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par Fabien Girard, Directeur de la publication
Le 06 Septembre 2018
Dans la lignée de mon plaidoyer pour de nouveaux formats en matière juridique, où je faisais la promotion, il y a peu, des infographies Lexbase et de Lexradio, la première webradio du droit en France, je suis persuadé que ce qui manque à l’édition juridique, non seulement pour que le droit soit intelligible par tous ceux qui s’y intéressent car le droit innerve toute la société et chacun veut comprendre son environnement sans faire l’impasse sur ses aspects juridiques fondamentaux… sans que cela soit trop professoral et trop technique ; mais aussi ce qui manque aux réseaux sociaux qui peinent, comme Facebook, à convaincre de la fiabilité des informations partagées et à rassembler l’exhaustivité et la régularité de l’information juridique : ce sont de nouveaux formats originaux d’information juridique.
La bande dessinée est de ceux-ci.
Pour Serge Tisseron, la BD trouve sa place, non pas simplement comme une nouvelle forme de discours à la mode où trouverait à s'articuler un savoir ancien, mais comme un instrument privilégié permettant de réintroduire dans la pédagogie l'invitation faite à chacun d'explorer ses propres sentiers.
Et de conclure dans son article consacré à La bande dessinée peut-elle être pédagogique ? : le problème posé sur la place publique ne sera plus « pour ou contre la BD pédagogique », mais « quelle BD, pour quelle pédagogie ? ».
Alors, comme j’ai pu déjà le dire, lorsque l’on m’a demandé d’intervenir lors d’une conférence sur l’égalité femme-homme à l’Université de Rouen en 2016, c’est affalé dans un canapé en vieux cuir de l'âge canonique de ces albums d'Astérix qui se présentaient devant moi qu’après un éditorial sur les vessies, les lanternes, l'illusion et la manipulation documentaire, Astérix et le devin me paraissait des plus opportuns pour entamer ma quête de quiétude. A priori, pas de raison d'être happé par l'actualité juridique estivale, souvent riche de la précipitation avec laquelle nos Parlementaires souhaitent clore nombre de débats, avides de faire un break, il est vrai de plus en plus raccourci par des sessions qui n'ont plus d'extraordinaires que le nom. Bref, tout se passait pour le mieux : je retrouvais le trait réaliste d'Uderzo et les bons mots des bulles du conteur Goscinny, quand, "patatras" -le droit se nichant en tout et partout-, je vis pour la première fois, dans la série, les femmes boire de la fameuse potion magique qui rendait les hommes du village si "supérieurs". On est en 1972, juste après la libéralisation de mai 68, et 10 ans après ses premiers pas, l'égalité homme-femme faisait son entrée dans Astérix, au même titre que l'ensemble des autres libertés fondamentales qui jalonneront la série : d'aucuns n'estiment-ils pas que "La France des Lumières est tout entière dans Astérix" comme l'écrivait Nicolas Rouvière, Maître de conférences en littérature française et didactique de la littérature. Certes, les hommes, à l'image d'Ordralfabetix, s'offusquent d'une telle égalité, maugréant clairement être "contre l'égalité de la femme et de l'homme" ; mais Bonemine cloue aussitôt le bec du poissonnier en l'envoyant au tapis d'une seule baffe.
La méthode est expéditive, mais le ton est trouvé et le message passe bien : désormais la place des femmes dans le village ira croissante jusqu'à l'apogée féministe dans La rose et le glaive, en 1991, album dans lequel les femmes prennent le savoir et le pouvoir, dans lequel les hommes quittent le village et les centuries romaines sont, elles-mêmes, des cohortes féminines.
En relisant Astérix, sous le prisme de cette égalité, on perçoit, dès lors, toute la richesse des planches d'Uderzo et le talent mythologue de Goscinny. Que penser du couple d'Agecanonix, par exemple ? Un vieux monsieur marié à une fabuleuse jeune femme : cliché sexiste absolu, s'il en est ? Ou plus subtilement le choix réfléchi de cette femme, sans nom -comme pour se confondre avec l'identité de toute les femmes-, qui porte la culotte et qui clairement ne désire pas d'enfant ? Tout l'esprit avant-gardiste des Gaulois, et plus singulièrement la liberté des femmes à disposer de leurs corps ici, sont finement repris au sein de la série.
C’est pourquoi, les aventures d'"Astérix" doivent être lues et relues par nos petites têtes blondes ou brunes, comme vecteur d'acculturation des droits fondamentaux pour que l'obscurantisme des camps de Babaorum, Aquarium, Laudanum et Petibonum demeure bien à distance.
Dès lors, l’idée de passer en revue chaque album de la série pour y déceler les aspérités juridiques m’a semblé intéressante.
Alors, soyons honnête sur le sujet : 30 % des aventures ne recèlent aucune référence explicite ou latente à un quelconque point de droit, si l’on excepte le fait que tout rapport social est le fruit d’un rapport juridique, et que tout pourrait être droit dans les aventures d’Astérix, de ce simple fait (Le tour de Gaule d’Astérix ; Astérix chez les bretons ; Astérix et les normands ; Astérix légionnaire, Le bouclier Arverne, Astérix en Hispanie, La zizanie, L’odyssée d’Astérix, Astérix chez Rahazade, La rentrée Gauloise, Le ciel lui tombe sur la tête, L’album anniversaire).
Mais, la majorité d’entre elles recèle bien, à grand trait, une vision, parfois un fantasme, des rapports juridiques au sein du village, comme avec les Romains ou ces peuples si exotiques que les héros rencontrent au cours de leurs péripéties.
Alors, certains domaines du droit sont plus à l’honneur que d’autres : le droit public et notamment la gouvernance, la commande publique et le droit de l’urbanisme sont plusieurs fois évoqués et dans divers albums (Astérix en Corse, Le grand fossé, Le cadeau de César ou encore le Domaine des Dieux). Il en va également ainsi du droit fiscal et du consentement à l’impôt (Astérix et le chaudron, Astérix chez les Helvètes, Astérix en Corse ou encore Astérix et les Goths) comme du droit des étrangers et du droit d’asile (Astérix le Gaulois, Astérix chez les belges, La galère d’Obélix ou bien Astérix chez les pictes). Plus étonnant, et peu couru, le droit des affaires et la concurrence sont également une facette des rapports juridiques développée par Goscinny et Uderzo (Astérix et la serpe d’or, Obélix et compagnie, Astérix le Gaulois, mais aussi Astérix, le gladiateur ou Astérix chez les Helvètes) ; idem, mais dans une moindre mesure pour le droit du travail et les droits collectifs (Astérix et Cléopâtre et Astérix et la grande traversée). On a vu que l’égalité femme-homme est une dynamique forte de la série (Le devin, La rose et le glaive), au même titre que les libertés publiques dans leur ensemble (Le papyrus de César et Astérix et Latraviata). Parent pauvre, mais présent toutefois dans Le fils d’Astérix, quelques développements relevant du droit de la famille naturellement. Reste la caricature de l’avocat dans Les lauriers de César, un portrait presque à la Daumier de la profession où l’art oratoire constitue l’alpha et l’oméga du sacerdoce.
Episode 1 – Astérix, le droit public et la gouvernance (à écouter sur Lexradio)
Dans Droit et bande dessinée, l’univers juridique et politique de la bande dessinée, aux éditions Presses Universitaires de Grenoble, Patrice Cugnetti revient sur les institutions romaines dans l’univers d’Astérix.
Il fait une présentation de l’administration, révélatrice de la corruption de la République ; il explique combien Goscinny et Uderzo dépeignent une administration territoriale caricaturée et évoque la manière dont Astérix se moque régulièrement du cursus honorum (la carrière des honneurs) dans cette administration décriée et jugée incompétente.
Patrice Cugnetti évoque aussi la représentation du pouvoir personnel comme un pouvoir au-dessus du pouvoir institutionnel, celui de César donc, avec un Sénat et une armée aux ordres.
C’est une analyse très instutionalo-historique qui critique des libertés prises par les auteurs du célèbre Gaulois, plus qu’une analyse constructive des influences et de l’art de la parodie au sein des aventures tant chéries.
Plus piquante et plus pertinente est l’analyse d’Olivier et Michel Rousset qui considèrent le village d’Astérix comme une collectivité au statut atypique. D’abord, les auteurs y décèlent une organisation du pouvoir avec un pouvoir partagé entre le chef (qui préside -Abraracourcix donc) et le conseil consultatif et disciplinaire, comprenant Panoramix, le druide, Assurancetourix, le barde et Agecanonix, l’ancien -à l’image du maire, du curé, de l’instituteur et du vieux, dans un village traditionnel-.
Puis, Olivier et Michel Rousset décrive la conquête du pouvoir qui suscite d’âpres rivalités (avec un cadre démocratique et un processus électoral minutieux, dans le Combat des chefs essentiellement)
Mais attention, l’administration du village d’Astérix serait en fait un champ d’intervention de la puissance publique limité ; avec une priorité à l’ordre et à la sécurité des habitants. Les autres secteurs traditionnels sont délaissés et non pris en compte par la collectivité ; les moyens dont dispose la collectivité sont naturellement réduits : il n’y a notamment pas de personnel permanent (même les porteurs d’Abraracourcix changent au fur et à mesure des aventures)
Il faut le reconnaître, c’est donc plus un point de science politique sur la description d’une approche démocratique presque en opposition avec Rome, mais surtout un Etat libéral dont les structures se limitent au nécessaire pour vivre ensemble, à laquelle procèdent les auteurs, toujours dans Droit et bande dessinée, l’univers juridique et politique de la bande dessinée, sous la conduite de Catherine Ribot.
Alors qu’avec facétie et si l’on s’attache plus à une approche album après album qu’à une synthèse de l’œuvre de Goscinny et d’Uderzo, Astérix en Corse raille aussi les élections truquées au sein des villages de l’ile de beauté : « Content de te voir Carferrix » dit Ocatarinetabelatchixtxhix en rentrant dans son village en Corse ; « Quand je pense qu’on allait faire des élections pour choisir un nouveau chef. Les urnes sont déjà pleines » lui répond Carferrix).
Et Le cadeau de César de traiter aussi des élections et des manœuvres visant à fausser le résultat à travers une propagande orientée et éhontée.
Il n’y a qu’à voir Orthopedix défier le chef Abraracourcix : « Nos lois sont formelles : n’importe qui a le droit de demander aux autres de le choisir comme chef, s’il a la majorité il remplace l’autre chef ! » prévient Panoramix. « Je vais le jeter hors du village, oui » s’écrie aussitôt le virevoltant chef aux nattes rousses. On notera au passage que les élections sont alors une affaire d’homme, s’emporte Bonemine face à la femme d’Orthopedix, Angine. Dès lors, la femme du tout nouvel aubergiste du village propose cervoises et sangliers à tour de bras et corrompt Ordralphabetix en lui achetant par douzaine ses poissons (nauséabonds, comme chacun le sait) ; tandis que Bonemine fait de même avec les enclumes de Cétautomatix, espérant toutes deux glaner des voix pour leurs maris respectifs.
Le thème des élections truquées est d’ailleurs un thème fort des aventures du Gaulois, puisqu’on le retrouve encore dans Le grand fossé, avec la promesse faite par l’un des deux chefs (Segregationnix) d’un village Gaulois partagé entre deux factions, telles les Capulet et les Montaigu, d’instaurer un SMIG (Sesterce Minimum d’Intérêt Gaulois) pour l’ensemble des villageois.
Mais, avancée démocratique, et non des moindre, l’arrivée des urnes pour le vote dans La rose et le glaive.
Autre thème également lié à la puissance publique : l’abandon de la conscription dans Le cadeau de César. Nicolas Kada fait une comparaison, opportune en 1997, avec la remise en cause du service national obligatoire ; mais convenons que l’étude est hors de propos et l’album est un prétexte pas l’objet d’une analyse.
Plus étonnant est l’abord du droit de l’urbanisme pour laquelle l’album phare est sans conteste Le domaine des dieux. On y évoque l’aménagement du territoire et l’accès à la propriété privée.
« Ces Gaulois, aidés par une potion magique qui leur donne une force surhumaine, protégés par une forêt qui les nourrit, refusent la civilisation romaine… » regrette César ; et celui-ci de poursuivre « J’ai décidé de les forcer à accepter la civilisation ! La forêt sera détruite pour faire place à un parc naturel ! » ; « Enfin, des immeubles habités par des Romains, entoureront le village, qui ne sera plus qu’une amphoreville condamnée à s’adapter ou disparaître ! ».
Entre en scène Anglaigus, l’architecte chargé de la déforestation et de la construction des immeubles environnant le village des irréductibles Gaulois. Au passage les auteurs soulèvent la question du droit de l’environnement ; Idéfix pleurant à chaque arbre arraché : « Pauvre Idéfix ! Cet arbre abattu ça lui a fait un choc » s’accable Astérix.
A ne pas manquer le prospectus faisant la promotion du Domaine des Dieux : centre commercial, thermes, gymnase, et l’incontournable « Gaulisée ». « Un logement vide dans le Domaine des Dieux ? Ah non, tout est plein ; c’est un succès » s’exclame Anglaigus devant Astérix.
Mais il ne faut pas non plus oublier les origines de La transitalique, le dernier des 37 opus de la série, sous la plume de Ferri et le pinceau de Conrad. On y parle corruption du Sénat et de l’administration romaine, mais surtout du rôle des collectivités dans l’investissement et le développement des infrastructures routières ; ce qui oblige le Sénateur Bifidus à organiser une course dans toute l’Italie pour montrer que les routes romaines sont bien entretenues.
« J’accuse le sénateur Lactus Bifidus, ici présent, de financer ses orgies avec les fonds publics destinés à l’entretien des voies romaines ! »… « F-Faux ! En tant que responsable des voies romaines, moi, Lactus Bifidus, je ne puis laisser passer de telles allégations ! » ; « Je profite d’ailleurs de la parole qui m’est donnée pour annoncer une course de chars exceptionnelle ! » ; « Cette course traversera toute la péninsule et sera ouverte à tous les peuples du monde connu ! » ; et de finir « Elle prouvera ainsi de manière éclatante au monde, l’excellence de nos voies romaines ! ».
Et César, masqué, de briser son char sur un nid-de-poule devant la ligne d’arrivée de la course ; offrant la victoire à nos héros, Astérix et Obélix.
Episode 2 – Astérix, le droit fiscal et le consentement à l’impôt (à écouter sur Lexradio)
Bon alors là, l’impôt cristallise habituellement un tel mécontentement et suscite de telles railleries, qu’il était facile pour Goscinny et Uderzo de s’en donner à cœur joie sur le rapport à la chose fiscale.
Geneviève Gondouin l’a très bien analysé dans son article sur l’impôt dans la BD.
Elle revient sur quelques éléments tirés d’Astérix et le chaudron pour ce qui de l’appréhension du percepteur et d’Astérix chez les Helvètes pour le système de la collecte. Bien entendu, Astérix en Corse caricature à l’excès la gabegie fiscale et magnifie la résistance à l’impôt.
« La Corse est une province romaine gouvernée par un préteur nommé pour un an. Pendant cette année, sous prétexte d’impôts, le préteur pille la Corse, histoire d’être bien vu par Jules César à son retour à Rome… » explique Ocatarinetabelatchixtxhix au village des irréductibles Gaulois qui l’ont libéré du camp de Babaorum.
« Les entrepôts d’Aléria sont pleins de toutes les rapines du préteur Suelburnus. Il ne nous reste plus beaucoup de temps ; le préteur retourne bientôt à Rome » peste Carferrix.
Du coup, par opposition le village des irréductibles Gaulois est décrit comme un paradis fiscal : il n’y a pas de revenu à proprement parlé ; donc pas d’impôt. Il n’y même pas de monnaie propre au village ; les échanges résultent du troc où la monnaie est le plus souvent le menhir ; quelque fois le sesterce romain vient jouer les troubles faits comme dans Astérix et le chaudron, justement.
« Jules César a de gros ennuis d’argent. Pour équiper ses armées qui doivent partir pour de nouvelles conquêtes, il s’est servi de l’argent des impôts qui était destiné à payer la solde des garnisons en Gaule… » entame Moralélastix devant Abraracourcix. « J’ai appris que César allait lever de nouveaux impôts. Alors, j’ai mis tout le trésor de mon peuple dans ce chaudron et je suis venu le mettre à l’abri chez vous… car je crois que vous ne payez pas d’impôts ?... » poursuit-il. Et le facétieux chef du village de rétorquer « Un jour, un collecteur d’impôts est venu… Depuis, nous sommes dispensés d’impôts ! » ; « Ah oui !... Je m’en souviens… Hi, hi, hi ! » s’esclaffe Panoramix. « Et il n’est jamais revenu ? » interroge Moralélastix ; « Jamais ! Donc, pas de revenu, pas d’impôt » répond Astérix, comme pour mieux marteler l’adage fiscal populaire.
Dans cet album important de la série, tout y passe : tribut dû à César, la fraude et l’évasion fiscale au sein du village, les escroqueries fiscales, jusqu’à la 2042 elle-même, la déclaration fiscale à cocher pour chaque contribuable. Il faut voir la 43ème page de l’album consacrée au collecteur d’impôt dont les bulles ressemblent à s’y méprendre aux lignes et case d’une déclaration d’impôt des particuliers (la 2042 donc). Astérix dérobant le butant fiscal du collecteur, ce dernier lui rétorque : « Cet acompte provisionnel sera déductible de la somme exigible ultérieurement ».
On sait que Moralélastix entendait surtout confondre Astérix à lui rembourser la somme dérobée avec le chaudron qui lui avait confié ; versant son tribut à Rome pour éviter tout ennui avec la République, récupérant l’argent grâce au courage et pariant sur l’honneur d’Astérix.
Dans Astérix chez les Helvètes : on ne s’attend pas moins à une caricature de l’impôt confiscatoire et omniprésent. Le gouverneur de Condate (Rennes), Gracchus Garovirus, sortant d’une orgie digne du film La grande bouffe, de Marco Ferreri, demande « Avé, Caius Eucaliptus ! La récolte a été bonne ? » ; et celui-ci de répondre : « Très bonne, O Garovirus ! Voici l’or des impôts, des amendes, du stationnement payant, du péage sur les voies romaines, et de la redevance pour avoir le droit d’écouter les crieurs publics ! ». S’ensuit un partage du butin à la Don Salluste.
Nos héros arrivant en terre helvétique sont contrôlés en douanes : « Maintenant, il s’agit du contrôle des frontières pour entrer en Helvétie. Descendez de voiture ». « Vous n’avez rien à déclarer ? » ; « Vos vêtements, vos armes, ils sont d’où ? » « De notre village, en Gaule » rétorque Astérix ; « Vous auriez dû les déclarer. Importation frauduleuse, votre compte est bon. Continuons ».
Bien entendu, le secret bancaire est à l’honneur chez Petisuix : « Vous pouvez dormir sur vos quatre oreilles » rassure-t-il Astérix et Obélix avant de les enfermer dans l’un de ses coffres.
On peut noter, aussi, dans Astérix et les Goths, l’évocation des droits de douanes : « Bien sûr que nous avons quelque chose à déclarer : un druide ! » ; « Veuillez ouvrir le colis » ; « C’est de la marchandise étrangère, ça… » ; « Nous avons été chargés de ramener un druide en vue des prochaines invasions. Laisse-nous passer, espèce d’ostrogoth ! ». On rappellera que, dans cette troisième aventure, Astérix et Obélix partent à la recherche de Panoramix enlevé par les sbires de Téléféric, le chef goth paré d’un casque à pointe…
Episode 3 – Astérix, le droit des étrangers et le droit d’asile (à écouter sur Lexradio)
Pour ce domaine du droit, il n’y a clairement rien dans Droit et bande dessinée, l’univers juridique et politique de la bande dessinée.
Pourtant quatre albums abordent cette lourde thématique, fondement de l’identité française… pardon Gauloise.
Astérix le Gaulois, d’abord : et oui, dès le premier volet des aventures du petit Gaulois et de son copain « enveloppé », on parle de droit d’asile, lorsque le village accueille le soldat romain Caligula, alias Caliguliminix, faux Gaulois, pensant qu’il est persécuté par les Romains, alors qu’il vient faire de l’espionnage industriel, en voulant dérober la formule de la célèbre potion magique. « Sois le bienvenu frère chez nous, tu es chez toi ! » lui dit Abraracourcix.
Astérix chez les belges est l’occasion d’évoquer le droit des étrangers et la xénophobie, alors qu’Abraracourcix, Astérix, Obélix, et… Idéfix vont en Belgique pour comprendre les raisons ayant conduit César à dire que les belges étaient le peuple le plus brave. Piqués au vif dans leur orgueil, nos héros s’allient finalement aux tribus locales pour donner une correction aux légions de Jules… après avoir eu du mal se faire accepter par les chefs locaux.
Le sujet est à nouveau évoqué dans La galère d’Obélix ; c’est cette fois le droit d’asile en Atlantide qui est décrit avec Spartakis, l’esclave aux traits de Kirk Douglas, qui après s’être enfui sur la galère de César lui-même, se réfugie dans le village des irréductibles Gaulois, puis décident de partir au large de l’Armorique rejoindre cette île mystérieuse.
« Ecoutez-moi ! Nous sommes obligés de nous réfugier là où les Romains ne sont pas ! Or ils sont partout, c’est bien connu ! » regrette Spartakis. Et le neveu de Jolitorax, breton de son état, de lui parler du fameux village. Il est accueilli avec hospitalité par le village : « Car forts de notre sens profond du devoir, nous nous devons d’accueillir les peuples opprimés, les martyrs et les orphelins d’une patrie écrasée, piétinée par les caligae de légion r… » « …omaines » et Abraracourcix de tomber de sa chaise de premier édile du village.
