Réf. : CE Sect., 3 décembre 2018, n° 409667, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9464YNT)
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par Yann Le Foll
Le 12 Décembre 2018
► Il résulte des dispositions de l'article L. 3131-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2601KGG) que la formalité de publicité qui conditionne l'entrée en vigueur d'un acte réglementaire pris par une autorité départementale peut être soit la publication, soit l'affichage, l'affichage d'un tel acte à l'hôtel du département ne suffisant pas à faire courir le délai de recours contentieux contre cet acte ;
► Sont, en revanche, de nature à faire courir ce délai soit la publication de l'acte au recueil des actes administratifs du département, dans les conditions prévues aux articles L. 3131-3 (N° Lexbase : L2590KGZ) et R. 3131-1 du même code (N° Lexbase : L1297KZ3), soit sa publication, en complément de l'affichage à l'hôtel du département, dans son intégralité sous forme électronique sur le site internet du département, dans des conditions garantissant sa fiabilité et sa date de publication.
Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 3 décembre 2018 (CE Sect., 3 décembre 2018, n° 409667, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9464YNT).
Il résulte du principe précité qu’en se fondant, pour rejeter comme tardive la demande de l’association requérante tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, qui présente un caractère réglementaire, sur la date à laquelle il a été affiché à l'hôtel du département, la cour administrative d'appel (CAA Nantes, 3ème ch., 10 février 2017, n° 15NT01339 N° Lexbase : A2935TPE) a commis une erreur de droit.
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Réf. : Cass. com., 5 décembre 2018, n° 17-22.658, F-P+B+I (N° Lexbase : A1359YPZ)
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N6733BXN
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par Gözde Lalloz
Le 12 Décembre 2018
► Le juge des référés est seul compétent pour ordonner, en application de l'article L. 131-35, alinéa 4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4089IAP), la mainlevée d'une opposition au paiement d'un chèque. Telle est la décision de la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt daté du 5 décembre 2018 (Cass. com., 5 décembre 2018, n° 17-22.658, F-P+B+I N° Lexbase : A1359YPZ).
En l’espèce, le tribunal de grande instance de Douai (TGI Douai, 11 mai 2017) avait été saisi de la mainlevée d’une opposition au paiement d’un chèque. Ce dernier s’est déclaré incompétent au profit du juge des référés.
Cette compétence exclusive est également confirmée par la Cour de cassation qui énonce donc que le juge des référés est seul compétent pour ordonner, en application de l'article L. 131-35, alinéa 4, du Code monétaire et financier, la mainlevée d'une opposition au paiement d'un chèque (cf. l’Ouvrage «Droit bancaire» N° Lexbase : E9247AE9).
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Réf. : Cass. civ. 3, 29 novembre 2018, n° 17-27.798, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9307YNZ)
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N6762BXQ
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par Bastien Brignon, Maître de conférences - HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et de l'Institut de droit des affaires (IDA), Directeur du Master professionnel Ingénierie des sociétés
Le 12 Décembre 2018
Loyers binaires / Loyers intégralement calqués sur le chiffre d’affaires du preneur / Montant du loyer de base / Recours au juge des loyers / Fixation à la valeur locative (oui) / Prévision contractuelle
1. Avec cet arrêt de premier ordre rendu le 29 novembre 2018 [1], diffusé sur tous les supports de communication de la Cour de cassation, hormis son Rapport annuel, la Haute juridiction ajoute une pierre de plus à la construction de sa jurisprudence relative à l’application de la valeur locative à titre de minimum garanti aux loyers fixés par des clauses recettes.
2. Ces clauses calquent le loyer sur le chiffre d’affaires du preneur. En l’occurrence, tel était bien le cas : le 3 mars 1999, avait été consenti un bail commercial stipulant un «loyer annuel hors taxes dont le montant sera égal à 7 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués». La conséquence qui en résulte, en principe, est que les règles sur la fixation du loyer commercial ne s’appliquent pas conformément à l'arrêt dit du «Théâtre Saint-Georges» du 10 mars 1993 et à sa jurisprudence subséquente, qui avaient admis l'existence de baux commerciaux dont la spécificité, en raison d'un loyer variable ou financier, excluait toute possibilité de fixation judiciaire du loyer en révision, comme en renouvellement [2].
3. Afin de contrer cette jurisprudence, et malgré la résistance de certains juges du fond [3], les rédacteurs des baux à loyers binaires ont introduit des clauses permettant, à l'occasion du renouvellement du bail et en cas de désaccord des parties sur le montant du loyer de base, de faire fixer le montant de celui-ci à la valeur locative. Leur argument était de se prévaloir de ce que le mode de fixation du loyer en renouvellement ne relevait pas de l'ordre public, l’article L. 145-34 du Code de commerce (N° Lexbase : L5035I3U) ne figurant pas en effet au titre des dispositions d’ordre public énoncées à l’article L. 145-15 du même code (N° Lexbase : L5032I3R).
4. C’est précisément ce que prévoyait le bail en l’espèce : le loyer de 7 % du chiffre d’affaires du preneur ne pouvait, en toute hypothèse, être inférieur à une certaine somme : à l’occasion de chacun des renouvellements successifs du bail, le loyer minimum garanti serait fixé à la valeur locative, appréciée au jour d’effet du bail renouvelé, les parties au surplus -et c’est important- soumettant «volontairement la procédure et les modalités de fixation de cette valeur locative aux dispositions des articles 23 à 23-9 (N° Lexbase : L3435AHP) et 29 (N° Lexbase : L4553E9I) à 31 du décret du 30 septembre 1953», et attribuant «compétence au juge des loyers du tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble».
5. Toutefois, jusqu’à un très net revirement de jurisprudence, pareille clause divisait tant la doctrine [4] que les juges du fond si bien que l’on pouvait s’interroger sur la validité d’un tel mécanisme. Mais, par deux arrêts très importants du 3 novembre 2016, la Cour de cassation est venue indiquer qu’il était tout à fait possible, pour des loyers binaires, de prévoir le retour à la valeur locative au titre de loyer minimum garantie. La formule employée par la Cour de cassation a été la suivante : «la stipulation selon laquelle le loyer d'un bail commercial est composé d'un loyer minimum et d'un loyer calculé sur la base du chiffre d'affaires du preneur n'interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative ; le juge statue alors selon les critères de l'article L. 145-33 du Code de commerce (N° Lexbase : L5761AI9), notamment au regard de l'obligation contractuelle du preneur de verser en sus du minimum garanti, une part variable en appréciant l'abattement qui en découle» [5].
6. Sur ce fondement, la Cour de cassation a ainsi pu casser, pour violation des dispositions de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK), ensemble l'article L. 145-33 du Code de commerce, l'arrêt d’appel qui pour rejeter la demande de fixation du loyer de base par le juge des loyers commerciaux, retient que l'existence d'une clause de loyer binaire induit une incompatibilité avec les règles statutaires relatives à la fixation du loyer puisque celui-ci, dans un tel bail, n'est pas fixé selon les critères définis à l'article L. 145-33 que le juge des loyers commerciaux a l'obligation d'appliquer, mais peut prendre en considération des éléments étrangers à cette énumération, tel qu'un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé par le preneur, que l'accord des parties et la liberté contractuelle dont il est l'expression ne permet pas d'écarter cette incompatibilité, que, si les parties peuvent librement stipuler s'agissant du loyer initial et peuvent, d'un commun accord, fixer par avance les conditions de fixation du loyer du bail renouvelé, elles ne peuvent que stipuler sur les droits dont elles ont la disposition, qu'en l'espèce, dans le débat judiciaire qui s'ouvre en raison du désaccord des parties, les dispositions de l'article L. 145-33 s'imposent au juge des loyers commerciaux qui ne sauraient fixer par application d'autres critères que ceux que la loi lui prescrit le loyer du bail renouvelé qui ne peut en aucun cas excéder la valeur locative.
