La lettre juridique n°456 du 6 octobre 2011

La lettre juridique - Édition n°456

Éditorial

Evaluateurs évalués pour évolution des pratiques d'évaluation salariale

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"Evalue ta richesse à l'importance de ce que tu donnes" écrivait Georges Duhamel ; et s'il en allait de même du capital humain dans l'entreprise ?

A y regarder de près, il n'est pas certain que les nouvelles technologies de l'information soient la panacée pour les 16 millions de salariés oeuvrant pour la ruche France. Lorsqu'il s'agit d'internet, ils prendront garde à ne pas trop "surfer" sur la toile pendant leurs heures de travail, traçabilité IP oblige, quand ils ne s'abstiendront pas de tout commentaire personnel ou professionnel sur l'un des réseaux sociaux émaillant le web, car il ne faut jamais oublier que si le quidam peut lire les complaintes de l'internaute "facebookeur", son patron également ; et, ce dernier n'apprécie que rarement l'humiliation ou le ton moqueur à son encontre. Lorsqu'il s'agit de l'intranet de l'entreprise, l'ambiance n'est pas plus chaude : partager la communication interne avec les formations syndicales présentes dans l'entreprise n'est jamais fait de bon coeur, par l'employeur. C'est que les managers voient d'un oeil suspicieux, et parfois angoissé, toute interférence avec leurs ondes corporate et la propagation, à plus ou moins à haute dose, de la culture et de l'esprit d'entreprise. Le gestion des mails constitue, enfin, l'apogée de cette suspicion permanente, si bien que s'il apparaissait à chacun de la meilleure éducation et du plus grand respect de ne pas ouvrir le courrier postal de l'autre, il aura fallu des vertus équilibristes, sur fond de contentieux médiatiques, pour satisfaire, à la fois, la curiosité bien placée des chefs d'entreprise soucieux de savoir et/ou de contrôler la teneur et le bon esprit de chacun des salariés de l'entreprise, et le respect légitime de la vie privée des salariés -car elle est aussi symbiotique de la vie professionnelle, que cette dernière l'est durant les week-end et les vacances pendues au téléphone (professionnel)-. Reste un dernier pan des TIC, dont l'éthique doit faire impérativement mouche si l'on ne veut pas tomber dans l'arbitraire le plus condamnable et le plus contre-productif qui soit : l'évaluation des salariés sur la base de la collecte de données.

Le sujet est assurément sensible, car si les premiers outils de télécommunication évoqués plus haut révèlent la motivation, l'investissement et l'intégration du salarié au projet de l'entreprise, il s'agit là d'un jugement du salarié sur son employeur, les bases de données d'évaluation traduisent, à l'inverse, le jugement de l'employeur sur les capacités et l'investissement de ses salariés, quand elles ne dérapent pas sur les chaussées glissantes de l'appréciation subjective et comportementale des personnes employées. Si bien qu'en la matière, la loi et la jurisprudence ne sont pas moins rigoureuses que pour l'utilisation des autres TIC, afin d'éradiquer les tocs de ces employeurs adeptes des fichiers identitaires connotés.

L'on sait que l'évaluation des salariés fait partie intégrante du pouvoir de direction du chef d'entreprise et qu'il ne constitue pas une obligation en soit. Toutefois, un salarié sur deux est convoqué, au moins une fois par an, à un entretien d'évaluation et, dans 61 % des cas, cet entretien est préparé par le salarié à la demande du manager, qui de son côté dispose le plus souvent des reporting des supérieurs hiérarchiques du salarié évalué. Cet entretien n'est pas anodin : pour 88 % des employeurs il est utile pour élaborer l'échelle des rémunérations, pour 85 % d'entre eux, il sert à bâtir des plans de formation, enfin pour 76 % des managers, l'entretien est utile pour gérer les carrières. On comprendra, dès lors, que les informations sur lesquelles l'employeur assoit son évaluation et finalement oriente sensiblement la tournure de l'entretien ne puissent être laissées à sa libre discrétion.

Un arrêt de la cour d'appel de Versailles, rendu le 1er septembre 2011, précise alors que, dès lors qu'il n'existe aucune directive impérative pour l'attribution chaque année d'un quota de note maximale et qu'il n'est pas fait application au sein de la société du ranking par quotas, le système d'évaluation ne peut être considéré comme illicite au motif qu'il reposerait sur le ranking par quotas susceptible d'affecter la santé et la sécurité des salariés.

Quant à la cour d'appel de Toulouse, elle rappelle, le 21 septembre 2011, que certains comportements issus des valeurs de l'entreprise et notamment "agir avec courage", dont la connotation morale rejaillit sur la sphère personnelle, sont trop imprécis pour établir une relation directe suffisante avec une activité professionnelle identifiable, nécessitent une appréciation trop subjective de la part de l'évaluateur et sont parfois éloignés de leur finalité consistant à mesurer les aptitudes professionnelles des salariés. Par conséquent, ces comportements ne peuvent pas constituer des critères pertinents de l'évaluation au sens de l'article L. 1222-3 du Code du travail si bien que la procédure d'évaluation doit être suspendue.

A la lumière de ces derniers arrêts, qui se fondent dans la masse d'un contentieux de plus en plus foisonnant sur l'égalité salariale, l'évolution des carrières ou les licenciements pour abus dans l'exercice de la liberté d'expression, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'opportunité des procédures d'évaluation mises en place par les "caciques" des ressources humaines.

D'abord, si l'évaluation par quotas est nécessairement discriminante, on s'étonnera que le système fasse la loi, notamment, dans la fonction publique. Chacun sait que les cadres fonctionnaires disposent d'un quota de points à distribuer aux salariés qu'ils évaluent, chaque année ; tout simplement parce qu'à chaque point correspond une augmentation salariale aux incidences budgétaires non négligeables. Et, procédant à l'inverse de l'évaluation neutre et objective, c'est le budget alloué aux augmentations salariales qui détermine le nombre de points, ou la note dans les entreprises privées, qu'il est possible de distribuer ou d'attribuer, d'où l'existence inhérente de ce système de quotas. Le ranking, c'est-à-dire le classement par notes selon des critères d'investissement et de réalisation des objectifs n'est que la pierre d'achoppement de ce type de procédure d'évaluation, car il est impossible, dès lors, de satisfaire tous les salariés évalués, sauf à opérer une augmentation salariale générale, ce qui nierait tout intérêt de la procédure, elle-même. Mais, soyons rassurés, nous dit le juge : établir un système de quotas et de ranking ou forced-ranking -c'est-à-dire un classement des salariés, non plus selon le degré d'investissement et d'atteinte des objectifs personnels, mais une évaluation des salariés les uns par rapport aux autres- n'est pas illégale en soi ; c'est son utilisation qui pourrait, dès lors, être condamnable (licenciement des moins bien notés, gel des carrières des exclus des quotas, inégalité salariale au sein d'une même équipe pour des critères n'apparaissant que trop subjectifs). Mais, alors, à quoi servent ces procédures d'évaluation, si répandues dans les entreprises, comme dans la fonction publique, si elles n'ont aucune traduction salariale ; si au final, elles ne sont pas appliquées, comme le relève la cour d'appel de Versailles, dans l'arrêt rapporté ? Vaste gageure.

Ensuite, on ne s'étonnera guère que certains responsables des ressources humaines commentent, parfois, de manière déplacée le profil salarial des personnes dont ils gèrent la carrière, quand la CNIL ouvre la boîte de Pandore et laisse cette responsabilité au gestionnaire de commenter chaque profil. Si elle prend soin de rappeler régulièrement que les évaluateurs doivent s'interdire de collecter, notamment, des éléments en rapport avec la vie privée des salariés, les données pouvant porter sur leur identité, la formation, la gestion de la carrière, l'évaluation professionnelle ou encore la validation des acquis de l'expérience, les zones commentaires sont à utiliser avec la plus grande prudence. La loi "informatique et libertés" précise que les appréciations figurant dans ces zones doivent être pertinentes, adéquates et non excessives. Les informations doivent être purement objectives. Le responsable doit faire en sorte d'empêcher que des commentaires subjectifs, outranciers voire insultants y figurent. La meilleure des préventions consiste à avoir toujours présent à l'esprit que les salariés peuvent accéder à tout moment aux informations les concernant, de même que les contrôleurs de la CNIL. Cet "auto-contrôle" permet, ainsi, précise la Commission, de n'écrire que ce que l'on est en mesure de présenter et d'assumer. La CNIL est extrêmement vigilante sur le contenu des zones commentaires et, au besoin, sanctionne les comportements abusifs. Les sanctions peuvent aller d'un avertissement public, comme elle l'a fait récemment avec un organisme spécialisé dans l'aide aux devoirs, jusqu'à une sanction financière. La CNIL peut également transmettre les éléments dont elle dispose à la justice si elle constate des infractions pénales. Pourquoi, dès lors, ne pas imposer un système de collecte de données parfaitement objectif dont les zones de commentaire seraient exclues et les indices ou qualificatifs d'appréciation uniquement pré-paramétrés par l'employeur après avis des délégués du personnel ?

Si, comme le relève Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de Guyane, l'appréciation des quotas par le juge prud'homal apparaît comme fort ambiguë, l'interdiction des commentaires subjectifs et impropres à l'évaluation professionnelle des salariés semble, elle, être un voeux pieux. Il y a nécessairement une part d'arbitraire dans l'appréciation de son prochain, qui plus est salarié, et toutes les déclarations CNIL du monde ne pourront empêcher que la gestion des carrières professionnelles se fonde, pour partie, sur l'appréciation personnelle, éventuellement erronée, de son N+1.

Reste qu'"évaluer, c'est créer : écoutez donc, vous qui êtes créateurs ! C'est l'évaluation qui fait des trésors et des joyaux de toutes choses évaluées" scandait Friedrich Nietzsche à l'oreille des employeurs soucieux de motiver leurs équipes de créer de la richesse collective, en évaluant au plus juste leurs salariés. Si 35 % des salariés s'estiment "mal", voire "très mal" payés, et 46 % estiment insuffisante la reconnaissance de la valeur de leur travail, ces jugements négatifs sont réduits de 4,8 points pour le premier, de 3,4 points pour le second, lorsque l'évaluation en entreprise emporte l'adhésion sur des critères clairs et précis communément admis par les employeurs comme par leurs salariés.

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Avocats

[Focus] L'installation d'un jeune avocat : modalités à mettre en oeuvre et difficultés rencontrées

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N7980BSD

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par Samantha Gruosso, avocat au barreau de Paris

Le 06 Octobre 2011

Le passage de la collaboration à l'installation est souvent le fruit d'une longue réflexion. En effet, réfléchir à son avenir doit rester l'une des préoccupations principales du collaborateur libéral. Il est vrai que celui-ci ne doit pas se contenter d'une situation confortable où il sait qu'il disposera chaque mois de sa rétrocession d'honoraires mais, au contraire, s'interroger et rester vigilant quant à l'évolution de sa propre carrière. L'installation que ce soit par la création de son propre cabinet, seul, avec des confrères ou par la voie de l'association reste la finalité de l'exercice libéral de notre profession. Néanmoins, le passage de la collaboration à l'installation n'est pas toujours évident. Le présent article à vocation à exposer les modalités pratiques à mettre en oeuvre préalablement à l'installation (I) et les difficultés pouvant être rencontrées lors de cette installation (II), enfin il présentera les structures existantes afin d'aider les jeunes avocats dans leur installation (III). En définitive, il n'y a pas une façon de s'installer, chacun doit trouver sa propre formule en fonction de ses diverses expériences professionnelles, de ses compétences, de sa personnalité, et des opportunités pouvant se présenter.

I - Sur les modalités à mettre en oeuvre préalablement à l'installation

A - Sur la réalisation d'un bilan ciblant les compétences

Préalablement à l'installation, il convient d'établir un bilan de compétences afin de définir un véritable projet professionnel qui conditionnera les choix futurs.

Ce bilan de compétences amènera nécessairement toute personne à se poser un certain nombre de questions qui peuvent être les suivantes :

1) La profession d'avocat me convient-elle ?
2) Si oui, ai-je envie de rester sur du long terme dans la profession ? Ou ai-je envie de m'orienter plutôt vers l'entreprise ?
3) En d'autres termes, quel est mon véritable projet professionnel ?
4) Ai-je bien été formé au sein des cabinets dans lesquels j'ai travaillé ?
5) Ai-je acquis une réelle autonomie et un sens des responsabilités me permettant de traiter seul un dossier ?
6) Les matières traitées me conviennent-elles et correspondent-elles à ma formation universitaire ?
7) Quelles sont les matières que je souhaite principalement traiter dans le futur ?
8) Ai-je atteint l'ensemble des objectifs qui m'avaient été fixés ?
9) Quels sont les résultats obtenus sur les divers dossiers traités ?
10) Quelles sont les perspectives d'évolution offertes par le cabinet ?

L'ensemble des réponses apportées à ces questions permettra d'orienter ses choix et d'envisager un changement de cabinet ou une installation.

En cas de décision d'installation, il conviendra d'analyser de manière claire et précise la clientèle personnelle développée au cours des années de collaboration afin de pouvoir avoir déjà une visibilité sur le chiffre d'affaires généré par celle-ci.

B - Sur l'analyse de la clientèle personnelle développée lors du contrat de collaboration

Avant de s'installer, il convient de calculer le chiffre d'affaires généré par la clientèle personnelle de celui constitué des rétrocessions d'honoraires versées par le cabinet durant l'année précédent l'installation. La détermination du chiffre d'affaires permettra de déterminer les conditions d'installation.

Bien évidemment, le chiffre d'affaires qui sera désormais généré par l'installation sera dans un premier temps moindre en comparaison de celui additionné avec les rétrocessions d'honoraires perçues du cabinet, néanmoins, lors des premiers mois d'installation il y a un réel phénomène "d'appel d'air".

Ce phénomène s'explique par la disponibilité nouvelle accordée à sa clientèle personnelle qui favorise la venue de nouveaux clients et une facturation plus en adéquation avec les prestations fournies.

Par ailleurs, il est utile de provisionner le maximum possible afin de pouvoir faire face aux différentes charges professionnelles calculées sur l'exercice n-1 et celles qui seront liées à la nouvelle structure (local professionnel, téléphone, secrétariat...).

Enfin, il est également utile de procéder à l'analyse du type de clientèle traitée ainsi que de celle que l'on souhaite éventuellement cibler dans les prochains mois, et de réfléchir aux modalités à mettre en oeuvre pour y parvenir tel que développer son réseau, se faire connaître et faire savoir à son entourage que l'on s'installe.

En d'autres termes, il faut communiquer sur son installation pour favoriser le développement de la clientèle personnelle déjà captée et celle que l'on souhaiterait capter.

C - Sur le choix du mode d'exercice : installation ou association au sein de la structure ou d'un autre cabinet ?

Le choix du mode d'exercice dépend de la clientèle personnelle développée au cours des années de collaboration, des perspectives d'évolution au sein du cabinet mais également du mode de vie que l'on souhaite adopter dans les années à venir.

Elle peut prendre la forme d'une simple association ou d'une cession gratuite de parts du cabinet en rémunération d'un apport en industrie ou d'une cession à titre onéreux de parts.

