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N5408BXL
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par Vincent Roulet, Maître de conférences à l’Université de Tours, Avocat Eversheds Sutherland
Le 12 Septembre 2018
Il faut savoir vivre avec ! Le contrôle par l’URSSAF fait partie de la vie des entreprises ; régulièrement -souvent tous les trois ans- il leur faut les subir : l’issue de principe ne fait guère de doute et l’enjeu, non négligeable, demeure cantonné au montant total des réintégrations que le contrôleur décidera. Les esprits rigoristes (et rigoureux, du moins faut-il le leur souhaiter) disent fort justement qu’il ne s’agit là que de justice : si la réintégration dans l’assiette est décidée, c’est qu’une erreur -une faute !- a été commise. L’employeur honnête ou diligent qui a précisément appliqué la règle d’assujettissement, lui, ne risque rien. L’argument est imparable, mais son énoncé trop limpide -celui qui respecte la loi n’a rien à craindre du contrôle- résiste mal à l’épreuve des faits. Exception faite des cas de fraude avérée ou évidente, exception faite encore des vraies «erreurs» que reconnaît d’emblée, dès qu’il y est confronté, le débiteur des cotisations, les sentiments qui prédominent dans les entreprises à l’issue d’un contrôle peu satisfaisant, relèvent de l’incompréhension et… de l’injustice. Peut-être plus que dans d’autres domaines de l’activité juridique marqués par la prééminence de la sanction (droit pénal, droit fiscal…), il existe un monde entre la réalité objective constatée par l’auteur de la sanction -le contrôleur dont il est présumé ici qu’il ne s’est pas lui-même égaré en droit- et celui qui y fait face. Le constat psychologique est curieux car, contrairement à ces autres domaines, la personne physique qui subit le contrôle n’est pas, la plupart du temps, celle qui en supporte les conséquences pécuniaires : les cadres ou les agents de maîtrise des services des ressources humaines ou de la paye ne sont redevables ni des cotisations dues sur les sommes réintégrées, ni des majorations et intérêts. Bref, mises à part les éventuelles remontrances de leur hiérarchie -hiérarchie rationnelle qui a vraisemblablement déjà anticipé comme une charge nécessaire le redressement- les «innocents coupables» n’ont objectivement pas grand dommage à subir. Et pourtant, ils sont touchés… Ces sentiments témoignent d’une conscience professionnelle aiguë ; le salarié «moyen» n’est pas indifférent au sort de l’entreprise qui l’emploie. Ils trouvent peut-être aussi leur source dans le fait que, contrairement à leurs interlocuteurs de l’URSSAF, les salariés en charges de la paye ne se limitent pas à la confrontation d’une pratique à la règle de droit. Le contrôleur a une approche brute, «désocialisée» et «déshistoricisée» : il connait le texte, il relève la pratique, et tire les conséquences des éventuels hiatus. Le salarié de l’entreprise en sait plus. Il sait notamment, ou il devine, le pourquoi du hiatus. Il sait si la pratique désormais censurée est le fruit d’une histoire, celui d’impératifs économiques, celui d’une désorganisation, celui d’une mauvaise compréhension du texte -ou d’une interprétation plus ou moins audacieuse de celui-ci- celui d’un oubli, celui d’une mauvaise communication de l’URSSAF (combien de positions des organismes de recrutement changent discrètement ?), etc.. Il connaît, en d’autres termes, les causes de l’erreur soulignée durant le contrôle et des maux subis par l’entreprise à la suite de celui-ci (I)... Les connaissant, il lui incomberait, pourvu que les moyens lui fussent donnés, de découvrir les remèdes (II).
I - Les causes des maux
Le fait est que, sans contester l’opportunité de la rigueur des contrôleurs ni plaider pour la prise en compte des motifs de la pratique de l’entreprise dans les conditions de réintégration (ce que le législateur fait néanmoins ponctuellement), il y a souvent quelque légitimité ou quelque excuse à l’erreur sanctionnée et ce, quel que soit le chef de redressement, soit que l’imperfection de la norme ait provoqué l’«erreur», soit que l’exigence de la norme n’ait matériellement pu être satisfaite par la pratique de l’entreprise.
Une norme imparfaite
Première cause -car il faut qu’il y en ait une première- qui n’est pas la plus fréquente mais qui ne saurait être négligée, c’est la malfaçon de la norme. «La malfaçon» ou, plutôt, «les malfaçons» tant les griefs qui pourraient être formulés à son endroit son légion, qu’il s’agisse de son obscurité, de sa qualité ou de son empilement -lois, décrets, circulaires de la direction de la Sécurité sociale, lettres-circulaire de l’Acoss, lettres rendues publiques «incidemment», site internet de l’URSSAF, etc. (le tout sans oublier les difficultés tenant à la constitutionnalité ou la conventionnalité de la norme). Nombre de ces vices ont des causes complexes (agitations et compromis parlementaires, multiplication des institutions participant à la règlementation, déficit de personnel à la direction de la Sécurité sociale…) sur lesquelles il n’est pas aisé d’agir ; mais certaines maladresses pourraient être évitées à moindre frais. L’été 2018 fournit deux exemples de ces pratiques perverses. Il s’est d’abord agi du revirement opéré par l’URSSAF sur son site internet -dénué de portée juridique au demeurant- sur la question de l’assujettissement à forfait social des indemnités versées dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective. En juin, ces indemnités étaient assujetties au forfait social de 20 % au motif d’une interprétation stricte de l’article L. 137-15 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8988LK4) ; en juillet, elles ne l’étaient plus, motif pris d’une analogie avec les sommes versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Il s’est ensuite agi de la lettre du 16 juillet 2018 de la direction de la Sécurité sociale à l’Acoss relative à la modulation des redressements sibylline dans son sens et, encore, dénuée de toute portée normative.
Des pratiques imparfaites
Deuxième cause, certainement plus fréquente et qui, cette fois, procède des défaillances des entreprises, c’est la mauvaise conservation de l’information. Il s’agit d’abord des difficultés qu’ont les entreprises à justifier les décisions prises ou des pratiques observées par le passé. Sont plus particulièrement concernés ici les versements ou avantages octroyés aux salariés pouvant être déduits de l’assiette de cotisations sous réserve de la présentation des justificatifs idoines. Les chefs de redressement de ce type sont nombreux… et font mal. Aux premiers rangs, figurent la prise en charge des repas et les voitures de fonctions.
la prise en charge des repas par l’employeur est a priori un avantage en nature soumis à cotisations ; dans certaines conditions (arrêté du 20 décembre 2002 N° Lexbase : L0307A9A), la dépense s’analyse en une prise en charge de frais professionnel pour le coup exonéré. Encore l’employeur doit-il démontrer que la qualification de frais professionnels est satisfaite ce qui implique, naturellement, de démontrer la dépense elle-même, mais encore les conditions dans lesquelles celle-ci a été engagée, c’est-à-dire d’apporter à l’URSSAF des justificatifs supplémentaires aux seuls documents comptables nécessaires à la prise à charge. Concrètement, il faut non seulement produire la note du restaurant, mais aussi l’agenda du salarié et expliquer, pourquoi, ce jour-là, l’entreprise pouvait -et devait au sens du droit du travail- assumer la dépense.
les modalités d’assujettissement à charges sociales des voitures dont les salariés disposent aussi à titre personnel sont relativement complexe : à l’employeur s’ouvrent des options différentes, selon que les voitures ont été acquises ou sont louées, selon que l’entreprise prend en charge ou non l’essence, etc.. Mais quelles que soit les modalités d’assujettissement retenues, l’entreprise doit justifier les réintégrations et exonérations qu’elle a pratiquées ce qui implique d’être en mesure d’apporter au contrôleur la valeur des véhicules -fournir les contrats de vente ou de leasing- l’ensemble des frais pris en charge -péages, essences, réparations, etc.-.
La production des justificatifs exige de l’entreprise une collecte et une conservation rigoureuses, ainsi qu’une accessibilité facilitée aux archives. Il n’est pas rare que l’entreprise, préparant mal les opérations de contrôle, ne soit en mesure de fournir ces informations qu’après leur clôture, au moment de répondre à la lettre d’observations voire de saisir la commission de recours amiable. Il arrive également que derrière la difficulté de produire les justificatifs se dissimulent d’autres faiblesses. Faiblesse de l’entreprise qui a laissé se développer certaines pratiques contestables -ou qui, pour des raisons diverses, n’y a pas mis fin-, mais aussi faiblesse de l’URSSAF qui limite elle-même les moyens de preuve pouvant être apportés par l’entreprise.
Dernier feuilleton en date, celui ayant trait aux conditions d’assujettissement des indemnités de rupture conventionnelle conclue par des salariés «âgés». Alors que la loi prévoit que de telles indemnités sont pleinement assujetties à cotisations sociales dès lors que le bénéficiaire a acquis le droit de liquider sa pension de retraite obligatoire (dans le cas contraire l’indemnité spécifique de rupture bénéficie d’un régime social favorable), depuis 2010, l’administration décide que «pour le salarié âgé de 55 à 59 ans compris avec lequel a été conclue une convention de rupture, l’employeur devra pouvoir présenter à l’agent chargé du contrôle un document relatif à la situation du salarié au regard de ses droits à la retraite de base» (Circ. DSS n° 2009/210 du 10 juillet 2009 N° Lexbase : L4668IEM). Certaines Urssaf n’admettent comme preuve que le document émanant de la CARSAT, à l’exclusion de tout autre (ex. : relevé de carrière, situation du salarié, etc.) : à défaut de production de ce document elles procèdent au redressement et… plusieurs années plus tard, perdent devant les cours d’appel (v. dern. CA Paris, Pôle 6, 12ème ch., 22 juin 2018, n° 15/02409 N° Lexbase : A7748XUI).
Il s’agit, ensuite, d’une difficulté tenant au mouvent naturel de la vie des entreprises, lorsque, d’une part, les conditions d’assujettissement ou d’exonération reposent principalement sur l’énoncé d’un acte unique -accord d’entreprise, décision unilatérale, plan- et, d’autre part, cet acte ayant été correctement rédigé, la règle change quelques mois ou quelques années plus tard. La prévoyance, la retraite et, surtout, les frais de santé ont été -mais sont encore- les domaines privilégiés de ce type de redressement. La matière connût de 2009 à 2016 de nombreuses évolutions ; chaque année -parfois plusieurs fois par an- la loi changeait et la doctrine administrative s’accumulait. Les entreprises n’ayant pas assuré le suivi et la transcription de ces évolutions dans leur corpus normatif offrent aujourd’hui encore prise au redressement, lequel peut être d’ampleur puisque l’ensemble des contributions versées au profit des salariés est susceptible de réintégration et puisque, par hypothèse, le vice perdure depuis plusieurs années. L’expérience démontre cependant que, sur ce type de sujet, les URSSAF savent se montrer raisonnables et recourent fréquemment à la technique des observations pour l’avenir.
II - Les remèdes aux maux
De la différence de nature des maux qui affectent les entreprises se déduit une différence de nature des remèdes. Il s’agit tantôt de suppléer à l’imperfection de la norme, tantôt d’améliorer les pratiques de l’entreprise.
Suppléer l’imperfection de la norme
Des doutes qui peuvent jaillir au moment de la mise en œuvre de la norme, il est bien des manières pour l’entreprise de se prémunir. Faute pour elle de maîtriser la norme ou les chausse-trappes de celle-ci, qu’elle se renseigne ! Le fait est que nombreux sont les interlocuteurs de l’entreprise susceptibles d’éclairer sa décision. Il s’agit, d’abord, des différents prestataires de services qui, directement ou indirectement, ont vocation à connaître des rémunérations offertes par l’entreprise : les gestionnaires de paye, les avocats, les experts comptables, les assureurs ou les intermédiaires d’assurance… Le conseil est simple, il n’est pas simpliste ; il y a aujourd’hui encore une réticence forte des entreprises -notamment françaises- à investir dans ces solutions préventives. Craignant le coût, l’entreprise cliente reçoit l’information élémentaire dont elle fait son affaire, et se retient d’adresser à son conseil l’ensemble des éléments utiles ou de lui poser les questions supplémentaires. L’attitude peut se comprendre mais outre qu’elle occulte le fait que le professionnel est un conseil mais aussi un «assureur» -le prix du service inclut la responsabilité civile- et que plus sa connaissance de la situation de l’entreprise est importante, plus sa valeur ajoutée pour le client est importante et plus il est en mesure -ne serait-ce que par opportunisme commercial- d’assurer un suivi sur le long terme, ce qui prémunira l’entreprise des conséquences néfastes d’un changement de réglementation.
