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N8710BSE
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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Sous la Direction de Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 16 Novembre 2013
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Audience électorale. Des syndicats affiliés à une même confédération ne peuvent présenter qu'une seule liste dans le même collège. Telle est, chacun le sait, la position adoptée par la Cour de cassation avant comme après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008. Bien que les syndicats affiliés à une même confédération ne puissent présenter qu'une seule liste dans le même collège, la situation contraire s'est présentée et fut validée par un tribunal d'instance dans une décision devenue irrévocable. C'est sur la base de cette anomalie juridique, mais bien réelle, que deux syndicats de même affiliation ont présenté des listes aux élections professionnelles, obtenu chacun une audience inférieure à 10 % et cependant procédé à la désignation de divers représentants. Pour contester le reproche de défaut de représentativité qu'il leur fut adressé, ces mêmes syndicats ont prétendu qu'il fallait prendre en compte la somme totale de leur score respectif, laquelle dépassait les 10 % fatidiques. Cette argumentation, accueillie par un tribunal d'instance, fut invalidée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 26 octobre 2011 (Cass. soc., 26 octobre 2011, jonction, n° 11-10.290 et n° 11-60.003, F-P+B) au motif que ces syndicats n'avaient jamais présenté de listes communes. La Chambre sociale rend un arrêt qui se situe dans le droit fil de ses positions précédentes pour Bernard Gauriau, Professeur à l'université d'Angers, Avocat au barreau de Paris (Cabinet Idavocats). Lire, Défaut d'audience pour deux syndicats de même affiliation n'ayant pas présenté de liste commune (N° Lexbase : N8656BSE). |
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Comités d'entreprise européens. Le droit des travailleurs à être informés et consultés est affirmé par plusieurs sources du droit européen (Charte sociale européenne, Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux, Charte des droits fondamentaux de l'union européenne. Il s'agit là d'un droit social fondamental. L'une de ses déclinaisons est l'instauration, par la Directive 94/45 du 22 septembre 1994, du comité d'entreprise européen (CEE) dans les entreprises ou groupes de dimension communautaire. Afin de tirer les enseignements de cette première "expérience" d'institution représentative du personnel supra-nationale, la Directive de 1994 a fait l'objet d'une refonte en 2009. Par une ordonnance n° 2011-1328 du 20 octobre 2011, la Directive dite "refonte" concernant les comités d'entreprise européens a été transposée en droit interne. Si cette transposition s'apparente en réalité à une transcription du texte européen, elle permet toutefois de revenir pour Marion Del Sol, Professeur à l'Université de Rennes 1 (IODE - UMR CNRS 6262) sur le contenu de la Directive, mais aussi de mettre en évidence les incertitudes persistantes concernant cet organe de représentation dont doivent se doter les groupes ou entreprises de dimension communautaire. Lire, La Directive "refonte" sur les comités d'entreprise européens enfin transposée (N° Lexbase : N8697BSW). |
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Réf. : Cass. crim., 11 octobre 2011, n° 11-80.122, F-P+B (N° Lexbase : A0512HZY)
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N8698BSX
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"
Le 10 Novembre 2011
Résumé
Il n'y a travail en commun, limitant le dédommagement du salarié victime de l'accident et de ses ayants droit aux seules réparations forfaitaires assurées par les prestations sociales prévues par la législation sur les accidents du travail, que lorsqu'il est constaté que les préposés de plusieurs entreprises travaillant simultanément dans un intérêt commun, sont placés sous une direction unique. Tel n'étant pas le cas en l'espèce : aussi, les parties civiles ont conservé le droit de demander la réparation de leur préjudice conformément au droit commun. |
I - Qualification de "travail en commun"
La qualification de "tiers responsable" a généré un important contentieux et suscité un certain nombre de travaux (2).
A - Notion de travail en commun
Lorsqu'aucun lien de subordination juridique n'unit l'employeur à la victime d'un accident du travail, l'immunité prévue par la législation du travail dont jouit l'employeur de la victime (ou son préposé) ne joue pas : la victime peut alors demander réparation, sur la base du droit commun de la responsabilité civile. La solution n'est pas retenue, dans l'hypothèse d'un "travail en commun".
En effet, si une ou plusieurs entreprises collaborent ensemble à la réalisation d'un travail en commun et qu'elles utilisent leur personnel respectif sous une direction unique, les différentes entreprises oeuvrant ensemble (ainsi que leurs salariés) ne sont plus des tiers les uns par rapport aux autres. Par conséquent, le salarié blessé dans un accident du travail ou ses ayants droit s'il décède ne peuvent pas exercer une action en réparation selon le droit commun non seulement contre leur employeur mais aussi contre les autres entreprises. S'ils veulent agir, ils devront démontrer l'existence d'une faute inexcusable ou d'une faute intentionnelle de cette entreprise tiers.
B - Eléments constitutifs
Selon une jurisprudence constante, la qualification de "travail en commun" est retenue lorsque des salariés de plusieurs entreprises, même s'ils se livrent à des tâches différentes, travaillent simultanément pour un objet et un intérêt communs, sous une direction unique. En ce cas, le salarié victime ne peut exercer de recours de droit commun contre l'entreprise tierce qui a participé à ce travail. Deux conditions doivent être réunies : une direction unique et un travail en commun.
1 - Une direction unique
L'existence d'une direction unique au moment où survient l'accident peut s'apprécier en prenant en compte l'existence de clauses du contrat passé entre les entreprises. En effet, la jurisprudence admet depuis les années 1960 que, s'il est prévu que les salariés d'une entreprise passeront sous l'autorité de l'autre entreprise, les conditions de qualification du travail en commun sont réunies :
- les juges du fond ont pu valablement écarter l'exception de travail en commun, en relevant que les ouvriers de l'entreprise qui déchargeaient les sacs et constituaient les piles étaient restés sous la direction de leur chef d'équipe, les préposés de la société d'acconage ayant pour rôle d'indiquer l'emplacement où la marchandise devait être déposée et de contrôler la quantité de celle-ci, sans que leur intervention dans la constitution des piles de sacs ait pu constituer autre chose qu'un avis, le geste de la victime ne dépassant pas la portée d'un geste purement bénévole. En l'occurrence, l'entreprise a conservé la garde juridique des sacs, dès lors que la prise en charge des marchandises s'opérait non pas à l'unité, mais une fois tout le lot de marchandises mis en stock en vue de chargement (3) ;
- un accident mortel du travail était survenu à un ouvrier d'usine faisant partie d'une équipe qui avait été désignée pour prêter assistance aux préposés d'un transporteur venus, avec des moyens insuffisants, charger une lourde machine dont ils devaient assurer le transfert dans une autre usine. Les juges du fond ont débouté la veuve de la victime de son action contre le transporteur pris comme tiers responsable, dans la mesure où le travail en commun était caractérisé, sous une direction unique. La manoeuvre de déplacement de la machine, au cours duquel l'accident s'est produit, a été réalisée grâce à la collaboration de tous ceux qui y participaient, et sous la direction de spécialistes de la maison de transport (4) ;
- lorsqu'un chauffeur de camion, transportant du matériel appartenant à une entreprise a été en cours de route, rejoint par des préposés de celle-ci, qui avaient reçu pour mission de faire effectuer le transbordement d'un des appareils transportés dans leur camionnette et qu'au cours des opérations de transbordement effectuées sous la direction d'un chef monteur de l'entreprise, le chauffeur a été blessé en dégageant cet appareil, on peut estimer que cette entreprise et celle employant le chauffeur ont effectué un travail en commun dans l'intérêt de deux parties, imposés par des circonstances imprévues, et accompli sous une direction unique. Lors de l'accident, le chauffeur était devenu le préposé de l'entreprise à laquelle appartenait le matériel, ce qui excluait tout action de droit commun à l'encontre de cette entreprise (5) ;
- lors du déchargement d'un camion de billes de bois livrées à une société, le préposé du livreur avait pour unique mission de lier les charges et de passer le câble dans le crochet de levage, tandis que le préposé de la société réceptionnaire avait seul la responsabilité de manoeuvrer la grue. Les juges du fond ont observé que la liaison nécessaire entre l'ouvrier livreur et le grutier, obligatoirement prévenu de l'arrimage de chaque charge, n'avait pas pour résultat de placer l'un sous l'autorité de l'autre. A défaut d'une direction unique, la Cour de cassation a, en l'espèce, écarté toute notion de travail en commun et accueilli l'action en responsabilité de droit commun intentée contre la société par l'ouvrier-livreur blessé à la suite d'une fausse manoeuvre de la grue (6) ;
- lorsque le grutier d'une entreprise effectuant un transport de charges au profit d'une autre entreprise est resté sous les ordres de son chef de chantier qui lui donnait des instructions et avait, au cours de l'opération, réparé sommairement le câble de levage dont la rupture a été à l'origine de l'accident mortel survenu à un ouvrier de cette seconde entreprise, les juges du fond peuvent estimer qu'il n'y a pas eu travail en commun sous une direction unique. Est, par suite, recevable l'action engagée par les ayants droit de la victime contre le chef de chantier de la première entreprise et contre celle-ci (7).
La référence à une "direction unique" implique une concertation préalable des représentants des deux entreprises concernées sur la façon d'accomplir une tâche déterminée. La jurisprudence donne de nombreuses illustrations :
- est légalement justifié l'arrêt qui retient la responsabilité du sous-traitant en relevant qu'il n'est produit aucun élément démontrant un transfert de lien de préposition du sous-traitant à la société ayant sous-traité ou un travail en commun entre ces deux entreprises, la première agissant en toute indépendance et en en déduisant que la victime n'avait pas subi un accident du fait d'un co-préposé (8) ;
- les juges du fond relèvent que la société H., chargée de vérifier l'étanchéité du puits, s'était assuré, à cette fin, le concours du personnel de la société C., lequel s'était placé sous sa seule direction. Ils ont ainsi caractérisé la concertation préalable entre les représentants des sociétés intéressées en vue de l'exécution d'une même tâche et la direction unique sous laquelle celle-ci devait être menée à bien (9) ;
- la direction unique, élément constitutif de la notion de travail en commun, implique une concertation des représentants des deux entreprises concernées sur la façon d'accomplir une tâche déterminée de manière simultanée. La qualité de préposé occasionnel de l'employeur de la victime implique que le préposé se soit trouvé à l'égard de cet employeur dans une situation de dépendance. Par suite, la cour d'appel a pu relever qu'il n'est ni démontré que l'auteur de l'accident se soit préalablement concerté avec l'entreprise employeur de la victime pour effectuer en commun le travail au cours duquel le dommage est survenu, sous la direction unique de l'entreprise, ni qu'au moment de l'accident il était soumis aux instructions du chef de chantier et qu'il ait ainsi porté une collaboration occasionnelle à l'employeur (10) ;
- le travail en commun implique la concertation des représentants des deux entreprises concernées sur la façon d'accomplir une tâche déterminée. A défaut (et dès lors que le prêt de main-d'oeuvre n'est pas par ailleurs allégué) la Caisse primaire d'assurance maladie est en droit de recourir contre le préposé d'une entreprise qui est à l'origine de l'accident du travail dont le salarié d'une autre entreprise a été victime, sur le même chantier (11) ;
- à défaut d'une direction unique, il convient d'écarter la notion de travail en commun et d'accueillir l'action en responsabilité exercée, peu important que les instructions de son employeur aient pu comporter la possibilité d'apporter son concours à la société R. pour le déchargement de la marchandise, cette circonstance étant insuffisante à elle seule pour le placer, à l'égard de cette entreprise, dans un état de subordination contredit par tous les éléments de la procédure (12) ;
- une concertation préalable des entreprises impliquant une direction unique est nécessaire pour caractériser le travail en commun (13).
