Réf. : Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises (N° Lexbase : L3415LQK)
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par Mathilde Dols, Maître de conférences, Université de Montpellier et Claire Serlooten, Maître de conférences, Université Toulouse 1 Capitole, CDA
Le 12 Juin 2019
La simplification, c'est un peu, si vous nous le permettez, comme la série télévisée «La petite maison dans la prairie». On se pose à son propos trois questions : quand a-t-elle commencé sa diffusion ? Combien comporte-t-elle d’épisodes et surtout quand s’achèvera-t-elle ?
Nous avons, en effet, connu en droit un «train» de simplification avec les lois «Warsmann» [1], «Sapin II» [2] en 2016, plus récemment il y a eu l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 mars 2019 de la proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés [3].
Il apparaît donc impossible de répondre aux interrogations formulées plus haut car la simplification n’est pas une fin en soi. Elle doit, en principe, servir un fond. Ici, il s’agit, comme le dit le thème dans lequel s’inscrit cette intervention, de faciliter le projet d’entreprise.
Et pour faciliter ce projet, quoi de mieux que de supprimer ce qui n’est pas essentiel dans nos textes de droit, d’une part, et, rendre moins complexe cette règlementation, d’autre part, les deux significations du verbe simplifier ?
Telle est aussi l’ambition de la loi «PACTE» [4]. Cette ambition semble loin d’avoir survécu, au premier regard, quand on compte le nombre d’articles dont elle s’est enrichie au cours des discussions parlementaires. Néanmoins, il nous faut vérifier cela en décortiquant plus dans le détail ce texte.
Pour cela, ce sont deux éléments clefs dans la vie d’une entreprise que nous allons analyser : la création (I), dans un premier temps (Mme Serlooten) et la croissance (II), dans un second temps (Mme DOLS).
I - La création simplifiée
Concernant la création de l’entreprise, pour la simplifier, il s’agit «en même temps» d’assouplir les obligations des entrepreneurs (A) et d’alléger les démarches administratives de l’entreprise (B).
A - L’assouplissement des obligations des entrepreneurs
Pour assouplir les obligations des entrepreneurs, plusieurs mesures doivent être citées. Nous en retiendrons trois.
En premier lieu, l’article 4 relatif à la suppression du stage obligatoire de préparation à l’installation (SPI) des artisans afin de s’inscrire au répertoire des métiers. Si cette mesure semble aller dans le sens de la simplification puisqu’elle supprime un élément, il faut quand même se demander si elle n’est pas essentielle.
Pour soutenir cette dernière position, il est principalement avancé que les artisans demeurent contraints par cette obligation alors que ce type de stage n’est que facultatif pour les commerçants. Et, l’inégalité de situation créée ne peut justifier que cette obligation perdure. Une harmonisation est donc souhaitée.
Cependant, on peut souligner deux éléments qui imposent de s’interroger sur la cohérence de cette mesure avec le contexte règlementaire actuel. D’une part, en 2014, la dispense de ce même stage pour les micro-entrepreneurs exerçant une activité artisanale a été supprimée. Il a ainsi été jugé nécessaire de conserver celui-ci pour cette catégorie d’artisans qui représentent 31 % des créations d’entreprises artisanales en 2016 [5]. D’autre part, en 2016, dans le cadre de la loi «Sapin II», il a été refusé de supprimer cette obligation de suivi de stage et il a été précisé que toute demande de suivi devait être réalisée dans le délai d’un mois. A défaut, l’artisan était enregistré de droit au répertoire des métiers.
Il est alors légitime de se demander ce qui a pu changer entre 2016 et 2019 pour admettre aujourd’hui cette même suppression. Il semblerait que deux arguments puissent jouer en faveur de celle-ci. D’abord, la mise en place du guichet électronique unique en 2021 [6], qui ne permettra plus de différencier l’enregistrement d’un type d’activité par rapport à un autre. Ensuite, en conséquence de cette mise en place, la suppression des Centres de formalités des entreprises (CFE) des chambres des métiers, auparavant destinataires de la preuve du suivi de stage.
Ainsi, si cette mesure peut s’harmoniser avec les autres qui composent la loi «PACTE», il n’est pas certain que cela soit le cas avec celles contenues dans d’autres textes récents.
Dans le même ordre d’idée de la simplification par le biais de la suppression d’une mesure, il faut citer, en deuxième lieu, celle qui est contenue dans l’article 39 de la loi «PACTE» [7]. Il s’agit de la suppression de l’obligation de posséder un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle pour les micro-entrepreneurs réalisant moins de 10 000 euros de chiffres d’affaires annuel. L’obligation ne réapparaît que lorsque le seuil de 10 000 euros est dépassé pendant deux années consécutives. Deux remarques s’imposent tout de suite.
La première est que le chiffre choisi au départ dans le projet de loi était de 5 000 euros afin de correspondre au seuil fixé dans la loi de finances pour 2018 (loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 N° Lexbase : L7952LHY) pour l’exonération de la cotisation foncière minimum des entreprises [8]. A compter du 1er janvier 2019, les entreprises dont le montant du chiffre d’affaires ou de recettes n’excède pas 5 000 euros sont exonérées de cotisation minimum. Le montant a été élevé à 10 000 euros en commission par les députés pour mieux coller aux objectifs de réduction des rigidités du régime applicable.
La seconde est que l’obligation, qui devait déjà disparaître en 2016, avait été assouplie pour décaler son impérativité d’un an à compter de la création afin de trouver un équilibre acceptable entre les positions [9]. Ici, le décalage est encore accentué.
En pratique, la suppression pourrait paraître un élément positif puisque c'est un coût [10] qui a été supprimé au profit d’une majorité de micro-entrepreneurs. En effet, si le chiffre d’affaires annuels moyen des micro-entrepreneurs est de 13 553 euros en 2017 [11], il faut aussi savoir que 50 % des micro-entrepreneurs ont un chiffre d’affaires inférieur à 5 250 euros.
Il faut donc, là encore, vérifier si nous sommes en présence d’une contrainte essentielle qui a été supprimée, ou non, pour apprécier cette mesure. Signalons que cette suppression ne semble pas accordée à l’évolution de la règlementation actuelle applicable au micro-entrepreneur. A compter du 1er janvier 2019, tous les micro-entrepreneurs doivent obligatoirement déclarer en ligne leur chiffre d’affaires afin de payer les cotisations sociales afférentes. Jusqu’à cette date, seuls les micro-entrepreneurs ayant un chiffre d’affaires dépassant certains seuils étaient soumis à cette déclaration [12]. Or, pour effectuer cette déclaration, cela est plus difficilement réalisable en l’absence de comptes séparés entre l’activité professionnelle et l’activité personnelle, que les micro-entrepreneurs sont, pour la plupart, des professionnels avec peu d’expérience [13].
De plus, il est exigé des micro-entrepreneurs de maintenir une comptabilité minimale en tenant un livre des recettes encaissées. La même question se pose de savoir comment tenir un tel livre en l’absence de compte bancaire professionnel séparé du ou des comptes personnels. Ce livre-journal des recettes professionnelles est pourtant décrit comme le véritable moyen de contrôle des activités de ces micro-entrepreneurs [14]. On le voit, là encore, il est délicat de concilier les récentes mesures légales issues de différents textes.
Enfin, en troisième lieu, nous pouvons relever l’article 7 [15], qui est venu enrichir la loi «PACTE», en commission, sous l’impulsion de l’Assemblée nationale. Il contient neuf mesures relatives à la simplification du régime de l’EIRL. Parmi ces mesures, on peut en citer deux qui sont intéressantes sur le plan patrimonial. Il s’agit, premièrement, de la possibilité offerte de choisir le statut de l’EIRL avec un patrimoine séparé même en l’absence de bien, droit, obligation ou sûreté affectés à celui-ci. Cette mesure vise à revenir sur l’interdiction posée par la Cour de cassation en 2018 d’une telle pratique [16]. Deuxièmement, il est admis que la composition du patrimoine d’affectation, après la déclaration initiale, puisse varier par une simple inscription ou un simple retrait en comptabilité d’un bien affecté à l’activité professionnelle. Cette évolution du patrimoine d’affectation ne sera opposable aux tiers qu’à compter de la publication des comptes c'est-à-dire leur dépôt au registre dans lequel est immatriculé l’entrepreneur. Cela signifie que ce sont les documents comptables qui vont permettre d’acter cette modification du patrimoine affecté.
Ces deux mesures sont particulièrement utiles pour arriver véritablement, après des hésitations, à inscrire le statut de l’EIRL dans l’éventail des outils d’organisation d’une activité économique. Par comparaison, on peut insister sur le fait que l’obligation d’un capital minimum a aussi pratiquement disparu pour les sociétés commerciales et que le contenu de leur patrimoine est fixé par référence à leur bilan.
Ces différentes mesures sont à inscrire dans la lignée de la loi de finances pour 2019 (loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 N° Lexbase : L6297LNK) qui est venue apporter de la souplesse concernant l’option pour le régime de l’IS. Auparavant, cette option était irrévocable. A compter de 2019, il sera possible dans certaines conditions de revenir sur ce choix [17]. On observe alors une certaine cohérence de l’ensemble de ces mesures afin de rendre le régime de l’EIRL plus attractif. Les chiffres étaient d’ailleurs décevants. Il était espéré un nombre 100 000 statuts de l’EIRL choisis à la fin 2012 [18]. En réalité, selon les chiffres de l’INSEE, seuls 56 940 EIRL étaient enregistrés au 31 juillet 2018. Il n’est toutefois pas certain que ces mesures suffisent à atteindre l’objectif annoncé, puisqu’il est aussi prévu dans la loi «PACTE» de supprimer l’obligation de faire évaluer les biens affectés au patrimoine professionnel d’une valeur supérieure à 30 000 euros. Cette disposition étant directement inspirée de celle applicable aux apports en nature dans les sociétés, sa disparition peut créer dans l’esprit du futur entrepreneur un flottement sur le bon comportement à adopter. Finalement, pour faire de l’EIRL le statut de droit commun pour tous les entrepreneurs individuels dès la création de leur entreprise, ne serait-il pas plus pertinent, comme le relevait le Sénat [19], de favoriser l’information de ceux-ci plutôt que la multiplication des ajustements.
Pour simplifier, nous l’avons vu, le législateur a utilisé la méthode de la suppression. Mais, il aussi essayé d’utiliser celle qui consiste à rendre moins complexe un élément central de la création des entreprises : les démarches administratives.
B - L’allègement des démarches administratives
Pour alléger les démarches de créations d’entreprise, plusieurs mesures doivent être citées. Nous en retiendrons trois.
En premier lieu, l’article 1er relatif à la mise en place d’un guichet unique par voie dématérialisée dont le recours sera obligatoire pour la création mais aussi la modification ou la cessation d’une activité [20]. Il collectera l’ensemble des informations et des pièces nécessaires à la confection du dossier de formalités. De plus, il constituera l’interface directe entre les organismes destinataires et les entreprises, quels que soient l’activité, le lieu d’implantation et la forme juridique des entreprises. Cela paraît très positif sur plusieurs plans : l’identification du bon organisme interlocuteur (à la place des 1 400 CFE actuels sur le territoire national), la normalisation des informations à fournir, la diffusion facilitée des informations et des pièces justificatives et, corrélativement, une baisse des charges liées au traitement des déclarations par les organismes destinataires, l’accélération de l’accomplissement des formalités, l’attribution d’un seul numéro d’identification.
Il est même précisé, dans l’étude d’impact [21], que ce guichet unique électronique sera construit sur le fondement du téléservice «guichet-entreprises.fr» développé par le Guichet entreprises.
