Le Quotidien du 25 décembre 2018

Le Quotidien

Licenciement

[Brèves] Plafonnement de l’indemnisation des licenciements abusifs : la première brèche…

Réf. : CPH Troyes, 13 décembre 2018, n° 18/00036 (N° Lexbase : A6691YQU)

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par Blanche Chaumet

Le 19 Décembre 2018

► Sont contraires à la Charte sociale européenne et à la Convention n° 158 de l’OIT les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1442LKM) qui introduisent un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales qui ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi. 

 

Telle est la position dégagée pour la première fois par le conseil de prud’hommes de Troyes dans un jugement rendu le 13 décembre 2018 (CPH Troyes, 13 décembre 2018, n° 18/00036 N° Lexbase : A6691YQU ; à lire dans la revue Lexbase, éd. soc., n° 767 du 10 janvier 2018  : le commentaire du jugement par S. Tournaux ; voir, a contrario, CPH Le Mans, 26 septembre 2018, n° 17-00538 N° Lexbase : A3840YGC).

 

En l’espèce, un salarié a été embauché en contrat à durée indéterminée en date du 3 mars 2015 en qualité de chargé de développement par une société. Ce dernier a reçu le 1er février 2018 une convocation à un préalable en vue d’un licenciement pour motif économique. S’estimant non rempli de ses droits, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 12 février 2018 afin de voir, notamment, prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Il se voit notifier son licenciement pour motif économique le 28 février 2018. Au soutien de ses prétentions, le salarié fait notamment valoir que les barèmes introduits par la réforme du Code du travail sont contraires à la Convention 158 de l’OIT.

 

En énonçant la règle susvisée, le conseil de prud’hommes prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et juge les barèmes prévus à l’article L. 1235-3 du Code du travail contraires à la Charte sociale européenne et à la Convention n° 158 de l’OIT.

 

Conséquence pratique. Par conséquent, le salarié obtient l’équivalent de neuf mois de salaire à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu’il avait une ancienneté d’un peu moins de trois ans. Avec le barème «Macron», son indemnité aurait été plafonnée à trois mois et demi de salaire.

 

Pour rappel/contextualisation. L'article 10 de Convention n° 158 de l'OIT, sur le licenciement, ratifié par la France le 16 mars 1989, stipule que si les tribunaux «arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationale, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible, dans les circonstances, d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée».

 

L'article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999 stipule «en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s'engagent à reconnaître [...] le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée».

 

Le Conseil d'Etat a jugé que les dispositions de l'article 24 de la Charte Sociale Européenne sont directement invocables devant lui.

 

Le Comité Européen des Droits Sociaux, organe en charge de l'interprétation de la Charte, s'est prononcé sur le sens devant être donné à l'indemnité adéquate et à la réparation appropriée dans sa décision du Comité du 8 septembre 2016. Le Comité a ainsi jugé que la loi finlandaise qui fixait un plafond de 24 mois d'indemnisation était contraire à la Charte :«[...] dans certains cas de licenciement abusif, l'octroi d'une indemnisation à hauteur de 24 mois prévue par la loi relative au contrat de travail peut ne pas suffire pour compenser les pertes et le préjudice subis [...]. Le Comité considère que le plafonnement de l'indemnisation prévue par la loi relative au contrat de travail peut laisser subsister des situations dans lesquelles l'indemnisation accordée ne couvre pas le préjudice subi».

 

Le Conseil d'Etat a reconnu que la Charte sociale revêtait le caractère d'un traité international et la Cour de Cassation a reconnu son applicabilité directe.

 

L'article L. 1235-3 du Code du travail dispose que «si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, [...] le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau». Le barème est fixé en fonction de l’ancienneté et de la taille de l'entreprise et peut aller jusqu'à maximum 20 mois.

 

C’est dans ce contexte que le Conseil de prud’homme rend son jugement, ouvrant ainsi pour la première fois la voie de la résistance aux juges contre la réforme «Macron» instaurant un plafonnement des dommages et intérêts alloués au salarié licencié sans motif réel ni sérieux.

