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N8180BSR
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Sous la Direction de Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique, Université Toulouse 1 Capitole
Le 13 Octobre 2011
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Baux commerciaux. Dans le cadre de la procédure en fixation du loyer devant le juge des loyers commerciaux, la notification d'un mémoire préalable est nécessaire, même lorsque le juge des loyers a été saisi à la suite d'un renvoi par une juridiction qui s'est déclarée incompétente. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 14 septembre 2011 (Cass. civ. 3, 14 septembre 2011, n° 10-10.032, FS-P+B), sur lequel revient cette semaine Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l’Ouvrage "baux commerciaux". En l'espèce, par acte du 29 avril 1992, des locaux à usage commercial avaient été donnés à bail. Le bailleur avait notifié au preneur, par acte du 14 mai 2004, un congé avec offre de renouvellement avec un loyer déplafonné puis l'avait assigné devant le juge des référés pour voir ordonner une expertise sur la valeur locative. Par ordonnance du 29 mars 2005, le juge des référés s'était déclaré incompétent et avait renvoyé l'affaire devant le juge des loyers du même tribunal. Par jugement du 4 septembre 2008, le juge des loyers avait fixé à une certaine somme le prix du bail renouvelé. La cour d'appel de Montpellier a alors annulé la procédure et les décisions rendues (CA Montpellier, 20 octobre 2009, n° 08/06834). Le bailleur s'est pourvu en cassation. Comme le rappelle Julien Prigent dans son commentaire, la procédure en fixation du loyer révisé ou renouvelé obéit à des règles spécifiques, tant en ce qui concerne le juge compétent pour fixer un tel loyer que sur le déroulement du procès. Lire Procédure de fixation du loyer : sur l'exigence d'un mémoire préalable (N° Lexbase : N8196BSD). |
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Concurrence. Lors des discussions sur la loi de modernisation de l'économie (loi n° 2008-776 du 4 août 2008), le sénateur Eric Doligé a proposé d'ajouter dans le Code de commerce un article ainsi rédigé : "Dans le respect de l'exercice d'une concurrence effective et loyale au bénéfice des consommateurs, les relevés des prix entre commerçants concurrents, y compris par les moyens informatiques, sont possibles". Cet amendement, adopté par le Sénat, fut par la suite retiré du texte définitif publié au Journal officiel. Au soutien de la consécration de la licéité des relevés de prix, le parlementaire faisait valoir qu'"[ils] sont pratiqués depuis toujours de façon manuelle et depuis plus de 15 ans par le biais de 'pistolets' électroniques. Or depuis quelques mois certaines enseignes tentent d'interdire ces relevés craignant que leur exploitation ne fasse baisser les prix de vente aux consommateurs. Cet amendement propose d'inscrire dans la loi leur possibilité compte tenu de leur impact positif sur le libre exercice de la concurrence et leur contribution à la défense du pouvoir d'achat des consommateurs". La consécration par le législateur de la licéité de cette pratique aurait eu le mérite de mettre un terme à l'incertitude juridique qui régnait en la matière à l'époque des débats, incertitude qui n'a d'ailleurs pas fléchi durant les années qui suivirent la publication de la "LME". Il aura finalement fallu attendre plus de trois ans après ce texte pour que la Cour de cassation se prononce sur le sujet et valide cette pratique dans un arrêt du 4 octobre 2011, publié au Bulletin et sur son site internet (Cass. com., 4 octobre 2011, 10-21.862, FS-P+B+I) dont nous vous proposons cette semaine un commentaire. Lire Consécration jurisprudentielle de la licéité des relevés de prix par les salariés d'un concurrent (N° Lexbase : N8160BSZ). |
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Réf. : CJUE, 4 octobre 2011, aff. jointes C-403/08 et C-429/08 (N° Lexbase : A1573HYW)
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N8113BSB
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Le 13 Octobre 2011
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Réf. : Ordonnance n° 2011-1243 du 6 octobre 2011, portant extension et adaptation en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna de l'ordonnance n° 2011-398 du 14 avril 2011 (N° Lexbase : L1718IR3)
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N8114BSC
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Le 13 Octobre 2011
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newsid:428114
Réf. : Décret n° 2011-1255 du 7 octobre 2011, relatif aux comptes et plans d'épargne-logement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française (N° Lexbase : L1686IRU)
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N8112BSA
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Le 13 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 3, 5 octobre 2011, n° 10-18.986, FS-P+B (N° Lexbase : A6051HYR)
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N8210BSU
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Le 13 Octobre 2011
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newsid:428210
Réf. : Cass. civ. 3, 14 septembre 2011, n° 10-10.032, FS-P+B (N° Lexbase : A7544HXP)
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N8196BSD
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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"
Le 13 Octobre 2011
I - Sur la question de la compétence du juge des référés pour connaître d'une demande de désignation d'expert judiciaire aux fins de déterminer le montant du loyer en renouvellement
L'article R. 145-23 du Code de commerce (N° Lexbase : L0053HZY ; anc. décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, art. 29 N° Lexbase : L4553E9I) dispose que "les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge qui le remplace [le juge des loyers]", tandis que "les autres contestations sont portées devant le tribunal de grande instance qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent".
Le tribunal de grande instance peut ainsi connaître d'une demande de fixation du loyer révisé ou renouvelé à la condition que ce soit accessoirement à une autre demande relevant de sa compétence, par exemple, une contestation sur la date du renouvellement du bail (Cass. civ. 3, 24 février 1999, n° 97-14.536 N° Lexbase : A0239AUE).
L'article R. 211-4 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L2134IG7) dispose, également, que le tribunal de grande instance a compétence exclusive en matière de baux commerciaux, à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé.
