Lecture: 32 min
N4897BXN
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Michael W. Bühler, associé du cabinet Jones Day et Anne-Sophie Gidoin, collaboratrice du cabinet Jones Day
Le 12 Juillet 2018
Introduction
«Après la sentence, la palabre ne s’arrête pas pour autant : le tout n’est pas de dédommager ou d’être sanctionné, mais de renouer la relation. La palabre se sert du vrai pour aboutir à la paix».
Cette citation de Jean-Godefroy Bidima dans son ouvrage intitulé La Palabre : Une juridiction de la parole (Michalon, 1997), souligne le lien entre la médiation (ou palabre) et la paix. La médiation, consacrée par la Charte des Nations Unies comme l’un des modes privilégiés de règlement pacifique des différends entre Etats [1], participe au processus de paix [2].
L’Acte uniforme sur la médiation (AUM), adopté le 23 novembre 2017 (N° Lexbase : L4676LHN) par le 45ème Conseil des Ministres de l’OHADA à Conakry, constitue le 10ème Acte uniforme de l’OHADA. Il confirme la vocation de l’espace OHADA d’encourager les acteurs économiques à investir dans un environnement garantissant une sécurité juridique, et ainsi une certaine paix.
L’AUM répond à l’objet du Traité OHADA d’«harmonisation du droit des affaires dans les Etats Parties par l’élaboration et l’adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies» et complète «l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels» [3].
L’AUM résulte notamment de l’impulsion du Conseil des Ministres de Bissau, de juin 2011, qui a demandé au Secrétariat Permanent d’étudier la possibilité d’élargir le champ matériel du droit des affaires à la médiation, suivi de la déclaration du Président Yayi Boni, lors du Conseil des Ministres de Cotonou au mois de juin 2012, selon laquelle il n’était plus possible d’éluder la question de la médiation commerciale. L’AUM vient ainsi enrichir le régime uniforme du règlement des différends dans l’espace OHADA, jusqu’alors encadré par l’Acte uniforme sur l’arbitrage, et le Règlement d’arbitrage de la CCJA (ces deux textes qui dataient de 1999, ont pour leur part fait l’objet de révisions en 2017) [4].
Composé de 17 articles, l’AUM assure un équilibre entre encadrement et flexibilité, nécessaires au succès de la médiation. Ce texte s’inspire dans une large mesure, mais pas seulement, de la Loi type de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international sur la conciliation commerciale de 2002 (la «CNUDCI» et la «Loi-type de la CNUDCI») [5]. Il est par ailleurs conforme aux meilleures pratiques internationales, et reprend notamment certaines dispositions des lois du Burkina Faso et de Côte d’Ivoire et du décret du Sénégal relatifs à la médiation [6]. L’AUM se distingue toutefois par des dispositions innovantes et spécifiques à l’espace OHADA, en ce qui concerne en particulier son champ d’application, le statut du médiateur, les principes directeurs de la médiation et le régime de l’exécution des accords issus de la médiation.
Le présent article développe successivement les grands chapitres de l’AUM, à savoir les définitions et le champ d’application (1), le médiateur (2), la procédure de médiation (3), et l’articulation entre la médiation et les procédures contentieuses (4), avant de conclure.
1 - Définitions et champ d’application
La définition de la médiation à l’Article premier de l’AUM est large puisqu’il s’agit de «tout processus, quelle que soit son appellation…» dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un différend. Elle couvre notamment la notion de «conciliation», qui apparaît dans d’autres Actes uniformes de l’OHADA, ainsi que dans la Loi-type de la CNUDCI [7].
Ce choix d’utiliser un terme général pour couvrir les deux notions résulte d’une volonté de simplification. En pratique, la distinction entre ces deux notions est souvent confuse [8]. Elle repose sur le degré d’implication du médiateur ou du conciliateur, mais dépend en réalité des faits de l’espèce, ainsi que des demandes des parties et du médiateur lui-même. L’usage du terme général de «médiation» dans l’AUM, sur le modèle des meilleures pratiques internationales [9], a pour objet de ne pas limiter les initiatives du médiateur qui pourraient favoriser le règlement pacifique du différend. L’AUM suit dès lors le constat exprimé en 1999 par le Professeur Philippe Fouchard, à savoir qu’«il n’y a pas de raisons en droit de différencier radicalement conciliation et médiation, car toutes deux sont des processus visant à régler un litige par la recherche d’un accord» [10].
