La lettre juridique n°777 du 28 mars 2019

La lettre juridique - Édition n°777

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Blesser un collègue en tirant accidentellement une flèche sur lui est un accident du travail !

Réf. : Cass. crim., 5 mars 2019, n° 17-86.984, F-D (N° Lexbase : A0065Y3S)

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par Laïla Bedja

Le 27 Mars 2019

► Selon l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5211ADD), est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

 

Tel est le rappel opéré par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 mars 2019 (Cass. crim., 5 mars 2019, n° 17-86.984, F-D N° Lexbase : A0065Y3S).

 

Dans cette affaire, deux salariés qui travaillaient à la rénovation d’une toiture, chahutaient au retour de la pause déjeuner. L’un d’eux alla chercher un arc et une flèche dans la grange du client pour lequel il rénovait la toiture et blessa l’autre à la tête. Ce dernier fut reconnu coupable du chef de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois par le tribunal correctionnel. Les assureurs de l’employeur, du salarié auteur du fait et de sa mère ont relevé appel du jugement.

 

La cour d’appel, pour dire que l’accident ne pouvait être considéré comme un accident du travail énonce que l’accident, s'il s'est produit sur le lieu de travail et pendant la journée de travail, n'a manifestement aucun lien avec l'exécution du contrat de travail. Pour la cour, les deux salariés revenaient de leur pause déjeuner et n’avait pas repris leur activité ; aussi, l’arc et la flèche récupérés dans la grange du client et appartenant à ce dernier, sont complètement étrangers à la rénovation de la toiture en cours et ont été utilisés sans aucune autorisation. Les blessures avaient donc une origine totalement étrangère au travail. A tort.

 

Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel pour violation de l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale et 593 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3977AZC) (sur La présomption d'imputabilité du caractère professionnel des AT-MP, cf. l’Ouvrage «Droit de la protection sociale» N° Lexbase : E3078EUK).

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Actes administratifs

[Brèves] Communicabilité d’un protocole transactionnel relatif à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 18 mars 2019, n° 403465, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1768Y4A)

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N8181BXB

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par Yann Le Foll

Le 27 Mars 2019

Est communicable au public un protocole transactionnel conclu par l'administration afin de prévenir ou d'éteindre un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, sous réserve que la communication intervienne après que l'instance en cause a pris fin et que soient respectés les autres secrets protégés par la loi. Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 18 mars 2019 (CE 9° et 10° ch.-r., 18 mars 2019, n° 403465, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1768Y4A).

 

 

Un protocole transactionnel conclu par l'administration afin de prévenir ou d'éteindre un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative constitue un contrat administratif et présente le caractère d'un document administratif communicable dans les conditions définies par les dispositions des articles L. 300-1 (N° Lexbase : L1863KNC) à L. 311-2 et du f) du 2° de l'article L. 311-5 (N° Lexbase : L6819LAS) du Code des relations entre le public et l'administration.

 

Lorsqu'un tel contrat vise à éteindre un litige porté devant la juridiction administrative, sa communication est toutefois de nature à porter atteinte au déroulement de la procédure juridictionnelle engagée. Elle ne peut, dès lors, intervenir, sous réserve du respect des autres secrets protégés par la loi tel notamment le secret en matière commerciale et industrielle, qu'après que l'instance en cause a pris fin.

 

Était en cause un protocole transactionnel conclu entre l'Etat et différentes sociétés concessionnaires d'autoroutes prévoyant qu'"eu égard au caractère de règlement d'ensemble du présent protocole et en contrepartie de la complète exécution des engagements pris par l'Etat dans le cadre de ce règlement, les sociétés concessionnaires d'autoroutes s'engagent, pour leur part, à se désister, dans les conditions précisées ci-après, de leurs différentes requêtes présentées devant les juridictions administratives en février 2015 et jusqu'à ce jour".

 

Ne commet donc pas d'erreur de droit le tribunal administratif qui juge que le refus de communication de document, opposé au requérant après qu'il a été donné acte aux sociétés contractantes du désistement des actions qu'elles avaient engagées devant les juridictions administratives, méconnaît les dispositions du Code des relations entre le public et l'administration précitées.

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Avocats/Déontologie

[Jurisprudence] Foi du palais : credo !

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N8180BXA

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par Eric Morain, avocat au barreau de Paris, avocat associé, Carbonnier Lamaze Rasle & Associés, avec la collaboration de Laura Ben Kemoun, élève-avocat.

Le 27 Mars 2019


Mots-clefs : Doctrine • Avocats • Déontologie • Foi du palais


 

           

La foi du palais est une pratique qui trouve régulièrement un certain écho dans les médias, alors qu’elle a pourtant toujours été d’usage entre les murs de nos palais de Justice.

 

La foi du palais peut être définie comme un espace immatériel de confiance entre les professionnels de la Justice. Il s’agit d’un principe non écrit, une tradition, mais qui pourtant reflète la majorité des relations entre auxiliaires de justice : la confidentialité des échanges en «off». Cette construction déontologique interne à la profession d’avocat, qu’il est difficile de dater, s’est progressivement étendue à l’ensemble des professions judiciaires, faisant de la justice une œuvre collective. L’échange de points de vue est ainsi facilité entre avocats et magistrats sans pour autant compromettre l’intérêt du client, bien au contraire.

 

La foi du palais découle des principes essentiels de loyauté et de confraternité. Elle peut être invoquée dans tous les domaines du droit, tel que dans le cadre de lettres simples envoyées «sous la foi du palais» en droit civil ou commercial, mais elle est surtout très présente dans le domaine du droit pénal, ayant récemment vu sa légitimité débattue lors de l’Affaire «George Tron» en 2017.

 

Cette foi du palais est indispensable. Dans une affaire judiciaire, deux personnes s’opposent, représentées par deux avocats. A travers les phases d’enquête et d’instruction, l’avocat voit la foi du palais lui offrir un rôle collaboratif que le droit français n’a jamais prévu. Le droit anglo-saxon au contraire confère à l’avocat une part contributive importante. Le droit français est plutôt dans l’opposition, la remise en cause du rôle de l’avocat dans certaines étapes de la procédure (l’accès au dossier, par exemple). Or, la foi du Palais permet à l’avocat de participer à l’instruction en lui facilitant les rencontres entre partenaires de justice pour qu’ils s’écoutent, discutent et réfléchissent ensemble afin de faire progresser le dossier. Rien ne remplacera la nécessité pour l’avocat, qu’il soit du côté du mis en examen ou de la partie civile, de rencontrer le juge d’instruction en charge du dossier. Il y a une impérieuse nécessité de contact humain sous la foi du palais que de plus en plus de magistrats instructeurs acceptent d’engager au nom de la recherche de la vérité judiciaire, mais qui a bien du mal à survivre dans ce monde avide de transparence.

 

  • Adversaires mais pas ennemis

 

La foi du palais ne relève pas du secret professionnel prévu à l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ). Les échanges «sous la foi du palais» ne bénéficient donc pas de cette protection.

 

Cette phase privée en «off», dans les coulisses, démontre une certaine beauté de notre système judiciaire : entre avocats et magistrats, nous ne sommes pas ennemis mais adversaires, et uniquement le temps d’un dossier. Notre robe n’est pas une battle-dress avait coutume de dire le regretté Maître Jean-Marc Varaut. Cela ne nous empêche pas de nous respecter et d’échanger. Le secret professionnel n’est pas non plus violé en ce que l’avocat ne le trahit pas. Il agit dans l’intérêt de son client pour exposer ses doutes, son avis, et, dans ce cadre, ne doit pas craindre d’être trahi par son interlocuteur, cet échange ayant pour but de rendre une justice plus rapide, plus efficace et surtout plus humaine.

 

Cette foi du palais intervient ainsi entre avocats et magistrats, par exemple, lorsqu’un avocat va consulter un juge d’instruction de manière impromptue sur une éventuelle remise en liberté, mise en examen, renvoi, etc.. La Cour de cassation elle-même considère que ces échanges entre avocat et juge d’instruction sont primordiaux (Cass. crim., 1, 4 février 2004, n° 03-82.494). En l’espèce, il était reproché à l’avocat d’avoir eu un entretien avec un juge d’instruction sur la suite réservée à une plainte qui concernait ses clients. L’avocat adverse invoquait donc le manquement à l’impartialité du juge d’instruction, manquement que réfuta la Cour de cassation en considérant que cet entretien «habituel sous la foi du palais et nécessaire au bon fonctionnement de la Justice» ne constituait pas une violation du secret de l’instruction, dès lors qu’il ne créait pas de grief quelconque à l’égard de la partie civile.

 

Mais elle s’exerce aussi entre avocats, qui peuvent se contacter lorsqu’ils sont saisis d’un dossier pour en discuter, voire proposer des offres transactionnelles, toujours préférables à un passage devant le juge. Cette loyauté entre avocats fait partie de la confiance confraternelle nécessaire à l’apaisement des relations entre nos clients. Cette confiance confraternelle, principe déontologique découlant de la foi du palais, est d’ailleurs protégée par les juges : la Cour de cassation a ainsi développé la notion d’abus de confidentialité en matière de foi du palais. Dans un arrêt du 1er décembre 1993 (Cass. civ. 1, 1er décembre 1993, n° 91-20.953 N° Lexbase : A8387CKT), la première chambre civile est venue sanctionner un avocat pour manquement à sa parole donnée à un confrère, et donc manquement au devoir de loyauté et à la foi du palais, en justifiant une sanction disciplinaire prononcée à son encontre.

 

Dans une décision du 28 février 2017, le conseil de discipline de l’Ordre des avocats de Paris est venu rappeler la nécessité de cette confiance confraternelle et du caractère protégé des conversations sous la foi du palais entre avocats. Le conseil de l’Ordre s’est vu saisi du dossier d’un confrère, à la suite de sa demande d’avis déontologique, à qui il était reproché d’avoir violé le secret professionnel en révélant à son contradicteur, sous la foi du palais et pour lui demander conseil, des informations confidentielles sur l’incendie dont avait été victime sa cliente. Cet incendie aurait, en effet, été volontaire et criminel pour toucher l’indemnité de la compagnie d’assurance. Le conseil de l’Ordre a considéré que le manquement aux principes essentiels n’était pas établi dès lors que l’information était déjà connue de son contradicteur, grâce au rapport de police scientifique, et surtout lorsque la communication reprochée l’a été sous la foi du palais. Les juges disciplinaires ont précisé qu’il ne fait aucun doute que le rôle essentiel du Bâtonnier comme confident naturel des membres de son barreau serait immédiatement mis à bas si les avocats devaient craindre le déclenchement de poursuites disciplinaires à leur encontre après avoir pris l’initiative d’exposer au Bâtonnier leurs difficultés d’ordre déontologique. L’avocat fut ainsi renvoyé des fins de la poursuite (Conseil de discipline de l’Ordre des avocats de Paris, séance du 28 février 2017, Formation de jugement n° 3, n° 278998).

 

Nous constatons donc bien qu’avant d’être adversaires le temps d’un dossier, nous sommes avant tout confrères. Et la confraternité impose cette bienveillance et loyauté entre nous que vient matérialiser la foi du palais.

 

Si la foi du palais semble être protégée dans les rapports entre auxiliaires de justice, la Justice pénale a, cependant, déjà montré qu’elle ne s’embarrasse guère de la confidentialité des confidences faites par un avocat à son Bâtonnier, sous la foi du palais, quand ces confidences ont un intérêt pour elle. Dans le cadre d’une information judiciaire portant sur le financement de la campagne présidentielle de 2007, diverses lignes téléphoniques de l’ancien Président de la République avaient été placées sur écoute, y compris une ligne ouverte sous le nom de Paul Bismuth, en réalité utilisée par Nicolas Sarkozy pour correspondre avec Thierry Herzog, son avocat. L’avocat de l’ancien Président avait ensuite régulièrement été mis sur écoute, le Bâtonnier ayant été averti, dès l’instant où étaient apparus des indices de la participation de l’avocat à une infraction. Maître Thierry Herzog s’était alors confié par téléphone à son Bâtonnier à propos de cette mise en cause et ces propos avaient été retranscris et versés au dossier. La chambre de l’instruction a ensuite refusé d’annuler cette retranscription estimant que la conversation en cause ne relevait pas de l’exercice des droits de la défense.

Les juges seraient donc prompts à protéger une discussion officieuse entre un juge d’instruction et un avocat arguant de cette foi du palais et des principes fondamentaux de loyauté et confiance devant exister entre partenaires de justice, mais auraient beaucoup moins d’égards pour des conversations entre un avocat et son Bâtonnier dès lors que les propos les intéressent. Il y aurait donc une protection sélective…

Fort heureusement, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue casser l’arrêt de la chambre de l’instruction en apportant une précision tout à fait opportune : «même si elle est surprise à l’occasion d’une mesure d’instruction régulière, la conversation téléphonique dans laquelle un avocat placé sous écoute réfère de sa mise en cause dans une procédure pénale à son Bâtonnier ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure, à moins qu’elle ne révèle un indice de participation personnelle de ce dernier à une infraction pénale», ce qui n’était pas le cas en l’espèce (Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-83.205, FS-P+B N° Lexbase : A7139Q9B).

 

De manière peut-être moins évidente au premier abord, la foi du palais est également souhaitée entre avocats et journalistes judiciaires, je parle de ceux habitués des prétoires et des procédures. La Cour européenne des droits de l’Homme a considéré qu’ils étaient les chiens de garde de la démocratie, ce qui n’est pas tant un titre moins déshonorant qu’auxiliaire de justice. Ils sont fondamentaux pour aider les citoyens à comprendre la Justice et ses rouages. L’avocat doit pouvoir parler librement à un journaliste et lui faire confiance concernant les informations délivrées et la date de révélation permise. Policiers, juges et procureurs le font sinon comment seraient alimentées les pages d’informations judicaires de nos quotidiens et hebdomadaires…

 

Ce trio «magistrats, avocats, journalistes», selon Olivier Leurent, directeur de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), poursuit donc le même objectif que la foi du palais vient favoriser : «concourir à la démocratie et à la recherche de la vérité». Cet apaisement nécessaire des relations entre partenaires de Justice et ce libre-échange «sous la foi du palais» commence d’ailleurs dès la formation : des élèves-avocats participent à des directions d’études de l’ENM et les auditeurs de justice suivent quatre mois de stage dans nos cabinets d’avocats. Nous leur apprenons le respect nécessaire pour le fonctionnement de la Justice dans les relations magistrats-avocats, et cette fameuse «foi du palais». Malheureusement, opposés par le débat judiciaire, les magistrats et les avocats voient leurs échanges devenir conflictuels, et la foi du palais se fane, au fur et à mesure qu’ils sont de moins en moins partenaires de Justice.

 

  • RIP la foi du palais

 

Cette «parole d’honneur» a médiatiquement été attaquée pour la première fois lors de l’affaire «Clearstream», où le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke fut fort injustement mis en cause.

 

A travers l’affaire «Clearstream», la légalité de la pratique de cette foi du palais fut largement débattue.

 

L’affaire «Clearstream» a pour origine l’affaire des Frégates de Taïwan qui démarra en 1991 lors de la vente de frégates par la France à Taïwan résultant d’un contrat d’armement géré par Thomson-CSF maintenant Thales. Ont été impliqués dans cette affaire des personnalités telles que François Mitterrand, Roland Dumas, Edith Cresson, Michel Rocard, Edouard Balladur, Eva Joly, Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin, ainsi que les juges Renaud Van Ruymbeke et Dominique de Talancé. La question de la foi du palais eut à se faufiler à travers des morts troublantes et l’affaire «Clearstream II», une affaire de corbeau et de manipulation de la justice sur fond de concurrence industrielle. Sans oublier une ardoise de 630 millions d’euros dont 460 pour l’Etat.

 

Initialement, le ministre Taïwanais de la Défense, Hau Pei-Tsun, était entré en contact avec le chef d’Etat-major particulier Jacques Lanxade du Président de la République au Printemps 1989. Il était intéressé par seize frégates, bateaux de guerre pourvus de missiles. Après différentes négociations, guerres d’égos des souverainetés impliquant également la Chine et la Corée du Nord, Edith Cresson, Premier Ministre de l’époque, donna son accord à Thomson-CSF pour signer le contrat de vente de six frégates pour 2, 1 milliards d’euros en mai 1991, puis un second contrat de 2, 2 milliards d’euros en août 1991 et enfin un dernier contrat en 1993 alors qu’Edouard Balladur était alors Premier Ministre de François Mitterrand pendant la cohabitation.

 

Dans le cadre de ces contrats, les commissions, courantes dans les contrats de vente d’armement, qui s’ajoutent au prix de vente, représentaient 400 millions d’euros. Ces 400 millions d’euros ont été versés à des dignitaires du parti communiste Chinois pour leur silence, d’autres ont servi à soudoyer les militaires Taïwanais.  

 

Le 9 janvier 2004, Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, demanda au général Philippe Rondot d’enquêter sur l’affaire de ces frégates de Taïwan.

 

En mai et juin 2004, le juge Van Ruymbeke, qui mène l’instruction de cette affaire, reçoit deux lettres anonymes et un CD d’un corbeau : il s’agit de listings de personnalités politiques et industrielles qui auraient reçu ces fameuses commissions, versées sur des comptes de la banque Clearstream. Parmi les noms cités, figurent Alain Gomez, ancien dirigeant de Thomson-CSF, Philippe Delmas, vice-président d’Airbus, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Economie, Jean-Pierre Chevènement, Dominique Strauss-Kahn, etc..

 

En réalité, et ce que l’on saura bien plus tard, ces listings constituaient une manipulation visant les dirigeants d’EADS.

 

La foi du palais entre alors en jeu dans cette affaire en 2004. Le juge Van Ruymbeke était dans une impasse totale. Il était confronté au secret défense qui lui était opposé dès qu’il sollicitait des informations sur les ventes d’armes effectuées par la France.

 

C’est dans ce contexte que se présente à lui Maître Thibault de Montbrial, avocat pénaliste réputé ayant d’excellentes relations avec le juge Van Ruymbeke et qu’il considère alors plus que crédible puisqu’il avait déjà fait témoigner devant lui la veuve du commandant Yin, miliaire assassiné en 1993 en marge de cette affaire des frégates. Il lui annonce qu’un de ses clients, un industriel de l’armement, a des «révélations» à lui faire, qu’il connait «des circuits de redistribution», mais qu’il serait en danger et souhaiterait donc rester dans l’anonymat. Ce client voulait rencontrer le juge Van Ruymbeke en dehors de tout cadre procédural pour l’aider à trouver les traces des comptes bancaires qu’il recherchait.

 

Se met donc en place cet espace de confiance que permet la foi du palais entre le magistrat et l’avocat. Le juge d’instruction accepta de rencontrer secrètement Jean-Louis Gergorin au domicile de son avocat, Maître de Montbrial.

 

Sur le fondement de la foi du palais qui le liait à Maître Thibault de Montbrial, le juge d’instruction Van Ruymbeke s’était engagé à ne pas révéler ses entretiens avec Monsieur Gergorin.

 

Monsieur Gergorin affirmait tenir ses informations d’Imad Lahoud, son informaticien, qui a eu accès aux comptes de Clearstream. Il refuse cependant d’être formellement entendu. L’avocat de Monsieur Gergorin va lui déposer une lettre anonyme, sur laquelle le juge imprimera le cachet d’arrivée : 3 mai 2004. L’avocat est donc devenu le facteur du corbeau.

 

Le jour où il apprit que Monsieur Gergorin lui avait caché un certain nombre d’éléments essentiels, le juge d’instruction s’est senti délié de ses engagements.

 

Cependant, le 10 mai 2005, le Canard Enchaîné affirme qu’en avril 2004, avant la première dénonciation anonyme, Jean-Louis Gergorin a rencontré secrètement le juge d’instruction pour lui faire des révélations.

 

Jean-Louis Gergorin est alors déchargé de ses responsabilités chez EADS et le 11 mai 2005, le ministre de la Justice, Pascal Clément, annonce qu’il saisit l’inspection générale des services judiciaires au sujet de la rencontre secrète qui s’est déroulée hors cadre procédural, sous la foi du palais… Cette enquête débouchera sur une plainte du ministre de la Justice en 2006 devant le Conseil de la magistrature.

 

Le 18 mai 2005, Jean-Louis Gergorin reconnaissait dans une interview au Parisien être l’auteur des lettres anonymes.

 

Le 2 juin 2005, il est mis en examen pour dénonciation calomnieuse et faux et usage de faux.

 

Démarre alors une interminable procédure disciplinaire à l’encontre du juge Van Ruymbeke, qui s’est vu dessaisi du dossier des Frégates. La foi du palais était directement visée.

 

Le respect de ce «lien de confidentialité» entre magistrat et avocat a valu à Renaud Van Ruymbeke le soutien d’un grand nombre d’avocats et d’une petite poignée de magistrats.

 

Devant le CSM, le juge d’instruction se voit reprocher d’avoir manqué à «ses obligations de prudence et de rigueur» pour avoir conduit ces rencontres hors procédures. Cependant, lors de l’audience, c’est surtout son manquement à «l’obligation de loyauté» qui a été retenue par l’accusation. Il a, en effet, maintenu secret jusqu’en 2006 le nom du corbeau. Mais obligation de loyauté envers qui ? En pensant de bonne foi avancer dans le dossier grâce à des révélations, il a donné sa parole à l’avocat Thibault de Montbrial de respecter la confidentialité de leurs échanges, et avait donc également une obligation de loyauté envers lui.

 

L’avocat Henri Leclerc, qui faisait partie des farouches soutiens du juge d’instruction, a d’ailleurs relevé que : «il y a certains juges qui pensent que le Code de procédure pénale ne donne pas d’espace au dialogue. Pas Renaud Van Rumybeke. Il écoute, il n’a pas une idée toute faite, figée, on peut parler avec lui. […] La foi du palais, c’est un secret partagé, qu’il ne faut pas confondre avec la complaisance. Elle est fondée sur une confiance dans la confidence qui est parfois nécessaire à la Justice. Lorsqu’un avocat dit à un juge : ‘Il y a quelque chose que mon client ne peut pas vous dire mais il faut que vous le sachiez’, c’est peut-être l’information nécessaire à la manifestation de la vérité. Nous nous sommes tous embarqués, magistrats et avocats, sur le bateau de la Justice. Sur ce bateau, il faut que les juges puissent faire confiance aux avocats et les avocats aux juges».

 

Cependant, certains considéraient que cette foi du palais, cette loyauté entre magistrats et avocats, n’avait aucune consistance juridique et se trouvait confrontée à une des obligations du serment de magistrat : la loyauté vis-à-vis de ses collègues.

 

Le 4 mai 2007, Renaud Van Rumybeke comparaissait devant le CSM dans la salle de la première chambre civile de la Cour de cassation, salle où fut rendu l’arrêt réhabilitant le capitaine Dreyfus. Etait présentée ce jour-là au CSM la possibilité de réhabiliter à son tour la foi du palais. Les avocats étaient venus en nombre à cette audience publique, pour manifester leur solidarité envers le juge Van Ruymbeke.

 

Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services juridiques chargé de porter l’accusation au nom du Garde des Sceaux, requit la plus faible des sanctions prévues par le CSM : la réprimande avec inscription au dossier.

 

La foi du palais tanguait dangereusement, sur le bateau de la Justice.

 

Six ans ont été nécessaires pour que le CSM rende enfin une décision. La décision du CSM avait en effet fait l’objet d’un sursis à statuer jusqu’à la fin de la procédure de l’affaire «Clearstream», toujours à l’instruction à l’époque.

 

Le 21 septembre 2009, s’ouvrait le procès Clearstream devant la 11ème Chambre correctionnelle de Paris. Le 28 janvier 2010, Dominique de Villepin était relaxé, Jean-Louis Gergorin, considéré comme le «cerveau» de l’affaire était condamné à quinze mois de prison ferme et Imad Lahoud à dix-huit mois de prison ferme.

 

Finalement, le mercredi 17 octobre 2012, le Conseil supérieur de la magistrature a «donné acte» à la ministre de la Justice, Christiane Taubira, «de son désistement des poursuites» contre le juge d’instruction Van Ruymbeke, mettant fin à cette procédure injuste que ne pourra savourer l’immense Philippe Lemaire, avocat du juge Van Ruymbeke et décédé trop tôt. Non seulement il n’y avait rien à reprocher au juge d’instruction, qui continuait d’enquêter sur des affaires sensibles telle que l’affaire «Karachi», mais surtout, la foi du palais était, certes difficilement, réhabilitée.

 

Parler en «off» avec un juge d’instruction dans le cadre d’une affaire est donc possible et la foi du palais est remise au goût du jour, jusqu’à son prochain ébranlement…

 

  • La jurisprudence «Tron»

 

Si l’affaire Clearstream est venue poser la question de la légitimité de la foi du palais, l’affaire «Tron» est venue poser celle de ses limites.

 

La foi du palais s’est retrouvée en effet sur le devant de la scène dans le cadre d’un procès pour viols et agressions sexuelles reprochés à l’homme politique George Tron, maire de Draveil (Essonne), et son adjointe Brigitte Gruel, sur deux ex-employées de la mairie en décembre 2017.

 

Sur fond de la vague #balancetonporc et de l’affaire «Weinstein», le procès se déroulait sous tension, mais la résonnance médiatique fut des plus surprenantes.  

 

Six ans et demi après le début de l’affaire, et alors que le procès avait commencé, celui-ci était renvoyé sine die par la cour d’assises de Seine-Saint-Denis à la suite d’une journée pleine d’éclats et d’incidents hors normes.

 

Les faits de viols et d’agressions sexuels étaient intégralement contestés par les accusés, il n’y avait pas non plus de preuves matérielles et une ordonnance de non-lieu avait initialement été rendue par les juges d’instruction d’Evry avant qu’elle ne soit infirmée par la chambre de l’instruction de Paris. La Défense, composée notamment de Maîtres Vey et Dupond-Moretti, comptait donc se fonder sur ces éléments pour affirmer qu’il existait de multiples contradictions et incohérences dans les témoignages des plaignantes. Cela promettait quelques débats véhéments dans le prétoire.

 

Ce fut le cas.

 

A la suite de la diffusion en plein procès de l’émission Envoyé Spécial avec un reportage sur l’Affaire «Tron» auquel les plaignantes et l’un des avocats de la partie civile, Maître Vincent Ollivier, ont participé ; puis de l’interrogatoire de la plaignante Virgine Ettel par le Président Régis de Jorna scandalisant certains de par le «manque de respect» et cruauté des questions (il faut rappeler que le Président doit faire vivre le contradictoire et donc s’assurer des éléments à charge et à décharge à travers l’oralité des débats, c’est la loi) ; et après la haine virale se propageant sur les réseaux sociaux, l’implosion était plus que prévisible le vendredi 15 décembre.

 

La défense demanda le renvoi du procès en invoquant l’extase médiatique et l’influence des réseaux sociaux sur le déroulement des interrogatoires, dénonçant un climat non serein et remettant en cause l’impartialité objective de la cour. L’impartialité objective ne revient pas à contester la capacité par le Président et la cour de juger, mais revient à affirmer sa remise en cause par l’extérieur qui vient ébranler les débats et son autorité.

 

L’audience était alors suspendue et le Président revint pour annoncer le rejet de la demande de renvoi «au nom de la liberté d’information».

 

Maître Eric Dupond-Moretti se leva alors :

 

«Je ne veux pas qu’il soit dit que c’est la défense qui a demandé le renvoi, par peur. Il faut dire les choses telles qu’elles ont été dites, Monsieur le Président. Nous avons demandé le renvoi parce que vous avez dit que vous étiez en difficulté. Il nous a été dit que c’était difficile pour vous de poursuivre dans ces conditions, que vous vous interdiriez un certain nombre de questions. On a fait ça pour vous soulager, Monsieur le Président !».

 

Il faut dire qu’Eric Dupond-Moretti souhaitant soulager un magistrat était une première…

 

«Vous n’êtes pas là pour me soulager», s’indigne Régis de Jorna, le Président.

 

«Vous nous avez dit, Monsieur le Président que vous préféreriez que ce soit une femme qui préside ! Disons-le !»

 

«Dans une conversation privée, où vous n’étiez pas. Je l’assume !», répondit le Président.

 

Maître Eva Touboul, partie civile, s’exclama alors : «C’était une conversation confidentielle !».

 

La voici donc faisant son entrée en fanfare, la foi du palais : cette conversation confidentielle.

 

En effet, un peu plus tôt, dans son bureau, le Président Régis de Jorna avait fait part aux avocats de la défense et des parties civiles, que certaines questions seraient mieux vécues si elles étaient posées par des femmes. Le débat porte alors sur l’interprétation de cette phrase par le Président et sur la confidentialité de propos tenus dans de telles circonstances : sommes-nous en présence de la foi du palais ?

 

Vincent Ollivier, avocat d’une partie civile et présent dans le bureau, n’y a vu aucune gêne ou malaise ressentis par le Président. Il s’agissait, selon lui, d’une considération tout à fait générale, sans qu’il soit question d’une éventuelle incapacité pour lui de juger cette affaire, affirme-t-il lors d’un entretien à Dalloz Actualité, et, dans le cadre de la foi du palais. Pour lui, cette foi du Palais est un espace nécessaire de respiration entre les avocats et les magistrats, compréhensible dans le cadre de tels procès générateurs de tensions.

 

Pour Maître Vey, également dans un entretien à Dalloz Actualité, ce genre de discussion ne devrait pas avoir lieu entre un magistrat et un avocat et ne devrait être en aucun cas protégé par la foi du palais. Selon lui, la foi du Palais revient à dire «j’ai la grippe», à avoir des échanges cordiaux, mais ne devrait jamais couvrir des discussions qui sont en réalité «des fautes professionnelles». D’après Maître Vey, le Président aurait fait part d’un malaise quant au climat qui entourait la conduite de ces assises et avouait être fragilisé par les critiques dont il faisait l’objet. Le renvoi devenait donc nécessaire selon la défense, et à l’annonce de son rejet, il leur est apparu indispensable de dire la vérité pour la défense de leur client, au détriment de la foi du palais.

 

Or, les avis divergent sur l’atteinte ou non au devoir de loyauté et à la foi du palais commise par Maître Dupond-Moretti en dévoilant des propos tenus dans le cadre d’une conversion en «off». Selon lui, la limite de la foi du palais serait l’intérêt supérieur de celui qu’on défend. Fermez le ban.

 

Aucun texte ne définit les limites de ce secret particulier, le principe étant que seuls les propos portant atteinte à l’intérêt supérieur du client puissent être révélés. Mais dans le cas présent, les interlocuteurs ne sont pas d’accords sur ce qui a effectivement été dit ! Cela révèle les tensions croissantes opposant magistrats et avocats.

 

L’ancien Bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, estime que «la défense bénéficie d’un fait justificatif absolutoire parce que, justement, elle est la défense. La défense peut soutenir que tout lui est permis pour sauver la peau d’un accusé. Oui mais, même à la guerre, il y a des lois écrites et non écrites que chaque partie reconnait. Une sorte d’élégance chevaleresque, que même Jacques Vergès respectait scrupuleusement dans la rupture».

 

Comme une sorte de morale, sœur siamoise de la déontologie et qui renvoie à Cyrano : «Moi, c’est moralement que j’ai mes élégances». Pour la défense de Georges Tron, elle n’a fait que son travail en défendant l’intérêt supérieur de son client. Cela est louable. Mais est-ce qu’invoquer la violence de l’opinion publique sur une affaire pour justifier la violation d’un principe tel que la foi du palais est légitime quand les procès pénaux sont quotidiennement le lieu de l’expression d’une violence judiciaire ? La réponse trouve au moins une part de réponse dans le fait que l’autorité de poursuite des avocats n’a pas trouvé bon d’engager des poursuites.

 

Reste qu’au-delà de ce cas particulier, il nous faut continuer de croire sans cesse et de dire haut et fort que la foi du palais sert à rendre la justice plus efficace et plus humaine, que des acteurs de la Justice se sont battus pour elle et qu’elle vaut mieux que d’être poignardée dans le dos. Un président d’une cour d’assises doit pouvoir envisager de régler une question délicate, voire échanger son point de vue, en invitant l’avocat général et les avocats du dossier à en discuter hors audience, dans son bureau. Et inversement, un avocat doit pouvoir faire des confidences à un Président sur son client en dehors des audiences publiques, ayant pour but de le réhumaniser dans l’inconscient du juge.

 

Ce qui s’est passé au procès «Tron» a créé une véritable jurisprudence concernant la foi du palais qui n’ira certainement pas dans le sens d’une amélioration des relations avocats-magistrats, déjà bien entaillées par l’inaccessibilité graduelle des juges.

 

George Tron fut acquitté le 15 novembre 2018.

 

  • Le foie du palais

 

La fermeture de la buvette du palais en 2014, faute de rentabilité, a porté un coup à la foi du palais, tous les avocats vous le diront. Ce lieu chargé d’histoire, qui voyait passer les condamnés à mort qui attendaient la charrette qui devait les conduire à l’échafaud, dont Marie-Antoinette, était un lieu de vie, de convivialité et d’échanges. Il s’agissait d’une véritable antichambre du tribunal. S’y pressait tout le peuple du Palais : magistrats, avocats, journalistes judiciaires, greffiers, etc..

 

La fermeture de la buvette n’était que les prémices d’une certaine déshumanisation de la justice, symbolisée par le nouveau TGI de Paris.

 

Que ce mastodonte de transparence ne trompe pas : son verre est en fait opaque. Problèmes de circulation, isolement des magistrats, mesures de sécurité démesurées. Ce bâtiment favorise une forme de technocratie au détriment d’une justice de visages. Se pose la question du dialogue nécessaire au bon fonctionnement de la justice quand les seuls interlocuteurs ne sont plus que les magistrats du siège et du parquet, regroupés entre eux avec leurs accès réservés au sein de cette tour d’ivoire.

 

Il est difficile de lutter contre une modernité qui voit l’humain (pour ne pas dire l’avocat…) comme une gêne.

 

Il est, en effet, ardu d’accéder aux étages pour discuter avec les magistrats et les greffiers d’audience. Le problème est cependant reconnu : le Président du TGI, Jean-Michel Hayat, prend en compte les remarques des avocats et travaille pour arranger les choses autant que faire se peut. Mais ce palais ressemble plus à un bunker où le seul moyen d’approcher un magistrat du siège ou du Parquet est d’aller aux audiences, ce que certains juges et greffiers eux-mêmes déplorent. Or, il est déjà compliqué de maintenir des relations par le biais de la foi du palais avec rien que les 75 juges d’instruction du TGI de Paris, mais force est de constater que les impératifs de sécurité imposés par le ministère de la Justice entravent la liberté d’échange.

 

Le palais de Justice fut un temps le lieu privilégié de communication. Les magistrats et avocats fourmillaient dans les salles des pas perdus. Tous bavardaient sous la foi du palais.

 

Il est regrettable que cette foi du palais, fidèle alliée de l’avocat, devienne un peu plus chaque jour, obsolète. A quand une foi du palais en visio ?

 

newsid:468180

Consommation

[Brèves] Application de la notion de pratique commerciale à l’activité de recouvrement des créances

Réf. : Cass. crim., 19 mars 2019, n° 17-87.534, F-P+B+I (N° Lexbase : A3771Y4G)

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N8176BX4

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par Vincent Téchené

Le 27 Mars 2019

► La notion de pratique commerciale, telle qu’interprétée à la lumière de la Directive 2005/29 du 11 mai 2005 (N° Lexbase : L5072G9Q), relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (CJUE, 20 juillet 2017 aff. C-357/16 N° Lexbase : A2115WNN), s’applique à toute mesure prise en relation non seulement avec la conclusion d’un contrat, mais aussi avec l’exécution de celui-ci, notamment aux mesures prises en vue d’obtenir le paiement du produit ;

Elle s’applique donc en l’espèce à l’activité de recouvrement de créances.

Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 19 mars 2019 (Cass. crim., 19 mars 2019, n° 17-87.534, F-P+B+I N° Lexbase : A3771Y4G).

 

En l’espèce, à la suite de plusieurs plaintes adressées à la DGCCRF, une société de recouvrement et son président ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour avoir commis une pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur le prix ou le mode de calcul du prix du montant total de la somme à recouvrer, et ses conditions de paiement. Il leur était plus spécifiquement reproché de demander, dans le cadre de leur activité de recouvrement de créances auprès des débiteurs, en plus de la créance elle-même, le paiement de frais supplémentaires ne devant en aucun cas être à la charge du débiteur au titre de l’article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 (N° Lexbase : L9124AGZ), devenu l’article L. 111-8 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L7794IZP), et ce en utilisant notamment des mises en demeure écrites sur un ton comminatoire et faisant référence à des citations d’articles de textes législatifs ou réglementaires pour signifier une prétendue légitimité. Le tribunal ayant relaxé les prévenus, le procureur général a relevé appel de cette décision.

