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N4206BSL
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Aussi, mal en a pris à ce professeur d'anglais qui, lors d'une journée "portes ouvertes" organisée au sein de l'entreprise qui l'employait, pensa faire montre de panache, en portant un tee-shirt sur lequel était inscrite une sentence mettant en cause l'intégrité des dirigeants avant de l'accrocher aux grilles entourant l'entreprise, comparant, notamment, le management de l'entreprise à une "République bananière".
Les juges ne pourront être d'aucun secours au mutin "en-tee-shirté", cet acte de sédition et de contestation publiques étant constitutif d'une faute grave. Telle est l'onction d'un arrêt rendu, le 9 mars 2011, par la cour d'appel de Versailles. Aussi, le licenciement du cynique plaisantin, bien qu'expéditif, est validé. Le fondement d'une telle curée ? L'obligation générale de loyauté qui interdit au salarié de se livrer à des agissements préjudiciables à l'entreprise, sous peine d'un licenciement immédiat justifié afin que le trublion ou son action ne nuise pas au bon fonctionnement de la société.
La démonstration paraît implacable tant il est, sans doute, impossible de tolérer, au sein d'une entreprise, un comportement ouvertement séditieux et provocateur ; mais, si la provocation, par étymologie, appelle une réaction, cette dernière doit-elle être la sanction suprême du salarié, son licenciement ? Dans tous les cas, une telle approche n'est pas conforme aux canons du management ; et l'employeur, qui ne peut que constater la rupture de loyauté du salarié et le licencier, rompt avec "l'art de gérer les affaires du ménage", à manager sans ménagement.
En effet, aux origines du management, il y a la gestion de ses biens et de sa domesticité ; et le mariage avec l'économie, c'est-à-dire "les lois de la gestion domestique" en grec ancien, ne pouvait qu'être légitime. Toutefois, la comparaison avec la maisonnée s'arrête là ; car, "la parabole du fils prodigue" n'est pas celle des plus enseignée dans les écoles de commerce, et le management de Folett, comme celui de Drucker, après le paternalisme de Schneider, s'il introduit le facteur humain dans la réflexion managériale et la conduite de l'organisation de l'entreprise, rappelle que l'équilibre des intérêts des parties (employeur et salariés) repose sur la loyauté... totale, absolue, fidèle.
C'est bien la foi dans le projet d'entreprise et les hommes qui le conduisent qui est exigée de la part des salariés par les cadres dirigeants ; et, l'acte de rébellion quel qu'il soit, qu'il s'agisse, ici, d'un tee-shirt de la discorde ou, il y a peu, d'une onomatopée sur Facebook, encourt l'exclusion de ce que d'aucuns voudraient faire passer pour une famille, à force de culture d'entreprise et d'esprit corporate, quand l'entreprise n'est "que" la conjugaison des compétences, des investissements et des motivations dans l'accomplissement d'un projet commun.
La métaphore familiale est facile, mais elle est fausse, voire dangereuse. Nous avons pu, à nouveau, le constater à travers le désarroi de certains salariés dont l'ultime acte de rébellion fut celui du suicide. Les entreprises touchées par un tel "châtiment" sont-elles plus inhumaines pour autant ? Sans doute rappellent-elles, sur le terrain de l'accident du travail comme sur celui de la loyauté salariale, que l'on ne choisit pas sa famille, mais l'on choisit ses collaborateurs. Le lien salarial est fragile et sécable, en dehors même de toute faute de compétence ou de toute restructuration économique : la cour d'appel de Versailles vient d'en faire à nouveau la démonstration ; démonstration qu'il ne suffit pas de suivre les prescriptions de Fayol pour être un bon manager.
Déterminer la stratégie d'entreprise, l'organisation ad hoc, assurer la direction, la coordination et le contrôle constituent le socle de l'encadrement managérial. Mais pour qu'il y ait loyauté, il faut qu'il y ait adhésion à un système de cohésion et de cohérence, une culture : capital immatériel de l'entreprise. Et, cette adhésion, seul le leadership du manager peut l'assurer. C'est l'exercice d'une influence positive, la formation, la communication et la motivation qui entraînent l'adhésion.
D'aucuns requièrent une perspicacité (poser les bonnes questions) ; une sensibilité (ménager la susceptibilité) ; une vision de l'avenir (une organisation adaptée aux besoins futurs) ; une certaine souplesse (faculté d'adaptation) ; une aptitude à amener les salariés à se concentrer sur un objectif (canaliser les efforts individuels) ; et de la patience. C'est assurément tout cela qui limitera la rébellion pour cause de sentiment d'injustice, au sein de l'entreprise, et qui favorisera, surtout, la loyauté dans l'exécution du contrat de travail. L'adhésion des salariés, bien que Sartre eût pu la comparer à l'ostréiculture, n'est pas le signe d'une aliénation ; mais la caractéristique intrinsèque de l'entreprise : le mythe selon lequel les entrepreneurs, actionnaires, dirigeants et salariés, se "tiennent les mains" pour prendre un risque, relever un défi, oser un objectif.
Tout cela paraît relever, si ce n'est du poncif, du moins d'un voeu pieux. Pourtant, c'est toute l'économie général du droit social qui est contenue dans cette obligation de loyauté réciproque vers laquelle tend la négociation collective, l'obligation de sécurité de l'employeur, le respect de la vie privée face à la vie professionnelle, la lutte contre les discriminations, le formalisme de la rupture, l'évaluation des compétences à travers la période d'essai, etc., pour mieux corriger les insuffisances d'un management dont l'objectif est, sans doute et par trop, passé de la croissance et du développement de l'entreprise, à la seule rentabilité.
Comme dans toute communauté, l'entreprise a des devoirs, mais également des droits : celui de la loyauté de ses salariés est certainement la valeur immatérielle avec laquelle elle ne doit jamais tempérer... mais qu'elle doit assurément susciter et être légitime, au-delà de la seule légalité, à revendiquer.
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Réf. : Cass. soc., 25 mai 2011, n° 10-10.515, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8775HSS)
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N4213BST
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par Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 09 Juin 2011
Résumé
Lorsqu'à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise, le salarié sous contrat à durée déterminée, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'est pas reclassé dans l'entreprise, l'employeur doit reprendre le paiement du salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail. |
Commentaire
I - La reprise du paiement du salaire en cas d'inaptitude d'origine professionnelle
Longtemps, l'inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement du salarié n'ont pu justifier la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée. Lorsque l'inaptitude était prononcée à la suite de la survenance d'un risque professionnel, seule la résiliation judiciaire pouvait être demandée au juge prud'homal (3). Lorsque l'inaptitude résultait d'un risque non professionnel, la rupture du contrat était tout simplement impossible, le contrat devant être maintenu jusqu'à l'échéance du terme (4). Si cette situation a évolué à la suite de l'adoption de la loi du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (5), cette loi n'est pas applicable aux affaires en cours et, en particulier, à l'espèce sous examen. En effet, l'article L. 1243-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2987IQP) prévoit désormais que "sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail" (6).
Avant l'adoption de cette loi, le régime de l'inaptitude du salarié engagé en contrat à durée déterminée divergeait selon que l'inaptitude était ou non d'origine professionnelle.
Dans tous les cas, lorsque le salarié était déclaré inapte à son emploi dans l'entreprise, l'employeur devait tenter de le reclasser, que l'inaptitude soit d'origine professionnelle (7) ou non professionnelle (8). En revanche, si le reclassement du salarié s'avérait impossible, l'employeur ne pouvait être tenu de reprendre le paiement des salaires au bout d'un délai d'un mois, comme cela est imposé à l'égard des contrats à durée indéterminée par les articles L. 1226-4 (N° Lexbase : L1011H9C) et L. 1226-11 (N° Lexbase : L1028H9X) du Code du travail. En effet, s'agissant d'une inaptitude d'origine non professionnelle, la Cour de cassation a plusieurs fois jugé que lorsqu'un salarié n'était pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, son employeur ne pouvait être tenu de lui verser un salaire sauf disposition légale, conventionnelle ou contractuelle particulière (9). En revanche, aucune position ne semblait avoir été adoptée en cas d'inaptitude d'origine professionnelle.
L'article L. 1226-11 du Code du travail, lequel n'a pas été modifié par la loi du 17 mai 2011, prévoit que "lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat". Deux arguments incitent à penser que cette disposition était, comme en matière d'inaptitude d'origine non professionnelle, réservée aux contrats à durée indéterminée.
D'abord, l'article L. 1226-11 du Code du travail vise le salarié qui "n'est pas licencié". Or, la rupture du contrat de travail à durée déterminée, fût-ce de manière anticipée en raison d'une faute grave, ne peut être qualifié de licenciement puisque le licenciement constitue un mode de rupture réservé au contrat de travail à durée indéterminée.
Ensuite, le Code du travail comporte des dispositions propres aux conséquences de l'inaptitude d'origine professionnelle sur le contrat de travail à durée déterminée, dispositions figurant dans une sous-section spécifique encadrant les articles L. 1226-18 (N° Lexbase : L1040H9E) à L. 1226-22 (N° Lexbase : L1051H9S). Outre que l'article L. 1226-11 ne ressort pas de cette sous-section, les articles qui la composent ne traitent pas de la reprise du paiement du salaire après un délai d'un mois.
A l'inverse, un autre argument pouvait justifier l'application de l'article L. 1226-11 du Code du travail au contrat de travail à durée déterminée. En effet, les articles L. 1226-20 (N° Lexbase : L2989IQR) et L. 1226-21 (N° Lexbase : L1049H9Q), tous deux applicables à l'inaptitude d'origine professionnelle du salarié engagé en contrat à durée déterminée, se réfèrent expressément à l'article L. 1226-11 du Code du travail.
C'est sur cette question qu'était interrogée la Chambre sociale de la Cour de cassation.
Un basketteur professionnel avait été engagé par le club de l'Elan Chalon pour une durée de quatre saisons, du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009. Victime d'un accident du travail, le joueur fut déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail au mois de septembre 2007. A la suite du refus par le salarié des postes de reclassement qui lui étaient proposés par l'employeur, les deux parties saisirent le juge prud'homal d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail à durée déterminée. La résiliation fut prononcée aux torts de l'employeur en décembre 2008. Visiblement insatisfait des indemnités allouées par les juges du fond, le salarié saisit la Cour de cassation d'un pourvoi reposant sur un moyen unique cependant découpé en deux branches.
La première branche du moyen invoquait une clause du contrat de travail que le salarié reprochait à la cour d'appel d'avoir dénaturé. Cette clause stipulait qu'"en cas de maladie, blessure ou accident du travail, le club assurera au joueur l'intégralité de son salaire pendant toute la durée de son indisponibilité". Si le club avait bien versé le salaire du salarié durant son arrêt de travail, il avait cessé ce versement lorsque l'inaptitude avait été prononcée. Le salarié soutenait alors que le terme "indisponibilité" étant plus général que celui de "suspension du contrat de travail", l'employeur était tenu de verser les salaires dus jusqu'à l'échéance du contrat. Cette première branche est rejetée par la Chambre sociale qui juge qu'aucune dénaturation de la clause n'était à déplorer.
La seconde branche du moyen suscitait davantage d'intérêt. En effet, le joueur reprochait à la cour d'appel de l'avoir débouté de ses demandes en rappel de salaire pour les périodes postérieures à la déclaration d'inaptitude. Curieusement, l'argumentation des juges d'appel s'appuyait sur des dispositions applicables en matière d'inaptitude d'origine non professionnelle. En invoquant l'article L. 1226-4 du Code du travail, les juges d'appel avaient, en effet, jugé que "l'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement de la rémunération du salarié déclaré inapte consécutivement à une maladie ou un accident ne sont pas applicables au contrat à durée déterminée, lequel ne peut être rompu par l'employeur". On reconnaît, ici, l'argumentation de la Chambre sociale qui permet depuis longtemps d'empêcher la reprise du salaire en cas d'inaptitude non professionnelle dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en raison de l'incapacité dans laquelle se trouve l'employeur d'obtenir la rupture du contrat de travail (10). Cependant, une telle impossibilité est limitée à l'inaptitude d'origine non professionnelle puisque le Code du travail prévoit la faculté d'obtenir la résiliation judiciaire en cas d'inaptitude d'origine professionnelle.
La Chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 25 mai 2011, casse la décision des juges d'appel au visa des articles L. 1226-11, L. 1226-20 et L. 1226-21 du Code du travail. Elle juge, en effet, par la combinaison de ces textes, que "lorsqu'à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise, le salarié sous contrat à durée déterminée, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'est pas reclassé dans l'entreprise, l'employeur doit reprendre le paiement du salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail". Elle ajoute, et cela est peut être plus intéressant encore, qu'"en cas d'impossibilité de reclassement ou de refus, par le salarié, de l'emploi de reclassement, l'employeur est en droit de saisir le juge d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail", si bien que la cour d'appel a violé les textes visés.
Nous ne nous attarderons pas sur la première branche du moyen qui ne porte, finalement, que sur la question de l'interprétation d'une clause contractuelle. En revanche, la seconde branche apporte plusieurs enseignements.
II - La distinction maintenue entre les différentes causes d'inaptitude physique
La Chambre sociale prend pour la première fois position sur la reprise du paiement du salaire en cas d'inaptitude d'origine professionnelle d'un salarié engagé en contrat à durée déterminée : l'employeur doit reprendre le paiement du salaire après un délai d'un mois tel que l'impose l'article L. 1226-11 du Code du travail. Comme nous l'avons vu, cette solution n'allait pas de soi, d'abord en raison de l'imprécision des textes en la matière, ensuite parce que la position inverse avait été adoptée en matière d'inaptitude d'origine non professionnelle.
L'analyse de la motivation retenue pourrait laisser penser que la solution adoptée sera exclusivement réservée aux inaptitudes résultant de la survenance d'un risque professionnel. En effet, la règle posée par le chapeau de tête vise expressément la "victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle". De la même manière, la solution semble justifiée par le fait que "l'employeur est en droit de saisir le juge d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail". La règle ne serait donc pas transposable à l'inaptitude résultant d'un risque non professionnel.
La portée de cette décision, nonobstant son degré de publicité (FS-P+B+R) sera néanmoins extrêmement limitée.
S'agissant des risques professionnels, la solution adoptée ne paraît que constituer une anticipation des règles qui s'appliqueront aux situations nées après l'entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2011 puisque le nouvel article L. 1226-20, alinéa 3, du Code du travail dispose d'une manière on ne peut plus claire que "les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée". Certes, le procédé consistant à appliquer par anticipation une loi qui n'est pas encore applicable à l'affaire jugée peut susciter le débat : n'est-ce pas une manière artificielle de rendre la loi rétroactive alors même que, par principe, celle-ci ne doit jamais l'être (11) ? Pour autant, l'affirmation nette d'une limitation de cette solution aux risques professionnels atténue sérieusement le sentiment d'une anticipation législative.
En effet, s'agissant, des risques non professionnels, le maintien sous-jacent de l'argumentation reposant sur l'impossibilité de rompre le contrat de travail à durée déterminée sera bientôt frappé d'obsolescence. Obsolescence, d'abord, puisque l'article L. 1243-1 nouveau du Code du travail (N° Lexbase : L2987IQP) permettra la rupture anticipée à l'initiative de l'employeur dans cette situation, si bien que le raisonnement adopté par la Chambre sociale ne pourra plus être utilement invoqué. Obsolescence, surtout, parce que la loi du 17 mai 2011 a introduit un nouvel article L. 1226-4-2 (N° Lexbase : L2921IQA) qui dispose que "les dispositions visées à l'article L. 1226-4 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée". Dans ces conditions, on peut se demander s'il était bien nécessaire d'invoquer à nouveau des arguments qui, dans quelques mois, ne pourront plus justifier les différences de régime entre inaptitude d'origine professionnelle et d'origine non professionnelle.
(1) V. les obs. de Ch. Willmann, Travail et protection sociale : les réformes éclectiques et cosmétiques de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, Lexbase Hebdo n° 441 du 26 mai 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N2981BS9).
(2) Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (N° Lexbase : L2893IQ9), et les obs. de Ch. Willmann, Travail et protection sociale : les réformes éclectiques et cosmétiques de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, préc..
(3) C. trav., art. L. 1226-20, alinéa 2, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mai 2011 (N° Lexbase : L1045H9L).
(4) Cass. avis, 29 avril 2002, n° 02-00.001 (N° Lexbase : A1114A4Z), Bull. 2002, avis n° 3 p. 3.
(5) Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, préc..
(6) Nous soulignons.
(7) C. trav., art. L. 1226-20, alinéa 2 (N° Lexbase : L2989IQR) lequel renvoie à l'obligation de reclassement prévue pour le contrat à durée indéterminée par les articles L. 1226-10 (N° Lexbase : L9617IEW) et L. 1226-11 (N° Lexbase : L1028H9X) du Code du travail.
(8) Cass. soc., 8 juin 2005, n° 03-44.913, FS-P+B (N° Lexbase : A6518DIA) et v. les obs. de S. Martin-Cuenot, Inaptitude : exclusion partielle du salarié sous CDD du bénéfice de la protection, Lexbase Hebdo n° 173 du 23 juin 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N5635AIK) ; Cass. soc., 28 mars 2006, n° 04-41.266, F-D (N° Lexbase : A8615DNE) ; Cass. soc., 26 novembre 2008, n° 07-40.802, F-P+B (N° Lexbase : A4653EBX) et les obs. de Ch. Radé, CDD et résolution judiciaire pour manquement à l'obligation de reclassement : les juges du fond doivent caractériser la faute grave, Lexbase Hebdo n° 330 du 11 décembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9173BH9).
(9) V. Cass. soc., 8 juin 2005, n° 03-44.913, préc. ; en dernier lieu, v. Cass. soc., 19 mai 2010, n° 09-40.633, F-D (N° Lexbase : A3901EXR) et nos obs., L'incompatibilité persistante entre inaptitude physique et CDD, Lexbase Hebdo n° 397 du 3 juin 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2203BPB).
(10) Cass. soc., 8 juin 2005, n° 03-44.913, préc..
(11) C. civ., art. 2 (N° Lexbase : L2227AB4) : "La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif".
Décision
Cass. soc., 25 mai 2011, n° 10-10.515, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8775HSS) Cassation partielle, CA Dijon, ch. soc., 17 novembre 2009, n° 09/00023 (N° Lexbase : A4025GPR) Textes visés : C. trav., art. L. 1226-11 (N° Lexbase : L1028H9X), L. 1226-20 (N° Lexbase : L2989IQR) et L. 1226-21 (N° Lexbase : L1049H9Q) Mots-clés : inaptitude physique, contrat de travail à durée déterminée, risque professionnel, reprise du paiement du salaire. Liens Base : (N° Lexbase : E3131ET7) |
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N4264BSQ
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Le 09 Juin 2011
Les assurances de groupe n'en finissent pas d'alimenter le contentieux du droit des assurances de personnes. L'un des aspects revenant de manière régulière, depuis quelques temps, s'entend de la mise en oeuvre des protections sociales promises par les employeurs à leurs assurés, par le biais de tels contrats. Et la baisse des prestations sociales offertes par la sécurité sociale et autres mutuelles explique qu'en cas de maladie ou d'invalidité les assurés se crispent s'ils constatent une mauvaise application, voire une absence de reconnaissance des droits issus des engagements pris par les souscripteurs, employeurs. Dans l'immense majorité des hypothèses, les tensions naissent lors de changement d'employeur : l'interrogation porte soit sur celui tenu d'exécuter les prestations promises, soit sur l'étendue exacte de ces dernières.