En l'espèce (arrêt rapporté), la question de la direction unique, caractérisant le travail en commun, a été contestée par la société utilisatrice. Il y a travail en commun lorsque les salariés de plusieurs entreprises travaillent simultanément dans un intérêt commun et sous une direction unique. Selon l'entreprise utilisatrice (l'établissement public V.), la direction unique, élément constitutif du travail en commun, implique une concertation des représentants des entreprises concernées sur la façon d'accomplir une tâche déterminée de manière simultanée. Cette concertation préalable ne supposerait pas nécessairement que tous les travaux préparatoires à la tâche commune aient été exécutés en commun. Or, pour l'entreprise utilisatrice, le juge du fond aurait dû rechercher si le pilotage de la barge par le préposé de l'établissement V. était coordonné avec les opérations de plongée effectuées depuis cette barge sous la direction technique de M. P., dirigeant de la société A., ce qui supposait nécessairement une concertation préalable, peu important que l'établissement public V. eût effectué seul des interventions préparatoires à ce travail en commun, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. L'argument n'a pas été retenu par la Cour de cassation (arrêt rapporté).
2 - Un travail en commun
La qualification de travail en commun dépend des conditions d'exécution des travaux (qui peuvent être différents), lesquels doivent participer à un tout, c'est-à-dire, à un objet commun, alors même que le travail serait effectué dans l'intérêt d'une seule de ces entreprises. Là encore, la jurisprudence abonde (14) :
- il n'y a pas de travail en commun si les employés de deux entreprises travaillent simultanément pour l'exécution de tâches indépendantes les unes des autres et ne sont pas placés sous une direction unique (15) ;
- lorsqu'un employé communal et le salarié d'une société d'aménagement ont été victimes d'un accident de la circulation, c'est à tort que les juges du fond, pour décider que les deux intéressés accomplissaient un travail en commun, ont relevé qu'il se rendaient dans une localité voisine sur l'ordre d'une seule et même personne puisque le maire de la ville était en même temps et de manière statutaire, président directeur général de la société, alors que tout en circulant de manière fortuite dans une autre voiture, ils étaient investis d'une mission différente qui impliquait que pour être menée à bien, ils dussent, à un moment donné, se séparer et retrouver leur autonomie d'action, alors que d'autre part, la commune et la société d'aménagement constituaient deux entités différentes par leur nature juridique et leurs finalités et qu'elles avaient chacune leur existence propre ainsi que cela résultait des ordres différents donnés aux deux salariés par leur hiérarchie respective (16) ;
- lors d'un accident du travail survenu à deux salariés, d'une même société, précipités dans le vide par suite de l'effondrement d'un terminal de tapis mobile servant à transporter du béton fourni par une autre société, il n'est pas caractérisé l'existence d'une tâche menée en commun par les préposés des deux entreprises sous la direction unique de l'une d'elles par la cour d'appel qui énonce que les tâches des uns et des autres tendaient à assurer, en étroite collaboration, le bon fonctionnement d'un matériel et sa mise en conformité avec les normes de sécurité, tout en relevant que l'accident s'est produit au cours des essais du tapis roulant placés sous la direction du préposé de l'entreprise qui avait fourni le tapis, tandis que les victimes se livraient à une tâche distincte des essais, consistant à installer un garde-corps de sécurité sur ce même tapis (17).
En l'espèce (arrêt rapporté), il n'y a travail en commun que lorsqu'il est constaté que les préposés de plusieurs entreprises travaillant simultanément dans un intérêt commun, sont placés sous une direction unique. Pour la Cour de cassation, tel n'était pas le cas.
II - Effets attachés à la qualification de "travail en commun"
A - Recours de la victime
1 - Recours de la victime et responsabilité d'un tiers
Si la faute d'un tiers est à l'origine d'un accident du travail, la victime dispose alors contre le tiers d'un recours fondé sur le droit commun et peut obtenir la réparation intégrale de son préjudice (CSS, art. L. 454-1 N° Lexbase : L0225DPZ). Mais la Caisse d'assurance maladie reste tenue d'indemniser le salarié : cette dernière devra, ensuite, agir contre le tiers afin d'obtenir le remboursement des prestations et indemnités servies.
Lorsque la responsabilité d'un accident du travail est partagée entre l'employeur de la victime et un tiers, la caisse primaire d'assurance maladie dispose d'un recours contre ce dernier dans la mesure où les indemnités dues par elle dépassent celles réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime qui auraient été mises à la charge de l'employeur en vertu du droit commun. Il appartient au juge, afin de permettre la fixation des droits de la Caisse, de prononcer sur les parts respectives de responsabilité de l'employeur et du tiers responsable (18).
Mais en cas d'action de la victime d'un accident du travail contre le tiers responsable devant la juridiction de droit commun, il ne peut être statué sur l'éventuelle responsabilité de l'employeur sans que celui-ci ait été appelé en déclaration de jugement commun (19).
2 - Recours de la victime, responsabilité d'un tiers et faute inexcusable
En présence d'un travail en commun, la victime ne peut agir contre l'employeur (sous la direction duquel elle a travaillé), sauf à démontrer qu'il a commis une faute intentionnelle ou une faute inexcusable. En cas de faute inexcusable, l'employeur de la victime, et non pas l'employeur qui a commis la faute inexcusable, est tenu des conséquences de la majoration. La solution a été avancée par la Cour de cassation en 1966 (20).
B - Recours de la victime contre l'entreprise utilisatrice
1 - Travail temporaire
En cas de travail temporaire, la victime doit agir contre l'entreprise de travail temporaire, alors même que l'entreprise utilisatrice aurait commis la faute inexcusable (21). En effet, la société utilisatrice, sous les ordres de laquelle le salarié victime d'un accident du travail s'est trouvé momentanément placé doit, en cas de faute inexcusable de sa part, être considérée comme substituée dans la direction de l'entreprise de travail temporaire, la majoration de rente devant aussi être supportée par l'entreprise de travail temporaire sauf son recours contre la société utilisatrice (22).
Dans le cas où le salarié intérimaire engage une action en responsabilité, fondée sur la faute inexcusable de l'employeur, sans qu'il y ait eu mise en cause de l'entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire est tenue d'appeler en la cause l'entreprise utilisatrice pour qu'il soit statué dans la même instance sur la demande du salarié intérimaire et sur la garantie des conséquences financières d'une reconnaissance éventuelle de faute inexcusable (CSS, art. L. 245-5-1 N° Lexbase : L1436IGB).
La Cour de cassation a réaffirmée récemment la solution : en cas d'accident du travail dont est victime un salarié mis à disposition par une entreprise de travail temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice, cette dernière, responsable des conditions d'exécution du travail de ce salarié, n'a pas la qualité de tiers à l'égard de celui-ci. Sa responsabilité ne peut être engagée en application des dispositions de l'article L. 454-1 du Code de la Sécurité sociale (23).
2 - Prêt ou location de main d'oeuvre
En cas de prêt de main d'oeuvre, l'employeur n'est pas plus considéré comme un tiers vis-à-vis du salarié mis à sa disposition. La victime (ou ses ayants droit) ne peuvent agir contre l'employeur (ou l'un de ses préposés). En effet, les travailleurs prêtés comme les travailleurs intérimaires sont réputés être sous la subordination de l'employeur de l'entreprise utilisatrice, en raison de l'autorité exercée par l'employeur sur ses salariés et sur ceux qui ont été mis à sa disposition (24).
(1) La cour d'appel a ainsi condamné l'établissement public V. à payer à titre de dommages-intérêts en répara-tion de leur préjudice moral les sommes de 25 000 euros à Mme G., de 35 000 euros à Mme H., veuve R., de 30 000 euros à M. R. et de 25 000 euros chacun aux époux R., parents de M. R..
(2) Sur les accidents du travail dans l'entreprise de travail temporaire, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E7963ESQ) ; A. Coeuret, Responsabilité pénale de la personne morale pour accident du travail : vers la simplification ?, SSL, n° 1281, 6 novembre 2006 ; G. Vachet, Le travail en commun, RJS, 1991, p. 547.
(3) Cass. soc., 5 juillet 1962, Bull. civ. IV, n° 601 ; V. aussi Cass. soc., 30 janvier 1985, n° 82-13.253, publié (N° Lexbase : A0021AHA), Bull. civ. V, n° 71.
(4) Cass. civ. 2, 14 décembre 1962, Bull. civ. II, n° 802.
(5) Cass. soc., 4 décembre 1963, Bull. civ. IV, n° 841.
(6) Cass. soc., 30 avril 1969, n° 67-14.227, publié (N° Lexbase : A2720AUB), Bull. civ. V, n° 288.
(7) Cass. soc., 7 décembre 1983, n° 82-13.607 (N° Lexbase : A4181AA4), Bull. civ. V, n° 597.
(8) Cass. civ. 2, 19 novembre 1998, n° 97-11.888 (N° Lexbase : A9273ASA), JCP, 1999, II, 10113.
(9) Cass. soc., 7 novembre 1991, n° 89-18.841 (N° Lexbase : A2046AGU), RJS, 1991, n° 1369.
(10) Cass. soc., 8 juin 1995, n° 93-17.999 (N° Lexbase : A1255AB4), Bull. civ. V, n° 192, RJS, 1995, n° 824.
(11) Cass. soc., 15 février 1989, n° 85-17.174 (N° Lexbase : A8522AAU), Bull. civ. V, n° 129, RJS, 1989, n° 397.
(12) Cass. soc., 1er juin 1988, n° 86-15.980 (N° Lexbase : A1800AGR) ; V. aussi Cass. soc., 25 janvier 1968, Bull. civ. V, n° 65 ; Cass. soc., 17 octobre 1974, n° 73-11.196, publié (N° Lexbase : A8998CHQ), Bull. civ. V, n° 489 ; Cass. soc., 9 novembre 1977, n° 76-12.334, publié (N° Lexbase : A8266CGA), Bull. civ. V, n° 612.
(13) Cass. crim., 9 octobre 2007, n° 06-88.798, F-P+F+I (N° Lexbase : A8625DY4), Responsabilité civile et assurances, n° 12, décembre 2007, comm. 345.
(14) Cass. soc., 3 mars 1961, Bull. civ., IV, n° 305 ; Cass. soc., 12 décembre 1963, Bull. civ. V, n° 877 ; Cass. soc., 23 avril 1970, n° 69-10.049, publié (N° Lexbase : A6809CIZ), Bull. civ. V, n° 276 ; Cass. soc., 24 mars 1971, n° 69-14.060, publié (N° Lexbase : A6649AGD), Bull. civ. V, n° 247 ; Cass. soc., 24 novembre 1977, n° 76-13.212, publié (N° Lexbase : A8809CI4), Bull. civ. V, n° 649 ; Cass. soc., 18 juin 1981, n° 80-11.173, publié (N° Lexbase : A0201CIB), Bull. civ. V, n° 580 ; Cass. crim., 5 janvier 1982, n° 80-92.761, publié (N° Lexbase : A1318CGW), Bull. crim. n° 7 ; Cass. soc., 17 novembre 1982, n° 81-10.492, n° 81-10. 493 et n° 81-10.494, publié (N° Lexbase : A6778C8K), Bull. civ. V, n° 623.
(15) Cass. crim., 5 novembre 1985, n° 84-90.626, publié (N° Lexbase : A4932AAW), Bull. crim. n° 345 ; V. aussi Cass. crim., 29 juin 1971, n° 70-90.857, publié (N° Lexbase : A4598CKI), Bull. crim. n° 213 ; Cass. crim., 5 janvier 1982, n° 80-92.761, préc. ; Cass. crim., 3 novembre 1971,n° 68-90.606, publié (N° Lexbase : A9219CE8), Bull. crim. n° 298.
(16) Cass. soc., 20 mai 1985, n° 83-17.041, publié (N° Lexbase : A2716AAT), Bull. civ. V, n° 301.
(17) Cass. soc., 23 novembre 1988, n° 87-14.876, publié (N° Lexbase : A2889AHH), Bull. civ. V, n° 621, RJS, 1989, n° 99.
