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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée
Sous la direction de Véronique Nicolas, Professeur agrégé, vice-doyen de la Faculté de droit de l'Université de Nantes
Le 21 Octobre 2011
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Assurances. Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, tous deux membres de l'IRDP (Institut de recherche en droit privé) (N° Lexbase : N8285BSN). Trois arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ont retenu l'attention des auteurs ce mois-ci : tout d'abord, un arrêt du 6 octobre 2011, dont il ressort que n'est pas limitée la clause d'un contrat assurance-habitation excluant le défaut d'entretien (Cass. civ. 2, 6 octobre 2011, n° 10.10.001, F-P+B) ; ensuite, une décision du 15 septembre 2011, précisant le périmètre de couverture du Fonds de garantie des assurances obligatoires, à propos d'un dommage corporel causé à un cycliste circulant sur la voie publique par un ballon lancé par un groupe d'enfants non identifiés (Cass. civ. 2, 15 septembre 2011, n° 10-24.313, FS-P+B) ; et, enfin, un autre arrêt du 6 octobre 2011, en matière d'assurance du fait d'autrui, précisant la définition de la notion de tierce victime exclusive de celle d'assuré (Cass. civ. 2, 6 octobre 2011, n° 10-16.685, FS-P+B). |
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Consommation. Les informations, relatives aux caractéristiques principales d'un ordinateur équipé de logiciels d'exploitation et d'application, sont de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause. Tel est le principe énoncé par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 octobre 2011 (Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-10.800, FS-P+B+I ) -sur lequel nous vous invitons à lire les observations de Malo Depincé, Maître de conférences à l'Université de Montpellier I et avocat au Barreau de Montpellier (Le professionnel doit mieux informer le consommateur d'offres subordonnées et présenter, semble-t-il, un prix ventilé N° Lexbase : N8288BSR)-, qui casse au visa de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 3 janvier 2008, tel qu'interprété à la lumière de la Directive 2005/29, un arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 novembre 2011 (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 26 novembre 2009, n° 08/12771), précédemment commenté par le même auteur qui avait alors intitulé sa chronique : "le distributeur de matériel informatique n'est pas tenu d'informer l'acheteur des logiciels préinstallés du prix des logiciels achetés seuls" ; il lui faut aujourd'hui, à regret, apporter quelques précisions sur cette affirmation partiellement contredite par cet arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation. L'auteur s'interroge par ailleurs sur l'étendue de ce que doit être l'information fournie au consommateur. |
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par Véronique Nicolas, Professeur, en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, tous deux membres de l'IRDP (Institut de recherche en droit privé)
Le 21 Octobre 2011
Loin des purs débats juridiques théoriques sur la construction juridique de tel ou tel mécanisme complexe donnant lieu à des arrêts originaux et innovants, se rencontrent encore des affaires aux parfums plus classiques. Et parce que ces sujets, contre toute croyance, n'ont pas fait l'objet de tant d'arrêts de la part des cours d'appel comme de la Cour de cassation, celle-ci juge bon de les publier. C'est qu'elle estime aussi utile d'attirer l'attention sur la mise en oeuvre d'une règle cependant usuelle : l'article L. 113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH). Ce texte, chacun le connaît, limite la liberté des cocontractants -et spécialement celle de l'assureur- dans le choix du libellé des clauses d'exclusion insérée dans un contrat d'assurance. Aux allures insignifiantes voire risibles tant il semble énoncer une quasi-platitude ou tautologie, cet article suscite donc encore des hésitations.
Lucidité du législateur comme de nos magistrats que de s'appuyer sur ces dispositions qui représentent, pour les clauses d'exclusion en droit des assurances, la variable d'ajustement, comme la cause notamment apparaît celle du droit des obligations. Pour autant, les assureurs ne partageront pas ce point de vue positif, non par esprit de système, mais eu égard à l'insécurité juridique que créent de telles décisions, fussent-elles en partie prévisibles de nos jours. Ces professionnels seront d'autant plus inquiets de voir perdurer ce type d'orientation jurisprudentielle -ancienne et acquise, du moins dans certaines proportions- que la clause incriminée ne devait pas être isolée, mais reproduite dans nombre d'autres contrats de même catégorie. Et l'on ne s'étonnera donc pas non plus qu'ils refusent, à l'avenir, dans certaines régions, villes ou quartiers dits sensibles d'assurer telle ou telle infrastructure.
Mais exposons les faits pour mieux faire comprendre la quotidienneté de la situation. Un copropriétaire avait souscrit un contrat d'assurance habitation qui, de toute évidence, et en dépit de son nom quelque peu racoleur de bonne guerre, si l'on ose s'exprimer ainsi, comme de sa situation enchanteresse -au moins pour l'habitant du fin fond d'une région de l'ouest parisien, guère sensible, après des années, au charme discret de son environnement de verdure supposant une pluviométrie que, maniant l'euphémisme, lui-même qualifie de non rare-, ne présentait pas tous les avantages escomptés. Pour faire plus simple, le mauvais entretien des parties communes avait pris de si grandes proportions que des dégâts des eaux en résultaient dont souffrait l'un de ces copropriétaires de Pointe-à-Pitre. Ceux-ci semblaient avoir au moins excédé la moyenne traditionnelle.
Il avait assigné en réparation de ses préjudices tant le syndicat des copropriétaires que l'assureur de la copropriété. Bien qu'ayant dénié sa garantie, ce dernier avait néanmoins été condamné à prendre en charge le sinistre. Contestant la décision d'appel, l'assureur tentait de démontrer, d'une part, que ce défaut d'entretien ne s'entend pas d'un événement, c'est-à-dire d'un fait soudain. D'autre part, il contestait la qualification possible de risque dans ces circonstances de "laisser aller" et de désintérêt, susceptible d'avoir pu être envisagé lors de la formation du contrat. La Cour de cassation a considéré, elle, que l'expression "défaut d'entretien ou de réparation" visée dans le contrat, ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées.
En droit, la solution de la Cour de cassation appelle plutôt une certaine désapprobation. Sans doute ne faut-il pas nier que la formulation de l'exclusion de risque comprenait, dans le cas présent, une certaine imprécision. Sous couvert d'absence d'entretien de multiples situations très différentes peuvent se rencontrer. De la simple négligence ponctuelle au délabrement total, aucune comparaison sérieuse n'apparaît possible. Or, là se situe bien l'enjeu : les assureurs peuvent fermer les yeux et prendre en charge des altérations sporadiques, sans accepter de tolérer un défaut d'entretien chronique à l'origine de sinistres d'une réelle ampleur. Par conséquent, leur suggérer de fournir des illustrations dans la rédaction de ce type de clauses, ambiguës par nature peut représenter une solution, comme l'indique la Cour de cassation.
Et là se situe une partie de l'intérêt de cet arrêt : le renforcement des exigences de nos magistrats dans le libellé de ces clauses, par nature difficiles à cerner dans leur étendue exacte, ou, plus exactement, dans la limitation de leur périmètre. L'information ne manquera pas d'agacer la profession qui, nouvelle, suscite une insécurité juridique onéreuse, sans compter qu'elle doit donc rivaliser d'attentions et de subtilités, en rédigeant ces clauses d'exclusion, sans pouvoir songer à toutes les hypothèses, tout en n'employant pas, par exemple, l'adverbe notamment, jugé trop allusif par les juges du fond... L'exercice relève de la haute voltige, dans certains cas, y compris celui ayant donné lieu à cet arrêt du 6 octobre 2011. D'ailleurs, les sanctions pour absence de respect du formalisme, quelle que soit leur utilité par ailleurs, ne manqueront jamais d'être mal perçues par les juristes dans leur ensemble, sans se limiter aux assureurs.