Si l'association est plus sécurisante dans la mesure où elle consiste en l'intégration d'une structure existante, celle-ci peut se révéler parfois plus contraignante laissant peu de marges de manoeuvres.

L'installation offre au contraire une liberté dans la gestion et l'organisation de son cabinet. Elle permet donc une plus grande indépendance.

II - Dans le cas d'une installation : sur les difficultés rencontrées lors de cette installation

Les difficultés pouvant être rencontrées lors de l'installation peuvent être multiples et il s'agit de répertorier dans le cadre de cet article celles rencontrées dans la plupart des cas.

A - Sur les difficultés liées au développement insuffisant de la clientèle personnelle pendant le contrat de collaboration

L'une des principales difficultés rencontrées en amont est liée au contrat de collaboration.

Dans certains cas des confrères, qui décident de s'installer, n'ont pu développer leur propre clientèle lors du contrat de collaboration :

- soit en raison de l'impossibilité de pouvoir le faire lors de la collaboration par la surcharge de travail ;
- soit en raison de déconvenues rencontrées au sein de la structure les ayant contraints à la quitter de manière précipitée.

C'est ainsi, que ceux-ci prennent la décision de s'installer en l'absence totale de clientèle personnelle, qu'ils devront nécessairement développer lors de leur installation ce qui ralentira nécessairement le chiffre d'affaires pouvant être généré.

Une autre difficulté apparaît également mais celle-ci n'est pas propre aux confrères ayant pris la décision de s'installer, il s'agit de l'absence de visibilité sur le chiffre d'affaires qui va être généré par la clientèle.

En effet, si la comparaison entre le chiffre d'affaires généré par le versement des rétrocessions d'honoraires et le chiffre d'affaires généré par sa propre clientèle personnelle est possible, il est, en revanche, impossible de quantifier le chiffre d'affaires qui va être réalisé dans les mois suivant l'installation.

B - Sur les difficultés liées au choix du mode d'exercice

Si le choix de s'installer seul permet de réduire les coûts d'exploitation et de gérer son cabinet comme on l'entend, ce mode d'exercice peut révéler certains dangers.

Le premier danger est un isolement puisqu'il s'agit d'un exercice solitaire qui ne permet pas toujours de partager ses réflexions ou ses doutes sur les dossiers.

Or, il est important de pouvoir échanger sur les dossiers que l'on doit traiter, de créer une émulation intellectuelle avec d'autres confrères afin de bénéficier d'une vision différente ou tout simplement de développer un point plus clairement.

L'entourage est, en somme, capital dans le cadre de l'exercice individuel de la profession.

Le manque de disponibilité peut être un danger.

L'exercice individuel suppose aussi une grande disponibilité pour sa clientèle alors même que le jeune avocat ne dispose pas de moyens suffisants lui permettant d'embaucher du personnel afin de gérer le secrétariat.

C'est ainsi que ce mode d'exercice fait perdre un temps considérable dans la mesure où le jeune avocat doit gérer en plus du traitement des dossiers l'ensemble de la partie administrative de son cabinet.

Dans ces conditions, ce mode d'exercice peut entraîner une impossibilité matérielle de suivre des dossiers nécessitant un investissement beaucoup trop important en terme de temps et pouvant mettre en péril l'existence d'une nouvelle structure encore fragile.

Enfin, un autre danger que peut présenter la mise en place d'une telle structure, est celui lié à la santé du jeune avocat notamment dans l'hypothèse d'un accident ou d'une longue maladie, l'empêchant d'exercer et pouvant créer de graves difficultés de gestion de son cabinet et même parfois la perte totale de la clientèle.

C - Sur les difficultés liées au local professionnel

Dans l'optique d'une réduction des coûts d'exploitation le jeune avocat aura tendance à privilégier un bureau contre vacations, ou bien une domiciliation moins coûteuse qu'une location ou sous location de bureau.

Cependant, le système du bureau contre vacation qui semble économique, peut vite se révéler un piège dans le cas où le nombre de vacations peut largement dépasser un certain seuil constituant un frein au développement de la clientèle personnelle.

Dans ces conditions, dans le cadre d'un bureau de vacation il convient de définir expressément le nombre de vacations réglant le loyer fixé également initialement de manière claire et précise.

D - Sur les difficultés liées à l'organisation et à la gestion du cabinet

Le jeune avocat est souvent confronté aux difficultés liées à la facturation de ses honoraires.

En effet, celui-ci doit apprendre à évaluer non seulement le coût de son dossier mais également celui engendré par le cabinet. Il lui appartient donc de faire une estimation juste de manière à ne pas travailler à perte sur un dossier.

Or, bon nombre de jeunes avocats n'ont pas appris dans les structures dans lesquelles ils ont été formés les mécanismes de facturation dans la mesure où la plupart n'avaient pas accès à la facturation du cabinet et s'occupaient essentiellement du traitement des dossiers.

Ainsi, il peut être difficile pour certains jeunes avocats d'apprendre à facturer, d'apprécier la solvabilité de son client, et d'arrêter de travailler sans contrepartie financière.

Dans ces conditions, il appartient au jeune avocat de déterminer le seuil de rentabilité correspondant au niveau du chiffre d'affaires à atteindre pour que le cabinet ne soit pas en perte.

Il lui appartiendra également d'informer son client sur la méthode de calcul choisie pour déterminer ses honoraires en ayant à l'esprit la couverture des frais de fonctionnement du cabinet et de sa rémunération.

III - Sur les structures mises en place afin d'aider les jeunes avocats dans leur installation

Plusieurs structures ont été mises en place par l'Ordre des avocats au barreau de Paris afin d'aider et de favoriser l'installation des jeunes avocats.

- La Pépinière

La Pépinière a été créée par l'Ordre à l'initiative du Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel. Celle-ci a ouvert ses portes le 1er octobre 2009.

Elle a été créée pour les avocats qui ont prêté serment depuis moins de cinq ans.

Elle leur permet de bénéficier durant un temps limité d'une domiciliation et d'un minimum de services annexes indispensables à l'exercice de la profession, dans l'attente d'un contrat de collaboration ou d'un début de clientèle leur permettant de s'installer.

La Pépinière permet de bénéficier essentiellement d'un service courrier et d'un espace de travail meublé, en temps partagé.

L'avocat doit utiliser son propre téléphone mobile et son ordinateur portable. Il se voit attribuer un numéro de fax via mail.

Les photocopieurs et imprimantes collectives sont accessibles par chacun grâce à une carte prépayée.

Chaque avocat dispose d'un casier personnel fermé à clef où il reçoit son courrier, il est personnellement averti par message électronique immédiat de la réception de plis recommandés.

Des avocats honoraires assurent, à titre bénévole, une permanence téléphonique, en vue de conseils relatifs à la pratique professionnelle et à la déontologie.

Les demandes d'inscriptions doivent être envoyées par courrier électronique.

Depuis le mois d'octobre 2010, le conseil de l'Ordre a décidé de créer un Comité d'admission. C'est lui qui décide sur dossiers quels sont les confrères qui doivent en priorité intégrer la Pépinière.

Une fois la candidature acceptée, le contrat est signé auquel est annexé le règlement intérieur.

La Pépinière est situé 11 boulevard Sébastopol dans le 1er arrondissement de Paris.

Les horaires sont du lundi au vendredi de 8 heures à 20 heures et le samedi de 9 heures à 17 heures sauf jours fériés et chômés.

- Le bureau d'aide à la recherche d'une collaboration ou d'une reconversion (BARCOR)

Le bureau d'aide à la recherche d'une collaboration ou d'une reconversion a été créé en 2004 par le service de l'Ordre des avocats.

Ce service est axé sur la recherche d'une collaboration, d'un remplaçant temporaire ou encore d'une vacation. Il reste également à l'écoute des confrères qui rencontrent des difficultés dans leur activité ou souhaitant être aidé dans leur installation.

Une permanence est assurée tous les jeudis de 9 heures à 13 heures et de 14 heures à 17 heures 30.

- L'Union des jeunes avocats (UJA)

L'Union des jeunes avocats a été créée en 1992 pour :

- regrouper les jeunes avocats du barreau parisien, soit inscrits au tableau, soit stagiaires ;
- leur apprendre à se connaître mieux, à s'entraider ;
- étudier les questions corporatives intéressant particulièrement les jeunes ;
- faciliter aux débutants l'exercice de la profession.

Le rôle premier de l'UJA est de défendre les collaborateurs.

L'UJA les aide également à passer de la collaboration à l'installation ou à l'association.

En 1999, à l'initiative d'Yvon Martinet et de Philippe Touzet, l'UJA a crée le "Pack Installation" et les "Permanences installation" afin d'encourager et d'aider les jeunes confrères à se regrouper dans le cadre de la création de leur propre cabinet.

En mai 2004, est paru le Guide de l'installation et de l'association à l'occasion du 60ème Congrès de la FNUJA. Celui-ci a depuis fait l'objet d'actualisation et prodigue de précieux conseils pour ceux qui souhaitent sauter le pas et s'installer.

Il existe également une Commission Installation & Association.

Le 14 octobre 2011 aura lieu la journée du jeune avocat au Palais de Justice de Paris. Cet événement est dédié à la collaboration, la formation, l'installation et/ou l'association et permettra aux personnes désirant s'installer ou déjà installées de rencontrer des interlocuteurs pouvant les conseiller et les aider.


Sources

- Site internet de l'Ordre des Avocats de Paris : www.avocatparis.org

Guide de l'installation et de l'association de l'UJA

- Entretien du 15 septembre 2011 avec Madame Maryla Goldszal coordinatrice du BARCOR

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Droit financier

[Jurisprudence] De la responsabilité des dépositaires et gestionnaires en temps de crise

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 18 mai 2011, n° 08/02503 (N° Lexbase : A3586HRA)

Lecture: 13 min

N7968BSW

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Le 06 Octobre 2011

Si la crise financière produit encore, en 2011, ses effets sur les marchés, elle commence seulement aujourd'hui à émerger véritablement au plan judiciaire, à l'occasion de décisions de justice condamnant certains opérateurs boursiers pour des fautes commises durant la tourmente de l'été 2007. L'arrêt commenté, rendu le 18 mai dernier par la cour d'appel de Paris, renvoie, ainsi, aux "circonstances exceptionnelles" prévues par les dispositions de l'article L. 214-30 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6945IBT), applicables à l'espèce (disposition déplacée à l'article L. 214-8-7 N° Lexbase : L9062IQP par l'ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011, relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et à la modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs N° Lexbase : L8775IQ3), circonstances auxquelles ont été confrontés un dépositaire et un gestionnaire de fonds communs de placement (FCP).
Le 1er octobre 1999, les fondateurs de la société Odyssée Venture (Odyssée), gérant pour le compte de tiers des fonds de capital investissement, concluent un partenariat avec les sociétés Oddo, qui portent sur la gestion et l'administration de fonds communs de placement à caractère innovant (FCPI) et en prévoient la commercialisation. La société Oddo et Cie (Oddo Cie) y est désignée dépositaire des fonds, la société Oddo Asset Management (OAM) en étant gestionnaire. La convention prévoit que ces dernières doivent fournir diverses prestations dans le domaine de la gestion administrative et comptable, la mise à disposition d'outils d'analyse et de gestion de données, l'assistance dans la communication financière et le marketing. Elle établit, par ailleurs, que les gérants d'Odyssée doivent consulter OAM préalablement aux investissements.
Le 25 août 2006, Odyssée dénonce la convention, alors que les FCPI avaient été créés et que leurs "disponibilités" avaient été investies, pour un montant évalué de plus de 63 millions d'euros dans deux FCP monétaires (Oddo cash arbitrage et Oddo cash titrisation) gérés par OAM. A l'occasion de la chute des marchés boursiers, les deux fonds sont liquidés, occasionnant des pertes importantes. Odyssée intente, alors, une action contre les sociétés Oddo, le tribunal de commerce de Paris décidant, par un jugement du 16 janvier 2008 (T. com. Paris, 16 janvier 2008, aff. n° 2007068518 N° Lexbase : A9843HXT), que les allégations de manquement et de non-respect de leur devoir d'information et de conseil par les sociétés Oddo Cie et OAM doivent faire l'objet d'un sursis à statuer, et renvoyant la cause au rôle d'attente. Les motifs avancés étaient que le constat des manquements aux "règles ou à la déontologie des opérations de bourse" était subordonné à la prise d'une autre décision, boursière, celle-là, dans le cadre du recours intenté par Odyssée devant l'Autorité des marchés financiers (AMF).
L'AMF ayant, par deux décisions du 18 juin 2009 (2 décisions AMF du 18 juin 2009 N° Lexbase : L5742IEE et N° Lexbase : L5741IED), reconnu des manquements et prononcé une sanction pécuniaire de 300 000 euros et un avertissement à l'encontre, respectivement, des sociétés OAM et Oddo et Cie, la cour d'appel de Paris décide de recevoir l'appel d'Odyssée.

L'arrêt d'appel, ainsi étayé de la décision de sanction de l'AMF, avait à répondre à des questions portant sur la responsabilité des sociétés Oddo, à raison "de fautes et manquements d'une particulière gravité". A ce titre, les sociétés faisaient l'objet de demandes tendant à reconnaître l'existence de fautes relatives à l'inexécution d'obligations d'information, de conseil et de bonne foi, parallèlement à des manquements strictement boursiers. Ces fautes étant intimement liées le juge aura, en pratique, à examiner, d'abord, la responsabilité relevant des relations entre professionnel et investisseur (I) pour, ensuite, considérer celle qui était encourue au titre des opérations réalisées sur le marché (II).

I - Responsabilité et relations avec l'investisseur

La responsabilité relative aux relations avec l'investisseur renvoie, dans l'arrêt, à des sujétions fort générales, telles les obligations de bonne foi et d'information des investisseurs (A). La question se pose, toutefois, au-delà de l'absence d'exécution de ces obligations, de leur contenu et de leur étendue (B) lorsque l'autre partie présente la qualité d'investisseur averti.

A - Responsabilité relative aux obligations de bonne foi et d'information des investisseurs

Les premiers arguments d'Odyssée concernaient la violation d'obligations d'information par Oddo Cie et OAM, à propos de la gestion des fonds "monétaires", Oddo Cash arbitrage et Oddo cash titrisation, sur lesquels l'investisseur avait placé ses liquidités. Elle soutenait qu'OAM ne lui avait signalé la présence de subprimes dans ces fonds qu'à compter d'un courriel du 6 juillet 2007. Odyssée avait adressé, alors, une lettre recommandée avec accusé de réception le même jour à Oddo Cie, avec la mention suivante : "nos contacts avec OAM ne nous ont pas permis jusqu'à présent d'identifier avec certitude les fonds concernés par la thématique 'subprime'. Nous aurions besoin des conseils d'un spécialiste de la gestion taux, pour arbitrer sans précipitation au sein de la gamme et être certains d'une réelle diversification des stratégies de gestion entre les OPCVM sélectionnés". Cette lettre n'aurait jamais reçu de réponse.