Et c'est peut-être de là que viendront les problèmes d’application d’une telle disposition. Il faut certainement rappeler que la mise en place d’un tel guichet électronique a commencé en 2009 avec la création d’une association Guichet entreprises regroupant les principaux réseaux de CFE. Puis, elle s’est poursuivie par la création d’un groupement d’intérêt public en 2011 qui a été remplacé en 2015 par un service à compétence nationale rattaché à la DGE (direction générale des entreprises).
Parallèlement à cette évolution institutionnelle, sur le plan pratique, depuis 2010, une mise en place progressive d’un traitement des dossiers par la voie électronique s’est produite. Elle a abouti, depuis 2013, à une création en ligne des entreprises donc totalement dématérialisée via la plateforme «guichet-entreprises.fr». Malgré cela, seulement 6 % des dossiers de créations sont déposés en ligne. Ils représentent 56 000 dossiers sur 930 000 annuels.
Par conséquent, il va falloir changer les habitudes de 94 % des entrepreneurs créateurs d’entreprises. Cela risque d’être délicat dans le contexte actuel de disparition des CFE. Oui, ce qui est souvent reconnu comme difficulté centrale, tant par les organismes destinataires que par les entrepreneurs, c'est la nécessité d’une plus grande information pour utiliser, sans crainte, l’outil informatique. Sans les CFE, il sera peut-être plus laborieux de trouver des réponses aux questions qu’ils se posent. C'est peut-être pour cette raison que l’Assemblée nationale a refusé la proposition du Sénat de supprimer dès le 1er janvier 2021 les CFE des CCI et qu’il a été prévu une entrée en vigueur au 1er janvier 2023 (au plus tard) avec des mesures transitoires applicables (au plus tard) au 1er janvier 2021. Il a aussi été prévu de fixer par un décret les modalités d’accompagnement et d’assistance des entreprises par les organismes consulaires et l’organisme unique. Les délais d’entrée en vigueur fixés apparaissent alors d’une durée raisonnable afin de régler ce point. Ils sont d’autant plus d’une durée raisonnable qu’il faudra aussi éclaircir un autre point important : la mise en cohérence du fait que «le dépôt vaut déclaration auprès du destinataire dès lors que le dossier est régulier et complet à l’égard de celui-ci» [22] alors qu’en principe, ce sont les organismes destinataires qui sont seuls habilités à se prononcer sur la régularité et sur la validité des dossiers. En pratique, la question va également se poser de savoir comment mettre en œuvre des contrôles automatiques lorsqu’un flux annuel de trois millions de formalités devra être géré.
La dématérialisation comme dispositif de simplification perce, en deuxième lieu, dans l’article 2 de la loi «PACTE». Il habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance dans un délai de 24 mois, les mesures pour la création d’un registre dématérialisé des entreprises ayant pour objet de centraliser et de diffuser les informations les concernant. Le but est clairement d’assurer la transparence de la vie des affaires et de réduire les coûts de tenus des huit registres existants actuellement. Cela devrait, en plus, rendre moins complexes les obligations déclaratives des entrepreneurs et plus rapide leur traitement.
Indépendamment du fait qu’il est peut-être contestable de légiférer par le biais d’ordonnance, il est opportun de rappeler que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 4 septembre 2018 [23], exige désormais expressément que le Gouvernement ait une idée suffisamment précise de ce qu’il entend faire lorsqu’il décide d’avoir recours à une habilitation de l’article 38 de la Constitution. Et, le contenu de cet article 2, ne ressemble pas tout à fait à une idée précise. Deux points doivent être évoqués.
Le premier peut être rapproché de ce qui était signalé précédemment en ce qui concerne l’article 1er. Il est relatif au contrôle et à la valeur des informations déclarées dans le nouveau registre. L’objectif du nouveau dispositif est de «simplifier [...] les modalités de contrôle des informations déclarées» [24]. La question se pose de savoir qui sera compétent pour effectuer celui-ci et quel rôle sera endossé par les anciens organismes chargés de la tenue de ces registres. Cela est d’autant plus important que cela peut conditionner la valeur juridique des informations contenues dans ce registre général. Précisément, on peut se demander si cette valeur sera identique à celle qui était donnée aux informations contenues dans le Registre du commerce et des sociétés (RCS) : opposabilité aux tiers, présomption de la qualité de commerçant pour les personnes immatriculées et attribution de la personnalité morale dès l’immatriculation.
Le second point recoupe, par ailleurs, le manque de cohérence du texte. Un doute persiste sur le fait de déterminer si le registre envisagé est un registre général regroupant des informations figurant déjà dans d’autres registres ou bien un registre unique se substituant totalement aux autres registres existants. Le vocabulaire utilisé dans le texte est «registre général» mais ensuite, il faut noter que le texte établit que «celui-ci se substitue aux répertoires et registres d’entreprises existants». Juste après deux exceptions capitales sont ajoutées : persisteraient le «répertoire national des entreprises [...] tenu par l’INSEE et [l]es registres tenus par les greffiers des tribunaux de commerce» [25]. En définitive, la position du Gouvernement est fluctuante et démontre une insuffisante préparation comme le disait le Sénat. Dans ces conditions, il paraît peu recommandé d’accorder un «blanc-seing» au Gouvernement.
Enfin, en troisième lieu, il faut citer l’article 3 de la loi «PACTE» qui rend moins complexe, grâce à la dématérialisation, l’obligation des créateurs d’entreprise de publier un avis de constitution dans un journal d’annonces légales. La finalité est d’ouvrir le dispositif d’habilitation aux services de presse en ligne alors que, jusqu’à présent, seuls les journaux imprimés pouvaient prétendre à une telle habilitation. Cela est positif dans le mouvement actuel d’utilisation des données sous la forme numérique. On peut imaginer que les futurs créateurs d’entreprise s’inscriront dans ce mouvement.
Ce tempérament s’accompagne de la possibilité pour les ministres de fixer une tarification forfaitaire et non plus à la ligne, ce qui sera source d’économie pour les entreprises. Surtout, il faut faire ressortir que l’Assemblée nationale a enrichi le texte d’une disposition remarquable. Les annonces relatives aux sanctions administratives infligées par la DGCCRF en cas de non-respect des délais de paiement dont la publication n’est plus facultative depuis 2016 pourront aussi faire l’objet d’une publication auprès d’un service de presse en ligne.
Cela est extrêmement bénéfique pour la diffusion de ce type d’annonces puisque l’on sait aujourd’hui que les retards de paiement sont responsables de nombreuses cessations d’activités. Les créateurs d’entreprises seront, de cette manière, plus avertis sur leurs partenaires et quoi de mieux qu’un climat de confiance pour augmenter le nombre de créations d’entreprises.
Pour conclure, on pourrait peut-être répéter au législateur et au Gouvernement que la vraie simplification du projet d’entreprise passe, en priorité, par une bonne mise en cohérence des dispositions éparses de notre réglementation. Et je pense que Charles Ingalls, le bon père de famille dans la série «La Petite maison dans la prairie», ne dirait pas le contraire.
Je vous propose, à présent, de poursuivre cette réflexion sur l’objectif de simplification de la loi «PACTE» en nous intéressant aux dispositions relatives à la vie des entreprises.
II - La vie simplifiée de l’entreprise
Pour simplifier la vie de l’entreprise, le législateur a utilisé plusieurs méthodes telles que la dérèglementation par la suppression de certaines obligations, le toilettage par la suppression de textes inusités, l’harmonisation ou l’articulation des textes. Si certaines simplifications résultent directement de la loi «PACTE», d’autres seront adoptées par le Gouvernement par voie d’ordonnance de l’article 38 de la Constitution ou par décret.
Les mesures de simplification relatives à la vie de l’entreprise, qu’elles soient immédiates ou en devenir, touchent, d’une part, au développement de l’entreprise à travers son financement (A) et, d’autre part, à sa gestion (B).
A - La simplification du financement des entreprises par la réforme du droit des sûretés
Clé du développement de l’entreprise, son financement peut s’opérer sur fonds propres ou par recours au crédit. L’octroi de garanties simples et efficaces en facilite l’accès.
L’ordonnance du 23 mars 2006 (ordonnance n° 2006-346 N° Lexbase : L8127HHH) avait apporté de nombreuses simplifications au droit des sûretés, les objectifs poursuivis ayant été d’améliorer la lisibilité, l’efficacité et l’équilibre des intérêts en présence [26]. Mais, au grand dam des praticiens et de la doctrine, le Gouvernement n’avait pas été autorisé à légiférer par voie d’ordonnance en matière de cautionnement et de privilèges [27]. Bien que la fiducie-sûreté ait été adoptée par un texte spécial en 2007 [28], la réforme du droit des sûretés, initialement conçue comme une réforme d’ensemble, a laissé un goût d’inachevé. De plus, en 13 ans, la jurisprudence et la doctrine ont mis en exergue certaines insuffisances du droit positif, notamment l’articulation entre les régimes spéciaux et de droit commun.
L’association Henri Capitant, à la demande du Gouvernement, a établi un avant-projet de réforme du droit des sûretés [29] afin de remédier à ces insuffisances. La loi «PACTE» apporte certaines solutions et habilite le Gouvernement à réformer le droit des sûretés par voie d’ordonnance.
Les articles 61 et 62 de la loi «PACTE» apportent une simplification notable en matière de privilèges du Trésor, des Douanes et de la Sécurité sociale. L’article 60 habilite le Gouvernement à réformer le droit des sûretés Des simplifications sont à espérer bien que des oublis soient à déplorer.
En premier lieu, les articles 61 et 62 de la loi modifient le délai d’inscription des privilèges du Trésor [30], des Douanes [31] et de la Sécurité sociale [32] en vue de leur opposabilité aux procédures collectives. Par exemple, l’article 1929 quater du CGI (N° Lexbase : L3186IG4) prévoyait une inscription obligatoire au terme du délai de 9 mois qui suit la première majoration pour défaut de paiement ou l’émission d’un titre exécutoire. Désormais, ces créances publiques doivent être inscrites lorsqu’elles dépassent un certain seuil fixé par décret «au terme de chaque semestre civil». L’abandon d’un décompte glissant au bénéfice d’un décompte fixe simplifie considérablement le travail des comptables public [33].
En deuxième lieu, l’article 60 de la loi «PACTE» habilite le Gouvernement à réformer largement le droit des sûretés par voie d’ordonnance dans les 24 mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi et fait de la simplification de la matière son premier objectif [34]. C’est une chance d’achever la réforme des sûretés entreprise en 2006 et d’améliorer le dispositif en vigueur. Quatre points essentiels sont à retenir.
Premièrement, l’article [35] autorise le Gouvernement à «réformer le droit du cautionnement afin de rendre son régime plus lisible et d’en améliorer l’efficacité tout en assurant la protection de la caution personne physique».
Parallèlement aux dispositions du Code civil, le cautionnement accordé par une personne physique peut être soumis aux articles L. 314-15 (N° Lexbase : L1204K7Q) et suivants du Code de la consommation s’il est donné en garantie d’un crédit à la consommation ou d’un crédit immobilier, ou aux articles L. 331-1 (N° Lexbase : L1165K7B) et suivants du même code s’il est octroyé au bénéfice d’un créancier professionnel. En outre, il est aussi soumis à des dispositions spécifiques du Code monétaire et financier.
Leurs régimes se caractérisent par la sanction de la disproportion manifeste [36], par une obligation d’information annuelle [37] et du premier incident de paiement [38] et par l’apposition de mentions manuscrites obligatoires ou «pages d’écriture» strictement définies et sévèrement sanctionnées [39]. La question est source d’un contentieux très abondant. Depuis le 1er janvier 2018, la Cour de cassation a rendu une quarantaine d’arrêts sur ce point.