C'est peut-être la raison pour laquelle notre Haute juridiction vient d'ailleurs aussitôt au secours des assureurs, en leur suggérant d'user, les prochaines fois, d'autres fondements juridiques, et notamment de l'absence de caractère aléatoire. C'est donc indiquer qu'elle-même estime que les assureurs pourraient arguer de la nullité du contrat, ce qui suscite d'autres réactions doctrinales, y compris négatives. Car, même lorsque la probabilité de survenance de l'événement ou des circonstances apparaît élevée, elle n'est pas, pour autant, certaine. Or, le caractère aléatoire du contrat se révèle présent ou non. Et l'existence d'une incertitude, même réduite, suffit à valider l'existence de ce caractère.
Ce n'est pas la première fois que notre Haute juridiction est séduite par ce type de raisonnement. Il ne nous semble toutefois pas plus rigoureux que les clauses incriminées, elles-mêmes, vagues et imprécises. Car, de deux choses l'une : ou bien, le contrat présente un caractère aléatoire, ou bien tel n'est pas le cas. Et sans revenir sur le sempiternel débat relatif à ce qu'il convient de comprendre de l'exigence de ce caractère, il apparaît indubitable que la probabilité forte de survenance d'un dommage ne saurait être comparée à l'absolue certitude de sa réalisation. On n'ose imaginer, dans la présente espèce, que la Cour de cassation ait voulu insinuer que le défaut d'entretien constitue une certitude. Et l'aurait-elle effectué que la difficulté serait déplacée : au risque de proférer des évidences, la nullité d'un contrat, pour absence de caractère aléatoire produit des effets différents de l'absence de mise en oeuvre d'une clause d'exclusion.
La marge de manoeuvre apparaît donc étroite, sans conteste, pour nos Hauts magistrats soucieux de respecter la lettre de la loi. Quoi que l'on en pense, les assureurs sont avertis : comme pour les universitaires devant leurs étudiants, les vertus de l'exemple ne sauraient être mésestimées...
Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", vice-doyen
Le Fonds de garantie des assurances obligatoires est un outil précieux pour couvrir des victimes qui, sinon, seraient privées de tout garant. Les textes ont, avant comme après la loi "Badinter" (loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 N° Lexbase : L7887AG9), fait l'objet de retouches successives, essentiellement pour élargir son champ de compétence. La loi du 5 juillet 1985 (C. assur., art. L. 421-1, al. 3 N° Lexbase : L2354INI) a précisé qu'en l'absence d'un responsable connu et assuré, le fonds peut être chargé de la réparation des dommages qui "ont été causés accidentellement par des personnes circulant sur le sol dans des lieux ouverts à la circulation publique". La jurisprudence l'a notamment appliqué à divers accidents, causés par des bicyclettes, des rollers ou des planches à roulettes.
Le cycliste heurté par un ballon jeté par des enfants non identifiés est-il protégé ? L'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 15 septembre 2011 permettra, par sa publication, d'asseoir la solution positive apportée à cette question.
Il est vrai que la détermination du périmètre d'intervention du Fonds de garantie des assurances obligatoires pose problème. Déterminer si un dommage causé à un cycliste par un projectile placée sous la garde collective d'enfants indéterminés, donc dont il n'est pas possible d'identifier le (ou les) assureur(s), n'est pas expressément envisagé par les textes, qui ont, en dernier lieu, été plus préoccupé de fixer le statut de l'animal que celui des choses...
En l'espèce, il s'est agi de savoir si l'hypothèse correspond au cadre de l'article L. 421-1 du Code des assurances dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 (N° Lexbase : L5471H3Z), qui visait les "victimes de dommages résultant des atteintes à leur personne ou à leurs ayants droit, lorsque ces dommages, ouvrant droit à réparation, ont été causés accidentellement par des personnes circulant sur le sol dans des lieux ouverts à la circulation publique".
Le tribunal d'instance de Nice avait dégagé une interprétation fort rigoureuse, tenant l'accident survenu par le heurt d'un cycliste par un ballon "lancé par un groupe d'enfants non identifiés", comme n'ayant pas été causé par "des personnes circulant sur le sol" au sens de l'article L. 421-1 susvisé.
Considérer qu'un jet de ballon sur la voie publique ne serait pas le fait de personnes "circulant sur le sol", traduit une lecture stricte de la notion de circulation sur le sol. Mais cette lecture induit une réduction aux accidents survenus sur la voie publique, qui soit aussi le fait d'un véhicule terrestre à moteur ou autre véhicule. Or, cette interprétation est démentie tant par les textes que par les interprétations jurisprudentielles antérieures.
La lecture de l'article R. 421-2 du même code (N° Lexbase : L5922DYY) contribue à la délimitation tant personnelle que par l'objet du périmètre d'intervention du Fonds. Sont exclus du bénéfice de la couverture des "dommages causés par un animal ou par une chose autre qu'un véhicule terrestre à moteur [...] : a) le propriétaire ou la personne qui a la garde de l'animal ou de la chose au moment de l'accident".
Si l'on s'autorise une analyse a contrario, le texte implique la couverture par le Fonds des dommages causés par une chose dont une personne a la garde, dès lors que la victime n'est pas son gardien et dès lors que les critères de l'article L. 421-1 du Code des assurances sont remplis, spécialement lorsque le gardien n'est pas assuré ou qu'il demeure inconnu, comme c'était le cas en l'espèce du groupe d'enfants.
Ce raisonnement a, d'ailleurs, déjà eu les faveurs de la jurisprudence :
- c'est ainsi que la cour d'appel de Nîmes dans un arrêt du 6 novembre 2007 (1), a statué sur un cas très voisin de celui objet de l'arrêt étudié du 15 septembre 2011. En l'espèce, un motocycliste avait, alors qu'il circulait sur la voie publique, perdu le contrôle de son engin pour éviter un ballon jeté par des enfants qui ont pris la fuite. Le Fonds de garantie avait contesté la prise en charge de la réparation de son préjudice corporel. Les juges nîmois avaient alors considéré que le dommage émanait bien de "personnes circulant sur le sol dans des lieux ouverts à la circulation publique qui sont demeurées inconnues" au sens de l'article L. 421-1, alinéa 3, du Code des assurances. Les juges s'étaient référés à l'article R. 421-2 pour en déduire, par une interprétation a contrario, que la chose, tout comme l'animal, peut être instrument du dommage relevant du périmètre de garantie par le fonds ;
- cette analyse a également été retenue par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 19 mai 2010 (2) qui, statuant sur le fondement de l'article L. 421-1 dans son dernier état (après modification par la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 N° Lexbase : L5471H3Z), aboutit à la même solution selon laquelle ce texte, combiné à l'article R. 421-2 susmentionné, conduit à ce que la "victime d'un accident survenu dans un lieu ouvert à la circulation publique, causé par une chose sous la garde d'un tiers -en l'occurrence le ballon avec lequel jouait un enfant lancé malencontreusement sur sa trajectoire- peut invoquer la garantie du Fonds".
Le tribunal d'instance de Nice s'était écarté de cette lecture et avait sans doute convaincu grâce à l'argumentation du Fonds selon lequel le fait dommageable n'était pas un "fait de circulation", ou plus exactement que ce fait n'avait pas été commis par des "personnes circulant sur le sol". Cette interprétation n'est pas fondée, car le jet de ballon par des personnes qui circulent sur la voie publique est bien un fait de circulation, aussi bien que lorsque des gravillons sont projetés par les roues d'un véhicule !
C'est donc logiquement et opportunément que la Cour de cassation redresse l'analyse et conforte les deux arrêts d'appel susmentionnés, en énonçant la solution selon laquelle "le ballon, cause du dommage, avait été lancé par des personnes circulant sur le sol".
