La lettre juridique n°764 du 6 décembre 2018

La lettre juridique - Édition n°764

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Pas de faute intentionnelle de l’employeur, pas de recours possible contre ce dernier !

Réf. : Cass. civ. 2, 29 novembre 2018, n° 17-17.747, F-P+B (N° Lexbase : A9277YNW)

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par Laïla Bedja

Le 05 Décembre 2018

► Sauf si la faute de l’employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l’entreprise, qui a indemnisé la victime d’un accident du travail pour tout ou partie de son dommage, n’a pas de recours contre l’employeur de la victime.

 

Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 29 novembre 2018 (Cass. civ. 2, 29 novembre 2018, n° 17-17.747, F-P+B N° Lexbase : A9277YNW).

 

Dans cette affaire, ayant été victime d’un accident du travail alors qu’il manœuvrait un engin emprunté à une société, le salarié d’une autre société, a engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable contre l’employeur et une action en responsabilité civile contre la société. L’employeur a recherché la garantie de la société.

 

Pour condamner l’employeur à garantir la société, à hauteur de la moitié de toutes les condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et dépens au profit du salarié, l'arrêt relève que la spécificité des règles édictées par le Code de la Sécurité sociale en matière d'accident du travail n'a pas pour objet de permettre à l'employeur d'éluder une partie des conséquences de sa responsabilité dans l'accident de son salarié, notamment en le dispensant d'indemniser certains chefs de préjudices, mais seulement de garantir au salarié victime d'être indemnisé, quelle que soit la solvabilité de son employeur, grâce à la substitution de la Sécurité sociale à l'employeur pour le paiement des indemnités.

 

A tort. Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. Alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur n’avait pas commis de faute intentionnelle, la cour d’appel a violé les articles L. 451-1 (N° Lexbase : L4467ADS) et L. 452-5 (N° Lexbase : L6647IGB) du Code de la Sécurité sociale (sur La réparation de la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés, voir l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E3137ETD).

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Avocats/Accès à la profession

[Le point sur...] Une formation initiale plus dense et plus exigeante pour les futurs avocats

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par Stéphane Lallement, Avocat à Nantes, Membre de la commission de la formation professionnelle au Conseil national des barreaux

Le 05 Décembre 2018

Mots-clefs : Formation initiale • Réforme • CNB • CAPA

 

Résumé : Le Conseil national des barreaux a adopté le 16 novembre 2018 une réforme de la formation initiale des avocats, dont la mise en œuvre est désormais entre les mains de la Chancellerie.

Parmi les missions qui lui sont dévolues par la loi, le Conseil national des barreaux est notamment en charge d’organiser la formation initiale et continue des avocats [1]. Il est à l’origine du format actuel de la formation initiale, défini en 1997 [2] selon l’articulation suivante :

 

  • un examen d’accès au centre régional de formation professionnelle (CRFP), accessible aux titulaires d’une maîtrise en droit ou d’un diplôme reconnu comme équivalent ;
  • dix-huit mois de formation décomposés en trois périodes :
    • six mois d’enseignement au sein du CRFP pour l’acquisition des fondamentaux,
    • six mois consacrés à la réalisation d’un projet pédagogique individuel (PPI) choisi par l’élève et agréé par le CRFP,
    •  six mois de stage en cabinet d’avocat ;
  • un certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) délivré à l’issue d’un examen comportant diverses épreuves écrites et orales ;
  • le titulaire du CAPA étant ensuite libre d’exercer la profession selon les modalités de son choix (collaboration ou installation).

 

Plusieurs ajustements ont été apportés depuis à ce dispositif, et notamment :

  • l’harmonisation des programmes de la formation commune de base dispensée par les CRFP [3] ;
  • la réforme de l’examen d’entrée, dont les sujets sont désormais élaborés par une commission nationale [4].

 

Au fil des années, il est apparu nécessaire, cependant, d’envisager une refonte plus globale de la formation initiale des avocats afin de l’adapter aux nouveaux enjeux de la profession.

 

C’est le sens du travail mené au sein de la commission formation du Conseil national des barreaux [5], et qui a conduit l’instance nationale à adopter lors de son assemblée générale du 16 novembre 2018 une série de propositions transmises à la Chancellerie en vue de la réforme de la formation initiale [6].

 

 

I - Le niveau de recrutement

 

En l’état actuel des textes, le niveau requis des étudiants présentant l’examen d’entrée au CRFP est celui de la «maîtrise en droit», correspondant en fait au Master 1 (Bac + 4) selon la nouvelle terminologie LMD (Licence / Master / Doctorat).

 

Il s’avère cependant que plus de 90 % des élèves qui franchissent l’examen avec succès sont en fait titulaires d’un Master complet, ou «Master 2» (Bac + 5).

 

De fait, d’autres professions juridiques (notaires, commissaires de police…) ont déjà fait le choix depuis plusieurs années de porter leur niveau de recrutement au Master 2.

 

Au regard de ces constatations, l’assemblée générale du Conseil national des barreaux a débattu d’un possible rehaussement du niveau de recrutement des CRFP.

 

Les élus de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA) s’y sont montrés défavorables, redoutant que cet allongement du cursus universitaire ne ferme l’accès à la profession à un certain nombre d’étudiants désirant entrer au plus vite sur le marché du travail.

 

Une majorité s’est néanmoins dégagée en faveur de cette évolution et, le Conseil national des barreaux a donc décidé que l’examen d’entrée au CRFP serait désormais réservé aux seuls titulaires d’un Master en droit (Bac + 5) ou d’un diplôme reconnu comme équivalent.

 

 

II - La situation des docteurs en droit

 

Depuis la création des CRFP, une disposition législative spécifique [7] dispense les docteurs en droit de l’examen d’entrée et leur permet d’accéder directement à la formation délivrée par les écoles.

 

Différentes données statistiques amènent, cependant, à s’interroger sur la pertinence de cette dispense. Il a été observé, en effet, que les docteurs en droit, qui constituent 8 % du corps des élèves avocats, représentent à eux seuls 62 % des candidats échouant à l’examen final du CAPA.

 

Cette constatation tend à démontrer que les docteurs en droit, dont les compétences juridiques ne sont naturellement pas discutables, sont sans doute insuffisamment sensibilisés aux valeurs propres à la profession d’avocats que les autres élèves appréhendent au travers de l’examen d’entrée.

 

L’hypothèse d’une suppression pure et simple de la dispense, un temps envisagé, a donné lieu à de vifs échanges entre le Conseil National des Barreaux et les représentants de l’université.

 

Une solution de compromis a finalement été adoptée, et le Conseil national des barreaux propose que les titulaires d’un doctorat en droit :

  • demeurent dispensés des épreuves écrites de l’examen d’entrée au CRFP ;
  • mais soient, désormais, soumis aux épreuves orales et notamment à l’exposé-discussion consacré aux libertés et droits fondamentaux, épreuve particulièrement fédérative favorisant ainsi leur meilleure intégration au sein de l’école.

 

 

III - La durée et le contenu de la formation

 

De toutes les critiques recensées par le Conseil national des barreaux quant à la formation initiale des élèves avocats, la plus récurrente réside certainement dans sa durée jugée excessive.

 

Bien que fixée à dix-huit mois par les textes, la durée effective de la formation initiale s’étend en pratique sur deux années compte-tenu de l’articulation des différentes périodes.

 

Dans la mesure où la plupart des impétrants ont déjà achevé un Master 2 avant d’intégrer le CRFP, l’âge moyen d’entrée dans la profession s’avère aujourd’hui nettement plus élevé qu’il ne l’était voici vingt ans lorsque le système actuel a été imaginé.

 

Cette situation expose un nombre croissant d’étudiants à d’importantes difficultés de financement de leur formation, et constitue un frein à la démocratisation du recrutement social de la profession.

 

En outre, beaucoup de jeunes confrères s’accordent à considérer que ce temps de formation initiale retarde inutilement leur entrée effective dans un cabinet d’avocats, lieu où s’acquièrent par excellence les compétences pratiques nécessaires à l’exercice de la profession.

 

Le Conseil national des barreaux travaille donc depuis plusieurs années déjà à un raccourcissement du cursus de formation, afin de concentrer l’ensemble des enseignements sur une période de douze mois alignée sur l’année civile.

 

La résolution adoptée le 16 novembre 2018 propose désormais d’articuler la formation des élèves avocats autour de trois périodes successives :

  • quatre mois d’enseignements pratiques au sein de l’école (pour un volume horaire de 270 heures au moins), consacrés à l’acquisition des fondamentaux : déontologie, environnement professionnel, gestion du cabinet, etc….
  • deux mois de stage extérieur en juridiction, en entreprise, au sein d’une administration, ou auprès d’autres professionnels du droit ;
  • six mois de stage en cabinet d’avocats, intégrant un temps de préparation à l’examen du CAPA.

 

L’élève intègrera ainsi l’école en début d’année civile, et présentera l’examen du CAPA en fin d’année civile afin d’être en mesure d’exercer la profession dès l’année suivante.

 

S’il le souhaite, l’élève pourra effectuer le stage intermédiaire de deux mois auprès d’un cabinet d’avocats, portant ainsi à huit mois la durée totale du stage en cabinet.

 

L’école pourra également proposer de débuter le cursus par le stage extérieur de deux mois, puis d’organiser ensuite pendant dix mois une alternance des enseignements (à concurrence de 270 heures au moins) et du stage en cabinet d’avocats.

 

Enfin, la possibilité sera laissée à l’élève de prolonger cette formation initiale de douze mois par un stage complémentaire d’un an, soit hors de la profession, soit dans un cabinet d’avocats à l’étranger ; l’examen du CAPA étant dans ce cas reporté à l’issue de cette période de deux ans.

 

 

IV - L’examen du CAPA

 

Initialement destiné à sanctionner les compétences acquises par l’élève avant son entrée officielle dans la profession, le CAPA semble ne plus remplir cette fonction et concentre, aujourd’hui, de nombreuses critiques.

 

Le véritable «filtre» quant à l’appréciation des compétences se situe en effet maintenant en amont du CRFP, dans le cadre de l’examen d’entrée récemment réformé et désormais national.

 

Chacun s’accorde à considérer que le CAPA n’a plus aujourd’hui de vocation sélective, dès lors que les candidats qui se présentent à l’examen final justifient pour la plupart d’un cursus de sept ans ou plus à l’université puis à l’école.

 

L’organisation matérielle du CAPA, quant à elle, mobilise au sein des écoles d’importantes ressources logistiques et financière (plus de 15 % du budget global de la formation initiale), dont la pertinence apparaît discutable au regard du taux de réussite à l’examen (98 % de reçus à l’issue des épreuves de rattrapage).

 

Enfin, il apparaît que la déontologie, qui constitue à l’évidence l’enseignement le plus essentiel, est insuffisamment valorisée dans le cadre de l’examen final ; le dispositif actuel permettant en effet à un élève de compenser son éventuelle insuffisance en ce domaine par les notes obtenues dans d’autres matières.

 

Ces considérations conduisent le Conseil national des barreaux à apporter plusieurs modifications à l’examen du CAPA.

 

En premier lieu, le jury ne sera plus présidé par un universitaire mais par un avocat, mieux à même d’apprécier les compétences professionnelles acquises par l’élève au cours de sa scolarité.

 

En vue de l’obtention du certificat, l’élève se verra attribuer une note finale composée de la moyenne des trois notes suivantes :

 

  • Une note de contrôle continu, qui se substituera aux actuelles épreuves écrites ainsi qu’à l’épreuve de langue ;

 

  • Une note à coefficient double sanctionnant une épreuve orale de déontologie de 30 minutes, précédée d’un temps de préparation de 15 minutes. Le programme de l’examen de déontologie sera identique à celui imposé aux personnes sollicitant l’entrée dans la profession avec dispense du CAPA [8]. Afin de renforcer l’importance de cette épreuve, toute note inférieure à 10 sera éliminatoire.

 

  • Une note sanctionnant une épreuve orale de 40 minutes environ, se déroulant en deux temps :

 

  1. Après une préparation d’une heure, présentation en 10 minutes d’un dossier portant sur l’une des matières suivantes : droit civil, droit des affaires, droit social, droit pénal, droit administratif, droit international et européen, droit fiscal. Cette présentation sera suivie d’une discussion avec le jury.
  2. Présentation en 10 minutes des rapports de stage (stage extérieur de deux mois et stage en cabinet d’avocats), suivie d’une discussion avec le jury.

 

Enfin, le jury pourra arrêter et publier un classement par ordre de mérite pour les premiers lauréats de chaque promotion.

 

 

V - L’entrée dans la profession du titulaire du CAPA

 

Un débat a pris place au sein du Conseil national des barreaux quant aux modalités d’exercice de sa profession par le jeune confrère nouvellement diplômé.

 

Du fait du raccourcissement de la période de formation initiale, d’aucuns souhaitaient en effet que soit limitée la possibilité d’installation immédiate actuellement ouverte aux titulaires du CAPA dès leur sortie de l’école. Il avait donc été envisagé dans un premier temps de conférer au lauréat le titre «d’avocat référendaire», et de l’astreindre pendant une année après sa prestation de serment à une collaboration obligatoire complétée par une obligation de formation renforcée ; le titre d’avocat de plein exercice n’étant décerné qu’à l’issue de cette période.

 

Cette proposition a suscité diverses réserves :

  • de la Chancellerie, qui  y voyait une possible atteinte au principe communautaire de la liberté d’établissement ;
  • ainsi que d’une partie de la profession et notamment de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA), dénonçant une résurgence de l’ancien statut d’avocat stagiaire.