Et, dans le cadre de cette chronique, nous avons déjà eu l'occasion, dans le passé, d'évoquer ces questions. Telle est une nouvelle fois le cadre du litige d'origine. En revanche, le changement essentiel provient de la solution retenue par la Cour de cassation non pas sur le plan du respect des règles en vigueur, mais quant à la méthode retenue pour évaluer le préjudice subi par l'assuré et donc la sanction mise en oeuvre à l'encontre de l'employeur, souscripteur. Pour la petite histoire, dans le cas présent, les parties n'étaient pas inconnues de la communauté des juristes en général et pas seulement privatistes. Il s'agissait d'une aide de cuisine appartenant à une institution dont le nom a fait souffrir quelques générations d'étudiants de deuxième année : Notre-Dame du Kreisker.
Concrètement, une salariée avait été employée par un employeur ayant souscrit un contrat d'assurance de groupe par laquelle il permettait à son salarié de bénéficier d'un régime de prévoyance lui offrant 90 % de son salaire brut jusqu'à sa retraite en cas d'invalidité permanente. Pour une raison inconnue, sans incidence, ce salarié avait été embauché par une autre société qui, elle-même, disposait d'une assurance de groupe se révélant moins favorable que le premier. Placé en invalidité, il n'avait pas reçu de son nouvel employeur la garantie figurant dans le contrat souscrit par le premier employeur à laquelle il estimait pouvoir prétendre. Il avait donc intenté une action en vue d'obtenir les sommes correspondantes.
La formulation de son argumentaire n'est pas traditionnel en droit des assurances, plus connue du droit du travail, et n'apparaît donc pas forcément la mieux choisie, encore que.... En effet, le salarié, s'appuyant sur l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 (N° Lexbase : L5011E4D), argue du fait qu'il avait "pu légitimement croire" bénéficier du maintien de cet avantage en raison de l'absence d'information, sur ce point, de son nouvel employeur. En d'autres termes, cet employé reproche à son employeur seulement son absence de respect de devoir d'information en tant que souscripteur du contrat d'assurance de groupe pour son entreprise, silence qui l'a induit en erreur.
Par ailleurs, le salarié reproche à la cour d'appel de s'être contentée de lui allouer des dommages-intérêts sur le fondement de la perte de chance, sur laquelle lui-même avait, sans doute, fondé son action, et non l'intégralité de sommes qu'il estimait représenter son entier préjudice effectif. La Cour de cassation commence par répondre sur ce point en rappelant ce qu'est une indemnisation fondée sur la perte de chance. Par définition, celle-ci consiste en une probabilité, un pourcentage du préjudice donc une partie de celui-ci et non son intégralité. La Cour de cassation revient donc sur ces fondamentaux et assène qu'"une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée".
Notre Haute juridiction poursuit en indiquant que la cour d'appel avait bien sanctionné l'employeur de manière effective, en raison du non-respect de l'information prévue à l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, puisque des indemnités lui avaient été octroyées. Or, le dommage subi se limitait à la perte de chance, pour l'assuré, de pouvoir souscrire, par lui-même, un autre contrat d'assurance, supplémentaire et donc comportant les garanties manquantes dans le nouveau contrat d'assurance par rapport au premier. Pour plusieurs raisons, cette solution appelle une appréciation plutôt positive. La première s'entend de la nécessité de ne pas laisser se développer un contentieux qui deviendrait systématique de la part d'assurés peu scrupuleux.
La solution est surtout conforme aux règles du droit commun et au régime de la perte de chance. Et si d'aucuns émettaient une quelconque réserve, de pure équité, elle ne résisterait pas à l'analyse. En effet, une comparaison s'impose avec les hypothèses où une véritable hésitation est permise entre l'application d'un premier contrat d'assurance de groupe et un second proposé par un nouvel employeur alors que les faits se sont produits au cours du premier contrat de travail et que la révélation et la demande s'effectuent au cours de la seconde relation de travail. Toutefois, ces circonstances ne sauraient être assimilées à la présente affaire pour une raison simple cette fois : le salarié a pu négocier les termes de son contrat de travail lequel comporte certes le salaire, mais aussi tous les avantages sociaux parmi lesquels figure l'éventuelle assurance de groupe. Et l'on sort donc du droit des contrats d'assurance pour revenir au droit des obligations en général.
Certes le salarié a pu ignorer que cet avantage social ne le "suivait" pas ; encore qu'il sache demander quels sont les oeuvres sociales de l'entreprise, l'arbre de Noël et les offres de vacances à prix promotionnel ; toutefois, la loi doit être respectée. Au-delà de ces considérations de faits purs, en droit, ne pas en tenir compte de la rupture intervenue entre les deux contrats de travail, le premier et le second reviendrait à outrepasser la fonction de la législation, déjà spécifique, propre aux contrats d'assurance, en lui faisant jouer un rôle qu'aucun droit ne peut avoir, sans compter la violation des règles de base de droit des obligations. Les accords conclus entre un souscripteur et une entreprise ne sauraient été étendus à l'infini, en dehors de leur cadre contractuel et donc des parties concernées.
Du côté du droit des assurances de groupe, la Cour de cassation n'estime pas indispensable de considérer ces aspects comme devant entraîner une protection supérieure encore à ce qu'elle est, lors de la conclusion d'un contrat de travail, puisque le futur salarié se trouve en présence de son cocontractant pour l'interroger sur les termes de leur accord, l'apprécier et le refuser. Il incombe à chaque salarié potentiel de négocier les conditions de son contrat de travail puisqu'il n'est pas placé dans les mêmes conditions restrictives que l'adhérent, déjà présent dans l'entreprise, lors de la souscription d'un contrat d'assurance de groupe dont il ne peut pas discuter les termes et les clauses, encore qu'il faille relativiser ces différences plus théoriques que pratiques.
Ceci étant dit, il demeure que, depuis quelques mois, le sentiment ne peut manquer d'être indiqué : celui que la Cour de cassation commence à marquer un pas dans le sens d'une protection des adhérents plus mesurée, moins automatique et généralisée, en fonction de leurs exigences croissantes et parfois exagérées.
Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'Université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", vice-doyen
Décidément, l'article L. 132-5-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L9839HE7) fait couler beaucoup d'encre tant du côté de la Cour de cassation, que de la doctrine souvent critique depuis l'arrêt du 7 mars 2006 (1), devenu célèbre pour les spécialistes du droit des assurances vie. Une nouvelle fois, ce texte constitue la substance essentielle d'une position déterminante de la part de la première chambre civile, le 18 mai 2011, qui, si elle ne constitue pas, d'un point de vue formel, un arrêt de principe, en prend néanmoins l'allure. Par ailleurs, et incidemment, puisque là ne se situe pas, a priori, le coeur de l'arrêt, ce dernier atteste de l'absence de nette distinction entre les contrats d'assurance vie et les contrats de capitalisation. Ceux-ci avaient déjà donné lieu à un non moins célèbre arrêt "Leroux" du 18 juillet 2000 (Cass. civ. 1, 18 juillet 2000, n° 97-21.535 N° Lexbase : A0303AUR), lequel, pourtant, prenait le soin de marquer la différence existant entre ces deux accords de volonté, certes proches. La faute, ici, à l'article L. 132-5-1 du Code des assurances lui-même qui énonce que "toute personne qui a signé une proposition ou un contrat d'assurance sur la vie ou un contrat de capitalisation".
En l'espèce, une femme avait souscrit tant des contrats de capitalisation pour elle-même, ainsi que pour l'un de ses fils, mineur, prénommé Antoine, en juillet 2000, que des assurances vie pour elle comme deux autres de ses enfants : Aurélie et Simon. Quelques jours plus tard, cette même assurée opte pour trois nouveaux contrats de capitalisation supplémentaires dont elle a décidé, six mois plus tard, de donner la nue-propriété à ses trois enfants. Au total, neuf contrats auraient été conclus, et cette femme procède au rachat de sept d'entre eux. Ce qui retient surtout l'attention du juriste, c'est qu'elle a renoncé aux deux contrats non rachetés, y compris donc celui souscrit au nom de son fils Antoine, mineur. Or, la Cour de cassation décide que la renonciation à un contrat d'assurance vie s'analyse en un acte d'administration ; par conséquent, la mère de l'enfant mineur pouvait renoncer au contrat d'assurance, seule, en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur, sans autorisation du juge des tutelles.
On se souvient l'origine des débats sur la faculté de renonciation accordée au souscripteur : les vicissitudes de la lecture de l'article L. 132-5-1. Plus encore, après les premières interprétations issues des libellés initiaux de ce texte, diverses réformes législatives modifient celui-ci prêtant ainsi le flanc à des hésitations sur son sens exact. Pour faire court, après tant d'échanges, de débats et d'hésitations, disons que la Cour de cassation ne se contente pas, pour que les exigences de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances soient satisfaites, d'une information au travers du seul contrat d'assurance, c'est-à-dire des conditions générales, mais exige aussi une note d'information autonome, distincte. L'assureur doit donc pouvoir apporter la preuve que deux documents ont été remis, de manière effective, au souscripteur. Inutile d'indiquer qu'en pratique ne sont pas exclues des hypothèses d'application incomplète de cette double obligation que la version actuelle de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances, issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 (N° Lexbase : L5277HDS), ne laisse pas supposer à qui n'a pas pris le soin de scruter une jurisprudence absconse.
Là ne se situait toutefois pas l'enjeu dans le cas présent, une nouvelle difficulté étant survenue au sein de ce magma déjà complexe. L'interrogation portait sur le titulaire du droit à renonciation au contrat. En d'autres termes, ce droit est-il un droit personnel, au sens de l'article L. 132-9, alinéa 2, du Code des assurances (N° Lexbase : L7215IC9), à l'instar du droit de modification de la désignation d'un ou de tiers bénéficiaires. Et l'on sait que par droit personnel, le droit des assurances emploie cette expression dans un sens strict, précis et rigoureux, c'est-à-dire celui qui n'appartient à personne d'autre que son titulaire lui-même, et pas même à ses représentants légaux et encore moins à ses créanciers éventuels.
Concrètement, l'une des questions soulevées dans cet arrêt, même si elle n'apparaît pas comme telle de prime abord, s'entendait des effets de la décision du souscripteur de donner en nue-propriété le contrat souscrit. Une telle décision entraîne t-elle le transfert immédiat et définitif de cette propriété ? Ou bien, demeurait-elle virtuelle, tant que l'acceptation de ce droit par le titulaire ne s'était pas produite ? Selon qu'il est considéré comme tiers bénéficiaire ou non, la réponse diffère. Et, dans le cas présent, l'absence de dissociation de la situation des contrats d'assurance vie et des contrats de capitalisation laisse perplexe. La Cour de cassation ne s'attache pas à cet aspect pourtant essentiel. Car, la réponse n'est pas immédiate et évidente. En effet, dans cette espèce, la Cour de cassation ne précise pas clairement que l'opération réalisée par la souscriptrice consistait à avoir prévu, dans la clause de désignation du tiers bénéficiaire, que le bénéfice octroyé consistait dans la nue-propriété. Si, dans le cadre d'un contrat d'assurance vie, il est permis de le présumer, dans le cas d'un contrat de capitalisation, la même déduction ne s'impose pas nécessairement, sans autre argument.
Plus encore, l'interrogation majeure portait sur la nature juridique de l'acte de renonciation au contrat d'assurance. S'agissant d'un mineur, une représentation simple suffisait-elle pour solliciter cette renonciation, ou bien exigeait-elle l'assentiment du juge des tutelles ? En considérant que cette demande constituait un acte d'administration et non un acte de disposition, la Cour de cassation tranche de manière à la fois surprenante et compréhensible. Le raisonnement de notre Haute juridiction mérite d'être approuvé si l'on s'attache au libellé de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances, puisque celui-ci accorde la faculté de renonciation à toute personne physique.
En revanche, la solution de la Cour de cassation étonne au regard de la méfiance dont elle a fait preuve, ces derniers temps, en matière notamment de modification de la désignation bénéficiaire, à l'égard de tout représentant quel qu'il soit, vis-à-vis certes d'un majeur protégé (2). Sans doute, la renonciation ne porte-t-elle pas sur les mêmes aspects. Pour autant, la renonciation constitue aussi un acte juridique important, pouvant engendrer des pertes financières si elle intervient à une période où les places boursières enregistrent des performances exceptionnelles. Plus encore, la Cour de cassation, comme la désignation ou la modification du tiers bénéficiaire, l'analyse comme un droit personnel ne pouvant être exercé, même par un avocat, sans un mandat spécial.
Mais, en l'espèce, l'enfant mineur n'était pas devenu souscripteur à la place de sa mère, celle-ci lui eût-elle donné la nue-propriété du contrat d'assurance, constat qui n'est d'ailleurs pas sans conséquences juridiques. Si la notion de droit personnel s'entend de manière stricte, celle de souscripteur ne saurait davantage être étendue. Encore n'est-ce pas la seule leçon à retenir...
Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'Université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", vice-doyen
Voici un arrêt à cheval sur le droit des assurances et sur la procédure civile dont la publication au Bulletin nous semble utile.
En effet, en cas de sinistre, le rôle de l'expertise, amiable ou au besoin judiciaire, est crucial en matière d'assurance. Il est parfois nécessaire de recourir au juge, saisi sur requêtes ou en référés, pour désigner l'expert. En pareille hypothèse, l'article L. 114-2 du Code des assurances (N° Lexbase : L0076AA3) dispose : "la prescription [biennale posée par l'article L. 114-1 du même code N° Lexbase : L2640HWP] est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre".
Au-delà de la désignation même de l'expert, amiable (3) ou judiciaire, dont l'effet interruptif est expressément posé dans le code, y-a-t-il lieu de considérer l'ordonnance qui impose un changement d'expert comme douée elle-même d'un tel effet interruptif de la prescription biennale ? Au contraire, faut-il considérer qu'elle ne constitue qu'un accessoire de l'ordonnance primitive seule douée d'effet interruptif ?
La question est d'un intérêt pratique certain dès lors que, comme en attestent les faits de cette espèce, sitôt la désignation de l'expert ordonnée, le cours de prescription, interrompu, reprend "sa course". Sans doute le délai de deux ans devrait-il suffire à régler le problème ou, à défaut, à saisir le juge du fond. Toutefois, comme le montre l'arrêt examiné, il se peut que l'assignation soit délivrée par l'une ou l'autre des parties (ici l'assureur), plus de deux ans après l'ordonnance primitive.
En l'espèce, la désignation d'un expert médical a eu lieu par ordonnance de référé le 17 juin 2003 ; l'assuré ayant déménagé, le juge chargé du contrôle des expertises a, par ordonnance du 16 octobre 2003, ordonné le changement d'expert et prorogé le délai imparti ; que le rapport d'expertise ayant été déposé le 16 février 2004, l'assureur a, le 19 août 2005, assigné l'assuré en nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle.
Dans un tel cas de figure, si l'ordonnance modificatrice est dotée d'un effet interruptif propre, l'assureur peut valablement agir, tandis que si elle n'en est point dotée, toute action postérieure au 17 juin 2005 doit être tenue pour prescrite.
La solution donnée par la deuxième chambre civile, bien placée pour statuer sur des questions à la confluence des deux matières dont elle est spécialiste, est sans ambiguïté. Elle énonce qu'il "résulte de" l'article L. 114-2 du Code des assurances que "l'ordonnance de changement d'expert a un effet interruptif du délai biennal".
On reconnaîtra, à l'emploi de la formule "il résulte de", que la Cour de cassation opère par interprétation, par déduction logique. Selon elle, si le code n'envisage que la désignation même d'experts à la suite d'un sinistre, la modification n'est qu'une variante. Il est difficile de critiquer l'analyse, car la modification n'est jamais qu'une nouvelle désignation, destinée à conduire à une nouvelle expertise.
On notera que, pour fonder ce raisonnement, les Hauts magistrats le tirent du principe général selon lequel "toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision judiciaire a un effet interruptif du délai à l'égard de toutes les parties". Cette solution, énoncée d'abord par la première chambre civile de la Cour de cassation en 2001 (4), a été ultérieurement confirmée en plusieurs occasions (5).
Forte de cette règle générale, la deuxième chambre civile en déduit "qu'il en est de même [d'une] ordonnance [...] en changement d'expert [rendue] obligatoire" par le changement de domicile de l'assuré.
Il est difficile de ne pas l'en approuver car cette lecture ne contrevient nullement à la lettre de l'article L. 114-2 du Code des assurances et est conforme à son esprit.
Il était néanmoins utile d'affirmer la solution avec quelque solennité car certains juges du fond ont parfois opté pour un raisonnement différent. On citera en ce sens une décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 25 octobre 2007 (première chambre civile, n° 06/05983), qui a considéré que, "une ordonnance de changement d'expert qui, par définition, est une simple mesure d'administration judiciaire non prévue comme un acte interruptif de prescription par l'article 2244 du Code civil ([LXB=L7178IA4])" n'a pas un tel effet.
Un tel raisonnement tire l'effet interruptif du seul comportement des parties et considère sans effet un changement d'expert, qualifié de "mesure d'administration judiciaire".
L'analyse n'est pas convaincante car elle omet totalement les causes interruptives propres au droit des assurances, pourtant parfaitement énoncées à l'article L. 114-2 du Code des assurances. Le droit spécial ajoute ici aux "causes ordinaires" de d'interruption de la prescription. Il est donc mal venu de se concentrer sur le seul droit commun de la prescription, dont on sait, par ailleurs, qu'il a été profondément remanié par la réforme du 17 juin 2008 (6)...
A ce titre, on n'oubliera pas que le nouvel article 2239 du Code civil (N° Lexbase : L7224IAS) suspend (et non interrompt) la prescription "lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès" et que, dans ce cas, "le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée".
Il reste que l'articulation entre ce nouvel article 2239 du Code civil et l'article L. 114-2 du Code des assurances, entre le droit commun de la prescription et le droit spécial de l'assurance, reste à préciser en jurisprudence.
Pour lors, on tiendra l'arrêt examiné, rendu à propos d'une expertise antérieure à la réforme de la prescription, pour un signe de la volonté d'éviter le "couperet" de la courte prescription (biennale) en assurance. Cette volonté de promouvoir une plus grande efficacité du droit d'agir en assurance passera également, nous semble-t-il, par une interprétation large de l'article 2239 du Code civil à l'assurance, sans voir dans l'article L 114-2 susvisé un obstacle...
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences en droit privé, Faculté de droit de Nantes, membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit privé)
La mise en oeuvre des sanctions de la déclaration inexacte, qu'il s'agisse de la nullité en cas de déclaration inexacte avec mauvaise foi (C. ass., L. 113-8 N° Lexbase : L0064AAM) ou sans (C. ass., L. 113-9 N° Lexbase : L0065AAN), est toujours plus délicate.
Il s'agit alors de déterminer si la fausse déclaration impacte l'un seulement des risques, sans remettre en cause la garantie au titre des autres risques, soit remet en cause la police en son entier.
Depuis un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 3 janvier 1996 (7) il est bien établi : "qu'il résulte de [l'article L. 113-8 du Code des assurances] qu'en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de l'assuré à l'occasion de la souscription d'une police garantissant plusieurs risques distincts, l'appréciation de la portée, en ce qui concerne l'assureur, de cette réticence ou fausse déclaration, doit se faire par rapport à chaque risque en litige, mais indépendamment des circonstances du sinistre".
En outre, l'arrêt reconnaissait aux juges du fond un pouvoir souverain pour décider quels risques avaient été influencés par la déclaration inexacte.