Aux entreprises qui ne sont pas convaincues et continuent d’être rebutées par les honoraires ou autres commissions, s’offrent ensuite d’autres interlocuteurs, désintéressés et ponctuellement tout aussi efficaces. Cette dernière décennie, l’administration (les administrations) ont produit un réel effort pour améliorer leur disponibilité à l’endroit des entreprises. La nature juridique des rapports qu’il est possible d’instituer varie. Il y a, en premier lieu, les relations informelles, orales voire écrites (ce qui peut être utile en cas de difficulté à venir), qu’avec un peu d’insistance il est possible de nouer aussi bien au niveau local -DIRECCTE, URSSAF- que national -Direction de la Sécurité sociale, Direction général du travail, ARRCO-AGIRC-. En ce sens, il faut noter une récente esquisse d’institutionnalisation de ces rapports informels : l’article 29 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (N° Lexbase : L6744LLD), placé dans le titre III «Une administration qui dialogue», prévoit notamment pour les organismes de Sécurité sociale, la possibilité d’instituer «un référent unique à même de faire traiter des demandes qui lui sont adressées pour l’ensemble des services concernés. Ce référent unique est joignable par tout moyen par les administrés au sein de l’agence ou de l’antenne dont ils dépendent». Il y a en second lieu les rapports «officiels» au premier rang desquels figure la procédure de rescrit social (CSS, art. L. 243-6-3 N° Lexbase : L1353LIX), procédure qui effraye encore trop souvent les entreprises et qui, pourtant, présente plusieurs avantages : outre son très large champ d’application, son accès est simple -un courrier circonstancié contenant la question et, le cas échéant, les pièces justificatives- et la réponse apportée offre une parfaite sécurité juridique (pourvu que la question ait été correctement posée) ; en l’absence de réponse dans un délai de trois mois de la saisine, c’est l’éventualité même d’un redressement sur la situation soumise à l’URSSAF qui est écartée aussi longtemps que cette dernière n’a pas pris position. Il faut enfin ajouter que la pratique du rescrit n’est pas l’apanage de l’URSSAF ; non seulement elle existe en matière fiscale -étant entendu que l’employeur peut interroger l’administration fiscale pour le compte de son salarié, ce qui s’avère utile dans certaines situations de rupture du contrat de travail- mais elle existe aussi en matière d’assurance chômage. L’article 21 de la loi n° 2018-727 (C. trav., art. L. 5312-2 N° Lexbase : L2571H94) consacre et renforce une pratique existante en décidant que «Pôle emploi se prononce de manière explicite sur toute demande d’un employeur concernant un de ses mandataires sociaux ou d’une personne titulaire d’un mandat social ayant pour objet de déterminer son assujettissement à l’obligation d’assurance contre le risque de privation d’emploi», étant entendu que la décision de Pôle emploi est pleinement opposable à l’URSSAF chargée du recouvrement des cotisations d’assurance chômage (même texte ; v. auparavant Cass. civ. 2, 12 juillet 2018, n° 17-16.547, F-P+B+R N° Lexbase : A9591XXI).
Améliorer les pratiques de l’entreprise
Le droit désormais clair, c’est à la pratique qu’il faut s’attacher. Faisant abstraction de la résolution des difficultés d’archivages et de conservation des éléments de preuve, deux points d’amélioration peuvent trop souvent être suggérés aux entreprises.
Le premier a trait à la normalisation et la rationalisation des pratiques de rémunération et d’avantages sociaux. Il est encore trop rare au sein des entreprises de constater la présence de policies ou de politiques générales correctement rédigées -c’est-à-dire, notamment, exhaustives- et rigoureusement appliquées. Or, outre que ce type de textes présente un fort intérêt en droit du travail (prévention dans le cadre de l’inégalité de traitement, de la discrimination, du harcèlement, etc.), il offre deux avantages au moins sous l’angle de l’assujettissement : il provoque l’uniformisation (ce qui, par la suite, facilitera l’adaptation des pratiques aux évolutions législatives et règlementaires) ; il «impose» les bonnes pratiques à ceux qui, pour des raisons diverses, souvent historiques, bénéficient de dérogations dangereuses au regard du droit de l’assujettissement (ex. : prise en charges de dépenses plus ou moins personnelles).
Le second a trait à l’audit des dispositifs de rémunération et d’avantages en vigueur dans l’entreprise. Qu’il soit entendu qu’il ne s’agit pas d’inviter, chaque année, les entreprises à contrôler l’ensemble de leurs pratiques de rémunération, mais seulement de les prier, de manière régulière, à reprendre un par un ces éléments pour en vérifier non seulement le traitement au regard de l’assujettissement à cotisations sociales mais aussi l’efficacité en termes de service fourni et de rapport qualité/prix. Les régimes de protection sociale complémentaire (et plus généralement tous les éléments de rémunération faisant intervenir un tiers) se prêtent bien à ce type d’exercice. L’audit d’un régime doit permettre de se prémunir contre le risque URSSAF, mais également de vérifier actuariellement que le prix -la cotisation- correspond bien à la qualité du service rendu -les garanties- et, le cas échéant, de susciter la renégociation du contrat.
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Réf. : CJUE, 11 septembre 2018, aff. C-68/17 (N° Lexbase : A7500X38)
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par Blanche Chaumet
Le 12 Septembre 2018
► Le licenciement d’un médecin-chef catholique par un hôpital catholique en raison de son remariage après un divorce peut constituer une discrimination interdite fondée sur la religion. L’exigence pour un médecin-chef catholique de respecter le caractère sacré et indissoluble du mariage selon la conception de l’Eglise catholique n’apparaît pas constituer une exigence professionnelle essentielle, légitime et justifiée, ce qu’il appartient toutefois à la Cour fédérale allemande du travail de vérifier en l’espèce. Telle est la règle dégagée par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt rendu le 11 septembre 2018 (CJUE, 11 septembre 2018, aff. C-68/17 N° Lexbase : A7500X38).
En l’espèce un médecin-chef de confession catholique a travaillé comme chef du service de médecine interne d’un hôpital géré par une société allemande soumise au contrôle de l’archevêque catholique de Cologne en Allemagne. Quand la société a appris que le médecin, après son divorce de sa première épouse avec laquelle il était marié selon le rite catholique, s’était de nouveau marié civilement sans que son premier mariage ait été annulé, elle l’a licencié.
Selon la société, le médecin a, en concluant un mariage invalide selon le droit canonique, manqué de manière caractérisée à ses obligations de loyauté découlant de son contrat de travail, lequel renvoie au règlement fondamental applicable au service ecclésial dans le cadre des relations de travail au sein de l’Eglise (GrO 1993), qui prévoit que la conclusion d’un mariage invalide selon le droit canonique par un employé catholique exerçant des fonctions d’encadrement constitue une violation grave de ses obligations de loyauté et justifie son licenciement.
Le médecin a contesté son licenciement devant les juridictions du travail allemandes en faisant valoir que son remariage ne constituait pas un motif valable de licenciement. Selon lui, son licenciement violerait le principe de l’égalité de traitement dès lors que, conformément à la GrO 1993, le remariage d’un chef de service de confession protestante ou sans confession n’aurait eu aucune conséquence sur la relation de travail avec la société.
C’est dans ce contexte que la Cour fédérale allemande du travail demande à la CJUE d’interpréter la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4) qui interdit en principe qu’un travailleur soit discriminé en fonction de sa religion ou de ses convictions tout en permettant, sous certaines conditions, aux Eglises et autres organisations dont l’éthique est fondée sur la religion ou les convictions de requérir de leurs employés une attitude de bonne foi et de loyauté envers cette éthique.
En énonçant la règle susvisée, la CJUE précise que s’il appartient, en l’espèce, à la Cour fédérale allemande du travail de déterminer si, au regard de la nature des activités professionnelles concernées ou du contexte dans lequel elles sont exercées, la religion ou les convictions constituent une exigence professionnelle essentielle, légitime et justifiée eu égard à l’éthique en question, elle indique que l’adhésion à la conception du mariage prônée par l’Eglise catholique n’apparaît pas nécessaire pour l’affirmation de l’éthique de la société allemande en raison de l’importance des activités professionnelles exercées par le médecin, à savoir la fourniture, dans le milieu hospitalier, de conseils et de soins médicaux ainsi que la gestion du service de médecine interne dont il était le chef. Elle ne semble donc pas être une condition essentielle de l’activité professionnelle, ce qui est corroboré par la circonstance que des postes similaires ont été confiés à des employés qui n’étaient pas de confession catholique et qui n’étaient ainsi pas tenus à la même exigence d’attitude de bonne foi et de loyauté envers l’éthique de la société (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E2590ET4 ; N° Lexbase : E2716ETR et N° Lexbase : E4589EXA).
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Réf. : Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (N° Lexbase : L9696LLP)
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N5411BXP
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par Marie Le Guerroué
Le 12 Septembre 2018
A été publiée au Journal officiel du 11 septembre 2018, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie dite «Loi asile et immigration» (loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie N° Lexbase : L9696LLP).
Les députés avaient définitivement adopté le projet de loi le mercredi 1er août, par 100 voix pour et 25 contre. Saisi par deux recours de députés et de sénateurs, le Conseil constitutionnel avait validé dans sa grande majorité la loi dans sa décision du 6 septembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-770 DC, du 6 septembre 2018, Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie N° Lexbase : A4476X38). Il avait, seulement, censuré certaines dispositions pour des raisons procédurales.
♦ Quel était l’objectif de ce nouveau texte ?
Le projet de loi, qui avait été présenté par le ministre de l’Intérieur le 21 février 2018 en conseil des ministres, poursuivait trois objectifs :
la réduction des délais d’instruction de la demande d’asile ;
le renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière ;
l’amélioration de l’accueil des étrangers admis au séjour pour leurs compétences et leurs talents.
♦ Quels sont les dispositions à retenir ?
La nouvelle loi vient, notamment :
A noter que la réduction du délai à l’issu duquel une personne pouvait faire appel du rejet de sa demande d’asile a, finalement, été supprimée par le Sénat en première lecture. La mesure était, en effet, une des dispositions les plus contestées du projet de loi (v., sur ce point, l’interview de Madame le Bâtonnier Pascale Taelman, Lexbase, éd. pub., 2018, n° 499 N° Lexbase : N3567BXE).
La loi "asile et immigration" fera l'objet d'une édition spéciale dans notre revue Lexbase Hebdo - édition publique, n° 516.
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Réf. : Cass. com., 5 septembre 2018, n° 17-15.031, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3704X3L)
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N5367BX3
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par Vincent Téchené
Le 12 Septembre 2018
► En l’absence de disposition contraire prévue par elle, la loi du 9 décembre 2016 (loi n° 2016-1691 N° Lexbase : L6482LBP), qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours (cf. C. com., art. L. 651-2 N° Lexbase : L7679LBZ). Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 5 septembre 2018, n° 17-15.031, FS-P+B+I N° Lexbase : A3704X3L).
En l’espèce, une société a été mise en liquidation judiciaire le 2 décembre 2011. Le liquidateur a assigné le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d’actif de cette société.
Cette demande ayant été rejeté (CA Chambéry, 17 janvier 2017, n° 16/00375 N° Lexbase : A0897S94), il a formé un pourvoi en cassation. Il soutenait que selon l’article L. 651-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8961IN9), dans sa rédaction applicable en l’espèce antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 146 de la loi du 9 décembre 2016, une négligence pouvait constituer une faute de gestion. Or, en affirmant cependant que la responsabilité du dirigeant ne pouvait être engagée en cas de négligence dans la gestion de sa société, de sorte que le dirigeant ne pouvait, en l’espèce, se voir reprocher une faute dans la gestion de la société débitrice, la cour d’appel aurait violé ce texte.
La Cour de cassation rappelle que selon les articles 1er (N° Lexbase : L3088DYZ) et 2 (N° Lexbase : L2227AB4) du Code civil, la loi nouvelle s’applique immédiatement aux situations et rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation, à moins que cette application immédiate ne méconnaisse un droit acquis. Par ailleurs, elle précise que le caractère facultatif de la condamnation du dirigeant à supporter, en tout ou partie, l’insuffisance d’actif de la société exclut tout droit acquis du liquidateur à la réparation du préjudice auquel le dirigeant a contribué par sa faute de gestion. Il en résulte, dès lors, selon la Cour, la solution précitée. Elle rejette en conséquence le pourvoi (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E9960E9R).