 

Tenant compte de ces observations, le Conseil national des barreaux confirme en définitive que l’avocat titulaire du CAPA est bien avocat de plein exercice. Dès sa sortie de l’école, il pourra donc exercer à son gré :

  • soit en qualité de collaborateur libéral ou salarié,
  • soit en qualité d’avocat associé,
  • soit dans le cadre d’une installation immédiate.

 

Au cours de sa première année d’exercice professionnel, il bénéficie désormais de l’appui d’un avocat accompagnant, justifiant d’un an au moins d’ancienneté, dont il aura fait le choix ou qui lui aura été désigné par le conseil de l’ordre.

 

En outre, le nouveau titulaire du CAPA est assujetti pendant un an à une obligation renforcée de formation continue à concurrence de 30 heures, dont 10 heures dédiées à la déontologie et 10 heures à la gestion de cabinet ; le non-respect de cette obligation étant sanctionné par l’omission.

 

 

Toutes ces propositions adoptées le 16 novembre par le Conseil National des Barreaux ont été transmises à la Chancellerie. Il appartient désormais à celle-ci de définir le calendrier de la réforme, qui sera mise en œuvre par voie législative et réglementaire. Dans l’attente, les textes actuels demeurent naturellement en vigueur.

 

C’est donc à l’horizon 2019/2020 que nos futurs confrères devraient enfin pouvoir bénéficier de cette formation densifiée, synonyme d’un renforcement des compétences pour une profession résolument tournée vers l’avenir.

 

 


[1] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. 21-1 (N° Lexbase : L6343AGZ).

[2] Issu d’un rapport adopté le 15 novembre 1997 par le Conseil national des barreaux, le dispositif n’a été transcrit dans les textes qu’en 2004 pour une entrée en vigueur au 1er septembre 2005

[3] Décision CNB du 7 janvier 2015, JO, 18 janvier 2015, p. 833.

[4] Décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016 modifiant les conditions d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats (N° Lexbase : L5926LAQ).

[5] La commission de la formation professionnelle (décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, art. 39 N° Lexbase : L8168AID) est composée de six avocats élus parmi les membres du CNB, et de deux magistrats et deux universitaires désignés par arrêté du garde des Sceaux. Elle élabore des propositions au vu desquelles l’assemblée générale du CNB délibère ensuite.

[6] Résolution disponible au téléchargement sur le site du CNB : http://cnb.avocat.fr

[7] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 12-1, alinéa 3.

[8] Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, art. 98-1.

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Baux d'habitation

[Textes] Loi "ELAN", les apports dans le domaine locatif

Réf. : Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (N° Lexbase : L8700LM8)

Lecture: 34 min

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par Marc Dupré, Maître de conférences, Université Catholique de l’Ouest, Chercheur associé IEJUC (EA 1919)

Le 30 Août 2021

Immobilier / Habitat / Logement/ Bail d’habitation / Rapports locatifs

 

 

Un an de plan [1], de concertations [2], de projet [3], de débats parlementaires denses ayant passablement modifié le projet initial [4], de censures partielles du Conseil constitutionnel [5], ont abouti à la loi portant «Evolution du Logement, de l’aménagement et du numérique» [6], dite loi «ELAN», du nom de ce ruminant du grand nord habitué à peiner dans l’hiver austral pour trouver de quoi manger. Il ressort de cette année importante pour le droit de l’immobilier français que l’animal est bien nourri, sans qu’on puisse déjà savoir si l’herbe qu’il a engloutie était parfaitement comestible, tant les axes directeurs sont parfois noyés sous la quantité d’information.

Le texte, porté par Monsieur Jacques Mézard alors ministre de la Cohésion des territoires [7] et par son secrétaire d’Etat Monsieur Julien Denormandie, devenu depuis ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement, modifie largement, sans qu’on puisse en tirer déjà toutes les conséquences, le droit applicable au domaine de l’immobilier.

Droit de l’urbanisme, de la construction, de la copropriété, des professionnels de l’immobilier, du logement social, dispositions applicables au logement locatif et même prise en compte de l’organisation des Jeux Olympiques de 2024 [8], l’ensemble de la matière est plus ou moins impacté par ce nouveau texte. De 65 articles dans le projet gouvernemental, le texte voté, avant censure par le Conseil constitutionnel, faisait état de 234 articles. Il apparaît difficile dans ces conditions de faire ressortir une cohérence d’ensemble.

Cette étude portera essentiellement sur les conséquences de la loi «ELAN» dans le secteur des rapports locatifs, et principalement dans le secteur privé.

Face à la somme de nouvelles dispositions disparates et énonçant des concepts parfois surprenants [9], le Conseil constitutionnel est d’ores et déjà venu tenter de limiter la gourmandise du législateur par la sanction de nombreux cavaliers législatifs. Dans le domaine locatif, les modifications apportées à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L8461AGH) sont en partie réduites puisque sont censurés les articles 108 (élargissant les conditions dérogatoires de résiliation du contrat de l’article 13), 121 (prévoyant que «la clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat en cas d’inexécution des obligations du locataire résultant de troubles de voisinage constatés par décision de justice passée en force de chose jugée est réputée écrite dès la conclusion du contrat»), 135 (alourdissant encore l’article 3 et portant sur la notification au syndic de l’immeuble de l’identité du locataire), 155 (complétant l’article 23 sur la liste des charges récupérables et la périodicité de rectification de leur liste, solution pourtant utile tant la liste est désormais désuète). Par ailleurs, l’article 72 qui visait à établir un «Observatoire des diagnostics immobiliers» est également remis en cause, tout comme d’autres dispositions dont, en effet, on ne percevait pas bien les liens avec les objectifs initiaux de la loi «ELAN» (articles 123 et 152 relatifs aux accès des huissiers de justice [10] et aux agents de l’INSEE aux boîtes aux lettres). Enfin, l’article 147 était relatif à certaines dispositions particulières aux locations saisonnières.

Malgré ces coupes sèches, un constat demeure. Si la loi «ELAN» était bien un projet utile pour faire face à l’évolution des enjeux de l’immobilier, et notamment dans le domaine locatif, force est de constater que les critiques habituelles portées au législateur contemporain peuvent encore une fois être formulées de la manière suivante : à quand une loi refondatrice et cohérente ?

Un seul exemple parmi d’autres [11], la loi du 6 juillet 1989, qui demeure après la loi «ELAN» toujours imperméable au profane alors qu’elle est confirmée comme le modèle du bail d’habitation [12]. En lieu et place d’une réflexion d’ensemble sur la nature du contrat de location pour refondre cette loi autour d’axes clarifiés, le législateur a, une nouvelle fois, poursuivi la tradition française de compléter les anciens textes par des dispositions liées à d’autres considérations que les pures obligations locatives (article 136 sur la fin de la solidarité des locataires en cas de «violences conjugales»), ou les rendant de moins en moins accessibles et compréhensibles (le nouvel article 25-12 de la loi du 6 juillet 1989 traitant du nouveau «bail mobilité» prévoit ainsi que «les articles 1er, 32, 33, 4, 5, 6, 7, 71 et 8, les I à IV de l’article 81 et les articles 18, 21, 221, 222, 254 et 255 sont applicables au bail mobilité»). A toujours vouloir trouver un consensus et à surajouter des amendements pour satisfaire certains objectifs annexes à la loi, le domaine du bail d’habitation demeure après la loi «ELAN» un maquis législatif difficilement pénétrable que la jurisprudence s’efforcera encore demain, tant bien que mal, de clarifier [13].

Ne pouvant traiter dans le détail de l’ensemble des dispositions relatives aux locations dans les logements sociaux, nous porterons cette étude sur les grands élans de la loi.

I. Un "ELAN" sans réelle vigueur : les modèles contractuels

  • Le dispositif expérimental d’occupation temporaire de locaux vacants (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 29)

Un dispositif expérimental [14] est prévu à l’article 29 de la loi «ELAN», visant à la conclusion de conventions entre propriétaires et des organismes agréés en vue d’assurer «la protection et la préservation de locaux vacants par l’occupation de résidents temporaires, notamment à des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social». Il ne relève pas de la location en tant que telle, mais il interroge cependant sur la qualification juridique qui sera donnée aux contrats conclus dans ce cadre entre les organismes agréés et des personnes physiques en situation de «détresse» [15], et plus encore sur le statut de ces «résidents temporaires» qui occuperont les locaux au titre de leur logement ou de leur hébergement (en principe à titre gratuit, mais parfois moyennant le versement d’une redevance). Ceux-ci pourront faire valoir un certain nombre de mesures protectrices (motivation de la rupture, légitimité et sérieux des motifs invoqués, durée minimale), mais n’auront pas droit au bénéfice des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 au terme de leur contrat. Par ailleurs, la loi est silencieuse quant aux effets de la rupture de la convention conclue entre l’Etat et les organismes habilités ou en cas de retrait de l’agrément. Il conviendra d’attendre le décret du Conseil d’Etat pour obtenir plus d’informations sur ce point. Cette mesure est à mettre en parallèle avec les modifications apportées aux articles L. 642-1 du Code de la construction et de l’habitation (N° Lexbase : L0584IWK) et suivants par les articles 32 et 33 de la loi, en vue de tenter de rendre plus effectif le droit au logement par le renforcement des procédures de réquisition.

  • Le bail mobilité (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 107)

L’article 107 constitue l’une des principales «nouveautés» de la loi «ELAN» en matière locative. Le législateur a souhaité par ce biais réduire le champ d’application de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 [16] en créant un nouveau type de contrat meublé, exclusif de l’application du titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989, mais appliquant ses articles 1er, 3-2, 3-3, 4, 5, 6, 7, 7-1 et 8, les I à IV de l'article 8-1 et les articles 18, 21, 22-1, 22-2, 25-4 et 25-5.

Intitulé «bail mobilité», il porte sur un logement meublé [17] destiné aux personnes pouvant justifier à la date de la prise d’effet du bail «être en formation professionnelle, en études supérieures, en contrat d’apprentissage, en stage, en engagement volontaire dans le cadre d’un service civique prévu au II de l’article L. 1201 du Code du service national, en mutation professionnelle ou en mission temporaire dans le cadre de son activité professionnelle».

L’objectif louable de créer un contrat plus souple en matière de bail d’habitation à durée réduite (de 1 à 10 mois, non renouvelable et non reconductible) est hélas immédiatement contrebalancé par des mentions impératives nombreuses, l’absence de certaines pouvant entraîner l’application de l’ensemble du Titre Ier bis de la loi du 6 juillet 1989.

On peut légitimement s’interroger sur le futur succès d’un tel modèle alors qu’il prévoit que les clauses de solidarité entre locataires ou leurs cautions seront réputées non écrites, qu’aucun dépôt de garantie ne peut être exigé du bailleur, que le seul locataire peut mettre fin à tout moment au contrat en respectant un préavis d’un mois et que les charges locatives sont récupérées sous la forme d’un forfait versé simultanément au loyer qui ne peut donner lieu ni à complément, ni à régularisation.

Par ailleurs, comme tout bail dérogatoire au régime de principe de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, pèse sur lui le risque non seulement d’une requalification en bail meublé, mais plus encore en bail d’habitation classique [18]. La liste des potentiels bénéficiaires d’un tel bail est à ce titre assez ambigüe et il serait prudent de déconseiller à un bailleur non aguerri de conclure un tel contrat avec une personne «en formation professionnelle» ou en «mutation professionnelle» dans l’attente de plus de précisions jurisprudentielles sur ces notions. C’est sans doute pour pallier ce danger que la loi prévoit que la poursuite du bail après son terme opère l’apparition d’un bail meublé soumis au titre Ier bis de la loi du 6 juillet 1989, maigre consolation au regard des risques encourus.

En réalité, ce nouveau modèle de bail meublé ne résout en rien les vrais enjeux de la location d’habitation. A quand une refonte d’un régime devenu obèse et cumulant droit commun, droit spécial et droits hyperspéciaux du bail ?

  • Les modèles «sociaux» (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 109 et 117)

L’article 109 de la loi, applicable aux logements conventionnés, élargit encore leur champ d’application en créant un article L. 353-22 du Code de la construction et de l’habitation (N° Lexbase : L8249HEA) qui précise que «les bailleurs peuvent louer, meublés ou non, des logements faisant l'objet d'une convention conclue en application de l'article L. 351-2 et d'une autorisation spécifique permettant de réserver tout ou partie des logements d'un programme à des jeunes de moins de trente ans, mentionnés aux cinquième et septième alinéas du III de l'article L. 441-2. Les jeunes de moins de trente ans, occupant les logements à ce titre, ne bénéficient pas du droit au maintien dans les lieux. Le contrat de location est d'une durée maximale d'un an, renouvelable dès lors que l'occupant continue de remplir les conditions d'accès à ce logement».

Dans une même optique clairement sociale, l’article 117 de la loi «ELAN» encadre la conclusion de contrats de location ou de sous-location entre personnes de plus de soixante ans et de moins de trente ans, au domicile des premières. La mesure est positive dans l’optique de rassurer des personnes âgées hésitantes, de lutter contre le développement du phénomène «sugar daddy», qui dissimule une forme de prostitution estudiantine, mais également dans une démarche de réinsertion de jeunes en difficulté ou ayant du mal à accéder au marché locatif privé, conventionné ou social.

Les articles L. 631-17 et suivants du Code de la construction et de l’habitation créent ainsi le «contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire», formule pour le moins absconse, exclusif de l’application de la loi du 6 juillet 1989. Les nouvelles dispositions, qui seront complétées par une «charte de la cohabitation intergénérationnelle solidaire définie par arrêté», précisent qu’il s’agit bien d’une «location» ou d’une «sous-location» qui s’impose au bailleur principal [19], et ce même s’il s’agit d’une habitation à loyer modéré ou si le contrat porte sur des logements listés par l’article L. 351-2 du Code de la construction et de l’habitation (N° Lexbase : L9511LHQ). Sa durée est libre et moyennant une contrepartie financière «modeste» définie librement entre les parties, voire de «menus services par la personne de moins de trente ans», «sans but lucratif pour aucune des parties» et ne relevant pas du droit du travail, les premiers contrats devraient voir le jour dans les prochains mois.