Depuis, par diverses formules, la Cour de cassation reprend l'attendu susvisé ou des variantes plus sobres, telles que celles consistant à constater que la "fausse déclaration a modifié l'appréciation de l'assureur quant à l'ensemble de la police", ou encore que "l'assuré avait faussé l'appréciation de tous les risques couverts par la police". En dernier lieu, un arrêt du 2 avril 2009 approuve ainsi les juges du fond d'avoir décidé que la fausse déclaration sur l'identité du conducteur (la trop classique déclaration du père alors qu'il s'agit du fils inexpérimenté), avait faussé l'appréciation de l'assureur du risque au titre du vol, dès lors "que le véhicule en cause modèle sport de couleur jaune était de nature à susciter la convoitise, du moins, attirer l'attention des malfaiteurs [et que] le jeune [conducteur] ne disposait pas de la même expérience de conduite que son père".
Il est aussi des décisions pour reconnaître que la fausse déclaration, non intentionnelle, ce qui change beaucoup (L. 113-9 plutôt que L. 113-8), d'un risque est sans influence sur la garantie d'un autre risque de la police. Ainsi d'un arrêt du 8 juillet 1997 (8) qui a jugé : "que la déclaration inexacte [...] afférente aux risques locatifs [est sans incidence sur] la réparation de son préjudice professionnel et pour la perte de la valeur de son fonds de commerce".
Enfin, lorsque la Haute juridiction constate que les juges du fond ont retenu la nullité de la police multirisque dans son ensemble sans motiver cet effet transversal, la Cour de cassation censure pour manque de base légale. C'est à ce dernier genre qu'appartient l'arrêt du 12 mai 2011 examiné.
En l'espèce, le contrat d'assurance automobile souscrit garantit les risques responsabilité civile, défense pénale et recours, vol, incendie, dommages tous accidents, bris de glace et objets contenus dans le véhicule ; après déclaration du vol de son véhicule par l'assuré, l'assureur, puis les juges du fond, ont constaté que cet assuré avait, dixit l'arrêt, "maquillé un sinistre [... et] omis d'indiquer qu'il avait fait l'objet d'une mesure de suspension de son permis de conduire", parmi une liste encore plus longue de tromperies volontaires.
La Cour de cassation censure au motif que, "en se déterminant ainsi, sans rechercher si la fausse déclaration retenue avait été de nature à changer l'objet du risque ou à en modifier l'opinion pour l'assureur pour chacun des risques garantis en litige alors que le contrat d'assurance garantissait plusieurs risques distincts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé".
La formule s'appuie sur la lettre de l'article L. 113-8 du Code des assurances et rappelle le caractère alternatif de l'incidence de la fausse déclaration, qui bouleverse soit radicalement l'objet du risque, soit fausse l'opinion que l'assureur s'était faite des divers risques couverts dans la multirisque.
S'agissant de mesurer, en l'espèce, l'impact des diverses omissions volontaires (suspension de permis) et "maquillages" de l'assuré quant aux sinistres de responsabilité civile ou bris de glace auto, sur le risque, distinct, de vol, il appartiendra à l'assureur de démontrer, in concreto, que son opinion sur la couverture du vol en a été nécessairement modifiée.
On songera peut-être qu'on ne voit pas en quoi le risque de vol de véhicule serait, objectivement, modifié par ces omissions ou travestissements de sinistres matériels antérieurs. Cela n'en rend pas le véhicule plus attractif pour les voleurs. Il n'en demeure pas moins que le risque d'un "faux vol" organisé avec la complicité de l'assuré est, dans de telles circonstances, hautement probable. L'assureur ne devrait donc pas avoir de difficulté à convaincre le juge du fond qu'il n'aurait jamais couvert un tel assuré, pour aucun des risques, s'il avait connu les manipulations auxquelles il s'est déjà livré avant comme après conclusion du contrat litigieux.
La personnalité de l'assuré impacte hautement le contrat d'extrême bonne foi que constitue le contrat d'assurance. L'effet "transversal" de la nullité devrait donc être légitimement reconnu dans de telles circonstances.
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences en droit privé, Faculté de droit de Nantes, membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 09 Juin 2011
Jean-Claude Benhamou : Composé de 500 avocats en exercice, 526 en comptant les honoraires, le barreau de Bobigny est un barreau en trompe l'oeil : il est réputé pour ses interventions sur le terrain judiciaire, notamment pénal, le TGI abritant le premier tribunal pour enfants de France. Ce qui est moins connu est que les avocats de mon barreau sont également des avocats du juridique dans un département particulièrement dense en entreprises. La difficulté est que nous exerçons à côté de Paris, ce qui n'est pas rien !
Dans un département où plus de 70 % de la population est éligible à l'aide juridictionnelle, plus que d'autres, les avocats de la Seine-Saint-Denis sont appelés à intervenir dans le secteur aidé.
De sorte que la péréquation et les compensations qu'il est souvent possible d'opérer entre les honoraires procurés par une activité dans le secteur libre et ceux obtenus dans le secteur aidé sont bien plus difficiles qu'ailleurs.
Cette situation explique le mouvement de grève totale et sans limitation de durée du secteur aidé engagé par le barreau de la Seine-Saint-Denis, le 7 avril 2011. Ce n'est pas de gaieté de coeur que les avocats de la Seine-Saint-Denis se sont engagés dans cette grève. Ils ont bien conscience que celle-ci pénalise avant tout les justiciables. Ils sont meurtris à l'idée de ne pas s'être trouvés en première ligne dans l'application de la réforme de la garde à vue, alors que représentant 1 % du barreau français les avocats de la Seine-Saint-Denis assurent 7 % des gardes à vues nationales.
Plus qu'ailleurs, et compte tenu d'une réalité démographique et territoriale que l'on peut estimer comme étant discriminatoire, les avocats de Seine-Saint-Denis subissent de plein fouet l'indigence des indemnités d'aide juridictionnelle. Celles-ci sont pensées comme étant subsidiaires partout ailleurs, mais compte tenu de la configuration de la population de la Seine-Saint-Denis elles deviennent, de fait et pour beaucoup d'avocats de mon barreau, principales. Or, le calcul de ces indemnités se trouve tellement éloigné des réalités économiques d'un cabinet d'avocat puisque elles ne lui permettent pas de générer suffisamment de marges non seulement pour se payer mais surtout pour développer une structure.
Face à ce constat, les avocats de la Seine-Saint-Denis, après avoir tiré, à de nombreuses reprises, la sonnette d'alarme, après surtout et pendant de nombreuses années avoir pris sur eux le poids de la charge de l'accès au droit dans notre département, se sont donc résolus à ce mouvement de grève.
Il convient de rappeler que c'est en raison de l'abnégation dont ont su faire montre les avocats de la Seine-Saint-Denis, et en aucun cas à partir des contributions étatiques, que les plus démunis ont jusqu'alors pu bénéficier d'un droit à la justice que l'on peut considérer comme opposable dans le département. Et il arrive un moment où cela n'est plus possible. On relève, dans ce domaine, un désengagement constant de l'Etat ; à titre illustratif, les indemnités versées par l'Etat ne sont jamais véritablement revalorisées et encore lorsqu'il y a revalorisation ce n'est qu'en suite d'un mouvement de contestation. En 2006, les barreaux se sont déjà mis en grève pour que les indemnités initialement fixées en 2000 soient revalorisées. Elles l'ont été de 6 % ce qui, rapporté au taux d'inflation pour la période de six ans concernée, peut correspondre en fait à une diminution...
Lexbase : Que préconisez-vous comme nouveau système de revalorisation de l'aide juridictionnelle ?
Jean-Claude Benhamou : En l'état et dans l'attente d'une réforme profonde du système d'aide juridictionnelle, il me semble qu'il devrait être pris en compte la spécificité de la Seine-Saint-Denis, ses particularités ; qu'il soit tenu compte du fait que il n'y a pas de possibilité de péréquation. Partout ailleurs le développement d'une clientèle dans un premier temps permet de grandir et, le cas échéant, de rendre marginale la part de l'aide juridictionnelle dans le chiffre d'affaires réalisé par l'avocat, ce qui fonctionne difficilement en Seine-Saint-Denis.
Je pense qu'il faut tenir compte des spécificités de chaque barreau dans la dotation de l'aide juridictionnelle. La Halde a déposé un rapport, le 18 avril 2011, dans lequel, d'une part, se trouve soulignée l'existence de discriminations territoriales et, d'autre part, sont présentées les préconisations pour tenter de les compenser.
Les avocats sont des professionnels indépendants à qui on demande d'assurer une mission de service public, mission essentielle dans un Etat démocratique. Même dans un Etat dit libéral, l'accès au droit constitue une mission régalienne de l'Etat. Celui-ci doit permettre à tout citoyen d'accéder à la justice, de se défendre en justice ou d'agir en justice, l'accès au droit étant un instrument de paix social essentiel. Or, en n'y consacrant pas les moyens financiers suffisants, l'Etat rompt complètement l'égalité entre ses citoyens en ne leur permettant pas, de fait, pour des raisons économiques, de se voir assurer la meilleure défense possible.
Dans mon département un avocat qui intervient principalement dans le secteur aidé, eu égard à l'indigence des indemnités qui lui sont versées, rencontre de sérieuses difficultés pour financer un secrétariat, un standard téléphonique. Cela le rend difficilement joignable et accessible. Il est donc indispensable de repenser un système d'aide juridictionnelle qui prenne en compte les prix de revient de la gestion d'un cabinet d'avocat de sorte que nos concitoyens puissent bénéficier d'une véritable défense qui ne s'appuie pas exclusivement sur le dévouement de leurs conseils.
Lexbase : Comment s'est déroulée la mise en place de la nouvelle garde à vue au sein de votre barreau ?
Jean-Claude Benhamou : Lors de l'entrée en vigueur de la réforme ou des nouvelles dispositions en conséquences des arrêts d'Assemblée plénière, le barreau était déjà en grève. Depuis le 11 avril aucune permanence de garde à vue n'est assurée par les avocats de Seine-Saint-Denis.
Nous restons, cependant, particulièrement attentifs aux conditions de mise en oeuvre de cette réforme dans l'intérêt, avant tout, de nos concitoyens et non des avocats comme il est souvent dit à tort.
En effet, si comme avocats nous nous sommes battus depuis très longtemps pour que la France se mette au norme du droit européen en cette matière, c'est avant tout dans l'intérêt des justiciables, des personnes mises en cause, possiblement tout un chacun ; le système antérieur étant barbare et bien évidemment inacceptable.
Cette réforme est incomplète. En effet nous n'osons pas, en France, trancher entre une procédure accusatoire et une procédure inquisitoire. Nous faisons les deux en même temps et au final nous conservons les inconvénients de la procédure inquisitoire sans avoir les avantage de la procédure accusatoire et vice versa ! On nous demande d'assister des mis en cause au cours de leurs auditions en garde à vue sans nous permettre pour autant d'accéder au dossier. Notre présence est ainsi instrumentalisée puisque les déclarations faites par le mis en cause sans que nous puissions lui fournir de conseils éclairés pourront être retenues contre lui.
Certes la loi prévoit le droit au silence mais en pratique il s'agit d'un leurre. Malgré la réforme il semble que l'aveu soit toujours considéré par les services de police comme la reine des preuves.
L'autre problème de la réforme de la garde à vue réside dans son financement. A priori, il n'a pas été prévu de dispositions claires et précises en ce qui concerne la prise en charge des frais d'organisation de l'intervention des avocats en garde à vue.
Par ailleurs, le forfait proposé de 300 euros HT pour les premières 24 heures ne tient pas compte de la réalité des temps d'astreinte imposés aux avocats, notamment entre les auditions et pour se rendre d'un lieu de garde à vue à un autre. De surcroît les sommes allouées ne sont pas à la disposition des Ordres à charge pour eux de les répartir. Nous risquons de nous trouver dans des situations complètement impossibles. L'intervention étant forfaitisée cela signifie que nos avocats devront considérer qu'ils commencent leur permanence dès qu'on leur a confié la défense d'un gardé à vue. Il est impossible de préétablir des heures de permanence. Comment répartir en effet les indemnités versées entre deux avocats qui dans une même période de 24 heures pour un même gardé à vue sont intervenus à ses cotés ?
Nous demeurons dans l'attente du décret sur le financement de la garde à vue.
Les Bâtonniers de la Conférence des Cents avaient, de leurs côtés, demandé à ce que le tarif horaire de 160 euros HT, soit l'équivalent de ce que la Chancellerie avait pris en considération lorsqu'elle avait discuté d'un barème pour les divorces par consentement mutuel. L'avocat de la garde à vue valait bien l'avocat du divorce !
L'idée d'un forfait de trois heures avait été envisagée à l'origine comme une base de réflexion permettant d'évaluer l'enveloppe globale nécessaire au financement de la réforme de la garde à vue. Or, retenir le système du forfait d'heure a eu pour effet d'annihiler complètement l'idée d'un tarif horaire, étant observé que la Profession, toujours raisonnable, avait pour la détermination de l'enveloppe budgétaire précitée proposé d'elle-même un tarif horaire consistant en la multiplication par deux des 61 euros versés depuis 1993 pour une demi heure d'intervention soit 122 euros HT, somme qui consacrait une absence de revalorisation depuis 1993. La Chancellerie n'a pas tenu compte des efforts de la Profession en proposant un tarif horaire de 100 euros et un forfait de trois heures.
Et c'est se moquer du monde encore une fois. Il n'est pas exclu que, à l'épreuve, la situation explose dans les barreaux. La Chancellerie n'ayant pas intégré, par exemple, la nécessité de travailler au regroupement des lieux de garde à vue ce qui pour certains de barreaux de province va rendre la situation totalement intenable.
Hier, dans mon barreau, pour répondre au 7 % des gardes à vue de France nous n'avions recours à l'intervention que de 5 avocats. Aujourd'hui, avec le nouveau système nous sommes appelés à solliciter 40 avocats par jour (20 de permanence ; 15 suppléants ; 5 pour les victimes).
Si nous n'y prenons garde et si nous ne nous appuyons que sur le volontariat, il y a un risque de voire naître une nouvelle catégorie d'avocat : l'avocat de garde à vue.
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 3 mai 2011, n° 341349, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7668HPP)
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par Frédéric Cauvin, Collaborateur, Landwell & Associés
Le 09 Juin 2011
Après avoir obtenu la décharge de cette cotisation de taxe professionnelle devant le tribunal administratif de Paris en 2009, confirmée devant la cour administrative d'appel de Paris en 2010 (CAA Paris, 7ème ch., 4 juin 2010, n° 09PA05432, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2122E3Y), c'est devant le Conseil d'Etat que l'intéressé a dû, de nouveau, défendre ses positions face à une administration fiscale déterminée.
On s'étonnera et on se réjouira de la relative célérité avec laquelle cette affaire est arrivée jusqu'à la Haute assemblée, la question étant de savoir si un avocat non domicilié en France, membre d'un groupement de professions libérales organisé sous forme d'un "Limited Liability Partnership" (LLP) de droit britannique, ayant des bureaux à Paris, pouvait être assujetti à la taxe professionnelle alors même qu'il n'exerçait aucune activité en France. Le Conseil d'Etat a répondu par la négative à cette question, refoulant par là même les prétentions de l'administration.
Pourtant, bien que cette bataille ait pu sembler vaine, il est intéressant de revenir sur le raisonnement "juridique" déployé de la part de l'administration fiscale, avant d'analyser la position retenue par la Haute juridiction.
I - La position de l'administration fiscale : une position dénuée de sens, mais remplie d'intérêts
Me X, avocat, associé d'un cabinet d'avocats de droit britannique (LLP) disposant de bureaux en France, s'est vu imposer à la taxe professionnelle en France, au titre de l'année 2006, par l'administration fiscale, sur le fondement de l'article 1476 du Code général des impôts.
A - Le partnership et la taxe professionnelle
Dans la nébuleuse des sociétés de personnes, le "Limited Liability Partnership" est une entité de droit anglais dont la nature et l'objet sont purement civils. Cette structure est employée par les professions qui se voient interdire par la loi le recours à d'autres formes de sociétés. Tel est, par exemple, le cas de la profession d'avocat. Cette structure, qui n'a pas de personnalité juridique, pourrait éventuellement se rapprocher du type de société française qu'est la société en nom collectif ou encore de l'association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle (AARPI).
En matière de taxe professionnelle, le deuxième alinéa de l'article 1476 du CGI pose le principe que, pour les groupements réunissant des membres de professions libérales (à l'exception de ceux qui ont opté pour leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés), l'imposition est établie séparément au nom de chacun des membres. En contrepartie, aucune imposition n'est réclamée au groupement.
Ainsi, chaque membre est redevable de la taxe professionnelle sur une base incluant une fraction des éléments imposables qui correspond à ses droits dans le groupement. La base d'imposition de chaque membre est déterminée de manière différente selon que l'intéressé emploie ou non moins de cinq salariés.
Si l'associé emploie moins de cinq salariés, sa base d'imposition à la taxe professionnelle est égale à la somme de :
- la valeur locative des locaux dont il dispose à titre personnel ;
- la quote-part de la valeur locative des locaux communs obtenue en divisant la valeur locative totale par le nombre d'associés ;
- d'une fraction de ses recettes personnelles pour la fraction imposable (la fraction des recettes est fixée à 6 %).
Si l'associé emploie au moins cinq salariés, sa base d'imposition est égale à la somme des valeurs locatives des locaux et matériels dans les conditions de droit commun. Si les recettes de l'associé sont supérieures à 61 000 euros, il est, en outre, imposé sur la valeur locative des équipements et biens mobiliers dont il a la disposition personnelle et sur une quote-part de la valeur des immobilisations de même nature mises en commun.
Ce principe bien plus complexe qu'il n'y parait, auquel le législateur est très attaché, est justifié par le souci d'assurer l'égalité entre les membres de professions libérales qui exercent à titre individuel et ceux qui sont regroupés au sein d'une société. Reconnaître au groupement la qualité de redevable de la taxe professionnelle en lieu et place de ses membres irait à l'encontre de ce principe. Bien des débats ont animé la question et notamment la notion de "groupement" qui pose un véritable problème d'interprétation mais le Conseil d'Etat s'est prononcé nettement à plusieurs occasions en faveur de la thèse de la pleine transparence fiscale des sociétés et groupements de personnes (CE, 26 juin 1985, n° 43551 N° Lexbase : A2993AMS ; CE, 26 juin 1989, n° 83980 N° Lexbase : A0776AQS, CE, 8 juillet 1992, n° 92731 N° Lexbase : A8964ARG).
B - Un parallèle inopportun avec le régime fiscal propre à l'impôt sur le revenu (IR)
Au cas d'espèce, l'administration fiscale a, par assimilation en matière d'IR avec la situation des associés de sociétés de personnes qui supportent personnellement l'impôt, considéré que Me X était redevable de la taxe professionnelle dès lors qu'il était associé à la clôture de l'exercice de référence, quel que soit son lieu de résidence ou sa participation aux résultats de la structure française.
Le régime fiscal des sociétés de personnes, inscrit entre autres à l'article 8 du Code général des impôts (N° Lexbase : L2311IB9), consiste à imposer personnellement les associés à raison des résultats réalisés par la société, proportionnellement aux droits qu'ils détiennent dans les bénéfices sociaux. En d'autres termes, les résultats des sociétés de personnes, qu'ils soient ou non distribués, sont directement imposables au nom de chacun des associés. Peu importe alors le lieu de résidence ou encore l'existence d'une activité réelle au sein de la société par les associés. Cette translucidité ou semi-transparence (pour plus de précisions sur ces notions, se reporter à l'ouvrage du Professeur Cozian : "Un sac d'embrouilles" : le régime fiscal des sociétés de personnes relevant de l'impôt sur le revenu) aboutit également à l'absence totale d'imposition au niveau de la personne morale.