Et une fois l’équipage de Spartakis accosté sur l’île d’Atlandide où règne la fontaine de Jouvence, celui-ci de clamer : « Voilà ! Si le Grand prêtre le permet, l’équipage et moi souhaiterions rester sur l’Atlandide où il semble régner tant de Liberté ! ».
Enfin et surtout Astérix et les pictes : l’album fait lui aussi clairement référence à la tradition d’accueil des Gaulois. Après avoir trouvé un homme emprisonné dans la glace sur les bords de plage, proches du village, Obélix ramène l’inconnu que Panoramix prend d’abord pour un hibernien (irlandais) puis qu’il reconnaît comme étant un picte (écossais), grâce à ces tatouages. Le picte réanimé, là encore, Abraracourcix fait œuvre d’hospitalité : « Dorénavant, tu es ici chez toi, car sache que pour nous, Gaulois, le droit d’asile n’est pas un vain mot ! ». « Peuh ! Toi et tes beaux discours » se moque Assurancetourix.
On connaît la suite des aventures, Astérix, Obélix et Panoramix, mais sans Idéfix, accompagne Mac Oloch dans son village, en grand danger face à l’odieux Mac Abbeh. Une histoire shakespearienne sur fond de romance avec la fille du roi défunt Mac II, Camomilla… Ou disons plutôt que les hommes du village en avaient assez que leurs femmes n’aient d’yeux que pour cet étranger qui avait fini par imposer la mode du tartan et du kilt dans tout le village ! Et qu’ils étaient pressés de le voir partir…
Episode 4 – Astérix, le droit des affaires et de la concurrence (à écouter sur Lexradio)
L’approche du droit des affaires a bien retenue l’attention des intervenants du colloque Droit et bande dessinée, l’univers juridique et politique de la bande dessinée, organisé à Grenoble en 1997 sous l’égide de Catherine Ribot. Mais c’est essentiellement le droit de la propriété intellectuelle qui fut mis à l’honneur.
Plus précisément, Françoise Bastien-Rabner, Jean-Marie Furt et Jean-François Poli se sont attachés aux biens culturels dans le phénomène social, pour décrire les aspects relatifs à la propriété intellectuelle dans Astérix et la serpe d’or et Obelix et compagnie.
Dans leur essai, les auteurs reviennent sur les éléments de contrefaçon de biens symboliques de la Gaule (la serpe et le menhir). L’analyse conclue sur une protection efficace impossible.
Pour autant, nous l’avons déjà vu, dans Astérix, le Gaulois, Caligula/Caliguliminix pénètre sous couvert du droit d’asile dans le village des irréductibles Gaulois pour faire de l’espionnage industriel. Il met tout en œuvre pour découvrir la recette de la potion magique qui rend les Gaulois invincibles et tient César, lui-même, en échec. Sans succès pour le romain qui n’arrive pas percer le secret du village.
« Il y a un mystère dans la puissance de ces Gaulois ! Il faut découvrir ce secret ! » ; « Tu as raison, Marcus Sacapus ! Il faut le découvrir et vite ! César, de Rome, m’a fait savoir son mécontentement ! Il me faut un volontaire pour aller espionner chez les Gaulois ! » fait savoir Caius Bonus, centurion de Petibonum.
Dans la même lignée, dans Astérix et les Goths, ces derniers enlèvent Panoramix pour obtenir le secret industriel de la potion magique, afin d’envahir la Gaule… puis Rome. Là encore, les goths en sont pour leurs frais et le secret de la potion magique est bien gardé.
« Acceptes-tu de mettre ta magie à notre service ? » demande Clodiric à Panoramix kidnappé par les hommes de Téléféric, le chef des goths. Ce dernier et son interprète boiront de la potion, mais c’est pour mieux se battre l’un contre l’autre, perdus dans des querelles internes ourdies par nos héros.
A côté du droit de la propriété intellectuelle, les auteurs d’Astérix évoquent tantôt le droit des sociétés, tantôt le droit bancaire.
En effet, dans Astérix, le gladiateur, on peut voir dans une galère phénicienne dans laquelle s’embarque nos héros, le commandant de bord évoquer le contrat de société qui le lie aux autres membres de l’équipage, tous rameurs. Il marque, ce faisant la différence entre lui PDG et les autres galériens.
« Ce sont des esclaves ? » demande Astérix ; et le phénicien de répondre : « Oh non ! Ce sont mes associés… C’est moi qui ai rédigé le contrat d’association et ils n’ont pas très bien lu le contrat avant de le signer… Moi je suis Président-Directeur-Général… »
On est d’ailleurs plus proche du droit du travail, puisque les membres de l’équipage contestent la modification substantielle de leur contrat de mission visant à ramer sur la galère ; modification qui les obligerait à combattre les pirates.
« Ah non, mon cher Président-Directeur-Général ! Par contrat, nous devons ramer, mais il n’est dit nulle part que nous devons nous battre !... » lance l’un des rameurs. « Ou alors, changeons de contrat, j’ai une modification importante à y apporter… ».
On a pu voir que, dans Astérix chez les Helvètes, le contrat de dépôt et le secret bancaire sont largement abordés. Petisuix est l’archétype de ce que peut proposer la discrétion, en principe, des coffres suisses. «
« Oui bien sûr… vous avez toute notre sympathie. Nous avons souvent combattu les Romains, et Jules César nous considère comme des adversaires redoutables… Mais où vous cacher ? » s’interroge le banquier ; « Il faudrait ouvrir un compte. » ; « Pour nous cacher dans un coffre ? » rétorque Astérix. « Ce que vous mettez dans le coffre, ne me concerne pas. La discrétion est totale ; pour moi, vous ne serez que deux numéros anonymes. Vous prenez un coffre chacun, ou un compte à deux signatures ? » lui répond Petisuix.
Surtout, Goscinny et Uderzo consacrent un épisode entier au droit des affaires et au droit de la concurrence en particulier. C’est ainsi qu’Obélix et compagnie nous plonge dans l’univers consumériste obligeant nos Gaulois à devenir des business men.
Pour éviter que les Gaulois irréductibles ne pensent à batailler contre les camps des alentours, César imagine de les occuper en éveillant chez eux le sens des affaires. C’est ainsi que Caius Saugrenus, envoyé de César, se rapproche d’Obélix -à ses risques et périls- pour lui acheter de plus en plus de menhirs -dont il n’a, par ailleurs, que faire-. Devant les succès commerciaux d’Obélix, le monopole de fait éclate et d’autres villageois se mettent à tailler et livrer des menhirs : c’est l’introduction de la concurrence.
« Qu’est-ce que c’est ça ? » demande Obélix en voyant Ordralaphabétix ; « Drôle de question venant de toi. C’est un menhir. » répond le poissonnier. « Tu portes des menhirs, toi ? »… « ça alors ! » s’exclame Obélix. « Où est Cétautomatix ? » demande à nouveau Obélix ; « Il est allé livrer ses menhirs ! » répond également la femme du forgeron. « Livrer ses… ? Mais c’est moi qui… ».
L’album aborde aussi le cas des intermédiaires : « Qu’est-ce que je vais en faire de tous ces menhirs ? » demande César à Caius Saugrenus, une fois les menhirs achetés en grand nombre ramenés à Rome. « Tu vas les vendre, O César. » ; « Les vendre ? » ; « Mais oui. Comme ça, non seulement tu récupèreras l’argent dépensé mais en plus, tu feras des bénéfices. »
Mais également le marketing : « Qui en voudra de ces menhirs ? Ils ne servent à rien ! » rétorque César. « Justement ! Il faut préparer une campagne, mettre au point une stratégie, choisir une cible » lui conseille Caius Saugrenus. Et s’en suit la description d’une campagne marketing pour vendre une chose complètement… inutile pour les Romains. « Une campagne découlant d’une stratégie de positionnement devrait nous permettre de toucher rapidement une masse de clientèle susceptible d’absorber rapidement nos stocks… ».
En outre, cette aventure ne fait pas l’impasse sur la concurrence et la protection nationale, avec la crise du menhir en Italie : « MENHIR NATIONAL – MOINS CHER QUE LE MENHIR IMPORTE – ACHETEZ ROMAIN » peut on lire sur une réclame. « Depuis quand les Romains fabriquent des menhirs ? » demande César. « Depuis que les gens en achètent O César » lui répond le représentant de la corporation en colère. César lui interdisant de vendre des menhirs romains pour écouler ses stocks se retrouve avec l’opinion contre lui. Pour Caius Saugrenus, il faut passer l’offensive… sur les prix : « Il faut faire de la concurrence, vendre meilleur marché, faire flotter le menhir ! »… Jusqu’à la crise : « Même en solde, les gens n’en veulent plus… Tant pis !… J’ai perdu une fortune, mais n’en parlons plus… ».
Enfin, dans La serpe d'or, Goscinny et Uderzo évoque aussi la question du monopole et la spéculation, mais cette fois sur les serpes d'Amorix à Lutèce.
« Une serpe, premier choix 3 000 pièces d’or. D’accord ? » lance Avoranfix à Astérix, chargé de trouver une serpe d’exception, fabriqué exclusivement par Amorix, pour que Panoramix puisse rituellement couper le gui. Le valeureux Gaulois est surpris : « Comment ? Je n’ai que 100 pièces d’or. C’est le prix pour les serpes ! » « C’est à prendre ou à laisser ! Avec l’approche de la réunion de la forêt des carnutes, les serpes sont introuvables à Lutèce » lui rétorque Avoranfix. Et pour cause, de mèche avec les Romains, Amorix fabrique ses serpes dans une cellule de prisons et Avoranfix et ses sbires les cachent pour organiser la rareté et faire augmenter les prix.
Episode 5 – Astérix, le droit du travail et les droits collectifs (à écouter sur Lexradio)
Etrangement le droit du travail est le parent pauvre des aventures d’Astérix. On aurait pu imaginer que les tribulations des rapports sociaux puissent être une source d’inspiration pour les auteurs. Assez peu finalement.
On remarque immanquablement, dans Astérix et Cléopâtre, l’exercice du droit de grève des ouvriers égyptiens chargés d’édifier le plus beau palais d’Egypte, sur ordre d’une Cléopâtre en furie devant la condescendance de César.
Encore que ceux-ci fassent grève en revendiquent tout juste moins de coups de fouet pour les « motiver » à la tâche. Notons qu’ils ne sont pas esclaves pour autant, mais bien des ouvriers payés par Numérobis.
« Maître ! Les ouvriers refusent de reprendre le travail ! Je crois que quelqu’un les a montés contre nous ! » ; … « C’est bien ce que je pensais : ils demandent encore une diminution. » se désespère Numérobis. « Une augmentation vous voulez dire » rétorque Astérix ; « Non, il ne s’agit pas de salaires ; ils sont très bien payés. Ils demandent une diminution des coups de fouet… Et si je diminue les coups de fouet, ils travailleront moins vite et le palais ne sera jamais fini à temps ! ».
L’album aborde également…
… le chômage technique : « Pourquoi les ouvriers ne travaillent plus ? » demande Astérix ; « Il n’y a plus de pierre. Je suis inquiet ; la caravane qui doit amener de nouvelles pierres des carrières du sud est en retard. » lui répond l’égyptien.
… et le licenciement pour faute du goûteur de la reine au nez ma foi « fort beau » : « J’ai été injuste envers vous, Gaulois. Je vous rends la liberté et je congédie ce goûteur dont l’estomac a fait commettre une faute à la reine des reines ! » telle est la sentence de Cléopâtre, convaincue d’abord que le gâteau offert soi-disant par les Gaulois était empoisonné ; ensuite que son goûteur ayant eu simple malaise… lui avait donc fait perdre la face devant les trois Gaulois (Panoramix, Astérix et Obélix).
L’autre aventure qui traite du droit travail, rapidement cette fois, c’est Astérix et la grande traversée. Dans ce 22ème épisode, Astérix et Obélix vont pêcher du poisson frais pour Panoramix, car c'est un ingrédient essentiel pour la potion magique. Cependant une tempête les emporte sur la mer loin de la Gaule. Ils échouent sur une terre inconnue peuplée par une étrange tribu et des dindons qu'ils nomment « glouglou ».
Et bien la trame de base, l’origine de ce voyage fantastique, c’est la grève des livreurs de poissons (car Ordralphabetix, bien qu’habitant sur les côtes de l’Armorique, fait venir son poisson de Lutèce (Paris)) ; c’est dernier organisant même des opérations « escargot ».
« J’attendais un arrivage, mais les chars à bœufs qui apportent le poisson font la grève ; ils roulent lentement sur les voies romaines pour protester contre le prix du foin » s’inquiète Ordralphabetix.
Episode 6 – Astérix et l’égalité femme-homme (à écouter sur Lexradio)
On a déjà évoqué l’éveil de l’égalité femme-homme dans Le devin. Enfin les femmes peuvent boire de la potion magique et se battre avec les hommes pour défendre leur village. « Les femmes aussi ? » demande Bonemine ; « Les femmes surtout ! » répond Panoramix.
Encore que, moqueur, Goscinny fasse dire à la femme d’Agecannonix : « ça fait grossir la potion magique ? »
Mais, l’apogée féministe c’est bien entendu La rose et le glaive. L’arrivée d’une femme barde pour enseigner à l’école du village chamboule toutes les mentalités. Une femme barde ? Et pourquoi pas une femme porteuse de menhir ? ou même une femme druide ?
« Et alors ? Les femmes bardes, ça existe non ? » ; « Non madame ! Une barde ça n’existe pas, ou alors c’est une tranche de lard !!! » s’emporte Assurancetourix.
Dans cet album les femmes prennent le pouvoir : la femme du chef, Bonemine, s’affirme et veut prendre part aux décisions importantes du village.
« Le pavois qui est à toi est à moi ! » s’exclame Bonemine auprès de son chef de mari. Ou encore : « C’est décidé ! Dorénavant je siègerai également au conseil du village. Je suis la femme du chef, non ? ».
L’album aborde également, subtilement, les violences faites aux femmes.
« Par tous les Dieux ! Qu’ai-je fait ?!... J’ai frappé une femme !... Ce n’est pas vrai !... Ce n’est pas moi ça ! » se morfond Astérix, après que Maestria l’ait embrassé, sans son consentement (hashtagmetoo).
Bon, il faut reconnaître que la fin de l'album apparaît, de prime abord, quelque peu misogyne puisqu'Astérix comprenant que les légionnaires sont des femmes, les détourne de leur mission première en les incitant à faire du... shopping ! Le cliché peut paraître ainsi grossier, alors qu'en fait il met en exergue une différence fondamentale du comportement et par induction du statut de la femme antique, entre Gauloises libérées et Romaines soumises.
La prédominance de la culture romaine, par l'intermédiaire de César lui-même et de sa Guerre des Gaules, a longtemps présenté les celtes au mieux comme un peuple rustre mais valeureux, le plus souvent comme des barbares. Même en rappelant que les Gaulois avaient droit de vie et de mort sur leurs femmes, comme à Rome du reste, souhaitant ainsi relativiser le progrès social que pourrait traduire une prétendue égalité homme-femme en Gaule, l'Imperator est obligé de reconnaître que les Gauloises ont un vrai statut indépendant, une véritable reconnaissance sociale et politique, alors que les Romaines sont proprement inféodées à leurs pères puis maris.
La Gauloise dispose ainsi d'une certaine indépendance financière et assume une part de son destin à la mort de son mari. Sa place n'est pas exclusivement domestique, mais aussi économique, dirigeant elles-mêmes des exploitations de centaines d'hectares et des dizaines d'ouvriers, quand elles ne prenaient tout simplement pas le pouvoir vacant au sein du clan. Les normes régissant les dots, "contre-dots", fruits et rapports étaient d'une complexité telle au service de l'égalité patrimoniale entre maris et femmes ; l'idée d'une captation éhontée par l'homme étant exclue. Et que dire de la liberté retrouvée de la Gauloise veuve, en capacité de se remarier... si elle le souhaite. Du côté transalpin ? Une dépendance morale et financière totale régissant les rapports hommes/femmes.
Episode 7 – Astérix et les libertés publiques (à écouter sur Lexradio)
Là encore, on ne peut pas dire que les libertés publiques soient un thème de prédilection pour les auteurs de la saga. Encore que le village des irréductibles et la morgue de nos héros font montre d’une aspiration à la liberté de tous les instants.
C’est dans Le papyrus de César, l’avant-dernier opus de la série, que sont clairement abordées les notions de liberté d’expression, de liberté de la presse et de censure.
L'histoire débute à Rome, au moment où César s'apprête à publier ses Commentaires sur la Guerre des Gaules. Bonus Promoplus, son conseiller et éditeur, lui conseille d'occulter alors un chapitre intitulé « Revers subis face aux irréductibles Gaulois d'Armorique », car il estime que ce passage fait tache sur le curriculum de César. Ce dernier finit par céder mais précise que nul ne devra savoir que ce chapitre gênant a été censuré, sans quoi Promoplus ira conseiller les lions dans le cirque.
Mais un des scribes numides de Promoplus parvient à s'emparer d'une copie sur papyrus du précieux chapitre qu'il confie à un « colporteur sans frontières », un activiste Gaulois nommé Doublepolémix, correspondant à Rome du Matin de Lutèce.
« Le scribe écrit avoir agi par idéal, maître. » ; « Il se dit solidaire du peuple Gaulois et refuse qu’on censure un chapitre clé de son Histoire. »
Doublepolémix, traqué par les hommes de la censure de Promoplus, parvient tant bien que mal au village d'Astérix avec le précieux document. Ce chapitre, s'excite-t-il, constitue un vrai « scoop ». Il est la preuve formelle que César a menti dans son livre et que toute la Gaule n'est pas conquise.
La réaction des Gaulois, plutôt de tradition orale, est mitigée... C’est Bonemine qui insiste sur l'enjeu historique : il faut que le papyrus soit diffusé, car les générations futures doivent savoir que César a menti dans sa Guerre des Gaules, et qu'un petit village résistait encore et toujours.
« Un scribe en fuite me l’a confié tandis que j’étais en colportage à Rome.. Depuis, la censure romaine me traque ! » confie Doublepolémix au chef du village.
Abraracourcix confie alors le précieux papyrus à Astérix et à Obélix. Il leur donne pour mission d'accompagner Panoramix vers la forêt des Carnutes, où le doyen des druides, Archéoptérix, gravera dans sa mémoire le précieux document afin qu'il soit transmis de bouche à oreille.
« Après avoir, euh… mûrement réfléchi, j’ai décidé que le mensonge de César ne pouvait rester ignoré… » ; « Il est important que nos descendants sachent que César n’avait pas conquis TOUTE la Gaule ! » poursuit Abraracourcix, flanqué de son bonnet de nuit… et sur les conseils avisés de sa femme.
À la fin de l'album, un post-scriptum semble prouver que le papyrus, contant les revers de César en Armorique, est bien, au fil des siècles, parvenu jusqu'à nous. Deux scribes modernes (Goscinny et Uderzo) en auraient même tiré une série d'albums à succès.
A côté du papyrus de César, on peut noter que Astérix et Latraviata fait référence à l’usurpation d’identité et à l’emprisonnement arbitraire.
Pompée, l'ennemi juré de César, veut lever secrètement une armée en Gaule mais un soldat ivrogne, Roméomontaigus, a subtilisé ses armes en espérant pouvoir les revendre. Quand les armes se retrouvent dans le village d'Astérix, Pompée a l'idée d'utiliser une actrice, sosie de Falbala, pour les récupérer.
« Que fait cette femme déguisée en Falbala ? Qui est-elle ? » demande Tragicomix ; … « Bon d’accord ! Je m’appelle Latraviata, la Grande Tragédienne du théâtre de Rome ! Et alors ? il n’y a pas de quoi en faire un drame ! ».
C’est l’album où l’on découvre les parents de nos héros : le père d'Astérix se prénomme Astronomix, celui d'Obélix Obélodalix. Quant aux mères d'Astérix et Obélix, elles se prénomment respectivement Praline et Gélatine.
Soupçonnés d’avoir trempé dans le vol des armes de Pompée, les deux pères sont enfermés arbitrairement et sans autre forme de procès en prison.
« Par Toutatis !!! On nous a cambriolés ! » s’exclame Astronomix devant son échoppe. « Tout est sens dessus dessous mais il semble qu’il ne manque rien ! » précise Obélodalix son associé. « C’est étrange ! Peut-être cherchait-on quelque chose ! » ; « C’est exact ! et ce ‘quelque chose’, nous ne l’avons pas trouvé ! » intervient un soldat romain. « Alors, vous allez nous suivre chez Bonusmalus, le Préfet ! »… « J’ai l’impression que nous finirons nos jours dans ce trou à rats, Obélodalix ! » peste Astronomix dans sa cellule.
Episode 8 – Astérix et le droit de la famille (à écouter sur Lexradio)
Il est certain que puisque les deux héros de la série sont célibataires et sans enfant -encore que-, il est difficile de déceler quelques aspérités en droit de la famille.
Certes les derniers albums, comme Astérix et Latraviata, ou La rentrée Gauloise, nous font découvrir les parents de nos deux compères. Mais les rapports décrits par Uderzo sont essentiellement filiaux, axés sur les sentiments qui animent les protagonistes ou les ambitions des parents pour leurs enfants.
C’est alors dans Le fils d’Asterix que l’on peut relever quelques concepts de droit de la famille.
D’abord avec l’abandon d’enfant. Astérix découvre sur son seuil un berceau avec dedans un chérubin blond. Pas une lettre d'explication. « Ah ! Tu vois que les cigognes livrent et peuvent se tromper ! » lui dit Obélix.
On jase dans le village sur l’inconduite du valeureux guerrier mais, très vite, les Gaulois comprennent que les Romains recherchent à tout prix l’enfant. Les Gaulois comprennent alors que le bébé leur a été confié pour la garantie de sécurité qu'ils offrent. C’est Brutus lui-même qui veut s’emparer de… Césarion (Ptolémée XVI), le fils de César et de Cléopâtre… qui arrive magistrale sur son char, telle Elizabeth Taylor dans le film de Joseph L. Mankiewicz, sorti 20 ans plus tôt.