7. Les parties sont donc désormais libres de prévoir, en cas de désaccord sur le loyer au moment du renouvellement, et en cas de clauses recettes, le recours au juge des loyers qui devra statuer au regard de la valeur locative qui constituera, pour le bailleur, le loyer minimum garanti.
8. Mais jusqu’où la liberté contractuelle des parties peut-elle aller ? La solution précitée est-elle par exemple applicable aux loyers intégralement calqués sur le chiffre d’affaires du preneur ?
9. Par la décision commentée, la Cour de cassation répond par l’affirmative. Elle casse ainsi l’arrêt des juges du fond [6] ayant rejeté la demande du bailleur de voir fixer un loyer annuel minimum de 200 800 euros hors taxes et charges et ayant annulé la clause du bail. Selon eux, la clause tentait de réintroduire la procédure et les modalités de fixation du montant du loyer, telles que prévues au statut des baux commerciaux, pour une partie seulement de ce loyer. Or, si les parties, estimaient-ils, avaient la libre disposition de définir les règles de fixation du loyer de renouvellement, elles n’avaient pas, en revanche, celle d’attribuer au juge une compétence qu’il ne tire que de la loi et de lui imposer d’appliquer la loi dans les conditions qu’elles-mêmes définissent. Toujours selon les juges du fond, le renvoi contenu dans l’alinéa litigieux aux textes depuis lors codifiés aux articles L. 145-33 et suivants et R. 145-2 (N° Lexbase : L0040HZI) et suivants du Code de commerce, confiait au juge des loyers commerciaux l’office de fixer le plancher du loyer à la valeur locative, laquelle, selon l’article L. 145-33 du Code de commerce, ne pouvait s’envisager que comme étant un plafond de loyer et, ainsi, lui donnait mission de s’opposer à l’application de la loi, opposition dans laquelle la liberté contractuelle trouvait sa limite.
10. Tout à l’inverse, la Cour de cassation estime, au visa de l’ancien article 1134 du Code civil [7] et de l’article L. 145-33 du Code de commerce, que «la stipulation selon laquelle le loyer d’un bail commercial est calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur, sans pouvoir être inférieur à un minimum équivalent à la valeur locative des lieux loués, n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour évaluer, lors du renouvellement, la valeur locative déterminant le minimum garanti».
11. Cette solution n’était pas imprévisible. En effet, un arrêt du fond, postérieur aux arrêts du 3 novembre 2016, a jugé dans la même affaire, d'une part, que la stipulation d'un loyer binaire n'interdit pas aux parties de prévoir, ou non, le recours au juge des loyers commerciaux en cas de désaccord pour fixer lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative et, si elles le prévoient, elles ne font qu'user du droit d'accès au juge qui ne peut leur être refusé, le juge ne tenant pas, dans ce cas, ses pouvoirs du contrat mais toujours de la loi. D'autre part, selon cet arrêt, dès lors qu'il est saisi d'une demande de fixation du loyer du bail renouvelé, le juge doit le fixer à la valeur locative, qui, à défaut d'accord des parties, doit correspondre aux critères énumérés par l'article L. 145-33 du Code de commerce [8].
12. On pouvait néanmoins se demander si elle était applicable, au-delà des loyers binaires, aux loyers intégralement fixés en fonction des recettes du preneur. La réponse aujourd’hui est clairement que oui. Que faut-il en déduire ? Plusieurs conséquences importantes en pratique. D’abord, sur le terrain de la liberté contractuelle des parties, on voit que celle-ci est très forte. Outre le fait que la jurisprudence du «Théâtre Saint Georges» paraît définitivement abandonnée, et alors que le bail commercial est souvent considéré comme un contrat qui échappe aux parties du fait de son caractère impératif, en définitive le juge accepte de laisser aux parties une impressionnante marge de manœuvre. Sans aller jusqu’à parler d’imperium des cocontractants [9], il faut bien avouer ici que les parties disposent d’un très grand pouvoir d’aménagements contractuels. Pour autant, aussi forte soit-elle, la liberté contractuelle n’est pas absolue dans la mesure où elle doit être organisée et le contenu du contrat strictement précisé. En effet, et depuis le revirement de 2016 la position des juges est sans ambages, encore faut-il que le recours au juge des loyers soit expressément prévu par le contrat. La formule employée par les juges «lorsque le contrat le prévoit» est d’une limpidité remarquable.
13. Il semble même que le contrat doit prévoir l’application de la valeur locative. Autrement dit, le recours au juge des loyers commerciaux doit s’accompagner, selon les termes mêmes du contrat de bail commercial, de l’application par ce dernier de la valeur locative.
14. Ensuite et surtout, la question -absolument pas nouvelle- est finalement celle du caractère d’ordre public ou pas de l’article L. 145-33 du Code de commerce. Pour rappel, le principe en matière de loyer commercial n'est pas le plafonnement mais il est celui du déplafonnement, en ce sens qu'un tel loyer doit toujours correspondre à la valeur locative, qu'il s'agisse d'une révision ou d'un renouvellement. Cela étant, on sait bien que la règle posée à l'article L. 145-33 du Code de commerce n'est pas d'ordre public [10]. L'absence de référence à ce texte dans l'article L. 145-15 du Code de commerce et son exclusion, par l'article L. 145-38 du même code (N° Lexbase : L5034I3T), en matière de révision, sauf exception, confirment son absence de caractère impératif. En effet, depuis la loi «MURCEF» de 2001 (loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 N° Lexbase : L0256AWE), qui a mis fin à la jurisprudence dite «Privilèges» selon laquelle le prix du bail révisé ne pouvait, en aucun cas, excéder la valeur locative [11], il n'est plus fait référence à la valeur locative, sauf si la preuve est rapportée d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative [12].
15. Or, l’arrêt du 29 novembre 2018, semble initier un mouvement vers une possible reconnaissance, dans un futur proche, du caractère impératif de l’article L. 145-33 du Code de commerce et de sa valeur locative. Les conséquences, sur le loyer de renouvellement, pourraient même rejaillir sur la révision du loyer en cours de bail. On suivra donc avec une vigilance accrue les prochaines jurisprudences à venir de la Cour de cassation sur ce sujet essentiel des baux commerciaux.
[1] J. Prigent, Lexbase, éd. aff., 2018, n° 575 (N° Lexbase : N6698BXD).
[2] Cass. civ. 3, 10 mars 1993, n° 91-13.418, publié (N° Lexbase : A5622ABT) ; D., 1994, p. 47, obs. L. Rozès ; AJDI, 1993, p. 710, obs. B. Boussageon ; RDI, 1993, p. 276, obs. G. Brière de l'Isle et J. Derruppé ; ibid., 1994, p. 511, obs. G. Brière de l'Isle et J. Derruppé ; RTDCom., 1993, p. 638, obs. M. Pédamon. La Cour de cassation casse, pour violation de l'article 1134 -ancien- du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), l'arrêt qui, pour fixer, par référence aux usages de la profession, le montant du loyer minimum afférent au bail renouvelé de locaux à usage commercial consenti à un théâtre et stipulant un loyer constitué par un pourcentage sur le montant des recettes nettes et un loyer minimum, quelles que soient les recettes du théâtre, retient que les parties reconnaissent le caractère monovalent de l'utilisation des locaux et que si, dans un but de nouvelle expansion du théâtre à laquelle le bailleur est nécessairement associé, des conditions inférieures à la norme ont été prévues, il n'est plus justifié de perpétuer une telle situation qui privilégie les preneurs, alors que la fixation du loyer renouvelé d'un tel bail échappe aux dispositions du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 (N° Lexbase : L9107AGE) et n'est régie que par la convention des parties.