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
L'interprétation de l'article L. 121-2 du Code des assurances, relatif à l'assurance du fait d'autrui, est à l'honneur. Aux termes de cet article (N° Lexbase : L0078AA7), "l'assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l'article 1384 du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS), quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes".
Il y a quelques mois, les deux rédacteurs de cette chronique avaient pu, à quatre mains, étudier un arrêt du 17 mars 2011 (3) portant sur la garantie des dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable dans l'hypothèse d'une faute intentionnelle du préposé (viol d'un préposé, professeur employé par une association, sur le lieu de travail et pendant les heures de cours). La Cour avait alors énoncé "qu'en application de l'article L. 121-2 du Code des assurances et du contrat souscrit par [l'association] auprès de [l'assureur], seule la faute intentionnelle dolosive de l'assuré est de nature à exonérer l'assureur de son obligation à garantie et que tel n'est pas le cas en l'espèce, les faits fautifs ayant été commis par le préposé de l'assuré". C'était bien juger car la faute intentionnelle du préposé est assurable.
Avec l'arrêt du 6 octobre 2011, la lumière est portée sur un autre aspect de l'interprétation de l'article L 121-2 du Code des assurances : il s'agit de cerner la liberté des parties de déterminer le champ d'application du contrat d'assurance, donc de l'application des conditions de garantie et des exclusions de garantie, dans ce contexte de garantie des dommages causés par autrui.
Les choses sont ici faussement simples, car si la jurisprudence a tôt fait d'énoncer le caractère d'ordre public du texte (4), elle n'a pas entendu imposer à l'assureur de couvrir tout risque causé par autrui. La ligne de crête passe entre ces deux bornes :
- d'un côté, la jurisprudence rappelle, depuis un arrêt du 12 novembre 1940 (5), confirmé à plusieurs reprises (6), que l'article L. 121-2 "ne retire pas au contrat d'assurance la détermination du risque assuré de telle sorte que les limitations de l'objet d'assurance qui restreignent ou subordonnent à une condition la responsabilité personnelle de l'assuré sont elles-mêmes applicables de plein droit à la garantie de la responsabilité civile des personnes dont l'assuré doit répondre". C'est admettre la possibilité de procéder par voie de délimitations contractuelles et considérer que autrui sera couvert dans les mêmes conditions que l'assuré lui-même ;
- de l'autre, la Cour de cassation tempère cette liberté et énonce que "l'assureur ne peut refuser sa garantie en fonction de la nature ou de la gravité de la faute dont l'assureur doit répondre" (7).
Toute la difficulté est donc de cerner dans quelles hypothèses les conditions et exclusions de garantie demeurent compatibles avec le principe de couverture de la responsabilité du fait d'autrui.
La jurisprudence est complexe (8), qui décide, notamment, que l'assureur peut délimiter objectivement le risque, pour l'assuré comme pour celui dont il est responsable, à condition que cela ne porte pas atteinte au principe même de couverture, notamment de la faute intentionnelle d'autrui. La doctrine suggère une distinction entre restrictions de garanties objectives, permises, et restrictions de garanties subjectives, prohibées (9).
Cette grille de lecture sied parfaitement pour interpréter l'arrêt du 6 octobre 2011, qui admet l'applicabilité d'une restriction objective du contrat, tenant à la qualité de victime d'un dommage causé par une personne dont l'assuré est civilement responsable.
En l'espèce, la Cour, après avoir rappelé dans le chapeau de l'arrêt que l'article L. 121-2 "ne porte pas atteinte à la liberté des parties de convenir du champ d'application du contrat et de déterminer la nature et l'étendue de la garantie", censure la décision des juges du fond aux motifs que le contrat "ne garantissait pas les dommages causés aux personnes définies comme assurées".
La clause vaut, que l'assuré ou un de ceux dont il répond cause dommage à n'importe quel autre assuré. Il n'y a donc pas exclusion, ni directe ni indirecte, liée à la nature de la faute ou à sa gravité.
Il en résulte qu'en cas de dommage causé par un fils de l'assuré à deux autres enfants de l'assuré, la clause d'exclusion trouve à s'appliquer.
Les juges du fond avaient, quant à eux, visiblement considéré que c'était ajouter au texte de l'article L. 121-2. Ils soulignent que cet article "n'applique [sic, il eût fallu dire n'implique] aucune exclusion en cas de dommage causé par l'enfant d'un assuré à l'égard d'un autre enfant du même assuré".
Sans doute leur avait-il apparu choquant que l'assurance ne garantisse pas ce risque. Toutefois, cette interprétation est désavouée et la clause d'exclusion qui définit le tiers victime comme étant exclusif d'un des assurés reçoit plein effet. Ce faisant, la Cour de cassation confirme une analyse doctrinale selon laquelle :
"il est fréquent que les contrats d'assurance de responsabilité civile vie privée garantissent la responsabilité civile de plusieurs personnes. Généralement, le souscripteur et son entourage. L'objet du contrat est de garantir le souscripteur ainsi que ces personnes dans l'hypothèse où elles engageraient leur responsabilité civile. La question peut sembler plus délicate lorsque précisément une de ses personnes engage sa responsabilité civile envers le souscripteur ou une des personnes également assurée. Pour autant la réponse est simple. Il s'agit bien de la réalisation du risque pour lequel l'assuré est couvert. Le fait que la victime ne soit pas un tiers au contrat n'implique pas que l'assuré n'engage pas sa responsabilité civile à l'égard d'un tiers. Finalement lorsque la police exige, sans autre précision, que l'assuré engage sa responsabilité civile envers un tiers, cela vise à exclure les hypothèses de dommages causés à soi-même (il n'y aurait d'ailleurs pas ici de responsabilité civile). Toutefois, rien n'interdit à l'assureur de réserver la qualité de tiers, envers lesquels l'assuré pourrait engager sa responsabilité civile, à des personnes elles-mêmes non couvertes par la police" (10).
Un arrêt récent (11) a d'ailleurs eu l'occasion de censurer une cour d'appel au motif "qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que le contrat d'assurance de responsabilité civile qui comportait plusieurs assurés, excluait de la définition du tiers lésé, l'assuré victime d'un dommage causé par un autre assuré, la cour d'appel a violé" le contrat d'assurance et l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) (plus sûrement que l'article L. 124-1 du Code des assurances N° Lexbase : L0106AA8 hors de propos pourtant visé dans cet arrêt).
L'arrêt du 6 octobre 2011 confirme cette ligne directrice dans le cadre, particulier, de la couverture du risque d'autrui de l'article L. 121-2 du Code des assurances.
On n'oubliera pas que, derrière cette application pleine de rectitude des règles de droit, se profile une situation catastrophique pour les parents : voilà une famille ruinée sur un plan moral par le drame qui l'affecte (viol entre frères). A cela vient s'y ajouter le fait que les parents se voient opposer par leur assureur une exclusion de garantie. Il n'est pas sûr que le "chef de famille" sache que sous son toit peut se loger celui qui le ruinera dès lors que son assureur n'a pas voulu couvrir les risques intra-familiaux, qui prennent ici la forme de dommages entre assurés...
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
(1) CA Nîmes, 1ère ch., sect. B, 6 novembre 2007, n° 06/04305 (N° Lexbase : A7796HYE).
(2) CA Aix-en-Provence, 10ème ch., 19 mai 2010, n° 09/00574 (N° Lexbase : A8304EZL).
(3) Cass. civ. 2, 17 mars 2011, n° 10-14.468, FS-P+B (N° Lexbase : A1705HDI), commenté in Chronique de droit des assurances - Avril 2011, Lexbase Hebdo n° 436 du 14 avril 2011 - édition privée (N° Lexbase : N0594BSS).
(4) Depuis Cass. civ., 23 juin 1942, D., 1942, p. 151, note P.L.P..