Il est donc affaire d’enlèvement d’enfant : « En fait, ce n’est qu’un prétexte. Ce Préfet m’a avoué qu’il était chargé de rechercher un enfant qui pourrait bien être celui-ci ! » révèle le centurion d’Aquarium, après un échange musclé avec nos héros. « Mais j’aurai cet enfant dussè-je brûler la Gaule entière » s’emporte Brutus. « Eh bien puisque cet enfant aime les hochets, tu vas lui en apporter, Taxensus ! Tu vas te déguiser en colporteur Gaulois et entrer dans le village des irréductibles ! Là, il te sera facile de prendre l’enfant et de nous le ramener ! » conspire Epinedecactus.
… et de tutelle (Astérix, le tuteur !) : « C’est alors que j’ai eu l’idée de faire mettre notre fils à l’abri, dans le seul endroit encore apte à assurer sa sécurité : le village des irréductibles Gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. » révèle Cléopâtre à César venu constater les exactions de son fils adoptif, Brutus.
Episode 9 – Astérix et l’avocat (à écouter sur Lexradio)
Avec Les lauriers de César, c’est la consécration de l’Avocat. Enfin sa consécration, disons sa caricature bien trempée.
C’est donc le rôle tenu par Titus Résidus, avocat commis d’office, chargé de défendre nos héros dans l’affaire médiatique des « deux mages Gaulois ».
« Vous allez être jugés aujourd’hui même, et j’ai reçu l’ordre de vous défendre. C’est très bon pour moi ; deux mages Gaulois, ça va attirer du monde ! ». Et Titus Résidus de poursuivre : « J’ai un très bon discours ; ça commence comme cela : Delenda Carthago, disait le grand Caton… » ; « Et tu veux nous faire mettre en liberté ? » s’interroge Astérix ; « Vous voulez rire ! Il y a des tas de fauves qui sont arrivés au cirque et qui n’ont rien de sérieux à se mettre sous la dent… Alors, deux mages Gaulois, pensez ! Quelle fête ! ».
Y sont dépeints le tribunal… « La parole est au delator » ; « Confiance » dit Titus Résidus à ses clients ; « Delenda Carthago comme disait Caton le Grand… » entonne alors le delator/procureur ; « Co… Comment : Delenda Carthago ? Mais c’est moi qui… » s’énerve l’avocat ; « Silence, Avocat ! Ton tour viendra ; tu parleras après. » rétorque le juge. « Je peux continuer, oui ? » ; « Délator, tu as la parole » ; « C’est donc Caton qui parle par ma bouche… Delenda Carthago disions-nous, et… ».
Et le parangon de la procédure : la suspension de séance. « Je demande une suspension d’audience ; je voudrais revoir mon système de défense. » entonne l’avocat ; « …Delator, es-tu d’accord avec la requête de l’avocat défenseur ? » demande le juge ; « Je le suis » lui répond le procureur…
Conclusion : d’aucuns diront que, bien que d’essence infantile, l’univers peu à peu construit de notre bande dessinée permet de tirer un cadre plus évident, une analyse plus pragmatique de la vision du droit tels que nous, européens, nous l’envisageons.
Je cite Catherine Ribot : « Deux mondes qui semblent antagonistes, deux univers que rien ne devrait rapprocher. Comment le juriste, assoiffé de jurisprudence, noyé dans l’activité législative et réglementaire, égaré dans les subtilités de la réflexion doctrinale, pourrait-il se risquer à perdre don sérieux dans le monde débridé des cases, au milieu des phylactères et des onomatopées ?
Le code côtoierait l’album sur le même bureau universitaire ? »
Si la bande dessinée a pour vocation de distraire le lecteur, elle véhicule également des messages artistiques et politiques, elle reflète la réalité sociale perçue par le dessinateur et le scénariste. Ainsi, les mondes de la bande dessinée suscitent une réflexion sur le contenu de notre univers juridique et sur les pratiques politiques. Et non, Astérix ne permet pas uniquement de parler des institutions Romaines ou Gauloises ; mais les aventures du célèbre guerrier permettent de s’initier, aussi, à de nombreux concepts, de nombreuses problématiques juridiques qui, bien que simplifiées et souvent caricaturées, ne révèlent pas moins les aspérités, qualités et défauts, de notre système de droit.
L'utilisation de ce format permet au passage de prendre le risque de communiquer en (s')amusant, tout en pariant que le lecteur saurait retenir de la caricature ce qu'elle est : une charge, autrement dit une vérité subjectivement proclamée. Celle de deux auteurs (quatre maintenant) au talent fou pour nous emporter, au fil des épisodes, dans un univers croquignolet, mais en accord avec leur temps.
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 3 juillet 2018, n° 17/11899 (N° Lexbase : A6946XUS)
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par Pierre-Louis Boyer, Maître de conférences HDR, CREO-IODE Rennes I, ancien avocat, UCO Angers
Le 05 Septembre 2018
Il résulte des dispositions des articles 25 et 103 de la loi du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L8607BBE) que l'avocat assistant le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, en cas de refus de l'auxiliaire de justice choisi, doit être désigné par le Bâtonnier ; à défaut, le justiciable faisant appel aux services d'un avocat refusant d'être rémunéré au titre de l'aide juridictionnelle, est supposé renoncer au bénéfice de cette aide. Telle est la solution d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, rendu le 3 juillet 2018 (CA Aix-en-Provence, 3 juillet 2018, n° 17/11899 N° Lexbase : A6946XUS).
La liberté du choix de l’avocat est un principe fondamental inhérent au fonctionnement de la justice française. C’est d’ailleurs cette liberté de choix qui rend la profession d’avocat si «libérale», permettant la liberté du client pour l’un, et la liberté de l’avocat pour l’autre.
Ce principe permet au justiciable de pouvoir changer d’avocat, peu importe le moment de la procédure, et ce même si l’article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 sur la déontologie de l'avocat (N° Lexbase : L6025IGA) souligne implicitement l’importance du lien qui unit le client à son avocat : «l’avocat conduit jusqu’à son terme l’affaire dont il est chargé, sauf si son client l’en décharge ou s’il décide de ne pas poursuivre sa mission» [1]. L’avocat déchargé, au nom du principe essentiel de diligence [2], doit alors restituer les pièces en sa possession.
Quand un client est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, ce dernier jouit de la volonté d’un Etat qui fait de la gratuité un principe fondamental de la Justice au nom de l’égalité de tous les citoyens devant la loi.
Les règles du choix de l’avocat et de changement d’avocat pour les personnes bénéficiant de l’aide juridictionnelle sont assez simples. Si le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle peut changer d’avocat en cours de procédure car le choix du conseil reste gouverné par le principe de la liberté, c’est uniquement pour une «raison légitime» [3] -comme, par exemple, la perte de confiance entre le client et son avocat- que ce changement pourra se faire, faute de quoi il perdra le bénéfice de cette aide [4]. De plus, si le conseil a été désigné par le Bâtonnier au titre de l’aide juridictionnelle, c’est au moyen d’une demande adressée au Bâtonnier que le changement pourra se faire à la suite d’une nouvelle désignation par le Bâtonnier de l’Ordre.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, vraisemblablement coutumière des litiges relatifs aux changements d’avocats par les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle [5], a, une nouvelle fois, dû trancher une contestation et rappeler les dispositions en vigueur. En effet, dans l’arrêt qui nous préoccupe ici, Mme Z avait confié à Me Y, avocate au barreau de Toulon, la défense de ses intérêts dans le cadre de son divorce. Or, Mme Z était bénéficiaire de l’aide juridictionnelle et Me Y devait être rémunérée à ce titre. Dans le cadre de cette procédure de divorce, après une audience de conciliation tenue le 9 juin 2016, une ordonnance de non conciliation a été rendue en date du 14 octobre 2016, ordonnance qui n’a pas semblé satisfaire la cliente car cette dernière a souhaité interjeter appel de cette décision. Non-satisfaite par l’ordonnance, la cliente le fut aussi de son conseil, raison pour laquelle elle décida de changer d’avocat ; mais l’avocat nouvellement choisi n’acceptait pas d’être rémunéré au titre de l’aide juridictionnelle.
Et c’est là que tout se complique.
Le conseil initial, Me Y, a facturé ses honoraires à la cliente transfuge, incluant dans ces derniers (720 euros TTC) des réceptions au cabinet, la rédaction de la requête en divorce ainsi que l’assistance à l’audience de conciliation du 9 juin 2016. Mme Z a contesté le paiement de ces honoraires, affirmant qu’elle «ignorait que le fait de changer d’avocat la privait du bénéfice de l’aide juridictionnelle». Mais ce n’est pas le fait de changer d’avocat qui a privé Mme Z de l’aide juridictionnelle, c’est le choix de son second avocat, comme nous le verrons par la suite.
Le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Toulon a rendu une décision de fixation des honoraires en date du 29 mai 2017, sur laquelle la cliente a interjeté appel.
Le premier président de la cour d’appel d’Aix, en tant que juge de l’honoraire, a rappelé dans sa décision les dispositions légales en vigueur relatives au choix de l’avocat par un bénéficiaire de l’aide juridictionnelle.
D’une part, l’article 25 de la loi n° 91-647, 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique dispose que «à défaut de choix ou en cas de refus de l’auxiliaire de justice choisi, un avocat ou un officier public ou ministériel est désigné, sans préjudice de l’application des règles relatives aux commissions ou désignations d’office, par le Bâtonnier ou par le président de l’organisme professionnel dont il dépend» [6] ; et d’autre part, l’article 103 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 (N° Lexbase : L0627ATE), décret d’application de la loi susvisée, dispose que «lorsqu’un avocat désigné ou choisi au titre de l’aide juridictionnelle est, en cours de procédure, remplacé au même titre pour raison légitime par un autre avocat, il n’est dû qu’une seule contribution de l’Etat. Cette contribution est versée au second avocat, à charge pour lui de la partager avec le premier dans une proportion qui, à défaut d’accord, est fixée par le Bâtonnier» [7].
Au regard de ces dispositions, le premier président aixois a mis en exergue que le conseil du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, «en cas de refus de l’auxiliaire de justice choisi, doit être désigné par le Bâtonnier», et que ledit bénéficiaire, s’il fait dans un second temps appel à un avocat qui refuse d’être rémunéré au titre de l’aide juridictionnelle, est supposé renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Il en a alors conclu que, la première avocate ne pouvant plus être rémunérée au titre de l’aide juridictionnelle du fait de la renonciation tacite du client au bénéfice de cette aide, celle-ci était légitime à réclamer des honoraires à son ancienne cliente.
Dans un arrêt récent du 14 juin 2018, la Cour de cassation avait déjà rappelé que la perception d’honoraires par un avocat déchargé par son client en cours de procédure n’était envisageable qu’à la condition que ce client, s’il était bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, ait renoncé au bénéfice de l’aide juridictionnelle : «l’avocat, qui avait été désigné au titre de l’aide juridictionnelle, n’ayant pas mené sa mission jusqu’à son terme, ne pouvait prétendre à la perception d’honoraires s’il n’était pas justifié que sa cliente avait renoncé rétroactivement au bénéfice de l’aide juridictionnelle» [8].
Cette solution dégagée par la Cour de cassation n’était pas sans rappeler une décision bien antérieure de la deuxième chambre civile de la même juridiction en date du 3 juillet 2008 qui soulignait que c’était à la seule condition d’une renonciation à l’aide juridictionnelle par un client changeant de conseil en cours de procédure que l’avocat délaissé pouvait réclamer des honoraires : «Qu’en se déterminant ainsi, sans constater qu’en choisissant Me X..., M. Y... avait renoncé au bénéfice de l’aide juridictionnelle, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés» [9].
Quelques jours après l’arrêt du 14 juin de la Cour de cassation, le 26 juin 2018, c’était au tour de la cour d’appel de Paris de trancher un litige de la même espèce, s’appuyant une nouvelle fois sur l’article 103 du décret du 19 décembre 1991 et précisant, comme le fait la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans le cas qui nous occupe ici, qu’il résulte bien a contrario de cet article que le conseil qui aurait été choisi par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ou désigné par le Bâtonnier à ce titre, s’il est remplacé en cours de procédure par un autre avocat qui refuserait d’être rémunéré au titre de l’aide juridictionnelle, ne peut recevoir aucune contribution de l’Etat. Or, ne pouvant percevoir aucune contribution de l’Etat, et ayant cependant accompli des diligences, l’avocat dessaisi est alors bien fondé à réclamer des honoraires à son client mécontent [10].
L’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence vient, dans la continuité de l’arrêt précité et sans heurter le principe de liberté du choix de l’avocat, préciser qu’un changement d’avocat par un bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, en cours de procédure et au profit d’un avocat refusant d’être rémunéré au titre de l’aide juridictionnelle, est assimilable à une renonciation à l’aide juridictionnelle.
Il apparaît, en effet, complètement aberrant qu’un justiciable puisse, pour un premier avocat, bénéficier d’une aide de l’Etat, et, pour un second avocat, avoir les moyens financiers de payer les honoraires d’un conseil qui refuserait d’être rémunéré au titre de l’aide juridictionnelle.
La liberté de choix de l’avocat n’est pas entre les mains des individualités : c’est un principe qui préside à la société et au fonctionnement de nos institutions judiciaires.
De plus, rappelons ici que l’avocat n’est pas un bien de consommation. Les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ne sont pas au supermarché de la Justice. Ils bénéficient des largesses sociales de l’Etat afin que tous aient accès à la justice à moindre frais, selon l’un des principes fondamentaux des institutions juridictionnelles françaises, à savoir la gratuité. Le citoyen n’a pas à faire la fine bouche en exigeant, selon ses lubies du moment, tel ou tel professionnel. Il doit se plier aux règles d’une République bienveillante et pleine de largesses. Plus de fantaisies du justiciable, place aux caprices de Marianne.
[1] Décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005.
[2] Décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, art. 3 et Règlement intérieur national de la profession d’avocat, art. 1.3 ({LXB=L2105HYM]).
[3] Décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, art. 103 (N° Lexbase : L0627ATE).
[4] Voir, entre autres, CA Bordeaux, 22 janvier 2013, n° 12/02712 (N° Lexbase : A5803I3C).
[5] CA Aix-en-Provence, 9 avril 2013, n° 12/12023 (N° Lexbase : A7639KBK ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9859ETC) et CA Aix-en-Provence, 6 septembre 2016, n° 15/04816 (N° Lexbase : A8452RZ3 ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0427E7X).
[6] Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l’aide juridictionnelle, art. 25.
[7] Décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, art. 103.
[8] Cass. civ. 2, 14 juin 2018, n° 17-21.318, F-P+B+I (N° Lexbase : A9314XQZ ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E1715E7N et N° Lexbase : E0422E7R).
[9] Cass. civ. 2, 03 juillet 2008, n° 07-13.036, FS-P+B (N° Lexbase : A4849D9H ; cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E0422E7R). On consulter aussi une décision de la même chambre en date du 11 février 2010, dans laquelle il est rappelé que c’est uniquement en cas de renonciation à l’aide juridictionnelle que des honoraires peuvent être réclamés par le premier avocat : «l’exercice, en cours de procédure, de la liberté de choix de son avocat par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle n’emporte pas renonciation à cette aide ; qu’en condamnant Mme X... à verser des honoraires à M. Y... sans constater qu’elle aurait renoncé, en choisissant un nouvel avocat, au bénéfice de l’aide juridictionnelle, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées» (Cass. civ. 2, 11 février 2010, n° 09-65.078, F-D N° Lexbase : A7877ER8).
[10] CA Paris, Pôle 2, 6ème ch., 26 juin 2018, n° 17/00395 (N° Lexbase : A7637XUE).
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Réf. : Loi n° 2018-727 du 10 août 2018, pour un Etat au service d'une société de confiance (N° Lexbase : L6744LLD)
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par Yann Le Foll
Le 05 Septembre 2018
► La loi n° 2018-727 du 10 août 2018, pour un Etat au service d'une société de confiance (N° Lexbase : L6744LLD), crée au profit de tout administré un droit à l’erreur, un droit à se faire contrôler et précise les incidences d'une pièce manquante dans un dossier.
Est créé dans le Code des relations entre le public et l'administration un chapitre intitulé “Droit à régularisation en cas d'erreur”. Dorénavant, une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. Est considérée comme de mauvaise foi toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation. En cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi et de la fraude incombe à l'administration.
Dans le même code est créé un autre chapitre intitulé “Droit au contrôle et opposabilité du contrôle”. Dorénavant, toute personne peut demander à faire l'objet d'un contrôle prévu par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. La demande précise les points sur lesquels le contrôle est sollicité. L'administration procède à ce contrôle dans un délai raisonnable, sauf en cas de mauvaise foi du demandeur, de demande abusive ou lorsque la demande a manifestement pour effet de compromettre le bon fonctionnement du service ou de mettre l'administration dans l'impossibilité matérielle de mener à bien son programme de contrôle.
Enfin, l’article 4 de la loi prévoit qu’à l’avenir, l’absence d'une pièce au sein d'un dossier déposé par un usager en vue de l'attribution d'un droit ne peut conduire l'administration à suspendre l'instruction de ce dossier dans l'attente de la transmission de la pièce manquante. Si la pièce fait toujours défaut au moment de la décision d'attribution du droit concerné, cette attribution n'est effective qu'après la réception par l'administration de cette pièce. Toutefois, cette disposition ne s'applique pas dans le cas où la pièce manquante est indispensable à l'administration pour instruire valablement le dossier.
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Réf. : Loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018, relative à la protection du secret des affaires (N° Lexbase : L5631LL7)
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N5248BXN
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par Vincent Téchené
Le 05 Septembre 2018
A la suite de sa validation par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2018-768 DC, du 26 juillet 2018 N° Lexbase : A6262XYL ; lire N° Lexbase : N5236BX9), la loi relative à la protection du secret des affaires a été publiée au Journal officiel du 31 juillet 2018 (loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 N° Lexbase : L5631LL7).
Ce texte, qui a pour objet d’assurer la transposition de la Directive 2016/943 du 8 juin 2018 (N° Lexbase : L6171K83), introduit un nouveau titre dans le livre Ier Code de commerce, composé des articles L. 151-1 à L. 153-2.
En premier lieu, la loi, reprenant les termes de la Directive presque à l’identique définit la notion d’information protégée. Est ainsi protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
- elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;
- elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
- elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.
Il est ensuite prévu une détention légitime de l’information par la découverte, la création, l’observation, l’étude, le démontage et le test. Sont également définies l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites d’une information protégée.
Il est prévu des exceptions à la protection du secret des affaires. Ainsi, il n’est pas opposable notamment dans l'exercice des pouvoirs d'enquête, de contrôle, d'autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives. En outre, à l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n'est pas opposable notamment aux journalistes afin de garantir la liberté d’expression et la liberté de la presse, aux lanceurs d’alerte, aux salariés et à leurs représentant.
Le texte met en place des mesures pour prévenir et faire cesser une atteinte au secret des affaires. Il fixe les modalités de la réparation d'une atteinte au secret des affaires, c’est-à-dire les éléments devant pris en compte pour fixer les dommages-intérêts, reprenant ici les principes de la réparation de la contrefaçon (manque à gagner, préjudice moral, bénéfices tirés de l’atteinte au secret). Les juges peuvent, par ailleurs, ordonner des mesures de publicité de la décision constatant une atteinte au secret des affaires. Il est, par ailleurs, instauré une amende civile en cas de procédures abusives qui ne peut être supérieure pas à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts ou, à défaut, de 60 000 euros.
Enfin, des mesures générales de protection du secret des affaires devant les juridictions civiles ou commerciales sont édictées, telle que la limitation de la communication ou de la production d’une pièce protégée ou encore l’adaptation de la motivation de la décision et les modalités de sa publication.
Par ailleurs, le Code de justice administrative est modifié afin de protéger les pièces couvertes par le secret des affaires.
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Réf. : Loi n° 2018-702 du 3 août 2018, relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes (N° Lexbase : L6142LL3)
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N5280BXT
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par Yann Le Foll
Le 05 Septembre 2018
► La loi n° 2018-702 du 3 août 2018, relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes (N° Lexbase : L6142LL3), a été publiée au Journal officiel du 5 août 2018.
Elle énonce que les communes membres d'une communauté de communes qui n'exerce pas, à la date du 5 août 2018, à titre optionnel ou facultatif, les compétences relatives à l'eau ou à l'assainissement, peuvent s'opposer au transfert obligatoire, résultant du IV de l'article 64 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015, portant nouvelle organisation territoriale de la République (N° Lexbase : L1379KG8), de ces deux compétences, ou de l'une d'entre elles, à la communauté de communes si, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes représentant au moins 20 % de la population délibèrent en ce sens. En ce cas, le transfert de compétences prend effet le 1er janvier 2026.
Ce principe peut également s'appliquer aux communes membres d'une communauté de communes qui exerce de manière facultative à la date du 5 août 2018 uniquement les missions relatives au service public d'assainissement non collectif, tel que défini au III de l'article L. 2224-8 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7838IMA). En cas d'application de ces dispositions, le transfert intégral de la compétence assainissement n'a pas lieu et l'exercice intercommunal des missions relatives au service public d'assainissement non collectif se poursuit dans les conditions précitées.
Si, après le 1er janvier 2020, une communauté de communes n'exerce pas les compétences relatives à l'eau et à l'assainissement ou l'une d'entre elles, l'organe délibérant de la communauté de communes peut également, à tout moment, se prononcer par un vote sur l'exercice de plein droit d'une ou de ces compétences par la communauté. Les communes membres peuvent toutefois s'opposer à cette délibération, dans les trois mois, dans les conditions précitées.