La compétence du président du tribunal de grande instance en matière de contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé avait conduit, notamment la cour d'appel de Paris (CA Paris, 14ème ch., sect. A, 13 février 1991, n° 90/24643 N° Lexbase : A4373A3D), à considérer que le juge des référés ne pouvait être saisi d'une demande d'expertise en vue de la détermination du montant du loyer renouvelé, fût-ce sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49). L'article R. 145-30 du Code de commerce (N° Lexbase : L0060HZA) prévoit d'ailleurs expressément la possibilité pour le juge de recourir à une expertise portant sur l'appréciation des critères permettant de fixer le loyer.
Dans l'arrêt rapporté, le juge des référés qui avait été saisi d'une demande d'expertise sur la valeur locative avait également décliné sa compétence au profit du juge des loyers. La Cour de cassation n'a pas été directement interrogée sur la compétence du juge des référés pour statuer sur une telle demande mais seulement sur la régularité de la procédure devant le juge des loyers une fois l'affaire renvoyée devant ce dernier.
II - Sur l'exigence d'un mémoire préalable dans le cadre de la procédure en fixation du loyer révisé ou renouvelé
La procédure de fixation du loyer en renouvellement est une procédure sur mémoire.
A - Champ d'application de la règle imposant la notification d'un mémoire préalable
L'article R. 145-23 du Code de commerce prévoit, en effet, dans le cadre de la procédure en fixation du loyer révisé ou renouvelé, qu'il est statué sur mémoire. Cette procédure sur mémoire ne semble applicable que devant le juge des loyers et non devant le tribunal de grande instance compétent à titre accessoire pour fixer le loyer (en ce sens Cass. civ. 3, 27 novembre 2002, n° 01-12.775, FS-P+B N° Lexbase : A1262A4I).
Le juge des loyers ne peut, à peine d'irrecevabilité, être saisi avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi (C. com., art. R. 145-27 N° Lexbase : L0057HZ7 ; anc. décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, art. 29-2 N° Lexbase : L3453AHD).
L'exigence de la notification d'un mémoire s'applique également après qu'une mesure d'expertise a été ordonnée. L'article R. 145-31 du Code de commerce (N° Lexbase : L0061HZB) dispose en effet que dès le dépôt du constat ou du rapport, le greffe avise les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, si elles sont représentées, leurs avocats, de la date à laquelle l'affaire sera reprise et de celle à laquelle les mémoires faits après l'exécution de la mesure d'instruction devront être échangés". La Cour de cassation a ainsi précisé qu'après une mesure d'expertise, un mémoire préalable devait être notifié avant la saisine du juge des loyers (Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-10.723, FS-P+B N° Lexbase : A9622ECD), et ce même si les parties n'avaient aucun argument ou moyen supplémentaire à développer (Cass. civ. 3, 30 avril 2003, n° 01-15.508, FS-P+B N° Lexbase : A7553BSK) et même si aucun grief ne résultait de cette omission (Cass. civ. 3, 24 juin 1998, n° 96-19.730 N° Lexbase : A5532ACU).
Dans l'arrêt du 14 septembre 2009, la Cour de cassation précise que la notification d'un mémoire préalable s'impose également lorsque le juge des loyers a été saisi à la suite d'un renvoi par le juge initialement saisi qui s'est déclaré incompétent. Le bailleur soutenait que cette formalité n'avait pas à être accomplie dans la mesure où en application de l'article 97 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1355H4X), les parties sont invitées par la juridiction désignée à la suite d'une décision d'incompétence, à poursuivre l'instance et, s'il y a lieu, à constituer avocat ou avoué. Aucune autre formalité n'étant imposée, et l'instance se poursuivant, la nécessité de notifier un mémoire préalable pouvait en effet être discutée. La Cour de cassation refuse toutefois de retenir une telle solution en imposant la notification d'un mémoire préalable même dans cette hypothèse.
La notification préalable à la saisine du juge du mémoire du demandeur ou du défendeur ne peut être remplacée par aucun acte, même extrajudiciaire, et les conclusions déposées devant le juge des loyers commerciaux ne peuvent suppléer l'absence de mémoire (Cass. civ. 3, 5 avril 2005, n° 04-11.410, F-D N° Lexbase : A7600DHX ; Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-10.723, FS-P+B, préc.). Toutefois, il a été jugé que la formalité préalable du mémoire après dépôt du rapport d'expertise est respectée lorsque le mémoire est régulièrement notifié avant que le juge ne statue, même si antérieurement à cette notification, des conclusions ont été déposées (Cass. civ. 3, 17 septembre 2008, n° 07-17.362, FS-P+B N° Lexbase : A4045EA3 ; voir également, pour une notification antérieure d'un mémoire par acte du palais, Cass. civ. 3, 17 septembre 2008, n° 07-16.973, FS-P+B N° Lexbase : A4034EAN).
L'exigence du mémoire préalable a été qualifiée d'ordre public dans la mesure où il s'agit d'une règle de procédure édictée dans le cadre de l'organisation judiciaire et dans l'intérêt d'une meilleure administration de la justice et non dans l'intérêt particulier des parties (Cass. civ. 3, 10 juin 1971, n° 70-12.678 N° Lexbase : A6697AG7 ; voir également Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-10.723, FS-P+B, préc.). Ces dernières, même d'un commun accord, ne sauraient en conséquence éluder cette exigence (Cass. civ. 3, 10 juin 1971, n° 70-12.678, préc.).
B - Conséquences de l'absence de notification d'un mémoire préalable
Le défaut de mémoire préalable "vicie l'instance toute entière" (Cass. civ. 3, 10 juin 1971, n° 70-12.678, préc.) et entraîne une interruption définitive et une extinction de la procédure en fixation du loyer engagée (Cass. civ. 3, 30 avril 2003, n° 01-15.508, FS-P+B N° Lexbase : A7553BSK ; Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-10.723, FS-P+B, préc.)