Le terme «médiation» vient du latin «mediatio, -nis, fém.», médiation, intervention, qui dérive lui-même de «medium», moyen, milieu, lien. La médiation consiste en fait pour les parties à se saisir de leur différend afin d’y mettre une fin avec l’aide d’un tiers neutre. C’est leur choix de poursuivre la négociation en ayant recours à ce tiers formé idéalement aux techniques de la médiation. La médiation se substitue ainsi aux procédures judiciaires ou arbitrales pour régler un différend. Toutefois, contrairement au juge ou à l’arbitre, le médiateur n’a aucun pouvoir décisionnel, il accompagne les parties dans la résolution de leur différend sans le trancher.
L’AUM couvre à la fois la médiation mise en œuvre par les parties (médiation conventionnelle) soit a priori dans une convention de médiation, soit a posteriori dans un compromis de médiation. La médiation peut également être initiée sur demande ou invitation d’une juridiction étatique (médiation judiciaire), d’un tribunal arbitral ou d’une entité publique compétente.
La médiation peut être institutionnelle, lorsqu’elle est administrée par une institution ; par exemple, la Cour d’arbitrage de Côte d’Ivoire («CACI») à Abidjan ou encore le Centre d’arbitrage, de médiation et de Conciliation de Ouagadougou («CAMC-O») proposent des règlements de médiation qui peuvent être adoptés par les parties. A l’inverse, la médiation peut être ad hoc, et se caractérise alors par l’absence de référence à un règlement institutionnel et l’encadrement par une institution de la procédure. Comme dans les arbitrages ad hoc, les parties doivent convenir des modalités de la médiation, de son déroulement, ainsi que de la rémunération du médiateur avec ce dernier [11]. Toutefois, même dans une médiation ad hoc, les parties peuvent choisir de recourir au règlement d’une institution, sans que cette institution n’encadre la procédure.
Le champ d'application à l’Article 2 de l'AUM est également large, dans la mesure où il s’applique simplement «à la médiation». Son champ territorial n'est toutefois pas précisé, en raison de la nature conventionnelle de la médiation et afin d’autoriser un rattachement aussi large que possible [12]. Un tel rattachement pourrait couvrir d’une part des situations dans lesquelles le lieu de la médiation se situe dans l’espace OHADA (si le lieu est déterminé), lorsqu’un accord issu de la médiation a vocation à être homologué dans l’OHADA, lorsqu’une ou plusieurs des partie(s) à la médiation sont ressortissante(s) d’un Etat-partie de l’OHADA, lorsque un tribunal arbitral ou judiciaire d’un Etat-partie a préconisé la médiation, ou selon le lieu où se déploient les effets de l’opération économique objet du litige (au sein de l’OHADA ou entre l’OHADA et l’étranger). D’autre part, le rattachement à l’OHADA pourrait être basé sur un accord des parties, notamment lorsque des parties étrangères choisissent d’appliquer l’AUM. L’AUM s’applique ainsi aussi bien à des médiations internes à l’OHADA, qu’internationales, au sens donné par les parties.
Le champ personnel est, pour sa part, couvert par la définition même de la médiation, qui permet à des personnes physiques ou morales, privées ou publiques, d’y recourir. Dès lors, l’AUM s’applique aussi bien à des médiations impliquant des personnes physiques entre elles, par exemple pour des questions de droit commercial général, qu’à des litiges impliquant des Etats, ou des sociétés contrôlées par des Etats, par exemple dans le cadre de contrats de concession pour la gestion des déchets, ou la construction d’ouvrages d’infrastructures, tels que la construction d’un pont ou d’une route.