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Réf. : Décret n° 2018-710 du 3 août 2018, précisant les conditions dans lesquelles un titre, une créance, un instrument ou un droit est considéré comme non structuré au sens du 4° du I de l'article L. 613-30-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6138LLW)
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N5284BXY
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par Vincent Téchené
Le 05 Septembre 2018
► Un décret, publié au Journal officiel du 5 août 2018 (décret n° 2018-710 du 3 août 2018, précisant les conditions dans lesquelles un titre, une créance, un instrument ou un droit est considéré comme non structuré au sens du 4° du I de l'article L. 613-30-3 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L6138LLW), précise les conditions dans lesquelles un titre, une créance, un instrument ou un droit est considéré comme non structuré au sens du 4° du I de l'article L. 613-30-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7695LBM).
Ainsi, les titres, créances, instruments et droits qui répondent aux conditions suivantes ne sont pas considérés comme structurés et peuvent donc être émis au sein du rang chirographaire, dit «senior non préféré» :
(i) Le taux d'intérêt des titres, créances, instruments et droits doit remplir l'un des critères suivants (plusieurs critères pouvant se succéder) :
- être nul (zéro-coupon) ;
- être à taux fixe (linéaire ou «ré-initialisable» à des dates prédéterminées à la date d'émission et la réinitialisation se fait sur la base d'un taux de marché usuel en matière financière) ;
- être indexé sur un taux d'intérêt reconnu à la date d'émission du titre, créance, instrument ou droit, comme tel par le règlement européen dit «benchmark» pour les transactions interbancaires (comme le «Libor», l'«Euribor», etc .) assorti, le cas échéant d'une marge fixe (par exemple « Euribor 3M +2 % »), pouvant comporter un taux plancher à zéro, et pouvant faire l'objet d'une réinitialisation.
Il convient de préciser que la référence à un taux d'intérêt reconnu comme tel par le Règlement européen dit « benchmark » pourra évoluer pour tenir compte d'éventuelles adaptations des indices de référence du marché monétaire.
(ii) Ces titres, créances, instruments ou droits ne peuvent comporter de dérivé incorporé et le montant du remboursement, de la rémunération dues à l'échéance et la date de chaque échéance sont connues et ne dépendent pas d'événement futurs incertains. Le contrat initial qui les régit permet ainsi d'identifier les éléments de rémunération, y compris lorsqu'ils ne donnent lieu au versement d'aucun coupon ou intérêt.
(iii) Les options de remboursement anticipé sont exclues, à l'exception de celles qui sont habituellement présentes pour ce type de titres, créances, instruments ou droits :
- pour raisons fiscales et qui ne jouent qu'à la seule initiative de l'émetteur ou de l'emprunteur
- pour raisons réglementaires (par exemple sur les critères d'éligibilités aux exigences de capacité d'absorption de perte qui viendrait disqualifier l'éligibilité des instruments) et qui ne jouent qu'à la seule initiative de l'émetteur ou de l'emprunteur
- lorsqu'elles ont été prévues dans le contrat d'émission selon un calendrier préfixé et ne jouent qu'à la seule initiative de l'émetteur ou de l'emprunteur.
(iv) Les contrats intègrent, le cas échéant, la possibilité pour l'émetteur ou l'emprunteur de modifier seul certaines des caractéristiques du titre, créance, instrument ou droit afin de permettre le maintien du traitement comptable, fiscal ou réglementaire, initialement prévu (clause de substitution et variation).
Il convient de préciser que l'exercice de ces options (remboursement anticipé, substitution et variation) est généralement soumis aux procédures prévues par la réglementation européenne ou nationale, qui peuvent comprendre l'accord préalable des autorités de résolution ou de supervision. Par ailleurs, il convient de préciser que ces options précitées ne constituent pas des événements futurs incertains.
(v) Le principal, les échéances de remboursement et les intérêts doivent tous être libellés en euro ou tous être libellés dans une unique devise.
(vi) L'échéance initiale minimale des titres, créances, instruments et droits est supérieure à un an.
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N5296BXG
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par Jérôme Germain, Maître de conférences HDR en droit public, Faculté de droit de Metz, IRENEE/Université de Lorraine
Le 05 Septembre 2018
Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de finances locales de Jérôme Germain, Maître de conférences HDR en droit public Faculté de droit de Metz, IRENEE/Université de Lorraine. Il sera proposé dans cette chronique semestrielle de finances locales un commentaire des principales décisions jurisprudentielles récentes relatives au droit des budgets des collectivités locales et de leurs établissements publics ainsi qu’au droit de la comptabilité publique locale. Les commentaires se borneront aux arrêts portant strictement sur les finances locales, à l’exclusion de la fiscalité locale.
Le département de la Seine-Saint-Denis a émis le 1er septembre 2014 un titre exécutoire à l’encontre de la SCI S Plus 2 M en contrepartie du branchement à l’égout d’un immeuble. Ce titre de recette visait le versement par la SCI au département du paiement des travaux réalisés. Le tribunal administratif de Montreuil a annulé ce titre exécutoire le 2 juillet 2015 [1]. De la même façon, le département de la Seine-Saint-Denis a émis le 5 septembre 2014 un titre exécutoire à l’encontre de la SCI Auber Immo Plus en contrepartie du branchement à l’égout d’un immeuble. Le tribunal administratif de Montreuil a aussi annulé ce titre exécutoire le 2 juillet 2015 [2]. La cour administrative d’appel de Versailles a confirmé les jugements de première instance le 15 septembre 2016 à travers deux arrêts [3]. Le département de la Seine-Saint-Denis s’est pourvu en cassation contre ces deux rejets.
L’article L. 1617-5 4° du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3172LCH) dispose que l’ampliation du titre de recette doit contenir les coordonnées de son émetteur et que le bordereau du titre de recettes doit comporter la signature de l’autorité émettrice. La cour administrative d’appel de Versailles a considéré que le titre exécutoire était irrégulier parce qu’il avait été signé postérieurement à sa date d’émission. Emis le 1er septembre, il n’avait été signé que le 2 septembre dans le premier cas. Emis le 5 septembre, il n’avait été signé que le 8 septembre dans le second cas. Le Conseil d’Etat considère en revanche que le bordereau peut présenter une signature postérieure à la date du titre exécutoire. La signature du bordereau n’étant destinée qu’à être produite en cas de contestation, la date du titre exécutoire peut être antérieure à la date de signature du bordereau. Le titre exécutoire demeure alors légal en l’absence d’éléments de droit ou de fait établissant que la décision ne pouvait pas être prise à la date de la signature réelle. La signature réelle est celle du bordereau lui-même par opposition à la date antérieure figurant sur le titre exécutoire. Comme le juge du fond n’a pas vérifié l’existence de tels éléments de droit ou de fait, le Conseil d’Etat casse l’arrêt de la cour administrative d’appel. Le juge d’appel devra reprendre ces deux affaires et vérifier si des éléments de droit ou de fait intervenus entre la date de l’ampliation et celle du bordereau s’opposent à ce que la décision ne soit prise à la date de la signature réelle.
Plusieurs départements (Calvados, Manche, Eure et Orne) demandent au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2017-739 du 4 mai 2017, portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active (N° Lexbase : L1674LEQ). Ce décret fait en effet passer le montant forfaitaire du revenu de solidarité active de 535,17 euros à 536,78 euros à partir d’avril puis 545,48 € à partir de septembre 2017.
D’après l’article 72-2 de la Constitution (N° Lexbase : L8824HBG), «tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi».
Le décret contesté s’est toutefois contenté d’augmenter le montant forfaitaire du revenu de solidarité active. Cette possibilité est reconnue au Premier Ministre par l’article L. 262-2 du Code de l’action sociale et des familles (N° Lexbase : L5815KGH). En d’autres termes, le décret attaqué n’a pas procédé au transfert d’une compétence étatique aux départements. Il n’a pas non plus créé ou étendu une compétence des départements. L’article 72-2 de la Constitution ne s’applique donc pas dans cette affaire.
Le juge relève pour finir que le décret litigieux n’est pas synonyme d’un fardeau financier vidant de toute signification le principe de libre-administration des collectivités locales protégé par l’article 72 de la Constitution. Malgré les dépenses supplémentaires qu’il implique, le décret du 4 mai 2017 n’est donc pas contraire à l’article 72 de la Constitution.
Le maire de Bayonne et le directeur général de l’association Euskal Moneta Monnaie locale du Pays Basque (l’eusko) ont signé une convention le 10 janvier 2018 prévoyant, entre autres, le paiement par la commune de certaines dépenses dans la monnaie locale du Pays Basque. Le préfet des Pyrénées atlantiques a saisi le tribunal administratif de Pau afin que le juge des référés suspende cette convention [4]. Devant le refus du tribunal administratif [5], il interjette appel devant la cour administrative de Bordeaux.
En vertu de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, relative à l’économie sociale et solidaire (N° Lexbase : L8558I3D), une commune peut procéder à des encaissements en monnaie locale. Il n’est donc pas contesté que des recettes non fiscales comme celles constituant la contrepartie d’une prestation puissent être réglées à la commune en monnaie locale dans le cadre d‘une convention avec l‘association de la monnaie locale. En revanche, les dépenses publiques ne peuvent pas être effectuées en monnaie locale. Les comptables publics, en effet, ne sont pas autorisés à utiliser les monnaies locales dans une telle situation [6].
Dans la convention attaquée, la commune n’entend certes pas régler directement en monnaie locale certaines dépenses. Elle s’engage seulement à verser l’argent dû en euro à une association (Euskal Moneta Monnaie locale du Pays Basque) afin que celle-ci effectue la conversion en monnaie locale et reverse la somme au destinataire. Le paiement sera en pratique crédité au compte en monnaie locale détenu par le bénéficiaire auprès de cette association.
La cour administrative d’appel y voit une atteinte au droit de la comptabilité publique. Le caractère libératoire de la dépense publique ne pourra plus être apprécié par le comptable public mais par cette association. Le comptable public ne sera ainsi plus en mesure de réaliser son contrôle de la dépense mandatée par l’ordonnateur financier. Il existe donc d’après la cour administrative d’appel un doute sérieux sur la légalité de la convention déférée. C’est pourquoi le juge d’appel annule l’ordonnance de première instance et suspend l’exécution de la convention.
Cet arrêt de la Cour de cassation était particulièrement attendu puisqu’il s’agit de sa première décision dans les affaires d’emprunts toxiques. Sans surprise, elle confirme les arrêts des cours d’appel en donnant raison aux prêteurs (ici la banque Dexia). Les espoirs nés avec les jugements du TGI de Nanterre s’envolent [7].
La commune de Saint-Leu-La-Forêt (15 000 habitants) demandait l’annulation du taux d’intérêt s’appliquant à elle en raison de la nature spéculative des prêts consentis. Les communes n’ont pas le droit de signer des contrats spéculatifs parce qu’ils visent en but d’enrichissement et non une finalité d’intérêt général. La Cour de cassation considère que le caractère aléatoire des obligations ou illimité des risques encourus ne suffisent pas à conférer une nature spéculative à une convention. Par ailleurs, les contrats contestés cherchaient à refinancer des emprunts antérieurs et non à enrichir la commune. La nature spéculative étant refusée aux contrats litigieux, l’absence d’avertissement sur l’importance des variations de taux ne constitue ni un dol, ni une violence. Les obligations contractuelles ne sont donc pas entachées de nullité du consentement.
Cette espèce permet en outre au juge de préciser la notion d’emprunteur averti. Il utilise la méthode des faisceaux d’indices concordant pour établir ou non le caractère d’emprunteur averti de la commune. En d’autres termes, il apprécie in concreto au jour de la conclusion des prêts contestés si l’emprunteur pouvait être qualifié d’averti. Cette qualité d’emprunteur averti ne se présume donc pas. Parmi les critères examinés par le juge se trouvent la taille de la commune, le nombre de prêts à taux variable souscrits, les diplômes obtenus par le maire, la composition de la Commission des finances ainsi que la politique de gestion active de la dette menée par la commune. La Cour de cassation en déduit ici le caractère d’emprunteur averti de la commune. En conséquent, la banque n’a pas manqué à son devoir de mise en garde face à une opération financière risquée. Cette obligation jurisprudentielle ne s’applique en effet que lorsque l’emprunteur est non averti.
Cet arrêt rappelle enfin que les communes ne peuvent ni saisir la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), ni invoquer la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH). Comme elles exercent une mission de puissance publique, elles représentent des démembrements de l’Etat. La CESDH visant principalement la protection des libertés face à la puissance publique, elles ne sont pas destinataires des droits qu’elle garantit. Les communes ne sont donc pas assimilables aux organisations non gouvernementales qui, elles, peuvent saisir la CEDH. Il en découle que les communes ne peuvent pas invoquer devant le juge l’inconventionnalité de la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014, relative à la sécurisation des contrats de prêt structurés souscrits par les personnes morales de droit public (N° Lexbase : L8472I38). Approuvée par le Conseil constitutionnel [8], cette loi valide l’absence de TEG (taux effectif global) dans certains documents contractuels importants lors des affaires d’emprunts toxiques. D’après la commune, cette loi de validation violait son droit à un procès équitable (CESDH, art. 6§1 N° Lexbase : L7558AIR) et représentait une ingérence de l’Etat dans un procès un cours, ce qu’interdit aussi la CESDH (article 1er du Premier protocole additionnel N° Lexbase : L1625AZ9). La Cour de cassation repousse la distinction proposée par la commune entre droits fondamentaux procéduraux (bénéficiant aux collectivités locales) et droits fondamentaux matériels (ne bénéficiant pas aux personnes publiques). Elle a donc refusé d’examiner ce moyen en raison de son irrecevabilité.
Un litige contractuel entre le service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault (SDIS) et la société aéroport Montpellier Méditerranée (SAMM) avait conduit le SDIS à émettre le 8 mars 2005 un titre de recettes à l’encontre de la Chambre de commerce et d’industrie de Montpellier en tant que gestionnaire de la SAMM. Ce titre de recettes a, le 4 avril 2008, été annulé par le tribunal administratif de Montpellier à la demande de la CCI. La cour administrative de Marseille a donné raison au SDIS le 14 février 2011 en rendant exécutoire le titre de recette contesté. La SAMM a alors versé au SDIS la somme exigée. Le Conseil d’Etat, en revanche, a annulé l’arrêt de la cour administrative de Marseille ainsi que le titre de recettes émis par le SDIS [9]. Le SDIS a alors procédé au remboursement des paiements exécutés en 2011.
Pour verser au SDIS la somme demandée, la SAMM a dû contracter des emprunts. Il va sans dire que le remboursement effectué par le SDIS à la SAMM n’inclut pas les intérêts générés par ces emprunts. Les intérêts versés aux prêteurs demeurent donc à la charge exclusive de la SAMM. La SAMM y voit un préjudice ouvrant droit à réparation. Le tribunal administratif de Montpellier a refusé le 24 novembre 2014 de reconnaître le droit de la SAMM à une réparation par le SDIS du dommage subi en raison du paiement illégalement effectué [10]. En revanche, le 9 mai 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a reconnu que le SDIS devait dédommager la SAMM pour le préjudice subi [11]. Le Conseil d’Etat a finalement estimé qu’il n’y avait pas de lien direct entre l’illégalité du titre exécutoire annulé et le préjudice invoqué. Il a donc annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel et rejeté la demande d’indemnisation de la SAMM.
La société Sanicorse avait conclu le 7 mars 2001 un contrat avec la commune d’Ajaccio. Dans la foulée de sa création, la communauté d’agglomération du pays ajaccien (CAPA) a succédé à la commune d’Ajaccio dans ce contrat. Ce contrat permettait à la société Sanicorse de déposer des déchets médicaux dans une décharge publique en échange du paiement d’une redevance. La société Sanicorse a contesté devant le tribunal administratif de Bastia la décision unilatérale de la CAPA augmentant la redevance due. Le Tribunal des conflits a, le 9 décembre 2013, confirmé la nature administrative du contrat liant les deux parties [12]. Le tribunal administratif de Bastia a donné raison à la société Sanicore le 23 avril 2015 [13]. La cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel de la CAPA dans cette affaire le 9 mai 2016 [14].
La CAPA, en tant que destinataire d’un titre exécutoire, n’avait pas été informé des délais et des voies de recours à sa disposition. En tout cas, l’administration n’était pas en mesure de prouver que cette information lui avait été fournie. Cette omission enfreint naturellement le Code de justice administrative [15]. Dans ce cas, la computation des délais de prescription de l’action contentieuse contre un acte administratif ne peut débuter. Le principe de sécurité juridique empêche toutefois que des situations établies depuis longtemps puissent être remises en cause à n’importe quel moment [16]. Le juge administratif a ici précisé l’encadrement de ce principe en matière de titres exécutoires. Cette catégorie de décision administrative ne saurait non plus être indéfiniment contestée. Le Conseil d’Etat estime ainsi qu’au-delà d’un délai d’un an un titre exécutoire ne pourra plus être contesté devant le juge. Le délai débute soit avec la notification expresse, soit avec la connaissance certaine de la décision concernée. Le juge administratif profite des circonstances spécifiques de l’affaire pour nous éclairer sur un cas particulier. Si le destinataire du titre exécutoire a d’abord saisi par erreur le juge judiciaire dans le délai raisonnable d’un an ici défini, alors il dispose de deux mois pour saisir le juge administratif à partir de la notification ou de la signification du jugement d’incompétence du juge judiciaire.
Créée en 1948, la Cour de discipline budgétaire est devenue la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) en 1963. Juridiction administrative spéciale, elle forme la seconde catégorie de juridiction financière à côté des juridictions en charge du contrôle des comptes des comptables publics (Cour des comptes et chambres régionales des comptes). Juridiction répressive, elle sanctionne certaines infractions commises par des ordonnateurs publics ou des gestionnaires des deniers publics. Les sanctions financières qu’elle prononce (ou ne prononce pas) se distinguent des sanctions pénales ou disciplinaires décidées par d’autres instances. La CDBF est à la fois moins connue dans l’opinion et plus critiquée par la doctrine que les autres juridictions financières. Elle rend trop peu d’arrêts en raison des importantes exceptions que connaît son domaine de compétence. De nombreux ordonnateurs publics ou gestionnaires des deniers publics échappent en effet à son contrôle. Ainsi les ministres et les élus locaux, en raison de leur légitimité démocratique et de leur responsabilité politique devant une assemblée délibérante, ne peuvent être, en principe, poursuivis devant la CDBF [17]. De la même façon, les agents publics qui peuvent exciper d’un ordre écrit d’une personne bénéficiant de cette immunité juridictionnelle ne peuvent pas non plus être poursuivis devant la CDBF. Restent principalement justiciables de la CDBF les administrateurs dirigeant des organismes dépendant de l’administration (établissements publics, entreprises publiques …) et les présidents d’association gérant des subventions publiques. Il s’agit souvent dans le premier cas de fonctionnaires et dans le second cas de bénévoles.
Deux exceptions tentent de tempérer l’immunité juridictionnelle dont bénéficient les principaux gestionnaires des finances locales que sont les élus locaux. La première est législative, la seconde, jurisprudentielle.
D’une part, la loi prévoit deux cas dans lesquels des élus locaux peuvent relever du contrôle de la CDBF. Tout d’abord, le Code des juridictions financières dispose qu’en cas d’inexécution d’une décision de justice (CJF, art. L. 313-7 N° Lexbase : L1648ADE) [18] ou de manquements aux règles d’exécution des jugements (CJF, art. L. 313-12 N° Lexbase : L1653ADL) par des personnes publiques, l’élu local concerné peut être poursuivi devant la CBDF. Ces dispositions jouent essentiellement un rôle dissuasif. Ensuite, lorsqu’un ordre de réquisition du comptable public procure (ou a tenté de procurer) à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, l’élu local devient aussi passible du contrôle de la CDBF (CJF, art. L. 313-6 N° Lexbase : L6430YDS). L’exigence d’un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l’organisme intéressé réduit cependant la portée de cette exception et explique que, parmi les gestionnaires publics poursuivis sur ce fondement, on ne compte aucun élu local.
D’autre part, la jurisprudence élargit le cercle des justiciables en utilisant une porte laissée entrouverte par le législateur. L’article L 312-1 II e) du Code des juridictions financières (N° Lexbase : L1363LE9) étend en effet l’exemption de poursuites dont bénéficient certains gestionnaires publics aux fonctions qui constituent l’accessoire obligé de leur fonction principale. Le juge en a tiré pour conséquence qu’ils perdent leur immunité juridictionnelle devant la CDBF pour les fonctions qui, justement, ne constituent pas l’accessoire obligé de leur fonction principale. Cette brèche a permis d’engager la responsabilité financière de l’élu local en tant qu’administrateur devant le juge des gestionnaires publics [19]. Dans le cas des élus locaux, le juge va tenter de déterminer si, dans l’espèce, la fonction concernée représente ou non l’accessoire obligé du mandat local.
Deux arrêts récents permettent de bien cerner les contours de cette notion d’accessoire obligé du mandat local.
D’un côté, dans l’arrêt «Société d’investissement de la filière pêche de l’archipel Saint-Pierre-et-Miquelon» (n° 218-749 II), le président-directeur général (PDG) de la société en question est aussi le président du Conseil territorial de la collectivité locale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cependant, le conseil d’administration de la société avait le choix entre nommer PDG une personne ou une collectivité locale. Comme il a nommé une personne et non une collectivité locale, la fonction de PDG ne constitue pas ici l’accessoire obligé du mandat local. La CDBF est donc compétente pour sanctionner le PDG de la société concernée.
D’un autre côté, dans l’arrêt «Opéra national de Bordeaux» (n° 216-784), le président du conseil d’administration est aussi un adjoint au maire, désigné au conseil d’administration par son Conseil municipal. Comme les statuts de l’organisme prévoient que son président doit être issu du Conseil municipal, cette fonction représente, ici en revanche, l’accessoire obligé de son mandat local. La CDBF n’est donc pas compétente pour connaître de sa gestion.
