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N8465BSC
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Sous la Direction de Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique, Université Toulouse I Capitole
Le 27 Octobre 2011
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Propriété intellectuelle. Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit de la propriété intellectuelle de Célia Zolynski, Professeur à l'Université de Rennes 1 et Nathalie Martial-Braz, Professeur à l'Université de Franche-Comté (lire N° Lexbase : N8450BSR). Au sommaire de cette chronique, on retrouvera, tout d'abord, un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 22 septembre 2011 dans lequel les juges européens apportent une nouvelle pierre dans le jardin du droit des marques et de son articulation avec les nouvelles technologies en confirmant la nécessité d'encadrer la faculté d'interdiction de l'usage d'une marque à titre publicitaire par un tiers concurrent dans le strict respect des diverses fonctions de la marque (CJUE, 22 septembre 2011, aff. C-323/09). Par ailleurs, le Professeur Martial-Braz a choisi de revenir également sur un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 septembre 2011 qui énonce que "le droit à rémunération supplémentaire, pour un salarié investi d'une mission inventive, prenant naissance à la date de réalisation de l'invention brevetable et non à celle du dépôt ou de la délivrance d'un brevet, c'est la loi en vigueur à la première de ces dates qui doit seule s'appliquer pour déterminer la mise en oeuvre de ce droit" (Cass. com., 20 septembre 2011, n° 10-20.997, FS-P+B). Enfin, le Professeur Zolinsky apporte ses lumières sur l'important et étonnant arrêt de la CJUE du 4 octobre 2011 concernant la conformité des contrats de cession de droits pour la retransmission des matchs de football aux principes de libre prestation de services et de libre concurrence (CJUE, 4 octobre 2011, aff. C-403/08). |
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Internet. Récemment le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a fait droit à la demande du ministre de l'Intérieur d'ordonner le blocage du site Copwatch dont le but était de dénoncer les violences policières, estimant que le site litigieux était diffamatoire et injurieux à l'encontre de la gendarmerie et de la police (TGI Paris, 14 octobre 2011, n° 11/58052). Cette affaire récente et largement médiatisée illustre les nombreuses polémiques nées ces dernières années, notamment sur les sites internet de notations qui n'hésitent pas à publier des informations sur des personnes physiques, tels que des professeurs ou des médecins, et des avis d'internautes sur leurs compétences professionnelles. Et, parce qu'internet est un espace propice à l'exercice de la liberté d'expression pour tous les citoyens, il porte en germe des risques accrus de diffamation et d'atteinte à la vie privée. L'autorité judiciaire y est attentive ; c'est ce que démontre la censure de ce type de sites internet. Pour faire le point sur cette jurisprudence, Lexbase Hebdo - édition affaires a rencontré Maître Etienne Papin, avocat associé, FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE, société d'avocats qui a accepté de répondre à nos questions (lire N° Lexbase : N8462BS9) |
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Réf. : Cass. civ. 1, 20 octobre 2011, n° 10-25.402, F-P+B+I (N° Lexbase : A8792HYB)
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N8439BSD
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Le 02 Novembre 2011
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Réf. : Cass. com., 11 octobre 2011, n° 10-10.490, FS-P+B (N° Lexbase : A7535HYQ)
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N8440BSE
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par Emilie Mazzei, ATER à l'Université de Paris I Panthéon Sorbonne
Le 27 Octobre 2011
I - Communication du verso du chèque et secret bancaire
Le secret bancaire est le motif généralement avancé pour justifier le refus de communication du verso d'un chèque à la demande du tireur (A). La présente décision tranche avec cette opinion puisqu'elle autorise, dans le cadre d'un litige opposant un client à sa banque, la communication intégrale d'un chèque litigieux (B).
A - Le secret bancaire, motif de refus de communication du verso du chèque
Pour rappel, le mécanisme de circulation du chèque se déroule comme suit : le tireur émet un chèque présenté au paiement par le bénéficiaire. Celui-ci l'endosse pour le porter à l'encaissement sur son compte ouvert dans les livres de sa banque : la banque présentatrice. Cette dernière présente le chèque à la banque du tireur pour paiement : la banque tirée. La situation pose difficulté lorsqu'un tiers intervient de façon frauduleuse afin d'encaissement du chèque, chèque qu'il s'attribue en modifiant les mentions obligatoires du moyen de paiement : signature, bénéficiaire, montant. Dans ces conditions, le tireur peut demander au tiré la communication forcée du chèque qu'il prétend frauduleusement encaissé. Cette demande de communication vise tout aussi bien le recto du chèque que l'endos apposé à son verso. Notons que les tribunaux ont eu à répondre à des demandes similaires formées par les héritiers du tireur défunt (1).
Dans ces circonstances, la première question posée aux tribunaux a été de savoir si le tireur pouvait obtenir le recto-verso d'un chèque litigieux, et donc se procurer l'identité du tiers bénéficiaire du titre. De cette problématique en ont découlé d'autres : le refus des banques de satisfaire une telle demande était-elle abusive ? Leur moyen de défense, le secret bancaire, était-il recevable ? Sur ces questions, la doctrine la plus autorisée a toujours été en faveur d'une communication intégrale du chèque litigieux et présente un certain nombre d'arguments : tout d'abord, sur un plan technique, les informations présentes sur le verso d'un chèque ne seraient pas réellement confidentielles. Le développement des RIB et leur large diffusion rendraient peu opérant un secret bancaire basé sur un tel argument (2). De plus, cette divulgation serait une nécessité probatoire pour le tireur : son intérêt prime alors sur le secret bancaire. Le tireur doit pouvoir vérifier le titre et sa régularité (3), le chèque étant in fine un moyen de preuve de la fraude du bénéficiaire, de la négligence des banquiers présentateurs et tirés. Opposer le secret bancaire au tireur reviendrait, selon certains, à "stériliser de facto les différents recours dont peut disposer l'émetteur" (4). A l'appui de cette position, une analogie a été faite avec le mécanisme de la lettre de change (5) : "ceux qui acceptent de participer au circuit d'un titre acceptent, par le fait même d'être connus de ceux qui auront à payer ce titre". Enfin, le refus de communication serait la simple conséquence d'une pratique bancaire selon laquelle les banques ne remettent pas aux titulaires des comptes les chèques payés.
Ce ne sont pourtant pas ces arguments qu'a retenus la Cour de cassation. Si les juges du fond étaient relativement partagés (6), la Cour de cassation a tranché cette question par deux arrêts principaux : le premier en date du 13 juin 1995 (7), le second du 8 juillet 2003 (8). Selon ce dernier, "en divulguant les informations figurant au verso des chèques litigieux, la banque porte atteinte au secret dont bénéficient le ou les tiers bénéficiaires des titres". Dès lors, "le secret professionnel auquel est tenu un établissement de crédit constitue un empêchement légitime opposable au juge civil".
B - Un motif inopérant en l'espèce
Cette position n'est pas celle adoptée par l'arrêt de la Cour de cassation du 11 octobre 2011. Se prononçant uniquement sur la recevabilité du pourvoi, les juges du Quai de l'Horloge valident néanmoins le raisonnement de la cour d'appel : en l'espèce, les règles du secret étaient inapplicables. Dès lors, la cour d'appel avait légitimement ordonné à la banque de produire la copie recto-verso des chèques litigieux et ce, à la demande de leur tireur. L'arrêt est ainsi particulièrement intéressant, puisqu'il rompt avec les certitudes précédemment établies : la production forcée du recto-verso des chèques est possible dans certaines circonstances. Reste à savoir quelles sont ces circonstances et conditions.
Les arrêts précédents liaient systématiquement la protection du secret bancaire à celle de la vie privée du bénéficiaire du titre. Le tireur ne pouvait atteindre le secret bancaire protégeant les clients du banquier présentateur. Cette position a d'ailleurs été confirmée récemment dans un arrêt de la Chambre commerciale en date du 21 septembre 2010 (9) : dans ce cas d'espèce, les héritiers avaient sollicité la communication du recto-verso de chèques aux fins de contestation des donations et de reconstitution de l'actif successoral. Or, au visa des articles 9 (N° Lexbase : L3304ABY) et 10 (N° Lexbase : L3306AB3) du Code civil, L. 511-33 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4606IGP) et 11 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L3203ADY), il a été jugé que "quel qu'ait été l'intérêt des héritiers à obtenir la mesure sollicitée, la cour d'appel, qui ne s'était pas bornée à condamner la banque à la communication des informations figurant au recto des titres" avait violé les textes susvisés. En d'autres termes, le secret bancaire avait vocation à protéger un intérêt privé, celui de l'endosseur du titre. Peu importe, à cet effet, l'intérêt à agir des héritiers.
Le présent arrêt raisonne a contrario : à partir du moment où l'intérêt privé du bénéficiaire du titre n'est pas visé, les règles relatives au secret bancaire ne s'appliquent pas. En l'espèce, une action pénale à l'encontre du bénéficiaire frauduleux du titre -le comptable des deux sociétés tireurs- avait été précédemment engagée. L'action civile au fond concernait, elle, la négligence fautive des banques présentatrice et tirée dans la circulation du chèque. L'identité du bénéficiaire était donc connue du tireur tout comme celle de la banque présentatrice. Autrement dit, sa demande de communication ne visait pas à obtenir des informations sur le bénéficiaire du titre mais à renforcer ses arguments dans le litige l'opposant aux deux établissements de crédit. La communication de l'intégralité du chèque était justifiée par cela seul : prouver la faute des deux banques. Par conséquent, les banques ne pouvaient se prévaloir de la protection des acteurs du chèque pour appliquer les règles du secret professionnel.
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II - Responsabilité du banquier et secret bancaire
Le secret bancaire n'est pas un mécanisme de protection des intérêts du banquier (A). Dès lors, l'intérêt du tireur peut primer, sous certaines conditions, sur le secret professionnel (B).