(5) Cass. civ., 12 novembre 1940, JCP, 1941, II, 1640.
(6) Cf., notamment, Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-17.916, FS-P+B (N° Lexbase : A4997DNE), Bull. civ. II, n° 67, p. 67 ; RCA, 2006, comm. 177, obs. H. Groutel ; RGDA, 2006, p. 529, note L. Mayaux.
(7) Cass. civ. 1, 24 mars 1992, n° 90-17.862 (N° Lexbase : A5265CZZ), RCA, 1992, comm. 243.
(8) Cf. in Code des assurances, Litec, 2011, annotations sous l'article L. 121-2, qui pointe bien les difficultés spécialement en cas d'exclusion indirecte à la nature ou à la gravité de la faute.
(9) Là-dessus, cf. M. Asselain, JurisClasseur Responsabilité civile et Assurances, Fasc. 510-10, spéc. § n° 24 et s..
(10) Laurent Bloch, JurisClasseur Civil, Annexes, V° Assurances, Fasc. 11-10, spéc. n° 34.
(11) Cass. civ. 2, 15 mai 2008, n° 06-22.171, FS-P+B (N° Lexbase : A5233D8C), Resp. civ. et assur., 2008, comm. 243, par H. Groutel.
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Réf. : Cass. civ. 3, 12 octobre 2011, n° 10-20.122, FS-P+B (N° Lexbase : A7578HYC)
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N8248BSB
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Le 21 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 3, 12 octobre 2011, n° 10-21.214, FS-P+B (N° Lexbase : A7579HYD)
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N8249BSC
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Le 19 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 3, 12 octobre 2011, n° 10-21.216, FS-P+B (N° Lexbase : A7580HYE)
Lecture: 1 min
N8250BSD
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Le 22 Octobre 2011
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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée
Sous la direction de Véronique Nicolas, Professeur agrégé, vice-doyen de la Faculté de droit de l'Université de Nantes
Le 21 Octobre 2011
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Assurances. Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, tous deux membres de l'IRDP (Institut de recherche en droit privé) (N° Lexbase : N8285BSN). Trois arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ont retenu l'attention des auteurs ce mois-ci : tout d'abord, un arrêt du 6 octobre 2011, dont il ressort que n'est pas limitée la clause d'un contrat assurance-habitation excluant le défaut d'entretien (Cass. civ. 2, 6 octobre 2011, n° 10.10.001, F-P+B) ; ensuite, une décision du 15 septembre 2011, précisant le périmètre de couverture du Fonds de garantie des assurances obligatoires, à propos d'un dommage corporel causé à un cycliste circulant sur la voie publique par un ballon lancé par un groupe d'enfants non identifiés (Cass. civ. 2, 15 septembre 2011, n° 10-24.313, FS-P+B) ; et, enfin, un autre arrêt du 6 octobre 2011, en matière d'assurance du fait d'autrui, précisant la définition de la notion de tierce victime exclusive de celle d'assuré (Cass. civ. 2, 6 octobre 2011, n° 10-16.685, FS-P+B). |
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Consommation. Les informations, relatives aux caractéristiques principales d'un ordinateur équipé de logiciels d'exploitation et d'application, sont de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause. Tel est le principe énoncé par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 octobre 2011 (Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-10.800, FS-P+B+I ) -sur lequel nous vous invitons à lire les observations de Malo Depincé, Maître de conférences à l'Université de Montpellier I et avocat au Barreau de Montpellier (Le professionnel doit mieux informer le consommateur d'offres subordonnées et présenter, semble-t-il, un prix ventilé N° Lexbase : N8288BSR)-, qui casse au visa de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 3 janvier 2008, tel qu'interprété à la lumière de la Directive 2005/29, un arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 novembre 2011 (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 26 novembre 2009, n° 08/12771), précédemment commenté par le même auteur qui avait alors intitulé sa chronique : "le distributeur de matériel informatique n'est pas tenu d'informer l'acheteur des logiciels préinstallés du prix des logiciels achetés seuls" ; il lui faut aujourd'hui, à regret, apporter quelques précisions sur cette affirmation partiellement contredite par cet arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation. L'auteur s'interroge par ailleurs sur l'étendue de ce que doit être l'information fournie au consommateur. |
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Réf. : Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-10.800, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5941HYP)
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N8288BSR
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par Malo Depincé, Maître de conférences à l'Université de Montpellier I et avocat au barreau de Montpellier
Le 20 Octobre 2011
L'association requérante considérait, en l'occurrence, que la pratique commerciale consistant à imposer la vente liée d'un ordinateur et ses logiciels sans aucune précision sur la ventilation du prix, contrevenait aux dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2457IBM) qui prohibe les pratiques commerciales trompeuses. Cet article viendrait au soutien des partisans de ce que l'on appelle les "logiciels libres", système de vente où le consommateur n'achète que le matériel ("hardware") et est "libre" ensuite de choisir les logiciels qui lui seront, estime-t-il, les plus utiles et ce à un coût raisonnable (présupposé que contestent les producteurs de matériel informatique au regard des économies d'échelle qui seraient restituées aux consommateurs).
La cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 26 novembre 2009 (2), avait rejeté les prétentions de l'association : "L'UFC-Que Choisir ne démontre pas qu'une information différenciée soit indispensable à la prise de décision d'un consommateur moyen, d'autant que ce dernier a toute facilité pour comparer les prix des ordinateurs pré-équipés de logiciels identiques, qui constituent encore le standard de l'offre de vente ; qu'au demeurant, Darty justifie ainsi qu'il sera vu ci-après, de l'impossibilité où elle se trouve, compte tenu de la structure de l'offre des fabricants, de connaître précisément les prix respectifs de l'ordinateur nu et des logiciels préinstallés [...]". Comme nous l'avions écrit, la cour protégeait les distributeurs tenus par une pratique des producteurs, considérant en quelque sorte que la pratique des logiciels préinstallés était plus un fait ou une contrainte imposés par les éditeurs de logiciels et les producteurs de matériel informatique. Dans son arrêt, la cour avait ainsi refusé de sanctionner la distribution d'ordinateurs avec des logiciels imposés. Elle avait, en effet, jugé que le distributeur n'était pas tenu de présenter au consommateur les informations relatives aux conditions d'utilisation des logiciels et pouvait se contenter de présenter les informations "essentielles" sur les logiciels fournis. Jusqu'à cet arrêt de la Cour de cassation, l'obligation d'information par les distributeurs était donc des plus légères.
Le premier arrêt de la cour d'appel est donc cassé par la première chambre civile de la Cour de cassation au motif que "ces informations [celles concernant les conditions d'utilisation du logiciel] relatives aux caractéristiques principales d'un ordinateur équipé de logiciels d'exploitation et d'exploitation, sont de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause". La question fondamentale était par conséquent celle de l'information "essentielle" : les juges du fond considérant qu'une information minimale et suffisante (telle que celle fournie) devait inciter les consommateurs à rechercher eux-mêmes les informations (accessoires) dont ils auraient besoin et la Cour de cassation élargissant, au contraire, le spectre des informations essentielles à fournir au consommateur.
L'analyse de ce contentieux est d'autant plus complexe que les solutions rendues par les différentes juridictions étaient jusqu'alors pour le moins disparates : pour le tribunal de grande instance, il s'agissait d'une vente subordonnée (en principe prohibée au visa de l'article L. 122-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L3084IQB) mais en l'occurrence alors justifiée par l'intérêt du consommateur (hypothèse d'exemption non prévue expressément par les textes). La cour d'appel avait fondé, quant à elle, sa décision sur l'article L. 121-1 du Code de la consommation (pratiques commerciales trompeuses) refusant, cependant, là aussi, d'y voir une pratique condamnable.
