Réf. : Cass. civ. 2, 4 octobre 2018, n° 17-25.967, F-P+B (N° Lexbase : A5541YEX)
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N5907BX3
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 11 Octobre 2018
► En jugeant que l’assuré avait effectué une fausse déclaration intentionnelle, sans relever que l'inexactitude de la déclaration consignée dans la proposition d'assurance procédait d'une réponse personnellement donnée par l'assuré à une question précise posée par l'assureur lors de la conclusion du contrat de nature à lui faire apprécier les risques pris en charge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 113-2 (N° Lexbase : L9563LGB), L. 112-3, alinéa 4 (N° Lexbase : L9858HET), et L. 113-8 (N° Lexbase : L0064AAM) du Code des assurances.
Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 4 octobre 2018 (Cass. civ. 2, 4 octobre 2018, n° 17-25.967, F-P+B N° Lexbase : A5541YEX ; au regard de la jurisprudence très abondante sur cette question, on relèvera qu’il convient toutefois de retenir une lecture en deux temps de cette solution :
1° les déclarations de l’assuré sur des formulaires pré-imprimés ne sauraient, a priori, être retenues comme preuve d’une fausse déclaration intentionnelle des risques (cf. Cass. Mixte, 7 février 2014, n° 12-85.107, P+B+R+I N° Lexbase : A9169MDX) dont il ressort que «l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées à des questions précises posées par l’assureur lors de la conclusion du contrat», ce qui semble a priori incompatible avec les déclarations résultant de la signature d’un formulaire pré-imprimé ;
2° le juge doit néanmoins rechercher si «l'inexactitude de la déclaration consignée dans la proposition d'assurance procédait d'une réponse personnellement donnée par l'assuré à une question précise posée par l'assureur lors de la conclusion du contrat de nature à lui faire apprécier les risques pris en charge» (cf. arrêt du 4 octobre 2018) ; autrement dit, il semblerait que certaines mentions préimprimées pourraient servir de support à une fausse déclaration intentionnelle, dès lors qu’elles laisseraient transparaître, de par leur précision et une certaine personnalisation, une question posée en amont par l’assureur (déjà en ce sens, cf. Cass. civ. 2, 11 juin 2015, n° 14-17.971, FS-P+B ayant retenu qu’«en l'état de ces constatations et énonciations, faisant ressortir la précision et l'individualisation des déclarations consignées dans le formulaire de déclaration des risques signé par l'assurée, la cour d'appel a souverainement décidé qu'elles correspondaient nécessairement à des questions posées par l'assureur lors de la souscription du contrat», et les obs. de Didier Krajeski, in Chron., Lexbase éd. priv., n° 622, éd. priv., 2015 N° Lexbase : N8528BUE).
En l’espèce, un particulier avait souscrit avec effet au 24 août 2010 un contrat d'assurance automobile ; le 14 décembre 2010, alors qu'il conduisait son véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, il avait percuté un scooter dont le conducteur avait été blessé dans l'accident ; l'assureur avait invoqué la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle en reprochant à l’intéressé d'avoir sciemment dissimulé qu'il était, au moment de la souscription, sous le coup d'une suspension du permis de conduire ; l'assureur avait assigné les intéressés, la CPAM et le FGAO afin de voir prononcer la nullité du contrat d'assurance et d'obtenir la condamnation de l’assuré à lui rembourser les indemnités provisionnelles versées à la victime.
Pour prononcer la nullité du contrat d'assurance, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 7 juillet 2017, n° 15/22172 N° Lexbase : A0939WMQ) avait retenu que l’assuré avait signé, le 12 septembre 2010, une proposition de contrat d'assurance automobile, avec date d'effet au 24 août 2010, indiquant l'identité du conducteur principal, du conducteur secondaire, la date des précédents sinistres déclarés et portant la mention : «je déclare que les conducteurs n'ont pas fait l'objet d'une suspension de permis de conduire ou d'une annulation de permis de conduire prononcée ou notifiée au cours des 36 derniers mois» ; qu'il avait, en apposant sa signature sur ce document, expressément attesté la véracité de la mention apportée à la question des antécédents concernant le permis de conduire ; que lors de son audition par les services de police, le 3 mai 2011, l’assuré avait déclaré : «au moment de l'accident je n'étais pas en possession de mon permis de conduire car celui-ci m'avait été retiré pour deux mois en juillet 2010, suite à un refus de se soumettre aux vérifications, et je ne l'avais pas récupéré. A ce jour, je ne sais pas où se trouve mon permis » ; que cette déclaration effectuée par l'assurée est précise quant à la date, la durée et le motif de la suspension du permis de conduire intervenue préalablement à la souscription du contrat d'assurance ; qu'en attestant lors de sa signature le 12 septembre 2010, ne pas avoir fait l'objet d'une suspension de permis de conduire prononcée ou notifiée au cours des trente-six derniers mois, l’assuré avait effectué une fausse déclaration intentionnelle qui avait changé l'objet du risque ou en avait diminué l'opinion pour l'assureur.
Le raisonnement est censuré par la Cour suprême qui retient la solution précitée.
A noter, enfin que la Haute juridiction vient préciser qu’en application de l'article 624 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7853I4M), la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à l'annulation du contrat d'assurance entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné l'assurée à rembourser à l'assureur les indemnités provisionnelles versées à la victime qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
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Réf. : Cass. civ. 3, 13 septembre 2018, n° 17-19.525, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3611X4I)
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par Bastien Brignon, Maître de conférences - HDR à l’Université d’Aix-Marseille Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et de l’Institut de droit des affaires (IDA), Directeur du Master professionnel Ingénierie des sociétés
Le 10 Octobre 2018
Clause d'indexation / Distorsion ne résultant de la clause / Distorsion résultant du décalage entre la date de renouvellement du bail intervenu et la date prévue pour l'indexation annuelle du loyer / Validité de la clause (oui)
1. C’est un arrêt essentiel que vient de rendre la Cour de cassation. Essentiel car il concerne, une nouvelle fois, les clauses d’indexation en matière de bail commercial. Essentiel également et surtout car la Haute juridiction autorise une clause sensible qui aurait peut-être été sanctionnée par le passé, mais qui aujourd’hui est validée, délivrant ainsi un message assez fort sur ce sujet traditionnellement délicat.
2. Les faits étaient assez simples. Le 29 décembre 1993, une SCI donne à bail, à une société, des locaux commerciaux à compter du 1er janvier 1994. Après avoir refusé de renouveler le bail, la SCI exerce son droit de repentir et offre à la société locataire le renouvellement du bail au 1er février 2006. Puis elle l’assigne en fixation du montant du loyer révisé. La société locataire demande alors que la clause d’indexation prévue au bail soit réputée non-écrite et ce, sur le fondement de l’article L. 112-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5471ICM).
3. Les juges du fond [1] accueillent la demande du preneur. Selon eux en effet, l’application de la clause d’indexation insérée au bail renouvelé engendre une distorsion entre l’intervalle de variation indiciaire (2ème trimestre 2005 – 2ème trimestre 2006 : 12 mois) et la durée écoulée entre les deux révisions (1er février 2006 au 1er janvier 2007 : 11 mois), si bien que cette distorsion opère mécaniquement un effet amplificateur lors des indexations suivantes pendant toute la durée du bail, en conséquence de quoi cette clause doit être réputée non-écrite. Mais la Cour de cassation censure cette décision, au visa de l’article précité, pour violation de la loi, dans la mesure où la distorsion retenue ne résulte pas de la clause d’indexation elle-même, mais du décalage entre la date de renouvellement du bail intervenu le 1er février 2006 et la date prévue pour l’indexation annuelle du loyer fixée au 1er janvier 2006. Autrement dit, la clause d’indexation était valable.
4. Cet arrêt, «sage» selon Jean-Pierre Blatter [2], paraît mettre un coup d’arrêt au contentieux relatif aux clauses d’échelle mobile qui a pris naissance depuis environ une dizaine d’années maintenant (I). Pour autant, il n’est pas sans poser de réelles difficultés qui feront réagir la pratique à n’en pas douter (II).
I - La fin du contentieux de la distorsion ?
5. Pour bien comprendre la portée de l’arrêt du 13 septembre 2018 [3], il faut rappeler le contexte (A) et la mettre en perspective avec deux arrêts rendus le 17 mai dernier (B).
A - Rappel du contexte
6. Il y a une dizaine d’années maintenant, certains auteurs, au premier rang desquels Philippe-Hubert Brault et Joël Monéger, ont mis en exergue un texte que les spécialistes des baux commerciaux ne connaissaient pas nécessairement, à savoir l’alinéa 2 de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier. En vertu de ce texte, «est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision». La loi oblige ainsi les clauses d’échelle mobile à prévoir des périodes de variation indiciaire exactement de même durée que celle s’écoulant entre deux révisions contractuelles, le plus souvent d’une année. Si par exemple la clause a une périodicité annuelle, la durée s’écoulant entre les deux indices comparés doit également être d’une année, au plus. A défaut, la clause sera réputée non-écrite car créant une distorsion et pourra entraîner la restitution d’une partie des loyers considérée comme indue, l’une des très grandes difficultés étant de savoir sur combien d’années il est possible de «remonter» [4].
7. Dans ce contexte, ce sont d’abord les clauses à indice fixe qui ont été fustigées, la Cour de cassation jugeant toutefois raisonnablement qu’en elles-mêmes ces clauses n’étaient pas illégales [5]. D’ailleurs, en pratique, peu de clauses ont été considérées comme illégales [6]. Certaines l’ont cependant été [7]. La Cour de cassation a tenté de mettre fin aux oppositions doctrinales [8], en suggérant une interprétation très stricte de l’alinéa 2 de l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier [9]. Ce sont ensuite les clauses faisant varier le loyer uniquement à la hausse qui ont été sanctionnées au regard de l’ordre public monétaire et financier [10], au regard en réalité d’un principe jurisprudentiel dont la constitutionnalité n’a pu être remise en cause [11].
8. Quoi qu’il en soit, le contentieux des clauses d’échelle mobile étant toujours très nourri sur le terrain de la distorsion au regard de l’ordre public monétaire et financier [12], la présente décision du 13 septembre 2018 doit être analysée avec minutie, tout en la mettant en perspective avec deux arrêts du 17 mai 2018.
B - L’absence de distorsion
9. Au cas d’espèce, le bail avait commencé à courir le 1er janvier 1994 et l’indexation devait intervenir à cette date ; le renouvellement était intervenu en fin de compte sur le droit de repentir du bailleur à la date du 1er février 2016. Les conséquences sur l’indexation étaient la suivante : il y avait un décalage entre l’intervalle de variation indiciaire (du deuxième trimestre 2005 au deuxième trimestre 2006 : douze mois) et la durée écoulée entre deux révisions (du 1er février 2006 au 1er janvier 2007 : onze mois). D’où l’invocation de la réputation du non-écrit par le preneur, cette distorsion opérant mécaniquement, selon ce dernier, un effet amplificateur lors des indexations suivantes pendant toute la durée du bail.
10. La SCI bailleresse forme un pourvoi. Elle y développe deux moyens. Selon le premier, la clause d’indexation ne comportait pas en elle-même une distorsion entre l’intervalle de variation indiciaire et la durée écoulée entre deux indexations, ce qui exclut qu’elle soit réputée non-écrite. Selon le second moyen, la distorsion prohibée n’a pas été intentionnellement recherchée par les parties, mais provient uniquement de la date de renouvellement du bail. La Cour de cassation ne suit que partiellement ce raisonnement. Elle casse l’arrêt au visa de l’article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier. La clause ne doit pas être réputée non-écrite puisque «la distorsion retenue ne résultait pas de la clause d’indexation elle-même, mais du décalage entre la date de renouvellement du bail […] et la date prévue pour l’indexation annuelle du loyer».
11. En somme, l’application de la clause crée une distorsion. Néanmoins, cette distorsion n’est pas liée à la clause elle-même mais au décalage qui résulte de la date de renouvellement. Autrement dit, c’est la date de renouvellement qui peut aboutir à créer la distorsion, pas la clause elle-même. D’où sa validation.