L’habilitation ouvre la possibilité de mettre fin à cette complexité et à l’empilement des textes. L’avant-projet de réforme présenté par l’association Henri Capitant œuvre en ce sens. Il propose d’abroger ces textes spéciaux et d’insérer dans le Code civil des dispositions spécifiques au cautionnement octroyé par une personne physique : la mention manuscrite, la proportionnalité de l’engagement et les obligations d’information [40].
Cette solution semble opportune car, sans dérèglementer la matière et sacrifier la protection de la caution personne physique, elle améliorerait la lisibilité du droit de cautionnement et referait du Code civil le siège de la matière [41].
L’ordonnance serait aussi l’occasion de traiter d’autres points comme le devoir d’information du créancier professionnel ou l’opposabilité des exceptions.
Deuxièmement, l’article 60 I. 2° autorise le Gouvernement à «supprimer les privilèges devenus obsolètes». L’habilitation semble s’étendre aux privilèges généraux et spéciaux, mobiliers ou immobiliers. Pourraient par exemple être abrogés le privilège de «la créance de la victime d’un accident, allocations dues aux ouvriers, créances des caisses de compensation» obsolète depuis la création de la Sécurité sociale ou le privilège de l’hôtelier.
En outre, l’article 60 I 4° et 5° habilite le Gouvernement à «abroger les sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ou inutiles pour les soumettre au droit commun du gage» et «à simplifier et moderniser les règles relatives aux sûretés mobilières spéciales dans le Code civil, le Code de commerce et le Code monétaire et financier». D’une part, le Gouvernement semble autorisé à supprimer les sûretés réelles mobilières spéciales inusitées ou dont le régime ne recèle pas de véritable spécificité par rapport aux régimes de droit commun comme le warrant de stocks de guerre ou le gage de stocks de l’article L. 527-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L2773LBC). D’autre part, l’habilitation justifierait l’abrogation de certains régimes spéciaux et l’intégration de leurs spécificités dans le Code civil. Conformément à l’avant-projet, le gage commercial pourrait être abrogé. Sa réalisation simplifiée, sa spécificité [42], pourrait intégrer le Code civil et être étendue à tous les gages conclus entre professionnels [43]. La solution est intéressante en ce qu’elle rationalise les textes et tire toutes les conséquences de la définition large du gage et du nantissement de droit commun [44].
Toutefois, afin que la réflexion soit complète et les mesures de simplification efficaces, il semble nécessaire, pour chaque sûreté réelle mobilière spéciale, de s’interroger sur l’opportunité du maintien du régime spécial dédié. De plus, il conviendrait, pour simplifier l’application des textes et améliorer leur lisibilité, d’adopter des mesures d’articulation entre les régimes spéciaux et généraux.
Troisièmement, l’article 60, I, 6° autorise le Gouvernement à «harmoniser et simplifier les règles de publicité des sûretés mobilières». L’instauration d’un registre de publicité des sûretés réelles mobilières est un vœu formulé depuis longtemps par la doctrine et la pratique. Il sera peut-être cette fois exaucé.
De plus, le 13° de l’article prévoit une autorisation à «moderniser les règles du Code civil relatives à la conclusion par voie électronique des actes sous seing privé relatifs à des suretés réelles ou personnelles afin d’en faciliter l’utilisation». Inséré par voie d’amendement [45], il permettrait de simplifier l’établissement de l’écrit, y compris lorsque des mentions manuscrites sont requises, et de mettre le droit des sûretés en phase avec le droit des contrats [46], qui prévoit une équivalence des écrits papiers et électroniques [47].
Quatrièmement, l’article 60, I, 14° habilite le Gouvernement à «simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du Code de commerce, en particulier dans les différentes procédures collectives». Les mesures viseront «notamment» l’adaptation des cas de nullités de la période suspecte, le sort réservé au garant personne physique, l’adoption de règles incitant les nouveaux apports en trésorerie au bénéfice du débiteur pendant la procédure ou en plan de sauvegarde ou de redressement.
L’objectif de simplification est louable mais les enjeux sont complexes, les intérêts à concilier nombreux (les créanciers, le débiteurs, les clients, les salariés…). L’adoption de solutions simples n’est «souvent que mirage» [48] et il semble nécessaire d’adopter des solutions d’articulation qui recherchent l’équilibre des intérêts en présence [49].
L’opportunité des points visés est discutée, spécialement le sort du garant personne physique [50]. L’adoption d’une solution unique à toutes procédures serait simple mais elle aboutirait à nier les différences entre les procédures. Notons que l’article impose d’améliorer «la cohérence» des règles, pas de les aligner.
De même, la généralisation de l’attribution judiciaire en propriété à toutes les sûretés conventionnelles fondées sur un droit de préférence lors de l’ouverture d’une liquidation judicaire [51] serait source de simplification. Ces sûretés seraient soumises à une règle unique mais son opportunité et ses effets sont très critiquables [52].
Le Gouvernement a lancé une consultation auprès des universitaires et des praticiens sur les points de réforme envisagés. Le débat n’est pas clos. La future ordonnance pourrait contenir les simplifications espérées sans toutefois tomber dans des solutions simplistes.
En troisième lieu, force est de constater que certains espoirs sont d’ores et déjà déçus.
L’article 80 de loi «PACTE» instaure aux articles L. 522-37-1 et suivants du Code monétaire et financier un gage sur «des marchandises représentées par un reçu d’entreposage». Le reçu, pouvant être l’assiette d’une garantie financière (C. mon. fin., art. L. 211-38 N° Lexbase : L7532LBL), le créancier est alors soustrait à la discipline collective du débiteur [53]. On est loin de la simplification souhaitée par la loi d’habilitation.
De plus, certaines propositions de l’avant-projet étaient de véritables simplifications et auraient permis d’améliorer la compréhension et la lisibilité du droit des sûretés. Pourtant, la loi d’habilitation ne les reprend pas. Il en va ainsi du retour à la dénomination «antichrèse» pour le «gage immobilier» [54] ou de l’insertion d’un chapitre préliminaire au livre IV du Code civil relatif aux dispositions générales et aux principes qui régissent la matière.
De surcroît, l’article 60 ne contient aucune habilitation à modifier les dispositions relatives aux différents droits de rétention attachés aux gages, le droit de rétention effectif, le droit de rétention fictif attaché au gage de droit commun sans dépossession (C. civ., art. 2286, 4° N° Lexbase : L2439IBX) et les droits de rétention fictifs attachés à certains gages spéciaux comme le gage de véhicule automobile. Ils devraient être maintenus.
A côté des mesures visant à simplifier le droit des sûretés, la loi «PACTE» contient des mesures simplifiant la gestion de l’entreprise
B - La simplification de la gestion de l’entreprise
Trois mesures ont pour objectif de simplifier la gestion de l’entreprise : la modification des seuils d’effectif en matière de Sécurité sociale, le relèvement des seuils rendant obligatoire la certification des comptes et la radiation automatique de l’entrepreneur individuel en cas d’inactivité.
La taille de l’entreprise détermine les obligations de l’employeur. L’étude d’impact montre que les PME sont soumises à 199 obligations réparties sur 49 seuils aux modes de calcul hétérogènes [55], ce qui est une source évidente de complexité pour le chef d’entreprise et pourrait constituer un frein à l’embauche [56]. Une simplification s’imposait.
Pour parvenir à ce dessein, la loi «PACTE» fait œuvre de pédagogie en instaurant un chapitre préliminaire «Décompte et déclaration des effectifs» au titre III du livre I du Code de la Sécurité sociale. La loi recherche une simplification en actionnant trois leviers uniquement relatifs aux seuils [57].
D’abord, l’article L. 130-1 nouveau du CSS harmonise les règles de décompte des effectifs pour l’ensemble des dispositions du ce code et des textes y renvoyant. En principe [58], l’effectif comptabilisé est «l’effectif salarié annuel» correspondant «à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente». De plus, pour l’année «n», «l’année de création du premier emploi salarié titulaire d’un contrat de travail dans l’entreprise», est comptabilisé «l’effectif présent le dernier jour du mois au cours duquel a été réalisée cette première embauche».
Toutefois, la loi n’indique ni les catégories d’effectifs considérés, ni comment elles sont calculées. Un décret doit être adopté en ce sens, pour une entrée en vigueur du texte au plus tard le 1er janvier 2020.
Ensuite, la loi recentre les seuils autour de 11, 50 et 250 salariés. Les seuils quasi identiques sont harmonisés. Par exemple, est soumise à immatriculation au répertoire des métiers [59], une personne physique ou morale qui emploie «moins de 11 salariés» et non «pas plus de 10 salariés». Il s’agit là d’une véritable simplification.
Le seuil de 20 salariés est relevé à 50. Ainsi, le versement de la cotisation visant le financement de l’allocation de logement par les entreprises devient obligatoire pour toute entreprise qui emploie non plus 20 mais «au moins 50 salariés» [60]. De même, le seuil de 200 salariés disparaît au profit de celui de 250 salariés. Ainsi, la mise à disposition d’un local syndical devient donc obligatoire si l’entreprise dépasse le seuil de 250 salariés et non de 200 salariés [61]. Ces modifications simplifient le droit positif mais elles aboutissent à soustraire les employeurs à certaines obligations et peuvent créer un manque à gagner pour les organismes sociaux récipiendaires des cotisations attachées à ces seuils [62].
Enfin, le législateur souhaite atténuer les effets de seuils [63]. L’entreprise est soumise à l’obligation attachée au franchissement de seuil si celui-ci est durable, le seuil devant être «atteint ou dépassé pendant cinq années civiles consécutives» [64]. En cas de diminution des effectifs pendant une année, le décompte repart à zéro à compter du nouveau franchissement de seuil. Un tel dispositif permet, par exemple, de soustraire à l’obligation née du dépassement de seuil, l’entreprise qui embaucherait des salariés pour faire face à une commande importante. Mais, les durées choisies semblent amener l’entreprise qui tutoie ces seuils à se soustraire complètement aux obligations liées à l’élévation de ses effectifs [65]. Des difficultés se poseront vraisemblablement en matière de contrôle des franchissements de seuils. Les décomptes ne seront peut-être pas aussi simples qu’il n’y paraît.
En deuxième lieu, à la suite d’une consultation publique, le Gouvernement a souligné que le recours à la certification obligatoire des comptes constituait un frein pour les entreprises.
A ce jour, la certification des comptes sociaux est obligatoire pour les SA et les SCA et pour les SARL, les SNC ou les SCS qui dépassent deux des trois seuils suivants : un total de bilan de 1,5 million d’euros, un chiffre d’affaires hors taxe de 6,1 millions d’euros et 50 salariés. Quant aux SAS, les seuils sont un total de bilan de 1 million d’euros, un chiffre d’affaire hors taxe de 2 millions d’euros et 20 salariés.
La loi nouvelle maintient le recours facultatif à la certification des comptes mais harmonise les seuils de certification obligatoire pour toutes les formes sociales et les relève au niveau des seuils européens [66] (un bilan supérieur ou égal à 4 millions d’euros, un chiffre d’affaires hors taxe supérieur ou égal à 8 millions d’euros et un effectif supérieur à 50 salariés). L’entrée en vigueur est soumise à l’adoption d’un décret avant le 1er septembre 2019 (NDLR : le décret a été publié au JORF du 26 mai 2019 : décret n° 2019-514 du 24 mai 2019 [LXB=L3628LQG]). La mesure s’appliquera à compter de la clôture de l’exercice de l’entrée en vigueur de la loi et en dehors des mandats en cours qui iront à leur terme.