 

La cour d’appel confirme la relaxe. Pour ce faire, elle retient notamment que la société ne peut être regardée comme ayant une activité commerciale à l’égard des débiteurs puisqu’elle ne leur fournit aucun bien ni prestation de service, contrairement à ce qu’elle fait avec les créanciers, et que le fait de déduire une relation commerciale de la prestation initiale à laquelle le débiteur a souscrit et pour laquelle il s’est montré défaillant serait artificiel. Les juges en déduisent alors que les débiteurs ne pouvaient pas être regardés comme des consommateurs à l’époque des faits et que l’élément légal de l’infraction reprochée aux prévenus fait défaut.

 

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 120-1 (N° Lexbase : L2522IBZ), devenu L. 121-1 (N° Lexbase : L1707K7D), et L. 121-1, 2° (N° Lexbase : L7808IZ9), devenu L. 121-2, 2° (N° Lexbase : L1706K7C), du Code de la consommation.

Avant d’énoncer la solution précitée, la Haute juridiction rappelle qu’il résulte des deux derniers textes qu’une pratique commerciale est trompeuse, notamment, si elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur le prix ou le mode de calcul du prix et les conditions de paiement du bien ou du service, et si elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

newsid:468176

Égalité de traitement

[Brèves] Absence de renvoi d’une QPC relative à l’égalité de traitement entre les salariés dont le contrat de travail est transféré par voie légale et par voie conventionnelle

Réf. : Cass. soc., 20 mars 2019, n° 18-40.048, FS-P+B (N° Lexbase : A8976Y49)

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N8247BXQ

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par Blanche Chaumet

Le 28 Mars 2019

► Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC mettant en cause la conformité de l'article L. 1226-6 du Code du travail (N° Lexbase : L1017H9Ktel qu'interprété par la Cour de cassation, en ce qu’il engendrerait une inégalité de traitement entre les salariés dont le contrat de travail est transféré par l'effet de la loi (transfert légal) et ceux dont le contrat est transféré par l'effet de l'accord collectif (transfert conventionnel), portant atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 1 (N° Lexbase : L4742AQP) et 6 (N° Lexbase : L7558AIR) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 pour violation du principe d'égalité des hommes en droit.  

 

La Haute juridiction refuse de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC (Cass. soc., 20 mars 2019, n° 18-40.048, FS-P+B N° Lexbase : A8976Y49).

 

Au préalable, elle précise, notamment, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que le principe de l'égalité de traitement ne s'oppose pas à ce que l'interprétation jurisprudentielle d'une disposition législative règle de façon différente des situations différentes. Elle ajoute qu'en cas de transfert légal, c'est le même contrat de travail qui se poursuit auprès du nouvel employeur par le transfert d'une entité économique autonome qui subsiste à laquelle est attachée la protection reconnue aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors que l'accord collectif qui, pour le cas de la perte d'un marché de services, prévoit et organise le transfert de tout ou partie des contrats de travail des salariés affectés à l'exécution du marché, lesquels peuvent s'y opposer, ne peut, à lui seul, et sauf clause contraire le prévoyant, faire échec aux dispositions de l'article L. 1226-6 du Code du travail. Il en résulte que les salariés dont le contrat de travail est transféré dans le cadre d'un accord collectif ne sont pas placés dans une situation identique à celle des salariés dont le contrat de travail est transféré dans le cadre des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y) (sur L'accident du travail survenu sous la subordination d'autres employeurs, cf. l’Ouvrage «Droit de la protection sociale» N° Lexbase : E3019ETY).

newsid:468247

Entreprises en difficulté

[Brèves] Liquidation judiciaire d’une société civile : prescription de l’action du créancier contre les associés non liquidateurs

Réf. : Cass. com., 20 mars 2019, n° 17-18.924, F-P+B (N° Lexbase : A8924Y4B)

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N8242BXK

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par Vincent Téchené

Le 29 Mars 2019

► D’une part, l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’admission de la créance au passif de la procédure collective d’une société ne prive pas l’associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d’opposer au créancier la prescription de l’article 1859 du Code civil (N° Lexbase : L2056ABR), distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l’action du créancier contre l’associé ;

► D’autre part, en cas de liquidation judiciaire d’une société civile de droit commun, la déclaration de créance au passif de cette procédure dispense le créancier d’établir l’insuffisance du patrimoine social, de sorte que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n’est pas dans l’impossibilité d’agir contre l’associé.

Telles sont les précisions apportées par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mars 2019 (Cass. com., 20 mars 2019, n° 17-18.924, F-P+B N° Lexbase : A8924Y4B).

 

En l’espèce, une SCI ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, une banque qui lui avait consenti un crédit destiné à financer l’acquisition d’un immeuble, a déclaré sa créance, laquelle a été admise à titre privilégié. N’ayant été payée que partiellement par le liquidateur sur le prix de vente de l’immeuble, elle a assigné, un associé de la SCI, en paiement du solde au prorata des droits de ce dernier dans le capital social. L’associé lui a opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale prévue à l'article 1859 du Code civil.

 

La cour d’appel ayant déclaré l’action de la banque prescrite (CA Lyon, 23 février 2017, n° 16/03163 N° Lexbase : A0160TPM), cette dernière s’est pourvue en cassation.

 

La Cour de cassation énonçant les principes précités, rejette le pourvoi. En effet, ayant relevé que, s’il n’était pas établi que le jugement de conversion ait été publié au BODACC, la banque avait déclaré sa créance le 5 juin 2008, ce qui manifestait sa connaissance du prononcé de la liquidation judiciaire, la cour d’appel en a exactement déduit que la banque n’était pas dans l’impossibilité d’agir contre l’associé, de sorte que l’action exercée contre ce dernier le 12 février 2015 était prescrite (cf. les Ouvrages «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E4012EU7 et «Droit des sociétés» N° Lexbase : E0644CTZ).

newsid:468242

Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Les dispositions régissant le calcul du plafonnement de l’ISF conformes à la Constitution… et tant pis pour l’inflation !

Réf. : Cons. const., décision n° 2019-769 QPC, du 22 mars 2019 (N° Lexbase : A5122Y4H)

Lecture: 2 min

N8209BXC

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par Marie-Claire Sgarra

Le 27 Mars 2019

Les dispositions de l’article 885 V bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L0140IW4) sont conformes à la Constitution.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 22 mars 2019 (Cons. const., décision n° 2019-769 QPC, du 22 mars 2019 N° Lexbase : A5122Y4H).

 

En l’espèce, la requérante reprochait à ces dispositions d’inclure dans le revenu en fonction duquel est plafonné l’impôt de solidarité sur la fortune le montant brut des plus-values réalisées par le contribuable, sans leur appliquer, ni abattement pour durée de détention, ni aucun autre correctif tenant compte de l’érosion monétaire.

 

En 2012, le Conseil constitutionnel s’était déjà prononcé sur l’article 885 V bis du Code général des impôts, qu’il avait jugé conformé à la Constitution (Cons. const., décision du 29 décembre 2012, n° 2012-662 DC N° Lexbase : A6288IZW). Par la suite, en 2016 (Cons. const. décision n° 2016-538 QPC, du 22 avril 2016 N° Lexbase : A7198RKS), il avait émis une réserve d’interprétation selon laquelle la soumission au barème progressif de l'impôt sur le revenu, à compter du 1er janvier 2013, des plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés ne saurait priver les plus-values placées en report d'imposition avant cette date, qui ne font l'objet d'aucun abattement sur leur montant brut, de l'application d'un coefficient d'érosion monétaire pour la période comprise entre l'acquisition des titres et le fait générateur de l'imposition. Cette décision constitue un changement des circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées.

 

Pour le Conseil constitutionnel, les dispositions contestées n'ont pas pour objet de déterminer les conditions d'imposition des plus-values, mais les modalités selon lesquelles ces plus-values sont prises en compte dans les revenus en fonction desquels est plafonné l'impôt de solidarité sur la fortune. Par ailleurs, en prenant en compte, dans le calcul de ce plafonnement, les plus-values à hauteur de leur montant brut, le législateur a intégré aux revenus du contribuable des sommes correspondant à des revenus que ce dernier a réalisés et dont il a disposé au cours de la même année.

 

Le Conseil constitutionnel confirme donc que, comme pour l’impôt sur la fortune immobilière, les plus-values immobilières peuvent être prises en compte dans le calcul du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune pour leur montant avant abattement pour durée de détention et sans qu’il soit nécessaire de tenir compte de l’inflation (cf. le BoFip Impôts annoté N° Lexbase : X3130AMU).

newsid:468209

Investissement

[Pratique professionnelle] Cadre juridique des investissements en matière agricole au Cameroun

Lecture: 11 min

N8177BX7

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par Sarada Nya, Avocate aux barreaux du Cameroun et de Paris, Associé au cabinet Chazai & Partners, Freddy Mooh Edinguele, juriste collaborateur au sein du cabinet Chazai & Partners et Khadidja Benazir Moussa, juriste stagiaire au sein du cabinet Chazai & Partners.

Le 28 Mars 2019

L’agriculture représente plus de la moitié des recettes d'exportation non pétrolières et emploie pratiquement 60 % de la population active au Cameroun. Les récentes estimations font état de ce que 90 % des ménages ruraux sont, d’une façon ou d’une autre, employés dans l'agriculture, et près d’un tiers d'entre eux gagnent leur vie grâce aux cultures d'exportation [1].

 

Pour mémoire, courant 2017, la contribution de l’agriculture à la croissance économique du Cameroun était de 76,38 % [2].

Au regard de son importance dans l’économie, l’Etat Camerounais s’est donné pour mission d’améliorer la participation du secteur agricole à son Produit Intérieur Brut en mettant en place des mesures incitatives à l’investissement. Un des premiers chantiers de cette mission a été d’encourager l’entrepreneuriat des jeunes dans ce secteur.

 

Le Gouvernement camerounais a notamment organisé, du 28 février au 3 mars 2019, un sommet international de l’entrepreneuriat agro-pastoral des jeunes. Celui-ci visait à informer les jeunes des possibilités qui leur étaient offertes dans ce secteur. Il visait également à les connecter aux autorités du secteur public et privé offrant des opportunités d’affaires leur permettant ainsi de rationaliser ou de maximiser leurs efforts, afin de réduire le chômage, la pauvreté rurale et d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

 

Autant d’initiatives conduisant à s’interroger sur le cadre juridique des investissements en matière agricole au Cameroun.

 

Il existe un certain nombre de dispositions et de dispositifs encadrant plus ou moins les activités se rapportant de près ou de loin aux activités agricoles et constituant ensemble le cadre juridique et institutionnel du secteur agricole au Cameroun (I). Pour autant, les multiples textes de loi d’ores et déjà existants ne suffisent pas à eux seuls à atteindre le pari ambitieux du Gouvernement camerounais vis-à-vis de ce secteur, raison pour laquelle diverses mesures incitatives ayant vocation à booster les investissements dans ce secteur ne cessent d’être prises. Autant de mesures supposées rendre le succès de l’activité agricole camerounaise imparable, mais dont il importe d’apprécier la pertinence (II).

 

1. Cadre juridique et institutionnel du secteur agricole

 

1.1. Cadre juridique

 

L’encadrement juridique de l’activité agricole camerounaise se constitue de textes de loi nationaux, de formes sociales propices à son activité et d’institutions publiques en charge de promouvoir son développement.

 

1.1.1 Textes et lois

 

On parle de cadre juridique du secteur agricole mais le législateur camerounais n’a pas consacré explicitement de loi encadrant l’activité agricole dans sa globalité. Il a uniquement prévu des textes relatifs à des domaines d’activité connexes à l’agriculture. Il s’agit de :

- la loi n° 90/013 du 10 août 1990, portant protection phytosanitaire, modifiée par la loi n° 2003/003 du 21 avril 2003 : elle fixe les règles régissant la protection phytosanitaire, c.-à-d. le contrôle des procédés de production et de traitement des végétaux ;

- la loi n° 2003/007 du 10 juillet 2003 régissant les activités du sous-secteur engrais, c.-à-d. la production, l'importation, l'exportation, le conditionnement, la distribution et l'utilisation des engrais ;

- la loi n° 2001/014 du 23 juillet 2001 relative à l’activité semencière, c.-à-d. la production, le conditionnement, l’importation, l’exportation et la commercialisation des semences ;

- le décret n° 2011/2584 /PM du 23 août 2011 fixant les modalités de protection du sol et du sous-sol.

 

1.1.2. Forme sociale 

 

L’activité agricole ne nécessite pas forcément de s’ériger en forme sociale particulière. A l’instar de tout produit commercial, l’activité agricole se destinant à la vente peut tout à fait être structurée sous n’importe quelle forme de société commerciale. Toutefois, le législateur OHADA prévoit certaines formes sociales plus adaptées aux activités agricoles. Il s’agit de la société coopérative et du groupement d’intérêt économique (GIE).

 

1.1.2.1. La société coopérative

 

La société coopérative s’entend d'un groupement autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs, au moyen d’une entreprise dont la propriété et la gestion sont collectives et où le pouvoir est exercé démocratiquement et selon les principes coopératifs [3].

Appliquée à l’agriculture, la société coopérative réunit en général des agriculteurs qui mettent en commun leurs ressources en vue de la production et/ou la transformation et/ou la commercialisation de leurs produits. Lesdites ressources peuvent être des terres, du matériel ou encore du personnel, entre autres.

 

1.1.2.2. Le groupement d’intérêt économique («GIE»)

 

Le GIE réunit des personnes ayant pour but de mettre en œuvre tous les moyens propres à faciliter ou à développer leurs activités économiques respectives [4].. Plus concrètement, il vise à faire croître les résultats de l’activité de chacun de ses membres.

A l’instar de la société coopérative, appliqué à l’agriculture, le GIE rassemble plusieurs agriculteurs en vue de développer leur activité. Mais contrairement à la société coopérative, le GIE n’a pas vocation à réaliser des bénéfices (appelés excédents dans la société coopérative). Il peut à ce titre être constitué sans capital.

 

1.2. Cadre institutionnel : le MINADER

 

Le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (ci-après «MINADER») est l’autorité en charge de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique du gouvernement dans les domaines de l’agriculture et du développement rural. Il assure à ce titre la tutelle technique de plusieurs organismes publics chargés du développement du secteur agricole et celle de certaines sociétés parapubliques, notamment :

- la Chambre d’Agriculture, de Pêche, de l’Elevage et des Forêts («CAPEF») ;

- la South West Development Authority (Mission de Développement du Sud-Ouest) («SOWEDA») ;

- la Mission de Développement du Nord-Ouest («MIDENO») ;

- l’Upper Noun Valley Development Authority (Mission de Développement du Haut Noun) (UNDVA) ;

- le Centre National d’Etude et d’Expérimentation du Machinisme Agricole («CENEEMA») ;

- l’Unité de Traitement Agricole par Voie Aérienne («UTAVA») ;

- le Laboratoire National d'Analyse Diagnostique des Produits et Intrants («LNAD») ;

- la Cameroon Development Corporation («CDC») ;

- la Société de Développement du Cacao («SODECAO») ;

- la Société de Développement du Coton («SODECOTON») ;

- la Société d’Expansion et de Modernisation de la Riziculture de Yagoua (SEMRY).

A ces institutions peut s’ajouter l’Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD), bien qu’étant placé sous la tutelle technique du Ministère de la Recherche Scientifique et de l'Innovation.

Au regard de ce qui précède, on peut valablement considérer que cette industrie porteuse n’est en théorie pas nécessairement lésée en termes d’encadrement juridique. Pour autant, les acteurs de l’activité agricole ne semblent pas majoritairement faire usage de cet accompagnement, se cantonnant à une exploitation rurale qui ne leur permet pas de connaître le plein potentiel de leur activité. La raison à cela est le manque de moyens requis pour l’exploitation optimale de leurs produits. L’État camerounais se devait donc d’impacter ce secteur par l’encouragement à l’investissement.

 

 

2. Les incitations a l’investissement dans le secteur agricole

 

Les incitations à l’investissement dans le secteur agricole au Cameroun se distinguent selon qu’il s’agit de l’agro-industrie ou de l’agriculture.

 

2.1.  Les incitations à l’investissement dans le domaine de l’agro-industrie

 

La loi n°2013/00 du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privée (la «Loi sur Les Investissements») envisage la promotion de l’agro-industrie comme un objectif prioritaire au développement de l’agriculture. De ce fait, elle prévoit un régime incitatif pour les investissements dans le domaine de l’agro-industrie au plan fiscal, douanier et financier [5].

 

2.1.1. Au plan fiscal

 

Les avantages fiscaux tiennent sur les exonérations des droits d’enregistrement et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) [6].

Relativement aux exonérations sur les droits d’enregistrement, elles portent sur les :

- baux d'immeubles à usage professionnel ;

- actes d’acquisition d’immeubles bâtis ou non ;

- contrats de fourniture des équipements et de construction des immeubles et installations ;

- contrats de concession ;

- actes d'augmentation du capital.

 

Quant aux exonérations relatives à la TVA, celles-ci portent sur :

- les prestations de services liées à la mise en place du projet et provenant de l'étranger ;

- l’importation des équipements et matériels liés au programme d'investissement.

 

2.1.2. Au plan douanier

 

Les incitations douanières consistent en l’exonération des taxes et droits de douane sur tous les équipements et matériels importés liés au programme d'investissement [7].

 

2.1.3. Au plan financier

 

Les avantages financiers quant à eux confèrent à l’investisseur les droits suivants [8] :  

- droit d’ouvrir au Cameroun et à l’étranger des comptes en monnaie locale et en devises et d’y effectuer des opérations ;

- droit d’encaisser et de conserver à l’étranger les fonds acquis ou empruntés à l’étranger et d’en disposer librement ;

- droit d’encaisser et de conserver à l’étranger les produits d’exploitation, les dividendes et produits de toute nature des capitaux investis, ainsi que les produits de la liquidation ou de la réalisation des avoirs ;

- droit de payer directement à l’étranger les fournisseurs non-résidents ;

- libre transfert des dividendes et du produit de la cession d’action en cas de désinvestissement ;

- libre conversion et transfert vers leur pays d’origine des sommes dues au personnel expatrié.

 

2.2.  Les incitations à l’investissement dans le domaine de l’agriculture

 

Les entreprises ayant pour objet une activité agricole bénéficient des avantages fiscaux prévus par le Code général des impôts 2019. Elles peuvent aussi également bénéficier des financements accordés par le budget d’investissement public dont la gestion est confiée au MINADER.

 

2.2.1. Les avantages prévus par le Code général des impôts 2019

 

Le Code général des impôts [9] prévoit plusieurs avantages fiscaux dans le but d’encourager les investissements dans le secteur agricole. Il s’agit de :

- la dispense des charges fiscales et patronales sur les salaires versés aux ouvriers agricoles saisonniers par les exploitants individuels ;

- l’exonération de la TVA sur l’achat des pesticides, des engrais et des intrants utilisés par les producteurs, ainsi que des équipements et matériels de l’agriculture ;

- l’exonération des droits d’enregistrement des mutations de terrains affectés à l’agriculture ;

- l’exonération des droits d’enregistrement des conventions de prêts destinées au financement des activités agricoles ;

- l’exonération de la taxe foncière des propriétés appartenant aux entreprises agricoles, et affectées à ces activités, à l’exclusion des constructions à usage de bureau.

 

Relativement à l’exonération de TVA, le Code général des impôts fournit en annexe la liste des équipements et matériels de l’agriculture exonérés de TVA. Celle-ci comprend entre autres : les semences, les engrais, les pesticides, le matériel de préparation du sol, le matériel de plantation, de transformation, d’irrigation et d’emballage.

 

 

2.2.2.   Les financements octroyés par le MINADER

 

Les financements du MINADER sont octroyés sur la base du budget d’investissement public de l’Etat, mais aussi sur la base des fonds mis à disposition par les organismes internationaux d’aide au développement.

 

2.2.2.1. Le financement sur la base du budget d’investissement public

 

Les financements du MINADER sur la base du budget d’investissement public sont intégrés à des programmes de développement de filières agricoles précises [10]. En effet pour chaque filière, il existe un programme dédié octroyant des financements aux entreprises s’employant à la développer.

La principale difficulté qui se pose avec ces financements provient du fait que les conditions d’obtention des financements ne sont pas toujours clairement définies et facilement accessibles. Il faut se rendre dans les locaux du MINADER afin de prendre attache avec le coordonnateur de chaque programme pour obtenir les informations nécessaires à l’obtention d’un financement. 

 

Au rang de ces programmes, peuvent être cité à titre illustratif :

- le projet d’appui à la production du matériel végétal de qualité ;

- le projet national d’appui au développement des cultures céréalières ;

- le projet d’amélioration et de gestion de la qualité dans les filières cacao et café («PAGQ2C») ;

- le projet national de structuration et d’accompagnement des producteurs et de vulgarisation agricole («Pro-Sapva») et bien d’autres.

 

2.2.2.2. Le financement par les organismes internationaux d’aide au développement

 

Les principaux organismes internationaux d’aide au développement œuvrant au Cameroun sont la Banque Africaine de Développement («BAD») et l’Agence Française de Développement («AFD»). En 2016 ces deux organismes ont mis à la disposition du Cameroun un peu plus de 100 milliards de FCFA pour développer le secteur agricole. L’AFD s’est particulièrement illustrée dans le cadre du deuxième contrat de désendettement et de développement [11].

Par ailleurs, ce dernier a également a mis en place deux programmes. Le premier est un programme d’appui aux petites et moyennes entreprises agricoles et agroalimentaires. Il vise l’amélioration de l’accès au crédit des petites unités de production et de transformation. Il est réalisé en collaboration avec le MINADER et les institutions de microfinance. Le second est un programme de gestion des risques agricoles, il met en place des instruments nouveaux permettant de réduire la variation des prix agricoles sur les marchés.

 

Toutes ces mesures incitatives démontrent à souhait, la volonté de l’Etat camerounais de développer et rendre attractif son secteur agricole. Toutefois, les agriculteurs camerounais continuent de se heurter à des obstacles tels que :

- le vieillissement de la population rurale et de la ressource humaine agricole : lequel est préjudiciable au secteur agricole dans la mesure où l’exode rural amène les jeunes vers les villes à la recherche des meilleures conditions de vie, ce qui éloigne ces derniers des activités agricoles. Les mesures incitatives de l’Etat vis-à-vis des jeunes devraient sans doute se multiplier de sorte à permettre à ces derniers un meilleur accès à l’information sur le potentiel de l’activité agricole et ses opportunités, à l’instar du sommet international de l’entrepreneuriat agro-pastoral ou encore des comices agricoles ;

- l’accès aux techniques agricoles modernes et autres innovations de la recherche agronomique encore très limité : dès lors que les techniques de culture sont encore pour la plupart rudimentaires. L’outillage utilisé fait essentiellement appel à l’énergie humaine (houe, machette, plantoir, pioche, etc…), alors que la recherche agricole est présente au Cameroun à travers le Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation («MINRESI»). Ce dernier assure la tutelle de tous les centres de recherche agricole exerçants sur le territoire national. Ces centres de recherche font partie du Système National de Recherche Agricole («SNRA») dont l’IRAD en constitue le pilier. Ces difficultés d’accès aux innovations technologiques naissent alors du défaut d’information et d’encadrement des agriculteurs ruraux qui pourrait pourtant être aisément rectifié ;

- le transport et la commercialisation de la production bancale dus à l’absence d’infrastructure : l’état des réseaux de communication et des routes en milieu rural demeure indigent. Cette situation occasionne un accroissement sensible des coûts de transport préjudiciable à la fois aux producteurs qui ne peuvent écouler et valoriser convenablement leur production sur les marchés nationaux et internationaux. Les infrastructures collectives de stockage sont également déficientes surtout en zone rurale. Les marchés ruraux et les grands marchés urbains sont peu nombreux et mal équipés. Au bout du compte, cette situation engendre des coûts de transaction élevés, ce qui limite fortement le pouvoir de négociation des petits producteurs. Autant d’obstacles que l’Etat se doit de résoudre, mais dont les réponses et/ou solutions qui devront y être apportées vont bien au-delà du droit.

 

Liens utiles :

  • Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER) ;
  • Agence de Promotion des Investissements (API) ;
  • Institut National de la Statistique du Cameroun ;
 

[1] Cf site de la Banque mondiale.

[2] Cf. site de l'investissement au Cameroun.

[3] Articles 4 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives.

[4] Article 869 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

[5] L’article 18 de la loi sur les investissements dispose tout de même que ces incitations sont accordées sous réserve de l’obtention de l’agrément. Ce dernier est accordé à l’investisseur par le ministre chargé des investissements privés, après avis conforme du Ministre dûment annexé à l’agrément.          

[6] Art.5 et suivants, loi n° 2013/00 du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privée.

[7] Art.5 et suivants, loi n° 2013/00 du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privée.

[8] Art.12 et 13, loi n° 2013/00 du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privée.

[9] CGI, art.122.

[10] Ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Stratégie de développement du secteur rural, synthèse du volet agriculture et développement rural.

[11] Le contrat de désendettement et de développement est un programme innovant de l’AFD d’appui aux petites et moyennes entreprises agricoles. En 2017 il a permis la distribution de chèques services dans trois villes dans trois villes du Cameroun. Le chèque service est un outil qui permet aux entreprises agricoles d’accéder à des services non financiers nécessaires à leur développement et leur structuration. Depuis le début d’année 2018, cet outil est intégré dans l’agence des petites et moyennes entreprises ce qui le rend disponible dans les dix régions du Cameroun.

newsid:468177

Justice

[Brèves] Publication des lois visant le renforcement de l’organisation des juridictions et de programmation pour la justice 2018-2022

Réf. : Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC) et loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 (N° Lexbase : L6739LPB)

Lecture: 1 min

N8225BXW

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par Aziber Seïd Algadi

Le 27 Mars 2019

Après validation, sous certaines réserves, par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décisions du 21 mars 2019, n° 2019-778 DC N° Lexbase : A5079Y4U et n° 2019-779 DC N° Lexbase : A5080Y4W), la loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l'organisation des juridictions (N° Lexbase : L6739LPB) et la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC) ont été publiées au Journal officiel du 24 mars 2019.

 

Dans le cadre de la simplification de la procédure civile, il est notamment prévu de :

 

- développer les modes de règlement amiable des différends (recours obligatoire à la médiation ou à la conciliation pour certains litiges avant de pouvoir saisir un juge) ;

- mettre en place un mode de saisine unique en matière civile (il en existe cinq actuellement) ;

- permettre un règlement dématérialisé des litiges de la vie quotidienne (dépôt de plaintes en ligne) ;

- créer une juridiction nationale de traitement des injonctions de payer ;

- décharger les juridictions des tâches non contentieuses. 

 

Un calendrier d'entrée en vigueur des différentes dispositions est prévu (pour les autres aspects de la loi, sur le volet "famille et personne", lire N° Lexbase : N8283BX3 ; sur le volet "pénal", lire N° Lexbase : N8273BXP).

newsid:468225

Mineurs

[Brèves] Examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge : validation de l’article 388 du Code civil, et consécration d’une exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-768 QPC, du 21 mars 2019 (N° Lexbase : A3247XYW)

Lecture: 3 min

N8218BXN

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 27 Mars 2019

► Il résulte des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6821BH4), une exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ;

► cette exigence impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge ; il s'ensuit que les règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures ;

► tel est le cas des règles prévues par les deuxième et troisième alinéas de l'article 388 du Code civil (N° Lexbase : L0260K7R), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, relative à la protection de l'enfant (N° Lexbase : L0090K7H), qui sont dès lors déclarés conformes à la Constitution.

 

Tel est le sens de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 21 mars 2019 (Cons. const., décision n° 2018-768 QPC, du 21 mars 2019 N° Lexbase : A3247XYW).

 

Par cette décision, le Conseil constitutionnel déduit, pour la première fois (ainsi que cela est précisé dans son communiqué), des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, une exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, imposant que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge. Il s'ensuit que les règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures.

 

Au regard du cadre ainsi établi, le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées autorisent le recours à un examen radiologique osseux aux fins de contribuer à la détermination de l'âge d'une personne, et qu’en l'état des connaissances scientifiques, il est établi que les résultats de ce type d'examen peuvent comporter une marge d'erreur significative.

 

Le Conseil relève que, toutefois, en premier lieu, seule l'autorité judiciaire peut décider de recourir à un tel examen.

En deuxième lieu, celui-ci ne peut être ordonné que si la personne en cause n'a pas de documents d'identité valables et si l'âge qu'elle allègue n'est pas vraisemblable. La décision de ce jour précise qu'il appartient à l'autorité judiciaire de s'assurer du respect du caractère subsidiaire de cet examen.

En troisième lieu, cet examen ne peut intervenir qu'après que le consentement éclairé de l'intéressé a été recueilli, dans une langue qu'il comprend. A cet égard, la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux.

En dernier lieu, le Conseil constitutionnel relève que le législateur a pris en compte, dans les garanties qu'il a établies, l'existence de la marge d'erreur entourant les conclusions des examens radiologiques. D'une part, la loi impose la mention de cette marge dans les résultats de ces examens. D'autre part, elle a exclu que ces conclusions puissent constituer l'unique fondement dans la détermination de l'âge de la personne. Il appartient donc à l'autorité judiciaire d'apprécier la minorité ou la majorité de celle-ci en prenant en compte les autres éléments ayant pu être recueillis, tels que l'évaluation sociale ou les entretiens réalisés par les services de la protection de l'enfance. Enfin, si les conclusions des examens radiologiques sont en contradiction avec les autres éléments d'appréciation susvisés et si le doute persiste au vu de l'ensemble des éléments recueillis, ce doute doit profiter à la qualité de mineur de l'intéressé (précisément, sur la mise en application des garanties selon lesquelles, d’une part, les conclusions des examens radiologiques osseux ne permettent pas à elles seules de déterminer si l'intéressé est mineur, et d’autre part, le doute doit lui profiter, cf. l’arrêt rendu le 20 mars 2019 par la première chambre civile de la Cour de cassation, Cass. civ. 1, 20 mars 2019, n° 18-16.261, F-D N° Lexbase : A8855Y4Q, et notre brève N° Lexbase : N8296BXK).

 

Le Conseil constitutionnel juge alors qu'il appartient aux autorités administratives et judiciaires compétentes de donner leur plein effet à l'ensemble de ces garanties.

Au total, compte tenu des garanties entourant le recours aux examens radiologiques osseux à des fins de détermination de l'âge, le Conseil constitutionnel juge que le législateur n'a pas méconnu l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.

 

A noter également qu’au regard de ces garanties, est également écarté le grief tiré d'une méconnaissance du droit à la protection de la santé, précision étant faite qu'il doit être tenu compte d'un avis médical qui déconseillerait l'examen osseux à raison des risques particuliers qu'il pourrait présenter pour la personne concernée (cf. l’Ouvrage «La protection des mineurs et des majeurs vulnérables», La définition de la minorité N° Lexbase : E4779E77).

newsid:468218

Podcasts

[Panorama] La sélection de la rédaction : les podcasts qu’il ne fallait pas rater ! (janvier - mars 2019)

Lecture: 5 min

N8227BXY

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par La rédaction

Le 28 Mars 2019

La revue Lexbase Social vous propose de retrouver, tous les mois, une sélection des podcasts diffusés sur notre webradio juridique Lexradio.fr. Cette sélection couvre les mois de janvier à mars 2019.

Ces podcasts intéressent la matière sociale et permettront à nos lecteurs de compléter leurs connaissances en écoutant des colloques, panorama d’actualité, interview, commissions, formations…

 

 

 Chroniques

 

Chronique trimestrielle «Droit social du sport», par Xavier Aumeran, Maître de conférences à l'Université Jean Moulin Lyon III - Equipe de recherche Louis Josserand (EA 3707)

► A écouter ici

15 janvier 2019 à 17h30, durée : 17 minutes

 

Chronique trimestrielle "La responsabilité en droit social", par Dorine Wysocki, Doctorante, attachée temporaire d'enseignement et de recherche à l'Université de Lille

Cette chronique est articulée en deux parties : tout d'abord, l'exigence d'une caractérisation précise des préjudices puis, dans un second temps, sur l'utilisation importante du rôle des juges en la matière.
             ► A écouter ici

22 janvier 2019 à 16h59, durée : 16 minutes

 

Chronique mensuelle "MARD" par J-Ph. Tricoit, Maître de conférences à l'Université de Lille 

=> Janvier 2019

► A écouter ici

23 janvier 2019 à 16h59, durée : 8 minutes

 

=> Février 2019

► A écouter ici

28 février 2019 à 13h59, durée : 7 minutes

 

Chronique mensuelle "Droit syndical"

⇒ Janvier 2019, par Thomas Morgenroth, Maître de conférences à l'Université de Lille

            ► A écouter ici

30 janvier 2019 à 16h59, durée : 6 minutes

 

⇒ Février 2019, par J-Ph. Tricoit, Maître de conférences à l'Université de Lille 

Cette chronique entre en écho avec la précédente de Thomas Morgenroth (janvier 2019) faisant le point sur la parité femmes-hommes en matière d'élections professionnelles. Ce mois-ci (février 2019), Jean-Philippe Tricoit commente la décision de la Chambre sociale rendue le 13 février 2019 (Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 18-17.042).

            ► A écouter ici

1 mars 2019 à 9h00, durée : 7 minutes

 

Chronique "Le harcèlement en droit du travail", Céline Leborgne, Maître de conférences à l'Université de Lille

⇒ Le harcèlement sexuel et sa preuve 

► A écouter ici

9 janvier 2019 à 17h00, durée : 6 minutes

 

⇒ La notion d’agissement sexiste au regard du Code du travail 

► A écouter ici

14 mars 2019 à 13h59, durée : 6 minutes

 

 

 Colloques

 

Colloque "Droit à la déconnexion et télétravail"

Ce colloque a été organisé dans le cadre du projet BonDroit par Bernard Gauriau, co-responsable de l'Axe 1 du projet BonDroit et professeur de droit à l'Université d'Angers, le 8 novembre 2018, à la Faculté de Droit, d'Economie et de Gestion d'Angers.

Faculté de Droit, d'Economie et de Gestion d'Angers

Intervenants : Pascal Lokiec, Professeur de droit privé et sciences criminelles, Ecole de droit de la Sorbonne ; Christophe Radé, Professeur de droit privé, Université de Bordeaux ; Lydie Dauxerre, Maître de conférences HDR, Université Paris 2 Panthéon-Assas ; Antony Taillefait, Professeur de droit public, Université d’Angers ; Jeanne Collin-Vacher, Psychologue du travail et des organisations ; Pierre-Yves Verkindt, Professeur de droit privé et sciences criminelles, Ecole de droit de la Sorbonne

 

Table ronde : Anne-Sophie Hocquet, Maître de conférences en droit privé, Vice-présidente Égalité, ressources humaines et politique sociale, Université d’Angers ; Jeanne Collin-Vacher, Psychologue du travail et des organisations ; Anne-Claire Gillard, Médecin responsable des équipes pluridisciplinaires, SMIA, intervenant de l’ARACT ; Franck Héas, Professeur de droit privé, Université de Nantes.

► A écouter ici

 

Colloque «Licenciement et barème : prévoir et sécuriser ?»

Le 1er février 2019, le Centre de recherches juridiques organisait le colloque "Licenciement et barème : prévoir et sécuriser" à la Maison des Sciences de l'Homme Alpes de l'Université de Grenoble.

La manifestation s’inscrit dans le prolongement d’un contrat de recherche collective obtenu auprès de la Mission de recherche Droit et Justice portant sur la barémisation de la justice, dont les axes s’articulent autour de l’appréhension des pratiques judiciaires.

Issu de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, ce dispositif, instaurant des planchers et plafonds d’indemnisation fondés sur l’ancienneté du salarié, est présenté sous l’égide de la prévisibilité et la sécurité juridiques. Quels enjeux recèlent la quantification du préjudice subi par le salarié injustement licencié ? Philosophes, économistes du droit et juristes, praticiens et universitaires, explorent les enjeux et les retombées de ce dispositif légal.

Intervenants : David Dechenaud, Professeur Université Grenoble-Alpes, Doyen de la Faculté de droit ; Michel Farge, Professeur Université Grenoble-Alpes, co-directeur du C.R.J ; Thomas Boccon-Gibod, Maître de conférences en philosophie, Université Grenoble-Alpes ; Thierry Kirat, Directeur de recherche au CNRS, IRISSO, Université Paris Dauphine ; Isabelle Sayn, Directrice de recherche au CNRS, Centre Max Weber Université de Lyon ; Christophe Radé, Professeur de droit à l’Université de Bordeaux ; Barbara Palli, Maître de conférences, Université de Lorraine ; Patrick Henriot, Membre du Gisti, ancien premier vice-président du TGI de Bobigny.