Ainsi, par transposition des règles applicables en matière d'IR, l'administration fiscale estimait que les membres d'un groupement réunissant des professions libérales devaient acquitter personnellement la taxe professionnelle, à hauteur de leurs droits respectifs dans le groupement. L'absence de domiciliation en France, et l'inexistence d'activité professionnelle en France, n'étant pas, à ses yeux, des obstacles susceptibles de mettre à mal ses prétentions.
Et pourtant, l'argumentaire est fragile, puisqu'il aboutit à détourner l'article 1476 du CGI de son champ d'application initialement prévu par le législateur. Plus précisément, en 2006, l'article 1476 du CGI était rédigé comme suit : "La taxe professionnelle est établie au nom des personnes qui exercent l'activité imposable, dans les conditions prévues en matière de contributions directes, sous les mêmes sanctions ou recours.
Pour les sociétés civiles professionnelles, les sociétés civiles de moyens et les groupements réunissant des membres de professions libérales, l'imposition est établie au nom de chacun des membres [cf. Annexe II, art. 310 HP et 310 HQ]. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux sociétés civiles professionnelles, à compter de l'année qui suit celle où elles sont, pour la première fois, assujetties à l'impôt sur les sociétés".
Ainsi, comme le souligne le rapporteur public K. Weidenfeld dans ses conclusions rendues devant les juges de première instance (TA Paris, 29 avril 2009, n° 0714730 N° Lexbase : A8986ERA), selon l'administration, il y a lieu de s'interroger sur le sujet fiscal de la taxe professionnelle. Par analogie avec les règles applicables à l'IR pour lequel les sociétés de personnes sont translucides, la taxe professionnelle doit être établie au nom de tous ses membres, qu'ils exercent ou non une activité en France.
L'administration fiscale, malgré ses efforts pour transposer la notion de translucidité propre à l'IR à la taxe professionnelle commet une erreur d'interprétation. En effet, au regard de la taxe professionnelle, les sociétés dotées de la personnalité morale sont, en principe, opaques, en conséquence, personnellement passibles de la taxe professionnelle. Celles qui ne sont pas dotées de la personnalité morale sont transparentes, la taxe professionnelle est établie au nom des associés connus des tiers. Ce principe souffre d'une exception pour les membres de professions libérales qui sont imposables en leur nom que l'organisation ait ou non la personnalité morale.
L'interprétation de l'administration est que l'article 1476 du CGI définit le groupement en tant que "sujet" de la taxe professionnelle et l'alinéa 2 dudit article précise simplement les modalités d'application pour l'établissement de la taxe. Pour autant, cette interprétation ne saurait lui permettre d'imposer les associés n'exerçant aucune activité en France, en contradiction évidente avec les dispositions combinées des articles 1447 (N° Lexbase : L0048HMQ), 1448 (N° Lexbase : L0050HMS) et 1473 (N° Lexbase : L0224HMA) du CGI qui disposent que seuls les membres des groupements de professions libérales exerçant leur activité en France peuvent être soumis à la taxe professionnelle.
En effet, les conditions d'assujettissement à la taxe professionnelle doivent s'apprécier au niveau de chacun des membres du groupement. Dès lors qu'il est constant que Me X n'exerce pas son activité en France, il n'entre pas dans le champ d'application de la taxe professionnelle.
C - Une position défendue par l'administration fiscale eu égard aux retombées financières
La volonté de l'administration peut paraître surprenante, l'enjeu financier du litige s'élève à 1 237 euros. Pourtant, derrière cette affaire, se cachent des nombreux dossiers similaires en attente de jugement devant les différentes juridictions administratives. Et ce ne pourrait être que l'arbre qui cache une forêt bien plus vaste. En effet, combien de partnerships de droit anglo-saxons exercent une activité en France ? Et combien d'entre eux comprennent de nombreux membres exerçant uniquement hors de France ? L'enjeu est donc ici plus important qu'il n'y paraît.
II - La solution du Conseil d'Etat ou l'épilogue heureux pour le contribuable
Le Conseil d'Etat confirme utilement que les dispositions des articles 1447, 1448 et 1473 du CGI, d'une part, et le deuxième alinéa de l'article 1476, d'autre part, prévoient que les membres des groupements de professions libérales sont personnellement redevables de la taxe professionnelle dès lors qu'ils exercent une activité professionnelle en France à titre habituel et que ces conditions doivent être appréciées au niveau de ce dernier.
Il est également intéressant de noter que le Conseil d'Etat rappelle clairement que l'objet du second alinéa de l'article 1476 du CGI "était d'assurer la transparence fiscale des groupements constitués pour l'exercice de professions libérales" écartant par là même toute forme d'assimilation avec les règles applicables à l'IR développée par l'administration. La taxe professionnelle est régie par ses propres textes et l'essence de cette taxe est d'être un impôt local perçu par les collectivités territoriales, par conséquent indissociable du lieu d'exercice de l'activité.
Soulignons enfin, que cette question ne présente plus qu'un intérêt historique. A compter des impositions établies au titre de 2008, les nouvelles dispositions du deuxième alinéa de l'article 1476 du CGI, issues de l'article 48 de la loi du 25 décembre 2007 (loi n° 2007-1824 N° Lexbase : L5527H9L), prévoient expressément que les membres de groupements n'exerçant pas leur activité en France ne peuvent être imposés à la taxe professionnelle.
Au fond, il n'est peut être pas extravagant de penser que cette nouvelle rédaction ait pu laisser concevoir une interprétation différence du texte dans sa version antérieure. Une "brèche" dans laquelle l'administration a tenté allègrement de s'enfoncer.
III - La question est-elle toujours d'actualité avec la CET ?
Pour conclure, alors que s'est engagée une réforme de la fiscalité des sociétés des personnes tendant vers une plus grande transparence, nous pouvons constater qu'à l'inverse, la remplaçante de la taxe professionnelle tend vers une opacité de ce type de société.
En effet, dans sa version définitive, la réforme de la taxe professionnelle prévoyait initialement un régime particulier pour les membres des professions libérales plus ou moins comparable à celui qui existait en matière de taxe professionnelle. Ce régime a été censuré, le 29 décembre 2009, par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2009-599 DC N° Lexbase : A9026EPY) et cette décision avait entraîné un effet d'aubaine pour les membres des professions libérales d'autant plus important que les groupements étaient considérés comme fiscalement transparents pour l'imposition à la CET. L'application du régime de droit commun aux titulaires de bénéfices non commerciaux pour la CET due au titre de 2010 et en particulier pour la CVAE (sous réserve des dispositions particulières en matière de détermination de la valeur ajoutée), a conduit à une véritable "dilution" du chiffre d'affaires et de la valeur ajoutée entre chaque membre qui échappait, dès lors, pratiquement intégralement à la CVAE du fait de la progressivité du taux d'imposition applicable.
L'article 108, I de la loi de finances pour 2011 (loi n° 2010-1657 N° Lexbase : L9901INZ) met fin à la transparence fiscale des sociétés civiles professionnelles, des sociétés civiles de moyens et des groupements réunissant des membres de professions libérales à compter du 1er janvier 2011. Bien qu'une incertitude concernant le redevable de la taxe persiste s'agissant des groupements non dotés de la personnalité morale, que reste t-il de cette volonté du législateur tant défendue d'assurer l'égalité entre les membres de professions libérales qui exercent à titre individuel et ceux qui sont regroupés au sein d'une société garantie par la transparence fiscale des groupements ? Il est certain que les modalités d'imposition à la nouvelle taxe professionnelle des membres des groupements de professions libérales seront encore problématiques et sujets de nombreuses discussions et interprétations.
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par Olivier Dubos, Professeur de droit public, Chaire Jean Monnet, CRDEI, Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 03 Novembre 2011
Selon l'article 1er, paragraphe 2, de la Directive (CE) 2009/12 du 11 mars 2009, sur les redevances aéroportuaires, celle-ci "s'applique à tout aéroport situé sur un territoire relevant du Traité, ouvert au trafic commercial et dont le trafic annuel dépasse cinq millions de mouvements de passagers, ainsi qu'à l'aéroport enregistrant le plus grand nombre de mouvements de passagers dans chaque Etat membre". Le Luxembourg contestait l'inclusion de cette dernière catégorie dans le champ d'application de la Directive au regard des principes d'égalité (A), de proportionnalité, et de subsidiarité (B).
A - Principe d'égalité
Pour apprécier l'existence, ou non, d'une violation du principe d'égalité, la Cour de justice rappelle classiquement que "le principe général d'égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l'Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié" (1). Tout est donc affaire de comparabilité, opération éminemment subjective qui relève donc, d'abord, du pouvoir politique, et non du pouvoir juridictionnel. La Cour estime, qu'en l'espèce, la Directive est fondée sur l'article 80 CE (devenu 100 TFUE N° Lexbase : L2397IPH), selon lequel, le législateur de l'Union peut adopter "les dispositions appropriées pour la navigation maritime et aérienne". La formulation de cette base juridique signifie bien qu'il dispose d'une large marge de manoeuvre. La Cour estime donc qu'il ne lui appartient que de procéder à un contrôle minimum, qui inclut, outre le détournement de pouvoir, l'erreur manifeste d'appréciation et l'absence de dépassement manifeste des limites de son pouvoir normatif par l'institution.
La CJUE va, d'abord, examiner si le législateur a traité de manière différente des aéroports se trouvant dans des situations comparables. En effet, la Directive inclut dans son champ d'application l'aéroport qui, dans un Etat membre, connaît le plus grand nombre de passagers, mais exclut les aéroports dont le flux de passagers est inférieur à cinq millions de passagers. Or, l'aéroport Luxembourg-Findel relève évidemment du champ d'application de la Directive, mais son trafic ne dépasse pas les cinq millions de voyageurs.
Pour la Cour de justice, la comparabilité des situations doit être appréciée au regard de la situation des compagnies aériennes. En effet, la Directive a pour objet de fixer un cadre pour la détermination de la redevance qu'elles doivent verser pour l'usage des services aéroportuaires. La Cour estime qu'"il découle du quatrième considérant de la Directive (CE) 2009/12, [que le] législateur a estimé que les aéroports situés dans les Etats membres où aucun aéroport n'atteint le seuil minimal prévu par cette Directive et qui enregistrent le plus grand nombre de mouvements de passagers par an, comme celui de Luxembourg-Findel, jouissent d'une position privilégiée par rapport aux usagers d'aéroports, en tant qu'ils constituent le point d'entrée dans ces Etats membres. Il a, ainsi, considéré, comme l'ont relevé, notamment, le Conseil et la Commission, que, dans le cas de ces aéroports, il existe un risque que leurs entités gestionnaires se retrouvent en position de force par rapport aux usagers et, partant, un risque d'abus de cette position s'agissant de la fixation des redevances" (2). Mais, pour le Luxembourg, cet élément n'était pas à lui seul convaincant car à proximité de la ville de Luxembourg existent les aéroports de Charleroi (Belgique) et de Hahn (Allemagne), qui ne sont pas assujettis à la Directive.
La Cour a, toutefois, estimé que, "même si le nombre concret de mouvements de passagers par an, ainsi que le montant des redevances aéroportuaires peuvent certes être des critères importants pour les compagnies aériennes proposant des vols à partir ou à destination d'un aéroport déterminé dans un Etat membre, il existe, en règle générale, un intérêt stratégique pour ces compagnies aériennes à offrir de tels vols, de sorte que ces critères ne sauraient être considérés comme décisifs pour ces compagnies lorsqu'elles font le choix des aéroports à partir desquels elles effectuent des vols" (3). En effet, les aéroports des capitales attirent une clientèle d'affaires pour qui le critère du prix n'est pas le plus déterminant, comme, notamment, la proximité de la ville elle-même. Dès lors, le critère du volume de passagers n'est pas nécessairement le plus décisif pour les compagnies aériennes qui desservent ce type d'aéroport. En raison de la marge de manoeuvre dont disposait le législateur communautaire, il n'a donc pas méconnu le principe d'égalité en traitant de manière différente les aéroports comme Luxembourg-Findel et les aéroports qui enregistrent un trafic de passagers inférieurs à cinq millions de passagers.
Pour apprécier, ensuite, si la Directive ne méconnaît pas le principe d'égalité en traitant de la même manière les aéroports dont le flux de passagers est supérieur à cinq millions de passagers et les aéroports principaux des Etats membres qui, par ailleurs, n'atteignent pas ce seuil, la Cour va prendre en compte les mêmes considérations. L'inclusion dans le champ de la Directive des premiers résulte de leur position privilégiée au regard des usagers que sont les compagnies aériennes. Mais, selon la Cour, les seconds se trouvent, également, dans une telle situation privilégiée en raison de leur position stratégique.
B - Principes de proportionnalité et de subsidiarité
La Cour de justice rappelle, tout d'abord, que le principe de proportionnalité "exige que les moyens mis en oeuvre par une disposition du droit de l'Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre" (4). Comme pour le principe d'égalité, en raison du pouvoir discrétionnaire dont disposait le législateur communautaire, la Cour n'entend procéder qu'à un contrôle minimum. L'objectif poursuivi par le législateur est ici d'éviter que les aéroports abusent de leur position dominante à l'égard des compagnies aériennes.
La Cour estime que le mécanisme mis en place par le législateur est tout à fait apte à remplir l'objectif qu'il s'est fixé. Pour apprécier si la Directive répond à cette exigence, la Cour rappelle que la Commission avait, dans son étude d'impact, envisagé à la fois des solutions moins contraignantes (autorégulation) et plus contraignantes (méthode de calcul unique des redevances). La mise en place de principes communs pour le calcul des redevances aéroportuaires apparaît de nature à empêcher les abus de position dominante susceptibles d'être commis par les entités gestionnaires d'un aéroport. Pour la CJUE, ce dispositif ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. D'abord, elle souligne que le Luxembourg n'a pas démontré quelles pouvaient être les mesures moins contraignantes qui auraient pu être adoptées. Plus particulièrement, ni la consultation annuelle des usagers, ni la mise en place d'une autorité de supervision indépendante ne paraît excessive.
Selon le Luxembourg, la violation du principe de subsidiarité était constituée dans la mesure où était inclus dans le champ d'application de la Directive les aéroports principaux des Etats membres dont le trafic est inférieur à cinq millions de passagers. Mais là encore, la Cour estime que le Luxembourg n'a pas été capable de démontrer en quoi une simple réglementation nationale était de nature à remplir les objectifs de la Directive. En outre, elle répète que la situation d'un aéroport tel que celui de Luxembourg-Findel le met dans une situation privilégiée à l'égard des usagers. Dès lors, son inclusion dans le champ d'application de la Directive apparaît bien nécessaire.
Pour la Cour de justice, une autorité nationale de concurrence n'est pas compétente pour statuer sur l'absence de violation de l'article 102 TFUE (A). En revanche, elle a la possibilité de refuser d'intervenir dans une affaire où est en cause une éventuelle violation de cette disposition (B).
A - L'incompétence des autorités nationales de concurrence pour statuer sur l'absence de violation de l'article 102 TFUE
Le Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité, a procédé à une forte décentralisation de l'application des articles 101 et 102 TFUE qui va bien au-delà de ce que prévoyait le dispositif antérieur. L'article 5 de ce Règlement prévoit les hypothèses dans lesquelles les autorités nationales de concurrence disposent d'une compétence pour intervenir en matière d'ententes et d'abus de position dominante. Cet article prévoit que "les autorités de concurrence des Etats membres sont compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 du Traité dans des cas individuels. A cette fin, elles peuvent, agissant d'office ou saisies d'une plainte, adopter les décisions suivantes : - ordonner la cessation d'une infraction, - ordonner des mesures provisoires, - accepter des engagements, - infliger des amendes, astreintes ou toute autre sanction prévue par leur droit national. Lorsqu'elles considèrent, sur la base des informations dont elles disposent, que les conditions d'une interdiction ne sont pas réunies, elles peuvent, également, décider qu'il n'y a pas lieu pour elles d'intervenir". Dans l'affaire en cause, il s'agissait, pour la Cour, de décider si cette liste était exhaustive et de donner une interprétation de la dernière phrase de cette disposition.
La réponse ne faisait évidemment guère de doute. La Cour estime que "le libellé de cette dernière disposition indique clairement que, dans une telle situation, la compétence de l'autorité de concurrence nationale est limitée à l'adoption d'une décision de non lieu à intervenir" (5). Cette interprétation est, par ailleurs, corroborée par l'article 10 du Règlement qui prévoit que la Commission peut déclarer inapplicable les articles 101 et 102 TFUE au comportement d'une entreprise.
La Cour a, ensuite, ajouté que "le fait d'autoriser les autorités de concurrence nationales à prendre des décisions constatant l'absence de violation de l'article 102 TFUE remettrait en cause le système de coopération instauré par le Règlement et porterait atteinte à la compétence de la Commission. En effet, une telle décision négative' sur le fond risquerait de porter atteinte à l'application uniforme des articles 101 TFUE et 102 TFUE, qui est l'un des objectifs du Règlement mis en exergue par son premier considérant, dès lors qu'elle pourrait empêcher la Commission de constater ultérieurement que la pratique en cause constitue une infraction à ces dispositions du droit de l'Union" (6). On peut n'être pas totalement convaincu par cet argument dans la mesure où le Règlement permet, par ailleurs, à ces mêmes autorités nationales de concurrence d'appliquer de manière positive les articles 101 et 102 TFUE. L'incompétence de ces autorités pour prendre des décisions négatives et leur compétence pour prendre des décisions positives reposent sur un objectif d'efficacité de la répression des atteintes aux articles 101 et 102 TFUE. D'ailleurs, comme l'Avocat général Mazák l'avait souligné dans ses conclusions (7), cette compétence des autorités nationales, en raison du principe ne bis in idem, empêcherait une intervention ultérieure de la Commission.
B - La compétence des autorités nationales de concurrence pour refuser d'appliquer les articles 101 et 102 TFUE
La Cour de justice devait déterminer si la dernière phrase de l'article 5 du Règlement (CE) n° 1/2003 était d'applicabilité directe. En effet, l'autorité nationale de concurrence polonaise qui était ici en cause ne se voyait reconnaître par son droit national que le pouvoir de prendre des décisions négatives sur le fond. De manière fort laconique, la Cour estime qu'"il importe, à cet égard, de rappeler que ce n'est que lorsque le droit de l'Union ne prévoit pas de règle spécifique qu'une autorité de concurrence nationale peut appliquer ses règles nationales. En l'espèce, dès lors que l'article 5 du Règlement est directement applicable dans tous les Etats membres, selon l'article 288 TFUE (N° Lexbase : L2604IP7), il s'oppose à l'application d'une règle de droit national qui imposerait de clore une procédure relative à l'application de l'article 102 TFUE par une décision constatant l'absence de violation dudit article" (8).
En effet, les procédures de concurrence sont régies par le principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale, mais uniquement dans la mesure où il n'a pas été remis en cause par le législateur communautaire. En l'espèce, la lettre de l'article impose que l'autorité nationale de concurrence se voit reconnaître la compétence de ne pas statuer sur une affaire où en est en cause l'article 101 ou 102 TFUE sans que cela la conduise, par ailleurs, à estimer qu'il n'y a pas eu violation de l'un de ces deux articles. En outre, en raison de la lettre de l'article 288 TFUE, il est toujours très délicat pour la Cour de justice de considérer qu'un Règlement n'est pas directement applicable.