Quant à la faute, ici, il conviendra de souligner que l'appelante semblait se placer sur le terrain de la violation d'une obligation contractuelle, telle que résultant de la convention particulière passée avec le dépositaire et le gestionnaire. Il s'agissait, semble-t-il, de la part d'Odyssée, d'une demande d'expertise en exécution des engagements contractuels pris dans l'accord de participation du 1er octobre 1999. La motivation de l'arrêt, cependant, ne semble pas retenir cette interprétation.

Il relève, en effet, que l'appellation du fonds "cash titrisation" était explicite, mais ne permettait pas de mesurer l'exposition du risque à l'immobilier américain, que l'avertissement adressé par OAM par courriel était "facile à décrypter pour un professionnel" mais qu'il n'y avait aucune indication de la proportion de subprime dans le fonds. Il s'ensuivait, alors, que la connaissance, par Odyssée, du fonctionnement des marchés financiers n'excusait : ni "la teneur ambiguë du message [le courriel], ni le défaut de réponse au courrier du 6 juillet [la lettre recommandée]".

Ainsi isolé, l'argument relatif au courrier du 6 juillet 2007 pourrait prêter le flanc à la critique. Il suffit, en effet, de rappeler que l'accord de participation du 1er octobre 1999 avait été dénoncé par Odyssée le 25 août 2006, soit un an avant la crise et, qu'en conséquence, sa demande, ainsi libellée : "Nous aurions besoin des conseils d'un spécialiste de la gestion taux, pour arbitrer sans précipitation" en référait, implicitement, à l'exécution d'un accord qu'elle avait elle-même dénoncé.

La cour d'appel de Paris contourne, toutefois, cet obstacle en replaçant l'inexécution des obligations dans un cadre plus général soulignant, pour étayer le constat de la faute, qu'en dépit de la dénonciation de l'accord de participation, "ces sociétés [Oddo] restaient débitrices des obligations résultant de la réglementation des marchés financiers et de l'obligation générale de bonne foi afférentes à ces qualités ; que les décisions d'investissement relevaient [d'Odyssée], mais qu'elles devaient être éclairées" (nous soulignons). Ainsi, lui est-il possible de constater la faute, au motif que les comportements des intimés étaient constitutifs de "manquements par OAM et Oddo et Cie à leurs obligations de bonne foi et d'information des investisseurs".

On mesure, de la sorte, que la réponse à la demande, tout en se plaçant dans un registre institutionnel, à savoir les obligations résultant du statut professionnel des sociétés Oddo, demeure imprégnée de fait, comme si la mention que les "décisions [...] devaient être éclairées" en référait à la persistance d'un devoir d'assistance dû a un ancien partenaire.

En pratique, cependant, cette interprétation, n'aura aucune conséquence puisque le juge, en dépit du constat de la faute, rejette la responsabilité des deux sociétés Oddo en décidant que le lien de causalité avec le préjudice allégué n'était pas suffisamment démontré. Odyssée, selon lui, avait été alertée du risque nouveau encouru, et n'en avait pas tiré les conséquences utiles, alors qu'il "était encore temps de le faire" en raison des très faibles pertes qui auraient pu être enregistrées si elle avait liquidé ses parts au 6 juillet 2007.

B - Responsabilité et étendue des obligations de bonne foi et d'information des investisseurs

Ce raisonnement trouve, toutefois, une forme de justification -factuelle- dans la gestion hasardeuse des deux fonds litigieux par les intimés, avant cette date fatidique du 6 juillet 2007. Il s'avère, en effet, que l'AMF avait établi, qu'entre le 5 mars 2007 et le 5 juillet 2007, un autre fonds, "Oddo Cash", particulièrement exposé aux risques d'actifs toxiques, avait transféré lesdits actifs dans Oddo cash arbitrage et Oddo cash titrisation. L'AMF, dans ses deux décisions du 18 juin 2009, devait relever, par ailleurs, que ces deux fonds, présentés comme étant "dynamiques", faisaient partie d'une gamme où figurait un fonds classique sans que leur politique de gestion en soit distinguée, et qu'ils avaient été commercialisés sans qu'une explication "claire" du risque ait été fournie.

Odyssée soutenait, donc, qu'OAM et Oddo Cie devaient être déclarées responsables pour non-respect des intérêts des porteurs de fonds, en raison du transfert d'actifs toxiques du fonds Oddo cash vers les deux fonds "dynamiques". Cette demande, toutefois, portait sur deux volets, car Odyssée s'appuyait sur la décision de l'AMF qui avait elle-même développé, de façon très significative, des arguments relatifs au défaut d'information des investisseurs.

Sur cette partie des griefs, il s'avère que seul Oddo Cie sera mise en cause par la cour d'appel. S'appuyant sur la décision de sanction de l'AMF, elle rappelle, en effet, que l'Autorité avait mis en avant la substance de son règlement général, la synthèse des textes applicables en la matière permettant d'établir, d'après elle, que "les informations utiles sont communiquées au mandant afin de lui permettre de confier la gestion de ses actifs ou de prendre une décision d'investissement ou de désinvestissement en toute connaissance de cause". La cour d'appel, de constater, alors, l'existence d'une obligation de continuité de l'information, et d'ajouter que le "devoir d'information et de conseil comporte la mise en garde contre les risques encourus".

Rappelant, au surplus, les exigences de cohérence et d'exhaustivité quant aux règles de publicité concernant les OPCVM, elle relèvera, de la part d'Oddo Cie, le manque d'information sur l'exposition au risque, que n'aurait pu compenser la qualité de professionnel d'Odyssée et l'absence de précision sur la nature toxique des créances titrisées. Elle soulignera, enfin, que le site internet d'Oddo n'évoquait pas l'exposition des fonds aux subprimes, et que, tandis que les analystes d'Oddo mettaient en garde contre cette même exposition, les sociétés transféraient les actifs toxiques d'un fonds à un autre sans en avertir les investisseurs.

Le juge reprend, alors, une partie de ses arguments précédents relatifs au défaut d'information en décidant que : "dans un tel contexte, le défaut de réponse, par [Oddo Cie et OAM] à la lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2007 demandant des informations sur le niveau de subprime dans les fonds était un manquement supplémentaire et grave à l'obligation d'information et de bonne foi dus à tout investisseur, indépendamment d'une éventuelle obligation renforcée" (nous soulignons).

Ainsi la cour ne se place plus, ici, dans le cadre de la violation d'une obligation résultant de la convention de 1999, "l'obligation d'information et de bonne foi" étant, cette fois, explicitement analysée au regard des infractions à la réglementation boursière. Ce point est patent lorsqu'elle précise que cette "obligation" est celle qui est due "à tout investisseur", et que le manquement est "supplémentaire", c'est-à-dire qu'il s'ajoute à celui que les sociétés Oddo auraient commis à l'occasion de leurs relations avec Odyssée.

La présentation qui est faite, ainsi, de la responsabilité née de manquements à l'information appelle, alors, deux remarques.

La première tient au constat que le raisonnement fondé sur la violation d'obligations d'information, essentiellement conçues pour protéger l'investisseur non-professionnel semble peu adapté, en l'espèce, pour apprécier la responsabilité d'Oddo Cie à l'égard d'Odyssée. Le juge, il est vrai, rappelle expressément les compétences d'Odyssée en matière boursière, mais il n'en tire aucune conséquence quant à l'intensité des obligations inexécutées et/ou des manquements constatés. Un doute subsiste, de la sorte, quant à savoir si l'utilisation du terme "tout investisseur" renvoie à un champ d'obligation d'information minimal que le professionnel devrait à son client, quel que soit son degré d'expertise, ou s'il vise à étendre, dans certains cas (qui resteraient, alors, à déterminer) cette information lorsque la technicité de l'investissement le rend nécessaire.

La seconde remarque, c'est que l'incertitude précédente s'accroît lorsque la cour d'appel termine son considérant en mentionnant " une éventuelle obligation renforcée" (nous soulignons) : s'agirait-il ainsi de souligner qu'entre un professionnel et un investisseur avisé, l'obligation pourrait "éventuellement" être renforcée (à moins que le terme ne renvoie aux obligations de l'accord de partenariat de 1999) ? En toute hypothèse le récipiendaire d'une information ne peut produire de preuve négative : celle de n'avoir pas été informé. C'est donc, logiquement, à celui sur qui pèse le devoir d'information d'établir la preuve positive qu'il a bien rempli son obligation.

II - Responsabilité et opérations sur le marché

Dans l'appréciation de la responsabilité née des opérations sur le marché, les fondements permettant de constater la faute présentent, par comparaison, davantage de solidité, car s'appuyant sur la violation de textes de la réglementation boursière. Indépendamment des contingences liées à l'appréciation de la faute contractuelle, la cour d'appel, en effet, s'appuie explicitement sur des textes pour établir la responsabilité liée, d'une part, au non-respect des intérêts des porteurs de fonds (A) et, d'autre part, à l'inexécution des ordres de rachat (B).

A - Opérations sur le marché et respect des intérêts des porteurs de fonds

C'est au motif de la violation des articles L. 533-11 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3085HZB) -l'arrêt mentionne de manière erronée l'article L. 539-11- et 314-3 du règlement général de l'AMF , qui établissent le principe du respect des intérêts des porteurs des fonds, que l'arrêt va établir la faute d'OAM, la responsabilité de cette dernière étant seule mise en jeu en raison de sa qualité de gestionnaire.

Le juge s'appuie, pour ce faire, sur le constat, opéré par l'AMF et rapporté dans sa décision de sanction, de la méconnaissance du principe précité. Ce dernier s'établissait, en l'espèce, de la vente des produits de titrisation liés au marché immobilier américain aux deux fonds litigieux, et de la réalisation de ces opérations sans recourir au marché, ce qui avait conduit à les garder secrètes. Il ressortait, enfin, de la "localisation" corrélative de certains profits exceptionnels dans le fonds Oddo cash, au détriment des autres. Cette dernière circonstance constituait, selon le juge, une méconnaissance caractérisée du respect des intérêts des porteurs de chacun des fonds : l'ensemble des opérations réalisées par OAM était, ainsi, commis : "en violation tant des règles du marché que de l'obligation générale de bonne foi"

La faute ainsi démontrée, le juge s'en rapporte au lien de causalité, constatant que les fautes commises avaient eu un effet direct sur la baisse de valeur des actifs des fonds litigieux. Il ajoutera, par ailleurs, que la collusion entre Oddo Cie et OAM était établie par les constatations de l'AMF, les opérations fautives ayant débuté juste après une réunion du comité des risques exceptionnels, le 5 mars 2007, et, que jusqu'au 27 juillet de la même année, certains dirigeants, personnes physiques et sociétés Oddo avaient retiré, par rachats, 76 % des sommes qu'ils avaient investies dans les deux fonds.

B - Absence d'exécution des ordres de rachat et préjudice

La mise en jeu de la responsabilité pour la non-exécution des ordres de rachat procède du même raisonnement, le juge faisant reposer la faute sur la violation des articles L. 214-30 du Code de marchés financiers qui prévoit que les ordres de rachat passés par l'investisseur "peuvent être suspendus à titre provisoire par la société de gestion quand des circonstances exceptionnelles l'exigent et si l'intérêt des porteurs de parts le commande, dans des conditions fixées par le règlement du fonds".

En l'espèce, il s'avère, qu'à la suite de publications alarmantes sur le site Oddo, Odyssée avait adressé à OAM, les 25 et 26 juillet 2007, dans des délais qui imposaient leur exécution le jour même, des ordres de rachat de ses parts des fonds Oddo cash arbitrage et Oddo cash titrisation, ainsi que la souscription au fonds Oddo cash qui était, lui, dépourvu de risques liés à la crise. Ces ordres ne seront, cependant, jamais exécutés, OAM invoquant, pour se justifier, l'existence de "circonstances exceptionnelles" prévues à l'article L. 214-30 précité, circonstances qui l'avaient contrainte à suspendre les rachats de parts. Elle précisera que cette décision de suspension "immédiate" avait été annoncée par un communiqué du 27 juillet dans l'après-midi, lequel indiquait que la décision de suspension avait été prise par OAM le 26 juillet.

Le juge, toutefois, rejette toute possibilité pour OAM de se retrancher derrière cette notion de "circonstance exceptionnelle", constatant que la société pouvait, soit procéder à une suspension du rachat des parts provisoire, soit à une suspension définitive pour fermeture, mais "avec effet seulement après que l'annonce eut été rendue publique, même en cas de circonstances exceptionnelles". Il estime que, dès lors, c'était de manière fautive qu'elle avait procédé de manière rétroactive à une suspension définitive pour "fermeture" des fonds, en n'exécutant pas des ordres donnés avant la publication de sa décision et, au surplus, avant que ladite décision ait été prise.

Il s'avère, toutefois, que sur l'appréciation du préjudice subi, ce défaut d'exécution des ordres, n'avait eu que peu de conséquences, la situation, selon les termes même de l'arrêt, étant, au 26 juillet 2007, "très obérée", au point que, même si les ordres avaient été exécutés, le différentiel de perte eut été faible. L'essentiel du dommage, comme le souligne clairement la rédaction, résultait du défaut d'information et, notamment, du défaut de réponse à la lettre du 6 juillet 2007, "date à laquelle il était encore temps d'agir". Elle découlait, également, d'une gestion fautive des fonds litigieux, la situation ayant été aggravée par les opérations effectuées, en toute connaissance de cause, par M. Philippe O. et la SAS Oddo.

La responsabilité ainsi établie revient, on le mesure, à rattacher le préjudice à la violation des obligations d'information par le dépositaire et le gestionnaire. Le volet relatif aux fautes réalisées lors des opérations sur le marché a, quant à lui, pour seul effet de mettre en jeu la responsabilité des personnes physiques et morales qui avaient fait baisser la valeur liquidative des fonds litigieux. La responsabilité de tous les intervenants à l'affaire étant établie, il restait à la Cour d'appel à examiner d'éventuelles causes d'exonération.

Sur ce dernier point, le juge va apprécier les fautes d'Odyssée avec la même intransigeance que celle dont il avait fait preuve à l'encontre du dépositaire et du gestionnaire. Il relève, ainsi, que la société avait participé à son propre préjudice en opérant des choix néfastes, ayant pris l'option d'une liquidation immédiate en dépit du risque de décote considérable encouru, alors qu'elle aurait pu limiter considérablement ses pertes si elle était demeurée investie (la valeur liquidative d'un des deux fonds étant remontée de 174,93 % en deux an et demi). Par ailleurs, les magistrats parisiens vont estimer que, même si Odyssée avait pu "agir à temps", il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas enregistré d'autres pertes, en raison de la répercussion de la crise sur l'ensemble du marché boursier.

C'est par ces motifs que la cour d'appel condamne solidairement les sociétés OAM, Oddo Cie, et Philippe Oddo SAS à payer à Odyssée les sommes de 10 500 000 euros et 1 200 000 euros de dommages-intérêts pour les comptes de FCPI mentionnés dans ses conclusions gérés par elle, et 2 500 000 en réparation de son préjudice propre. Quant au préjudice commercial d'image et de manque à gagner, sur les commissions, la Cour l'évaluera globalement à 2 500 000 euros.