12. Il est intéressant de relever que quelques mois plus tôt, dans un arrêt du 17 mai 2018, alors que des juges du fond avaient relevé une légère distorsion, ils n’avaient pas sanctionné pareille clause. La Cour de cassation s’était montrée pour sa part moins clémente en considérant que dès lors que les juges du fond constatent qu’une clause d’indexation crée une distorsion, ils n’ont aucun pouvoir d’appréciation au regard de la gravité de la distorsion engendrée par la clause : ils doivent déclarer cette clause non-écrite. Dans cette affaire, par application de la clause d’indexation, la première indexation avait eu lieu le 1er janvier 2000, quatre mois après la prise d’effet du bail, sur la base de l’indice du 2e trimestre 1998 comparé à celui du 2e trimestre 1999, soit une variation indiciaire d’un an, voire de moins d’un an puisque la première indexation avait eu lieu le 1er janvier 2000 alors que le loyer n’était entré en vigueur que le 1er septembre 1999, le bailleur tentant de soutenir qu’il s’agissait d’une actualisation de loyer et non d’une indexation. Malgré cette distorsion, légère il est vrai, la cour d’appel avait refusé d’écarter la clause car les effets de la distorsion ainsi créés étaient minimes. L’article L. 112-1 du Code monétaire et financier étant d’ordre public, la Cour de cassation casse cette solution. Dans cette affaire également, une indexation avait été pratiquée à la suite du renouvellement du bail au 1er avril 2012. Le bail avait été renouvelé à effet du 1er avril 2012 et une indexation avait eu lieu le 1er janvier 2013. A la lecture des motifs de l’arrêt d’appel, on comprend que contractuellement, l’indexation intervenait le 1er janvier suivant la date d’effet du bail, puis tous les ans à la même date, et que le taux de variation était calculé en tenant compte de l’indice fixe du deuxième trimestre 1998. En l’espèce, le preneur faisait valoir que lors de l’indexation au 1er janvier 2013, il s’était écoulé quatorze ans de variation indiciaire, alors que le nouveau loyer n’était en vigueur que depuis neuf mois. La cour d’appel avait effectivement relevé une distorsion prohibée et déclaré la clause réputée non écrite. Toutefois elle avait donné raison au bailleur qui avait sollicité du juge une substitution de l’indice, le bailleur invoquant une disposition du bail prévoyant une substitution à l’indice de base fixe «si une raison empêchait le recours à cet indice». La Cour de cassation ne se prononce pas sur cette question mais elle ne valide pas pour autant la position des juges d’appel qui avaient accepté de substituer un indice à l’autre. On retiendra donc qu’une référence à un indice de base fixe n’est pas en elle-même illégale mais que si une distorsion effective est constatée, aussi infime soit-elle, elle doit être prohibée, ce qui en pratique signifie que le bailleur va devoir rembourser au preneur une partie du loyer indexé [13].
13. Dans l’arrêt du 13 septembre 2018, la distorsion était également minime. A l’inverse de l’arrêt du 17 mai 2018, la clause a été considérée comme valable. La différence entre ces deux affaires est que la distorsion dans l’arrêt du 17 mai était liée à l’application de clause elle-même, et non au décalage induit par la date d’effet du renouvellement.
14. Si donc la distorsion a pour cause l’application de la clause dans le cadre d’un renouvellement, la clause doit-elle être sanctionnée ? A lire l’arrêt sous commentaire, la réponse est négative. Il faut alors évoquer un autre arrêt en date du 17 mai 2018 [14].
15. Dans cette autre affaire, il s’agissait d’un bail qui avait prévu un indice fixe qui était l’ICC du quatrième trimestre de l’année 2013 pour un contrat prenant effet au 1er juillet 2014, l’indice de comparaison devant être celui du quatrième trimestre de l’année civile précédant le jour anniversaire de la révision. Par exemple, pour la première révision au 1er juillet 1995, il était fait référence à l’indice du 4ème trimestre 1994. Il y avait donc une parfaite adéquation entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre chaque révision, conforme aux exigences de l’article L. 112-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier. La régularité initiale de la clause d’indexation en elle-même n’était pas contestée. Toutefois, à raison d’une variation de plus de 25 % du loyer du fait de la clause d’échelle mobile, le bailleur avait, sur le fondement de l’article L. 145-39 du Code de commerce (N° Lexbase : L5037I3X), sollicité la révision du loyer pour voir appliquer le retour à la valeur locative, selon lui supérieure au montant atteint par cette variation. Cette demande de révision fut signifiée le 23 décembre 2009. La société locataire avait alors soutenu devant la cour d’appel que c’était la révision à la date du 23 décembre 2009 qui provoquait cette distorsion prohibée. En effet, la date retenue dans le contrat de bail était le 1er juillet de chaque année. Le preneur avait alors considéré que la révision avait entraîné une modification de l’intervalle de révision convenu initialement et avait induit nécessairement une distorsion prohibée rendant la clause d’indexation illicite puisque la nouvelle période de révision du nouveau loyer n’est plus en concordance avec l’intervalle de variation indiciaire.
16. Néanmoins, la cour d’appel avait jugé que s’agissant de la révision à venir, à supposer que le juge de la révision fixe le loyer révisé à une date distincte de celle prévue par la clause d’indexation (ce qui était le cas en l’occurrence), il lui appartiendra également d’adapter le jeu de la clause d’échelle mobile à la valeur locative par application de l’article R. 145-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L0052HZX), de sorte que la révision du loyer ne peut elle-même organiser la distorsion prohibée. En effet, en présence d’une clause d’échelle mobile, régulière, prévoyant que le loyer sera indexé chaque année au 1er juillet, la demande de révision du loyer formée par le bailleur le 23 décembre 2009 sur le fondement de l’article L. 145-39 du Code de commerce (N° Lexbase : L5037I3X) n’entraîne pas une distorsion interdite par l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier, «le juge devant adapter le jeu de la clause d’échelle mobile à la valeur locative». Du fait de la distorsion mécanique liée à la révision sur le fondement d’une variation de plus de 25 %, il est nécessaire qu’un correctif puisse être apporté. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation ajoute que les juges du fond peuvent adapter la clause d’indexation en fonction de la nouvelle échéance légale. S’il est vrai que l’article R. 145-22, alinéa 1er, du Code de commerce selon lequel «le juge adapte le jeu de l’échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande» ne vise expressément que l’adaptation de la clause d’indexation au regard de la valeur locative, on ne saurait se fonder exclusivement sur la lettre du texte pour considérer que le juge est privé de tout pouvoir d’adaptation l’empêchant de corriger la distorsion mécanique liée à son pouvoir de révision : le juge doit donc pouvoir remettre en concordance la clause d’indexation lorsque la distorsion résulte de sa seule intervention.
17. Ce dernier exemple montre que la distorsion peut découler de la situation elle-même, non pas directement de la clause. C’est ainsi que la distorsion peut résulter de la date d’effet du bail lors du renouvellement, comme dans l’arrêt commenté, ou encore de l’application par le juge de la variation de plus du quart de l’article L. 145-39 du Code de commerce. Il nous semble que dès lors que ces distorsions ne sont pas volontaires, mais sont imposées par la situation en cours du contrat de bail commercial, la clause d’indexation ne doit pas être invalidée [15]. Telle est la voie dans laquelle la Cour paraît s’être engagée à propos des clauses d’échelle mobile.
18. La solution est heureuse, sans conteste. Mais elle n’est pas sans conséquences car valider une clause dont la mise en œuvre aboutit à créer une distorsion oblige à reprendre la plume.
II - Les conséquences de la validation de la clause
19. La clause d’échelle mobile est validée car la distorsion qu’elle engendre n’est pas liée à sa rédaction mais à son application induite par la situation, en l’occurrence le décalage entre la date de renouvellement du bail intervenu au 1er février 2006 et la date prévue pour l’indexation annuelle du loyer fixée au 1erjanvier 2006. Certes. Mais comment alors procéder ?
20. Jean-Pierre Blatter estime que «[…] dans tous les cas où il est possible de faire signer un bail renouvelé plutôt que de se satisfaire, en vertu de l’article L. 145-57 du Code de commerce (N° Lexbase : L5785AI4), de la décision de justice qui vaut bail, il est évident que le rédacteur devra veiller ou devra avoir prévu dès le bail initial que la clause d’indexation sera ‘recalée’ pour éviter d’ouvrir la voie à des procédures de ce type. De même la signature d’un avenant sera l’occasion de ‘recaler’ la date de l’indexation et l’indice de référence». On voit ainsi qu’il est nécessaire de reprendre la plume voire de prévoir dans le contrat la possibilité de reprendre la plume -peut-être sur le fondement du nouvel article 1195 du Code civil (N° Lexbase : L0909KZP) voire sur celui du déséquilibre significatif ?- afin d’adapter/actualiser la clause d’échelle mobile en modifiant les dates anniversaires que sont la date d’indexation et le trimestre de l’indice de référence.
21. Cela n’est pas sans inconvénient car il faut que les parties soient d’accord, ce qui n’est pas nécessairement le cas dans toutes les hypothèses. Et si les parties sont d’accord pour que le rédacteur du contrat reprenne la plume, encore faut-il qu’elles soient d’accord également sur la forme de la modification : soit une modification directe du contrat, soit une modification par avenant. En fonction de la situation, parfois, seule une modification par avenant sera possible. On peut ici citer un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence un peu surprenant, ayant jugé que «la clause résolutoire ne peut valablement être mise en œuvre par le bailleur que pour les seules obligations du preneur clairement et expressément mentionnées dans le contrat de bail commercial en cause. Il ne peut être procédé dans le nouveau bail par référence aux clauses figurant dans le précédent bail liant les parties. Le bailleur ne peut donc invoquer à la suite de la délivrance de son commandement contemporain du nouveau bail des manquements du preneur à des obligations qui ne figurent pas dans le bail en cours pour constater la résiliation de plein droit du bail. La référence de ce bail à certaines clauses du précédent bail commercial est sans valeur. Il convient en conséquence dans cette hypothèse de rejeter la demande du bailleur tendant à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire» [16]. La modification par avenant n’est pas toujours susceptible de procéder aux actualisations du contrat que les parties désirent.
22. Serait-il possible alors de faire peser sur le juge cette obligation d’actualiser le contrat ? Cela paraît plus qu’hasardeux. Il n’est en effet pas certain du tout que les juges acceptent pareille mission. D’ailleurs, aucun fondement juridique ne saurait les contraindre en ce sens. Certes, si la distorsion résulte de l’application de la clause par le juge, on peut imaginer, mais uniquement et exclusivement dans ce cas-là, comme dans l’un des arrêts du 17 mai 2018, qu’entre dans l’office du juge la possibilité (et non l’obligation) d’adapter le jeu de la clause, encore qu’en vertu de l’article R 145-22 alinéa 1er du Code de commerce «le juge adapte le jeu de l’échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande». Mais, hormis ce cas-là, on ne voit pas bien dans quelle situation le juge pourrait être contraint de refaire le contrat à propos de la clause d’échelle mobile [17].
23. Si donc les parties n’acceptent pas que le rédacteur du contrat modifie la clause d’échelle mobile pour actualiser les dates anniversaires en matière d’indexation, et si le juge lui-même ne peut être contraint d’y procéder, la question se pose inévitablement du calcul auquel il faut procéder pour obtenir la bonne indexation. Certainement alors que l’expert, comme il le ferait sur d’autres sujets, pourrait suggérer telle ou telle valeur et telles ou telles dates de référence.
24. Faudrait-il par conséquent prévoir une clause, comme aujourd’hui en matière de loyer binaire [18], de recours au juge des loyers commerciaux, afin que celui-ci fixe non pas le minimum garanti à la valeur locative, mais qu’en présence d’une clause d’échelle mobile aboutissant à une distorsion non pas du fait de sa rédaction mais du fait de son application en raison de la situation au cas d’espèce, les parties seraient contraintes sur sollicitation du juge de modifier leur contrat de bail commercial ? Nous ne le pensons pas car ce serait aller trop loin dans l’atteinte à la liberté contractuelle.