(18) S. Brissy, Recours de la CPAM contre le tiers responsable (note sous Cass. crim., 9 octobre 2007, n° 06-88.798, F-P+F+I N° Lexbase : A8625DY4), JCP éd. S, n° 1, 8 janvier 2008, 1016.
(19) Cass. civ. 2, 25 novembre 2004, n° 02-14.018, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0249DEX), voir les obs. de O. Pujolar, Précisions sur les conditions de la mise en cause de l'employeur par le tiers responsable d'un accident du travail, Lexbase Hebdo n° 146 du 9 décembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3849AB8).
(20) Si, en cas de travail en commun, la faute inexcusable peut résulter d'une faute commise par les dirigeants de l'entreprise qui assure la direction unique du travail, en tant que substituée dans la direction des autres entreprises, seul l'employeur de la victime est débiteur des majorations de rentes sauf recours de sa part contre l'entreprise responsable de la faute : Cass. soc., 30 juin 1966, n° 65-10.840, publié (N° Lexbase : A2947AUP), Bull. civ. IV, n° 666.
(21) Cass. soc., 23 novembre 2000, n° 99-10.850, inédit (N° Lexbase : A3953CZG), RJS, 2001, n° 379 ; Cass. soc., 6 juillet 2000 (N° Lexbase : A8307AH7), RJS, 2000, n° 1004.
(22) Cass. soc., 13 mars 1974, n° 73-10.768, publié (N° Lexbase : A3409ABU), Bull. civ. V, n° 178.
(23) Cass. civ. 2, 30 juin 2011, n° 10-20.246, F-P+B (N° Lexbase : A6616HUL) : voir les obs. de S. Tournaux, La faute du tiers, îlot de stabilité dans le régime mouvementé de la réparation des risques professionnels, Lexbase Hebdo n° 448 du 14 juillet 2001 - édition sociale (N° Lexbase : N6965BSR).
(24) Cass. soc., 30 janvier 1985, deux arrêts, n° 82-13.253 (N° Lexbase : A0021AHA) et n° 82-16.788 (N° Lexbase : A0022AHB), Bull. civ. V, n° 71.
Décision
Cass. crim., 11 octobre 2011, n° 11-80.122, F-P+B (N° Lexbase : A0512HZY) Rejet, CA Paris, 6ème ch., 30 novembre 2010 Textes concernés : CSS, art. L. 451-1 (N° Lexbase : L4467ADS), L. 452-1 (N° Lexbase : L5300ADN), L. 452-3 (N° Lexbase : L5302ADQ), L. 454-1 (N° Lexbase : L9367HEN) ; C. civ., art. 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) ; CPP, art. 591 (N° Lexbase : L3975AZA) et 593 (N° Lexbase : L3977AZC) Mots-clés : accident du travail, entreprise de travail temporaire, entreprise utilisatrice, tiers responsable, victime, réparation, débiteur, tiers responsable, qualification, travail en commun, conditions. Liens base : (N° Lexbase : E7963ESQ) |
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Réf. : Cass. crim., 2 novembre 2011, n° 10-83.219, F-P+B (N° Lexbase : A5177HZR)
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Le 10 Décembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18.762, FS-P+B (N° Lexbase : A5254HZM)
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Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2011, n° 09-43.205, FS-P+B (N° Lexbase : A0634HZI)
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N8628BSD
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
Le 10 Novembre 2011
Résumé
La faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée. |
Commentaire
I - Réaffirmation du principe : l'absence de requalification des contrats saisonniers durables
Comme son nom l'indique parfaitement, le contrat à durée déterminée comporte un terme extinctif, c'est-à-dire la prévision d'un événement futur et certain dont la survenance implique la fin de la relation contractuelle. Ce terme peut prendre différentes formes puisque le contrat peut être accompagné d'un terme certain (2) ou d'un terme incertain (3).
En cas de contrat assorti d'un terme certain (4), une durée maximale d'exécution du contrat a été imposée par le Code du travail. Etablie à dix-huit mois par principe, cette durée peut cependant varier au gré des cas de recours au contrat à durée déterminée et être ainsi abaissée à neuf mois ou, au contraire, allongée jusqu'à vingt-quatre mois (5). Le dépassement de cette durée maximale, qu'il soit prévu par le contrat ou qu'il découle d'une exécution du contrat prolongée au-delà du délai maximal, emporte requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
En cas de contrat assorti d'un terme incertain, au contraire, aucune durée maximale d'exécution n'est imposée aux parties. Ainsi, certains contrats à terme incertain peuvent comporter, de fait, une durée extrêmement longue comme certaines affaires ont pu l'illustrer (6). Les exceptions à la règle de délimitation d'une durée maximale sont cependant clairement précisées. Un terme incertain ne peut être prévu que s'agissant du remplacement d'un salarié absent, d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu ou d'une personne mentionnée aux 4° et 5° de l'article L. 1242-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3209IMS), s'agissant de l'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée ou, enfin, s'agissant des emplois saisonniers ou des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée.
La règle est cependant en partie superflue s'agissant des contrats dits saisonniers. En effet, par définition, le contrat saisonnier est conclu pour s'exécuter durant une "saison", sachant que le caractère saisonnier d'un emploi "concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs" (7).
Si cette règle n'a donc que peu d'intérêt pour limiter la durée des saisons qui ne peuvent naturellement excéder dix-huit mois, elle retrouve en revanche une utilité quant aux règles applicables à la succession de contrats à durée déterminée.
En principe, en effet, la conclusion de contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié est interdite (8) sauf si les parties respectent un délai de carence entre les deux contrats (9). Cependant, cette règle de principe fait l'objet d'exceptions en fonction, à nouveau, du cas de recours invoqué par l'employeur pour conclure le contrat. Or, ces exceptions recouvrent très exactement les cas de figure dans lesquels le contrat à durée déterminée est conclu à terme incertain (10). Ainsi, il paraît parfaitement possible d'enchaîner, année après année, des contrats saisonniers avec un même salarié sans que la durée globale de la relation permette de la requalifier en contrat à durée indéterminée.
C'est ce raisonnement qu'adopte la Chambre sociale de la Cour de cassation depuis plusieurs années en matière de requalification du contrat de travail saisonnier en contrat à durée indéterminée, lui apportant tout de même quelques nuances (11).
Par principe, la Chambre sociale affirme, en effet, que "la faculté pour un employeur de conclure des CDD successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail à durée indéterminée" (12). Cette règle supporte cependant trois exceptions, soit que le salarié ait été engagé pour toutes les saisons et pendant la durée totale de chaque saison, soit que l'emploi du salarié corresponde aux périodes d'activité de l'entreprise (13), soit que les contrats saisonniers aient été assortis de clauses de reconduction pour la saison suivante (14). C'est cette règle de principe qui est réaffirmée dans l'arrêt sous examen.
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée pendant seize années successives, de mi-juillet à mi-septembre, comme saisonnière avec pour fonction le conditionnement de maïs doux, cela jusqu'à la saison 2005. A la fin de l'année 2005, l'employeur notifia à la salariée sa volonté de mettre fin à cette relation pour les années à venir. A cette occasion, la salariée demanda en justice la requalification de la relation en contrat de travail à durée indéterminée et, partant, la qualification de la rupture en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Les juges du fond ayant refusé de faire droit à sa demande, la salariée forma pourvoi en cassation. S'appuyant principalement sur le caractère exprès de la rupture de la relation à l'initiative de l'employeur et sur la durée exceptionnellement longue de leurs relations contractuelles, la salariée estimait que les juges d'appel avaient violé l'article L. 1242-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1428H9R), lequel dispose, il n'est pas inutile de le rappeler, qu'"un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise".
La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette ce pourvoi par un arrêt rendu le 26 octobre 2011. Reprenant la règle prétorienne classique ci-dessus exposée, la Cour dispose que "la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée". Or, remarque-t-elle, "l'emploi occupé correspondait à des tâches appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction de la maturité du produit de saison" si bien que "ces tâches confiées à la salariée étaient liées à cet accroissement cyclique" et "que l'emploi était saisonnier".
Cette décision qui, en apparence, ne révolutionne guère la matière, appelle cependant plusieurs commentaires pour ce qu'elle dit, mais aussi, pour ce qu'elle ne dit pas.
II - Renforcement du principe : le recul des exceptions permettant la requalification des contrats saisonniers durables
Quoique la décision ne fasse que reprendre une solution désormais bien ancrée dans la jurisprudence de la Cour de cassation, on peut malgré tout se demander si le maintien de cette solution était véritablement justifié. Sur le plan technique, nous l'avons vu, les contrats saisonniers font exception aux règles de durée maximale et aux règles afférentes à la succession des contrats à durée déterminée. La solution commentée paraît donc logique et justifiée, du moins sur le plan technique.
Pour autant, on peut légitimement se demander si la combinaison de ces règles ne mène pas à un résultat résolument opposé à l'objectif essentiel que s'était assigné le législateur en interdisant le recours au contrat à durée déterminée pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. En effet, si le secteur agroalimentaire constitue l'un des secteurs du travail saisonnier par excellence, cela n'empêche pas de considérer que le conditionnement du maïs doux auquel était assigné la salariée constitue une activité normale et permanente de l'entreprise. Peut-être, selon les saisons, la quantité de maïs à conditionner peut-elle évoluer, les dates auxquelles le maïs est prêt à être conditionné peuvent-elles varier. Pour autant, à moins d'un désastre météorologique, l'entreprise cultive, produit, conditionne et, probablement, commercialise ce maïs, ce qui entre très clairement dans son activité normale et permanente. Quant au caractère durable de l'emploi, si l'on ne saurait "lier l'écoulement du temps à la notion même d'emploi permanent" (15), comment nier qu'une activité menée seize années d'affilée, soit un tiers d'une vie professionnelle, soit une activité menée "durablement" ?
Le raisonnement adopté par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans ce domaine semble s'appuyer sur une articulation entre règle spéciale -la règle technique ne limitant pas la durée et la succession de contrats saisonniers- et règle générale -l'interdiction de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité permanente de l'entreprise. Specialia generalibus derogant... C'est en tous les cas ce que l'on peut déduire de l'attachement porté par la chambre sociale à caractériser le caractère saisonnier de l'emploi. Pour autant, la règle de conflit selon laquelle la règle spéciale doit écarter l'application de la règle générale ne devrait pas trouver à s'appliquer ici, précisément parce que l'article L. 1242-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1428H9R) interdit les contrats destinés à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise "quel que soit le motif" pour lequel il a été recouru au contrat à durée déterminée. En d'autres termes, ce n'est pas parce que l'emploi est un emploi saisonnier qu'il ne peut, dans le même temps, consister à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et, partant, ne pas permettre le recours au contrat à durée déterminée.
Si l'on peut donc considérer que le raisonnement de la Chambre sociale n'est peut-être pas le plus approprié, il nous semble, en outre, que la décision commentée porte en germe une évolution sérieuse du régime de la requalification des contrats saisonniers.
Comme nous l'avons relevé, depuis 2004, la Chambre sociale accepte trois exceptions à la règle selon laquelle l'emploi saisonnier n'est assorti d'aucune limite de temps au-delà de laquelle la relation globale serait à durée indéterminée, soit que le salarié ait été engagé pour toute la durée de la saison, soit que le salarié ne travaille que durant les périodes d'activité de l'entreprise, soit que le contrat ait comporté une clause de reconduction.
Il n'est en aucun cas possible d'affirmer que, dans l'espèce commentée, la salariée était engagée pour la durée entière de chaque saison ni, a fortiori, que l'activité de l'entreprise se limitait aux périodes d'emploi de la salariée. Le silence de la chambre sociale à propos de ces exceptions ne doit donc pas être sur interprété, il ne signifie pas nécessairement son intention de vouloir s'en départir.