Néanmoins, certains points de vigilance devront attirer l’attention des parties. Les locataires devront observer que la durée du préavis qui n’est que d’un mois au bénéfice des deux parties constitue une vraie rupture dans la logique de protection des locataires bien établie par la loi du 6 juillet 1989. Il sera sans doute utile pour remédier à cette difficulté de fixer une durée précise aux contrats [20]. Il conviendra, du côté des bailleurs, de bien justifier le caractère modeste [21] de la contrepartie financière [22] et la nature des services réalisés par le «locataire» [23], et de ne pas oublier que le contrat doit prendre fin, quoiqu’il arrive, aux trente ans du locataire [24].

Par ailleurs, la nouvelle législation ne résout pas la question de l’inexécution des obligations par l’une ou l’autre des parties. En toute logique, seules les dispositions de droit commun du bail semblent avoir vocation à s’appliquer aux parties [25], leur redonnant un champ d’application renouvelé alors qu’on les pensait moribondes. Aucune solution n’est également apportée en cas de décès du bailleur : le contrat peut-il alors se poursuivre au bénéfice du locataire ? L’article 1742 du Code civil (N° Lexbase : L1864ABN) précise que le contrat de louage n’est pas résolu par la mort du bailleur. A moins que l’on doive appliquer alors l’article 1186 du Code civil (N° Lexbase : L0892KZ3) relatif à la caducité du contrat ?

De nombreuses questions restent donc en suspens. On peut par ailleurs regretter que la loi reste timorée en n’envisageant que les relations entre personnes de plus de 60 ans et de moins de 30 ans et ne se soit pas intéressée aux nouveaux modes de cohabitation permettant la réinsertion de personnes sans domicile fixe ou en difficulté par une cohabitation avec de jeunes professionnels [26]. Plus encore, c’est une nouvelle fois le signe que le droit du bail d’habitation mérite une refonte complète que des lois ponctuelles ne permettent pas.

  • Le meublé de tourisme (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 145)

Dernière modification touchant au marché locatif privé, le régime du meublé de tourisme, intégré au sein du Code de tourisme aux articles L. 324-1 et suivants (N° Lexbase : L6052ISX), est à nouveau modifié [27] pour tenir compte des évolutions de ce marché depuis l’apparition des sites de location en ligne. Ce régime particulier, soumis à déclaration lorsque le bien loué ne constitue pas l’habitation principale [28], est contraint de s’adapter à un marché en pleine évolution.

Une définition large -et qu’il faut approuver- du meublé de tourisme est offerte à l’article L. 324-1-1, I du Code de tourisme (N° Lexbase : L4975LAI). Il s’agit «des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois».

Par ailleurs, afin de lutter contre un marché parallèle de l’hôtellerie, l’article vient encadrer davantage les possibilités de location d’une personne louant tout ou partie de sa résidence principale, des amendes pouvant être prononcées par le président du tribunal de grande instance du lieu où est situé le bien, statuant en la forme des référés.

II. Un "ELAN" complexifié : les difficultés de la location

  • La résiliation du bail (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 136 et 137)

Un article 8-2 est inséré au sein de la loi du 6 juillet 1989 par l’article 136 de la loi «ELAN». Il est relatif aux conséquences des violences exercées sur un conjoint (marié, lié par un PACS ou en concubinage notoire) ou sur un enfant résidant habituellement avec lui et qui a motivé le départ du logement loué.

Sous réserve d’informer le bailleur par lettre recommandée avec avis de réception, et en y joignant la copie notifiée d’une ordonnance de protection d’un juge aux affaires familiales ou la copie d’une condamnation pénale pour des faits de violence sur sa personne ou sur un enfant résidant habituellement avec lui et datant de moins de six mois, le conjoint ayant quitté le logement et la personne qui s’en est portée caution ne sont plus solidaires du paiement des dettes futures à compter de la première présentation du courrier au domicile du bailleur. La solution proposée est pleine de bonnes intentions mais s’avère assez démagogique et ouvrira de nombreuses difficultés.

Les conditions de mise en œuvre devront être articulées avec le régime des ordonnances de protection et les pouvoirs dont dispose déjà le juge en ce domaine [29], mais en considérant bien que de telles ordonnances sont difficiles à obtenir en pratique. Bien plus, il semble que l’article vise principalement les victimes de violences qui, ayant quitté (que recouvre ce terme ? définitivement ? en urgence ?) le logement ne se verraient pas attribuer celui-ci par une ordonnance de protection. Cette situation n’est d’ailleurs pas nécessairement définitive si une procédure de divorce suit l’ordonnance, tandis que la fin de la solidarité semble a priori l’être. Par ailleurs, l’ordonnance de protection reste provisoire et de nature civile : elle n’établit pas une condamnation pénale de l’auteur des violences [30]. Elle est d’une durée limitée à six mois, sauf si une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée (réservée donc aux époux) ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d'une requête relative à l'exercice de l'autorité parentale. La possibilité d’envoyer une condamnation pénale au bailleur (qu’on espère définitive, mais rien n’est précisé) semble également poser question au regard de la durée des procédures et au caractère suspensif des recours, mais également au regard des incriminations concernées qui ne sont pas précisées [31]. Par ailleurs, la description des enfants victimes soulève question. Seuls certains enfants sont concernés, à savoir ceux résidant habituellement avec le conjoint qui quitte le logement. Cela exclurait-il les situations de violence contre des mineurs hébergés uniquement au titre d’un droit de visite et d’hébergement ? Cela inclurait-il certains jeunes majeurs ? Il n’existe pas de véritable cohérence à la disposition.

Elle doit ensuite être mise en parallèle de l’article 220 du Code civil (N° Lexbase : L7843IZI) pour les époux mariés et de l’article 515-4 (N° Lexbase : L7842IZH) pour les parties à un PACS, en ce qu’elle semble constituer une véritable dérogation à leurs dispositions, aucune distinction n’étant faite sur ce point quant à l’origine de la solidarité ou quant aux dettes concernées [32]. On verrait mal en effet pourquoi la solidarité des dettes serait maintenue pour les époux ou les partenaires d’un PACS alors qu’elle disparaîtrait totalement pour le concubin notoire dans un contexte similaire.

Par ailleurs, comment justifier que la loi ait prévu la disparition de la solidarité du paiement des dettes pour l’avenir sans adjoindre expressément la disparition même du lien entre le bailleur et le conjoint victime de violences lorsqu’il est partie au contrat [33] ? La rédaction de l’article pose ici sérieusement question. On comprend difficilement l’utilité de la mesure si elle devait ouvrir la voie d’une action divisée du bailleur contre le conjoint auteur d’actes de violence et le conjoint victime pour le paiement de la moitié du loyer et des charges, puisque les obligations seraient redevenues conjointes [34]. On ne peut qu’en conclure que le locataire auteur de violences est seul tenu au paiement des loyers à compter de l’information du bailleur, mais il reste délicat de justifier que le conjoint victime de violences demeure alors titulaire du bail. Interprété largement, cet article pourrait alors consacrer un nouveau mode de résiliation unilatérale du bail pour violences, auquel le bailleur ne pourrait s’opposer, notamment lorsque le conjoint est également partie au contrat. Cette optique pourrait notamment se déduire du dernier alinéa de l’article 8-2 qui précise qu’à compter de la première présentation du courrier au domicile du bailleur, l’absence de paiement du loyer par l’auteur des violences est un motif légitime et sérieux de rupture du bail. Dans cette optique [35], cet article constituerait alors une dérogation à la cotitularité du bail de l’article 1751 du Code civil (N° Lexbase : L8983IZQ), ce qui ne serait pas forcément plus intéressant puisque la personne mariée victime de violences peut avoir intérêt à se voir attribuer le logement lors de la procédure de divorce.

Enfin, entre les intérêts des personnes subissant des actes de violence et ceux du bailleur, le législateur a tranché. Mais il a implicitement tranché également entre les intérêts du bailleur et ceux de l’auteur des violences. Le dernier alinéa de ce nouvel article 8-2 justifie un nouveau motif légitime et sérieux de rupture du bail. Mais, outre que ses recours en paiement seront désormais réduits, le bailleur devra subir tous les affres et les longueurs de la procédure de résiliation et d’expulsion du locataire auteur d’actes de violence [36].

Si l’on comprend l’intention du législateur de ne pas faire supporter financièrement un départ contraint de son logement par une partie victime de violences, ce qui constituerait une forme de «double peine», on comprend moins la solution retenue qui consiste par ricochet à punir le bailleur. Il ne se passera pas longtemps avant que l’article ne soit probablement réécrit.

Plusieurs articles de la loi «ELAN» traitent par ailleurs de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989. L’article 137 en modifie le I et établit sept alinéas relatifs à la validité formelle du commandement de payer (délai de deux mois pour régler la dette, montant mensuel du loyer et des charges, décompte de la dette, avertissement des conséquences du non-paiement, possibilité de saisine du fonds de solidarité du département, possibilité de solliciter des délais de grâce). Rien de bien nouveau ici : le bailleur doit fournir à son locataire négligent dans l’exécution de son obligation toutes les indications pour l’aider à apurer sa dette, mais également pour se défendre face à ses prétentions, le tout étant encadré par un formalisme qui sera apprécié de manière rigoureuse par les juges. Le recours aux professionnels du droit, avocats ou huissiers, s’avère encore une fois indispensable en ce domaine pour les bailleurs [37].

L’article 24, III, est de son côté une nouvelle fois complété et un décret viendra préciser le contenu du diagnostic social et financier réalisé par l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées. Il faut espérer que cette mesure mettra fin aux incertitudes du travail de ces organismes, tout en regrettant par ailleurs la rigidification administrative d’une disposition qui a l’intention louable d’aider des personnes en difficultés, mais devient un véritable pavage infernal pour certains bailleurs bien souvent déroutés par la complexité de la résiliation d’un bail locatif alors même qu’ils n’ont commis aucun manquement.

  • Le cautionnement (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 134 et s.)

Situés dans un chapitre III intitulé «Améliorer les relations entre locataires et bailleurs et favoriser la production de logements intermédiaires», les articles 134 et suivants de la loi «ELAN» prévoient une simplification du cautionnement de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 : «La personne physique qui se porte caution signe l'acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte ainsi que la reproduction de l'avant-dernier alinéa du présent article». La condition de la reproduction manuscrite de ces informations disparaît donc (enfin). Il est à espérer que les juges pourront désormais se concentrer exclusivement sur le fond de la question, à savoir la qualité de l’information fournie à la caution quant à la portée de son engagement.

Il sera en ce sens utile aux rédacteurs d’actes sous signature privée de faire apparaître bien distinctement (en gras ?) et sans erreur de rédaction sur l’instrumentum les éléments décrits par l’article 22-1, afin de se prémunir contre toute tentative de nullité de l’acte.

  • Surendettement (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 118)

La question du jeu des clauses résolutoires, des délais accordés aux preneurs par le juge [38], auquel se surajoute souvent une procédure de surendettement des particuliers, constitue une difficulté importante du domaine locatif, que la loi du 6 juillet 1989 a des difficultés à régler de manière articulée avec les dispositions du Code de la consommation. Afin de tenir compte de cette réalité, le très long article 118 de la loi «ELAN» a opéré de nombreuses modifications qui entreront en vigueur au 1er mars 2019, le but étant de parvenir à une cohérence plus grande, entre la loi du 6 juillet 1989 en son article 24 et l’article L. 714-1 du Code de la consommation. L’idée générale est d’accorder des délais afin de favoriser le maintien dans les lieux du locataire en difficultés financières mais qui demeure de bonne foi et a repris le règlement de ses loyers et charges. Néanmoins, on peut légitimement s’interroger sur la durée totale des délais dont pourra bénéficier le débiteur au regard des difficultés financières que cela peut occasionner à certains bailleurs.

L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit toujours en son V une exception classique au jeu de la clause résolutoire par l’octroi de délais de paiement. Ce même article 24, V prévoit que le juge devra inviter les parties à l’informer de l’existence d’une procédure de traitement du surendettement, sans qu’on sache les conséquences à tirer de l’absence d’information. En présence d’une telle procédure, le VI de l’article 24 prévoit une réponse adaptée à l’avancée de la procédure de traitement du surendettement, à laquelle le juge ne semble pas pouvoir déroger. Ainsi, en présence d’une ouverture d’une procédure de traitement du surendettement au bénéfice du locataire et si ce dernier a repris le paiement des loyers et des charges au jour de l’audience [39], le juge statue sur l’octroi de délais qui s’imposent à lui en fonction de l’avancée de la procédure de traitement du surendettement (décisions de recevabilité, plan conventionnel de redressement, rétablissement personnel sans liquidation, contestation) et sur la suspension ou le jeu de la clause de résiliation en fonction des remboursements réalisés.

Par ailleurs, la loi «ELAN» modifie l’article L. 722-5 du Code de la consommation (N° Lexbase : L0749K7U) de façon bienvenue en permettant à un locataire dont la demande de traitement du surendettement est recevable et auquel il a été accordé des délais de régler sa dette locative et non plus seulement des créances alimentaires.

  • Les diagnostics techniques (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 179)

L’article 179 de la loi «ELAN», qui n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2021, modifie l’article 3-3 de la loi du 6 juillet 1989 relatif aux diagnostics de performance énergétique. Si ceux-ci conservent leur valeur purement informative, les diagnostics devront désormais contenir des «recommandations». Outre le risque d’une augmentation du coût des diagnostics, on sent poindre progressivement, en cette période de «transition énergétique», une obligation d’effectuer des travaux avant toute location dans une prochaine loi sur la matière.