Il s'agit d'une irrégularité de fond qui peut être soulevée en tout état de cause (Cass. civ. 3, 5 avril 2005, n° 04-11.410, F-D, préc.). L'arrêt rapporté rappelle cette solution, la Cour de cassation décidant qu'il n'y avait pas lieu à renvoi, "l'irrégularité de la procédure suivie devant le juge des loyers commerciaux après renvoi par le juge des référés entraînant interruption définitive et extinction de l'instance en fixation du loyer".
En revanche, et sur la portée de la nullité de la procédure, la Cour de cassation, dans l'arrêt commenté, censure la cour d'appel qui avait annulé l'ordonnance de référé dans la mesure où cette dernière n'avait pas fait l'objet d'un appel.
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Réf. : CA Nancy, 31 août 2011, n° 10/02545 (N° Lexbase : A4005HXM)
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N8170BSE
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Le 13 Octobre 2011
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Réf. : Décret n° 2011-1254 du 7 octobre 2011, relatif aux recommandations d'investissement portant sur les actifs non financiers admis à la négociation sur un marché réglementé d'instruments financiers (N° Lexbase : L1685IRT)
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N8163BS7
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Le 13 Octobre 2011
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Réf. : CEDH, 6 octobre 2011, Req. 50425/06 (N° Lexbase : A6279HY9)
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N8165BS9
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Le 18 Octobre 2011
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Réf. : Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-27.310, F-P+B (N° Lexbase : A5963HYI)
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N8164BS8
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Le 13 Octobre 2011
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Réf. : Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-24.810, F-P+B (N° Lexbase : A5958HYC)
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N8110BS8
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Le 20 Octobre 2011
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Réf. : Cass. com., 4 octobre 2011, 10-21.862, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5939HYM)
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N8160BSZ
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 09 Novembre 2011
La cour d'appel de Montpellier, dans un arrêt du 18 mai 2010 (CA Montpellier, 18 mai 2010, n° 09/04727 N° Lexbase : A0433GMY), avait alors retenu, pour rejeter la demande de la société Hyper Saint-Aunès, d'une part, qu'en vertu de son droit de propriété, la société Carrefour dispose de la faculté, sauf usage abusif de ce droit, de s'opposer à l'accès de ses magasins à des tiers, autres que des clients potentiels et donc d'interdire les relevés de prix par ses concurrents au moyen de lecteurs optiques, et, d'autre part, que la société Hyper Saint-Aunès n'établit pas l'existence d'un usage commercial à ce sujet qui constituerait une restriction licite au droit de propriété.
Cette dernière a donc formé un pourvoi en cassation qui offre à la Cour régulatrice l'opportunité de se prononcer clairement pour la première fois sur la licéité d'une telle pratique. Aussi, la Chambre commerciale casse-t-elle l'arrêt des seconds juges. Elle pose, ainsi comme principe, au visa de article L. 410-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8588IBP), duquel il résulte que, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence, que la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence commande que les concurrents puissent comparer leurs prix et en conséquence en faire pratiquer des relevés par leurs salariés dans leurs magasins respectifs.
Cette solution est importante car il existait, en la matière, et comme le démontrent les positions divergentes des juges du fond, de véritables incertitudes. Opposant droit de la propriété et libre concurrence, la Cour régulatrice considère qu'ici la seconde doit primer sur la première.
I - La licéité des relevés de prix par les salariés d'un concurrent : la fin d'une incertitude juridique
Plusieurs cours d'appel ont eu récemment à connaître d'affaires similaires dans lesquelles il était question de savoir si le relevé des prix chez un concurrent était licite ou non. Les juges du fond n'ont pas répondu à l'unisson, loin s'en faut, et cette cacophonie a pu soulever quelques interrogations, voire jeter un certain trouble chez les opérateurs économiques, notamment de la grande distribution alimentaire, domaine dans lequel cette pratique est la plus répandue. Ainsi, dans l'arrêt faisant l'objet de la cassation du 4 octobre 2011, les juges montpelliérains avaient considéré qu'une entreprise pouvait s'opposer au relevé de prix pratiqué par l'un de ses concurrents au nom de son droit de propriété, en l'absence d'usage commercial de nature à restreindre ce droit de propriété. En d'autres termes : faute d'usage, l'entrepreneur peut interdire l'accès à ses locaux à des personnes autres que ses clients. Pour conclure que la preuve, en la matière, d'un usage constant et général ne se trouve pas établie, la cour d'appel relève qu'il existe des pratiques disparates selon les enseignes de la grande distribution, allant du refus pur et simple des relevés de prix jusqu'à l'acceptation de ceux-ci sous certaines conditions. En effet, certains magasins exerçant sous sept enseignes différentes refusent que des relevés de prix soient effectués dans leurs surfaces de vente ou ne consentent à ce que des relevés de prix soient pratiqués que s'ils le sont par des panélistes indépendants ou manuellement, sans recours à des lecteurs optiques, et sous réserve de réciprocité.