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Divorce

[Chronique] Chronique de droit patrimonial du divorce - Octobre 2011

Lecture: 13 min

N7999BS3

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par Marjorie Brusorio-Aillaud, Maître de conférences à l'Université du Sud Toulon-Var

Le 02 Novembre 2011

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualités en droit patrimonial du divorce réalisée par Marjorie Brusorio-Aillaud, Maître de conférences à l'Université du Sud Toulon-Var. Au sommaire de cette nouvelle chronique, l'auteur a sélectionné deux arrêts d'appel rendus respectivement par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et la cour d'appel de Limoges, à propos de l'attribution de dommages et intérêts dans le cadre de divorces prononcés aux torts exclusifs de l'époux condamné. Dans le premier arrêt, très largement médiatisé, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infligé une sanction de 10 000 euros au mari qui refusait d'avoir des relations sexuelles (CA Aix-en-Provence, 6ème ch., sect. B, 3 mai 2011, n° 09/05752) ; dans le second, les juges ont retenu une sanction de 1 000 euros à l'encontre du mari qui avait abandonné sa femme et ses cinq enfants (CA Limoges, 5 septembre 2011, n° 10/01524).
  • Quelles sanctions pour le mari qui refuse d'avoir des relations sexuelles ? (CA Aix-en-Provence, 6ème ch., sect. B, 3 mai 2011, n° 09/05752 N° Lexbase : A9988HX9)

La cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 3 mai 2011, a prononcé le divorce aux torts exclusifs d'un mari et a condamné celui-ci à verser 10 000 euros de dommages et intérêts, à l'épouse, pour absence de relations sexuelles pendant plusieurs années. Que le divorce ait été prononcé aux torts exclusifs de l'époux peut paraître sévère mais peut se justifier. L'attribution des dommages et intérêts, et surtout leur montant assez élevé, appellent davantage de remarques.

En l'espèce, le couple s'était marié en 1986 et avait eu deux enfants, en 1990 et 1991. En 2007, l'épouse a demandé le divorce. En 2009, le juge aux affaires familiales de Nice a prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari et a condamné ce dernier, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), à verser à son épouse 10 000 euros, à titre de dommages et intérêts. L'époux a interjeté appel de cette décision mais les magistrats Aixois ont confirmé le premier jugement, en mai 2011.

Chacun sait que les époux s'unissent "pour le meilleur et pour le pire", c'est-à-dire, d'un point de vue juridique, que le mariage entraîne des droits et des devoirs. Selon l'article 215 du Code civil (N° Lexbase : L2383ABU), les époux s'obligent à une communauté de vie. Or, cette dernière implique une communauté de toit (l'obligation de cohabitation) et une communauté de lit (le devoir conjugal). Cette communauté de vie, et notamment le devoir conjugal, est justifiée par le fait que l'un des buts du mariage est la procréation. Elle a pour corollaire le devoir de fidélité lequel, en imposant aux conjoints de ne pas avoir de relations sexuelles avec des tiers, permet à l'article 312 du Code civil (N° Lexbase : L8883G9U) de présumer que l'enfant né d'une femme mariée a pour père le mari.

Si elle en est l'un des buts, la procréation n'est pas une condition du mariage (sinon les mariages posthumes ou in extremis n'existeraient pas). L'inaptitude de l'un des conjoints à procréer ne constitue pas une faute, cause de divorce (1) (elle peut seulement être invoquée pour demander la nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles de la personne, C. civ., art. 180 N° Lexbase : L1359HI8) (2). Le refus d'avoir des relations sexuelles, en revanche, peut aboutir au prononcé d'un divorce pour faute. La jurisprudence l'admet depuis longtemps (3). En 1996, par exemple, dans une affaire où une épouse, qui prétendait être dépressive, refusait d'avoir des relations sexuelles avec son conjoint, la cour d'appel d'Amiens a jugé que s'il était admissible de refuser des relations sexuelles à son conjoint pendant quelques semaines, cela ne l'était plus quand le refus s'était installé pendant plus d'une année et qu'il n'était pas prévu d'y mettre fin un jour. Il s'agissait, selon les magistrats, d'une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune et justifiant que le divorce fût prononcé aux torts de la femme (4).

Dans l'affaire soumise à la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'épouse ne se plaignait pas de ne pas avoir d'enfants (le couple en avait eu deux, une fille puis un garçon, nés à 17 mois d'écart). Elle reprochait "seulement" à son mari de refuser d'avoir des relations sexuelles, et ce depuis plusieurs années.

Comme le JAF, la cour d'appel a estimé que le comportement de l'époux constituait une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations nés du mariage et rendait intolérable le maintien de la vie commune, conditions imposées par l'article 242 du Code civil (N° Lexbase : L2795DZK) pour qu'un divorce pour faute puisse être prononcé. Les magistrats ont retenu que le mari ne contestait pas l'absence de relations sexuelles, considérant qu'elles s'étaient simplement espacées au fil du temps en raison de ses problèmes de santé et d'une fatigue chronique générée par ses horaires de travail. Ils ont estimé qu'il ressortait "des éléments de la cause que la quasi absence de relations sexuelles pendant plusieurs années, certes avec des reprises ponctuelles, a[vait] contribué à la dégradation des rapports entre époux. Il s'avèr[ait], en effet, que les attentes de l'épouse étaient légitimes dans la mesure où les rapports sexuels entre époux sont notamment l'expression de l'affection qu'ils se portent mutuellement, tandis qu'ils s'inscrivent dans la continuité [des] devoirs découlant du mariage. Il s'avèr[ait] enfin que [l'époux] ne justifi[ait] pas de problèmes de santé le mettant dans l'incapacité totale d'avoir des relations intimes avec son épouse". L'époux n'avait pas respecté son devoir conjugal alors que l'épouse, de son côté, semblait irréprochable. "Il y a[vait] donc lieu de confirmer la décision du premier juge de ce chef".

Depuis la réforme de mai 2004, les causes et les conséquences du divorce sont dissociées. Le prononcé d'un divorce aux torts exclusifs d'un époux n'entraîne pas automatiquement l'attribution de dommages et intérêts pour l'autre. Le conjoint "non fautif" doit formuler une demande spécifique en ce sens. Deux textes peuvent être invoqués : l'article 266 (N° Lexbase : L2833DZX) et l'article 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) du Code civil. Selon le premier de ces textes : "Sans préjudice de l'application de l'article 270 (relatif à la prestation compensatoire), des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint". D'après le second article, pilier de la responsabilité civile délictuelle : "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer".

Alors que l'article 266 est limité à certains conjoints et à certains préjudices, l'article 1382 du Code civil est ouvert à tous les conjoints et applicables à tous les préjudices. Ainsi, indépendamment du divorce et de ses sanctions propres, et lorsque les faits reprochés ne peuvent pas être qualifiés de "conséquences d'une particulière gravité" (c'est à dire qui excèdent celles habituelles affectant toute personne se trouvant dans la même situation (5)), l'époux qui invoque un préjudice étranger à celui résultant de la rupture du lien conjugal peut demander réparation à son conjoint, dans les conditions de droit commun (6). A par exemple pu obtenir des dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, l'épouse qui a démontré les conditions particulièrement injurieuses ayant entouré la rupture du lien matrimonial et issues de la liaison adultère publiquement affichée par son mari, ainsi que les coups et blessures qu'il lui avait portés (7). Put également obtenir 5 000 euros, en invoquant ce texte, le mari qui a découvert que son épouse l'avait trompé et que l'enfant qu'il pensait être le sien était en réalité celui d'un autre (8)

Dans l'affaire commentée, le fait, pour le mari, d'avoir refusé pendant plusieurs années d'avoir des rapports sexuels constituait évidement un manquement au respect de son devoir conjugal et, donc, une faute. Cela avait eu pour conséquence de priver l'épouse de toutes relations sexuelles (sauf à commettre un adultère) alors que, selon les juges du fond, il s'agit d'une "attente légitime dans la mesure où les rapports sexuels entre époux sont notamment l'expression de l'affection qu'ils se portent mutuellement". L'épouse avait donc subi un préjudice, et celui-ci était distinct du divorce. Les conditions nécessaires pour l'application de l'article 1382 du Code civil étaient bien réunies. Le mari pouvait être condamné à verser des dommages et intérêts à l'épouse.

La faute cause de divorce, au sens de l'article 242 du Code civil, la faute génératrice de responsabilité civile, au sens de l'article 1382 du même code, et la fixation du montant des dommages et intérêts relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond. Si, dans cette espèce, le comportement du mari pouvait parfaitement être qualifié de fautif et entraîner l'application de ces deux articles, le montant des dommages et intérêts, en revanche, peut paraître élevé.

Si l'on compare rapidement cette décision avec celle rendue le 23 mars 2011, dans laquelle un mari trompé a obtenu 5 000 euros de dommages et intérêts (9), on peut conclure qu'avoir des relations sexuelles, et un enfant, avec un tiers revient moins cher (5 000 euros) que de ne pas avoir de relations avec son conjoint (10 000 euros). Le non-respect du devoir de fidélité est moins sanctionné que le non-respect du devoir conjugal. Il est "plus avantageux", lors d'un divorce, d'avoir eu un mari abstinent qu'un mari infidèle.

Cependant, si cela est plus avantageux, c'est aussi plus difficile à prouver. En effet, l'adultère, qui implique un tiers et a généralement lieu hors du foyer, est plus aisé à démontrer que l'abstinence, qui relève de l'intimité du couple. En l'espèce, l'épouse, dans son "malheur", a finalement eu la "chance" d'avoir épousé un homme de bonne foi. Elle n'aurait probablement rien obtenu, ni divorce pour faute ni dommages et intérêts (et, s'agissant de questions de faits, il est fort probable que la Cour de cassation rejette un éventuel pourvoi), si son mari avait déclaré qu'il avait toujours assumé son devoir conjugal ou, pire, que c'était son épouse qui s'était refusée à lui.

La bonne foi entre époux, lors d'un divorce, étant beaucoup moins fréquente (et conseillée !) que la mauvaise, il est probable qu'une telle solution reste isolée.

  • Quelle sanction pour le mari qui abandonne sa femme et ses cinq enfants ? (CA Limoges, 5 septembre 2011, n° 10/01524 N° Lexbase : A5545HXN)

La cour d'appel de Limoges, dans un arrêt rendu le 5 septembre 2011, a prononcé un divorce aux torts exclusifs du mari et a condamné celui-ci à verser 1 000 euros de dommages et intérêts à l'épouse, pour abandon du foyer. Contrairement à la première affaire, il est parfaitement logique que le divorce ait été prononcé aux torts exclusifs de l'époux et, cette fois, c'est le faible montant des dommages et intérêts qui peut surprendre.

En l'espèce, un couple s'est marié en 1979, a eu cinq enfants (tous devenus majeurs) et s'est séparé en 2002. En 2008, l'époux a introduit, pour la seconde fois, une procédure en divorce sur le fondement de l'altération définitive du lien conjugal. L'épouse a alors formé une demande reconventionnelle en divorce pour faute et sollicité l'attribution de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 266 du Code civil. En 2010, le JAF de Limoges a prononcé le divorce aux torts partagés, débouté l'épouse de sa demande de dommages et intérêts et, constatant l'impécuniosité du père, dispensé ce dernier de contribuer à l'éducation du plus jeune des enfants.

L'épouse a interjeté appel contre cette décision. Elle reprochait à son mari de l'avoir abandonnée avec leurs cinq enfants, en 2002, et de ne plus s'être préoccupé d'eux, la laissant seule faire face à leur éducation. L'époux, de son côté, soutenait qu'à la suite de profonds désaccords sur l'éducation des enfants et la gestion des finances du ménage, il avait été contraint de se soumettre aux choix de vie de son épouse ou de partir. C'était alors d'un commun accord qu'il avait quitté le domicile conjugal, sans toutefois abandonner sa famille à laquelle il avait expédié des mandats, alors qu'il disposait de revenus modestes.

Les magistrats de la cour d'appel ont retenu :

- que l'époux ne démontrait pas qu'il avait quitté le domicile conjugal en accord avec son épouse, à la suite de divergences entre eux sur les choix de vie et d'éducation ;
- que celui-ci n'avait rien versé à son épouse pendant deux ans, entre 2002 et 2004, et que les envois ultérieurs, modestes et irréguliers (50 euros en 2004, 300 euros en 2005, 1 120 euros et un colis de vêtements en 2006 et, depuis qu'il avait introduit la procédure, en 2008-2009, la somme totale de 1 400 euros), ne pouvaient constituer la contribution aux charges du mariage ainsi qu'à l'entretien et l'éducation des enfants imposés par la loi ;
- que l'épouse avait dû, pendant plusieurs années, assumer et gérer seule, sans aucun soutien moral et affectif, alors qu'elle a rencontré des problèmes de santé, l'éducation des cinq enfants du couple, dont quatre garçons qui étaient en pré-adolescence et adolescence, et les mener à l'âge adulte. Elle avait ainsi dû sacrifier sa vie personnelle et l'espoir d'occuper un emploi, tandis que le père était parti sans donner de nouvelles pendant deux ans.

Ils en ont conclu :

- que l'abandon, par le mari, du domicile conjugal et de la famille qu'il a fondée était démontré et fautif et que le divorce devait être prononcé aux torts exclusifs de celui-ci ;
- qu'il y avait lieu d'attribuer à l'épouse 1 000 euros dommages et intérêts, en application de l'article 266 du Code civil.

Comme dans l'affaire soumise à la cour d'appel d'Aix-en-Provence, la faute du mari était prouvée et l'épouse semblait irréprochable. Même s'il ne rend pas "intolérable le maintien de la vie commune" (puisque, justement, il y met un terme), l'abandon du domicile conjugal fait partie "des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage", selon les termes de l'article 242 du Code civil, qui permettent régulièrement aux juge du fond de prononcer des divorces aux torts exclusifs "du fuyard". En l'espèce, donc, le prononcé du divorce aux torts exclusifs du mari n'est pas surprenant.

L'attribution des dommages et intérêts, en revanche, appelle quelques remarques.

L'article 266 du Code civil dispose que "des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint". Les conséquences sont considérées comme d'une particulière gravité, selon les juges du fond, lorsqu'elles excèdent celles affectant habituellement toute personne se trouvant dans la même situation (10).

Il a par exemple été décidé, en application de ce texte, que ne suffisait pas à caractériser des conséquences d'une particulière gravité, justifiant la condamnation de l'ex-époux à verser 15 000 euros de dommages et intérêts, le fait que celui-ci ait quitté son épouse après 39 ans de mariage, dans des conditions difficiles et en recherchant une nouvelle compagne (11). De même, en janvier dernier, dans une affaire où une épouse demandait 5 000 euros de dommages et intérêts en faisant valoir que l'inconduite de son mari, qui l'avait abandonnée après 42 ans de mariage, alors qu'elle était âgée de 70 ans, en la laissant seule et désemparée, entraînait pour elle des conséquences d'une particulière gravité, les juges ont relevé que la séparation du couple après tant d'années de mariage constituait probablement une épreuve difficile mais que la preuve des conséquences d'une particulière gravité subies du fait de la dissolution du mariage n'était pas établie (12).