A - Le banquier, non bénéficiaire du secret bancaire
L'un des principaux enseignements de l'arrêt d'espèce est celui-ci : le banquier ne peut profiter des règles relatives au secret bancaire. Il n'en est pas le destinataire. Si cela semble évident en théorie, la jurisprudence actuelle tend pourtant à faire du secret bancaire un principe de protection du banquier, rempart à l'encontre d'actions éventuelles en responsabilité. Or, telle n'est pas sa fonction : le secret bancaire doit demeurer une règle de protection du client, règle de protection relative. Le secret bancaire ne peut pas être un moyen de défense de la banque vis-à-vis du tireur du chèque dont elle est, par ailleurs, le mandataire. En d'autres termes, le banquier ne doit pas instrumentaliser à son profit des règles de protection qui ne lui sont pas destinées.
Ainsi la présente décision semble-t-elle être l'amorce d'une limitation de la portée du secret professionnel du banquier. Dans les précédentes décisions prétoriennes, le tireur ne pouvait, par principe, avoir connaissance des éléments présents au verso d'un chèque. Peu importait le motif de sa demande : recherche d'informations sur le bénéficiaire du chèque, recherche de la banque présentatrice ou encore moyen de preuve dans le cadre d'une action en responsabilité pour faute de la banque mandataire. Telle n'est pas la solution en l'espèce.
L'arrêt semble adopter une vision plus relative du secret bancaire, au sens de l'article L.511-33 du Code monétaire et financier : s'il est permis au banquier d'opposer au client tous les documents provenant de leurs relations, le client peut également faire état d'éléments couverts par le secret professionnel à l'encontre de son établissement de crédit. Le secret bancaire ne pourrait donc être invoqué dans la relation client-banque : il s'agit pour le banquier de se protéger de toute action en responsabilité injustifiée ; il s'agit, pour le client, de prouver les abus de son mandataire. L'arrêt ne reprend cependant pas la justification avancée précédemment et reprise par la cour d'appel : "le secret bancaire, en ce qu'il est de simple protection, n'a pas de caractère absolu en ce qu'il est opposable au tiers mais ne saurait atteindre le client titulaire du compte qui peut y renoncer". Elle ne fait pas de la relativité du secret bancaire une règle de principe : elle s'applique en l'espèce dès lors que le chèque est un moyen de preuve nécessaire dans le cadre du litige.
B - Responsabilité bancaire et moyens de preuve
La transmission du chèque dans son intégralité était donc, en l'espèce, un moyen de preuve nécessaire dans le cadre du litige. La présente décision facilitera sans doute la preuve de la négligence de la banque en cas de falsification de ce moyen de paiement. Elle assure par ce biais le respect des règles relatives aux chèques et notamment le principe selon lequel le banquier engage sa responsabilité à l'égard du tireur s'il n'a pas vérifié la régularité du chèque.
Pour rappel, les moyens de preuve varient, selon la jurisprudence, selon que le chèque est faux ou falsifié (10). Lorsque le chèque est faux, le banquier doit restituer au porteur les sommes indûment payés. En présence d'un chèque dit falsifié, c'est-à-dire régulièrement créé puis altéré par un tiers, le tireur doit en principe supporter l'entière conséquence des paiements irréguliers. La doctrine distingue cependant selon que le chèque comporte des anomalies apparentes ou intellectuelles. En ce qui concerne plus particulièrement l'anomalie matérielle, "facilement décelable par un employé de banque normalement avisé", la banque est tenue responsable en vertu de son obligation de vérification de la régularité formelle du titre. Cela concerne, entre autres, l'hypothèse où le bénéficiaire au recto du chèque ne correspond pas à l'identité du bénéficiaire ayant endossé le chèque. Cette obligation de vérification concerne tout aussi bien l'établissement de crédit présentateur que tiré. Elle est néanmoins limitée par le devoir de non-ingérence du banquier : à partir du moment où le chèque a toutes les apparences de la régularité, le banquier n'est pas tenu de le vérifier. A la lecture du présent arrêt, le tireur pourra donc désormais apporter au débat contradictoire une preuve matérielle de la falsification du verso du chèque.
Sur ce point, il reste néanmoins quelques interrogations. Rien n'est encore dit sur le mode de transmission de l'intégralité du chèque : portera-t-elle sur une copie ou sur un original ? La différence peut être de taille. En effet, l'appréciation de la falsification du document transmis ne sera pas aussi certaine s'il s'agit d'une copie et non de l'original du chèque (11). Les grattements ou surcharges sont évidemment plus difficilement discernables sur une simple photocopie.
En outre, si l'arrêt commenté invite à une réflexion constructive sur le rôle du secret bancaire, sa portée doit être nuancée : l'arrêt rendu se prononce uniquement sur l'irrecevabilité du pourvoi. Au visa des articles 606 et 608 du Code de procédure civile, la Cour déclare le moyen irrecevable, l'arrêt de cour d'appel n'ayant statué précédemment que sur l'incident de communication de pièces invoqué par les banques. Le débat au fond n'a pas eu lieu. Une telle solution devra donc être confirmée par la suite.
(1) V., not., Cass. com., 13 juin 1995, n° 93-16.317, publié (N° Lexbase : A1214ABL), RTDCom., 1995, p. 818, n° 4, obs. M. Cabrillac, Banque, 1995, n° 563, p. 93, obs. Guillot, RD bancaire et bourse, 1995, p. 145, obs. F.-J. Crédot et Y. Gérard ; Cass. com., 21 septembre 2010, n° 09-68.994, F-D (N° Lexbase : A2410GAI), obs D. Legeais, RTDCom., 2011, p. 761.
(2) M. Cabrillac, RTDCom., 1995, p. 818, préc..
(3) Sur cet argument, voir M. Cabrillac, Le chèque et le virement, Litec, 5ème éd., 1980
(4) M. Cabrillac et B. Teyssié, RTDCom., 1991 p. 615, obs sous TGI Paris, ord. réf., 21 mars 1991.
(5) M. Cabrillac et B. Teyssié, article préc..
(6) Certaines décisions s'étaient prononcées, comme en l'espèce pour la communication de la copie recto-verso du chèque: TGI Paris, ord. réf., 10 juillet 1991, D., 1993, Somm. p. 55, obs. M. Vasseur, Banque, 1991, p. 1088, obs. J.-L. Rives-Lange ; CA Reims, 24 février 1993, RD bancaire et bourse, 1993, p. 226, obs. crit. F.-J. Crédot et Y. Gérard ; T. com. Paris, 16 mai 1994, JCP éd. E, 1995, I, n° 465, n° 8, obs. C. Gavalda et J. Stoufflet ; CA Paris, 17 octobre 1995, Gaz. Pal., 1996, 1, Somm. p. 126 . D'autres avaient refusé la communication d'une copie recto-verso de chèque litigieux : TGI Paris, 21 mars 1991, D., 1992, Somm. p. 30, obs. M. Vasseur, Banque 1991, p. 984, obs. J.-L. Rives-Lange ; CA Nancy, 23 avril 1998, n° 95/002156 (N° Lexbase : A5236DHE), Banque et droit, septembre-octobre 1998, p. 38, obs. Guillot.
(7) Cass. com., 13 juin 1995, n° 93-16.317, préc..
(8) Cass. com., 8 juillet 2003, n° 00-11.993, FS-P+B (N° Lexbase : A0799C9H), obs. M. Cabrillac RTDCom., 2003, p. 783 ; V. Avena-Robardet, D., 2003, p. 2170.
(9) Cass. com., 21 septembre 2010, n° 09-68.994, F-D (N° Lexbase : A2410GAI).
(10) Sur le chèque falsifié, voir notamment V. Nioré, A. Drochon, Le chèque falsifié: le banquier, son client et le faussaire - Responsabilités, Gaz. Pal., 1er juillet 2004, n° 183, p. 3.
(11) Sur cet argument, voir notamment, M. Cabrillac, RTDCom., 2003, p. 783, sous Cass. com., 8 juillet 2003, préc., pour qui "c'est de cette qualité que dépend la responsabilité ou l'irresponsabilité du tiré".
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Réf. : Ordonnance n° 2011-1327 du 20 octobre 2011 (N° Lexbase : L1988IR3)
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Le 27 Octobre 2011
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 21 octobre 2011, n° 339207, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8347HYS)
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N8442BSH
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Le 27 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 3, 19 octobre 2011, n° 10-13.651, FS-P+B (N° Lexbase : A8748HYN)
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Le 27 Octobre 2011
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Réf. : Décret n° 2011-1313 du 17 octobre 2011, pris pour l'application du V de l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 (N° Lexbase : L1959IRY)
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Le 27 Octobre 2011
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Réf. : Arrêté du 3 octobre 2011, portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (N° Lexbase : L1986IRY)
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Le 27 Octobre 2011
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Réf. : Communiqué de presse IP/11/1218 du 20 octobre 2011
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Le 01 Novembre 2011
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Réf. : Communiqué de presse IP/11/1219 du 20 octobre 2011
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Le 27 Octobre 2011
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Réf. : Communiqué de presse IP/11/1217 du 20 octobre 2011
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Le 01 Novembre 2011
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Réf. : Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-30.087, F-P+B (N° Lexbase : A8697HYR)
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N8436BSA
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Le 03 Novembre 2011
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Réf. : Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-28.005, F-P+B (N° Lexbase : A8702HYX)
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Le 28 Octobre 2011
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Réf. : Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-15.296, FS-P+B (N° Lexbase : A8704HYZ)
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N8426BSU
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Le 27 Octobre 2011
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Réf. : CA Colmar, 2ème ch. civ., sect. A, 1er septembre 2011, n° 10/04931 (N° Lexbase : A4295HXD)
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Le 27 Octobre 2011
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N8462BS9
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 27 Octobre 2011
Lexbase : Sur quel fondement les sites de notation de médecins, de professeurs, etc. sont-ils censurés ?
Etienne Papin : L'affaire du site de notation des professeurs, ou "affaire Note2be", avait suscité certaines polémiques et intéressé le grand public qui imaginait déjà ce genre d'initiative se multiplier. On rappellera que, dans cette affaire, des enseignants invoquaient le fait que la publication sur le site de leur nom, prénom, de l'établissement d'affectation et d'une note (attribuée par les internautes de façon anonyme en fonction de six critères mais constituant une évaluation de leur aptitude à enseigner) constituait une atteinte à leur droit au respect de la vie privée prévu par l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) ainsi qu'un traitement de données à caractère personnel dans des conditions caractérisant un trouble manifestement illicite et en violation de la loi informatique et libertés de 1978 (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 N° Lexbase : L8794AGS).