La Cour de cassation opte, donc, ici, pour une troisième voie, celle de l'information essentielle du consommateur. En cela, la Cour nous rappelle en quelque sorte à nos fondamentaux. Ecartant les dispositions les plus contemporaines, elle censure la décision d'appel sur le fondement de cette bonne vieille obligation générale d'information. On se réjouira, mais c'est là sans doute un travers d'universitaire, de ce rappel, tout en remarquant les incertitudes que ne manque jamais d'instituer la mise en oeuvre d'un principe général du droit.
A la lecture de cet arrêt, chacun s'interrogera, en effet, sur ce que peuvent être dans un contrat de consommation ces informations essentielles rappelées par la Cour. Car, à bien y réfléchir on ne peut se contenter d'y voir les données qui sont déterminantes du consentement du consommateur, en d'autres termes celles qui permettent à un consommateur de faire son choix entre les produits concurrents puisque la pratique du secteur est commune : personne ou presque parmi les vendeurs informatiques ne mentionne ces informations essentielles (prix de l'ordinateur sans le logiciel d'exploitation) et aucun professionnel ou presque ne permet un achat sans les logiciels. L'information essentielle ne peut sans doute pas être une information complète, précisant le prix ventilé jusqu'à détailler le tarif de chaque logiciel, chaque composant, etc.. L'important est de donner le prix du matériel et celui de ce que le consommateur pourrait se procurer chez un autre professionnel. Une telle solution permettrait d'indiquer, ce qu'aucun consommateur ne peut aujourd'hui évaluer seul, la valeur de la réduction consentie et justifiée par les économies d'échelle annoncées. Nul ne peut aujourd'hui imaginer ce que seront les résultats alors affichés.
Cet arrêt du 6 octobre 2011 nous incite, enfin, à proposer deux remarques conclusives.
La Cour de cassation, en ce qu'elle détermine ici ce qu'est une information essentielle, ou plus exactement ce que n'est pas une information essentielle, pour le consommateur moyen, serait à la limite de l'interprétation des faits et ne serait plus exclusivement un juge du droit. Il n'est pas certain pourtant, nous semble-t-il, et comme pourrait nous y inciter cette lecture trop rapide de l'arrêt, que la question des conditions du consentement du consommateur moyen relève d'une appréciation technique de la loi dont la Cour se saisirait. Il s'agirait plus dans cet arrêt d'un avertissement de la Haute juridiction. La détermination d'une obligation essentielle serait toujours susceptible de varier selon chaque cas d'espèce et selon les connaissances du consommateur moyen pour chaque type de produit ou de service. Il n'est donc pas établi à la lecture de ce seul arrêt que la Cour entende empiéter sur le domaine du juge du fond et qu'elle cherche à s'immiscer dans les questions de fait. Il pourrait ne s'agir là que d'une décision isolée dont la seule ambition, pédagogique, serait de s'assurer que les juges du fond veilleront effectivement à l'avenir à caractériser avec une grande souplesse, ce qu'est une obligation essentielle. L'arrêt constituerait alors une invitation à une multiplication des informations "essentielles" que le professionnel est tenu de livrer aux consommateurs. Les prochains mois et les prochaines années révèleront peut-être une formidable extension de l'obligation d'information du professionnel, avec toutes les difficultés inhérentes à de tels développements. Nous considérons pour notre part que l'adage "qui trop embrasse mal étreint" est parfois des plus pertinents en ce qui concerne le droit de la consommation. L'obligation d'information ne sera peut-être pas en effet la panacée pour renforcer la protection du consommateur tant que l'offre ne se trouve pas diversifiée. A quoi bon informer un consommateur, lui afficher un prix détaillé et "ventilé" si le choix n'est pas libre et varié ? A quoi bon détailler un prix si tous les opérateurs du marché présentent la même offre ?
On en revient par conséquent, en second lieu et indubitablement, à la question déjà posée par l'arrêt d'appel, à savoir celle de la pertinence des dispositions du Code de la consommation pour protéger ici le consommateur. Il nous semble que le droit de la consommation est un droit de la régulation par exclusion : il vise, dans l'esprit du législateur, à écarter du marché les opérateurs et les offres les plus dangereux, plus précisément celles qui ne respectent pas les usages de la profession. Il faut en déduire que lorsque la profession exerce avec une grande homogénéité les mêmes pratiques qui peuvent être considérées comme préjudiciables aux consommateurs, c'est le seul droit de la concurrence censé rénover l'hétérogénéité sur le marché qui demeure le plus pertinent. La conclusion que nous avions proposée dans notre précédent commentaire nous semble dès lors pouvoir s'appliquer également à cet arrêt de cassation.
Ce sont donc, pour l'essentiel, les dispositions du droit de la concurrence, entente ou abus de position de dominante, qui sembleraient les seules pertinentes dans ce type de contentieux. Pour autant jusqu'à présent, malgré les sanctions prononcées (notamment, comme chacun s'en souvient contre Microsoft : TPICE, 17 septembre 2007, aff. T-201/04 N° Lexbase : A2204DYB), les pratiques incriminées n'ont toujours pas disparu. La seule solution efficace devant ce genre de pratiques qui sont, en réalité, des abus de position dominante, de la part d'un producteur qui ne permet la vente de son matériel que liée à un logiciel, imposerait des sanctions plus lourdes encore, voire ce que proposent certains un retour à un droit de la concurrence assurant jusqu'au démantèlement des groupes les plus importants. D'autres proposeront un interventionnisme étatique plus contraignant encore : le pouvoir réglementaire (à sept mois, faut-il le rappeler, d'échéances électorales majeures) pourrait tenter d'imposer une réglementation contraignante, exigeant, par exemple, que tout ordinateur soit proposé à la vente avec ou sans logiciel. Il n'est pas certain cependant que le consommateur moyen, bien mal informé de la technicité des logiciels, soit à même de pouvoir seul exercer librement ses choix.
(1) A propos de : CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 26 novembre 2009, n° 08/12771 (N° Lexbase : A1583EQP), commentaire paru dans Lexbase Hebdo n° 379 du 21 janvier 2010 - édition privée (N° Lexbase : N9685BMN).
(2) Préc..