[3] CA Limoges, 4 sept. 2014, n° 13/00095 (N° Lexbase : A9960MUG), AJDI, 2015, p. 514, obs. P. Chatellard ; ibid., 2016. p. 403, étude F. Planckeel ; CA Aix-en-Provence, 19 février 2015, n° 13/11349 (N° Lexbase : A6170NB7), AJDI 2015, p. 514, obs. P. Chatellard ; ibid. 2016, p. 403, étude F. Planckeel ; RTDCom. 2015, p. 235, obs. J. Monéger ; CA Aix-en-Provence, 19 février 2015, n° 13/11353 (N° Lexbase : A6184NBN).
[4] V. not. J.-D. Barbier in Administrer, novembre 2014, p. 28.
[5] Cass. civ. 3, 3 novembre 2016, n° 15-16.826, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4695SCU) et n° 15-16.827, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4696SCW) ; Loyers et copr., 2016, comm. 253, note Ph.-H. Brault ; AJDI, 2017, p. 36, obs. F. Planckeel ; Administrer, novembre 2016, p. 36, obs. J.-D. Barbier ; D., 2017, p. 1572, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; Dalloz actualité, 9 novembre 2016, note Y. Rouquet ; J.-P. Dumur, Lexbase, éd. aff., 2016, n° 488 ([LXB=]) ; JCP éd. E, 2016, 1655, nosobs. J.-P. Blatter, Etude consacrée à l'évolution de la jurisprudence en 2016 au titre des loyers dits «binaires», AJDI, 2017, p. 901 ; F. Planckeel, Le maintien conventionnel du loyer binaire dans le giron du statut des baux commerciaux, AJDI, 2016, p. 403.
[6] CA Versailles, 19 septembre 2017, n° 16/03805 (N° Lexbase : A2783WTA).
[7] La solution reste valable postérieurement au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 (cf. ordonnance n° 2016-131, 10 février 2016 ; JCP éd. E, 2016, act. 151, D. Mainguy ; JCP éd. E, 2016,1283, B. Dondero), ainsi que postérieurement au 1er octobre 2018, le texte étant désormais celui de l’article 1103 du nouveau «nouveau» Code civil (N° Lexbase : L0822KZH).
[8] CA Lyon, 3e ch., sect. A, 28 juin 2018, n° 16/09607 (N° Lexbase : A2064XUY) ; Loyers et copr., septembre 2018, comm. 200, note Ph.-H. Brault ; J.-P. Dumur, Loyers binaires et compétence du juge - Le chemin de croix en douze stations : la rédemption viendra-t-elle de Lyon ou de Créteil ?, Lexbase, éd. aff., 2018, n° 563 (N° Lexbase : N5308BXU).
[9] Terme emprunté au titre de la thèse du Professeur Marie Lamoureux : M. Lamoureux, L'aménagement des pouvoirs du juge par les contractants : recherche sur un possible imperium des contractants, ss. Dir. J. Mestre, thèse, Aix-Marseille, 2006.
[10] CA Versailles, 17 février 2015, n° 14/00005 (N° Lexbase : A5192NBW), RTDCom., 2015, p. 235, obs. J. Monéger ; JCP éd. E, 2015, 1350, n° 19, obs. J. Monéger : la question de la constitutionnalité de l'article L. 145-33, tel qu'interprété par la Cour de cassation qui lui donne un caractère supplétif de volonté, ne présente pas un caractère sérieux dès lors que la fixation du montant des loyers des baux renouvelés ou révisés selon les clauses du contrat de bail n'implique nécessairement pour le bailleur, ni la perception d'un loyer de renouvellement inférieur à la valeur locative, ni l'obligation, s'il refuse le renouvellement, de verser une indemnité d'éviction supérieure à la valeur des locaux loués, ni qu'il ne puisse pas faire face aux charges de l'immeuble, ni enfin qu'il subisse une diminution de la valeur vénale de l'immeuble. Ces éventuels effets proviennent des stipulations du bail et non de la teneur de l'article L. 145-33, pas plus que de l'interprétation qu'en fait la jurisprudence en ne lui reconnaissant pas de caractère d'ordre public.
[11] Cass. civ. 3, 24 janv. 1996, n° 93-20.842, publié (N° Lexbase : A9472ABG), Bull. civ. III, n° 24 ; Gaz. Pal., 1996, 2, p. 258, note J.-D. Barbier ; JCP éd. E, 1996, II, 821, note F. Auque ; JCP éd. G, 1998, II, 10008, note B. Boccara.
[12] C. com., art. L. 145-38, al. 3 (N° Lexbase : L5034I3T). D. Lipman-W. Boccara, Révision triennale en l'absence de modifications des facteurs locaux de commercialité, AJDI 2014, p. 520. ; A. Rabagny-Lagoa, Facteurs locaux de commercialité et révision triennale du loyer commercial, LPA, 6 mars 2014, p. 5.
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Réf. : Cass. com., 5 décembre 2018, n° 17-25.664, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1360YP3)
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par Vincent Téchené
Le 12 Décembre 2018
► Un jugement qui adopte le plan de cession partielle des actifs d’un débiteur fait obstacle à l’extension à un tiers, pour confusion des patrimoines, de la procédure collective de ce débiteur. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 décembre 2018 (Cass. com., 5 décembre 2018, n° 17-25.664, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1360YP3)
En l’espèce, une société commerciale détenait des parts dans trois sociétés civiles immobilières, qui avaient pour autres associés, les associés de la première. Le 4 août 2015, la société commerciale (la débitrice) a été mise en redressement judiciaire, puis par un jugement du 8 octobre 2015, devenu irrévocable, le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession partielle d’actifs de la société débitrice et converti la procédure en liquidation judiciaire. Le 29 février 2016, le liquidateur a assigné les SCI, ainsi que les contrôleurs, afin que la liquidation judiciaire de la débitrice soit étendue auxdites SCI, pour confusion de leurs patrimoines.
Le liquidateur a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Lyon, 6 juillet 2017, n° 17/02066 N° Lexbase : A3115WMC) qui a déclaré irrecevable son action en extension de la procédure de liquidation judiciaire à l’égard des trois SCI. Il soutenait que l’adoption d’un plan de cession partielle de l’entreprise ne fait pas obstacle à l’extension de la procédure collective du débiteur à un tiers, pour confusion des patrimoines ; ainsi, en jugeant le contraire, au motif que l’action en extension a été engagée après l’intervention d’un jugement orientant la procédure collective, à l’issue de la période d’observation, vers une solution ouverte par le Code de commerce, la cour d’appel aurait violé les articles L. 621-2 (N° Lexbase : L7280IZN) et L. 631-7 (N° Lexbase : L3100I4L) du Code de commerce.
Mais, énonçant la solution, la Cour de cassation rejette le pourvoi : en effet, ayant constaté que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la débitrice, un jugement irrévocable avait adopté un plan de cession partielle des actifs de la débitrice et mis celle-ci en liquidation judiciaire, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la procédure collective ne pouvait plus être étendue aux SCI en raison de la confusion alléguée de leurs patrimoines (rapp. sur le fait que l’adoption d’un plan de cession totale fait obstacle à l'extension de la procédure collective, Cass. com., 27 septembre 2017, n° 16-16.670, F-P+B+I N° Lexbase : A1402WT4 ; cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E8680ETN).