Dans cette affaire, la Cour de justice devait décider si une ressortissante du Royaume-Uni, possédant aussi la nationalité irlandaise et mariée à un jamaïcain, pouvait, sur le fondement du droit de l'Union, bénéficier d'un regroupement familial au profit de son époux. L'intéressée se prévalait à la fois de la Directive (CE) 2004/38 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres (N° Lexbase : L2090DY3) (A), et de l'article 21 TFUE (N° Lexbase : L2518IPX) (B).
A - L'inapplicabilité de la Directive (CE) 2004/38
La Cour de justice a été sans ambiguïté puisque dès le début de son raisonnement, elle affirme qu'une interprétation littérale, téléologique et systématique de la Directive conduit à estimer que la directive n'est pas applicable à la situation des époux X. Mme X n'a, en effet, jamais circulé dans un autre Etat membre, sa situation ne relève donc pas du champ d'application de la Directive. L'article 3, paragraphe 1, de la Directive dispose que "la présente Directive s'applique à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un Etat membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille, tels que définis à l'article 2, point 2), qui l'accompagnent ou le rejoignent". Il pouvait être soutenu que l'intéressée relevait de cette disposition dans la mesure où elle réside au Royaume-Uni et possède la nationalité irlandaise, mais c'était négliger qu'elle a la nationalité britannique. En outre, la Cour rappelle que la Directive utilise les termes "Etat membre d'accueil", "un autre Etat membre", ce qui indique qu'elle ne peut s'appliquer qu'aux citoyens qui ont utilisé leur liberté de circulation.
B - L'inapplicabilité de l'article 21 TFUE
La question de l'applicabilité de l'article 21 TFUE se posait dans des termes certainement plus délicats, notamment en raison du récent arrêt "Zambrano" (9). Dans cette affaire, la Cour a jugé que l'article 21 TFUE était applicable à des enfants de nationalité belge, résidant en Belgique. Cet article avait pour effet d'interdire la reconduite à la frontière de leurs parents, de nationalité colombienne, qui ne disposaient pas d'un titre de séjour régulier sur le territoire belge. La Cour avait estimé que cette reconduite à la frontière avait pour conséquence de priver les enfants de leur droit de séjour sur le territoire de l'Union, et donc sur le territoire belge.
Dans l'affaire ici commentée, la Cour rappelle qu'elle a jugé, dans l'arrêt "Zambrano", que "l'article 20 TFUE (N° Lexbase : L2507IPK) s'oppose à des mesures nationales qui ont pour effet de priver les citoyens de l'Union de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par ce statut" (10). La suite du raisonnement de la Cour est, toutefois, fort curieuse puisqu'elle estime qu'"en tant que ressortissant de, au moins, un Etat membre, une personne telle Mme X jouit du statut de citoyen de l'Union en vertu de l'article 20, paragraphe 1, TFUE et peut donc se prévaloir, y compris à l'égard de son Etat membre d'origine, des droits afférents à un tel statut, notamment celui de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres tel que conféré par l'article 21 TFUE". La Cour de justice semble curieusement ignorer que ce droit est d'abord conféré aux citoyens européens par le paragraphe 2, a) de l'article 20 TFUE, qui ne précise pas, à la différence de l'article 21 TFUE, que ce droit s'exerce "sous réserve des limitations et conditions prévues par les Traités et par les dispositions prises pour leur application". Alors qu'il semblait résulter de l'arrêt "Zambrano" que le droit était énoncé par l'article 20 TFUE et que l'article 21 TFUE constituait plutôt une base juridique pour l'intervention en la matière du législateur de l'Union. L'arrêt du 5 mai 2011 sème le trouble. La Cour de justice devra assurément clarifier l'articulation des articles 20, paragraphes 2, a) et 21 TFUE.
La Cour estime qu'"aucun élément de la situation de Mme X, telle que décrite par la juridiction de renvoi, ne fait apparaître que la mesure nationale en cause au principal aurait pour effet de la priver de la jouissance effective de l'essentiel des droits attachés à son statut de citoyenne de l'Union ou d'entraver l'exercice de son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, conformément à l'article 21 TFUE. En effet, la non-prise en compte par les autorités du Royaume-Uni de la nationalité irlandaise de Mme X aux fins de lui reconnaître un droit de séjour au Royaume-Uni n'affecte aucunement cette dernière dans son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, ni d'ailleurs dans aucun autre droit qui lui est conféré par son statut de citoyenne de l'Union".
L'on peut n'être pas totalement convaincu par cette affirmation. Car si Mme X veut vivre avec son mari, elle n'a d'autre choix que de le suivre en République jamaïcaine ou bien d'aller s'installer dans un autre Etat membre de l'Union et, ainsi, entrer dans le champ d'application de la Directive (CE) 2004/38. Même cette dernière possibilité paraît incertaine, car elle est allocataire de prestations sociales, et pour pouvoir séjourner dans un autre Etat membre, il faut remplir certaines conditions énumérées à l'article 7 de la Directive que l'intéressée ne paraît pas satisfaire (11). On ne voit alors pas très bien ce qui différencie la situation des enfants "Zambrano" de la situation de Mme X. Pour vivre avec son mari, elle n'a que la liberté de quitter le territoire britannique dont elle a la nationalité. Finalement, cette affaire révèle que la cohérence de la Cour de justice entre les différentes formations de jugement n'est pas toujours assurée : l'arrêt "Zambrano" a été rendu par la Grande chambre, alors que l'arrêt du 5 mai 2011 a été rendu par la troisième chambre.
Pour finir, on rappellera que, dans le contexte français, l'article L. 313-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L6388IGP) permet de délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" "à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français".
Olivier Dubos, Professeur de droit public, Chaire Jean Monnet, CRDEI, Université Montesquieu-Bordeaux IV
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par Robert Obert, Professeur agrégé honoraire, Diplômé d'expertise comptable, Docteur en sciences de gestion
Le 09 Juin 2011
Dans sa version initiale, l'article L. 123-16 du Code de commerce (N° Lexbase : L6028ICA) permettait aux commerçants, personnes physiques ou morales, dans des conditions fixées par décret, d'adopter une présentation simplifiée de leurs comptes annuels. L'ordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009, créant l'Autorité des normes comptables (N° Lexbase : L5927ICI), avait modifié cet article en remplaçant l'expression "dans des conditions fixées par décret" par "dans des conditions fixées par un règlement de l'Autorité des normes comptables". Le nouveau texte (1) fait la synthèse des deux anciens textes : les conditions restent fixées par un règlement de l'ANC, mais les chiffres fixés pour les critères (total du bilan, montant net du chiffre d'affaires, nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l'exercice) resteront fixés par décret.
L'article L. 123-25 du Code de commerce (N° Lexbase : L5583AIM) ne permettait qu'aux personnes physiques placées sous le régime réel simplifié d'imposition de ne pas établir d'annexe. Un nouvel article L. 123-16-1 permet aux personnes morales placées sous le régime réel simplifié de présenter une annexe établie selon un modèle abrégé fixé par un règlement de l'ANC (2).
L'article L. 232-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L6286AIN) disposait que, lorsque des modifications interviennent dans la présentation des comptes annuels comme dans les méthodes d'évaluation retenues, elles étaient signalées dans le rapport de gestion et, le cas échéant, dans le rapport des commissaires aux comptes. Cet article est abrogé. L'article L. 123-17 du Code de commerce (N° Lexbase : L5575AIC) est, quant à lui, modifié. Il prévoit que, dorénavant, lorsque des modifications interviennent, elles sont décrites et justifiées dans l'annexe (ce qui était déjà le cas) et signalées, le cas échéant, dans le rapport des commissaires aux comptes (3).
L'article L. 123-25 du Code de commerce (N° Lexbase : L5583AIM) permettait aux personnes physiques placées sous le régime réel simplifié d'imposition de n'enregistrer les créances et les dettes qu'à la clôture de l'exercice. Un nouvel alinéa de cet article étend cette disposition aux personnes morales à l'exception de celles contrôlées par une société qui établit des comptes consolidés (4).
Le Code général des impôts, quant à lui, complète ces dispositions. Ainsi, un § 1 bis de l'article 302 septies A ter A du CGI (N° Lexbase : L1176IEB), relatif au régime réel simplifié, étend la possibilité de tenir une comptabilité de trésorerie aux personnes morales, à l'exception de celles contrôlées par une société qui établit des comptes consolidés (5). Quant à l'article 99 du CGI (N° Lexbase : L2034HLW), relatif à la comptabilité des entreprises non commerciales, il est complété par un alinéa qui permet aux exploitants individuels, dont le montant annuel de recettes n'excède pas 231 000 euros, de tenir une comptabilité de trésorerie "en retenant la date de l'opération figurant sur le relevé qui leur est adressé par un établissement de crédit, sous réserve d'enregistrer toutes leurs recettes et dépenses de l'année au plus tard le dernier jour de celle-ci" (6).
Depuis la loi n° 83-353 du 30 avril 1983, dite "loi comptable" (loi relative à la mise en harmonie des obligations comptables des commerçants et de certaines sociétés avec la 4ème Directive adoptée par le Conseil des communautés européennes le 25 juillet 1978 N° Lexbase : L1849INS), l'obligation de tenir un livre d'inventaire ne figure plus dans la partie législative du Code de commerce. Cette obligation avait, alors, été définie par décret (aux articles R. 123-173 N° Lexbase : L9926HYB et R. 123-177 N° Lexbase : L9930HYG du Code de commerce). Sur le livre d'inventaire sont regroupées les données justifiant chacun des postes du bilan. Les comptes annuels y sont transcrits sauf si ces comptes sont publiés en annexe au registre du commerce et des sociétés.
Sur un plan législatif, l'article L. 225-115 du Code de commerce (N° Lexbase : L8260GQY) faisait obligation de donner communication aux actionnaires de l'inventaire et l'article 1743 du CGI (N° Lexbase : L1735HNL) punissait les personnes "ayant sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures ou a passé ou fait passer des écritures inexactes ou fictives" au livre d'inventaire. Ces deux obligations sont abrogées par la loi nouvelle (7). Il restera à abroger la disposition correspondante des articles R. 123-173 et R.123-177 du Code de commerce pour voir disparaître toute référence au livre d'inventaire.
L'alinéa 2 de article L. 225-39 du Code de commerce (N° Lexbase : L5910AIQ) prévoyait que, lorsque des conventions avec des dirigeants, des administrateurs, des actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou d'une société la contrôlant, portaient sur des conventions courantes conclues à des conditions normales, il était nécessaire, si elles étaient significatives, que l'intéressé communique ces conventions au président du conseil d'administration. La liste et l'objet desdites conventions étaient ensuite communiqués par le président aux membres du conseil d'administration et aux commissaires aux comptes. L'alinéa 2 de l'article L. 225-87 (N° Lexbase : L5958AII) et l'article L. 227-11 (N° Lexbase : L6166AI9) prévoyaient les mêmes obligations dans le cadre des sociétés à directoire et conseil de surveillance, d'une part et les sociétés par actions simplifiées, d'autre part. Ces obligations de communication ont été supprimées par la loi (8).
L'article L. 225-129-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L4055HBS) prévoyait que, lors de toute décision d'augmentation du capital par apport en numéraire, sauf si elle résultait d'une émission au préalable de valeurs mobilières donnant accès au capital, l'assemblée générale extraordinaire devait se prononcer sur un projet de résolution tendant à la réalisation d'une augmentation de capital dans les conditions prévues aux articles L. 3332-18 (N° Lexbase : L1278H99) et suivants du Code du travail traitant des augmentations de capital réservées aux adhérents d'un plan d'épargne d'entreprise.
La nouvelle loi précise que cette disposition n'est applicable que lorsque la société a des salariés. Elle précise également que les dispositions de l'article L. 225-129-6 (relatives à la participation des salariés en cas d'augmentation de capital, convocation tous les trois ans d'une assemblée générale extraordinaire pour se prononcer sur une augmentation de capital réservée aux salariés lorsque les actions détenues par ceux-ci représentent moins de 3 % du capital) ne sont pas applicables aux sociétés contrôlées lorsque la société qui les contrôle a mis en place un dispositif d'augmentation de capital dont peuvent bénéficier les salariés des sociétés contrôlées (9).
La loi a modifié les dispositions de l'article L. 225-135 du Code de commerce (N° Lexbase : L8391GQT) traitant de l'augmentation de capital avec abandon du droit préférentiel de souscription. Aux termes des dispositions alors en vigueur, un premier rapport du commissaire aux comptes était présenté lors de la décision d'augmentation de capital. Lors des émissions auxquelles il était procédé par le conseil d'administration ou le directoire, en application d'une autorisation donnée par l'assemblée générale, le commissaire aux comptes établissait un second rapport au conseil d'administration ou au directoire.
Dans le cadre du nouvel article L. 225-235 (N° Lexbase : L1916IEP), lorsqu'il y a délégation, deux rapports sont toujours nécessaires : le premier au stade de l'augmentation de capital ou de l'autorisation donnée au conseil d'administration ou au directoire ; le second rapportant les conditions définitives, présenté à l'assemblée générale ordinaire suivante, conjointement avec un rapport du conseil d'administration ou du directoire (10).
Enfin, la loi doit permettre de rendre plus rapide et plus simple la procédure d'alerte mise en oeuvre par les commissaires aux comptes afin d'éviter de maintenir l'entreprise dans une période d'incertitude trop longue. Dans les sociétés commerciales et les personnes morales de droit privé (C. com., art. L. 234-1 N° Lexbase : L3759HBT, L. 234-2 N° Lexbase : L3760HBU et L. 612-3 N° Lexbase : L3226ICH), lorsque le commissaire aux comptes relève, à l'occasion de l'exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, il en informe les dirigeants. La procédure d'alerte comprenant plusieurs phases, il peut décider, lorsqu'il obtient des réponses satisfaisantes de stopper la procédure. Si les solutions proposées s'avéraient inefficaces, il était obligé de relancer une nouvelle procédure.
La nouvelle loi permet, sous certaines conditions, de la reprendre là où elle s'était arrêtée. Ainsi, "dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure d'alerte, le commissaire aux comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l'exploitation demeure compromise et que l'urgence commande l'adoption de mesures immédiates" (11).
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 09 Juin 2011
Bruno Bochnakian : La Directive (CE) 2008/115 du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, dite Directive "retour", a pour objectif de fixer "des règles claires, transparentes et équitables afin de définir une politique de retour efficace" des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier séjournant dans les pays de l'Union. Il s'agit, en l'espèce, d'établir "un ensemble commun minimal de garanties juridiques permettant d'encadrer notamment les procédures d'éloignement". Cette Directive, qui laisse une grande place à l'initiative des Etats membres pour légiférer dans ce domaine, concentre ses dispositions sur les grands principes de la politique d'immigration européenne appliqués aux procédures de retour des étrangers dans leurs pays d'origine, notamment le respect des droits fondamentaux.
Lexbase : Quel a été le cheminement de la CJUE pour conclure à l'interdiction de l'incarcération des étrangers en situation irrégulière ?
Bruno Bochnakian : L'arrêt du 28 avril 2011 de la CJUE s'est prononcé de manière inédite sur la compatibilité d'une politique migratoire pénale d'un Etat membre aux objectifs de l'Union. A l'origine, cette saisine, formulée par une juridiction italienne, visait une procédure engagée contre un ressortissant d'un Etat tiers condamné à une peine d'un an d'emprisonnement pour le délit de séjour irrégulier sur le territoire italien, celui-ci n'ayant, en outre, pas respecté une décision d'éloignement prise à son encontre.
La Cour s'est attachée à tirer les conséquences de l'absence de transposition de la Directive "retour" en droit italien, permettant l'invocabilité directe de ses dispositions "inconditionnelles et suffisamment précises", comme le prévoit la jurisprudence "Perreux" (CE Ass., 30 octobre 2009, n° 298348, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6040EMN), notamment les articles 15 et 16 de la Directive. La Cour a, ainsi, rappelé qu'il incombait aux Etats membres d'"aménager leur législation dans ce domaine de manière à assurer le respect du droit de l'Union". Ceci étant précisé, la Cour a conclu qu'une peine d'emprisonnement, pour un tel délit, risquait, "en raison, notamment, de ses conditions et modalités d'application [...] de compromettre la réalisation de l'objectif poursuivi par ladite Directive, à savoir l'instauration d'une politique efficace d'éloignement et de rapatriement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier". La Cour renvoie, par conséquent, et d'une manière assez ferme, l'Etat italien à revoir sa politique en matière de répression du séjour irrégulier des étrangers.
Lexbase : Quels changements concrets cette décision va-t-elle impliquer ?
Bruno Bochnakian : Cet arrêt est d'une portée considérable pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il confirme autant que de besoin l'invocabilité en droit interne des Directives non (ou indirectement) transposées dans le droit interne des Etats membres. Ensuite, alors que les textes répressifs se sont multipliés ces dernières années, notamment en France, pour lutter contre l'immigration clandestine, la Cour rappelle que la politique de l'union en matière d'immigration vise non pas à sanctionner l'étranger, dans le sens pénal du terme, mais bien à adopter à son encontre des mesures proportionnelles et graduées, visant prioritairement sa reconduite à la frontière.
Cet arrêt a, d'ailleurs, été immédiatement suivi d'effets en France, les juges des libertés et les tribunaux correctionnels ayant rapidement appliqué la portée de cet arrêt, notamment en ce qui concerne la légalité du placement en garde à vue. En effet, dans la mesure où la peine d'emprisonnement de l'étranger en séjour irrégulier ne trouve plus à s'appliquer, le délit de séjour irrégulier (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 621-1 N° Lexbase : L5884G4P), accompagné, ou non, d'une soustraction à une mesure de reconduite (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 624-1 N° Lexbase : L1327HPT), n'est plus sanctionné par une simple peine d'amende. Or, l'article 67 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2165IEW) ne prévoit le placement en garde à vue, en matière de flagrance, qu'en cas de délit "où la loi prévoit une peine d'emprisonnement". Le placement en garde à vue étant généralement le premier acte permettant de mettre l'étranger sous main de justice avant qu'il ne fasse l'objet d'une mesure administrative de reconduite à la frontière, c'est toute la chaîne d'éloignement qui s'en trouve soudainement fragilisée.
Lexbase : Y a-t-il des risques que les autorités cherchent à contourner l'arrêt de la Cour ?
Bruno Bochnakian : Mesurant l'ampleur du séisme, la Chancellerie a rapidement rédigé une circulaire adressée le 12 mai 2011 (N° Lexbase : L3657IQI) par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, aux premiers présidents de cours d'appel. A sa lecture, l'on constate qu'il est question de restreindre strictement la portée de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en se limitant à une interprétation restrictive de cette décision, la Chancellerie considérant que "les dispositions de la Directive communautaire ne [seraient] donc pas susceptibles d'affecter les mesures de garde à vue et les poursuites engagées sur le fondement de l'article L. 621-1 [du Code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile], ni les procédures de rétention administrative qui peuvent faire suite à ces procédures".