De la même manière, il est fort peu probable que les contrats saisonniers successivement conclus ait comporté une clause de reconduction, auquel cas l'argument aurait nécessairement été avancé par le conseil de la salarié. Là encore donc, la décision de la cChambre sociale ne remet pas formellement en cause l'exception traditionnelle. Pour autant, la notification expresse par l'employeur de sa volonté de mettre fin à la relation contractuelle pour l'avenir répond clairement à une logique similaire à l'existence d'une clause de reconduction.
En effet, si l'employeur prend le soin d'informer la salariée qu'il ne comptera plus sur elle pour les saisons à venir, c'est fort probablement parce que la salariée était en droit de s'attendre à ce que l'on fasse à nouveau appel à ses services l'année suivante. Dit autrement, quand bien même aucune cause de reconduction expresse n'avait été conclue, la notification de la fin de la relation par l'employeur traduisait l'existence d'un engagement tacite de reconduction auquel l'employeur croyait être tenu, duquel la salariée pouvait légitimement penser être créancière. Dès lors, en refusant de prendre en compte l'argument s'appuyant sur la notification de la fin de la relation contractuelle, la Cour de cassation s'oppose sur le fond, si ce n'est sur la forme, à l'idée selon laquelle la reconduction attendue, année après année, de l'emploi saisonnier, constituerait une exception à la règle interdisant de voir dans une relation de longue durée une relation à durée indéterminée.
(1) C. trav., art. L. 1221-2, alinéa 1er (N° Lexbase : L8930IAY).
(2) Matérialisé par une date d'échéance ou par une durée précise d'exécution du contrat.
(3) Matérialisé par un événement dont la survenance est acquise sans pour autant pouvoir être datée, par exemple, le retour du salarié remplacé à son poste de travail.
(4) C. trav., art. L. 1242-7 (N° Lexbase : L1439H98).
(5) Sur l'ensemble de ces durées maximales, v. C. trav., art. L. 1242-8 (N° Lexbase : L5746IA3).
(6) V. en particulier Cass. soc., 4 février 2009, n° 08-40.184, FS-P+B (N° Lexbase : A9643EC7) et nos obs., Il était sur la route de son CDD..., Lexbase Hebdo n° 340 du 4 mars 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7637BIP).
(7) Cass. soc., 12 octobre 1999, n° 97-40.915 (N° Lexbase : A4714AGP), Dr. soc., 1999, p. 1097, obs. Cl. Roy-Loustaunau ; Cass. soc., 9 mars 2005, n° 02-44.706, FS-P+B (N° Lexbase : A2507DHC) et les obs. de N. Mingant, Le caractère saisonnier d'un emploi, Lexbase Hebdo n° 160 du 23 mars 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N2287AIK).
(8) C. trav., art. L. 1243-11 (N° Lexbase : L1475H9I).
(9) C. trav., art. L. 1244-3 (N° Lexbase : L1484H9T).
(10) C. trav., art. L. 1244-1 (N° Lexbase : L1480H9P).
(11) D'une manière générale sur les différentes hypothèses de requalification du contrat saisonnier, v. Cass. soc., 4 avril 2007, n° 06-40.343, F-D (N° Lexbase : A9173DUB) et nos obs., Petit vade-mecum de la requalification du contrat de travail saisonnier, Lexbase Hebdo n° 258 du 2 mai 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N9193BAQ).
(12) Cass. soc., 30 mai 2000, n° 98-41.134, publié (N° Lexbase : A8755AHQ) ; Cass. soc., 15 octobre 2002, n° 00-41.759, publié (N° Lexbase : A2522A3S), Dr. soc., 2002, p. 1140, obs. Cl. Roy-Loustaunau.
(13) Sur ce cas de figure, v. Cass. soc., 2 février 1994, n° 89-44.219 (N° Lexbase : A9467AAU) : Dr. soc., 1994, p. 372 ; Cass. soc., 6 juin 1991, n° 87-45.308 (N° Lexbase : A4379ABS) : Bull. civ. V, 1991, n° 288.
(14) Cass. soc., 16 novembre 2004, n° 02-46.777, F-P+B (N° Lexbase : A9488DDR) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Contrat saisonnier sur contrat saisonnier ne vaut pas forcément requalification, Lexbase Hebdo n° 145 du 1er décembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3695ABH ; SSL, 2004, n° 1193, obs. V. F.
(15) Cl. Roy-Loustaunau, Dr. soc., 2002, p. 1140, préc..
Décision
Cass. soc., 26 octobre 2011, n° 09-43.205, FS-P+B (N° Lexbase : A0634HZI) Dispositif : CA Pau, ch. soc., 10 septembre 2009 Textes concernés : C. trav., art. L. 1242-2 (N° Lexbase : L3209IMS) Mots-clés : contrat de travail à durée déterminée, emploi saisonnier, requalification (non). Liens base : (N° Lexbase : E7730ES4) |
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-11.820, FS-P+B (N° Lexbase : A5256HZP)
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N8691BSP
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Le 12 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-30.033, FS-P+B (N° Lexbase : A5252HZK)
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Le 10 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2011, n° 10-14.175, FS-P+B, sur le quatrième moyen (N° Lexbase : A0633HZH)
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N8633BSK
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 10 Novembre 2011
Résumé
La prescription de cinq ans ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui, comme en l'espèce pour la participation aux fruits de l'expansion de l'entreprise, ne sont pas connus du bénéficiaire. Les gérants visés à l'article L. 7321-1 du Code du travail bénéficient des dispositions de ce code et notamment de celles du titre V Livre II relatif aux conventions collectives ; ils relèvent donc de la convention collective à laquelle est soumis le chef d'entreprise qui les emploie, notamment concernant la protection de la santé du personnel. |
Commentaire
I - Questions de prescription
Rappel des épisodes précédents. Nous avions relaté, dans une précédente chronique, les grandes dates de la "guerre des pompes" opposant les "petits pompistes" et les "grands groupes pétroliers" (1). Dans de nombreuses hypothèses, plusieurs années de longues luttes acharnées ont vu les contrats de gérants de stations-service requalifiés en contrats de travail lorsque les conditions de l'article L. 7321-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1885IEK) le permettaient (2). Pensant pleinement profiter des effets de ces requalifications, de nombreux néo-salariés se sont heurtés à la prescription quinquennale des gains et salaires et ont tenté de faire valoir soit qu'ils avaient été placés dans l'impossibilité d'agir en justice, compte tenu du refus opposé par les pétroliers de leur reconnaître le statut de gérant-salarié, ce qui n'a pas été admis par la Cour de cassation (3), soit que l'application de la prescription quinquennale les privait de manière injustifiée de leur droit d'agir en justice ou d'un de leur bien, violant ainsi les articles 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) pour le premier et l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9) pour le second, ce qui n'a pas non plus été admis (4).
L'affaire. Un couple de pompiste avait exploité une station-service dans le Val-d'Oise à compter du 15 juin 1978, leur activité d'exploitation de celle-ci s'exerçant, à partir de 1983, dans le cadre de divers contrats conclus entre la SARL qu'ils avaient constitué à la demande de la société T. et cette dernière, pour assurer notamment la distribution de ses produits pétroliers. Leurs relations contractuelles avaient cessé le 30 juin 2004 à la demande des époux. Ces derniers ont saisi le 8 février 2006 la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article L. 781-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6860AC3), alors applicable, et présenté diverses demandes à ce titre. Ils ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 13 janvier 2010 qui a rejeté leurs demandes. La société a formé un pourvoi incident et a présenté à cette occasion un question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 781-1 précité, devenu article L. 7321-2 du Code du travail, "en tant qu'il utilise le terme 'presque exclusivement'" et en ce que cet adverbe contreviendrait "aux articles 2 (N° Lexbase : L1366A9H), 4 (N° Lexbase : L1368A9K), 6 (N° Lexbase : L1370A9M), 16 (N° Lexbase : L1363A9D) et 17 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, en lien avec les articles 34 (N° Lexbase : L1294A9S) et 37 de la Constitution". La Chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que cette question n'était pas sérieuse "dès lors que les termes 'presque exclusivement' contenus dans l'article L. 7321-2 du Code du travail, tels qu'interprétés à de nombreuses reprises par la Cour de cassation, ne sont ni imprécis ni équivoques et ne peuvent porter atteinte aux objectifs à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ni, en conséquence, aux droits et libertés visés dans la question" (5).
La requalification du contrat en contrat de gérants salariés déclenchant l'application du régime concerné et de nouveaux droits indemnitaires pour les salariés, dont le droit à participation, s'était posée également la question de l'application de la prescription quinquennale.
Pour la cour d'appel, celle-ci s'appliquait sans contestation possible dans la mesure où les sommes versées au titre de la participation ont une nature salariale.
Tel n'est pas l'avis de la Cour de cassation qui casse sur ce point, au visa de l'article 2277 du Code civil (N° Lexbase : L7196IAR), et considère que "la prescription de cinq ans ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui, comme en l'espèce pour la participation aux fruits de l'expansion de l'entreprise, ne sont pas connus du bénéficiaire".
On reconnaît l'application d'une règle prétorienne (contra non valentem) consacrée en 2008 lors de la réforme de la prescription (C. civ., art. 2234 N° Lexbase : L7219IAM ; loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I) et dont la Chambre sociale de la Cour de cassation a déjà fait application, singulièrement en matière de participation (6), non pas seulement pour décaler le point de départ de la prescription de cinq ans mais pour l'écarter au profit de la prescription de droit commun. On sait toutefois que cette mise à l'écart n'a depuis la réforme de 2008 plus intérêt dans la mesure où le délai de droit commun a été ramené de trente à cinq ans.
Prescription de l'action en affiliation au régime général. Dans cette affaire, la cour d'appel avait également déclaré applicable la prescription quinquennale des gains et salaires à la demande des époux concernant leur affiliation au régime général et au paiement des cotisations correspondantes. Sur ce point, également, l'arrêt est cassé, la Chambre sociale de la Cour de cassation réaffirmant que "l'obligation de l'employeur d'affilier son personnel au régime général de la sécurité sociale et d'effectuer le paiement des cotisations sociales correspondantes est soumise à la prescription trentenaire" (7), confirmant au passage sa jurisprudence concernant les cotisations aux caisses de retraite (8). Cette action doit donc être logiquement distinguée de celle qui a pour objet d'obtenir un rappel de salaire correspondant à des cotisations indument versées et qui est bien soumise à la prescription quinquennale (9).
On peut s'étonner du rattachement à la prescription de droit commun d'actions concernant effectivement des cotisations dont le versement est réalisé sur une même périodicité que les salaires. Mais ici encore la question, qui conserve tout son intérêt théorique, a perdu aujourd'hui de son intérêt pratique compte tenu de l'alignement du délai de droit commun sur la prescription quinquennale des gains et salaires.
II - Du droit à la santé et à la sécurité des gérants de succursales
De l'obligation de sécurité de résultat des employeurs de gérants salariés. L'application du régime de gérant de succursale avait également entraîné un contentieux inédit entre le couple et la société T. mettant en cause la responsabilité de cette dernière à qui il était reproché de les avoir exposés à des substances dangereuses.
La cour d'appel, décidément bien mal inspirée dans cette affaire, avait débouté le couple de ses demandes après avoir considéré que la base légale de l'obligation de sécurité de l'employeur à l'égard des salariés figure aux articles L. 231-1 (N° Lexbase : L5950ACD) et suivants du Code du travail, sous l'ancienne codification applicable à l'espèce, et plus particulièrement à l'article L. 231-7 (N° Lexbase : L5967ACY), que ces articles appartiennent au livre II du Code du travail, sous l'ancienne codification, et que les prescriptions de ce Livre II ne sont pas applicables aux époux qui fixaient librement les conditions d'hygiène et de sécurité de leur propre travail ainsi que de celui de leurs salariés dans le cadre des obligations légales et réglementaires.