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Réf. : TPIUE, 12 octobre 2011, aff. T-224/10 (N° Lexbase : A7344HYN)
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 1, 12 octobre 2011, n° 10-24.205, F-P+B+I (N° Lexbase : A7365HYG)
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N8303BSC
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 3, 12 octobre 2011, n° 10-19.285, FS-P+B (N° Lexbase : A7581HYG)
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Le 19 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 3, 12 octobre 2011, n° 10-24.338, FS-P+B (N° Lexbase : A7582HYH)
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Le 19 Octobre 2011
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Réf. : Cass. com., 11 octobre 2011, n° 10-14.359, FS-P+B (N° Lexbase : A7537HYS)
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. crim., 11 octobre 2011, n° 10-87.212, F-P+B (N° Lexbase : A7526HYE)
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Le 25 Octobre 2011
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Réf. : Cass. QPC, 21 septembre 2011, n° 11-81.559, F-P+B (N° Lexbase : A7765HYA)
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Le 19 Octobre 2011
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Réf. : Ass. plén., 7 octobre 2011, n° 10-30.191, P+B+R+I (N° Lexbase : A7188HYU)
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Le 26 Juillet 2012
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Réf. : Décret n° 2011-1271 du 12 octobre 2011 relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale (N° Lexbase : L1805IRB) ; arrêté du 12 octobre 2011 relatif à l'expérimentation de ces dispositions dans certaines juridictions (N° Lexbase : L1802IR8)
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. crim., 12 octobre 2011, n° 10-84.492, F-P+B (N° Lexbase : A7575HY9)
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. crim., 28 septembre 2011, n° 11-85.194, F-P+B (N° Lexbase : A7768HYD)
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. crim., 27 septembre 2011, n° 11-81.458, F-P+B+R (N° Lexbase : A7766HYB)
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Le 26 Octobre 2011
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Réf. : Cass. crim., 11 octobre 2011, n° 11-85.042, F-P+B (N° Lexbase : A7529HYI)
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. crim., 11 octobre 2011, n° 10-88.469, F-P+B (N° Lexbase : A7528HYH)
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. crim., 11 octobre 2011, n° 11-81.298, F-P+B (N° Lexbase : A7527HYG)
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 3, 12 octobre 2011, n° 10-18.175, FS-P+B (N° Lexbase : A7583HYI)
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Le 27 Octobre 2011
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Réf. : Cass. QPC, 12 octobre 2011, n° 11-40.055, FS-P+B (N° Lexbase : A7584HYK)
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Le 19 Octobre 2011
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par Anne-Lise Lonné-Clément, rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée
Le 20 Octobre 2011
Charles Fontaine : C'est un arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 29 juin 2007, qui a posé le principe de la responsabilité civile des associations sportives, sur le fondement de la responsabilité du fait d'autrui de l'article 1384, alinéa 1er du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS), tout en retenant l'exigence d'une faute imputable à l'auteur du dommage comme condition de mise en oeuvre d'une telle responsabilité. Dans son attendu de principe, la Cour suprême a, en effet, énoncé que "les associations sportives ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres, sont responsables des dommages qu'ils causent à cette occasion, dès lors qu'une faute caractérisée par une violation des règles du jeu est imputable à un ou plusieurs de leurs membres, même non identifiés" (Ass. plén., 29 juin 2007, n° 06-18.141, publié N° Lexbase : A9647DW9).
Dans cette affaire, M. X, participant à un match de rugby organisé par le comité régional de rugby du Périgord-Agenais, dont il était adhérent, et le comité régional de rugby d'Armagnac-Bigorre, avait été grièvement blessé lors de la mise en place d'une mêlée. Il avait assigné en réparation, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, les comités et leur assureur commun.
Pour déclarer les comités responsables et les condamner à indemniser M. X, la cour d'appel de renvoi (CA Bordeaux, 1ère ch., sect. A, 4 juillet 2006, n° 04/03244 N° Lexbase : A1160EEP ; Cass. civ. 2, 13 mai 2004, n° 03-10.222, FS-P+B N° Lexbase : A2031DC9) avait retenu qu'il suffisait à la victime de rapporter la preuve du fait dommageable et qu'elle y parviendrait en démontrant que les blessures avaient été causées par l'effondrement d'une mêlée, au cours d'un match organisé par les comités, et que l'indétermination des circonstances de l'accident et l'absence de violation des règles du jeu ou de faute établie étaient sans incidence sur la responsabilité des comités dès lors que ceux-ci ne prouvaient l'existence ni d'une cause étrangère ni d'un fait de la victime.
Mais cet arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux a été censuré par la Cour suprême au visa de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil : selon les juges de l'Assemblée plénière, la cour d'appel était tenue de relever l'existence d'une faute caractérisée par une violation des règles du jeu commise par un ou plusieurs joueurs, même non identifiés. Ce faisant, la Cour suprême excluait le principe d'une responsabilité de plein droit des associations sportives du fait de leurs joueurs.
Lexbase : L'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 9 août 2011 s'inscrit-il dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation ? Quel est son apport ?
Charles Fontaine : Dans l'affaire soumise à la cour d'appel de Nîmes le 9 août 2011, M. D., âgé de 19 ans, avait été grièvement blessé le 27 février 2000 alors qu'il disputait un match de rugby à XIII opposant son équipe l'association Villefranche XIII Aveyron à celle de l'association Racing club Carpentras XIII, à la suite d'un choc survenu lors d'un contact avec M.H., joueur de l'équipe adverse. La cour d'appel a confirmé le jugement de première instance et condamné in solidum le joueur et son association sportive, après avoir retenu qu'était fautif un lever de coude pour écarter l'adversaire qui allait faire un placage.
Le cas soumis à la cour d'appel de Nîmes était différent, en plusieurs points de celui soumis à l'Assemblée plénière le 29 juin 2007, dans lequel, tout d'abord, la victime avait été blessée dans une mêlée, manifestement dans une action normale de jeu.
Il faut également préciser que l'on se trouvait dans le cadre d'un jeu à XIII et non d'un rugby à XV. Cela est toutefois sans incidence sur la mise en oeuvre des règles relatives à la responsabilité civile, alors même que les règles de jeu seraient différentes.
Par ailleurs, l'affaire avait donné lieu à un procès au contradictoire tant du joueur que de son club, et avait conduit à la condamnation personnelle de l'auteur des blessures dont la faute a été caractérisée au-delà de la simple action de jeu. Si l'arbitre avait considéré qu'il n'y avait pas eu de faute déterminante et que le choc subi était la seule conséquence d'un placage dont les effets devaient être assumés par les sportifs qui pratiquent le jeu, les juges ont, quant à eux, retenu une faute caractérisée. Pour cela, ils se sont référés aux règles du jeu en vigueur dans les compétitions organisées par la fédération française de rugby à XIII et plus particulièrement à l'article 11-1 m aux termes duquel le joueur est coupable de jeu déloyal "s'il réalise un geste imprudent ou intentionnel tel que lever le coude ou balancer le bras". Or, le visionnage vidéo permettait de voir que le geste du levé de coude avait délibérément été effectué pour écarter l'adversaire et, selon les juges d'appel, cette attitude ne pouvait être interprétée comme une conséquence involontaire du balancement des bras dans la course. Par ailleurs, "le fait qu'aucune faute n'ait été relevée par l'arbitre n'établit pas son inexistence et n'est pas de nature à priver la victime de se prévaloir d'un comportement fautif qui peut être apprécié dans le cadre d'une action en responsabilité au regard des règles du jeu et de celles de la responsabilité civile". S'agissant de la théorie de l'acceptation des risques, celle-ci a été écartée dès lors que le geste du joueur poursuivi ne constituait pas une maladresse mais une faute intentionnelle qui ne pouvait être considérée comme un risque prévisible et normal dans le cadre de la pratique du rugby.
Par ailleurs, à côté de la condamnation du club au visa de l'article 1384, alinéa 1er, on relèvera que les juges ont retenu une exonération de responsabilité personnelle du club qui n'avait pas manqué à son obligation de sécurité, ainsi que l'exonération de la responsabilité de la fédération (port du casque non obligatoire et secours suffisants).
Il convient enfin de relever l'obligation de garantie de l'assureur du club via la fédération, même si la faute relevée allait au-delà de ce qui est admis en action de jeu.
Cela étant rappelé, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 9 août 2011 présente le mérite d'avoir déclaré le joueur et son club responsables du préjudice, même si la blessure ne s'est pas produite en pure action de jeu comme dans le cas ayant généré l'arrêt de l'Assemblée plénière. A ainsi été retenue la faute du joueur, au-delà d'une action de jeu stricto sensu (coude levé intentionnellement à la hauteur de la tempe), même en l'absence de sanction disciplinaire de l'arbitre.
Il faut, enfin, relever que la cour d'appel a retenu l'obligation de garantie du club via l'assurance groupe de la fédération, même si la blessure est due à un fait fautif de joueur et non à un accident de jeu dans les règles.
L'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes complète, donc, à mes yeux sans la contredire l'analyse préalablement connue de la Cour de cassation, car le cas d'espèce est plus riche tant sur la façon dont le joueur a été blessé, qu'au niveau du nombre des parties en présence et des obligations tant délictuelles que contractuelles à en dégager.
Lexbase : Quid de la responsabilité du club et de la Fédération française de rugby pour manquement aux obligations de sécurité et de conseil ?