  • La qualité du logement (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 141, 142, 185, 190, et 198)

Après avoir établi la nécessité d’un logement décent, avoir mis en œuvre des hauteurs sous-plafond minimales, le législateur modifie l’article 8-1, II de la loi du 6 juillet 1989 relatif à l’encadrement des colocations, qui prévoit désormais que, par dérogation à l’article L. 111-6-1 du Code de la construction et de l’habitation (N° Lexbase : L9117IZP), la surface et le volume des locaux privatifs doivent au moins être de 9 mètres carrés et 20 mètres cubes.

Par ailleurs, l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 est complété, le logement décent couvrant l’absence de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique, à la santé, et désormais devant être «exempt de toute infestation d’espèce nuisibles ou parasites». Une telle solution s’avère particulièrement rigide et dangereuse pour le marché locatif. Au regard des conséquences de l’indécence d’un logement [40], il apparaît pour le moins léger d’intégrer l’ensemble des espèces nuisibles et parasites comme cause d’indécence, avec pour seul critère d’appréciation la notion d’infestation, laquelle, non juridique, devra faire l’objet d’une interprétation complexe en fonction des situations. A partir de quand la présence de termite, de mérule, rendra-t-il le logement indécent ? D’autant que certains parasites ou espèces nuisibles peuvent avoir été importés par le locataire [41]. L’article apparaît bien davantage superfétatoire en ce qu’une interprétation intelligente par les juges des notions d’atteinte à la sécurité physique ou à la santé devrait permettre d’intégrer ces parasites et ces espèces nuisibles sans avoir besoin d’autres précisions [42].

Par ailleurs, la lutte contre les marchands de sommeil est accentuée par les articles 185 et 190 de la loi «ELAN», qui renforcent la répression pénale en la matière en y ajoutant notamment des peines complémentaires comme la confiscation du bien. Plus largement, l’ensemble d’un chapitre III consacré à la «lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil» vient renforcer les contrôles et les obligations pesant sur les propriétaires, usant de l’astreinte comme moyen de pression. En fait-on trop ? L’avenir le dira, puisque l’article 198 de la loi «ELAN» a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure destinée à «améliorer et renforcer la lutte contre l’habitat indigne». 

  • L’occupation illicite de domiciles et de locaux à usage d’habitation (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 201)

Un article 201 de la loi «ELAN» vient traiter de la «lutte contre l’occupation illicite de domiciles et de locaux à usage d’habitation». La mesure est bienvenue tant la question est sensible, notamment lorsque des «squatteurs» empêchent l’occupant légitime de pénétrer dans son domicile. L’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L7854LCU) est modifié afin de favoriser les expulsions consécutives au constat d’une occupation illicite du logement due à une entrée par voie de fait. L’article modifié prévoit que le délai de deux mois qui suit le commandement délivré ne s’appliquera pas à cette situation. Par ailleurs, le nouvel article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L7852LCS) prévoit qu’aucun sursis à exécution durant la trêve hivernale n’est applicable en cas d’introduction par voie de fait dans le domicile d’autrui, et que le juge dispose d’un pouvoir de réduction ou de suppression du délai de sursis en cas d’entrée par voie de fait dans un autre lieu que le domicile du demandeur. Ces mesures apparaissent équilibrées : elles tiennent compte de la qualité du logement (domicile ou non) afin de mettre en balance les intérêts en présence. Lorsque le logement occupé est le domicile du défendeur, aucune justification, même liée à la trêve hivernale, ne doit venir contrarier son retour dans les lieux.

  • L’acquisition du logement occupé (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 97, 9°)

Enfin, l’article L. 443-11 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) (N° Lexbase : L7848LCN), qui énonce les conditions dans lesquelles un logement dont l’organisme organisme d'habitations à loyer modéré souhaite se séparer, est largement complété. Lorsque le bien est occupé, le locataire, qui arrive désormais dans un paragraphe II de cet article et après les dispositions relatives aux ventes à un autre organisme HLM ou à une société d’économie mixte agréée, devra avoir occupé le logement durant deux années afin de pouvoir acquérir le bien ou de pouvoir proposer la vente à son conjoint ou, s'ils ne disposent pas de ressources supérieures à celles qui sont fixées par l'autorité administrative, à ses ascendants et descendants, lesquels pourront acquérir avec leur conjoint, partenaire ou concubin. L’article L. 443-7 du même code, qui prévoit la cession «des logements construits ou acquis depuis plus de dix ans par un organisme d'habitations à loyer modéré» est également étendu en ce que la vente peut porter sur un ensemble d’immeubles, mais surtout avoir lieu sous la forme d’une vente d’immeuble à rénover.

La mesure, qui vise clairement à éviter des manœuvres douteuses tout en favorisant la vente et la rénovation urbaine, est à approuver dans son principe dans l’optique de favoriser l’accès à la propriété de personnes à revenus modestes.

III. Un "ELAN" politique : les défis de la location dans certaines zones

L’une des difficultés récurrentes du domaine locatif réside dans l’augmentation des loyers, excluant de facto un grand nombre de personnes du marché locatif privé, sans pour autant leur permettre d’accéder au marché réglementé ou au marché social. Les pis-aller que constituent le bail mobilité ou la cohabitation intergénérationnelle ne peuvent cacher cette réalité.

  • L’information de l’observatoire local des loyers (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 139)

Plusieurs mesures sont ainsi mises en place par la loi «ELAN» afin d’analyser les causes structurelles de cette réalité. L’article 139 de la loi vient ainsi modifier plusieurs dispositions de la loi du 6 juillet 1989. Parmi les plus notables, on note l’obligation faite à «tout bailleur possédant une part significative des locaux constituant le parc de référence» de communiquer à l’observatoire des loyers des informations relatives au logement et au contrat de location. Cet observatoire devra être constitué selon l’article 17, I dans les «zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants» où se retrouvent des difficultés d’accès au logement (montant des loyers, peu de logements disponibles). Ces observatoires sont composés de bailleurs, locataires, gestionnaires et «personnalités qualifiées» (?).

  • L’encadrement des loyers (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 139 et 140)

Plus sensible, la question de l’encadrement des loyers revient sur le devant de la scène. Le principe de liberté contractuelle est néanmoins rappelé par l’article 17, II de la loi du 6 juillet 1989 : «La fixation du loyer des logements mis en location est libre». Le nouvel article 17-2, applicable aux logements meublés [43], prévoit lui que la réévaluation du loyer n’a lieu lors du renouvellement du contrat que s’il est «manifestement sous-évalué», en comparaison de loyers de références, un décret en Conseil d’Etat venant définir les «éléments constitutifs de ces références». Le bailleur devra néanmoins apporter trois à six [44] références pour justifier de cette réévaluation. Plus encore, l’article 140 de la loi «ELAN» propose «à titre expérimental et pour une durée de cinq ans», dans les zones d’urbanisation à difficultés de l’article 17, que des collectivités territoriales ou des organismes publics [45] pourront solliciter un dispositif d’encadrement des loyers répondant à un périmètre géographique précis et à des conditions de fond cumulatives : écart de loyer important entre le parc locatif privé et social, niveau de loyer médian élevé, taux de logements commencés faible rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années, perspectives limitées de production de logements. Les critères restent très souples et soumis à interprétation [46]. Leur réunion permettra de fixer un loyer de référence majoré égal «à un montant supérieur de 20 % au loyer de référence», ainsi qu’un loyer de référence minoré «égal au loyer de référence diminué de 30 %». Cela offrira la possibilité de solliciter une diminution des loyers excessifs lors de la conclusion du bail, sauf à justifier, ce qui donnera lieu à un contentieux sans doute fourni, de la légitimité d’un «complément de loyer» au regard de la localisation et du confort du logement. Faut-il entendre par là qu’un logement refait à neuf pourrait être loué au seuil maximal du loyer de référence, avec en sus un complément de loyer ? Et pourra-t-on tenir compte de l’usure du bien au fil du temps pour solliciter une diminution ou la suppression de ce complément de loyer ? On ne peut que s’étonner, au sein d’une loi favorable à la mixité sociale, que de telles dispositions autorisent des compléments de loyers dont la mise en œuvre reste très obscure. La fixation de ces loyers de référence permettra également une action en diminution des loyers lors du renouvellement du contrat, si le montant du loyer est supérieur au loyer de référence majoré, et d’encadrer la réévaluation des loyers manifestement sous-évalués dans ces zones. Enfin, l’irrespect de ces dispositions, lesquelles, en pratique, seront difficilement contrôlables, permettra le prononcé d’une amende par le représentant de l’Etat dans le département d’un montant pouvant aller jusqu’à 5 000 euros (et 15 000 euros pour les personnes morales). Cette mesure est, pour le moins, surprenante. On reste sceptique sur l’opportunité du prononcé de cette amende par le Préfet ainsi que sur les modalités du recours qui seront mises en place.

 

[1] Depuis la présentation d’un plan «Stratégie logement» du 20 septembre 2017 par Monsieur Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, Y. Rouquet, «Stratégie logement : le plan du gouvernement», D. Actualité, 22 septembre 2017.

[2] Une conférence dite «de consensus» a permis de rassembler, au Sénat, entre le 12 décembre 2017 et le 8 février 2018, entre 150 et 200 élus locaux et parlementaires.

[3] Le projet fut présenté le 4 avril 2018 en Conseil des ministres, avant d’entrer en discussion à l’Assemblée.

[4] Un accord paritaire mixte ayant eu lieu le 19 septembre 2018, l’Assemblée Nationale vota la loi le 3 octobre 2018, le Sénat suivant le 16 octobre dernier.

[5] Cons. const., 15 novembre 2018, n° 2018-772 DC (N° Lexbase : A1890YLL), D. Actu., 19 novembre 2018, obs. Y. Rouquet. La censure a porté essentiellement sur des cavaliers législatifs (les articles 52, 53, 66, 72, 73, 76, 91, 101, 108, 121, 123, 135, 144, 147, 152, 155, 161, 184 et 200), exception faite de l’article 196 de la loi, la censure invoquant un manquement à l’article 21 de la Constitution, relatif à la séparation des pouvoirs législatifs et réglementaires.

[6] Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, JORF n° 0272 du 24 novembre 2018.

[7] Et qui n’aura pas vu son aboutissement es qualité de ministre.

[8] V. notamment l’article 10 de la loi.

[9] L’article 22 de la loi «ELAN» énonce ainsi une curieuse «promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie dans les zones urbaines et rurales» au sein d’un chapitre consacré à «Favoriser la libération du foncier».

[10] Y. Rouquet, P. Sannino, L’accès aux parties communes par les huissiers, AJDI, 2018, 655.

[11] La question de la mise en œuvre de la garantie financière d’achèvement et de la rédaction du contrat préliminaire de la vente d’immeuble à construire (art. 75) ne sera pas non plus sans soulever des débats intenses. A noter aussi une énième tentative d’«Améliorer le traitement du contentieux de l’urbanisme», avec ses questions récurrentes sur l’application de la loi dans le temps (art. 80 s.) et sur une nouvelle modification des règles du contentieux administratif.

[12] En témoignent les nouvelles dispositions de l’article L. 353-21 du Code de la construction et de l’urbanisme relatives à certains logements conventionnés, qui y fait référence à plusieurs reprises.

[13] N. Damas, Bail d’habitation-avril 2017- mars 2018, D., 2018, 1117.

[14] Les contrats de résidence temporaires ne pourront porter effet au-delà du 31 décembre 2023.

[15] La loi fait référence à l’article L. 345-2-2 du Code de l’action sociale et des familles (N° Lexbase : L9049IZ8) : «Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence».

[16] Article d’ordre public, qui rappelle que «le présent titre s'applique aux locations de locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur […]».

[17] Loi du 6 juillet 1989, art. 25-4 : «Un logement meublé est un logement décent équipé d'un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d'y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante».

[18] L’exclusion expresse de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 entraînera sans aucun doute une appréciation très stricte des conditions d’application de ce nouveau bail meublé.

[19] Moyennant information préalable de celui-ci par le locataire principal. La possibilité ouverte par l’article 1717 du Code civil (N° Lexbase : L1839ABQ) d’interdire la sous-location est ainsi écartée pour cette forme de location.

[20] Si tant est que cette durée conventionnelle autorise à déroger à ce droit de résiliation unilatéral des parties.

[21] Doit-on voir dans l’usage du terme «modeste» une dérogation à l’article 1169 du Code civil (N° Lexbase : L0877KZI) ? : «Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire».

[22] Que l’on n’ose qualifier de loyer… En matière de logements des articles L. 351-2 et L. 411-2 du CCH, la contrepartie financière sera calculée dans les conditions de l’article L. 442-8-1 du Code de la construction et de l’habitation (N° Lexbase : L7720LCW).

[23] Il ne faudrait pas en effet que la cohabitation solidaire se transforme en contrat d’aide à domicile déguisé.

[24] Faute de quoi, en cas de continuation du bail, il existe un vrai risque de requalification en bail d’habitation classique ou en sous-location prohibée notamment par la loi du 6 juillet 1989.

[25] C. civ., art. 1719 et s. (N° Lexbase : L8079IDL).

[26] Il convient cependant de relever l’apparition des articles L. 281-1 et s. du CCH (N° Lexbase : L9007ISE), qui traite de «l’habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées» dans le domaine du logement social.

[27] Après les lois n° 2009-888 du 22 juillet 2009 (N° Lexbase : L9298IE4) et n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 (N° Lexbase : L4795LAT).

[28] Sauf dans certaines communes «où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 et L. 631-9 du Code de la construction et de l’habitation» et après délibération du conseil municipal.