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Réf. : Cass. com., 5 décembre 2018, n° 17-15.973, F-P+B+I (N° Lexbase : A1357YPX)
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N6738BXT
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par Vincent Téchené
Le 07 Décembre 2018
► Dès lors que la procédure préliminaire de la revendication d’un bien devant l’administrateur ou, à défaut, devant le débiteur, ou le liquidateur, prévue par les articles R. 624-13 (N° Lexbase : L0913HZT) et R. 641-31 (N° Lexbase : L6313I39) du Code de commerce, qui constitue un préalable obligatoire à la saisine du juge-commissaire, a été suivie, le revendiquant est recevable à saisir ce juge d’une demande de revendication du prix de ce bien. Ainsi, la demande de revendication de biens vendus avec réserve de propriété ou de leur prix de revente formée par un créancier devant le juge-commissaire est recevable dès lors que le créancier, en respectant les délais prévus par la loi, a, au préalable, adressé au liquidateur une demande de revendication des biens, lequel n’y a pas acquiescé. Tel est l’apport d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 décembre 2018 (Cass. com., 5 décembre 2018, n° 17-15.973, F-P+B+I N° Lexbase : A1357YPX).
A la suite du prononcé de la liquidation d’un débiteur, un vendeur impayé (le créancier), se prévalant d’une clause de réserve de propriété a revendiqué des marchandises auprès du liquidateur. Aucune réponse n’ayant été apportée à sa demande dans le délai d’un mois, le créancier a saisi le juge-commissaire d’une requête en revendication portant à la fois sur les biens existant en nature au jour du jugement d’ouverture et sur leur prix de revente. Le liquidateur a alors acquiescé à la revendication de six cartons de marchandises qui n’avaient pas été revendus, représentant une valeur de 1 251,18 euros. Le tribunal, statuant sur un recours formé contre l’ordonnance du juge-commissaire, a autorisé le créancier à reprendre les six cartons et les marchandises trouvées dans les locaux ainsi qu’à exercer sa revendication sur le prix des marchandises vendues par le commissaire-priseur, mais a déclaré irrecevable la revendication sur le prix des marchandises revendues avant l’ouverture de la liquidation judiciaire pour la somme de 106 235 euros. L’arrêt d’appel (CA Amiens, 26 janvier 2017, n° 15/05885 N° Lexbase : A2431TAB) a infirmé le jugement, sauf en ce qu’il a autorisé le créancier à reprendre les marchandises en nature pour un montant de 1 251,18 euros, et a déclaré recevable la revendication du prix de revente du reste des marchandises.
Le liquidateur a alors formé un pourvoi en cassation que la Cour de cassation rejette.
Il était d’abord reproché à l’arrêt d’appel d’avoir confirmé la reprise des marchandises en nature et déclaré recevable la revendication du prix de revente du reste des marchandises.
Sur ce point, énonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette le premier moyen : la société créancière avait adressé au liquidateur sa demande de revendication des biens le 4 novembre 2014, puis, à défaut d’acquiescement de celui-ci, avait saisi le juge-commissaire, le 16 décembre 2014, d’une demande de revendication des biens en nature ou de leur prix de revente, de sorte que l’arrêt d’appel a retenu exactement que la fin de non-recevoir opposée par le liquidateur à la revendication du prix de revente des marchandises devait être rejetée.
Le liquidateur reprochait ensuite à l’arrêt d’appel d’avoir retenu que la revendication du prix de revente du reste des marchandises était bien fondée et que le liquidateur devait verser à la société la somme de 106 235 euros au titre de la revendication du prix de vente des marchandises revendues par la débitrice, par priorité à toute autre créance.
Sur ce point, qui retiendra moins l’attention mais qu’il convient de signaler, l’arrêt d’appel est également approuvé par les Hauts magistrats. Ils relèvent que, interrogé sur l’état de revente des marchandises par la créancière, qui n’avait aucun accès à la comptabilité de la débitrice, le liquidateur ne dément pas n’avoir pas répondu, et que, se bornant à soutenir que la charge de la preuve de la date du paiement reposait sur le revendiquant et que la liquidation judiciaire ayant été immédiate avec cessation d’activité, elle ne pouvait parfaire la vente postérieurement à la liquidation, il ne conteste pas l’existence d’un paiement des marchandises postérieurement au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire ni la période de sa survenance. Ainsi, ayant ainsi souverainement apprécié, sans inverser la charge de la preuve, ni se fonder sur le seul silence du liquidateur, que la preuve d’un paiement du prix de revente postérieurement au jugement d’ouverture était rapportée, la cour d’appel a légalement justifié sa décision (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E4442EY8).
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Réf. : CAA Marseille, 7 novembre 2018, n° 17MA03659 (N° Lexbase : A1162YLM)
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N6739BXU
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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 12 Décembre 2018
La mise en location effective constitue une condition essentielle de déduction des charges foncières des revenus fonciers. Telle est la solution d’un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 7 novembre 2018.
L'administration fiscale tend aisément à remettre en cause -lorsqu'un bien immeuble est vacant- le caractère déductible des revenus fonciers des dépenses engagées aux fins de réparer/entretenir/améliorer ledit bien.
Le Code général des impôts pose en principe que les charges afférentes au logement dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent pas venir en déduction pour la détermination du revenu foncier (compris dans le revenu global soumis à l’impôt sur le revenu). Dès lors que le logement est vacant, que le propriétaire entend procéder à la déduction des charges subies, il lui revient de prouver son intention locative ; il lui revient de prouver qu'il n'avait point l'intention de s'en réserver la jouissance. Reste à savoir si le propriétaire a accompli les diligences nécessaires en la matière, prouvant ainsi sa réelle intention de louer le bien. Cette interrogation renvoie à la question de la preuve, de la preuve des diligences accomplies...ou non. S'il est réputé avoir accompli les diligences nécessaires pour louer le bien, le propriétaire aura montré sa volonté réelle de ne pas s'en réserver la jouissance ; il pourra alors déduire -des revenus fonciers- les dépenses engagées.
Tel est l'enjeu qui est au cœur de la décision de la cour administrative d’appel de Marseille. Les requérants déduisent des dépenses de travaux de leurs revenus fonciers ; l'administration fiscale remet en cause le caractère déductible de telles dépenses, au titre des années 2012 et 2013. Saisi, le tribunal de grande instance de Montpellier ne fait pas droit à leur requête ; est rejetée leur demande visant à la décharge -en droits et pénalités- des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales auxquels ils sont assujettis (pour les années mentionnées en amont). Appel est interjeté devant la cour administrative d’appel de Marseille qui confirme le jugement.
Quant aux dispositions applicables, mentionnons :
- l'article 15 du Code général des impôts (N° Lexbase : L1055HLN) : «Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu»),
- l'article 28 du Code général des impôts (N° Lexbase : L1065HLZ) : «Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété»,
- l'article 31 du Code général des impôts (N° Lexbase : L3907IAX) : «I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire...b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ...».
L'appartement dont les requérants sont propriétaires est vacant durant les années 2012 et 2013. La cour administrative d’appel de Marseille rejette leur requête au motif qu'ils «ne justifient pas de leur volonté réelle de louer cet appartement». Ils ne sont pas regardés comme ayant oeuvré suffisamment en leurs démarches, à savoir entreprendre les diligences nécessaires pour louer le bien. Ils sont réputés avoir conservé la jouissance de l'appartement durant ces années. Quid des diligences à accomplir pour éviter toute (mauvaise) surprise ? Sont fournies par les requérants trois attestations de personnes ayant visité l'appartement en juin 2013 et septembre 2014, à une date non précisée.
L'appréciation de la cour administrative d’appel de Marseille est aussi rapide que tranchante : «les affirmations contenues dans ces attestations, rédigées dans le cadre de l'instance, ne sont ni précisées, ni corroborées par des éléments complémentaires». Rejet ; requérants déboutés. Dans le cas présent, il est vrai que leur dossier est peu étayé : attestations émanant de simples particuliers, attestations réalisées dans le cadre du contentieux et non antérieurement, contexte temporel peu précis, non intervention d'une agence immobilière...