Nous pensons, toutefois, que tel n'est pas l'esprit de la Directive (CE) 2008/115, qui transcrit une volonté politique de l'Union, à vocation générale en matière de retour des ressortissants des Etats tiers séjournant irrégulièrement en Europe, et qui se contredirait elle-même si elle devait réserver un traitement plus défavorable à l'étranger n'ayant pas encore fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Tel est, d'ailleurs, le sens d'une ordonnance récente du 13 mai 2011 de la cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 13 mai 2011, n° 11/265 N° Lexbase : A4387HSB) appliquant en droit interne les articles 15 et 16 de la Directive à un étranger n'ayant fait l'objet préalablement d'aucune mesure d'éloignement.
En revanche, la circulaire précitée rappelle que la procédure de garde à vue à l'encontre de l'étranger en séjour irrégulier peut, néanmoins, prospérer, dès lors que le comportement du mis en cause renvoie à des infractions connexes telles que des comportements violents envers les personnes dépositaires de l'autorité publique, la production de faux documents, c'est-à-dire autant de délits détachables de l'infraction de séjour irrégulier. L'on, peut, néanmoins, s'interroger sur le soin tout particulier de la Chancellerie de cataloguer ces infractions connexes, dont la matérialité pourra être largement discutable, comme par exemple "le défaut manifeste de coopération" qui pourra être invoqué, le cas échéant, pour légaliser certaines procédures de garde à vue.
Lexbase : La procédure d'éloignement prévue par la législation française est elle conforme à celle établie par la Directive "retour" ? Qu'en est-il du projet de loi relatif à l'immigration adopté le 11 mai 2011 ?
Bruno Bochnakian : Si le projet de loi "Besson" a justement pour objet de transposer en droit interne les dernières Directives de l'Union en matière d'immigration, dont la Directive "retour", l'on peut craindre, in fine, que cette loi ne vienne contrarier l'esprit de l'arrêt de la Cour récemment rendu. En effet, le principe même du placement en garde à vue de l'étranger en situation irrégulière ayant été remis en cause, l'on constate que les autorités ont déjà communiqué sur le moyen de contourner ces nouvelles résolutions en invitant les officiers de police judiciaire à rechercher et à caractériser des délits connexes dont les contours sont extrêmement flous. Or, le projet de loi en discussion, tel qu'il est présenté, compromet largement le droit de l'étranger de soumettre la légalité de la procédure pénale dont il est l'objet devant le juge judiciaire (juge des libertés et de la détention), le législateur ayant souhaité décaler la comparution de l'étranger devant ce magistrat du deuxième au cinquième jour suivant le placement en rétention.
Cette mesure, décriée par les avocats et les magistrats comme étant une atteinte à l'article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L0895AHM) selon lequel "nul ne peut être arbitrairement détenu [...]" vise, en effet, en réalité à priver les étrangers de leur comparution devant ce magistrat, gardien des libertés, et à donner un délai de cinq jours suffisamment confortable à l'administration pour mettre à exécution les décisions de reconduite, en dépit de procédures pourtant irrégulières. Cela est tout à fait regrettable, d'autant que le nouveau texte envisage aussi de restreindre le contrôle du juge judiciaire "aux seuls vices de procédure ayant pour effet de porter atteinte aux droits de l'étrangers".
En définitive, plutôt que d'encourager le perfectionnement des divers intervenants à la procédure de reconduite à la frontière, ce qui aurait pour effet de limiter la libération des étrangers dont les procédures sont viciées, la résolution est prise de retarder l'intervention du juge, ce qui, pour le juriste, est tout à fait inacceptable. Nul doute que ce procédé sera prochainement soumis à nos institutions européennes qui ne manqueront pas de rappeler les termes assez fermes de la Directive du 16 décembre 2008 enjoignant, au point 11 de son préambule, aux Etats membres d'assortir toute mesure de reconduite d'une "protection efficace des intérêts des personnes concernées".
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par Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne
Le 08 Juin 2011
A un peu plus de vingt années d'intervalle, la société requérante avait été partie à un litige (1) (N° Lexbase : A0821AQH) concernant l'imposition des aires de stationnement. Entre cette ancienne décision et l'espèce commentée, nous pourrons constater l'évolution de la position de la Haute juridiction administrative. On ne peut préjuger d'autres affaires portant sur le même point de droit qui pourraient être soumises au juge administratif, cependant il semble que celle-ci vienne parachever l'oeuvre prétorienne, pour laquelle la définition économique des bases d'imposition de la TP prévaut sur les notions juridiques de propriété ou d'usage exclusif.
La société requérante a été assujettie à la TP pour les années 1995 à 1999, à raison de l'exploitation d'un immeuble à usage commercial sis dans le centre commercial de Belle-Epine à Thiais (94). A la suite d'une réclamation de la société, en vue d'obtenir la correction de la superficie ainsi que la réduction du tarif unitaire par mètre carré, l'administration a accepté de réduire tant la surface imposable que le tarif unitaire. Cependant, par application de son droit de compensation, elle a inclus dans la valeur locative imposable une quote-part des parties communes du centre commercial qui comprend les allées de la galerie marchande, les annexes, les locaux techniques ainsi que les aires de stationnement.
L'administration a rejeté la réclamation préalable de la société relative à ces modifications de la base imposable de la TP. Par un jugement du 6 juillet 2005, le tribunal administratif de Melun avait partiellement rejeté la demande de la société. Cette dernière a formé appel. La cour administrative d'appel de Paris dans un arrêt du 3 décembre 2007 (N° Lexbase : A9196D3Y) a, d'une part, rejeté la demande d'annulation du jugement des premiers juges et, d'autre part, sur appel incident du ministre, a décidé que la détermination de la base imposable quant aux aires de stationnement serait déterminée en prenant en compte un abattement de 20 % sur la valeur locative.
La question principale soulevée par cette affaire porte sur l'interprétation des articles 1467 (N° Lexbase : L0812IPR) et 1469 (N° Lexbase : L4903ICL) du CGI, à savoir si la quote-part des parties communes devait ou non être comprise dans la base imposable à la TP. Outre les locaux dont la requérante est locataire au titre d'un bail consenti par la propriétaire, la société possède un droit de jouissance des parties communes rattachées au local loué. Est-ce que ce droit de jouissance permet d'inclure dans l'assiette de la TP les locaux sur lesquels il s'exerce ?
Selon l'article 1467 du CGI, sont comprises dans la base imposable pour leur valeur locative, "les immobilisations dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle". Dans un premier temps, le Conseil d'Etat a considéré que cette condition impliquait l'existence d'un droit d'usage privatif (2) (N° Lexbase : A6842ALY). De même, il a jugé que la société, exploitant un local situé dans un centre commercial (Rosny II), n'avait pas la disposition des parkings compris dans les parties communes dont elle était locataire, car l'accès à ces parkings n'était pas spécifiquement subordonné à la fréquentation de son magasin (3). Dès lors, ils ne pouvaient être inclus dans la base imposable de la TP.
Cependant, la Haute juridiction administrative a progressivement promu un certain "réalisme économique" (4) en faisant primer la notion de "disposition pour les besoins de l'activité professionnelle" sur celle "d'immobilisation" (5). S'agissant des locaux loués, la jurisprudence a aussi opté pour une perspective économique. Ainsi, dans une décision du 16 février 2001 (6) (N° Lexbase : A1525ATN), le Conseil d'Etat a jugé qu'il n'était pas nécessaire que la société en cause dispose des parkings et voies d'accès à titre privatif ou exclusif pour être imposable sur cette base à la TP.
Dans la décision commentée, la définition économique des bases imposables de la TP est étendue sur deux points. D'une part, eu égard aux éléments factuels de l'affaire, il ne s'agit plus seulement de prendre en considération les aires de stationnement, mais plus largement l'ensemble des parties communes. D'autre part, l'interprétation des articles 1467 et 1469 du CGI aboutit à ce que soit pris en compte, dans l'assiette de la TP, les locaux dont le redevable a la "jouissance effective". De la définition dans laquelle l'absence de caractère privatif ou exclusif entraîne l'imposition desdits biens à la TP, le Conseil d'Etat parachève sa lecture économique en dégageant un nouveau critère, celui de la "jouissance effective". Ce critère est en relation directe avec les "besoins de l'activité professionnelle" ; aux termes de cette décision, même si les parties communes rattachées aux locaux loués sont affectées "pour partie à la circulation et utilisées également par des tiers ne fréquentant pas le centre commercial, une telle utilisation ne pouvant avoir pour finalité que de permettre l'amélioration de la fréquentation de la zone de chalandise" de la société.
Ainsi, la perspective économique prévaut de manière très large, et la conception des besoins de l'activité professionnelle aboutit à la prise en considération de tous les éléments utiles au développement de l'entreprise, en l'espèce ceux permettant l'augmentation des personnes fréquentant sa zone de chalandise.
II - TFPB relative à des locaux à usage de bureaux : est valable la procédure de redressement dont le terme de comparaison pour l'évaluation de la valeur locative a fait l'objet de deux modifications successives par l'administration (CE 8° et 3° s-s-r., 27 avril 2011, n° 325650 et n° 325651, mentionnés aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4330HP3)
Dans cette affaire, la société requérante demande à être déchargée des cotisations supplémentaires de TFPB, au titre de l'année 2001, relative à des locaux à usage de bureaux, ainsi que des emplacements de stationnement situés à Asnières-sur-Seine. A l'appui de cette demande, la société a développé différents arguments.
Le premier d'entre eux reposait sur le fait que l'administration avait modifié deux fois, successivement, le terme de comparaison pour l'évaluation de la valeur locative. En effet, à la suite de la demande de la commune, l'administration a procédé à la révision de la valeur locative des locaux appartenant à la société requérante. Dans un premier temps, l'administration a constaté que le local de référence initialement retenu en vue de déterminer la valeur locative de ces locaux avait fait l'objet d'une modification substantielle, car ils étaient destinés à l'habitation. En conséquence, il ne pouvait plus être considéré comme un terme de comparaison approprié. Dans un deuxième temps, l'administration a retenu un nouveau terme de comparaison. Mais elle a constaté, en cours d'instance, que le deuxième local type retenu avait fait l'objet d'une restructuration complète en 2001 ; dès lors, et comme le premier terme, il ne pouvait être pris en compte comme un terme de comparaison pertinent. Enfin, l'administration a proposé un local type correspondant à un immeuble à usage de bureaux commerciaux. La société demanderesse en a déduit que l'imposition, objet du litige, n'avait pas été établie conformément aux dispositions de l'article 1498 du CGI (N° Lexbase : L0267HMT).
Ensuite, le deuxième argument de la société était fondé sur la démonstration selon laquelle elle n'avait pas été en mesure de présenter ses observations et qu'ainsi avait été méconnu le principe général des droits de la défense. Selon la société, l'administration, par application de l'article 1508 du CGI (N° Lexbase : L0289HMN), en cas de redressement des bases de la TFPB, tel que prévu aux articles 1406 (N° Lexbase : L0464IPU) et 1502 (N° Lexbase : L0278HMA) du CGI, était tenue de mettre le contribuable à même de présenter ses observations, ce qui n'aurait pas été mis en oeuvre.
Le troisième argument développé par la société était relatif à la prescription et fondé sur l'article L. 173 du LPF (N° Lexbase : L0654IHP). Enfin, la société demanderesse soutenait que l'administration avait mal appliqué la documentation administrative 6 C 2332, et donc que la surface pondérée des emplacements de stationnement n'avait pas été régulièrement déterminée.
Par un jugement en date du 30 décembre 2008 (N° Lexbase : A8749HPQ), le tribunal administratif de Paris n'a accueilli aucun des moyens présentés par la société, et a conclu au rejet de sa demande de décharge. Tous les moyens présentés par la contribuable ne présentent pas le même intérêt ; le présent commentaire approfondira plus particulièrement, d'une part, l'application du principe général des droits de la défense dans le cadre des impôts locaux (A). D'autre part, il est nécessaire de s'interroger sur la question de savoir si l'administration peut modifier plusieurs fois de suite le terme de comparaison pour l'évaluation de la valeur locative, sans que cela n'affecte pour autant le caractère valable de la procédure de rectification (B).
A - L'application du principe général des droits de la défense, une création jurisprudentielle (7)
Aux termes de l'article L. 56 du LPF (N° Lexbase : L0639IH7), la procédure contradictoire n'est pas applicable aux impôts directs locaux (8). Néanmoins, depuis une décision du 7 décembre 2001 (9) (N° Lexbase : A7331AXS), rendu à propos des quotas laitiers, et une autre du 5 juin 2002 (10) (N° Lexbase : A8663AYI), dans le cas de la remise en cause d'éléments contenus dans une déclaration déposée en matière de TP, "l'administration ne peut établir, à la charge [du contribuable], des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations".
La solution dégagée par ces décisions a été étendue aux taxes foncières par une décision du 29 juin 2005 (11) (N° Lexbase : A0248DKE). La décision, objet du présent commentaire, reprend à l'identique les termes du considérant de cette dernière décision. La TFPB, contrairement à la TP, ne présente pas le caractère d'un impôt déclaratif. Cependant l'article 1508 du CGI (N° Lexbase : L0289HMN) prévoit que les inexactitudes de la déclaration peuvent être réparées à tout moment par l'administration par voie de rôles particuliers. Ainsi, même "si la TFPB n'est pas un impôt déclaratif par nature, la loi impose dans certains cas aux redevables des obligations déclaratives, et autorise l'administration à opérer des redressements lorsque ces obligations n'ont pas été satisfaites, ou lorsqu'elle juge les déclarations inexactes" (12).
A contrario, l'administration n'est pas tenue au respect du principe général des droits de la défense, qui lui impose de mettre le contribuable à même de présenter ses observations, dans l'hypothèse où le montant de l'imposition a été modifié sans pour autant que les éléments déclarés soient remis en cause. Cette solution avait déjà été affirmée dans une décision du 10 février 2006 (13) (N° Lexbase : A8320DM4) en matière d'évaluation d'immobilisations présentant un caractère industriel au sens de l'article 1499 du CGI (N° Lexbase : L0268HMU). De même, dans l'espèce commentée, l'administration a seulement procédé à une nouvelle évaluation de la valeur locative, sans remettre en cause les éléments déclarés par le contribuable. En conséquence, ce dernier ne peut bénéficier de l'application du principe général des droits de la défense.
B - La validité de la modification successive du terme de comparaison
Le second point abordé dans ce commentaire porte sur la question de savoir si l'administration peut, en cours d'instance, modifier le terme de comparaison pour l'évaluation de la valeur locative ; en l'espèce il y a eu deux modifications successives. La détermination de la valeur locative des locaux commerciaux fait l'objet d'un contentieux important, dû à l'absence d'une nouvelle révision générale des valeurs foncières, qui a souvent été abordé au cours de ces chroniques. L'affaire en question n'est pas directement en relation avec la détermination de cette valeur locative, cependant la difficulté pour trouver un terme de comparaison approprié aboutit aux faits de l'espèce commentée.
Pour rappel, le mécanisme de l'article 1498 du CGI (N° Lexbase : L0267HMT) prévoit que la valeur locative doit être évaluée, en principe, par référence au loyer, de manière subsidiaire par comparaison et enfin, à défaut, par voie d'appréciation directe (14). Depuis un arrêt rendu en section le 6 mars 1992 (15) , qui n'a jamais été remis en cause, dans le cas où l'administration applique les modalités de l'article 1498 du CGI de manière incorrecte, ou dans l'hypothèse où elle retient un terme de comparaison inapproprié, le Conseil d'Etat admet que l'administration fasse une nouvelle proposition devant le juge. Tout bien doit être affecté d'une valeur locative, dès lors où il existe une erreur dans le choix des termes de comparaison, elle n'aura pas pour effet d'entraîner une décharge d'imposition, mais il y aura nécessité de rechercher de nouveaux termes de comparaison.
III - Un permis de construire n'ayant ni pour objet ni pour effet d'augmenter la surface hors oeuvre de locaux ne peut conduire à l'assujettissement de son bénéficiaire aux taxes d'urbanisme (CE 9° et 10° s-s-r., 3 mai 2011, n° 312762, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4321HPQ)
La taxe locale d'équipement (TLE) a été créée au profit des communes en 1967 (16), afin que les constructeurs participent au financement des équipements publics rendus nécessaires par la construction de leurs immeubles. A cette imposition s'ajoutent des taxes départementales annexes dues sur les opérations de construction, qui sont instituées par délibération du conseil général. Ces taxes sont assises et recouvrées selon les mêmes modalités que la TLE. Dans l'affaire commentée, ces taxes annexes sont au nombre de deux. D'une part, la taxe départementale des espaces naturels sensibles, qui est destinée à permettre la mise en oeuvre d'une politique de protection de ces espaces (17) ; d'autre part, la taxe pour le financement des dépenses de conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) (18). En pratique, ces différentes taxes sont recouvrées ensemble.
Les faits de l'espèce sont simples. Le maire d'Hyères-les-Palmiers (84), par un arrêté du 14 août 2001, a délivré un permis de construire à une société. Ce permis a été délivré en vue de la création de 60 garages, par transformation de locaux abandonnés. Par un arrêté du 27 janvier 2003, ce permis a été prorogé. Le 14 avril 2004, le maire a délivré un permis de construire modificatif : les places de stationnement étaient réduites à 38 et un centre de kinésithérapie, ainsi que des locaux à usage de bureaux devaient être aménagés. Le 3 mai 2004, ce permis de construire a été transféré à la société.
Par la suite, le directeur de la direction départementale des entreprises (DDE) du Var a assujetti cette société à la TLE, ainsi qu'aux taxes annexes susmentionnées. Dans un jugement en date du 12 juin 2008, le tribunal administratif de Nice (N° Lexbase : A3034HQG) a considéré que l'aménagement de ces locaux avait eu pour effet d'augmenter la surface hors oeuvre nette (SHON), et qu'en conséquence la société avait été assujettie à bon droit aux différentes taxes d'urbanisme.
En effet, aux termes de l'article 1585 A du CGI (N° Lexbase : L5513HWA), la TLE est instituée en cas de "construction, reconstruction et l'agrandissement des bâtiments de toute nature". Dans cette affaire, la question était de savoir si la modification de l'aménagement des locaux pouvait être qualifiée d'agrandissement entraînant l'imposition aux taxes d'urbanisme. Pour le Conseil d'Etat, la réponse est négative et son arrêt est venu infirmer la position des juges du fond. Ainsi, la Haute juridiction administrative définit l'agrandissement comme "une opération conduisant à une augmentation de surface hors oeuvre nette".
Cette solution, inédite à notre connaissance, est conforme à la position de l'administration. Selon la documentation de base (19), le fait générateur de la TLE est constitué, notamment, "par la délivrance d'une autorisation de construire ou de la modification apportée à une telle autorisation, lorsqu'elle se traduit par un accroissement des surfaces à bâtir". A contrario, la doctrine précise que, lorsque l'aménagement de bâtiments existants s'accompagne d'un changement d'affectation, sans création de superficie supplémentaire, la TLE n'est pas exigible (20).
Qu'il s'agisse de l'interprétation -identique- par la doctrine administrative ou par le Conseil d'Etat, il apparaît que cette solution est conforme à l'esprit de la TLE. En effet, cette dernière a été créée afin que les constructeurs participent à la création des équipements rendus nécessaires par leurs nouvelles constructions. Or, l'aménagement d'une construction déjà existante ne nécessite pas spécialement de nouveaux équipements. De même, cette solution se situe dans la même perspective jurisprudentielle que d'autres décisions précédentes rendues en matière de TLE. Notamment, en matière de critères de classement des constructions dans les catégories définies pour la TLE par l'article 1585 D du CGI (N° Lexbase : L3228IGN), le Conseil d'Etat a jugé que la "modulation de la valeur d'assiette des différentes catégories de construction répondait au souci du législateur de faire en sorte que la charge de l'impôt soit en rapport avec le coût des équipements que la commune bénéficiaire de la taxe doit supporter pour faire face aux dépenses induites par chacune des catégories de construction" (21). De même, l'absence de création de superficie peut être analysée comme une absence de coût supplémentaire pour la commune.