C'est une position exactement inverse qu'a adoptée la cour d'appel de Rennes dans un arrêt du 3 février 2009 (CA Rennes, 3 février 2009, n° 08/0757 N° Lexbase : A2084HGB). En effet les magistrats rennais ont retenu que "l'usage du relevé de prix chez le concurrent est établi par les pièces produites", d'autant que ce dernier, relèvent les juges, fait procéder lui-même régulièrement à des relevés de prix chez ses concurrents. Il semblerait dès lors à la lecture de cette décision que la reconnaissance du droit de pratiquer des relevés de prix repose sur l'existence d'un usage entre les parties au litige et non sur un usage commercial général dans un secteur d'activité. Pourtant, si la position des juges montpelliérains, qui "prennent le risque de mener un combat d'arrière-garde" a pu apparaître à juste titre comme "vouée à l'échec" (1), le fondement de la décision de la cour d'appel de Rennes n'emporte pas la conviction. En effet, soumettre la licéité du relevé de prix à l'existence d'un usage inter partes crée une certaine insécurité juridique : chaque affaire serait alors soumise à la preuve d'un usage spécial entre l'entreprise qui souhaite effectuer des relevés de prix et son concurrent qui refuse l'accès à ses locaux.
Une solution plus acceptable reviendrait alors à consacrer l'existence d'un usage général. Or, à la lecture des motifs ayant conduit au dépôt de son amendement par le sénateur Doligé, cet usage semble exister dans la mesure où, selon lui les relevés de prix "sont pratiqués depuis toujours de façon manuelle et depuis plus de 15 ans par le biais de 'pistolets' électroniques". L'arrêt de la cour d'appel de Rennes ne manque d'ailleurs pas de faire référence à cette tentative avortée du législateur, puisque relevant que le projet de loi de modernisation de l'économie proposait de permettre, parmi des règles relatives à la transparence, le relevé de prix chez un concurrent, elle ajoute que, si cet usage n'ait pas en définitive été consacré par la loi de modernisation de l'économie, il n'en existe pas moins. Le fait que cette proposition n'ait pas été suivie n'a pas pour effet de l'interdire, y compris par un procédé informatique et non seulement manuel, les relevés devant cependant être réalisés dans des conditions n'occasionnant pas de troubles dans le magasin. La cour d'appel de Montpellier y fait également référence, mais, à l'inverse, elle relève que cet amendement, adopté par le Sénat, n'a pas été retenu lors du vote définitif de la loi et que le fait qu'a été évoqué, lors des travaux parlementaires, la possibilité d'effectuer des relevés de prix entre commerçants concurrents, n'est pas en soi de nature à établir l'existence d'un usage préexistant, nettement défini.
Avec, l'arrêt du 4 octobre 2011, la Chambre commerciale clôt le débat, à défaut pour le législateur d'avoir saisi l'occasion d'y mettre un terme. Relevons toutefois, que la Cour régulatrice n'aborde pas cette question de l'existence ou non d'un usage en la matière. Doit-on le regretter ? Assurément non ; la solution de principe de la Cour régulatrice semble solidement fondée, sans qu'elle n'ait eu à examiner cette difficulté.
II - La licéité des relevés de prix, fondée sur la libre concurrence
Les juges d'appel avaient donc considéré qu'aucun usage commercial en la matière ne permettait de restreindre le droit de propriété de l'exploitant du magasin, lequel pouvait alors interdire aux salariés de son concurrent d'effectuer les relevés de prix litigieux
Mais, en énonçant que la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence commande que les concurrents puissent comparer leurs prix et en conséquence en faire pratiquer des relevés par leurs salariés dans leurs magasins respectifs, la Cour régulatrice rattache directement cette pratique à l'article L. 410-2 du Code de commerce et considère que le droit de propriété, allégué par le concurrent visité, ne peut y faire échec. En effet, aux termes de l'article L. 410-2 du Code de commerce, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. Les juges du Quai de l'Horloge estiment donc que les distributeurs ont intérêt à observer les prix pratiqués par leurs concurrents dans le but de s'informer et de garantir ainsi aux consommateurs les prix les plus bas. Le libre jeu de la concurrence prime donc sur le droit de propriété et en constitue une restriction légitime. Cette restriction n'est donc pas fondée, comme la cour d'appel a pu le rechercher, sur un usage commercial, mais bien sur un but légitime d'utilité publique que constitue le libre jeu de la concurrence.
Relevons également qu'il a pu être avancé que les relevés de prix portaient atteinte à un autre droit fondamental, celui du respect du domicile, protégé par les article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4798AQR). Sur ce point les arguments des opposants aux relevés de prix n'ont pas plus de chance de prospérer car, et comme l'a très justement relevé la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt du 18 mai 2010, le droit au respect du domicile privé, étendu aux locaux professionnels de la personne morale par un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme par l'arrêt "Colas" (CEDH, 16 avril 2002, Req. 37971/97), ne saurait être valablement invoqué. En effet, outre le fait que cet arrêt concerne une ingérence dans le droit au respect du domicile commis par l'autorité publique, il s'agissait en l'occurrence d'une enquête réalisée par les agents de la DGCCRF visant diverses entreprises de travaux publics, suspectées de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles, à l'occasion de laquelle plusieurs milliers de documents avaient été saisis dans les locaux des sociétés. Or, la finalité du droit au respect des locaux professionnels, tel que garanti notamment par l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR), est d'assurer à la personne morale la protection d'informations relevant de son activité économique propre, n'ayant pas vocation à être divulguées ou rendues publiques. Or, les informations qu'un distributeur recueille par l'intermédiaire de ses salariés, ne portent que sur les prix des produits offerts à la vente, affichés dans un lieu ouvert au public et à la disposition de tous, et donc dépourvus de tout caractère confidentiel ; ils ne sont pas davantage destinés à établir la preuve de faits en vue d'une utilisation future en justice.
En conséquence, on en conviendra ceux qui avaient prédit que "le combat des professionnels hostiles aux relevés de leur prix par leurs concurrents est juridiquement voué à l'échec et apparaît à bien des égard comme un combat dépassé", ne s'étaient pas trompés !
(1) S. Durand, JCP éd. G, 2010, n° 892
(2) E. Lamazerolles, JCP éd. E, 2010, n° 1471.