En ce qui concerne le champ matériel de la médiation, il convient de noter que celui-ci devrait a priori s’inscrire dans le domaine du droit OHADA, tel que prévu par le Traité, à savoir, le «droit des affaires». En pratique, cela signifie que la médiation pourra porter sur tous les domaines qui sont encadrés par des Actes uniformes dans l’OHADA (ex. droit des entreprises en difficultés, droit commercial général etc.) et couvert par le champ d’application du Traité OHADA. Elle ne saurait porter à l’inverse sur des domaines du droit non harmonisés dans l’OHADA comme le droit de la famille [13] ou encore le droit du patrimoine.
2- Le médiateur
En vertu de l’Article 5 de l’AUM, le médiateur est choisi par les parties d’un commun accord. C’est un principe simple, qui, comme en matière d’arbitrage, consacre la volonté des parties. En effet, sauf en cas de médiation judiciaire, la volonté des parties est à l’origine même du processus de médiation [14]. L’on notera que la possibilité de nomination de plusieurs médiateurs prévue par cette même disposition est une référence implicite à la co-médiation. Cette situation peut notamment se présenter dans le cadre de litiges de grande envergure, ou dans des litiges opposant des entités privées à des entités publiques, lorsque chacune des parties souhaite désigner un médiateur.
L’article 5 de l’AUM prévoit également que les parties peuvent demander l’assistance de toute personne physique ou morale, appelée «autorité de désignation», en vue de la désignation du médiateur. Il peut notamment s’agir d’un centre ou d’une institution offrant des services de médiation. Le recours à un centre ou une institution a notamment l’avantage de permettre la sélection de personnes dont la formation et l’expérience en tant que médiateur sont reconnues par la profession (leur permettant d’ailleurs d’être inclus sur une liste établie par ces centres). En pratique, une partie peut demander à l’autorité de désignation de recommander des personnes ayant les qualités et compétences requises pour servir de médiateur, ou encore convenir que l’autorité de désignation nomme directement le médiateur.
Lors de sa désignation, le médiateur confirme, dans une déclaration écrite, son indépendance et son impartialité, ainsi que sa disponibilité pour assurer la procédure de médiation (AUM, art. 6). La disponibilité est mentionnée expressément dans cette disposition afin de souligner son importance. En effet, l’un des avantages de la médiation est de parvenir rapidement au règlement d’un différend, notamment du fait du caractère informel (ou moins formel) de cette procédure. Dès lors, le choix d’un médiateur indisponible avant quelques semaines, voire quelques mois, serait contraire à l’intérêt des parties de bonne foi souhaitant obtenir un accord.
Une fois désigné comme médiateur et durant toute la procédure de médiation, le médiateur révèle aux parties, sans tarder, toutes circonstances nouvelles susceptibles de soulever des doutes légitimes sur son impartialité ou son indépendance. Le devoir de révélation est indispensable pour assurer l’intégrité du processus de médiation et la confiance des parties dans le médiateur, qui sont des éléments essentiels pour le succès de la médiation. Il informe également les parties de leur droit de s’opposer à la poursuite de sa mission. Si l’une des parties refuse en conséquence de poursuivre la médiation, il est mis fin à la mission de médiateur.
3 - La procédure de médiation
L’article 3 de l’AUM, prévoyant que le fait de recourir à une institution de médiation emporte adhésion des parties à son Règlement de médiation, constitue un simple rappel pour les utilisateurs de ce qui s’impose comme une évidence. L’utilité de cette disposition est particulièrement limitée lorsque les règlements de médiation laissent une très large liberté aux parties, et leur permettent de déroger à de nombreuses dispositions ou de les aménager à leur convenance [15]. En concluant une clause de médiation se référant à un règlement de médiation, les parties sont bien évidemment censées se soumettre à ce règlement et en appliquer ses dispositions. Chaque institution administre son propre règlement, et le recours à une institution donnée emporte adhésion à son règlement.