 

Table ronde : Estelle Courtois-Champenois, DRH ; Frédéric Matcharadzé, Avocat en droit social, Barreau de Chambéry ; Laurent Clément-Cuzin, Avocat en droit social, Barreau de Grenoble ; Patrick Cohen, Président du CPH de Grenoble ; Denis Sejourné, président du Conseil de prud’homme de Grenoble.

► A écouter ici

 

Commissions

 

Commission en droit social «RGPD et relations de travail» 

Intervenants : M. le Friant, Professeure à l’Université d’Avignon ; Eric Delisle, CNIL ; Marie-France Mazard, CNI ; Ariane Mole, Avocat au Barreau de Paris, Cabinet Bird & Bird ; Yasmine Tarasewicz, Avocat au Barreau de Paris, Cabinet Proskauer Rose.

► A écouter ici

 

 Panoramas jurisprudentiels

 

Panorama jurisprudentiel du mois de janvier 2019 

Intervenants : Charlotte Moronval, Asima Khan, Claire Dujarrier.

1/ Les régimes probatoires distincts du harcèlement moral et du licenciement consécutif - Cass. soc., 30 janvier 2019, n° 17-31.473, F-P+B

2/ Autonomie du régime juridique de la rupture conventionnelle : le pas de trop ? - Cass. soc., 23 janvier 2019, n° 17-21.550, FS-P+B

3/ Le chauffeur Uber, un salarié comme les autres - CA Paris, Pôle 6, 2ème ch., 10 janvier 2019, n° 18/08357

4/ Contrat unique d’insertion, refus de renouvellement et allocations chômage - Cass. soc., 16 janvier 2019, n° 17-11.975, FS-P+B

5/ L’employeur responsable de l’inertie de ses salariés confrontés à des comportements discriminatoires - Cass. soc., 30 janvier 2019, n° 17-28.905, F-P+B

6/ La notion de «salarié disponible» dans les entreprises de transport urbain - Cass. soc., 16 janvier 2019, n° 17-27.124, FS-P+B

► A écouter ici  

20 février 2019 à 10h59, durée : 14 minutes

 

 

Panorama jurisprudentiel du mois de février 2019 

Intervenants : Charlotte Moronval, Asima Khan, Claire Dujarrier.

1/ Le sportif professionnel doit se soigner loyalement ! - Cass. soc., 20 février 2019, n° 17-18.912, FS-P+B

2/ La liquidation de la retraite et ses effets sur le salarié protégé dont le licenciement a été annulé  - Cass. soc., 13 février 2019, n° 16-25.764, FS-P+B

3/ Conventionnalité des dispositions relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes en matière d’élections professionnelles - Cass. soc., 13 février 2019, n° 18-17.042, FS-P+B+R+I

► A écouter ici  

27 mars 2019 à 15h59, durée : 7 minutes

newsid:468227

Procédure administrative

[Le point sur...] La subjectivisation du contentieux de l’excès de pouvoir : un souci constant accordé aux droits des justiciables tempéré, encore et toujours, par les nécessités de régulation des demandes de justice et de sécurité contentieuse

Lecture: 20 min

N8210BXD

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Procédure administrative"

Le 27 Mars 2019

contentieux administratif - office du juge administratif - contentieux de l'excès de pouvoir

Le renouveau du contentieux administratif et de l’office du juge administratif est, depuis un certain nombre d’années, lié à l’accroissement du contrôle de l’administration et à la justiciabilité croissante et conséquente des actes administratifs. Le nombre d’actes insusceptibles d’être soumis au juge administratif ne cesse en effet de reculer que l’on songe au contrôle des actes de droit souple [1], au rescrit fiscal [2], aux mesures purement gracieuses [3] ou encore à la nouvelle approche en matière de mesures d’ordre intérieur justifiant un contrôle de plus en plus fin ou technique dans l’administration pénitentiaire [4] ou la fonction publique en général [5]. Les normes au regard desquelles ces actes sont contrôlés sont, aussi, avec l'essor du contrôle de conventionnalité, de plus en plus nombreuses, le contrôle est de plus en plus exigeant [6] et les effets attachés à ce contrôle de plus en plus concrets depuis que le législateur autorise le juge a notamment faire acte d’administrateur par le prononcé d’injonctions envers les personnes publiques [7] et depuis que l’exécution des décisions de justice fait partie intégrante du droit au recours juridictionnel effectif.

 

Il faut ajouter, enfin, à cela une vision plus orthodoxe de la subjectivisation visant à instaurer davantage de confiance entre les français et leurs autorités administratives, le gouvernement tirant, de plus en plus, les conséquences du retard mis par la France à se réformer en matière administrative tout en étant conscient que la relation administrative reste toujours marquée par l’unilatéralité et la verticalité de la décision administrative. Ce sont de nouveaux «droits à» qui sont créés en matière administrative notamment par la loi «ESSOC» [8] assurant ainsi «la distribution à chacun de ce qui était à l'origine le droit de tous» (exposé des motifs de la loi).

Parmi les nouveaux droits subjectifs ainsi créés (invocabilité des circulaires, opposabilité des rescrits, certificats d'information, …), deux nouveaux «droits à» sont particulièrement révélateurs : le «droit à l'erreur» de l’usager administratif dans les déclarations à l’administration qui, pour l’assujetti de bonne foi, se traduit par une absence de sanction lorsque son erreur (mauvaise déclaration) ou son oubli (déclaration incomplète) est établi(e) pour la première fois. Le second est dénommé «droit au contrôle» et permet à une entreprise de demander à une administration d’effectuer un contrôle pour s’assurer qu’elle est en conformité [9]. L’ensemble permet de conclure à une subjectivisation toujours croissante du recours pour excès de pouvoir et à un souci de plus en plus marqué accordé aux droits des justiciables.

 

A l’inverse, comme peuvent le noter Sophie Roussel et Charline Nicolas, «l’effectivité plus grande du principe de légalité qui en résulte a inévitablement conduit le juge à prendre davantage en considération dans son office la stabilité des situations juridiques» [10]. Tout un contentieux récent s’est développé autour du «recentrage du juge sur la portée utile de son office, à la faveur d'une approche concrète de l'adéquation de la réponse juridictionnelle à apporter à un litige» [11]. On peut y voir une atteinte aux droits des justiciables ou un recul du droit au recours voire une protection excessive du principe de sécurité juridique au détriment du principe de légalité [12] mais la nouvelle ligne jurisprudentielle reste, surtout, plus prosaïquement, justifié par les nécessités contemporaines de régulation des demandes de justice, des préoccupations avant tout budgétaires et une «approche de plus en plus pragmatique du contentieux administratif» [13].

 

L’actualité récente en contentieux administratif reste liée à ces deux évolutions amenant à une perception de moins en moins objective dans le contentieux de l’excès de pouvoir (I), perception qui se double de préoccupations toujours plus pragmatiques sur l’exercice même de ce recours (II). L’ensemble se révèle assez contradictoire et amène à s’interroger sur les nouveaux équilibres ainsi instaurés.

 

I - Un recours pour excès de pouvoir au caractère de moins en moins objectif

 

Du côté de la subjectivisation du recours pour excès de pouvoir et du souci grandissant accordé aux droits des justiciables, on peut mentionner la toute nouvelle possibilité pour le requérant de hiérarchiser ses moyens et ses demandes (CE Sect., 21 décembre 2018, n° 409678, Société Eden N° Lexbase : A8397YRG) (A), la future possibilité pour le juge administratif de prononcer des injonctions d’office qui va être acté dans la future réforme de la justice permettant de renforcer l’office du juge administratif et l’effectivité conjointe des décisions de justice (B). On peut, aussi, enfin, citer, à titre plus anecdotique mais assez révélateur et dans la même logique d’intérêt envers le justiciable, la généralisation de la rédaction en style direct des décisions contentieuses depuis le 1er janvier 2019 (annonce site Conseil d’Etat 10 décembre) (C).

 

A - L’arrêt «Société Eden» du 21 décembre 2018 : la faculté reconnue pour le justiciable de hiérarchiser ses moyens

 

Lorsque le justiciable exerce un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif, c’est d’abord pour défendre ses intérêts et se voir reconnaitre ce qu’on pourrait appeler un droit subjectif mais il y a, dans son recours, immanquablement, une dimension objective puisqu’il va aboutir à un jugement sur la légalité de l’acte.  Cette double dimension a toujours donné un caractère très spécifique au recours pour excès de pouvoir tout en justifiant son intérêt. Si l’équilibre a toujours prédominé entre ces deux dimensions, il semble pourtant qu’aujourd’hui la dimension subjective ait clairement pris le pas sur la dimension objective [14]. C’est ce que vient confirmer la décision «Société Eden» rendue par la section du contentieux du Conseil d’Etat, les chroniqueurs officiels du Conseil d’Etat évoquant même une « nouvelle blessure narcissique » infligée au caractère objectif du recours [15].

C’est le principe dit de «l’économie des moyens» qui jusqu’alors était le plus souvent utilisé par le juge administratif. Selon ce principe, lorsque le juge est amené à examiner les moyens soulevés par le requérant ou ceux d’ordre public, il n’est pas tenu, à partir du moment où il a identifié un moyen opérant pour consacrer l’annulation, de répondre aux autres moyens même s’ils sont fondés. Le juge n’a pas l’obligation de répondre de manière exhaustive à l’argumentation du requérant et peut ainsi retenir le motif d’illégalité qui lui parait le plus commode. Cette pratique est une sorte de «coutume contentieuse» puisqu’aucune disposition législative ou réglementaire, en particulier aucune disposition du Code de justice administrative, n'impose au juge administratif d'y avoir recours. L’économie des moyens permet ainsi à la juridiction administrative non seulement de gagner du temps, en se dispensant d’apprécier les moyens devenus surabondants, mais aussi de sélectionner, le cas échéant, les moyens auxquels elle souhaite ne pas répondre.

 

Si la pratique de l’économie de moyens s’apparente ainsi à une technique de bonne administration de la justice, elle peut, dans certains cas, porter préjudice au requérant. C’est le cas lorsque le juge est saisi d’un recours pour excès de pouvoir assorti de conclusions à fin d'injonction. Si ce dernier ne retient qu’un moyen de légalité externe pour annuler la décision attaquée, cela lui permet de ne pas faire droit aux conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de prendre une décision dans un sens déterminé. Il n’y a pas de soucis si le moyen de légalité externe retenu est le seul à pouvoir justifier l’annulation mais il y a préjudice pour le requérant lorsqu’un moyen de légalité interne pouvait également être retenu par le juge l’obligeant à faire droit aux conclusions à fin d'injonction [16].

 

Le principe de l’économie de moyens a donc légitimement vu sa portée être limitée dans certains contentieux comme le contentieux de l’urbanisme [17], le contentieux des titres exécutoires [18] ou encore dans le cas où il revient au juge d’examiner les autres moyens de la requête, dès lors que les effets des annulations dans le temps peuvent être différents selon les moyens invoqués [19]. Mais la règle a persisté dans tous les autres cas laissant subsister des situations où le litige n’est pas complètement réglé faute d’examen exhaustif des moyens. C’est le cas par exemple en matière d’annulation des décisions de refus de séjour assortie de conclusions à fin d’injonction. L’application de la pratique de l’économie de moyens, si le juge ne retient qu’un moyen de légalité externe, peut amener à priver l’étranger d’un titre de séjour, ou, du moins, de la possibilité de savoir s’il a droit à un tel titre. 

 

La décision «Société Eden» met fin à cette injustice en permettant au juge de pouvoir sanctionner le choix du motif d’annulation dans deux hypothèses. La première hypothèse concerne le choix, pour le requérant, «de présenter, outre des conclusions à fin d’annulation, des conclusions à fin d’injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l’autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé». Dans ce cas, le juge devra donc en priorité analyser les moyens de légalité interne conduisant aux injonctions potentiellement demandées multipliant mécaniquement les possibilités offertes au juge en la matière. La seconde hypothèse permet au requérant de choisir «de hiérarchiser […] les prétentions qu’il soumet au juge de l’excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d’annulation».  Dans ce cas, il appartient au juge de statuer en respectant cette hiérarchisation en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent au fondement juridique de la demande.    

En contraignant le juge à tenir compte de la priorité exprimée par le justiciable dans les moyens invoqués, le juge se rapproche ainsi de sa mission première qui consiste à concrétiser les droits des justiciables même dans le cas où il statue en excès de pouvoir [20].

 

B - La réforme de la justice : un renforcement de l’efficacité de l’office du juge administratif et de l’effectivité des décisions de justice avec la généralisation des injonctions d’office

 

Outre la possibilité désormais acté de statuer en formation collégiale dans les contentieux économiques souvent complexes pour le juge des référés précontractuel et contractuel (article 35 de la loi) [21] et l’extension du caractère suspensif du recours dirigé contre une ordonnance d’une pièce couverte par le secret des affaires quelle que soit le type du litige (article 41) [22], c’est la possibilité pour le juge (ainsi qu’à la commission du contentieux du stationnement (CCSP) [23]) de prononcer des injonctions d’office qui se révèle être la disposition la plus intéressante de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC) (article 40 de la loi). Jusqu’alors, lorsque la décision de justice impliquait que l’administration prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé ou une nouvelle décision après une nouvelle instruction, la juridiction ne pouvait prescrire cette mesure, le cas échéant dans un délai déterminé, que si elle avait été saisie de conclusions en ce sens (CJA, art. L. 911-1 N° Lexbase : L3329ALU et L. 911-2 N° Lexbase : L3330ALW). L’article 25 propose de modifier cette disposition pour permettre au juge de prescrire d’office les mesures visées [24].

 

C’est une bonne nouvelle pour les requérants qui ne pensent pas nécessairement à demander au juge d’enjoindre à l’administration de prendre la mesure d’exécution ou la nouvelle décision nécessaire. Il peut également arriver que le requérant n’invoque pas l’article qui correspond à sa situation et la requalification des conclusions du requérant n'est pas toujours possible en la matière [25]. Ces injonctions ont déjà pu être prononcées par le passé à travers ce que la doctrine a parfois appelé «l’injonction prétorienne» [26]. Cette pratique s’est, notamment, développé en matière de référé-suspension [27], en matière de contentieux de refus de titres de séjour[28] ou, plus récemment, dans le contentieux de l’urbanisme, à la suite de l’annulation du refus d’une autorisation d’urbanisme, le juge enjoignant à l’administration d’accorder ladite autorisation [29]. C’est la doctrine qui avait relevé récemment l’inclinaison favorable des juges du fond malgré la jurisprudence peu amène du Conseil d’Etat [30].

 

C - La généralisation de la rédaction en style direct des décisions contentieuses depuis le 1er janvier 2019

 

Annoncé le 10 décembre par le Conseil d’Etat, la rédaction en style direct des décisions contentieuses a été généralisée au sein de l’ensemble des juridictions administratives depuis le 1er janvier 2019 suivant en-cela une démarche plus générale opérée pour toutes les décisions de justice voire toutes les juridictions [31]. Elle fait suite à la publication d’un vade-mecum sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative et à plusieurs années d’expérimentation mises en place depuis le rapport «Martin» de 2012. L’objectif du vade-mecum est d'enrichir la motivation sans faire perdre aux décisions des juridictions administratives «leurs qualités traditionnelles et leur capacité à exposer le plus clairement possible, de façon convaincante et sans perdre aucun lecteur dans des détours inutiles, les raisons qui justifient la solution retenue par la juridiction, sans digressions ni détails superflus» [32]. Le but étant d’améliorer la lecture des décisions, «de les rendre mieux compréhensibles à un public plus large, sans rien sacrifier de leur qualité».

 

Le style direct s’analyse comme amenant au début de chaque paragraphe à ce que ne figure plus le marqueur rédactionnel «considérant que», remplacé par la formule «considérant ce qui suit», placée au début de la décision. Parmi les autres changements de vocabulaire, on peut citer la préférence à l’expression «agir en justice» plutôt qu’«ester en justice», on remplace «interjeter appel» par «faire appel». Les paragraphes ne doivent plus excéder une demi-page et une phrase ne doit pas, en principe, excéder quelques lignes. Il faut éviter les anglicismes et privilégier, aux termes étrangers ou latins (comme l’infra ou l’ultra petita), des équivalents dans la langue française tout en évitant les citations trop longues. Si certains se sont émus de la disparition de «notre ami considérant» [33], les premiers arrêts bouleversent, il est vrai, les habitudes de lecture mais ils y gagnent en intelligibilité et vont dans le sens d’un intérêt accru envers les justiciables.

 

II - Un recours pour excès de pouvoir à la mise en œuvre de plus en plus pragmatique

 

Parmi la mise en place des nécessités toujours croissantes de régulation des demandes de justice au nom du principe de sécurité juridique et des préoccupations budgétaires, on peut mentionner l’expérimentation de la procédure en appréciation de régularité de certains actes administratifs (décret n° 2018-1082 du 4 décembre 2018, relatif à l’expérimentation des demandes en appréciation de régularité N° Lexbase : L2725LNA) qui, contrairement aux apparences, ne s’inscrit pas dans le développement des droits des justiciables (A). S’y ajoute la restriction continue des voies de recours dans le domaine du contentieux de l’urbanisme (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique N° Lexbase : L8700LM8, dite loi «ELAN» entrée en vigueur au 1er janvier 2019 et la mise en place du décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018, relatif aux éoliennes terrestres N° Lexbase : L0382LNH) (B), ou encore les futurs changement concernant les juridictions administratives dans la réforme de la justice à venir, changements qui, pour certains, sont avant tout motivées par des préoccupations budgétaires (C).

 

A - L’expérimentation de la procédure en appréciation de régularité de certains actes administratifs (décret n° 2018-1082 du 4 décembre 2018, relatif à l’expérimentation des demandes en appréciation de régularité)

 

Le mécanisme de demande en appréciation de régularité a été créé par la loi «ESSOC» du 10 août 2018 et il est issu de l’étude du Conseil d’Etat relative au rescrit administratif [34]. C’est un «recours juridictionnel non contentieux», sorte de dispositif juridique «totalement atypique et potentiellement perturbateur de catégories juridiques solidement établies» [35] qui est destiné à «purge » les irrégularités externes pouvant affecter certains actes administratifs en matière d’urbanisme, d’expropriation et de déclaration d’insalubrité. Le but est d’obtenir un «brevet de régularité» pour des décisions non réglementaires relevant d’opérations complexes et ainsi sécuriser la situation des administrés et des administrations en palliant aux risques de censures tardives à raison d’illégalités externes [36].

 

Il n’y a de la sorte pas extension du droit au recours des administrés mais plutôt un mécanisme habile permettant de restreindre les possibilités pour les tiers de contester ultérieurement la régularité des actes et décisions concernées [37]. L’idée étant bien de placer des tiers dans l’impossibilité de contester la légalité externe de certains actes devant le juge de l'excès de pouvoir. Le bénéficiaire ou l'auteur de l’acte doit pour cela prendre les devants en demandant lui-même à un tribunal administratif de se prononcer sur cette régularité. Si, comme l'espère le demandeur, l’acte est reconnu régulier par le juge, tout moyen de légalité externe ultérieurement dirigé par voie d'action ou d’exception contre l’acte devient irrecevable, quelle que soit l'instance concernée. La seule option ultérieure possible pour le tiers reste alors la contestation de la légalité interne.

Il s'ensuit que la formule «purge juridictionnelle», employée par le Conseil d'Etat dans son étude sur le rescrit et reprise à leur compte par certains auteurs [38] apparait à bien des égards excessive. Le mécanisme ne permet pas au juge de nettoyer, de débarrasser ou de faire disparaître l'éventuelle irrégularité qui entache l’acte objet de la demande. Dans l’hypothèse la plus favorable au demandeur, ce qui est purgé, ce n'est pas l'acte, mais un risque contentieux que ce demandeur redoutait [39]. Pour les mêmes raisons, le mécanisme ne s’apparente pas aux autres instruments contentieux qui limitent le contrôle de la régularité externe des actes réglementaires même si la procédure s’inscrit dans une logique de sécurisation contentieuse [40]

 

Le décret en Conseil d'Etat n° 2018-1082 du 4 décembre 2018, pris en application de l’article 54 de la loi «ESSOC», ne modifie pas les caractéristiques essentielles de la demande en appréciation de régularité. Aux termes du décret, ce sont les tribunaux administratifs de Bordeaux, Montpellier, Montreuil et Nancy qui vont expérimenter la procédure pendant trois ans. La demande est présentée dans un mémoire distinct limité à cette demande. Ce sont les dispositions qui dressent la liste des décisions non réglementaires susceptibles de faire l’objet d’une demande en appréciation de régularité qui sont les plus importantes du décret (article 2). Les quatre premières catégories de décisions sont prises sur le fondement du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique [41], les deux suivantes le sont sur le fondement du Code de l'urbanisme [42], les deux dernières enfin sur le fondement du code de la santé publique [43].

 

Pour mettre en conformité les nouvelles dispositions avec le droit au recours juridictionnel effectif, le pouvoir réglementaire a précisé les conditions dans lesquelles les tiers sont informés, d'une part, des demandes tendant à apprécier la régularité d'une décision et de leurs conséquences éventuelles sur les recours ultérieurs et, d'autre part, des réponses qui sont apportées à ces demandes par le tribunal [44]. Dans le même sens, il a assorti les exigences ainsi posées en cas de non-respect de la sanction de l’inopposabilité aux tiers de la décision du juge en appréciation de régularité. A noter enfin que c’est l’auteur de la décision faisant l’objet d’une demande en appréciation de régularité qui doit procéder à la publicité la demande dans un délai d’un mois à compter de son dépôt ou de la communication qui lui en est faite par le tribunal administratif et non la juridiction administrative elle-même. Le but est de permettre aux tiers ayant intérêt à agir d'intervenir à la procédure. Cette publicité s'effectue sous peine d'inopposabilité aux tiers de la décision du juge en appréciation de régularité (l’article 4 du décret liste les éléments que doit comporter cette publicité).

 

B - La restriction continue des voies de recours en contentieux de l’urbanisme : la loi «ELAN» et le décret du 1er décembre 2018 relatif aux éoliennes terrestres 

 

La loi «ELAN» comprend un chapitre V intitulé «Améliorer le traitement du contentieux de l’urbanisme» composé d’un seul article (article 80). Cet article est entré en vigueur le 1er janvier 2019. Comme toutes les réformes précédentes, l’objectif est de limiter les recours et leurs effets. La réforme portée par la loi, déjà entamée avec le décret du 17 juillet 2018 [45],  amène encore plus à isoler le contentieux de l’urbanisme par rapport au contentieux de l’excès de pouvoir classique amenant à découvrir, pour certains, «un contentieux dans lequel le juge, lorsqu’il peut être saisi, se transforme en correcteur de l’acte» [46].

 

Le législateur a d’abord décidé de proroger jusqu’au 31 décembre 2022 la suppression de l’appel (CJA, art. R. 811-1-1 N° Lexbase : L6516LNN) [47]. Il y a également une limitation dans le temps du droit au recours. Tout d’abord, le juge administratif applique désormais la jurisprudence «Czabaj» [48] au contentieux de l’uranisme. Cela amène à ce qu’en cas d’affichage n’ayant pas mentionné le délai de recours, aucun recours ne peut plus être formé un an après le premier jour des deux mois d’affichage sur le terrain [49]. Cette nouvelle jurisprudence doit être lue en relation avec le nouvel article R. 600-3 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L4449LLD) qui prévoit que, pour les constructions achevées dont les permis de construire n’avaient pas fait l’objet des mesures de publicité permettant de déclencher le délai de recours de deux mois, un recours n’est possible que dans un délai de six mois suivant l’achèvement (un an auparavant).

 

Il faut aussi évoquer la vision, de plus en plus restrictive, de l’intérêt à agir. C’est désormais une condition d’existence d’un an (au moment de l’affichage en mairie de la demande de permis de construire) qui est posée pour les associations (C. urb., art. L. 600-1-1 N° Lexbase : L0038LNQ). Pour les recours individuels, l’intérêt à agir dépendra dorénavant de ce que «la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien» (C. urb., art. L. 600-1-2 N° Lexbase : L0037LNP). Le but est de supprimer dans l’intérêt à agir toute référence aux inconvénients nés des travaux de construction utilisée en jurisprudence en lieu et place des inconvénients nés du bâtiment construit lui-même.    

 

Un nouveau dispositif de cristallisation des moyens a aussi été institué par l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L4442LL4). L’ancien dispositif est remplacé par une cristallisation automatique des moyens qui amène, deux mois après la communication aux parties du premier mémoire en défense, à une fin de non-recevoir des moyens nouveaux sans que le juge n’est besoin de le décider. A noter que la cristallisation prononcée en première instance ne vaut plus au stade de l’appel. Il est désormais possible de rouvrir totalement le débat contentieux lors de l’appel. La circonstance que le juge ait fait usage en première instance de cette faculté ne s'oppose plus à ce que les parties invoquent des moyens nouveaux en appel [50]. Cette question avait divisé les juges du fond [51].   

 

Concernant la limitation des effets du contentieux, il faut noter le fait que les recours n’auront plus les mêmes effets dans le temps puisque le juge doit rendre sa décision en dix mois pour les recours relatifs aux permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou pour un permis d’aménager un lotissement (C. urb., art. R. 600-6 N° Lexbase : L4443LL7). Les effets du contentieux sont aussi renouvelés par la mise en place d’une nouvelle régulation des autorisations d’urbanisme [52]. Cette dernière devient une obligation pour le juge alors qu’elle n’était que facultative auparavant. Cela oblige le juge à régulariser dès que possible sans attendre la demande des parties [53] et à motiver sa décision s’il y a refus. A cela s’ajoute le fait que la régularisation ne passe plus par un permis modificatif permettant ainsi de régulariser les modifications les plus importantes (ce qui n’était pas le cas auparavant avec le permis modificatif) et qu’elle peut désormais concerner des hypothèses où les travaux seraient achevés. 

 

Dans la même logique que la loi «ELAN», il faut noter, conformément aux propositions du groupe de travail ministériel «Eolien», la mise en place du décret du 1er décembre 2018  relatif aux éoliennes terrestres [54]. Le décret supprime le double degré de juridiction dans les contentieux portant sur des projets de éoliens terrestres [55] et prévoit un mécanisme de cristallisation des moyens. Le but étant de favoriser la construction de nouveaux parc éoliens (il faut doubler le nombre d’éoliennes d’ici 2023) même si cela restreint les résistances locales et le droit au recours des associations et des riverains. Les recours contre les actes relatifs aux projets éoliens terrestre ne pourront plus être contestés que devant les cours administratives d’appel, en premier et dernier ressort (CJA, art. R. 311-5 N° Lexbase : L0905LNT). La seule voie de recours ouverte devenant alors le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat qui, on le rappelle, ne statue pas au fond sur le litige. A noter que ce degré unique de juridiction s’applique conjointement pour les décisions d’autorisation favorables comme pour les décisions de refus défavorables.

 

Le décret a également prévu d’accélérer l’instruction des affaires en étendant au contentieux éolien le système de la cristallisation des moyens ou ce qu’on peut appeler la «mini-clôture d’instruction» [56]. Le nouvel article R. 611-7-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L0906LNU) prévoit ainsi que «les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire de défense». Cette cristallisation des moyens présente néanmoins certaines particularités par rapport à celle existant dans les autres contentieux par le décret «JADE» du 2 novembre 2016 (décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016  N° Lexbase : L9758LAN) puisqu’elle présente un caractère automatique. L’ensemble des moyens doit être présenté par les requérants dans leur requête, le mémoire complémentaire ou leur premier mémoire en réplique qui doit être déposé moins de deux mois après le mémoire en défense de la partie adverse.

 

C - La future réforme de la justice et le juge administratif : la persistance des préoccupations budgétaires

 

Outre les nouveaux moyens prévus pour renforcer l’efficacité du juge administratif, la future réforme de la justice a aussi, concernant les juridictions administratives, été marqué par le respect de préoccupations budgétaires visant notamment à alléger la charge des juridictions au détriment peut-être d’une certaine qualité de la justice. Ainsi, mise en place par la loi «Justice du XXIe siècle» [57] et son décret d’application [58], l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire dans certains litiges de la fonction publique et divers litiges sociaux, qui devait prendre fin le 18 octobre 2020, sera poursuivie jusqu'au 31 décembre 2021 et pourrait être pérennisée au-delà. Si elle permet d’alléger la charge du juge administratif dans des contentieux de masse, elle ne donne toujours pas de garanties quant au statut des médiateurs. Il y a uniquement un renvoi au Code de justice administrative pour le seul principe d’impartialité. Il n’y a pas d’informations quant aux garanties d’indépendance ou de neutralité de ces médiateurs. De même, eu égard au droit à un recours effectif, il n’y pas de durée maximale prévue pour la médiation ni de garantie quant à la gratuité de la médiation ce qui constitue un obstacle au droit au recours. 

 

Le recours aux magistrats honoraires (magistrats à la retraite ou qui ont quitté le corps des magistrats) est également élargi dans la future réforme (article 21 bis). L’article L. 222-2-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L9264K4U) permet déjà aux présidents des tribunaux administratifs de désigner des magistrats honoraires qui peuvent statuer sur les recours formés par les étrangers placés en détention, en rétention ou assignés à résidence. Ils pourront désormais statuer sur les recours relevant de la compétence du juge statuant seul. Les présidents des cours administratives d’appel pourront également faire appel à des magistrats honoraires. Les fonctions juridictionnelles de rapporteur en formation collégiale, de juge unique ou de juge des référés et des fonctions non juridictionnelles d'aide à la décision pourront leur être confiées. Cette extension pose difficulté quant à l’exercice même des fonctions juridictionnelles. Les magistrats honoraires ne disposent pas des mêmes garanties d’indépendance statutaire que les magistrats «de carrière» [59]. Il pourrait exister une rupture d’égalité́ entre les justiciables selon que leur requête est examinée et jugée par un magistrat honoraire ou un magistrat «de carrière».

 

Les juridictions administratives pourront aussi recruter des juristes-assistants, un statut créé sur le modèle de ce qui existe pour les juridictions judiciaires. Agents contractuels de l'État de catégorie A, ils apporteront un soutien aux magistrats, notamment pour ce qui concerne le nombre croissant de litiges en droit des étrangers et les contentieux sociaux. Ces deux types de contentieux étant considéré comme une sorte de «sous contentieux» [60] à la charge donc des juristes assistants. Ce n’est donc pas, comme le déplore certains, des équipes qui sont créés autour des magistrats à l’instar de ce qui peut exister à la CJUE à travers les postes de référendaires [61]. La règle de droit continue ainsi «son effet de ciseau entre un volume non maitrisable et une intelligibilité inatteignable, en particulier dans le contentieux des étrangers … confié aux non-magistrats» [62]. L’ensemble s’inscrivant dans une logique implacable et persistante visant à «compenser l’inadéquation des ressources humaines» en décourageant «le plus en amont possible l’accès à la juridiction administrative, au prétexte de sécurité juridique» [63].    

 

 

 

 

 


[1] CE, Ass., 21 mars 2016, n° 368082 (N° Lexbase : A4320Q8I), Rec. CE, p. 76, concl. S. Von Coester, AJDA, 2016, p. 717, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet, RFDA, 2016, p. 497, concl. S. Von Coester.

[2] CE Sect., 2 décembre 2016, n° 387613 (N° Lexbase : A9075SNG), RFDA, 2017, p. 351, comm. B. Plessix, JCP éd. G, 2017, n° 88, comm. M. Collet.

[3] CE, 21 novembre 2016, n° 392560 (N° Lexbase : A2614SIN).

[4] Cf., Par ex., CE, 9 novembre 2015, n° 383712 (N° Lexbase : A3613NWQ) et n° 380982 (N° Lexbase : A7589NWY).

[5] CE Sect., 25 septembre 2015, n° 372624 (N° Lexbase : A8495NPC).

[6] Par ex., concernant la carence de l’administration dans l’exercice de ces pouvoirs de police (CE, 28 novembre 2003, n° 238349 N° Lexbase : A3896DAK), Rec. CE, p. 464, AJDA, 2004, p. 988, note C. Deffigier) ou s’agissant de la responsabilité des services fiscaux (CE Sect., 21 mars 2011, n° 306225 N° Lexbase : A5714HIH, Rec. CE, p. 101, concl. C. Legras, AJDA, 2011, p. 1278, note F. Barque, RFDA, 2011, p. 340, concl. C. Legras).

[7] Loi n° 95-125 du 8 février 1995, relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative (N° Lexbase : L1139ATD).

[8] La loi n° 2018-727 du 10 août 2018, pour un Etat au service d'une société de confiance (N° Lexbase : L6744LLD).

[9] Cf., par ex., B. Plessix, Le droit à l'erreur et le droit au contrôle, RFDA, 2018, p. 847 et suiv.

[10] S. Roussel et C. Nicolas, Contentieux des actes réglementaires : bouquet final, AJDA, 2018, p. 1206.

[11] Ibid.

[12] Voir, notamment, dénonçant l’accumulation des techniques de protection de la sécurité juridique réduisant la portée du principe de légalité : D. de Béchillon, La limitation dans le temps de l'invocation des vices de forme et de procédure affectant les actes réglementaires - Contre, RFDA, 2018, p. 662 et suiv. ou B. Plessix, Ce besoin animal de sécurité, DA, 2018, repère n° 1.

[13] F. Tesson, Remarques sur l’évolution récente du contentieux administratif. Vers de nouveaux équilibres depuis 2014 ?, DA, 2017, n° 12, étude n° 17.

[14] Cf. Par ex., AFDA (dir.), Les droits publics subjectifs des administrés, Paris, LexisNexis, coll. Colloques et débats, t. 34, coll. Travaux de l'AFDA, t. 4, 2011 ; J. Sirinelli, La subjectivisation du recours pour excès de pouvoir, RFDA, 2016, p. 529 et suiv. ; J. Chevallier, La transformation de la relation administrative : mythe ou réalité ?, D., 2000, p. 575 et suiv.

[15] Y. Faure et C. Malverti, Le juge de l’excès de pouvoir au service du justiciable, AJDA, 2019, p. 271 et suiv.

[16] Voir, en cens, A. Zarca, Les limites du pouvoir d'injonction, RFDA, 2015, p. 650 et suiv. ; J.-H. Stahl, Injonctions : le juge administratif face aux réalités, AJDA, 2011, p. 2226 et suiv. ; F.-X. Bréchot, Pouvoir d’injonction et économie de moyens : une évolution qui se fait attendre, AJDA, 2018, p. 398 et suiv. ; F. Dieu, La règle de l'économie de moyens doit-elle paralyser le pouvoir d'injonction du juge administratif ?, AJDA, 2009, p. 1082 et suiv.

[17] L’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2399ATZ) fait obligation au juge de répondre à l’ensemble des moyens soulevés par la requête afin de limiter le contentieux au sujet d’une même autorisation d’urbanisme.

[18] CE Sect., 13 mars 2015, n° 364612 (N° Lexbase : A6896NDR), Rec. CE, p. 84, AJDA, 2015, p. 1646, note O. Mamoudy.

[19] CE, Ass., 11 mai 2004, n° 255886 (N° Lexbase : A1829DCQ), Rec. CE, p. 197, concl. M. Devys, AJDA, 2004, p. 1183, chron. C. Landais et F. Lenica, D. 2004, p. 1499, obs. P.-L. Frier, RDP, 2005, p. 536, note C. Guettier.

[20] En ce sens, Y. Faure et C. Malverti, Le juge de l’excès de pouvoir au service du justiciable, préc.

[21] Cette possibilité se limitait jusque-là aux référés d’urgence : suspension, liberté ou mesures utiles.

[22] Cette disposition était limitée jusque-là aux seuls litiges relatifs à la prévention, cessation ou réparation d’une atteinte au secret des affaires ainsi qu’aux contentieux indemnitaires afférents aux pratiques anticoncurrentielles (loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018, relative au secret des affaires N° Lexbase : L5631LL7).

[23] La CCSP est une juridiction spécialisée chargée de régler les litiges relatifs aux forfaits post-stationnement (qui remplace l’amende pour infraction au stationnement payant). Cette commission peut être saisie dans un délai d’un mois à l’issue d’un RAPO refusé ou de la réception de l’avis de paiement d’un forfait rectificatif. Désormais, la CCSP pourra même d’office, lorsque cela implique que la collectivité territoriale, l'EPCI ou le syndicat mixte concerné prenne une mesure d'exécution, prononcer à son encontre une injonction assortie, le cas échéant, d’une astreinte. La CCSP doit, en ce sens, être en mesure de contraindre l'administration à restituer aux requérants les sommes indûment versées au titre du forfait post-stationnement.