Le tribunal de grande instance de Paris, saisi par des professeurs et des syndicats et statuant en référé avait, le 3 mars 2008, fait injonction à la société qui avait créé et qui exploitait le site de suspendre sur le site "l'utilisation de données nominatives d'enseignants aux fins de leur notation et leur traitement, ainsi que leur affichage sur les pages du site en question, y compris sur le forum de discussion" (TGI Paris, 3 mars 2008, n° 08/51650 N° Lexbase : A1955D7K).
Le tribunal avait donc considéré que la collecte par le site des données personnelles des enseignants sans leur consentement ne poursuivait pas un intérêt légitime et pouvait entraîner un dommage imminent justifiant la suspension du dispositif mis en place. Toutefois, et concernant l'argument relatif à la vie privée, le juge des référés avait estimé que "la possibilité de rattacher l'identité d'une personne au lieu d'exercice de son activité professionnelle comme à l'évaluation de celle-ci ne pouvait s'assimiler à une atteinte à la vie privée".
La cour d'appel de Paris a confirmé cette décision le 25 juin 2008 en soulignant que "les données du site litigieux, ne sont dans ces conditions manifestement pas collectées de façon loyale, et ne présentent évidemment aucune garantie tant sur leur pertinence que sur leur caractère adéquat" (CA Paris, 14ème ch., sect. A, 25 juin 2008, n° 08/04727 N° Lexbase : A3362D9E).
Avant même la procédure en référé devant le TGI de Paris, la CNIL avait été saisie de plaintes de professeurs concernés par le site litigieux. Elle a donc opéré un contrôle en février 2008. Compte tenu de la décision du TGI, la CNIL n'avait pas jugé nécessaire de prononcer des sanctions à l'égard du site. Elle a néanmoins conclu, dans un avis du 6 mars 2008, au caractère illicite du site au regard de la loi informatique et libertés. Concernant l'éventuelle violation de la vie privée, la position de la CNIL diffère de celle du tribunal puisque la commission estime que "la mise en ligne sur internet de la notation d'enseignants et de leur établissement d'activité était susceptible de porter atteinte à leur vie privée en diffusant une affectation qu'ils ont pu souhaiter conserver confidentielle pour protéger leur vie privée".
Lexbase : Donner son avis sur un professionnel constitue-t-il irrévocablement de la diffamation, dès lors que les commentaires ne sont pas positifs ? Internet n'est-il pas, aujourd'hui, l'espace privilégié de la liberté d'expression ?
Etienne Papin : Il convient de distinguer la diffamation du libre exercice du droit de critique ou de la liberté d'expression qui a en droit français une valeur constitutionnelle.
La diffamation désigne "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé". En revanche, il est admis d'exercer un jugement critique, quand bien même il serait négatif, mais dans la limite de la loi de 1881 sur la liberté d'expression.
La limite entre la liberté d'expression et la diffamation est une problématique récurrente, aussi vieille que la loi de 1881. Elle ne connaîtra jamais de réponse définitive car il appartient au juge, en fonction des modes de communications et des époques, de fixer ce qui sera considéré comme diffamatoire ou non. Cette notion est évolutive. La société évolue et des propos considérés comme infamant hier ne le sont plus aujourd'hui.
Ce qu'il y a de nouveau avec internet c'est qu'il s'agit d'un outil de communication qui facilite l'exercice du droit à la liberté d'expression par tous. Avant internet, il était rare qu'un particulier s'exprime dans la presse écrite ou audiovisuelle. Avec internet, n'importe qui peut tenir des propos publics et par là-même, se rendre coupable de diffamation. C'est finalement une problématique d'éducation et de prise de conscience : on ne peut pas tout dire n'importe comment sur internet.
Lexbase : Pourtant il existe des sites qui recensent l'avis de internautes et qui ne souffrent aucune critique (ex. : sites d'évaluation de restaurants). Qu'est-ce qui les différencie des sites de notation qui sont dans le collimateur de la Justice ?
Etienne Papin : Ces sites traitent de produits ou de sociétés. La loi du 6 janvier 1978 "informatique et libertés" ne leur est donc pas applicable. Contrairement aux sites d'évaluation et de partage d'avis sur des produits ou des services de consommation (restaurants, hôtels, etc.) les sites de notation concernent eux directement des personnes physiques identifiées par leurs noms, prénoms et profession.
Concernant un site de notation d'avocats, la CNIL a déclaré qu'elle n'interdit pas en soi ce type de pratique à condition que ces sites respectent la réglementation en vigueur, notamment l'obligation d'obtenir le consentement des personnes concernées et à la condition que le site garantisse la mise en place effective d'un droit d'opposition. En pratique, cela rend illusoire la mise en place de tels sites de notation de professionnels, personnes physiques.
Il faut souligner que les avis publiés sur les prestations de service suscitent de plus en plus d'interrogations, notamment compte tenu de leur faible fiabilité. Récemment, Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat à la Consommation, a chargé la DGCCRF de mener une enquête sur les sites d'évaluation publiant parfois de faux avis de consommateurs pour faire la promotion de leurs services. Les résultats de cette enquête seront instructifs et conduiront peut-être les pouvoirs publics à prendre de nouvelles dispositions pour encadrer ces pratiques.
Lexbase : La France ne fait-elle pas figure d'exception en la matière ?
Etienne Papin : Concernant la protection des données personnelles, la France a été l'un des premiers pays à se doter d'une législation particulièrement stricte en matière de droit au respect de la vie privée et de protection des données à caractère personnel.
Aujourd'hui la Directive du 24 octobre 1995 (Directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données N° Lexbase : L8240AUQ), directement inspirée de la loi "informatique et libertés" française, a été transposée dans toute l'Union européenne. L'harmonisation n'est pas complète mais les législations sont proches.
Concernant ensuite la liberté d'expression, l'appréciation selon les législations peut en effet être différente. Le cas le plus emblématique est celui des Etats-Unis où le droit à la liberté d'expression, garanti par le 1er amendement de la Constitution américaine, prévaut et est systématiquement mis en avant par les internautes.
Lexbase : Récemment le ministre de l'Intérieur a manifesté sa volonté d'intervenir pour interdire la consultation d'une base de données de policiers mise en ligne par un site hostile aux forces de l'ordre. Le juge a fait droit à cette demande. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Etienne Papin : Copwatch est un site qui se présentait comme "administré par un collectif de citoyens souhaitant lutter par la transparence et l'information contre les violences policières". Sur ce site étaient publiées des photos de différentes scènes sur la voie publique dans lesquelles était intervenus des policiers. Ces photos étaient accompagnées de commentaires ou de précisions qui permettaient d'identifier les personnes sur les photos.
Le juge, considérant que les infractions d'injure et de diffamation étaient constituées et que le site permettait une collecte illicite de données à caractère personnel a enjoint aux fournisseurs d'accès (FAI) de bloquer le site. Cette décision a été prise en considération du fait qu'il n'était pas possible d'identifier l'éditeur du site ni l'hébergeur directement sur le site. Dans cette hypothèse la "LCEN" (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique N° Lexbase : L2600DZC) permet de solliciter du juge "toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne".
Comme il semblait techniquement difficile et onéreux pour les FAI de bloquer uniquement le contenu illicite, le juge a ordonné de bloquer l'intégralité du site.
Cette décision d'injonction aux FAI de rendre inaccessible le site Copwatch ne doit cependant pas être mal interprétée : il n'existe pas d'interdiction générale de diffuser une photo représentant un fonctionnaire de police lorsqu'il est en exercice, surtout si une telle photo vient illustrer un fait d'actualité en application du droit à l'information. Mais le site en question, par son agencement et les commentaires qu'il comportait, a été analysé par le ministère de l'Intérieur, les syndicats de police puis par le tribunal comme illicite notamment compte tenu des propos tenus et de la façon dont les données personnelles étaient collectées et traitées.
Lexbase : Bloquer l'accès à un site internet reste techniquement complexe, notamment lorsqu'il est hébergé à l'étranger ? Cette bataille n'est-elle pas vaine ?
Etienne Papin : Bloquer l'accès à un site est possible pour les fournisseurs d'accès à internet mais cela s'avère complexe et parfois onéreux à mettre en oeuvre.
Sans entrer dans les détails techniques, le blocage peut être fait à partir de l'adresse IP du serveur sur lequel se situe le site, par le nom de domaine du site litigieux ou enfin par un système combinant les deux méthodes. Contrairement à d'autres pays, en France le filtrage du réseau internet est rendu difficile puisqu'il est divisé entre plusieurs opérateurs.
La décision sur le site Copwatch est d'ailleurs très intéressante sur ce point car le tribunal est allé au-delà des demandes initiales (à savoir le blocage de certaines pages) et a fait injonction aux FAI de bloquer l'intégralité du site.
Une autre question soulevée par cette affaire est le fait que, manifestement, toutes les recherches pour identifier l'hébergeur du site n'ont pas été mises en oeuvre. La procédure menée au fond permettra peut-être que ces recherches soient diligentées. Cette question est d'autant plus importante que le tribunal précise que son injonction de bloquer l'intégralité du site "n'est en l'espèce rendue nécessaire et justifiée que par l'impossibilité actuelle d'identifier les responsables du site litigieux et son hébergeur".
La décision rendue à propos de l'affaire "Copwatch" a entraîné, du moins provisoirement, la mise en ligne quasi immédiate de sites miroirs. On peut donc légitimement se poser la question de l'efficacité d'une telle action. Mais ce n'est pas parce qu'il y a des difficultés techniques d'application qu'il faut renoncer à obtenir des décisions de justice et à poursuivre des comportements ou des contenus illicites sur internet.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer l'efficacité de telles mesures. En pratique, de nombreux sites internet disparaissent sous la menace de poursuites judiciaires. Prenons l'exemple du site de notation de médecins Note2bib qui a été fermé dix jours seulement après avoir été ouvert.