Charles Fontaine : L'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes présente également un intérêt en ce qu'il permet de cadrer les limites de l'obligation de sécurité du club, ainsi que les limites de la responsabilité de la Fédération française de rugby.
En effet, les requérants reprochaient au club et à la fédération de ne pas avoir imposé au moins le port d'un casque et d'un équipement approprié. Mais le grief est écarté par les juges nîmois qui rappellent que la pratique du rugby induit des contacts physiques permanents, notamment, lors des mêlées ce qui rend le port d'un casque tout à fait inapproprié et pouvant surtout être à l'origine de blessures graves.
Il leur était, ensuite, reproché de ne pas d'être entourés de toutes les précautions nécessaires pour que soit mis sur le terrain un service de secours d'urgence et d'évacuation sanitaire à proximité immédiate. Mais là encore, le grief est infondé, selon la cour, qui se trouve amenée à rappeler que la réglementation ne prévoit pas la présence de services de secours d'urgence sur le terrain. Par ailleurs, il résultait de la feuille de match que deux médecins étaient présents au moment de la rencontre et que la victime avait fait l'objet de soins immédiats, ce qu'attestait par ailleurs l'enregistrement vidéo. Il ne pouvait donc, sur ce point, être reproché aucun manquement au club ou à la fédération.
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Réf. : Cass. civ. 1, 12 octobre 2011, n° 10-19.720, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7363HYD)
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 1, 12 octobre 2011, n° 10-23.288, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7364HYE)
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N8316BSS
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 8 juin 2011, n° 10/05726 (N° Lexbase : A9781HTG)
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 1, 6 juillet 2011, n° 10-21.134, F-P+B+I (N° Lexbase : A9117HU9)
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par Sophie Deville, Maître de Conférences en droit privé, Institut de droit privé EA 1920, Université Toulouse 1 Capitole
Le 20 Octobre 2011
Cet arrêt invite à s'interroger sur la teneur et la portée des dispositions prévues aux articles 833-1 et 1075-2 du Code civil, dans leur version antérieure à la loi du 23 juin 2006 (1). La question mérite l'attention, car si certaines décisions s'intéressent aux conditions d'application de ces textes (2), il est rare que les juges aient à statuer sur leur possible aménagement conventionnel. Or, si la réévaluation des soultes dues dans le cadre d'une donation-partage doit être opérée dans le respect des prescriptions légales qui sont présentées comme impératives, l'argumentation développée par les Hauts magistrats dans cette espèce n'interdit pas ipso facto tout stipulation en la matière. Simplement, si de telles clauses sont prévues, leur validité doit être conditionnée à leur résultat, lequel ne doit jamais conduire à une issue moins favorable que celle qui résulterait des termes du code. La Cour de cassation vient préciser que le législateur offre au créancier de la soulte un seuil impératif de protection a minima, une manifestation de volonté étant concevable uniquement si elle surpasse l'objectif du dispositif légal.
I - L'admission d'une stipulation relative à la réévaluation de la soulte
La donation-partage n'a cessé, au gré des réformes successives, d'acquérir une certaine flexibilité, laquelle participe de son dynamisme et, partant, de son efficacité. Affranchi du respect de l'égalité en nature dans la composition des lots depuis 1938, le disposant l'est également de l'égalité en valeur ; la loi du 3 juillet 1971 est en ce sens venue préciser que l'acte n'est plus rescindable pour lésion (C. civ., art. 1075-1 N° Lexbase : L1151ABA, version antérieure à la loi du 23 juin 2006). La liberté de composer des lots d'inégale valeur a pour seule limite le respect de la réserve héréditaire des descendants. Bien sûr, l'ascendant est maître du choix des biens attribués à chaque bénéficiaire ; à ce titre, il n'est pas rare que certains gratifiés perçoivent une somme d'argent, soulte à faire valoir au décès de l'ascendant ou deniers payables à terme sous forme de créance de quasi-usufruit, lorsque l'auteur de l'acte s'est réservé l'usufruit des biens donnés. L'inégalité des lots peut également être compensée par des stipulations imposant le versement de soultes entre les copartagés. Ces créances sont le plus souvent affectées d'un report d'exigibilité au décès de l'ascendant (3), notamment lorsque ce dernier est demeuré usufruitier des biens objets de la donation-partage.
Le rejet de l'égalité en nature a favorisé le recours à la monnaie, cette dernière constituant un moyen commode de compenser les disparités éventuelles entre les lots, non souhaitées par le disposant. Ceci étant, conscient du danger que peut représenter le nominalisme monétaire face à des situations juridiques à long terme, le législateur avait très tôt prévu un certain nombre de règles protectrices, notamment lorsque la donation-partage comprenait des stipulations prévoyant le versement non immédiat de soultes. La loi opérait en la matière par renvoi aux dispositions visant les modalités du partage successoral proprement dit. En ce sens, l'article 1075-2 du Code civil, dans sa version antérieure à la réforme de 2006, visait directement l'ancien article 833-1 du même code en imposant l'application de son alinéa premier aux soultes mises à la charge des donataires dans le cadre des donations-partages, ce "nonobstant toute convention contraire". L'article 833-1 organisait, pour sa part, un système de revalorisation de ces créances en ces termes : "Lorsque le débiteur d'une soulte a obtenu des délais de paiement, et que, par suite des circonstances économiques, la valeur des biens mis dans son lot a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage, les sommes restant dues augmentent ou diminuent dans la même proportion". Le second alinéa du texte admettait que les parties au partage pouvaient faire échec, par leur accord, à la réévaluation. La combinaison des dispositions conduisait à percevoir la révision des soultes comme d'ordre public dans le cadre du partage d'ascendant, dès lors que les conditions d'application imposées étaient réunies, alors qu'elle n'était que supplétive pour le partage ordinaire, l'alinéa second de l'article 833-1 autorisant des manifestations de volonté contraire.
Quant aux motifs justifiant le caractère impératif, ils résidaient dans la volonté de protéger les descendants copartagés contre l'ascendant lui-même et ses possibles abus d'autorité. Par exemple, une clause pénale exhérédant le descendant qui demanderait une revalorisation de la soulte serait réputée non écrite sur ce fondement (4). Ceci étant, il importe de préciser que des aménagements conventionnels excluant la revalorisation demeuraient licites postérieurement au décès du disposant. Les copartagés pouvaient librement en décider ainsi, en connaissance de cause, tout risque de pression étant levé à l'égard de celui qui a consenti l'acte (5). La loi du 23 juin 2006 ayant repris la teneur des deux dispositions, les solutions sont transposables aux espèces régies par le nouveau texte, sans distinction.
Ceci étant, il est nécessaire de préciser la portée du caractère impératif de la réévaluation. Elle permet, en effet, d'éclairer l'issue livrée par la Cour de cassation, qui a approuvé le raisonnement tenu par les juges du fond dans cette affaire. Faut-il interpréter l'article 1075-2 ancien du Code civil strictement, comme interdisant toute stipulation relative à l'évaluation des soultes éventuellement dues à terme dans l'acte portant le partage d'ascendant ? Au contraire, est-il nécessaire, pour neutraliser une éventuelle clause, de se reporter à ses effets sur le montant de la soulte, par comparaison avec le dispositif légal qui prévoit des modalités précises ? L'hésitation est permise à la lecture des termes employés.