Dans l'affaire commentée, l'épouse avait subi un préjudice. Cela était incontestable. Cependant, celui-ci résultait de l'abandon du domicile par son mari, dès 2002, et non de la dissolution du mariage, en 2010. L'épouse devait obtenir réparation, mais pas en application de l'article 266 du Code civil. Elle aurait dû fonder sa demande sur l'article 1382 du Code civil en invoquant, par exemple, un préjudice résultant d'un abandon moral et financier. Elle aurait même pu n'invoquer aucun fondement, la Cour de cassation ayant décidé, dans une affaire où les juges du fond avaient accordé 11 000 euros de dommages et intérêts sans indiquer s'ils s'étaient fondés sur l'article 266 ou 1382 du Code civil, qu'"qu'ayant réparé le préjudice causé par le comportement fautif invoqué par Mme X, résultant de son abandon moral et financier après 15 ans de mariage par son mari, parti s'installer avec une autre femme, la cour d'appel a nécessairement statué sur le fondement de l'article 1382 du Code civil" (13).

Il semble que la cour d'appel de Limoges ait voulu trouver un compromis : ne pas laisser l'épouse sans réparation (et le mari sans sanction), sans pour autant accorder une somme trop importante dès lors que, en principe, dans de telles affaires, les demandes de dommages et intérêts sont rejetées.

Cependant, 1 000 euros de dommages et intérêts pour, selon la cour d'appel, avoir dû assumer et gérer seule, sans aucun soutien moral et affectif, alors qu'elle a rencontré des problèmes de santé, l'éducation des cinq enfants, dont quatre garçons qui étaient en pré-adolescence et adolescence, et les mener à l'âge adulte, tandis que le père était parti sans donner de nouvelles pendant deux ans, cela paraît peu. Certes, les moyens financiers de l'époux étaient peu élevés. Celui-ci a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale pour son divorce et a été dispensé de contribuer à l'éducation du plus jeune de ses enfants. Cependant, la fixation du montant des dommages et intérêts ne doit pas dépendre du patrimoine du fautif ni, d'ailleurs, de la gravité de sa faute, mais de l'importance du préjudice subi.

Le montant des dommages et intérêts est le seul élément que les parties -et le public en général- gardent en mémoire. Une comparaison rapide des deux décisions relevées dans cette chronique permet de conclure qu'il revient moins cher d'abandonner son épouse avec cinq enfants (1 000 euros) que de rester avec elle en refusant d'avoir des relations sexuelles (10 000 euros).


(1) CA Versailles, 12 janvier 1995, n° 8888/93 (N° Lexbase : A1674HYN).
(2) TGI Avranche, 10 juillet 1973, D. 1974, Jurisp. p. 174.
(3) Cass. civ. 2, 8 octobre 1970, Bull. civ. II, n° 238.
(4) CA Amiens, 28 février 1996.
(5) CA Paris, 24ème ch., sect. C, 15 janvier 2009, n° 07/21971 (N° Lexbase : A2018ED4), D., 2010, Pan. 1243.
(6) Cass. civ. 1, 24 janvier 1990, n° 87-17.785 (N° Lexbase : A9891AAL), Bull. civ. I, n° 21.
(7) Cass. civ. 1, 22 mars 2005, n° 04-11.942, F-P+B (N° Lexbase : A4275DHS), Bull. civ. I, n° 143.
(8) Cass. civ. 1, 23 mars 2011, n° 10-17.153 (N° Lexbase : A7764HIE).
(9) Cass. civ. 1, 23 mars 2011, n° 10-17.153, préc..
(10) CA Paris, 24ème ch., sect. C, 15 janvier 2009, n° 07/21971 (N° Lexbase : A2018ED4), D., 2010, Pan. 1243.
(11) Cass. civ. 1, 1er juillet 2009, n° 08-17.825, FS-P+B (N° Lexbase : A5897EIA), Bull. civ. I, n° 145.
(12) Cass. civ. 1, 26 janvier 2011, n° 10-15.688, F-D (N° Lexbase : A8590GQ9).
(13) Cass. civ. 1, 23 janvier 2007, n° 06-11.502, F-D (N° Lexbase : A6948DTI).

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Droit pénal fiscal

[Chronique] Chronique de droit pénal fiscal - Octobre 2011

Lecture: 12 min

N7973BS4

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par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise et Avocat

Le 05 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en droit pénal fiscal réalisée par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise et avocat. Dans le cadre de cette chronique, notre auteur reviendra sur trois décisions : la première, rendue par le Conseil d'Etat, concerne la question de la solidarité de paiement de l'impôt fraudé et des pénalités y afférentes dans le cadre d'une fraude. En effet, le Conseil d'Etat vient de refuser de renvoyer devant le Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 1745 du CGI (CE 8° et 3° s-s-r. 13 juillet 2011, n° 346743, mentionné aux tables du recueil Lebon). La deuxième décision est rendue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, en matière de douane. Le plus haut degré de juridiction de l'ordre judiciaire refuse aussi de transférer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Cette question portait sur la conformité des articles 392-1 et 418 du Code des douanes qui instaurent, dans certains cas, une présomption simple de fraude, ceci ayant pour effet de renverser la charge de la preuve (Cass. crim., 1er juin 2011, n° 11-90.024, F-D). Enfin, la troisième décision étudiée par notre auteur a été rendue par la cour administrative d'appel de Nantes. Celle-ci rejette le moyen tiré de l'existence d'une procédure de remise et de réduction gracieuse des pénalités fiscales pour fonder la non-conformité de l'article 1728 du CGI à la CESDH et à la DDHC (CAA Nantes, 1ère ch., 26 juillet 2011, n° 10NT02488, inédit au recueil Lebon).
  • QPC : le Conseil d'Etat refuse de renvoyer devant le Conseil constitutionnel la question portant sur la solidarité de paiement de l'impôt fraudé et des pénalités y afférentes dans le cadre d'une fraude (CE 8° et 3° s-s-r. 13 juillet 2011, n° 346743, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0302HW4)

Le Conseil d'Etat, dans sa décision du 13 juillet 2011, vient de refuser de renvoyer devant le Conseil constitutionnel une question portant sur l'article 1745 du CGI (N° Lexbase : L1736HNM) concernant la solidarité de paiement des impôts fraudés et des pénalités en matière de fraude fiscale. Aux termes de l'article 1745 du CGI : "tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive prononcée en application des articles 1741 (N° Lexbase : L1670IPK), 1742 (N° Lexbase : L1734HNK) ou 1743 (N° Lexbase : L3101IQW) peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes". Il est rappelé que la solidarité prévue par l'article 1745 est une mesure pénale prononcée par le juge répressif. En l'espèce, le contribuable avait été condamné comme complice d'un délit de fraude fiscale. Le juge répressif avait prononcé la solidarité du gérant et le Conseil d'Etat rappelle également qu'il était seul compétent pour décider s'il y a lieu de le déclarer solidairement tenue au paiement de l'impôt fraudé et des pénalités fiscales correspondantes. C'est la raison pour laquelle la Haute juridiction refuse de renvoyer devant le Conseil constitutionnel la QPC relative à l'article 1745 car, si le débiteur solidaire est recevable à contester la procédure et le bien-fondé des impositions mises à la charge du redevable principal, il ne peut utilement contester devant le juge de l'impôt le principe ou l'étendue de la solidarité qui lui a été assignée par la juridiction pénale en vertu de l'article 1745 du CGI.

Dans une précédente chronique (lire nos obs., Chronique de droit pénal fiscal - Mai 2011 N° Lexbase : N2888BSR) nous avions eu l'occasion de commenter une décision de la Cour de cassation qui venait de préciser que la demande d'un contribuable de saisir le Conseil constitutionnel sur la question de la conformité de l'article 1745 du CGI au principe de personnalisation des peines qui découle des dispositions de l'article 8 de la Déclaration du 26 août 1789 (N° Lexbase : L1372A9P), n'est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux. Dans son arrêt du 6 avril 2011, la Cour de cassation avait précisé que cette mesure n'avait pas un caractère obligatoire et qu'ainsi, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce, le juge n'était pas tenu de prononcer la solidarité. Il n'y avait donc pas lieu de renvoyer cette question devant le Conseil constitutionnel (Cass. crim., 6 avril 2011, n° 10-87.634, F-D N° Lexbase : A6905HN3). Rappelons que les personnes tenues par la solidarité édictée par l'article 1745 du CGI sont tous les auteurs, coauteurs ou complices d'une même infraction qui ne sont pas le redevable légal de l'impôt fraudé. En effet, la solidarité ne peut affecter la situation du redevable légal qui, par application des règles propres au droit fiscal, demeure tenu au paiement total des impôts fraudés et des pénalités qui sont la conséquence de cette fraude. Par ailleurs, lorsque le redevable légal de l'impôt fraudé est une personne morale, la Cour de cassation a jugé que la solidarité n'est encourue par le dirigeant poursuivi pénalement que dans la mesure où ce dernier avait la direction de la société au sein de laquelle la fraude fiscale a été perpétrée (Cass. crim., 6 avril 1987, n° 85-96.581 N° Lexbase : A0042AAS).

Il appartient donc au juge répressif d'apprécier souverainement s'il y a lieu d'ordonner la solidarité, pour le paiement de l'impôt fraudé et des pénalités fiscales y afférentes, entre le redevable légal de l'impôt et les personnes qui ont été condamnées, comme auteur ou comme complice, par application des articles 1741, 1742 et 1743 du CGI (Cass. crim., 22 décembre 1986, n° 85-91.140 N° Lexbase : A6784AAI ; Cass. crim., 10 juin 1987, n° 86-94.488 N° Lexbase : A8419AA3 ; Cass. crim., 16 novembre 1992, n° 91-83.504, inédit au Bulletin N° Lexbase : A4277CUX ; CAA Versailles, 3ème ch., 8 novembre 2005, n° 04VE01914, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9468DLA).

  • QPC : la Cour de cassation refuse de renvoyer au Conseil constitutionnel la question portant sur les articles 392-1 et 418 du Code des douanes, instaurant une présomption simple de fraude dans certains cas (Cass. crim., 1er juin 2011, n° 11-90.024, F-D N° Lexbase : A4439HXP)

La charge de la preuve est un problème essentiel en droit. Au regard des difficultés d'établissement de la preuve rencontrées par les services chargés de constations des faits, le législateur a mis en place, afin de défendre les intérêts supérieurs de la société, de véritables présomptions de responsabilité ou de culpabilité. Il s'agit d'une atteinte relativement choquante au principe fondamental de présomption d'innocence qui doit bénéficier à tout mis en cause. Il s'agit, en fait, de procéder à un renversement de la charge de la preuve, puisque la personne poursuivie doit apporter la preuve de son innocence. Il convient de souligner que la Cour européenne des droits de l'Homme n'a pas condamné ce type de présomption mais elle les contrôle de manière étroite. En effet, aux termes mêmes de l'article 6 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), il convient de limiter raisonnablement ces présomptions en prenant en compte la gravité de l'enjeu et en préservant les droits de la défense. La Cour européenne a précisé que sa tâche "consiste à rechercher si le texte mettant en oeuvre une présomption a été appliqué au requérant d'une manière compatible avec la présomption d'innocence" (CEDH 7 octobre 1988, Req. 14/1987/137/191 N° Lexbase : A6478AWT ; CEDH 25 septembre 1992, Req. 66/1991/318/390 N° Lexbase : A6527AWN). Le Conseil constitutionnel a également tranché en faveur de cette catégorie de présomption en considérant "qu'en principe, le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive, toutefois de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas un caractère irréfragable" et que soit assuré le respect des droits de la défense. Il faut enfin que les faits induisent, par eux-mêmes, la vraisemblance de l'imputabilité (Cons. const., 16 juin 1999, n° 99-411 DC N° Lexbase : A8780AC8). La Cour de cassation a eu l'occasion d'adopter dans des termes similaires la position de la Cour européenne (Cass. crim., 10 février 1992, n° 91-80.216, inédit N° Lexbase : A6525CQQ).

L'objet de la présomption légale permet de considérer comme avérée l'existence de l'élément matériel et de son imputation à une personne considérée comme auteur. La personne mise en cause doit alors renverser la présomption. Dans l'affaire qui nous occupe, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l'occasion de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 16 février 2011, dans le cadre d'une procédure suivie, du chef de contrebande de marchandises prohibées. Il était demandé à la cour d'appel d'ordonner le renvoi de la procédure devant la Cour de cassation afin qu'il soit statué sur la constitutionnalité des dispositions des articles 392.1 (N° Lexbase : L0999ANC) et 419 (N° Lexbase : L1025ANB) du Code des douanes qui, selon le requérant, portent atteinte à la présomption d'innocence.

Aux termes de l'article 392-1 du Code des douanes, il ressort que "le détenteur de marchandises de fraude est réputé responsable de la fraude. Par ailleurs, selon l'article 419 du même code certaines marchandises [il s agit de celles visées aux articles 2 ter, 215, 215 bis et 215 ter concernant essentiellement les marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité, la moralité publique ou encore de marchandises contrefaites] sont réputées avoir été importées en contrebande à défaut soit de justification d'origine, soit de présentation de l'un des documents prévus par ces mêmes articles ou si les documents présentés sont faux, inexacts, incomplets ou non applicables". L'article 419-3 précise que "lorsqu'ils auront eu connaissance que celui qui leur a délivré les justifications d'origine ne pouvait le faire valablement ou que celui qui leur a vendu, cédé, échangé ou confié les marchandises n'était pas en mesure de justifier de leur détention régulière, les détenteurs et transporteurs seront condamnés aux mêmes peines et les marchandises seront saisies et confisquées dans les mêmes conditions que ci-dessus, quelles que soient les justifications qui auront pu être produites".

Après avoir rappelé que ces textes n'ont pas fait l'objet d'une déclaration de conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de l'une des décisions rendues par celui-ci, il a été jugé que les articles 392-1 et 419 du Code des douanes n'instituent que des présomptions simples, justifiées par la nature particulière des infractions douanières et reposant sur une vraisemblance raisonnable, l'imputabilité des faits étant appréciée, dans chaque cas, par une juridiction. Il a donc été décidé que la question posée ne présente pas un caractère sérieux et qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

  • Rejet du moyen tiré de l'existence d'une procédure de remise et de réduction gracieuse des pénalités fiscales pour fonder la non-conformité de l'article 1728 du CGI à la CESDH et à la DDHC (CAA Nantes, 1ère ch., 26 juillet 2011, n° 10NT02488, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4846HXR)

Le principe de l'individualisation des peines est invoqué dans de nombreux contentieux. Ce principe a été rattaché explicitement à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, par une décision du 22 juillet 2005 (Cons. const., 22 juillet 2005, n° 2005-520 DC N° Lexbase : A1641DKY) à propos du "plaider-coupable" (loi n° 2005-847 du 26 juillet 2005, précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité N° Lexbase : L8805G9Y). Ce principe qui découle du principe de nécessité des peines avait déjà été mentionné par le Conseil constitutionnel dans une décision relative à la loi portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d'assises (Cons. const., 27 juillet 1978, n° 78-97 DC N° Lexbase : A7977ACG ; également Cons. const., 20 janvier 1981, n° 80-127 DC N° Lexbase : A8028ACC). Le Conseil constitutionnel avait repris, en les adaptant aux sanctions fiscales, les motifs déjà retenus antérieurement (Cons. const., 9 août 2007, n° 2007-554 DC N° Lexbase : A6394DX4) à propos des "peines-planchers" prévues par la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 N° Lexbase : L1390HY7). Il avait été souligné que le principe d'individualisation des peines ne saurait faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions. A ce stade, il convient de souligner que le Conseil constitutionnel retient, pour l'application des normes constitutionnelles, la même grille d'analyse que celle mise en oeuvre par le Conseil d'Etat pour juger qu'au regard de la question de la modulation des peines en fonction de la gravité de l'infraction, la loi ne méconnaît pas les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, que ce soit pour la pénalité de l'article 1729 du CGI (N° Lexbase : L4733ICB) (CE 8° et 9° s-s-r., avis, 8 juillet 1998, n° 195664, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9122AHC, RJF, 8-9/98, n° 970, concl. J. Arrighi de Casanova) ou la pénalité pour défaut ou retard de déclaration de l'article 1728 du CGI (N° Lexbase : L1715HNT) (CE 9° et 10° s-s-r., 8 mars 2002, n° 224304, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2610AYC, RJF, 6/02, n° 671, concl. G. Goulard, BDCF, 6/02, n° 82). En effet, les motifs de ces décisions sont, dans leur essence, identiques à ceux retenus par le Conseil d'Etat.