Malgré les efforts de la CDBF pour étendre son contrôle, une intervention du législateur semble indispensable pour en améliorer l’effectivité.
Cette affaire trouve sa source dans une erreur de calcul de la cotisation de l’ancienne taxe professionnelle due par deux entreprises au titre de l’année 2004 à la commune de Maugio, membre de la communauté de communes du Pays de l’Or. Les services fiscaux ont réduit non seulement la période d’imposition mais aussi la base d’imposition de ces deux entreprises en raison de leur cessation d’activité en cours d’année. Comme la base d’imposition aurait dû rester inchangée malgré la liquidation judiciaire des sociétés en février 2004, les services fiscaux ont commis une faute dans le calcul de l’impôt dû à la commune. Cette faute est de nature à engager la responsabilité de l’État du fait de ses services fiscaux. Comme on le sait, une faute simple suffit désormais pour ouvrir droit à réparation dans ce type de responsabilité administrative [20]. La communauté de communes du Pays de l’Or étant un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (on parle aussi de GFP, groupement à fiscalité propre), elle a droit à un dédommagement de la part de l’Etat.
Comment doit-être calculé le montant de la réparation due par l’Etat à l’EPCI ? D’une part, l’Etat doit verser en dédommagement à la commune le montant qui lui reste à percevoir. D’autre part, ce montant est bonifié par des intérêts. En première instance, le tribunal administratif de Montpellier a considéré le 14 février 2013 que la compensation étatique [21] versée à la commune en raison de la chute de ses recettes de taxe professionnelle devait être prise en compte [22]. En d’autres termes, le dédommagement dû à la commune devait être diminué de cette compensation déjà attribuée. De son côté, la cour administrative d’appel de Marseille a en revanche choisi, le 23 septembre 2014, de faire abstraction de cette compensation [23]. D’après elle, l’Etat doit verser à la commune l’intégralité de la somme qu’elle aurait dû recevoir sans que celle-ci n’ait besoin d’être défalquée de la compensation étatique versée à la commune. Ce débat est loin d’être anodin d’un point de vue financier. La réparation due selon le juge de première instance s’élève à 457 918 euros tandis que pour le juge d’appel elle atteint 4 579 182 euros. Entre ces deux conceptions, le Conseil d’Etat a choisi sans surprise l’option la plus protectrice des deniers de l’Etat. La réparation devra être calculée en tenant compte de la compensation versée. Cette solution semble aussi la plus équitable. Sans l’erreur des services fiscaux, la commune n’aurait pas obtenu cette compensation étatique. Ne pas retirer cette somme des impôts locaux non versés à la commune représenterait un enrichissement sans cause difficile à justifier au bénéfice de la commune.
Le maire de Montreuil sur Ille demande à Mme A. D. la somme de 33 890,33 euros en raison de l’illégalité de sa nomination au grade d’attaché territorial principal. Mme A. D. attaque le titre exécutoire correspondant devant le tribunal administratif de Rennes qui rejette sa requête [24]. La cour administrative de Nantes fait de même lors de l’appel contre le jugement de première instance [25].
Mme D. était secrétaire de mairie au grade d’attaché territorial. Il lui est reproché d’avoir perçu une rémunération d’attaché principal sur le fondement de manœuvres frauduleuses. Elle a, d’une part, utilisé un extrait de délibération du conseil municipal qui était un faux pour créer un poste d’attaché principal. Elle a, d’autre part, apposé, sans le consentement du maire, la griffe du maire sur un arrêté la nommant au grade d’attaché principal.
La requérante avance que le maire a implicitement avalisé son titre d’attaché principal. En tant qu’ordonnateur principal, il était en effet responsable du versement de son traitement par le comptable public. Il savait donc qu’elle était rémunérée comme attachée principale et non comme attachée territoriale. Le paiement prolongé du traitement pourrait ainsi s’interpréter comme la régularisation a posteriori ou une nomination tacite de Mme D. au grade d’attaché principal. Le Conseil d’Etat refuse cette argumentation. Les fondements juridiques de ces versements sont inexistants. Ils ne sauraient être régularisés d’une manière ou d’une autre.
Mme D. fait par ailleurs remarquer que le titre de perception qu’elle a reçu ne comporte ni le nom, ni le prénom, ni la qualité de l’émetteur (ici le maire). Or, le Code général des collectivités territoriales impose cette formalité à son article L. 1617-5 (N° Lexbase : L3172LCH). Le juge s’oppose toutefois à ce raisonnement en indiquant que le titre de perception a été communiqué à Mme D. dans une lettre du maire. En tant qu’ancienne secrétaire de mairie, elle ne pouvait donc ignorer l’identité de l’émetteur du titre. Le titre de perception n’était pas non plus signé par le maire argumente en outre la requérante. La signature du maire doit en réalité se trouver sur le bordereau conservé par l’administration et non sur le titre de perception envoyé afin d’être produit en cas de contestation (même article). Là encore, le juge donne raison à la commune.
Le Conseil d’Etat ne fait ainsi droit à aucun des moyens développés par Mme D. et confirme donc le titre de perception à son encontre.
La comptable de la commune du Cannet (Alpes-Maritimes), Mme D. C., a été constituée débitrice envers la commune à hauteur de 51 485,29 euros par un jugement de la Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte-d’Azur [26]. Il lui est reproché un certain nombre de paiements irréguliers effectués en 2010. Il s’agissait d’indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires, de primes de rendement et indemnités d’exercice des missions de préfecture et de primes de fin d’année. La maire du Cannet a interjeté appel contre ce jugement de première instance. La somme due a été ramenée à 3 242,07 euros en appel par un arrêt de la Cour des comptes [27]. Le parquet général près la Cour des comptes s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.
Le parquet général près la Cour des comptes a contesté la recevabilité de la commune pour faire appel. D’après lui, la décision de la chambre régionale des comptes ayant constitué la comptable publique débitrice d’une somme en faveur de la commune, seuls la comptable publique ou le ministère public près la chambre régionale des comptes avaient qualité pour former un appel. La maire, d’après ce raisonnement, n’aurait pas pu faire appel.
Le Conseil d’Etat fait toutefois observer que rien dans les textes ne soutient cette restriction. D’après l’article L. 245-1 du Code des juridictions financières, «le comptable, la collectivité locale ou l’établissement public, le représentant du ministère public près la chambre régionale des comptes, le procureur général près la Cour des comptes peuvent faire appel devant la Cour des comptes de toute décision juridictionnelle rendue par la chambre régionale des comptes». Il n’est donc pas fait dans la loi de distinction suivant le contenu ou le sens de la décision rendue. La collectivité locale peut donc faire appel même si le comptable public a été mis en débet vis à vis de la collectivité locale. Le fait que la commune puisse être considérée comme bénéficiaire du jugement de la Chambre régionale des comptes ne fait pas obstacle à sa contestation de la décision rendue par la voie de l’appel. Certes, la commune étant bénéficiaire du jugement rendu, l’interdiction de faire appel empêcherait ses organes de lui porter préjudice. Mais le juge a aussi pour fonction de jouer ce rôle de rempart.
Le Conseil d’Etat renvoie donc l’affaire devant la Cour des comptes. Il précise cependant que la motivation du préjudice financier subi par la commune était suffisante dans le jugement de première instance. La Cour des comptes a ainsi commis une erreur de droit en annulant en appel le jugement de la Chambre des comptes.
[1] TA Montreuil, 4 juillet 2015, n° 1410649.
[2] TA Montreuil, 2 juillet 2015, n° 1410653.
[3] CAA Versailles, 15 septembre 2016, n° 15VE02868 (N° Lexbase : A4655XP4) et 15VE02867 (N° Lexbase : A4654XP3).
[4] CJA, art. L. 554-1 (N° Lexbase : L3092AL4) et CGCT, art. L. 2131-6 (N° Lexbase : L8661AAZ).
[5] TA Pau, 28 mars 2018, n° 1800476.
[6] Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, art. 34 (N° Lexbase : L3961IUA) et arrêté du 24 décembre 2012, portant application des articles 25, 26, 32, 34, 35, 39 et 43 du décret.
[7] Lire nos obs., Chronique juridique de finances locales - Juillet 2016 (N° Lexbase : N3537BWW), Lexbase éd. pub. n° 423, 2016 et Chronique de finances locales - Juillet 2017
(N° Lexbase : N9586BWX), Lexbase éd. pub. n° 469, 2017.
[8] Cons. const., décision n° 2014-695 DC du 24 juillet 2014 (N° Lexbase : A6670MUL).
[9] CE, 22 juin 2012, n° 348676 (N° Lexbase : A5185IPQ).
[10] TA Montpellier, 24 novembre 2014, n°1302535.
[11] CAA Marseille, 9 mai 2016, n°15MA00335 (N° Lexbase : A9186RPW).
[12] T. conf., 9 décembre 2013, n° 3929 (N° Lexbase : A2511KT8).
[13] TA Bastia, 23 avril 2015, n°1400773, 1400774, 1400775, 1400776, 1400777, 1400778, 1400781, 1400783, 1400786, 1400787, 1400788, 1400789, 1400790, 1400791, 1400791, 1400792, 1400793, 1400796, 1400797, 1400780.
[14] CAA Marseille, 9 mai 2016, n° 15MA02665 (N° Lexbase : A9050RPU).
[15] CJA, art. R. 421-5 (N° Lexbase : L3025ALM).
[16] CE Ass., 13 juillet 2016, n° 387763 (N° Lexbase : A2114XRL).
[17] Le Conseil constitutionnel a approuvé ces exemptions de responsabilité financière devant la CDBF : C. const., décision n° 2016-599 QPC du 2 décembre 2016 (N° Lexbase : A8022SLP).
[18] Seul arrêt de condamnation : CDBF, 20 décembre 2001, n° 469.
[19] Arrêt de principe : CE, 9 décembre 1977, n° 97399 (N° Lexbase : A6845B7N). Voir aussi CDBF, 13 juin 2003, n° 385.
[20] Sur le principe : CE, 21 mars 2011, n° 306225 (N° Lexbase : A7931ETW) ; pour les collectivités locales : CE, 24 avril 2012, n° 337802 (N° Lexbase : A4165IKH).
[21] Cette compensation étatique est prévue par l’article 53 de la loi de finances 2004 n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 (N° Lexbase : L6348DM3).
[22] TA Montpellier, 14 février 2013, n° 1000320.
[23] CAA Marseille, 23 septembre 2014, n°13MA01176 (N° Lexbase : A3689MXW).
[24] TA Rennes, 21 août 2014, n° 1205229.
[25] CAA Nantes, 21 janvier 2016, n° 14NT02721 (N° Lexbase : A2270N79).
[26] Ch. Rég. Comptes, 26 septembre 2013, n° 2013-0009.
[27] C. comptes, 13 novembre 2014, n° 71194.
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Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 26 juillet 2018, n° 403389, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6288XYK)
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par Marie-Claire Sgarra
Le 06 Septembre 2018
►Il résulte des dispositions de l’article 1407 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6572K8W) et de la loi du 2 janvier 1907, concernant l’exercice public des cultes (N° Lexbase : L7914IQ8), que des locaux affectés exclusivement à l’exercice du culte ne peuvent bénéficier d’une exonération de la taxe d’habitation que si cet exercice du culte est public et qu’ainsi, les locaux ne sont pas occupés à titre privatif
Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 26 juillet 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 26 juillet 2018, n° 403389, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6288XYK).
En l’espèce, le tribunal a relevé que des cours d’initiation aux enseignements spirituels, d’exercice de piété, de cérémonies spirituelles, de conférences, de réunions et d’activités diverses liées au culte de Sukyo Mahikari se déroulaient dans les locaux dont l’association dispose à Marseille et que les éléments produits par l’association ne permettaient pas de savoir si l’accès à ses locaux était ouvert à d’autres qu’à ses membres (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X4902AL7).
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Réf. : Décret n° 2018-687 du 1er août 2018, pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, relative à la protection des données personnelles (N° Lexbase : L5994LLL)
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N5257BXY
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par Vincent Téchené
Le 05 Septembre 2018
Un décret, publié au Journal officiel du 3 août 2018 (décret n° 2018-687 du 1er août 2018 N° Lexbase : L5994LLL), contient les mesures d'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée par la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 (N° Lexbase : L8794AGS ; lire N° Lexbase : L7645LKD). Il modifie le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 (N° Lexbase : L0844HDM), pour le mettre en conformité avec le «RGPD» (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I ; cf. Numéro spécial, Lexbase, éd. aff., 2018, n° 553 N° Lexbase : N4163BXH).
Il définit les conditions dans lesquelles, soit la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), soit l'organisme national d'accréditation mentionné au b du 1 de l'article 43 du «RGPD», agrée les organismes certificateurs aux fins de reconnaître qu'ils se conforment à ce Règlement et à la loi du 6 janvier 1978.
Il fixe les conditions et limites dans lesquelles le président de la CNIL et le vice-président délégué peuvent déléguer leur signature. Il précise la composition du comité d'audit du système national des données de santé prévu à l'article 65 de la loi du 6 janvier 1978, ses règles de fonctionnement et les modalités de l'audit. Il détermine les conditions dans lesquelles les membres et agents de la commission amenés à réaliser des opérations en ligne nécessaires à leur mission sous une identité d'emprunt procèdent à leurs constations. Il définit la procédure d'urgence contradictoire appliquée par la formation restreinte saisie par le président de la CNIL.
Il détermine également les conditions et les garanties selon lesquelles il peut être dérogé en tout ou partie aux droits prévus aux articles 15, 16, 18 et 21 du «RGPD» en matière de traitements à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques. Il précise ,en outre ; les conditions d'application de l'article 49-3 de loi du 6 janvier 1978, relatif au traitement transfrontalier au sein de l'Union européenne.
Il fixe la liste des catégories de personnes morales de droit privé collaborant au service public de la justice autorisées à mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales, aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes. Il fixe la liste des traitements et des catégories de traitements autorisés à déroger au droit à la communication d'une violation de données régi par l'article 34 du «RGPD» lorsque la notification d'une divulgation ou d'un accès non autorisé à ces données est susceptible de représenter un risque pour la sécurité nationale, la défense nationale ou la sécurité publique.
Le décret achève également la transposition de la Directive 2016/680 du 27 avril 2016 (N° Lexbase : L9729K7H). Il précise notamment le contenu de l'analyse d'impact effectuée préalablement à la mise en œuvre d'un traitement, le contenu du contrat ou de l'acte juridique liant le sous-traitant à l'égard du responsable du traitement ainsi que les règles applicables aux responsables conjoints du traitement. Il procède aux coordinations nécessaires, notamment dans le Code de procédure pénale pour les fichiers de police judiciaire, particulièrement pour le traitement d'antécédents judiciaires, ainsi que dans le Code pénal, pour les contraventions d'atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques. Enfin, il prévoit que la CNIL transmet aux responsables de traitement l'ensemble des demandes tendant à la mise en œuvre des droits d'accès indirect, de rectification et d'effacement prévus par le chapitre XIII de la loi du 6 janvier 1978 qui lui ont été adressées avant l'entrée en vigueur du présent décret, le 4 août 2018.
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Réf. : Loi n° 2018-701 du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les rodéos motorisés (N° Lexbase : L6140LLY)
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N5278BXR
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par June Perot
Le 05 Septembre 2018
► A été publiée au Journal officiel du 5 août 2018, la loi n° 2018-701 du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les rodéos motorisés (N° Lexbase : L6140LLY). Cette loi instaure à l’article L. 236-1 du Code de la route (N° Lexbase : L6164LLU), une nouvelle infraction. Désormais, le fait d’adopter au moyen d'un véhicule terrestre à moteur, une conduite répétant de façon intentionnelle des manœuvres constituant des violations d'obligations particulières de sécurité ou de prudence prévues par les dispositions législatives et réglementaires du Code de la route dans des conditions qui compromettent la sécurité des usagers de la route ou qui troublent la tranquillité publique est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
La loi prévoit par ailleurs une échelle de circonstances aggravantes :
Egalement, le fait d’inciter directement autrui à commettre cette infraction, d’organiser un rassemblement destiné à permettre la commission de ces faits, ou de faire, par tout moyen, la promotion des faits mentionnés à l’article L. 236-1 du Code de la route ou du rassemblement cité, est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
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Réf. : Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (N° Lexbase : L6141LLZ)
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N5265BXB
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par June Perot
Le 05 Septembre 2018
► A été publiée au Journal officiel du 5 août 2018, la loi n° 2018-703 du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (N° Lexbase : L6141LLZ). Cette loi, si elle ne tient pas toutes ses promesses quant aux annonces qui ont été faites ces derniers mois, prévoit néanmoins quelques apports et précisions. Des créations, d’abord, avec la mise en place d’une infraction d’outrage sexiste (C. pén., art. 621-1 N° Lexbase : L6207LLH), d’une infraction d’atteinte à l’intimité pour lutter contre l’upskirting et le voyeurisme (C. pén., art. 226-3-1 N° Lexbase : L6208LLI) et d’une infraction obstacle relative à l’usage de GHB (C. pén., art. 222-30-1 N° Lexbase : L6200LL9). La loi apporte ensuite des précisions quant à la notion de contrainte. La définition du viol est modifiée puisque l’article 222-23 du Code pénal (N° Lexbase : L6217LLT) prévoit désormais que l’acte de pénétration sexuelle, pour constituer un viol, doit être commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur. Elle prévoit par ailleurs des aggravations de peines à raison de l’utilisation de GHB et lorsqu’un mineur est présent ou a assisté aux faits. Enfin, elle modifie l’article 7 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6212LLN) pour allonger à 30 ans, le délai de prescription des crimes à caractère sexuel commis sur mineurs.
«Harcèlement de rue»
Comme annoncé, la loi crée l’infraction d’outrage sexiste. Selon le nouvel article 621-1 du Code pénal, constitue un outrage sexiste le fait, hors les cas prévus aux articles 222-13 (N° Lexbase : L6231LLD), 222-32 (N° Lexbase : L5358IGK), 222-33 (N° Lexbase : L6229LLB) et 222-33-2-2 ([LXb=L6228LLA]), d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
L’outrage sexiste est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 4ème classe (135 euros).
Stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes
Est ajouté à l’article 131-16, 9 ter, du Code pénal (N° Lexbase : L6240LLP), une nouvelle peine contraventionnelle consistant en l’accomplissement d’un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes.
«Sous les jupes des filles»
La loi du 3 août 2018 créé, dans un nouvel article 226-3-1 du Code pénal, une infraction permettant de réprimer la pratique dite du «upskirting». L’article prévoit ainsi que le fait d'user de tout moyen afin d'apercevoir les parties intimes d'une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu'il est commis à l'insu ou sans le consentement de la personne, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
«La drogue du viol»
L’autre apport de la loi, qui pourtant n’avait pas été annoncé par la ministre Marlène Schiappa, réside dans la création d’une infraction relative à l’usage de GHB. Le nouvel article 222-30-1 énonce ainsi que : «Le fait d'administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende».
La notion de contrainte
La loi a opté pour une redéfinition des contours du défaut de consentement, élément constitutif commun à toutes les agressions sexuelles. Aux termes de l’article 222-22-1 modifié, la contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime. Le texte a ajouté que cette autorité de fait peut être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur. Un nouvel alinéa prévoit également que : «Lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes».
Un focus et un commentaire de cette loi, réalisés respectivement par F.-X. Roux-Demare et A. Darsonville sont à paraître dans le numéro d’octobre de la revue Lexbase Pénal.
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par Catheline Modat, avocat associée - Studio avocats
Le 05 Septembre 2018
Le 1er août 2016 [1], la procédure prud’homale a profondément changé, tant en première instance que devant les juridictions d’appel.
En cause d’appel, jusqu’au 31 juillet 2016, le seul délai dont les parties se préoccupaient réellement était celui d’un mois pour interjeter appel, c’est-à-dire en pratique, la date limite pour envoyer sa déclaration d’appel par lettre recommandée avec accusé de réception.
De même, les parties étaient peu soucieuses de la rédaction de leur déclaration d’appel qui se résumait souvent à indiquer s’il s’agissait d’un appel total ou partiel.
Et la procédure suivait son cours. Si les parties diligentes respectaient les délais indicatifs des juridictions, pour autant, communiquer avec quelques jours de retard n’emportait aucune conséquence.
L’application de la procédure d’appel écrite à la procédure prud’homale, à compter du 1er août 2016, a donc été un véritable séisme pour les nombreux praticiens qui exerçaient uniquement en droit social et qui n’étaient pas habitués aux procédures écrites. Il a fallu s’organiser et informer les clients pour être en mesure de gérer les nouvelles obligations.
Deux ans après le passage à la procédure écrite, où en sommes-nous ?
Tout d’abord, il n’aura échappé à personne qu’à peine nous commencions à prendre nos marques et acquérir des réflexes que, le 1er septembre 2017 [2], entrait la réforme -générale cette fois- de la procédure d’appel.
Nous avons donc dû assimiler deux grosses réformes en onze mois.
Il n’est pas question ici de décrire de manière exhaustive la procédure d’appel applicable en matière prud’homale mais de faire un bilan des pratiques depuis ces deux dernières années et des changements intervenus tant dans la gestion de la procédure que dans les rapports entre l’avocat et son client.
I - Les changements pratiques intervenus dans la gestion de la procédure
A - La représentation obligatoire
Depuis le 1er août 2016, la représentation est obligatoire en cause d’appel : les parties doivent se faire représenter par un avocat (du ressort de la cour d’appel concernée) ou par un défenseur syndical. Les parties ne peuvent plus se présenter seules.