Suscitant une économie moyenne annuelle de 5 511 euros [67], cette mesure en supprimant une obligation de l’entreprise, est aussi une simplification. Mais elle aboutit à une dérèglementation inopportune. Qui informera les associés et actionnaires, le parquet, le CSE ? Qui exercera l’alerte ? En l’absence de commissaire aux comptes, personne.
En dernier lieu, l’article 38 de la loi «PACTE» prévoit une modification du dispositif de radiation automatique du régime de Sécurité sociale du travailleur indépendant. Depuis le 1er janvier 2018, l’article L. 613-4 du CSS (N° Lexbase : L8739LH7) dispose qu’ «à défaut de chiffre d’affaires ou de recettes ou de déclaration de chiffre d’affaires ou de revenus au cours d’une période d’au moins deux années civiles consécutives, un travailleur indépendant est présumé ne plus exercer d’activité professionnelle justifiant son affiliation à la Sécurité sociale». L’organisme de Sécurité sociale peut prononcer la radiation.
L’article 38 améliore le dispositif en prévoyant des radiations «en chaîne». Désormais, la radiation de l’affiliation à la Sécurité sociale d’un entrepreneur individuel n’entraîne plus seulement l’information des organismes et administrations chargés de la tenue des registres professionnels dont relève l’entrepreneur [68] (par ex., le RCS ou le RDM), mais la radiation de plein droit de ces registres. La simplification est ici notable.
L’information automatique des organismes et administrations chargés de la tenue des registres professionnels est étendue aux travailleurs indépendants non entrepreneurs individuels, comme le gérant majoritaire d’une SARL. Ils sont donc alertés par l’organisme à l’origine de la radiation, des probables difficultés financières que rencontre le travailleur indépendant et en cas d’exploitation sous la forme sociétaire, la société.
Conclusion : la loi «PACTE» propose de nombreuses mesures de simplification relatives à la création, à la gestion et au développement de l’entreprise. Si certaines mesures sont bienvenues, d’autres sont déjà regrettables ou sources d’interrogations. Constitueront-elles de véritables simplifications ? Auront-elles des effets secondaires néfastes ? L’avenir nous le dira.
[1] Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (N° Lexbase : L2893IQ9), JORF du 18 mai 2011, texte n° 1 ; loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives (N° Lexbase : L5099ISN), JORF du 23 mars 2012, texte n° 1.
[2] Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (N° Lexbase : L6482LBP), JORF du 10 décembre 2016, texte n° 2.
[3] Proposition de loi n° 759, adoptée par le Sénat de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, le 8 mars 2018.
[4] Le texte a été adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 11 avril 2019. Il a fait l’objet de trois recours devant le Conseil constitutionnel. Une décision a été rendue le 16 mai 2019 (Cons. const., décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019 N° Lexbase : A4734ZBX) et ne concerne aucun des articles cités dans ces lignes.
[6] Cette mesure est prévue par l’article 1er de la loi «PACTE», v. infra.
[7] Article 12, selon la numérotation précédant le texte définitif.
[8] V. étude d’impact, § 3.2, p. 163.
[9] Article 127 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
[10] Environ 240 euros par an pour un compte professionnel, 60 à 96 euros pour un compte non professionnel, v. rapport n° 254 du 17 janvier 2019, p. 147.
[11] Selon l’étude annuelle de l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), la fédération nationale des Urssaf.
[12] 20 700 euros pour les pour les activités de commerce et de fourniture d'hébergement (hôtels, chambres d'hôtes, meublés de tourisme) ; 8 300 euros pour les prestations de service et les professions libérales relevant des BNC ou des BIC.
[13] Selon une étude de l’INSEE de septembre 2017, cinq ans après leur immatriculation du 1er semestre 2010, 23 % des micros-entrepreneurs étaient toujours actifs en 2015.
[14] V. étude d’impact, § 2.1.3, p. 162.
[15] Article 5 ter, selon la numérotation précédant le texte définitif.
[16] Cass. com., 7 février 2018, n° 16-24.481, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6715XCP), Bull. civ. IV, n° 179 ; Dalloz actualité, 9 février 2018, obs. A. Lienhard ; D., 2018, 594, obs. A. Lienhard, note S. Tisseyre ; ibid., 1829, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; Rev. sociétés, 2018. 311, note G. Grundeler ; JCP éd. E, 2018, n° 1276, note Ch. Lebel ; JCP éd. G, 2018, n° 279, note J.-D. Pellier ; LPA, 16 mars 2018, obs. V. Legrand ; Bull. Joly Sociétés, 2018, 226, obs. B. Saintourens ; P.-M. Le Corre, Lexbase, éd. aff., 2018, n° 544 (N° Lexbase : N2963BXZ).
[17] Selon l’article 50 de la loi de finances pour 2019 (loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, de finances pour 2019 N° Lexbase : L6297LNK), il est désormais possible de renoncer à l’option pour l’IS au titre des cinq premières années. En revanche, cette renonciation présente, elle aussi, un caractère irrévocable, de sorte qu’il n’est plus possible d’opter à nouveau pour l’IS. Les sociétés souhaitant renoncer à l’option doivent, pour ce faire, notifier leur choix à l’Administration avant la fin du mois précédant la date limite de versement du premier acompte d’impôt sur les sociétés du cinquième exercice suivant celui au titre duquel l’option a été exercée, qui dépend de la date de clôture de l’exercice. Une fois passé ce délai, l’option pour l’IS devient irrévocable.
[18] V. Projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), étude d’impact, § 4.5, p. 17.
[19] Un amendement avait été déposé en ce sens, mais a été ensuite supprimé par l’Assemblée nationale.
[20] Sauf pour les professions réglementées.
[21] V. étude d’impact, § 4.2.2, p. 31.
[22] Article 1er, I, 2°.
[23] Cons. const., décision n° 2018-769 DC, du 4 septembre 2018 (N° Lexbase : A3185X3D).
[24] Article 2, I, 2°.
[25] Article 2, I, 1°.
[26] Rapport au Président de la République, relatif à l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, JORF du 24 mars 2006.
[27] D. Legeais, La réforme du droit des garanties ou l’art de mal légiférer, in Etudes offertes au doyen Ph. Smiler, D., 2006, p. 367 ; Ph. Simler, Dispositions générales du livre IV nouveau du code civil, Dossier commentaire de l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés, JCP éd. G, suppl, 10 mai 2006, p. 5 ; M. Grimaldi, Orientations générales de la réforme, in Dossier Rapport «Grimaldi», Pour une réforme globale du droit des sûretés, Dr. & patr., septembre 2005, p. 51
[28] Loi n° 2007-211 du 19 février 2007 (N° Lexbase : L4511HUM), JORF du 21 février 2007 et ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 (N° Lexbase : L6939ICY)
[29] Avant-projet de réforme du droit des sûretés, M. Grimaldi et alii, Présentation de l’avant-projet de réforme du droit des sûretés, D., 2017, p. 1717 ; G. Piette et D. Nemtchenko, L'avant-projet de réforme du droit des sûretés, Lexbase, éd. aff., 2018, n° 540 (N° Lexbase : N2475BXX).
[30] CGI, art. 1929 quater (N° Lexbase : L3186IG4).
[31] C. douanes, art. 379 bis (N° Lexbase : L4992ICU).
[32] CSS, art. L. 243-5 (N° Lexbase : L3150IQQ).
[33] CE, avis, 14 juin 2018, n° 394599 et 395021, spéc. n° 30.
[34] Suivent le renforcement de l’efficacité et assurer un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants (art. 60, al 1er).
[35] Article 60, I, 1°.
[36] C. consom., art. L. 314-18 (N° Lexbase : L1201K7M), L. 332-1 (N° Lexbase : L1162K78) et L. 343-4 (N° Lexbase : L1103K7Y).
[37] C. mon. et fin., art. L. 313-22 (N° Lexbase : L7564LBR) ; C. civ., art. 2293 (N° Lexbase : L1122HIE) ; C. consom., art. L. 333-2 (N° Lexbase : L1160K74) et L. 343-6 (N° Lexbase : L1101K7W).
[38] C. consom., art. L. 314-17 (N° Lexbase : L1202K7N), L. 333-1 (N° Lexbase : L1161K77) et L. 343-5 (N° Lexbase : L1102K7X).
[39] La mention manuscrite relative à l’engagement de caution est prescrite à peine de nullité et l’absence de la mention relative à l’engagement solidaire fait dégénérer celui-ci en cautionnement simple.
[40] Avant-projet, op.cit. : C. civ. art. 2301 pour la sanction de la disproportion manifeste ; C. civ., art. 2303 et 2304 pour les obligations d’information ; C. civ. art. 2298 pour la mention manuscrite. A. Gouëzel, L. Bougerol, Le cautionnement dans l'avant-projet de réforme du droit des sûretés : propositions de modification, D., 2018, p. 678.
[41] D. Arlie, La place du code civil au regard de la spécialisation du cautionnement, RJDA, décembre 2018, n° 12, p. 1033, spéc. n° 57 et 58.
[42] C. com., art. L. 521-3 (N° Lexbase : L7990IQY).
[43] Avant-projet, opt. cit. : C. civ., art. 2346.
[44] Un bien ou un ensemble de biens meubles corporels (pour le gage) ou incorporels (pour le nantissement) présents ou futurs (C. civ., art. 2333 N° Lexbase : L1160HIS et 2355 N° Lexbase : L1182HIM)
[45] Amendement n° 2584.
[46] Y. Blandin, De la réforme du droit des sûretés par l’Assemblée Nationale du projet de loi PACTE, D. Actualité, 24 octobre 2018.
[47] C. civ., art. 1175 (N° Lexbase : L7344LPP).
[48] Ph. Roussel Galle, Rapport introductif. Enjeux et perspectives, dossier 19 Procédures collectives et sûretés réelles : à la recherche d’équilibres et d’articulations, Rev. proc. coll., juillet-août 2018, n° 4, p. 4.
[49] Ph. Roussel Galle, op. cit., p. 2 et 3.
[50] Y. Blandin, op. cit..
[51] Avant-projet, op. cit., C. com., art. L. 643-1.
[52] F. Macorig-Vernier, L’avant-projet de réformes des sûretés de l’Association Henri Capitant et les modifications apportées au livre VI du Code de commerce, Bull. Joly Entrep. en diff., janvier 2018, n° 115, p. 10 ; M.-H. Monsérié-Bon, Quid des garanties réelles et du plan de cession ?, dossier 19 Procédures collectives et sûretés réelles : à la recherche d’équilibres et d’articulations, Rev. proc. coll., juillet-août 2018.
[53] N. Borga, Le projet de loi PACTE et les titres d'entreposage : nouvelle entorse à la discipline collective ?, Bull. Joly Entrep. en diff., janvier 2019, n° 116, p. 8 spéc. n° 10.
[54] Avant-projet, opt. cit. C. civ., art. 2388 ; l’antichrèse avait été rebaptisée «gage immobilier» par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures (N° Lexbase : L1612IEG).
[55] P. Lokiec, Coup de griffe sur les seuils sociaux, Dr. Social, 2019, n° 6, p. 6.
[56] Contra : P. Lokiec, ibidem. ; Ch. Willmann, Décompte des effectifs, nouveaux seuils : avancer pour mieux reculer, Dr social, 2019, p. 10, spéc. n° 48. Voir aussi N. Ceci-Renaud et. P.-A. Chevallier, Les seuils de 10, 20 et 50 salariés : un impact limité sur la taille des entreprises françaises, Insee analyses, décembre 2011, n° 2.
[57] Pour une critique et une prise en considération de la taille de l’entreprise voir P. Lokiec, op. cit. loc. cit..