[24] La nouvelle règle s’applique également pour le prononcé d’astreintes (CJA, art. L. 911-3 N° Lexbase : L3331ALX).

[25] Propos tenus, dans le même sens, par CE, avis, 12 avril 2018, n° 394535 (N° Lexbase : A7423XLI).

[26] C. Broyelle, De l'injonction légale à l'injonction prétorienne : le retour du juge administrateur, DA, 2004, chron. n° 6.

[27] Cf. La jurisprudence citée par C. Broyelle ou, par ex., CE Sect., 28 février 2001, n° 230112 (N° Lexbase : A9116AR3), Rec. CE, p. 111, D. 2002, p. 2225, obs. R. Vandermeeren, RFDA, 2001, p. 390, concl. D. Chauvaux ou CE, 27 juillet 2001, n° 232603 (N° Lexbase : A5519AUX), Rec. CE, p. 416.

[28] CE Sect., 4 juillet 1997, n° 156298 (N° Lexbase : A0804AEI), Rec. CE, p. 282, AJDA, 1997, p. 584, chron. D. Chauvaux et T.-X. Girardot, RFDA, 1997, p. 815, concl. R. Abraham.

[29] CE, avis, 25 mai 2018, n° 417350 (N° Lexbase : A5746XPI).

[30] E. Carpentier, To do or not to do…le juge peut-il enjoindre de délivrer une autorisation d’urbanisme en conséquence de l’annulation de son refus ?, AJDA, 2018, p. 484 et suiv. et CE, 7 février 2003, n° 220215 (N° Lexbase : A0436A7B) ou CE, 3 juin 2013, n° 350681 (N° Lexbase : A3362KGM).

[31] Cf. Dossier Rédiger une décision de justice au XXIe siècle, AJDA, 2018, p. 378 ; le Conseil constitutionnel ayant opté pour la même logique depuis 2016.

[32] Voir, notamment, B. Stirn, Simplifier l'expression et enrichir la motivation, AJDA, 2018, p. 382 et suiv.

[33] J.-C. Duchon-Doris, Libres propos sur la rédaction des décisions de justice, AJDA, 2012, p. 2264 et suiv.

[34] Conseil d’Etat, Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets, Etudes du Conseil d’Etat, Paris, La documentation française, 2014.

[35] F. Alhama, Précisions sur la demande en appréciation de régularité, AJDA, 2019, p. 330 et suiv.

[36] Cf. en ce sens Etude d’impact du 27 novembre 2017, relative au projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance, site de l’Assemblee Nationale.

[37] En ce sens, J.-B. Chevalier, La demande en appréciation de régularité : un nouveau mécanisme de sécurisation contentieuse, http://blogdroitadministratif.net.

[38] O. Mamoudy, La demande en appréciation de régularité : une « purge juridictionnelle » à l’avenir incertain, AJDA, 2018, p. 1821 et suiv. ou L. Janicot et J.-C. Rotoullié, La demande en appréciation de régularité d’une décision administrative, RFDA, 2018, p. 821 et suiv.

[39] En ce sens, F. Alhama, Précisions sur la demande en appréciation de régularité, préc..

[40] Ibid.

[41] Les arrêtés déclarant l'utilité publique (C. expro., article L. 121-1 N° Lexbase : L7932I4K) ; les arrêtés de prorogation (C. expro., article L. 121-5 N° Lexbase : L7936I4P) ; les arrêtés d'ouverture de l'enquête publique préalable à une déclaration d'utilité publique (C. expro., article R. 112-1 N° Lexbase : L2042I7R à R. 112-3) ; les arrêtés d'ouverture d'une enquête parcellaire (C. expro., article R. 131-4 N° Lexbase : L2082I7A).

[42] Les déclarations d'utilité publique en matière d'opérations de restauration immobilière (C. urb., art L. 313-4-1 N° Lexbase : L3403HZ3) et les arrêtés préfectoraux créant une zone d'aménagement concerté [ZAC] (C. urb., art R. 311-1 CU N° Lexbase : L7546ICH).

[43] Les arrêtés déclarant insalubres des locaux et installations utilisés aux fins d'habitation (CSP, art. L. 1331-25 N° Lexbase : L0246LNG) et les arrêtés déclarant un immeuble insalubre à titre irrémédiable (CSP, art. L. 1331-28 I N° Lexbase : L0245LNE).

[44] En ce sens, F. Alhama, Précisions sur la demande en appréciation de régularité, préc.

[45] Décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018, portant modification du Code de justice administrative et du Code de l'urbanisme (parties réglementaires) (N° Lexbase : L4063LL3).

Le décret a notamment étendu l’obligation de notification des recours à toute décision relative à l’occupation ou l'utilisation des sols (C. urb., art. R. 600-1 N° Lexbase : L4450LLE), limité le délai pendant lequel une autorisation d’occupation des sols peut, en toute hypothèse, être attaquée (C. urb., art. R. 600-3 N° Lexbase : L4449LLD) et défini les pièces à joindre à l’appui de la requête pour justifier de son intérêt à agir (C. urb., art. R. 600-4 N° Lexbase : L4448LLC). Le décret a également créé trois nouveaux articles (C. urb., art. R. 600-5 N° Lexbase : L4442LL4, R. 600-6 N° Lexbase : L4443LL7 et R. 600-7 N° Lexbase : L4451LLG) relatifs, respectivement, à la cristallisation des moyens, aux délais de jugement pour les permis de construire de logements collectifs, et à la possibilité d'obtenir un certificat de non-recours ou de non-appel auprès du greffe.

[46] R. Noguellou, La réforme du contentieux de l’urbanisme, AJDA, 2019, p. 107 et suiv.

[47] La suppression ne valant qu’en zone tendue et ne concernant que les permis de construire à objet principal d’habitation ou les permis d’aménager un lotissement

[48] CE, Ass., 13 juillet 2016, n° 387763 (N° Lexbase : A2114RXL), Rec. CE, p. 340, AJDA, 2016, p. 1629, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet, RFDA, 2016, p. 927, concl. O. Henrard, JCP éd. A, 2016, n° 2238, comm. H. Pauliat.

[49] CE, 9 novembre 2018, n° 409872 (N° Lexbase : A6383YKM), AJDA, 2018, p. 2212.

[50] CE, 13 février 2019, n° 425568 (N° Lexbase : A9111YWD).

[51] La cour administrative d’appel de Bordeaux avait, par exemple, considéré que la cristallisation en première instance s’étendait à la procédure d’appel : CAA Bordeaux, 30 novembre 2017, n° 15BX01869 (N° Lexbase : A9932W3A), AJDA 2018, p. 235, concl. N. Normand.

[52] C. urb., art. L. 600-5 (N° Lexbase : L0035LNM) pour la régularisation faisant suite à une annulation partielle et C. urb., art. L. 600-5-1 (N° Lexbase : L0034LNL) pour une régularisation après sursis à statuer.

[53] Voir, déjà en ce sens, CE, 22 février 2018, n° 389518 (N° Lexbase : A4621XEU).

[54] Décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018, relatif aux éoliennes terrestres, à l'autorisation environnementale et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit de l'environnement (N° Lexbase : L0382LNH).

[55] Le double degré de juridiction avait déjà été supprimé pour l’installation d’éoliennes en mer, la construction de grands centres commerciaux ou la construction de grands cinémas.

[56] En ce sens, J.-B. Chevalier, Une restriction du droit au recours contre les projets éoliens, http://blogdroitadministratif.net.

[57] Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle (N° Lexbase : L1605LB3).

[58] Décret n° 2018-101 du 16 février 2018, portant expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux (N° Lexbase : L3329LI7).

[59] En effet, ils disposent d’une inamovibilité́ de fait limitée dans le temps, étant seulement nommés pour des durées renouvelables ou non de trois ans, et en matière disciplinaire, ils ne peuvent faire l’objet que d’un blâme, d’un avertissement ou d’une «cessation de fonctions».

[60] P. Cassia, Les soutiers de la justice administrative, blogs.mediapart.fr, 9 novembre 2018.

[61] Ibid.

[62] Ibid.

[63] Ibid.

newsid:468210

Procédure administrative

[Brèves] Impossibilité d'exercer un recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable : application du principe aux cas des décisions implicites de rejet

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 18 mars 2019, n° 417270, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1779Y4N)

Lecture: 2 min

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par Yann Le Foll

Le 27 Mars 2019

Les règles relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision ;

 

► La preuve d'une telle connaissance peut résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. 

 

Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 18 mars 2019 (CE 5° et 6° ch.-r., 18 mars 2019, n° 417270, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1779Y4N).

 

En l’espèce, l'administration se bornait à soutenir devant le requérant que les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant la demande d'échange du permis de conduire étaient tardives, faute d'avoir été présentées dans le délai de recours contentieux de deux mois prévu à l'article R. 421-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2809LPQ). En soulevant d'office le moyen d'ordre public distinct, tiré de ce que ces conclusions n'avaient pas été présentées dans le délai raisonnable d’un an, sans en informer au préalable les parties comme l'exigeaient les dispositions de l'article R. 611-7 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2813LPU), le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité.

En outre, en rejetant ces mêmes conclusions comme irrecevables au motif qu'elles n'avaient pas été présentées dans un délai raisonnable, sans rechercher s'il était établi que l’intéressé avait eu connaissance de l'existence d'une décision implicite de rejet, et en faisant courir ce délai de la date à laquelle la décision était née, alors qu'il était constant que l'administration n'avait pas informé l'intéressé lors de la présentation de sa demande des conditions de naissance d'une décision implicite, le tribunal administratif a méconnu les règles précitées, entachant ainsi son jugement d'erreur de droit (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E3092E4B).

newsid:468215

Procédure pénale

[Textes] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice - Présentation des dispositions relevant de la matière pénale*

Réf. : Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC)

Lecture: 2 heures, 24 min

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par Jean-Baptiste Thierry, Maître de conférences de droit privé à l’Université de Lorraine (IFG EA 7301), directeur de l’IEJ

Le 27 Mars 2019

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a finalement été adoptée, au terme d’une discussion parlementaire houleuse, marquée par de nombreuses protestations des avocats, magistrats et greffiers, par l’échec de la commission mixte paritaire, et un désaccord profond entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Le texte a intégré deux décisions QPC du Conseil constitutionnel rendues dans le temps de la discussion parlementaire : la décision n° 2018-763 QPC du 8 février 2019, relative au rapprochement familial des détenus prévenus attendant leur comparution devant la juridiction de jugement (N° Lexbase : A6194YWC ; loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, art. 34 N° Lexbase : L9344IES) et la décision n° 2018-762 QPC du 8 février 2019, relative au régime de l’audition libre des mineurs (N° Lexbase : A6193YWB ; C. proc. pén., art. 61-1 N° Lexbase : L2752I3C).

Il en résulte un texte très conséquent (110 articles «obèses»), qui modifie l’organisation judiciaire, la procédure civile, la procédure administrative, la procédure pénale et le droit de l’application des peines. Les règles de l’assistance médicale à la procréation sont modifiées, s’agissant de l’accueil d’un embryon, par exemple : le nouvel article L. 2141-6 du Code de la santé publique prévoit que le consentement à l’accueil de l’embryon est donné devant notaire (et non plus le juge). Les règles du divorce sont également modifiées (C. civ., art. 233 N° Lexbase : L2791DZE, 238 N° Lexbase : L2794DZI, par ex.), ainsi que celles relatives aux majeurs protégés (C. civ., art. 459 et s. N° Lexbase : L1846IE4).

Le droit pénal de fond est épargné par cette frénésie de réforme. Seules quelques dispositions modifient, à la marge, des infractions. Par exemple, l’article L. 163-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4730IEW) est modifié pour diminuer les peines encourues en matière de contrefaçon de chèques, passant de sept à cinq ans, et de 750 000 à 375 000 euros d’amende. Cette clémence n’est qu’apparente puisqu’elle a uniquement pour but de permettre de faire juger ces délits par un juge unique : ce que l’on gagne en clémence de fond, on le perd en garantie de forme.

 

* Cet article a été publié le 25 mars 2019 sur le blog du Professeur Jean-Baptiste Thierry 

 

Difficile de présenter succinctement un texte d’une telle envergure (quantitative). On cherche en vain son souffle ­-asthmatique d’une justice réduite à gérer des flux- ou son esprit -embrouillé et sans aucune concentration-. La réforme est à l’évidence managériale : il ne s’agit que de gestion des dossiers. Des choses surprenantes apparaissent, ici ou là, comme la possibilité de consentir à sa peine au cours de l’enquête, ou la volonté de donner encore plus de pouvoirs au procureur de la République. Le juge des libertés et de la détention reste la garantie de façade, même si l’on peut saluer quelques avancées (comme la possibilité de prononcer la nullité de perquisitions avant la saisine d’une juridiction d’instruction ou de jugement). Mais elles sont si isolées qu’elles ne s’apparentent même pas à un cataplasme. Forfaitisation de la répression, numérisation des procédures, accélération des procédures, évacuation du jury, renoncements à l’oralité des débats : toujours plus vite, tel est le credo du législateur manager qui a renoncé à réfléchir autrement qu’en terme de quantité. Formellement, le texte est indigeste : le Code de procédure pénale se voit «enrichi» de nouveaux articles dont la numérotation ressemble à s’y méprendre à celle du Code général des impôts. «Pourtant, avec l'aplomb qui a tant fait pour leur respectabilité dans l'opinion, les politiques de tout bord nient, bien sûr, cette évidence en la travestissant sous le masque de "l'efficacité" et de la "simplification", soit deux de ces fleurs de la linguistique vides de sens que le technocrate, par définition, affectionne» (Ph. Conte, Le divan d’Hercule, Dr. pén., 2019, rep. 3). Quoi qu’il en soit, le temps des commentaires doctrinaux viendra : pour l’heure, il ne s’agit que de faire une présentation que l’on souhaitera la plus exhaustive possible, des nouvelles dispositions.

 

Réorganisation judiciaire. Les tribunaux de grande instance et tribunaux d’instance disparaissent au profit de tribunaux dits judiciaires, comportant des tribunaux de proximité. Ces modifications prévues dans le Code de l’organisation judiciaire, amènent quelques modifications dans le Code de procédure pénale. Ainsi, l’article 39-4 prévoit que quand un département compte plusieurs tribunaux judiciaires, le procureur général peut désigner l’un des procureurs de la République de ce département pour représenter, sous son autorité, l’ensemble des parquets dans le cadre de leurs relations avec les autorités administratives du département, notamment pour l’application du dernier alinéa de l’article 39-2, et pour assurer la coordination des activités s’y rapportant. Ce procureur tient les autres procureurs informés de ses diligences et rend compte au procureur général. L’article 52-1 dispose quant à lui que lorsqu’il existe plusieurs tribunaux judiciaires dans un département, un décret peut fixer la liste des tribunaux dans lesquels il n’y a pas de juge d’instruction. Ce décret précise quel est le tribunal judiciaire dont le ou les juges d’instruction sont compétents pour connaître des informations concernant des infractions relevant, en application de l’article 43, de la compétence du procureur de la République du tribunal dans lequel il n’y a pas de juge d’instruction. L’article 80 prévoit que le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans lequel il n’y a pas de juge d’instruction est compétent pour requérir l’ouverture d’une information devant le ou les juges d’instruction du tribunal judiciaire compétents en application du deuxième alinéa ou des quatrième et avant-dernier alinéas de l’article 52-1, y compris en faisant déférer devant eux les personnes concernées. Une ordonnance interviendra pour tirer les conséquences, dans les textes et codes en vigueur ainsi que dans les dispositions introduites ou modifiées par la nouvelle loi, de la substitution du tribunal judiciaire au tribunal de grande instance et au tribunal d’instance (art. 107 de la loi).

 

Ordonnances. Le Gouvernement est autorisé à intervenir par voie d’ordonnance dans différents domaines, s’agissant par exemple des dispositions fixant les conditions dans lesquelles est prise une décision portant sur la personne d’un majeur qui fait l’objet d’une mesure de protection juridique et, selon les cas, intervenant en matière de santé ou concernant sa prise en charge ou son accompagnement social ou médico-social (art. 9). Une autre ordonnance interviendra pour transférer à la Caisse des dépôts et consignations la charge de recevoir, gérer et répartir dans les meilleurs délais, en cas de pluralité de créanciers saisissants, les sommes versées par le tiers saisi au titre des saisies des rémunérations du travail effectuées en application des articles L. 3252-1 (N° Lexbase : L0916H9S) à L. 3252-13 du Code du travail et restituer au débiteur l’éventuel trop-perçu (art. 13). Une autre ordonnance interviendra pour simplifier et moderniser la délivrance des apostilles (art. 16) ou pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires aux fins de les unifier et d’harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai (art. 28). Une ordonnance interviendra également pour tirer les conséquences de la substitution du tribunal judiciaire au tribunal de grande instance et au tribunal d’instance ainsi que de la création du juge des contentieux de la protection.

Sur le plan pénal, c’est évidemment la prochaine réforme par voie d’ordonnance de la justice pénale des mineurs, «dans le respect des principes constitutionnels qui lui sont applicables et des conventions internationales» [sic], le tout ordonné dans un Code de la justice pénale des mineurs. Les modifications ne devraient être que procédurales [1] (art. 93). Cette habilitation a été jugée conforme à la Constitution, le domaine d’intervention du Gouvernement étant suffisamment défini (Déc. n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 367 N° Lexbase : A5079Y4U). Cette future ordonnance n’a pas empêché le législateur, sans doute impatient, de modifier des dispositions de l’ordonnance du 2 février 1945 (ordonnance n° 45-174 N° Lexbase : L4662AGR).

 

Contrôle de constitutionnalité. Saisi a priori de la constitutionnalité du texte, le Conseil constitutionnel a prononcé quelques censures remarquées. La délivrance par les organismes débiteurs des prestations familiales, de titres exécutoires portant sur la modification du montant d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, prévue à l’article 7, a été jugée inconstitutionnelle, le législateur ayant «autorisé une personne privée en charge d'un service public à modifier des décisions judiciaires sans assortir ce pouvoir de garanties suffisantes au regard des exigences d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789» (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 41, préc.). Il en va de même de deux cavaliers législatifs : l’article 18 qui prévoyait la possibilité pour les huissiers de justice d’avoir accès aux boîtes aux lettres particulières des immeubles d’habitation, et l’article 21 qui assouplissait les conditions d'exemption d'une démission d'office des officiers publics ou ministériels.

 

Architecture du texte. Le titre IV de la loi contient les dispositions «portant simplification et renforcement de l’efficacité de la procédure pénale». Le titre V contient celles qui sont destinées à «renforcer l’efficacité et le sens de la peine». Les intitulés ne peuvent qu’emporter l’approbation. Mais il ne faut pas oublier que le «renforcement» de l’«efficacité» est plus que polysémique et, qu’au-delà des slogans, la procédure pénale et le droit de la peine doivent, pour être efficaces, concilier des intérêts contraires. Les récentes lois renforçant cette efficacité démontrent que celle-ci n’est envisagée que sous l’angle de la répression. Comme à chaque nouveau texte, on regrettera l’absence de réflexion globale sur la matière mais, de l’aveu même de la ministre de la Justice : «il faudrait réécrire le Code de procédure pénale. […] Je n’avais pas le temps de faire cela, même en deux ans» [2]. Quoiqu’il en soit, voici une présentation des modifications apportées à la matière pénale par cette loi [3], organisée autour de quelques aspects variés (I), des modifications de la procédure pénale (II) et du droit de la peine, entendu largement (III).

 

I - Varia

 

Evaluations. L’article 2 de la loi précise que le Gouvernement doit, chaque année, présenter au Parlement, un rapport sur l’exécution de la loi qui doit inclure une évaluation des modules de confiance expérimentés depuis 2015 en établissement pénitentiaire, en précisant en particulier leurs effets sur l’évolution des violences en détention, sur la responsabilisation des personnes détenues dans la préparation de leur réinsertion et sur les métiers pénitentiaires. Les possibilités de l’extension de ces modules sont également analysées. Doit également figurer une évaluation de la situation des femmes en détention au regard des droits fondamentaux et quant à leur accès aux aménagements de peines et alternatives à l’incarcération. Cette évaluation de la situation des femmes détenues s’accompagnera de recommandations afin de renforcer leurs droits. Dans le même ordre d’idée, le Gouvernement adresse au Parlement, avant le 31 décembre de chaque année, un rapport dressant l’état d’avancement du programme de construction des structures d’accompagnement vers la sortie et, au plus tard avant le 31 décembre 2021, une évaluation du fonctionnement de ces structures et de leur impact sur l’insertion ou la réinsertion des personnes condamnées qui y ont exécuté, en totalité ou en partie, une peine d’emprisonnement. Troisième évaluation : le Gouvernement adresse au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2020, un rapport procédant à une évaluation du taux de récidive et de réitération des personnes ayant exécuté une peine d’emprisonnement ferme en fonction des conditions générales de leur détention, en particulier de la catégorie d’établissements pénitentiaires d’affectation, du régime de détention, de la nature et du volume d’activités réalisées, de la nature et du niveau des formations délivrées ainsi que, le cas échéant, de la prise en charge sanitaire proposée et des modalités d’aménagement de la fin de peine.

 

Conciliation et médiation en ligne. L’article 4 de la loi ajoute des articles 4-1 à 4-7 à la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (loi n° 2016-1547 N° Lexbase : L1605LB3), relatifs aux services en ligne de conciliation ou de médiation, d’arbitrage et d’aide en ligne à la saisine des juridictions. L’article 4‑6 dispose que les personnes physiques ou morales qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement des services en ligne mentionnés aux articles 4-1 et 4-2 (médiation et conciliation, arbitrage) accomplissent leur mission avec impartialité, indépendance, compétence et diligence et sont soumises au secret professionnel, en application de l’article 226-13 du Code pénal (N° Lexbase : L5524AIG). Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne d’aide à la saisine des juridictions sont quant à elles soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et de confidentialité (ce qui diffère du secret professionnel puisqu’il n’y est pas fait référence).

En outre, le périmètre d’action de ces services est précisé : l’article 4-5 de la loi du 18 novembre 2016 précise que les personnes physiques ou morales mentionnées aux articles précédents ne peuvent réaliser des actes d’assistance ou de représentation que dans les conditions prévues à l’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ). Elles ne peuvent donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé qu’à la condition de respecter les obligations résultant de l’article 54 de la même loi. Si les conditions de la loi du 31 décembre 1971 n’étaient pas respectées, il s’agirait donc d’un exercice illégal (loi n° 71-1130, art. 66-2 pour la consultation).

 

Open Data. L’article 33 de la loi traite de la mise à disposition du public des décisions rendues par les juridictions administratives (C. just. adm., art. L. 10 N° Lexbase : L4939LA8) et judiciaires (C. org. jud., art. L. 111-13 N° Lexbase : L4880LAY). Il est prévu que les données d’identité des magistrats et des membres du greffe ne peuvent faire l’objet d’une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d’évaluer, d’analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées. La violation de cette interdiction est punie des peines prévues aux articles 226-18 [4] (N° Lexbase : L4480GT4), 226-24 [5] (N° Lexbase : L2353IEU) et 226-31 (N° Lexbase : L2319AMT) du Code pénal, sans préjudice des mesures et sanctions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Le recours au pseudonymat semble donc bien exclu et la protection instaurée aller au-delà de la seule identité du magistrat : ce qui est incriminé est bien la collecte de données d’identité (ce que suppose le pseudonymat) pour évaluer, analyser, comparer ou prédire les pratiques des magistrats et greffiers. Ces décisions, conformes à la Constitution, sont regrettables, en ce qu’elles limitent la possibilité d’étudier complètement les facteurs des décisions (même s’il ne saurait être question de s’en contenter) et participent du mythe d’une justice dépersonnalisée [6].

 

Juristes assistants. Le nouvel article L. 228-1 du Code de justice administrative prévoit la possibilité de nommer des juristes assistants au Conseil d’Etat. Ces juristes assistants sont évidemment tenus au secret professionnel sous peine d’encourir les sanctions prévues à l’article 226-13 du Code pénal (N° Lexbase : L5524AIG).

 

 

II. Modifications affectant [7] la procédure pénale

 

Elles sont nombreuses et concernent toutes les phases de la procédure !

Visioconférence. L’article 706-71 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5232LBE) est modifié [8]. Il précise d’abord, de manière générale : aux fins d’une bonne administration de la justice, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie l’estime justifié, dans les cas et selon les modalités prévues au présent article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle. Le législateur avait en revanche prévu que lorsqu’il s’agit d’un débat au cours duquel il doit être statué sur le placement en détention provisoire, il ne peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle si la personne le refuse, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion. Sous les mêmes réserves, il ne peut être recouru à ce moyen pour statuer sur le placement en détention ou la prolongation de la détention d’un mineur. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, considérant que «eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant le magistrat ou la juridiction compétent dans le cadre d'une procédure de détention provisoire et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce un tel recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense» (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 234).

Pour le reste, l’assistance par un interprète est incluse dans l’article 706-71 [9] pour préciser que celui-ci peut se trouver soit auprès de l’intéressé, soit auprès du juge. La loi nouvelle précise que l’audience doit garantir le droit de la personne à présenter elle-même des observations.

Un nouvel article 706-71-1 est ajouté [10]. Lorsque le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle n’est possible qu’avec l’accord de la personne, cette dernière fait connaître son accord dans les cinq jours suivant le moment où elle est informée de la date de l’audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé. Lorsque le recours à un tel moyen n’est pas possible parce que la personne le refuse, cette dernière doit faire connaître son refus au moment où elle est informée de la date de l’audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé. La personne qui a accepté le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle conformément aux dispositions du premier alinéa ou qui ne s’y est pas opposée dans les cas prévus au deuxième alinéa ne peut pas ensuite le refuser.

Pour essayer d’être clair, on distinguera les dispositions qui concernent les victimes (A), de celles qui concernent les enquêteurs (B). Les règles de preuve sont également concernées (C). Pour le reste, la réforme modifie l’enquête (D), les alternatives aux poursuites (E), l’instruction (F), le jugement des délits (G), des crimes (H), l’appel (I), les règles en matière de terrorisme et criminalité organisée (J) et l’entraide internationale (K).

 

 

A. Les victimes

 

Droits des victimes. L’article 10 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9876IQT) est complété par deux alinéas. Lorsque la juridiction répressive a omis de se prononcer sur une ou plusieurs demandes de la partie civile régulièrement constituée, celle-ci peut ressaisir la juridiction afin qu’il soit statué sur sa demande conformément aux articles 710 [11] (N° Lexbase : L9880I3C) et 711 (N° Lexbase : L6916H7B). La présence du ministère public à cette audience est facultative.

Il est tenu compte des arrêts rendus par la Cour de cassation, considérant qu’«il ne peut être statué sur la culpabilité d'une personne que l'altération de ses facultés physiques ou psychiques met dans l'impossibilité de se défendre personnellement contre l'accusation dont elle fait l'objet, fût-ce en présence de son tuteur et assistée par un avocat ; [...] en l'absence de l'acquisition de la prescription de l'action publique ou de disposition légale lui permettant de statuer sur les intérêts civils, la juridiction pénale, qui ne peut interrompre le cours de la justice, est tenue de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure et ne peut la juger qu'après avoir constaté que l'accusé ou le prévenu a recouvré la capacité à se défendre» [12] : lorsque l’état mental ou physique d’une personne citée ou renvoyée devant une juridiction de jugement rend durablement impossible sa comparution personnelle dans des conditions lui permettant d’exercer sa défense et que la prescription de l’action publique se trouve ainsi suspendue, le président de cette juridiction peut, d’office, ou à la demande du ministère public ou des parties, décider, après avoir ordonné une expertise permettant de constater cette impossibilité, qu’il sera tenu une audience publique pour statuer uniquement sur l’action civile. La personne doit alors être représentée à cette audience par un avocat.

L’article 10-2, 4° du Code de procédure pénale prévoyait que les officiers et les agents de police judiciaire informent par tout moyen les victimes de leur droit d’être aidées par un service relevant d'une ou de plusieurs collectivités publiques ou par une association conventionnée d'aide aux victimes. Il est désormais fait référence aux associations d’aide aux victimes agréée dans des conditions définies par décret [13]. Ajoutée par voie d’amendement lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, cette disposition vise à clarifier le rôle et la place de ces associations, qui sont distinctes des associations de victimes, et qui déploient la politique publique de l’aide aux victimes sur l’ensemble du territoire. L’agrément donne aux associations d’aide aux victimes un cadre juridique national d’intervention et permettra de préciser leurs missions auprès des victimes et de leurs différents partenaires. Une modification similaire est apportée au dernier alinéa de l’article 41 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4983K83), qui précisait que le procureur de la République peut recourir à une association d'aide aux victimes ayant fait l'objet d'un conventionnement de la part des chefs de la cour d'appel, afin qu'il soit porté aide à la victime de l'infraction. Il est désormais fait référence à une association agréée par le ministre de la Justice dans des conditions définies par décret [14].

Le premier alinéa de l’article 15-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0381LDH) est modifié. Il précisait : «La police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l'unité de police judiciaire territorialement compétent». La nouvelle formulation est la suivante : «Les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents. Dans ce cas, la plainte est, s’il y a lieu, transmise au service ou à l’unité territorialement compétents». De l’aveu même de la commission, il ne s’agit que de clarifier les obligations et de préciser que les agents de police judiciaire peuvent recevoir les plaintes.

 

Plainte électronique. Un nouvel article 15-3-1 est inséré dans le Code de procédure pénale, relatif à la plainte électronique. Selon des modalités qui devront être précisées par décret, la plainte de la victime peut être adressée par voie électronique, ce qui donnera lieu à la délivrance d’un procès-verbal signé électroniquement. Le lieu de traitement automatisé des informations nominatives relatives aux plaintes adressées conformément au présent article est considéré comme le lieu de l’infraction. Il en est de même s’agissant des traitements des informations relatives au signalement des infractions. Il est précisé que cette plainte électronique ne peut être imposée à la victime. Le dernier alinéa précise que si la nature ou la gravité des faits le justifie, le dépôt d’une plainte électronique ne dispense pas les enquêteurs de procéder à son audition (ce qui signifie donc que l’audition de la victime n’aura pas lieu systématiquement).

 

Protection des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public. L’article 10-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2756KG8) est complété par un alinéa précisant que lorsque la victime est une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public et que l’infraction a été commise en raison de ses fonctions ou de sa mission, elle est informée qu’elle peut déclarer, sans cet accord, son adresse professionnelle. De la même manière, l’article 40-4-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2760KGC), qui prévoit que la victime qui souhaite se constituer partie civile doit déclarer son adresse ou celle d’un tiers, précise que l’accord du tiers n’est pas nécessaire n’est toutefois pas nécessaire lorsque la personne est dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public et que l’infraction a été commise en raison de ses fonctions ou de sa mission, si l’adresse déclarée est son adresse professionnelle. La protection prévue à l’article 706-57 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2256IEB), qui permet, sur autorisation du procureur ou du juge d’instruction, à un témoin ou une victime de déclarer comme domicile l'adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie, est aménagée : l’autorisation du procureur n’est pas nécessaire -alors que celle du juge d’instruction reste exigée en cas d’information judiciaire- lorsque le témoignage est apporté par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public pour des faits qu’elle a connu en raison de ses fonctions ou de sa mission et que l’adresse déclarée est son adresse professionnelle.

 

Césure du procès sur les intérêts civils. L’article 391 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2766KGK) est complété. Cette disposition précise que toute personne ayant porté plainte est avisée par le parquet de la date de l'audience. Il est ajouté que lorsque l’avis d’audience a été adressé à la victime mais qu’il n’est pas établi qu’il a été reçu par celle-ci, le tribunal qui statue sur l’action publique parce qu’il estime que la présence de la victime n’est pas indispensable aux débats peut renvoyer le jugement de l’affaire sur l’action civile à une audience ultérieure, composée conformément au troisième alinéa de l’article 464 (la présence du ministère public sera donc facultative, ce qui vaudra également devant la cour d’appel [15], et même devant la cour d’assises [16]) ; le tribunal doit alors fixer la date de cette audience et la victime doit en être avisée. Cette audience sur les seuls intérêts civils est également possible pour la convocation par procès-verbal et la comparution immédiate (C. proc. pén., art. 393-1 N° Lexbase : L3179I37).

La constitution de partie civile peut également s’effectuer par «le moyen d’une communication électronique» parvenue au tribunal vingt-quatre heures au moins avant la date de l'audience (C. proc. pén., art. 420-1 N° Lexbase : L3827AZR). Lorsque le délai de vingt-quatre heures n’a pas été respecté mais que le tribunal a effectivement eu connaissance, avant les réquisitions du ministère public sur le fond, de la constitution de partie civile, son irrecevabilité ne peut être relevée.

 

Indemnisation des victimes d’actes de terrorisme. Le Code de l’organisation judiciaire est modifié pour faire référence aux parquets spécialisés près le tribunal de grande instance de Paris, dans une section dédiée. Une section spécifique est consacrée à l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme. Le nouvel article L. 217-6 du Code de l’organisation judiciaire prévoit que le tribunal de grande instance de Paris a compétence exclusive pour connaître, en matière civile, à moins qu’ils n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire : des demandes formées par les victimes mentionnées à l’article L. 126-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0938HH9) contre le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, après saisine de ce dernier, et relatives à la reconnaissance de leur droit à indemnisation, au versement d’une provision, à l’organisation d’une expertise judiciaire en cas de contestation de l’examen médical pratiqué en application de l’article L. 422-2 du même code ou en cas de refus du fonds de garantie de désigner un médecin à cette fin, à l’offre d’indemnisation qui leur est faite. Cette compétence exclusive vaut également pour les recours subrogatoires du fonds de garantie en remboursement des indemnités ou provisions et les demandes formées contre toute personne, autre que le fonds de garantie, en réparation du dommage résultant d’un acte de terrorisme.

L’article 706-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7944K94) est modifié pour prévoir que toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire [17], ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.

La compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris pour l’indemnisation crée une limitation du contenu de l’action civile exercée en matière de terrorisme puisque celle-ci ne pourra plus être exercée qu’à des fins vindicatives. Le nouvel article 706-16-1 du Code de procédure pénale précise ainsi que lorsqu’elle est exercée devant les juridictions répressives, l’action civile portant sur une infraction qui constitue un acte de terrorisme ne peut avoir pour objet que de mettre en mouvement l’action publique ou de soutenir cette action. Elle ne peut tendre à la réparation du dommage causé par cette infraction. L’action civile en réparation de ce dommage ne peut être exercée que devant une juridiction civile, séparément de l’action publique. L’article 5 n’est alors pas applicable. Lorsque la juridiction répressive est saisie d’une demande tendant à la réparation du dommage causé par cette infraction, elle renvoie l’affaire, par une décision non susceptible de recours, devant la juridiction civile compétente en application de l’article L. 217-6 du Code de l’organisation judiciaire qui l’examine d’urgence selon une procédure simplifiée déterminée par décret en Conseil d’Etat. Le nouvel article 706-16-2 du Code de procédure pénale précise que la juridiction civile compétente en application du nouvel article L. 217-6 du Code de l’organisation judiciaire -i.e. le TGI de Paris- peut procéder ou faire procéder à toutes auditions et investigations utiles, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Elle peut notamment se faire communiquer, par le procureur de la République ou le juge d’instruction, copie des procès-verbaux constatant l’infraction ou de toute autre pièce de la procédure pénale, même en cours. Elle peut également requérir de toute personne ou administration la communication de renseignements sur la situation professionnelle, financière, fiscale ou sociale des personnes ayant à répondre du dommage causé par l’infraction ou du requérant ; de toute administration ou tout service de l’Etat, collectivité publique, organisme de sécurité sociale, organisme assurant la gestion des prestations sociales ou entreprise d’assurance susceptible de réparer tout ou partie du préjudice la communication des renseignements relatifs à l’exécution de ses obligations éventuelles. Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction de la demande d’indemnité et leur divulgation est interdite.

 

Fonds de garantie. L’article L. 422-1-1 nouveau du Code des assurances prévoit que le fonds de garantie peut requérir de toute administration ou tout service de l’Etat et des collectivités publiques, de tout organisme de sécurité sociale, de tout organisme assurant la gestion des prestations sociales, de tout employeur ainsi que des établissements financiers ou entreprises d’assurance susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice la réunion et la communication des renseignements dont ceux-ci disposent ou peuvent disposer relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles, sans que ne puisse lui être opposé le secret professionnel. Le fonds de garantie informe la victime mentionnée à l’article L. 126-1 avant toute réquisition susceptible de porter sur des renseignements relatifs à sa personne ou à sa situation et sollicite son accord préalable lorsque la réquisition est adressée à son employeur. Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction du dossier d’indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis au fonds de garantie sont tenues au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du Code pénal.