(1) CE 9° et 8° s-s-r., 8 novembre 1989, n° 67939, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0821AQH), concl. P. Martin, Droit fiscal, 1990, n° 29, comm. 1467.
(2) CE 9° et 8° s-s-r., 1er février 1984, n° 37188 et n° 37189, inédits au recueil Lebon (N° Lexbase : A6841ALX), Droit fiscal, 1984, n° 21-22, comm. 1041.
(3) CE 9° et 8° s-s-r., 8 novembre 1989, n° 67939, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0821AQH), concl. P. Martin, op. cit.
(4) J. Maïa, A la recherche d'une taxe professionnelle juste et moderne, la part du législateur et la part du juge, RJF, 11/01, pp. 908-915, et 908.
(5) CE 9° et 10° s-s-r., 18 février 2002, n° 215378 (N° Lexbase : A1698AYK), publié au recueil Lebon et CE 9° et 10° s-s-r., 18 février 2002, n° 219092, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1684AYZ), concl. G. Goulard, DF, 2002, n° 37, comm. 686.
(6) CE 8° et 3° s-s-r., 16 février 2001, n° 182215, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1525ATN), Droit fiscal, 2002, n° 15, comm. 324.
(7) J. Lamarque, O. Négrin, L. Ayrault, Droit fiscal général, Litec, 2009, p. 957.
(8) A l'exception de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises.
(9) CE Section, 7 décembre 2001, n° 206145, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7331AXS), Droit fiscal, 2002, n° 15, comm. 332.
(10) CE 9° et 10° s-s-r., 6 juin 2002, n° 219840, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8663AYI), Droit fiscal, 2002, n° 41, comm. 810, concl. J. Courtial.
(11) CE 3° et 8° s-s-r., 29 juin 2005, n° 271893, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0248DKE), Droit fiscal, 2005, n° 44-45, comm. 714, concl. L. Olléon.
(12) CE, 29 juin 2005, n° 271893, op. cit.
(13) CE 3° et 8° s-s-r., 10 février 2006, n° 270766, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8320DM4), Droit fiscal, 2007, n° 14, comm. 382, concl. P. Collin.
(14) Y. Bénard, Valeur locative des locaux commerciaux, les limites du système, RJF, 2/06, pp. 99-106 et p. 99.
(15) CE Section, 6 mars 1992, n° 75009, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0964AIK) et CE 4° s-s., 28 septembre 1990, n° 107730, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7888AQ9), Droit fiscal, 1992, n°16, comm. 836.
(16) Loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967, d'orientation foncière (N° Lexbase : L2175ATQ).
(17) Sur cette taxe, cf. J. Schmidt, E. Kornprobst, Fiscalité immobilière, Litec, 2010, 11ème édition, p. 212, § 481.
(18) Sur cette taxe, cf. J. Schmidt, E. Kornprobst, Fiscalité immobilière, op. cit, p. 213, § 482.
(19) DB 8 J 3.
(20) DB 8 J 122.
(21) Note sous CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2009, n° 304124,mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1283EKQ), Droit fiscal, 2009, n° 47, comm. 552. Dans le même sens : CE 9° et 10° s-s-r., 8 mars 2002, n° 219971, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2531AYE), Droit fiscal, 2002, n° 26, comm. 552.
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Le 09 Juin 2011
L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) a publié, le mercredi 11 mai 2011, un projet de référentiel d'exigences à l'intention des prestataires de services qui réalisent des audits techniques de la sécurité des systèmes d'information des autorités administratives.
Le 25 mai 2011, le Premier ministre a présenté en Conseil des ministres une communication sur la sécurité des systèmes d'information. Pour faire face à la multiplication en France d'attaques informatiques, le Gouvernement a décidé d'accélérer la mise en place du dispositif national de sécurité et de défense des systèmes d'informations et de renforcer les effectifs et les moyens de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).
II - Droits d'auteurs
Le Conseil constitutionnel a, dans une décision du 12 mai 2011, censuré une disposition concernant le fonctionnement de la HADOPI. Cette disposition introduite par un amendement voté en 2ème lecture par l'Assemblée nationale de la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit N° Lexbase : L2893IQ9) autorisait la HADOPI à "apporter son soutien à des projets innovants de recherche et d'expérimentation conduits par des personnes publiques ou privées". Le Conseil constitutionnel, estimant que l'adoption de cet amendement s'est faite selon une procédure contraire à la Constitution, a censuré cette disposition.
Mardi 17 mai 2011, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi sur le prix unique du livre numérique. La clause d'extraterritorialité a été conservée et figure à l'article 3 du texte. En vertu de cette loi, le prix de vente du livre numérique fixé par l'éditeur s'imposera "aux personnes proposant des offres de livres numériques aux acheteurs situés en France". La loi a été publiée au Journal officiel du 28 mai 2011.
III - Données personnelles
Par une délibération du 5 mai 2011, la Commission a élu les six membres de la formation contentieuse dont le président. Cette élection fait suite à l'entrée en vigueur, le 31 mars 2011, de la loi relative au Défenseur des droits (loi n° 2011-333, 29 mars 2011, relative au Défenseur des droits N° Lexbase : L8916IPW) qui dispose que, désormais, le président et les deux vice-présidents de la CNIL ne sont plus éligibles à la formation contentieuse de la Commission. La nouvelle formation siègera à compter du mois de juin 2011.
Alors que l'avis du 24 avril 2008 du G29 regroupant les CNIL européennes recommandait aux moteurs de recherche de conserver les informations sur leurs utilisateurs pendant six mois maximum et que des avancées avaient été constatées en ce sens, les moteurs de recherche ont tendance à présent à augmenter la durée de conservation des données. Regrettant ce recul de la protection de la vie privée des internautes, la CNIL invite à nouveau les moteurs de recherche à suivre les recommandations du G29 et elle préconise également que le consentement des internautes soit recueilli pour que leurs informations soient conservées au-delà de six mois.
La CNIL, réunie en séance plénière, a examiné, le 5 mai 2011, si les principes de protection des données personnelles seront bien respectés dans la préparation, l'organisation et le déroulement des "primaires" du Parti socialiste (PS) en octobre prochain. La Commission, constatant que la majorité de ses recommandations avait été suivie, a délivré au PS le récépissé de déclaration mais a néanmoins demandé des améliorations notamment en ce qui concerne l'information qui sera donnée au grand public sur leur droit d'opposition ou sur la nécessité de prévoir des mesures de sécurité supplémentaires des fichiers.
Une convention de partenariat a été signée le 19 mai 2011 entre la CNIL et l'Agence nationale des services à la personne (ANSP) afin d'organiser des actions de sensibilisation, d'information et de formation des acteurs du secteur des services à la personne sur le respect de la loi "informatique et libertés" (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS). Les actions menées seront évaluées deux fois par an par un comité de pilotage composé de représentants de la CNIL et de l'ANSP.
A la suite de plaintes d'associations, de parents d'élèves et d'enseignants, la CNIL a contrôlé les dispositifs de vidéosurveillance installés dans plusieurs établissements scolaires. Ces contrôles ont conduit à la mise en demeure de cinq établissements dans lesquelles les élèves et le personnel étaient placés sous une surveillance permanente. La CNIL a estimé que seules des circonstances exceptionnelles pouvaient justifier de tels dispositifs de surveillance.
La CNIL s'est félicitée de la déclaration finale adoptée lors du G8 et dans laquelle il est mentionné que "la protection effective des données à caractère personnel et de la vie privée sur l'Internet est essentielle pour assurer la confiance des utilisateurs". La Commission souhaite que cette déclaration puisse devenir une réalité juridique concrète et plaide pour l'élaboration d'un "instrument juridique international".
Par un communiqué de presse du 26 mai 2011, les principales autorités européennes de protection des données ont invité la Commission européenne à renforcer et à harmoniser à l'échelle européenne le rôle, les missions et le statut des correspondants informatique et libertés (CIL) lors de la révision de la Directive sur la protection des données.
IV - Droit de l'informatique
La vice-présidente en charge de la stratégie numérique auprès de la Commission européenne a décidé de lancer une consultation publique destinée à élaborer une stratégie pour l'Union européenne sur le cloud computing. Les développeurs et utilisateurs du cloud computing sont invités à participer à cette consultation jusqu'au 31 août 2011.
V - Communications électroniques
L'ARCEP a rendu publiques, le 16 mai 2011, les procédures d'attribution des fréquences des réseaux mobiles à très haut débit 4G. Les autorisations seront délivrées par l'Autorité à l'automne 2011 et au début de l'année 2012. Les conditions d'attributions viseront à garantir une couverture quasi intégrale du territoire, une concurrence effective et pérenne sur le marché du mobile ainsi qu'une valorisation du patrimoine immatériel de l'Etat par une bonne valorisation des fréquences.
Le Gouvernement a validé les propositions relatives à la procédure d'attribution des fréquences pour la téléphonie mobile de quatrième génération remises par l'ARCEP le 31 mai 2011. Les opérateurs ont jusqu'au début du mois de septembre pour tenir compte de ces propositions et déposer leurs dossiers de candidature.
VI - Commerce électronique
La Commission des finances de l'Assemblée nationale a publié un rapport sur la mise en application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, relative à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (N° Lexbase : L0282IKN). Au-delà du bilan de l'application de la loi, le rapport formule 21 propositions destinées à améliorer le dispositif législatif et réglementaire en vigueur.
VII - Droit de l'internet
Le 24 mai dernier, les acteurs du secteur des technologies de l'information et de l'internet se sont réunis à l'occasion du forum eG8, destiné à enrichir la réflexion des chefs d'Etats avant la réunion internationale du G8 tenue les 26 et 27 mai. Le débat de l'eG8 a porté sur les technologies de l'information, sur leurs impacts économiques et sociaux ainsi que sur la régulation de l'usage de l'internet.
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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée
Le 09 Juin 2011
Alain Confino : Le jugement rendu par le TGI de Nice le 20 janvier 2010, qui avait déjà reconnu la qualité de propriétaire à l'Etat de la Fédération de Russie, a été salué par les commentateurs comme une décision particulièrement intéressante et détaillée dans sa motivation en droit comme en fait. Dans le prolongement de ce jugement, les magistrats de la première chambre de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ont fait une application claire et classique des règles applicables en droit de la propriété immobilière.
Les deux questions principales examinées dans cette affaire concernaient, d'une part, la demande de reconnaissance du droit de propriété de l'Etat de la Fédération de Russie, ce qui supposait la démonstration, que nous avons faite, de ce qu'il avait acquis la qualité de bailleur emphytéotique du terrain sur lequel est édifiée la cathédrale (et d'ailleurs de l'édifice lui-même, qui était déjà construit lorsqu'il a été livré à l'Eglise russe) et donc de propriétaire régulier et légitime des constructions se trouvant sur ce terrain et de leur contenu, et, d'autre part, la prétention de l'association cultuelle à la propriété du bien au titre de la prescription acquisitive.
S'agissant de la revendication de la propriété par l'association au titre de la prescription acquisitive, la cour a procédé à une application classique des règles posées par l'article 2229 du Code civil (N° Lexbase : L7214IAG), dans sa rédaction applicable au litige, aux termes duquel "pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire".
En fait, l'argumentation même de l'association dans cette affaire, qui n'a cessé d'évoluer et de se contredire tout au long de la procédure, démontrait son absence de bonne foi, puisqu'elle soutenait par exemple devant la cour qu'elle n'avait jamais été preneuse à bail et donc toujours été propriétaire, alors même qu'elle s'était prévalue devant le juge des référés du tribunal de Nice, en 2006, de sa qualité d'emphytéote.
Mais nous avons démontré que l'association s'était effectivement toujours comportée comme étant aux droits et obligations de l'emphytéote et qu'elle avait ainsi toujours eu la qualité de détenteur précaire du terrain en raison de l'existence du bail emphytéotique. Elle n'avait donc jamais pu prescrire, puisqu'aux termes de l'article 2266 du Code civil (N° Lexbase : L7191IAL), "ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit. Ainsi, le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire".
En tout état de cause, l'association n'avait jamais pu prescrire à défaut de possession utile du terrain. En effet, dès lors que la preuve avait été abondamment rapportée de ce que l'association s'était elle-même prévalue du bail emphytéotique tant au début de sa prétendue possession en 1924-1925, qu'après la fin de sa prétendue possession en 2006, il est très clair que, non seulement elle ne pouvait invoquer un quelconque animus domini quant au terrain, mais encore que ces faits établissaient avec une toute particulière évidence le vice d'équivoque qui avait entaché de tout temps sa prétendue possession.
C'est ainsi que la cour d'appel conclut très nettement, après avoir constaté qu'aucun titre semblant conférer sans ambiguïté la propriété à l'association n'était intervenu pendant le temps du bail emphytéotique, qu'"il ne peut être dit que l'association cultuelle a possédé de manière non équivoque, en tant que propriétaire. La propriété est imprescriptible et ne se perd pas par le non usage. Ce non usage résultait non seulement du désintérêt que la Russie, en ses diverses formes étatiques, a semblé éprouver pendant plusieurs décennies à l'égard de la cathédrale russe de Nice, mais correspondait aussi juridiquement à l'exécution du bail emphytéotique".
Lexbase : L'association cultuelle orthodoxe envisage un pourvoi en cassation, revendiquant le fait que le tsar avait acquis l'édifice sur ses propres deniers et non sur ceux du trésor impérial. Par conséquent, l'Etat russe, héritier de l'empire, ne serait pas fondé à réclamer la propriété d'un bien privé, qui plus est religieux. Que pensez-vous de ces arguments ?
Alain Confino : Les preuves du droit de propriété de la Fédération de Russie sur la cathédrale de Nice, sur son terrain et sur son contenu ont aussi été amplement rapportées.
Tout d'abord, tous les éléments que nous avons versés aux débats démontrent que le terrain appartenait à l'Etat dès son acquisition par l'Empereur Alexandre II en 1865. Ensuite, en 1908, Nicolas II a confirmé officiellement, par oukase (ordonnance), que le terrain n'était pas un bien privé mais un bien d'Etat et que le propriétaire du terrain était le Cabinet impérial, organe d'Etat. Le bail emphytéotique conclu en 1909 l'a été par la Cour impériale, c'est-à-dire par l'Etat. Enfin, le caractère étatique de la propriété du terrain a été ultérieurement confirmé très clairement et officiellement par des documents que nous avons rassemblés au terme d'un très important travail de recherche dans les archives départementales à Nice et dans les archives d'Etat en Russie. En particulier, nous avons démontré, contrairement à ce qui était prétendu par l'association, que c'est le Gouvernement impérial qui, par les fonds du Trésor, a octroyé le financement sans lequel l'achèvement de l'édifice n'aurait pas été possible.
Ensuite, la propriété étatique du terrain a été régulièrement et légitimement transférée à la Fédération de Russie par une succession d'actes d'Etat. En effet, après l'abdication de Nicolas II et le renoncement de son frère le grand-duc Michel, le Gouvernement provisoire légitime de février 1917 a placé les biens du Cabinet sous la gestion du ministère des Finances et réorganisé les propriétés d'Etat dont il était titulaire. Or, la Fédération de Russie vient légalement et légitimement aux droits de l'Empire Russe. D'abord parce que l'URSS a succédé à l'Empire, ainsi que notre pays l'a proclamé officiellement par des actes d'Etat (notamment l'acte de reconnaissance du gouvernement de l'URSS par le président Herriot en 1924) et par des accords internationaux (entre autres, l'accord de 1997 sur le règlement des contentieux entre la France et la Russie, qui était audacieusement invoqué par l'association cultuelle elle-même pour tenter de soutenir que la Russie aurait renoncé à la propriété de la cathédrale de Nice). Ensuite parce que la Fédération de Russie est, de façon incontestée, l'Etat continuateur de l'URSS. C'est ainsi que la Fédération de Russie, d'étape en étape, est venue aux droits de la Cour impériale, bailleur emphytéotique. Et j'ajouterai qu'elle a reçu le soutien officiel des représentants actuels des deux branches de la famille impériale, qui ont ainsi donné à sa démarche une légitimité morale incontestable.
Lexbase : Quelles sont les conséquences pratiques de cette décision concernant la gestion de l'édifice ?
Alain Confino : J'ai pu entendre après le prononcé de l'arrêt que si la cour a reconnu à l'Etat la qualité de seul propriétaire de la cathédrale, elle ne lui en aurait pas pour autant attribué la jouissance. Je ne m'étendrai pas sur un tel commentaire dont, sur le seul plan juridique, je laisse à chacun de vos lecteurs le soin d'apprécier l'originalité... La décision ne comporte aucune ambiguïté : elle proclame que "l'Etat de la Fédération de Russie est fondé à reprendre possession, à la suite de l'arrivée du terme du bail emphytéotique du 9 janvier 1909, survenue le 31 décembre 2007, du bien immobilier objet de ce bail, comprenant l'édifice dit 'Cathédrale russe orthodoxe de Nice' boulevard Tsarevitch à Nice et le terrain alentour, tel que décrit dans le bail emphytéotique, ainsi que tous objets incorporés à celle-ci, et notamment l'iconostase, dont il est propriétaire". J'ajoute que l'association cultuelle a été déboutée de toutes ses demandes. Et que la cour a estimé que l'établissement des comptes depuis le 31 décembre 2007 était en l'état une question prématurée mais qui sera examinée à la suite de la reprise des lieux. Cela ne peut pas être plus clair.
C'est l'administration russe qui décidera à présent des suites civiles pratiques de cette décision qui est en cours de signification.
(1) TGI Nice, 20 janvier 2010, 2ème ch., n° 06/06437 (N° Lexbase : A7939ERH).
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par Sophia Pillet - SGR Droit social
Le 09 Juin 2011
Philippe Rouvillois : En effet, le contexte était très différent. On a constaté, depuis 1989, une véritable recrudescence de l'usage des drogues, et, notamment, des drogues dures dans la société en général. Il s'agit d'un enjeu qui touche donc toutes les formes du travail et doit être étendu à l'ensemble du monde professionnel, sans oublier la fonction publique.
Depuis 1989, de nouvelles contraintes internes et externes, notamment en matière de concurrence et de responsabilités, ont fait évoluer les enjeux liés au contrôle de l'usage de drogues au sein des entreprises. Les règles commerciales des marchés internationaux obligent, notamment, de nombreux chefs d'entreprise, à garantir l'absence totale de consommation de drogues chez leurs salariés. Le non-respect de cette clause, de plus en plus présente dans les contrats internationaux, peut alors en entraîner la rupture. En outre, cette exigence résulte également de la responsabilité juridique encourue par le chef d'entreprise en cas de dommage subi par le salarié ou par des tiers en raison de l'activité de l'entreprise, en cas d'accident de toute nature. En effet, le droit communautaire a créé une obligation générale de sécurité (2), transposée en droit social français au travers des articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L3097INZ) et L. 4121-2 (N° Lexbase : L1450H9L) du Code du travail. Dorénavant, l'employeur est tenu d'une obligation de moyens renforcée, c'est-à-dire qu'elle implique un renversement de la charge de la preuve. Cette obligation de sécurité est un élément majeur qui justifie les mesures de détection de drogues sur le lieu de travail.