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Réf. : Cass. com., 5 septembre 2018, n° 17-13.626, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3702X3I)
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par Vincent Téchené
Le 12 Septembre 2018
► La solidarité prononcée contre le dirigeant social en application de l’article 1745 du CGI (N° Lexbase : L1736HNM), qui constitue une garantie de recouvrement de la créance fiscale et ne tend pas à la réparation d’un préjudice, ne fait pas obstacle à la condamnation de ce dirigeant à supporter, à raison de la faute de gestion consistant à soustraire la société à l’établissement et au paiement de l’impôt et à omettre de passer des écritures en comptabilité, tout ou partie de l’insuffisance d’actif de la société, comprenant la dette fiscale objet de la solidarité, la contribution du dirigeant à l’insuffisance d’actif entrant dans le patrimoine de la société débitrice pour être répartie au marc le franc entre tous les créanciers et la part du produit de la condamnation du dirigeant versée au Trésor s’imputant sur le montant de sa créance. Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 septembre 2018 (Cass. com., 5 septembre 2018, n° 17-13.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A3702X3I).
En l’espèce, une société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 18 décembre 2008 et 14 décembre 2009. Le liquidateur de la société a assigné son dirigeant en responsabilité pour insuffisance d’actif. Le dirigeant a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel qui a fait droit à cette demande (CA Aix-en-Provence, 15 décembre 2016, n° 15/21509 N° Lexbase : A3848SU3).
Il faisait tout d’abord grief à l’arrêt d’appel d’avoir déclarée recevable la demande du liquidateur.
Sur ce point, la Cour de cassation énonce qu’en présence d’une convocation régulière du dirigeant poursuivi en paiement de l’insuffisance d’actif, en vue de son audition préalable, l’action est recevable, peu important que le dirigeant ne se soit pas présenté et que son audition n’ait pu, en conséquence, avoir eu lieu. Ici, la cour d’appel a constaté que le dirigeant a été convoqué par actes d’huissier signifiés à ses deux dernières adresses connues, une première fois pour l’audience du 19 septembre 2013 et une seconde fois pour l’audience du 14 novembre 2013. Ainsi, elle a exactement déduit que la formalité de la convocation prévue à l’article R. 651-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L1139HZ9), dans sa rédaction applicable en la cause, avait été respectée, peu important que les actes aient été délivrés suivant les modalités de l’article 659 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6831H77).
En second lieu, le dirigeant contestait sa condamnation arguant du fait que cette dernière au titre de l’insuffisance d’actif correspondait à la créance de l’administration fiscale, alors qu’il demeurait tenu de payer la même somme à l’administration fiscale au titre de la solidarité fiscale, destinée à sanctionner la même faute, ce qui avait pour conséquence de le condamner à payer deux fois la même somme pour la même cause.
Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette également ce moyen. Elle précise qu’ayant relevé que le fait d’avoir soustrait la débitrice au paiement de la TVA au titre de l’année 2003 et de l’impôt sur les sociétés au titre des années 2002 et 2003 et d’avoir omis d’inscrire certaines écritures en comptabilité, faits pour lesquels le dirigeant a été condamné du chef de fraude fiscale et d’omission d’écritures en comptabilité, sont des fautes de gestion qui ont contribuées à l’insuffisance d’actif. La condamnation à supporter cette insuffisance d’actif profitera à tous les créanciers admis qui sont non seulement le Trésor public mais également le bailleur de la société et les organismes sociaux. Ainsi, la cour d’appel n’a fait qu’user des pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 651-2 du Code de commerce en condamnant le dirigeant à supporter une partie de l’insuffisance d’actif de la société débitrice (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E0871E97 et N° Lexbase : E0863E9T).
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par Ludovic Lombard, Docteur en droit à l’Université Toulouse-Capitole
Le 12 Septembre 2018
Taxe sur les salaires - Fiscalité des entreprises
Vestige de la période d’après-guerre, la taxe sur les salaires a connu un sérieux lifting lorsqu’elle a été totalement détachée de la TVA. Ainsi, le Conseil d’Etat[1] et le Conseil constitutionnel[2] reconnaissent qu’il ne s’agit pas d’une taxe prohibée sur le chiffre d’affaires, dans la mesure où elle n’a pas les caractéristiques de la TVA. Toutefois, signe du lien qui continue d’exister entre ces deux impôts, la taxe sur les salaires est due, sauf exonérations, par les sociétés ou organismes qui ne sont pas assujettis pour plus de 90 % à la TVA, selon l’article 231 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9019LKA).
La jurisprudence administrative du premier semestre 2018 est particulièrement riche en matière de taxe sur les salaires puisqu’une vingtaine d’arrêts ont été rendus par les cours administratives d’appel et deux décisions ont été adoptées par le Conseil d’Etat. Elle balaie l’essentiel des étapes d’imposition des organismes à cette taxe. Ainsi, la jurisprudence permet de revenir d’abord sur le champ d’application de la taxe sur les salaires, tant en ce qui concerne l’exclusion de certains organismes que s’agissant de l’exonération d’autres entités (I). Elle apporte ensuite des éléments importants au sujet du calcul du rapport d’assujettissement pour les entreprises partiellement assujetties à la TVA. La plupart des arrêts rendus au cours de ce premier semestre se contente d’appliquer classiquement la jurisprudence antérieure, ou de confirmer les décisions du Conseil d’Etat qui ont récemment conduit à une modification des modalités d’assiette de la taxe sur les salaires. D’autres apportent des précisions utiles, particulièrement s’agissant de la détermination du rapport d’assujettissement (II). Enfin, certaines décisions éclairent les règles relatives aux rémunérations assujetties à cette taxe (III).
I - Le rappel des règles relatives au champ d’application de la taxe sur les salaires
La taxe sur les salaires s’applique aux sociétés et organismes assujettis partiellement à la TVA. La jurisprudence du premier semestre 2018 permet de revenir sur les règles de détermination de ce champ d’application (A). Par ailleurs, bien que dans le champ d’application, certaines entités sont exonérées de taxe sur les salaires. Ceci est particulièrement le cas des organismes délivrant des diplômes au nom de l’Etat. Une application logique de ce cas d’exonération a été fait par la cour administrative d’appel de Marseille, le 19 avril 2018 (B).
A - Un retour sur les personnes exclues du champ d’application de la taxe sur les salaires
En vertu des dispositions du 1 de l’article 231 du Code général des impôts, les sociétés et organismes entrant dans le champ d’application de la taxe sont ceux qui n’ont pas été assujettis sur au moins 90 % de leur chiffre d’affaires. Cet article précise qu’il convient d’entendre comme chiffre d’affaires le «total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations n’entrant pas dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée». L’enjeu de l’inclusion ou non de certaines recettes est alors important. Une réduction du chiffre d’affaires peut augmenter mécaniquement le ratio d’assujettissement à la TVA dès lors que les sommes qui en sont exclues sont exemptées de TVA. Inversement, l’augmentation du chiffre d’affaires pris en compte peut diminuer le ratio, jusqu’à devenir inférieur aux 90 %, seuil fatidique entraînant l’assujettissement à la TVA. La jurisprudence est désormais largement fixée sur les sommes incluses dans le chiffre d’affaires. La cour administrative d’appel de Nantes a néanmoins dû se prononcer sur la question de l’inclusion des subventions accordées à une association. Dans son arrêt du 18 juin 2018[3], elle a conclu, naturellement, que «les subventions [versées à une association] par l’Etat, la région des Pays de la Loire et les syndicats mixtes d’aménagement pour la technopole de l’agglomération mancelle» doivent être prises en compte «dans son chiffre d’affaires pour examiner si elle pouvait être assujettie à la taxe sur les salaires».
Cette solution, logique, permet toutefois de revenir sur la distinction entre exclusion du champ et exonération. Il apparaît que, pour le juge, la détermination de l’inclusion dans le champ d’application de la taxe sur les salaires s’établit au regard du chiffre d’affaires assujettis à la TVA. En revanche, les organismes limitativement énumérés par le 1 de l’article 231 du Code général des impôts sont exonérés. C’est ainsi qu’il convient d’entendre l’expression «à l’exception de», précédent une série d’organisme tels que, par exemple, les collectivités locales ou encore «les caisses des écoles et des établissements d’enseignement supérieur […] qui organisent des formations conduisant à la délivrance au nom de l’Etat d’un diplôme sanctionnant cinq années d’études après le baccalauréat». Ce cas d’exonération a d’ailleurs été interprété par la cour administrative d’appel de Marseille, par une décision du 19 avril 2018.
B - Un retour sur les personnes exonérées de taxe sur les salaires
Dans sa décision précitée, la cour administrative d’appel de Marseille[4] a dû estimer si le Centre International de Formation Européenne (CIFE) pouvait bénéficier de l’exonération de taxe sur les salaires en tant qu’établissement d’enseignement délivrant «au nom de l’Etat un diplôme sanctionnant cinq années d’études après le baccalauréat». Le rejet de la demande de cette association n’a pas posé de difficultés dans la mesure où elle «[n’établissait] ni même [n’alléguait] qu’elle organise des formations conduisant à la délivrance» de tels diplômes. Pourtant, la décision de la cour mérite une attention particulièrement. Elle précise que les organismes de formation peuvent bénéficier de l’exonération «même s’ils ne délivrent pas eux-mêmes ces diplômes au nom de l’Etat». Elle reprend expressément ici la décision du Conseil d’Etat du 27 juin 2016[5]. Cette dernière avait inauguré cette solution, permettant dès lors aux organismes ne délivrant pas eux-mêmes les diplômes de bénéficier de l’exonération. Le juge avait appliqué strictement la lettre de l’article 231, sans s’en remettre aux travaux parlementaires dans la mesure où il les jugeait suffisamment clair.
Une fois le champ d’application déterminé, il convient de déterminer l’assiette de la taxe sur les salaires. Une étape intermédiaire est nécessaire dans le cas des assujettis partiels à la taxe sur les salaires, qui ne sont pas passibles de la TVA pour plus de 90 % de leur chiffre d’affaires. Il s’agit d’établir le prorata du chiffre d’affaires donnant lieu à l’imposition à la taxe sur les salaires, à savoir le rapport d’assujettissement. La jurisprudence récente a initié des précisions et évolutions dans les méthodes de calcul, reprises par les arrêts des cours administrative d’appel.
II - Les précisions jurisprudentielles quant à la détermination du rapport d’assujettissement
Alors qu’il est régulièrement admis que la TVA et la taxe sur les salaires doivent être dissociées[6], le Conseil d’Etat valide la sectorisation pratiquée en matière de TVA et appliquée à la taxe sur les salaires. Cela a des incidences sur le rapport d’assujettissement établi pour les assujettis partiels à la taxe sur les salaires, calculé par secteur. La jurisprudence récente apporte d’utiles précisions tant sur les conditions de validation de la sectorisation (A) que sur les éléments inclus dans le calcul du rapport d’assujettissement (B).
A - Des précisions sur les conditions de validation de la sectorisation
La cour administrative d’appel de Nantes a eu l’occasion, dans deux décisions du 19 avril 2018, de revenir sur la méthode de la sectorisation et d’en préciser les contours. Dans une première décision, elle a été amenée à rappeler les conditions pour qu’une société puisse constituer des secteurs distincts dans le cadre de l’imposition à la taxe sur les salaires[7]. L’intérêt d’une telle pratique est de pouvoir appliquer un rapport d’assujettissement individualisé pour chacun des secteurs. Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, inauguré par la décision du 28 juillet 1999[8], et reprise notamment par la cour administrative d’appel de Nantes, «l’activité d’une entreprise peut être répartie en secteurs distincts si les services de l’entreprise peuvent être utilisés indépendamment les uns des autres, s’ils comportent la mise en œuvre de techniques et de moyens de production séparés et s’ils font l’objet d’une comptabilisation distincte»[9]. Toutefois, dès lors que l’entreprise a été «assujettie à la taxe sur les salaires conformément à ses déclarations, il lui incombe d’établir l’exagération des impositions en application de l’article R. 194-1 du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L1590IN9»[10]. Partant, elle doit d’abord apporter la preuve de l’existence de secteurs distincts. La cour administrative d’appel de Nantes apporte dans ce cadre des précisions importantes. L’entreprise ne peut se contenter d’opter pour un critère «tenant à la participation ou non à des opérations taxables à la taxe sur la valeur ajoutée». Elle doit être prouvée la sectorisation par le biais d’éléments précis sur «la nature de ses activités et ses moyens d’exploitation» et sur «l’existence d’une comptabilité distincte». Cette solution dégagée par la cour administrative d’appel de Nantes semble logique dans la mesure où les critères identifiés pour déterminer l’existence d’un secteur distinct sont cumulatifs. Chacun des critères doit alors présenter une justification.