[58] «Par dérogation au premier alinéa du présent I, pour l’application de la tarification au titre du risque ‘accidents du travail et maladies professionnelles’, l’effectif pris en compte est celui de la dernière année connue» (CSS, art. L. 130-1, nouv.)
[59] Loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, art. 19, nouv..
[60] CSS, art. L. 834-1, nouv..
[61] C. trav., art. L. 2142-8, nouv..
[62] CE, avis, 14 juin 2018, n° 394599 et 395021, spéc. n° 16.
[63] Etude d’impact.
[64] CSS, art. L. 130-1, II, nouv..
[65] P. Lokiec, op. cit, n° 6, p. 6.
[66] R. Mortier, S. de Vendeuil, B. Zabala, Loi PACTE et droit des sociétés, JCP éd. E, n° 17, 25 avril 2019, 281, p. 9. Directive 2013/34 du 26 juin 2013, relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents (N° Lexbase : L9453IXE). Elle prévoit que les Etats peuvent adopter des seuils plus bas ou plus élevés dans la limite d’un total de bilan de 6 millions d’euros et d’un chiffre d’affaires hors taxe de 12 millions d’euros.
[67] IGF, La certification légale des comptes des petites entreprises françaises, n° 2017-M-088, mars 2018.
[68] CSS, art. L. 613-4 (N° Lexbase : L0574LCA), version instituée par la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 (N° Lexbase : L9288LBM), modifié par la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, relative au financement de la Sécurité sociale pour 2018 (N° Lexbase : L7951LHX) ; Memento Pratique Social, Francis Lefebvre, 2019, n° 799800.
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Réf. : Cass. com., 5 juin 2019, n° 16-27.659, F-P+B (N° Lexbase : A9266ZDK)
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par Marie-Claire Sgarra
Le 11 Juin 2019
►Pour être qualifiés de boissons, des produits ne doivent pas être uniquement administrés par voie entérale sous contrôle médical ;
►A défaut de définition fiscale, une boisson est un produit comestible qui s’ingère par voie orale, peu important sa fonction.
Telle est la solution retenue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juin 2019 (Cass. com., 5 juin 2019, n° 16-27.659, F-P+B N° Lexbase : A9266ZDK).
En l’espèce, une société, qui commercialise des produits destinés à l’alimentation médicale pour des personnes dénutries, a fait l’objet d’un contrôle au terme duquel l’administration des douanes a considéré que ces produits correspondaient à la qualification de boisson non-alcoolisé au sens de l’article 520 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L4410IRR) et devaient à ce titre être soumis à un droit spécifique de 0,54 euros par hectolitre. L’administration des douanes lui a notifié les infractions fiscales de dépôt des déclarations et de défaut de paiement du droit spécifique à hauteur de 174 259 euros et a émis à son encontre un avis de mise en recouvrement de cette somme. La contestation de la société ayant été rejetée, elle a assigné l’administration des douanes.
La cour d’appel a estimé que la société au litige n’avait pas rapporté la preuve que les produits de sa gamme, qui étaient en vente libre, ne s’ingéraient d’une façon autre que la voie orale et en a déduit que les produits en cause étaient des boissons.
Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi formé par la société.
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Réf. : CEDH, 6 juin 2019, Req. 47342/14 (N° Lexbase : A3061ZDQ)
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par June Perot
Le 18 Juin 2019
► La double poursuite et la double condamnation d’une personne, par l’AMF et par les juridictions pénales, pour des faits identiques, entraîne un préjudice disproportionné et constitue ainsi une violation de l’article 4 du Protocole n° 7 de la CESDH (N° Lexbase : L4679LAK) ;
► Pour conclure à la violation de cet article, la Cour strasbourgeoise estime tout d’abord qu’il n’existait pas de lien matériel suffisamment étroit entre les deux procédures, l’AMF et les juridictions pénales, compte tenu, d’une part, de l’identité des buts visés et, dans une certaine mesure, d’une répétition dans le recueil des éléments de preuve par différents services d’enquête ; d’autre part et surtout, de l’absence d’un lien temporel suffisamment étroit pour considérer les procédures comme s’inscrivant dans le mécanisme intégré de sanctions, prévu par le droit français.
Telle est la position adoptée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt de chambre rendu le 6 juin 2019 (CEDH, 6 juin 2019, Req. 47342/14 N° Lexbase : A3061ZDQ).
Les faits de l’espèce concernaient un analyste financier français qui avait réalisé des transactions sur le titre d’une société cotée en bourse (FPR) en utilisant quatre comptes bancaires sur lesquels il disposait d’un pouvoir, afin de dégager une plus-value substantielle. Le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a décidé de faire procéder à une enquête sur le marché du titre concerné à compter du 1er janvier 2006. Le 26 février 2006, la direction des enquêtes et de la surveillance des marchés de l’AMF a déposé son rapport d’enquête aux termes duquel les opérations effectuées par l’analyste requérant sur le titre FPR étaient susceptibles d’être considérées comme constitutives d’une opération de manipulation. Le rapport a relevé, notamment, la forte activité de l’intéressé sur le titre FPR au vu du nombre d’ordres passés et annulés, ainsi que des opérations réalisées, dont 25 en face-à-face entre les quatre comptes gérés par lui. Le rapport de l’AMF a conclu que cela avait eu pour effet de provoquer une hausse du cours, ainsi que des réservations de cotation de l’action à la hausse.
Le 20 décembre 2007, la Commission des sanctions de l’AMF a infligé une sanction de 250 000 euros à l’intéressé, outre la publication de la décision. La cour d’appel de Paris a rejeté le recours formé par l’analyste et la Cour de cassation a rejeté son pourvoi (Cass. com., 10 novembre 2009, n° 08-21.073, F-D N° Lexbase : A1852ENW). Informé des faits, le procureur de la République a chargé la brigade financière de procéder à une enquête préliminaire. Le 8 avril 2009, alors que le pourvoi relatif à la sanction prononcée par l’AMF était pendant, l’intéressé a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris, afin d’y être jugé pour délit d’entrave au fonctionnement régulier d’un marché financier. Estimant que la citation reprenait littéralement les mêmes faits que ceux pour lesquels il avait été condamné par l’AMF, ce dernier a déposé des conclusions soulevant la violation du principe ne bis in idem protégé par l’article 4 du Protocole n° 7 de la Convention. Le tribunal correctionnel a rejeté ses conclusions et l’a déclaré coupable des faits reprochés, le condamnant à 8 mois d’emprisonnement avec sursis. La cour d’appel a confirmé le jugement et a réduit la peine à 3 mois. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé.
La CEDH a été saisie. Pour conclure à la violation de l’article 4 du protocole, elle raisonne comme suit : elle constate d’abord que les faits reprochés étaient identiques dans les deux procédures. Ensuite, reprenant les critères de la décision «A. et B. c/ Norvège» (CEDH, 15 novembre 2016, Req. 24130/11 [lXB=A9900SGR]), elle rappelle que l’Etat défendeur doit établir de manière probante que les procédures mixtes en question étaient unies par un «lien matériel et temporel suffisamment étroit», autrement dit que les procédures devant l’AMF et devant les juridictions pénales se combinaient de manière à être intégrées dans un tout cohérent. A défaut, il y aurait violation de la Convention (v. également : CEDH, 16 avril 2019, Req. 72098/14 -disponible uniquement en anglais-).
Procédant à un examen méticuleux de ces deux critères, elle conclut qu’il n’existait pas de lien matériel suffisamment étroit entre les deux procédures, compte tenu de l’identité des buts visés par les procédures devant l’AMF et par les juridictions pénales, et dans une certaine mesure, d’une répétition dans le recueil des éléments de preuve par différents services d’enquête. Elle observe ensuite et surtout qu’un lien temporel suffisamment étroit pour considérer les procédures comme s’inscrivant dans le mécanisme intégré de sanctions, prévu par le droit français, fait défaut en l’espèce.
Il est intéressant de relever que la réserve formulée par la France au moment de la ratification, concernant l’article 4 du Protocole n° 7, n’a pas été soulevée par le Gouvernement français (§ 34, 35 et 36). Pour mémoire, selon cette réserve en marge du Protocole, la règle Ne bis in idem, ne trouve à s’appliquer que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n’interdit pas le prononcé de sanctions disciplinaires parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif.
Rappelons toutefois que la loi n° 2016-819, du 21 juin 2016 (N° Lexbase : L7614K8I) est venue réformer le système de répression des abus de marché en apportant deux modifications connexes aux dispositifs de répression des abus de marché, afin d’éviter la violation du principe ne bis in idem. D’une part, elle a augmenté le montant des amendes pénales encourues par les personnes reconnues coupables de telles infractions, afin de les aligner sur le montant maximum des sanctions pécuniaires pouvant être infligées par l’AMF (C. mon. fin., art. L. 465-3-1 N° Lexbase : L8943K8Q). D’autre part, elle a établi un mécanisme de coordination entre les autorités pénales et l’AMF, pour éviter un cumul de leurs actions répressives (C. mon. fin., art. L. 465-3-6 N° Lexbase : L8948K8W).
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Réf. : Décret n° 2019-567 du 7 juin 2019, relatif à la procédure applicable devant la commission des infractions fiscales et aux modalités de sa saisine (N° Lexbase : L4369LQU)
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N9298BXN
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par Marie-Claire Sgarra
Le 10 Juin 2019
► Le décret n° 2019-567 du 7 juin 2019, relatif à la procédure applicable devant la commission des infractions fiscales et aux modalités de sa saisine (N° Lexbase : L4369LQU, publié au Journal officiel du 8 juin 2019, définit d’une part, la procédure à suivre lorsque l'administration fiscale entend rendre publiques des amendes et majorations mises à la charge des personnes morales et, d'autre part, adapte les conditions de saisine de la commission des infractions fiscales en vue de l'engagement de poursuites pénales à la suite de la réforme opérée par la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018, relative à la lutte contre la fraude (N° Lexbase : L5827LMR).
Le décret est pris pour l'application de l'article 1729 A bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L4733ICB) et de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L9492IY9), qui prévoient la possibilité de rendre publiques, après avis conforme de la commission des infractions fiscales, certaines amendes et majorations prononcées à l'encontre de personnes morales par l'administration fiscale et la suppression de la nécessité de requérir l'avis de la commission des infractions fiscales lorsque l'administration dénonce au procureur de la République des faits de fraude fiscale dans les cas prévus par la loi ou envisage de déposer une plainte sur la base de présomptions caractérisées de fraude fiscale. Il vise également à étendre aux directeurs des directions nationales et spécialisées de contrôle fiscal le pouvoir de saisir la commission des infractions fiscales, par délégation du ministre.
Le texte est entré en vigueur le 9 juin 2019.
Lire également, notre brève, Publication de la loi relative à la lutte contre la fraude : focus sur les mesures fiscales et douanières (N° Lexbase : N6163BXK) ; Bernard Thévenet, Fraude fiscale : la nouvelle loi du 23 octobre 2018, Lexbase éd. fisc., 2019, n° 773 (N° Lexbase : N7718BX7).
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newsid:469298
Réf. : Cons. const., décision n° 2019-787 QPC du 7 juin 2019 (N° Lexbase : A4269ZDH)
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N9294BXI
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par Charlotte Moronval
Le 12 Juin 2019
► Le premier alinéa de l'article L. 1232-6 du Code du travail (N° Lexbase : L1447LKS), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 (N° Lexbase : L9253LIK), ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (N° Lexbase : L7244LGE), est conforme à la Constitution.
Telle est la solution dégagée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 7 juin 2019 (Cons. const., décision n° 2019-787 QPC du 7 juin 2019 N° Lexbase : A4269ZDH).