Dans la décision commentée, la requête du contribuable consistait à demander d'annuler le jugement du 12 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant notamment à la décharge des pénalités dont ont été assorties les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004, conformément à l'article 1728 du CGI. Aux termes de cet article, dans sa rédaction applicable aux impositions contestées : "1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %. [...] 3. La majoration visée au 1 est portée à : 40 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai". Par ailleurs, il ressort qu'aux termes de l'article L. 247 du LPF (N° Lexbase : L1531IPE) : "l'administration peut accorder sur la demande du contribuable : [...] 2° Des remises totales ou partielles d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives ; 3° Par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives". Selon l'article R. 247-4 du même livre (N° Lexbase : L3301AEY), dans sa rédaction applicable au litige : "sauf en matière de contributions indirectes, la décision sur les demandes des contribuables tendant à obtenir une modération, remise ou transaction appartient : a) Au directeur chargé d'une direction des services fiscaux ou au directeur chargé d'un service à compétence nationale ou d'une direction spécialisée pour les affaires relatives à des impositions établies à l'initiative des agents placés sous son autorité, lorsque les sommes faisant l'objet de la demande n'excèdent pas 150 000 euros par cote, exercice ou affaire, selon la nature des impôts ; b) Au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, après avis du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes, dans les autres cas".

En l'espèce, le contribuable ayant été mis en demeure de déposer ses déclarations d'impôt sur le revenu (modèle n° 2042), les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004 ont été assorties de la majoration de 40 %, prévue au 3 de l'article 1728 du CGI. Au-delà de deux réclamations contentieuses introduites auprès du directeur des services fiscaux, le contribuable a présenté, sur le fondement des dispositions de l'article L. 247 du LPF, une demande de remise gracieuse de cette majoration, à laquelle il a été favorablement répondu par le ministre, après avis du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes, dans le cadre d'une transaction ayant été proposée au contribuable, qui l'a refusée. Ce dernier interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans, saisi à la suite du rejet partiel de ses réclamations contentieuses, a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités litigieuses.

Indépendamment des moyens tendant à obtenir la communication de l'avis par lequel le comité du contentieux fiscal, douanier et des changes s'était prononcé sur l'opportunité d'une remise gracieuse des pénalités, le contribuable invoquait l'incompatibilité de la majoration de 40 % prévue au 3 de l'article 1728 du CGI avec les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment de l'impossibilité pour le juge de moduler ladite majoration. La cour administrative d'appel précise, dans un premier temps, que l'existence du pouvoir gracieux de l'administration d'accorder sur la demande du contribuable, en application de l'article L. 247 du LPF, par voie de transaction, une atténuation de la majoration litigieuse ne révèle pas, par elle-même, une telle incompatibilité. Elle rappelle, par ailleurs, que, selon la décision du Conseil constitutionnel en date du 17 mars 2011 (Cons. const., décision n° 2010-105 QPC du 17 mars 2011 N° Lexbase : A8914HC7), les dispositions du deuxième alinéa du 3 de l'article 1728 du CGI, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006, sont conformes à la Constitution. Par conséquent, le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte au principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ne peut en aucun cas être invoqué.

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Électoral

[Doctrine] Panorama de l'actualité du droit électoral de l'année 2011

Lecture: 15 min

N7956BSH

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par Guy Prunier, Chargé de mission au ministère de l'Intérieur

Le 20 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous invite à lire, cette semaine, le panorama de l'actualité du droit électoral de l'année 2011 rédigé par Guy Prunier, Chargé de mission au ministère de l'Intérieur. En effet, depuis un an, l'actualité électorale s'est vue considérablement accélérée du fait de l'adoption de nombreux textes en cette matière. Ainsi, une douzaine de lois ou lois organiques ont modifié ou contribué à modifier avec une ampleur variable les textes en vigueur. Les domaines concernés par ces réformes et sur lesquels reviendra le panorama sont, notamment, les nouveaux régimes électoraux, le régime des inéligibilités, le déroulement des campagnes électorales, ou encore la transparence financière de la vie politique. I - Les nouveaux régimes électoraux

Le mandat de conseiller territorial

Non sans tribulations, la loi n° 2010-1563 du 10 décembre 2010, de réforme des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9056INQ), a créé un nouveau mandat local. L'idée générale tendant à la réduction du nombre des élus locaux a conduit à la fusion d'un mandat unique de conseiller territorial, membre à la fois du conseil général, assemblée du département, et du conseil régional, assemblée de la région, les deux collectivités étant maintenues distinctes. Du point de vue électoral, si initialement un régime mixte, combinant le système majoritaire dans les cantons ruraux et proportionnel dans les cantons urbains, avait été envisagé, il a finalement été abandonné au profit du maintien du régime majoritaire à deux tours dans le cadre du canton.

Les dispositions électorales de la loi précitée, laquelle concerne surtout le fonctionnement des assemblées intéressées, se résument aux articles 1 à 4, qui renvoient globalement aux articles L. 190 (N° Lexbase : L2470AAQ) et suivants du Code électoral relatifs aux élections cantonales. En apparence donc, le texte ne fait guère montre de changement. Toutefois, l'article 6 de la loi, et c'est là que réside l'innovation principale, fixe le nombre d'élus désignés par département et par région. La même personne siégeant dans les deux assemblées, le nombre des membres du conseil régional est donc la somme du nombre de membres siégeant dans chacun des départements de la région.

Ce système comporte trois exceptions :

- les conseillers territoriaux élus dans le département de Paris ne siègeront qu'au conseil régional, le Conseil de Paris exerçant déjà les attributions d'un conseil général ;
- l'assemblée de Corse, ou l'élu dans une circonscription unique constituée des deux départements insulaires échappe, également, à la règle commune, ce qui induit mécaniquement que le régime électoral des deux conseils généraux de Corse (département de Corse du Sud de Haute-Corse) n'est pas modifié ;
- sont, également, exclus, outre-mer, les départements et régions de Guyane et de Martinique, dont l'évolution statutaire était déjà entamée (cf. infra).

Cette réforme comporte une conséquence concrète très contraignante qui est la fixation du nombre de sièges par départements et régions, et, par voie de conséquence, pour un scrutin uninominal majoritaire maintenu, un redécoupage de la carte cantonale.

Le Conseil constitutionnel avait déjà eu l'occasion de préciser sa doctrine en matière de redécoupage de circonscriptions électorales, notamment législatives. Apparemment, elle n'a pas été suffisamment assimilée puisque le tableau joint au projet de loi a fait l'objet d'une annulation (Cons. const., décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010 N° Lexbase : A7110GMB), au motif d'une trop grande discordance dans la répartition des sièges, eu égard aux données démographiques de référence. Les pouvoirs publics ont été contraints de modifier ce tableau des effectifs pour compenser rapidement cette annulation. Trop rapidement sans doute, car le nouveau tableau a été annulé pour une raison de pure procédure (Cons. const., décision n° 2011-632 DC, du 23 juin 2011 N° Lexbase : A2992HUD). Le Conseil constitutionnel a, en effet, considéré que la fixation des effectifs des assemblées locales, par son objet même, ressortissait à l'organisation des collectivités territoriales au sens de l'article 27 de la Constitution (N° Lexbase : L0853AH3). Par conséquent, le Sénat aurait dû examiner en priorité ce texte, et non l'Assemblée nationale. Il a finalement été remédié à cette erreur de procédure et le tableau définitif a été adopté, non sans susciter une troisième décision du juge constitutionnel, cette fois-ci dans le sens d'une conformité à la loi fondamentale (Cons. const., décision n° 2011-634 DC du 21 juillet 2011 N° Lexbase : A0625HW3).

L'élection de députés par les Français établis hors de France

L'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009, relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France (N° Lexbase : L6024IET) a introduit dans le Code électoral un livre III détaillant les dispositions spécifiques applicables à ces élections. Il restait à la ratifier, ce qui a été fait, non sans quelques modifications de détail, par la loi organique n° 2011-411 du 14 avril 2011, ratifiant l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009, relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France (N° Lexbase : L9797IPK). L'on rappellera que onze sièges de députés sont, ainsi, concernés.

La loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011, relative à l'élection des députés et sénateurs (N° Lexbase : L9796IPI), prévoit une modification de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976, relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la république (N° Lexbase : L7711AIG), pour déterminer les règles du droit d'option des citoyens inscrits à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale municipale. Le principe du droit d'option, initialement ouvert pour la seule élection présidentielle, est, ainsi, étendu aux élections législatives et, d'une manière générale, à l'ensemble des scrutins se déroulant à la fois sur le territoire national et à l'étranger.

Au niveau réglementaire, le livre III du Code électoral a été inséré par le décret n° 2011-843 du 15 juillet 2011, relatif à l'élection de députés par les Français établis hors de France (N° Lexbase : L7626IQI).

Les représentants au Parlement européen

La loi n° 2011-575 du 26 mai 2011, relative à l'élection des représentants au Parlement européen (N° Lexbase : L3682IQG), règle la procédure d'attribution, en cours de mandat, de deux sièges supplémentaires au Parlement européen dont pourrait disposer la France, au terme d'une procédure de répartition des effectifs, engagée mais non achevée, menée au niveau communautaire. Il s'agit donc d'une disposition provisoire mais qui, accessoirement, modifie le régime électoral des députés européens.

Lors de l'instauration des élections européennes en 1977, le territoire de la République constituait une circonscription unique et les Français résidant hors de France étaient invités à prendre part au scrutin dans les conditions prévues pour l'élection présidentielle (cf. la loi n° 76-97, précitée). La réforme résultant de la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003, relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques (N° Lexbase : L6496BH3), avait supprimé cette possibilité par l'instauration de huit circonscriptions électorales regroupant, pour la plupart, un ensemble de régions. La loi de 2011 rétablit partiellement la situation antérieure, au prix d'une innovation particulière : les suffrages exprimés à l'étranger sont inclus dans ceux de la circonscription Ile-de-France.

Les régimes électoraux d'outre-mer

La départementalisation de Mayotte, opérée via les lois du 7 décembre 2010, relative au département de Mayotte, organique n° 2010-1486 (N° Lexbase : L8568INN) et ordinaire n° 2010-1487 (N° Lexbase : L8569INP), comporte le bénéfice non négligeable de la simplification : Mayotte se trouvera, au terme d'une courte période transitoire de 2011 à 2014, redevable du droit commun des assemblées régionales et départementales. En d'autres termes, le régime des conseillers territoriaux s'appliquera à Mayotte en 2014. La seule particularité subsistant du régime antérieur est l'existence d'une campagne audiovisuelle officielle, les articles du Code électoral qui l'encadraient n'ayant pas été abrogés (C. élect., art. L. 462 N° Lexbase : L9418IN7, II à V).

La Polynésie française, comme c'est son lot depuis plusieurs années, a fait, également, l'objet d'une réforme statutaire par la loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011, relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française (N° Lexbase : L8879IQW). Du point de vue électoral, la modification porte, notamment, sur l'existence d'un redécoupage. La Polynésie française, antérieurement répartie en six circonscriptions, devient une circonscription unique dotée de huit sections. Ce système de sections constitue la transposition au contexte local du régime électoral des actuels conseillers régionaux, eux aussi distribués en sections départementales à l'intérieur d'une même région (C. élect., article L. 338 N° Lexbase : L2482AA8).

Ce système est repris pour les dernières modifications statutaires qui concernent les assemblées de Guyane et de Martinique par les lois du 27 juillet 2011, organique n° 2011-883 (N° Lexbase : L8276IQL) et n° 2011-884 (N° Lexbase : L8277IQM). Une assemblée unique gère la collectivité qui succède au département et à la région, respectivement de Guyane et de Martinique. Le modèle suivi est celui de l'Assemblée de Corse. Ces dispositions sont regroupées dans un nouveau livre VI bis du Code électoral, dont les dispositions d'application sont encore attendues.

II - Les autres innovations intervenues dans le domaine électoral

En parallèle à ces modifications, déjà de grande ampleur, s'ajoutent une série de mesures de portée inégale figurant dans trois textes, tous datés du 14 avril 2011, dont il a déjà été incidemment question :

- la loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011, relative à l'élection des députés et sénateurs (N° Lexbase : L9796IPI) ;
- la loi n° 2011-411, ratifiant l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 (N° Lexbase : L9797IPK) ;
- la loi n° 2011-412, portant simplification de dispositions du Code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique (N° Lexbase : L9798IPL).

Ces textes portent sur les points suivants.

Le régime des inéligibilités

Les premiers textes intervenus en la matière n'ont apparemment pas un objet électoral : il s'agit des lois du 29 mars 2011, relatives au Défenseur des droits, ordinaire n° 2011-334 (N° Lexbase : L8917IPX) et organique n° 2011-333 (N° Lexbase : L8916IPW). Toutefois, le titulaire de cette fonction est rendu inéligible à tout mandat électoral, disposition qui a donné lieu à une décision intéressante du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2011-628 DC, du 12 avril 2011). En vertu de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 (N° Lexbase : L1370A9M), les dispositions relatives aux inéligibilités sont d'application stricte : une inéligibilité "ne saurait valoir pour l'ensemble du territoire national que de manière expresse".

L'âge pour se présenter aux élections législatives a été ramené de vingt-trois à dix-huit ans. Désormais, toute personne qui, à la date du premier tour de scrutin, remplit les conditions pour être électeur et n'entre dans aucun des cas d'inéligibilité peut être élue à l'Assemblée nationale (C. élect., art. LO. 127 N° Lexbase : L3720IQT), ce qui était la règle pour les élection locales par l'effet de la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000, relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (N° Lexbase : L0376AIR). Cette harmonisation s'applique mécaniquement à l'élection présidentielle, le II de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, relative à l'élection du Président de la République (N° Lexbase : L5341AGW), renvoyant expressément à l'article LO. 127. Il en va de même pour l'élection des représentants au Parlement européen, le renvoi résultant de l'article 5 de la loi n° 77-729, relative à l'élection des représentants au Parlement européen (N° Lexbase : L7791AIE).