En revanche, quand bien même des secteurs seraient constitués, les rémunérations du personnel affecté à plusieurs secteurs se voient appliquer le rapport d’assujettissement général de l’entreprise. Il en va ainsi particulièrement des dirigeants d’une société qui sont présumés intervenir dans tous les secteurs, notamment financier[11], qui est exempté de TVA. Cette présomption est toutefois une présomption simple. Il revient à l’entreprise de prouver que les dirigeants n’interviennent que dans des secteurs assujettis totalement à la TVA et, partant, exclus du champ d’application de la taxe sur les salaires. La décision de la cour d’appel de Nantes du19 avril 2018, SARL HDM[12] montre ici un exemple des méthodes du juge pour apprécier l’étendue des missions des dirigeants. Dans cette affaire, une société holding exerçait «une activité de gestion de trésorerie, exonérée de TVA, une activité de gestion des dividendes, placée hors champ de cette taxe et une activité de prestation de services destinées aux filiales, soumise à cette taxe». Comme le rappelle la cour administrative d’appel, les pouvoirs des dirigeants de la société holding «s’étendent en principe au secteur financier». Pour exclure du champ d’application de la taxe sur les salaires les revenus de ces dirigeants, l’entreprise doit prouver qu’ils «n’ont pas d’attribution dans le secteur financier», c’est-à-dire dans les secteurs exemptés de TVA, notamment en montrant qu’ils sont dépourvus «de tout contrôle et de responsabilité en la matière». Reprenant les précédentes décisions du Conseil d’Etat, la cour administrative de Nantes examine notamment les statuts de la société pour en déduire que les dirigeants de la société HDM étaient aussi affectés au secteur financier et donc que leur rémunération devaient être assujettie à la taxe sur les salaires. Surtout, la cour administrative d’appel de Nantes indique que «l’appréciation de cette situation n’implique pas de connaître les conditions de fait dans lesquelles [la dirigeante] exerçait ses fonctions chaque année dans la société». Cette précision n’allait pas de soi. La décision du Conseil d’Etat 8 juin 2011 (CE 3° et 8° ch.-r., 8 juin 2011, n° 340863, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6076HT9), fait valoir que la preuve contraire de la présomption peut être apportée par les statuts de la société, les contrats de travail, ou tout autre élément. Il apparaît dès lors que ces autres éléments ne peuvent être que des éléments juridiques et non de fait, contraignant de ce fait l’entreprise dans ses moyens de preuve pour renverser la présomption. Cette solution est conforme à la doctrine fiscale selon laquelle «cette preuve peut être apportée [...] s’il résulte [de divers documents] qu’un dirigeant n’a pas juridiquement le pouvoir d’exercer le contrôle et la responsabilité du secteur financier»[13]. Cependant, l’ajout d’une exigence d’un moyen juridique pour renverser la présomption laisse planer un doute sur la validité de ces indications, tout comme sur la valeur du raisonnement de la cour administrative d’appel de Nantes.
Que le rapport d’assujettissement soit établi par secteur ou pour l’ensemble de l’entité imposé, ses règles de calcul sont évidemment identiques. La jurisprudence du premier semestre 2018 apporte quelques précisions sur ces dernières.
B - Le calcul du rapport d’assujettissement
Après l’identification des secteurs au sein desquels s’inscrivent les rapports d’assujettissement, le calcul de ces derniers, et plus particulièrement la détermination des sommes à y inclure, présente un enjeu financier crucial. Il convient à cet effet de rappeler que, en vertu de l’article 231 du Code général des impôts, le rapport d’assujettissement est le rapport qui existe «entre le chiffre d’affaires qui n’a pas été passible de la TVA et le chiffre d’affaires total». En pratique, et comme le rappelle le BOFiP, «il convient de retenir : au numérateur, le total des recettes et autres produits qui n’ont pas ouvert droit à déduction de la TVA ; au dénominateur, le total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n’entrent pas dans le champ d’application de la TVA». Le but pour un redevable est alors d’obtenir le rapport le plus favorable.
Il apparaît tout d’abord, d’après la lettre même de l’article 231 du Code général des impôts, que les sommes incluses au dénominateur correspondent exactement au champ d’application de la taxe sur les salaires, à savoir «le chiffre d’affaires qui n’a pas été assujetti à la TVA en totalité ou sur 90 % au moins de son montant». Ainsi, en reconnaissant qu’une subvention exclue du champ d’application de la TVA devait être inclue dans le champ d’application de la taxe sur les salaires, la cour administrative d’appel de Nantes, dans son arrêt du 18 juin 2018[14], en a conclu nécessairement que celle-ci devait être intégrée au dénominateur du rapport d’assujettissement. La cour reprend là le raisonnement utilisé par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 17 juin 2015, Société autobus aixois[15]. Elle ajoute que la somme ne doit pas être écartée du numérateur. Il s’agit là d’une conséquence logique de la décision du Conseil d’Etat du 27 juin 2012[16]. Dans celle-ci, la Haute juridiction a eu une interprétation extensive des produits «qui n’ont pas ouvert droit à déduction de la TVA». . Un produit figure au numérateur du rapport d’assujettissement en ce qu’il n’a pas ouvert droit à déduction de la TVA, soit qu’il est exclu du champ de cette taxe, soit qu’il en est exonéré. Il est également ajouté au dénominateur du rapport puisqu’il fait partie du total des produits de l’entreprise. Or, cela n’est pas neutre. Dès lors qu’une même somme est ajoutée aux deux éléments du rapport, ce dernier augmente mathématiquement, enchérissant d’autant le coût de la taxe sur les salaires assise sur ce rapport.
Par ailleurs, les redevables de la taxe avaient tenté de gonfler le dénominateur du rapport d’assujettissement en y incluant les sommes assujettis à la TVA au titre des livraisons à soi-même. Ces sommes, assujettis à la TVA ne pouvait pas par définition figurer au numérateur du rapport. Le Conseil d’Etat avait estimé par deux décisions du 9 novembre 2015 que «ces livraisons […] ne sont génératrice d’aucun flux et ne sauraient, dès lors, être regardées comme des produits devant être inclus au dénominateur du rapport»[17]. Ces décisions ont été strictement confirmées par une décision récente du Conseil d’Etat du 7 février 2018[18]. Elle a donc naturellement été reprise par la cour administrative d’appel de Nantes, le 15 mars 2018[19] et par celles de Marseille[20] et Douai[21] dans divers arrêts du 14 juin 2018.
Enfin, les juridictions administratives ont eu à se prononcer, au cours du premier semestre de l’année 2018 sur la question nouvelle de l’intégration des dividendes au rapport d’assujettissement d’un assujetti partiel à la taxe sur les salaires. Une société holding perçoit des dividendes du fait de sa participation dans ses sociétés filiales. Ces dividendes sont hors du champ d’application de la TVA. Les sociétés holdings dites mixtes réalisent en sus des services au profit des sociétés filiales et s’immiscent dans leur gestion. Les recettes tirées de ces prestations de service sont quant à elles assujetties à la TVA. Par ailleurs, dès lors qu’existe un lien direct et immédiat entre une opération économique et une dépense engagée, cette dernière bénéficie d’un droit à déduction de la TVA. Toutefois, s’il n’y a pas de lien direct et immédiat entre une dépense et une opération économique mais que ce lien existe avec l’ensemble de l’activité économique, les frais engagés peuvent aussi ouvrir droit à déduction de la TVA. Ces frais sont appelés frais généraux et ils constituent un élément du prix des biens ou services fournis. Or, la CJUE a précisé, dans une décision du 16 juillet 2015, que les frais d’acquisition de participation dans ses filiales sont des frais généraux ouvrant dès lors droit à déduction[22]. En effet, une société holding s’immisçant dans la gestion de ses filiales exerce une activité économique.
La cour administrative d’appel de Douai en avait déduit, dans un arrêt du 28 février 2017[23], que les produits correspondant aux dividendes reçus, en contrepartie de la participation de la holding, avaient ouvert droit à déduction de la TVA, et partant ne pouvait pas être intégré au numérateur du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires. Pour la cour, puisque les frais généraux ouvrent droit à déduction de la TVA, les dividendes doivent entrer dans le champ d’application de la TVA dès lors qu’ils sont «regardés comme la contrepartie d’une activité économique». Pourtant, le Conseil d’Etat est venu rappeler, dans une décision du 14 février 2018 annulant la décision de la cour administrative d’appel de Douai[24], que l’existence de l’activité économique au sens de l’arrêt de la CJUE ne signifiait pas pour autant que la perception des dividendes est la contrepartie de cette activité. Les frais généraux ouvrent droit à déduction car ils présentent un lien direct avec l’ensemble de l’activité de l’entreprise. En revanche, la perception des dividendes est une activité particulière qui n’entre pas dans le champ d’application. Cette décision du Conseil d’Etat est particulièrement importante en ce qu’elle est la première à venir opérer cette distinction dans le cadre de la perception de dividendes. La CJUE reconnaît classiquement que ces dividendes n’ouvrent pas droit à déduction de la TVA. Ces sommes doivent donc figurer au numérateur du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires. Ceci a ensuite été repris par la cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt du 19 avril 2018[25] et par celle de Nancy dans un arrêt du 14 juin 2018[26].
Avant de liquider la taxe sur les salaires, une dernière étape s’avère nécessaire. Il convient en effet de déterminer les «salaires» versés par la société ou l’organisme partiellement assujetti. Si la jurisprudence est désormais bien fixée sur la question, les juridictions administratives ont eu l’occasion de rappeler certaines règles au cours du premier semestre 2018, particulièrement s’agissant des revenus versés aux dirigeants de ces organismes.
III - L’application des évolutions jurisprudentielles récentes dans la détermination des salaires assujettis à la taxe sur les salaires
Pour déterminer les « salaires» versés assujettis, il convient de distinguer la situation des gérants des SARL (B) de celle des autres mandataires sociaux (A). Ils sont en effet dans une situation particulière qu’une décision de la cour administrative d’appel de Nantes du 19 avril 2018[27] a mise en exergue.
A - La situation générale des mandataires sociaux
La jurisprudence du premier semestre 2018 permet de mettre en lumière des applications des décisions du Conseil d’Etat du 21 janvier 2016[28]. La Haute juridiction avait alors admis que les rémunérations des mandataires sociaux mentionnés à l’article L. 311-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9043LK7), à savoir notamment les présidents du conseil d’administration des sociétés anonymes et les présidents et dirigeants des SAS. Cette position vaut pour les rémunérations versées lorsque l’assiette de la taxe sur les salaires étaient alignée sur celle des cotisations de sécurité sociale[29]. Elle est valable également actuellement alors que l’assiette de la taxe est alignée sur celle de la CSG[30], depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013[31]. Si dans ce dernier cas, la solution dégagée par le Conseil d’Etat est sujette à certaines critiques[32] dans la mesure où, pour l’adopter, le Conseil d’Etat s’est référé aux travaux parlementaires contre une lecture stricte du texte même de la loi, elle est régulièrement reprise par les différentes décisions de cours administratives d’appel. C’est ainsi le cas des rémunérations des dirigeants et présidents des SAS d’après les décisions de la cour administrative d’appel de Lyon du 26 avril 2018[33], de la cour administrative d’appel de Versailles du 2 mai 2018[34] et de la cour administrative d’appel de Nancy du 14 juin 2018[35].
Le Conseil d’Etat avait ajouté, sans difficultés, les rémunérations versées aux président et membres du directoire des SA à l’assiette de la taxe sur les salaires Cette position résulte de sa décision du 19 juin 2017. Ces mandataires sociaux n’apparaissent pourtant pas dans les dispositions de l’article L. 311-3 du Code de la Sécurité sociale précité. Toutefois, la liste figurant dans cet article n’est pas limitative. L’utilisation par le juge des travaux parlementaires lui a permis de conclure à l’assujettissement à la taxe sur les salaires de ces rémunérations. Elle a naturellement été reprise par différents arrêts de la cour administrative d’appel de Versailles du 2 mai 2018, tant pour les rémunérations versées antérieurement à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013[36], que postérieurement[37].
En alignant l’assiette de la taxe sur les salaires sur celle de la CSG et par l’effet de l’interprétation extensive des dispositions législative par le juge, l’imposition des revenus des personnels à la taxe sur les salaires est large. Elle s’étend à la rémunération de la plupart des mandataires sociaux des organismes entrant dans le champ d’application de cet impôt. Pourtant, la situation des gérants des SARL est alors ambivalente.
B - La situation ambivalente des rémunérations versées aux gérants de SARL
L’assiette de la taxe sur les salaires étant alignée sur celle de la CSG, il apparaît incontestable que les rémunérations des gérants minoritaires des SARL sont assujetties à ces prélèvements. Ceci est clairement affirmé d’ailleurs par le Conseil d’Etat dans sa décision du 21 janvier 2016. A contrario, les rémunérations des gérants majoritaires des SARL en sont alors exemptées. Cette solution d’apparence simple nécessite toutefois une analyse concrète de la part du juge pour que celui-ci détermine le caractère majoritaire des gérants. Il résulte en effet du 11° de l’article L. 311-3 du Code de la Sécurité sociale que la situation des gérants doit être appréciée ensemble, en tenant compte également des parts détenus «en toute propriété ou en usufruit, au conjoint, au partenaire lié par un PACS et aux enfants mineurs non émancipés». Par ailleurs, pour déterminer la qualité du gérant, il convient également de prendre en compte les parts détenus par une société associée, si le gérant en est l’associé majoritaire[38]. L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 19 avril 2018[39] offre ici un exemple topique du raisonnement opéré par le juge pour apprécier la situation de fait à même de justifier ou non l’assujettissement de rémunérations à la taxe sur les salaires. Ainsi, le juge a estimé que les rémunérations versées à des cogérants ne devaient pas être assujettis à la taxe sur les salaires. Pour déterminer qu’ils étaient majoritaires ensemble, il a dû prendre en compte les parts détenus dans la SARL, tant par les gérants eux-mêmes, que par une société associée à la SARL. Cette dernière était sous le contrôle des cogérants de la SARL ensemble, au regard des parts détenus par eux ainsi que par l’épouse de l’un deux.