L'affaire soumise à l'appréciation de la cour administrative d’appel de Marseille apparaît relativement simple eu égard au manque de substance des arguments en défense. Si la cause des requérants n'est guère aisée à plaider, reste que la question de la dévolution de la charge de la preuve n'est pas sans poser quelque souci. Les exigences probatoires -tant de l'administration fiscale que du juge fiscal- ne sont pas de peu.
Un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 28 juin 2018, n° 17PA02070 N° Lexbase : A5882XUE) l'illustre, traçant des linéaments identiques à ceux de l'arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille. Dans l'espèce parisienne de juin 2018, les requérants ont entrepris d'importants travaux en raison de l'état «particulièrement défraîchi» de l'immeuble (toit, salle de bains, radiateurs, cheminée) ; de tels travaux s'imposaient pour que le bien soit ensuite proposé à la location. Nonobstant la production de factures, les requérants ne sont pas réputés apporter la preuve de leur volonté réelle de location ; ils sont réputés avoir conservé la jouissance du bien et ne peuvent dès lors déduire de leurs revenus fonciers les dépenses effectuées aux fins de réhabiliter le bien. Pour la cour administrative d’appel de Paris, ils ne prouvent pas que «l'état de l'immeuble litigieux ne permettait pas sa mise en location avant l'année 2012». Il convenait de démontrer que l'appartement était à ce point délabré qu'il ne pouvait, décemment, être mis sur le marché et proposé à la location. Il importe ainsi -dans l'hypothèse où des propriétaires sont susceptibles de connaître une situation similaire- de conserver les documents révélant combien le bien est impropre à la location. Mais un bien impropre à la location peut être un bien que le propriétaire est susceptible d'habiter, un bien dont le propriétaire se réserve la jouissance. En effet, les exigences ne sont pas identiques et comparables : un bien peut ne pas être proposé à la location s'il souffre de diverses insuffisances, insuffisances qui peuvent ne pas empêcher le propriétaire de s'en réserver la jouissance. Bref, il est loisible de se réserver la jouissance d'un bien lorsqu'on est propriétaire alors même que ce bien risquerait de ne pas trouver de locataire en raison des travaux à effectuer. Revenons à la question de la charge de la preuve et poussons le raisonnement du juge à son acmé : le propriétaire doit impérativement démontrer que l'appartement est à ce point dégradé qu'il est impensable de le proposer à la location. Il faut alors prouver cet état lamentable, de nature à empêcher la location. Le plus simple -pour le propriétaire inquiet d'une éventuelle remise en cause de la déductibilité des travaux par lui effectués- est l'obtention d'un document d'un organisme attestant la nécessité de substantiels travaux. Une telle attestation est, en principe, de nature à rassurer et l'administration et le juge quant à «l'état de l'immeuble litigieux» (et quant à la non faisabilité d'une opération locative). D'autres éléments -plus classiquement pertinents- conduisent la cour administrative d’appel de Paris à rejeter la demande des requérants. Ces derniers ont produit -comme cela est souvent le cas dans ce type de contentieux, cf. mutatis mutandis l'arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille- divers documents peu probants. Il en va ainsi des factures non établies au nom de la SCI concernée, des factures indiquant une adresse différente de celle au cœur du litige, des factures imprécises, ou encore des factures ne mentionnant pas l'adresse à laquelle les travaux ont été réalisés.
Un troisième et ultime arrêt mérite attention en ce qu'il permet -lui aussi- de compléter celui de la cour administrative d’appel de Marseille : il s'agit d'un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 17 novembre 2015, n° 14LY02617 N° Lexbase : A6144NXT). Il est intéressant car le propriétaire a eu recours -ici- à un opérateur institutionnel ; il espère ainsi éviter la remise en cause de la déductibilité des dépenses engagées en mettant en avant l'intercession d'une agence immobilière. On ne saurait -dit le requérant- retenir l'argument de l'administration car les diligences nécessaires ont été entreprises en vue de mettre le bien en location, via l'agence immobilière. Est ainsi produite une copie d'une première puis d'une seconde proposition de mandat de location (la même agence étant concernée). Pour autant, il ne suffit pas -dit le juge d'appel lyonnais- de faire mention de telles propositions de mandat : nous sommes (seulement) en présence de «simples propositions unilatérales de contrat». Et ces propositions unilatérales de contrat «ne sauraient être regardées comme constituant la preuve que le propriétaire aurait accompli des diligences en vue de louer ce bien». Une proposition unilatérale de contrat ne forme pas -impossible de récuser ce constat en forme de truisme- contrat ; un tel document ne possède aucune force probatoire significative pour le juge.
Imaginons un hypothétique propriétaire (au comportement contestable, à décourager absolument). Il réaliserait d'importants travaux, signerait un contrat de location avec une agence immobilière, proposerait (en accord avec l'agence) un loyer trop élevé au regard des (faibles) qualités du bien. Il déduirait alors les dépenses inhérentes aux travaux entrepris, tout en se réservant de fait la jouissance du bien (ce dernier ne trouvant pas de locataire en raison du hiatus entre loyer exigé et prestations proposées). Impensable, donc inacceptable.
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Réf. : Cons. const., décision n° 2018-752 QPC, du 7 décembre 2018 (N° Lexbase : A3557YPG)
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N6736BXR
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par Marie-Claire Sgarra
Le 12 Décembre 2018
►Les dispositions de l’article 1408, II du Code général des impôts (N° Lexbase : L0816HPW) sont conformes à la Constitution.
Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 7 décembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-752 QPC, du 7 décembre 2018 N° Lexbase : A3557YPG).
Pour rappel, ces dispositions prévoient une exonération de taxe d’habitation aux établissements publics d’assistance.
Le Conseil d’Etat avait renvoyé au Conseil constitutionnel la QPC de ces dispositions au motif qu’elles ne s’étendent pas aux établissements privés non lucratifs assurant les mêmes missions.
Le Conseil constitutionnel juge qu’«en instituant une exonération de taxe d'habitation au bénéfice des seuls établissements publics d'assistance, sans l'étendre aux établissements privés d'assistance, le législateur a pu traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes. Cette différence de traitement étant en rapport avec l'objet de la loi et fondée sur des critères objectifs et rationnels, les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques doivent être écartés» (cf. le BoFip Impôts annoté N° Lexbase : X3966ALH).
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Réf. : Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018, portant partie législative du Code de la commande publique (N° Lexbase : L0938LN3) ; décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018, portant partie réglementaire du Code de la commande publique (N° Lexbase : L0945LNC)
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N6731BXL
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par Yann Le Foll
Le 12 Décembre 2018
► L'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018, portant partie législative du Code de la commande publique (N° Lexbase : L0938LN3), et le décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018, portant partie réglementaire du Code de la commande publique (N° Lexbase : L0945LNC), ont été publiés au Journal officiel du 5 décembre 2018.
Le Code de la commande publique regroupera et organisera les règles relatives aux différents contrats de la commande publique qui s'analysent, au sens du droit de l'Union européenne, comme des marchés publics et des contrats de concession. Cette refonte intervient à droit constant, sous la réserve de modifications rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet. Il intègre notamment les dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, à la sous-traitance et aux délais de paiement.
Outre les dispositions des ordonnances n°s 2015-899 du 23 juillet 2015 (N° Lexbase : L9077KBS) et 2016-65 du 29 janvier 2016 (N° Lexbase : L3476KYE) et de leurs décrets d'application résultant de la transposition des Directives européennes, le Code de la commande publique rassemble l'ensemble des règles régissant le droit de la commande publique qui figuraient jusqu'ici dans des textes épars, telles que les règles relatives à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses relations avec la maîtrise d'œuvre privée, à la sous-traitance, aux délais de paiement ou à la facturation électronique.