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Réf. : Cass. com., 4 octobre 2011, 10-21.862, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5939HYM)
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N8099BSR
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Le 13 Octobre 2011
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Réf. : Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-10.800, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5941HYP)
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N8103BSW
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Le 13 Octobre 2011
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Réf. : Cass. crim., 20 septembre 2011, n° 11-81.326, F-P+B (N° Lexbase : A6173HYB)
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N8200BSI
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Le 13 Octobre 2011
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Réf. : Cass. QPC, 6 octobre 2011, n° 11-40.056, FS-P+B (N° Lexbase : A6122HYE) et n° 11-40.057, FS-P+B (N° Lexbase : A6123HYG)
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N8211BSW
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Le 13 Octobre 2011
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Réf. : Cass. soc., 21 septembre 2011, n° 09-69.927, F-P+B (N° Lexbase : A9596HXP)
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N8179BSQ
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
Le 13 Octobre 2011
Le salarié peut, à l'occasion de son travail, avoir l'opportunité d'inventer des procédés, des objets, des techniques qui font ensuite l'objet d'un dépôt de brevet afin que les droits sur la chose lui soient réservés. Une question fait parfois difficulté dans cette situation. En effet, l'invention produite par le salarié appartient-elle au salarié à ou à l'employeur (1) ? Le Code de la propriété intellectuelle répond à cette question depuis 1978 (2) en instituant des règles qui, cependant, demeurent supplétives de la volonté des parties qui peuvent toujours améliorer la situation du salarié.
La question ne se pose véritablement que pour les salariés stricto sensu. En effet, les stagiaires inventeurs, par exemple, ne sont pas concernés par le régime des inventions des salariés puisque, par définition, ils ne sont pas salariés (3). Lorsque l'inventeur ou le créateur est salarié, l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3556AD3) encadre le régime juridique de l'invention par exception à la règle posée par l'article L. 611-6 du même code (N° Lexbase : L3555ADZ) qui prévoit, par principe, que "le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l'article L. 611-1 (N° Lexbase : L3542ADK) appartient à l'inventeur ou à son ayant cause". Ainsi, il convient en principe de distinguer deux types d'inventions.
La première, dite invention en mission, correspond à la situation dans laquelle le salarié s'est vu confier une mission inventive par son contrat de travail, que la mission soit confiée explicitement ou implicitement (4), qu'elle soit permanente ou ponctuelle (5). Dans ce cas de figure, l'employeur est propriétaire de l'invention, celle-ci ouvrant cependant droit au salarié à une rémunération supplémentaire en application des accords collectifs applicables ou des prévisions de son contrat de travail (6).
La seconde, dite invention hors mission, est produite par le salarié alors même qu'il ne lui a pas été confiée une mission inventive. En principe, le salarié demeure dans ce cas propriétaire de l'invention et peut donc en déposer le brevet. Cependant, l'employeur peut revendiquer tout ou partie de la propriété ou de la jouissance des droits attachés au brevet lorsque l'invention "est faite par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle". Dans ce cas de figure, le salarié doit informer l'employeur de la création et, en contrepartie de la cession légale de ses droits, doit obtenir le "juste prix" de la cession subie, notion controversée car délicate à apprécier (7).
Dans cette affaire, il était reproché à un salarié, engagé en qualité de technicien de création, d'avoir déposé, sans en avoir informé son employeur, un brevet d'invention en rapport direct avec l'activité qu'il exerçait dans la société, cela afin d'exploiter pour lui-même ce brevet. Le salarié fut licencié pour faute grave en 2007, l'employeur motivant le licenciement par un manquement du salarié à son obligation de loyauté.
La cour d'appel de Reims, saisie de l'affaire, condamna la société à payer au salarié diverses sommes au titre d'heures supplémentaires. Surtout, elle jugea que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse faute que soit établie la preuve que le salarié "avait travaillé à l'élaboration de ce projet dans le cadre de ses activités salariales ni que l'invention avait été réalisée au moyen de techniques de la société et de connaissances acquises auprès de celle-ci". L'employeur forma pourvoi en cassation tant s'agissant du paiement des heures supplémentaires que de l'appréciation faite de la justification du licenciement.
Par un arrêt rendu le 21 septembre 2011, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse partiellement la décision des juges d'appel. S'agissant du paiement des heures supplémentaires, la Cour rejette le pourvoi, d'abord parce que des éléments de preuve suffisant avaient été apportés par le salarié, ensuite parce que les juges du fond n'avaient pas omis, comme cela leur était reproché, de juger que les heures supplémentaires effectuées l'avaient été sur demande de l'employeur (8). Si le rejet de ce moyen n'appelle pas davantage de commentaire, il en va autrement de la cassation prononcée à l'égard du premier moyen relatif à la justification du licenciement.
La cassation est prononcée pour défaut de base légale au visa de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3556AD3) et des articles L. 1235-1 (N° Lexbase : L1338H9G), L. 1234-1 (N° Lexbase : L1300H9Z), L. 1234-5 (N° Lexbase : L1307H9B) et L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) du Code du travail. Par un attendu paraphrasant l'article L. 611-7 1° du Code de la propriété intellectuelle et énoncé sous forme de chapeau, la Chambre sociale dispose que "l'invention faite par le salarié dans l'exécution du contrat de travail comportant une mission inventive appartient à l'employeur". Il découle de cette règle que les juges du fond ne pouvaient censurer le licenciement pour absence de cause réelle et sérieuse sans avoir, au préalable, rechercher si le contrat de travail comportait une mission inventive.