Par le même texte, l'âge d'éligibilité au Sénat a été abaissé de trente à vingt-quatre ans, après avoir été ramené de trente-cinq à trente ans par la loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003, portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat (N° Lexbase : L7965GT8). Subsiste donc une tradition parlementaire bien établie remontant aux débuts de la IIIème République et réservant à la Chambre haute un âge d'éligibilité plus élevé.

Les textes précités procèdent à une actualisation importante des règles d'inéligibilités des fonctionnaires de l'Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics au mandat parlementaire, qui font l'objet d'une liste actualisée figurant à l'article L.O. 132 du Code électoral (N° Lexbase : L3715IQN). Sont inéligibles en France, dans toute circonscription comprise en tout ou partie dans le ressort dans lequel ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins d'un an à la date du scrutin, les titulaires de nombreuses fonctions locales de responsabilité.

Si la période d'inéligibilité de trois ans est maintenue pour les préfets, elle est ramenée à une période uniforme d'un an pour les autres fonctions, au lieu d'osciller entre un an et six mois, comme c'est le cas encore pour les élections locales (cf. par exemple, C. élect., art. L. 195 N° Lexbase : L2553AAS et L. 196 N° Lexbase : L2555AAU). Par ailleurs, ces inéligibilités sont adaptées au cas particulier des candidatures à l'étranger, tant pour l'élection de députés (C. élect., art. LO. 329 N° Lexbase : L3714IQM) que des sénateurs représentant les Français établis hors de France (loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983, relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France, art. 2 N° Lexbase : L1872G8T). Ces adaptations sont rendues nécessaires par l'absence de fonctions de responsabilités locales comparables à celles des services déconcentrés ou décentralisés.

Quelque autres modifications mineures sont également introduites

Le régime du contrôle des candidatures pour les élections législatives est modifié : il appartient désormais au candidat de saisir le tribunal administratif en cas de refus d'enregistrement pour cause d'inéligibilité, et non plus au préfet, qui devait surseoir à l'enregistrement et saisir le tribunal administratif (disposition applicable, par renvoi, pour les élections sénatoriales).

Les règles relatives au cumul des mandats sont modifiées à l'article L.O. 151 du Code électoral (N° Lexbase : L3729IQ8) : à défaut d'exercice du droit d'option entre plusieurs mandats dans le délai légal imparti, le mandat local acquis à la date la plus ancienne prend fin de plein droit.

Le déroulement des campagnes électorales

La loi transcrit dans le Code électoral des interdictions dégagées au fil du temps par le juge électoral : le nouvel article L. 48-1 (N° Lexbase : L9881IPN) prévoit, ainsi, que toutes les interdictions et restrictions prévues par le code en matière de propagande sont applicables à tout message ayant le caractère de propagande électorale diffusée par tout moyen de communication au public par voie électronique. Le nouvel article L. 48-2 du même code (N° Lexbase : L9882IPP) interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'auraient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne. Ces dispositions font entrer dans le Code électoral des jurisprudences bien connues (voir CE, 2° et 6° s-s-r., 29 décembre 1993, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1642AN7, et CE, 9° et 10° s-s-r., 9 mai 2005, n° 273435, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2181DIM).

L'article L. 49 (N° Lexbase : L9940IPT) interdit, désormais, à partir de la veille du scrutin à zéro heure, et non plus le jour du scrutin, la distribution des bulletins, de circulaires ou d'autres documents. Un nouvel article L. 49-1 (N° Lexbase : L9885IPS) interdit dans la même période de faire procéder à des appels téléphoniques en série en direction des électeurs afin de les inviter à voter pour un candidat (pratique dite du "phoning").

La période de prohibition de l'utilisation à des fins de propagande de tout procédé de publicité commerciale par voie de presse ou de tout moyen de communication audiovisuelle est interdite, passe de trois à six mois précédant le premier jour du mois où l'élection est acquise (C. élect., art. L. 52-2 N° Lexbase : L9657GQQ). Ce délai est, ainsi, désormais aligné sur celui figurant au deuxième alinéa de l'article L. 52-1 (N° Lexbase : L9941IPU), relatif à l'interdiction des campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité.

Par compensation, la distribution de tracts n'est plus désormais formellement interdite. Si cette modification de l'article L. 165 du Code électoral (N° Lexbase : L9944IPY) met le droit en conformité avec la pratique des campagnes électorales, l'on peut, néanmoins, s'interroger sur le sens du maintien des autres interdictions : en effet, la diffusion et l'impression des circulaires du candidat, en dehors de celles de sa propagande officielle, demeurent non seulement interdites mais susceptibles de sanctions pénales. Enfin, la rédaction de l'article L. 51 du Code électoral modifié (N° Lexbase : L9942IPW) autorise, de manière implicite, l'affichage politique sur les panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe sur la commune.

La transparence financière de la vie politique

Le chapitre II de la loi précitée n° 2011-412 complète la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, relative à la transparence financière de la vie politique (N° Lexbase : L8358AGN). Elle permet d'enrichir les informations qui doivent être fournies à la Commission pour la transparence financière de la vie politique et crée une nouvelle incrimination à l'encontre des personnes assujetties à l'obligation de dépôt de déclaration de situation patrimoniale auprès de la commission, si ces personnes se rendent coupables d'une déclaration volontairement partielle ou mensongère.

Ainsi, le fait, pour un élu, d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou d'en fournir une évaluation mensongère est puni de 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, de l'interdiction des droits civiques et de l'interdiction d'exercer une fonction publique. Tout manquement aux obligations de dépôt de la déclaration de patrimoine est puni de 15 000 euros d'amende.

Le financement des campagnes électorales

S'agissant des campagnes aux élections sénatoriales, la loi précitée n° 2011-412 étend, à partir de 2014, à l'élection de sénateurs, les dispositions sur le financement des campagnes actuellement applicables aux députés. L'article 12 de ce même texte prévoit que soient jointes à la déclaration de candidature les pièces de nature à prouver que le candidat a procédé à la désignation d'un mandataire financier afin de limiter les rejets, par la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, des comptes de candidats qui n'auraient pas désigné de mandataires. Les modalités de contrôle et de sanction de la commission sont modifiées. La présentation d'un compte de campagne n'est plus nécessaire si le candidat ou la liste a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, et s'il n'a pas bénéficié de dons de personnes physiques selon les modalités prévues à l'article 200 du Code général des impôts (N° Lexbase : L4921IQC).

En application du nouvel article L. 52-11-1 du Code électoral (N° Lexbase : L9948IP7), dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision de la commission concernant ce dernier peut désormais réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités. En matière contentieuse, le juge électoral, lorsqu'il constatera que la commission n'a pas statué à bon droit, fixera lui-même dans sa décision le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. Cette évolution de la législation épargnera aux candidats de devoir saisir à nouveau la commission pour la fixation du remboursement à l'issue de la décision du juge électoral.

L'article 13 de la loi met en place un dispositif spécifique de "droit au compte bancaire" pour les mandataires personnes physiques d'un candidat. Inspiré du droit commun applicable aux particuliers, cette disposition permettra à un mandataire financier d'un candidat qui n'a pu ouvrir de compte dans un établissement bancaire afin de respecter les dispositions du Code électoral, de saisir la Banque de France qui devra désigner un établissement chargé d'ouvrir un compte pour ce mandataire financier.

S'agissant de la notion bonne foi, le nouvel article L.O. 136-1 du Code électoral (N° Lexbase : L3724IQY) étend aux députés un dispositif qui était jusqu'à présent réservé aux seuls candidats aux élections locales en vertu de l'article L. 118-3 du même code (N° Lexbase : L9959IPK). Risque donc de se voir déclarer inéligible, d'une part, le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales et, d'autre part, le candidat qui a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin.

Le législateur est allé au-delà d'une simple harmonisation : il a, en effet, instauré un dispositif de sanction plus sévère. Si le candidat peut bénéficier plus largement de l'indulgence du juge, le régime de la sanction, si elle est prononcée, est aggravé : non seulement la durée maximale de l'inéligibilité est portée d'un an à trois ans (elle est donc modulée en fonction de l'appréciation du juge), mais elle concerne, désormais, tous les scrutins et plus seulement le seul mandat pour lequel le candidat a été rendu inéligible.

Cette innovation législative a été l'occasion d'une décision juridictionnelle dans une année qui en a été plutôt avare, eu égard à l'ampleur de l'activité législative qui vient d'être évoquée. On se souvient en effet que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait rejeté le compte d'un candidat tête de liste aux élections régionales d'Ile-de-France. En conséquence, elle avait saisi le Conseil d'Etat aux fins d'une déclaration d'inéligibilité pour une durée d'un an, comme le prévoyait l'article L. 118-3, alors en vigueur (N° Lexbase : L2510AA9). Toutefois, le candidat avait contesté la conformité à la Constitution de ce qu'il considérait comme une sanction automatique. Le Conseil constitutionnel ne l'a pas suivi sur ce terrain, comme en témoigne sa décision n° 2011-117 QPC du 8 avril 2011 (N° Lexbase : A5887HMY) : "les dispositions législatives relatives au financement des dépenses électorales des candidats aux élections régionales sont conformes à la Constitution". Cependant, entre-temps, les dispositions applicables ont été modifiées dans le sens qui vient d'être rappelé et le candidat en a bénéficié : il n'est pas déclaré inéligible, même si son compte de campagne reste rejeté (CE, Ass., 4 juillet 2011, n° 338033, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6336HU9) (1).


(1) Lire Elections régionales d'Ile-de-France : un rejet du compte de campagne qui n'entraîne pas nécessairement inéligibilité - Questions à Jean-Louis Vasseur, avocat à la Cour, Cabinet Seban Associés (N° Lexbase : N7192BS8), Lexbase Hebdo n° 211 du 27 juillet 2011 - édition publique.  

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] A propos du droit d'affichage et de diffusion des communications syndicales à l'intérieur de l'entreprise : question d'égalité ou de légalité ?

Réf. : Cass. soc., 21 septembre 2011, jonction, n° 10-19.017 et n° 10-23.247, FS-P+B (N° Lexbase : A9598HXR)

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N7962BSP

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 06 Octobre 2011

C'est peu dire que la réforme de la démocratie sociale intervenue en 2008 a bouleversé les rapports de force entre syndicats dans l'entreprise en favorisant l'émergence de nouvelles organisations mais aussi en renvoyant hors du champ de la représentativité des syndicats qui, depuis 1982, tiraient leur force essentiellement de leur affiliation. Pour aider les syndicats à entrer pleinement dans la nouvelle logique électorale, la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (N° Lexbase : L7392IAZ) a doté certains syndicats non représentatifs de prérogatives nouvelles, singulièrement pour leur permettre de participer activement au processus électoral, élargissant le bénéfice de droits jusque là réservés aux seules organisations représentatives. La création de syndicats "du troisième type" dotés de prérogatives non négligeables n'est pas sans faire difficulté lorsqu'il s'agit d'appliquer d'accords collectifs relatifs à l'exercice du droit syndical conclus à une époque où les syndicats non représentatifs ne bénéficiaient d'aucune prérogative significative dans l'entreprise. Très logiquement, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère, dans un arrêt rendu le 21 septembre 2011, que ces accords ne peuvent conduire au maintien d'une condition de représentativité qui ne figurerait plus dans le Code du travail (I). Si la solution doit être pleinement approuvée, le détour par le principe d'égalité ne nous semble pas s'imposer, seule la légalité particulière du bénéfice de ces prérogatives étant en cause (II).
Résumé

L'affichage et la diffusion des communications syndicales à l'intérieur de l'entreprise étant liés à la constitution par les organisations syndicales d'une section syndicale, laquelle n'est pas subordonnée à une condition de représentativité, les dispositions d'une convention ou d'un accord collectif visant à faciliter la communication des organisations syndicales ne peuvent, sans porter atteinte au principe d'égalité, être limitées aux seuls syndicats représentatifs et doivent bénéficier à tous les syndicats qui ont constitué une section syndicale.

Commentaire

I - Le respect des prérogatives reconnues à certains syndicats non représentatifs

Réforme de la démocratie sociale. L'adoption, le 20 août 2008, de la réforme de la démocratie sociale a considérablement bouleversé le paysage syndical en modifiant les critères de la représentativité syndicale, toutes les organisations devant désormais faire leur preuve devant les électeurs pour prétendre bénéficier du précieux sésame (1).

En contrepartie de cette nouvelle exigence qui menace, en raison du seuil d'audience fixé à 10 % des suffrages exprimés, certaines organisations syndicales qui bénéficiaient jusqu'à présent de la présomption de représentativité en raison de leur affiliation, la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 a ouvert l'accès au processus électoral à des syndicats n'ayant pas atteint ce score mais qui souhaiteraient tenter leur chance aux prochaines élections, dès lors qu'ils sont affiliés à une confédération syndicale représentative sur le plan national et interprofessionnel ou qu'ils ont une ancienneté de deux ans, respectent les valeurs républicaines et sont indépendants de l'employeur.

Les organisations syndicales non représentatives qui remplissent l'un de ces deux conditions peuvent ainsi créer une section syndicale d'entreprise (2), désigner dans ce cadre un représentant de la section syndicale (3), participer à la négociation du protocole préélectoral (4) et présenter des listes au premier tour des élections professionnelles (5).

Difficultés d'application. L'insertion de la réforme dans l'ordre juridique existant ne s'est pas faite sans difficultés. Sans évoquer ici la question (difficile) de la période transitoire, on soulignera que la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 a créé une nouvelle catégorie de syndicats qui prend place entre les deux catégories existantes (syndicats représentatifs et syndicats non représentatifs). Désormais, une catégorie intermédiaire de syndicats ayant vocation à devenir représentatifs a été instituée et s'est vu accorder des prérogatives non négligeables dont certaines (les prérogatives électorales) étaient jusque là réservées aux syndicats représentatifs.

Or, de nombreuses conventions collectives consacrées à l'exercice du droit syndical, conclues avant la réforme, continuent de s'appliquer après celle-ci et avaient réservé le bénéfice de certaines prérogatives syndicales aux organisations représentatives, conformément au droit applicable à l'époque. Ces accords se trouvent dès lors en porte-à-faux au regard des nouvelles dispositions issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 qui ont élargi la liste des bénéficiaires.

C'est à ces conventions que s'intéresse cet arrêt rendu le 21 septembre 2011 par la Chambre sociale de la Cour de cassation, et qui permet de préciser le rôle de la représentativité syndicale comme critère de distinction entre les syndicats de l'entreprise.

L'affaire. Deux accords avaient été conclus au sein de l'UES Y en 2002 et 2005 relatifs à la diffusion de l'information sociale et syndicale ainsi qu'aux moyens des délégués syndicaux. L'employeur avait refusé, au motif que ces accords ne s'appliquaient qu'aux seuls syndicats représentatifs dans l'entreprise, d'en accorder, aux lendemains de l'adoption de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, le bénéfice à un syndicat non représentatif mais remplissant les critères pour la mise en place de la section syndicale.