La procédure de médiation débute le jour où la partie la plus diligente met en œuvre la convention de médiation (AUM, art. 4). Cette disposition s’applique à l’hypothèse où une convention de médiation existe entre les parties. En pratique, cela signifie que la procédure de médiation débute lorsque la partie qui souhaite l’initier notifie à la ou les autre(s) partie(s) son intention de mettre en œuvre une médiation. Cela prend généralement la forme d’un courrier, auquel est jointe la convention de médiation, quand celle-ci est évitée. Les parties devront ensuite se rapprocher pour désigner un médiateur.
Il convient de noter que la médiation est un processus souple qui peut être initié à tout moment. Il est important de choisir le bon moment pour initier une médiation, notamment au regard de la stratégie des parties. Une médiation pourra par exemple se présenter comme une solution de «dernière chance» avant le recours à un arbitrage ou une procédure judiciaire, ou comme une option nouvelle sur la table des négociations, ou à l’inverse, comme une menace dans une relation de bonne qualité, etc. De plus, il ne faut pas oublier qu’une médiation peut également être engagée à l’issue d’une procédure arbitrale notamment, en vue de l’exécution de la sentence rendue [16].
Dans l’hypothèse où il n’existe pas de convention de médiation entre les parties, si la partie qui a invité l’autre partie à la médiation n’a pas reçu d’acceptation à son invitation dans les 15 jours par écrit de la date de réception de l’invitation, ou à l’expiration de tout autre délai qui y est spécifié, elle peut considérer l’absence de réponse comme un rejet de l’invitation à la médiation [17].
En cas de rejet de l’invitation à la médiation, la médiation ne peut pas avoir lieu. La médiation est en effet un processus consensuel qui nécessite la participation des parties concernées. Dans ce cas, aucun médiateur ne sera nommé. Il convient en outre de souligner que la médiation, en tant que processus volontaire, peut être interrompue à tout moment par les parties. Une médiation ne sera pas efficace ou ne devra pas être préconisée quand l’une des parties ne démontre pas d’intérêt pour parvenir à un accord, ou n’a pas les moyens de supporter le coût de la médiation, ou est tout simplement de mauvaise foi. Dans ce cas, la partie désireuse de régler le différend par voie de médiation pourrait perdre son temps et engager des dépenses inutiles en optant pour la médiation. Une médiation par défaut est inconcevable, la présence des parties aux côtés du médiateur étant la règle.
Par ailleurs, l’article 4, 3ème alinéa de l’AUM permet d’encadrer l’hypothèse où l’accord des parties (clause d’attribution de juridiction ou convention d’arbitrage) prévoit une médiation préalable. Dans ce cas, si les parties n’ont pas tenté de recourir à la médiation prévue par cet accord, la compétence du tribunal saisi peut être remise en cause. Par conséquent, le droit OHADA permet au juge ou au tribunal arbitral, en accord avec les parties, de suspendre la procédure pour un délai déterminé, et de les renvoyer à la médiation. Cette disposition est complétée par l’article 15 de l’AUM, où la convention d’arbitrage prévoit une médiation préalable. Les articles 8-1 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage de 2018, et 21-1 du Règlement d’arbitrage de la CCJA de 2018 [18], encadrent cette situation du côté du tribunal arbitral. Une telle articulation entre les différents mécanismes de résolution des différends vise à encourager la résolution efficace des litiges dans l’OHADA. L’on notera que la formulation des articles 8-1 de l’AUA et 21-1 du Règlement d’arbitrage CCJA diffère sensiblement de celle de l’article 4, alinéa 3, de l’AUM. Cette dernière disposition prévoit qu’une juridiction étatique ou arbitrale «peut, en accord avec les parties», suspendre la procédure et renvoyer à la médiation. Les dispositions relatives à l’arbitrage prévoient quant à elles que «le tribunal examine la question du respect de l’étape préalable si l’une des parties en fait la demande et renvoie, le cas échéant, à l’accomplissement de l’étape préalable». Si ces articles pourraient sembler en apparence contradictoires, ils ne le sont toutefois pas car ils recouvrent des situations différentes. Les articles 8-1 de l’AUA et 21-1 du Règlement d’arbitrage CCJA couvrent l’hypothèse où, en présence d’une clause prévoyant le recours à une médiation préalable à l’arbitrage, les parties n’ont pas respecté cette étape préalable. Dans ce cas, le tribunal arbitral peut les renvoyer à l’accomplissement de leur obligation conventionnelle. Cette même situation est indirectement visée par l’article 12, alinéa 3, de l’AUM qui se réfère à «la médiation ordonnée par le juge ou par l’arbitre». Pour sa part, l’article 4, alinéa 3, de l’AUM couvre l’hypothèse où un juge ou un arbitre, selon les circonstances de l’affaire, estime souhaitable de renvoyer à une médiation préalable, sans que les parties n’aient conclu de au préalable de convention à cet effet. Dans ce cas, sur proposition du juge ou de l’arbitre, les parties peuvent s’accorder pour recourir à une médiation.