[29] C. civ., art. 515-11, 3° et 4° (N° Lexbase : L9320I3L) sur l’attribution du logement en principe à la personne victime de violence et à la charge des frais afférents à ce logement.

[30] Le Code civil, en son article 515-11, traite de «raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés».

[31] Le harcèlement moral de l’article 222-33-2-1 du Code pénal (N° Lexbase : L6230LLC) est-il visé ?

[32] Conventionnelle, légale ?

[33] Notamment en cas de concubinage, et à l’instar de la solution intéressante de l’article 8-1, VI, de la loi du 6 juillet 1989.

[34] A. Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, Domat Droit privé, 12ème éd., 2017, n° 366. On pourrait aussi qualifier l’obligation de payer le loyer d’obligation indivisible. Outre que cela n’a rien d’évident au regard de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 30 octobre 2013, n° 12-21.973, FS-P+B N° Lexbase : A8016KN9, RTDCiv., 2014, 137, obs. P.-Y. Gautier), cela ne résout en rien la difficulté du conjoint victime de violences d’être tenu de la dette.

[35] Sur laquelle il convient néanmoins d’être encore réservé.

[36] En ce notamment les délais impératifs, la trêve hivernale, voire des délais de paiement.

[37] Alors que beaucoup d’entre eux ne disposent que de peu de moyens, la location d’un logement étant justement un complément de leur retraite.

[38] Lesquels peuvent aller jusqu’à trois années, aux termes de l’article 24, V, de la loi du 6 juillet 1989.

[39] Témoignant ainsi de sa bonne foi qui est la condition sine qua non du jeu de cet article 24.

[40] Loyer, exécution de travaux, relogement, indemnisation des préjudices, etc..

[41] On songe notamment aux punaises de lit et à certains acariens, voire aux termites.

[42] CA Paris, 6ème ch. sect. B, 27 janvier 2005, n° 03/02302 (N° Lexbase : A4695DGY) ; CA Colmar, 3ème civ., sect. A, 27 juin 2005.

[43] Mais avec des modalités de calcul de la hausse du loyer adaptées.

[44] Agglomérations de plus de 1 million d’habitants.

[45] Etablissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat, la commune de Paris, les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, la métropole de Lyon et la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

[46] Qu’est-ce qu’un écart «important», un niveau «élevé», un taux «faible», des perspectives «limitées» ?

newsid:466659

Concurrence

[Brèves] Conformité à la Constitution des dispositions relatives au déséquilibre significatif dans leur rédaction issue de la loi «Macron»

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-749 QPC, du 30 novembre 2018 (N° Lexbase : A4443YNU)

Lecture: 2 min

N6626BXP

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par Vincent Téchené

Le 05 Décembre 2018

► Le 2° du paragraphe I de l'article L. 442-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L7575LB8), dans sa rédaction issue de la loi «Macron» (loi n° 2015-990 du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC) qui interdit aux producteurs, aux commerçants, aux industriels et aux personnes immatriculées au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties est conforme à la Constitution. Tel est le sens d’une décision du Conseil constitutionnel du 30 novembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-749 QPC, du 30 novembre 2018 N° Lexbase : A4443YNU).

 

Le Conseil avait été saisi d’une QPC transmise par la Cour de cassation (Cass. com., 27 septembre 2018, n° 18-40.028, FS-D N° Lexbase : A1987X84).

 

Selon les sociétés requérantes, ces dispositions, telles qu’interprétées par la Cour de cassation dans son arrêt du 25 janvier 2017 (Cass. com., 25 janvier 2017, n° 15-23.547, FS-P+B N° Lexbase : A5465TAN ; lire N° Lexbase : N6478BWT), permettraient au juge de contrôler le prix des biens faisant l’objet d’une négociation commerciale. Dans la mesure où la méconnaissance de l’obligation prévue par ces dispositions est sanctionnée par une amende civile, la notion de déséquilibre significatif serait privée de la précision exigée par le principe de légalité des délits et des peines. Elles estiment également qu’un tel contrôle porterait une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre. Elles font, par ailleurs, valoir que la présomption d’innocence serait méconnue. Elles dénoncent, enfin, une rupture d’égalité devant la loi entre distributeurs.

 

Le Conseil rappelle qu’en application de ces dispositions, telles qu’interprétées par la Cour de cassation dans sa décision du 25 janvier 2017, l’existence d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties peut notamment résulter d’une inadéquation du prix au bien faisant l’objet de la négociation.

 

En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, le Conseil renvoie à sa décision du 13 janvier 2011 (Cons. const., décision n° 2010-85 QPC, du 13 janvier 2011 N° Lexbase : A8477GPN ; lire N° Lexbase : N1582BRZ) par laquelle il a examiné les dispositions du 2° du paragraphe I de l’article L. 442-6 du Code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 (loi n° 2008-776 N° Lexbase : L7358IAR), pour en conclure que les dispositions contestées ne méconnaissent pas ce principe.

 

En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle, il retient qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu rétablir un équilibre des rapports entre partenaires commerciaux, poursuivant ainsi un objectif d’intérêt général. Par ailleurs, les dispositions contestées permettent au juge de se fonder sur le prix pour caractériser l’existence d’un déséquilibre significatif dans les obligations des partenaires commerciaux. Dès lors, le législateur a opéré une conciliation entre, d’une part, la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle et, d’autre part, l’intérêt général tiré de la nécessité de maintenir un équilibre dans les relations commerciales. L’atteinte portée à ces deux libertés par les dispositions contestées n’est donc pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

newsid:466626

Contrats administratifs

[Brèves] Contrôle et surveillance des trains sur le site de Calais-Fréthun : prestation pouvant faire l’objet d’une redevance pour service rendu

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 28 novembre 2018, n° 413839, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2465YNM)

Lecture: 1 min

N6623BXL

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par Yann Le Foll

Le 05 Décembre 2018

Une prestation de contrôle, de surveillance et de gardiennage des trains de marchandises stationnés sur le site du faisceau du tunnel de Calais-Fréthun, comprenant, notamment, la détection de la présence éventuelle de personnes non autorisées à bord des trains, peut faire l’objet d’un contrôle pour service rendu. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 28 novembre 2018 (CE 2° et 7° ch.-r., 28 novembre 2018, n° 413839, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2465YNM).

 

Une redevance pour service rendu peut être légalement établie à la condition, d'une part, que les opérations qu'elle est appelée à financer ne relèvent pas de missions qui incombent par nature à l'Etat et, d'autre part, qu'elle trouve sa contrepartie directe dans une prestation rendue au bénéfice propre d'usagers déterminés.

 

La réalisation de ces prestations de sûreté, qu'il est loisible aux entreprises ferroviaires de prendre directement en charge, est indispensable pour l'accès des trains de marchandises au tunnel sous la Manche.

 

Dans ces conditions, la redevance litigieuse doit être regardée comme finançant des opérations qui ne relèvent pas de missions qui incombent par nature à l'Etat et comme trouvant sa contrepartie directe dans une prestation rendue au bénéfice propre des entreprises qui veulent faire circuler des trains de marchandise dans le tunnel sous la Manche.

 

Dès lors, la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 4ème ch., 28 juin 2017, n° 15PA00819 N° Lexbase : A7765WL8) a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la prestation de sûreté litigieuse ne pouvait faire l'objet d'une redevance pour service rendu.

newsid:466623

Contrat de travail

[Brèves] Première décision de la Cour de cassation statuant sur la qualification du contrat liant un livreur à une plate-forme numérique

Réf. : Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0887YN8)

Lecture: 4 min

N6619BXG

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par Blanche Chaumet

Le 05 Décembre 2018

► Caractérise l'existence d'un pouvoir de direction et de contrôle de l'exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination et partant, d’un contrat de travail, le juge qui constate d'une part, que l'application était dotée d'un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d'autre part, que la société disposait d'un pouvoir de sanction à l'égard du coursier. 

 

Telle est la règle dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui statue pour la première fois sur la qualification du contrat liant un livreur à une plate-forme numérique dans un arrêt rendu le 28 novembre 2018 promis aux honneurs de son Bulletin (Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0887YN8, sur les Exemples dans lesquels le lien de subordination juridique est retenu, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E7628ESC).

 

L’affaire. En l’espèce, une société utilisait une plate-forme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plateforme et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous un statut d’indépendant. A la suite de la diffusion d’offres de collaboration sur des sites internet spécialisés, M. X (le livreur) a postulé auprès de cette société et effectué les démarches nécessaires en vue de son inscription en qualité d’auto-entrepreneur. Au terme d’un processus de recrutement, les parties ont conclu le 13 janvier 2016 un contrat de prestation de services. Le livreur a saisi la juridiction prud’homale le 27 avril 2016 d’une demande de requalification de son contrat en un contrat de travail.

 

Le raisonnement de la cour d’appel. Pour rejeter le contredit, dire que le livreur n’était pas lié par un contrat de travail à la société et dire le conseil de prud’hommes incompétent pour connaître du litige, la cour d’appel retient que les documents non contractuels remis au livreur présentent un système de bonus (le bonus «Time Bank» en fonction du temps d’attente au restaurant et le bonus «KM» lié au dépassement de la moyenne kilométrique des coursiers) et de pénalités («strikes») distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles.

 

Elle retient que si, de prime abord, un tel système est évocateur du pouvoir de sanction que peut mobiliser un employeur, il ne suffit pas dans les faits à caractériser le lien de subordination allégué, alors que les pénalités considérées, qui ne sont prévues que pour des comportements objectivables du coursier constitutifs de manquements à ses obligations contractuelles, ne remettent nullement en cause la liberté de celui-ci de choisir ses horaires de travail en s’inscrivant ou non sur un «shift» proposé par la plate-forme ou de choisir de ne pas travailler pendant une période dont la durée reste à sa seule discrétion.

 

Elle ajoute que cette liberté totale de travailler ou non, qui permettait au livreur, sans avoir à en justifier, de choisir chaque semaine ses jours de travail et leur nombre sans être soumis à une quelconque durée du travail ni à un quelconque forfait horaire ou journalier mais aussi par voie de conséquence de fixer seul ses périodes d’inactivité ou de congés et leur durée, est exclusive d’une relation salariale.

 

A la suite de cette décision, le livreur s’est pourvu en cassation.

 

La cassation. En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 8221-6, II du Code du travail (N° Lexbase : L8160KGC). 

 

Contextualisation dans la note explicative. Par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), le législateur a esquissé une responsabilité sociétale des plate-formes numériques en insérant les articles L. 7341-1 (N° Lexbase : L6767K9I) à L. 7341-6 dans le Code du travail prévoyant des garanties minimales pour protéger cette nouvelle catégorie des travailleurs. Il ne s’est toutefois pas prononcé sur leur statut juridique et n’a pas édicté de présomption de non-salariat.

 

Dans la jurisprudence de la Chambre sociale, la caractérisation d’une relation de travail salarié repose sur des éléments objectifs. Le salarié est celui qui accomplit un travail sous un lien de subordination, celui-ci étant caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Cass. soc., 13 novembre 1996, n° 94-13.187 N° Lexbase : A9731ABZ, Bull. 1996, V, n° 386). La seule volonté des parties est impuissante à soustraire un travailleur au statut social qui découle nécessairement des conditions d’accomplissement de son travail (Ass. plén., 4 mars 1983, deux arrêts, n° 81-11.647 N° Lexbase : A5653AAM et n° 81-15.290 N° Lexbase : A3665ABD, Bull. 1983, Ass. plén., n° 3). Enfin l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle (Cass. soc., 17 avril 1991, n° 88-40.121 N° Lexbase : A9244AAM, Bull. 1991, V, n° 200).

 

Si l’appréciation des éléments de fait et de preuve permettant de déterminer l’existence ou l’absence d’un lien de subordination relève du pouvoir souverain des juges du fond, la chambre sociale exerce toutefois un contrôle de motivation en s’assurant qu’ils tirent les conséquences légales de leurs constatations (Cass. soc., 1er décembre 2005, n° 05-43.031 à 05-43.035, FS-P+B N° Lexbase : A8575DL8, Bull. 2005, V, n° 349).

 

Au cas d’espèce, après avoir relevé l’existence d’un système de bonus et de malus évocateur «de prime abord [...] du pouvoir de sanction que peut mobiliser un employeur», la cour d’appel avait néanmoins rejeté la demande de requalification du contrat aux motifs que le coursier n’était lié à la plate-forme numérique par aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence et qu’il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaitait pas travailler.

 

Ce raisonnement est censuré par l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 novembre 2018.

newsid:466619

Expropriation

[Chronique] Chronique de droit de l’expropriation – Décembre 2018

Lecture: 18 min

N6666BX8

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par Pierre Tifine, Professeur de droit public à l’Université de Lorraine, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique, Doyen de la faculté de droit, économie et administration de Metz

Le 23 Août 2019

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d’actualité de droit de l’expropriation rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l’Université de Lorraine et doyen de la faculté de droit économie et administration de Metz. Dans la première décision commentée, le Conseil d’Etat nuance sa jurisprudence concernant la prise en compte de l’illégalité frappant la délibération créant une zone d’aménagement concerté sur la déclaration d’utilité publique (CE 9° et 11° ch.- r., 18 octobre 2018, n° 410111). Dans la seconde décision, il précise que la modification substantielle de l’opération de l’opération projetée ne contraint pas nécessairement à la reprise intégrale de l’enquête publique (CE 6° et 5° ch.- r., 22 octobre 2018, n° 411086). Un dernier arrêt, rendu par la cour administrative d’appel de Douai, apporte d’intéressantes précisions sur les conditions de mise en œuvre de la procédure d’expropriation des immeubles en état d’abandon manifeste (CAA Douai, 13 septembre 2018, n° 16DA00830).