L'arrêt est également cassé sur ce point au visa de l'article L. 781-1, devenu L. 7321-1 et L. 7321-3 (N° Lexbase : L3465H99) du Code du travail. Pour la Haute juridiction, en effet, "les travailleurs visés à l'article L. 781-1 du code du travail devenu les articles L. 7321-1 et L. 7321-3 bénéficient des dispositions de ce code et notamment de celles du titre V Livre II relatif aux conventions collectives", et "que par suite ils relèvent de la convention collective à laquelle est soumis le chef d'entreprise qui les emploie", et que les juges auraient dû "examiner les demandes des époux formées au titre de dispositions de la convention collective de l'industrie du pétrole concernant la protection de la santé du personnel".
Une cassation méritée. La cassation était méritée, même si les arguments retenus en appel n'étaient pas totalement ineptes.
Le principe posé par l'article L. 7321-1 du Code du travail est, en effet, bien celui de l'application par principe des dispositions du Code du travail aux gérants de succursales, sous les réserves liées aux dispositions particulières du Titre deuxième qui leur est spécialement consacré dans le Livre 3 de la septième partie. Or, certaines de ces réserves concernent bien la santé et la sécurité, et l'article L. 7321-3 du Code du travail, qui définit le cadre général applicable aux gérants de succursales, dispose que "le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord". Ce même article dispose que "dans le cas contraire, ces gérants sont assimilés à des chefs d'établissement" et que "leur sont applicables, dans la mesure où elles s'appliquent aux chefs d'établissement, directeurs ou gérants salariés, les dispositions relatives : [...] 5° à la santé et à la sécurité au travail prévues à la quatrième partie". On pouvait donc s'interroger ici sur l'opposabilité à la société des dispositions prévues par le Code du travail en matière d'obligation de sécurité.
Une solution justifiée. La solution retenue nous semble toutefois justifiée.
Il est tout d'abord erroné de situer le siège de l'obligation de sécurité de l'employeur exclusivement dans les dispositions législatives du Code du travail. On sait, en effet, que la Cour de cassation a considéré, depuis 1994 (10), que cette obligation était fondée avant tout sur le contrat de travail (11), ce qui conduit à en faire bénéficier également les gérants de succursale.
Par ailleurs, les époux se fondaient sur un certain nombre de dispositions conventionnelles applicables en matière d'hygiène et de sécurité. Il pouvait certes être tentant d'interpréter ces dispositions au regard de la désignation des personnes responsables par application de l'article L. 7321-3 du Code du travail, et de lier les deux en considérant que les dispositions conventionnelles ne s'appliquaient que dans la mesure où les époux ne fixaient pas par eux-mêmes "les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement", sans que ces mesures ne soient jamais soumises à l'accord de la société. Mais, il semblait tout aussi légitime de considérer que les dispositions conventionnelles s'appliquaient de manière autonome, c'est-à-dire sans condition, et que si elles conféraient aux gérants de succursales plus de droits que ceux qu'ils tiennent du Code du travail ces dispositions doivent s'appliquer par application du principe de faveur. Il semblait donc légitime d'analyser la situation du couple de gérants au regard de ces dispositions conventionnelles, sans les rejeter a priori comme cela avait été fait de manière abusive par la cour d'appel. La Cour de cassation reprend donc les termes de précédentes décisions dans lesquelles elle avait affirmé que "les travailleurs visés à l'article L. 781-1 du Code du travail devenu les articles L. 7321-1 et L. 7321-3 bénéficient des dispositions de ce code et notamment de celles du titre V Livre II relatif aux conventions collectives et que par suite ils bénéficient de la convention collective à laquelle est soumis le chef d'entreprise qui les emploie" (12).
(1) V. nos obs., De la conformité de la prescription quinquennale des gains et salaires aux engagements internationaux de la France : l'épilogue de la "guerre des pompes" ?, Lexbase Hebdo n° 425 du 26 janvier 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N1676BRI), à propos de Cass. soc., 12 janvier 2011, n° 09-69.348, FS-P+B, sur le troisième moyen (N° Lexbase : A9779GPU).
(2) Dernièrement, s'agissant de la distribution d'abonnements ; Cass. soc., 1er février 2011, jonction, n° 08-45.223, n° 08-45.295 et n° 09-65.999, F-D (N° Lexbase : A3489GRN). S'agissant de la vente de produits de beauté ; Cass. soc., 9 mars 2011, n° 09-42.901, FS-P+B (N° Lexbase : A2473G9H).
(3) Cass. soc., 26 novembre 2008, n° 06-45.104, FS-P (N° Lexbase : A5137EBU), Dr. soc., 2009, p. 372, obs. Ch. Radé ; Cass. soc., 7 avril 2009, n° 07-43.409 et 07-43.414, F-D (N° Lexbase : A1031EGB) ; Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-45.615, F-D (N° Lexbase : A5764EIC) et Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 08-40.049, F-D (N° Lexbase : A5920EI4) ; Cass. soc., 17 novembre 2010, n° 09-65.081, FS-P+B, sur le 3ème moyen (N° Lexbase : A5850GKU).
(4) Cass. soc., 12 janvier 2011, n° 09-69.348, FS-P+B, sur le troisième moyen, préc..
(5) Cass. QPC, 28 septembre 2010, FS-D, n° 10-40.027(N° Lexbase : A1250GBW) et n° 10-40.028. (N° Lexbase : A1251GBX) ; Cass. QPC, 30 novembre 2010, n° 10-14.175, F-D (N° Lexbase : A6275GMD).
(6) Cass. soc., 26 janvier 1989, n° 86-43081, publié au bulletin, (N° Lexbase : A1350AAA). Sur la mise à l'écart de la prescription quinquennale pour les subventions de fonctionnement des comités d'entreprise, v. nos obs., Imbroglio autour de la prescription applicable aux actions en paiement des subventions du comité d'entreprise, Lexbase Hebdo n°428 du 16 février 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N3626BRQ), Cass. soc., 1er février 2011, n° 10-30.160, FS-P+B (N° Lexbase : A3713GRX).
(7) Dans le même sens, Cass. soc., 8 décembre 2010, n° 09-67.447, F-D (N° Lexbase : A9126GMX).
(8) Cass. soc., 28 juin 2000, n° 98-42.145, inédit (N° Lexbase : A6865C4Z) ; Cass. soc., 28 mai 2008, n° 07-40.021, F-D (N° Lexbase : A7910D8H) ; Cass. soc., 13 avril 2010, n° 09-41.508, F-D (N° Lexbase : A0684EWA).
(9) Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-45.097, publié (N° Lexbase : A3648DAD).
(10) Cass. soc., 11 octobre 1994, n° 91-40.025, publié (N° Lexbase : A0874ABY), D., 1995, jur. p. 440, note Ch. Radé.
(11) Sur cette obligation, v. notre chron., Autorité et responsabilités au sein de l'entreprise, RLDC, 2008, supp., n° 51, p. 39.
(12) Cass. soc., 25 mars 2009, n° 07-41.242, FS-P+B (N° Lexbase : A1974EET), à propos des dispositions de l'accord collectif en matière d'ancienneté.
Décision
Cass. soc., 26 octobre 2011, n° 10-14.175, FS-P+B, sur le quatrième moyen (N° Lexbase : A0633HZH) Cassation partielle, CA Versailles, 17ème ch., 13 janvier 2010, n° 07/04144 (N° Lexbase : A0422EWK) Texte visé : C. civ., art. 2277 (N° Lexbase : L5385G7L) (dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008) Liens base : (N° Lexbase : E8374ESX) |
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18.036, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5253HZL)
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Le 10 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.637, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5251HZI)
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Le 11 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.702, FS-P+B (N° Lexbase : A5255HZN)
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Le 15 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-30.033, FS-P+B (N° Lexbase : A5252HZK)
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Le 10 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18.762, FS-P+B (N° Lexbase : A5254HZM)
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Le 16 Novembre 2011
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Réf. : Ordonnance n° 2011-1328 du 20 octobre 2011 portant transposition de la Directive 2009/38/CE (N° Lexbase : L1989IR4)
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par Marion Del Sol, Professeur à l'Université de Rennes 1 (IODE - UMR CNRS 6262)
Le 10 Novembre 2011
Dès le début des années 80, la question de l'information et de la consultation des travailleurs employés par des entreprises à structure complexe, le plus souvent transnationale, a été posée (1). Elle a été réactivée par la suite au point de conduire à l'adoption, en 1994, d'une Directive portant sur la représentation du personnel dans les entreprises ou groupes de dimension communautaire (2). La particularité de ce texte est double : d'une part, il envisage l'information et la consultation des travailleurs de façon générale et non seulement lorsque sont caractérisées des situations spécifiques (projet de licenciement économique par exemple) ; d'autre part, il se situe résolument dans une logique transnationale puisqu'il institue une instance ad hoc de représentation du personnel dans les entreprises ou groupes de dimension communautaire.
La Directive 94/45 doit être considérée comme une sorte de "ballon d'essai" puisque l'article 15 prévoyait que ses modalités d'application devaient donner lieu à réexamen. Le processus de réexamen a été à la fois long et chaotique. Il a toutefois abouti en 2009 sous la forme de la Directive 2009/38/CE (3), dite Directive "refonte" (N° Lexbase : L1962IEE), qui tend à la fois à tirer les enseignements de l'application du texte de 1994 et à moderniser la législation communautaire en matière d'information et de consultation des travailleurs. Les objectifs de la révision sont clairement énoncés dans le considérant 7 de la Directive "refonte" :
Un délai de transposition courant jusqu'au 5 juin 2011 a été accordé aux Etats membres. S'agissant de la France, ce délai a été dépassé puisque la transposition est intervenue par l'intermédiaire d'une ordonnance en date du 20 octobre 2011 (6). Celle-ci modifie, en conséquence, certaines dispositions du titre IV du livre III du Code du travail (art. L. 2431-1 N° Lexbase : L0229H9Det s.) dans des termes empruntés, le plus souvent, au texte même de la Directive "refonte". Cette transposition rend opportun un retour sur le contenu de cette révision tant en ce qui concerne les procédures d'instauration d'un CEE que les modalités de fonctionnement de l'institution.
II - L'instauration d'un CEE (7)
Champ d'application. L'article 1er de la Directive dispose que l'objectif poursuivi est celui de l'amélioration du droit à l'information et à la consultation des travailleurs dans le cadre des entreprises de dimension communautaire et des groupes d'entreprises de dimension communautaire. Il est dès lors essentiel de circonscrire le champ d'application du texte dont on doit préciser qu'il n'a été modifié ni par la révision ni par la transposition.
La délimitation du champ d'application suppose de croiser deux critères : l'implantation territoriale et les effectifs (8). Les contours de ces critères se trouvent précisés par l'article 2 § 1 de la Directive "refonte" et codifiés aux articles L. 2341-1 (N° Lexbase : L9963H8I) et 2 (N° Lexbase : L9965H8L) du Code du travail. Au sens du Code du travail français :
- est considérée comme une entreprise de dimension communautaire une entreprise (ou un organisme) qui emploie au moins 1 000 salariés dans les Etats membres ou de l'Espace économique européen et qui comporte au moins un établissement employant 150 salariés et plus dans au moins deux de ces Etats (art. L. 2341-1) ;
- constitue un groupe d'entreprises de dimension communautaire un groupe (9) employant au moins 1 000 salariés dans les Etats membres ou de l'Espace économique européen et comportant au moins une entreprise employant 150 salariés et plus dans au moins deux de ces Etats (art. L. 2341-2).
Initiative du processus. La Directive précise qu'il appartient à la direction centrale de l'entreprise ou du groupe de dimension communautaire d'initier le processus de création d'un CEE, de créer les conditions nécessaires à l'institution et bon fonctionnement de cette instance de représentation (10).
Cependant, afin d'accroître le nombre de CEE, la Directive ouvre la possibilité pour les travailleurs d'avoir accès aux informations permettant de s'assurer qu'un processus d'instauration du CEE a vocation à être déclenché (art. 4 § 4). A cet effet, tout établissement (ou entreprise), qu'il soit ou non dominant, est rendue responsable de l'obtention et de la transmission aux salariés et à leurs représentants des informations indispensables à l'ouverture des négociations, notamment celles relatives à la structure de l'entreprise ou du groupe et à ses effectifs (C. trav., art. L. 2342-3 al. 3 mod. N° Lexbase : L2022IRC).
