entre deux procédures identiques, c'est organiser une sorte de concurrence indélicate ou déloyale au sein de la législation en place (11).
La cour d'appel de Douai a manifesté cette hostilité dans l'actuelle affaire, en application de la maxime "specialia generalibus derogant". En tant que règle générale, l'expertise préventive est destinée à recevoir application dans tous les domaines du droit privé, sauf dans celui réservé à l'expertise de gestion. Cet adage ne vaut que si la disposition spéciale est postérieure à la disposition générale, ce qui n'est pas le cas en la matière, car l'expertise de gestion a été instituée avant l'adoption de l'article 145 du Code de procédure civile. Or, "une loi nouvelle générale n'abroge pas tacitement une loi spéciale" (12).
L'article 145 du Code de procédure civile est progressivement devenu, sinon un concurrent, un complément de l'article L. 225-231 du Code de commerce. Ainsi, dans une espèce, l'expertise préventive a été déclarée recevable en dépit de la faculté pour les demandeurs de recourir à l'expertise de minorité (13). Dans une autre, les juges ont affirmé la possibilité pour les actionnaires déboutés de leur demande d'expertise de gestion, de solliciter une expertise sur le fondement de l'article 145 (14).
C'est dire que les actionnaires des sociétés anonymes qui ne peuvent recourir à l'expertise de minorité, compte tenu des conditions exigées, notamment lorsque l'opération critiquée ne relève pas de la gestion sociale, ou ne veulent pas s'aventurer dans les méandres de cette procédure, disposent de la faculté d'obtenir un résultat identique au moyen de l'expertise probatoire. C'est d'autant plus évident que la loi "NRE" du 15 mai 2001 confère à l'expertise de gestion un caractère subsidiaire : les actionnaires ne peuvent l'utiliser qu'en l'absence de réponse dans le délai d'un mois à la question qu'ils ont préalablement posée au président du conseil d'administration ou au directeur général, ou à défaut d'éléments de réponse satisfaisants. Elle a ainsi paru remettre en cause la tendance jurisprudentielle dispensant le demandeur de prouver qu'il a préalablement épuisé toutes les autres possibilités d'information à sa disposition (15).
Ce deuxième aspect de la réforme législative, à la différence du premier (abaissement du montant minimal de détention du capital social, extension de l'expertise aux filiales) a notablement incité les actionnaires des sociétés de capitaux à préférer l'expertise in futurum afin d'éluder les conditions restrictives posées par le législateur, notamment l'exigence d'une procédure préalable (16), sans d'ailleurs que celui-ci ait vraiment désiré éloigner les intéressés de l'expertise de gestion. Il a simplement voulu empêcher l'utilisation intempestive de l'expertise de minorité qui, n'étant pas une mesure anodine, risque d'encombrer le fonctionnement assez complexe d'une société anonyme. Pour autant, la fraude ne doit pas être à l'origine d'une manoeuvre d'évitement des conditions posées par l'article L. 225-231 du Code de commerce (17).
A notre connaissance, depuis la loi "NRE", la Cour de cassation n'avait pas eu l'occasion de se prononcer sur la coexistence entre ces deux types d'expertises. Elle avait consacré sa position traditionnelle d'avant la loi "NRE" du 15 mai 2001, dans un arrêt intervenu après l'entrée en vigueur de ce texte, mais rendu sous son empire, qui avait accueilli la demande de complément de l'expertise de gestion par une mesure d'instruction in futurum relative à une opération effectuée par la filiale, sans que la société fût tenue de justifier d'un intérêt distinct de son intérêt d'actionnaire minoritaire (18).
La Haute juridiction apporte ici un clair démenti à la position doctrinale et à l'arrêt de la cour d'appel de Douai qui tendent à rendre incompatibles l'expertise de minorité et l'expertise probatoire. Le droit d'agir sur le fondement de l'article L. 225-231 du Code de commerce ne fait pas obstacle à la possibilité de solliciter une expertise à l'appui de l'article 145 du Code de procédure civile (19).
Par ailleurs, contrairement aux affirmations de la juridiction douaisienne, l'expertise préventive n'implique pas que les personnes qui la revendiquent indiquent lors de leur demande si elles engageront un procès et, dans l'affirmative, précisent la nature et le fondement juridique de celui-ci.
En définitive, il convient d'approuver l'application aux sociétés de l'article 145 du Code de procédure civile, au nom de "l'intérêt supérieur de la bonne information des associés" (20). En effet, parallèlement à l'article L. 225-231 du Code de commerce, ce texte doit permettre "[...] mais sans concurrence réelle avec lui, aux associés minoritaires d'obtenir l'information impartiale à laquelle ils ont droit" (21). "La concurrence entre les deux actions doit rester ouverte. Cette concurrence offre aux associés une chance de plus d'être informés" (22). Les deux expertises se complètent et ne s'excluent donc pas, l'article 145 étant "devenu la seconde chance des plaideurs, la session de rattrapage qui, à la façon de la voiture balai du tour de France, recueille les éclopés de l'expertise de gestion" (23).
C'est en ces différents termes que la doctrine exprime la nécessité d'assurer la cohabitation en droit des sociétés entre l'expertise in futurum et l'expertise de minorité.
(1) Loi n° 66-577 du 24 juillet 1966, art. 226, devenu C. com., art. L. 225-231 (N° Lexbase : L6356ICE).
(2) Cass. com., 7 décembre 1981, n° 80-11.853 (N° Lexbase : A3632AGM), Rev. sociétés, 1982, p. 519, note S. Michelin-Finielz.
(3) L. Godon, La protection des actionnaires minoritaires dans la loi relative aux nouvelles régulations économiques, Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 728.
(4) Nos obs., Droit des sociétés, Ellipses, 2008, 3ème éd., n° 626 à 629.