La taxe sur les salaires peut apparaître comme une taxe résiduelle, un vestige auquel le législateur tente de conserver une place de manière anachronique. La réalisation du marché unique pousse en effet à réduire son influence afin de ne pas empiéter sur la TVA. Pourtant, elle peut être source de coûts conséquents pour le contribuable. L’étendue du contentieux du premier semestre le rappelle. Ce dernier permet de préciser à nouveau les règles d’assiette de cette taxe, qui ont, pour certaines, évolué récemment. Vestige peut-être, mais vivace !
[1] CE 9° et 10 ° ch.-r., 21 décembre 2007, n° 295646, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1528D3Y).
[2] Cons. const., 17 septembre 2010, n° 2010-28 QPC (N° Lexbase : A4759E97).
[3] CAA Nantes, 18 juin 2018, n° 17NT00623 (N° Lexbase : A8741XTW).
[4] CAA Marseille, 19 avril 2018, n° 16MA01875 (N° Lexbase : A4705XPX).
[5] CE 9° ch., 27 juin 2016, n° 380773, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4253RU3), RJF, 11/16, n° 956 ; note Christelle ORIOL, Dr. Fisc., n° 27, 3 juillet 2014, comm. 417.
[6] CE 9° et 10° ch.-r., 15 avril 2015, n° 369652, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9512NGE), RJF, 7/2015, n° 585 ; conclusions Frédéric ALADJIDI, Dr. Fisc., n° 26, 2015, n° 26, comm.
[7] CAA Nantes, 19 avril 2018, n° 16NT01807 (N° Lexbase : A0438XUR).
[8] CE Contentieux, 28 juillet 1999, n° 164100, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7598ATL), RJF, 10/99, n°1173 ; conclusions Guillaume GOULARD, BDCF, 10/99, n° 93.
[9] Par exemple CE 9° et 10° ch.-r., 15 avril 2015, n° 369652 préc..
[10] CAA Nantes, 19 avril 2018, n° 16NT01807 préc..
[11] CE 8° et 3° ch.-r., 8 juin 2011, n° 331848, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5432HTD) ; 331849 (N° Lexbase : A6075HT8) ; 341018 (N° Lexbase : A6077HTA); RJF, 8-9/2011, n°936 ; conclusions Nathalie ESCAUT, BDCF, 8-9/2011, n° 99 ; Dr. Fisc., n° 29, 21 juillet 2011, comm. 425.
[12] CAA Nantes, 19 avril 2018, n° 16NT02088 (N° Lexbase : A3540XQ8).
[13] BOI-TPS-TS-20-30 (N° Lexbase : X8599AL3).
[14] CAA Nantes, 18 juin 2018, n° 17NT00623 (N° Lexbase : A8741XTW).
[15] CE 9° et 10° ch.-r., 17 juin 2015, n° 371162, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5370NLH).
[16] CE 8° et 3° ch.-r., 27 juin 2012, n° 348578, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0630IQE) ; RJF, 10/12, n° 910 ; Dr. Fisc., n° 49, 6 décembre 2012, n° 546 ; conclusions Nathalie Escaut, BDCF, 10/12, n°112.
[17] CE 9° et 10° ch.-r., 9 novembre 2015, n° 384536, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3614NWR) ; n° 384537, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3615NWS), Dr. Fisc, n° 11, 17 mars 2016, n° 224 ; RJF, 2/16, n° 131 ; conclusions Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, BDCF, 2/16, n° C 131.
[18] CE 9° ch., 7 février 2018, n° 391004, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4715XDY).
[19] CAA Nantes, 15 mars 2018, n° 16NT03628 (N° Lexbase : A5947XPX).
[20] CAA Marseille, 14 juin 2018, n° 18MA00607 (N° Lexbase : A4693XTY).
[21] CAA Douai, 14 juin 2018, n° 16DA00375 (N° Lexbase : A3617XT7) ; n° 16DA00376 (N° Lexbase : A3618XT8) ; n° 16DA00377 (N° Lexbase : A3619XT9).
[22] CJUE, 16 juillet 2015, aff. C-108/14 (N° Lexbase : A1668RQT)
[23] CAA Douai, 28 février 2017, n° 15DA00594 (N° Lexbase : A7467TWH), note Jules Bellaiche, Lexbase Hebdo-Edition Fiscale, n° 692, 23 mars 2017.
[24] CE 3° et 8° ch.-r., 14 février 2018, n° 410302, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3500XDY), RJF, 5/18, n°483 ; conclusions Benoît BOHNERT, BDCF, 5/18, n° C 483 ; inédit au recueil.
[25] CAA Nantes, 19 avril 2018, n° 16NT02041 (N° Lexbase : A3534XQX).
[26] CAA Nancy, 14 juin 2018, n° 16NC01758 (N° Lexbase : A8141XTP).
[27] CAA Nantes, 19 avril 2018, n° 16NT02756 (N° Lexbase : A1978XQC).
[28] CE 3° et 8° ch.-r., 21 janvier 2016, n° 388676, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5775N4N), RJF, 4/16, n°331 et n° 388989 (N° Lexbase : A5776N4P), RJF, 4/16, n° 332.
[29] CE 3° et 8° ch.-r., 21 janvier 2016, n° 388676 préc..
[30] CE 3° et 8° ch.-r., 21 janvier 2016, n° 388989 préc..
[31] Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, art. 13 (N° Lexbase : L6715IUA).
[32] Voir en ce sens Grégoire Duchange, «Taxe sur les salaires et rémunération des mandataires sociaux : les travaux parlementaires priment sur la lettre du texte», JCP E, n° 16, 21 avril 2016, n° 1249 ; Jérôme Cuber, «Inclusion dans l’assiette de la taxe sur les salaires des rémunérations versées aux dirigeants : le débat est-il vraiment clos ?», Dr. Fisc., n° 11, 17 mars 2016, n° 223. Notamment, la révision de l’article 231 du Code général des impôts a transformé l’expression «rémunérations» par celle de «rémunérations versées aux salariés», ce qui pouvait laisser penser que seuls les revenus des salariés au sens du droit du travail pouvaient désormais être imposés au titre de la taxe sur les salaires.
[33] CAA Lyon, 26 avril 2018, n° 18LY00443 (N° Lexbase : A3156XMT).
[34] CAA Versailles, 2 mai 2018, n° 17VE01291 (N° Lexbase : A1975XM4).
[35] CAA Nancy, 14 juin 2018, n° 16NC01758 (N° Lexbase : A8141XTP).
[36] CAA Versailles, 2 mai 2018, n° 17VE00636 (N° Lexbase : A1970XMW) ; CAA Versailles, 2 mai 2018, n° 17VE01361 (N° Lexbase : A1976XM7).
[37] CAA Versailles, 2 mai 2018, n° 17VE00607 (N° Lexbase : A1968XMT) ; CAA Versailles, 2 mai 2018, n° 17VE00609 (N° Lexbase : A1969XMU).
[38] Sur la prise en compte des parts détenus par une société dont le gérant à le contrôle, voir CE, 8 juillet 1963, n° 56813.
[39] CAA Nantes, 19 avril 2018, n° 16NT02756 (N° Lexbase : A1978XQC).
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Réf. : Cons. const., décision n° 2018-729 QPC du 7 septembre 2018 (N° Lexbase : A4477X39)
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N5374BXC
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par Charlotte Moronval
Le 12 Septembre 2018
► Sont conformes à la Constitution, les mots «alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l’article L. 1235-10 (N° Lexbase : L0726IX8)» figurant au premier alinéa de l’article L. 1235-11 du Code du travail (N° Lexbase : L0725IX7) et le second alinéa du même article, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi (N° Lexbase : L0394IXU).
Telle est la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 7 septembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-729 QPC du 7 septembre 2018 N° Lexbase : A4477X39).
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 juin 2018 par la Cour de cassation (Cass. soc., 7 juin 2018, n° 18-40.008, FS-D N° Lexbase : A7277XQL) d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution de l'article L. 1235-11 du Code du travail qui détermine les mesures que peut prendre le juge judiciaire pour tirer les conséquences d’irrégularités entachant les licenciements économiques d’au moins dix salariés dans une entreprise en comptant au moins cinquante, dans une même période de trente jours.
La société requérante soutenait :
En énonçant la solution susvisée, le Conseil constitutionnel écarte cette argumentation. En effet, selon lui, il résulte des travaux préparatoires de la loi du 14 juin 2013 que le législateur a entendu attacher les mêmes conséquences au défaut de respect des dispositions relatives au plan de sauvegarde de l'emploi prévues à l'article L. 1235-10, tant en cas de nullité du licenciement au sens du premier alinéa de cet article qu'en cas de nullité de la procédure de licenciement au sens de son deuxième alinéa. Les mesures prescrites à l'article L. 1235-11 s'appliquent ainsi dans ces deux hypothèses.
Par ailleurs, l’indemnité versée au salarié lorsque celui-ci ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque sa réintégration dans l'entreprise est impossible constitue une réparation par équivalent lorsqu'une réparation en nature n'est pas possible ou qu'elle n'est pas demandée par le salarié. Dès lors, cette indemnité, qui vise à assurer une réparation minimale du préjudice subi par le salarié du fait de la nullité de son licenciement économique, ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition.
Enfin, les dispositions contestées du second alinéa de l'article L. 1235-11 du Code du travail prévoient les mêmes conséquences indemnitaires dans les deux cas de nullité définis à l'article L. 1235-10. Le législateur n'a ainsi institué aucune différence de traitement (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E9344ESU).
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Réf. : Cass. crim., 5 septembre 2018, n° 17-84.402, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A3708X3Q)
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N5368BX4
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par June Perot
Le 12 Septembre 2018
► La cour d’appel qui constate que le prévenu, en raison d’une maladie qui s’est déclarée postérieurement aux faits, est dans l’impossibilité absolue et définitive d’assurer sa défense, est tenue de surseoir à statuer et non de relaxer l’intéressé pour un motif non prévu par la loi. Telle est la solution d’un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 5 septembre 2018 (Cass. crim., 5 septembre 2018, n° 17-84.402, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A3708X3Q ; v. aussi : Cass. crim., 11 juillet 2007, n° 07-83.056, F-P+F N° Lexbase : A4631DXS).
Dans cette affaire, un homme avait été poursuivi du chef de viols et agressions sexuelles commis sur plusieurs victimes. Une information judiciaire avait été ouverte. L’intéressé, après requalification partielle, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d’agressions sexuelles. Postérieurement, son état de santé s’est dégradé, le rendant totalement incapable de communiquer avec un tiers. Il a été placé sous tutelle puis, le tribunal correctionnel, après avoir ordonné une expertise médicale, a conclu qu’il présentait des atteintes irréversibles à ses capacités intellectuelles, ne lui permettant pas de comparaître devant une juridiction pénale. Le tribunal a alors déclaré se trouver dans l’incapacité de décider de la culpabilité éventuelle du mis en cause et des demandes présentées par les parties civiles et ne pouvoir surseoir à statuer. Le ministère public et certaines parties civiles ont relevé appel de cette décision.
En cause d’appel, pour annuler le jugement, évoquer et relaxer l’intéressé, l’arrêt, après avoir relevé que le juge ne pouvait refuser de trancher un litige qui lui était soumis au motif du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, a retenu qu’il résultait des dispositions combinées de l’article préliminaire du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6580IXY) et de l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR) que, lorsque l’altération des facultés mentales d’une personne mise en examen est telle que celle-ci se trouve dans l’impossibilité absolue d’assurer effectivement sa défense, il doit être sursis à statuer en attendant qu’elle retrouve ses capacités. En l’espèce et en l’état des données actuelles de la science, il apparaît que le prévenu est atteint d’une maladie le privant de façon irréversible et définitive de ses capacités intellectuelles, de sorte que dans une telle situation, la mise en suspens de l’action publique n’apparaissait pas justifiée et paralysait l’action des parties civiles.