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 mars 2019 par le Conseil d’Etat (CE 1° et 4° ch.-r., 7 mars 2019, n° 425779, inédit N° Lexbase : A0252Y3Q) d’une question prioritaire de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 1232-6 du Code du travail, qui prévoit dans son premier alinéa que «lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception».
Selon le requérant, lorsqu'elles s'appliquent à un salarié protégé dont l'autorité administrative a autorisé le licenciement, les dispositions de cet article ne garantiraient pas à ce salarié l'effectivité de son recours en suspension de l'exécution de cette autorisation, formé devant le juge administratif des référés, dans la mesure où ce recours se trouve privé d'objet dès l'envoi de la lettre de licenciement par l'employeur. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et une incompétence négative, faute pour le législateur d'avoir prévu un mécanisme préservant l'effet utile de la demande de suspension. En outre, ces dispositions contreviendraient au principe d'égalité devant la loi, dès lors qu'un salarié non protégé pourrait contester son licenciement devant le juge judiciaire des référés sans que ce recours puisse, à la différence de celui exercé devant le juge administratif par un salarié protégé, être privé d'effet par l'envoi de la lettre de licenciement.
Enonçant la solution susvisée, le Conseil constitutionnel estime que le législateur a institué des garanties suffisantes visant à remédier aux conséquences, pour le salarié protégé, de l'exécution de l'autorisation administrative de licenciement et qu’en ne garantissant pas l'effet suspensif du recours formé contre l’autorisation de licenciement, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif et ne sont pas entachées d'incompétence négative (sur La notification du licenciement d'un salarié protégé, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9579ESL).
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Réf. : CEDH, 6 juin 2019, Req. n° 70573/17, disponible en anglais
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N9301BXR
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par Blanche Chaumet
Le 18 Juin 2019
► Un salarié ne peut pas raisonnablement s’attendre à ce qu’un élément ou une communication présentés devant le comité disciplinaire pussent demeurer confidentiels.
Telle est la règle dégagée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt rendu le 6 juin 2019 (CEDH, 6 juin 2019, Req. n° 70573/17, disponible en anglais ; a contrario, CEDH, 5 septembre 2017, Req. 61496/08 N° Lexbase : A6623WQD).
En l’espèce, un salarié ressortissant britannique résidant en Angleterre travaillait depuis octobre 2007 comme chef de service au sein d’une régie du Service national de santé. En juin 2012, Mme Y, une collègue avec laquelle il avait entretenu une relation, révéla à son supérieur (à elle) qu’elle était préoccupée par des courriels que ce salarié lui avait adressés, ainsi qu’à d’autres agents, à propos de la liaison qu’elle était supposée avoir avec un membre junior du personnel. Le supérieur fit savoir à ce dernier que son comportement était inapproprié. L’intéressé fut suspendu en avril 2013, lorsque la police informa la régie qu’elle enquêtait parce que Mme Y s’était plainte à son sujet, alléguant qu’il la traquait, la harcelait et envoyait des courriels malveillants anonymes à des salariés de la régie. Après une enquête interne et une procédure disciplinaire, la régie le licencia en décembre 2013 pour faute professionnelle. Elle se fonda en particulier sur des photographies enregistrées sur son iPhone, que la police lui avait transmises et qui reliaient l’intéressé à certains courriels anonymes, ainsi que sur des courriels personnels et sur des messages échangés sur WhatsApp entre l’intéressé et d’autres membres du personnel, dont Mme Y. M. X avait de son plein gré remis certaines de ces communications lors d’une audience dans le cadre de la procédure disciplinaire.
L’intéressé contesta son licenciement en justice, arguant notamment que la régie s’était appuyée sur des éléments à caractère privé. Son action fut définitivement écartée en appel en 2016. Les juridictions estimèrent qu’il ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce que les éléments sur lesquels s’était fondée la régie pussent demeurer confidentiels. A la suite de ces décisions, le salarié introduisit une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme le 19 septembre 2017. Invoquant l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) (droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance), il alléguait que les décisions des juridictions internes confirmant son licenciement avaient porté atteinte à son droit à la vie privée.
En énonçant la règle susvisée, la Cour rejette pour irrecevabilité son grief en s’appuyant sur les faits de l’espèce. Elle insiste à cet égard sur le fait qu’au moment où il a été arrêté et entendu par la police en avril 2013 au sujet des allégations de harcèlement, le salarié savait depuis près d’un an que son employeur considérait son comportement comme inapproprié. Il ne pouvait donc pas raisonnablement s’attendre à ce qu’un élément ou une communication postérieurs à juin 2012 et liés aux allégations de harcèlement pussent demeurer confidentiels. En outre, il n’a pas non plus cherché à contester l’utilisation des éléments enregistrés sur son iPhone ou de communications privées pendant l’audience de la procédure disciplinaire. Au contraire, il a livré de son plein gré d’autres communications privées au comité disciplinaire (sur La preuve de l’utilisation abusive des NTIC, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E1370Y9M).
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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 12 Juin 2019
La multiplication des réformes en matière de prescription depuis 2008, et l’abaissement permanent des délais de prescription pour renforcer la sécurité juridique (des entreprises) et redonner confiance (aux entreprises) ont rendu la détermination du point de départ des délais de prescription à la fois plus complexe et plus importante. Le moins que l’on puisse dire est que l’ensemble manque de cohérence (I). Certains points de départ sont fixes, mais ne sont pas toujours aisés à déterminer (II). D’autres sont flottants et sont a priori encore plus complexes à identifier, même si concrètement les solutions observées peuvent démontrer le contraire (III).
I - La variété des régimes
La multiplication des prescriptions. Le droit du travail connaît aujourd’hui quatre prescriptions principales et des centaines de délais d’action particuliers [1].
Ces quatre délais de prescription, que l’on pourrait qualifier «de droit commun» sont : la prescription d’un an des actions relatives à la rupture du contrat de travail [2], la prescription de deux ans des actions relatives à l’exécution du contrat de travail [3] et plus largement de toutes les actions en validité et qualification/requalification, la prescription de trois ans des gains et salaires [4], et la prescription de cinq années en matière de discriminations [5].
Le raccourcissement permanent des délais de prescription constaté d’une manière générale après la réforme de 2018 et qui est particulièrement flagrant en droit du travail depuis 2013 dans le cadre d’une entreprise généralisée de sécurisation des ruptures du contrat de travail, rend encore plus importante la question de la détermination du point de départ de ces différents délais.
II - Les points de départ fixes
La variété des points de départ. Certaines prescriptions connaissent un point de départ fixe qui n’est pas susceptible d’être reporté. C’est le cas de la prescription des actions relatives à la rupture du contrat ; le délai part en effet bien, par détermination de la loi, de la «notification de la rupture» [6]. Le même mode de détermination légale prévaut également pour le point de départ de la dénonciation du reçu pour solde de tout compte, délai de six mois qui part de la «signature» du reçu (C. trav., art. L. 1234-20 N° Lexbase : L8044IA8) [7].
De nombreux autres délais spéciaux partent d’événements précis, facilement datables, comme le délai de 5 ans de conservation des mentions portées sur le registre unique du personnel (C. trav., art. R. 1221-26 N° Lexbase : L4750KNA) qui part «de la date à laquelle le salarié ou le stagiaire a quitté l'établissement». Le Code du travail comporte des centaines de délais d’action particuliers, qui ne sont pas à proprement parler des délais de prescription, qui sont parfois très courts (15 jours pour contester des actes comme en matière électorale, ou pour demander à l’employeur des précisions relatives au contenu de la lettre de licenciement).
Le report du point de départ fixe. La détermination du point de départ effectif du délai de prescription n’est jamais chose aisée, même lorsque le Code du travail a visé un moment précis. Lorsque le texte vise la «notification de la rupture», s’agit-il de l’émission de la lettre de licenciement, c’est-à-dire de la date et de l’heure mentionnées sur la lettre de licenciement, ou de la présentation de ce courrier au salarié ? ou de la date à laquelle le salarié en a pris effectivement connaissance [8] ? La date d’homologation de la rupture conventionnelle peut être complexe compte tenu de la possibilité pour la DIRECCTE de rendre une décision implicite d’acceptation, ce qui suppose de déterminer comment calculer le délai de «quinze jours ouvrables» laissés à l’administration, de savoir quand ce délai commence et quand il se termine [9].
Même lorsque ce point de départ est fixé avec précision, il peut être reporté lorsque, à cette date, le créancier était dans l’impossibilité d’agir. On sait, toutefois, que la Cour de cassation est ici très stricte ; seuls des obstacles matériels insurmontables seront admis, et le fait que la législation ait par la suite changé dans un sens plus favorable au créancier ne sera pas de nature à constituer un fait susceptible d’entraîner le report du point de départ de la prescription [10].
III - Les points de départ flottants
La problématique des délais flottants. Dans d’autres cas, le législateur n’a pas voulu fixer de date certaine mais a visé un événement, ou des circonstances, qui constituent la réunion de plusieurs faits convergents et dont il n’est pas possible, a priori, de prédéterminer la date de survenance. Il s’agit toujours de vérifier que le créancier (généralement le salarié) disposera, à ce moment, de l’ensemble des éléments dont il aura besoin pour décider, ou non, en toute connaissance de cause, de saisir le juge [11]. Ce point de départ «flottant» pourra résulter par exemple «du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit», comme c’est le cas de la prescription de deux ans applicable en matière d’exécution du contrat de travail (C. trav., art. L. 1471-1, al. 1er N° Lexbase : L1453LKZ), ou de la «révélation» de la discrimination (C. trav., art. L. 1134-5 N° Lexbase : L5913LBM).
Détermination du point de départ flottant. Lorsque le point de départ n’est pas fixé avec précision par le Code du travail mais résulte d’un événement qu’il convient de déterminer de manière empirique, le juge doit apprécier à quel moment il y a lieu, par exemple, de considérer que «celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit» (C. trav., art. L. 1471-1, al. 1er).
Certaines circonstances autorisent un certain degré de certitude. Ainsi, lorsque le salarié conclut un contrat de travail à durée déterminée comportant des clauses qui justifient la requalification en CDI, ou ne comportant pas certaines mentions obligatoires (la même remarque vaut pour le contrat de travail à temps partiel, et plus largement pour tous les contrats «spéciaux» comportant des mentions obligatoires), il est logique de faire partir le délai de prescription de la date de conclusion du contrat car le salarié sait alors que celui-ci pourra être requalifié [12].
C’est ainsi que s’agissant du délai reconnu au salarié pour contester la validité de sa convention de forfait, la Cour de cassation vient de décider que ce délai partait en réalité de l’échéance du salaire mensuel, considérant sans doute que ce n’est que lorsqu’il a reçu son bulletin de salaire que le salaire sait si la convention de forfait lui a été opposée pour neutraliser son droit à heures supplémentaires [13].
L’incertitude concernant la pertinence de cette «connaissance» conduit parfois à des résultats très défavorables au débiteur. C’est ainsi qu’en matière de retraite la complexité des règles de calcul des cotisations a conduit la Cour de cassation à fixer le point de départ du délai de deux ans reconnu au salarié pour contester l’affiliation, les taux de cotisations et l’assiette, au jour où la retraite a été liquidée, et ce même s’agissant de cotisations très anciennes [14].
Des difficultés comparables existent en matière de prescription des gains et salaires. La jurisprudence fait ici classiquement application de la maxime «contra non valentem» pour affirmer que la prescription «ne s’applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, en particulier, doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire» [15].