25. La décision du 13 septembre 2018 est un appel à cesser le contentieux de la distorsion. Mais elle n’explique pas comment il faut alors procéder pour le calcul, pour la modification du contrat, etc.. La source de ce contentieux de la distorsion, qui puise son fondement dans un texte plus qu’aride voire «hors sol» voire encore dans un principe jurisprudentiel, n’est certainement pas prête de se tarir !
[1] CA Versailles, 25 avril 2017, n° 16/04214 (N° Lexbase : A5320WAB).
[2] J.-P. Blatter, Lettre d’actualité du bail commercial octobre 2018, www.blatter.fr.
[3] Sur lequel V., J.-P. Blatter, Lettre d’actualité du bail commercial - octobre 2018, préc. ; Dalloz Actualité, 8 octobre 2018, obs. M. Ghiglino ; Navis, Actualités droit des affaires, 4 octobre 2018 ; J. Prigent, Lexbase, éd aff., 2018, n° 565 (N° Lexbase : N5586BX8).
[4] Si les auteurs s’entendent sur l’imprescriptibilité de l’action en réputée non écrite de la clause d’indexation créant une distorsion, les auteurs conviennent également qu’une prescription s’applique ensuite afin de déterminer la date jusqu’à laquelle il est possible de «remonter» pour obtenir les remboursements des trop-perçus. Il faudra que tôt ou tard que la Cour de cassation tranche ce point de droit qui continue de diviser les auteurs et qui surtout ne permet pas de savoir avec exactitude jusqu’à quelle date il est possible de «remonter» dans le temps pour réclamer la restitution de l’indu. Si l’imprescriptibilité de l’action en réputée non écrite de ladite clause n’est pas si évidente, la date jusqu’à laquelle il est possible de «remonter» dans le temps pour régulariser les loyers n’est pas plus évidente. Certains auteurs invoquent la prescription quinquennale de droit commun.
[5] Cass. civ. 3, 16 octobre 2013, n° 12-16.335, FS-P+B (N° Lexbase : A0870KNK) ; Bull. civ. III, n° 129 ; JCP éd. E, 2014, 1108, note H. Kenfack ; D., 2013, p. 2464, obs. Y. Rouquet ; D., 2014, p. 1000, obs. A. Pic ; RJDA, 2014, n° 12 ; AJDI, 2014, p. 36, obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; AJDI, 2014, p. 1, point de vue J.-P. Blatter ; Gaz. Pal., 24-26 novembre 2013, n° 328-330, p. 23, note J.-D. Barbier ; Administrer, décembre 2013, p. 40, obs. Sainturat ; Rev. Loyers, 2013, p. 491, obs. M.-O. Vaissié et H. Chaoui ; Loyers et copro., 2014, comm. 39, obs. B. Vial-Pedroletti ; Ann. Loyers, 2013, p. 1996, nos obs. ; Cass. civ. 3, 11 décembre 2013, n° 12-22.616, FS-P+B (N° Lexbase : A3495KRU) ; Bull. civ. III, n° 159 ; JCP éd. E, 2014, 1108, note H. Kenfack ; Loyers et copro., 2014, repère 1, J. Monéger ; Rev. Loyers, 2014, p. 8, obs. M.-O. Chaoui et H. Vaissié ; D., 2014, actu. p. 6, obs. Y. Rouquet ; D., 2014, p. 1003, obs. A. Pic ; D., 2014, p. 1659, spéc. p. 1665, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI, 2014, p. 1, point de vue J.-P. Blatter ; AJDI, 2014, p. 136, note F. Planckeel et A. Antoniutti ; BRDA, n° 1/14, inf. n° 20 et 22 ; Administrer, février 2014, p. 31, obs. J.-D. Barbier ; Gaz. Pal., 2014, p. 1107, obs. D. Houtcieff ; Gaz. Pal., 2014, p. 1157, obs. Ph.-H. Brault ; J. Prigent, in Chron., Lexbase, éd. aff., 2013, n° 363 (N° Lexbase : N9990BT8) ; D., 2014, p. 344, nos obs. ; Cass. civ. 3, 27 janvier 2015, n° 13-25.576, F-D (N° Lexbase : A7056NAL), JCP éd. E 2015, 1170, nos obs. ; J. Prigent, in Chron., Lexbase Hebdo éd. aff., 2015, n° 411 (N° Lexbase : N5847BU4) ; D. 2015, p. 1615, obs. M.-P. Dumont-Lefrand.
[6] Cass. civ. 3, 25 février 2016, n° 14-28.165, FS-P+B (N° Lexbase : A4429QDE), Loyers et copro., 2016, comm. 96, note S. Regnault ; Rev. Loyers, 2016, p. 188, note H. Chaoui ; Administrer, mai 2016, p. 25, note J.-D. Barbier ; D., 2016, p. 1028, obs. A.-L. Collomp ; JCP éd. E, 2016, 1228, nos obs. ; Cass. civ. 3, 7 mai 2014, n° 12-22.637, FS-D (N° Lexbase : A9341MK8) ; Loyers et copro. 2014, comm. 212, obs. Ph.-H. Brault ; AJDI 2014, p. 783, obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; J. Prigent, in Chron., Lexbase Hebdo éd. aff., 2014, n° 381 (N° Lexbase : N2179BUA). V. également, CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 26 juin 2013, n° 11/15966 (N° Lexbase : A0242KIS), J. Prigent, Lexbase, éd. aff., 2013, n° 350 (N° Lexbase : N8495BTS).
[7] Cass. civ. 3, 3 déc. 2014, n° 13-25.034, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0655M7E) ; D., 2015, p. 1615, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; D. Actualité, 10 décembre 2014, obs. Y. Rouquet ; AJDI, 2015, p. 283, note F. Planckeel et A. Antoniutti ; Administrer, janvier 2015, p. 47, note J.-D. Barbier ; Loyers et copro., 2015, comm. 13, obs. E. Chavance ; Gaz. Pal., 12 avril 2015, n° 102-104, p. 20, note Ch.-E. Brault ; Rev. Loyers, 2015, p. 32, note B. de Lacger ; AJDI, 2015, p. 283, obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; Opérations immobilières, janvier 2015, p. 34, note H. Chaoui ; JCP éd. E, 2015, 1006, nos obs.. Sur renvoi : CA Versailles, 20 octobre 2015, n° 15/00545 (N° Lexbase : A6871NTN) ; puis Cass. civ. 3, 9 février 2017, n° 15-28.691, FS-P+B (N° Lexbase : A1981TCD), Dalloz Actualité, 14 mars 2017, obs. A. Cayol ; D., 2017. 405 ; AJDI, 2017, 430, obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; JCP éd. E, 2017, 1173, nos obs. ; J. Prigent, in Chron., Lexbase, éd. aff. 2017, n° 501 (N° Lexbase : N7067BWN).
[8] J. Monéger, La périodicité dans la clause d'indexation du loyer et l'ordre public monétaire, Loyers et copro., 2011, étude 9 ; JCP éd. E, 2011, 1723 ; Ph.-H. Brault, Bail commercial et indexation du loyer : questions posées et réponses récentes, Loyers et copr. 2013, étude 8 ; JCP éd. E 2013, 1455 ; A. Confino, Les loyers progressifs et les règles statutaires et monétaires, AJDI, 2013, p. 403 ; A. Jacquin, Clauses d'indexation : variations autour de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier, Gaz. Pal., 3 août 2013, n° 215, p. 19 A. Jacquin Interprétation de l'art. L. 112-1 : quand l'esprit l'emporte sur la lettre, Gaz. Pal. 2012, p. 2620 ; S. Legrix de la Salle, Bail commercial et loyer : la consécration judiciaire de la validité des clauses d'indexation ayant recours à un indice de base fixe, JCP éd. E, 2012, 1503. L. Auriac, Loyer : clauses de révision, d'indexation et d'échelle mobile. Première partie : généralités, AJDI, 2013, p. 667 ; ibid., Seconde partie, AJDI, 2013, p. 747 ; BRDA, n° 21/12, comm. 25 ; E. Chavance, Le nouveau régime des clauses d'indexation : Loyers et copr., 2014, étude 2. Nos obs., Le loyer du bail commercial et la question de la périodicité de la clause d'indexation, Ann. loyers 2012, p. 975. - Du même auteur, Validité de la clause d'échelle mobile comportant un indice de base fixe, Ann. Loyers, 2012, p. 2299.
[9] Cass. civ. 3, 9 février 2017, n° 15-28.691, préc..
[10] Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-24.681, FS-P+B (N° Lexbase : A9444N38), P. Dumont-Lefrand ; AJDI, 2016, p. 365, obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; ibid. 157, point de vue J.-P. Dumur ; RTDCom., 2016. 56, obs. J. Monéger ; JCP éd. E, 2016, 1132, nos obs. ; Cass. civ. 3, 30 mars 2017, n° 16-13.914, FS-P+B (N° Lexbase : A1081UT9), Dalloz Actualité, 6 avril 2017, note Y. Rouquet ; D., 2017, p. 814 ; ibid. p. 1572, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI, 2017, p. 588, obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; ibid. p. 473, point de vue J.-P. Dumur ; CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 20 janvier 2016, n° 13/21626 (N° Lexbase : A2179N4H), AJDI, 2016, p. 360, obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; CA Versailles, 10 mars 2015, n° 13/08116 (N° Lexbase : A0193NDI) ; JCP éd. E, 2015. 1231, obs. B. Brignon ; Loyers et copro., 2015, comm. n° 225, obs. P.-H. Brault ; CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 20 janvier 2016, n° 13/17680 (N° Lexbase : A2330N43) ; JCP éd. E 2016, 1165. Adde CA Paris, 24 janvier 2018, Pôle 5, 3ème ch., n° 16/09460 (N° Lexbase : A5444XBA qui considère également que c’est toute la clause qui doit tomber compte tenu de son caractère indivisible). Quant aux clauses «capées», certains juges du fond commencent à les sanctionner : CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 7 février 2018, n° 16/07034 (N° Lexbase : A9487XCD). Adde Ch. Denizot et G. Trautmann, Le sort des clauses d'indexation ne jouant qu'à la hausse dans les baux commerciaux, JCP éd. N, 2016, 1120, note sous Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-24.681, FS-P+B (N° Lexbase : A9444N38) : «Mais attendu, d'une part, qu'ayant exactement relevé que lorsqu'il répute non écrite une clause de répartition de charges, le juge doit procéder à une nouvelle répartition, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la décision de réputer non écrite une telle clause ne peut valoir que pour l'avenir et ne peut prendre effet qu'à compter de la date où la décision a acquis l'autorité de la chose jugée». Cf. également, Cass. civ. 3, 10 juillet 2013, n° 12-14.569, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8711KIH) ; JCP éd. N, 2013, act. 828 ; Cass. civ. 3, 21 janvier 2014, n° 12-26.689, F-D (N° Lexbase : A0016MDX) ; Loyers et copr. 2014, comm. 91, note G. Vigneron.
[11] Cass. QPC, 15 février 2018, n° 17-40.069, FS-D (N° Lexbase : A8333XDY).
[12] A. Antoniutti, Baux commerciaux et ordre public monétaire et financier : le cas des clauses d'échelle mobile, Loyers et copro., 2017, dossier 11.
[13] Cass. civ. 3, 17 mai 2018, n° 17-11.635, FS-D (N° Lexbase : A4508XNB) ; J-.P. Blatter, Lettre d’actualité du bail commercial - juin 2018, www.blatter.fr ; Loyers et copro., 2018, comm. 175, note E. Chavance.
[14] Cass. civ. 3, 17mai 2018, n° 17-15146, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9691XMU), Dalloz Actualité, 13 juin 2018, note M. Ghiglino ; J. Prigent, Lexbase, éd. aff., 2018, n° 556 (N° Lexbase : N4555BXY).