Les juges ont ajouté qu’il était de principe que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’est pas établie et qu’en conséquence, il y avait lieu de renvoyer le prévenu des fins de la poursuite en raison de son impossibilité absolue, définitive et objectivement constatée d’assurer sa défense devant la juridiction de jugement.
Enonçant la solution susvisée, la Cour régulatrice censure l’arrêt. Elle énonce, dans son attendu de principe : «qu’il ne peut être statué sur la culpabilité d’une personne que l’altération de ses facultés physiques ou psychiques met dans l’impossibilité de se défendre personnellement contre l’accusation dont elle fait l’objet, fut-ce en présence de son tuteur et assistée d’un avocat ; qu’en l’absence de l’acquisition de la prescription de l’action publique ou de disposition légale lui permettant de statuer sur les intérêts civils, la juridiction pénale, qui ne peut interrompre le cours de la justice, est tenue de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure et ne peut la juger qu’après avoir constaté que l’accusé ou le prévenu a recouvré la capacité à se défendre» (cf. l’Ouvrage «Droit pénal général» N° Lexbase : E1551GAP).
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Réf. : Cass. civ. 2, 6 septembre 2018, n° 17-19.657, F-P+B+I (N° Lexbase : A4478X3A)
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N5379BXI
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par Aziber Seïd Algadi
Le 12 Septembre 2018
► En application de l’article 954 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7253LED), les conclusions d’appel doivent formuler expressément les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée ; il en résulte que l’argumentation, figurant dans les conclusions d’appel et invoquée à l’appui du moyen, à laquelle la cour d’appel aurait omis de répondre, n’ayant pas été expressément formulée à l’appui de leur prétention au rejet de la demande de dommages-intérêts dirigée à leur encontre, ne peut être accueillie.
Tel est le principal apport d’un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 6 septembre 2018 (Cass. civ. 2, 6 septembre 2018, n° 17-19.657, F-P+B+I N° Lexbase : A4478X3A ; en ce sens, Cass. civ. 2, 5 décembre 2013, n° 12-23.611, F-P+B N° Lexbase : A8353KQG).
En l’espèce, une association, a voté, le 30 décembre 2007, de nouveaux statuts ainsi qu’une nouvelle composition de son bureau, notamment constitué de trois membres et d’un président du conseil d’administration. Une assemblée générale extraordinaire de l’association ayant approuvé la dissolution du conseil d’administration et la rédaction de nouveaux statuts et ayant élu de nouveaux membres au sein du conseil d’administration, lequel a, le jour-même, décidé la dissolution de l’association, celle-ci, représentée par son président du conseil d’administration, a fait assigner à comparaître devant un tribunal de grande instance les nouveaux membres, afin d’obtenir la nullité des décisions du 5 mai 2011. Ces derniers ont relevé appel du jugement accueillant cette demande.
Ils ont ensuite fait grief à l’arrêt (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 13 décembre 2016, n° 14/12318, Confirmation N° Lexbase : A3147SU4) de confirmer le jugement en ce qu’il les avait condamnés conjointement à payer à l’association la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors que, selon eux, en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la convocation par sept membres du conseil d’administration de l’association de tous les membres de cette association inscrits avant le 7 décembre 1997 pour une assemblée générale extraordinaire du 5 mai 2011 visait à remettre l’association en conformité avec ses statuts et à faire face à l’inertie totale de son président et qu’ainsi leur démarche qui s’inscrivait dans la volonté de donner un nouvel élan à l’association était justifiée et exclusive de tout comportement fautif, la cour d'appel, qui n'aurait pas suffisamment caractérisé l'existence d'une faute à leur encontre, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L1488ABQ)
A tort. Sous l’énoncé du principe sus rappelé, la Cour de cassation rejette le moyen (cf. l’Ouvrage «Procédure civile» N° Lexbase : E5669EYM).
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N5419BXY
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par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la cour
Le 12 Septembre 2018
Droit des marques / Nom patronymique / Dénomination sociale / Nom commercial / Convention de cession du nom patronymique
La nature juridique du nom patronymique est double. A la fois attribut de la personnalité permettant d'identifier un individu dans sa vie civile, il arrive qu'il s'en détache dans le cadre d'une activité commerciale, par exemple lorsque la société prend le nom de son fondateur et se fait dès lors connaître sous cette dénomination. Cette situation ne pose généralement pas de difficulté tant que le titulaire du nom patronymique préside aux destinées de la personne morale. En revanche, les relations tendent à se détériorer lorsque les intérêts en présence divergent finalement en suite de la cession des parts sociales à un tiers ; a fortiori, lorsque le titulaire du nom patrimonial se trouve évincé de la société qui porte désormais son nom.
Telle était précisément la situation de Virginie Taittinger, licenciée sans cause réelle et sérieuse de la société SA Taittinger après avoir cédé ses parts sociales au sein de la société Groupe Taittinger. Le litige qui l'opposait à la cessionnaire portait sur l'étendue des droits ainsi cédés et la possibilité pour Madame Taittinger de poursuivre l'exploitation de son nom à des fins commerciales, notamment au sein de noms de domaine dont les radicaux étaient «VIRGINIETAITTINGER», «VIRGINIE-TAITTINGER» et «VIRGINIE-TAITTINGER-CHAMPAGNE».
L'arrêt rendu le 10 juillet 2018 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation censure la cour d'appel [1] qui avait écarté l'existence d'une atteinte à la marque notoire «TAITTINGER» objet de la cession, ainsi que l'existence d'actes de parasitisme. L'affaire a donc été renvoyée devant la cour d'appel de Paris autrement constituée.
Le Code de la propriété intellectuelle est peu disert s'agissant du régime juridique du "droit au nom" [2]. L'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3710ADR) confirme simplement que les noms patronymiques peuvent constituer des marques [3], tandis que l'article L. 711-4, g) (N° Lexbase : L7857IZZ) dispose que le titulaire d'un nom patronymique peut s'opposer à son enregistrement à titre de marque par un tiers. L'on apprend donc que le nom patronymique et la vie des affaires ne sont pas incompatibles mais que le titulaire du droit au nom conserve alors la maîtrise de son usage.
L'article L. 713-6 [4] du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L7855IZX) est également instructif. Il met en lumière la place à part qu'occupe le nom patronymique au sein du régime juridique des marques. De façon tout à fait exceptionnelle, ce texte aménage en effet une dérogation à l'exclusivité conférée par le droit des marques, autorisant les homonymes de bonne foi à exploiter leur patronyme au sein d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne.
Le titulaire de la marque antérieure se voit ainsi imposer une coexistence, à laquelle il n'a la possibilité de s'opposer qu'en cas d'atteinte à ses droits, c'est-à-dire si le comportement commercial de l'homonyme est à l'origine d'un risque de confusion [5]. Tel est notamment le cas lorsque l'homonyme fait office de prête-nom et qu'il n'exerce aucune fonction effective de contrôle et de direction au sein de la société [6]. Le droit des marques retrouve alors sa primauté naturelle et le titulaire de la marque recouvre la possibilité de demander en justice soit la réglementation [7], soit l'interdiction de cet usage [8]. L'intérêt des consommateurs commande en effet de mettre un terme à une situation de confusion, en restaurant la marque dans sa fonction de garantie d'identité d'origine.
Dans le relatif silence des textes nationaux et communautaires, c'est donc à la jurisprudence qu'incombe la mission de préciser les contours du régime juridique du nom patronyme. Les différentes décisions rendues dans l'affaire «Taittinger» apportent de nouvelles pierres à cet édifice. L'on étudiera tout d'abord le nom patronymique en sa qualité d'attribut de la personnalité, qui le rend indisponible pour un dépôt à titre de marque par un tiers (I). Notre seconde partie sera consacrée à l'analyse du régime juridique du nom patronymique lorsque, s'étant détaché de la personne physique, il est devenu un droit de propriété incorporelle autonome (II).
I - Le nom patronymique : un droit de la personnalité attaché à la personne physique et opposable aux tiers
Dans ses arrêts «Burghartz c. Suisse» du 22 février 1994 et «Guillot c. France» du 24 octobre 1996, la Cour européenne des droits de l'Homme a jugé que «en tant que moyen d'identification personnelle et de rattachement à une famille, le nom d'une personne n'en concerne pas moins la vie privée et familiale de celle-ci» [9]. La protection du nom patronymique en tant qu'un attribut de la personnalité trouve donc son fondement dans les dispositions de l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), de l'article 8 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR) et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lesquels disposent que toute personne a droit au respect de sa vie privée [10].
Le nom patronymique d'une famille est indisponible : chacun de ses membres peut s'opposer à une tentative d'appropriation à titre de marque par un tiers (cf. C. prop. intell., art. L. 711-4 sous g préc.). A cet égard, il est intéressant de relever que, si le «droit au nom» constitue, en principe, une antériorité absolue et est donc détaché de la spécialité, la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel d'avoir débouté l'homme d'affaires italien Gianni Agnelli de son action en usurpation au motif que son nom «était connu dans un domaine étranger à celui de la chaussure» en cause [11] ; à l'inverse, la rareté et la célébrité du patronyme Froment-Meurice ont convaincu la cour d'appel de Paris d'élargir la nullité de la marque à l'ensemble des produits et services visés dans l'acte d'enregistrement litigieux [12].
Il appartient au titulaire du nom patronymique d'établir l'existence d'une «atteinte» effective à son droit de la personnalité. Une telle démonstration requiert la preuve d'un risque de confusion au moment du dépôt, c'est-à-dire que le public puisse croire que le signe a été exploité directement par le titulaire/sa famille ou avec son autorisation. Logiquement, le champ de la protection se trouve ainsi restreint aux seuls noms patronymiques célèbres et/ou rares [13]; à défaut, aucune association n'étant à craindre, le titulaire n'aurait subi aucun préjudice. C'est ainsi que Monsieur Gaouar a été débouté de son action en nullité à l'encontre des dépôts de marque «CAFE GAOUAR», la cour d'appel de Paris ayant relevé que son patronyme n'était pas exploité en France et ne bénéficiait d'aucune notoriété dans la vie civile [14] ; de même, il a été jugé que la marque «COCA-COLA LIGHT SANGO» ne portait pas atteinte au patronyme «Sango» dont la notoriété n'était pas attestée [15].
La démonstration d'une atteinte à la personnalité est naturellement rendue plus difficile en l'absence d'une identité absolue entre le nom patronymique en cause et la marque contestée. Le Docteur Virag, bien que spécialiste dans le traitement de l'impuissance masculine, en a fait l'amère expérience, ayant été débouté de son action à l'encontre de l'enregistrement de marque «VIAGRA» [16].
Les familles historiques, mais également les sportifs, couturiers, cuisiniers et autres artistes sont naturellement plus particulièrement concernés par les dispositions de l'article L. 711-4 sous g [17]. Soit dit en passant, il est intéressant de constater que les secteurs de l'édition, de la mode, de la gastronomie ou encore de l'hôtellerie sont autant de domaines dans lesquels le savoir-faire de la France est unanimement reconnu. La marque «TAITTINGER» se place évidemment dans cette filiation, sa notoriété n'ayant d'ailleurs pas été contestée dans le cadre de la procédure.
II - Le nom patronymique : un droit de propriété incorporelle autonome objet de conventions
Si l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle permet au titulaire du nom patronymique de s'opposer à son dépôt à titre de marque, ce dernier a également la possibilité d'en autoriser l'exploitation et d'en réglementer l'usage (notamment lorsque la personne physique en fait apport à une société dans le cadre de son activité commerciale). Le nom patronymique se détache alors de la personne physique qui le porte et devient un objet de propriété incorporelle à part entière. Plusieurs personnes peuvent désormais revendiquer des droits privatifs sur la même dénomination. Toute la difficulté consiste alors à trouver un équilibre satisfaisant entre des droits et intérêts potentiellement antagonistes : liberté du commerce et de l'industrie contre engagements contractuels.
A - Sur la portée du droit de propriété incorporelle cédé à des tiers
Quelques grands arrêts ont fixé les principales lignes directrices du régime juridique des noms patronymiques. Il n'est pas inutile de les présenter brièvement.
En premier lieu, l'important arrêt «Bordas» rendu le 12 mars 1985 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation a dit pour droit que «le principe de l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité du nom patronymique, qui empêche son titulaire d'en disposer librement pour identifier au même titre une autre personne physique, ne s'oppose pas à la conclusion d'un accord portant sur l'utilisation de ce nom comme dénomination sociale ou nom commercial» [18]. Autrement dit, un nom patronymique peut faire l'objet de conventions dans le commerce [19] : il se détache en effet de la personne physique qui le porte et se mue en objet de propriété incorporelle autonome pour s'appliquer à la personne morale dont il devient le signe de ralliement de la clientèle. Ce transfert est irrévocable [20], la personne physique n'ayant plus la possibilité de s'opposer à l'usage du patronyme par la personne morale [21].