En appel, la cour avait refusé d'étendre l'application de l'accord relatif aux délégués syndicaux aux syndicats non représentatifs, mais avait en revanche fait droit à la demande portant sur l'accord relatif à la diffusion sociale et syndicale. C'est cet arrêt qui se trouve confirmé ici par le rejet du pourvoi.

La solution retenue. Selon la Chambre sociale de la Cour de cassation, en effet, "en vertu des articles L. 2142-3 (N° Lexbase : L2161H9W) à L. 2142-7 du Code du travail, l'affichage et la diffusion des communications syndicales à l'intérieur de l'entreprise sont liés à la constitution par les organisations syndicales d'une section syndicale, laquelle n'est pas subordonnée à une condition de représentativité ; [...] dès lors, les dispositions d'une convention ou d'un accord collectif visant à faciliter la communication des organisations syndicales ne peuvent, sans porter atteinte au principe d'égalité, être limitées aux seuls syndicats représentatifs et doivent bénéficier à tous les syndicats qui ont constitué une section syndicale". Ainsi, "la cour d'appel, qui a constaté que l'accord du 7 novembre 2002 fixait les moyens techniques de diffusion de l'information syndicale, notamment par l'intermédiaire d'un réseau intranet, aux salariés de l'entreprise, a, à bon droit, décidé que ces dispositions, réservées par l'accord aux seuls syndicats représentatifs, devaient bénéficier au syndicat CG-AS, qui avait constitué dans l'entreprise une section syndicale".

Une solution justifiée, mais mal fondée. Cette solution est parfaitement justifiée, même si on peut s'interroger sur le détour par le "principe d'égalité" pour justifier la solution.

II - Une application sans objet du principe d'égalité

Le rôle du législateur. C'est la loi, par application de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S), qui confie au Parlement le soin de fixer les "principes fondamentaux [...] du droit syndical" et notamment de préciser les conditions dans lesquelles les syndicats exercent leurs prérogatives. La Cour de cassation (6), puis le Conseil constitutionnel, ont tous deux considéré que "l'exigence d'un seuil raisonnable d'audience subordonnant la représentativité d'une organisation syndicale ne constitue pas une atteinte au principe de la liberté syndicale et où la représentation légitimée par le vote, loin de violer le principe de participation des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail par l'intermédiaire des syndicats, en assure au contraire l'effectivité" (7) en évitant "la dispersion de la représentation syndicale" (8). Mais, comme l'a décidé le Conseil constitutionnel, c'est au Parlement qu'il appartient d'imposer ou non ce critère, car "il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par la Constitution, d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel" (9).

Caractère d'ordre public des dispositions légales. C'est ainsi que désormais certaines prérogatives sont toujours réservées aux syndicats représentatifs, comme la désignation d'un délégué syndical (10) ou d'un représentant au comité d'entreprise lorsque l'effectif est inférieur à 300 salariés (11), alors que d'autres ont été accordées également aux syndicats non représentatifs mais affiliés à l'une des 5 grandes confédérations syndicales ou présentant les trois critères (ancienneté, indépendance et respect) qui ont été rappelés précédemment.

L'application de ces critères est d'ordre public, comme cela a été confirmé depuis 2008, ce qui interdit aux partenaires sociaux de réintroduire dans leurs accords un critère de représentativité lorsque la loi ne l'a pas prévu (12). Voilà pourquoi la cour d'appel de Paris avait pu refuser le bénéfice des dispositions de l'accord de 2005 aux syndicats non représentatifs de l'entreprise, puisque c'est la loi qui subordonne la possibilité de désigner un délégué syndical au critère de représentativité, mais pas celles de l'accord de 2002 qui portait sur l'information syndicale, laquelle ne suppose légalement que la constitution préalable d'une section syndicale.

Différences de traitement possibles pour les avantages conventionnels. En revanche, lorsque les partenaires sociaux mettent en place des avantages conventionnels supplémentaires, l'accord conclu peut valablement subordonner le bénéfice de ses avantages à un critère de représentativité qui semble de nature à justifier la différence de traitement ainsi introduite au regard de la nature des avantages en cause ; c'est ce qui a été jugé à propos d'une contribution conventionnelle au financement du dialogue social (13) ou encore d'une section syndicale nationale constituée en plus des dispositions légales (14).

Et l'intention des parties à l'accord ? On aurait pu s'interroger sur l'interprétation de l'accord de 2002 au regard de l'intention de l'époque des partenaires sociaux, puisque ces derniers n'avaient pas pu souhaiter, lors de la négociation de l'accord, étendre le bénéfice de ces dispositions aux syndicats non représentatifs de l'entreprise. C'est d'ailleurs en s'inspirant de cette idée que la Cour de cassation a considéré que les dispositions conventionnelles relatives au délégué syndical ne bénéficiaient pas de plein droit au représentant de la section syndicale, sauf clause expresse en ce sens, ce qui exclut toute interprétation amplifiante des accords conclus avant 2008 (15).

On aurait même pu prétendre que cet accord devait être caduc en raison de l'intervention de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 qui a totalement changé la donne.

La Cour n'est pas entrée dans le débat en se contentant de faire produire à l'accord un effet utile, au regard de l'évolution du contexte législatif, c'est-à-dire en "neutralisant" la condition de représentativité devenue illicite, après la réforme de 2008.

D'un point de vue strictement technique, au regard des règles qui gouvernaient les prérogatives syndicales en cause, la solution est irréprochable, ne serait-ce que parce que les règles dont l'application était en cause sont clairement d'ordre public.

L'application indue du principe d'égalité. Reste à déterminer si l'argument juridique mobilisé (le respect du principe d'égalité) est parfaitement adéquat. On peut en douter.

Egalité et non-discrimination. On pourrait tout d'abord s'interroger sur la pertinence du recours même au principe d'égalité, régulièrement présent dans la jurisprudence de la Cour de cassation s'agissant de l'exercice du droit syndical (16), alors qu'un principe de non-discrimination syndicale existe dans la loi.

Le principe de non-discrimination syndicale semble toutefois destiné avant tout à protéger la personne du salarié, comme l'indique formellement l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6053IAG) qui constitue le siège du principe de non-discrimination.

Le Code du travail comporte bien des dispositions qui semblent inspirées par le principe de non-discrimination en matière de droit syndical, mais il ne s'agit pas à proprement parler d'hypothèses de discrimination.

Le Code pose certes comme "principe" applicables à "l'exercice du droit syndical" celui selon lequel il est "interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail" (17). Le texte s'inspire d'évidence du principe de non-discrimination de l'article L. 1132-1, et ce même s'il ne fait pas expressément référence à cette notion, et semble également entièrement tourné vers la protection de la personne du travailleur.

La Cour de cassation s'est bien fondée sur les dispositions de cet article L. 2141-5 (N° Lexbase : L3769IB9) pour en tirer des applications ne concernant que des rapports entre syndicats, qu'il s'agisse de sanctionner l'employeur qui accueille de manière trop ostensiblement favorable la création d'un syndicat maison ou prend position dans une querelle entre syndicats de l'entreprise (18), même on observera que la Cour de cassation s'était située dans les deux hypothèses dans le contexte de la liberté syndicale, et non de l'égalité, qu'il se soit agi d'accorder des dommages et intérêts à un syndicat de l'entreprise ou d'en condamner un autre pour entrave (19).

Ce n'est finalement que depuis dix ans que la Cour de cassation justifie ses décisions par référence non au principe de non-discrimination, mais au "principe constitutionnel d'égalité" (20), ce qui, d'ailleurs, n'entraîne pas de véritable différence significative lorsqu'il s'agit de s'interroger sur la justification de la différence de traitement litigieuse (21).

Dans l'affaire qui nous intéresse ici, ce n'est d'ailleurs pas tant l'activité syndicale proprement dite qui constitue le critère discriminant, que la qualité de syndicat représentatif, ce qui est assez différent.

Egalité et légalité. L'examen de la situation litigieuse conduit à s'interroger également, et plus radicalement, pour déterminer s'il s'agissait bien ici d'un problème d'égalité de traitement, ou simplement d'un problème de légalité au regard des dispositions relatives aux différentes prérogatives syndicales en cause ici.

Dans cette affaire, en effet, c'est la loi qui a choisi de subordonner le bénéfice de certaines prérogatives à la représentativité des organisations syndicales, ou au contraire d'élargir en 2008 le bénéfice de ces prérogatives à d'autres organisations dès lors qu'elles remplissent les critères légaux exigés pour créer une section syndicale. Dès lors, en refusant à des organisations syndicales remplissant les conditions légales pour exercer les prérogatives attachées à la création de la section syndicale le bénéfice de certains avantages, la Cour d'appel avait avant tout porté atteinte non au principe d'égalité entre syndicats, mais bien au caractère impératif des dispositions légales relatives à l'exercice du droit syndical en cause (en l'espèce "l'affichage et la diffusion des communications syndicales à l'intérieur de l'entreprise"). Dans cette hypothèse, c'est parce que l'accord avait ajouté une condition qui ne figurait pas dans la loi qu'il est partiellement invalidé, sans qu'il soit nécessaire de passer par la violation du principe d'égalité qui apparaît superfétatoire.


(1) Sur cette loi, voir le numéro spécial de Lexbase Hebdo n° 318 du 18 septembre 2008 - édition sociale.
(2) C. trav., art. L. 2142-1 (N° Lexbase : L3761IBW).
(3) C. trav., art. L. 2142-1-1 (N° Lexbase : L3765IB3).
(4) C. trav., art. L. 2314-3 (N° Lexbase : L3825IBB).
(5) C. trav., art. L. 2314-24 (N° Lexbase : L3759IBT).
(6) Cass. QPC, 18 juin 2010, n° 10-40.005, P+B (N° Lexbase : A4056E3M).
(7) Cass. QPC, 18 juin 2010, 4 arrêts, P+B, n° 10-40.005, préc., n° 10-40.006 (N° Lexbase : A4057E3N), n° 10-40.007 (N° Lexbase : A4058E3P) et n° 10-14.749 (N° Lexbase : A4055E3L) ; Cass. QPC, 25 juin 2010, n° 10-40.009, P+B (N° Lexbase : A7369E3C), v. nos obs., La Cour de cassation, juge constitutionnel ?, Lexbase Hebdo n° 403 du 15 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6300BPZ).
(8) Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD), v. nos obs., Le Conseil constitutionnel, les syndicats catégoriels et la réforme de la démocratie sociale, Lexbase Hebdo n° 413 du 21 octobre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2856BQT).
(9) Cons. const., 7 octobre 2010, préc..
(10) C. trav., art. L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD).
(11) C. trav., art. L. 2143-22 (N° Lexbase : L2216H9X).
(12) Un accord collectif ne peut réintroduire la condition de représentativité supprimée par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 pour la désignation des représentants syndicaux dans les entreprises de 300 salariés et plus : Cass. soc., 10 mars 2010, n° 09-60.282, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1867ETC). Lire également les obs. de S. Tourneau, Vers une intégration des règles de la représentativité syndicale au sein de l'ordre public absolu, Lexbase Hebdo n° 424 20 janvier 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N1580BRX), à propos de Cass. soc., 6 janvier 2011, n° 10-18.205, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7521GNU).
(13) Cass. soc., 10 octobre 2007, n° 05-45.347, FS-P+B (N° Lexbase : A7310DYE) Bull. civ. V, n° 154 ; Dr. soc., 2008, p. 106, chron. G. Borenfreund : "ni l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1370A9M), ni l'article 6 du Préambule de la Constitution (N° Lexbase : L1356A94), ni l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI ; recod. C. trav., art. L. 1121-1 N° Lexbase : L0670H9P) ne font obstacle à ce qu'un accord collectif établisse des règles de répartition inégalitaire d'une contribution au financement du dialogue social entre les organisations syndicales représentatives, dès lors, d'une part, que cette répartition n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer à quiconque l'adhésion ou le maintien de l'adhésion à une organisation syndicale, aucune organisation syndicale représentative n'en étant exclue, et que, d'autre part, la différence de traitement est justifiée par des raisons objectives matériellement vérifiables liées à l'influence de chaque syndicat dans le champ de l'accord".
(14) Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 09-60.410, FS-P+B (N° Lexbase : A2349GAA) : "Mais attendu que ne méconnaît pas le principe constitutionnel d'égalité la disposition d'un accord collectif, plus favorable que la loi, qui subordonne l'octroi d'avantages à des syndicats à une condition de représentativité ; Attendu en conséquence que la création d'une "section syndicale nationale" qui, selon l'article 21 de l'accord relatif à l'exercice du droit syndical, permet la désignation par les syndicats représentatifs de permanents dont le nombre dépend des résultats électoraux de chaque syndicat, et qui n'a dès lors pas le même objet que l'institution de la section syndicale prévue par l'article L. 2142-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3761IBW), constitue un avantage au profit des syndicats représentatifs qui ne peut donner lieu à désignation de représentants syndicaux par des syndicats non représentatifs".
(15) Cass. soc., 26 mai 2010, n° 09-60.243, FS-P+B (N° Lexbase : A7352EXL).
16) A propos de la tolérance à l'égard de la désignation d'un DS lorsque l'effectif est inférieur à 50 salariés : Cass. soc., 5 janvier 2005, n° 04-60.164, F-D (N° Lexbase : A8843DEA) ; Cass. soc., 12 octobre 2005, n° 05-60.066, F-D (N° Lexbase : A8483DKE) ; Cass. soc., 5 avril 2011, n° 10-15.341, inédit (N° Lexbase : A3503HN3) : "des syndicats non représentatifs ne peuvent, au titre du principe constitutionnel d'égalité, revendiquer un traitement identique à celui réservé aux seuls syndicats représentatifs auxquels la loi confère des prérogatives différentes de celles des syndicats non représentatifs".
(17) C. trav., art. L. 2141-5 (N° Lexbase : L3769IB9).
(18) Cass. crim., 5 mai 1976, n° 75-90400 (N° Lexbase : A1842CGC).
(19) Cass. crim., 5 mai 1976, préc..
(20) Cass. soc., 29 mai 2001, n° 98-23.078 (N° Lexbase : A4696AT4) ; Dr. soc., 2001, p. 821, chron. G. Borenfreund ; D., 2002, p. 34, note F. Petit : "le principe d'égalité, de valeur constitutionnelle, ne permet pas à un employeur de subventionner un syndicat représentatif et non un autre, selon qu'il a signé ou non une convention ou un accord collectif".
(21) Cass. soc., 10 octobre 2007, préc..

Décision

Cass. soc., 21 septembre 2011, jonction, n° 10-19.017 et n° 10-23.247, FS-P+B (N° Lexbase : A9598HXR)

Rejet (CA Paris, pôle 6, 2ème ch., 6 mai 2010, n° 10/03466 N° Lexbase : A4980EXQ)

Textes concernés : C. trav., art. L. 2142-3 (N° Lexbase : L2161H9W) à L. 2142-7 (N° Lexbase : L2168H98)

Mots clef : syndicats ; représentativité ; droit syndical ; égalité.

Liens base : (N° Lexbase : E1837ET9)

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