Pour résumer, la détermination respective des droits des salariés et des employeurs en matière d'invention doit, au préalable, passer par les fourches caudines de l'analyse du contrat de travail. Ce n'est qu'à la condition que celui-ci ne comporte pas de mission inventive que l'analyse opérée par la cour d'appel des moyens utilisés peut être effectuée. Que penser de cette solution ?
II - Difficultés de qualification de l'invention du salarié
Il est tout d'abord très important de bien analyser le cas d'ouverture de cassation utilisé par la Chambre sociale. Si la cassation avait été prononcée pour violation de la loi, la décision aurait en effet pu s'analyser différemment. Il aurait pu être considéré, dans un tel cas, que la cour d'appel n'était pas autorisée à juger le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse pour les motifs invoqués. Or, s'agissant au contraire d'une cassation pour défaut de base légale, les juges d'appel ne sont pas censurés pour avoir jugé contra legem mais (9), seulement pourrait-on dire, pour ne pas avoir convenablement motivé leur décision au regard de la situation juridique en cause (10).
Si la nuance est d'importance, c'est que la censure des juges du fond ne peut mener à déduire de cet arrêt que le salarié avait été valablement licencié pour les faits qui lui étaient reprochés. Le comportement du salarié consistant à cacher à son employeur le dépôt d'un brevet, quand bien même le salarié aurait réalisé l'invention à l'aide de connaissances et de techniques acquises dans la société, n'avait pas à être apprécié par les juges avant d'avoir fait ressortir l'absence de mission inventive dans le contrat. En somme, les juges du fond auraient, dans cette affaire, commis une erreur de raisonnement qu'il convient de cerner -ou du moins, de tenter de le faire-...
Pour tenter de comprendre la position adoptée par la Chambre sociale, il faut revenir au texte de l'article L. 611-7 1° du Code de la propriété intellectuelle. Celui-ci dispose, dans un premier temps, que les inventions du salariés sont la propriété de l'employeur lorsqu'elles ont été "faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur". Ce n'est que si ces inventions appartiennent à l'employeur qu'il peut se plaindre du dépôt de brevet du salarié.
Dans le cas contraire, si le salarié n'assumait pas une mission inventive, l'invention reste en principe sa propriété comme le prévoit l'article L. 611-7 2° du Code de la propriété intellectuelle. Ce texte poursuit, cependant, en énonçant que l'employeur peut revendiquer la propriété ou la jouissance en tout ou partie du brevet lorsque, notamment, l'invention "est faite par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions [...] soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise".
Le texte semble donc comporter un enchaînement logique du type principe/exception. En clair, le principe est que le salarié perd le bénéfice de l'invention s'il a une mission inventive, laquelle se déduit du contrat de travail et doit donc être recherchée avant toute chose. Faute de mission inventive contractuelle, l'exception joue et le salarié conserve les droits sur son invention. Cette exception comporte cependant elle-même une exception puisque le salarié peut perdre le bénéfice de ses droits si l'invention a été réalisée au cours de l'exercice de ses fonction ou à l'aide de connaissances et de techniques acquises dans l'entreprise, cas de figure précisément jugé par la cour d'appel sans avoir, au préalable, observé si la règle de principe ne trouvait pas à s'appliquer. En somme, avant de rechercher si le salarié avait ou non utilisé le temps, les connaissances et les techniques de l'entreprise, le juge devait se demander, conformément au principe tiré de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle, si le salarié n'était pas tenu, par contrat de travail, à une mission inventive, auquel cas il n'était pas utile d'aller plus loin dans le raisonnement.
Une fois comprise, il nous semble cependant que cette analyse doit être contestée. Ne peut-on pas en effet considérer qu'à partir du moment où le juge recherche si le salarié a effectué l'invention au cours de ses fonctions ou qu'il a utilisé les techniques et les connaissances de l'entreprise, c'est qu'il a implicitement, mais nécessairement, exclu que le contrat de travail du salarié comporte une mission inventive puisqu'il applique le régime des inventions hors mission ?
La remarque est d'autant plus incisive que, sur l'autre moyen de cassation relatif à la preuve d'heures supplémentaires, lequel n'a pas été analysé dans ces colonnes, la Chambre sociale adopte une posture parfaitement opposée en jugeant précisément que lorsque la cour d'appel apprécie le montant des sommes dues au salarié au titre des heures supplémentaires, c'est qu'elle considère "implicitement mais nécessairement que ces heures supplémentaires avaient été accomplies avec l'accord de l'employeur". Pourquoi accepter pour les heures supplémentaires un raisonnement rejeté pour les inventions du salarié ?
Le nombre de textes relatifs à la cause réelle et sérieuse de licenciement porté au visa donne, peut-être, un indice sur la justification d'une telle discordance. En effet, si la Chambre sociale s'abstient traditionnellement de contrôler la qualification de cause réelle et sérieuse, elle pouvait cependant estimer ici que le licenciement devait être dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison des missions effectivement attribuées par son contrat de travail au salarié. Afin d'éviter de contrôler cette qualification, tout en signifiant par la particularité du visa qu'une véritable difficulté s'élevait de la qualification opérée par les juges du fond, la Chambre sociale casse pour défaut de base légale sur le fondement principal de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle et refuse le raisonnement implicite là où elle l'accepte pour les heures supplémentaires.
Quoiqu'il en soit, si cette décision n'est pas accidentelle (11), les juges du fond devront désormais explicitement rechercher la mission inventive et ne pourront plus se contenter d'une appréciation implicite, ce qui constitue certes un changement de méthodologie mais qui, en dehors de l'espèce commentée, ne devrait pas avoir de conséquences fondamentales sur le régime juridique des inventions du salarié.
(1) Avant même de pouvoir se poser cette question, il faut relever que la qualification même d'invention fait parfois difficulté, v. par ex. TGI Paris, 19 mai 2009, n° 07/07300 (N° Lexbase : A3667EIN).