La jurisprudence subséquente s'est alors efforcée de concilier les droits et intérêts antagonistes de la personne physique cédante et de la personne morale cessionnaire. Dans l'affaire «Mazenod» [22], la Cour de cassation a précisé que l'apport du patronyme en tant que nom commercial peut résulter implicitement de la convention de cession qui avait été conclue avec l'éditeur, cette autorisation ayant été souverainement déduite des statuts de la société dans l'affaire Martinez» [23]. Par ailleurs, dans une affaire «Ritz», la Cour de cassation a relevé que la convention conclue en 1912 ne contenait aucune disposition interdisant expressément le dépôt à titre marque du prénom du fondateur accolé au patronyme «Ritz» [24].
Cette approche plutôt libérale a par la suite été nuancée par les juges suprêmes. Il convient en effet de distinguer selon que la notoriété du nom patronymique est liée à la personne de l'associé ou, au contraire, qu'elle résulte principalement de son exploitation par la société à qui il en a été fait apport. Ainsi, dans l'affaire «Ducasse» [25], la Chambre commerciale a censuré la cour d'appel au motif que «le consentement donné par un associé fondateur, dont le nom est notoirement connu, à l'insertion de son patronyme dans la dénomination d'une société exerçant son activité dans le même domaine, ne saurait, sans accord de sa part et en l'absence de renonciation expresse ou tacite à ses droits patrimoniaux, autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner les mêmes produits ou services» [26]. En revanche, la fille d'Emmanuel Martinez a été déboutée de son action en nullité des enregistrements de marque «LE RELAIS LE MARTINEZ» et «HOTEL MARTINEZ», les juges du fond ayant estimé que la renommée du nom patronymique à la date du dépôt des marques résultait exclusivement de l'exploitation qui en avait été faite par la société hôtelière [27].
L'étude de la jurisprudence invite donc à ne pas sous-estimer l'importance de la casuistique. L'interprétation plus ou moins extensive des conventions est directement fonction des faits de l'espèce : s'agissant d'un titulaire célèbre, les accords conclus avec le cessionnaire pourraient être interprétés de façon restrictive, de sorte que seuls les droits expressément visés seraient cédés, le cédant restant pour sa part libre d'exploiter son patronyme (sous réserve d'un risque de confusion) [28] ; à l'inverse, une interprétation plus «bienveillante» pourra être suivie au bénéfice du cessionnaire qui aura directement contribué à la notoriété du nom patronymique. Cette balance des intérêts en présence relève in fine du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond [29].
En définitive, le moyen le plus efficace de limiter l'aléa juridique reste d'apporter un soin particulier à la rédaction du contrat de cession du nom patronymique. Le cédant conserve en effet la possibilité d'y insérer, le cas échéant, des clauses résolutoires (engagement de ne «pas avilir la réputation [du] nom [patronymique] par une déconfiture» [30] ; clause de perte de contrôle, etc.), une clause de non-concurrence, une clause de durée ou encore d'exiger un droit de regard. Le cédant, soucieux de conserver une maîtrise au moins relative sur le droit de propriété incorporelle autonome à la constitution duquel il a participé, aura donc intérêt à réglementer précisément la portée des droits cédés, mais également à organiser les conditions dans lesquelles il sera autorisé à poursuivre l'usage de son nom.
C'est en tout cas ce qu'avaient fait les parties dans l'affaire «Taittinger», le contrat de cession des parts sociales comportant un engagement de la famille Taittinger de ne plus exploiter leur patronyme dans la vie des affaires pour des activités concurrentes, ainsi qu'une clause de non-concurrence. Virginie Taittinger contestait toutefois la validité et l'opposabilité d'un tel engagement sur le fondement notamment du mandat (trop) général consenti au profit de son père.
B - Sur l'incidence de la cession sur le droit de la personnalité
La convention de cession du nom patronymique doit naturellement se conformer aux règles générales du droit des obligations. Parmi celles-ci figure l'obligation pour le cédant de s'abstenir de tout comportement qui viendrait troubler la jouissance paisible du fonds acquis par le cessionnaire. C'est en ce sens que s'est prononcé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 1er juillet 2016, jugeant que la clause de la convention stipulant que la famille Taittinger s'engageait irrévocablement à ne pas, «dans quelque partie du monde que ce soit, directement ou indirectement, faire quelque usage du nom Taittinger que ce soit à titre de marque de commerce ou de service, de nom commercial, de nom de domaine ou autre, pour désigner et/ou promouvoir tout produit ou service en concurrence avec tout ou partie de l'Activité et/ou avec tout ou partie des produits ou services dérivant des opérations de l'Activité» était une clause de garantie d'éviction du fait personnel du vendeur limitée à cet effet et soumise en tant que telle aux dispositions des articles 1603 (N° Lexbase : L1703ABP) et 1625 (N° Lexbase : L1027ABN) du Code civil. Les conseillers parisiens ont alors insisté sur le fait qu'il s'agissait d'une des obligations principales du cédant, pour cette raison parfaitement opposable Madame Taittinger. Librement souscrit, cet engagement ne portait pas atteinte à sa liberté individuelle [31].
La solution ainsi retenue était parfaitement en phase avec la jurisprudence «Inès de La Fressange» [32], le célèbre mannequin ayant été jugée irrecevable à contester en justice la validité (pour déchéance) des droits de marque cédés à une tierce société, au motif qu'une telle action se heurte à la garantie d'éviction qui est due à l'acquéreur en vertu des dispositions de l'article 1628 du Code civil (N° Lexbase : L1730ABP) [33].
A noter que la question que soulevait le mannequin présentait pourtant un intérêt réel, la cour d'appel de Paris (finalement censurée par la Chambre commerciale) ayant jugé que «la marque constituée d'un nom patronymique, d'un prénom ou de la combinaison des deux ayant acquis une notoriété telle qu'ils deviennent un signe évocateur et indicateur pour le consommateur, ce dernier lie d'évidence dans son esprit le produit marqué à la personne dont l'identité est déclinée à titre de marque» [34]. A suivre cet arrêt, toute marque exploitée par une société au sein de laquelle le titulaire du patronyme célèbre n'exercerait plus aucune fonction de contrôle, pour cause de cession ou d'éviction, serait donc susceptible d'être annulée pour déceptivité, faute de remplir la fonction d'«instrument loyal d'information du consommateur» [35].
Cette solution pouvait sembler bien rigoureuse pour les cessionnaires dont les droits se trouveraient de facto soumis à la condition résolutoire de maintenir de bonnes relations avec les cédants et… leurs ayants-droit. L'arrêt de censure rendu le 31 janvier 2006 par la Cour de cassation y a mis bon ordre. En toute hypothèse, la CJUE [36] a tranché le débat dans un sens favorable aux cessionnaires en écartant le risque de tromperie s'agissant de la marque de mode "ELIZABETH EMANUEL" au motif qu’«une marque correspondant au nom du créateur et premier fabricant des produits portant cette marque ne peut, en raison de cette seule particularité, être refusée à l’enregistrement au motif qu’elle induirait le public en erreur […] notamment quand la clientèle attachée à ladite marque, précédemment enregistrée sous une forme graphique différente, a été cédée avec l’entreprise fabriquant les produits qui en sont revêtus». En effet, quand bien même un consommateur moyen pourrait être influencé dans son acte d’achat d’un vêtement portant cette marque en imaginant que la créatrice a participé à la création de ce vêtement, les caractéristiques et les qualités dudit vêtement restent garanties par l’entreprise titulaire de la marque : la marque continue donc à remplir sa fonction, y compris après le départ de la créatrice, au plus grand soulagement des cessionnaires de noms patronymiques. La Cour laisse en revanche ouverte la voie à une action en responsabilité civile pour voir sanctionner les conditions de l'exploitation de la marque, notamment d'éventuelles manœuvres pour faire croire que la créatrice exercerait toujours au sein de la société.
La dualité intrinsèque du nom patronymique explique la difficulté de définir précisément les contours du comportement attendu de la personne physique cédante. Tout l'objet de l'affaire «Taittinger» consistait à déterminer si la cession pouvait emporter renonciation totale à exploiter le nom patronymique dans la vie des affaires, ce à quoi le tribunal avait répondu par la négative [37].
Le droit au nom étant un attribut de la personnalité, il ne fait pas de doute que le titulaire du nom patronymique ne s'en trouve pas totalement dessaisi du fait de la cession. Ainsi, sauf clause de non-concurrence expressément stipulée et en l'absence de détournement de clientèle, il devrait rester libre d'exercer toute activité, y compris concurrente, sous un autre signe distinctif [38]. En revanche, le titulaire du nom patronymique aura interdiction d'en faire usage dans la dénomination sociale ou le nom commercial d'une nouvelle société qu'il serait amené à créer dans un domaine d'activité concurrent à celui du cessionnaire ; tout risque de confusion serait alors jugé fautif [39]. Ainsi, pour sanctionner la société dont le gérant avait cédé ses droits patronymiques à une autre société, la cour d'appel de Paris a eu l'occasion de relever que «la mention du nom du gérant sur son site internet et dans sa communication, selon une disposition et un graphisme intégrant ostensiblement celui-ci à sa dénomination sociale et à son enseigne commerciale ne répondait à aucune nécessité technique ou commerciale avérée» [40]. Est également fautif le titulaire du nom patronymique qui, bien que n'exploitant pas en son nom personnel la nouvelle société qu'il vient de créer, appose son nom sur les documents publicitaires [41].
La jurisprudence nous rappelle à l'inverse que le droit à la paternité dont jouissent les auteurs peut leur permettre, sous certaines conditions, d'apposer la mention «création de [nom patronymique]» sur leurs créations et ce, quand bien même une tierce société serait titulaire de droits de marque sur leur nom patronymique [42]. En effet, c'est à la personnalité créatrice qu'il est alors fait référence, plus qu'à l'acteur économique.
Dans l'affaire «Taittinger», le tribunal de grande instance tout comme la cour d'appel ont écarté l'existence d'une atteinte à la marque de renommée "TAITTINGER". Les premiers juges ont en effet souligné que, «au regard de ses compétences professionnelles, exclusivement développées au sein de l'entreprise familiale pour assurer la promotion de son champagne», il était logique que Virginie Taittinger assure sa reconversion dans le domaine du champagne ; dès lors, «sauf à la priver de la possibilité d'user de son nom de famille et d'exercer une activité dans le seul domaine qu'elle connaît», aucune mauvaise foi ne pouvait lui être imputée, à plus forte raison dès lors qu'elle utilisait systématiquement ensemble son nom de famille et son prénom pour identifier les produits commercialisés par sa nouvelle société [43]. Par ailleurs, les juges du fond avaient manifestement été sensibles au licenciement sans cause réelle ni sérieuse dont Virginie Taittinger avait fait l'objet après la cession de ses parts. En cause d'appel, la cour a certes admis l'existence d'un lien entre la marque «TAITTINGER» et les usages réalisés mais a écarté toute atteinte sur le fondement des dispositions de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, après avoir jugé que Virginie Taittinger n'avait tiré indûment aucun profit de la renommée de la marque ni n'avait porté préjudice à sa valeur distinctive ou à sa renommée «en rappelant son origine familiale, que son nom suffit à identifier […], son parcours professionnel ou encore son expérience passée, même agrémentés de photographies».
Ce raisonnement a été censuré par la Chambre commerciale au motif que «l'existence éventuelle d'un juste motif à l'usage du signe n'entre pas en compte dans l'appréciation du profit indûment tiré de la renommée la marque mais doit être appréciée séparément, une fois l'atteinte caractérisée». En d'autres termes, l'origine familiale du nom patronymique n'a pas à être prise en considération pour apprécier l'existence d'une atteinte, dont les conditions sont fixées à l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle. En revanche, elle peut éventuellement constituer une cause exonératoire de l'atteinte portée à la marque notoire.
Pour finir, la Cour de cassation a également censuré l'arrêt d'appel qui, pour écarter l'existence d'actes de parasitisme, avait retenu qu'il n'avait pas été démontré en quoi l'adoption d'une dénomination sociale et d'un nom commercial en tant que telle traduirait à eux seuls les efforts et les investissements de la société. Après avoir rappelé que le parasitisme [44] consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis, l'arrêt du 10 juillet 2018 reproche à la cour d'appel [45] de ne pas avoir pris en considération le prestige et la notoriété acquise, non contestés, de la dénomination sociale et de nom commercial de la société Taittinger. Si les juges du fond s'étaient donc montrés sensibles à la situation personnelle de Madame Taittinger, la Chambre commerciale de la Cour cassation s'est chargée de leur rappeler que celle-ci ne les dispensait pas d'appliquer les règles de droit.