La première partie du code définit chaque catégorie de contrats de la commande publique (livre Ier) ainsi que les différents acteurs (livre II) de la commande publique. Le livre III est consacré aux contrats mixtes, c'est-à-dire portant à la fois sur des prestations soumises au code et d'autres n'y étant pas soumises.
La deuxième partie du code, consacrée aux marchés, est divisée en six livres, structurés de manière à épouser les étapes chronologiques de la vie du contrat : sa préparation, sa passation et son exécution.
Enfin, la troisième partie du code est relative aux contrats de concession.
Le décret s'applique aux marchés publics et aux contrats de concession pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d'appel à la concurrence a été envoyé à la publication depuis le 1er avril 2019. Toutefois, les dispositions relatives aux modifications des contrats de concession s'appliquent également à la modification des contrats de concession conclus ou pour lesquels une procédure de passation a été engagée ou un avis de concession a été envoyé à la publication avant le 1er avril 2016.
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Réf. : Cass. civ. 2, 6 décembre 2018, n° 17-17.557, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2746YPE)
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N6737BXS
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par Aziber Seïd Algadi
Le 12 Décembre 2018
► Ayant souverainement retenu que la partie n’avait pu valablement s’expliquer sur les dernières pièces produites la veille de l’ordonnance de clôture, ce dont il résultait qu’elles n’avaient pas été communiquées en temps utile, la cour d’appel en a exactement déduit que ces pièces devaient être écartées des débats, quand bien même les dernières conclusions déposées avaient été déclarées recevables.
Telle est la solution retenue par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 6 décembre 2018 (Cass. civ. 2, 6 décembre 2018, n° 17-17.557, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2746YPE ; cf. également Cass. mixte, 3 février 2006, n° 04-30.592 N° Lexbase : A7240DM4 où la Cour de cassation rappelle que l'appréciation du temps utile relève du pouvoir souverain des juges du fond).
Dans cette affaire, ayant relevé appel d’une ordonnance de référé constatant la résiliation du bail commercial d’un local appartenant à la société civile immobilière, faute pour elle de s’être libérée des causes d’un commandement visant la clause résolutoire du bail, une société a déposé le 26 décembre 2016 de nouvelles conclusions accompagnées de nouvelles pièces.
La clôture a été prononcée le 27 décembre 2016. La société a ensuite fait grief à l’arrêt de la cour d'appel (CA Montpellier, 2 mars 2017, n° 16/05331 N° Lexbase : A2075TQW) d’écarter les pièces qu’elle a produites la veille de l’ordonnance de clôture, arguant notamment que le juge, qui se prononce sur la recevabilité de conclusions signifiées avant le prononcé de l’ordonnance de clôture, ne pouvait écarter des débats les pièces qui y sont jointes sans violer les articles 15 (N° Lexbase : L1132H4P) et 16 (N° Lexbase : L1133H4Q) du Code de procédure civile.
En vain. Sous l’énoncé des principes susvisés, la Cour de cassation juge que le moyen n’est pas fondé (cf. l’Ouvrage «Procédure civile» N° Lexbase : E6892ETG).
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Réf. : Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 15-29.330, FP-P+B (N° Lexbase : A9227YN3)
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N6747BX8
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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 12 Décembre 2018
Résiliation judiciaire • grossesse • protection contre la rupture
Résumé
Lorsqu'au jour de la demande de résiliation judiciaire, la salariée n'a pas informé l'employeur de son état de grossesse, la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. |
Lorsqu’un salarié obtient du juge qu’il prononce la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, cette rupture produit en principe les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il arrive toutefois qu’en raison de protections spécifiquement accordées par la loi à certains salariés, la sanction puisse être plus vigoureuse. Cela est le cas, par exemple, des salariés protégés ou des victimes d’accident du travail durant les périodes de suspension de leurs contrats qui peuvent, les uns et les autres, obtenir que la résiliation du contrat produise les effets d’un licenciement nul. Par un arrêt rendu le 28 novembre 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail d’une salariée enceinte. Les manquements de l’employeur étant d’une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite de la relation, la Chambre sociale avalise la décision des juges du fond de rompre le contrat aux torts de celui-ci (I). En revanche, la Chambre sociale refuse d’appliquer la protection due aux salariées enceintes et de faire produire à la rupture les effets d’un licenciement nul parce que l’employeur n’était pas informé, au moment de l’introduction de l’action, de l’état de grossesse de la salariée. Cette solution est discutable parce qu’elle fait perdre à la protection des salariées enceintes son objectif de protection contre la rupture du contrat de travail (II).
Commentaire
I - L’action en résiliation judiciaire à l’initiative d’une salariée enceinte
Protection de la salariée enceinte contre la rupture du contrat de travail. L’article L. 1225-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0854H9I) offre aux salariées en état de grossesse ou qui viennent d’accoucher une protection spéciale contre la rupture de leur contrat de travail. Ainsi, «aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes» [1].
L’identification du point de départ et de la date d’échéance de la protection est fondamentale. Elle court, en principe, à partir du moment où la salariée informe l’employeur de son état de grossesse par lettre remise en main propre ou envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception [2]. Cette formalité n’est toutefois pas une condition substantielle de la protection dont la salariée bénéficie également si elle est en mesure de démontrer que l’employeur était informé de l’état de grossesse par tout autre moyen [3]. Le terme de la protection absolue, c’est-à-dire l’interdiction de tout licenciement, même en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir la salariée dans l’entreprise pour une raison étrangère à son état de grossesse, intervient à l’échéance des périodes de suspension du contrat de travail, c’est-à-dire au plus tard à la fin des congés payés pris après le congé de maternité. L’employeur doit s’abstenir de rompre le contrat de travail, mais également d’engager des actes préparatoires à un licenciement qui interviendrait après la fin de la période de protection [4].
Malgré la généralité de la formule employée par l’article L. 1225-4 du Code du travail, certains types de rupture impliquant la volonté de l’employeur ne sont pas prohibés pendant la grossesse. Cela est d’abord le cas de la rupture en période d’essai qui est admise, à condition bien entendu de ne pas être discriminatoire, de ne pas être justifiée par l’état de grossesse [5]. La Chambre sociale a également jugé que l’employeur et la salariée pouvait conclure une rupture conventionnelle du contrat de travail durant les périodes de protection [6].
Conséquences de l’action en résiliation judiciaire du contrat de travail. Le sort d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par un salarié dépend du comportement de l’employeur ayant justifié cette demande. Lorsque le juge considère que l’employeur n’a commis aucun manquement ou que les manquements invoqués par le salarié ne sont pas d’une gravité suffisante, le juge refuse de prononcer la résiliation et l’exécution du contrat de travail doit se poursuivre entre les parties [7]. Si, au contraire, les manquements sont d’une gravité suffisante et rendent impossible la poursuite du contrat de travail, le juge prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur et fait produire à cette rupture les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse [8]. Il arrive, toutefois, que la sanction soit plus vigoureuse.
Cela est d’abord le cas lorsque la demande de résiliation judiciaire est introduite par un salarié protégé au titre, par exemple, d’un mandat de représentation du personnel ou de représentation syndicale. Dans ce cas de figure, la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement nul, quoique le salarié ne puisse réclamer la réintégration qui accompagne généralement cette sanction [9]. De la même manière, la Chambre sociale de la Cour de cassation a admis que la résiliation judiciaire du contrat d’un salarié dont il est démontré qu’il est victime d’un harcèlement moral produit les effets d’un licenciement nul [10]. Quoique cela ait été jugé à propos d’une prise d’acte de la rupture et non d’une demande de résiliation judiciaire, on peut penser que le même sort serait réservé à une résiliation judiciaire à la demande d’un salarié victime d’une discrimination [11] ou d’une résiliation intervenant durant la protection réservée aux salariés victimes d’un accident du travail [12].