La question de la multipostulation de l’avocat (possibilité pour l’avocat de représenter ses clients devant toutes les cours d’appel) s’est posée. Il existait une contradiction entre les règles de postulation issues de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ, articles 5 et 5-1) qui érigent le principe d’une territorialité de la postulation et celles de la circulaire du 27 juillet 2016 [3] qui «créaient» une procédure avec représentation obligatoire spécifique à la matière prud’homale.
Dans le doute, nous étions nombreux à appliquer une règle de prudence et à considérer que les règles de la territorialité de la postulation s’appliquaient.
Cela signifiait que lorsque l’affaire était portée devant une cour d’appel qui n’était pas du ressort de l’avocat traitant le dossier, ce dernier devait impérativement s’adosser les services d’un confrère local (un postulant) pour assurer les actes de procédures devant la cour.
Les cabinets d’avocats déjà organisés en réseau couvrant un maillage territorial étendu y ont vu un intérêt supplémentaire. D’autres se sont créés leur propre réseau informel en identifiant des cabinets dans le ressort des cours d’appel devant lesquelles ils avaient l’habitude de plaider.
Mais la recherche du postulant pour les travaillistes n’est pas sans conséquence : c’est transférer la responsabilité d’accomplir les actes à sa place, au risque d’engager sa responsabilité et de mettre en danger la procédure engagée.
Par un avis du 5 mai 2017, la Cour de cassation a finalement considéré que «les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ne s’appliquent pas devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale, consécutivement à la mise en place de la procédure avec représentation obligatoire» (Cass. avis, n° 17007 du 5 mai 2017 N° Lexbase : A9753WBT).
Bien que les avocats puissent désormais assister leur client devant toutes les cours d’appel, peu importe le ressort dans lequel ils exercent, des considérations pratiques ont favorisé le maintien des postulants locaux : comment saisir et dialoguer par réseau privé virtuel des avocats (RPVA) avec une juridiction dans le ressort duquel l’avocat n’est pas inscrit ? Réponse : par papier, avec tous les aléas que cela implique en cas de délais très rapprochés. Autant avoir l’assurance qu’un confrère peut procéder aux communications par simple email.
Dans les faits, de nombreux avocats ont préféré maintenir le recours à un postulant.
B - La procédure écrite
La procédure d’appel est devenue écrite : cela signifie que tout argument doit être repris dans les conclusions. A défaut, l’argument développé seulement à l’oral lors des plaidoiries ne sera pas pris en compte par le juge.
Cela signifie aussi, que seule la dernière version des conclusions sera prise en compte par le juge. Tout argument non repris dans les dernières écritures ne sera pas dans les débats.
Finie la stratégie de certains de limiter son argumentation au strict minimum pour dévoiler ses complets arguments lors des plaidoiries. Désormais, il faut établir des conclusions exhaustives et souvent plus longues et détaillées que les écritures que nous pouvions établir jusqu’à présent. Finie aussi la stratégie qui consistait à répondre aux derniers arguments uniquement dans le cadre des plaidoiries.
Plus aucune place n’est laissée à la surprise des plaidoiries. La procédure écrite a donc dû faire évoluer certaines stratégies.
La réforme de la procédure d’appel entrée en vigueur le 1er septembre 2017 a également introduit des obligations nouvelles en termes de rédactions, tant de la déclaration d’appel que de la critique du jugement. Bien que ces changements aient été largement commentés, il s’avère que certains confrères n’ont pas pris la mesure de ces évolutions.
L’avocat ou le défenseur syndical doit être vigilant à tous les stades de la procédure et s’assurer, lorsqu’il définit la stratégie de défense, qu’il intègre bien les obligations rédactionnelles qui lui incombent.
C - Des délais de communication d’écritures impératifs
Cela constitue un changement majeur dans la procédure car jusque-là les parties n’avaient pas de réels délais, en tout cas dans les premiers mois de la procédure d’appel. Souvent les cours d’appel fixaient un calendrier tardif, quelques semaines avant la date d’audience.
Ce temps de la souplesse est révolu. D’abord, la procédure d’appel prud’homal a été soumise aux délais du décret dit «Magendie» [4]. Soumission de courte durée puisque, peu de temps après, alors que les confrères travaillistes prenaient à peine leurs marques, la réforme de la procédure d’appel redéfinissait les règles du jeu…
L’appelant dispose dorénavant d’un délai de trois mois (hors délais de l’article 905 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7288LEN) à compter de la déclaration d’appel pour conclure et notifier ses conclusions à la cour d’appel et à l’intimé. A défaut de communication dans ce délai impératif, la conséquence est lourde puisque la déclaration d’appel est caduque.
La pratique montre que les juridictions sont logiquement rigoureuses sur ce point : le délai de trois mois court bien à compter de la date de la déclaration d’appel et non de sa date d’enregistrement. Ce point est important car, sur certaines périodes, les greffes mettent plusieurs jours voire plusieurs semaines pour enregistrer la déclaration d’appel. Mais cela ne constitue pas une raison valable pour obtenir un relevé de caducité.
L’intimé dispose -quant à lui- d’un délai de trois mois (hors délais de l’article 905 du Code de procédure civile) à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour conclure et former, le cas échéant, appel incident. Ici, c’est la réception effective des conclusions par l’intimé qui vaut notification. Les conclusions déposées par l’intimé hors délai sont irrecevables.
Le Code de procédure civile prévoit expressément une communication à la cour. Ainsi, l’appelant ne peut pas se contenter d’une communication à la partie adverse. La cour doit impérativement être destinataire des éléments dans le délai de trois mois.
De même, les juridictions sont très réticentes devant des explications liées aux dysfonctionnements du RPVA : seuls des dysfonctionnements prouvés par attestation du Conseil national des barreaux justifiant d’un problème de réseau au jour et à l’heure prétendue de la communication des conclusions peuvent permettre aux juridictions de relever la caducité. Encore faut-il être en mesure de démontrer que les démarches RPVA ont effectivement été entreprises par l’avocat à ce moment-là.
Ces délais visent les premiers échanges. Ils ne sont pas exclusifs d’échanges de nouvelles écritures ultérieurement, tant qu’ils restent cantonnés dans les délais fixés par la juridiction.
Et ces délais doivent, le cas échéant, tenir compte des délais de signification par huissier face à une partie non représentée ou un défenseur syndical. L’huissier doit être informé des délais dans lesquels les actes doivent être signifiés. Il faut également transmettre le second original à la cour. Toutes ces démarches montrent que la partie ne dispose pas de trois mois pour préparer ses écritures mais plutôt de deux mois et demi au maximum.
C’est un point qu’il faut intégrer dans son calendrier interne de procédure et dans ses rapports avec le client.
Ces délais sont impératifs. Il est donc indispensable de les respecter. Il s’agit avant toute chose d’une question d’organisation de la gestion du dossier en appel et d’échanges entre nous sur la préparation du dossier.
D - La communication électronique
Toute communication doit intervenir par voie électronique, à titre d’irrecevabilité relevée d’office via le RPVA. Cette mesure n’est pas applicable au défenseur syndical. Et là encore, cela a considérablement bouleversé les habitudes et dans certains cas complexifié les process.
Tout d’abord, les défenseurs syndicaux n’étant pas soumis à la communication par RPVA, cela multiplie les modes de communication : via le RPVA pour la cour d’appel et les avocats constitués dans le dossier, via signification par huissier pour les défenseurs syndicaux. Les automatismes de la procédure RPVA avec communication simultanée à la cour et à l’avocat constitué font parfois perdre de vue les impératifs de signification par huissier et peuvent empêcher, par les délais de signification, de respecter les délais de communication.
Ensuite, il est plus prudent de garder une marge de sécurité même dans le cadre d’une communication par RPVA. Bien que la communication à la cour soit instantanée, avoir un peu de marge permet d’éviter les désagréments liés à une indisponibilité de la connexion en raison d’opérations de maintenance par exemple ou, plus grave, un dysfonctionnement du réseau.
II - Quand la procédure fait partie intégrante de la défense du dossier
A - De nouveaux arguments
L’introduction de la procédure écriture a ouvert toute un pan d’arguments de pure procédure pour défendre les intérêts de son client sans évoquer le fond du dossier : profiter des erreurs de la partie adverse pour obtenir une caducité, une irrecevabilité des arguments, un rejet des pièces, etc..
Il s’agit là aussi d’une stratégie de défense des intérêts de son client. Cela nécessite de la part de l’avocat une grande pédagogie pour permettre au client de comprendre les subtilités de la procédure et les gains qu’il peut en retirer.
Les écritures deviennent de plus en plus techniques et appellent les compétences en procédure civile de l’avocat. L’exercice du droit du travail, jusqu’alors dominé par la procédure orale, est devenu un droit qui place la procédure au centre de la défense des intérêts du client.
C’est ainsi que l’on constate la multiplication des incidents de procédure. Se développe un véritable contentieux de procédure parallèle au contentieux du fond. Et de plus en plus de dossiers font l’objet de procédure devant le conseiller de la mise en état. Outre le temps de traitement de cet aspect du dossier, cette procédure a également un coût pour le client.
Ces incidents de procédure ne sont pas sans effet sur la responsabilité professionnelle des avocats dont le nombre de sinistres déclarés est en nette augmentation.
Une vigilance accrue est de mise. Le moindre acte est vérifié minutieusement. Aucune démarche RPVA n’est anodine et ne peut être faite à la va-vite.
B - Une gestion du dossier adaptée à la procédure
La procédure n’est pas seulement une partie de l’argumentation. Elle doit également être prise en compte dans l’organisation de la gestion du dossier : mise en place d’un calendrier interne intégrant les délais impératifs, les éventuels délais de signification, les délais de validation des écritures du client, les délais de collecte de pièces, etc..
La sensibilisation du client à la nouvelle procédure était importante pour qu’il soit informé de ses nouvelles obligations et définir avec lui les nouveaux process à mettre en œuvre. C’est ainsi que l’on construit ensemble de nouvelles méthodes de travail.
C - La médiation, plébiscitée par les cours d’appel
Autre tendance importante des cours d’appel qui place la procédure au cœur de la conduite du dossier : la médiation. Désormais, les cours d’appel proposent quasi-systématiquement aux parties d’engager une procédure de médiation. Bien évidemment, la cour ne peut pas imposer aux parties d’entrer en processus de médiation. Mais, il peut s’agir d’un bon moyen de trouver une issue amiable au litige, où chaque partie sortira gagnante. C’est un moyen de renouer le dialogue entre les parties et parfois de faire entendre aux parties le point de vue de l’autre.
Cela évite également aux parties une longue procédure à l’issue incertaine. Car la durée de la procédure d’appel reste également un élément important dans la gestion du dossier : les parties, que ce soit le salarié ou l’employeur, sont-elles prêtes à attendre deux ans de plus pour voir trancher leur litige ? Le salarié ne tourne pas la page. L’employeur conserve un dossier ouvert et une provision dans ses comptes.
Dans la mission de conseil de l’avocat, cette notion de durée de la procédure reste un élément important dans l’appréhension de la médiation.
[1] V. le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail (N° Lexbase : L2693K8A) applicable en partie à compter du 1er août 2016.
[2] Décret n° 2017-1227 du 2 août 2017 (N° Lexbase : L3858LGY) modifiant les modalités d'entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 (N° Lexbase : L2696LEL), relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile.
[3] Circulaire du 27 juillet 2016, relative au nouveau régime de postulation territoriale et nouvelles modalités de représentation devant les cours d'appel statuant en matière prud'homale à compter du 1er août 2016 (N° Lexbase : L4749LBI).
[4] Décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civil ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 245655, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "D\u00e9cret n\u00b0 2009-1524 du 9 d\u00e9cembre 2009 relatif \u00e0 la proc\u00e9dure d'appel avec repr\u00e9sentation obligatoire en mati\u00e8re civile", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L0292IGW"}}).
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Réf. : Cass. civ. 2, 5 juillet 2018, n° 17-19.957, F-P+B+I (N° Lexbase : A0004XW3)
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par Henri Conte , docteur en droit qualifié aux fonctions de maître de conférences
Le 05 Septembre 2018
Résumé : lors d’une rencontre organisée par une association de football, un arbitre est agressé par l’un des joueurs de cette association. Il avait été expulsé en cours de jeu mais est revenu sur la pelouse pour commettre son forfait. La question de la responsabilité de l’association pour les actes commis par un de ses membres est posée devant la Cour de cassation. L’arrêt rendu nous conduit à nous interroger sur les conditions d’engagement de la responsabilité des associations sportives et sur la pertinence de l’extension de son champ.
«Qu'en un lieu, en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli» [1].
1. Canevas. Le 3 février 2008, la pelouse smaragdine d’un terrain de football corse a été la scène d’une tragédie dont le dénouement ne sera pas cet arrêt du 5 juillet 2018 rendu par la Cour de cassation. En effet, cette dernière a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Paris et a renvoyé les parties devant la même Cour autrement composée. Dans le premier acte, des joueurs disputent une partie de ballon rond. L’association Afa Football est engagée dans une lutte sportive contre le club de l’Etoile filante Bastiaise. La rencontre est arbitrée par M. Z, arbitre officiel de la ligue corse de Football et tout se déroule pour le mieux. C’est dans le deuxième acte que se produit l’élément perturbateur. Un joueur de l’équipe de l’association Afa Football commet un manquement aux règles du jeu et écope d’un carton rouge de la part de l’arbitre. Ce dernier retourne penaud dans ses pénates mais ourdit nerveusement sa vendetta dans les vestiaires qui lui tiennent de refuge. Le troisième et dernier acte [2] est le témoin de cette vengeance. Le joueur exclu, rhabillé en tenue de tous les jours, attend que l’arbitre siffle la fin du match [3] pour retourner sur le terrain et agresser violemment ce dernier. Le pauvre homme perd connaissance et se trouve victime de nombreux préjudices corporels. Sa mâchoire et six de ses dents sont notamment brisées. Le préjudice total est estimé à 92 066 euros, ce qui est une somme importante pour ce type d’agression. L’acte est terminé, la chute est tragique et l’arbiter cède sa place au prætor pour que justice soit faite. Par jugement du 5 février 2008, le tribunal correctionnel d’Ajaccio déclare l’agresseur coupable des faits et violences volontaires ayant entraîné une incapacité de plus de huit jours. Un peu moins d’un an après, la victime présente une requête en indemnisation devant la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) et obtient du Fonds de garantie des victimes d’infractions des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) la somme correspondant au montant de ses préjudices.
Le Fonds se retourne contre l’assureur de l’Association Afa Football [4] dont l’agresseur était membre mais aussi contre ce dernier sur le fondement des articles 1242, alinéa 1er (N° Lexbase : L0948KZ7) et 1240 (N° Lexbase : L0950KZ9) [5] du Code civil. Le premier juge reconnaît la responsabilité des parties mises en cause et les condamne in solidum à rembourser au Fonds de garantie le préjudice subi par l’arbitre.
La cour d’appel de Paris infirme le jugement et refuse de reconnaître la responsabilité de l’association. Les juges du fond considèrent que le manquement de l’agresseur aux règles du jeu n’est pas la cause directe du préjudice subi par ce dernier car ces violences ont été commises en dehors de toute activité sportive : «Le match étant terminé et l’auteur des faits n’étant d’ailleurs plus en tenue de joueur» [6].
Le Fonds de garantie forme un pourvoi en cassation et du haut de leur proscenium, les juges du droit cassent et annulent l’arrêt de la juridiction inférieure.
La question principale qui était posée est la suivante : jusqu’où et jusqu’à quand une association sportive est responsable de l’activité de ses membres ?
La Cour de cassation affirme de manière claire et pédagogique que «l’agression d’un arbitre commise dans une enceinte sportive par un joueur constitue, même lorsqu’elle se produit à l’issue de la rencontre, dont ce dernier a été exclu, une infraction aux règles du jeu en lien avec l’activité sportive». Ainsi, même après le coup de sifflet sonnant la fin du match et alors que l’agresseur avait abandonné son costume de scène, l’Association de Football demeurait responsable des agissements de l’un des membres de sa troupe.
C’est peut-être parce que la cour d’appel se trouve dans le même bâtiment que celui de la Cour de cassation mais que la première tourne son regard vers la rive gauche tandis que l’autre embrasse la rive droite, que la Bataille était inévitable et qu’il fallait dénommer ce commentaire ainsi. Mais c’est sans doute aussi pour faire référence à la célèbre Bataille d’Hernani [7] qui opposa au 19ème siècle les classiques aux romantiques. Les juges du fond se font ici les fidèles gardiens d’une règle qui voulait jusqu’à présent limiter l’étendue de la responsabilité des associations pour les actes commis par leurs membres dans le strict cadre de la rencontre sportive. Cette règle fait écho à celle des trois unités dans le théâtre classique : de lieu, de temps et d’action, qui est en partie transposable ici. Selon cette règle, l’action doit se dérouler dans un temps limité, dans le même lieu et tous les événements doivent être liés et nécessaires, de l'exposition jusqu'au dénouement de la pièce. Les juges du droit ébrèchent la règle en considérant qu’une telle responsabilité est possible même lorsque les fautes ont été commises à l’issue de la rencontre.
Cela suffirait à formaliser notre plan mais par souci de pédagogie et pour ne pas forcer la métaphore outre mesure, il sera préférable de l’articuler traditionnellement en deux parties en des termes plus juridiques que tragiques. C’est ainsi que seront examinés tout d’abord les critères qui justifient la responsabilité de l’association sportive (I) et ensuite les raisons qui peuvent pousser à douter de leur pertinence (II).
I - La recherche d’un critère justifiant la responsabilité de l’association sportive
2. La faute et l’association. La responsabilité du fait d’autrui a connu une importante évolution par un arrêt de la Cour de cassation de 1991 [8]. D’autres ont suivi et ont permis d’engager la responsabilité d’associations sportives du fait de leurs membres. Il est nécessaire de rappeler les conditions permettant d’engager la responsabilité des associations sportives (A) avant d’analyser la dimension temporelle, spatiale et active de la faute du joueur qui permet de justifier la solution (B).
A - Le rappel des conditions de la responsabilité des associations sportives
3. L’arrêt «Blieck». C’est avec grand fracas, le 29 mars 1991 [9], que la Cour de cassation a affirmé que l'association qui accepte la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie d'un handicapé mental dans un milieu protégé en le soumettant à un régime comportant une totale liberté de circulation dans la journée, doit répondre de celui-ci au sens de l'article 1242, alinéa 1er du Code civil [10], et est tenue de réparer les dommages qu'il a causés. En l’espèce, un jeune handicapé avait causé l’incendie d’une forêt appartenant aux consorts Blieck qui donnèrent leur nom à la décision. Très vite, la question se posa de savoir s’il s’agissait d’une nouvelle forme de responsabilité générale du fait d’autrui à l’instar de la responsabilité du fait des choses qui naquit en 1896 avec l’arrêt "Teffaine". Après avoir multiplié les cas d’ouverture à cette responsabilité, une série d’arrêts est venue limiter son accroissement exponentiel si bien qu’il est difficile d’affirmer qu’il existe déjà un principe général de responsabilité du fait d’autrui [11]. En effet, les premières décisions se limitaient aux cas précis dans lesquels des personnes vulnérables étaient prises en charge à titre permanent par des associations ou des organismes spécialisés [12] avant d’évoluer pour concerner toutes les organisations ou associations ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres. On cite souvent à cet égard les deux arrêts du 22 mai 1995 [13] de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui affirment que «les associations sportives ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils participent sont responsables, au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, des dommages qu'ils causent à cette occasion» et dont l’attendu a peu évolué depuis puisque, dans la présente décision, les juges de la deuxième chambre civile considèrent, au visa de l’article 1242, alinéa 1er que : «Les associations sportives ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres, sont responsables des dommages que ceux-ci causent à cette occasion». La Cour de cassation précisera ensuite : «Dès lors qu’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu est imputable à un ou plusieurs de leurs membres, même non identifiés» [14]. En matière sportive, pour engager la responsabilité d’une association du fait de son membre, il faut donc que ce dernier soit l’auteur d’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu.
4. Nature de la faute. Les différentes décisions qui ont été rendues en matière sportive permettent de mieux cerner la nature particulière de cette faute. Par exemple, une telle faute est constituée quand, lors d’une altercation générale en cours d'un match de football, un joueur retire sa chaussure pour frapper et blesser un joueur de l'équipe adverse [15]. Il en va de même lorsque, lors d’un match de rugby, un des joueurs donne un coup de poing dans l’œil à un autre des joueurs présents sur le terrain [16]. Ou encore, lorsqu’au cours d’un match de basket, un joueur en percute un autre alors que ce dernier réalisait un saut vertical [17].
En revanche, envoyer un palet de Hockey hors-zone et blesser un spectateur ne constitue pas une faute caractérisée par les violations des règles du jeu [18] et la faute caractérisée ne peut se déduire de la gravité des blessures occasionnées [19]. Ainsi, un plaquage de rugby dont la preuve d’une violation des règles du jeu n’a pas été apportée, mais qui cause un handicap sévère à son destinataire, ne constitue pas une faute caractérisée par les violations des règles du jeu. Dans le même sens et dans le sport qui intéresse notre affaire, si deux joueurs se disputent un ballon dans les airs avec leurs têtes et que l’un d’entre eux subit un coup qui entraîne de graves séquelles, il n’y a pas de faute contre le jeu susceptible d’être qualifiée au sens de l’article 1240 du Code civil [20].