Pour procéder à l’examen médical de la victime mentionnée à l’article L. 126-1, le fonds de garantie choisit un médecin spécialisé en évaluation des dommages corporels inscrit sur les listes des experts judiciaires dressées par les cours d’appel (C. ass., art. L. 422-2).

Pour l’aide juridictionnelle, l’article 9-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), qui exclue la condition de ressources pour les victimes de certaines infractions, y ajoute les infractions terroristes.

L’entrée en vigueur de ces dispositions est immédiate, ce qui suppose de transférer les procédures au tribunal de grande instance de Paris.

 

 

 

 

B. Les enquêteurs

 

Anonymat des enquêteurs. Les officiers ou agents de police judiciaire peuvent être anonymes à au stade du dépôt de plainte et s’identifier dans le procès-verbal du dépôt de plainte par leur numéro d’immatriculation administrative (C. proc. pén., art. 15-3, al. 2). L’article 15-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1140LDL) est également complété pour prévoir que l’anonymat peut être autorisé pour les actes de procédure que l’enquêteur établit ou dans lesquels il intervient. Les conditions de l’autorisation ne sont pas modifiées.

 

OPJ un jour, OPJ toujours. L’article 16 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6810KDL) est complété par un alinéa relatif à l’habilitation des OPJ. Délivrée par le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle intervient la première affectation du fonctionnaire. Elle est valable pour toute la durée de ses fonctions, y compris en cas de changement d’affectation. La simplification est de permettre d’éviter le renouvellement de l’habilitation.

 

OPJ partout. L’article 18 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4982K8Z) est modifié pour étendre la compétence territoriale des OPJ. Auparavant limitée avec possibilité de se transporter dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes du tribunal ou des tribunaux auxquels ils sont rattachés, elle est désormais étendue puisqu’il est prévu qu’ils peuvent se transporter sur toute l’étendue du territoire national, à l’effet d’y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies, après en avoir informé le procureur de la République saisi de l’enquête ou le juge d’instruction. Ils sont tenus d’être assistés d’un officier de police judiciaire territorialement compétent si ce magistrat le décide. Le procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel les investigations sont réalisées est également informé par l’officier de police judiciaire de ce transport.

Dans le même ordre d’idée, l’article 41 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4983K83) est modifié. Le procureur de la République dirige l'activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal. La loi nouvelle précise que lorsqu’il s’agit d’actes d’enquête devant être exécutés dans un autre ressort que celui du tribunal de grande instance, il peut demander au procureur de la République territorialement compétent d’y procéder ou d’y faire procéder par un officier de police judiciaire. Il peut toutefois également requérir directement tout officier de police judiciaire sur l’ensemble du territoire national de procéder à ces actes.

 

Fonctionnaires ayant des pouvoirs de police judiciaire. L’article 28 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5005K8U) prévoit que les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire exercent ces pouvoirs dans les conditions et dans les limites fixées par ces lois. La loi nouvelle ajoute que d’office ou sur instructions du Parquet, ces personnes peuvent concourir à la réalisation d’une même enquête avec des OPJ et APJ. Ils peuvent également mettre en œuvre les mesures dites alternatives aux poursuites de l’article 41-1. Le serment prêté n’a pas à être renouvelé en cas de changement d’affectation. On trouve une modification similaire du Code de la route, pour l’absence de renouvellement du serment des agents qui ont compétence pour constater les contraventions prévues à l’article L. 130-4 du Code de la route (N° Lexbase : L7366LHB).

L’article 390-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4990K8C), qui prévoit que vaut citation à la personne la convocation en justice notifiée au prévenu, sur instructions du procureur de la République et dans les délais prévus par l'article 552 (N° Lexbase : L3667IUD), soit par un greffier, un officier ou agent de police judiciaire ou un délégué ou un médiateur du procureur de la République, soit, si le prévenu est détenu, par le chef de l'établissement pénitentiaire, est complété : la convocation adressée par les fonctionnaires et agents des administrations et services publics de l’article 28 vaut citation à la personne. La même possibilité est prévue dans un nouvel article 365-1 lorsque la convocation est adressée par un agent des douanes.

 

APJ. Les agents de police judiciaire se voient reconnaître de nouvelles compétences, exercées sous le contrôle de l’OPJ en flagrance : recourir à des personnes qualifiées pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques (C. proc. pén., art. 60, al. 1) ; donner connaissance des résultats des examens techniques et scientifiques aux personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, ainsi qu'aux victimes (sur instructions du procureur de la République, C. proc. pén., art. 60, al. 4) ; requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations (C. proc. pén., art. 60-1) ; requérir des opérateurs de télécommunications de prendre, sans délai, toutes mesures propres à assurer la préservation, pour une durée ne pouvant excéder un an, du contenu des informations consultées par les personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs (C. proc. pén., art. 60-2) ; requérir toute personne qualifiée pour procéder à l'ouverture des scellés pour réaliser une ou plusieurs copies de données informatiques (C. proc. pén., art. 60-3) ; procéder aux demandes de mises à disposition des informations contenues dans le ou les systèmes informatiques ou traitements de données nominatives (C. proc. pén., art. 60-2, al. 1).

Les APJ peuvent, sur autorisation du procureur de la République, en préliminaire, réaliser les prélèvements externes de l’article 55-1 sur autorisation du procureur (C. proc. pén., art. 76-2) ; recourir à toutes personnes qualifiées pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques (C. proc. pén., art. 77-1) ; requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations (C. proc. pén., art. 77-1-1) ; procéder aux réquisitions prévues par le premier alinéa de l'article 60-2 et, sur autorisation du juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le procureur de la République, l'officier de police peut procéder aux réquisitions prévues par le deuxième alinéa de l'article 60-2 (C. proc. pén., art. 77‑1‑2) ; procéder aux réquisitions prévues à l'article 60-3 (C. proc. pén., art. 77-1-3).

Les APJ peuvent également soumettre toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur à des épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré (C. route, art. L. 234-9, art. 51 de la loi) ou à des épreuves de dépistage en vue d'établir si cette personne conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants (C. route, art. L. 235-2).

Il est prévu l’intervention d’un règlement pour la remise d’informations sous forme numérique (C. proc. pén., art. 60-1 et 77-1-1).

 

Censure. En revanche, le législateur avait prévu, pour les réquisitions de l’article 77-1-1 (N° Lexbase : L4949K8S), que l’autorisation du procureur de la République n’était pas nécessaire si la réquisition était adressée à un organisme public ou si son exécution donnait lieu à des frais de justice d’un montant inférieur à un seuil fixé par voie réglementaire. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition : «réquisitions pouvant porter sur toute information relative à la vie privée et être adressées à toutes personnes sans autorisation du procureur de la République, dans le cadre de l'enquête préliminaire, le législateur a méconnu l'exigence de direction et de contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l'article 66 de la Constitution» (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 175).

 

Extensions rejetées des pouvoirs des enquêteurs. Le législateur avait envisagé d’étendre la durée de l’enquête de flagrance, portée à seize jours en matière de criminalité organisée. Il avait également prévu que, pour toutes les infractions punies de trois ans d'emprisonnement, l'enquête de flagrance puisse être prolongée de huit à seize jours sous certaines conditions. Cette extension de la durée de l’enquête de flagrance a été censurée par le Conseil constitutionnel : au vu des pouvoirs coercitifs découlant de la flagrance, «lesquels ne sont justifiés que par la proximité avec la commission de l'infraction, le législateur n'a, en adoptant les dispositions contestées, pas prévu des garanties légales de nature à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile» (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 191).

Il avait également prévu que, dans le cadre de la convocation par la force publique devant un OPJ, lorsque le procureur de la République délivre, à l’encontre d’une personne contre laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement, l’autorisation prévue par le présent alinéa, par décision écrite et motivée, mentionnant la qualification des faits retenue, l’identité de la personne et le ou les domiciles où elle est susceptible de se trouver, l’agent chargé de procéder à la comparution de cette personne par la force publique peut, à cette seule fin, pénétrer dans ce ou ces domiciles après six heures et avant vingt et une heures ; il ne peut perquisitionner ou procéder à des saisies dans ces domiciles que dans les conditions prévues aux articles 56 et 76. L’idée était de contrecarrer la décision de la Cour de cassation, qui considère que «l’article 78 du Code de procédure pénale ne permet pas à l'officier de police judiciaire, autorisé par le procureur de la République à contraindre une personne à comparaître par la force publique, de pénétrer de force dans un domicile, une telle atteinte à la vie privée ne pouvant résulter que de dispositions légales spécifiques confiant à un juge le soin d'en apprécier préalablement la nécessité» [18]. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, en considérant que « compte tenu du champ de l'autorisation contestée et de l'absence d'autorisation d'un magistrat du siège, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d'infractions et le droit à l'inviolabilité du domicile » (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 195).

 

Extensions préservées des pouvoirs des enquêteurs. L’article 76, alinéa 4, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7225IMK) est modifié. Cette disposition est relative à la perquisition sans consentement, décidée par le juge des libertés et de la détention, possible pour les infractions punies d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans. Le seuil passe à trois ans.

L’article 78-2-2 (N° Lexbase : L4933K89) est enrichi d’un III bis (il faudra bien un jour réfléchir au cadre des contrôles d’identité). Pour la recherche des infractions prévues au I (terrorisme, armes, vol, recel…), sur réquisitions écrites du procureur de la République, les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire peuvent accéder à bord et procéder à une visite des navires présents en mer territoriale, se dirigeant ou ayant déclaré leur intention de se diriger vers un port ou vers les eaux intérieures, ou présents en amont de la limite transversale de la mer, ainsi que des bateaux, engins flottants, établissements flottants et matériels flottants se trouvant dans la mer territoriale ou en amont de la limite transversale de la mer, ainsi que sur les lacs et plans d’eau. La visite se déroule en présence du capitaine ou de son représentant. Est considérée comme le capitaine la personne qui exerce, de droit ou de fait, le commandement, la conduite ou la garde du navire, du bateau, de l’engin flottant, de l’établissement flottant ou du matériel flottant lors de la visite. La visite comprend l’inspection des extérieurs ainsi que des cales, des soutes et des locaux. La visite des locaux spécialement aménagés à un usage d’habitation et effectivement utilisés comme résidence ne peut être faite que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions et visites domiciliaires. Le navire, le bateau, l’engin flottant, l’établissement flottant ou le matériel flottant ne peut être immobilisé que le temps strictement nécessaire au déroulement de la visite, dans la limite de douze heures. L’officier de police judiciaire responsable de la visite rend compte du déroulement.

L’article 66 du Code de procédure pénale est assoupli pour prévoir que les procès-verbaux des enquêteurs peuvent être rédigés «dès que possible» (et non plus seulement «sur le champ»).

 

Dépistage de l’état alcoolique. L’article L. 234-4 du Code de la route (N° Lexbase : L9147AMQ) est modifié pour prévoir désormais ces vérifications sont faites soit au moyen d'analyses ou examens médicaux, cliniques ou biologiques. Il est ajouté que l’officier ou l’agent de police judiciaire peut requérir un médecin, un interne en médecine, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang (même chose pour le dépistage de l’usage de stupéfiants : art. L. 235-2). Les articles L. 234-5 (N° Lexbase : L9148AMR) et L. 234-9 (N° Lexbase : L7695IPP) sont également modifiés dans le même sens pour faire référence aux moyens d’analyses ou examens médicaux, cliniques ou biologiques.

Les articles 706-150 (N° Lexbase : L9510IYU)  (saisie des immeubles), 706-153 (N° Lexbase : L9509IYT) (saisie des biens ou droits incorporels) et 706-158 (N° Lexbase : L9508IYS)  (saisie des biens) du Code de procédure pénale sont modifiés : il n’est plus question pour le juge des libertés et de la détention d’autoriser par ordonnance, mais d’ordonner par décision. La saisie étant ordonnée et non plus autorisée, il sera inutile au parquet, pour la mettre en œuvre, de procéder à un acte supplémentaire : la décision du juge des libertés et de la détention suffira.

 

 


C. La preuve

 

 

Article préliminaire. L’article préliminaire du Code de procédure pénale [19] (N° Lexbase : L6580IXY) est enrichi d’un nouvel alinéa : «au cours de la procédure pénale, les mesures portant atteinte à la vie privée d’une personne ne peuvent être prises, sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire, que si elles sont, au regard des circonstances de l’espèce, nécessaires à la manifestation de la vérité et proportionnées à la gravité de l’infraction». La précision est presque ironique puisque ce sont justement les défaillances du contrôle de l’autorité judiciaire et l’absence de nécessité et de proportionnalité qui ont justifié la censure par le Conseil constitutionnel de l’extension des interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques.

 

Interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques. Le législateur avait en effet prévu à l’article 44 que, dans le cadre de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire, ces interceptions étaient possibles, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, pour les crimes ou délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, alors que, pour l’heure, au stade de l’enquête, ces interceptions ne sont possibles que pour les infractions relevant de la criminalité organisée. Le Conseil constitutionnel a toutefois considéré que devaient être conciliés «d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis». La possibilité initialement prévue de recourir à ces interceptions, quelle que soit la gravité ou la complexité de l’infraction, l’absence de contrôle suffisant du juge des libertés et de la détention qui n’avait pas accès à l’ensemble des éléments de la procédure et ne pouvait pas ordonner la cessation de la mesure, ont donc justifié la censure (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, nos 138 à 147). La décision du Conseil peut se lire comme une feuille de route pour une réforme à venir : les interceptions de correspondance sont envisageables dès lors que la gravité ou la complexité de l’infraction les justifie et que le juge des libertés et de la détention peut effectivement exercer un contrôle. La censure prononcée a obligé le Conseil constitutionnel à également censurer l’abrogation de l’article 706-95 du Code de procédure pénale -réservant les interceptions de correspondances à la criminalité organisée- de sorte que cette disposition survit.

Le législateur avait envisagé une gravité identique pour toutes les infractions justifiant ces interceptions, qu’elles interviennent dans le cadre de l’enquête ou de l’instruction (trois ans d’emprisonnement) et avait modifié en conséquence l’article 100 du Code de procédure pénale, relatif aux interceptions de correspondances pendant l’information judiciaire. Cette modification n’a pas été remise en cause par le Conseil constitutionnel : dans le cadre d’une instruction, les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques ne sont donc possibles que lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement (contre deux ans auparavant). Il est également précisé qu’en cas de délit puni d’une peine d’emprisonnement commis par la voie des communications électroniques sur la ligne de la victime, l’interception peut également être autorisée, selon les mêmes modalités, si elle intervient sur cette ligne à la demande de la victime. L’article 100-1 du Code de procédure pénale est également modifié. Il est désormais précisé que la décision du juge d’instruction est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Elle comporte tous les éléments d’identification de la liaison à intercepter, l’infraction qui motive le recours à l’interception ainsi que la durée de celle-ci.

 

Géolocalisation. L’article 230-32 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8962IZX) est modifié : la géolocalisation est envisageable dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction [20] portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement [21]. La durée de la géolocalisation en temps réel est modifiée. L’article 230-33 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8963IZY) prévoit désormais plusieurs délais. Le délai unique de 15 jours qui était prévu pendant l’enquête est remplacé par deux délais : quinze jours consécutifs dans les cas prévus aux articles 74 à 74-2 (mort suspecte, disparition inquiétante, recherche d’une personne en fuite) ou lorsque l’enquête porte sur un crime ou sur une infraction mentionnée aux articles 706-73 (N° Lexbase : L2154LHA) ou 706-73-1 (N° Lexbase : L2153LH9)  (criminalité organisée) ; une durée maximale de huit jours consécutifs dans les autres cas (enquête de flagrance et enquête préliminaire). Dans tous les cas, la possibilité de porter la durée à un mois sur autorisation du juge des libertés et de la détention, n’est pas modifiée. Dans tous les cas, la durée de la géolocalisation ne pourra pas excéder un an ou, en cas d’infraction relevant de la criminalité organisée, deux ans. Il est enfin précisé que la décision autorisant la géolocalisation est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires.

 

Enquête sous pseudonyme. Un nouveau chapitre consacré à l’enquête sous pseudonyme est créé, reconnu conforme à la Constitution (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 156). Le nouvel article 230‑46 du Code de procédure pénale [22] l’autorise aux seules fins de constater les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement commis par la voie des communications électroniques, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction le justifient [23]. Les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s’ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin dans des conditions précisées par arrêté du ministre de la justice et du ministre de l’intérieur, procéder sous pseudonyme aux actes suivants sans en être pénalement responsables :  participer à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ; extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve ; après autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits, acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, ou transmettre en réponse à une demande expresse des contenus illicites. A peine de nullité, l’autorisation, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. Les actes mentionnés au présent article s’effectuent sous le contrôle du procureur de la République ou du juge d’instruction. Le cadre de l’enquête est donc considérablement étendu puisque l’article 706-87-1 (N° Lexbase : L2769KGN) la réservait à certaines infractions.

En conséquence, la section 2 bis relative à l’enquête sous pseudonyme et les articles 706-2-3 (enquête sous pseudonyme pour certaines infractions prévues par le Code de l’environnement ou le Code de la consommation), 706-35-1 (enquête sous pseudonyme en matière de proxénétisme) et 706-47-3 (enquête sous pseudonyme pour les infractions contre les mineurs) sont abrogés.

 

Techniques spéciales d’enquête. La loi du 3 juin 2016 a considérablement étendu les pouvoirs d’enquête. Sans surprise, le législateur a cherché à étendre la possibilité de recourir à ces actes exceptionnels [24]. L’intitulé du titre XXV du livre IV du Code de procédure pénale est modifié : «De la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes». Au sein du chapitre II de ce titre, la section 5 est également modifiée : «Des interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques et du recueil des données techniques de connexion» devient «De l’accès à distance aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d’un identifiant informatique». L’accès à distance et à l'insu de la personne visée, aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d'un identifiant informatique, peut désormais être autorisé pour les crimes, en plus des infractions relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée, dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction (C. proc. pén., art. 706‑95-1 et 706-95-2).

Le législateur a ensuite regroupé ces techniques spéciales d’enquête dans une section commune [25]. Le Conseil constitutionnel a considéré que la possibilité de recourir à ces techniques spéciales pour tout crime, et non pour les seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, n’apparaissait pas justifié. Ces techniques supposent une particulière gravité ou complexité de l’infraction (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 164). Faute de garanties permettant un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulé, le législateur «n'a donc pas opéré une conciliation équilibrée entre, d'un côté, l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et, de l'autre, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et l'inviolabilité du domicile» (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 165). En conséquence, la référence faite aux crimes dans l’article 706-95-11 nouveau, est abrogée. Les techniques spéciales d’enquête restent donc réservées aux infractions «spéciales».

Elles sont mises en œuvre si les nécessités de l’enquête ou de l’information judiciaire relative aux infractions relevant de la criminalité organisée le justifient (C. proc. pén., art. 706-95-11), sont autorisées par le juge des libertés et de la détention pendant l’enquête, par le juge d’instruction pendant l’information (C. proc. pén., art. 706-95-12), par une ordonnance écrite et motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est pas susceptible de recours, ce qui aurait sans doute été trop demandé (C. proc. pén., art. 706-95-13). Le magistrat qui autorise le recours à ces techniques peut y mettre fin à tout moment. Le juge des libertés et de la détention doit être informé sans délai des actes accomplis et doit obtenir communication des procès-verbaux dressés (C. proc. pén., art. 706-95-14). S’il estime que son autorisation n’a pas été respectée, ou que les dispositions du Code de procédure pénale ont été violées, il ordonne la destruction des procès-verbaux et enregistrements effectués, par une ordonnance motivée. Cette décision est juridictionnelle puisque le procureur peut former appel devant le président de la chambre de l’instruction dans un délai de dix jours (C. proc. pén., art. 706‑95‑14). Sans surprise, la découverte d’autres infractions que celles visées dans l’autorisation du juge n’entraîne pas la nullité des procédures incidentes.

En cas d’urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens, le législateur avait prévu que cette autorisation pouvait être délivrée par le procureur de la République, avec une confirmation du juge des libertés et de la détention dans un délai de vingt-quatre heures. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’en créant cette possibilité pour les investigations de se «poursuivre sans contrôle ni intervention d'un magistrat du siège pendant vingt-quatre heures, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances» (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 166). L’urgence ne justifie plus que la dispense d’avis préalable du procureur de la République, dans le cadre de l’information judiciaire (C. proc. pén., art. 706-95-15). Cette autorisation doit être écrite et motivée au regard des circonstances justifiant l’urgence.

L’autorisation de mise en œuvre des techniques spéciales est délivrée pour un mois, renouvelable une fois, dans le cadre de l’enquête, et quatre mois, renouvelable pour la même durée, sans que la durée ne puisse excéder deux ans (C. proc. pén., art. 706-95-16).

Ces techniques sont mises en œuvre par l’officier de police judiciaire commis par le juge d’instruction ou requis par le procureur de la République ou, sous sa responsabilité, par l’agent de police judiciaire (C. proc. pén., art. 706-95-17). Le procureur ou le juge d’instruction peut requérir tout agent qualifié d’un service, d’une unité ou d’un organisme placé sous l’autorité ou la tutelle du ministre de l’intérieur ou du ministre de la défense et dont la liste est fixée par décret. Sont précisées les règles relatives aux procès-verbaux, au placement sous scellés des enregistrements, à la traduction. L’article 706-95-19 prévoit que les enregistrements et données recueillies sont détruits, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l’expiration du délai de prescription de l’action publique.

Après ces «dispositions communes» est inséré un paragraphe consacré au recueil des données techniques de connexion et des interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques. Le recours à un  IMSI Catcher figure désormais à l’article 706-95-4. Les mêmes ajustements sont réalisés pour les sonorisations (nouveaux art. 706-96 à 706-98).

L’article 706-2-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0507IZS), relatif à certains délits du Code de la santé publique, du Code de la consommation, et à leur blanchiment, autorise le recours à la surveillance et l’infiltration, et aux techniques spéciales d’investigation.

 

Laisser-faire. Le nouvel article 706-80-1 du Code de procédure pénale précise que lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner des personnes d’avoir commis l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74, dans le cadre d’une opération de surveillance, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l’autorisation du procureur de la République chargé de l’enquête ou du juge d’instruction saisi, qui en avise préalablement le parquet, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à l’interpellation de ces personnes afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations. Dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de l’une des infractions entrant dans le champ d’application des mêmes articles 706‑73, 706-73-1 ou 706-74 ou servant à les commettre, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l’autorisation du procureur de la République chargé de l’enquête ou du juge d’instruction saisi, qui en avise préalablement le parquet, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à la saisie de ces objets, biens ou produits afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations. L’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Le procureur de la République informe sans délai le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris de la délivrance de cette autorisation. La même disposition est prévue en matière douanière, dans un nouvel article 67 bis 3 du Code des douanes : lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner des personnes d’avoir commis un délit douanier dont la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou d’y avoir participé comme complices ou intéressées à la fraude au sens de l’article 399, dans le cadre d’une opération de surveillance, et lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret peuvent, sur l’ensemble du territoire national, avec l’autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à l’interpellation de ces personnes afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations. Dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission d’un délit douanier ou servant à le commettre, lorsque la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans, et lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret peuvent, sur l’ensemble du territoire national, avec l’autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à la saisie de ces objets, biens ou produits afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations. L’autorisation du procureur de la République, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Le procureur de la République informe sans délai le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris de la délivrance de cette autorisation.

 

Livraison. Le nouvel article 706-80-2 du Code de procédure pénale précise que dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 ou servant à les commettre, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits, qui en avise préalablement le parquet, livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits, sans être pénalement responsables. A peine de nullité, l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction est écrite et motivée. Cette autorisation est versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction.

La même disposition est prévue dans le Code des douanes, dans le nouvel article 67 bis-4 : dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission d’un délit douanier ou servant à le commettre, lorsque la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans, et lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret peuvent, sur l’ensemble du territoire national, avec l’autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits, sans être pénalement responsables. À peine de nullité, l’autorisation du procureur de la République est écrite et motivée. Cette autorisation est versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction.

 

 

 

 

D. L'enquête

 

Garde à vue. L’article 63, II, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3154I39) est modifié. Il permet la prolongation de la garde à vue de droit commun pour vingt-quatre heures, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l'infraction que la personne est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an et si la prolongation de la mesure est l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2. La loi nouvelle ajoute que cette prolongation peut intervenir pour permettre dans les cas où il n’existe pas dans le tribunal de locaux aménagés (le «petit dépôt») relevant de l’article 803-3, la présentation de la personne devant l’autorité judiciaire.

Surtout, alors que le renouvellement de la mesure supposait que le suspect ait été présenté au procureur de la République, la loi nouvelle précise que le procureur de la République peut subordonner son autorisation à la présentation de la personne devant lui. Le principe est donc celui d’un renouvellement sans présentation.

 

Information de l’avocat. L’article 63-4-3-1 (N° Lexbase : L4840K8R) prévoit l’information sans délai de l’avocat de la personne gardée à vue si elle est transportée sur un autre lieu où elle doit faire l’objet d’un des actes prévus à l’article 61-3 (reconstitution et parade d’identification).

 

Garde à vue des majeurs protégés. Dans sa décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018 (N° Lexbase : A3658X4A), le Conseil constitutionnel avait considéré que le premier alinéa de l’article 706-113 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6284H9M), en ce qu’il n’impose pas aux autorités policières ou judiciaires d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé de son placement en garde à vue, doit être déclaré contraire à la Constitution ; la date de l’abrogation des dispositions concernées est fixée au 1er octobre 2019. A la suite de cette décision, la Cour de cassation [26] a considéré que l'information du curateur ou du tuteur d'un majeur placé en garde à vue suppose que des éléments suffisants fassent apparaître l'existence d'une mesure de protection. Des circonstances insurmontables peuvent justifier l'absence d'information du curateur ou du tuteur lors de l'exercice des poursuites ou de l'interrogatoire de première comparution du majeur protégé. Le législateur prévoit de nouvelles règles aux articles 706-112-1, pour la garde à vue, et 706-112-2, pour l’audition libre, du Code de procédure pénale [27].

Lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d’une personne font apparaître que celle-ci fait l’objet d’une mesure de protection juridique, l’officier ou l’agent de police judiciaire en avise le curateur ou le tuteur. S’il est établi que la personne bénéficie d’une mesure de sauvegarde de justice, l’officier ou l’agent de police judiciaire avise s’il y a lieu le mandataire spécial désigné par le juge des tutelles. Si la personne n’est pas assistée d’un avocat ou n’a pas fait l’objet d’un examen médical, le curateur, le tuteur ou le mandataire spécial peuvent désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit désigné par le Bâtonnier, et ils peuvent demander que la personne soit examinée par un médecin. Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences incombant aux enquêteurs en application du présent article doivent intervenir au plus tard dans un délai de six heures à compter du moment où est apparue l’existence d’une mesure de protection juridique. Le procureur de la République peut, à la demande de l’officier de police judiciaire, décider que l’avis prévu au présent article sera différé ou ne sera pas délivré si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne. Le tuteur ou le curateur doit donc être informé sauf si l’on estime qu’il n’est pas nécessaire de les informer : voilà ce qu’on appelle tenir compte a minima de la vulnérabilité du majeur protégé. En contrepartie, le tuteur et le curateur disparaissant, dans l’article 63-2, de la liste des personnes que le gardé à vue peut faire prévenir [28].

Pour l’audition libre, il est prévu que lorsque les éléments recueillis au cours d’une procédure concernant un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement font apparaître qu’une personne devant être entendue librement en application de l’article 61-1 fait l’objet d’une mesure de protection juridique, l’officier ou l’agent de police judiciaire en avise par tout moyen le curateur ou le tuteur, qui peut désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit désigné par le bâtonnier pour assister la personne lors de son audition. Si le tuteur ou le curateur n’a pu être avisé et si la personne entendue n’a pas été assistée par un avocat, les déclarations de cette personne ne peuvent servir de seul fondement à sa condamnation.

Si le majeur protégé fait l’objet de poursuites, l’article 706-113 du Code de procédure pénale [29] précise que le procureur de la République ou le juge d’instruction en avise le curateur ou le tuteur et le juge des tutelles.

 

Audition libre des mineurs. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2018-762 QPC du 8 février 2019, a considéré que l’article 61-1 du Code de procédure pénale était contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, faute pour le législateur d’avoir prévu de procédures appropriées de nature à garantir l'effectivité de l'exercice de ses droits par le mineur dans le cadre d'une enquête pénale, le législateur a contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. Le nouvel article 61-1, ajouté par amendement du Gouvernement in extremis, qui entrera en vigueur à compter du 1er juin 2019 prévoit : sans préjudice des garanties spécifiques applicables aux mineurs, la personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu’après avoir été informée : de la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ; du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ; le cas échéant, du droit d’être assistée par un interprète ; du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; si l’infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, du droit d’être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation, selon les modalités prévues aux articles 63-4-3 et 63-4-4, par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d’office par le Bâtonnier de l’Ordre des avocats ; elle est informée que les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, qui lui sont rappelées par tout moyen ; elle peut accepter expressément de poursuivre l’audition hors la présence de son avocat ; de la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit. La notification des informations données en application du présent article est mentionnée au procès-verbal. Si le déroulement de l’enquête le permet, lorsqu’une convocation écrite est adressée à la personne en vue de son audition, cette convocation indique l’infraction dont elle est soupçonnée, son droit d’être assistée par un avocat ainsi que les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, les modalités de désignation d’un avocat d’office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition.  Le présent article n’est pas applicable si la personne a été conduite, sous contrainte, par la force publique devant l’officier de police judiciaire.

Les dispositions spécifiques à l’audition libre des mineurs sont prévues dans un nouvel article 3-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 qui prévoit : lorsqu’un mineur est entendu librement en application de l’article 61-1 du Code de procédure pénale, l’officier ou l’agent de police judiciaire doit en informer par tout moyen les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel le mineur est confié. Il en est de même lorsqu’il est procédé aux opérations prévues à l’article 61-3 du même code. Lorsque l’enquête concerne un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement et que le mineur n’a pas sollicité l’assistance d’un avocat en application des mêmes articles 61-1 et 61-3, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux, qui sont alors avisés de ce droit lorsqu’ils sont informés en application des deux premiers alinéas du présent article. Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n’ont pas sollicité la désignation d’un avocat, le procureur de la République, le juge des enfants, le juge d’instruction ou l’officier ou l’agent de police judiciaire doit informer par tout moyen et sans délai le bâtonnier afin qu’il en commette un d’office, sauf si le magistrat compétent estime que l’assistance d’un avocat n’apparaît pas proportionnée au regard des circonstances de l’espèce, de la gravité de l’infraction, de la complexité de l’affaire et des mesures susceptibles d’être adoptées en rapport avec celle-ci, étant entendu que l’intérêt supérieur de l’enfant demeure toujours une considération primordiale.

 

Garde à vue du mineur. L’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 est modifié pour permettre à l’avocat du mineur en garde à vue demander que celui-ci fasse l’objet d’un examen médical. S’agissant de l’enregistrement audiovisuel de la garde à vue, en l’absence d’enregistrement, que cette absence ait fait ou non l’objet d’une mention dans le procès-verbal et d’un avis au magistrat compétent, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations du mineur si celles-ci sont contestées.

 

Mineur suspect. Un nouvel article 6-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit les droits du mineur suspecté ou poursuivi : droit que les titulaires de l’autorité parentale reçoivent les mêmes informations que celles qui doivent être communiquées au mineur au cours de la procédure ; droit d’être accompagné par les titulaires de l’autorité parentale à chaque audience, lors de ses auditions ou interrogatoires si l’autorité qui procède à cet acte estime qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’être accompagné et que la présence de ces personnes ne porte pas préjudice à la procédure ; au cours de l’enquête, l’audition ou l’interrogatoire peut débuter en l’absence de ces personnes à l’issue d’un délai de deux heures à compter du moment où celles-ci ont été avisées. L’information n’est toutefois pas délivrée aux titulaires de l’autorité parentale et le mineur n’est pas accompagné par ceux-ci lorsque cette délivrance ou cet accompagnement serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ; n’est pas possible, parce que, après que des efforts raisonnables ont été déployés, aucun des titulaires de l’autorité parentale ne peut être joint ou que leur identité est inconnue ; pourrait, sur la base d’éléments objectifs et factuels, compromettre de manière significative la procédure pénale. Dans ces hypothèses, le mineur peut désigner un adulte approprié, qui doit être accepté en tant que tel par l’autorité compétente, pour recevoir ces informations et pour l’accompagner au cours de la procédure. Lorsque le mineur n’a désigné aucun adulte ou que l’adulte désigné n’est pas acceptable pour l’autorité compétente, le procureur de la République, le juge des enfants ou le juge d’instruction désigne, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, une autre personne pour recevoir ces informations et accompagner le mineur. Cette personne peut également être un représentant d’une autorité ou d’une institution compétente en matière de protection de l’enfance, notamment un représentant ad hoc figurant sur la liste dressée en application de l’article 706-51 du Code de procédure pénale. L’adulte désigné peut demander un examen médical du mineur gardé à vue. Si cet adulte n’a pas pu être joint dès le début de la garde à vue, l’examen médical du mineur est obligatoire. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. Celui-ci fixe notamment les modalités de désignation des personnes. Il précise également, sans préjudice de la notification des droits effectuée en application de la présente ordonnance et des articles 61-1, 63-1, 116 ou 803‑6 du Code de procédure pénale, les autres droits dont doivent être informés au cours de la procédure le mineur suspecté, poursuivi ou placé en détention, les titulaires de l’autorité parentale ou l’adulte désigné.

 

Annulation par le JLD des perquisitions. Un nouvel article 802-2 [30] crée un nouveau droit intéressant et donne la possibilité à toute personne ayant fait l’objet d’une perquisition ou d’une visite domiciliaire et qui n’a pas été poursuivie au plus tôt six mois après, d’en demander la nullité auprès du juge des libertés et de la détention. L’article 802-2 précise que la requête est formée par déclaration au greffe de la juridiction où la procédure a été menée ou, à défaut, de la juridiction dans le ressort de laquelle la mesure a été réalisée. Dans le second cas, elle est transmise sans délai à la juridiction ayant suivi la procédure. Elle n’a aucun effet suspensif sur l’enquête ou l’instruction en cours. Le juge statue, dans le mois suivant la réception de la requête, après avoir recueilli les observations écrites du procureur de la République, du requérant et, le cas échéant, de son avocat. Si les nécessités de l’enquête le justifient, le procureur de la République peut, par réquisitions écrites, demander au juge des libertés et de la détention de se prononcer dans un délai de huit jours. Le juge statue par une ordonnance motivée susceptible d’appel, dans un délai de dix jours à compter de sa notification, devant le président de la chambre de l’instruction. Si la perquisition est intervenue à l’occasion d’une procédure pour laquelle des poursuites ont été engagées à l’encontre d’autres personnes que celle ayant formé la demande d’annulation, celle-ci est transmise par le juge des libertés et de la détention soit au président de la chambre de l’instruction lorsqu’une instruction est en cours, soit au président de la juridiction de jugement lorsque celle-ci est saisie. Dans le cadre des recours examinés conformément aux troisième et avant-dernier alinéas, le requérant ne peut prétendre qu’à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la perquisition qu’il conteste. Le Conseil constitutionnel a ajouté une réserve d’interprétation destinée à préserver l’impartialité du juge des libertés et de la détention : lorsque la décision contestée en application de l'article 802-2 a été ordonnée par un juge des libertés et de la détention, ce juge ne saurait, sans méconnaître le principe d'impartialité, statuer sur la demande tendant à l'annulation de sa décision (décision n° 2019‑778 DC, 21 mars 2019, n° 198).

Un nouvel alinéa est ajouté à l’article 56-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3557IGT), relatif aux perquisitions réalisées chez un avocat, pour préciser que ces dispositions sont applicables aux perquisitions ou visites domiciliaires effectuées, sur le fondement d’autres codes ou de lois spéciales.

 

Dossier de procédure numérique. L’article 801-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2368IEG) précise la possibilité de convertir tous les actes de procédure sous format numérique. La conservation numérique doit être sécurisée, sans qu’un double papier soit nécessaire. Quelques dispositions sont néanmoins exclues du dossier de procédure numérique : celles qui font une distinction entre actes originaux et copies ; celles qui prévoient la certification conforme des copies ; celles qui sont relatives au placement sous scellés des contenus multimédias ou données. Les modalités du dossier de procédure numérique seront précisées par voie réglementaire.