[1] CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 1er juillet 2016, n° 15/07856 (N° Lexbase : A0536RWR) ; TGI Paris, 3ème ch., 12 février 2015, n° 14/07309 (N° Lexbase : A1973NDG).
[2] Expression employée par la Directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 à l'article 5.4 sous b (N° Lexbase : L6109KW8) et le Règlement n° 2017/1001 à l'article 60.2 sous b (N° Lexbase : L0640LGS).
[3] Possibilité instaurée par la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964, sur les marques de fabrique, de commerce ou de service (N° Lexbase : L5324DSY).
[4] L'article 14 de la Directive 2015/2436 prévoit qu'une «marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires […] de son nom ou de son adresse, lorsque ce tiers est une personne physique».
[5] Affaire «Leclerc», Cass. com., 15 novembre 1994, n° 92-21.560 (N° Lexbase : A8504CT7) : «s'il est vrai que l'utilisation de ses nom et prénom, à des fins publicitaires est ouverte à tout commerçant, faut-il encore que ce droit s'exerce de façon loyale sans entraîner dans l'esprit des clients une confusion avec d'autres entreprises».
[6] Affaire «Henriot», Cass. com., 21 juin 2011, n° 10-23.262, FS-P+B (N° Lexbase : A5158HUL) ; cf. également affaire «Grüss», CA Paris, 4 juillet 2001, n° 2001/02980 (la qualité d'associée majoritaire a été jugée insuffisante, la cour relevant que la gérance de la société n'était pas assurée par Christiane Grüss elle-même).
[7] Le plus souvent, par adjonction d'un prénom ; la Cour de cassation veille à ce que le champ d'application de la mesure d'interdiction d'usage du nom patronymique soit délimité (Affaire «Coquart, Cass. com., 13 novembre 2013, n° 12-26.439, F-D N° Lexbase : A6227KPC).
[8] Pour un exemple : affaire «Lapidus», Cass. com., 2 mai 1984,n° 82-14.090, publié N° Lexbase : A0249AAH)
[9] Cf. également, CJUE, 12 mai 2011, aff. C-391/09, Point 66 (N° Lexbase : A7663HQU).
[10] En ce sens, affaire «Froment-Meurice», CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 1er décembre 2015, n° 14/18043 (N° Lexbase : A2538NYN).
[11] Cass. com., 9 février 1993, n° 91-12.451, publié (N° Lexbase : A5587ABK).
[12] Affaire «Froment-Meurice, CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 1er décembre 2015, préc..
[13] En ce sens, affaire «Froment-Meurice, CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 1er décembre 2015, préc...
[14] CA Paris, 4ème ch., sect. A, 1er mars 2006, n° 05/02210 (N° Lexbase : A5496DPA).
[15] Affaire Sango», Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-14.525, F-P+B+I (N° Lexbase : A9960KBI).
[16] CA Paris, 4ème ch., sect. B, 15 décembre 2000, n° 1999/04513 (N° Lexbase : A6449DGX).
[17] Les noms célèbres égrenés dans le cadre du présent commentaire achèvent d'en convaincre.
[18] Cass. com., 12 mars 1985, n° 84-17.163 ; cf. également, affaire «Naudet», CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 17 mai 2016, n° 15/04820 (N° Lexbase : A4054RPT).
[19] Cette solution est somme toute cohérente avec la possibilité reconnue par la Loi d'enregistrer un nom patronymique à titre de marque.
[20] Affaire «Petit», Cass. com., 12 juin 2007, n° 06-12.244, FS-P+B (N° Lexbase : A7896DWD). L'arrêt Cass. com., 8 février 2017, n° 14-28.232, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4746TBE)) semble toutefois avoir remis en question cette solution, au motif que «le contrat à exécution successive dans lequel aucun terme n'est prévu n'est pas nul mais constitue une convention à durée indéterminée que chaque partie peut résilier unilatéralement, à condition de respecter un juste préavis».
[21] Sauf convention ou clause statutaire contraire stipulant des conditions et réserves expresses ; cf. CA Bordeaux, 18 décembre 2006, n° 05/05292 (N° Lexbase : A4250D48).
[22] Cass. com., 27 février 1990, n° 88-19.194, publié (N° Lexbase : A7844AGM) ; dans le même sens, affaire «Petrossian», Cass. com. 13 juin 1995, n° 93-14.785, inédit (N° Lexbase : A9940ATC) ; affaire «Naudet», CA Paris, 17 mai 2016 préc..
[23] Affaire «Martinez», Cass. com., 29 janvier 2008, n° 05-20.195, F-D (N° Lexbase : A5982D4C).
[24] Affaire «Ritz», Cass. com., 29 septembre 2009, n° 07-20.440, FS-D (N° Lexbase : A5778ELL).
[25] Affaire «Ducasse», Cass. com., 6 mai 2003, n° 00-18.192, FS-P+B+I, (N° Lexbase : A7885BST) ; dans le même sens, affaire «Froment-Meurice», CA Paris, 1er décembre 2015, préc., CA Bordeaux, 18 décembre 2006, préc..
[26] Reprenant la même formule, affaire «Beau» : Cass. com., 24 juin 2008, n° 07-10.756, FP-P+B (N° Lexbase : A3626D98).
[27] Affaire «Martinez», Cass. com., 29 janvier 2008, préc. ; dans le même sens, affaire «Naudet», CA Paris, 17 mai 2016, préc. (la cour relève la rareté relative du nom «Naudet» et souligne le fait qu'il a acquis sa notoriété avec l'entreprise) ; de même, affaire «Danet», CA Rennes, 23 mars 2010, n° 09/01645 (N° Lexbase : A9900ETT considérant que «le libre usage industriel et commercial du nom patronymique des cédants englobait de toute évidence son enregistrement à titre de marque» et relevant par ailleurs que le nom Danet n'était pas notoirement connue et que «sa relative et locale notoriété ne résultait au demeurant que l'activité de la société Danet elle-même»).
[28] Le consentement donné à l'insertion du nom de famille dans la dénomination sociale ne vaut donc pas autorisation de dépôt de ce patronyme à titre de marque, tout comme le dépôt du patronyme au sein d'un signe complexe ne vaut pas autorisation de dépôt de ce nom sous une autre forme complexe : affaire «Poyferre, Cass. com., 13 novembre 2013, n° 12-26.530, F-D (N° Lexbase : A6098KPK).
[29] Cf. notamment affaire «Martinez», Cass. com., 29 janvier 2008, préc..
[30] Affaire «Danet», CA Rennes, 23 mars 2010, préc..
[31] CA Paris, 1er juillet 2016, préc..
[32] Affaire «De La Fressange», Cass. com. 31 janvier 2006, n° 05-10.116, FS-P+B (N° Lexbase : A6623DMA) ; dans le même sens, affaire «Picard», CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 9 avril 2014, n° 12/18387 (N° Lexbase : A7980MIE).
[33] «Quoiqu'il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu de celle qui résulte d'un fait qui lui est personnel : toute convention contraire est nulle».
[34] CA Paris, 4ème ch., sect. A, 15 décembre 2004, n° 04/20120 (N° Lexbase : A9529DEN, infirmé par Cass. com., 31 janvier 2006, préc.).
[35] Sur la question de la déceptivité, le public pouvant croire à l'existence éventuelle d'un lien entre différents vins : Cass. com., 13 novembre 2013, n° 12-26.530, F-D (N° Lexbase : A6098KPK).
[36] CJUE, 30 mars 2006, aff. C-259/04, Points 47 à 50 (N° Lexbase : A8303DNT) ; dans le même sens, TPIUE, 14 mai 2009, aff. T-165/06, Point 33 (N° Lexbase : A0852EHZ) ; cf. affaire «Picard», CA Paris, 9 avril 2014, préc. ayant écarté toute pratique commerciale déloyale au visa de l'ancien article L. 121-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7808IZ9 ; cf. C. consom., art. L. 121-2, nouv. N° Lexbase : L1706K7C et s.).
[37] TGI Paris, 12 février 2015, préc. : «comme tout individu à l'endroit de son nom de famille qui constitue un élément essentiel de sa personnalité [le cédant] a par principe le droit de faire usage du nom [patronymique] en toute occasion, y compris dans le cadre de ses activités commerciales ou son droit n'est limité que si son exercice génère une atteinte un droit antérieur."
[38] En ce sens, affaire «Ducros», Cass. com., 21 janvier 1997, n° 94-15.207 (N° Lexbase : A1512ACY).
[39] Affaire «Leclerc», Cass. com., 15 novembre 1994, préc..
[40] Affaire «Danet», CA Rennes, 23 mars 2010, préc..
[41] Cass. com., 12 février 2002, n° 00-11.602, publié (N° Lexbase : A0039AY4).
[42] Affaire «Lapidus», TGI Paris, 29 juin 2005, n° 04/13062 (N° Lexbase : A6620DQA). En sens contraire, affaire «Lacroix», CA Paris, Pôle 5, 2èeme ch., 10 octobre 2014, n° 14/01577 (N° Lexbase : A5880MYG).
[43] Le tribunal en concluait : «s'il est certain que le nom de famille Taittinger est un atout de lancement de son champagne et la dispense en partie des investissements incombant à un concurrent inconnu, cet avantage trouve sa cause exclusive dans sa naissance et ses activités passées et non dans la captation de la renommée de la marque TAITTINGER ou des investissements opérés pour la valoriser».
[44] Selon une formule désormais bien établie, cf. Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-19.373, F-D (N° Lexbase : A8726INI).
[45] Il est intéressant de relever que le tribunal avait, pour sa part, retenu une définition plus restrictive du parasitisme consistant dans le fait «pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel».
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Réf. : Règlement n° 2018/1212 de la Commission du 3 septembre 2018, fixant des exigences minimales pour la mise en oeuvre des dispositions de la Directive 2007/36 en ce qui concerne l'identification des actionnaires (N° Lexbase : L8076LLP)
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par Vincent Téchené
Le 13 Septembre 2018
La Directive 2007/36 du 11 juillet 2007 (N° Lexbase : L9363HX3) donne le droit aux sociétés cotées d'identifier leurs actionnaires et impose aux intermédiaires de coopérer à ce processus d'identification. Elle vise également à améliorer la communication des sociétés cotées avec leurs actionnaires, en particulier la transmission d'informations tout au long de la chaîne d'intermédiaires, et exige des intermédiaires qu'ils facilitent l'exercice des droits des actionnaires. Ces droits comprennent le droit de participer aux assemblées générales et d'y voter, et des droits financiers tels que le droit de recevoir les distributions de bénéfices ou de participer à d'autres événements d'entreprise engagés par l'émetteur ou un tiers.
Un Règlement d’exécution de la Commission européenne, publié au JOUE du 4 septembre 2018 (Règlement n° 2018/1212 de la Commission du 3 septembre 2018, fixant des exigences minimales pour la mise en oeuvre des dispositions de la Directive 2007/36 en ce qui concerne l'identification des actionnaires N° Lexbase : L8076LLP), fixe des exigences minimales pour la mise en œuvre des dispositions de la Directive. Il vise à prévenir les divergences dans la mise en œuvre de ses dispositions, qui pourraient mener à l'adoption de normes nationales incompatibles et, partant, augmenter les risques et les coûts des opérations transfrontières et compromettre ainsi leur efficacité et leur efficience et entraîner des charges supplémentaires pour les intermédiaires.
Le Règlement établit des exigences minimales en ce qui concerne la demande de divulgation des informations relatives aux actionnaires et la réponse à transmettre, ainsi que les types et formats d'informations dans la convocation normalisée aux assemblées à transmettre, le cas échéant, aux actionnaires tout au long de la chaîne des intermédiaires.
Il fixe, par ailleurs, les informations minimales à faire figurer dans les différentes confirmations, dont la confirmation de réception des votes ainsi que la confirmation de leur enregistrement et de leur prise en compte.
Il définit également les délais à respecter lors de la transmission d'informations sur les événements d'entreprise et les décisions des actionnaires.
Le Règlement est applicable à partir du 3 septembre 2020.
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Réf. : Arrêté du 27 août 2018, n° NOR : CPAD1820014A (N° Lexbase : L9616LLQ)
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par Marie-Claire Sgarra
Le 12 Septembre 2018
Un arrêté du 27 août 2018, n° NOR : CPAD1820014A (N° Lexbase : L9616LLQ), publié au Journal officiel du 7 septembre 2018, modifie l’arrêté du 8 juin 1993, pris pour l'application de l'exonération de la taxe intérieure de consommation prévue par l'article 265 bis-1 du Code des douanes (N° Lexbase : L9315LHH) pour les produits pétroliers destinés à être utilisés autrement que comme carburant ou combustible et fixant les mesures auxquelles doivent se conformer, pour les besoins du contrôle fiscal, les fournisseurs, les distributeurs et utilisateurs de ces produits.
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