Quelle que soit l'analyse défendue, il est possible d'émettre, a priori, de sérieuses critiques à l'encontre des arguments du pourvoi. La demanderesse se fonde sur une interprétation erronée car imprécise des textes en prétendant qu'une combinaison des articles permettrait une stipulation neutralisant toute variation du montant de la soulte. Elle poursuit en admettant que si une clause faisant obstacle à la réévaluation est licite, alors celle permettant une indexation selon des critères différents de ceux avancés par la loi doit sortir des effets. La première idée émise ne saurait être défendue. En effet, si l'alinéa second de l'article 833-1 prévoit bien cette alternative pour le partage successoral simple, elle n'est pas reprise en cas de partage d'ascendant, l'article 1075-2 ne faisant clairement renvoi qu'à l'alinéa premier, en précisant par ailleurs que toute convention contraire aux procédés de réévaluation prévus serait illicite. Par déduction, toute clause ayant pour but ou effet de faire obstacle à la réévaluation doit être réputée non écrite. Cette partie de l'argumentation n'est d'ailleurs pas reprise par la Cour de cassation, qui se concentre sur le second élément, lequel est, il est vrai, totalement indépendant du premier.
C'est à ce stade que les juges viennent préciser le sens à donner aux termes du législateur. En effet, le raisonnement suivi est à cet égard significatif ; la présence d'une clause proposant un aménagement de la réévaluation des soultes n'est pas de fait illicite puisque les magistrats en analysent les effets, précisément sur le montant de la créance. C'est bien davantage sur le fondement du résultat obtenu par son application que la stipulation est sanctionnée pour atteinte à l'ordre public. En bref, toute manifestation de volonté n'est pas, de fait, condamnée, mais sa validité est conditionnée à l'issue qu'elle propose, par comparaison avec le dispositif légal.
II - La validité de la stipulation conditionnée au résultat de l'évaluation
En énonçant qu'"ayant relevé que la variation conventionnelle retenue pouvait conduire à une diminution de la soulte tandis que la variabilité légale pouvait aboutir à une augmentation de celle-ci, la cour d'appel en a exactement déduit que la clause conventionnelle de variation de la soulte, en ce qu'elle permettait d'exclure la variabilité légale d'ordre public, devait être déclarée non écrite [...]", les Hauts magistrats approuvent les juges d'appel d'avoir recherché le résultat concret de l'application de la clause avant de lui appliquer une sanction pour manquement à une disposition impérative. C'est dire que le respect de l'ordre public n'est pas a priori incompatible avec l'existence d'une stipulation de l'acte visant la réévaluation des soultes.
La revalorisation fondée sur des éléments différents de ceux prévus par la loi apparaît concevable. En l'espèce, c'était le cas de la clause contestée par certains copartagés, qui prévoyait une réévaluation calculée à partir de l'indice du coût de la construction, minorée de 3 % par an afin de tenir compte de la dépréciation des immeubles. Le dispositif imaginé par les auteurs de la donation-partage s'éloigne des termes légaux qui prévoient une variation proportionnelle du montant de la soulte lorsque la valeur des biens mis dans le lot du débiteur a diminué ou augmenté de plus du quart depuis le partage, en raison des circonstances économiques. La convention admet une révision automatique du montant de la soulte sur le fondement d'un indice particulier, le résultat étant ensuite minoré selon un pourcentage déterminé par les parties, alors que l'article 833-1 du Code civil impose seulement une réévaluation dans le cas où il a été constaté une variation de valeur des biens de plus d'un quart depuis le partage. A première vue, les aménagements issus du partage d'ascendant pourraient se révéler plus avantageux en ce qu'ils obligent à une révision systématique.
Ceci étant, et au-delà des modalités choisies, ce sont leurs effets sur la soulte qui sont déterminants. Le sort de la clause dépend du résultat qu'elle permet d'obtenir, lequel doit faire l'objet d'une comparaison avec le système instauré par le législateur. En ce sens, la Cour de cassation approuve les juges du fond qui se sont livrés à cette démarche. Dans tous les cas, l'issue ne saurait se révéler moins avantageuse pour le créancier ; le montant doit être au minimum égal à ce qu'il aurait perçu par application de la loi. Naturellement, une révision de la somme encore plus favorable au bénéficiaire doit être considérée comme licite (6), c'est d'ailleurs ce cas de figure qui justifie la validité des stipulations aménageant l'évaluation. Les articles 833-1 et 1075-2 sont donc impératifs en ce qu'ils instaurent un minima de protection en faveur du créancier de la somme due, un plancher incompressible qui ne saurait être amoindri par une manifestation de volonté de l'ascendant donateur (7).
Or, c'était justement l'effet de la clause litigieuse dans la présente affaire. Malgré une révision automatique, les indices retenus, et notamment la diminution de 3 % imposée à la soulte sur le fondement de la dépréciation des biens, avaient conduit à une issue moins favorable que le dispositif légal. De l'application de l'article 833-1 aurait résulté une augmentation de la somme due par la descendante des époux à ses frères, alors que la mise en oeuvre de la stipulation avait provoqué une dépréciation de la soulte. Dès lors, la sanction des magistrats est sans appel ; la clause doit être neutralisée et considérée comme non écrite car méconnaissant les principes impératifs protégeant le créancier.
Cette décision vient utilement préciser la force et la teneur du caractère d'ordre public des articles visant la revalorisation des soultes dans le cadre de la donation-partage. Ces dispositions, toutes tournées vers la protection du créancier, imposent une révision a minima de la somme. Toute stipulation incluse dans le partage d'ascendant ajoutant à ce seuil de protection par une augmentation du montant de la soulte, même sur la base d'indices différents, ou par une appréhension plus favorable des conditions de réévaluation, sera jugée respectueuse des objectifs fixés par le législateur en la matière (8). La précision est d'autant plus importante qu'elle a vocation à être appliquée aux nouveaux textes, issus de la loi du 23 juin 2006.
(1) Les textes ont été repris par la loi nouvelle, quasiment à l'identique, aux articles 828 (N° Lexbase : L9960HN9) et 1075-4 (N° Lexbase : L0226HP3) du Code civil.
(2) Pour un exemple : Cass. civ. 1, 30 janvier 2001, n° 98-14.930 (N° Lexbase : A9597ASA), Bull. civ., I, n° 20 ; JCP éd. G, 2001, I, 366, n° 9, obs. R. Le Guidec ; RTDCiv., 2001, p. 646, obs. J. Patarin. Voir encore : Cass. civ. 1, 30 mars 2004, n° 01-14.542, FS-P+B (N° Lexbase : A7447DBG), Bull. civ., I, n° 104 ; JCP éd. G, 2005, I, 187, n° 5, obs. R. Le Guidec ; Dr. Fam., 2004, n° 110, note B. Beignier.
(3) De tels allotissements sont parfaitement concevables car le bénéficiaire est titulaire d'une créance certaine, simplement affectée d'un terme. Il s'agit d'une disposition de biens présents, non de biens à venir. En ce sens, par exemple : Cass. civ. 1, 30 novembre 1982, n° 81-15.519 (N° Lexbase : A6009CKR), Bull. civ. I, n° 344, Defrénois, 1983,art. 33060, note G. Morin ; RTDCiv., 1983, p.578, obs. J. Patarin.
(4) CA Nancy, 10 décembre 1987.
(5) Cass. civ. 1, 19 janvier 1982, n° 81-10.608 (N° Lexbase : A0895CIY), Bull. civ. I, n° 31 ; D., 1982, IR, p. 474, obs. D. Martin.
(6) En ce sens, par exemple : M. Grimaldi, Libéralités, partages d'ascendants, Litec, p. 562, note 113.
(7) Etant entendu, nous l'avons précisé plus haut, que des accords entre les copartagés, dérogatoires aux principes légaux, sont possibles et licites postérieurement au décès du disposant).
(8) Par exemple, sera valable une clause imposant la révision alors même que les variations de valeur des biens depuis le partage sont inférieures à un quart. Cet exemple est également évoqué par le Professeur Grimaldi, précité.
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 24 juin 2011, n° 09/00778 (N° Lexbase : A4513HUP)
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Le 20 Octobre 2011
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