  • La prise en compte de l’illégalité frappant la délibération créant une zone d’aménagement concerté dans le cadre de la théorie du bilan (CE 9° et 11° ch.- r., 18 octobre 2018, n° 410111 N° Lexbase : A6617YG8)

L’arrêt du Conseil d’Etat n° 410111 du 18 octobre 2018 permet à la juridiction administrative suprême d’affiner sa jurisprudence concernant les rapports entre, d’une part, la délibération approuvant la convention par laquelle une collectivité publique confie à une société l’aménagement d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) et, d’autre part, la déclaration d’utilité publique -voire l’arrêté de cessibilité- tendant à l’acquisition par voie d’expropriation des terrains nécessaires à cette opération.

En l’espèce, plusieurs requérants avaient intenté un recours pour excès de pouvoir contre un arrêté préfectoral déclarant d’utilité publique les travaux d’aménagement d’une ZAC confiés à une société d’économie mixte. C’est cet arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, annulant partiellement la déclaration d’utilité publique, qui fait ici l’objet d’un recours en cassation. Critiquant, dans le cadre d’un pourvoi incident, le rejet partiel, par l’arrêt critiqué, de leurs conclusions dirigées contre la déclaration d’utilité publique, les auteurs de ce pourvoi soulèvent l’illégalité de la délibération créant la ZAC ainsi que l’insuffisance de l’étude d’impact jointe au dossier de création de cette zone.

Le Conseil d’Etat confirme ici la solution retenue par la cour au motif que ces deux moyens étaient inopérants. S’agissant d’un acte non réglementaire, l’exception d’illégalité n’est recevable que si l’acte n’est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, «sauf dans le cas où l’acte et la décision ultérieure constituant les éléments d’une même opération complexe, l’illégalité dont l’acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte» [1]. Cette théorie des opérations complexes a vocation à jouer lorsque la dernière décision a été prise pour l’application du premier acte ou si elle en constitue la base légale. Ainsi, par exemple, la déclaration d’utilité publique et l’arrêté de cessibilité constituent une opération complexe, le premier acte servant de base aux mesures individuelles contenues dans l'arrêté pris pour son application [2]. Tel n’est pas le cas, en revanche, concernant une décision de créer une zone d’aménagement concerté et la déclaration d’utilité publique tendant à l’expropriation des terrains nécessaire à cette opération. Pour le Conseil d’Etat, en effet, «l’illégalité frappant la délibération créant une zone d’aménagement concerté ne saurait être utilement invoquée, par la voie de l’exception, à l’encontre de la contestation de la déclaration d’utilité publique des travaux nécessaires à l’aménagement de cette zone» [3]. Une solution identique avait été ensuite retenue par le Conseil d’Etat à propos d’une délibération approuvant la convention d’aménagement d’une ZAC [4]. Ceci étant, atténuant les rigueurs du principe d’indépendance des législations, le Conseil d’Etat avait aussi jugé que dans le cas où la délibération approuvant la création de la ZAC est annulée, la déclaration d’utilité publique perd son fondement légal et elle ne peut donc être qu’annulée [5].

Dans la présente affaire le Conseil d’Etat réaffirme que «l’illégalité frappant la délibération créant une zone d’aménagement concerté ne saurait être utilement invoquée, par la voie de l'exception, à l’encontre de la contestation de la déclaration d’utilité publique des travaux nécessaires à l’aménagement de cette zone». Cette solution est toutefois nuancée puisque le Conseil d’Etat fait rejaillir la problématique de cette illégalité au niveau de l’examen de la légalité interne de la déclaration d’utilité publique, et plus précisément du point de vue de l’application de la théorie du bilan [6]. Ainsi, il appartient au juge de l’excès de pouvoir, «lorsqu’il se prononce sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers de tenir compte, le cas échéant, au titre des inconvénients que comporte l'opération contestée devant lui, des motifs de fond qui auraient été susceptibles d’entacher d’illégalité l’acte de création de la zone d’aménagement concerté pour la réalisation de laquelle la déclaration d’utilité publique a été prise et qui seraient de nature à remettre en cause cette utilité publique». En d’autres termes, l’illégalité de la délibération créant la ZAC figurera parmi les inconvénients entraînés par l’opération litigieuse au titre de la théorie du bilan. Toutefois, pour que l’illégalité alléguée soit prise en considération, il faut que qu’elle concerne le fond et qu’elle soit donc de nature à affecter l’utilité publique de l’opération. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, les illégalités soulevées concernant l’insuffisance de l’étude d'impact du dossier de création de la ZAC, ce que conduit le Conseil d’Etat à rejeter le moyen soulevé par les requérants.

  • La modification substantielle de l’opération projetée ne contraint pas nécessairement à la reprise intégrale de l’enquête publique : à propos du projet de liaison ferroviaire directe CDG Express entre Paris et l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle (CE 6° et 5° ch.- r., 22 octobre 2018, n° 411086 N° Lexbase : A0150YHZ)

La desserte de Paris par voie ferrée depuis l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle est actuellement assuré par le RER B. Cette ligne est ancienne, peu rapide, et elle ne correspond plus aux standards des grandes métropoles internationales. Ces caractéristiques conduisent également de nombreux voyageurs à choisir d’utiliser des axes routiers saturés. C’est pour ces différentes raisons qu’est apparu le projet CDG express qui devrait relier la capitale en vingt minutes, contre trente minutes pour le RER B ce qui est un gain de temps assez faible, l’avantage de ce projet résidant essentiellement dans une plus grande fréquence des trains.

L’historique de ce projet est particulièrement mouvementé. Un débat public avait dans un premier temps été organisé et il avait conduit à faire accepter par le maître d’œuvre un changement dans le tracé prévu. Le projet de liaison avait ensuite été reconnu d’utilité publique par un arrêté inter-préfectoral du 19 décembre 2008, pris par les préfets des trois départements concernés. Les différents recours intentés contre cet arrêté avaient été définitivement rejetés par l’arrêt du Conseil d’Etat Foncière Europe logistique du 2 juin 2010 [7]. La réalisation et l’exploitation du projet devaient alors être confiées à un concessionnaire, le groupe Vinci, qui avait été le seul à proposer une offre. Mais à la suite de la crise financière de 2008, le projet est apparu moins rentable ce qui a conduit le groupe Vinci à l’abandonner en 2011. La déclaration d’utilité publique avait ensuite été prorogée pour cinq années supplémentaires le 2 décembre 2013. A ce stade, il apparaissait toutefois assez clairement qu’aucun opérateur privé n’était intéressé par la construction et l’exploitation du CDG express. Le projet a finalement été relancé par l’Etat en raison de la perspective de l’organisation des jeux olympiques 2022 à Paris. L’ordonnance n° 2016-157 du 18 février 2016, relative à la réalisation d'une infrastructure ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle (N° Lexbase : L2239KZX) [8], a ainsi réorganisé le montage financier de l’opération impliquant désormais, presque exclusivement, des opérateurs publics. Le projet ayant évolué, ce qui a notamment conduit à un doublement de l’évaluation de son coût, une nouvelle enquête publique a été organisée elle a débouché sur nouvel arrêté inter-préfectoral, en date du 31 mars 2017. Pris après une nouvelle enquêté publique, cet arrêté modifie le précédent arrêté du 19 décembre 2008 pour déclarer l’utilité publique de l’opération ainsi modifiée. C’est cet arrêté qui est contesté par commune de Mitry-Mory et par d’autres requérants.

Ce n’est pas ici la question de l’utilité publique du projet qui nous retiendra, celle-ci ayant déjà été admise à l’occasion de l’arrêt du 2 juin 2010 [9] susmentionné. Le principal intérêt de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 22 octobre 2018 [10] réside dans les précisions qu’il apporte sur l’hypothèse où un projet initialement déclaré d’utilité publique a fait l’objet de modifications substantielles. Cette question s’est déjà posée dans des cas où de telles modifications portaient sur une partie de l’opération projetée. En revanche, elle ne s’était encore jamais posée dans le cas où ces modifications affectent la totalité de projet, et alors même qu’il ne s’agit pas d’un projet entièrement nouveau.

L’hypothèse la plus fréquente est celle ou la déclaration d’utilité publique est prorogée pour permettre la réalisation du projet. L’article L. 121-5 du Code de l’expropriation (N° Lexbase : L7936I4P) prévoit qu’«un acte pris dans la même forme peut proroger une fois les effets de la déclaration d'utilité publique pour une durée au plus égale à la durée initialement fixée, lorsque celle-ci n'est pas supérieure à cinq ans. Cette prorogation peut être accordée sans nouvelle enquête préalable, en l’absence de circonstances nouvelles». Il résulte de la jurisprudence qu’une nouvelle enquête publique et une nouvelle déclaration d’utilité publique seront nécessaires seulement dans le cas où le projet a été substantiellement modifié par rapport au projet initial [11].

Une autre hypothèse est celle où le projet lui-même évolue. Dans ce cas, également, une nouvelle enquête publique et une nouvelle déclaration d’utilité publique ne devront intervenir qu’en cas de changements «substantiels» [12] ou de modifications «sensibles» [13].

Ces grands principes sont toutefois appliqués avec une certaine souplesse dès lors que l’opération porte sur de grands ouvrages, en raison du coût que représenterait l’organisation d’une nouvelle enquête publique. Dans un avis du 3 juillet 1990, la section des travaux publics du Conseil d’Etat a certes estimé que la suppression d’un échangeur dans le cadre d’une opération de construction d’une autoroute «eu égard à la fonction qui lui était donnée dans la conception d’ensemble de l’ouvrage déclaré d’utilité publique constitue une modification substantielle touchant à l’économie générale du projet» [14]. Toutefois, si la modification de la déclaration d’utilité publique initiale est nécessaire, l’enquête publique peut se faire «sur la base d’un dossier limité à l’impact de la modification dont s’agit sur l’ouvrage déclaré d’utilité publique».  La même section des travaux publics a également estimé, dans un avis du 10 janvier 1994 [15], concernant un autre projet autoroutier, que l’enquête publique pouvait être limitée aux seules commues concernées par la modification du projet. Enfin, s’agissant de la mise en concession du viaduc de Millau qui devait initialement être réalisé en régie, dans un autre avis du 4 novembre 1997 [16], la section des travaux publics a précisé que «la modification dont il s’agit portant seulement sur les conditions d’utilisation de l’ouvrage à réaliser, l’objet de la nouvelle enquête publique pourrait se limiter aux conséquences de la mise en concession de tout ou partie dudit ouvrage sur l’économie du fonctionnement de celui-ci et sa fréquentation par les usagers».

Ce sont ces solutions qui sont transposées dans la présente affaire. Les juges rappellent d’abord que lorsque le projet «fait l’objet de modifications substantielles durant la période prévue pour procéder aux expropriations nécessaires, sans toutefois qu’elles conduisent à faire regarder celui-ci comme constituant un projet nouveau, il incombe à l’autorité compétente de porter une nouvelle appréciation sur son utilité publique au regard de ces changements et de modifier en conséquence la déclaration d’utilité publique initiale». Dans ce cas la déclaration d’utilité publique ne peut «légalement intervenir qu’à la suite d’une nouvelle enquête publique, destinée notamment à éclairer le public concerné sur la portée des changements ainsi opérés au regard du contexte dans lequel s’inscrit désormais le projet. En conséquence il appartient au maître d’ouvrage, d’une part, de reprendre les éléments du dossier soumis à l’enquête publique initiale en les actualisant pour prendre en compte les modifications substantielles apportées au projet et les évolutions du contexte si ces dernières sont significatives, et, d’autre part, de produire les éléments du dossier soumis à enquête publique nouvellement requis par la réglementation».

C’est bien ce qui a été fait en l’espèce par l’autorité expropriante. Les juges relèvent en effet que la notice explicative incluant l’appréciation sommaire des dépenses a été mise à jour pour prendre en compte les modifications apportées au montage juridique et financier du projet et à l’estimation des coûts. La nouvelle évaluation socio-économique prend également en compte l’évolution du projet. En revanche, l’étude d’impact posait davantage de difficultés, les juges relevant qu’elle contient une étude acoustique qui doit être regardée comme obsolète au regard de l’évolution du dossier. Toutefois, faisant une nouvelle application de la jurisprudence «Danthony» [17], le Conseil d’Etat estime que cette insuffisance de l’étude d’impact -qui est tout de même vieille de plus de dix ans- n’entache pas d’irrégularité l’enquête publique.

  • Conditions de mise en œuvre de la procédure d’expropriation des immeubles en état d’abandon manifeste (CAA Douai, 13 septembre 2018, n° 16DA00830, N° Lexbase : A6170X7N)

La procédure d’expropriation des immeubles en état d'abandon manifeste a été créée par la loi n° 89-550 du 2 août 1989, portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles (N° Lexbase : L1933INW). Elle est aujourd’hui codifiée non pas par le Code de l’expropriation mais par les articles L. 2243-1 (N° Lexbase : L2604KGK) à L. 2243-4 du Code général des collectivités territoriales. Cette procédure se déroule en plusieurs phases, comme l’illustre l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Douai le 13 septembre 2018.

L’article L 2243-1 susvisé précise que cette procédure est susceptible de viser «des immeubles, parties d'immeubles, voies privées assorties d'une servitude de passage public, installations et terrains sans occupant à titre habituel» lorsqu’ils ne sont manifestement plus entretenus. Dans cette hypothèse, la commune peut agir pour faire cesser cet état d’abandon manifeste en incitant les propriétaires à les entretenir ou alors en les expropriant en vue de réaliser un aménagement public.