Sur la base de ces éléments, les salariés peuvent alors contrecarrer l'éventuelle inertie de leur entreprise (ou groupe). En effet, à défaut d'initiative prise par la direction centrale, le processus doit être engagé à la demande écrite d'au moins 100 salariés ou de leurs représentants (11).
Groupe spécial de négociation. Dès la première Directive, il a été souhaité que les CEE puissent être instaurés autant que possible par voie conventionnelle, sur une base volontaire. La négociation doit être "le vecteur privilégié pour la constitution de ces comités" (12). Ainsi, il appartient à l'entreprise dominante de mettre en place un groupe spécial de négociation "en vue de la conclusion d'un accord destiné à mettre en oeuvre le droit des salariés à l'information et à la consultation à l'échelon européen" (C. trav., art. L. 2342-1).
La transposition de la Directive "refonte" n'emporte modification ni des règles de composition ni des règles de désignation du groupe spécial de négociation (C. trav., art. L. 2344-1 N° Lexbase : L0040H9D et s.) (13). En revanche, elle fait une place plus importante aux organisations syndicales reconnues au niveau européen. En effet, ces organisations doivent être informées de la composition du groupe spécial et du début des négociations (C. trav., art. L. 2342-5 al. 2 mod. N° Lexbase : L2021IRB) (14). Mais, plus important, il est désormais expressément précisé que les représentants des organisations européennes de salariés peuvent compter parmi les experts auxquels le groupe spécial peut avoir recours et peuvent assister, à titre consultatif, aux réunions de négociation (C. trav., art. L. 2342-7 mod. N° Lexbase : L2020IRA). Nul doute que le recours à cette catégorie d'experts devrait permettre de "professionnaliser" davantage la négociation, dans son déroulement et dans son contenu, les membres du groupe spécial étant ainsi épaulés par des syndiqués rôdés aux rouages de négociations complexes et transnationales.
Par ailleurs, la refonte accroît les moyens de concertation du groupe spécial de négociation. Les membres de ce groupe peuvent se réunir avant et après les réunions hors la présence des représentants de l'entreprise dominante. A cet effet, il doit leur être accordé les moyens nécessaires et adaptés à leur communication (C. trav., art. L. 2342-5, al. 3 mod.). Le texte ne précise pas la nature de ces moyens mais la transposition ayant donné lieu à l'ajout du qualificatif "adaptés", on peut considérer que ces moyens doivent être en cohérence avec la dispersion géographique des membres du groupe spécial ; ainsi, des possibilités de visio-conférence devraient pouvoir être réclamées.
Contenu de l'accord. Les négociations peuvent aboutir à un accord instituant un CEE. Afin de répondre aux objectifs de la Directive "refonte", les négociateurs se trouvent davantage guidés à ce stade du processus. L'article L. 2342-9 du Code du travail (N° Lexbase : L2019IR9) est en conséquence modifié. Il prévoit que l'accord détermine :
- [inchangé] le périmètre de l'accord, c'est-à-dire les établissements de l'entreprise de dimension communautaire ou les entreprises membres du groupe d'entreprises de dimension communautaire concernés par l'accord (1°) ;
- [modifié] la composition et le nombre de membres du CEE, la répartition des sièges et la durée du mandat. La composition lato sensu doit désormais prendre en en compte le besoin de représentation équilibrée des salariés selon les activités, les catégories de salariés et le sexe (2°) ;
- [inchangé] les attributions du CEE et les modalités de son information et de sa consultation (3°) ;
- [ajout] les modalités de l'articulation entre l'information et la consultation du CEE et celles des instances nationales de représentation du personnel (15) et ce, en fonction de leurs compétences et domaines d'interventions respectifs (4°) ;
- [inchangé] le lieu, la fréquence et la durée des réunions du CEE (devenu 5°) ;
- [ajout] le cas échéant, la composition, les modalités de désignation, les attributions et les modalités de réunion du bureau (16) constitué au sein du CEE (6°) ;
- [inchangé] les moyens matériels et financiers alloués au CEE (devenu 7°) ;
- [modifié+ajout] la date d'entrée en vigueur de l'accord et sa durée, les modalités selon lesquelles l'accord peut être amendé ou dénoncé ainsi que les cas dans lesquels l'accord doit être renégocié et la procédure de sa renégociation, notamment lorsque des modifications interviennent dans le structure de l'entreprise ou du groupe d'entreprises de dimension communautaire (8°).
Ces dispositions comblent une des lacunes de la Directive initiale de 1994 qui était presque muette sur la vie de l'accord, spécialement en cas de modification du périmètre de l'entreprise ou du groupe. L'accord doit dorénavant anticiper ces questions et ainsi éviter, grâce au jeu des prévisions conventionnelles, toute forme de blocage de l'institution. L'évolution doit être saluée tant il est vrai que les entreprises et groupes sont confrontés à des mouvements quasi continuels de restructuration. Dans un considérant (n° 40), le législateur européen prend même soin de préciser les modalités applicables à défaut de dispositions conventionnelles ; il prévoit ainsi le maintien à titre transitoire du CEE dans l'attente de la signature d'un nouvel accord, puis la dissolution du comité précédent. On doit toutefois regretter que cette solution par défaut ne figure pas dans le corps de la Directive, ce qui pourrait faire douter de sa portée (17). Mais, à l'occasion de la transposition, le législateur français s'est saisi de la question. Le nouvel article L. 2341-10 (N° Lexbase : L2008IRS) prévoit des règles supplétives dont la mise en oeuvre doit conduire à un accord "réactualisé" et dispose que, pendant cette phase de renégociation, le CEE existant continue à fonctionner.
III - Le fonctionnement de l'institution
Champ de compétence. L'article L. 2341-4 (inchangé) du Code du travail (N° Lexbase : L9969H8Q) dispose que le CEE "est institué dans les entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire afin de garantir le droit des salariés à l'information et à la consultation à l'échelon européen". Ce texte était manifestement insuffisant pour délimiter les attributions du CEE. La transposition de la Directive "refonte" a conduit le législateur français à insérer un nouvel article L. 2341-8 (N° Lexbase : L2006IRQ) qui précise que la compétence du CEE porte sur les questions transnationales (18), c'est-à-dire sur les questions intéressant l'ensemble de l'entreprise ou du groupe ou au moins deux entreprises ou établissements situés dans deux Etats membres.
Une incertitude demeure toutefois dès lors que l'on rapproche ce texte du considérant n° 16 de la Directive : peut-on reconnaître compétence au CEE sur des questions se posant au sein d'un seul établissement ou d'une seule entreprise ? En effet, le considérant n° 16 examine comme transnationales les "questions qui, indépendamment du nombre d'Etats membres concernés, revêt de l'importance pour les travailleurs européens, s'agissant de l'ampleur de leur impact potentiel ou qui impliquent des transferts d'activité entre Etats membres". Il nous semble que l'effet utile des mécanismes d'information et de consultation induit nécessairement qu'une question mettant en jeu un seul site soit débattue devant le CEE dès lors que la décision envisagée est susceptible d'emporter des effets au-delà de ce site. Par conséquent, la compétence du CEE porterait tant sur les questions transnationales "par nature" que potentiellement transnationales.
Modalités générales d'information et de consultation. Un des principaux apports de la Directive "refonte" consiste à donner une définition des notions d'information et de consultation. Celles-ci sont reprises dans l'ordonnance de transposition.
Il en résulte l'insertion dans le Code du travail d'un article L. 2341-7 (N° Lexbase : L2005IRP) : "l'information [...] consiste [...] à transmettre des données aux représentants du personnel afin de permettre à ceux-ci de prendre connaissance du sujet traité et de l'examiner". En réalité, c'est la suite de l'article qui est la plus intéressante. Il y est précisé que l'information doit s'effectuer "à un moment, d'une façon et avec un contenu appropriés" (19) afin que les représentants des salariés puissent à la fois procéder à une évaluation en profondeur de l'incidence éventuelle de ces données et préparer les éventuelles consultations avec le chef de l'entreprise dominante.
L'article L. 2341-6 du Code du travail (N° Lexbase : L2017IR7) est quant à lui modifié afin d'y insérer des éléments de définition de la notion de consultation. La nouvelle version commence par reprendre les termes de l'ancien article : "la consultation [...] consiste [...] à organiser un échange de vues et à établir un dialogue avec les représentants des salariés". Mais elle va plus loin puisqu'il est ajouté que cette consultation doit s'effectuer "à un moment, d'une façon et avec un contenu qui permettent à ceux-ci d'exprimer, sur la base des informations fournies et dans un délai raisonnable, un avis concernant les mesures faisant l'objet de la consultation [...]".
Un des principaux enjeux de la procédure d'information et de consultation tient à la détermination du "moment approprié" (20). Et, sur ce point, une différence existe entre le texte de la Directive qui évoque "un avis concernant les mesures proposées" (art. 2 § 1 g)) et l'article L. 2341-6 modifié qui n'évoque que "les mesures faisant l'objet de la consultation". Il n'est pas certain que la différence ne soit que rédactionnelle : certains termes de la Directive laissent à penser que la consultation doit nécessairement s'effectuer en amont de la mise en oeuvre de la décision ; ceux du Code du travail sont plus ambigus et ce d'autant que la fin de l'article L. 2341-6 mentionne que l'avis sollicité est exprimé "sans préjudice des responsabilités de l'employeur". En réalité, la lecture des considérants de la Directive "refonte" permet de conclure qu'aucun cadrage général et a priori du timing consultation/décision n'a voulu être imposé. A l'appui de cette analyse, on peut utilement citer les considérants n° 14 et 22 précisant que la procédure d'information ne doit pas "ralentir le processus décisionnel au sein des entreprises" et que le droit à émettre un avis en temps utile ne doit pas "mettre en cause la capacité d'adaptation" des entreprises. En conséquence -et en l'absence de dispositions conventionnelles autres-, on peut sans doute considérer que l'entreprise dominante est maître de la temporalité du processus d'information et de consultation du CEE, temporalité susceptible d'être à géométrie variable en fonction des décisions en jeu et de leurs implications (21). Mais elle ne peut pour autant se dispenser de respecter ce processus dès lors que des questions transnationales existent quand bien même elle choisirait de ne consulter le CEE qu'a posteriori.
Articulation du processus d'information-consultation avec celui d'autres instances nationales. La transposition de l'article 12 de la Directive "refonte" emporte ajout d'un article L. 2341-9 (N° Lexbase : L2007IRR) dans le Code du travail. Est posé à l'alinéa 1er le principe d'une articulation entre l'information et la consultation du CEE et l'information et la consultation des autres institutions représentatives du personnel prévues par le droit interne, articulation prenant appui sur les compétences et attributions de chacun. L'alinéa second donne une certaine consistance à cette articulation lorsque l'accord créant le CEE est muet sur la question ou lorsque le CEE a été constitué sans accord et que sont en jeu des décisions susceptibles d'entraîner des modifications importantes dans l'organisation du travail ou dans les contrats de travail ; il y a alors lieu de mener un processus d'information et de consultation tant au sein du CEE que des institutions nationales représentatives du personnel. Le texte ne dit cependant rien des modalités pratiques d'articulation (22).
Prescriptions subsidiaires. Applicables à défaut d'accord (23), ces prescriptions subsidiaires peuvent également servir de source d'inspiration pour les membres du groupe spécial de négociation. Elles figurent dans l'annexe 1 de la Directive "refonte" et aux articles L. 2343-1 à L. 2343-19 du Code du travail (N° Lexbase : L0037H9A) (24). La "philosophie" des prescriptions subsidiaires est clairement exprimée : "la consultation [doit] permettre aux représentants des salariés de se réunir avec l'employeur et d'obtenir une réponse motivée à tout avis qu'ils pourraient émettre" (C. trav., art. L. 2343-3, mod. N° Lexbase : L2027IRI).