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Réf. : TGI Paris, 14 octobre 2011, n° 11/58052 (N° Lexbase : A7501HYH)
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Le 27 Octobre 2011
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Réf. : Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-19.647, FS-P+B (N° Lexbase : A8703HYY)
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Le 29 Octobre 2011
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N8450BSR
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par Célia Zolynski, Professeur à l'Université de Rennes 1 et Nathalie Martial-Braz, Professeur à l'Université de Franche-Comté
Le 03 Novembre 2011
C'est certainement la leçon très imagée que pourrait inspirer la fable qui s'est jouée devant la CJUE le 22 septembre 2011 (1).
La Cour de justice vient en effet d'apporter une nouvelle pierre dans le jardin du droit des marques et de son articulation avec les nouvelles technologies en confirmant la nécessité d'encadrer la faculté d'interdiction de l'usage d'une marque à titre publicitaire par un tiers concurrent dans le strict respect des diverses fonctions de la marque. En l'espèce, le litige opposait la société titulaire de la marque "Interflora" et la société Marks & Spencers. La première reprochait à la seconde d'avoir utilisé les termes "Interflora" ainsi que des variantes de ce terme comme mots-clefs dans le cadre du service de référencement par "Ad Words" mis en place par le moteur de recherche Google permettant d'apparaître dans la rubrique des "liens commerciaux". Or Marks & Spencers offre, à travers tant son important réseau de magasins que son site internet, un service de livraison de fleurs, concurrent de celui proposé par le titulaire de la marque Interflora protégée au titre de marque nationale au Royaume-Uni et au titre de marque communautaire. Ce dernier après avoir fait constater l'usage du signe constitutif de la marque dont il est titulaire a agi contre la société Marks & Spencer pour violation de ses droits de marques devant la High Court of Justice. Afin de déterminer si un tel usage était possible et corrélativement si le titulaire de la marque était habilité pour prohiber une telle utilisation, la High Court of Justice devait se fonder tant sur le droit national des marques harmonisé par la Directive 89/104 du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (N° Lexbase : L9827AUI), que sur le droit des marques communautaires issu du Règlement n° 40/94 du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (N° Lexbase : L5799AUC). Celle-ci a cependant décidé de surseoir à statuer afin d'obtenir des réponses à plusieurs questions préjudicielles. En effet les articles 5 de la Directive 89/104 et 9 du Règlement n° 40/94 soulignent en termes très généraux que le titulaire de la marque est habilité "à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires [...] d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels" ladite marque est enregistrée. Il est ensuite prévu en des termes plus précis les usages qui sont notamment susceptibles d'être interdit par le titulaire de la marque au titre desquels figure le fait "d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité". Toutefois, dans cette description, n'apparaît pas la pratique de référencement par mots-clefs rendue pourtant très courante en raison du développement de l'internet.
La Cour de justice, alors saisie pour interpréter ces textes, avait donc en substance à se prononcer sur la faculté du titulaire de la marque d'en interdire l'usage par les tiers, et plus spécialement par les concurrents, afin de faire la promotion de produits ou services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée.
Ce faisant, la Cour de justice devait également s'interroger sur les conséquences de cette pratique de référencement par l'usage de la marque du concurrent à l'égard du public consommateur. La solution rendue sous l'empire de textes désormais abrogés est toutefois parfaitement transposable dans le cadre de la Directive 2008/95 (N° Lexbase : L7556IBH) et du Règlement n° 207/2009 (N° Lexbase : L0531IDZ).
Joignant ces deux questions, la Cour de justice décide que le titulaire d'une marque n'est habilité à en interdire l'usage publicitaire aux tiers qu'à la condition que cette utilisation porte atteinte à l'une des fonctions de la marque.
La Cour de justice rappelle, en premier lieu, que le fait d'utiliser un signe au titre de mots-clefs dans le cadre d'un service de référencement afin de déclencher l'affichage de son annonce sur internet constitue bien un usage dans la vie des affaires au sens des textes précités (2). Elle souligne, en outre, qu'il s'agit d'un usage pour des produit ou des services de l'annonceur, que les mots-clefs retenus soient apparents ou invisibles dans l'annonce même (3). La Cour de justice ne déduit toutefois pas de tels constat que le titulaire puisse, sans condition, interdire aux tiers l'usage en qualité de mots-clefs dans le cadre d'un service de référencement des signes protégés par la marque.
Le principe posé est donc bien celui de la libre utilisation des signes protégés. Liberté sous conditions toutefois dès lors que le titulaire peut interdire l'usage de sa marque si un tel usage porte atteinte aux fonctions de la marque.
Si la fonction d'indication d'origine constitue l'une des fonctions de la marque, la plus essentielle sans aucun doute, elle n'est cependant pas exclusive. Et les juges n'ont pas entendu restreindre à la protection de cette seule fonction la faculté d'interdire l'usage de la marque en qualité de mot-clef dans le cadre d'un service de référencement par internet.
La Cour décide ainsi que "le titulaire d'une marque est habilité à interdire à un concurrent de faire, à partir d'un mot-clef identique à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d'un service de référencement sur Internet, de la publicité pur des produits ou services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistré, lorsque cet usage est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque" et notamment la fonction d'indication d'origine, de publicité ou encore d'investissement. Ce faisant, la Cour précise les éléments d'interprétation qu'il convient d'adopter pour déterminer ces trois fonctions de la marque.
La fonction d'indication d'origine, tout d'abord, sera atteinte chaque fois que l'annonce d'un tiers qui apparaît par l'usage du signe protégé à titre de marque suggère l'existence d'un lien économique entre ce tiers et le titulaire de la marque. Il en ira également ainsi en l'absence de toute suggestion d'un quelconque lien économique, lorsque l'annonce reste vague sur l'origine des produits et services en cause au point qu'un "internaute normalement informé et raisonnablement attentif" puisse ne pas connaître les liens économique existant entre l'annonceur et le titulaire de la marque (4). Il y a donc une atteinte à la fonction d'indication d'origine chaque fois que les réponses obtenues par l'emploi par un internaute du signe protégé risque de lui faire croire erronément à l'existence d'un lien économique entre l'annonceur et le titulaire de la marque.
La fonction de publicité, en revanche, n'est nullement atteinte par l'utilisation d'un signe identique à la marque dans le cadre d'un service de référencement (5). En effet, cette utilisation contraint seulement le titulaire à intensifier ses efforts publicitaires. Elle ne le prive pas de la possibilité d'utiliser efficacement sa marque pour informer et convaincre les consommateurs, ce qui constitue la fonction de publicité de la marque.
Enfin, la fonction d'investissement a pour but de permettre au titulaire de la marque d'acquérir ou de conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser les consommateurs. Elle se distingue toutefois de la seule fonction de publicité dès lors que cet objectif peut être également obtenu par des moyens étrangers à la publicité, à l'instar de techniques commerciales. Une telle fonction de la marque sera atteinte lorsque l'usage par un tiers de la marque de son concurrent dans le cadre d'un service de référencement par internet gêne de manière substantielle l'emploi par ledit titulaire de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser les consommateurs (6).
La décision ainsi rendue confirme la solution retenue dans l'affaire "Google" très commentée (7) et permet de déterminer avec davantage de précision le cadre juridique de l'utilisation des marques par internet. Ce faisant, l'arrêt rendu souligne l'aspect créateur de la jurisprudence de la Cour de justice qui à force de réitération affine les différentes fonctions de la marque qu'elle a elle-même pris le soin de consacrer. La reconnaissance de nouvelles fonctions assure une plus large portée à la marque. Toutefois, une telle pratique pourrait se révéler pernicieuse si ces fonctions conduisaient à l'avenir à exclure la faculté d'interdire l'usage du signe par le titulaire de la marque enregistrée.
Nathalie Martial-Braz, Professeur à l'Université de Franche-Comté
En effet, seules les inventions réalisées après la date d'entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 1990 (loi n° 90-1052 N° Lexbase : L9557A9T) sont susceptibles de donner lieu à la rémunération supplémentaire prévue par ce texte au titre des inventions de mission .
En l'espèce, le salarié d'un laboratoire pharmaceutique avait réalisé plusieurs inventions avant l'entrée en vigueur de la loi rendant obligatoire la reconnaissance d'une rémunération supplémentaire au titre des inventions de mission dans les conventions collectives ; toutefois la délivrance des brevets avait eu lieu après l'entrée en vigueur dudit texte. Ce dernier réclamait donc un complément de rémunération pour ces inventions. Les juges du fond lui ont accordé une telle rémunération au motif que la loi était applicable aux brevets délivrés après l'entrée en vigueur de la loi y compris pour des inventions réalisées avant le 26 novembre 1990.
La Cour de cassation était donc saisie de la détermination du critère d'application de la loi dans le temps. Le droit à rémunération supplémentaire peut-il être admis pour des inventions réalisées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi mais dont le brevet a été délivré postérieurement ?
De manière fort classique la Cour de cassation, dans son arrêt du 20 septembre 2011 (8), décide de censurer les juges du fond en visant l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3556AD3), dans sa rédaction issue tant de la loi du 2 janvier 1968 antérieurement applicable et de la loi du 26 novembre 1990, au motif que "le droit à rémunération supplémentaire, pour un salarié investi d'une mission inventive, prenant naissance à la date de réalisation de l'invention brevetable et non à celle du dépôt ou de la délivrance d'un brevet, c'est la loi en vigueur à la première de ces dates qui doit seule s'appliquer pour déterminer la mise en oeuvre de ce droit". Or sous l'empire du texte ancien, il était prévu dans la convention collective que seules les inventions revêtant un intérêt exceptionnel étaient susceptibles d'être récompensées par une rémunération supplémentaire, et qu'il appartiendra aux juges de déterminer si les inventions revêtaient bien en l'espèce une telle qualité.