Les articles 495-22 (N° Lexbase : L1920LBQ) et 530-6 (N° Lexbase : L1818LBX)  (détermination du lieu de constatation de l’infraction dans le cadre de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle ou contraventionnelle) sont modifiés pour inclure cette référence : le lieu du traitement automatisé des informations nominatives concernant les infractions constatées par un procès-verbal établi sous forme numérique [31] est considéré comme le lieu de constatation de l'infraction.

L’article 706-57 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2256IEB), qui permet aux témoins de déclarer leur domicile au commissariat ou à la gendarmerie, sur autorisation du procureur ou du juge d’instruction, est adapté pour prévoir que le registre contenant l’adresse personnelle peut être sous forme numérique.

A titre expérimental, «à compter du 1er janvier 2019» [sic] et jusqu’au 1er janvier 2022, il est également prévu la possibilité, dans certains services désignés par le ministre de la justice et le ministre de l’intérieur, de procéder à l’enregistrement sonore ou audiovisuel des formalités relatives à la notification des droits des personnes entendues. Cet enregistrement conservé numériquement dispensera les enquêteurs de constater par procès-verbal le respect de ces formalités. Une évaluation du dispositif devra être réalisée par le Gouvernement au plus tard le 1er juillet 2021.

L’article 155 du Code de procédure pénale [32] est abrogé.

 

Plate-forme nationale des interceptions judiciaires. L’article 230-45 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6246LLW) est modifié pour préciser que les dispositions relatives au placement des enregistrements sous scellés fermés et à l’établissement d’un procès-verbal lorsqu’il est procédé à leur destruction ne sont pas applicables aux données conservées par la plate-forme nationale des interceptions judiciaires.

L’article 15-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7027A4Z), relatif aux enquêtes administratives relatives au comportement d'un officier ou d'un agent de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de police judiciaire, est modifié pour faire référence à l’inspection générale de la justice (et non plus des services judiciaires).

 

Compétence territoriale du procureur et conflits d’intérêts. L’article 43 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4918K8N) précise que lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause, comme auteur ou comme victime, un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public qui est habituellement, de par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction, le procureur général peut, d'office, sur proposition du procureur de la République et à la demande de l'intéressé, transmettre la procédure au procureur de la République auprès du tribunal de grande instance le plus proche du ressort de la cour d'appel. La loi nouvelle précise que si la personne en cause est en relation avec des magistrats ou fonctionnaires de la cour d’appel, le procureur général peut transmettre la procédure au procureur général près la cour d’appel la plus proche, afin que celui-ci la transmette au procureur de la République auprès du tribunal de grande instance le plus proche.

Placement sous scellés. L’article 60 du Code de procédure pénale précise que les personnes désignées pour procéder aux examens techniques ou scientifiques peuvent également, en le mentionnant dans leur rapport, replacer sous scellés les objets examinés et placer sous scellés les objets résultant de leur examen ; en particulier, les médecins requis pour pratiquer une autopsie ou un examen médical peuvent placer sous scellés les prélèvements effectués.

 

 

E. Les alternatives aux poursuites

 

La loi nouvelle abroge d’abord la transaction par officier de police judiciaire de l’article 41-1-1 du Code de procédure pénale, qui n’aura pas vécu longtemps. Elle prévoit une nouvelle mesure d’interdiction de séjour qui peut être prononcée au stade des alternatives, dans le cadre des mesures relevant de la médiation ou de la composition pénale : l’interdiction de paraître pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l’infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime.

S’agissant de la composition pénale, des précisions sont apportées sur l’homologation de la composition : l’homologation intervient lorsque les conditions prévues aux vingt-quatrième à vingt-sixième alinéas sont remplies et que le juge estime les mesures proposées justifiées au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Il refuse de valider la composition pénale s’il estime que la gravité des faits, au regard des circonstances de l’espèce, ou que la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient le recours à une autre procédure, ou lorsque les déclarations de la victime entendue apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur. Surtout la loi prévoit que l’homologation n’est pas nécessaire lorsque, pour un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à trois ans, elle porte sur une amende de composition n’excédant pas le montant prévu au premier alinéa de l’article 131-13 du Code pénal (3 000 euros) ou sur la mesure prévue au 2° du présent article, à la condition que la valeur de la chose remise n’excède pas ce montant.

Les droits de la victime sont également modifiés : jusqu’à présent, la victime pouvait faire délivrer une citation directe devant le tribunal correctionnel pour qu’il soit statué sur ses intérêts civils. Désormais, la victime peut toutefois demander au procureur de la République de citer l’auteur des faits à une audience devant le tribunal pour lui permettre de se constituer partie civile. Le procureur de la République informe la victime de ses droits ainsi que, lorsqu’il cite l’auteur des faits devant le tribunal correctionnel, de la date de l’audience. La situation est donc étrange, puisque la citation émanera du procureur mais pour les seuls intérêts civils, l’action publique étant éteinte par la bonne exécution de la composition pénale.

Un nouvel article 41-3-1 A [sic] est créé qui prévoit que la composition pénale correctionnelle ou contraventionnelle est applicable à une personne morale dont le représentant légal ou toute personne bénéficiant, conformément à la loi ou à ses statuts, d’une délégation de pouvoir à cet effet reconnait sa responsabilité pénale pour les faits qui lui sont reprochés. Le montant maximal de l’amende de composition pouvant être proposée est alors égal au quintuple de l’amende encourue par les personnes physiques. La composition pénale figurera alors au casier judiciaire des personnes morales (C. proc. pén., art. 768-1, 6° nouveau et art. 775-1- A, 7° nouveau).

 

 

 

F. L'instruction

 

Poursuite d’actes d’enquêtes après l’ouverture d’une instruction. Cette possibilité existait déjà en matière terroriste. Elle est généralisée (l’article 706-24-2 est abrogé) dans un nouvel article 80-5 qui prévoit que le procureur de la République qui requiert l’ouverture d’une information peut autoriser, par décision écrite et motivée, les officiers et agents de police judiciaire des services ou unités de police judiciaire qui étaient chargés de l’enquête à poursuivre les opérations prévues aux articles 60-4 (supprimé : il s’agissait des interceptions de correspondance hors criminalité organisée), 77-1-4 (idem), 230-32 à 230-35 (géolocalisation), 706-80 (surveillance), 706-81 (infiltration), 706-95-1 (accès à distance aux correspondances électroniques), 706-95-20 (IMSI Catcher), 706-96 (sonorisation) et 706‑102-1 (intrusion informatique) pendant une durée ne pouvant excéder quarante-huit heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif. La rédaction du texte devient un peu alambiquée, puisqu’il est fait référence aux crimes ou délits punis de plus de trois ans, mais les actes visés ne sont possibles que pour la criminalité organisée. Le juge d’instruction peut mettre fin à tout moment à ces actes. L’autorisation délivrée par le procureur de la République n’est versée au dossier de la procédure qu’en même temps que les procès-verbaux relatant l’exécution et constatant l’achèvement des actes dont la poursuite a été autorisée et qui ont, le cas échéant, été prolongés par le juge d’instruction. Le Conseil constitutionnel a ajouté une réserve d’interprétation : pour les actes d'enquête qui sont subordonnés à une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, la prolongation permise par les dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, conduire à excéder la durée initialement fixée par le juge des libertés et de la détention (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 214).

 

Plainte avec constitution de partie civile : dérogation à electa una via. L’article 85 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0388LDQ) précise que par dérogation à l’article 5 du présent code, la victime qui a exercé son action devant une juridiction civile pendant le délai prévu au deuxième alinéa peut se constituer partie civile devant le juge d’instruction après s’être désistée de l’instance civile.

 

Délai supplémentaire octroyé au procureur. L’article 86 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8628HWH) précise que le juge d'instruction ordonne communication de la plainte au procureur de la République pour que ce magistrat prenne ses réquisitions. La loi nouvelle précise que le procureur de la République peut demander au juge d’instruction un délai supplémentaire de trois mois pour permettre la poursuite des investigations avant de faire connaître ses réquisitions. La décision du juge d’instruction constitue une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours.

 

Dépôt de plainte avec constitution de partie civile. L’article 86 est également modifié en ce qui concerne le dépôt de plainte avec constitution de partie civile. Il est prévu que lorsque les investigations réalisées au cours de l’enquête effectuée à la suite de la plainte déposée conformément au deuxième alinéa de l’article 85 ont permis d’établir qu’une personne majeure mise en cause pour les faits de nature délictuelle reprochés par la victime pourrait faire l’objet de poursuites mais que l’action publique n’a pas été mise en mouvement par le procureur de la République, celui-ci peut également requérir du juge d’instruction de rendre une ordonnance de refus d’informer, tout en invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe. Dans ce cas, l’article 392‑1 du Code de procédure pénale précise la consignation versée par la partie civile dans le cadre de son dépôt de plainte avec constitution de partie civile vaut consignation dans le cadre de la citation directe.

 

Instruction. L’article 81 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6395ISN) précise que la demande faite au juge d’instruction de procéder à un examen médical, un examen psychologique ou ordonner toutes mesures utiles peut être faite par une déclaration au greffier par lettre recommandée (auparavant, la lettre recommandée n’était envisagée que lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente).

 

Ouverture simplifiée des scellés. L’article 97 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3894IRN) impose que l’ouverture des scellés et le dépouillement des documents aient lieu en présence du mis en examen et de son avocat. La loi nouvelle précise que lorsque l’ouverture et la reconstitution du scellé fermé n’exigent pas que la personne mise en examen soit interrogée sur son contenu, elles peuvent être réalisées par le juge d’instruction assisté de son greffier hors la présence de celle-ci, en présence de son avocat ou celui-ci dûment convoqué.

 

Mandat d’arrêt. L’article 135-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4964K8D) [33] traite du cas de la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt, découverte après le règlement de l’information. Si elle est arrêtée à plus de 200 cents kilomètres du siège de la juridiction de jugement et qu’il n’est pas possible de la conduire dans les 24 heures devant le procureur de la République de ce tribunal, elle est conduite devant le juge des libertés et de la détention du lieu de son arrestation. Le juge met le mandat à exécution. La personne doit ensuite comparaître devant le procureur du tribunal duquel siège la juridiction de jugement dans les quatre jours de la notification du mandat. Cette présentation peut avoir lieu par visioconférence, sauf refus de la personne. La loi nouvelle précise que le refus n’est pas admis si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion.

 

ARSE. Lorsque le juge des libertés et de la détention ordonne ou prolonge une détention provisoire, il doit motiver sa décision au regard des insuffisances du contrôle judiciaire, et désormais également de l’assignation à résidence sous surveillance électronique (C. proc. pén., art. 137-5). L’ARSE peut désormais être ordonnée d’office par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention : il n’est plus fait référence dans l’article 142-5 à l’accord de l’intéressé pour le prononcé. Toutefois, la personne mise en examen est avisée que l’installation du dispositif ne peut être effectuée sans son consentement mais que le fait de refuser cette installation constitue une violation des obligations qui lui incombent et peut donner lieu à la révocation de l’assignation à résidence avec surveillance électronique et à son placement en détention provisoire.

L’article 142-6 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3904IRZ) est modifié [34]. Elle peut être prononcée sans réel débat contradictoire, au vu des réquisitions écrites du procureur de la République, dont il est donné lecture à la personne mise en examen, et après avoir entendu ses observations et celles de son avocat. Elle peut également être décidée, sans débat contradictoire ou recueil préalable des observations de la personne et de son avocat, par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté ou décidant d’une mise en liberté d’office. Le juge statue après avoir fait vérifier la faisabilité technique de la mesure par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, qui peut être saisi à cette fin à tout moment de l’instruction. En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire si elle est demandée par la personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction. Cette saisine est également obligatoire avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge. S’il est interjeté appel d’une ordonnance prolongeant la détention provisoire sans que les dispositions des quatrième et avant-dernier alinéas aient été respectées, le service pénitentiaire d’insertion et de probation doit être saisi par le président de la chambre de l’instruction.

L’article 142-7 du Code de procédure pénale [35] (N° Lexbase : L9464IEA) précise que lorsque la personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises est maintenue ou demeure sous assignation à résidence, la durée totale de la mesure, compte tenu de celle exécutée au cours de l’instruction, ne peut excéder deux ans, sans qu’il soit nécessaire d’en ordonner la prolongation tous les six mois et sous réserve de la possibilité pour l’intéressé d’en demander la mainlevée.

 

Expertise policière. Un nouvel article 157-2 précise que l’expertise peut également être demandée à des services ou organismes de police technique et scientifique de la police nationale et de la gendarmerie nationale dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre de l’intérieur. Dans ce cas, le responsable du service ou de l’organisme désigné soumet à l’agrément de la juridiction le nom des personnes qui effectueront l’expertise.

 

Communication du rapport d’expertise. Tirant les conséquences de la décision n° 2018-765 QPC du 15 février 2019 (N° Lexbase : A0373YX4), l’article 167 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9511I7E) prévoit la possibilité de communiquer l’intégralité du rapport aux parties si elles ne sont pas assistées par un avocat.

 

Instruction en matière de presse. Un article 51-1 est inséré dans la loi du 29 juillet 1881 [36], adaptant l’instruction pour les infractions de presse, par dérogation aux articles 80-1 (N° Lexbase : L2962IZQ) et 116 (N° Lexbase : L3171I3T) du Code de procédure pénale. Le juge d’instruction informe la personne de son intention de la mettre en examen par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en précisant chacun des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique et en l’avisant de son droit de faire connaître des observations écrites dans un délai d’un mois. Il peut aussi, par le même avis, interroger la personne par écrit afin de solliciter, dans le même délai, sa réponse à différentes questions écrites. En ce cas, la personne est informée qu’elle peut choisir de répondre auxdites questions directement en demandant à être entendue par le juge d’instruction. Le juge d’instruction ne peut instruire sur les preuves éventuelles de la vérité des faits diffamatoires, ni sur celles de la bonne foi en matière de diffamation, ni non plus instruire sur l’éventuelle excuse de provocation en matière d’injure. Lors de l’envoi de l’avis, la personne est informée de son droit de désigner un avocat. En ce cas, la procédure est mise à la disposition de l’avocat désigné durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d’instruction. Les avocats peuvent également se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier dans les conditions mentionnées à l’article 114 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2767KGL). À l’issue d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis, le juge d’instruction peut procéder à la mise en examen en adressant à la personne et à son avocat une lettre recommandée avec demande d’avis de réception selon les modalités prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 113-8 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3169I3R). Il informe à cette occasion la personne que, si elle demande à être entendue par le juge d’instruction, celui-ci est tenu de procéder à son interrogatoire. Les III à VIII de l’article 175 du même code ne sont pas applicables. S’il n’a pas reçu les réquisitions du procureur de la République dans un délai de deux mois après la communication du dossier prévu au I du même article 175, le juge d’instruction rend l’ordonnance de règlement.

 

Correspondance écrite des personnes en détention provisoire. Tirant les conséquences de la décision n° 2018-715 QPC du 22 juin 2018 (N° Lexbase : A5767XTR), ayant censuré une partie de l’article 40 de la loi du 24 novembre 2009 [37], la loi nouvelle crée un nouvel article 145-4-2 du Code de procédure pénale, relatif à la correspondance écrite des personnes en détention provisoire. L’inconstitutionnalité avait été constatée en raison de l’impossibilité pour la personne détenue de contester le refus de correspondance écrite. La nouvelle disposition précise que lorsque la personne mise en examen est placée en détention provisoire, le juge d’instruction peut décider de prescrire à son encontre l’interdiction de correspondre par écrit avec une ou plusieurs personnes qu’il désigne, au regard des nécessités de l’instruction, du maintien du bon ordre et de la sécurité ou de la prévention des infractions. Il peut pour les mêmes motifs décider de retenir un courrier écrit par la personne détenue ou qui lui est adressé. La personne détenue peut déférer ces décisions au président de la chambre de l’instruction, qui statue dans un délai d’un mois par une décision écrite et motivée non susceptible de recours. Après la clôture de l’instruction, les attributions du juge d’instruction sont exercées par le procureur de la République selon les formes et conditions prévues au présent article. Il en est de même dans tous les autres cas où une personne est placée en détention provisoire. Lorsque la procédure est en instance d’appel, les attributions du procureur de la République sont confiées au procureur général [38]. Les autres décisions ou avis conformes émanant de l’autorité judiciaire prévus par les dispositions réglementaires du présent code ou par la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire et relatifs aux modalités d’exécution d’une détention provisoire ou à l’exercice de ses droits par une personne placée en détention provisoire peuvent, conformément aux dispositions du présent article, faire l’objet d’un recours du détenu ou du ministère public devant le président de la chambre de l’instruction. L’article 40 de la loi pénitentiaire est modifié en fonction : les personnes condamnées et, sous réserve de l’article 145‑4-2 du Code de procédure pénale, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix.

 

Autorisation de sortie sous escorte des personnes placées en détention provisoire. Le nouvel article 148-5 du Code de procédure pénale dispose qu’en toute matière et en tout état de la procédure, toute personne placée en détention provisoire peut, à titre exceptionnel, faire l’objet d’une autorisation de sortie sous escorte selon des modalités prévues par décret. Les décisions accordant ou refusant ces autorisations peuvent faire l’objet du recours prévu au dernier alinéa de l’article 145-4-2 (recours devant le président de la chambre de l’instruction).

 

Suspension médicale de la détention provisoire. L’article 147-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9833I3L), créé par la loi du 15 août 2014 (N° Lexbase : L0488I4T), a créé la suspension médicale de détention provisoire, en en excluant toutefois les personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement. Cette impossibilité disparaît (art. 86 de la loi).

 

Rapprochement familial des personnes en attente de jugement. Dans sa décision n° 2018-763 QPC du 8 février 2019 (N° Lexbase : A6194YWC), le Conseil constitutionnel avait considéré l’absence de recours juridictionnel effectif contre la décision administrative de refus de rapprochement familial lorsque celle-ci fait suite à l'avis défavorable du magistrat judiciaire, frappait d’inconstitutionnalité, reportée au 1er septembre 2019, l’article 34 de la loi du 24 novembre 2009. Le nouvel article 34 dispose que les prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d’un rapprochement familial jusqu’à leur comparution devant la juridiction de jugement, après avis conforme de l’autorité judiciaire susceptible d’être contesté selon les modalités prévues au dernier alinéa de l’article 145-4-2 du Code de procédure pénale.

 

Détention provisoire du mineur de seize ans. L’article 11 de l’ordonnance du 2 février 1945 précise que la détention provisoire ne peut être ordonnée qu’en cas de violations répétées ou de violation d’une particulière gravité des obligations imposées au mineur et lorsque le rappel ou l’aggravation de ces obligations ne peut suffire pour atteindre les objectifs prévus à l’article 144 du Code de procédure pénale.

Par dérogation à l’article 179 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8054LAK), après l’ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants en matière correctionnelle, le mineur de treize à seize ans peut être maintenu en détention jusqu’à sa comparution devant le tribunal, pour une durée de deux mois, renouvelable une seule fois pour une durée d’un mois (ordonnance du 2 février 1945, art. 11-2).

 

Exécution de la détention provisoire en établissement pour peines. L’article 714 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4136AZ9) prévoit qu’à titre exceptionnel, au regard de leur personnalité ou de leur comportement, les personnes mise en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire peuvent être incarcérées dans un établissement pour peines lorsque cette décision apparaît nécessaire à la prévention des évasions ou au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent également être affectés dans un établissement pour peines au sein d’un quartier spécifique, dans les conditions prévues à l’article 726-2. Cet article précise que lorsqu’il apparaît que leur comportement porte ou est susceptible de porter atteinte au maintien du bon ordre de l’établissement ou à la sécurité publique, les personnes détenues majeures peuvent, sur décision de l’autorité administrative, être affectées au sein de quartiers spécifiques pour bénéficier d’un programme adapté de prise en charge et soumises à un régime de détention impliquant notamment des mesures de sécurité renforcée. La décision d’affectation dans ces quartiers spécifiques doit être motivée et ne peut intervenir qu’après une procédure contradictoire au cours de laquelle la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. Cette décision fait l’objet d’un nouvel examen régulier. Cette décision n’affecte pas l’exercice des droits mentionnés à l’article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire (respect de la dignité et des droits de la personne détenue), ou des activités prévues à l’article 27, sous réserve des aménagements qu’imposent les impératifs de sécurité. Autrement dit, il ne peut pas y avoir de restriction au respect de la dignité et droits, sauf s’il y a des restrictions justifiées par les impératifs de sécurité…

 

Ordonnance de règlement. Le nouvel article 175 du Code de procédure pénale [39] modifie les règles applicables à l’ordonnance de règlement. Aussitôt que l’information lui paraît terminée, le juge d’instruction communique le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les avocats des parties ou, si elles ne sont pas assistées par un avocat, les parties. L’avis est notifié soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée. Lorsque la personne est détenue, il peut également être notifié par les soins du chef de l’établissement pénitentiaire, qui adresse sans délai au juge d’instruction l’original ou la copie du récépissé signé par l’intéressé. Le procureur de la République dispose alors d’un délai d’un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d’instruction. Copie de ces réquisitions est adressée dans le même temps par lettre recommandée aux avocats des parties ou, si elles ne sont pas assistées par un avocat, aux parties. Dans un délai de quinze jours à compter soit de chaque interrogatoire ou audition réalisé au cours de l’information, soit de l’envoi de l’avis de fin d’information, les parties peuvent faire connaître au juge d’instruction, selon les modalités prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article 81, qu’elles souhaitent exercer l’un ou plusieurs de leurs droits. Si elles ont indiqué souhaiter exercer ces droits, les parties disposent, d’un même délai d’un mois ou de trois mois à compter de l’envoi de l’avis pour : adresser des observations écrites au juge d’instruction, selon les mêmes modalités ; copie de ces observations est alors adressée en même temps au procureur de la République ; formuler des demandes ou présenter des requêtes, selon les mêmes modalités, sur le fondement du neuvième alinéa de l’article 81, des articles 82-1 et 82-3, du premier alinéa de l’article 156 et du troisième alinéa de l’article 173, sous réserve qu’elles ne soient pas irrecevables en application des articles 82-3 et 173-1. A l’issue de ce délai, les parties ne sont plus recevables à adresser de telles observations ou à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes. Si les parties ont adressé des observations, le procureur de la République dispose d’un délai de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d’un mois dans les autres cas pour adresser au juge d’instruction des réquisitions complémentaires à compter de la date à laquelle ces observations lui ont été communiquées. Si les parties ont indiqué qu’elles souhaitaient exercer ce droit, elles disposent d’un délai de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d’un mois dans les autres cas pour adresser au juge d’instruction des observations complémentaires à compter de la date à laquelle les réquisitions leur ont été communiquées. A l’issue des différents délais, le juge peut rendre son ordonnance de règlement. Ces dispositions sont applicables au témoin assisté. L’objectif est donc de raccourcir le délai dans lequel l’ordonnance de règlement est rendue.

Le nouvel article 179-2 du Code de procédure pénale dispose que le juge d’instruction peut préciser dans l’ordonnance de renvoi la date d’audience devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel lorsque cette date lui a été préalablement communiquée par le procureur de la République. Cette ordonnance doit alors comporter les mentions prévues aux deuxième à dernier alinéas de l’article 390. Cette ordonnance dispense de la délivrance d’une citation.

 

Ordonnance aux fins de mise en œuvre d’une procédure de CRPC. L’article 180-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9520IYA), qui autorise le juge d’instruction à prononcer par ordonnance le renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de mise en œuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, est complété. Lorsque la proposition émane du procureur de la République, les parties disposent d’un délai de dix jours à compter de la notification de cette proposition pour indiquer, par télécopie, déclaration au greffe ou lettre recommandée, si elles acceptent le renvoi de l’affaire aux fins de mise en œuvre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. En cas d’accord, les dispositions de l’article 175 ne sont pas applicables et, par dérogation aux dispositions de l’article 184, l’ordonnance de renvoi ne mentionne, outre les éléments prévus aux deuxième et troisième alinéas du présent article, que l’identité de la personne et la qualification retenue, sans avoir besoin d’être motivée.

 

Délai d’appel du procureur contre les ordonnances du juge d’instruction. Le délai d’appel du procureur de la République contre les ordonnances du juge d’instruction est porté de cinq à dix jours (C. proc. pén., art. 185 N° Lexbase : L3292IQY).

 

Restitution. La contestation du refus des demandes de restitution des objets placés sous main de justice relève désormais de la compétence du seul président de la chambre de l’instruction (C. proc. pén., art. 41-4 N° Lexbase : L5011K84, art. 41-6 N° Lexbase : L5397I3B, art. 99 N° Lexbase : L1987KMK, art. 706-153 N° Lexbase : L9509IYT).

 

Solution manifeste d’une requête en annulation. Le nouvel article 170-1 du Code de procédure pénale prévoit que lorsque la solution d’une requête en annulation paraît s’imposer de façon manifeste, le président de la chambre de l’instruction statue sur cette demande, conformément aux dispositions de l’article 199, sans la présence des deux conseillers de la chambre. Si la décision qui s’impose consiste dans l’annulation des actes ou pièces de la procédure, elle peut, en cas d’accord du ministère public, être prise par ordonnance sans qu’il soit procédé à l’audience prévue au même article 199. L’auteur de la requête en annulation peut cependant demander que celle-ci soit examinée par la chambre de l’instruction.

 

 

 

 

G. Le jugement des délits

 

Citation à parquet. L’article 559 (N° Lexbase : L3952AZE) précise que lorsque le procureur de la République constate par procès-verbal qu’une personne qu’il veut citer à comparaître est sans domicile ou résidence connus ou, s’il s’agit d’une personne morale, que son siège est inconnu, ce procès-verbal, qui comporte les mentions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 551, vaut citation à parquet. Il permet de juger la personne par défaut selon les modalités prévues à l’article 412. Concrètement, cela permet de se passer de l’acte d’huissier.

 

Amende forfaitaire délictuelle. L’amende forfaitaire délictuelle est étendue, y compris en cas de récidive, au délit d’offre ou de vente de boissons non autorisées (C. santé publ., art. L. 3352-5 N° Lexbase : L8151KUG), la vente aux mineurs de boissons alcooliques (C. santé publ., art. L. 3353-3 N° Lexbase : L9655KXU), à l’usage de stupéfiants (C. santé publ., art. L. 3421-1 N° Lexbase : L8909HWU), la vente à la sauvette (C. pén., art. 446-1 N° Lexbase : L7583IPK), le transport routier avec carte de conducteur non conforme (C. transp., art. L. 3315-5 N° Lexbase : L7602INU), l’occupation en réunion des halls et toits d’immeubles (C. constr. hab., art. L. 126-3 N° Lexbase : L6183IG4).

L’article 495-17 (N° Lexbase : L1915LBK) est complété pour prévoir que l’extinction de l’action publique par le paiement d'une amende forfaitaire délictuelle, qui ne peut excéder le montant prévu au premier alinéa de l’article 131-13 du Code pénal, soit 3 000 euros. Le Conseil constitutionnel a validé cette disposition, en émettant une réserve d’interprétation : «si les exigences d'une bonne administration de la justice et d'une répression effective des infractions sont susceptibles de justifier le recours à de tels modes d'extinction de l'action publique en dehors de toute décision juridictionnelle, ce n'est qu'à la condition de ne porter que sur les délits les moins graves et de ne mettre en œuvre que des peines d'amendes de faible montant. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la justice, s'appliquer à des délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à trois ans. Sous cette réserve, et dès lors que le législateur a prévu que le montant de l'amende forfaitaire délictuelle ne saurait excéder le plafond des amendes contraventionnelles, le grief tiré de la méconnaissance de ce dernier principe doit être écarté» (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 252).

L’article 495-21 est modifié pour prévoir qu’en cas de contestation de l’amende forfaitaire, si la personne est condamnée pour l'infraction ayant donné lieu initialement à l'amende forfaitaire, l'amende prononcée ne peut être inférieure au montant de l'amende forfaitaire dans le cas où elle a déposé une requête en exonération ou au montant de l'amende forfaitaire majorée dans le cas où elle a formé une réclamation, le cas échéant augmentée d'un taux de 10 %. L’instauration d’un montant minimum a été reconnu conforme à la Constitution, sous la réserve suivante : «il résulte de ces dispositions que deux personnes ayant commis la même infraction sont susceptibles d'être soumises à une règle différente quant au minimum de la peine d'amende applicable selon que l'autorité de poursuite aura choisi de prononcer une amende forfaitaire, qui a pour conséquence d'imposer un tel minimum, ou qu'elle aura choisi une autre voie de poursuite, qui laisse le juge libre de fixer la peine en considération des circonstances propres à chaque espèce. Cette différence de traitement est d'autant plus importante que le montant de l'amende forfaitaire est élevé. Dès lors, les deuxième et troisième alinéas de l'article 495-21 du Code de procédure pénale ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi pénale, s'appliquer à des délits dont le montant de l'amende forfaitaire est supérieur à la moitié du plafond prévu en matière d'amendes forfaitaires délictuelles par le premier alinéa de l'article 495-17 du Code de procédure pénale» (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 258).

Le mot «contrevenant» disparaît de l’article 495-19 pour faire référence à l’auteur de l’infraction. Le montant de l’amende forfaitaire applicable à une personne morale (dont il faudra bien respecter les conditions de mise en œuvre de la responsabilité) correspond au quintuple du montant de l’amende forfaitaire applicable aux personnes physiques (C. proc. pén., art. 495-24‑1).

Les articles 768 (N° Lexbase : L7453IG7), 768-1, et 769  du Code de procédure pénale sont modifiés pour inclure dans le casier judiciaire les amendes forfaitaires délictuelles et celles pour les contraventions de la cinquième classe. Il en va de même des articles 775 (N° Lexbase : L7408LGH) et 775-1 A (N° Lexbase : L2123DGQ) (sur le bulletin n° 2). L’article 777-3 (N° Lexbase : L1617GT3), qui interdit en principe l’interconnexion du casier judiciaire avec d’autres fichiers, permet au casier judiciaire de recevoir les données relatives à l’amende forfaitaire.

L’article L. 121-5 du Code de la route (N° Lexbase : L3341IQS) prévoit que le paiement de l’amende forfaitaire n’empêche pas la mise en œuvre et l’exécution des mesures administratives de rétention et de suspension du permis de conduire, ou d’immobilisation et mise en fourrière du véhicule. L’article L. 325-1-2 du Code de la route (N° Lexbase : L2526LB8) est également modifié pour dispenser le préfet d’informer le procureur de la République de la mise en œuvre de l'immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule quand il a été recouru à la procédure de l’amende forfaitaire.

 

Procédure de CRPC. L’article 495-8 du Code de procédure pénale est modifié : la peine proposée dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité peut aller jusqu’à trois ans (contre un an auparavant). Le procureur de la République peut proposer que la peine d’emprisonnement proposée révoquera tels ou tels sursis précédemment accordés. Il peut également proposer le relèvement d’une interdiction, d’une déchéance ou d’une incapacité résultant de plein droit de la condamnation, en application du second alinéa de l’article 132-21 du Code pénal, ou l’exclusion de la mention de la condamnation du bulletin n° 2 ou n° 3 du casier judiciaire en application des articles 775-1 et 777-1 du présent code. Le procureur de la République peut, avant de proposer une peine, informer par tout moyen la personne ou son avocat des propositions qu’il envisage de formuler.

Le nouvel article 495-11-1 précise que le président peut refuser l’homologation s’il estime que la nature des faits, la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ou lorsque les déclarations de la victime entendue en application de l’article 495-13 apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur.

 

Jugement des délits. L’article 388-5 du Code de procédure pénale prévoit qu’en cas de citation ou de convocation par procès-verbal, le président du tribunal correctionnel peut, après avis du procureur de la République, ordonner l'exécution d’actes selon les règles applicables au cours de l'enquête préliminaire. Les procès-verbaux ou autres pièces relatant leur exécution sont alors joints au dossier de la procédure et mis à la disposition des parties ou de leur avocat. Si le prévenu ou la victime doivent être à nouveau entendus, ils ont le droit d'être assistés, lors de leur audition, par leur avocat, en application de l'article 63-4-3. La loi nouvelle précise que l’avocat est alors convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant l’audition, et il a accès au dossier au plus tard quatre jours ouvrables avant cette date.

 

Jonction. L’article 393 du Code de procédure pénale précise que lors du déferrement de la personne devant lui,  si le procureur de la République procède comme il est dit aux articles 394 (convocation dans les 10 jours) à 396, il peut décider de fixer à la même audience, afin qu’elles puissent être jointes à la procédure ou examinées ensemble, de précédentes poursuites dont la personne a fait l’objet pour d’autres délits, à la suite d’une convocation par procès-verbal, par officier de police judiciaire ou en vue d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, d’une citation directe, d’une ordonnance pénale ou d’une ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Hors le cas de la comparution immédiate, cette décision doit intervenir au moins dix jours avant la date de l’audience. Le prévenu et son avocat en sont informés sans délai. Le Conseil constitutionnel a considéré que cette jonction de procédures «peut avoir pour effet de diminuer le temps restant à courir avant la date des audiences initialement prévues pour chacune des poursuites faisant l'objet de ce regroupement. Si le prévenu peut, en vertu de l'article 397-1 du Code de procédure pénale, refuser d'être jugé immédiatement et obtenir un renvoi de l'audience dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines, en revanche le tribunal peut, sur le fondement de l'article 397-3 du même code, le placer en détention provisoire. Ainsi, un prévenu susceptible d'accepter d'être jugé immédiatement pour l'infraction qui justifie initialement son renvoi en comparution immédiate pourrait être conduit, par l'effet du regroupement de plusieurs poursuites, à être placé en détention provisoire pour des motifs liés à l'affaire qui a donné lieu à la comparution immédiate, alors que son refus d'être jugé séance tenante tient à sa volonté de disposer de suffisamment de temps pour terminer de préparer sa défense sur les affaires pour lesquelles il avait été initialement renvoyé devant le tribunal correctionnel dans des délais plus longs et pour lesquelles, le cas échéant, il avait déjà pris des dispositions. Les dispositions contestées ne sauraient dès lors, sans méconnaître les droits de la défense, priver le tribunal correctionnel, dans ce cas, de la possibilité de renvoyer les seules affaires pour lesquelles le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou qui n'apparaissent pas au tribunal en l'état d'être jugées» (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 284).

 

Nouvelle procédure de comparution différée. Le nouvel article 397-1-1 du Code de procédure pénale dispose que, pour les cas prévus à l’article 395 (conditions de la comparution immédiate : maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans, charges suffisantes et affaire en état d’être jugée) s’il existe contre la personne des charges suffisantes pour la faire comparaître devant le tribunal correctionnel, mais que l’affaire n’est pas en état d’être jugée selon la procédure de comparution immédiate parce que n’ont pas encore été obtenus les résultats de réquisitions, d’examens techniques ou médicaux déjà sollicités, le procureur de la République peut, si le prévenu est assisté par un avocat choisi par lui ou désigné par le bâtonnier, le poursuivre devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution à délai différé conformément aux dispositions du présent article. Conformément aux dispositions de l’article 396, le prévenu est présenté devant le juge des libertés et de la détention, qui statue sur les réquisitions du ministère public aux fins de contrôle judiciaire, d’assignation à résidence avec surveillance électronique ou de détention provisoire, après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat. Les réquisitions du procureur précisent les raisons justifiant le recours à la présente procédure, en indiquant s’il y a lieu les actes en cours dont les résultats sont attendus. La détention provisoire ne peut être ordonnée que si la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à trois ans. L’ordonnance rendue est susceptible d’appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l’instruction. L’ordonnance prescrivant le contrôle judiciaire, l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou la détention provisoire, rendue dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 396, énonce les faits retenus et saisit le tribunal ; elle est notifiée verbalement au prévenu et mentionnée au procès-verbal dont copie lui est remise sur-le-champ. Le prévenu doit comparaître devant le tribunal au plus tard dans un délai de deux mois, à défaut de quoi il est mis fin d’office au contrôle judiciaire, à l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou à la détention provisoire. Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 141-2 et de l’article 141-4 sont applicables ; les attributions confiées au juge d’instruction par les mêmes articles 141-2 et 141-4 sont alors exercées par le procureur de la République. Les procès-verbaux ou autres pièces résultant des réquisitions, examens techniques ou médicaux mentionnés au premier alinéa du présent article sont versés au dossier de la procédure dès leur accomplissement et mis à la disposition des parties ou de leur avocat. Jusqu’à l’audience de jugement, le prévenu ou son avocat peuvent demander au président du tribunal la réalisation de tout acte qu’ils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité, conformément aux dispositions de l’article 388-5, dont les deuxième à dernier alinéas sont applicables. Si le prévenu est détenu, la demande peut être faite au moyen d’une déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et datée par le chef de l’établissement pénitentiaire, qui la signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l’établissement. Pour la mise en œuvre de la procédure de comparution à délai différée, la présentation de la personne devant le procureur de la République prévue à l’article 393 ainsi que sa présentation devant le juge des libertés et de la détention prévue au deuxième alinéa du présent article peuvent intervenir dans un lieu autre que le tribunal si l’état de santé de cette personne ne permet pas de l’y transporter. Lorsqu’il est fait application des dispositions du présent article, la victime en est avisée par tout moyen. Elle peut alors se constituer partie civile et déposer des demandes d’actes conformément à l’article 388-5.