(5) L. Cadiet, Brèves observations sur l'expertise préventive en droit des sociétés : Prospectives du droit économique. Dialogues avec M. Jeantin, Dalloz, 1999, p. 151, spéc. p. 154.
(6) Cass. com., 7 décembre 1981, préc., note 2. En ce sens, Cass. civ. 1, 16 décembre 1992, n° 91-11-127 (N° Lexbase : A5754AHL), Bull. Joly Sociétés, 1993, p. 349, note M. Jeantin ; JCP éd. E, 1993, II, n° 440, note Th. Bonneau ; Rev. sociétés, 1992, p. 508, note Y. Guyon.
(7) CA Paris, 28 novembre 1990, RD bancaire et bourse, 1991, p. 67, obs. M. Jeantin et A. Viandier, confirmé par Cass. civ., 16 décembre 1992, préc., note 6 ; CA Paris, 9 décembre 1994, Rev. sociétés, 1995, p. 368 ; CA Reims, 7 janvier 1980, D., 1981, p. 666, note J.-C. Bousquet ; CA Metz, 6 janvier 1982, D., 1983, p. 564, note Y. Reinhard.
(8) S. Michelin-Finielz, L'expertise de l'article 226 et l'expertise préventive dans la société anonyme, Rev. sociétés 1982, p. 34.
(9) T. com. Paris, 27 juin 2002, n° 2002041735 (N° Lexbase : A9992A4T), BRDA, 14/2002, p. 4 ; RJDA, 10/2002, n° 1039 ; JCP éd. E, 2002, n° 36, 1263, note A. Viandier ; Bull. Joly Sociétés, 2002, p. 942, note A. Couret ; Dr. sociétés, janvier 2003, n° 2, obs. F.-G. Trébulle. Sur ce jugement, A. Viandier, Le juge, l'administrateur et l'actionnaire minoritaire, Les Echos, 4 juillet 2002, p. 50.
(10) A. Viandier et A. Charvériat, Sociétés et loi NRE, mode d'emploi après un an d'application, F. Lefebvre, 2002, 2ème éd., n° 373.
(11) J. Moury, Expertise de gestion, la concurrence indélicate de l'article 145 du Nouveau code de procédure civile : Prospectives du droit économique. Dialogues avec M. Jeantin, Dalloz, 1999, p. 297 ; A. Viandier, note sous T. com. Paris, 27 juin 2002, préc., note 9.
(12) L. Cadiet, art. préc., note 5.
(13) CA Paris, 25 octobre 2002, 14ème ch., sect. B, 25 octobre 2002 (N° Lexbase : A1385A43), BRDA 1/2003, n° 1 ; Bull. Joly Sociétés, 2003, p. 213, note A. Couret, selon lequel un actionnaire dispose d'un libre choix entre l'une ou l'autre expertise, car "la procédure de l'article L. 225-231 du Code de commerce n'exclut pas celle de l'article 145 du CPC" ; J.-Ph. Dom, L'expertise de gestion entre son passé et son avenir : premières interprétations jurisprudentielles des textes issus de la loi NRE, Lexbase Hebdo n° 59 du 20 février 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N6012AAW). V. également dans le cadre d'une SARL, CA Paris, 6 février 2008, Dr. sociétés, juillet 2008, comm. 142, obs. M.-L. Coquelet, qui tout en distinguant les deux mesures d'instruction, confirme la nomination d'un expert sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile en vue de démontrer l'existence d'un abus de majorité et/ou des fautes de gestion.
(14) CA Paris, 14ème ch., sect. B, 4 septembre 1998, n° 98/03519 (N° Lexbase : A9991A4S), Bull. Joly Sociétés, 1999, p. 250, note F.-X. Lucas.
(15) Cass. com., 21 octobre 1997, n° 95-17.904 (N° Lexbase : A1964ACQ), JCP éd. E, 1998, I, p. 36, n° 1-2, note Y. Guyon ; Rev. sociétés, 1998, p. 82, note P. Didier ; RTDCom., 1998, p. 171, obs. B. Petit et Y. Reinhard.
(16) A. Cerati-Gauthier, La nouvelle expertise de gestion contribue-t-elle à une meilleure information aux actionnaires minoritaires, LPA, 5 avril 2002, n° 69, p. 6 ; CA Versailles, 23 octobre 2002, Bull. Joly Sociétés, 2003, p. 204, note P. Le Cannu, rejet d'une demande d'expertise de gestion, faute pour les actionnaires d'avoir respecté la phase préalable des questions écrites.
(17) L. Cadiet, art. précit., note 5 ; E. Jeuland, L'expertise commerciale, D., 2000, chron. p. 213, spéc. n° 13 : "S'il s'agit de détourner l'article [L. 225-231], il n'y a pas de motif légitime mais une fraude".
(18) Cass. com., 21 septembre 2004, n° 00-21.601, F-D (N° Lexbase : A4558DD8), Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 73, note L. Godon.
(19) CA, Paris, 25 octobre 2002, préc., note 13.
(20) M. Jeantin, Le rôle du juge en droit des sociétés, Mélanges en l'honneur de Roger Perrot,Dalloz, 1996, p. 151, spéc. p. 153,.
(21) M. Jeantin, note sous Cass. com., 19 novembre 1991, n° 90-11.950 (N° Lexbase : A4112ABW), JCP éd. E, 1992, II, n° 259, p. 40.
(22) I. Urbain-Parléani, L'expertise de gestion et l'expertise in futurum, Rev. sociétés 2003, p. 223. V. également, I. Després, Les mesures d'instruction in futurum, Nouvelle bibliothèque de thèses, Dalloz, 2004, n° 569 et s..
(23) F.-X. Lucas, note sous CA Paris, 4 septembre 1998, préc., note 14.
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