Cas particulier de la prescription des actions en matière de discrimination. La prescription des actions en matière de discrimination est d’une nature particulière dans la mesure où le délai de cinq années n’a qu’une fonction procédurale (définir le délai de saisine du juge) et non substantielle, puisque la période indemnisable au titre de l’action en indemnisation n’est pas limitée dans le temps et que le juge doit indemniser «l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée» (C. trav., art. L. 1134-5) et non les seuls préjudices constatés sur les cinq années précédant la saisine du juge [16]. Cette dissociation entre l’aspect procédural de la prescription, et l’aspect substantiel, a par la suite été repris en 2013 en matière de gains et salaires (C. trav., art. L. 3245-1 N° Lexbase : L0734IXH) lorsque le contrat de travail a été rompu, puisque dans cette hypothèse le salarié dispose d’un délai de trois ans pour saisir le juge, et pourra réclamer jusqu’à trois années de salaires avant celle-ci.
Recherche du point de départ. La référence à la notion de «révélation» est particulière et répond à d’autres critères que le moment où le salarié a eu «connaissance» des éléments fondant sa prétention. Dans la seconde hypothèse, la «connaissance» doit être vérifiée in concreto en se situant du point de vue du salarié et en vérifiant que ce dernier a bien assimilé les éléments, ce qui peut entraîner un délai entre le moment où les faits ont été rendus publics et celui où le salarié en a eu effectivement connaissance, ce décalage dans le temps pouvant repousser d’autant plus le point de départ du délai d’action de cinq ans. Ce critère de la «connaissance» se rapproche alors plus de la référence au moment où le salarié «aurait dû» connaître les faits lui permettant d'exercer son droit visé par l’article L. 1471-1, alinéa 1er, s’agissant des actions fondées sur l’exécution du contrat. En effet, il ne s’agit alors pas de vérifier la «connaissance» réelle des faits, ce qui s’avère complexe et incertain, mais d’une recherche du point de vue du salarié réalisée in abstracto, comparable à celle de la conscience du danger dans la définition de la faute inexcusable du droit de la Sécurité sociale ou du droit des accidents de la circulation [17]. La référence à la «révélation» est toutefois uniquement centrée sur les faits eux-mêmes et leur caractère public, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que le salarié a pu en avoir connaissance d’une manière suffisante pour qu’on puisse considérer qu’il ait dû en avoir connaissance. Il s’agit donc ici d’un critère purement objectif qui suppose simplement de déterminer à quel moment ces faits, ou des faits comparables (i. e. mettant en cause le même auteur, dans la même entreprise), ont été rendus publics, sans s’interroger sur le degré de connaissance par le salarié en question. C’est ici la seule concession aux intérêts de l’employeur dans la mesure où le choix d’un critère objectif pour fixer le point de départ de la prescription s’avère plus favorable, car plus précoce, et moins sujet à discussion car moins empreint de considérations psychologiques.
Illustrations. Les résultats d’une enquête, interne à l’entreprise ou externe (par exemple menée par les agents de la DIRECCTE), peuvent révéler les faits et faire courir le délai de cinq ans. C’est ainsi que la Cour de cassation a retenu comme pertinent le courrier adressé par l’inspecteur du travail et pointant du droit des faits discriminatoires établis au sein de l’entreprise [18].
La «révélation» des faits, c’est-à-dire leur caractère public, est aisée à déterminer lorsque la discrimination est induite par les termes mêmes d’une offre d’emploi rendue publique. Dernièrement, s’agissant d’une différence de traitement entre fonctionnaires et contractuels non nationaux de la SNCF, la Cour de cassation a retenu comme pertinents pour fixer le point de départ de la discrimination un certain nombre de données publiques, comme les déclarations de candidature à un emploi d’auxiliaire, remplies par les salariés non français, qui indiquaient expressément qu’ils étaient engagés aux conditions du règlement PS 21, dont ils avaient «pris connaissance» ; les bilans sociaux, dont se prévalait d’ailleurs le demandeur, aux termes desquels la situation des agents contractuels était clairement distinguée de celle des salariés permanents ; la publication des statuts des divers agents [19]. On observera toutefois que, dans cette affaire et comme il s’agissait d’une contestation portant sur le niveau des retraites, la Cour de cassation a considéré, comme elle le fait habituellement, que le point de départ de la prescription devait être fixé à la date de liquidation dans la mesure où, avant cet événement, le salarié ne pouvait pas connaître exactement l’étendue de ses droits et, partant, l’étendue de la discrimination [20].
[1] Il s’agit de délais d’action préfixes qui ne constituent pas des «prescriptions» et qui échappent donc au régime de ces dernières.
[2] C. trav., art. L. 1471-1, al. 2 (N° Lexbase : L1453LKZ). Le délai d’un an a été imposé par l’une des ordonnances du 22 septembre 2017 ; il avait été fixé à 2 ans par la loi du 14 mai 2013. Avant 2013 il était de cinq ans, depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L9102H3I), et avant 2008 de 30 ans.
[3] C. trav., art. L. 1471-1, al. 1er (N° Lexbase : L1453LKZ). Délai imposé par la loi du 14 juin 2013 ; avant cette date il était de cinq ans depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et avant de 30 ans par application de l’ancien délai de droit commun.
[4] C. trav., art. L. 3245-1 (N° Lexbase : L0734IXH. Avant 2013 ce délai était de 5 ans depuis la loi du 16 juillet 1971.
[5] C. trav., art. L. 1134-5 (N° Lexbase : L5913LBM).
[6] Ou de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle : C. trav., art. L. 1233-67 (N° Lexbase : L2155KGW), ou de la «dernière réunion du comité social et économique», lorsque le salarié invoque la violation des dispositions procédurales en matière de licenciements collectifs (C. trav., art. L. 1235-7 N° Lexbase : L7304LHY).
[7] Quoi qu’il s’agisse d’un délai préfix et non d’un délai de prescription, ce délai est assimilé à une prescription par l’article L. 1471-1 du Code du travail qui y fait référence au titre des prescriptions dérogeant au délai de droit commun de douze mois (C. trav., art. 1471-1, al. 3), ou de la «date d'homologation de la convention» de rupture du contrat (C. trav., art. L. 1237-14, al. 4 N° Lexbase : L8504IA9), ou encore «de la date de la rupture du contrat» en application d’un accord de rupture conventionnelle collective (C. trav., art. L. 1237-19-8 N° Lexbase : L7986LGU).
[8] La réponse est parfois légale ; ainsi l’article L. 1234-3 (N° Lexbase : L1303H97) dispose que «la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement au salarié fixe le point de départ du préavis». Mais c’est bien l’envoi de la lettre de licenciement qui détermine la date de rupture du contrat : Cass. soc., 7 novembre 2006, n° 05-42.323, FS-P+B (N° Lexbase : A3135DSW).
[9] Lire dernièrement V. Orif, La rupture conventionnelle individuelle du contrat de travail : un bilan globalement positif, Lexbase, éd. soc., n° 775, 2019 (N° Lexbase : N8018BXA).
[10] A propos du licenciement des grévistes des houillères du Nord : Cass. soc., 9 octobre 2012, n° 11-17.829, FS-P+B (N° Lexbase : A3324IUN) : Ch. Radé, Tempus fugit : épilogue judiciaire dans l'affaire des mineurs des Houillères du Nord, Lexbase, éd. soc., n° 503, 2012 (N° Lexbase : N4090BTN).
[11] On retrouve ici le double fondement psychologique et punitif de la prescription : celui qui dispose de l’ensemble des éléments pour se déterminer et qui n’agit pas est censé soit avoir renoncé à agir, soit avoir négligé de défendre ses intérêts (et doit donc être sanctionné pour cette négligence coupable).
[12] Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.437, FS-P+B (N° Lexbase : A4401XMX) : «Le délai de prescription de deux ans d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat». Il en va différemment lorsque le motif de la requalification tient à la nature de l’emploi occupé, au non-respect du délai de carence ou à l’absence de motif objectif autorisant le renouvellement des contrats, car dans ces hypothèses le salarié ne pourra pas agir tant qu’il n’a pas connaissance des faits litigieux.
[13] Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-23.314, FS-P+B (N° Lexbase : A7290Y77) : Ch. Radé, De la prescription de l’exception de nullité de la convention individuelle de forfait, Lexbase, éd. soc., n° 779, 2019 (N° Lexbase : N8451BXB).
[14] Dernièrement Cass. soc., 11 juillet 2018, n° 16-20.029, FP-P+B (N° Lexbase : A9420XX8) : Ch. Radé, De la prescription de l’action du salarié contestant le calcul par son employeur de l’assiette des cotisations de retraite complémentaire, Lexbase, éd. soc., n° 754, 2018 (N° Lexbase : N5527BXY).
[15] Cass. civ. 1, 22 décembre 1959, JCP, 1960, II, n° 11494, note P. Esmein ; Ass. plén., 7 juillet 1978, n° 76-15.485, publié (N° Lexbase : A4843CGH), Bull. n° 4 ; JCP éd. G, 1978, II, 18948, rapp. Ponsard, concl. Baudouin ; Cass. soc., 20 juillet 1978, Bull. civ. V, n° 627.
[16] Pour un exemple de censure d’une cour d’appel qui n’avait pas respecté cette règle : Cass. soc., 25 mai 2018, n° 16-22.137, F-D (N° Lexbase : A5510XPR).
[17] «Seule est inexcusable la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont elle aurait dû avoir conscience» : Ass. plén., 10 novembre 1995, JCP éd. G., 1996, II, 22564, concl. M. Jéol, note G. Viney.
[18] Cass. soc., 20 février 2013, n° 10-30.028, FS-P+B (N° Lexbase : A4334I8Z) : sur cet arrêt, lire également (N° Lexbase : N6036BTQ).
[19] Cass. soc., 29 mai 2019, n° 18-14.484, FS-D (N° Lexbase : A1052ZDC).
[20] Rappelons, en effet, qu’une fois fixé, le point de départ de la prescription demeure toujours la possibilité de repousser celui-ci dès lors que le salarié a été placé dans l’impossibilité matérielle d’agir s’il lui manquait certains éléments nécessaires à la parfaite connaissance de l’étendue de ses droits.
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Réf. : CJUE, 2 mai 2019, aff. C-133/18 (N° Lexbase : A4792ZAQ)
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N9311BX7
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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 14 Juin 2019
Le délai d’un mois prévu à l’article 20 § 2 de la Directive 2008/9/CE (N° Lexbase : L8140H3U) -délai permettant de fournir à l’Etat membre du remboursement les informations complémentaires demandées- ne constitue pas un délai de forclusion. Voici ce à quoi conclut la CJUE dans cette décision du 2 mai 2019, apportant une salutaire et argumentée contribution en matière de TVA.
Lorsque l’administration de l’Etat membre du remboursement de la TVA demande des informations complémentaires, ces dernières doivent être fournies dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande par le destinataire. Comment lire ce délai d’un mois ? Quelle est sa nature juridique ? Quelles sont les conséquences d’un non-respect éventuel de ce délai ?
Autant de questions au centre du litige entre la Société Sea Chefs Cruise Services GmbH, établie en Allemagne, et l’administration fiscale française. Cette dernière a rejeté la demande de la Société Sea Chefs tendant au remboursement de la TVA acquittée au titre de l’année 2014. Le tribunal administratif de Montreuil a préféré poser question préjudicielle à la CJUE pour l’éclairer quant à l’interprétation de l’article 20 § 2 de la Directive 2008/9/CE.