[15] Même si les juges ont déjà eu l’occasion de sanctionner des clauses d’indexation aboutissant à des distorsions involontaires, du fait par exemple de l’application d’un avenant.
[16] CA Aix-en-Provence, 19 avril 2018, n° 2018/200 (N° Lexbase : A2510XUI).
[17] La Cour de cassation a par exemple indiqué, dans son avis du 9 mars 2018, qu’il n’entrait pas dans l’office du juge d’arrêter l’échéancier dans le cadre du lissage à 10 % en matière de loyer sur renouvellement (Cass. avis, 9 mars 2018, n° 15004 N° Lexbase : A6836XGB).
[18] Sur lequel v., CA Lyon, 28 juin 2018, n° 16/09607 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 46394135, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "CA Lyon, 28-06-2018, n\u00b0 16/09607, Confirmation", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A2064XUY"}}), Loyers et copro., 2018, comm. 200, note Ph.-H. Brault.
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Réf. : Cass. civ. 1, 3 octobre 2018, n° 18-19.442, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4074X8E)
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par Marie Le Guerroué
Le 10 Octobre 2018
► Ne statue pas au vu des seules conclusions de l’expertise ni en méconnaissant le principe selon lequel le doute sur la majorité ou la minorité, après l’examen radiologique, profite à l’intéressé, la cour d’appel qui a, notamment, relevé que les divers documents d’identité figurant au dossier contenaient de nombreuses contradictions et que l’identité alléguée paraissait peu vraisemblable, que l’expertise était régulière et qui a constaté que l’expert désigné avait conclu qu’il était possible d’affirmer, au-delà de tout doute raisonnable, que la jeune femme avait plus de 18 ans au moment de l’examen.
Telle est la décision rendue par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 octobre 2018 (Cass. civ. 1, 3 octobre 2018, n° 18-19.442, FS-P+B+I N° Lexbase : A4074X8E).
Le 19 janvier 2017, le juge des enfants avait été saisi par une jeune femme se déclarant mineure, pour être née en 2000 à Kinshasa (République démocratique du Congo), et isolée sur le territoire français, afin d’être confiée à l’aide sociale à l’enfance.
Elle faisait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nancy le 13 avril 2018 de constater qu’elle n’était pas mineure et, en conséquence, d’ordonner la mainlevée de son placement à l’aide sociale à l’enfance et la clôture de la procédure d’assistance éducative.
La Cour de cassation rappelle qu’il résulte de l’article 388 du Code civil (N° Lexbase : L0260K7R), dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 (loi relative à la protection de l'enfant N° Lexbase : L0090K7H), que des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, peuvent être réalisés sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur et que le doute lui profite.
La Haute cour note, ensuite, que la cour d’appel :
1. en premier lieu, a relevé que les divers documents d’identité figurant au dossier contenaient, outre des erreurs, de nombreuses contradictions,-certains des actes produits correspondant à l’identité d’une jeune majeure, née en 1994 à Kinshasa et ayant sollicité un visa d’entrée en France en 2016 pour y poursuivre des études supérieures, les autres correspondant à l’identité d’une mineure-, a ajouté que l’identité alléguée paraissait peu vraisemblable puisqu’il en résultait que la mère de l’intéressée serait née en 1949 et lui aurait donc donné naissance à l’âge de 52 ans et que de ces constatations et énonciations, elle a souverainement déduit que les documents produits n’étaient pas probants au sens de l’article 47 du Code civil (N° Lexbase : L1215HWW) et que l’âge allégué n’était pas vraisemblable ;
2. en deuxième lieu, a retenu, que l’expertise était régulière dès lors que les conditions prévues à l’article 388 du Code civil avaient été respectées, que la jeune femme disposait des conseils de son avocat, que l’expert précisait qu’elle parlait et comprenait parfaitement le français et qu’il avait donc été possible de lui expliquer la mission et de recueillir son consentement, dans le respect des règles de déontologie qui régissent l’exercice de sa profession, la loi n’imposant pas que le consentement prenne une forme écrite ;
3. en troisième lieu, a constaté, que l’expert désigné avait conclu qu’il était possible d’affirmer, au-delà de tout doute raisonnable, que la jeune femme avait plus de 18 ans au moment de l’examen, en novembre 2017, et que l’âge allégué, de 17 ans, n’était pas compatible avec les conclusions médico-légales.
Dès lors, pour la Cour, c’est sans statuer au vu des seules conclusions de l’expertise ni méconnaître le principe selon lequel le doute sur la majorité ou la minorité, après l’examen radiologique, profite à l’intéressé, que la cour d’appel a, par une décision motivée, constaté que la jeune femme n’était pas mineure. Elle rejette, par conséquent, le pourvoi (cf. les Ouvrages «Droit des étrangers» N° Lexbase : E0434GAC et «La protection des mineurs et des majeurs vulnérables» N° Lexbase : E4779E77).
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Réf. : Cass. soc., 26 septembre 2018, n° 17-15.101, FS-P+B (N° Lexbase : A1862X8H)
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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 10 Octobre 2018
Egalité de traitement/cadres/prime de treizième mois
Résumé
Quelles que soient les modalités de son versement, une prime de treizième mois, qui n'a pas d'objet spécifique étranger au travail accompli ou destiné à compenser une sujétion particulière, participe de la rémunération annuelle versée, au même titre que le salaire de base, en contrepartie du travail à l'égard duquel les salariés cadres et non-cadres ne sont pas placés dans une situation identique. |
Sans publicité importante et sous couvert d’une décision ne paraissant traiter que d’une situation particulière, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 26 septembre 2018 qui pourrait être de nature à bouleverser une nouvelle fois l’application du principe d’égalité de traitement, spécialement s’agissant de salariés relevant de catégories professionnelles différentes. En effet, si les décisions rendues le 27 janvier 2015 avaient sérieusement amenuisé les potentialités du principe d’égalité de traitement en présumant justifiée toute différence instituée par accord collectif de travail, la Chambre sociale avait jusqu’ici préservé le contrôle des avantages résultants de la seule volonté de l’employeur. Sans revenir formellement sur l’exigence d’un contrôle approfondi de ces décisions unilatérales, la Chambre sociale juge qu’une prime de treizième mois participe de la rémunération annuelle versée en contrepartie du travail à l’égard duquel les salariés cadres et non-cadres ne sont pas placés dans une situation identique. La formule est si vaste que l’on peine à discerner ce qu’il reste effectivement du principe d’égalité «intercatégoriel».
Commentaire
I - L’affirmation de l’altérité de situation des cadres et non-cadres à l’égard de leur travail
Principe d’égalité et engagement unilatéral de l’employeur. Chacun se souvient que l’application du principe d’égalité de traitement a subi un profond bouleversement à la suite des décisions rendues par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 27 janvier 2015 [1]. Le régime probatoire du principe d’égalité de traitement diffère, en effet, depuis lors, selon la source ayant institué l’avantage attribué à certains salariés et non à d’autres.
Lorsque l’avantage résulte d’un accord collectif de travail, la Chambre sociale juge que les différences de traitement «opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle». Cette règle s’applique aussi bien aux avantages tirés d’un accord de branche [2], d’un accord d’entreprise [3] ou d’un accord d’établissement [4].
Lorsque, en revanche, l’avantage résulte d’un engagement unilatéral de l’employeur [5], la Chambre sociale maintient le régime probatoire antérieur [6]. La seule différence de catégorie professionnelle ne saurait, en elle-même, justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence.
Conditions de mise en œuvre du principe d’égalité de traitement. Pour que le juge puisse admettre que l’employeur n’a pas respecté le principe d’égalité de traitement, trois conditions doivent être réunies.
Il faut, d’abord, qu’il existe une différence de traitement entre salariés d’une même entreprise [7]. Depuis 2008, ces différences de traitement ne concernent plus exclusivement la rémunération des salariés en cause et peuvent intéresser de nombreuses autres types de mesures comme, par exemple, les retenues pour fait de grève [8], l'attribution de la médaille du travail [9], le bénéfice d'un régime de retraite supplémentaire d'entreprise [10], l'attribution d'une semaine de congés payés supplémentaires [11], de primes de treizième mois et de transport [12], la possibilité pour des commerciaux de participer à des animations commerciales et à un concours leur permettant de bénéficier d'un voyage [13], le bénéfice d’une reprise d'ancienneté [14] ou encore des mesures prévues par un plan de sauvegarde de l’emploi [15].
Il est nécessaire, ensuite, que les salariés traités différemment se trouvent dans une situation identique [16]. Cette identité de situation est appréciée au regard de l’avantage en cause [17]. Cette règle est fondamentale. En effet, si des salariés relevant de catégories professionnelles différentes et exerçant des fonctions variées peuvent abstraitement être considérés comme étant placés dans une situation différente, l’analyse de leur situation au regard de l’avantage en cause permet parfois de conclure à l’existence d’une situation identique nonobstant les différences de statut, de fonctions ou de catégories professionnelles. A l’inverse, des salariés semblant se trouver dans des situations professionnelles similaires voire identiques peuvent, en réalité, relever de situations différentes en raison de leurs parcours professionnels [18] ou de leur statut [19]. On le comprend donc aisément, l’appréciation de l’identité ou de l’altérité de situation offre une large marge de manœuvre au juge qui contrôle l’existence d’une atteinte au principe d’égalité.
Sans qu’il soit toujours très simple de distinguer cette condition de la précédente [20], il convient enfin que l’employeur ne puisse démontrer que la différence de traitement entre salariés placés dans une situation identique repose sur des raisons objectives et matériellement vérifiables [21]. Les justifications admissibles sont variées et peuvent relever de la qualité du travail des salariés [22], de leur ancienneté [23], de leur expérience [24], des diplômes [25], etc. A nouveau, une grande latitude est finalement laissée au juge qui semble très libre d’accepter ou de refuser tel ou tel type de justification.
Ces larges marges de manœuvre expliquent comment la Chambre sociale de la Cour de cassation parvient, dans l’affaire présentée, à une remise en cause sans doute profonde de l’application du principe d’égalité de traitement entre salariés relevant de catégories professionnelles différentes.
L’affaire. Quarante salariés, ouvriers et employés d’une société, saisissent le juge prud’homal pour que leur soit allouée une prime de treizième mois dont seuls bénéficient les cadres de l’entreprise par décision unilatérale de l’employeur. Les juges d’appel considèrent que «la seule différence de catégorie professionnelle ne peut en elle-même justifier […] une différence de traitement entre salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage» et que l’employeur n’établit pas que «la différence de traitement instituée entre les cadres et les personnels non-cadres relativement au versement de cette prime [soit] justifiée par des raisons objectives, réelles et pertinentes».
Par un arrêt rendu le 26 septembre 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa du principe d’égalité de traitement. Elle juge, sans renvoi, que «quelles que soient les modalités de son versement, une prime de treizième mois, qui n'a pas d'objet spécifique étranger au travail accompli ou destiné à compenser une sujétion particulière, participe de la rémunération annuelle versée, au même titre que le salaire de base, en contrepartie du travail à l'égard duquel les salariés cadres et non-cadres ne sont pas placés dans une situation identique».
La solution et la motivation retenues sont très étonnantes par la manière dont les critères du principe d’égalité sont mobilisés et par les potentialités dévastatrices de la décision.
II - Que reste-t-il du principe d’égalité de traitement entre salariés relevant de catégories professionnelles distinctes ?
L’appartenance à des catégories professionnelles différentes et les conditions d’application du principe d’égalité de traitement. La cour d’appel s’appuyait sur une jurisprudence habituelle de la Chambre sociale de la Cour de cassation pour caractériser le manquement au principe d’égalité de traitement. En effet, la Haute juridiction a jugé, à plusieurs reprises, que la seule différence de catégorie professionnelle ne pouvait justifier une différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause [26]. Cette règle ne supportait que de rares exceptions, par exemple s’agissant des cotisations à un régime de prévoyance complémentaire [27]. La prise en considération de la catégorie professionnelle à laquelle appartiennent les salariés intervenait donc presque toujours en vue de rechercher l’existence ou l’absence de justification objective et non pour apprécier, en amont, si les salariés comparés étaient placés dans une situation identique [28].