La loi du 2 janvier 1968 ne prévoyait que la possibilité pour les conventions collectives de reconnaître une rémunération supplémentaire pour les inventions de service. Cette rémunération pouvait donc être soumise à condition, à l'instar de ce qui était prévu dans la convention collective de l'industrie pharmaceutique où la rémunération était conditionnée par l'intérêt exceptionnel pour l'entreprise que devait revêtir le brevet. La loi du 13 juillet 1978, en transformant notamment l'invention de service en invention de mission, n'avait cependant pas modifié les modalités de reconnaissance de cette prime à la recherche. Ce n'est en effet que la loi du 26 novembre 1990 qui modifiera la lettre du texte devenu l'article L. 611-7 en substituant aux termes "le salarié [...] peut bénéficier", ceux, beaucoup plus contraignants, de "le salarié [...] bénéficie". Le principe de non-rétroactivité de la loi, prévu à l'article 2 du Code civil (N° Lexbase : L2227AB4), implique de déterminer le critère qui permet l'application de la loi nouvelle, critère constitué par l'existence des droits. Or sur ce point, la Cour de cassation n'innove nullement et respecte la logique du droit des brevets. La question s'était en effet posée pour l'application de la loi du 13 juillet 1978 et la Cour de cassation avait décidé que "l'existence même des droits qui [...] découlent des inventions de salariés ayant donné lieu au dépôt d'une demande de brevet" (9). La solution rendue par la Cour de cassation le 20 septembre 2011 s'inscrit donc naturellement dans cette perspective.
Nathalie Martial-Braz, Professeur à l'Université de Franche-Comté
La Cour de justice vient de rendre un arrêt étonnant concernant la conformité des contrats de cession de droits pour la retransmission des matchs de football aux principes de libre prestation de services et de libre concurrence. Saisie par la Hight court of Justice, la Cour devait se prononcer sur la licéité de la pratique consistant pour la tenancière d'un pub au Royaume-Uni à diffuser les rencontres de la ligue 1 anglaise par l'intermédiaire du décodeur d'un diffuseur grec, à moindre coût, en violation de la répartition territoriale des droits de retransmission réalisée par la Federation Association Premier League, et ce au moyen d'une fausse adresse et d'une fausse identité. La solution était très attendue. L'arrêt du 4 octobre 2011 est assez surprenant. Donnant raison à la tenancière du pub, cette décision fait trembler les professionnels du secteur qui s'interrogent sur sa portée. L'arrêt "Premier League" appelle en effet de nombreuses remarques qui ne porteront ici que sur ses conséquences dans le domaine des droits d'auteur et droits voisins. Il convient à ce titre de revenir successivement sur les apports de cette décision concernant la licéité de l'exclusivité territoriale (I) puis de comprendre de quelle manière la Cour de justice participe à l'harmonisation du droit d'auteur et des droits voisins (II).
I - Une remise en cause de l'exclusivité territoriale
La Cour de justice remet en cause l'exclusivité territoriale mise en oeuvre par la fédération : elle critique à la fois sa non-conformité au principe de libre prestation de services et sa non-conformité avec les règles imposant une libre concurrence. Il est dès lors nécessaire d'analyser le raisonnement des juges pour comprendre ensuite la portée de l'arrêt.
La Cour de justice a examiné l'exclusivité de retransmission à l'aune des principes organisant le marché intérieur pour conclure à la non-conformité de la pratique litigieuse. Concernant tout d'abord le principe de libre prestation de services (10), la Cour de justice va retenir que la législation nationale qui prohibe l'importation, la vente et l'utilisation des cartes pour décodeurs permettant d'accéder à un service crypté diffusé depuis un autre Etat membre par satellite n'est pas conforme à l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (N° Lexbase : L2705IPU). Sa démarche, classique, conduit à procéder en deux temps pour, d'abord, vérifier l'existence d'une restriction à la libre prestation de services et, ensuite, analyser si celle-ci est justifiée. Ainsi, l'arrêt commence par relever que la législation nationale protégeant les limitations territoriales qui restreignent l'usage des cartes de décodeur à certaines zones territoriales limite l'accès à ces services et, partant, restreint la libre prestation de services. La restriction étant caractérisée, la Cour de justice analyse ensuite son éventuelle justification. Parmi les justifications avancées, la principale consistait en la protection des droits de propriété intellectuelle assurée par la répartition territoriale des autorisations de diffusion. A cette occasion, la Cour de justice rappelle que la protection de la propriété intellectuelle constitue de longue date une raison impérieuse d'intérêt général permettant de justifier une atteinte portée à la libre prestation de service (v. déjà en ce sens CJCE, 18 mars 1980, aff. C-62/79 N° Lexbase : A5882AUE et CJCE, 20 janvier 1981, aff. C-55/80 et C-57/80 N° Lexbase : A6056AUT). Soulignant à cette occasion la difficulté portant sur le point de savoir si les rencontres sportives peuvent être protégées par un droit de propriété intellectuelle (11), la Cour de justice va écarter cette justification pour défaut de proportionnalité. Elle retient, en effet, que la protection ainsi organisée par la législation va au-delà de ce qui est nécessaire pour parvenir à l'objectif poursuivi. Cela rappelle combien la Cour, généreuse lorsqu'il s'agit d'étendre les justifications aux restrictions à la libre prestation de services en découvrant de nouvelles raisons impérieuses d'intérêt général, se montre rigoureuse dans son contrôle de proportionnalité (jusqu'à donner l'impression de reprendre d'une main ce qu'elle avait donné de l'autre !). En ce qui concerne plus particulièrement les droits de propriété intellectuelle, la Cour confirme sa jurisprudence passée retenant que la restriction est justifiée dès lors qu'elle permet de sauvegarder les droits qui constituent l'"objet spécifique" du droit d'auteur, lequel autorise les titulaires de droits à exploiter les objets protégés en accordant des licences en contrepartie desquelles ils perçoivent une rémunération (CJCE, 18 mars 1980, aff. C-62/79, préc. et CJCE, 20 octobre 1993, aff. C-92/2 et 326/92 N° Lexbase : A3435DAH). Elle confirme bien que "les règles du Traité ne sauraient, en principe, faire obstacle aux limites géographiques dont les parties au contrat de cession de droits de propriété intellectuelle sont convenues pour protéger l'auteur et ses ayants droit" (12). La Cour apporte, en revanche, d'intéressantes précisions concernant le montant de cette rémunération : selon elle, il ne s'agit en aucun cas d'assurer la "rémunération la plus élevée possible", mais plutôt de garantir "une rémunération appropriée pour chaque utilisation d'objets protégés", laquelle suppose d'être "raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie" (13) ; elle précise que, pour cela, il convient de prendre en compte des paramètres tels que l'audience réelle et potentielle ainsi que les barrières linguistiques. La Cour en déduit qu'en matière de diffusion satellitaire, l'exclusivité territoriale consentie conduit à des différences de prix qu'elle qualifie d'"artificielles" entre les marchés nationaux, emportant leur cloisonnement. On notera d'ailleurs ici que, si la tenancière du pub à Portsmouth diffusait les rencontres via un décodeur grec, c'est parce que son abonnement était presque divisé par dix par rapport au prix de l'abonnement pratiqué par le diffuseur anglais. La Cour de justice ne paraît pas être restée insensible à cet argument d'ordre pécuniaire. Cela ne saurait étonner dans la mesure où, déjà dans son arrêt "Coditel II", la Cour invitait la juridiction nationale à vérifier si les redevances dues au titre du droit exclusif de représentation d'un film ne dépassaient pas "une juste rémunération des investissements" (14). La Cour de justice paraît bien s'inscrire ici dans une logique concurrentielle qui la conduit à contrôler le caractère excessif des prix (15), ce que confirme son analyse de l'exclusivité au regard de l'article 101 TFUE (N° Lexbase : L2398IPI).
Concernant ensuite la libre concurrence, la Cour de justice admet que les clauses de licence exclusive figurant dans les contrats de cession de droits de retransmission pour les matchs de la ligue 1 anglaise constituent une restriction à la concurrence prohibée par le Traité. Elle commence par rechercher si les clauses du contrat de licence exclusive conclu entre le titulaire de droits et l'organisme de diffusion ont un objet anticoncurrentiel, ce qui permet, on le sait, de présumer l'atteinte. Pour ce faire, la Cour rappelle qu'il faut analyser l'accord stricto sensu, i.e. la teneur de ses stipulations ainsi que ses objectifs, et prendre également en compte son contexte économique et juridique. Concernant la catégorie d'accord en cause, la Cour confirme encore sa jurisprudence "Coditel II" selon laquelle l'octroi d'une licence exclusive n'a pas per se un objet anticoncurrentiel (16). Elle constate néanmoins que tout accord qui conduit à un cloisonnement des marchés nationaux doit être jugé contraire à l'article 101 TFUE. L'accord qui organise une exclusivité territoriale absolue est dès lors présumé anticoncurrentiel en raison de son objet. Mais cette présomption peut être renversée : il convient alors de prouver que son contexte économique et juridique justifie que l'accord ne porte pas ainsi atteinte à la concurrence. Or, la Cour de justice constate qu'une telle preuve n'est pas rapportée en l'espèce. Elle en déduit donc que l'accord constitue une restriction à la concurrence interdite au sens de l'article 101 TFUE.