(2) Loi n° 78-742 du 13 juillet 1978, modifiant et complétant la loi n° 68-1 du 2 janvier 1968 tendant à valoriser l'activité inventive et à modifier le régime des brevets d'invention. D'une manière générale, sur les relations complexes entre droit du travail et droit de la propriété intellectuelle, v. F. Pollaud-Dulian, Propriétés intellectuelles et travail salarié, RTD Com., 2000, p. 273.
(3) Sur les inventions des stagiaires ; sur le statut des stagiaires. Il en va de même pour les mandataires sociaux, v. CA Paris, 4ème ch., sect. B, 13 mars 2009, n° 07/18278, (N° Lexbase : A6087EE8).
(4) La preuve de l'existence d'une mission inventive est parfois tirée d'autres éléments que le contrat de travail écrit, par exemple, des activités et de l'objet social de l'employeur, v. CA Toulouse, 2ème ch., sect. 2, 16 mars 2010, n° 08/00258 (N° Lexbase : A7307EWK).
(5) Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-12.517, F-D (N° Lexbase : A9278D87). Dans le cas où le salarié s'est vu confier une mission d'étude ou de recherche ponctuelle, la mission doit être explicitement prévue pour que l'invention soit qualifiée d'invention en mission, v. C. prop. int., art. L. 611-7 (N° Lexbase : L3556AD3).
(6) En l'absence de stipulations conventionnelles ou contractuelles, cette rémunération supplémentaire pourra être fixée judiciairement, v. Cass. com., 21 novembre 2000, n° 98-11.900 (N° Lexbase : A9333AH7). D'une manière générale sur la rémunération des inventions des salariés, v. sur cette question, L. Flament, La rémunération des inventions de salariés, JCP éd. S, 2006, 1290.
(7) Sur la contestation de cette notion, v. les obs. de F. Lalanne, Inventions et créations de salariés... Code du travail versus Code de la propriété intellectuelle via la Haute juridiction... A quand un régime simplifié ?, Lexbase Hebdo n° 400 du 24 juin 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4309BPB).
(8) La Cour de cassation juge que l'appréciation des juges du fond du fait que les heures aient bien été "commandées" par l'employeur était implicite, point sur lequel nous reviendrons par comparaison avec le raisonnement de la Cour relatif au régime de l'invention du salarié.
(9) Il est d'ailleurs de jurisprudence constante que la Cour de cassation abandonne aux juges du fond le contrôle de la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse, v. Cass. soc., 30 novembre 2010, n° 08-43.499, FS-P+B (N° Lexbase : A6257GMP) et nos obs., Le contrôle de la qualification de faute grave : refus de la modification du lieu de travail et propos désobligeants du salarié, Lexbase Hebdo n° 422 du 5 janvier 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N0336BRU).
(10) M.-N. Jobard-Bachellier, X. Bachellier, "La technique de cassation", Dalloz, 6ème éd., p. 148 : "le défaut de motivation est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour de cassation de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit [...]. Il s'agit donc d'un grief qui s'attache plus à la motivation de la décision qu'au fond de celle-ci".
(11) Ce que l'on peut légitimement penser au regard du degré de publicité de l'arrêt mais qui peut être nuancé par le fait que la Chambre sociale n'était pas présidée par sa Présidente mais par la Conseillère doyen de la Chambre.
* Ce commentaire a été publié dans Lexbase Hebdo n° 456 du 6 octobre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N7965BSS)
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Réf. : Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-21.225, F-P+B (N° Lexbase : A5961HYG)
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Le 19 Octobre 2011
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Réf. : Cass. com., 20 septembre 2011, n° 10-24.888, F-P+B (N° Lexbase : A9524HXZ)
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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse I Capitole)
Le 13 Octobre 2011
I - Le litige puise ses racines dans une assignation en paiement initiée par une SCP aux droits de laquelle vient une autre SCP, liquidateur judiciaire d'une SCM de médecins, à l'encontre des associés de celle-ci, à propos d'une certaine somme due au titre de leur participation aux charges résultant de l'exploitation de cette société sur le fondement de l'article 1832 du Code civil.
La SCM mise en cause dans la présente espèce et une association créée par les associés de ladite société, aux fins d'améliorer la prise en charge des urgences médicales dans une zone géographique déterminée, ont été successivement placées sous administration judiciaire provisoire, et en liquidation judiciaire. Saisi du litige relatif à l'assignation en paiement, le tribunal de grande instance de Melun, dans un jugement réputé contradictoire du 9 juin 2009, a déclaré le liquidateur judiciaire recevable et fondé à agir à l'encontre des associés de la SCM et de l'association, en recouvrement du passif, mais dans une certaine limite.
Insatisfait de la limitation imposée par la juridiction de droit commun, le liquidateur a interjeté appel. Statuant à son tour et infirmant la solution des juges de première instance, la cour d'appel de Paris a, dans un arrêt du 29 juin 2010 (CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 29 juin 2010, n° 09/15446 N° Lexbase : A3603E49), rejeté les demandes du liquidateur et l'a déclaré irrecevable en son action intentée contre les associés de la SCM. Les juges d'appel ont invoqué l'article 1832 du Code civil pour décider que ce texte ne vise que la contribution aux pertes qui diffère de l'obligation aux dettes sociales et joue exclusivement dans les relations internes de la société. Ledit article ne peut servir d'appui à l'action en recouvrement du passif social engagée par le liquidateur judiciaire de la SCM et de l'association, à l'encontre des associés et membres de celles-ci. Les associés d'une société civile demeurent personnellement tenus à l'égard des créanciers sociaux, même en cas de procédure collective. Dès lors, le représentant des créanciers, pas plus que le liquidateur en cas de liquidation judiciaire, n'ont qualité pour poursuivre les associés en paiement des dettes sociales.