La différence est donc finalement aisément perceptible entre la faute caractérisée et celle qui ne l’est pas. Si le joueur commet un acte d’une brutalité qui ne correspond pas aux règles du jeu et qui en dépasse totalement le cadre, le juge considérera qu’il s’agira d’une faute caractérisée. On le sait, le critère de la faute est relevé en matière sportive car les joueurs acceptent de s’exposer à des risques plus importants que dans des activités normales [21]. C’est pour cela qu’il doit exister au sein même des différents sports, différents critères d’appréciation des fautes. C’est là que la difficulté ressurgit pour des juges qui ne sont pas forcément connaisseurs des pratiques de chaque sport. Certaines violences sont beaucoup plus tolérées dans certaines activités que dans d’autres. Ainsi, il est impensable en football ou en basket-ball de pratiquer une «cuillère» [22] à ses adversaires ou encore de les pousser violemment des deux mains alors que cela est totalement intégré dans le rugby. La faute contre le jeu doit donc s’apprécier à l’aune de sa virilité et de son règlement.
En l’espèce, le joueur de football rentre sur un terrain de sport pour agresser l’arbitre de la rencontre. Il ne fait pas de doute qu’une telle action est un manquement des plus élémentaires à l’esprit du sport. La nature du sport est ici indifférente car à notre connaissance, aucun sport ne tolère que soit porté atteinte à l’intégrité de celui qui le dirige. L’arbitre sportif représente l’autorité et il ne peut et ne doit jamais être menacé dans son intégrité physique. Il ne fait donc a priori pas de doute que le joueur a commis un manquement délibéré aux règles du jeu. Cependant, si cette faute suffisait à engager la responsabilité du joueur sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, il aurait pu en être autrement concernant la responsabilité de l’association sportive sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1er.
5. Pour qu’une telle responsabilité puisse être engagée, il faut traditionnellement que la faute du joueur ait été en lien avec l’activité sportive, qu’elle ait été commise tandis que le joueur se trouvait encore sous la responsabilité de l’association et lors de la rencontre sportive. Ces conditions supplémentaires sont la contrepartie de la responsabilité des associations sportives. Elles sont strictes comme l’était la règle des trois unités dans le théâtre antique. Cependant, ce sont souvent les règles les plus strictes qui résistent le moins bien au passage du temps et à l’appréciation du fait. Pour le mieux ?
B - La dimension temporelle, spatiale et active de la faute du joueur
6. Une triple limite. Les limites qui ont été apportées par la jurisprudence à l’engagement de la responsabilité des associations du fait de leur membre sont réelles et fondées. Elles sont réelles car elles sonnent comme le résultat des arrêts que nous avons cités témoignant de la rapide évolution de la formulation des attendus de la Cour de cassation [23]. Elles sont fondées car il serait malvenu que puisse être recherchée la responsabilité des associations sportives à tout moment et pour tout fait. Les juges du droit affirment que «les associations sportives ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres, sont responsables des dommages que ceux-ci causent à cette occasion» [24]. Il résulte plusieurs idées de cette formulation. Tout d’abord, les associations doivent avoir pour mission de diriger et contrôler l’activité de leurs membres. Cela pose la question de l’effectivité de cette direction et de ce contrôle et devrait interroger par ailleurs sur la possibilité d’une éventuelle exonération en cas de comportement manifestement incontrôlable de la part des membres de l’association. Ensuite, les dommages doivent avoir été causés à l’occasion de la rencontre sportive qui a été organisée par l’association. Or ici, il est possible de se demander si tel fut le cas puisque de l’aveu de la victime même, la rencontre était terminée lorsque l’agression a eu lieu. Enfin, il est nécessaire de vérifier que la personne ayant généré le dommage est bien membre de l’association.
7. La stricte application. Les juges du fond semblent avoir effectué une stricte application de la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation en expliquant que «les actes de violence commis par M. X […] ont été commis en dehors de toute activité sportive, le match étant terminé et l’auteur des faits n’étant d’ailleurs même plus en tenue de joueur. Dès lors que la faute de M. X a été commise en dehors du déroulé du match, même si l’arbitre victime était encore sur le terrain, la responsabilité de l’Association AFA Football n’est pas engagée au sens de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil». Le raisonnement poursuivi par cour d’appel de Paris est clair. Il peut être résumé ainsi : puisque l’agression a été commise après le match, l’association n’avait plus pour mission d’organiser, de diriger et de contrôle l’activité de ses membres. Ainsi, elle n’était plus responsable. De ce raisonnement classique opéré par les juges du fond, il est possible de comprendre qu’étaient posées jusqu’ici certaines limites à l’engagement de la responsabilité des associations. Elles s’apparentaient à celles que l’on trouvait dans le théâtre classique pour formaliser les tragédies et se matérialisaient par l’unité de temps, de lieu et d’action.
8. Unité d’action. Dans le théâtre classique, l’unité d’action implique que tous les événements soient liés et nécessaires, de l'exposition jusqu'au dénouement de la pièce. L'action principale doit être ainsi développée du début à la fin de la pièce et les actions accessoires doivent contribuer à l’action principale et ne peuvent être supprimées sans lui faire perdre son sens [25]. Il y a au travers de ce critère l’idée de la causalité entre le fait du personnage principal et les conséquences de ses actes. Il ne faut pas non plus une multitude de faits qui viendraient brouiller l’attention du spectateur ou perturber l’interprétation de l’enchaînement causal des évènements. En l’espèce, le critère de l’unité d’action paraît respecté puisqu’il n’y a qu’un fait causal directement en lien avec le préjudice. En l’espèce, l’agression commise par le joueur est considérée comme la seule cause du préjudice subi par l’arbitre. Elle est le résultat de l’algarade qui a opposé les deux belligérants pendant le match ayant abouti à l’expulsion de l’un d’entre eux. A cet égard, le jugement du tribunal correctionnel d’Ajaccio intervenu le 5 février 2008 a sans doute été utile pour comprendre précisément comment l’action s’est déroulée et les juges en matière civile peuvent s’appuyer sur ce dernier pour relater les faits. Pourtant, en ne reconnaissant pas la responsabilité de l’association pour le fait de son membre qu’ils ne regardaient plus comme un joueur de football au moment de son agression, les juges de la cour d’appel ont considéré que son manquement ne pouvait être la cause directe du préjudice subi par l’arbitre du fait de ses violences. Il y a en effet deux manquements identifiables ici. Le premier est celui qui entraîne l’exclusion du joueur durant le match. Il s’agit d’un manquement simple aux règles du jeu insusceptible d’engager une quelconque responsabilité civile. Le second manquement est l’agression qui a eu lieu. Il semble que pour rattacher ce second manquement à une faute contre le jeu ce qui permettait d’engager la responsabilité de l’association, les juges du fond considéraient qu’il était nécessaire qu’elle soit liée au premier manquement. Dans leur décision, la cour d’appel de Paris explique que le premier manquement : «n’est pas la cause directe du préjudice subi par ce dernier du fait des violences exercées ultérieurement par M. X» [26]. Ils détachent donc le deuxième manquement du premier et en concluent que la faute n’a pas été commise dans un contexte sportif et qu’elle ne permet donc pas de retenir la responsabilité de l’association. Les coryphées du quai de l’Horloge ont, au contraire, considéré que le manquement aux règles du jeu durant le match (qui a mené à l’expulsion du joueur) était indissociable de celui qui avait eu lieu alors que le match était terminé (l’agression physique). Ils se sont donc affranchis ou ont recomposé l’unité d’action permettant de rattacher le fait civilement fautif à ses conséquences. C’est sans doute le sens de la précision opérée par les juges du droit quand ils indiquent dans leur attendu : «dont ce dernier a été exclu». S’ils précisent que le joueur a été exclu du match, c’est qu’il leur paraissait nécessaire de rattacher l’agression à un fait sportif antérieur. Si le premier manquement n’avait eu aucune importance, les juges de la deuxième chambre civile n’auraient surement pas pris le soin de le préciser. Il faut donc en conclure que la décision aurait certainement été différente si le joueur avait commis une agression sur l’arbitre en dehors de tout autre fait sportif notable et cela semble raisonnable. On ne voit pas par quel lien l’association pourrait être attachée au fait d’un membre d’une association qui viendrait sans aucune raison agresser une personne venant de finir son travail d’arbitre. Il paraît nécessaire que la responsabilité de l’association soit toujours replacée dans un contexte sportif afin qu’elle ne soit pas responsable de faits qui n’auraient rien à voir avec le sport. Il faut imaginer par exemple des rancœurs préexistantes entre les deux protagonistes qui pourraient expliquer une agression. Cela ne devrait pas dans ce dernier cas, selon nous, suffire à engager la responsabilité d’une association du fait de son membre.
9. Unité de temps. Dans le théâtre classique, l’unité de temps exige que l’action se déroule dans une révolution de soleil [27]. Les faits doivent donc se dérouler en 24 heures. Cette règle, très stricte, est longtemps apparue comme un casse-tête pour les auteurs qui devaient dépeindre des évènements historiques sans enfreindre cette contrainte temporelle. A priori, elle ne pose pas de problème puisque toute l’action s’est déroulée en une révolution d’un soleil corse. Toutefois, le fait que l’agression ait eu lieu après que l’arbitre a sifflé la fin du match a orienté la décision des juges de la cour d’appel de Paris. Ces derniers ont indiqué, dans leurs motifs, que la faute avait été commise en dehors de toute activité sportive et alors que le match était terminé. La question de l’unité de temps est importante et délicate dans l’engagement de la responsabilité des associations sportives. Elle porte sur la durée durant laquelle ces dernières sont responsables des actes commis par leurs membres. Il serait inconcevable qu’une association sportive soit vouée à répondre indéfiniment des actes de leurs joueurs et les faits soumis à l’appréciation des juges du fond invitent, comme souvent, les juges du droit à donner une interprétation extensive de cette règle non consacrée. Il paraissait, de prime abord raisonnable, que les associations soient responsables des fautes commises contre le jeu uniquement durant le temps que dure la rencontre sportive. Il est d’ailleurs intéressant de constater le conflit de temporalité existant entre le joueur et l’arbitre. Pour le premier, le match a duré jusqu’à ce qu’il soit exclu par un carton rouge. Après cela était-il toujours un joueur ou devenait-il spectateur de la rencontre ? Pour l’arbitre, la rencontre a duré jusqu’à ce qu’il siffle la fin du match. Pour engager la responsabilité d’une association sportive, il faut traditionnellement démontrer qu’une faute contre le jeu a été commise [28]. Or, comment est-il possible de commettre une infraction aux règles du jeu alors que ce jeu est terminé et que plus personne ne joue ? Un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait suscité les mêmes interrogations [29]. Dans celui-ci, un jeune homme en tenue civile, qui se trouvait sur le banc de touche, est venu sur le terrain pour agresser un joueur s’y trouvant aussi. Les juges Aixois ont refusé de reconnaître la responsabilité de l’association sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1er, en faisant valoir que le membre de l’association «qui ne pouvait jouer pour raison médicale, a agi en dehors de toute activité sportive et a commis volontairement une agression caractérisée à l'encontre d'un autre joueur. Il s'agit donc d'un acte ayant trait à un comportement personnel ne pouvant nullement engager la responsabilité civile de l'Association» [30]. Un auteur en avait conclu que : «lorsqu'une faute est commise dans un contexte sportif, alors la responsabilité du club doit être retenue. Mais lorsque la faute est détachable du jeu, soit qu'elle ait été commise en dehors du temps de jeu, soit qu'elle l'ait été en dehors du terrain, soit qu'elle n'ait aucun lien matériel avec la pratique sportive, alors la responsabilité du club doit être écartée» [31]. L’appréciation du contexte sportif peut facilement faire l’objet d’une interprétation. En l’espèce, l’unité d’action nous a permis d’expliquer le rattachement possible au contexte sportif au regard d’un manquement de jeu antérieur [32]. Toutefois, la question demeure de l’unité de temps puisqu’à en croire l’auteur, une faute commise en dehors du temps de jeu ne devrait pas être susceptible d’engager la responsabilité d’une association sportive. Quid enfin du lien matériel entre la faute et la pratique sportive ? Pour trouver ce lien, il faudrait que la faute puisse correspondre à une infraction aux règles du jeu. L’arbitre est celui qui prend des mesures disciplinaires à l’encontre de tout joueur ayant commis une faute passible d’avertissement ou d’exclusion [33]. Il est habilité à «prendre des mesures disciplinaires à partir du moment où il pénètre sur le terrain pour l’inspection d’avant-match et jusqu’à ce qu’il le quitte après la fin du match (séance de tirs au but comprise)» [34]. Il faut ainsi comprendre que les actes de brutalité prévus à l’article 12 de la loi du jeu doivent avoir été effectués durant le match ou pendant les arrêts de jeu ou la séance de tirs au but pour entrer sous l’autorité de l’arbitre : «Un joueur se rend coupable d’un acte de brutalité s’il agit ou essaie d’agir avec violence ou brutalité envers un adversaire alors qu’ils ne disputent pas le ballon, ou envers un coéquipier, un officiel d’équipe, un arbitre, un spectateur ou toute autre personne, qu’il y ait eu contact ou non» [35]. Dès lors, puisque la faute a été commise après le match, en dehors des arrêts de jeu ou de la séance du tir au but, il semble difficile de considérer qu’elle rentre dans le champ des sanctions prévues dans les lois du Football. Elle ne devrait donc pas être considérée comme une infraction aux règles du jeu. C’est pourtant une autre solution qu’a formulée la Cour de cassation ce 5 juillet 2018.
10. Unité de lieu. L’unité de lieu signifie que toute l'action doit se dérouler dans un même lieu. Cette idée est transposable dans le cas de la responsabilité de l’article 1242, alinéa 1er. Elle se justifie facilement puisqu’il s’agit d’engager la responsabilité des associations pour les faits causés par leurs membres dans le cas d’une compétition sportive. Ces dernières ne peuvent être responsables en tout lieu et n’importe où. Il faut que la faute commise soit en lien avec le sport pratiqué et le sport est toujours pratiqué en un lieu bien défini. En l’espèce, cette règle pose un problème car si l’agression a eu lieu sur le terrain de football, le joueur n’était plus joueur quand il a pénétré sur ce dernier. C’est comme si dans le Cid, Don Rodrigue venait commettre son forfait contre Don Gomès en dehors de la scène et sans les atours qu’il portait auparavant [36]. Cela paraîtrait insane. Dans la même mesure, si un joueur est habillé en «civil» lorsqu’il commet son agression, il est possible de se demander s’il est toujours sous la responsabilité de son association. C’est pourquoi la cour d’appel de Paris n’a pas retenu la responsabilité de l’association. C’est le motif de la bataille de l’Ile de la Cité puisque les juges du droit ont considéré, au contraire, que l’agression d’un arbitre commise dans une enceinte sportive par un joueur constituait, même lorsqu’elle se produit à l’issue de la rencontre dont ce dernier a été exclu, une infraction aux règles du jeu, en lien avec l’activité sportive.
11. Extensions du champ de la responsabilité. En affirmant qu’il est possible de rechercher la responsabilité de ces entités quand la faute a été commise dans l’enceinte sportive et non plus sur le terrain lui-même et à l’issue de la rencontre et non plus durant la rencontre, la Cour de cassation procède forcément à une extension du champ de la responsabilité des associations. Le but de cette manœuvre était peut-être de pourvoir à l’efficience de l’indemnisation, objectif traditionnel de la responsabilité civile sur laquelle veille la Cour de cassation. En effet, la cour d’appel avait retenu la seule responsabilité de l’auteur des faits, le joueur de football, qui aura bien plus de difficulté que l’association à rembourser le Fonds de garantie. Malheureusement, ce besoin pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour les associations sportives si elles voient le champ de leur responsabilité s’étendre de manière trop extensive. Qu’il s’agisse de l’unité de lieu, de temps ou encore d’action, l’existence de critères bien définis pourrait permettre de limiter l’extension du champ de la responsabilité des associations sportives.
12. En dehors de la scène. Après avoir planté le décor et tenté d’expliquer les raisons qui ont poussé la Cour de cassation à rendre cette décision, il faut essayer d’en montrer les limites.
II - La difficile justification de la responsabilité de l’association sportive
13. Limites. Cette décision du 5 juillet 2018 provoque certaines craintes qu’il est possible de mettre en avant. Dans sa portée tout d’abord puisque nous avons constaté qu’il s’agissait d’une extension temporelle et spatiale de la responsabilité des associations sportives. Cela peut entraîner des difficultés dans l’avenir pour ces dernières (A). Dans une autre mesure, et dans un sens qui ne concerne pas la formulation de l’arrêt en lui-même mais qui intéresse son environnement, il est possible de s’interroger sur l’épilogue de cet arrêt au regard du renvoi opéré et du projet de réforme de la responsabilité civile (B).
A - Une sévérité regrettable
14. Désaccords et conséquences. Sur l’Ile de la Cité, les deux juridictions voisines cohabitent mais ne sont pas toujours d’accord entre elles. C’est le cas dans cette espèce. Nous avons examiné les raisons qui ont poussé la Cour de cassation à remettre en cause l’arrêt de la cour d’appel de Paris. Il est temps de se demander quelles peuvent en être les conséquences.
15. Les effets indésirables. Si des associations peuvent être responsables pour les agissements de leurs membres en dehors de l’activité sportive qui est l’objet de ces dernières, il y a des chances qu’elles se trouvent plus facilement débitrices. Elles seront ainsi débitrices d’obligations qu’elles ne devaient pas assumer jusque-là. Devront-elles assumer la sécurité des personnes se situant dans l’enceinte sportive ? Aujourd’hui, la Cour de cassation considère que seule une faute caractérisée par une violation des règles du jeu en cause peut engager la responsabilité de l’association quand le dommage a été éprouvé par une personne se situant dans l’enceinte sportive [37]. Si le critère de la faute caractérisée devait perdurer, il pourrait se voir assoupli pour permettre aux victimes tierces d’obtenir une indemnisation.
Par ailleurs, si aujourd’hui les associations sont responsables alors que le match est terminé et qu’un joueur décide de s’en prendre à l’arbitre, qui dit qu’elles ne seront pas, demain, responsables pour des agissements qui auront eu lieu un jour auparavant ou le jour d’après dès lors qu’un lien pourra être prouvé entre l’agissement et ses conséquences.
Enfin, alors qu’auparavant la responsabilité des associations semblait se cantonner aux actions répréhensibles qui avaient eu lieu durant les compétitions, elle s’est peu à peu élargie aux fautes contre le jeu qui avaient été commises durant les entraînements [38] et pendant les matchs amicaux [39] pour aujourd’hui s’appliquer à toutes les fautes caractérisées commises dans une enceinte sportive. Peut-être s’étendra-t-elle demain à toutes les fautes contre le jeu qui ont un lien avec l’activité sportive en dehors de tout autre critère. Le danger est de systématiser l’argument selon lequel sous prétexte que les associations organisent des évènements sportifs, elles doivent assumer tous les risques qui surviennent au cours de ceux-ci. On a vu [40], en l’espèce, que le lien matériel entre la faute et la pratique sportive n’était pas vraiment caractérisée. La Haute juridiction pourrait être tentée de rendre les associations responsables des dommages causés par des personnes non membres de l’association dès lors qu’ils ont été causés au cours d’un évènement organisé par elles.
Ces extensions ne sont pas souhaitables car les associations sportives ne sont pas des clubs sportifs professionnels et ne sont donc pas des commettants responsables des agissements de leurs préposés. Leurs budgets ne sont pas les mêmes, leur capacité d’action, d’organisation et d’encadrement non plus. En 2013, la France comptait 1,3 millions d’associations [41]. Si ce sont tout autant de débiteurs potentiels pour parvenir aux fins de l’idéologie de la réparation, toutes n’ont pas pour objet de contrôler, diriger et de contrôler l’activité de leurs membres. Ce sont toutefois les associations sportives ayant souvent cette vocation qui sont les plus nombreuses. Elles sont selon l’INSEE, 307 500 [42], juste devant les associations de loisirs, divertissements et vie sociale (281 300) [43] et celles relatives à la culture, aux spectacles et activités artistiques [44]. Seuls 12 % de ces associations peuvent engager des salariés et il est reconnu que les associations sportives s'appuient essentiellement sur le bénévolat [45]. Les deux premiers financements des associations de sport sont les recettes d’activités privées et les cotisations de leurs adhérents ; ces dernières représentent chacune environ 30 % de leurs ressources. C’est dire qu’elles ne sont pas toujours les meilleures débitrices.
Il ne faudrait pas que, sous prétexte qu’elles sont souvent plus solvables que leurs membres [46], la Cour de cassation en vienne à transposer la jurisprudence de l’article 1242, alinéa 5, sur le régime de la responsabilité de l’article 1242, alinéa 1er. Si un auteur [47] saluait cette transposition dans le cas d’un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en faisant référence au modèle patronal de la direction de l'activité d'autrui, la situation de certaines associations sportives permet d’émettre certains doutes. Il faut selon nous distinguer les clubs sportifs constitués en sociétés des simples associations sportives qui peuvent prendre le nom de club ou non -comme on en trouve par exemple dans le milieu étudiant- et dont les structures sont très différentes. Selon les articles L. 122-1 (N° Lexbase : L6302HNQ) et R. 122-1 (N° Lexbase : L8068HZT) du Code du sport, l'association sportive affiliée doit constituer une société sportive dès lors qu'elle participe habituellement à l'organisation de manifestations sportives payantes procurant des recettes d'un montant supérieur à 1 200 000 euros ou qu'elle emploie des sportifs dont le montant des rémunérations excède 800 000 euros [48]. Pour ces associations, on comprend plus facilement que ce modèle se rattache au modèle patronal de la direction de l'activité d'autrui et c’est la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés qui semble la plus adaptée [49]. En revanche, pour toutes les associations sportives amatrices, la transposition ne semble pas aussi légitime. Pour utiliser un exemple opposé, il ne paraît pas évident que les associations sportives étudiantes, composées parfois de quelques membres, qui organisent des rencontres sportives hebdomadaires dans le cadre d’un championnat universitaire lié à la fédération française du sport universitaire, entendent se comporter en patronnes de la direction de l’activité d’autrui.