Dans un premier temps, conformément à l’article L. 2243-2 (N° Lexbase : L9079IZB), le maire de Dunkerque avait constaté, par un procès-verbal provisoire en date de 26 mars 2009, l’état d’abandon manifeste d’un terrain propriété de la SCI X. Ce n’est pas cet arrêté qui fait ici l’objet d’un recours mais la délibération du conseil municipal du 18 mars 2013 qui constitue une autre étape de la procédure, décidant de déclarer la parcelle en état d’abandon manifeste et d’en poursuivre l’expropriation.

Il faut ici relever que le procès-verbal provisoire doit impérativement préciser la nature des désordres affectant le bien auxquels il convient de remédier pour mettre un terme à l’état d’abandon manifeste dans le délai de six mois mentionné par l’article L. 2243-3 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9078IZA) [18]. Ainsi, ne constitue pas une motivation suffisante le constat qu’un terrain est en friche et qu’il sert d’entrepôt pour des matériaux usagés [19]. Le procès-verbal doit également indiquer quels sont les travaux qui doivent être entrepris par le propriétaire. Il doit être affiché pendant trois mois à la mairie et sur les lieux concernés et être publié dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. Il doit aussi être notifié aux propriétaires, titulaires de droits réels ainsi qu’à toutes autres personnes intéressées. L’article L. 2243-2 susvisé précise également qu’à peine de nullité, cette notification reproduit intégralement les termes des articles L. 2243-1 à L. 2243-4. Dans la présente affaire, la requérante invoque l’absence d’affichage en mairie du procès-verbal ainsi que de l’absence de reproduction, dans la lettre lui notifiant ce procès-verbal, de l’intégralité des articles L. 2243-1 à L. 2243-4 du Code général des collectivités territoriales. La cour écarte toutefois ce moyen pour lequel la requérante n’avance aucune preuve.

L’essentiel du débat contentieux porte ensuite sur la question de savoir si la SCI X avait bien entrepris les travaux que lui demandait de mettre en œuvre la commune. Il s’agissait ici de procéder au nettoyage et au pré-verdissement de son terrain ainsi qu’à la pose d’une clôture adaptée permettant de sécuriser les lieux.  Or, à l’issue du délai de six mois visé par l’article L. 2243-3 du Code général des collectivités territoriales, la requérante n’avait procédé qu’à la mise en place de barrières oxydées assorties d’un grillage en mauvais état maintenus à l’aide de simples bastaings ainsi qu’à un nettoyage extrêmement sommaire de sa parcelle. Le terrain restait recouvert de végétation et de mauvaises herbes révélant la présence de divers déchets au sol et, en partie arrière, de restes de structures bois partiellement démontées et hors d’usage. Les juges relèvent que ces interventions très partielles, et qui ont de surcroît été interrompues, ne permettent pas de constater que la société propriétaire aurait ainsi manifesté son intention de mettre sérieusement fin à l’état d'abandon de sa parcelle en commençant des travaux. En outre, contrairement à ce qui est allégué, la commune n’a pas manifesté un accord, même implicite, à l’établissement d’un nouveau calendrier de réalisation des travaux ou même à l'interruption de la procédure poursuivie afin de permettre à la SCI X d’achever les travaux qui lui incombaient.

La commune de Dunkerque pouvait donc légalement poursuivre la procédure, conformément aux dispositions de l’article L. 2243-3 du Code général des collectivités territoriales, ce qui a permis au maire de constater par un procès-verbal définitif l’état d’abandon manifeste de la parcelle puis de saisir le conseil municipal qui a déclaré la parcelle en état d’abandon manifeste et d’en poursuivre l’expropriation par l’arrêté contesté.

 

[1] CE Sect., avis, 30 décembre 2013, n° 367615 (N° Lexbase : A9253KSI), Rec. 2013, p. 342, concl. X. Domino, JCP éd. A, 2014, 2366, note G. Marti, JCP éd. G, 2014, doctr. 547, chron. G. Eveillard.

[2] CE Sect., 26 janvier 1977, n° 94882 (N° Lexbase : A7602B83), AJDA, 1977, p. 513, note Ph. Chateau-Reynaud, Dr. adm., 1977, comm. 68.

[3] CE 2° et 6° s-s- r., 28 octobre 1987, n° 58096 (N° Lexbase : A3446APC).

[4] CE  6° et 1ère s-s- r., 28 novembre 2014, n° 361105 (N° Lexbase : A5444M4E), AJDI, 2015, p. 25, chron. S. Gilbert, Dr. rur., 2015, comm. 63, note P. Tifine, RD. imm., 2015, p. 60, note R. Hostiou

[5] CE, 18 février 1998, n° 126326 (N° Lexbase : A6230ASK), BJDU, 1998, n° 3, p. 182, concl. J.-D. Combrexelle.

[6] CE Ass., 28 mai 1971, n° 78825 (N° Lexbase : A9136B8U), Rec. p. 409, concl. G. Braibant, D. 1972, jurispr. p. 194, note J. Lemasurier, RDP, 1972, p. 454, note M. Waline, AJDA, 1971, p. 404, chron. D. Labetoulle et X. Cabanes, concl. G. Braibant, Rev. adm. 1971, p. 422, concl. G. Braibant, JCP 1971, II, 16873, note M. Homont, CJEG, 1972, p. 35, note J. Virole.

[7]  CE 2° et 6° s-s- r., 2 juin 2010, n° 328916 (N° Lexbase : A2060EYX).

[8] JO, 19 février 2016.

[9] Ibid.

[10] Nous remercions M. Olivier Dutheillet de Lamothe, rapporteur public, d’avoir bien voulu nous communiquer ses conclusions.

[11] CE 8° et 3° s-s- r., 26 septembre 2001, n° 231081 (N° Lexbase : A4461AW7), Collectivités-Intercommunalité, 2001, comm. 284, obs. L. Erstein, RD imm., 2002, p. 41, chron. F. Donnat, Ann. voirie 2002, n° 63, p. 11, note D. Casas, Constr.-Urb., 2001, comm. 256, note I. Léon, AJDI, 2002, p. 47, note R. Hostiou ; v. également CAA Lyon, 16 février 2012, Commune de Clermont-Ferrand c/ Ministre de l’Intérieur, Constr.-Urb., 2012, comm. 62, note X. Couton.

[12] CE 5° et 7° s-s- r., 3 juillet 2002, n° 245236 (N° Lexbase : A1663AZM), AJDA, 2002, p. 751, concl. D. Chauvaux.

[13] CE 8° et 3° s-s- r., 8 novembre 2000, n° 176394 (N° Lexbase : A9650AHU), AJDI, 2001, p. 355, note R. Hostiou, Constr.-Urb., 2001, comm. 205, obs. D. Larralde.

[14] CE, avis, 3 juillet 1990, n° 348252 (N° Lexbase : A1361YP4).

[15] CE, avis, 10 février 1994, n° 355587 (N° Lexbase : A1362YP7).

[16] CE, avis, 4 novembre 1997, n° 361173 (N° Lexbase : A1363YP8).

[17] CE Ass., 23 décembre 2011, n° 335033 (N° Lexbase : A9048H8M), publié au recueil Lebon, p. 653, AJDA 2012, p. 195, chron. X. Domino et A. Bretonneau, p. 1484, étude C. Mialot et p. 1609, tribune B. Seiller, Dr. adm. 2012, 22, note F. Melleray, JCP éd. A, 2012, 2089, note C. Broyelle, RFDA, 2012, p. 284, concl. G. Dumortier et note P. Cassia.

[18] Relevons au passage que ce délai prévu par la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 (N° Lexbase : L9078IZA), qui était initialement de deux ans, a été ramené à trois mois suite à l’entrée en vigueur de la loi «ALUR» du 24 mars 2014 (loi n° 2014-366 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové N° Lexbase : L8342IZY), qui n’est pas applicable aux fait de la présente espèce.

[19] TA Orléans, 16 février 1993, n° 91504. 

newsid:466666

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Précisions sur le transfert de la part du déficit d'ensemble d'une société d’un groupe dont la société mère est absorbée ou scindée à la société absorbante ou bénéficiaire des apports soumis à agrément préalable

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 28 novembre 2018, n° 417173, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2469YNR)

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N6635BXZ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 05 Décembre 2018

Il résulte de l'article 223 I du Code général des impôts (N° Lexbase : L3876KWH), que la part du déficit d'ensemble provenant d'une société appartenant à un groupe dont la société mère fait l'objet d'une absorption ou d'une scission peut être transférée, sur agrément, à la société absorbante ou bénéficiaire des apports et être imputée sur les résultats de cette société et le cas échéant sur ceux des sociétés membres du groupe ayant cessé et faisant partie du nouveau groupe, lorsque le bénéfice de cette imputation est demandée ;

 

►En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que l'agrément soit délivré pour le transfert de la part du déficit d'ensemble provenant d'une société membre du groupe ayant cessé qui ne fait pas partie du nouveau groupe, alors même que cette société aurait été absorbée, à l'occasion des opérations de restructuration, par une autre société membre du groupe ayant cessé, faisant elle-même partie du nouveau groupe, et qui aurait bénéficié du transfert des bénéfices propres de la société absorbée.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 28 novembre 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 28 novembre 2018, n° 417173, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2469YNR).

 

En l’espèce, la société Ypso France, mère d’un groupe a été absorbée avec effet rétroactif par la société Eno France, devenue la société Ypso France SAS. Par suite, la société Numéricable, membre du groupe a procédé à la dissolution sans liquidation de la société NC Numéricable, dont elle détenait la totalité du capital. La société Ypso France SAS a procédé à l’élargissement du groupe fiscal à la tête duquel elle se trouvait, comprenant la société Numéricable. La société Eno France, avait préalablement à ces opérations, sollicité de l’administration la délivrance des agréments, prévus par les articles 209 (N° Lexbase : L9416LH9) et 223 I du Code général des impôts afin de bénéficier du transfert des déficits antérieurs non encore déduits de la société Ypso France et du transfert des déficits d’ensemble du groupe dont la société Ypso France était la société mère en vue de les imputer partiellement sur une base élargie.

 

Le tribunal administratif rejette la demande de la société Ypso France SAS tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet de ces demandes d’agrément. La cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 9 novembre 2017, n° 17PA00213 N° Lexbase : A0284WZK) a, sur appel de la société Ypso France SAS annulé ce jugement et la décision de rejet des demandes d’agréments présentées par cette société et a enjoint le ministre de l’Action et des Comptes publics de procéder à un nouvel examen de ces demandes dans un délai de deux mois.

 

Le Conseil d’Etat relève qu’«en jugeant que, bien que la société NC Numericable ne fasse pas partie du nouveau groupe fiscal déclaré par la société Ypso France SAS, le ministre ne pouvait légalement refuser à cette société l'agrément qu'elle sollicitait sur le fondement des dispositions précitées du 6 de l'article 223 I du Code général des impôts tendant au transfert à son profit de la part du déficit d'ensemble du groupe auquel il avait été mis fin le 1er avril 2006 correspondant aux déficits de la société NC Numericable, dès lors que la société NC Numericable avait été absorbée à la même date par la société Numericable, laquelle faisait partie du nouveau groupe et avait bénéficié du transfert du déficit propre de la société NC Numericable sur le fondement des dispositions du II de l'article 209 du même Code, la cour a commis une erreur de droit» (cf. le BoFip Impôts annoté N° Lexbase : X9073ALM et N° Lexbase : X8668ALM).

newsid:466635

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Conformité avec réserve des dispositions de l’amendement "Carrez"

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-748, du 30 novembre 2018 (N° Lexbase : A4442YNT)

Lecture: 2 min

N6625BXN

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par Marie-Claire Sgarra

Le 05 Décembre 2018

La limitation de la déduction des charges financières d'acquisition de titres de participation est conforme à la Constitution avec réserve.

 

Telle est la solution dégagée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 30 novembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-748, du 30 novembre 2018 N° Lexbase : A4442YNT).

 

Pour rappel, ce dispositif prévoit que les charges financières afférentes à l’acquisition des titres de participation sont rapportées au bénéfice de l’exercice lorsque l’entreprise détenant les titres (ou une société du même groupe) n’est pas en mesure de démontrer par tous moyens, qu’elle constitue, pour la gestion de ces titres, un centre de décision disposant d’une autonomie propre. Dans ce cas, les charges financières appréciées de manière forfaitaire sont réintégrées au bénéfice imposable jusqu’au terme de la huitième année.

 

Pour rappel, le Conseil d’Etat avait renvoyé la question de la conformité à la Constitution du IX de l’article 209 du Code général des impôts dans un arrêt du 19 septembre 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 19 septembre 2018, n° 421688, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6142X7M).

 

Le législateur a entendu faire obstacle à une pratique d'optimisation fiscale consistant, pour une société établie à l'étranger, à rattacher des charges financières au résultat d'une société de son groupe établie en France afin de bénéficier du régime français de déduction de ces charges alors que les pouvoirs de décision et de contrôle sur la société acquise sont exercés à l'étranger. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. Compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur de faire obstacle à une pratique d'optimisation fiscale, les dispositions contestées ne peuvent être regardées comme instituant une présomption de fraude ou d'évasion fiscales.

 

Toutefois, les dispositions contestées ne sauraient, sans instaurer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, interdire la déduction des charges financières afférentes à l'acquisition de titres de participation lorsqu'il est démontré que le pouvoir de décision sur ces titres et, le cas échéant, le pouvoir de contrôle effectif sur la société acquise sont exercés par des sociétés établies en France autres que les sociétés mère ou sœur de la société détentrice des titres et appartenant au même groupe que cette dernière.

 

Sous la réserve énoncée au paragraphe 8, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X2965AMR).

 

 

newsid:466625

Impôts locaux

[Brèves] Calcul de la taxe professionnelle et de la CVAE : quid des indemnités de départ à la retraite et des dépenses de mécénat ?