L’affaire. Une infirmière est engagée par une société d’ambulances le 29 novembre 2012 par contrat de travail à temps partiel pour une durée de 80 heures de travail mensuel. La salariée travaille en parallèle pour un autre employeur, si bien qu’il est stipulé au contrat de travail que les horaires devront être compatibles avec cette pluriactivité. La salariée reproche à l’employeur de ne pas lui avoir fourni les 80 heures de travail par mois et saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail au mois de juillet 2013. Elle informe, par ailleurs, l’employeur au mois de décembre 2013, de son état de grossesse.
Les juges d’appel prononcent la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et lui font produire les effets d’un licenciement nul. L’employeur forme un pourvoi en cassation. Il conteste la décision de résiliation à ses torts en arguant de l’absence de toute recherche de compromis de la salariée pour articuler ses deux activités. Subsidiairement, il reproche aux juges du fond d’avoir fait produire à la rupture les effets d’un licenciement nul et non d’un simple licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par un arrêt rendu le 28 novembre 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1184 du Code civil (N° Lexbase : L1286ABA) et des articles L. 1225-4 et L. 1225-71 du Code du travail (N° Lexbase : L0999H9U), dans leur rédaction applicable à la cause.
La Chambre sociale ne remet pas en cause l’argumentation des juges du fond relative à la justification de la résiliation judiciaire. Après avoir constaté que «la société n'avait pas fourni à la salariée du travail à hauteur de la durée convenue en sorte qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de paiement du salaire contractuellement prévu», la cour a légalement justifié sa décision.
En revanche, la cassation intervient sur les deux dernières branches du moyen ayant trait aux conséquences de la résiliation judiciaire. Par un chapeau interne, la Chambre sociale énonce que «lorsqu'au jour de la demande de résiliation judiciaire, la salariée n'a pas informé l'employeur de son état de grossesse, la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse». Elle poursuit en rappelant que les juges du fond ont constaté que la salariée «n'avait informé l'employeur de son état de grossesse que postérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail», si bien que la rupture ne pouvait produire les effets d’un licenciement nul.
II - La protection des salariées enceintes : protection contre la rupture ou protection contre le manquement de l’employeur à ses obligations ?
Résiliation judiciaire de la salariée et protection liée à la grossesse. C’est à notre connaissance la première fois que la Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur le principe et les conséquences d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail à l’initiative d’une salariée en état de grossesse. Des solutions proches laissaient toutefois présager de l’applicabilité de la protection des salariées enceintes, d’abord parce que la Chambre sociale juge que la prise d’acte de la rupture justifiée d’une salariée enceinte produit les effets d’un licenciement nul [13], ensuite parce que la violation de l’obligation de réintégration de la salariée à l’issue de son congé permet la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul [14].
Même si, au cas d’espèce, la Chambre sociale refuse de faire produire à la résiliation judiciaire les effets d’un licenciement nul, ce résultat n’est pas proscrit de manière générale. La nullité est refusée parce que l’employeur n’avait pas été informé de l’état de grossesse de la salariée au moment de l’introduction de l’action. Par une interprétation a contrario qui ne paraît pas déraisonnable, on peut penser que la résiliation produira les effets d’un licenciement nul lorsqu’une salariée enceinte en ayant informé l’employeur introduira une telle demande et que les manquements reprochés à l’employeur seront jugés suffisamment graves.
Les conditions de l’application du statut protecteur. S’il faisait donc peu de doute que l’action pouvait être introduite par une salariée en ces circonstances, les conséquences d’une résiliation prononcée aux torts de l’employeur étaient plus incertaines : fallait-il lui faire produire les effets d’un licenciement nul ou seulement d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?
Tout dépend de la manière dont sont articulées les dates de la procédure judiciaire et celles de la grossesse. Le choix de positionner le point de départ de la protection au moment de la demande de résiliation judiciaire, plutôt qu’au moment de la rupture elle-même, pose problème et montre la difficulté d’appliquer la protection des salariés enceintes à d’autres modes de rupture que le licenciement. La protection est accordée au titre de la rupture («aucun employeur ne peut rompre») qui ne doit pas intervenir durant la période de protection. La date de la rupture du contrat de travail par résiliation judiciaire est classiquement fixée au jour de la décision qui la prononce [15] et, à suivre ce texte à la lettre, il faudrait donc apprécier si la résiliation est prononcée entre le moment où l’employeur a connaissance de l’état de grossesse et la fin de la période de protection.
Le fait de lier l’application de la protection tirée de l’article L. 1225-4 du Code du travail à la date de la demande en justice détourne la règle de son objectif qui consiste à interdire la rupture du contrat de travail d’une salariée pendant les périodes de grossesse parce que la perte d’emploi les mettrait, elle et son enfant, en situation de précarité matérielle et éventuellement de détresse psychologique. La solution de la Chambre sociale aboutit à ce que la sanction d’une rupture prononcée au mépris de l’état de grossesse puisse s’appliquer à des ruptures qui, au gré des délais judiciaires, sont effectives bien longtemps après la fin du congé de maternité. A l’inverse, la résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcé au cœur des périodes où la salariée est la plus fragile sans produire les effets d’un licenciement nul, parce qu’au moment où l’action a été introduite, elle n’était pas enceinte ou l’était mais n’en avait pas encore informé l’employeur.
L’application, par analogie, de cette règle au cas des victimes d’un accident du travail confirme les ambiguïtés de la règle posée. Ainsi, pour obtenir que la résiliation du contrat de travail produise les effets d’un licenciement nul, faut-il que le salarié ait été en arrêt de travail pour accident au moment de la demande en justice ou au moment où le juge prononce la résiliation judiciaire ? Si un raisonnement similaire est adopté, seuls bénéficieraient de la protection les salariés qui demandent la résiliation judiciaire alors que leur contrat est suspendu, ce qui n’est, une nouvelle fois, pas satisfaisant au regard de l’objectif de cette protection qui vise à éviter que le contrat de travail des salariés soit rompu pendant les périodes de suspension de leur contrat.
Il existe sans doute un moyen de réduire cette dissonance. La réforme du droit des obligations résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a en effet modifié les règles relatives à la détermination de la date de la résiliation judiciaire du contrat. L’article 1129 du Code civil (N° Lexbase : L0934KZM) dispose désormais que la résiliation judiciaire «prend effet, […] soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice». La Chambre sociale pourrait, à l’avenir, choisir de fixer la date de la résiliation du contrat au jour de l’assignation, la concordance de ces dates permettant que la protection des salariées enceintes ou dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un accident de travail produise ses effets au moment de la rupture.
Décision
Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 15-29.330, FP-P+B (N° Lexbase : A9227YN3)
Cassation (CA Paris, Pôle 6, 8ème ch., 5 novembre 2015, n° 15/04045 N° Lexbase : A4918N7B)
Textes visés : C. civ., art. 1184 (N° Lexbase : L1286ABA), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK) ; C. trav., art. L. 1225-4 (N° Lexbase : L0854H9I) et L. 1225-71 (N° Lexbase : L0999H9U).
Lien base : (N° Lexbase : E2949E4Y). |
[1] L’extension de la protection durant les congés payés consécutifs à l’arrêt de travail et pendant une période de dix semaines après la reprise du travail résulte de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C). V. déjà, s’agissant des congés payés, Cass. soc., 30 avril 2014, n° 13-12.321, FS-P+B (N° Lexbase : A6898MKP).
[2] C. trav., art. R. 1225-1 (N° Lexbase : L2630IAN) et R. 1225-3 (N° Lexbase : L2624IAG).