La portée de l'arrêt n'est pas évidente à déterminer. Sa lecture ne permet pas de clairement préciser s'il remet en cause tout système de découpage géographique pour la cession des droits ou s'il s'explique par les circonstances propres au litige. La formulation retenue par l'arrêt, qui précise ne pas opérer de revirement par rapport à ses arrêts "Coditel", ne permet pas d'être catégorique. Il faut toutefois noter que la Cour de justice prend soin de souligner que les marchés en cause sont distincts et que, depuis lors, l'acquis a évolué ; elle pourrait ainsi se ménager une "porte de sortie" pour faire évoluer à l'avenir sa jurisprudence (17). La décision paraît donc plutôt s'expliquer par les circonstances propres à la situation. La Cour de justice précise en effet que, en l'espèce, la répartition territoriale conduit à un cloisonnement des marchés, que son objet anticoncurrentiel n'est nullement justifié par les circonstances propres à l'espèce. On peut notamment penser que l'intérêt du consommateur a été déterminant en la matière compte tenu du coût d'accès aux services proposés. On retrouverait finalement la même logique que celle ayant guidé la jurisprudence de la Cour relative à l'application (détournée) de la théorie des facilités essentielles en matière de propriété intellectuelle. On se souvient, en effet, que ce qui expliquait les solutions de l'arrêt "Magill" (18) ou encore "IMS" (19) était bien l'intérêt du consommateur d'accéder à un nouveau produit (20). L'intérêt du consommateur pourrait bien ici encore être l'élément fondamental qui permet de faire céder un monopole de droit, l'objectif étant que le consommateur accède au service fourni à meilleur prix. On se situe alors dans une logique propre au droit de la concurrence -qui fait primer l'intérêt général, celui du marché et des consommateurs- et non dans celle gouvernant le droit d'auteur (21). La prééminence du raisonnement de nature concurrentiel pourrait également s'expliquer en raison de l'objet du litige dans la mesure où la Cour de justice dénie la qualité d'oeuvre de l'esprit aux retransmissions footballistiques. On retrouve ici encore la même logique que celle adoptée par la Cour de justice concernant ces créations "à la marge". Plus généralement, on sait combien les litiges paraissant opposer droit d'auteur et concurrence inquiètent lorsque les solutions retenues semblent atteindre ce qui est la substance même du droit d'auteur ; qu'en revanche, sont saluées les solutions qui conduisent à reconnaître au droit de la concurrence un rôle "correcteur", une fonction de régulation des excès du droit d'auteur (22). Mais la formulation retenue dans l'arrêt "Premier League" ne permet pas de trancher clairement dans un sens ou un autre. Quoi qu'il en soit, cette solution confirme la sévérité des autorités de concurrence à propos des licences territoriales exclusives (23) : si elles ne sont pas interdites per se, elles doivent néanmoins passer les fourches caudines du test de proportionnalité, sans succès en l'espèce. Si la portée de l'arrêt demeure incertaine concernant l'avenir des licences exclusives portant sur les droits de retransmission, il est en revanche très clair quant à son apport au processus d'harmonisation du droit d'auteur et des droits voisins.
II - Une harmonisation prétorienne du droit d'auteur
La Cour de justice confirme sa tendance récente à s'immiscer dans le processus d'harmonisation en matière de droit d'auteur et de droits voisins.
L'arrêt "Premier League" confirme la jurisprudence initiée par la décision "Infopaq" (24) selon laquelle la Cour de justice se reconnaît compétente pour définir l'objet du droit d'auteur au sens du droit de l'Union européenne, alors pourtant que l'acquis est jusqu'à présent resté silencieux à ce sujet (25). Elle affirme en effet que "le droit d'auteur au sens de l'article 2 [de la Directive "sur le droit d'auteur" (Directive (CE) n° 2001/29 du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information N° Lexbase : L8089AU7)] n'est susceptible de s'appliquer que par rapport à un objet qui constitue une création intellectuelle propre à son auteur" (26), que "les différentes parties d'une oeuvre bénéficient d'une protection au titre de ladite disposition à condition de contenir des éléments qui sont l'expression de la création intellectuelle propre à l'auteur de cette oeuvre" (27). Partant, elle retient que les retransmissions footballistiques ne sauraient être qualifiées d'oeuvres au sens du droit d'auteur. Concernant la définition ainsi retenue de l'originalité, on relèvera sa conformité avec la définition admise en France par la jurisprudence. Quant au procédé, d'aucuns avaient déjà noté cette "politique extrêmement volontariste" du juge communautaire qui, sous couvert d'interpréter les directives en la matière -notamment la Directive 2001/29/CE-, s'arroge une compétence qui n'est pas la sienne en principe. Alors que le législateur communautaire était resté prudent face à la notion d'originalité -clé de voûte du droit d'auteur mais notion à contenu variable selon les Etats membres-, la Cour de justice semble faire fi de cette liberté qui paraissait être laissée aux Etats membres pour réaliser "une harmonisation judiciaire à marche forcée" (28). Ses décisions en série confirment ce nouveau rôle que joue désormais la Cour de justice dans la construction du droit d'auteur européen. On se situe donc dans une approche globale du droit d'auteur et des droits voisins, que confirme cette généralisation de la notion d'originalité (29). Cela est confirmé par la Cour de justice lorsqu'elle affirme que "compte tenu des exigences de l'unité de l'ordre juridique de l'Union et de sa cohérence, les notions utilisées par l'ensemble de ces directives doivent avoir la même signification, à moins que le législateur de l'Union n'ait exprimé, dans un contexte législatif précis, une volonté différente" (30). La Cour ne fait pas ici qu'encourager l'interprétation systémique parmi les méthodes d'interprétation des directives communautaires (31). Elle semble promouvoir une approche globale du droit d'auteur à partir d'un "droit commun" que constituerait la Directive 2001/29/CE ici qualifiée de "Directive sur le droit d'auteur" (la précision "dans la société de l'information" étant -délibérément ?- omise) (32). La Cour paraît ainsi s'inscrire dans la nouvelle politique des autorités de l'Union en matière de droit d'auteur. La Commission, dans sa stratégie publiée en mai 2011 (33) évoque en effet la possible adoption d'un Code européen du droit d'auteur qui permettrait de codifier l'acquis en le consolidant, notamment en clarifiant les relations entre les différents droits exclusifs conférés aux titulaires et en procédant à l'actualisation et à l'harmonisation des exceptions prévues par la Directive 2001/29. Les réflexions promettent d'être nourries et le droit d'auteur européen sera très certainement encore au centre de l'actualité ces prochains mois.
Célia Zolynski, Professeur à l'Université de Rennes 1
(1) Cf. D., 2011, act. C. Manara.
(2) CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08 (N° Lexbase : A8389ETU), Rec. p. I-2417, point 49 à 52, D., 2010, 1966, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny-Goy ; CCE, 2010, comm. n° 132, Ch. Caron ; et CJUE 25, mars 2010, aff. C-278/08 (N° Lexbase : A9881ET7), Rec. p. I-2517, point 18.
(3) CJUE, 25 mars 2010, op. cit., point. 19 ; CJUE, ord. du 26 mars 2010, C-91/09, point 18.
(4) CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, op. cit, Rec. p. I-2417, point 89 et 90 ; CJUE, 8 juillet 2010, aff. C-558/08 (N° Lexbase : A0472E4A), point 35.
(5) CJUE, 23 mars 2010, op. cit., point 98 ; CJUE, 25 mars 2010, op. cit., point. 33.
(6) CJUE, 12 juillet 2011, aff. C-324/09 (N° Lexbase : A9865HUW), point 83.
(7) CJUE, 23 mars 2010, op. cit. ; Cass. com., 13 juillet 2010, n° 06-15.136, FS-P+B (N° Lexbase : A6717E4K), D., 2010. p. 1065, obs. I. Gavanon et J. Huet, ibid., p. 1992, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny, CCC, 2010, comm. n° 229, note M. Malaurie-Vignal ; Cass com., 13 juillet 2010, n° 08-13.944, FS-P+B (N° Lexbase : A6723E4R), D., 2010, p. 1966 obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny, ibid., 2010, p. 885, obs. C. Manara, ibid., 2011. 908, obs. S. Durrande, L'essentiel Droit de la propriété intellectuelle, 2010, n° 1, p. 1, obs. Lucas.
(8) Sur cet arrêt, cf. D., 2011, act. J. Daleau.
(9) Cass. soc., 25 février 1988, n° 84-45.086, publié (N° Lexbase : A7682AGM), Bull. civ. V, n°145,
(10) L'article 56 TFUE est jugé applicable à l'espèce dans la mesure où l'activité visait les services fournis par un diffuseur par l'intermédiaire d'un décodeur ; la commercialisation de ces derniers n'étant que secondaire, cela permet à la Cour d'écarter la libre circulation des marchandises.
(11) V. infra, II.
(12) Point 118.
(13) Point 108.
(14) CJCE, 6 octobre 1982, aff. C-262/81 (N° Lexbase : A6338AUB), point 14 ; RTDE, 1983, p. 297, obs. G. Bonet ; RTDCom., 1982, p. 558, obs. Françon.
(15) Comp. la prise en compte des prix excessifs dans la caractérisation d'un abus de position dominante. V. sur ce point N. Mallet-Poujol, Grands arrêts de la propriété intellectuelle, D., 2003, n° 3, note, spéc. p. 66 et les réf. citées.
(16) CJCE, 6 octobre 1982, aff. C-262/81 "Coditel II", préc., point 15.
(17) Point 118.
(18) CJCE, 6 avril 1995, aff. C-241/91 et 242/91 (N° Lexbase : A8042AYI), RTDE, 1996, p. 747, obs. J.-B. Blaise et p. 835, obs. G. Bonet ; D., 1996, chron., p. 119, note B. Edelman ; JCP éd. G, 1995, I 3883, note M. Vivant ; Grands arrêts de la propriété intellectuelle, préc., spéc. p. 66.
(19) CJCE 29 avril 2004, aff. C-418/01 (N° Lexbase : A0419DCI), D., 2004, JP, p. 2366, note F. Sardain ; CCE, 2004, comm. n° 69, obs. Ch. Caron ; Légipresse, 2004, n° 220, III, p. 57 ; RAE, 2003-2004, p. 463, nos obs..
(20) En ce sens, v. Ch. Caron, Le consumérisme en droit d'auteur, in Mélanges J. Calais-Auloy, Etudes du droit de la consommation, Dalloz, 2004, p. 781, spéc. n° 16 et s..
(21) V. déjà sur ce point nos obs., préc. note 19, p. 470.
(22) Notamment en ce sens Ch. Caron, Droit d'auteur et droits voisins, Litec, 2ème éd., 2010, n° 300.
(23) Sur cette question, v. O. Bosco, L'obligation d'exclusivité, Bruylant 2008, n° 150 et s..
(24) CJCE, 19 juillet 2009, aff. C-5/08 (N° Lexbase : A9796EIN) ; CCE, 2009, comm. 97, obs. Ch. Caron ; JCP éd. G, 2009, 272, note L. Marino ; Propriétés intellectuelles, 2009, p. 378, obs. V.-L. Bénabou ; RTDE, 2010, p. 944, obs. E. Treppoz.
(25) Egalement en ce sens, CJUE 22 décembre 2010, aff. C-393/09 (N° Lexbase : A7106GNI) ; Propriétés intellectuelles, 2011, p. 205, obs. V.-L. Bénabou ; Europe, 2011, comm. 86, obs. L. Idot ; RLDI, 2011/68, n° 2228, obs. H. Bitan.