L’extension du champ de la responsabilité est minime dans cet arrêt et suffirait à relativiser les craintes exposées sur cette décision mais elle n’en demeure pas moins significative. Il est possible d’admettre qu’un individu qui commet une action répréhensible en toute conscience à l’issue d’une rencontre sportive et comme spectateur, soit déclaré seul responsable de ces actes. Comme l’explique le Professeur Fabre-Magnan, la responsabilité du fait d’autrui part du principe «qu’être responsable pour autrui signifie a priori que ce 'autrui' n’est pas entièrement responsable de ses actes et c’est alors qu’il n’est pas entièrement libre» [50]. Si la responsabilité de l’association ne doit pas être remise en question, la mesure de la responsabilité du joueur peut l’être en revanche. Il n’est donc pas inutile de prévenir pour se garder de guérir de situations qui pourraient être vécues difficilement par des entités qui augmentent leur prise de risques en organisant ce type de compétitions. Il ne faudrait pas que la responsabilité de l’article 1242, alinéa 1er, prenne le chemin de l’article 1242, alinéa 4. Planiol écrivait d’ailleurs «qu’on aura beau écrire des milliers de pages sur la responsabilité objective, jamais on n’en démontrera l’utilité ni l’équité, car elle consiste à faire supporter à un homme les conséquences de la faute d’un autre» [51] et cela suffirait pour justifier les réticences qu’il est possible d’émettre sur l’extension du champ de ce régime de responsabilité. Il est en effet inutile de se demander ce qu’aurait pu faire l’Association en question pour empêcher qu’une telle action ne se produise. Il faut toutefois relativiser ces propos puisque la responsabilité de l’article 1242, alinéa 1er est certes une responsabilité objective [52] mais elle requiert tout de même la démonstration d’un acte illicite de l’auteur du dommage à la différence du régime de responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur depuis l’arrêt "Levert" [53].
16. La cour d’appel de renvoi. La décision du 5 juillet 2018 apparaît particulièrement sévère pour les associations sportives. Elle étend le champ de leur responsabilité dans le temps et dans l’espace. La cour d’appel de Paris, autrement composée, reviendra sans doute sur sa décision mais le projet de réforme, en son article 1248, est peut-être la nitescence attendue par les associations sportives.
B - L’épilogue épineux
17. La responsabilité du joueur. La décision des juges du fond laissait le joueur de football seul responsable puisqu’elle infirmait le jugement du tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il avait prononcé la condamnation in solidum de ce dernier et de l’association dont il était le membre. Il se rejouera donc devant la même cour d’appel, autrement composée, le scénario de cette tragédie et il est peu probable d’espérer une résistance. L’arrêt ayant été cassé en toutes ses dispositions, les juges devront se référer à la première décision et ne pas oublier de prononcer la condamnation du joueur de football. Au regard des primo-demandes des parties, il est probable qu’ils prononcent la condamnation in solidum de l’association et du joueur de football. Le principe de l’obligation in solidum veut que : «la victime d’un dommage causé par plusieurs responsables dispose d’autant de recours que d’auteurs du fait dommageable» [54] et cela implique que chacun des coresponsables soit regardé comme ayant causé l'intégralité du dommage [55]. Dès lors, chacun peut être actionné pour le tout. Toutefois, si cela est demandé par les parties, il est possible d’opérer un partage plus précis des responsabilités. Le juge devra alors considérer le rôle de chacun dans la survenance du dommage. Les parties seront tenues de ce partage au moment d’exercer leurs recours. Or, si un tel partage devait être prononcé, il serait délicat au regard des faits de l’espèce de jauger l’implication de l’association. Le partage de responsabilité est très pratique pour déterminer facilement quelle sera la part des contributeurs finaux à la dette de réparation. La décision de cour d’appel de renvoi devrait se rapprocher de celle du tribunal de grande instance de Paris. Celle-ci avait condamné in solidum Monsieur C. et l’Association de Football à payer au FGTI, la somme de 90 924 euros correspondant au montant des dommages subis par la victime. Elle avait par ailleurs condamné le joueur à garantir l’Association de toutes les condamnations mises à leur charge par la décision. Cela revenait à effectuer un partage 100 %/0 % au profit de l’Association. Le fait de reconnaître la responsabilité de l’Association sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1er n’a dès lors d’intérêt que si le joueur de football est insolvable ou si le Fonds désire récupérer des sommes plus rapidement. D’un point de vue théorique, même si l’on a conscience de l’intérêt de faire peser la charge finale de la contribution à la dette sur le «plus fautif» [56], il paraît plus logique d’opérer un partage plus précis des responsabilités. Après tout, être responsable signifie encore avoir contribué au dommage -même indirectement- et être débiteur. Il y a une certaine contradiction à être déclaré responsable et condamné in solidum tout en étant relevé indemne de la charge finale de la dette. La cour d’appel de renvoi serait inspirée de condamner l’association et le joueur in solidum tout en procédant à un partage plus précis des responsabilités.
18. Dans le projet de réforme. Le projet de réforme de la responsabilité civile présenté par le Garde des sceaux, le 13 mars 2017 prévoit quant à lui la possibilité pour «les personnes qui, par contrat assument, à titre professionnel, une mission de surveillance d’autrui ou d’organisation et de contrôle de l’activité d’autrui» [57] de s’exonérer de leur responsabilité en prouvant qu’elles n’ont pas commis de faute. Le législateur vise sans doute [58] les associations sportives et le régime de responsabilité de l’article 1242, alinéa 1er, passe d’une présomption de responsabilité à un simple cas de responsabilité pour faute présumée. S’il vise effectivement les associations sportives, le texte va dans le bon sens, surtout dans ce cas précis où l’association paraît n’avoir commis aucune faute et semble totalement étrangère au comportement délictueux de l’agresseur. Le texte limite tout de même le champ de la responsabilité des associations sportives puisque seules celles qui organisent l’évènement par contrat et à titre professionnel sont concernées. Or, il est plus probable que ces dernières soient les plus solvables, les plus organisées et les plus à même de répondre des dommages causés au cours des évènements qu’elles organisent. C’est donc une bonne réponse aux interrogations que nous émettions sur la capacité des associations, comprises dans leur globalité, de répondre des dommages causés par leurs membres [59].
Il pourrait être aussi avancé que le texte ne vise pas les associations mais les exploitants commerciaux d’activités sportives. Une jurisprudence bien établie existe sur leur responsabilité contractuelle et sur la nature de leurs obligations : de moyens ou de résultat. Par exemple, des sociétés qui organisent des sauts à l’élastique [60] ou encore les exploitants d’une salle d’escalade [61] ne sont-ils pas des personnes qui, par contrat, assument, à titre professionnel, une mission de surveillance d’autrui comme le prévoit la lettre de l’article 1248 du projet de réforme ? Puisque les dommages corporels seront dans l’avenir régis par le droit de la responsabilité extracontractuelle, la responsabilité contractuelle sera exclue de jure et l’article 1248 du projet semblera le plus adapté pour répondre à ces situations. Comme celui-ci prévoit que le débiteur aura la possibilité de s’exonérer en prouvant qu’il n’a pas commis de faute, il est possible d’en déduire que la nature des obligations contractées par ces exploitants seront l’équivalent des anciennes obligations de moyens renforcées ou de résultat atténuées [62]. Quoi qu’il en soit, l’article 1248 mériterait de plus amples précisions.
19. Dénouement. Cette décision met en avant un Janus du droit dont un regard est tourné vers l’avenir tandis que l’autre fixe encore le passé. Souvent, lorsqu’une bataille oppose les anciens aux nouveaux, c’est aux plus audacieux que le succès sourit mais seul le temps leur donne raison ou les détrompe. Ce qui fut vrai pour le théâtre ne l’est peut-être pas pour le droit.
[1] N. Boileau, L’art poétique, chant III, n° 45 et 46, 1674.
[2] Il n’y a que trois actes dans le théâtre de l’Antiquité. C’est seulement plus tard que les tragédies connaîtront cinq au lieu de trois actes.
[3] Huit mois ferme pour avoir tabassé un arbitre de football, Le Parisien, 6 février 2008.
[4] Mais aussi contre l’Association.
[5] Au moment des faits, il s’agissait des articles 1384, alinéa 1er (N° Lexbase : L1490ABS) et 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) du Code civil.
[6] CA Paris, pôle 1, 5ème ch., 23 février 2017, n° 16/19659 (N° Lexbase : A9573TNU).
[7] La «Bataille d’Hernani» opposa les romantiques aux classiques dans un conflit visant à renouveler la vision du théâtre et à le débarrasser de ses nombreuses contraintes artistiques.
[8] Ass. plén., 29 mars 1991, n° 89-15.231 (N° Lexbase : A0285AB8), D., 1991, 324, note Larroumet ; D., 1991. Somm. 324, obs. Aubert ; JCP éd. G, 1991, II, 21673, concl. Dontenwille, note Ghestin ; RTDCiv., 1991. 541, obs. Jourdain ; Gaz. Pal., 1992. 2. 513, note Chabas.
[9] Ibid.
[10] Il s’agissait de l’article 1384, alinéa 1er, à l’époque. Le texte n’a pas changé et la nouvelle numérotation sera adoptée dans le texte qui suit.
[11] Sur la question, la doctrine est divisée. Pour le Professeur Brun, la décision n’a fait que s’ajouter à la liste des alinéas 4 et suivants de l’article 1384 du Code civil : «c’est très nettement à cette dernière interprétation que nous nous rallions pour notre part», in Ph. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, Lexis Nexis, 4ème éd. 2016, n° 478. En revanche, les Professeurs Malinvaud et Fenouillet soutiennent qu’«on peut considérer que, dans un certain domaine, la jurisprudence consacre un principe général de responsabilité du fait d’autrui» mais on voit mal alors ce qu’aurait de général un tel régime s’il ne s’appliquait qu’à certains cas particuliers ou à certains domaines. V. Ph. Malinvaud, D. Fenouillet, M. Mekki, Droit des obligations, Lexis Nexis, 14ème éd. 2017, n° 648.
[12] V. Cass. civ. 2, 25 février 1998, n° 95-20.419 (N° Lexbase : A5078AC3).
[13] Cass. civ. 2, 22 mai 1995, n° 92-21.197 (N° Lexbase : A7402ABR) ; R., p. 319 ; RTDCiv., 1995, 899, obs. Jourdain ; JCP éd. G, 1995, II, 22550, note J. Mouly ; JCP éd. G, 1995, I, 3893, n° 5, obs. Viney ; RCA, 1995, Chron. 36, par Groutel ; D., 1996, Somm. 29, obs. Alaphilippe ; Gaz. Pal., 1996, 1, 16, note Chabas ; Defrénois, 1996. 357, obs. D. Mazeaud.
[14] La formulation évolue en fait à partir de l’arrêt du 20 novembre 2003 (Cass. civ. 2, 20 novembre 2003, n° 02-13.653, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A2103DA7). Dans celui-ci, les juges considèrent qu’il fallait que soit établi un fait fautif imputable à l’un de membres, sous-entendu, une faute constitutive d’une violation des règles destinées à protéger l’intégrité de ses participants. La formation évolue vers la forme que l’on connaît aujourd’hui avec l’arrêt d’Assemblée plénière du 29 juin 2007 : Ass. plén., 29 juin 2007, n° 06-18.141, P+B+R+I (N° Lexbase : A9647DW9) ; RJ éco. Sport, n° 85/2007, p. 88, obs. Wagner ; JCP éd. G, 2007. II. 10150, note Marmayou ; JCP éd. E, 2007. 2198, note Radé. Elle semble être constante depuis : v. Cass. civ. 2, 8 juillet 2010, n° 09-68.212, F-D (N° Lexbase : A2448E4G) et l’arrêt ici commenté.
[15] Cass. civ. 2, 8 juillet 2010, n° 09-68.212, précité.
[16] Civ. civ. 2, 3 février 2000, précité.
[17] CA Toulouse, 23 mars 2015, n° 14/00264 (N° Lexbase : A1561NEK). En l’espèce, les juges du fond s’étaient appuyés sur les règles officielles du Basket-Ball, notamment en son article 33-2 qui prévoit un principe de verticalité qui protège l'espace que le joueur occupe sur le terrain et l'espace au-dessus de lui quand il saute verticalement dans cet espace et l'article 33-6 qui dispose qu'un joueur qui a sauté en l'air d'un point quelconque du terrain a le droit de retomber de nouveau au même endroit et qu'un joueur ne peut pas se mettre sur le chemin d'un adversaire après que ce dernier a sauté. Les juges ont, de plus, rappelé qu’il était précisé dans les règles du jeu que se placer sous un joueur en l'air et provoquer un contact est habituellement une faute antisportive.
[18] Cass. civ. 2, 16 septembre 2010, n° 09-16.843, FS-D (N° Lexbase : A5841E99).
[19] CA Montpellier, 14 octobre 2014, n° 13/03613 (N° Lexbase : A3752MYM).
[20] Cass. civ. 2, 14 avril 2016, n° 15-16.938, F-D (N° Lexbase : A6845RID).
[21] V. H. Conte, Responsabilité et paris sportifs : La vida es una tombola, Lexbase éd. priv., 2018, n° 750 (N° Lexbase : N5053BXG).
[22] La cuillère en rugby est l’action par laquelle un joueur faire perdre l'équilibre à un adversaire en pleine course en tapant légèrement l'une des chevilles pour que celle-ci vienne se placer derrière l'autre provoquant ainsi un croc-en-jambe. Le joueur tombe généralement la tête en avant et peut se faire mal mais il s’agit d’une action terriblement efficace lorsque le joueur visé est plus rapide.
[23] V. supra, n° 4.
[24] Ibid.
[25] J. Scherer, La Dramaturgie classique en France, Libraire Nizet, 1973. Appendice I, «Quelques définitions».
[26] CA Paris, pôle 1, 5ème ch., 23 février 2017, n° 16/19659, précité.
[27] Aristote.
[28] V. Supra n° 4.
[29] CA Aix-en-Provence, 10ème ch., 16 mars 2004, ([LXB=en attente]), RCA, n° 9, 2004, comm, p. 248.
[30] Ibid.
[31] Ch. Radé, ibid.
[32] V. supra, n° 8.
[33] Ifab, Lois du jeu 2018/2019, loi n° 5, p. 66.
[34] Ibid. De même, il est «habilité à infliger des cartons jaunes et rouges et, lorsque le règlement de la compétition l'autorise, à exclure temporairement un joueur, à partir du moment où il pénètre sur le terrain au début du match et jusqu’après la fin du match, y compris pendant la mi-temps, les prolongations et les tirs au but».
[35] Ifab, Lois du jeu 2018/2019, loi n° 12, p. 112.
[36] P. Corneille, Le cid, 1637. Dans le Cid de Corneille, Don Rodrigue se bat en duel contre Don Gomès et le tue pour sauver l’honneur de son père.
[37] V. supra n° 4.
[38] Cass. civ. 2, 21 octobre 2004, n° 03-17.910, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6522DDW).
[39] Cass. civ. 2, 13 janvier 2005, n° 03-18.617, F-P+B (N° Lexbase : A0273DG9), Resp. civ. et assur., 2005, comm, p. 81.
[40] V. supra n° 9.
[42] Ibid..
[43] Ibid..
[44] On en compte 237 100.
[46] Ce n’est d’ailleurs pas toujours le cas.
[47] V. supra, n° 9. Selon l’auteur : «Cette transposition de l'abus de fonction aux hypothèses de responsabilités du fait d'autrui fondées sur l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil nous semble particulièrement pertinente, tout au moins s'agissant de la responsabilité des clubs sportifs […] Il n'est donc pas surprenant que la jurisprudence cherche à transposer le critère de l'abus de fonction dans le cadre de la responsabilité des associations sportives puisque cette responsabilité se rattache bien au modèle patronal de la direction de l'activité d'autrui».
[48] L’alinéa 2 de l’article L. 122-1 du Code du sport prévoit qu’«une association sportive dont le montant des recettes et le montant des rémunérations mentionnées au premier alinéa sont inférieurs aux seuils visés au même alinéa peut également constituer une société sportive pour la gestion de ses activités payantes, dans les conditions prévues à la présente section».
[49] Les critères de l’article L. 122-1 du Code du sport sont en effet alternatifs et non cumulatifs.
[50] M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, 2-Responsabilité civile et quasi-contrat, coll. Thémis Droit, 3ème éd PUF, 2013 n° 122, p. 279.
[51] M. Planiol, Du fondement de la responsabilité, Rev. crit. législ. et jur. 1905. 277. Les responsabilités objectives sont «toutes celles qui ne subordonnent pas l’indemnisation à l’appréciation du comportement personnel du responsable». V. Ph. Pierre, La place de la responsabilité objective, RLDC, nº 71, 1er mai 2010. Il est indiqué que cet article reprend le texte d’une communication présentée lors du séminaire organisé les 27 et 28 novembre 2009 par l’UMR CNRS CERCRID - Université Jean Monnet, Saint-Etienne, sur «La place de la responsabilité objective»
[52] La responsabilité objective est celle «qui est fondée sur la seule constatation du dommage causé, abstraction faite de toute faute, la preuve d’un fait dommageable suffisant à engager la responsabilité de son auteur même en l’absence de faute de sa part» in G. Cornu, Vocabulaire juridique, coll. Quadrige, 11ème éd. Puf, 2016.
[53] Cass. civ. 2, 10 mai 2001, n° 99-11.287 (N° Lexbase : A4300ATG), D., 2001, p. 2851, note O. Tournafond, ibid, note P. Guerder, D., 2002, p. 1315, note D. Mazeaud, RTDCiv., 2001, p. 601, note P. Jourdain, RDSS, 2002, p. 118, obs. F. Moneger.
[54] Ph. le Tourneau, J. Julien, Vo Solidarité, in Rep. Droit civ. Dalloz, n°s 162 et s..
[55] Ibid.
[56] G. Viney, P. Jourdain, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, 4ème éd. LGDJ, 2013, p. 322 et s. ; P. Jourdain, RTDCiv., 2006, p. 573, note sous Cass. civ. 3, 26 avril 2006, n° 05-10.100, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1903DP8). L’auteur explique que : «dans le prolongement de cette solution, il faut également admettre que ceux dont la responsabilité a été engagée sans faute peuvent exercer un recours total contre des responsables fautifs, et inversement, que ces derniers restent tenus de la charge définitive de la dette».
[57] Article 1248 du projet de réforme de la responsabilité civile.
[58] V. Ph. Malinvaud, D. Fenouillet, M. Mekki, Droit des obligations, Lexis Nexis 14ème éd., 2017, n° 650, p. 603. Ces auteurs considèrent en effet que les associations sportives «entrent désormais dans un cas de responsabilité pour faute présumée prévue à l’article 1248 […]» ; J-S. Borghetti, Un pas de plus vers la réforme de la responsabilité civile : présentation du projet de réforme rendu public le 13 mars 2017, D., 2017, p.770.
[59] V. supra n° 15.
[60] Cass. civ. 1, 30 novembre 2016, n° 15-25.249, F-P+B (N° Lexbase : A8459SNM). Dans cet arrêt, la Cour de cassation a confirmé l’appréciation des juges du fond qui avaient considéré que l’obligation contractuelle de sécurité de l’organisateur d’une telle activité est une obligation de résultat car le sauteur n’a pas de rôle actif et ne peut choisir que de sauter ou de ne pas sauter.
[61] Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 16-11.953, F-P+B (N° Lexbase : A5486TAG). Dans cet arrêt, la Cour de cassation a confirmé l’appréciation des juges du fond qui avaient considéré que l'obligation contractuelle de sécurité de l'exploitant d'une salle d'escalade est une obligation de moyens dans la mesure où la pratique de l'escalade implique un rôle actif de chaque participant.
[62] V. M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, 1- contrat et engagement unilatéral, coll. Themis Droit, 4ème éd. PUF, 2016, n° 489, p. 542.
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Réf. : Cons. constit., décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018 (N° Lexbase : A3185X3D)
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N5360BXS
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par Charlotte Moronval
Le 10 Septembre 2018
Dans sa décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018 (Cons. constit., décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018 N° Lexbase : A3185X3D), le Conseil constitutionnel s’est penché sur la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui a été adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 1er août 2018 (sur les principes mesures contenues dans le projet de loi, lire N° Lexbase : N5253BXT).
Il valide les principales dispositions du projet de loi, notamment la réforme de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’assurance chômage.
En revanche, les Sages ont censuré certaines dispositions qui ne présentent pas de lien, même indirect, avec l'objet du projet de loi («cavaliers législatifs»). C’est le cas de la mesure visant à l’établissement d’une charte pour les plates-formes de mise en relation par voie électronique ou encore de la mesure prévoyant de prolonger la durée des contrats professionnels de jeunes sportifs.
La loi sera publiée prochainement au Journal officiel.
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Réf. : Loi n° 2018-727 du 10 août 2018, pour un Etat au service d'une société de confiance (N° Lexbase : L6744LLD)
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N5264BXA
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par Charlotte Moronval
Le 05 Septembre 2018
► La loi n° 2018-727 du 10 août 2018, pour un Etat au service d'une société de confiance (N° Lexbase : L6744LLD) a été publiée au Journal officiel du 11 août 2018.
Cette loi instaure un "droit à la régularisation en cas d’erreur". Ce "droit à l'erreur" permet à un usager qui se trompe dans ses déclarations à l’administration de ne pas encourir de sanction lors de la première erreur si elle est commise de bonne foi. C’est à l’administration de démontrer la mauvaise foi de l’usager.
Le droit à l’erreur ne s’applique pas aux fraudeurs et aux récidivistes ainsi qu’à certaines sanctions, énumérées par la loi.
La loi comporte également une série de mesures ayant un impact en droit social, notamment :
A noter que cette loi est applicable depuis le 12 août 2018, sous réserve des dispositions prévoyant une date d’entrée en vigueur différente et de celles nécessitant des décrets d’application.
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