[3] Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-41.927, F-P+B (N° Lexbase : A6407D98).
[4] Cass. soc., 15 septembre 2010, n° 08-43.299, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5751E9U) et les obs. de G. Auzero, L'interdiction de prendre des mesures préparatoires au licenciement d'une salariée en congé maternité, Lexbase, éd. soc., n° 410, 2010 (N° Lexbase : N1004BQA) ; Cass. soc., 1er février 2017, n° 15-26.250, F-D (N° Lexbase : A4110TBT).
[5] Cass. soc., 21 décembre 2006, n° 05-44.806, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A3625DTG) et les obs. de Ch. Radé, Maternité et période d'essai, Lexbase, éd. soc., n° 244, 2007 (N° Lexbase : N7497A9K).
[6] Cass. soc., 25 mars 2015, n° 14-10.149, FS-P+B (N° Lexbase : A6728NEW) et nos obs., Les règles protectrices de la maternité inapplicables à la rupture conventionnelle, Lexbase, éd. soc., n° 608, 2015 (N° Lexbase : N6832BUL).
[7] Cass. soc., 7 juillet 2010, n° 09-42.636, F-P+B (N° Lexbase : A2385E44).
[8] Cass. soc., 26 mars 2014, deux arrêts, n° 12-35.040 (N° Lexbase : A2395MIK) et n° 12-21.372, FP-P+B (N° Lexbase : A2434MIY), FP-P+B et les obs. de G. Auzero, Résiliation judiciaire du contrat de travail : quel manquement reprocher à l'employeur ?, Lexbase, éd. soc., n° 567, 2014 (N° Lexbase : N1832BUE).
[9] Cass. soc., 3 octobre 2018, n° 16-19.836, F-P+B (N° Lexbase : A5466YE8), SSL, 2018, n° 1834 et nos obs..
[10] Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-26.560, F-P+B (N° Lexbase : A4354I8R).
[11] Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 12-18.186, F-D (N° Lexbase : A6190KPX).
[12] Cass. soc., 4 décembre 2013, n° 12-17.734, F-D (N° Lexbase : A8483KQA).
[13] Cass. soc., 26 octobre 2011, n° 10-14.139, F-D (N° Lexbase : A0758HZ4).
[14] Cass. soc., 18 mars 2016, n° 14-21.491, F-D (N° Lexbase : A3479Q8D).
[15] Cass. soc., 3 février 2016, n° 14-17.000, FS-P+B (N° Lexbase : A3059PKI) et nos obs., Date de la résiliation judiciaire : une confirmation au devenir bien incertain, Lexbase, éd. soc., n° 644, 2016 (N° Lexbase : N1373BWR).
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Réf. : Cons. const., décision n° 2018-750/751, du 7 décembre 2018 (N° Lexbase : A3556YPE)
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N6748BX9
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par Marie-Claire Sgarra
Le 12 Décembre 2018
►Les dispositions de la loi n° 2004-639, du 2 juillet 2004, relative à l’octroi de mer (N° Lexbase : L8976D7L) sont conformes à la Constitution.
Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 7 décembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-750/751, du 7 décembre 2018 N° Lexbase : A3556YPE).
Pour rappel, ces dispositions régissent l’imposition spécifique des départements d’outre-mer et a pour objectif de protéger la production locale des importations. Cette taxe dénommée «octroi de mer» existe depuis 1670. Le régime d’octroi de mer, mis en place en 2004 et modifié en 2015 autorise, pour un nombre limité de produits listés dans la décision du Conseil n° 940/2014/UE (N° Lexbase : L1084I7B), l’instauration d’un différentiel de taux entre les biens produits localement (octroi de mer interne) et les biens identiques importés (octroi de mer externe) afin de permettre aux économies ultramarines de compenser les handicaps structurels auxquelles elles doivent faire face.
Le Conseil constitutionnel avait été saisi d’une double QPC (Cass. com., 27 septembre 2018, n° 18-12.084 N° Lexbase : A1895X8P), relative à la conformité à la Constitution de cette loi. Les sociétés requérantes reprochaient à l’octroi de mer de méconnaitre les principes d’égalité devant la loi.
Pour le Conseil constitutionnel, «le législateur a entendu tenir compte des difficultés particulières auxquelles ces régions ultramarines sont confrontées, qui grèvent la compétitivité des entreprises qui y sont établies, et ainsi préserver le tissu économique local. Ce faisant, il a poursuivi un but d'intérêt général». Par ailleurs, «compte tenu de l'objectif ainsi poursuivi, les écarts de taxation à l'octroi de mer autorisés par les dispositions contestées, qui, selon les cas, ne peuvent dépasser entre 5 % et 35 %, ne sont pas constitutifs d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques».
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Réf. : Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, n° 17-23.321, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2747YPG)
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N6774BX8
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par June Perot
Le 26 Décembre 2018
► Le pacte de préférence implique l’obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu’il décide de vendre le bien, peu important l’existence d’une promesse unilatérale de vente au bénéfice d’un tiers, dont la levée d’option est intervenue postérieurement à la date d’échéance du pacte.
Telle est la solution d’un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 6 décembre 2018 (Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, n° 17-23.321, FS-P+B+I N° Lexbase : A2747YPG).
Dans cette affaire, un pacte de préférence pour une durée de dix ans, portant sur deux lots d’immeubles en copropriété, avait été conclu entre deux personnes. Le promettant avait alors vendu les lots à un tiers, par acte notarié du 16 novembre 2009, précédé d’une promesse unilatérale de vente par acte notarié du 2 septembre 2009. Le bénéficiaire du pacte de préférence estimant que la vente était intervenue en violation du pacte de préférence, les a assignés ainsi que les notaires et l’agence immobilière, en annulation de la vente, substitution dans les droits de l’acquéreur, expulsion de celui-ci et paiement de dommages-intérêts.
En première instance, le tribunal a constaté la violation du pacte de préférence tout en rejetant la demande d’annulation. Il relève qu’il n’était pas démontré que l’acquéreur connaissait l’intention du bénéficiaire de se prévaloir de son droit de préférence. La responsabilité des uns et des autres a néanmoins été retenue, sur un fondement contractuel en ce qui concerne le promettant, délictuel concernant les notaires et l'agent immobilier, qui ont été condamnés in solidum à payer au bénéficiaire la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de réunir entre ses mains la pleine propriété de l'immeuble entier, outre 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
En cause d’appel, pour rejeter les demandes de la bénéficiaire lésée, l’arrêt a retenu que la lettre du pacte de préférence ne permettait pas de conclure qu’en cas d’intention de vendre, l’obligation de laisser la préférence au bénéficiaire grevait le pré-contrat, que seule la date de l’échange des consentements était à prendre en considération et que, l’acte signé entre le promettant et l’acquéreur le 2 septembre 2009 étant une promesse unilatérale de vente, la vente ne pouvait prendre effet qu’à la levée de l’option, intervenue postérieurement à date d’échéance du pacte.
La Haute juridiction énonce la solution susvisée et considère que l’arrêt encourt la cassation.
Pour mémoire, le pacte de préférence, jusqu’à l’ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK) qui a créé l’article 1123 du Code civil (N° Lexbase : L2338K7Q), n’était pas défini par la loi et aucun texte ne fixait son régime juridique. Il a souvent été rapproché de la promesse unilatérale de vente en ce que tous deux sont classés dans la catégorie des «avants-contrats» préparatoires à une vente future et qu’ils engagent le propriétaire du bien. Mais le pacte prend la forme d’une vocation du bénéficiaire à la propriété d’un bien dont le promettant pourra parfaitement ne jamais se déssaisir (cf. l’Ouvrage «Contrats spéciaux»,
Les obligations des parties au pacte de préférence N° Lexbase : E7868EXP).
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