Or, dans l’affaire sous examen, la Chambre sociale ne focalise pas son argumentation sur la justification de l’avantage, mais sur l’identité ou l’altérité de situation entre cadres et non-cadres. La prime «participe de la rémunération annuelle versée, au même titre que le salaire de base, en contrepartie du travail à l'égard duquel les salariés cadres et non-cadres ne sont pas placés dans une situation identique». Ce faisant, la Chambre sociale nous semble indirectement remettre en cause la règle qu’elle avait elle-même posée. Certes, la Chambre sociale n’admet pas formellement que l’appartenance à des catégories professionnelles différentes puisse justifier à elle seule la différence de traitement. Cependant, dès lors qu’est en cause une prime de treizième mois ou, nous y reviendrons, tout autre élément de rémunération servi en contrepartie du travail, il n’est plus nécessaire de rechercher si la différence de traitement est justifiée. Dit autrement, dès lors que ces salariés sont considérés être placés dans des situations différentes, la différence de traitement est toujours et automatiquement justifiée. Sans le dire en ces termes, la Chambre sociale pose une présomption de justification de la différence de traitement qui, contrairement à celle développée pour les avantages conventionnels, paraît irréfragable.
Il est parfaitement logique que des cadres puissent être traités différemment des ouvriers, employés, agents de maîtrise et techniciens d’une entreprise. De nombreux arguments liés par exemple à leurs diplômes, leur expérience, leur investissement, leurs qualités professionnelles peuvent être avancés et constituer des raisons objectives et vérifiables. En revanche, affirmer que la situation des cadres et non-cadres est différente au seul regard de leur «travail» est très discutable, cela d’autant que l’argument rattachant la prime au salaire de base est contestable et ouvre un champ de possibilité extrêmement vaste.
Prime de treizième mois, salaire de base, rémunération : quels avantages dispensés de justification ? Au premier abord, la solution rendue par la Chambre sociale pourrait sembler bien circonscrite. L’idée est la suivante et n’est guère en elle-même contestable : le salaire versé aux cadres est logiquement plus élevé que celui versé aux ouvriers et employés, parce qu’il est la contrepartie du travail fourni et que ce travail nécessite des aptitudes ou des responsabilités plus élevées. La prime de treizième mois n’étant qu’un élément de la rémunération annuelle, au même titre que le salaire de base, il est admissible que des cadres en bénéficient quand les non-cadres en sont privés. Les limites de l’exclusion de toute justification sont posées par la Chambre sociale et concernent les primes ou éléments de rémunération qui ont un «objet spécifique étranger au travail accompli» ou qui sont destinés «à compenser une sujétion particulière». Pour ne prendre que deux exemples, une gratification-libéralité pour la première proposition [29] et une indemnité en raison de l’occupation du domicile à des fins professionnelles pour la seconde ne pourraient pas être réservées ou majorées pour les seuls cadres sans que l’employeur ne soit tenu d’apporter une justification objective à cette différence de traitement.
A l’analyse, ce raisonnement nous paraît toutefois poser d’assez graves difficultés. Les notions de prime, de salaire ou plus encore de rémunération restent extrêmement délicates à définir ou délimiter [30]. On pourrait longuement gloser sur les termes de l’article L. 3221-3 du Code du travail (N° Lexbase : L0799H9H) qui définit la rémunération comme «le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier». Extrêmement vaste, cette définition intègre à la rémunération l’ensemble des primes, des «indemnités» ayant une nature salariale, des gratifications, mais également l’ensemble des avantages en nature. Considérer que les salariés sont dans une situation différente, excluant le contrôle de justification de la différence de traitement, dès lors qu’est en cause un élément de rémunération annuelle versée en contrepartie du travail posera des problèmes majeurs de délimitation. Les contentieux récurrents sur l’assiette du SMIC, sur les avantages à intégrer dans le calcul des indemnités de préavis ou de congés payés, sur les rémunérations garanties par l’AGS ou sur l’assiette des cotisations salariales démontrent que cette question n’est en aucun cas aussi simple que la manière dont la Chambre sociale la présente. La première difficulté à laquelle vont donc être confrontés les juges du fond, puis la Chambre sociale de la Cour de cassation elle-même, sera de parvenir à déterminer si cadres et non-cadres sont placés dans une situation identique à l’égard de tel ou tel avantage, dans une situation différente à l’égard de tel ou tel autre.
Plus qu’une question de détermination des éléments de rémunération concernés par la règle nouvelle, c’est son ampleur qui est sans doute la plus contestable. Les éléments de rémunération ayant «un objet spécifique étranger au travail accompli» ou étant «destinés à compenser une sujétion particulière» ne sont pas, loin s’en faut, les plus fréquents. A rebours, cela signifie que la majeure partie des éléments de rémunération, lato sensu, pourraient à l’avenir échapper au contrôle des juridictions du travail en matière d’égalité de traitement, non pas seulement lorsque l’avantage a été négocié par les partenaires sociaux mais aussi, comme cela était le cas en l’espèce, lorsque l’octroi de l’avantage est décidé unilatéralement par l’employeur.
A dire vrai, la remise en cause induite par cette solution est d’une telle ampleur que l’on en vient à se demander si le principe d’égalité de traitement intercatégoriel n’est pas aujourd’hui à ranger dans le domaine, qui ne cesse de s’accroître mois après mois, des principes déchus du droit du travail...
Décision Cass. soc., 26 septembre 2018, n° 17-15.101, FS-P+B (N° Lexbase : A1862X8H) Cassation partielle (CA Riom, 24 janvier 2017) Textes visés : néant. Mots-clés : égalité de traitement ; cadres ; prime de treizième mois. Lien base : (N° Lexbase : E2592ET8). |
[1] Cass. soc., 27 janvier 2015, trois arrêts, n° 13-22.179, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3401NA9) ; n° 13-25.437, FS-P+B (N° Lexbase : A6934NA3) et n° 13-14.773, FS-P+B (N° Lexbase : A7024NAE) et les obs. de Ch. Radé, Egalité de traitement et avantages catégoriels conventionnels : la volte-face de la Cour de cassation, Lexbase, éd. soc., n° 600, 2015 (N° Lexbase : N5806BUL).
[2] Les différences de traitement opérées par voie conventionnelle entre salariés appartenant à des catégories professionnelles différentes (Cass. soc., 27 janvier 2015, préc.) ou appartenant à une même catégorie professionnelle mais exerçant des fonctions différentes (Cass. soc., 8 juin 2016, n° 15-11.324, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0807RSP et les obs. de G. Auzero, La présomption de justification étendue aux catégories "infra catégorielles", Lexbase, éd. soc., 2016, n° 660 N° Lexbase : N3276BWA), sont présumées être justifiées, à moins que soit démontré que les différences «sont étrangères à toute considération de nature professionnelle».
[3] Cass. soc., 4 octobre 2017, n° 16-17.517, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7346WTA) et les obs. de Ch. Radé, Egalité de traitement dans l'entreprise : la nouvelle "doctrine des justifications" logiquement étendue aux accords conclus pour aménager les conséquences sociales d'une fusion-absorption, Lexbase, éd. soc., n° 716, 2017 (N° Lexbase : N0721BXY). La présomption de justification vaut également pour les protocoles de fin de conflit qui ne sont qu’une catégorie particulière d’accord collectif d’entreprise, v. Cass. soc., 30 mai 2018, n° 17-12.883, FP-D (N° Lexbase : A1701XQ3).
[4] Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-18.844, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4697SCX) et les obs. de Ch. Radé, Egalité de traitement et différences résultant de la pluralité des accords d'établissements : la Cour de cassation poursuit son œuvre, Lexbase, éd. soc., n° 675, 2016 (N° Lexbase : N5062BWE).
[5] Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-11.386, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7920RZD) et les obs. de Ch. Radé, Engagement unilatéral de l'employeur et égalité de traitement : le juge veille toujours, Lexbase, éd. soc., n° 670, 2016 (N° Lexbase : N4436BW9).
[6] Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-42.675, FS-P+B (N° Lexbase : A5734EI9) et les obs. de Ch. Radé, Le cadre, les congés payés et le principe d'égalité de traitement, Lexbase, éd. soc., n° 359, 2009 (N° Lexbase : N0001BLM).
[7] Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 06-45.579 (N° Lexbase : A4539EAD) et les obs. de Ch. Radé, Principe "à travail égal, salaire égal", égalité de traitement, non-discrimination et harcèlement : la Cour de cassation reprend la main, Lexbase, éd. soc., n° 321, 2008 (N° Lexbase : N3848BHY).
[8] Cass. soc., 10 juin 2008, n° 06-46.000, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0540D9U), Dr. soc., 2008, p. 981, chron. Ch. Radé ; SSL, n° 1359, p. 10, entretien avec P. Bailly.
[9] Cass. soc., 27 mai 2009, n° 08-41.391, F-D (N° Lexbase : A3968EHG), et les obs. de Ch. Radé, Egalité de traitement entre salariés : la difficile justification par l'appartenance à des établissements distincts, Lexbase, éd. soc., n° 354, 2009 (N° Lexbase : N6427BKA).
[10] Ibid.
[11] Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-42.675, FS-P+B (N° Lexbase : A5734EI9), Dr. soc., 2009, p. 1002, obs. Ch. Radé ; JCP éd. S, 2009, p. 1451, note E. Jeansen ; Dr. soc., 2009, p. 1169, chron. P.-A. Antonmattéi.
[12] Cass. soc., 8 juin 2010, n° 09-40.614, F-D (N° Lexbase : A0178EZM).
[13] Cass. soc., 1er février 2011, n° 10-11.717, F-D (N° Lexbase : A3675GRK).
[14] Cass. soc., 23 mars 2011, n° 09-42.666, FS-P+B (N° Lexbase : A7611HIQ).
[15] Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22.509, FS-P+B (N° Lexbase : A7186NAE).
[16] Les juges du fond doivent «caractériser que la salariée se trouvait dans une situation identique à celles des salariées auxquelles elle se comparait», Cass. soc., 11 juillet 2018, n° 17-14.132, F-D (N° Lexbase : A9456XXI). Avant l’émergence du principe d’égalité, on parlait de «travail égal», ce qui ne revêtait pas exactement la même signification.
[17] Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-42.675, préc..
[18] Par ex., s’agissant de l’expérience professionnelle acquise auprès d’un précédent employeur, v. Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 04-47.156, F-P (N° Lexbase : A3328DS3).
[19] Question principalement illustrée par la saga du complément Poste, v. en dernier lieu Cass. soc., 4 avril 2018, trois arrêts, n° 16-27.703 (N° Lexbase : A9045XIT), n° 17-11.680 (N° Lexbase : A9046XIU) et n° 17-11.814 (N° Lexbase : A9047XIW), FP-P+B+R+I et les obs. de Ch. Radé, Saga du complément "Poste", épisode VIII : que la maîtrise de ton Poste soit avec toi !, Lexbase, éd. soc., n° 739, 2018 (N° Lexbase : N3711BXQ).
[20] V. G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, «Droit du travail», D., 32ème éd., p. 900, note 6 et p. 902, note 4.
[21] Les juges du fond doivent rechercher «si l'employeur faisait état de motifs objectifs et pertinents pour justifier d'une inégalité de traitement», Cass. soc., 6 octobre 2017, n° 16-15.320, F-D (N° Lexbase : A1903WUZ).
[22] Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 12-20.069, FS-P+B (N° Lexbase : A2975M3L) et les obs. de Ch. Radé, De la justification des différences dans les salaires d'embauche : le juge peut-il raisonnablement se mettre à la place de l'employeur ?, Lexbase, éd. soc., n° 592, 2014 (N° Lexbase : N4757BUQ).