Enfin, nous sommes également allés au-delà de l'avis rendu par le CCNE en 1989, dans la mesure où nous avons élargi le champ d'application. En effet, ayant constaté que les risques restaient majoritairement liés à la consommation d'alcool, nous avons décidé d'englober ensemble une étude sur l'alcool, les produits illicites ainsi que les abus de médicaments psychotropes.
Lexbase : Dans l'avis que vous avez rendu, vous justifiez et recommandez le dépistage médical de l'usage des produits illicites pour "les postes et fonctions de sûreté et de sécurité". Comment identifiez-vous ces postes ?
Philippe Rouvillois : Sur le plan éthique, en formulant notre avis, nous avons dû concilier deux exigences majeures :
- respecter la liberté individuelle de chaque salarié ;
- obliger les personnes dépendantes à ne pas causer de torts aux tiers.
Dans un premier temps, nous avons considéré qu'une généralisation du dépistage banaliserait la transgression du devoir de respecter la liberté des personnes. Dans une autre mesure, nous avons volontairement écarté la notion de "postes à risque", utilisée par le Code de la santé publique, dans la mesure où cette notion ne fait référence qu'au danger potentiel pour celui qui l'exerce. Les postes et fonctions de sécurité et de sûreté sont donc des postes aux termes desquels toute erreur commise par un salarié peut entraîner un risque pour les tiers. Les métiers ayant un impact sur le public, comme contrôleurs aériens par exemple, sont donc directement visés par le qualificatif de poste de sûreté et de sécurité. Le CCNE recommande à toutes les entreprises et aux branches de recenser les postes de sûreté et de sécurité en concertation avec les organisations syndicales de salariés, les représentants des employeurs et la médecine du travail.
Cependant, seule une action au plan national peut aboutir.
Lexbase : Quelles sont les garanties juridiques offertes aux salariés ?
Philippe Rouvillois : Tout d'abord, il n'est pas question que le dépistage soit confié à une autre personne que le médecin du travail. En outre, le secret professionnel du médecin du travail doit rester garanti vis-à-vis du chef d'entreprise. Par ailleurs, il est primordial, face aux réformes en cours, de renforcer le rôle et les moyens du médecin du travail, et du service de santé au travail en général.
Dans une autre mesure, si le dépistage est retenu pour certaines fonctions, il doit alors être expressément prévu et son caractère systématique et/ou inopiné précisé dans le règlement intérieur et les contrats de travail.
L'entreprise doit avoir un véritable rôle de prévention et d'accompagnement et non de sanction. En effet, le lieu de travail ne doit pas être un lieu de stress mais doit devenir un lieu qui aide les gens à garder leur équilibre. La détection doit rester inséparable de la prévention. Nous avons découvert au travers de nos différentes études que plus les salariés se sentaient biens et épanouis au travail, et plus la consommation de drogue et d'alcool diminuait.
Lexbase : Pensez-vous que cet avis sera bien reçu par les pouvoirs publics ?
Philippe Rouvillois : L'avis a suscité un vif intérêt. Cependant, nous ne sommes qu'une organisation de réflexion, nous proposons des solutions, mais nous ne savons pas quelle sera la réaction des pouvoirs publics face à ce texte. Nous espérons cependant, évidemment que cet avis sera bien reçu par les pouvoirs publics et le grand public. Le plus important serait que le législateur intervienne pour obliger à une concertation entre les différents acteurs du monde de l'entreprise.
Nous nous sommes en tout cas fortement inspiré de ce qui se passait dans les autres pays, comme les Etats-Unis, par exemple, qui utilisent un système de détection des pratiques de toxicomanie très rigoureux, notamment dans le domaine du transport. La Belgique a également été un bon modèle. En effet, ils ont organisé une conférence nationale entre les représentants des employeurs, les représentants des salariés et les services de santé au travail pour réfléchir à une analyse commune et aboutir à un réel consensus.
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N3040BSE
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par Sophia Pillet - SGR Droit social
Le 09 Juin 2011
Philippe Rouvillois : En effet, le contexte était très différent. On a constaté, depuis 1989, une véritable recrudescence de l'usage des drogues, et, notamment, des drogues dures dans la société en général. Il s'agit d'un enjeu qui touche donc toutes les formes du travail et doit être étendu à l'ensemble du monde professionnel, sans oublier la fonction publique.
Depuis 1989, de nouvelles contraintes internes et externes, notamment en matière de concurrence et de responsabilités, ont fait évoluer les enjeux liés au contrôle de l'usage de drogues au sein des entreprises. Les règles commerciales des marchés internationaux obligent, notamment, de nombreux chefs d'entreprise, à garantir l'absence totale de consommation de drogues chez leurs salariés. Le non-respect de cette clause, de plus en plus présente dans les contrats internationaux, peut alors en entraîner la rupture. En outre, cette exigence résulte également de la responsabilité juridique encourue par le chef d'entreprise en cas de dommage subi par le salarié ou par des tiers en raison de l'activité de l'entreprise, en cas d'accident de toute nature. En effet, le droit communautaire a créé une obligation générale de sécurité (2), transposée en droit social français au travers des articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L3097INZ) et L. 4121-2 (N° Lexbase : L1450H9L) du Code du travail. Dorénavant, l'employeur est tenu d'une obligation de moyens renforcée, c'est-à-dire qu'elle implique un renversement de la charge de la preuve. Cette obligation de sécurité est un élément majeur qui justifie les mesures de détection de drogues sur le lieu de travail.
Enfin, nous sommes également allés au-delà de l'avis rendu par le CCNE en 1989, dans la mesure où nous avons élargi le champ d'application. En effet, ayant constaté que les risques restaient majoritairement liés à la consommation d'alcool, nous avons décidé d'englober ensemble une étude sur l'alcool, les produits illicites ainsi que les abus de médicaments psychotropes.
Lexbase : Dans l'avis que vous avez rendu, vous justifiez et recommandez le dépistage médical de l'usage des produits illicites pour "les postes et fonctions de sûreté et de sécurité". Comment identifiez-vous ces postes ?
Philippe Rouvillois : Sur le plan éthique, en formulant notre avis, nous avons dû concilier deux exigences majeures :
- respecter la liberté individuelle de chaque salarié ;
- obliger les personnes dépendantes à ne pas causer de torts aux tiers.
Dans un premier temps, nous avons considéré qu'une généralisation du dépistage banaliserait la transgression du devoir de respecter la liberté des personnes. Dans une autre mesure, nous avons volontairement écarté la notion de "postes à risque", utilisée par le Code de la santé publique, dans la mesure où cette notion ne fait référence qu'au danger potentiel pour celui qui l'exerce. Les postes et fonctions de sécurité et de sûreté sont donc des postes aux termes desquels toute erreur commise par un salarié peut entraîner un risque pour les tiers. Les métiers ayant un impact sur le public, comme contrôleurs aériens par exemple, sont donc directement visés par le qualificatif de poste de sûreté et de sécurité. Le CCNE recommande à toutes les entreprises et aux branches de recenser les postes de sûreté et de sécurité en concertation avec les organisations syndicales de salariés, les représentants des employeurs et la médecine du travail.
Cependant, seule une action au plan national peut aboutir.
Lexbase : Quelles sont les garanties juridiques offertes aux salariés ?
Philippe Rouvillois : Tout d'abord, il n'est pas question que le dépistage soit confié à une autre personne que le médecin du travail. En outre, le secret professionnel du médecin du travail doit rester garanti vis-à-vis du chef d'entreprise. Par ailleurs, il est primordial, face aux réformes en cours, de renforcer le rôle et les moyens du médecin du travail, et du service de santé au travail en général.
Dans une autre mesure, si le dépistage est retenu pour certaines fonctions, il doit alors être expressément prévu et son caractère systématique et/ou inopiné précisé dans le règlement intérieur et les contrats de travail.
L'entreprise doit avoir un véritable rôle de prévention et d'accompagnement et non de sanction. En effet, le lieu de travail ne doit pas être un lieu de stress mais doit devenir un lieu qui aide les gens à garder leur équilibre. La détection doit rester inséparable de la prévention. Nous avons découvert au travers de nos différentes études que plus les salariés se sentaient biens et épanouis au travail, et plus la consommation de drogue et d'alcool diminuait.
Lexbase : Pensez-vous que cet avis sera bien reçu par les pouvoirs publics ?
Philippe Rouvillois : L'avis a suscité un vif intérêt. Cependant, nous ne sommes qu'une organisation de réflexion, nous proposons des solutions, mais nous ne savons pas quelle sera la réaction des pouvoirs publics face à ce texte. Nous espérons cependant, évidemment que cet avis sera bien reçu par les pouvoirs publics et le grand public. Le plus important serait que le législateur intervienne pour obliger à une concertation entre les différents acteurs du monde de l'entreprise.
Nous nous sommes en tout cas fortement inspiré de ce qui se passait dans les autres pays, comme les Etats-Unis, par exemple, qui utilisent un système de détection des pratiques de toxicomanie très rigoureux, notamment dans le domaine du transport. La Belgique a également été un bon modèle. En effet, ils ont organisé une conférence nationale entre les représentants des employeurs, les représentants des salariés et les services de santé au travail pour réfléchir à une analyse commune et aboutir à un réel consensus.
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Réf. : Cass. com., 10 mai 2011, n° 10-18.749, F-P+B (N° Lexbase : A1093HRW)
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 09 Juin 2011
La Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi de la société et énonce, pour la première fois à notre connaissance, en guise de principe, que les dispositions de l'article 1900 du Code civil, qui offrent au juge la possibilité de fixer un terme pour la restitution d'un prêt, ne sont pas applicables au compte courant d'associé, dont la caractéristique essentielle, en l'absence de convention particulière ou statutaire le régissant, est d'être remboursable à tout moment.
La Cour régulatrice rappelle ainsi de façon très claire la position bien établie selon laquelle les comptes courants d'associés sont par principe remboursables à tout moment (I). Cette caractéristique fondamentale justifie, à elle seule, d'écarter l'application de l'article 1900 du Code civil (II).
I - Les avances en comptes courants d'associés : un "prêt" remboursable à tout moment
Dans l'arrêt du 12 mai 2011 la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que les comptes courants d'associés sont, en l'absence de convention particulière ou statutaire les régissant, remboursables à tout moment. Ce principe est connu et bien établi en jurisprudence, la Cour de cassation ayant fréquemment l'occasion de le rappeler (5). La jurisprudence en a tiré un certain nombre de conséquences. Ainsi, il a été jugé que la décision d'assemblée qui en impose le blocage, laquelle entraîne une augmentation des engagements des associés ne peut être opposée à l'associé ayant effectué l'apport en compte courant, dès lors qu'elle n'a pas été prise à l'unanimité (6). Au contraire, l'associé titulaire d'un compte d'associé pouvant accepter d'assortir la créance qu'il détient sur la société des limites qu'il juge opportunes, en votant une résolution, adoptée à l'unanimité, aux termes de laquelle "l'assemblée générale des associés convient, jusqu'à nouvelle décision contraire, que les comptes courants d'associés ne seront pas rémunérés et que le solde de ces comptes courants après affectation du résultat sera maintenu dans la société tant que la trésorerie de celle-ci n'en permettra pas le remboursement", la société n'a fait que limiter l'exercice d'un droit dont elle était titulaire (7). La Haute juridiction a pu, en outre, retenir que commet un abus de droit la société dont l'assemblée générale a pris une délibération prévoyant le remboursement limité des comptes courants d'associés après que l'un d'eux ait obtenu un jugement ordonnant le remboursement de son compte (8).
Le principe du droit au remboursement immédiat a même conduit la cour d'appel de Paris à retenir que la société ne pouvait opposer ses difficultés financières à l'associé (9). A fortiori, dans le cadre de la liquidation d'une société due à sa dissolution suite à la décision des associés, tout créancier titulaire d'un compte courant d'associé est en droit d'en obtenir le remboursement (10)
Comme tout principe, il souffre quelques exceptions ; ainsi, la validité de la demande de remboursement à tout moment n'exclut pas que l'associé puisse être tenu pour fautif lorsque cette demande est faite abusivement. La cour d'appel de Paris a ainsi retenu que les actionnaires majoritaires et les administrateurs d'une société commettent une faute en se faisant rembourser par le liquidateur amiable leurs comptes courants alors qu'ils avaient connaissance que la créance d'un tiers n'avait pas été prise en compte lors de la clôture de la liquidation. Dans ces conditions, ils doivent être tenus in solidum à rembourser au créancier des dommages-intérêts d'un montant égal à celui de la dette de la société à son égard (11). Les limites au remboursement immédiat se manifesteront tout particulièrement si la société fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, puisque l'associé, en sa qualité de créancier social, sera soumis aux contraintes de la procédure collective et devra notamment déclarer sa créance (12). Enfin, si le remboursement, pouvant être demandé à tout moment, ne tombe pas, par principe, sous le coup des nullités de la période suspecte de l'article L. 632-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L8851IN7) (13), il pourra être attaqué sur le fondement de l'article L. 632-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3422ICQ) sur la nullité des paiements pour dettes échues, si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements, étant précisé que la qualité d'associé ne suffit pas, par elle-même, à démontrer qu'il dispose de tous les éléments d'appréciation de la situation réelle de la société (14). Au contraire, en sa qualité de dirigeant, le gérant, qui connaissait nécessairement les difficultés de la société, et en a profité pour solder son compte courant au détriment des autres associés, doit être condamné au remboursement au profit de la procédure collective (15).
Enfin, et comme le précise l'arrêt rapporté, le principe du remboursement immédiat ne jouera pas si la convention de compte courant ou les statuts prévoient le blocage des sommes
II - Les avances en comptes courants d'associés : un "prêt" auquel l'article 1900 du Code civil ne peut s'appliquer
Selon l'article 1900 du Code civil, inséré dans une section relative aux obligations du prêteur, "s'il n'a pas été fixé de terme pour la restitution, le juge peut accorder à l'emprunteur un délai suivant les circonstances". Il en résulte ainsi que lorsqu'un prêt d'argent a été consenti sans qu'un terme ait été fixé, il appartient au juge, saisi d'une demande de remboursement, de fixer, eu égard aux circonstances et, notamment, à la commune intention des parties, la date du terme de l'engagement, qui doit se situer à une date postérieure à la demande en justice (16). Cette faculté, reconnue au juge, de fixer le terme du prêt permet de palier les insuffisances d'un contrat qui, par principe, est un contrat à terme (C. civ., art. 1899 N° Lexbase : L2117ABZ : "le prêteur ne peut demander les choses prêtées avant le terme convenu").
Or, si les avances en comptes courants sont considérées comme des prêts productifs d'intérêts, elles n'en revêtent pas tous les caractères. D'ailleurs, les apports en compte courant, comme nous l'avons vu précédemment, sont par principe remboursables à tout moment, et ne se parent de la qualité de contrat à terme que si et seulement si les statuts de la société concernée ou bien la convention de compte courant, elle-même, le prévoit. Ajoutons que le blocage étant l'exception, il doit être expressément stipulé.
On l'aura compris, la convention de compte courant n'étant pas, par principe, un contrat à terme, le juge ne saurait intervenir pour fixer le terme de la restitution : l'article 1900 du Code civil ne peut donc jouer dans de telles circonstances. La solution retenue par la Cour de cassation doit ainsi être pleinement approuvée ; elle ne souffre, à notre sens, aucune critique.
Toutefois, si l'intervention du juge ne peut trouver de base légale dans les dispositions de l'article 1900 du Code civil, il semblerait que la société et ses conseils eut été peut-être plus inspirés à agir sur le fondement de l'article 1244-1 du Code civil (N° Lexbase : L1358ABW) -les faits ne permettent pas de trancher cette question-. Rappelons, en effet, qu'en application de ce texte, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et des besoins du créancier, accorder des délais de paiement dans la limite de deux ans. Dans ce cas, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation (17) et doivent obligatoirement fixer la date à laquelle le débiteur devra se libérer (18). Ce texte est tout à fait applicable aux conventions de compte courant, puisque l'intervention du juge n'est nullement conditionnée par l'existence ou non d'un terme dans le contrat. La cour d'appel de Versailles a d'ailleurs statué en ce sens dans un arrêt du 2 avril 1999 (19).
Dès lors que la situation du débiteur, la société, apparaissait obérée et que le créancier, l'actionnaire, pouvait supporter des délais de grâce, la saisine du juge sur fondement de l'article 1244-1 du Code civile eut été plus judicieuse... encore que dans les faits rien ne nous permet de dire que tel était bien le cas !
(1) Clause, comme son nom l'indique, par laquelle les associés s'obligent, vis-à-vis de la société, à rendre ces sommes indisponibles pendant plusieurs années.
(2) Dispositif par lequel le titulaire d'un compte courant s'engage à n'exiger le remboursement des sommes qu'il a déposées, qu'une fois tous les autres créanciers désintéressés.
(3) Cass. civ. 3, 18 novembre 2009, n° 08-18.740, FS-P+B (N° Lexbase : A7472EN3) et nos obs La donation portant seulement sur des droits sociaux ne s'étend pas au solde créditeur du compte courant du donateur, Lexbase Hebdo n° 374 du 3 décembre 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N5803BMU).
(4) Cf. CA Paris, 3ème ch., sect. B, 15 avril 2005 (N° Lexbase : A0237DIM).
(5) Cass. com., 12 janvier 1993, n° 91-11.558, publié (N° Lexbase : A8445AGU), Bull Joly Sociétés, 1993, p. 336, note A. Couret ; Cass. com., 24 juin 1997, n° 95-20.056 (N° Lexbase : A4500AGR), Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 871, note B. Saintourens ; Cass. civ. 3, 3 février 1999, n° 97-10.399 (N° Lexbase : A8096AGX), Bull Joly Sociétés, 1999 p. 577, note A. Couret ; sur la question cf. Le remboursement des comptes courants d'associés in l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E0229AGL).
(6) Cass. com., 24 juin 1997, n° 95-20.056, préc. ; CA Paris, 25ème ch., sect. B, 5 mai 1995, n° 19450/93 (N° Lexbase : A9687C7W).
(7) Cass. com., 14 février 2006, n° 04-14.854, F-D (N° Lexbase : A1767DNR).
(8) Cass. com., 25 janvier 1982 (N° Lexbase : A6848AYB).
(9) CA Paris, 3ème ch., sect. A, 12 novembre 1991, n° 90/006539 (N° Lexbase : A9476A74) ; RTDCom., 1992, p. 820, obc. Champaud et Danet.
(10) Cass. com., 5 mars 1991, n° 89-21.381 (N° Lexbase : A2088AGG).
(11) CA Paris 12 février 1999, RJDA, 1999, n° 1212
(12) Cf. CA Versailles, 13ème ch., 3 novembre 1994, n° 8069/93 (N° Lexbase : A9520A7Q).
(13) Cf. CA Paris, 3ème ch., sect. C, 17 septembre 1999, n° 1998/03177 (N° Lexbase : A9380A7K).
(14) CA Paris, 3ème ch., sect. C, 17 septembre 1999, n° 1998/03177, préc..
(15) Cass. civ. 1, 6 novembre 1990, n° 89-14.988 (N° Lexbase : A2050AGZ).
(16) Cass civ. 1, 19 janvier 1983, n° 81-15.105, publié (N° Lexbase : A8571AHW).
(17) Cass civ. 2, 10 juin 1970, n° 68-13.565, publié (N° Lexbase : A9193CGL).
(18) Cass. civ. 2, 7 janvier 1998, n° 96-12.979, publié (N° Lexbase : A2661ACK).
(19) CA Versailles, 3ème ch., 2 avril 1999 ; RJDA, 1999, n° 788
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