(26) Pt. 155 et déjà arrêt "Infopaq" (CJCE, 19 juillet 2009, aff. C-5/08, préc.), point 37.
(27) Pt. 156 et déjà arrêt "Infopaq" (CJCE, 19 juillet 2009, aff. C-5/08), préc.), point 39.
(28) V. notamment V.-L. Bénabou, Propriétés intellectuelles, 2009, p. 378 et 2011, p. 209 ; adde, du même auteur "Que reste-t-il au juge national pour dire le droit d'auteur ?", RDTI, 2009/37, p. 71.
(29) Sur cette méthode, v. les critiques d'E. Treppoz, obs. préc.
(30) Point 188.
(31) Sur cette présomption de rationalité du législateur européen justifiant de recourir à ce procédé comparatiste mais avec prudence, v. nos obs, Méthode d'interprétation des directives communautaires, Dalloz, 2007, n° 83.
(32) Sur cette analyse, v. V.-L. Bénabou, Propriétés intellectuelles, 2011, p. 209.
(33) Communication de la Commission "Vers un marché unique des droits de propriétés intellectuelles. Doper la créativité et l'innovation pour permettre à l'Europe de créer de la croissance économique, des emplois de qualité et des produits et services de premier choix", COM(2011) 287 final, point 3.3.1, p. 14.
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Réf. : Cass. civ. 1, 20 octobre 2011, n° 10-14.069, F-P+B+I (N° Lexbase : A8791HYA)
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Réf. : Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-21.800, FS-P+B (N° Lexbase : A8705HY3)
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Réf. : Cass. civ. 1, 28 septembre 2011, n° 10-13.733, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9985HX4) et Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-19.190, F-P+B+I (N° Lexbase : A6113HY3)
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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse I Capitole)
Le 27 Octobre 2011
A - Les données du litige
Le différend, né au sein d'une SCI familiale, oppose un frère et une soeur à propos d'une cession de parts sociales consentie par leurs parents au profit de cette dernière. Ladite société a été initialement constituée le 18 juin 1963 entre leur père qui possédait 190 parts et le fils qui en possédait 10. Ultérieurement, par acte du 5 avril 1984 prétendument authentifié par un notaire, leurs parents mariés sous le régime de la communauté universelle ont cédé 10 parts à la fille. En outre, par acte de donation-partage du 6 juillet 1990, les parents ont transféré aux deux enfants pour moitié chacun la nue-propriété des 180 parts de la SCI dont ils étaient propriétaires. Après le décès des parents, respectivement le 25 mai 1991 pour le père, et le 18 mai 1999, pour la mère, le fils a, par actes des 5, 26 et 27 décembre 2005, saisi le tribunal de grande instance de Tarascon en inscription de faux et en nullité de l'acte du 5 avril 1984.
Ses demandes ayant été rejetées en première instance et par la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant le 10 novembre 2009 (CA Aix-en-Provence, 10 novembre 2009, n° 08/21944 N° Lexbase : A0508GEK), l'intéressé a intenté un recours en cassation. Il reproche à cette dernière juridiction, outre d'avoir rendu un arrêt confirmatif, d'avoir non pas tant annulé l'acte de cession en tant qu'acte authentique puisque c'est ce à quoi il aspirait, mais de l'avoir requalifié en un acte sous seing privé entre ses seules parties signataires et, en conséquence, opposable au demandeur au pourvoi.
A l'appui de son recours, le fils invoque la nullité absolue issue du vice de forme lié au défaut de signature de l'une des parties, fut-elle seulement l'un des co-cédants. Or, l'arrêt critiqué avait relevé que l'acte authentique ne comportait ni la signature du notaire, ni celle de l'épouse co-cédante des parts de la SCI, pas plus que celle du clerc de notaire représentant le co-cédant associé de cette société. En statuant de la sorte, la juridiction aixoise aurait, selon lui, porté atteinte aux dispositions des articles 1317 (N° Lexbase : L1428ABI) et 1318 (N° Lexbase : L1429ABK) du Code civil, 11 et 23 du décret du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par les notaires (N° Lexbase : L8530HBK).
B - L'issue du litige
Cette argumentation ne trouve aucun écho auprès du juge du droit qui, en revanche, consacre la position des juges des faits. Ces derniers ont estimé que la signature de l'épouse n'étant pas nécessaire à la validité de la cession, l'acte attaqué, bien que déficient pour défaut d'authenticité, a quand même valeur d'acte sous seing privé produisant effet entre les signataires.
Cette solution résulte de la stricte application de l'article 1865 du Code civil (N° Lexbase : L2062ABY) qui, s'il signale la nécessité d'un écrit pour constater la cession des parts sociales, n'en exige pas toutefois la solennité formelle. Dès lors qu'il n'apporte aucune précision quant à la nature de l'écrit, il confère implicitement liberté aux parties d'en choisir la forme. Effectivement, compte tenu du caractère onéreux de la cession, l'opération n'a pas à obéir à la forme notariée édictée par l'article 931 du Code civil (N° Lexbase : L0088HPX) pour une donation qui, par essence, constitue un acte à titre gratuit (5).
En outre, l'article 10 des statuts de la SCI stipulant une cession de droits sociaux indifféremment par acte authentique ou par acte sous seing privé, la validité de la cession ne tient pas à l'authenticité de l'acte (6). La forme de droit commun suffit donc à lui conférer validité. Or, dans la présente affaire, bien que les parties à la cession aient préféré la forme authentique, l'épouse du cédant et mère de la cessionnaire était apparue dans l'acte comme cédante et aurait dû en cette qualité signer l'acte, ce qu'elle n'avait pas fait.
Répétons-le, l'actuel litige est marqué par une double carence : celle des scripteurs (co-cédante, notaire et clerc de notaire) qui auraient dû apposer leur signature ; celle de l'écrit qui aurait dû revêtir la forme authentique, conformément à l'article 1318 du Code civil. L'absence de signature du notaire constitue indubitablement un vice insurmontable qui présume qu'il n'a pas reçu l'acte, que les parties n'ont pas comparu, et qu'en conséquence il n'a pas constaté qu'elles ont lu et compris l'acte, ni recueilli l'expression de leur consentement. Or, en vertu de l'article 1316-4 du Code civil (N° Lexbase : L0630ANN), seule la signature apposée par un officier public, en l'occurrence un notaire, confère l'authenticité à l'acte (7).
En application de l'article 1318 précité, aux termes duquel "l'acte qui n'est point authentique [...] vaut comme écriture privée [...]", la première chambre civile, confortant la juridiction de seconde instance, considère que l'acte contesté n'est pas privé de valeur juridique, au point qu'il ne convient pas de l'annuler, mais simplement de le ramener au rang inférieur non dépourvu d'effet, d'acte sous seing privé.
Les positions conjuguées de la Cour de cassation et de la cour d'appel d'Aix-en-Provence suscitent tout de même la perplexité. En effet, une lecture plus attentive de l'article 1318 précité révèle qu'il n'assimile "l'acte qui n'est point authentique [...] par défaut de forme" à une "écriture privée", que "s'il a été signé des parties". Dans l'affaire rapportée, aucune signature n'a figuré sur le document, de sorte qu'en principe il n'aurait pas dû renaître sous la forme d'un acte sous seing privé.
La partie plaignante aurait-elle dû alors être déclarée recevable en sa demande d'invalidation de l'acte critiqué ? Rien n'est moins sûr. Si l'on se fie à la jurisprudence en vigueur, non démentie à ce jour, un acte de prêt non signé par le prêteur peut valoir commencement de preuve par écrit (8). Cette solution aurait-elle pu être retenue en l'espèce ?
Acte sous seing privé ou commencement de preuve par écrit ? La différence entre ces deux notions est évidente et notable. La première désigne un acte qui, signé par les parties elles-mêmes sans l'intervention d'un officier public, dispose d'une force probante moins importante que celle attachée à l'acte authentique. La seconde illustre un quelconque écrit qui, selon l'article 1347 du Code civil (N° Lexbase : L1457ABL), émane de celui à qui on l'oppose et non de celui qui s'en prévaut (9). Il rend vraisemblable le fait allégué ou admissible la preuve testimoniale. Ainsi, un texte dactylographié et non signé peut caractériser un commencement de preuve par écrit, si la partie à laquelle on l'oppose reconnaît l'avoir elle-même dactylographié et admet que ce texte est son oeuvre matérielle et intellectuelle (10). Pour autant, le contexte de l'affaire n'est pas propice à l'admission d'un commencement de preuve par écrit, car il eût fallu que l'acte du 5 avril 1984 provînt de la cessionnaire des 10 parts, ce qui ne fût pas le cas.
Reste à savoir si l'absence de signature de l'épouse commune en biens ne signifie pas un défaut de consentement à la cession sanctionnée par la nullité, à la suite de son action intentée dans les deux ans à partir du jour où elle a eu connaissance de l'acte litigieux (11). Il n'en est rien. En effet, cette épouse, qui a ultérieurement co-signé une donation-partage faisant état de l'acte de cession, a, de ce fait, été informée de l'existence de celle-ci et ne s'y est pas opposée dans le délai requis. Tel a été le motif invoqué à l'appui de son dispositif par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Par ailleurs, sauf stipulation statutaire, la cession intervenue n'impliquait pas l'agrément du fils (12). A fortiori, celui-ci avait consenti à l'entrée de sa soeur dans la société puisqu'il avait signé un pouvoir aux fins d'agréer cette entrée. Par conséquent, il ne pouvait décemment pas rechercher une nullité absolue, pas plus qu'une inscription en faux, faute pour l'acte de cession d'avoir été falsifié. Quant au défaut de signature du clerc de notaire, il ne prêtait plus à conséquence car, en application de l'article 1844-14 du Code civil (N° Lexbase : L2034ABX), l'action en nullité pour cette raison était prescrite pour dépassement du délai de trois ans à compter du jour la nullité était encourue.
En réalité, l'obstacle majeur à l'authenticité de l'acte de cession, résidait dans l'absence de signature du notaire, laquelle même apposée a posteriori lui aurait conféré valeur d'acte sous seing privé déposé au rang de ses minutes (13). En dépit de cette carence formelle, la Cour de cassation, dans le sillage de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, "rattrape" l'acte de cession qu'elle fait dégénérer en un acte sous seing privé valable entre toutes les parties.