[23] Mais l’ancienneté ne peut, à elle seule, justifier une différence de rémunération, v. Cass. soc., 21 janvier 2009, n° 07-40.609, F-D (N° Lexbase : A6445ECP) et les obs. de Ch. Radé, La justification des inégalités salariales à l'épreuve de l'ancienneté et de l'appartenance à des établissements distincts, Lexbase, éd. soc., n° 336, 2009 (N° Lexbase : N4803BIQ).
[24] Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-19.438, FS-D (N° Lexbase : A8061IAS).
[25] Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 07-45.528, FS-P+B, sur le troisième moyen (N° Lexbase : A1630ENP).
[26] Cass. soc., 20 février 2008, n° 05-45.601, FP-P+B (N° Lexbase : A0480D7W) dans le cadre d’un engagement unilatéral de l’employeur et Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-42.675, FS-P+B (N° Lexbase : A5734EI9) en application d’un accord collectif, cette seconde position ayant toutefois été remise en cause par les arrêts du 27 janvier 2015 précités.
[27] Cass. soc., 23 mars 2013, n° 11-20.490, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5092I9H) et les obs. de M. Del Sol, Le principe d'égalité de traitement bouté hors du champ de la prévoyance, Lexbase, éd. soc., n° 521, 2013 (N° Lexbase : N6338BTW).
[28] V. toutefois, à propos du bénéfice d’un préavis plus long pour les cadres, Cass. soc., 12 octobre 2011, n° 10-15.101, F-D (N° Lexbase : A7648HYW) et les obs. de Ch. Radé, L'égalité de traitement, les cadres et le préavis de licenciement, Lexbase, éd. soc., n° 459, 2011 (N° Lexbase : N8355BSA).
[29] La Chambre sociale n’est pas toujours aussi réticente à intégrer des gratifications au salaire, v. Cass. soc., 1er avril 2015, n° 13-26.706, F-D (N° Lexbase : A0985NGL).
[30] G. Couturier, De quoi le salaire est-il la contrepartie ?, Dr. soc., 2011, p. 10.
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Réf. : Ass. Plén., 5 octobre 2018, 2 arrêts, n° 10-19.053 (N° Lexbase : A8390X8A) et n° 12-30.138 (N° Lexbase : A8073YAA), P+B+R+I
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N5838BXI
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 11 Octobre 2018
► L’existence d’une convention de GPA ne fait pas en soi obstacle à la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger, dès lors qu’il n’est ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité biologique ;
► quant à la transcription d’un acte de naissance en ce qu’il désigne la “mère d’intention”, indépendamment de toute réalité biologique, la Cour de cassation adresse à la CEDH une demande d’avis consultatif.
C’est ainsi que s’est prononcée l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, à travers ses deux décisions rendues 5 octobre 2018 (Ass. Plén., 5 octobre 2018, 2 arrêts, n° 10-19.053 N° Lexbase : A8390X8A et n° 12-30.138 N° Lexbase : A8073YAA, P+B+R+I).
Pour rappel, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation était ici saisie, par la Cour de réexamen des décisions civiles, de deux demandes de réexamen de pourvois en cassation posant la question de la transcription d’actes de naissance établis à l’étranger pour des enfants nés de mères porteuses à la suite de la conclusion avérée ou suspectée d’une convention de GPA (Cass. réexamen, 16 février 2018, deux arrêts, n° 17 RDH 001 N° Lexbase : A7746XDA et n° 17 RDH 002 N° Lexbase : A7747XDB ; lire le commentaire d’Adeline Gouttenoire, Les premières décisions de réexamen en matière civile rendues en matière de GPA, Lexbase, éd. priv., n° 734, 2018 N° Lexbase : N3123BXX).
A l’origine, ces pourvois avaient donné lieu à deux arrêts de la Cour de cassation refusant la transcription des actes de naissance établis à l’étranger au motif que toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle en vertu de l’article 16-7 du Code civil (N° Lexbase : L1695ABE) et que l’acte étranger est en contrariété avec la conception française de l’ordre public international (Cass. civ. 1, 6 avril 2011, n° 10-19.053, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5707HMC et Cass. civ. 1, 13 septembre 2013, n° 12-30.138, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A1633KL3).
Dans ces deux affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme a alors condamné la France pour violation de l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) (CEDH, 5ème sect., 26 juin 2014, Req. 65192/11 N° Lexbase : A8551MR7 ; et CEDH, 21 juillet 2016, Req. 9063/14 N° Lexbase : A6741RXX ; à propos desquelles, lire notamment les observations d'Adeline Gouttenoire, Lexbase, éd. priv., n° 708, 2017 N° Lexbase : N9619BW8). Elle a considéré que le refus de transcription de l’acte de naissance de ces enfants nés d’un processus de GPA affectait significativement le droit au respect de leur vie privée et posait une question grave de compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour a estimé que cette analyse prenait un relief particulier lorsque l’un des parents d’intention était également le géniteur de l’enfant. Elle en a déduit qu’en faisant obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement en droit interne de leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique, l’Etat était allé au-delà de ce que lui permettait sa marge d’appréciation.
1. L’existence d’une convention de GPA ne fait pas nécessairement obstacle à la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger dès lors qu’il n’est ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité biologique.
Comme elle l’indique dans sa note explicative, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation confirme donc l’évolution de sa jurisprudence, tirant les conséquences de la position de la Cour européenne, marquée par les arrêts rendus en Assemblée plénière le 3 juillet 2015 (n° 14-21.323 N° Lexbase : A4482NMX et 15-50.002 N° Lexbase : A4483NMY ; lire également, Adeline Gouttenoire, Lexbase, éd. priv., n° 620, 2015 N° Lexbase : N8350BUS).
2. Interrogée, au surplus, sur la nécessité, au regard de l’article 8 de la Convention d’une transcription des actes de naissance en ce qu’ils désignent la “mère d’intention”, indépendamment de toute réalité biologique, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a estimé que l’étendue de la marge d’appréciation dont disposent les Etats parties à cet égard demeure incertaine au regard de la jurisprudence de la Cour européenne. Elle a décidé de surseoir à statuer sur les mérites du pourvoi et d’adresser, au terme d’une motivation développée, à la Cour européenne des droits de l’Homme, une demande d’avis consultatif.
Comme l’indique, là encore, la Cour de cassation dans sa note explicative, il s’agit de la première application, par la Haute juridiction, du Protocole n° 16 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 45114493, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "LOI n\u00b0 2018-237 du 3 avril 2018 autorisant la ratification du protocole n\u00b0 16 \u00e0 la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libert\u00e9s fondamentales (1)", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L9342LIT"}}), entré en vigueur le 1er août 2018. La Cour suprême s’inscrit ainsi pleinement dans la démarche de dialogue des juges institutionnalisés entre la Cour européenne des droits de l’Homme et les juridictions nationales, objectif premier de ce Protocole (cf. l’Ouvrage "La filiation" [lXB=E4415EY8]).
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Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 1 octobre 2018, n° 408594, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2241X8I)
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par Marie-Claire Sgarra
Le 10 Octobre 2018
►Il ressort des dispositions des articles 39 (N° Lexbase : L3894IAH), 38 ter (N° Lexbase : L6522HL7) et 38 nonies (N° Lexbase : L2633HNT) de l’annexe III au Code général des impôts que, si les éléments d’un stock peuvent être évalués d’après le cours du jour et leur éventuelle dépréciation être constatée par une provision égale à la différence entre le prix de revient et le cours du jour, les productions en cours doivent être évalués à leur seul prix de revient et ne peuvent éventuellement donner lieu qu’à une provision pour perte.
Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 1er octobre 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 1er octobre 2018, n° 408594, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2241X8I).
En l’espèce, une SNC, ayant pour objet social la promotion immobilière a acquis, dès l’année de sa création un terrain et des immeubles pour réaliser un projet immobilier. Devant le retard pris pour la réalisation de projet, la SNC a estimé que le terrain et les immeubles qu’elle avait acquis avaient subi une dépréciation importante et a déduit une provision pour dépréciation des stocks correspondant au montant cumulé des frais financiers engagés depuis sa création.
Le Conseil d’Etat confirme la décision de la cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 30 décembre 2016, n° 15PA04121 N° Lexbase : A2294S74), qui a jugé que les biens litigieux constituaient des productions en cours, alors même que les immeubles étaient encore occupés par leurs locataires et que la société n’avait pas encore obtenu les autorisations demandées (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X7757ALU).
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Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 5 juillet 2018, n° 401627 (N° Lexbase : A1717XWI)
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N5836BXG
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par Vincent Daumas, Rapporteur public au Conseil d’Etat
Le 10 Octobre 2018
Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat vient de rappeler les conditions d’appréciation de la condition de «vie sous le même toit» exigée par le Code des impôts pour déclarer une personne invalide à sa charge et la rattacher à son foyer fiscal. Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Vincent Daumas.
Aux termes de l’article 196 A bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L5025LAD), dans sa rédaction applicable aux années d’imposition en litige dans la présente affaire «Tout contribuable peut considérer comme étant à sa charge, au sens de l'article 196, à la condition qu'elles vivent sous son toit, les personnes titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L5012LAU)». Cette carte d’invalidité était délivrée aux personnes affectées d’un taux d'incapacité permanente supérieur ou égal à 80 % ainsi qu’aux personnes invalides de 3e catégorie[1] au sens du code de la sécurité sociale. Le texte de l’article 196 A bis du Code général des impôts a été légèrement retouché, dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2017, et fait désormais référence, non plus à la carte d’invalidité mais à la carte «mobilité inclusion» portant la mention «invalidité», désormais prévue par les mêmes dispositions de l’article L. 241-3 du Code de l’action sociale et des familles. Cette modification n’est pas substantielle : la carte en question, quelle que soit sa dénomination, est toujours réservée aux personnes les plus lourdement atteintes d’une invalidité. Une fois reconnue à la charge du contribuable, la personne invalide est assimilée, pour l’établissement de l’impôt sur le revenu de celui-ci, à un enfant à charge[2]. Ce qui signifie que ses revenus sont rattachés, lorsqu’il en existe, au foyer fiscal du contribuable et que ce dernier bénéficie d’une majoration de quotient familial.
Le pourvoi présenté par Monsieur C. est introduit à l’occasion d’une affaire qui n’est peut-être pas la meilleure qui soit pour enrichir la maigre jurisprudence relative aux conditions d’application de l’article 196 A bis du Code général des impôts. Mais cette affaire et ce pourvoi ont le mérite d’exister et devraient vous permettre d’éclairer une, voire deux questions intéressantes à cet égard. Monsieur C. avait rattaché à son foyer fiscal, au titre des années 2008 à 2010, sa tante, Madame A., titulaire d’une carte d’invalidité au taux de 100 %, qui est décédée en 2011. L’administration fiscale, à la suite d’un contrôle sur pièces, a toutefois remis en cause ce rattachement, en refusant à Monsieur C. le bénéfice des dispositions de l’article 196 A bis du Code général des impôts. Le nouveau calcul de l’impôt sur le revenu, impliquant notamment une diminution du quotient familial retenu dans les déclarations de Monsieur C. et le refus d’une réduction d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile, dont l’administration a considéré que seule Madame A. pouvait bénéficier, a conduit à la mise en recouvrement de suppléments d’impôts - un peu plus de 6 000 euros en droits. Ils ont été contestés, successivement, devant le tribunal administratif de Rennes puis la cour administrative d’appel de Nantes, sans succès.