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 28 novembre 2018, n° 413121 mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2460YNG)

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N6622BXK

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par Marie-Claire Sgarra

Le 09 Janvier 2019

►Les dispositions des articles 1647 B sexies (N° Lexbase : L9144LKU) et 1586 sexies (N° Lexbase : L9318LHL) du Code général des impôts fixent, respectivement la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée, valeur en fonction de laquelle sont calculées respectivement la cotisation minimale de taxe professionnelle et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ;

 

►Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 28 novembre 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 28 novembre 2018, n° 413121, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2460YNG).

 

En l’espèce, une SNC a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2009 et 2010, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité, dans le calcul de sa valeur ajoutée, des versements qu'elle avait faits à l'association inter-entreprise d'épargne et de retraite en exécution d'une convention d'assurance ayant pour objet la couverture, le préfinancement et la gestion des engagements de l'entreprise en matière d'indemnités de départ à la retraite de ses salariés ainsi que la déductibilité de ses dépenses de mécénat. L'administration ayant rejeté la réclamation présentée par la société contre les redressements d'impôt sur les sociétés qui lui avaient été notifiés en conséquence, cette dernière a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande en décharge de ces impositions supplémentaires. Elle se pourvoit en cassation contre de la cour administrative d'appel de Versailles qui a confirmé le jugement du tribunal administratif.

 

Le Conseil d'Etat se prononce en deux temps. 

 

Selon la Haute juridiction, les indemnités de départ à la retraite ayant, le caractère de dépenses de personnel conformément aux articles L. 911-1 (N° Lexbase : L2615HIP) et L. 911-2 (N° Lexbase : L2616HIQ) du Code de la Sécurité sociale, ne figurent pas parmi les dépenses qui, en application des dispositions législatives précitées du Code général des impôts, doivent être déduites de la valeur ajoutée pour le calcul des impositions qu'elles visent. Par suite, en jugeant pour ce motif que la société au litige n'était pas fondée à obtenir la décharge des suppléments de taxe professionnelle et de cotisation de valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des années 2009 et 2010, la cour administrative d'appel de Versailles n'a ni commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits.

 

D’autre part, les dépenses de mécénat réalisées par une entreprise doivent être comptabilisées en charges exceptionnelles lorsqu'elles ne peuvent pas être regardées, compte tenu des circonstances de fait, notamment de leur absence de caractère récurrent, comme relevant de l'activité habituelle et ordinaire de l'entreprise et en charges d'exploitation dans le cas contraire.

Dès lors, en jugeant que les dépenses de mécénat exposées par la société requérante ne pouvaient pas être déduites pour le calcul de la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 1647 B sexies du Code général des impôts précité, au motif qu'elles ne correspondaient à l'acquisition d'aucun bien ou d'aucun service auprès d'un tiers, et pas davantage au titre de l'année 2010 en application de l'article 1586 sexies du même Code, en l'absence d'acquisition de bien ou de service ou d'obtention de contrepartie équivalente en termes d'image ou de retombées commerciales, la cour a commis une erreur de droit (cf. le BoFip Impôts annoté N° Lexbase : X9396ALL et N° Lexbase : X8423ALK).

newsid:466622

Procédure

[Brèves] Refus d’une commune de rembourser le coût des travaux de raccordement d’une maison individuelle au réseau d’assainissement collectif : la Cour de cassation confirme la compétence du juge administratif

Réf. : Cass. civ. 1, 23 novembre 2018, n° 17-18.897, F-P+B+I (N° Lexbase : A0886YN7)

Lecture: 1 min

N6620BXH

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par Yann Le Foll

Le 05 Décembre 2018

►  Le litige relatif au refus d’une commune de rembourser, aux propriétaires, le coût des travaux de raccordement de leur habitation au réseau d’assainissement collectif qu’ils ont effectués eux-mêmes relève bien de la compétence du juge administratif. Telle est la solution d’un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 novembre 2018 (Cass. civ. 1, 23 novembre 2018, n° 17-18.897, F-P+B+I N° Lexbase : A0886YN7, confirmation de T. conf., 8 octobre 2018, n° 4135 N° Lexbase : A2715YGN).

 

Dans sa décision du 8 octobre 2018, le Tribunal des conflits a jugé qu’un litige né du refus de réaliser ou de financer des travaux de raccordement au réseau public de collecte, lesquels présentent le caractère de travaux publics, relève de la compétence de la juridiction administrative.

 

Après avoir retenu que la demande des requérants devait être regardée comme se rattachant à un refus d’exécution et de financement de travaux publics (le remboursement des travaux de raccordement effectués par des particuliers à la suite du refus de la commune d’étendre son réseau d’assainissement est lié à un refus d’exécution de travaux publics, CE, 8 juin 2015, n° 362783 N° Lexbase : A8989NK7), il en a déduit que le litige relevait de la compétence de la juridiction administrative. Conformément à l’article 11 de la loi du 24 mai 1872, relative au Tribunal des conflits, cette décision s’impose à toutes les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif.

 

Il en résulte la solution précitée.

newsid:466620

Procédures fiscales

[Brèves] Précisions sur une option pour un régime fiscal devant être exercée dans un délai déterminé

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 26 novembre 2018, n° 417628, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0560YN3)

Lecture: 2 min

N6641BXA

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par Marie-Claire Sgarra

Le 05 Décembre 2018

Les dispositions qui instituent un régime fiscal optionnel et prévoient que le bénéfice de ce régime doit être demandé dans un délai déterminé n'ont, en principe, pas pour effet d'interdire au contribuable qui a omis d'opter dans ce délai de régulariser sa situation dans le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L6486AEX) ;

 

►Il en va autrement si la loi a prévu que l'absence d'option dans le délai qu'elle prévoit entraîne la déchéance de la faculté d'exercer l'option ou lorsque la mise en oeuvre de cette option implique nécessairement qu'elle soit exercée dans un délai déterminé.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 26 novembre 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 26 novembre 2018, n° 417628, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0560YN3).

 

En l’espèce, un couple, exerçant une activité de loueur en meublé non professionnel, ont déclaré dans la catégorie des revenus fonciers les loyers qu’ils ont perçus au cours des années 2010 et 2011 pour leur appartement. L’administration leur a notifié des rehaussements en matière d’impôt sur le revenu résultant de la requalification de ces loyers en bénéfices industriels et commerciaux, en leur appliquant le régime dit des micro-entreprises prévu à l’article 50-0 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9321LHP). L’administration rejette leur demande tendant au dégrèvement de ces cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu. Le tribunal administratif de Dijon, saisi du litige rejette également leur demande. Par suite, la cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 30 novembre 2017, n° 15LY03745 N° Lexbase : A6319W4S) annule ce jugement et fait droit à leurs prétentions.

 

Si, en application des dispositions de l'article 50-0 du Code général des impôts, les entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas les seuils qu'elles fixent relèvent en principe du régime fiscal et comptable des micro-entreprises, ce même article leur offre la faculté d'opter pour le régime réel d'imposition. Cette option qui, une fois souscrite, est valable de façon irrévocable pour une durée de deux ans, doit être exercée par une entreprise suffisamment tôt au cours de la première année au titre de laquelle elle souhaite en bénéficier pour qu'elle soit en mesure de se conformer aux règles comptables, déclaratives et fiscales qu'elle implique, ce qui fait obstacle à ce que l'option puisse être souscrite au-delà de la date du 1er février fixée par la loi. Ainsi, en jugeant que ni les termes de l'article 50-0 du Code général des impôts ni les modalités d'imposition au régime réel des bénéfices réalisés par les contribuables visés au 1 de ces dispositions ne faisaient obstacle, lorsque le contribuable n'a pas exercé l'option pour le régime réel dans le délai imparti, à ce qu'il puisse en demander le bénéfice dans le délai de réclamation de l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit.

 

newsid:466641

Propriété

[Brèves] Du caractère sui generis des chemins d’exploitation en matière de propriété immobilière : inapplication des règles de l’indivision

Réf. : Cass. civ. 3, 29 novembre 2018, n° 17-22.508, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9291YNG)

Lecture: 1 min

N6627BXQ

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 05 Décembre 2018

En vertu de l’article L. 162-1 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L3461AEW), en l’absence de titre, les chemins d’exploitation sont présumés appartenir aux propriétaires riverains ; leur usage est commun à ceux-ci et peut être interdit au public ; il en résulte que l’usage commun des chemins d’exploitation n’est pas régi par les règles de l’indivision et que chaque propriétaire riverain dispose du droit d’en interdire l’accès aux non-riverains.

 

Tel est l’enseignement délivré par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 29 novembre 2018, qui vient ainsi rappeler le caractère sui generis des chemins d’exploitation en matière de propriété immobilière  (Cass. civ. 3, 29 novembre 2018, n° 17-22.508, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9291YNG ; sur l’inapplication, aux chemins d’exploitation, des règles relatives aux servitudes, cf. Cass. civ. 3, 24 juin 2015, n° 14-12.999, FS-P+B N° Lexbase : A0080NMW).

 

En l’espèce, les propriétaires d’une parcelle desservie par un chemin d’exploitation, se plaignant de ce que certaines personnes prétendaient faire usage de ce chemin sans en être riverains et de ce que la propriétaire d’une parcelle riveraine, avait autorisé le passage à des propriétaires d’arrière-fonds, les avaient assignés en interdiction d’accès au chemin par les non-riverains.

 

Pour déclarer irrecevable la demande, la cour d’appel avait retenu que l’interdiction au public prévue par l’article L. 162-1 du Code rural et de la pêche maritime est subordonnée aux conditions de majorité prévues par l’article 815-3 du Code civil (N° Lexbase : L9932HN8) et que les requérants ne disposaient pas à eux seuls de la majorité des deux tiers des riverains, ni ne pouvaient se prévaloir d’un mandat tacite de ceux-ci.

A tort, selon la Cour suprême qui censure la décision après avoir énoncé les règles précitées.

newsid:466627

Responsabilité

[Brèves] Fondement de l’action en responsabilité engagée à l’encontre d’une organisation syndicale pour la commission d’actes illicites : exclusion de l’application de la loi du 29 juillet 1881

Réf. : Cass. mixte, 30 novembre 2018, n° 17-16.047, P+B+R+I (N° Lexbase : A9338YN8)

Lecture: 3 min

N6636BX3

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par June Perot

Le 05 Décembre 2018

► Le fait pour le président d’un syndicat de prendre en charge, dans le cadre d’une manifestation, l’organisation logistique des opérations et donner des instructions à tous les participants présents pour la commission d’actes illicites, constitue une complicité par provocation au sens de l’article 121-7 du Code pénal (N° Lexbase : L5525AIH), de sorte que se trouve caractérisée une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil (N° Lexbase : L0950KZ9), sans que puisse être invoqué le bénéfice de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW).

 

Telle est la solution d’un arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation rendu le 30 novembre 2018 (Cass. mixte, 30 novembre 2018, n° 17-16.047, P+B+R+I N° Lexbase : A9338YN8).

 

Dans cette affaire, lors d’un rassemblement d’agriculteurs de la Mayenne, le dirigeant d’un syndicat local d’agriculteurs a appelé publiquement ses adhérents, en présence de la presse, à charger des pneus dans leurs tracteurs et à les déposer devant l’entrée d’une usine laitière. Le même dirigeant syndical a appelé les agriculteurs à se rendre ensuite à un rond-point pour discuter de la marche à suivre. Quelques heures plus tard, les pneus ont été incendiés en présence du dirigeant syndical, occasionnant des dégâts matériels importants, notamment aux barrières et au portail d’entrée de l’usine. Assignés devant le tribunal de grande instance de Laval par la société de l’usine visée, le dirigeant syndical et son syndicat ont été condamnés in solidum au paiement de dommages-intérêts. Statuant sur les appels du syndicat et de son représentant, la cour d’appel d’Angers a débouté la société de sa demande formée contre le représentant syndical en considérant qu’il n’avait pas commis de faute détachable de l’exercice de son mandat syndical. En revanche, la cour d’appel a condamné le syndicat à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en retenant qu’il avait donné des instructions aux agriculteurs, ces dernières étant qualifiées de provocation directe à la commission d’actes illicites dommageables commis au moyen des pneus, et qu’il y avait un lien direct entre les directives données par ce syndicat, en la personne de son représentant, et le préjudice subi.

 

Le syndicat a formé un pourvoi en soutenant, pour la première fois devant la Cour de cassation, que les actes reprochés relevaient en réalité de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW) et non du droit commun de la responsabilité civile, en se prévalant des arrêts de la Cour de cassation rendus en Assemblée plénière le 12 juillet 2000 (Ass. plén., 12 juillet 2000, n° 98-10.160 N° Lexbase : A2598ATE, Bull. 2000, Ass. plén., n° 8 et Ass. plén., 12 juillet 2000, n° 98-11.155 N° Lexbase : A2599ATG, Bull. 2000, Ass. plén. n° 8).

 

La Chambre mixte avait alors à se prononcer sur la question de savoir quel est le fondement juridique de l’action engagée contre une personne morale pour des actions illicites menées à l’occasion d’une manifestation.

 

Enonçant la solution susvisée, elle conclut que la loi du 29 juillet 1881 ne pouvait recevoir application en l’espèce. Elle précise également qu’au cas de l’espèce, le président du syndicat est celui qui, par la teneur de ses propos, a pris en charge l’organisation logistique des opérations et donné les instructions d’organisation de la manifestation à tous les participants présents au rassemblement ; qu’il a donné dans ce cadre les directives “pour garer et ranger les pneus […]” ; qu’il a, ensuite, fixé un nouveau rendez-vous aux manifestants à un rond-point d’où ils sont alors partis vers l’usine et qu’il était sur place lorsque ces pneus ont été embrasés (cf. l’Ouvrage «Responsabilité civile» N° Lexbase : E4089EY4).

newsid:466636