La décision de la juridiction de seconde instance parisienne est censurée en l'espèce par la Chambre commerciale.
II - La Cour de cassation relève que la cour d'appel avait retenu qu'en fait de pertes, le liquidateur judiciaire sollicitait le paiement par les associés du passif définitivement admis dans le cadre de la procédure collective, c'est-à-dire le paiement des dettes sociales. Elle censure sa décision au visa de l'article 4 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1113H4Y) selon lequel "l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties". Elle estime qu'en se prononçant ainsi, les seconds juges du fond ont méconnu l'objet du litige et porté atteinte à ce texte, alors que dans ses conclusions le liquidateur judiciaire leur demandait de constater le montant du passif définitivement admis et celui des actifs réalisés en vue de la fixation aux pertes des associés.
La Cour régulatrice casse également l'arrêt d'appel au vu de l'article 1832 du Code civil. A l'inverse de la juridiction parisienne, elle considère que le liquidateur judiciaire est recevable à agir contre les associés de la société civile de moyens pour obtenir la fixation de leur contribution aux pertes sociales par la prise en compte, en plus du montant de leurs apports, de celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs.
En définitive, le point de divergence entre le juge du droit et les seconds juges du fait a pour point de départ la distinction entre l'obligation aux dettes et la contribution aux pertes (2), l'article 1832 du Code civil ne faisant référence qu'à celle-ci. Comme l'a fort bien dit la cour d'appel de Paris, non démenti à ce sujet par la Cour de cassation et reprenant les solutions jurisprudentielles antérieures (3), la contribution aux pertes se manifeste dans les relations des associés entre eux ou avec la société, contrairement à l'obligation aux dettes qui se caractérise par l'engagement des associés à l'égard des créanciers. En outre, si les dettes sociales sont assumées par la société ou, le cas échéant, par les associés en cours de vie sociale, en revanche, la contribution des associés aux éventuelles pertes sociales intervient à la liquidation de la société ; elle ne se matérialise que lorsque le capital social est réellement entamé (4).
La position de la cour d'appel de Paris souffre la critique en ce qu'elle refuse au liquidateur la faculté de poursuivre les associés en paiement du passif social sur le fondement de l'article 1832 du Code civil. La Chambre commerciale reconnaît au contraire à ce dernier une telle prérogative, mais elle ne prend guère la peine d'argumenter sa solution comme il se doit.
La complexité de la situation tient probablement à la double qualité du liquidateur liée à sa double mission : celle de défendre l'intérêt collectif du créancier, puisque dans le cadre de la liquidation judiciaire, c'est le mandataire judiciaire, c'est-à-dire le représentant des créanciers, qui a vocation à remplir cette fonction ; celle d'agir à la place du débiteur et donc de le représenter. S'agissant en l'espèce d'une personne morale (la SCM), ses dirigeants ont été dessaisis par une disposition statutaire ou une décision de l'assemblée générale (5). Dès lors, le liquidateur judiciaire assure d'une part, la fonction d'organe de la procédure et de mandataire, d'autre part, celle de chef d'entreprise (6). En l'espèce, en agissant contre les associés en recouvrement des charges sociales, il intervenait au nom de la société débitrice, mais également dans l'intérêt des créanciers sociaux ; en cas de succès, le produit de l'action payé par les associés poursuivis viendrait garnir l'actif social à répartir entre ces créanciers.
Cette idée apparaît clairement dans le pourvoi formé par la SCP agissant en qualité de représentant des créanciers et de liquidateur judiciaire de l'association et de la SCM de médecins : le liquidateur représentant la société en liquidation judiciaire peut, en vertu de l'article L. 641-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L8860INH), agir en paiement contre les associés soit à la dissolution de la société, soit à l'échéance prévue par les statuts en cas de contribution anticipée, la mise en oeuvre de la contribution aux pertes faisant naître une créance au bénéfice de celle-ci.
(1) J. Piquet, L'originalité du droit de retrait des associés dans les groupements libéraux, Journ. sociétés, mai 2010, p. 32.
(2) P. Carcreff, La confusion de la notion d'obligation aux dettes sociales avec celle de contribution aux pertes, Gaz. Pal., 1978, 1, doct. p. 145 ; F. Kendérian, La contribution aux pertes sociales, Rev. sociétés, 2002, p. 617.
(3) V. notamment, Cass. civ. 3, 6 juillet 1994, n° 92-12.839 (N° Lexbase : A6855ABI), RJDA, 12/1994, n° 1310, Rev. sociétés, 1995, p. 39, note B. Saintourens ; CA Lyon, 3ème ch., 24 novembre 2005, n° 04/03880 (N° Lexbase : A4597DM9), RJDA 7/2006, n° 778.
(4) Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-14.043, FS-D (N° Lexbase : A7574EGM) ; RJDA, 7/2009, n° 645.
(5) C. com., art. L. 641-9, II (N° Lexbase : L8860INH).
(6) Nos obs., Droit des entreprises en difficulté, Defrénois Lextenso, éd. 2009, n° 345, 666 et 668 à 671.
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Réf. : Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-19.190, F-P+B+I (N° Lexbase : A6113HY3)
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Réf. : Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-23.398, F-P+B (N° Lexbase : A5962HYH)
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Le 14 Octobre 2011
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Réf. : T. com. Paris, 3 août 2011, aff. n° 2011052610 (N° Lexbase : A5940HYN)
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N8134BS3
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Le 13 Octobre 2011
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Réf. : (Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-20.240, FS-P+B (N° Lexbase : A5964HYK)
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N8115BSD
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Le 15 Octobre 2011
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