Pour confirmer la remise en cause, par l’administration, du rattachement de sa tante au foyer fiscal du contribuable, la cour administrative d’appel de Nantes a commencé par citer, au point 2 de son arrêt, les dispositions de l’article 196 A bis du Code général des impôts, dont elle a donné une interprétation inédite dans votre jurisprudence en jugeant que «l'avantage tenant, pour les contribuables prenant en charge une personne invalide, au bénéfice d'une [majoration] de quotient familial, est subordonné à une condition de vie commune entre le contribuable et la personne invalide». Puis, au point 3 de son arrêt, qui ne contient que des considérations propres à l’espèce, la cour ne mentionne plus la condition de vie commune énoncée au point précédent : elle se penche, d’une part, sur le point de savoir si Monsieur C. et Madame A. occupaient deux logements distincts ou, au contraire, un seul et même logement, de l’autre, sur le point de savoir si Monsieur C. pouvait être regardé comme assumant, à titre exclusif ou principal, la charge de l’entretien de sa tante. La cour juge en substance, sur le premier point, qu’ils occupaient deux appartements distincts et autonomes bien que constituant, pris ensemble, un même immeuble leur appartenant et, sur le second point, qu’en raison des revenus propres de Madame A. et de l’emploi d’une aide familiale, Monsieur C. n’assumait pas sa charge à titre principal ou exclusif.
Il n’est pas facile de suivre le raisonnement tenu par la cour administrative d’appel. Il est permis de penser qu’elle a décomposé la condition de «vie commune» dégagée au point 2 de son arrêt en deux sous-conditions cumulatives tenant, d’une part, au partage au moins partiel d’un même logement, d’autre part, en la prise en charge par le contribuable, à titre principal ou exclusif, de l’entretien de la personne invalide. On s’attendrait à ce que le pourvoi soulève une critique d’erreur de droit à l’encontre d’un tel raisonnement. Mais il ne le fait pas : le pourvoi ne s’intéresse, dans les motifs de l’arrêt dont nous avons résumé la teneur, qu’à ceux par lesquels la cour a jugé que Monsieur C. et Madame A. occupaient deux appartements distincts et autonomes. Selon le pourvoi, ces motifs seraient entachés de dénaturations et d’une erreur de qualification juridique des faits, étant précisé que ce sont deux moyens de dénaturation qui sont soulevés : l’un est très ciblé et porte sur la seule question de la présence, au sein de la partie de l’immeuble dont Madame A. était propriétaire, d’une cuisine ; l’autre est plus large et, présenté comme une alternative au moyen d’erreur de qualification juridique des faits, il reproche à la cour d’avoir jugé, au vu de l’ensemble des faits de l’espèce, que Madame A. ne pouvait être considérée comme vivant sous le toit de Monsieur C..
1. Nous croyons nécessaire de revenir, même si l’arrêt attaqué n’est pas critiqué à cet égard, sur la recherche à laquelle s’est livrée la cour du point de savoir si Monsieur C. assumait à titre principal ou exclusif la charge de Madame A..
Cette recherche nous paraît révéler une erreur de droit, dès lors que la seule condition posée par l’article 196 A bis du Code général des impôts pour qu’une personne titulaire de la carte d’invalidité puisse être rattachée au foyer fiscal d’un contribuable tient à ce qu’elle vive sous le toit du contribuable. La cour administrative d’appel a peut-être été influencée par les dispositions voisines de l’article 196 du Code général des impôts (N° Lexbase : L3309HL7), selon lesquelles : «Sont considérés comme étant à la charge du contribuable, que celle-ci soit exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, à la condition de n'avoir pas de revenus distincts de ceux qui servent de base à l'imposition de ce dernier : / 1° Ses enfants âgés de moins de 18 ans ou infirmes ; / 2° Sous les mêmes conditions, les enfants qu'il a recueillis à son propre foyer». Toutefois, à la différence de ces dispositions, celles de l’article 196 A bis ne contiennent aucune référence explicite à une condition tenant à ce que le contribuable supporte effectivement, en tout ou partie, la charge de la personne invalide avec laquelle il partage son toit. Et il nous paraît difficile de voir, dans la mention qu’elles font de l’article 196, un énoncé implicite d’une telle condition : cette mention a pour objet d’assimiler les personnes titulaires de la carte d’invalidité vivant sous le même toit que le contribuable à des enfants à charge, et non de renvoyer aux conditions figurant à l’article 196. Ajoutons que cette interprétation est confortée par les travaux préparatoires de la loi de finances pour 1982[3], dont les dispositions de l’article 196 A bis sont issues[4].
Vous pourriez vous saisir de la présente affaire pour trancher cette question d’interprétation des dispositions de l’article 196 A bis du Code général des impôts - au prix d’un léger obiter dictum, certes. Que vous y consentiez ou non, nous vous invitons à limiter votre lecture de l’arrêt attaqué, comme le fait le pourvoi, aux seuls motifs qui nous paraissent opérants, c’est-à-dire ceux par lesquels la cour a jugé que Monsieur C. et Madame A. occupaient deux logements autonomes et distincts - et donc, faut-il comprendre, que la seconde ne pouvait être regardée comme vivant sous le toit du premier.
2. Vous devrez, en tout cas, répondre à une autre question : celle de votre degré de contrôle, en tant que juge de cassation, sur le point de savoir si, pour l’application de l’article 196 A bis, la personne invalide vit sous le toit du contribuable.
Nous inclinons, pour notre part, à laisser cela à l’appréciation souveraine des juges du fond. Il est vrai que, par des décisions qui ont eu les honneurs du recueil -encore que sur d’autres points-, vous avez affiché un contrôle de qualification juridique des faits sur la notion d’«enfant recueilli» au foyer d’un contribuable, au sens de l’article 196 du Code général des impôts[5]. Mais justement, nous l’avons dit, les dispositions de cet article posent des conditions supplémentaires, dont l’une tient à ce que le contribuable assume la charge de l’enfant recueilli, ce qui confère davantage de complexité au maniement de la notion[6]. Au contraire, pour l’application de l’article 196 A bis, seule se pose la question de savoir si la personne titulaire de la carte d’invalidité vit sous le toit du contribuable - question essentiellement factuelle comme le faisait déjà observer en 2002 Christine Maugüé dans ses conclusions sur l’une de vos décisions, qui n’a pas tranché la question[7]. Et nous observons d’ailleurs que, pour l’application de l’article 6 paragraphe 4 du Code général des impôts (N° Lexbase : L1177ITR) qui fixe les conditions dans lesquelles des époux doivent faire l’objet d’impositions distinctes à l’impôt sur le revenu, vous laissez à l’appréciation souveraine des juges du fond la question de savoir s’ils vivent sous le même toit (voyez notamment CE 10° et 9° ch.-r., 21 octobre 2011, n° 333898, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8335HYD, RJF, 1/2012, n° 2 ; CE 10° et 9° ch.-r., 16 octobre 2013, n° 345478, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1089KNN, point 6, RJF, 1/2014, n° 62).
3. Cette question relative à votre contrôle en cassation tranchée, nous vous invitons dans la présente affaire, sans trop faire de théorie au regard de la particularité du cas d’espèce, à accueillir le second moyen de dénaturation soulevé par le pourvoi.
Vous avez précisé, dans une décision rendue en formation de plénière fiscale dont ce n’était pas le principal intérêt, le régime de preuve qui s’applique lorsque l'administration entend remettre en cause la déclaration d’un contribuable faisant état d’une personne invalide à sa charge : vous avez jugé qu’il appartient à l'administration de produire tous éléments pertinents pour justifier une telle remise en cause et au contribuable d'apporter en réponse tous éléments de nature à justifier ses prétentions, le juge appréciant la valeur des uns et des autres (CE Plénière, 9 mars 2016, n° 364586, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5407QYW, RJF, 5/2016, n° 460). En bref, vous avez dégagé un régime de preuve objective.
Il nous paraît difficile de théoriser, au-delà de cette mécanique de preuve, la manière d’appréhender la condition tenant à ce que la personne invalide vive « sous le toit » du contribuable. Comme Edouard Crépey dans ses conclusions sur l’affaire de plénière précitée, nous croyons qu’il faut en avoir une conception concrète et matérielle. Comme lui, nous paraît devoir être approuvé, parmi les solutions adoptées par les cours administratives d’appel, un arrêt de celle de Bordeaux jugeant qu’une personne âgée invalide devait être regardée comme vivant sous le toit de son fils, dont elle était totalement dépendante, alors même que les pièces qui lui étaient affectées dans la maison qu’ils possédaient en commun étaient distinctes et imposées séparément à la taxe d’habitation (CAA Bordeaux, 27 juin 1995, n° 94BX00634 N° Lexbase : A6826BEK, RJF, 10/1995, n° 1079).
Ce précédent fournit un point de repère intéressant pour la résolution du cas d’espèce, en dépit de la relative originalité de ce dernier, qui tient à ce que Monsieur C., d’une part, Madame A., d’autre part, étaient propriétaires respectivement, et occupaient principalement, des lots de propriété distincts au sein d’une même maison de famille. Il en résultait des impositions distinctes à la taxe foncière sur les propriétés bâties, circonstance mise en avant par l’administration pour contester les déclarations de Monsieur C., et sur laquelle le ministre continue d’insister en défense au pourvoi. Toutefois, il s’agissait-là d’un élément juridique, non concret et matériel, qui était pour cette raison à nos yeux inopérant et que la cour administrative d’appel n’a d’ailleurs pas relevé dans les motifs de son arrêt. En face de cet élément, Monsieur C. faisait valoir quant à lui un ensemble d’éléments très concrets, et non contestés par l’administration : les lots dont il était propriétaire et ceux de sa tante étaient imbriqués au sein de la maison de famille, et se répartissaient sur chaque niveau, du sous-sol au second étage ; ils étaient desservis par un escalier qui les mettaient en relation, sans séparation privative, ainsi que par un ascenseur installé pour permettre à Madame A., malgré son handicap, de parcourir les différents niveaux de la maison, et notamment d’accéder à une cuisine commune installée en sous-sol, qui relevait du lot dont Monsieur C. était propriétaire ; enfin, si Madame A. bénéficiait de services de soins infirmiers à domicile et de l’intervention d’une aide familiale, c’est Monsieur C. qui assurait les repas de sa tante.
Une fois mis en balance ces différents éléments, nous n’avons guère de doute que Madame A. ne pouvait qu’être regardée comme vivant sous le toit de Monsieur C. - ou, pour être plus précis, elle vivait à la fois sous son propre toit et sous celui de son neveu. Les quelques éléments relevés par la cour dans les motifs de son arrêt pour juger l’inverse - à savoir la circonstance que les lots dont l’un et l’autre étaient respectivement propriétaires au sein de la maison familiale pouvaient être habités de manière autonome et l’existence d’un compteur électrique propre à Madame A. - nous paraissent très insuffisants pour étayer son appréciation, pour ne pas dire inopérants. Dans ces conditions, nous vous invitons à accueillir le moyen du pourvoi tiré de ce que la cour administrative d’appel a dénaturé les faits en jugeant que la condition énoncée à l’article 196 A bis du Code général des impôts, tenant à ce que la personne invalide vive sous le toit du contribuable, n’était pas remplie en l’espèce.
Par ces motifs nous concluons dans le sens qui suit :
1. Annulation de l’arrêt attaqué ;
2. Renvoi de l’affaire à la cour administrative d’appel ;
3. Mise à la charge de l’Etat d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4).
[1] Catégorie définie au 3° de l’article L. 341-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5080ADI) («invalides qui, étant absolument incapables d'exercer une profession, sont, en outre, dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie»).
[2] Voir le dernier alinéa du I de l’article 194 du Code général des impôts (N° Lexbase : L3343LCS).
[3] Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982 (N° Lexbase : L5269I7B).
[4] Il ressort seulement des débats parlementaires que le législateur a entendu encourager l’accueil à domicile des personnes invalides, en donnant une définition stricte et objective de ces personnes, et sans plus subordonner le bénéfice de l’avantage fiscal à aucune condition de lien familial.
[5] CE Contentieux, 27 novembre 2000, n° 190424, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9563AHN), RJF, 2/2001, n° 137 ; CE Contentieux, 26 novembre 1999, n° 181648, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5053AXG), RJF, 1/2000, n° 7, avec chronique E. Mignon p. 3.
[6] Pour un exemple des questions susceptibles de se poser à ce propos, voir CE 8° et 3° ch.-r., 15 décembre 2010, n° 334961, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6755GNI), RJF, 3/2011, n° 272.
[7] CE 10° et 9° ch.-r., 21 juin 2002, n° 215824, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9682AYA), RJF, 10/2002, n° 1053.