Sur un plan plus pratique, le Code du travail décline les sujets sur lesquels le CEE doit être consulté au moins une fois par an : la structure de l'entreprise ou du groupe, sa situation économique et financière, l'évolution probable de ses activités, la production et les ventes, la situation et l'évolution probable de l'emploi, les investissements, les changements substantiels concernant l'organisation, l'introduction de nouvelles méthodes de travail ou de nouveaux procédés de production, les transferts de production, les fusions, la réduction de la taille ou la fermeture d'entreprises, d'établissements ou de parties importantes de ceux-ci, les licenciements collectifs (C. trav., art. L. 2343-2, mod. N° Lexbase : L2028IRK).
Sont également prévues des dispositions tendant à rendre effectif le droit à information-consultation du CEE lorsque surgissent des circonstances exceptionnelles affectant considérablement les intérêts des salariés (par exemple, délocalisations, fermetures d'entreprises ou d'établissements, licenciements collectifs). Non seulement le CEE doit être informé de ces circonstances et des décisions susceptibles d'emporter de lourdes conséquences pour les salariés, mais les membres du CEE peuvent exiger la tenue d'une réunion dans les meilleurs délais, réunion au cours de laquelle doit leur être présenté un rapport établi par le chef de l'entreprise dominante et sur lequel ils peuvent émettre un avis (C. trav., art. L. 2343-4 N° Lexbase : L2025IRG).
"Statut" des représentants des travailleurs. La Directive dispose que les membres du CEE "jouissent, dans l'exercice de leurs fonctions, d'une protection et de garanties similaires à celles prévues pour les représentants des travailleurs par la législation [...] de leur pays d'emploi" (art. 10 § 3). Ce sont donc des salariés protégés au sens du droit du travail français. En conséquence, ils doivent disposer du temps nécessaire pour participer aux réunions du CEE et ne subir aucune perte de salaire pendant les temps d'absence nécessités par l'exercice de leurs fonctions. Une incertitude subsiste en matière de formation. En effet, le nouvel article L. 2342-10-2 du Code du travail (N° Lexbase : L2015IR3) prévoit que les membres du CEE institué par accord bénéficient sans perte de salaire des formations nécessaires à l'exercice de leur mandat dans des conditions déterminées par l'accord. Ce texte ne consacre pas explicitement un droit à formation pour les représentants des travailleurs siégeant au CEE. Ce droit semble être conditionné à l'existence de dispositions conventionnelles. On peut regretter la timidité du texte sur ce point alors même que les questions transnationales au coeur des compétences du CEE sont souvent d'une grande complexité.
Par ailleurs, les membres du CEE sont soumis à des obligations tout à fait comparables à celles que connaissent les représentants du personnel. Ainsi, ils sont tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication mais aussi à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le chef de l'entreprise dominante (C. trav., art. L. 2342-10, inchangé). Le nouvel article L. 2342-11 (N° Lexbase : L9997H8R) leur fait également obligation de faire redescendre l'information vers l'ensemble des salariés, c'est-à-dire de les informer de la teneur et des résultats du processus d'information-consultation.
(1) V. la proposition de Directive "Vredeling" du 24 octobre 1980, JOCE C 15 novembre 1980.
(2) Directive 94/45 du 22 septembre 1994 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprise de dimension communautaire ou les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (N° Lexbase : L8165AUX) ; JO L 254 du 30 septembre 1994. Sur la question du CEE, v. S. Hennion, M. Le Barbier-Le Bris et M. Del Sol, Droit social européen et international, PUF, collection Thémis, 2010, pp. 400-415 ; B. Teyssié, Droit européen du travail, Litec, collection Manuel, 4ème édition, 2010, pp. 348-396 ; P. Rodière, Droit de l'Union européenne, LGDJ, Traité, 2008, pp. 399-421.
(3) Directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprise de dimension communautaire ou les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs, JO L 122/28 du 16 mai 2009.
(4) Au cours du processus d'adoption de la nouvelle Directive, il a été établi que seulement 36 % des entreprises entrant dans le champ d'application du texte de 1994 s'étaient dotées d'un comité (soit 820 CEE). Le résultat peut être considéré comme peu satisfaisant ; cependant, cela représente un taux de couverture des salariés concernés équivalant à 60%.
(5) La Directive "refonte" abroge la Directive de 1994 (art. 17) mais sans remettre en cause les accords conclus sous l'empire du texte initial ni ceux conclus ou révisés pendant le délai de transposition.
(6) Ordonnance n° 2011-1328 du 20 octobre 2011 portant transposition de la Directive 2009/38/CE. Cette ordonnance a été prise dans le cadre de la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques et habilitant le gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance (N° Lexbase : L8628IPA). V. aussi rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2011-1328 du 20 oct. 2011, JO 21 octobre 2011. Pour une étude très détaillée de la Directive "refonte" et de la transposition, v. B. Teyssié, Le comité d'entreprise européen, JCP éd. S, 2011, 1489.
(7) A l'instar du texte précédent, la Directive "refonte" prévoit l'instauration d'un comité d'entreprise européen ou bien d'une procédure d'information et de consultation des travailleurs (art. 1 § 2. V. aussi C. trav., art. L. 2341-4 inchangé). Dans le cadre du présent article, nous évoquerons seulement l'hypothèse de l'institution d'un CEE.
(8) Effectifs calculés selon les dispositions nationales. Pour la France, le décompte s'effectue donc selon les modalités prévues à l'article L. 1111-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3822IB8).
(9) Le droit français définit le groupe par référence à l'article L. 2331-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9924H83). Par conséquent, est retenue la notion de groupe utilisée pour l'instauration d'un comité de groupe.
(10) Au terme de l'article L. 2341-3 du Code du travail (N° Lexbase : L9967H8N), l'entreprise qui assume la direction centrale est celle qui peut être considérée comme l'entreprise dominante, cette notion étant elle-même définie par renvoi à l'article L. 2331-1.
(11) Sous réserve qu'ils relèvent d'au moins deux entreprises ou établissements situés dans au moins deux Etats différents.
(12) A. Teissier, Le contenu des accords instituant un comité d'entreprise européen, JCP éd. S 2011, 1490.
(13) Afin d'assurer une meilleure représentation proportionnelle du nombre de salariés employés dans chaque Etat membre, les seuils d'effectif pour l'attribution de sièges -tant pour le groupe spécial que pour le CEE institué à défaut d'accord- ont été modifiés par le décret n° 2011-1414 du 31 octobre 2011 (N° Lexbase : L2143IRS) (codifié à l'article R. 2344-1 du Code du travail N° Lexbase : L2152IR7).
(14) Il est également prévu l'information des chefs de tous les établissements de l'entreprise ou toutes les entreprises du groupe.
(15) Sur les difficultés d'articulation, v. Cass. soc., 16 janvier 2008, n° 07-10.597, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7784D3P) (fusion GDF-Suez), Bull. V, n° 6 et P. Rodière, La fusion GDF/Suez ou quand le comité d'entreprise européen s'en mêle, SSL, 2008, n° 1285, p. 6.
(16) La Directive "refonte" utilise les termes de "comité restreint" (art. 6 § 2 e)). On peut noter que la constitution d'un bureau est facultative lorsque le CEE est constitué par voie d'accord mais obligatoire dans les autres cas (C. trav., art. L. 2343-7 mod. N° Lexbase : L2023IRD).
(17) Doute qui ne devrait pas résister à la volonté affichée de donner un effet utile aux dispositions de la Directive (considérant n° 14 et art. 1 § 2).
(18) La Directive exprime cette compétence un peu différemment en prévoyant que la compétence du CEE est limitée aux questions transnationales (art. 1 § 3).
(19) Pour que l'information soit réalisée selon des modalités appropriées, on peut considérer que les documents transmis doivent être compréhensibles sur le fond, ce qui peut nécessiter un effort pédagogique de présentation des données y figurant. A notre avis, ils doivent également être communiqués dans une langue maîtrisée par les représentants qui en sont destinataires, ce qui induira inévitablement un travail de traduction.
(20) Sur ce point, v. M. Caron, Négociation et accord CEE, SSL, 31 octobre 2011, n° 1511, p. 5 et s..
(21) Par dérogation, le nouvel article L. 2341-11 du Code du travail (N° Lexbase : L2009IRT) permet à l'entreprise dominante de faire prévaloir le secret des affaires sur le droit de la représentation du personnel. En effet, lorsque cette entreprise lance une OPA, elle peut se dispenser de saisir le CEE préalablement au lancement de cette offre. En revanche, après publication de cette OPA et le plus rapidement possible, le CEE doit être réuni "en vue de leur transmettre des informations écrites et précises sur le contenu de l'offre et sur les conséquences en matière d'emploi qu'elle est susceptible d'entraîner".
(22) On peut le regretter au regard des contentieux auxquels cette articulation a donné lieur. V. A. Teissier, Les restructurations et les instances de représentation du personnel, JCP éd. S, 2010, 1532.
(23) Ces prescriptions ont également vocation à s'appliquer en cas de refus de négociation (C. trav., art. L. 2343-1 N° Lexbase : L0001H9W).
(24) Ne seront évoquées ici que les prescriptions subsidiaires relatives aux attributions du CEE. Sur celles ayant trait à la composition et au fonctionnement, v. C. trav., art. L. 2343-5 (N° Lexbase : L2024IRE) et s..
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Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2011, jonction, n° 11-10.290 et n° 11-60.003 , F-P+B (N° Lexbase : A0630HZD)
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par Bernard Gauriau, Professeur à l'université d'Angers, Avocat au barreau de Paris (Cabinet Idavocats)
Le 10 Novembre 2011
Résumé
Lorsque deux syndicats de même affiliation ont chacun présenté leur propre liste au premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'entreprise, il n'y a pas lieu de procéder à la totalisation, au profit de l'un ou de l'autre, des suffrages recueillis en propre par chacun. Si ni l'un, ni l'autre de ces syndicats n'a recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés, il en résulte que ni l'un, ni l'autre n'est représentatif au sein de l'établissement et ne peut dès lors procéder aux désignations de ses représentants. |
Commentaire
Des syndicats affiliés à une même confédération ne peuvent présenter qu'une seule liste dans le même collège. Telle est, chacun le sait, la position adoptée par la Cour de cassation avant (1) comme après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (N° Lexbase : L7392IAZ) (2).
Le maintien de cette jurisprudence n'allait pas de soi tant la suppression de la présomption irréfragable de représentativité et la démonstration de celle-ci dans les entreprises par rapport à l'audience obtenue aux élections professionnelles pouvaient laisser entrevoir une conception autonome du syndicat, qu'il soit affilié ou non, fondée sur une légitimité ascendante et non plus descendante. En conséquence, l'affiliation commune de deux syndicats pouvait ne plus constituer un obstacle à la présentation par ceux-ci de liste propre.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 22 septembre 2010 (préc.), a préféré maintenir sa jurisprudence antérieure (3). Outre qu'elle peut contenir les risques de conflits entre syndicats, elle prend en considération le fait que le syndicalisme français est un syndicalisme de tendance, qui ne peut s'abstraire de l'affiliation syndicale.
L'arrêt, ici commenté, rendu le 26 octobre 2011 par la Chambre sociale de la Cour de cassation, en témoigne à sa façon.
I - Présentation de l'espèce
Le syndicat CGT Douai (créé en 1974) et le syndicat CGT confédéré de Douai (crée en 2009) de la société R. ont présenté, chacun, des listes de candidats dans les mêmes collèges au premier tour de l'élection des membres du comité d'établissement de Douai. La contestation de l'employeur n'a surpris personne. Pourtant, le tribunal d'instance de Douai a débouté l'employeur de sa demande tendant à voir interdire pareille combinaison.