II - L'obligation du notaire d'effectuer les formalités de publicité au RCS
A - Les données du litige
Là encore le conflit a pour cadre des SCI de famille, mais à la différence de la précédente affaire, les protagonistes ne se disputent pas ; ils sont unis contre une tierce personne, en l'occurrence un notaire (associé d'une SCP titulaire d'un office notarial). L'affaire débute par une donation-partage de la nue-propriété des parts sociales de trois SCI consentie par deux époux à leurs trois enfants par acte notarié reçu le 29 juin 1995. Les donataires font grief au notaire de n'avoir pas publié l'acte aux greffes des tribunaux de commerce auprès desquels les SCI étaient immatriculées, si bien que postérieurement, divers créanciers de leur père avaient pu inscrire des nantissements sur les parts sociales. Ils ont poursuivi le notaire en responsabilité civile professionnelle afin d'obtenir réparation de leur préjudice.
Déboutés de leurs prétentions par arrêt confirmatif de la cour d'appel de Paris du 13 avril 2010, les plaignants forment un pourvoi en cassation (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 13 avril 2010, n° 08/11794 N° Lexbase : A4814EW9).
A l'appui de sa décision, la juridiction de seconde instance, reprenant les motifs des premiers juges, avait retenu que le notaire n'avait failli ni à son devoir de conseil, ni à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte, dans la mesure où les demandeurs n'avaient pas démontré avoir donné mandat au notaire d'établir les statuts modifiés des trois sociétés civiles et de veiller à leur publicité subséquente au RCS. Par ailleurs, il appartenait aux gérants intervenus à l'acte et ayant déclaré modifier les statuts desdites sociétés, ainsi qu'aux associés, d'y procéder. Enfin, faute pour eux d'établir un préjudice né, actuel et certain en relation directe avec l'absence de publication, les appelants ne sauraient prétendre à indemnisation.
B - L'issue du litige
La décision de la cour d'appel est censurée au visa des articles 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), 27 du décret n° 84-406 du 30 mai 1984 (N° Lexbase : L6533BHG, devenu l'article R. 123-89 du Code de commerce N° Lexbase : L9842HY8) en vigueur à l'époque de l'arrêt, et de l'article 52 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 par la Cour régulatrice qui, sans nier l'obligation à publicité à laquelle sont tenus les gérants, met l'accent sur celle qu'assume le notaire. Selon elle, il incombe à cet officier ministériel tenu de s'assurer de l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours, de procéder aux formalités concordantes dont le client se trouve alors déchargé, quand bien même n'aurait-il pas reçu mandat à cet effet. Il s'agit en l'occurrence de la publicité de la cession de parts sociales, par le dépôt en annexe au registre du commerce et des sociétés de deux copies authentiques de l'acte de cession.
De toute évidence, le notaire a manqué à son devoir de conseil. Un tel devoir se définit comme l'obligation pour lui d'informer le client et de l'aider à contracter en toute connaissance de cause. Cette obligation n'est pas limitée à des considérations d'ordre général tenant à la nature de l'acte ; elle prend en compte le contexte propre à chaque dossier et aux objectifs du client.
La pleine efficacité du devoir de conseil tient à la nécessité de le mettre en oeuvre tout au long de la période de préparation de l'acte jusqu'à sa signature, et même au-delà, en particulier lors de l'accomplissement des diverses formalité accompagnant cet acte. Le présent arrêt du 6 octobre 2011 confirme cette idée : il appartient au notaire de réaliser toutes les formalités de publicité, même sans mandat, au point de décharger celui à qui incombe normalement cette obligation.
Ainsi, la responsabilité civile professionnelle du notaire se trouve engagée s'il omet d'effectuer une formalité essentielle ou si, bien qu'ayant procédé aux vérifications nécessaires, son acte n'en tient pas compte en définitive. C'est le cas notamment s'il manque aux obligations issues des dispositions du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 (N° Lexbase : L8530HBK) qui lui impose de vérifier l'identité, l'état et le domicile (14). Il doit effectuer les formalités nécessaires à une pleine efficacité de l'acte, telle que l'inscription du privilège du vendeur (15). Il doit également accomplir les formalités postérieures nécessaires à la validité et à l'efficacité de l'acte qu'il rédige, telle que la publication foncière des ventes immobilières. Enfin, lorsque le notaire n'est pas obligé de réaliser une formalité, il peut être tenu d'inviter le client à s'y conformer.
S'agissant de l'obligation d'assurer l'efficacité de l'acte à laquelle la cour d'appel de Paris fait pourtant référence ici, mais que la Cour de cassation n'évoque pas en ces termes, elle vise à éviter toute remise en cause de l'acte et implique l'accomplissement de formalités matérielles.
A l'instar de l'arrêt précédent du 28 septembre 2011, celui du 6 octobre 2011 traduit bien la teneur et l'ampleur de l'obligation de conseil mise à la charge d'un notaire ou de tout autre professionnel du droit tel qu'un avocat, ou du chiffre tel qu'un expert-comptable. En effet, les compétences personnelles du client, en l'occurrence celles de gérant, ne sauraient suffire à elles seules à exonérer le notaire de sa faute. Ainsi, il résulte expressément de la jurisprudence que "le notaire n'est pas déchargé de son devoir de conseil par les compétences personnelles de son client" (16). Il a été jugé que sa responsabilité est mise en cause, s'il omet d'expliquer à un professionnel des questions immobilières les conséquences d'une renonciation à l'inscription du privilège du vendeur (17), d'avertir un marchand de biens des risques de ne pas insérer une condition suspensive d'obtention d'un prêt (18), d'alerter un organisme de crédit des risques à accorder une garantie hypothécaire à une SCI en cours d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (19).
De surcroît, le notaire n'est pas dispensé de son devoir de conseil malgré la présence d'un conseil personnel aux côtés d'un client (20). Aussi, engage-t-il sa responsabilité s'il n'informe pas le vendeur sur la portée et la signification de la clause de renonciation à l'action résolutoire, même si le client a préalablement recueilli l'assentiment de son avocat (21).
(1) C. civ., art. 1865 (N° Lexbase : L2062ABY), société civile ; C. com., art. L. 221-14 (N° Lexbase : L5810AIZ), société en nom collectif ; C. com., art. L. 222-2 (N° Lexbase : L5815AI9), société en commandite simple ; C. com., art. L. 223-17 (N° Lexbase : L5842AI9) renvoyant à l'article L. 221-14 (N° Lexbase : L5810AIZ), SARL.
(2) C. civ., art. 931 (N° Lexbase : L0088HPX).
(3) C. civ., art. 1865, al. 2 ; C. com., art. L. 221-14, al. 2, sur renvoi de l'article L. 223-17.
(4) Décret n° 78-404 du 3 juillet 1978, art. 52 (N° Lexbase : L1376AIS) ; C. com., art. R. 221-9 (N° Lexbase : L0093HZH), sur renvoi de l'art. R. 223-13 (N° Lexbase : L0109HZ3).
(5) V. à ce sujet, X. Lagarde, Réflexions sur le fondement de l'article 931 du Code civil, RTDCiv., 1997, p. 25 ; M. Dagot, Des donations non solennelles, JCP éd. G, 2000, I, 248.
(6) J.-M. Olivier, L'authenticité en droit positif français, LPA, 28 juin 1993, n° 77, p. 12.
(7) A propos de la signature, I. Dauriac, La signature, Thèse Paris II, 1997.
(8) Cass. civ. 1, 28 octobre 2003, n° 01-02.654, FS-P (N° Lexbase : A9908C9T), Defrénois, 2004, p. 373, obs. R. Libchaber.
(9) Cass. civ. 1, 11 avril 1995, n° 93-13.246 (N° Lexbase : A4958ACM), JCP éd. G, 1995, II, 22554, première espèce, note S. Piedelièvre.
(10) Cass. civ. 1, 17 janvier 1961, Bull. civ. I, n° 41.
(11) C. civ., art. 1424, al. 1er (N° Lexbase : L2300IBS) et 1427, al. 2 (N° Lexbase : L1556ABA).
(12) C. civ., art. 1861, al. 2 (N° Lexbase : L2058ABT).
(13) CA Pau, 14 juin 1977, JCP éd. G, 1978, II, 18920, note M. Dagot.
(14) Cass. civ. 1, 6 février 1979, n° 77-15.232 (N° Lexbase : A2853CGR), Bull. civ. I, n° 45 ; v. aussi, CA Paris, 1ère ch., sect. B, 11 juin 1999, n° 1997/21223 (N° Lexbase : A1169DGE), Bull. Joly Sociétés, 1999, p. 1214, note R. Crône.
(15) CA Paris, 15 septembre 1995, D., 1995, IR, 228.
(16) Cass. civ. 1, 28 novembre 1995, n° 93-15.659, inédit au bulletin (N° Lexbase : A8057C48).
(17) Cass. civ. 1, 25 novembre 1997, n° 95-18.618, publié (N° Lexbase : A0663ACK), Bull. civ. I, n° 329.
(18) Cass. civ. 1, 9 juin 1998, n° 96-13.785, publié (N° Lexbase : A2742ATQ), Bull. civ. I, n° 205 ; RJDA, 11/1998, n° 1183.
(19) Cass. civ. 1, 12 juillet 2005, n° 03-19.321, FS-P+B (N° Lexbase : A0284DKQ), Bull. civ. I, n° 323.
(20) Cass. civ. 1, 10 juillet 1995, n° 93-16.894, publié (N° Lexbase : A9438CGN), Bull. civ. I, n° 312, 2ème arrêt ; Defrénois, 1995, p. 1413 n° 147, obs. J.-L. Aubert.
(21) Cass. civ 1, 10 juillet 1995, n° 93-13.672, publié (N° Lexbase : A7691ABH), Bull. civ. I, n° 312, 1er arrêt.
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Réf. : Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-18.989, F-P+B (N° Lexbase : A8700HYU)
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Le 01 Novembre 2011
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Réf. : Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-21.800, FS-P+B (N° Lexbase : A8705HY3)
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Le 27 Octobre 2011
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