 

Tribunal correctionnel statuant à juge unique [40]. La liste des délits pour lesquels le tribunal correctionnel peut statuer à juge unique est modifiée. L’article 398-1 [41] (N° Lexbase : L5048K8H) fait désormais référence à une liste de délits punis d’une peine inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement. La liste est évidemment très conséquente : violences, appels ou messages malveillants et agressions sonores, menaces, atteintes involontaires aux personnes, exhibition sexuelle, cession ou l’offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle, délit de risques causés à autrui commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule, recours à la prostitution, atteintes à la vie privée et à la représentation de la personne, abandons de famille, les violations des ordonnances prises par le juge aux affaires familiales en cas de violences et les atteintes à l’exercice de l’autorité parentale, vol, la filouterie, et le détournement de gage ou d’objet saisi, recel, destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes et l’installation illicite sur un terrain communal, destructions, dégradations et détériorations involontaires par explosion ou incendie, menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et les fausses alertes, l’intrusion dans un établissement d’enseignement scolaire, menaces et actes d’intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique, outrages et rébellions, l’opposition à l’exécution de travaux publics ou d’utilité publique, usurpations de fonctions, de signes, de titres et l’usage irrégulier de qualité, atteintes à l’état civil des personnes, délit de fuite, délit de prise du nom d’un tiers, atteintes au respect dû à la justice, faux, vente à la sauvette, sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux, délits du Code de la route, délits en matière de chèques [42], délits en matière de réglementations relatives aux transports, délits de port ou transport d'armes de la catégorie D, délits prévus par le Code de l'environnement en matière de chasse, de pêche en eau douce, de pêche maritime, de protection de la faune et de la flore, délits prévus par le Code forestier et par le Code de l'urbanisme pour la protection des bois et forêts, délits prévus par le Code de la construction et de l’habitation, délits prévus par le Code rural et de la pêche maritime en matière de garde et de circulation des animaux, délits prévus aux articles L. 335-2 (N° Lexbase : L2887HPM), L. 335-3 et L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle, lorsqu'ils sont commis au moyen d'un service de communication au public en ligne, délit d’usage de stupéfiants, délits en matière d’habitat insalubre, délits pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue, à l’exception des délits de presse. On se demande où est l’intérêt de préciser que le tribunal correctionnel statue normalement en formation collégiale… Pour l’appréciation du seuil de cinq ans d’emprisonnement mentionné au premier alinéa du présent article, il n’est pas tenu compte des aggravations résultant de l’état de récidive ou des dispositions des articles 132-76 (N° Lexbase : L7897LCH), 132-77  ou 132-79 du Code pénal.

 

Ordonnance pénale. L’article 495 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5094ISH) prévoit que l’ordonnance pénale est applicable à tous ces délits pour lesquels le tribunal correctionnel peut statuer à juge unique, à l’exception des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes. L’ordonnance pénale est même applicable au délit de diffamation prévu à l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et au délit d’injure prévu aux deuxième à quatrième alinéas de l’article 33 de la même loi, sauf lorsque sont applicables les dispositions de l’article 42 de ladite loi ou de l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle (N° Lexbase : L0991IEG) : quand on sait l’importance du débat contradictoire pour les infractions de presse, il reste à espérer que les procureurs ne feront pas le choix de l’ordonnance pénale en la matière.

A l’issue de l’ordonnance pénale, les peines prévues aux articles 131-5  à 131-8-1 du Code pénal peuvent être prononcées ; la peine de travail d’intérêt général ne peut toutefois être prononcée que si la personne a déclaré, au cours de l’enquête, qu’elle accepterait l’accomplissement d’un tel travail. On peut donc consentir à sa peine au stade de l’enquête !

L’article 495-3 du Code de procédure pénale précise que l’ordonnance est portée à la connaissance du prévenu par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Elle peut également être portée à la connaissance du prévenu par le procureur de la République, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée : la loi nouvelle précise que ce mode de notification est obligatoire si l’ordonnance prononce la peine de jour-amende ou la peine de travail d’intérêt général.

 

 

H. Le jugement des crimes

 

Jugement des crimes. L’un des assesseurs de la cour d’assises peut être un magistrat honoraire exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature (C. proc. pén., art. 249 [43] N° Lexbase : L4343AZU). Les assesseurs disposeront d’une copie du dossier (C. proc. pén., art. 316-1 nouveau).

L’article 281 du Code de procédure pénale précise que le ministère public et la partie civile signifient à l'accusé, l'accusé signifie au ministère public et, s'il y a lieu, à la partie civile, dès que possible et vingt-quatre heures au moins avant l'ouverture des débats, la liste des personnes qu'ils désirent faire entendre en qualité de témoins. La loi nouvelle précise que cette signification doit intervenir dès que possible et un mois avant l’ouverture des débats. Le ministère public est tenu de citer à sa requête les témoins, dont la liste lui a été communiquée par les parties, cinq jours au moins avant l'ouverture des débats. La loi nouvelle prévoit que cette citation doit intervenir un mois et dix jours avant l’ouverture des débats.

 

Déposition des témoins. Le quatrième alinéa de l’article 331 qui prévoyait que les témoins ne sont pas interrompus dans leur déposition, sous réserve du pouvoir de police du président, est abrogé. L’article 332 [44] précise que lorsque cela lui paraît nécessaire à la clarté et au bon déroulement des débats, le président peut interrompre les déclarations d’un témoin ou lui poser directement des questions sans attendre la fin de sa déposition.

Il est ajouté un alinéa à l’article 331 [45]  précisant que les témoins ne sont pas tenus de faire part de leur intime conviction concernant la culpabilité de l’accusé (ce qui signifie qu’ils peuvent le faire).

 

Motivation des peines. Pour tenir compte de la décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018 (N° Lexbase : A8170XEC), ayant précisé que les peines prononcées par les cours d’assises devaient faire l’objet d’une motivation, l’article 365-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0982LKL[46] est enrichi d’un nouvel alinéa : en cas de condamnation, la motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l’accusé, ont convaincu la cour d’assises et qui ont été exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury en application de l’article 356, préalablement aux votes sur les questions. La motivation consiste également dans l’énoncé des principaux éléments ayant convaincu la cour d’assises dans le choix de la peine, au vu des éléments exposés au cours de la délibération prévue à l’article 362. L’application des dispositions du troisième alinéa de l’article 706-53-13 (N° Lexbase : L7444IGS) est également motivée. La motivation des peines complémentaires obligatoires, de la peine de confiscation du produit ou de l’objet de l’infraction ou des obligations particulières du sursis probatoire n’est pas nécessaire.

 

Action civile. Le nouvel article 371-1 du Code de procédure pénale précise que la cour peut mettre en délibéré sa décision sur l’action civile. Elle peut également, après avoir recueilli les observations des parties, renvoyer cette décision à une audience ultérieure dont elle fixe la date. Ce renvoi est de droit à la demande des parties civiles. L’audience sur les intérêts civils a lieu au tribunal de grande instance dans le ressort duquel se sont tenues les assises. Sauf si la partie civile ou l’accusé a sollicité lors du renvoi le bénéfice de la collégialité, le président de la cour d’assises statue seul et peut prendre les décisions prévues à la présente section. L’audience est publique. La présence du ministère public n’est pas obligatoire.

 

Appel des arrêts d’assises. Le nouvel article 380-2-1 A [sic] précise que l’appel formé par l’accusé ou le ministère public peut indiquer qu’il ne conteste pas les réponses données par la cour d’assises sur la culpabilité et qu’il est limité à la décision sur la peine. Dans ce cas, seuls sont entendus devant la cour d’assises statuant en appel les témoins et experts dont la déposition est nécessaire afin d’éclairer les assesseurs et les jurés sur les faits commis et la personnalité de l’accusé, sans que soient entendues les personnes dont la déposition ne serait utile que pour établir sa culpabilité. Lorsque la cour d’assises se retire pour délibérer, les dispositions relatives aux questions sur la culpabilité ne sont pas applicables.

Le nouvel article 380-3-1 [47] dispose que l’accusé doit comparaître devant la cour d’assises statuant en appel sur l’action publique dans un délai d’un an à compter soit de l’appel, si l’accusé est détenu, soit de la date à laquelle l’accusé a été ultérieurement placé en détention provisoire en application de la décision rendue en premier ressort. Toutefois, si l’audience sur le fond ne peut se tenir avant l’expiration de ce délai, le président de la chambre de l’instruction peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l’affaire, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de six mois. La comparution de l’accusé est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande. Cette prolongation peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes. La durée de six mois prévue au présent alinéa est portée à un an en cas de poursuites pour crime contre l’humanité ou pour un crime constituant un acte de terrorisme. Si l’accusé n’a pas comparu devant la cour d’assises avant l’expiration des délais prévus au présent article, il est remis immédiatement en liberté s’il n’est pas détenu pour une autre cause.

Pour la cour d’assises statuant sur des infractions militaires, la cour d’assises peut délibérer en étant en possession de l’entier dossier de la procédure (C. proc. pén., art. 698-6 N° Lexbase : L1213LDB).

 

Cour criminelle. Mesure phare de la loi nouvelle, la disparition programmée des jurys d’assises entre donc en vigueur. L’article 63 II de la loi précise les compétences de la cour criminelle. Si le législateur entend la limiter pour le moment, l’on sait bien que lorsqu’il crée des exceptions, elles sont systématiquement généralisées, comme le démontre le reste du texte.

Par dérogation à l’article 181 et aux chapitres Ier à V du titre Ier du livre II du Code de procédure pénale, les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale, sont jugées en premier ressort par la cour criminelle. Cette cour est également compétente pour le jugement des délits connexes. Elle n’est pas compétente s’il existe un ou plusieurs coaccusés n’est pas dans cette situation. La cour criminelle, qui siège au même lieu que la cour d’assises, est composée d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel parmi, pour le président, les présidents de chambres et les conseillers du ressort de la cour d’appel et, pour les assesseurs, les conseillers et les juges de ce ressort. Deux des assesseurs peuvent être des magistrats exerçant à titre temporaire ou des magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Les personnes contre lesquelles il existe à l’issue de l’information des charges suffisantes d’avoir commis, hors récidive, un crime mentionné au premier alinéa du présent II sont, selon les modalités prévues à l’article 181 du Code de procédure pénale, mises en accusation par le juge d’instruction devant la cour criminelle. Le délai d’un an prévu au huitième alinéa du même article 181 est alors réduit à six mois, et il ne peut être procédé qu’à une seule prolongation en application du neuvième alinéa dudit article 181. Sur proposition du ministère public, l’audiencement de la cour criminelle est fixé par son président ou, à la demande du procureur général, par le premier président de la cour d’appel. La cour criminelle applique les dispositions du titre Ier du livre II du Code de procédure pénale sous les réserves suivantes : il n’est pas tenu compte des dispositions qui font mention du jury ou des jurés [48] ; les attributions confiées à la cour d’assises sont exercées par la cour criminelle, et celles confiées au président de la cour d’assises sont exercées par le président de la cour criminelle; les décisions sont prises à la majorité pour les décisions défavorables à l’accusé, sur la culpabilité et pour la décision sur la peine. La cour délibère avec le dossier.

Si la cour criminelle estime, au cours ou à l’issue des débats, que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion criminelle à perpétuité, elle renvoie l’affaire devant la cour d’assises. Si l’accusé comparaissait détenu, il demeure placé en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant la cour d’assises ; dans le cas contraire, la cour criminelle peut, après avoir entendu le ministère public et les parties ou leurs avocats, décerner, par la même décision, mandat de dépôt ou mandat d’arrêt contre l’accusé.

L’appel des décisions de la cour criminelle est examiné par la cour d’assises dans les conditions prévues au titre Ier du livre II du même code pour l’appel des arrêts rendus par les cours d’assises en premier ressort

Cette cour criminelle est instaurée à titre expérimental dans au moins deux départements et au plus dix départements déterminés par un arrêté du ministre de la justice, pendant une durée de trois ans à compter de la date fixée par cet arrêté, pour le jugement des personnes mises en accusation au plus tard deux ans après cette date. Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation. L’ensemble des acteurs judiciaires est associé à cette évaluation. Cette évaluation est étendue, sur le fondement du principe de bonne administration de la justice, aux modalités d’accès à l’instruction et aux conséquences de celles-ci, tant pour les victimes et les mis en cause qu’en matière de gestion des personnels, d’activité des juges d’instruction des pôles d’instruction seuls compétents sur le ressort de tribunaux de grande instance sans pôle de l’instruction. Pour la mise en œuvre de l’expérimentation, les personnes déjà mises en accusation devant la cour d’assises peuvent être renvoyées devant la cour criminelle, avec leur accord recueilli en présence de leur avocat, sur décision du premier président de la cour d’appel. Les personnes mises en accusation devant la cour criminelle dans un délai de deux ans à compter du début de l’expérimentation et non encore jugées dans un délai de trois ans à compter de cette date sont de plein droit mises en accusation devant la cour d’assises.

 

Compétence internationale. L’article 689-11 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9389IMP) relatif à la compétence des juridictions françaises des personnes résidant habituellement sur le territoire qui se sont rendues coupables à l'étranger de l'un des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale, est modifié. Les juridictions françaises sont compétentes pour le crime de génocide, les autres crimes contre l’humanité si les faits sont punis par la législation de l’Etat où ils ont été commis ou si cet Etat ou l’Etat dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention de Rome du 18 juillet 1998, crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code, si les faits sont punis par la législation de l’Etat où ils ont été commis ou si cet Etat ou l’Etat dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention précitée. La poursuite ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public et si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. A cette fin, le ministère public s’assure de l’absence de poursuite diligentée par la Cour pénale internationale et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre Etat n’a demandé son extradition. Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée.

Pour tenir compte de la création du procureur de la République antiterroriste, il est prévu que l’article 689-11 du Code de procédure pénale sera modifié pour préciser que la poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu’à la requête du procureur de la République antiterroriste et si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. A cette fin, le ministère public s’assure de l’absence de poursuite diligentée par la Cour pénale internationale et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre Etat n’a demandé son extradition. Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général près la cour d’appel de Paris est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République antiterroriste, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée.

 

 

 

I. L'appel

 

Appel. L’article 502 du Code de procédure pénale [49] (N° Lexbase : L5045K8D), relatif à la déclaration d’appel, est modifié. La déclaration indique si l’appel porte sur la décision sur l’action publique ou sur la décision sur l’action civile ou sur les deux décisions. Si l’appel concerne la décision sur l’action publique, la déclaration indique s’il porte sur l’ensemble de la décision ou s’il est limité aux peines prononcées, à certaines d’entre elles ou à leurs modalités d’application. Si la décision sur l’action publique a déclaré le prévenu coupable de plusieurs infractions, l’appel sur cette décision précise s’il concerne l’ensemble des infractions ou certaines d’entre elles. Si la déclaration ne comporte aucune de ces précisions, l’appel est considéré comme portant sur l’intégralité de la décision. Le prévenu qui a limité la portée de son appel sur l’action publique aux peines prononcées dans les conditions prévues au présent alinéa peut, selon les modalités prévues au premier alinéa, revenir sur cette limitation dans un délai d’un mois à compter de la déclaration d’appel ; si l’affaire est audiencée en appel avant ce délai d’un mois, il peut revenir sur cette limitation au moment de l’audience. Le prévenu qui n’a pas limité la portée de son appel lors de la déclaration d’appel peut toujours le faire ultérieurement, jusqu’à l’audience de jugement. L’effet dévolutif de l’appel est en conséquence limité aux éléments contestés (C. proc. pén., art. 509, al. 1). Lorsque la limitation de la portée de l’appel sur l’action publique aux peines prononcées n’a pas été faite par l’avocat du prévenu ou par le prévenu en présence de son avocat, le prévenu peut revenir sur cette limitation à l’audience.

Un nouvel article 509-1 [50] prévoit que le prévenu doit comparaître devant la chambre des appels correctionnels dans un délai de quatre mois à compter soit de l’appel, si le prévenu est détenu, soit de la date à laquelle le prévenu a été ultérieurement placé en détention provisoire, en application de la décision rendue en premier ressort. Toutefois, si l’audience sur le fond ne peut se tenir avant l’expiration de ce délai, le président de la chambre peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l’affaire, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de quatre mois. La comparution personnelle du prévenu est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande. Cette décision peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes. Lorsqu’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis hors du territoire national ou lorsque la personne est poursuivie pour une infraction mentionnée aux articles 706-73 et 706-73-1, le délai mentionné aux deux premiers alinéas du présent article est porté à six mois. Si le prévenu n’a pas comparu devant la cour d’appel avant l’expiration des délais prévus au présent article, il est remis immédiatement en liberté s’il n’est pas détenu pour une autre cause.

 

Chambre des appels correctionnels statuant à juge unique. L’article 510 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3902AZK) prévoit que lorsque le jugement attaqué a été rendu selon les modalités prévues au troisième alinéa de l’article 398 ou selon celles prévues au troisième alinéa de l’article 464, la chambre des appels correctionnels est composée d’un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs confiés au président de chambre, sauf si le prévenu est en détention provisoire pour les faits qui lui sont reprochés ou si l’appelant demande expressément que l’affaire soit examinée par une formation collégiale. La chambre des appels correctionnels ainsi composée ne peut alors prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée supérieure à cinq ans. Elle peut toutefois, si ce renvoi lui paraît justifié en raison de la complexité des faits ou en raison de l’importance de la peine susceptible d’être prononcée, décider, d’office ou à la demande des parties ou du ministère public, de renvoyer l’affaire devant la chambre des appels correctionnels siégeant en formation collégiale.

Le législateur avait limité la possibilité de recourir à une formation collégiale, puisque l’appelant devait l’avoir sollicitée dans la déclaration d’appel. Le Conseil constitutionnel a censuré cette limitation : «en limitant ainsi les conditions de l'accès à une formation collégiale en appel correctionnel, le législateur a, compte tenu du quantum des peines d'emprisonnement susceptibles d'être prononcées, porté une atteinte excessive à la garantie des droits protégée par l'article 16 de la Déclaration de 1789» (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 297).

 

Rectification des erreurs matérielles. L’article 711, alinéa 4, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5052K8M) prévoit la possibilité, en cas d’accord des parties, de prendre la décision pour la rectification des erreurs purement matérielles sans audience.

 

 

 

J. Terrorisme et criminalité organisée

 

MICAS. Les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, créées par la loi sécurité intérieure du 30 octobre 2017, sont également modifiées. La référence au procureur de la République de Paris est remplacée par la référence au procureur antiterroriste. L’article L. 228-2 du Code de la sécurité intérieure est modifié : pour le renouvellement de la mesure, la personne concernée peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat qu’il délègue l’annulation de la décision dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Il est statué sur la légalité de la décision au plus tard dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal. Dans ce cas, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public. Lorsque la présence du requérant à l’audience est susceptible de méconnaître les obligations résultant de la mesure de surveillance, le requérant peut solliciter un sauf-conduit pour s’y rendre. Le sauf-conduit n’est pas délivré si le déplacement du requérant constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Le tribunal administratif doit statuer dans les quinze jours.

L’article L. 228-5 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L2139LHP) qui prévoit l’interdiction, décidée par le ministre de l’Intérieur, de se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique, est également modifié. La personne concernée peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat qu’il délègue l’annulation de la décision dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Il est statué sur la légalité de la décision au plus tard dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal. Dans ce cas, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public. Lorsque la présence du requérant à l’audience est susceptible de méconnaître les obligations résultant de la mesure de surveillance, le requérant peut solliciter un sauf-conduit pour s’y rendre. Le sauf-conduit n’est pas délivré si le déplacement du requérant constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics.

L’article L. 229-1 du Code de la sécurité intérieure, relatif aux visites et saisies est modifié pour prévoir que la saisie de documents est possible en plus de celles des données. Les articles L. 229-4 et L. 229-5 incluent également cette référence aux documents.

 

Entreprise individuelle terroriste. L’article 421-2-6 du Code pénal, qui précise que constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d'une infraction terroriste, dès lors que la préparation de ladite infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur et qu'elle est caractérisée par fait de détenir, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui, est modifié pour incriminer le fait de tenter de se procurer ces objets ou substances.

 

Compétence concurrente des juridictions parisiennes en matière de criminalité organisée. L’article 706-75 du Code de procédure pénale prévoit que pour les infractions relevant de la criminalité organisée, le tribunal de grande instance et la cour d’assises de Paris exercent une compétence concurrente sur l’ensemble du territoire national pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes et délits, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une très grande complexité, en raison notamment du ressort géographique sur lequel elles s’étendent.

 

Missions spéciales du ministère public. Un nouvel article L. 213-12 du Code de l’organisation judiciaire [51] prévoit qu’au sein des tribunaux de grande instance dans le ressort desquels est susceptible de se trouver une forte concentration de personnes soutenant ou adhérant à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme [52], dont la liste est fixée par le ministre de la justice, un magistrat du ministère public, désigné par le procureur de la République, est chargé des missions suivantes : l’information du procureur de la République antiterroriste de tous les faits en lien avec des affaires en cours susceptibles de faire l’objet d’investigations de sa part ; l’information du procureur de la République antiterroriste sur l’état de la menace terroriste dans son ressort ; la participation aux instances locales de prévention, de détection et de suivi du terrorisme et de la radicalisation ; Le suivi des personnes placées sous main de justice dans son ressort et qui sont identifiées comme étant radicalisées [53] ; la diffusion auprès des magistrats du ressort des informations permettant d’aider à prévenir les actes de terrorisme.

 

Procureur de la République antiterroriste. Consacré à l’article L. 217-2 du Code de l’organisation judiciaire (N° Lexbase : L9438IY9), le «PRA» voit ses fonctions précisées par la loi nouvelle. L’article L. 217-5 du Code de l’organisation judiciaire prévoit que, lorsque le renforcement temporaire et immédiat du parquet antiterroriste près le tribunal de grande instance de Paris apparaît indispensable pour assurer le traitement des procédures, le procureur de la République antiterroriste peut requérir un ou plusieurs magistrats du parquet de Paris dont les noms figurent sur une liste arrêtée par le procureur général près la cour d’appel de Paris pour chaque année civile, après avis du procureur de la République et du procureur de la République antiterroriste. Le procureur de la République antiterroriste informe le procureur général et le procureur de la République de Paris des réquisitions de magistrats auxquelles il procède. Le procureur général veille à ce que ce dispositif soit utilisé le temps strictement nécessaire au traitement de l’accroissement temporaire d’activité du parquet antiterroriste. Un décret du Conseil d’Etat interviendra pour préciser les conditions d’application de ces réquisitions de personnels.

Le procureur de la République antiterroriste est compétent pour les crimes contre l'humanité et les crimes et délits de guerre, et les infractions connexes, ce que prévoit l’article 625-1 du Code de procédure pénale.

L’article 628-10 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3745IR7), qui prévoit l’application des règles particulières de compétence pour les crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre, est modifié pour précise que ces dispositions s’appliquent lorsque la loi pénale française est applicable, aux crimes de torture au sens de l’article 1er de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New-York le 10 décembre 1984 ainsi qu’aux crimes de disparition forcée.

L’article 706-17-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4098AZS) précise que lorsqu’il exerce sa compétence en application de la présente section (infractions terroristes), le procureur de la République antiterroriste peut requérir par délégation judiciaire tout procureur de la République de procéder ou faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 dans les lieux où ce dernier est territorialement compétent. La délégation judiciaire mentionne les actes d’enquête confiés au procureur de la République ainsi requis. Elle ne peut prescrire que des actes se rattachant directement à l’enquête pour laquelle elle a été délivrée. Elle indique la nature de l’infraction objet de l’enquête. Elle est datée et signée par le procureur de la République antiterroriste et revêtue de son sceau. Le procureur de la République antiterroriste fixe le délai dans lequel la délégation doit lui être retournée accompagnée des procès-verbaux relatant son exécution. À défaut d’un délai fixé par la délégation, la délégation judiciaire et les procès-verbaux doivent lui être transmis dans les huit jours de la fin des opérations exécutées en vertu de cette délégation. Les magistrats commis pour son exécution exercent, dans les limites de la délégation judiciaire, tous les pouvoirs du procureur de la République antiterroriste prévus par la présente section.

 

Archives audiovisuelles de la justice. L’article L. 221-3 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L6885DYN), relatif à l’enregistrement des débats aux fins de constitution d’archives audiovisuelles de la justice, prévoit qu’en cas de procès pour crime contre l’humanité ou pour actes de terrorisme, l’enregistrement est de droit s’il est demandé par le ministère public. L’article L. 222-1 (N° Lexbase : L0262IBC), relatif à la diffusion des archives, est modifié pour aligner la diffusion des débats sur les actes de terrorisme sur celle des débats sur les crimes contre l’humanité.

 

K. Entraide internationale

 

Entraide judiciaire internationale. Le fichier des personnes recherchées est modifié pour y inclure Les interdictions prévues aux 1° et 2° de l’article 515-11 du Code civil (N° Lexbase : L9320I3L) et celles prévues par une mesure de protection en matière civile ordonnée dans un autre Etat membre de l’Union européenne reconnue et ayant force exécutoire en France en application du Règlement (UE) n° 606/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile (N° Lexbase : L1845I44), ainsi que celles prévues par une décision de protection européenne reconnue conformément à l’article 696-102 (N° Lexbase : L2749KGW) du présent code en application de la Directive 2011/99/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne (N° Lexbase : L8588IZ4).

L’article 694-31 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5033LBZ), qui concerne le refus de reconnaître ou d’exécuter une décision d’enquête européenne, est modifié pour prévoir que ce refus est possible lorsque la demande concerne une procédure mentionnée à l’article 694-29 du présent code et qui n’est pas relative à une infraction pénale.

La géolocalisation peut être utilisée pour la recherche d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen (C. proc. pén., art. 695-26 N° Lexbase : L6729IXI) ou d’une demande d’extradition ou d'arrestation provisoire aux fins d'extradition (C. proc. pén., art. 696-9-1 N° Lexbase : L2309IEA).

S’agissant de l’extradition, un nouvel article 696-47-1 du Code de procédure pénale précise que lorsqu’à la suite d’une demande d’extradition émanant du Gouvernement français la personne a déjà été remise et que, en l’absence de renonciation au principe de spécialité par la personne ou par le Gouvernement étranger, il est demandé l’autorisation d’étendre les poursuites à d’autres infractions commises avant l’arrivée de la personne sur le territoire national, cette demande est accompagnée d’un mandat d’arrêt si un tel mandat avait déjà été délivré et, dans le cas contraire, d’un mandat d’amener.

 

Aide juridictionnelle. L’avocat assistant, dans les conditions fixées à l’article 695-17-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4972K8N), une personne arrêtée dans l’Etat membre d’exécution d’un mandat d’arrêt européen qui remplit les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle a droit à une rétribution (loi n° 91-647, 10 juillet 1991).

 

Violation des ordonnances du JAF en cas de violences. L’incrimination de l’article 227-4-2, qui punit de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait, pour une personne faisant l'objet d'une ou plusieurs obligations ou interdictions imposées dans une ordonnance de protection rendue en application des articles 515-9 (N° Lexbase : L7175IMP) ou 515-13 (N° Lexbase : L9318I3I) du Code civil, de ne pas se conformer à cette ou ces obligations ou interdictions, est modifié pour y inclure la violation d’une mesure de protection en matière civile ordonnée dans un autre Etat membre de l’Union européenne reconnue et ayant force exécutoire en France en application du Règlement (UE) n° 606/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile (N° Lexbase : L1845I44).

 

 

III. Modifications affectant le droit de la peine

 

Tous les aspects du droit de la peine sont passés en revue, qu’il s’agisse des peines encourues (A), du prononcé des peines (B), de leur exécution (C) et, bien évidemment, des règles du droit pénitentiaire (D).

 

 

 

A. Peines encourues

 

Réécriture de l’article 131-3 du Code pénal. La liste des peines correctionnelles de l’article 131-3 du Code pénal (N° Lexbase : L9870I3X) est modifiée. Il est d’abord précisé, s’agissant de l’emprisonnement, qu’il peut faire l’objet d’un sursis, d’un sursis probatoire ou d’un aménagement. La contrainte pénale disparaît au 2°, remplacée par la «nouvelle» peine de détention à domicile sous surveillance électronique ; le travail d’intérêt général remonte de la sixième à la troisième place. Le 6° fait désormais référence aux peines de stage (alors qu’il n’était question auparavant que du seul stage de citoyenneté). La sanction-réparation est maintenue. Il est précisé que ces peines ne sont pas exclusives des peines complémentaires prévues à l’article 131-10.

 

Détention à domicile sous surveillance électronique. La «nouvelle» peine [54] imaginée par le législateur est définie à l’article 131-4-1 du Code pénal. Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l’emprisonnement, prononcer la peine de détention à domicile sous surveillance électronique pendant une durée comprise entre quinze jours et six mois, sans pouvoir excéder la durée de l’emprisonnement encouru. Cette peine emporte pour le condamné l’obligation de demeurer dans son domicile ou tout autre lieu désigné par la juridiction ou le juge de l’application des peines et du port d’un dispositif intégrant un émetteur permettant de vérifier le respect de cette première obligation. Le condamné n’est autorisé à s’absenter de son domicile pendant des périodes déterminées par la juridiction ou le juge de l’application des peines que pour le temps nécessaire à l’exercice d’une activité professionnelle, au suivi d’un enseignement, d’un stage, d’une formation ou d’un traitement médical, à la recherche d’un emploi, à la participation à la vie de famille ou à tout projet d’insertion ou de réinsertion. La juridiction peut décider que le condamné bénéficiera de mesures d’aide ayant pour objet de seconder ses efforts en vue de son reclassement social. En cas de non-respect par le condamné de ses obligations, le juge de l’application des peines peut, selon des modalités précisées par le Code de procédure pénale, soit limiter ses autorisations d’absence, soit ordonner son emprisonnement pour la durée de la peine restant à exécuter.

 

DDSE et mineurs. Cette peine est applicable aux mineurs de plus de treize ans (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, art. 20‑2‑1). Cette peine ne peut être prononcée sans l’accord des titulaires de l’autorité parentale, sauf carence de ces derniers ou impossibilité de donner leur consentement. Cette peine doit être assortie d’une mesure éducative confiée à la protection judiciaire de la jeunesse.

Un titre Ier bis est créé dans le Code de procédure pénale, consacré à cette peine. L’article 713-42 précise que la personne condamnée à la peine de détention à domicile sous surveillance électronique est placée sous le contrôle du juge de l’application des peines du tribunal dans le ressort duquel elle est assignée. Les dispositions des articles 723-8 à 723-12 sont applicables. L’article 713-43 prévoit que si le condamné a satisfait aux mesures, obligations et interdictions qui lui étaient imposées pendant une durée au moins égale à la moitié de la peine prononcée, que son reclassement paraît acquis et qu’aucun suivi ne paraît plus nécessaire, le juge de l’application des peines peut, d’office ou sur requête du condamné, décider, par ordonnance rendue selon les modalités prévues à l’article 712-8, sur réquisitions conformes du procureur de la République, de mettre fin de façon anticipée à la peine de détention à domicile sous surveillance électronique. En l’absence d’accord du ministère public, le juge de l’application des peines statue à la suite d’un débat contradictoire public en application de l’article 712-6. Le juge de l’application des peines peut également, tout en mettant fin aux obligations prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 131-4-1 du Code pénal, décider que le condamné restera placé sous son contrôle jusqu’à la date prévue d’expiration de la peine en étant soumis aux obligations prévues à l’article 132-44 du même code et à une ou plusieurs des interdictions ou obligations prévues à l’article 132-45 dudit code.

L’article 713-44 envisage le cas de l’inobservation des obligations : en cas d’inobservation des interdictions ou obligations qui lui sont imposées, d’inconduite notoire, de nouvelle condamnation ou de refus par le condamné d’une modification nécessaire des conditions d’exécution, le juge de l’application des peines peut soit limiter ses autorisations d’absence, soit ordonner l’emprisonnement de la personne pour la durée de la peine restant à exécuter. La décision est prise conformément aux dispositions de l’article 712-6.

Enfin, l’article 723-8 précise que le condamné est avisé que l’installation sur sa personne du dispositif ne peut être réalisée sans son consentement, mais que le fait de refuser cette installation constitue une violation des obligations qui lui incombent et peut donner lieu à la mise à exécution de l’emprisonnement prévue à l’article 713-44 ou au retrait de la mesure d’aménagement prévu à l’article 723-13.

 

Stages. L’article 131-5-1 du Code pénal (N° Lexbase : L7878LCR) réunit les stages qui peuvent être prononcés. Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut, à la place ou en même temps que l’emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir, pendant une durée ne pouvant excéder un mois, un stage dont elle précise la nature, les modalités et le contenu eu égard à la nature du délit et aux circonstances dans lesquelles il a été commis. Sauf décision contraire de la juridiction, le stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la 3ème classe, est effectué aux frais du condamné. Le stage est exécuté dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive, sauf impossibilité résultant du comportement ou de la situation du condamné. Les stages possibles sont : le stage de citoyenneté, le stage de sensibilisation à la sécurité routière, le stage de sensibilisation aux dangers d’usage de produits stupéfiants, le stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, le stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, le stage de responsabilité parentale, le stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette peine unique de stage entraîne un toilettage des dispositions où chaque stage était listé.

 

Travail d’intérêt général. La durée du travail général est augmentée, passant de 280 heures à quatre cents heures (!). Lorsque le prévenu est présent à l’audience, la peine de travail d’intérêt général ne peut être prononcée si celui-ci la refuse. Le président du tribunal, avant le prononcé du jugement, informe le prévenu de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général et reçoit sa réponse. Lorsque le prévenu n’est pas présent à l’audience mais y est représenté par son avocat, cette peine peut être prononcée s’il a fait connaître par écrit son accord. Lorsque le prévenu n’est pas présent à l’audience et n’a pas fait connaître son accord, cette peine ne peut être prononcée que si le tribunal fait application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 131-9. Dans ce cas, avant la mise à exécution de la peine de travail d’intérêt général, le juge de l’application des peines informe le condamné de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail et reçoit sa réponse. En cas de refus, tout ou partie de l’emprisonnement ou de l’amende fixée par la juridiction peut être mis à exécution, dans les conditions prévues à l’article 712-6 du Code de procédure pénale, sous réserve, s’il y a lieu, des possibilités d’aménagement ou de conversion.

L’article 131-22 du Code pénal précise que le condamné doit se soumettre à l’examen médical préalable à l’exécution de la peine qui a pour but de rechercher s’il n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs et de s’assurer qu’il est médicalement apte au travail auquel il est envisagé de l’affecter.

Le travail d’intérêt général pourra être exécuté auprès de personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public, qui devront être habilitées [55]. A titre expérimental, la loi prévoit la possibilité d’accomplir le travail d’intérêt général au profit d’une personne morale de droit privé remplissant les conditions définies à l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et poursuivant un but d’utilité sociale au sens de l’article 2 de la même loi, et au profit d’une société dont les statuts définissent une mission qui assigne à la société la poursuite d’objectifs sociaux et environnementaux. Les conditions spécifiques d’habilitation de ces personnes morales de droit privé et d’inscription des travaux qu’elles proposent sur la liste des travaux d’intérêt général ainsi que les obligations particulières mises à leur charge dans la mise en œuvre de ces travaux sont précisées par décret en Conseil d’Etat. Les départements dans lesquels cette mesure peut être prononcée pendant la durée de l’expérimentation, dont le nombre ne peut excéder vingt, sont déterminés par arrêté du ministre de la justice. Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.

 

B. Prononcé

 

Révocation du sursis simple. L’article 132-36 (N° Lexbase : L9848I37) prévoit que lorsque la juridiction ordonne la révocation du sursis en totalité ou en partie, elle peut, par décision spéciale et motivée, exécutoire par provision, faire incarcérer le condamné.