Aucun pourvoi n'a été formé par celui-ci, lequel a peut-être trouvé fort opportune cette division syndicale. Quoiqu'il en soit, le jugement est devenu irrévocable et cette solution considérée comme acquise.
C'est donc sur une anomalie juridique, mais une réalité pratique, que repose la suite du contentieux ayant donné lieu à l'arrêt ici commenté.
Les élections professionnelles ont, en effet, donné les résultats suivants : le syndicat CGT Douai n'a recueilli, tous collèges confondus, que 8,72 % des suffrages exprimés, et le syndicat CGT confédéré de Douai n'a pour sa port obtenu que 5,69 % des suffrages. La barre des 10 % n'était donc atteint par aucun d'entre eux.
Malgré ce défaut d'audience, et donc de représentativité, chacun des deux syndicats, successivement les 8 novembre et 17 novembre 2010, a procédé à la désignation de quatre délégués syndicaux d'établissement et de six représentants syndicaux conventionnels au sein de divers CHSCT.
Sur recours formé par l'employeur, le tribunal d'instance a retenu que les deux syndicats totalisaient, ensemble, 14,41 % des suffrages exprimés et validé les désignations des délégués syndicaux opérées par le syndicat CGT Douai comme étant les seules portant sur des candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages ainsi que celles des représentants syndicaux aux CHSCT opérées par ce même syndicat comme étant chronologiquement les premières.
La Chambre sociale a cassé le jugement, sous le visa des articles L. 2324-4 (N° Lexbase : L3771IBB), L. 2324-22 (N° Lexbase : L3748IBG), L. 2121-1 (N° Lexbase : L5751IAA), L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9),L. 2122-3 (N° Lexbase : L3740IB7) et L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) du Code du travail, en décomposant sa démonstration en deux temps.
Tout d'abord, les syndicats CGT Douai et CGT confédéré de Douai avaient présenté chacun leur propre liste au premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'entreprise, il n'y avait pas lieu de procéder à la totalisation, au profit de l'un ou de l'autre, des suffrages recueillis en propre par chacun.
Ensuite, ni l'un, ni l'autre de ces syndicats n'ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés, il en résultait que ni l'un, ni l'autre n'était représentatif au sein de l'établissement de Douai et ne pouvait dès lors procéder aux désignations contestées.
La solution adoptée est, à la vérité sans surprise, dans la mesure où les syndicats n'ont pas réussi à s'entendre sur une liste commune.
II - L'absence de liste commune
A - Le constat
1 - Rappel des modalités attachées à la présentation d'une liste commune
La seule option envisageable, pour que les syndicats puissent totaliser leurs suffrages, était qu'ils présentent une liste commune, ce qu'ils n'avaient pas fait.
L'article L. 2122-3 du Code du travail dispose que "lorsqu'une liste commune a été établie par des organisations syndicales, la répartition entre elles des suffrages exprimés se fait sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de leur liste. A défaut d'indication, la répartition des suffrages se fait à part égale entre les organisations concernées".
La Chambre sociale a interprété ce que recouvrait le terme "indiquée" alors que deux syndicats s'étaient contentés d'informer l'employeur de leur base de répartition 55 % et 45 % sans en informer les salariés.
La Cour de cassation a relevé l'absence d'information des électeurs pour imposer contre la volonté des syndicats une répartition des suffrages par parts égales (4) ce qui eut pour effet de renvoyer les deux syndicats sous le seuil des 10 %.
Ces difficultés associées à la présentation d'une liste commune ne sauraient toutefois être confondues avec d'éventuels conflits nés de désignations concurrentes
2 - La question voisine d'un éventuel conflit lié à des désignations concurrentes
On sait que, "sauf accord collectif plus favorable, une confédération syndicale et les organisations syndicales qui lui sont affiliées ne peuvent désigner ensemble un nombre de délégués syndicaux supérieur à celui prévu par la loi".
Il appartient aux syndicats de "justifier des dispositions statutaires déterminant le syndicat ayant qualité pour procéder aux désignations des délégués syndicaux ou à leur remplacement, ou de la décision prise par l'organisation syndicale d'affiliation pour régler le conflit conformément aux dispositions statutaires prévues à cet effet".
"A défaut, par application de la règle chronologique, seule la désignation notifiée en premier lieu doit être validée" (5).
La Cour de cassation a clairement voulu éviter que le seul critère chronologique n'opère dans ce genre de circonstances ; elle préfère de beaucoup s'appuyer sur les statuts afin de sortir de ce genre de complications (6) quitte à les interpréter quelque peu si cela s'avère nécessaire (7). Si les statuts sont silencieux, c'est alors l'organisation syndicale d'affiliation qui doit trancher (un bureau fédéral dans l'espèce évoquée). A défaut, la règle chronologique doit l'emporter.
Quoiqu'il en soit, ces questions n'ont pas eu lieu d'être dans la mesure où seule la mesure de l'audience propre à chacun des deux syndicats a retenu l'attention des magistrats, pour constater qu'aucun des deux ne franchissait la barre fatidique des 10 %.
Cet arrêt souligne combien la mesure de l'audience n'est pas détachée de l'affiliation syndicale et combien la suppression de la présomption irréfragable de représentativité n'a pas conféré à tous les syndicats une indépendance et une liberté totale d'action. Au demeurant, les arrêts du 18 mai 2011 ont souligné combien l'affiliation confédérale est un élément essentiel du vote des électeurs (8).
B - Conséquence de ce qui précède
L'article L. 2122-1 reprend le chiffre minimum de 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections -affirmé dans la Position commune- en précisant qu'il ne concerne que les titulaires dans ces différentes institutions élues et ce "quel que soit le nombre de votants", ce qui évacue la question d'un quorum éventuel à respecter.
La Cour de cassation considère que l'exigence d'un seuil ne porte pas atteinte au principe de la liberté syndicale (9).
Ce seuil se calcule tous collèges confondus, peu important que le syndicat n'ait pas présenté de candidats dans chacun des collèges (10), en décomptant chaque suffrage pour chaque liste, peu important les listes incomplètes et les ratures (11).
L'audience électorale est calculée à partir des résultats des élections au CE. Elle n'est calculée à partir des résultats des élections des DP que s'il ne s'est pas tenu d'élections au CE ou à la DUP dans l'entreprise (12).
Quoiqu'il en soit, dans l'arrêt ici commenté, le calcul ne laissait pas la place au doute : les chiffres de 8,72 % et de 5,69 % des suffrages exprimés en faveur des deux syndicats parlaient d'eux-mêmes.
(1) Cass. soc., 16 octobre 2001, n° 00-60.203, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4735AWB).
(2) Cass. soc., 22 septembre 2010, n°10-60.135, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2465GAK) et aussi Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 09-60.435, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2357GAK) sur la représentativité d'une confédération au niveau d'une UES, laquelle prend en compte les résultats de chacun des syndicats affiliés à la confédération dans les entités distinctes constitutives de l'UES.
(3) V. M-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles, 2ème édition, Dalloz, 2011, n°123-31.
(4) Cass. soc., 13 janvier 2010, n° 09-60.208, FS-P+B (N° Lexbase : A3136EQ9).
(5) Cass. soc., 29 octobre 2010, jonction, n° 09-67.969 et n° 09-68.207, F-P+B+R (N° Lexbase : A5612GD9).
(6) V. Cass. soc., 16 décembre 2009, n° 09-60.118, F-P+B (N° Lexbase : A0948EQ8).
(7) Dans l'arrêt du 16 décembre 2009 (préc.), les statuts n'envisageaient formellement que les difficultés relatives aux sections syndicales.
(8) Cass. soc., 18 mai 2011, n°10.60.069, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2903HRX).
(9) Cass. soc., 18 juin 2010, n° 10.40-005, P+B (N° Lexbase : A4056E3M) : JCP éd. S, 2010, 1354, étude B. Gauriau.
(10) Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 10-10.678, FS-P+B (N° Lexbase : A2455GA8) : JCP éd. S, 2010, 1454, note J.-Y. Kerbourc'h.
(11) Cass. soc., 6 janvier 2011, deux arrêts, n° 10.17-653, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7331GNT) et n° 10.60-168, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7332GNU).
(12) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 10-60.148, FS-P+B (N° Lexbase : A6917E4X), JCP éd. S, 2010, 1402, note B. Gauriau ; Cass. soc., 10 novembre 2010, n° 09.72-856, FS-P+B (N° Lexbase : A9085GGL) ; JCP éd. S, 2011, 1116, étude B. Gauriau.
Décision
Cass. soc., 26 octobre 2011, jonction, n° 11-10.290 et n° 11-60.003 , F-P+B (N° Lexbase : A0630HZD) Cassation, TI Douai, 29 décembre 2010 Mots-clés : confédération syndicale, élections professionnelles, audience Liens base : (N° Lexbase : E1798ETR) |
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Réf. : Décret n° 2011-1414 du 31 octobre 2011 (N° Lexbase : L2143IRS)
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Réf. : CA Limoges, 7 juin 2011, n° 10/01472 (N° Lexbase : A9479HTA)
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Réf. : Décret n° 2011-1421 du 2 novembre 2011 (N° Lexbase : L2206IR7)
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Réf. : Cass. crim., 2 novembre 2011, n° 10-85.892, F-P+B (N° Lexbase : A5176HZQ)
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Le 10 Novembre 2011
- Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-19.799, FS-D (N° Lexbase : A5317HZX) : des agissements ne constituent ni une faute grave ni une cause réelle et sérieuse, lorsque était seulement établi un conflit ancien et persistant entre un salarié et une déléguée du personnel sans qu'aucun comportement de harcèlement moral puisse être imputé à l'intéressé et qu'en dehors d'un rendez-vous manqué avec une cliente et d'un défaut de collaboration avec un stagiaire, aucun autre manquement n'était caractérisé .
- Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-11.765, FS-D (N° Lexbase : A5281HZM) : le taux horaire du salaire ne peut être modifié unilatéralement par l'employeur, peu important que sa modification n'ait entraîné aucune diminution de la rémunération mensuelle elle-même (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8923ESB).
- Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-19.363, FS-D (N° Lexbase : A5302HZE) : une discrimination ne peut être caractérisée lorsque sur trente salariés entrés dans l'entreprise en même temps que le salarié avec des diplômes comparables, près d'un quart a un niveau de qualification égal ou inférieur au sien, et la moitié d'entre eux a une rémunération annuelle inférieure (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0722ETW).
- Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-19.685, FS-D (N° Lexbase : A5303HZG) : le salarié ne présente pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière et la fixation de sa rémunération lorsque sa situation, employé comme agent technique, n'est pas comparable à celle de trois autres salariés auxquels il se comparait dès lors que ceux-cies derniers ont le statut d'agent de maîtrise et des attributions plus étendues que les siennes, qu'il résulte d'un entretien d'évaluation qu'il n'a pas souhaité voir évoluer sa fonction et qu'il ressort d'un graphique que sa rémunération est supérieure à la rémunération moyenne des salariés classés au même coefficient et n'a pas moins évolué que celle de la moitié du personnel depuis quatre ans (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0722ETW).
- Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-20.765, FS-D (N° Lexbase : A5304HZH) : l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; l'exploitation par l'entreprise de la qualité d'étrangère en situation irrégulière sur le territoire français d'une salariée ne permettant à cette dernière aucune réclamation et lui ayant entraîné la négation de ses droits légaux et conventionnels et une situation totalement désavantageuse par rapport à des employés de maison bénéficiaires de la législation du travail caractérise une discrimination (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0722ETW).
- Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-21.522, FS-D (N° Lexbase : A5305HZI) : il appartient à une cour d'appel de rechercher si un autre salarié n'a pas reçu une formation particulière utile à l'exercice de la fonction occupée de nature à justifier une différence de rémunération pour des fonctions similaires (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0722ETW).
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Réf. : Décret n° 2011-1427 du 2 novembre 2011 (N° Lexbase : L2234IR8)
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