 

Pour aller plus loin. Le conseil de prud’hommes de Troyes est le premier jugement à déclarer inconventionnels les barèmes prévus à l’article L. 1235-3 du Code du travail, le conseil de prud’hommes du Mans ayant récemment estimé, pour sa part, que la barémisation était conforme à l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT.

 

Cette réforme a été vivement critiquée, et certains ont pu avancer que cette indemnisation plafonnée conduisait à ne pas couvrir l’intégralité des préjudices subis et à laisser une infraction insuffisamment sanctionnée puisque l’employeur qui viole la loi et les droits du salarié, peut ainsi budgéter à l’avance le prix de sa faute et n’en assumer qu’une faible part des conséquences.

 

Ces premiers jugements démontrent les diverses appréciations qui peuvent être faite de ces textes, il s’agira donc d’attendre la position de la Cour de cassation (sur L'indemnisation depuis les ordonnances «Macron» du 22 septembre 2017, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E4685EXS).

 

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Responsabilité

[Brèves] Action en dénigrement versus droit de libre critique : obligation pour l’éditeur de presse de procéder à la vérification des faits portés à la connaissance du public

Réf. : Cass. civ. 1, 12 décembre 2018, n° 17-31.758, FS-P+B (N° Lexbase : A6944YQA)

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N6938BXA

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par June Perot

Le 19 Décembre 2018

► Même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la publication, par l'une, de propos de nature à jeter le discrédit sur un produit fabriqué ou commercialisé par l'autre, peut constituer un acte de dénigrement, sans que la caractérisation d'une telle faute exige la constatation d'un élément intentionnel ;

 

cependant, lorsque les appréciations portées sur un produit concernent un sujet d'intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, leur divulgation relève du droit à la liberté d'expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve qu'elles soient exprimées avec une certaine mesure ;

 

en revanche, l'éditeur de presse, tenu de fournir des informations fiables et précises, doit procéder à la vérification des faits qu'il porte lui-même à la connaissance du public ; à défaut, la diffusion d'une information inexacte et dénigrante sur un produit est de nature à engager sa responsabilité.

 

Telle est la solution de principe énoncée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 décembre 2018 (Cass. civ. 1, 12 décembre 2018, n° 17-31.758, FS-P+B N° Lexbase : A6944YQA, à rapprocher de : Cass. civ. 1, 5 juillet 2006, n° 05-16.614, F-P+B N° Lexbase : A3809DQ7).

 

Dans cette affaire, une société d’édition avait publié dans un numéro de périodique, un article relatant le déroulement d’une dégustation publique de vins millésimés. Soutenant qu’en sa première phrase, l’article affirmait faussement que, lors d'une dégustation, un domaine viticole l'aurait emporté sept fois contre un concurrent, et reprochant à la société éditrice de ne pas avoir procédé à la vérification de cette information, la société propriétaire du second domaine, l'a assignée en dénigrement pour obtenir l'indemnisation de son préjudice, ainsi que la publication de la décision à intervenir.

 

Pour rejeter les demandes de la société, après avoir relevé que les propos contenus dans l'article litigieux étaient de nature à porter atteinte à la réputation du vin concerné, l'arrêt a retenu que la société éditrice n'avait aucun devoir de vérification de la qualité ni même de l'exactitude de la chronique tenue par un critique œnologue reconnu dans le milieu averti des lecteurs de cette revue spécialisée et que l'éditeur n'avait pas connaissance de l'erreur matérielle résultant de l'inversion de notes attribuées aux bouteilles de la dégustation.

 

L’arrêt est censuré par la Haute juridiction qui considère qu’en statuant ainsi, alors que si les appréciations du critique, au demeurant non incriminées, ne faisaient qu'exprimer son opinion et relevaient, par suite, du droit de libre critique, il incombait à la société éditrice, en sa qualité d'éditeur de presse, de procéder à la vérification des éléments factuels qu'elle portait elle-même à la connaissance du public et qui avaient un caractère dénigrant (cf. l’Ouvrage «Responsabilité civile», L'exception : les cas limites dans lesquels la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la responsabilité délictuelle N° Lexbase : E4090EY7).

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