 

Enquêtes présentencielles. L’article 41, alinéa 7, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4983K83), prévoit que le procureur peut demander au SPIP, mais également à la PJJ [56], de vérifier la faisabilité matérielle de certaines peines ou aménagements de peine pouvant être prononcés. Ces réquisitions peuvent également être faites après le renvoi d’une personne devant le tribunal correctionnel par le juge d’instruction, lorsque celle-ci est en détention provisoire. Le juge d’instruction doit commettre une personne habilitée ou, en cas d'impossibilité matérielle, le service pénitentiaire d'insertion et de probation à l'effet de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne mise en examen et de l'informer sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de l'intéressée, chaque fois qu’il envisage de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire de la personne mise en examen lorsque la peine encourue n’excède pas cinq ans d’emprisonnement.

 

Ajournement aux fins d’investigations criminologiques. Créé par la loi du 15 août 2014 à l’article 132-70-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9841I3U), cet ajournement est complété par la loi nouvelle. La juridiction peut ajourner le prononcé de la peine à l’égard d’une personne physique lorsqu’il apparaît opportun d’ordonner à son égard des investigations, le cas échéant complémentaires, sur sa personnalité ou sa situation matérielle, familiale et sociale de nature à permettre le prononcé d’une peine adaptée. Ces investigations peuvent être confiées au service pénitentiaire d’insertion et de probation ou à une personne morale habilitée. Dans ce cas, la juridiction fixe dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine et ordonne, s’il y a lieu, le placement de la personne jusqu’à cette date sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou, si celle-ci comparait détenue ou selon la procédure de comparution immédiate, en détention provisoire.

 

Dossier unique de personnalité. Il est créé, à titre expérimental, un répertoire des dossiers uniques de personnalité, placé sous l’autorité du ministre de la justice et sous le contrôle d’un magistrat, destiné à mutualiser et centraliser les informations relatives à la personnalité des personnes majeures faisant l’objet d’une enquête de police judiciaire, d’une information judiciaire ou de l’exécution d’une peine pour des faits punis d’une peine d’emprisonnement de trois ans, afin de permettre leur partage entre l’autorité judiciaire et les services d’insertion et de probation, pour faciliter la prise de décision par l’autorité judiciaire, pour améliorer la qualité de la prise en charge de ces personnes et pour prévenir le renouvellement des infractions. Le dossier unique de personnalité centralise les rapports, expertises et évaluations relatifs à la personnalité et à la situation matérielle, familiale et sociale des personnes mentionnées au premier alinéa du présent IV qui ont été réalisés ou collectés : au cours de l’enquête ; au cours de l’instruction ; à l’occasion du jugement ; au cours de l’exécution de la peine ; préalablement au prononcé ou durant le déroulement d’une mesure de surveillance ou de rétention de sûreté ; en application des articles 706-136 ou 706-137 du Code de procédure pénale ; durant le déroulement d’une hospitalisation d’office ordonnée en application de l’article 706-135 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7018IQY) ou de l’article L. 3213-7 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3010IY7). Les informations contenues dans le dossier unique de personnalité sont directement accessibles, par l’intermédiaire d’un système sécurisé de télécommunication, à l’autorité judiciaire et aux agents des services d’insertion et de probation chargés du suivi de ces personnes, au personnel des greffes des établissements pénitentiaires ainsi qu’aux agents de l’administration centrale en charge des orientations et affectations à compétence nationale. Les avocats, les membres de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, les experts et les personnes chargées par l’autorité judiciaire ou l’administration pénitentiaire d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité ainsi que les personnes habilitées dans les conditions prévues au sixième alinéa de l’article 81 du Code de procédure pénale peuvent également être destinataires, par l’intermédiaire de l’autorité judiciaire et pour l’exercice de leurs missions, des informations contenues dans le dossier unique de personnalité. En cas de décision de classement sans suite ou de décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, les données concernant la personne poursuivie sont immédiatement effacées. Les modalités d’application du présent IV sont précisées par un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise notamment les modalités de fonctionnement du système sécurisé de télécommunication et les conditions dans lesquelles le répertoire conserve la trace des interrogations et consultations dont il a fait l’objet ainsi que la durée de conservation des données inscrites et les modalités de leur effacement. L’expérimentation du dossier unique de personnalité est prévue pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur du décret prévu à l’avant-dernier alinéa du présent IV. Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de sa mise en œuvre.

 

Conditions du prononcé de l’emprisonnement. L’article 132-19 du Code pénal (N° Lexbase : L5060K8W) est une nouvelle fois modifié. Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d’emprisonnement ferme ou assortie en partie ou en totalité du sursis pour une durée inférieure à celle qui est encourue. Elle ne peut toutefois prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois. Toute peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate. Dans ce cas, si la peine est inférieure ou égale à six mois, elle doit, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues à l’article 132-25. Dans les autres cas prévus au même article 132-25, elle doit également être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle. Le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale conformément aux dispositions de l’article 464-2 du Code de procédure pénale.

 

Aménagements. L’article 132-25 du Code pénal (N° Lexbase : L9410IEA) dispose que lorsque la juridiction de jugement prononce une peine inférieure ou égale à six mois d’emprisonnement, un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis probatoire et lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois, ou lorsque la juridiction prononce une peine pour laquelle la durée de l’emprisonnement restant à exécuter à la suite d’une détention provisoire est inférieure ou égale à six mois, elle doit, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, ordonner que la peine sera exécutée en totalité sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique [57], de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur. Si la peine prononcée ou la partie ferme de la peine prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an d’emprisonnement, elle doit décider, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur.

L’article 132-26 du Code pénal précise que le condamné placé sous détention à domicile sous surveillance électronique est soumis aux obligations prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 131-4-1 (soit… les obligations de la détention à domicile sous surveillance électronique !). Le condamné admis au bénéfice de la semi-liberté est astreint à rejoindre l’établissement pénitentiaire pendant les périodes déterminées par le juge de l’application des peines. Ces périodes sont notamment déterminées en fonction du temps nécessaire pour que le condamné puisse exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement, un stage, une formation ou un traitement, rechercher un emploi ou participer à la vie de famille ou à tout projet d’insertion ou de réinsertion. Le condamné admis au bénéfice du placement à l’extérieur est astreint, sous le contrôle de l’administration, à effectuer des activités ou à faire l’objet d’une prise en charge sanitaire en dehors de l’établissement pénitentiaire. La détention à domicile sous surveillance électronique, la semi-liberté et le placement à l’extérieur emportent également pour le condamné l’obligation de répondre aux convocations de toute autorité publique désignée par le juge de l’application des peines. La juridiction de jugement peut également soumettre le condamné aux mesures prévues aux articles 132-43 à 132-46.

 

Prononcé de l’emprisonnement. Un nouvel article 464-2 du Code de procédure pénale précise les obligations du tribunal correctionnel, lorsque la durée de l’emprisonnement ferme prononcé, y compris en tenant compte de la révocation de sursis, est inférieure ou égale à un an. Le tribunal doit : soit ordonner que l’emprisonnement sera exécuté sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur, selon des modalités déterminées par le juge de l’application des peines ; soit, s’il ne dispose pas des éléments lui permettant de déterminer la mesure d’aménagement adaptée, ordonner que le condamné soit convoqué devant le juge de l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation conformément aux dispositions de l’article 474, afin que puisse être prononcé un aménagement conformément à l’article 723-15 ; soit, si l’emprisonnement est d’au moins six mois, décerner un mandat de dépôt à effet différé, en ordonnant que le condamné soit convoqué dans un délai qui ne saurait excéder un mois devant le procureur de la République afin que ce dernier fixe la date à laquelle il sera incarcéré dans un établissement pénitentiaire ; le procureur de la République peut également donner connaissance au condamné de la date d’incarcération à l’issue de l’audience. Dans ce cas, il n’est pas fait application des articles 723-15 et suivants ; soit, dans les cas prévus aux articles 397-4, 465 et 465-1, décerner mandat de dépôt ou mandat d’arrêt contre le condamné. En cas de mandat de dépôt ou de mandat d’arrêt, le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, afin de justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis et celles pour lesquelles il considère que cette peine ne peut être aménagée.

Lorsque la durée totale de l’emprisonnement ferme prononcé, y compris en tenant compte le cas échéant de la révocation de sursis, est supérieure à un an, le tribunal correctionnel doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, afin de justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis.

 

Lorsqu’il décerne un mandat de dépôt à effet différé, le tribunal correctionnel peut, dans les cas prévus aux articles 397-4, 465 et 465-1, assortir ce mandat de l’exécution provisoire.

Exigence de motivation. L’article 485-1 nouveau du Code de procédure pénale précise qu’en cas de condamnation, sans préjudice des dispositions prévoyant la motivation spéciale de certaines peines, notamment des peines non aménagées d’emprisonnement ferme, la motivation doit également porter sur le choix de la peine au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du Code pénal, sauf s’il s’agit d’une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l’objet de l’infraction. Les obligations particulières du sursis probatoire n’ont pas à être motivées.

Convocation devant le JAP. Le seuil de deux ans qui oblige à remettre à l’issue de l’audience un avis de convocation à comparaître, dans un délai qui ne saurait excéder trente jours, devant le juge de l'application des peines en vue de déterminer les modalités d'exécution de la peine, est ramené à un an (C. proc. pén., art. 474).

 

 

 

C. Exécution

 

Article 723-15. Il est tenu compte à l’article 723-15 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9858I3I) du mandat de dépôt à effet différé. Il est également précisé que lorsque la peine ferme prononcée ou restant à subir est inférieure ou égale à six mois, elle doit faire l’objet d’une détention à domicile sous surveillance électronique, d’une semi-liberté ou d’un placement à l’extérieur, sauf si la personnalité ou la situation du condamné rendent ces mesures impossibles, sans préjudice de la possibilité de libération conditionnelle ou de conversion, fractionnement ou suspension de la peine.

 

Placement sous surveillance électronique mobile. L’article 131-36-11 du Code pénal (N° Lexbase : L3735HGG) précise que la juridiction ne peut ordonner le placement sous surveillance électronique mobile qu’après avoir fait vérifier la faisabilité technique de la mesure et la disponibilité du dispositif technique devant être utilisé. L’article 131-36-12-1 du Code pénal (N° Lexbase : L7186IM4) étend le champ d’application du placement sous surveillance électronique mobile aux condamnations à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à deux ans pour des violences ou des menaces conjugales (contre cinq ans auparavant).

 

Suivi socio-judiciaire. L’article 763-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9945IQE), relatif à l’expertise médicale ordonnée pour la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire qui n'a pas été soumise à une injonction de soins, est modifié pour prévoir que cette expertise peut être ordonnée à tout moment au cours de l’exécution du suivi socio-judiciaire.

L’article 731-1, alinéa 2 du Code de procédure pénale, permet de soumettre, dans le cadre de la libération conditionnelle, la personne condamnée à une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement (contre sept ans auparavant) pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru peut être placée sous surveillance électronique mobile.

 

Sursis probatoire. La disparition de la contrainte pénale s’accompagne de la création du sursis probatoire, traité dans une sous-section dédiée. Il n’est plus question ni de contrainte pénale ni de sursis avec mise à l’épreuve ou de sursis TIG : le tout est regroupé dans un sursis probatoire qui peut être renforcé. L’article 132-40 du Code pénal prévoit qu’après le prononcé de l’emprisonnement assorti du sursis probatoire, le président de la juridiction notifie au condamné, lorsqu’il est présent, les obligations à respecter durant le délai de probation et l’avertit des conséquences qu’entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction commise au cours de ce délai ou un manquement aux mesures de contrôle et aux obligations particulières qui lui sont imposées.

Un nouvel article 132-41-1 du Code pénal est créé. Lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l’auteur d’un crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement et les faits de l’espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut décider que le sursis probatoire consistera en un suivi renforcé, pluridisciplinaire et évolutif, faisant l’objet d’évaluations régulières par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, afin de prévenir la récidive en favorisant l’insertion ou la réinsertion de la personne au sein de la société. Dans ce cas, le dernier alinéa de l’article 132-41 n’est pas applicable. Si elle dispose d’éléments d’information suffisants sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la juridiction peut alors définir les obligations et interdictions particulières auxquelles celui-ci est astreint. Dans le cas contraire, ces obligations et interdictions sont déterminées par le juge de l’application des peines dans des conditions et selon des modalités précisées par le Code de procédure pénale, après évaluation de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné par le service pénitentiaire d’insertion et de probation.

La liste des obligations de l’article 132-45 (N° Lexbase : L2522LBZ) est modifiée : il est désormais fait référence aux stages de l’article 131-5-1 du Code pénal, au travail d’intérêt général et à l’injonction de soins, à l’obligation de justifier de la remise d’un bien dont la confiscation a été ordonnée, à l’obligation de justifier du paiement régulier des impôts et à l’obligation de justifier de la tenue d’une comptabilité régulière certifiée par un commissaire aux comptes.

L’article 132-52, dernier alinéa, du Code pénal (N° Lexbase : L9854I3D) prévoit que le caractère non avenu de la condamnation ne fait pas obstacle à la prolongation, ou à la révocation totale ou partielle du sursis probatoire.

Un nouvel article 741-2 du Code de procédure pénale est créé. Lorsque le tribunal a fait application de l’article 132-41-1 du Code pénal et a prononcé un sursis probatoire avec un suivi renforcé, le service pénitentiaire d’insertion et de probation évalue, de façon pluridisciplinaire, la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée. A l’issue de cette évaluation, le service adresse au juge de l’application des peines un rapport comportant des propositions relatives au contenu et aux modalités de mise en œuvre des mesures de contrôle et d’assistance, des obligations et des interdictions mentionnées à l’article 132-45 du même code. Au vu de ce rapport, le juge de l’application des peines, lorsqu’il n’a pas été fait application du troisième alinéa de l’article 132-41-1 dudit code, détermine les obligations et interdictions auxquelles est astreint le condamné ainsi que les mesures d’aide dont il bénéficie. S’il a été fait application du même troisième alinéa, le juge de l’application des peines peut modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions décidées par la juridiction ; il détermine les mesures d’aide dont le condamné bénéficie. Le juge statue, au plus tard dans les quatre mois qui suivent le jugement de condamnation, par ordonnance motivée, après réquisitions écrites du procureur de la République et après avoir entendu les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. S’il envisage d’astreindre le condamné à l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général, il statue après que le condamné a été informé de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général et après avoir reçu sa réponse. Il lui notifie cette ordonnance et l’avertit des conséquences qu’entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction commise au cours du délai de probation ou un manquement aux mesures de contrôle et aux obligations particulières qui lui sont imposées. La situation matérielle, familiale et sociale de la personne est réévaluée à chaque fois que nécessaire au cours de l’exécution de la peine, et au moins une fois par an, par le service pénitentiaire d’insertion et de probation et le juge de l’application des peines. Au vu de chaque nouvelle évaluation, le juge de l’application des peines peut, selon les modalités prévues à l’article 712-8 du présent code et après avoir entendu les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat modifier ou compléter les obligations et interdictions auxquelles la personne condamnée est astreinte ou supprimer certaines d’entre elles ; il peut également, s’il estime que la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ne le justifient plus, ordonner la fin du suivi renforcé. Lorsque le tribunal n’a pas fait application de l’article 132-41-1 du Code pénal, le juge de l’application des peines peut, s’il estime que la personnalité du condamné le justifie, décider, à tout moment au cours de l’exécution de la probation, de faire application des cinquième et avant-dernier alinéas du présent article en ordonnant un suivi renforcé.

 

Libération sous contrainte. Procédure créée par la loi du 15 août 2014, à l’efficacité douteuse, la libération sous contrainte est modifiée. Il est prévu que la situation de toute personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à cinq ans est obligatoirement examinée par le juge de l’application des peines afin que soit prononcée une libération sous contrainte lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir. La libération sous contrainte entraîne l’exécution du reliquat de peine sous le régime de la libération conditionnelle, de la détention à domicile sous surveillance électronique, du placement à l’extérieur ou de la semi-liberté. Les conséquences de l’inobservation de ces mesures sont celles prévues au présent code. La libération sous contrainte est décidée par le juge de l’application des peines qui, après avis de la commission d’application des peines, détermine, parmi les mesures prévues au deuxième alinéa, celle qui est la mieux adaptée à la situation du condamné. Le juge de l’application ne peut refuser l’octroi de la libération sous contrainte qu’en constatant, par ordonnance spécialement motivée, qu’il est impossible de mettre en œuvre une de ces mesures au regard des exigences de l’article 707.

Il est précisé que la libération sous contrainte ne sera pas applicable aux condamnés qui auront fait préalablement connaître leur refus (comment ?) ; aux condamnés pour lesquels une requête en aménagement de peine est pendante devant la juridiction de l’application des peines ; dans ce cas, si les conditions d’exécution de la peine prévues au premier alinéa sont remplies, l’aménagement doit être ordonné sauf s’il est impossible à mettre en œuvre au regard des exigences de l’article 707.

 

Placement à l’extérieur. Un nouvel article 723-6-1 du Code de procédure pénale est créé. Il précise que les structures qui accueillent et accompagnent des personnes sous main de justice faisant l’objet d’une mesure de placement à l’extérieur dans les conditions prévues aux articles 723 à 723-2 et 723-4 sont agréées par l’Etat. Une convention peut être conclue entre l’Etat et ces structures pour une durée de trois ans renouvelable. Elle définit la nature du projet de réinsertion proposé par la structure, les conditions d’accueil et d’accompagnement au sein de la structure des personnes mentionnées au premier alinéa, les droits et obligations de ces personnes ainsi que les modalités de financement de la mesure de placement. Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article.

 

FIJAIS. A l’article 706-53-1 (N° Lexbase : L9749HES), alinéa 3, la référence à la contestation de la décision du procureur refusant d’ordonner l’effacement du FIJAIS, effectuée auprès du juge des libertés et de la détention, disparaît au profit de la mention d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction.

 

FNAEG. Un nouvel article 706-54-1 du Code de procédure pénale prévoit que les empreintes génétiques des personnes enregistrées dans le FNAEG peuvent être effacées sur instruction du procureur de la République, agissant à la demande de la personne concernée. A peine d’irrecevabilité, la personne ne peut former sa demande d’effacement qu’à l’issue d’un délai fixé par le décret prévu au dernier alinéa de l’article 706-54. Les empreintes génétiques des personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article 706-54 sont effacées sur instruction du procureur de la République agissant soit d’office, soit à la demande de l’intéressé. L’effacement des empreintes est prononcé lorsque leur conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. Lorsqu’il est saisi par l’intéressé, le procureur de la République informe celui-ci de la suite qui a été réservée à sa demande ; si le procureur de la République n’a pas ordonné l’effacement, l’intéressé peut exercer un recours devant le président de la chambre de l’instruction.

L’article 706-56, III, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7516IGH) prévoit que lorsque les infractions prévues par le présent article sont commises par une personne condamnée, elles entraînent de plein droit le retrait des crédits de réductions de peine dont cette personne a pu bénéficier au titre de la condamnation prononcée pour ces infractions et de la condamnation en vertu de laquelle le prélèvement doit être effectué.

 

Commission d’application des peines. Le nouvel article 712-4-1 du Code de procédure pénale prévoit que, lorsque la loi le prévoit, les décisions en matière d’application des peines sont prises après avis de la commission de l’application des peines présidée par le juge de l’application des peines et composée du procureur de la République, du chef d’établissement pénitentiaire et d’un représentant du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Lorsque la commission donne son avis sur la situation d’un condamné placé sous surveillance électronique ou sous placement extérieur sans surveillance de l’administration pénitentiaire, la présence du chef d’établissement pénitentiaire est facultative. Un décret détermine les modalités de fonctionnement de cette commission, notamment ses règles de quorum ainsi que les cas et modalités selon lesquels elle peut délibérer par voie dématérialisée. Cette possibilité, anodine en apparence, ne favorisera pas la collaboration et la compréhension entre les acteurs de l’application des peines, pourtant primordiale dans la réussite d’un aménagement.

 

Déjuridictionnalisation des permissions de sortir. L’article 723-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5656DY7) prévoit que lorsqu’une première permission de sortir a été accordée à un condamné majeur par le juge de l’application des peines en application de l’article 712-5, les permissions de sortir ultérieures peuvent, sauf décision contraire de ce magistrat, être accordées par le chef d’établissement pénitentiaire, selon des modalités déterminées par décret. En cas de refus d’octroi de la permission de sortir par le chef d’établissement pénitentiaire, celle-ci peut être demandée à nouveau au juge de l’application des peines, qui statue conformément au même article 712-5. Il n’y a donc pas de recours à proprement parler contre le refus du chef d’établissement, sauf à envisager la saisine d’une juridiction administrative après un recours préalable, ce qui ne serait guère cohérent. «Il n’est pas certain, en l’état, que cette déjuridictionnalisation réussisse, soit que les juges d’application des peines souhaitent conserver un droit de regard sur les permissions de sortir, soit que les chefs d’établissements fassent preuve d’une prudence démesurée en les refusant» [58].

 

Libération conditionnelle de l’article 730-2. La référence à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté disparaît.

 

Conversions de peine. Un nouveau chapitre y est consacré. L’article 747-1 du Code de procédure pénale précise qu’en cas de condamnation définitive pour un délit à une peine d’emprisonnement ferme inférieure ou égale à six mois, ou dont la partie ferme est inférieure ou égale à six mois, y compris si cette peine résulte de la révocation d’un sursis, le juge de l’application des peines peut, avant la mise à exécution de l’emprisonnement ou en cours d’exécution de celui-ci, ordonner, d’office ou à la demande du condamné et selon les modalités prévues aux articles 712-6 ou 723-15, la conversion de cette peine en peine de détention à domicile sous surveillance électronique, en peine de travail d’intérêt général, en peine de jours-amende ou en un emprisonnement assorti d’un sursis probatoire renforcé, lorsque cette conversion lui paraît de nature à assurer la réinsertion du condamné et à prévenir sa récidive. Lorsque la peine est convertie en détention à domicile sous surveillance électronique, la durée de celle-ci est égale à celle de la peine d’emprisonnement prononcée ou du reliquat de cette peine. Lorsque la peine est convertie en travail d’intérêt général, la durée de la peine d’emprisonnement prononcée ou son reliquat peut être mis à exécution par le juge en l’absence d’accomplissement du travail par le condamné. La conversion en travail d’intérêt général n’est possible que si, après avoir été informé du droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général, le condamné a expressément déclaré renoncer à se prévaloir de ce droit. Lorsque la peine est convertie en peine de jours-amende, le nombre de jours est égal à celui de la peine d’emprisonnement prononcée ou du reliquat de cette peine. Dès sa saisine, le juge de l’application des peines peut ordonner la suspension de l’exécution de la peine jusqu’à sa décision sur le fond.

Aux termes de l’article 747-1-1, En cas de modification de la situation du condamné depuis la décision de condamnation qui ne permet pas la mise à exécution de la peine prononcée, le juge de l’application des peines peut d’office, à la demande de l’intéressé ou sur réquisitions du procureur de la République ordonner par décision motivée, prise conformément aux dispositions de l’article 712-6 : de convertir la peine de travail d’intérêt général ou la peine de sursis probatoire comportant l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général en une peine de jours-amende ou une peine de détention à domicile sous surveillance électronique ; de convertir une peine de détention à domicile sous surveillance électronique en une peine de travail d’intérêt général ou une peine de jours-amende ; de convertir une peine de jours-amende en une peine de travail d’intérêt général ou une peine de détention à domicile sous surveillance électronique. La conversion en peine de travail d’intérêt général n’est possible que si, après avoir été informé du droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général, le condamné a expressément déclaré renoncer à se prévaloir de ce droit. Dans le cas prévu au 3°, la durée de la détention à domicile sous surveillance électronique ne peut excéder celle qui serait résultée de l’inexécution de la peine de jours-amende, fixée en application de la première phrase du second alinéa de l’article 131-25 du Code pénal. Par dérogation au même second alinéa, la décision de conversion peut également intervenir en cas de défaut total ou partiel du paiement du montant exigible à l’expiration du délai correspondant au nombre de jours-amende prononcé.

Les dispositions relatives à la conversion de la peine de jours-amende de peine de sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (C. proc. pén., art. 747-1-2) ou de la conversion TIG (C. proc. pén., art. 747-2) sont abrogées.

 

Suspension de la peine pour motif médical. L’article 720-1-1 prévoyait que la suspension de peine pour motif médical ne pouvait être ordonnée pour les personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement. Cette impossibilité disparaît (art. 86 de la loi). L’article 729, dernier alinéa, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9863I3P), relatif à la libération conditionnelle des personnes ayant bénéficié d’une suspension de peine pour motif médical est modifié : ces personnes peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle sans condition quant à la durée de la peine accomplie si, à l'issue d'un délai d’un an (trois ans auparavant) après l'octroi de la mesure de suspension, une nouvelle expertise établit que son état de santé physique ou mentale est toujours durablement incompatible avec le maintien en détention et si le condamné justifie d'une prise en charge adaptée à sa situation.

 

 

 

D. Droit pénitentiaire

 

Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. L’article L. 132-5 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9896I3W) prévoit la possibilité pour ce conseil de constituer des groupes de travail sur des questions relatives à l'exécution des peines et à la prévention de la récidive, à la demande des membres du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance [59].

 

Droit de vote des personnes détenues. L’article 87 de la loi prévoit que pour l’application des chapitres Ier, VI et IX de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen (N° Lexbase : L7791AIE), les personnes placées en détention provisoire et les détenus purgeant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale qui sont incarcérés dans un établissement pénitentiaire situé sur le territoire de la République peuvent, à leur demande et s’ils sont inscrits sur une liste électorale, voter par correspondance sous pli fermé à l’élection des représentants au Parlement européen suivant la promulgation de la présente loi, dans des conditions permettant de respecter le caractère secret et personnel du vote, la sincérité du scrutin ainsi que la sécurité et la sûreté des personnes concernées. Il est institué une commission électorale chargée de veiller à la régularité et à la sincérité des opérations de vote par correspondance sous pli fermé. Elle a pour mission d’établir une liste des électeurs admis à voter par correspondance sous pli fermé, qui constitue la liste d’émargement, et de procéder au recensement des votes dans les conditions prévues à l’article 21 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précitée. La liste des électeurs admis à voter par correspondance sous pli fermé n’est pas communicable. Les électeurs admis à voter par correspondance sous pli fermé ne peuvent pas voter à l’urne ni par procuration. Toutefois, lorsque la période de détention prend fin après qu’ils ont été admis à voter par correspondance et au plus tard la veille du jour où ils sont appelés à exprimer leur choix dans l’établissement pénitentiaire, les électeurs peuvent demander auprès du tribunal d’instance l’autorisation de voter à l’urne le jour du scrutin. Le juge du tribunal d’instance statue au plus tard le jour du scrutin. Un pourvoi en cassation peut être formé contre le jugement rendu en application du III dans un délai de dix jours à compter de sa notification. Le pourvoi n’est pas suspensif. Les dépenses résultant de l’organisation des opérations de vote par correspondance sous pli fermé sont à la charge de l’Etat. Le décret en Conseil d’Etat fixant les modalités d’application de ces dispositions a été publié le même jour que la loi. Il s’agit du décret n° 2019-223 du 23 mars 2019 (N° Lexbase : Z620898I) portant application de l'article 87 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice instaurant un vote par correspondance pour les personnes détenues à l'élection des représentants au Parlement européen. Il prévoit la composition de la commission électorale, et toutes les règles relatives au scrutin.

 

Renseignement pénitentiaire. L’article L. 855-1 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L1161LDD), relatif au renseignement pénitentiaire, est complété. La technique de renseignement définie au I de l’article L. 853-1 (sonorisation) ne peut être mise en œuvre, dans le cas prévu au V du même article L. 853‑1 et selon les modalités définies à l’article L. 853-3, qu’à l’encontre des personnes détenues qui présentent un risque particulièrement élevé d’évasion ou dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. Les autres techniques de renseignement mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent être mises en œuvre à l’encontre des personnes qui présentent un risque particulièrement élevé d’évasion ou dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. Aucune des techniques de renseignement mentionnées au même premier alinéa ne peut être mise en œuvre à l’occasion des communications ni des entretiens entre une personne détenue et son avocat. Après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, le Premier ministre arrête le nombre maximal d’autorisations simultanément en vigueur délivrées sur le fondement, d’une part, de l’article L. 852-2, d’autre part, du I de l’article L. 853-1 et, enfin, dans le cas prévu au V du même article L. 853-1, de l’article L. 853-3. Les décisions fixant ces trois contingents ainsi que le nombre d’autorisations délivrées sont portés à la connaissance de la commission.

 

Fouilles des personnes détenues. Etrangement, l’article 92 de la loi qui modifie le régime des fouilles en détention, est placé dans un chapitre intitulé «favoriser la construction d’établissements pénitentiaires»… Comprenne qui pourra. Les règles relatives aux fouilles, prévues à l’article 57 de la loi du 24 novembre 2009, sont modifiées.

Hors les cas où les personnes détenues accèdent à l’établissement sans être restées sous la surveillance constante de l’administration pénitentiaire ou des forces de police ou de gendarmerie, les fouilles intégrales des personnes détenues doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que leur comportement fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. La fouille intégrale peut donc être réalisée sans autre condition au retour d’une permission de sortie. Les fouilles peuvent même être réalisées de façon systématique lorsque les nécessités de l’ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire l’imposent (ce qui reste vague…). Dans ce cas, le chef d’établissement doit prendre une décision pour une durée maximale de trois mois renouvelable après un nouvel examen de la situation de la personne détenue.

 

 

[1] Simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants ; accélérer leur jugement pour qu’il soit statué rapidement sur leur culpabilité ; renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine, notamment pour les mineurs récidivistes ou en état de réitération ; améliorer la prise en compte de leurs victimes.

[2] Ces propos sont ceux tenus lors de la séance, accessible en vidéo sur le site du Sénat http://videos.senat.fr/video.1037044_5c62c64dce564. Ils diffèrent quelque peu de la retranscription écrite du compte-rendu analytique officiel du 12 février 2019 https://www.senat.fr/cra/s20190212/s20190212_4.html#par_669 : «je ne prétends pas réécrire l'ensemble du Code de procédure pénale, car je n'en ai pas le temps. Deux ans n'y auraient pas suffi».

[3] Ne sont pas présentées les dispositions de l’article 90 visant à favoriser la construction d’établissements pénitentiaires.

[4] Le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende.

[5] Peines applicables aux personnes morales.

[6] Le Conseil a en revanche censuré le 2° du V de l’article 33, qui prévoyait que lorsque le jugement est rendu après débats en chambre du conseil, la copie est limitée au dispositif du jugement. Il a estimé qu’en « raison de sa généralité et de son caractère obligatoire, cette restriction apportée par les dispositions contestées n'est pas limitée aux cas où elle serait justifiée, notamment, par la protection du droit au respect de la vie privée » (décision n° 2019-778 DC, 21 mars 2019, n° 107).

[7] Principalement…

[8] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[9] L’article 884 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3907IR7), relatif aux audiences de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge de l'instruction ou du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Mamoudzou, est modifié pour tenir compte des modifications de l’article 706-71.

[10] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[11] En matière d’incidents contentieux, sont compétents le tribunal ou la cour d’appel qui a prononcé la décision. La juridiction compétente est la chambre de l’instruction si la décision a été rendue par la cour d’assises.

[12] Cass. crim., 5 septembre 2018, n° 17-84.402 (N° Lexbase : A3708X3Q) et 19 septembre 2018, n° 18-83.868 (N° Lexbase : A6619X7B) : AJ Pén., 2018, p. 517, J.-B. Thierry ; Lexbase Pénal n° 9, 18 octobre 2018, obs. L. Saenko (N° Lexbase : N5940BXB).

[13] Ces dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard un an après la publication de la loi.

[14] Art. 42. Ces dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard un an après la publication de la loi.

[15] C. proc. pén., art. 512, art. 62 de la loi.

[16] C. proc. pén., art. 371-1 nouveau.

[17] L’article L. 121-6 du Code des assurances est également modifié en ce sens.

[18] Cass. crim., 22 février 2017, no 16-82.412 (N° Lexbase : A6887TNE).

[19] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[20] La même condition de gravité est retenue pour la matière douanière : C. douanes, art. 67 bis-2.

[21] Auparavant, elle était envisageable dans le cadre 1° D'une enquête ou d'une instruction relative à un délit prévu au livre II ou aux articles 434-6 et 434-27 du Code pénal, puni d'un emprisonnement d'au moins trois ans ; 2° D'une enquête ou d'une instruction relative à un crime ou à un délit, à l'exception de ceux mentionnés au 1° du présent article, puni d'un emprisonnement d'au moins cinq ans.

[22] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[23] L’article 28-1, VI, du Code de procédure pénale, relatif à la compétence des agents des douanes procédant à des enquêtes judiciaires, est modifié pour préciser qu’ils ne peuvent recourir à l’enquête sous pseudonyme qu’après avoir été spécialement habilités à cette fin dans les conditions déterminées par le décret pris pour l’application de l’article 67 bis-1 du Code des douanes.

[24] L'utilisation d'un dispositif technique permettant de recueillir les données de connexion d'un équipement terminal, les données relatives à sa localisation, mais également l'interception des correspondances émises ou reçues par cet équipement ; l'utilisation d'un dispositif technique, éventuellement installé dans un lieu privé, ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles dans des lieux privés ou publics, ou l'image des personnes se trouvant dans un lieu privé ; l'utilisation d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu'elles sont stockées dans un système informatique, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données, telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques.

[25] Ces dispositions entreront en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[26] Cass. crim., 11 décembre 2018, no 18-80.872 (N° Lexbase : A6919YQC) : AJ Pénal, 2019, p. 98, J.-B. Thierry.

[27] Ces dispositions entreront en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[28] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[29] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[30] Cette disposition est applicable aux perquisitions et visites domiciliaires intervenues à compter du lendemain de la publication de la loi, soit le 25 mars 2019.

[31] Au lieu de « procès-verbal revêtu d'une signature numérique ou électronique ».

[32] Lorsque la commission rogatoire prescrit des opérations simultanées sur divers points du territoire, elle peut, sur l'ordre du juge d'instruction mandant, être adressée aux juges d'instruction ou officiers de police judiciaire chargés de son exécution sous forme de reproduction ou de copie intégrale de l'original. Elle peut même, en cas d'urgence, être diffusée par tous moyens ; chaque diffusion doit toutefois préciser les mentions essentielles de l'original et spécialement la nature de la mise en examen, le nom et la qualité du magistrat mandant.

[33] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[34] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[35] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[36] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[37] L’abrogation a été reportée au 1er mars 2019.

[38] Le recours d’une décision du procureur de la République s’effectue donc devant un juge du siège, ce qui constitue une juridictionnalisation de cette décision particulière.

[39] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[40] L’article 710, al. 3, du Code de procédure pénale est modifié pour préciser que le tribunal correctionnel peut statuer à juge unique en matière de confusion de peine.

[41] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er septembre 2019.

[42] L’article L. 163-3 du Code monétaire et financier est modifié : les peines encourues diminuent, passant de sept à cinq ans, et de 750 000 à 375 000 euros d’amende.

[43] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[44] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[45] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[46] Cette disposition entrera en vigueur le 1er mars 2019.

[47] Applicable aux procédures dans lesquelles l’appel a été formé postérieurement à l’entrée en vigueur de cette disposition.

[48] On s’en serait douté.

[49] Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er juin 2019.

[50] Applicable aux procédures dans lesquelles l’appel a été formé postérieurement à l’entrée en vigueur de cette disposition.

[51] Cette disposition entrera en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2020.

[52] L’on a évidemment hâte de savoir comment cette concentration va être appréciée…

[53] L’on voit ici la référence expresse à la radicalisation, qui était jusqu’à présent envisagée par des euphémismes.

[54] Signe de l’absence de nouveauté, il est prévu que le Code pénal, le Code de procédure pénale et tous les textes de nature législative, les références au placement sous surveillance électronique sont remplacées par des références à la détention à domicile sous surveillance électronique, sauf lorsqu’il est fait mention du placement sous surveillance électronique mobile (art. 74, X, de la loi).

[55] En Nouvelle-Calédonie, pourront également être habilitées les institutions de droit coutumier dont la liste est fixée par voie réglementaire.

[56] La même possibilité est prévue à l’article 81 du Code de procédure pénale.

[57] Qui est donc une peine et un aménagement de la peine.

[58] J.-B. Thierry, Les dispositions de droit de la peine du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice, Lexbase Pénal, n° 6, 21 juin 2018 (N° Lexbase : N3950BXL).

[59] Même chose pour l’article L. 132-13 s’agissant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

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