Cet article définit les modalités du remboursement de la TVA (tel que prévu par la Directive 2006/112/CE N° Lexbase : L7664HTZ) en faveur des assujettis non établis dans l’Etat membre de remboursement mais dans un autre Etat membre. En vertu de l’article 20 § 1 de la Directive 2008/9/CE, l’Etat membre du remboursement peut demander -par voie électronique- des informations complémentaires s’il estime ne pas être en possession de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la demande réalisée. En vertu de l’article 20 § 2 de la même directive, les informations exigées doivent être fournies à l’Etat membre du remboursement dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de la demande par le destinataire. L’article 20 de la Directive 2008/9/CE a été transposé en droit français par l’article 242-0 W de l’annexe II du Code général des impôts (N° Lexbase : L0081IHH).
Quid du litige et quid de la question préjudicielle posée ? Quant au litige, il découle du refus de l’administration fiscale française de faire droit à la demande de remboursement de la Société Sea Chefs ; cette dernière n’a pas répondu dans le délai d’un mois à la demande d’informations complémentaires. Selon la Société Sea Chefs, l’impossibilité de régulariser sa situation dans le cadre du recours prévu à l’article 23 de la Directive 2008/9 est contraire au principe de neutralité de la TVA ainsi qu’au principe de proportionnalité. Selon l’administration, le recours doit être déclaré irrecevable dans la mesure où la méconnaissance du délai de réponse a entrainé la forclusion de la demande de remboursement. Aux yeux de l’administration, s’avère impossible une régularisation découlant de la production, devant le juge national, des informations complémentaires établissant l’existence d’un droit au remboursement.
Recours devant le tribunal administratif de Montreuil il y a, comme mentionné en amont, la Société Sea Chefs produisant alors les documents et informations réclamés par l’administration dans sa demande d’informations complémentaires. L’embarras du juge administratif n’est pas de peu. Il ne manque pas de souligner que la Directive 2008/9 ne précise pas les conséquences -sur le droit au remboursement de la TVA- d’une méconnaissance du délai de réponse (prévu à l’article 20 § 2).
De même, le droit Union européenne ne précise pas si l’assujetti dispose de la possibilité de régulariser sa demande via la production, devant le juge national, des éléments de nature à établir l’existence de son droit à remboursement. Aussi est-il posé la question préjudicielle suivante : «Les dispositions de l’article 20, paragraphe 2 de la Directive 2008/9 doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles créent une règle de forclusion qui implique qu’un assujetti d’un État membre qui demande le remboursement de la TVA à un Etat membre dans lequel il n’est pas établi ne peut régulariser sa demande de remboursement devant le juge de l’impôt s’il a méconnu le délai de réponse à une demande d’informations formulée par l’administration conformément aux dispositions de l’article 20, paragraphe 1, de cette Directive ou, au contraire, en ce sens que cet assujetti peut, dans le cadre du droit au recours prévu à l’article 23 de ladite Directive et au regard des principes de neutralité et de proportionnalité de la TVA, régulariser sa demande devant le juge de l’impôt ?».
Pour la CJUE, le délai d’un mois prévu à l’article 20 § 2 de la Directive 2008/9/CE ne constitue pas un délai de forclusion. D’un point de vue herméneutique, sa réponse est logique, structurée, argumentée, et centrée sur un classique raisonnement systémique/contextuel. D’un point de vue de la rationalité économique et juridique, la CJUE entend donner plein effet utile aux dispositions textuelles facilitant les échanges entre acteurs économiques au sein de l’Union européenne.
La CJUE rappelle tout d’abord (un truisme juridique n’est jamais inutile) que le remboursement de TVA est un droit pour tout assujetti non établi dans l’Etat membre dans lequel il effectue des achats de biens et de services (ou des importations de biens grevés de TVA). Le juge s’empresse aussitôt d’opérer le lien (fécond) entre droit au remboursement et droit à déduction : le droit au remboursement «est le pendant du droit, instauré en faveur de cet assujetti par la Directive TVA, de déduire la TVA payée en amont dans son propre Etat membre» (cf. CJUE, 21 mars 2018, C-533/16 N° Lexbase : A4809XHL). Droit au remboursement, droit à déduction : nous sommes là, insiste le juge, en présence de principes fondamentaux inhérents à la nature et au fonctionnement même de l’UE. Tout comme le droit à déduction, le droit au remboursement «constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation de l’Union». La finalité ? Elle est connue et constitue l’ADN économique de l’Union européenne : «soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques».
Droit au remboursement, droit à déduction : il ne manque qu’un 3ème larron qui ne peut être que le principe de neutralité. Le système commun de la TVA garantit en effet la neutralité -quant à la charge fiscale- des activités économiques soumises à TVA. Au regard de ces différents éléments, au regard de la logique propre à la nature, au fonctionnement, à la finalité du système UE, il appert que le «droit à déduction, et partant, au remboursement fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité». Le principe est la non-limitation ; la limitation est l’exception et doit être hautement fondée en son argumentation. Et il va de soi qu’un tel droit -qui ne saurait, sauf exception, être limité- s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont. Il était d’importance de rappeler les principes fondamentaux structurant les opérations soumises à TVA ; reste à cogiter sur la nature du délai.
La CJUE opère le même constat que le TA de Montreuil : le libellé de la Directive ne permet pas de trancher le nœud gordien : le délai visé (un mois) constitue-t-il (ou non) un délai de forclusion ? Du texte au contexte : quand le texte se révèle muet, il convient de recourir à une analyse contextuelle, ici de la Directive 2008/9. Or, l’analyse contextuelle commande de conclure au caractère non contraignant du délai. Procédant par analogie, le juge se penche sur l’article 7 de la 8ème Directive 79/1072 pour éclairer -a contrario- la Directive 2008/9. Dans l’article 7 de la 8ème Directive 79/1072 (repris à l’article 15 § 1 de la Directive 2008/9), figure l’expression «au plus tard» visant le délai d’introduction d’une demande de remboursement ; dans cette hypothèse, ne peut pas survenir une demande de remboursement après l’expiration du délai fixé ; dans cette hypothèse, un tel délai est un délai de forclusion.
Or, constate le juge, l’article 20 § 2 (au cœur du litige) de la Directive 2008/9 ne comporte pas cette expression « au plus tard». Suivant en cela les propos de l’avocat général, la CJUE en tire la conclusion que le législateur UE n’a pas souhaité introduire ici un délai de forclusion. Suivant toujours le chemin de l’analogie avec l’article 15 § 1 de la Directive 2008/9, la CJUE s’appuie sur un autre élément pour s’opposer à la théorie du délai-forclusion : l’auteur de la demande. Dans le cas de l’article 15 § 1 de la Directive 2008/9, la demande doit obligatoirement être introduite par l’assujetti ; dans le cas de l’article 20 § 2 de la Directive 2008/9, l’administration fiscale peut demander les informations complémentaires auprès d’une personne autre que l’assujetti (ou auprès des autorités de l’Etat membre d’établissement de l’assujetti). La différence de situation n’est pas de peu et met en exergue la spécificité de la situation de l’assujetti quand il est fait application de l’article 20 § 2 de la Directive 2008/9 : l’assujetti pourrait perdre le droit au remboursement en cas d’absence de réponse ou de réponse hors délai de cette autre personne ou de l’Etat membre.
Inacceptable dit le juge : une telle perte d’un tel droit s’opérerait «en méconnaissance des principes fondamentaux régissant le système commun de la TVA». Le délai visé à l’article 20 § 2 de la Directive 2008/9 n’est pas un délai de forclusion ; cela peut encore être déduit d’une lecture -comparatiste- des articles 21 et 26 de la Directive 2008/9. A lire l’article 21, il n’est pas exclu qu’une demande de remboursement puisse être acceptée en l’absence de communication des informations complémentaires requises. S’agissant de l’article 26, il tend à «affermir la position de l’assujetti» via l’octroi d’intérêts de retard quand un remboursement survient avec retard. Si le délai d’un mois mentionné à l’article 20 § 2 était un délai de forclusion, une réponse tardive à une demande d’informations complémentaires aboutirait au résultat suivant : un rejet automatique de la demande de remboursement et non pas à un remboursement effectué avec retard, sans le bénéfice d’intérêts de retard. L’article 26 s’en trouverait vidé de sa substance si le délai de l’article 20 §2 présentait une nature de forclusion. Il restait un ultime point sur lequel s’appesantir, à savoir la politique jurisprudentielle posée par le juge de l’UE. Après avoir rappelé que sa jurisprudence relative aux délais de forclusion en matière de TVA est naturellement compatible -sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité- avec la Directive TVA, la CJUE souligne l’une des caractéristiques de l’article 20 § 2 en son applicabilité : celui-ci est applicable «lorsqu’une demande de remboursement a déjà été introduite dans le délai prescrit à l’article 15» (de la Directive 2008/9).
Dans le cadre de la pesée des intérêts en présence qu’il lui revient de réaliser, la CJUE fait notablement pencher le plateau de justice en défaveur de l’administration fiscale nationale. Le délai d’un mois prévu à l’article 20 § 2 n’est pas un délai de forclusion. Dans l’hypothèse où une demande de remboursement est rejetée (partiellement ou totalement), des recours peuvent être introduits par l’assujetti auprès des autorités compétentes de l’Etat membre du remboursement. Et cela vaut y compris en l’absence de communication des informations complémentaires réclamées. L’assujetti ne perd pas la possibilité de régulariser sa demande de remboursement en produisant, devant le juge national, les informations complémentaires à mêmes d’établir l’existence de son droit au remboursement de la TVA.
Salutaire saisine du tribunal administratif de Montreuil sur le fondement de l’article 267 TFUE (N° Lexbase : L2581IPB) ; salutaire réponse de la CJUE.
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Réf. : Cass. civ. 2, 6 juin 2019, n° 18-12.353, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4222ZDQ)
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par Aziber Seïd Algadi
Le 14 Juin 2019
► L’adjudication emporte vente forcée du bien saisi et en transmet la propriété à l’adjudicataire, le saisi étant dès lors tenu, à l’égard de l’adjudicataire, à la délivrance du bien ; il en résulte que, sauf disposition contraire du cahier des conditions de vente, le saisi perd tout droit d’occupation dès le prononcé du jugement d’adjudication ;
► aussi, l’indemnité d’occupation est la contrepartie de l’utilisation sans titre du bien.
Telle est la solution retenue par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 6 juin 2019 (Cass. civ. 2, 6 juin 2019, n° 18-12.353, FS-P+B+I N° Lexbase : A4222ZDQ ; il est à noter que le transfert de propriété entre l'adjudicataire et le saisi résulte du jugement d'adjudication et est opposable aux tiers, à compter de sa publication ; en ce sens, Cass. civ. 2, 30 avril 2002, n° 00-18.560, FS-P+B N° Lexbase : A5559AYK).
Dans cette affaire, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par le syndicat des copropriétaires à l’encontre d'un occupant, le bien a été adjugé au créancier poursuivant le 29 novembre 2012. Le syndicat des copropriétaires a saisi un tribunal d’instance d’une demande de condamnation de l'occupant poursuivi à lui payer une indemnité d’occupation du jour de l’adjudication au jour de son expulsion, le 23 octobre 2013.
Ce dernier a ensuite fait grief à l’arrêt (CA Versailles, 19 décembre 2017, n° 16/03194 N° Lexbase : A3306W8X) de fixer l’indemnité d’occupation des lieux à la somme de 750 euros par mois à compter du 29 novembre 2012 et jusqu’au 23 octobre 2013, alors, selon lui, que l’indemnité d’occupation n’est due par le débiteur qui s’est maintenu dans les lieux que depuis la date de la signification du jugement d’adjudication.
Son argumentation n’est pas retenue par la Cour de cassation qui juge, au regard de l’article L. 322-10 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L5888IRI), que le moyen n’est pas fondé (cf. l’Ouvrage «Voies d'exécution», Le transfert de propriété à l'adjudicataire N° Lexbase : E9634E8C).
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