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Réf. : CJUE, 4 octobre 2018, aff. C-416/17 (N° Lexbase : A5566YEU)
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N5855BX7
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par Marie-Claire Sgarra
Le 10 Octobre 2018
►En refusant de prendre en compte, pour le calcul du remboursement du précompte mobilier acquitté par une société résidente au titre de la distribution de dividendes versés par une société non-résidente par l’intermédiaire d’une filiale non-résidente, l’imposition subie par cette seconde société sur les bénéfices sous-jacents à ces dividendes, alors même que le mécanisme national de prévention de la double imposition économique permet, dans le cas d’une chaîne de participation purement interne, de neutraliser l’imposition qu’ont subie les dividendes distribués par une société à chaque échelon de cette chaîne de participation, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 49 (N° Lexbase : L2697IPL) et 63 (N° Lexbase : L2713IP8) TFUE ; le Conseil d’Etat français aurait dû ainsi saisir la Cour d’une question préjudicielle en interprétation du droit de l’Union, afin de déterminer s’il y avait lieu de refuser de prendre en compte l’imposition subie par une filiale non-résidente sur les bénéfices sous-jacents à des dividendes redistribués par une société non-résidente.
Telle est la solution dégagée par la CJUE dans un arrêt du 4 octobre 2018 (CJUE, 4 octobre 2018, aff. C-416/17 N° Lexbase : A5566YEU).
Pour rappel, cette affaire s’est résolue en deux temps. Par un arrêt du 15 septembre 2011 (CJUE, 15 septembre 2011, aff. C-310/09 N° Lexbase : A7302HXQ), la CJUE avait jugé que la différence de traitement entre les dividendes distribués par une filiale résidente et ceux distribués par une filiale non-résidente était contraire au droit de l’Union et que le mécanisme français de prévention de la double imposition n’était pas compatible avec les dispositions du traité.
Par la suite, par deux arrêts du 10 décembre 2012 (CE 8° et 3° ch.-r., 10 décembre 2012, n° 317074, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6676IYW et CE 8° et 3° ch.-r., 10 décembre 2012, n° 317075, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6677IYX), le Conseil d’Etat avait tiré les conséquences de l'obligation de restituer le précompte mobilier versé par une société mère recevant des dividendes de la part de filiales établies dans d'autres Etats membres mais n’avait pas totalement mis fin à la discrimination mise en lumière par la CJUE.
Le 8 décembre 2016, la Commission européenne avait saisi la Cour de justice d’un recours contre la France pour discrimination sur l’imposition des dividendes. La Commission estimait en effet que la France n’avait pas respecté l’arrêt de la CJUE du 15 septembre 2011 précité sur trois points spécifiques :
- elle ne tient pas compte de l'imposition déjà acquittée par les sous-filiales non françaises ;
- elle limite le système de crédit d'impôt à un tiers du dividende redistribué par une filiale non française. Cette limitation constitue une différence de traitement entre sociétés percevant des dividendes en provenance d'autres Etats membres et celles percevant des dividendes d'origine française. Pour la Commission, cela est contraire au droit d'établissement et à la libre circulation du capital ;
- elle maintient, pour limiter le droit au remboursement des sociétés concernées, des exigences quant à la preuve à apporter, ne respectant pas les critères dégagés par la Cour de justice dans l'arrêt précité.
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Réf. : CJUE, 2 octobre 2018, aff. C‑73/17 (N° Lexbase : A2112X8Q)
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N5821BXU
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par Yann Le Foll
Le 10 Octobre 2018
► Le Parlement européen peut exercer une partie de ses pouvoirs budgétaires à Bruxelles, au lieu de Strasbourg, si des impératifs liés au bon fonctionnement de la procédure budgétaire l’exigent. Ainsi statue la CJUE dans un arrêt rendu le 2 octobre 2018 (CJUE, 2 octobre 2018, aff. C‑73/17 N° Lexbase : A2112X8Q).
La France, soutenue par le Luxembourg, demandait à la Cour de justice d’annuler plusieurs actes du Parlement européen relatifs à l’adoption du budget général de l’Union pour l’exercice 2017. Selon la France, les débats en deuxième lecture sur le projet commun de budget annuel, le vote du Parlement sur ce projet et l’acte du président du Parlement constatant l’adoption du budget annuel pour 2017 auraient dû intervenir lors d’une session plénière ordinaire du Parlement à Strasbourg, et non lors de la période de session plénière additionnelle qui s’est tenue à Bruxelles les 30 novembre et 1er décembre 2016.
La CJUE indique qu’il n’est pas établi que le Parlement aurait commis une erreur d’appréciation dans la fixation de son calendrier des sessions plénières ordinaires pour l’année 2016.
Elle estime ensuite que, dans les circonstances de l’espèce, le Parlement n’a pas commis non plus d’erreur d’appréciation en inscrivant le débat et le vote sur le projet commun de budget annuel pour l’exercice 2017 à l’ordre du jour de la période de session plénière additionnelle, les 30 novembre et 1er décembre à Bruxelles, et en approuvant ce projet par résolution législative lors de cette même période de session plénière.
Enfin, s’agissant de l’acte constatant l’adoption définitive du budget annuel, la Cour estime que, lorsque le Parlement est en droit de débattre et de voter sur le projet commun de budget annuel au cours d’une période de session plénière additionnelle à Bruxelles, le président de cette institution procède à ce constat au cours de la même période de session plénière.
Le président du Parlement n’a donc pas, selon la Cour, commis d’erreur d’appréciation en constatant, au cours de la même séance plénière additionnelle à Bruxelles, que le budget annuel de l’Union pour l’exercice 2017 était définitivement adopté.
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Réf. : Cons. const., 5 octobre 2018, décision n° 2018-736 QPC (N° Lexbase : A8387X87)
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N5835BXE
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par Marie-Claire Sgarra
Le 10 Octobre 2018
►Les dispositions du paragraphe III de l’article L. 651-5-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6965IUI) sont conformes à la Constitution.
Telle est la solution dégagée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 5 octobre 2018 (Cons. const., 5 octobre 2018, décision n° 2018-736 QPC N° Lexbase : A8387X87).
Pour rappel, ces dispositions prévoient pour les entreprises une majoration de C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés), en cas de défaut de réponse à la demande de renseignements ou de documents de l’organisme chargé du recouvrement de la contribution ou à la mise en demeure leur demandant de compléter leur réponse, ou dont la réponse, à la suite de l’envoi de mise en demeure, est insuffisante. Par décision du 5 juillet 2018 (Cass. civ. 2, 5 juillet 2018, n° 17-31.741, F-D N° Lexbase : A5516XXL), la Cour de cassation a renvoyé devant le Conseil constitutionnel une QPC sur la conformité à la Constitution des dispositions précitées.
Le Conseil juge, dans un premier temps, que les obligations dont la méconnaissance est ainsi sanctionnée ont trait à la délivrance de renseignements et documents nécessaires à l’établissement de la contribution. Par suite, le législateur a entendu renforcer la procédure de contrôle sur pièces de cette contribution. En second lieu, en punissant d'une majoration de la contribution due au titre de l'année le manquement à des obligations destinées à assurer l'établissement de cette contribution, le législateur a instauré une sanction dont la nature est liée à celle de l'infraction et a donc retenu une sanction qui n’est pas manifestement hors de proportion avec la gravité de l’infraction.
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Réf. : Cass. soc., 3 octobre 2018, n° 17-21.836, F-P+B (N° Lexbase : A5499YEE)
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N5892BXI
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par Blanche Chaumet
Le 12 Octobre 2018
►Si des modifications négociées entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales intéressées peuvent être apportées à un protocole préélectoral, ces modifications ne peuvent résulter que d'un avenant soumis aux mêmes conditions de validité que le protocole lui-même.
Telle est la règle dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 octobre 2018 (Cass. soc., 3 octobre 2018, n° 17-21.836, F-P+B N° Lexbase : A5499YEE).
En l’espèce, par accord collectif du 24 juin 2010, une unité économique et sociale a été créée entre quinze sociétés d’un groupe, prévoyant la création de deux comités centraux d’entreprise. Le 21 avril 2011, un protocole d’accord préélectoral a été signé entre les représentants de l’UES et les organisations syndicales centrales pour la mise en place du comité central d’entreprise de
la branche dermo-cosmétique (le CCE). Ce protocole prévoyait notamment que dans le cas où un membre titulaire du CCE cesserait son mandat en cours d’exercice, il serait remplacé par un suppléant. M. X, membre du CCE en qualité de représentant du comité d’établissement de Muret ayant démissionné en février 2015, il a été procédé à l’élection de son remplaçant par le comité d’établissement de Muret en mars 2015. Les représentants de la direction centrale de l’UES ont contesté cette élection en juillet 2015.
Pour débouter les représentants de l’UES de leur demande, la cour d’appel retient :
- d’une part, que le choix du chef d’entreprise de procéder au remplacement d’un titulaire au comité central d’entreprise par voie d’élection, en l’absence d’opposition des représentants élus ou des organisations syndicales, ne peut être en soi sanctionné alors qu’il est plus favorable à l’expression de la démocratie dans l’entreprise ;
- d’autre part, que dès lors qu’ils avaient reçu sans réagir les procès-verbaux de réunion du comité d’établissement du Muret en mars 2015, les membres de la direction centrale, qui n’ont réagi qu’en juillet 2015, lors de la préparation de la réunion du CCE, ont de fait renoncé à agir ;
- enfin, que la désignation du remplaçant n’a été effective que pour la durée du mandat en cours qui s’est achevé en octobre 2016.
A la suite de cette décision, les représentants de l’UES se sont pourvus en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article L. 2324-4-1 du Code du travail, dans sa rédaction alors applicable (N° Lexbase : L3764IBZ). Elle précise qu’en statuant ainsi alors, d’une part que l’intérêt à agir doit être apprécié lors de l’engagement de l’action, et d’autre part qu’il n’était ni invoqué ni justifié d’un accord entre les représentants de l’UES et les organisations syndicales centrales intéressées, aux conditions de double majorité exigées par l’article L. 2324-4-1 du Code du travail, pour modifier les conditions de remplacement d’un membre titulaire du CCE par son suppléant, la cour d’appel a violé le texte susvisé (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E2085GAH).
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Réf. : Cass. soc., 3 octobre 2018, n° 17-14.570, F-P+B (N° Lexbase : A5543YEZ)
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N5888BXD
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par Blanche Chaumet
Le 12 Octobre 2018
►N’est pas admis le panachage des listes lorsqu'à défaut d'accord unanime entre les membres du collège mentionné à l'article L. 4613-1 du Code du travail alors applicable (N° Lexbase : L7464K9C), la délégation du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est élue au scrutin de liste avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne et à un seul tour.
Telle est la règle dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 octobre 2018 Cass. soc., 3 octobre 2018, n° 17-14.570, F-P+B (N° Lexbase : A5543YEZ).
En l’espèce, le 26 octobre 2016, la direction d’une société a convoqué les membres du comité d'établissement et les délégués du personnel à une réunion préparatoire à l'élection des membres du CHSCT, qui s'est tenue le 2 novembre 2016, l'élection étant prévue pour le 8 novembre suivant. Le 23 novembre 2016, le syndicat CGT du Bas-Rhin, le syndicat CFDT des services et commerces du Bas-Rhin (le syndicat), et quatre personnes ont saisi le tribunal d'instance pour faire annuler ces élections.
Pour débouter le syndicat et les quatre personnes intéressées le tribunal d’instance a constaté que treize votants ont participé à la désignation et que vingt et un votes ont été comptabilisés, mais a retenu que le recours au panachage avait été autorisé par un accord unanime implicite et que le choix des modalités de scrutin pouvait résulter d’un accord unanime quand bien même ledit accord n’aurait pas été exprès.
A la suite de cette décision, le syndicat et les quatre personnes intéressées se sont pourvues en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse le jugement au visa de l'article L. 4613-1 du Code du travail alors applicable (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E3385ETK).
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