L’article 4, 4ème alinéa, de l’AUM précise enfin le régime de la prescription en cas de médiation. Sauf convention contraire des parties, la médiation suspend la prescription, et la prescription recommence à courir lorsque la médiation s’achève sans succès, pour un délai d’au moins six mois. Dans la mesure où il s’agit d’un mode de règlement du différend, il convenait en effet d’arrêter le régime de la prescription, car la médiation symbolise la volonté des parties de résoudre leur litige. En cas d’échec de la médiation (celle-ci se termine sans accord entre les parties), la prescription n’est plus suspendue et le délai recommence à courir. L’AUM prévoit que ce délai de prescription qui repart à compter du jour où la médiation s’est achevée sans accord ne peut être inférieur à six mois. Il s’agit d’un alignement sur le délai prévu à l’article 21 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général. [19]
L’article 7 de l’AUM encadre la conduite de la médiation. Il consacre pour commencer le principe de liberté conventionnelle des parties concernant la conduite de la médiation. Ce processus, contrairement à l’arbitrage, et a fortiori, à la justice étatique, se caractérise en effet par son absence quasi-totale de formalisme, mais aussi par la flexibilité quant au respect strict du principe du contradictoire, qui reste la pierre angulaire de toute procédure judiciaire ou arbitrale [20]. Il a ainsi été souligné que «[l]a simplicité de la médiation se déduit naturellement de la grande liberté offerte aux parties» [21].
A défaut d’accord entre les parties, le médiateur intervient pour conduire la médiation comme il l’estime approprié, au vu des circonstances de l’affaire, de l’objectif de règlement du différend, et, dans le respect des souhaits exprimés par les parties. Le médiateur doit être diligent et accorder un traitement équitable aux parties. Cette disposition permet de souligner que l’exigence d’un traitement équitable ne s’applique pas seulement au contenu de l’accord issu de la médiation, mais également à la conduite de la procédure de médiation.
Si le médiateur peut rapprocher les parties, organiser un dialogue, et leur proposer des solutions, ou proposer l’intervention d’un expert dans un domaine précis, il ne peut jamais leur imposer cela. Ce sont les parties qui ont l’initiative et qui décident de la manière par laquelle va se régler le différend [22]. Ceci reste cohérent avec le fait que le médiateur n’a qu’une obligation de moyens, jamais de résultat, même si dans la pratique, le médiateur ne pourra que se réjouir d’avoir contribué à l’aboutissement d’un accord entre les parties. Le médiateur expérimenté saura toutefois que l’objectif d’aboutir à tout prix à un accord serait contre-productif. Le rôle du médiateur n’est en effet ni de juger ni de décider, il aide les parties à négocier, sans imposer son point de vue, à se détacher de leurs propres convictions, des normes, pour se projeter plus loin [23]. La médiation n’a pas pour vocation de trancher le litige en droit, c’est-à-dire selon les lois et règlements applicables, et, dans une certaine mesure, les précédents, mais selon les intérêts raisonnés des parties et en équité. La mission du médiateur consiste dès lors essentiellement à rapprocher les parties, en organisant un dialogue constructif, et à reformuler les avancées et propositions faites de part et d’autre.
L’article 8 relatif aux principes directeurs de la médiation est une innovation de l’AUM. Elle cherche à établir un tronc commun déontologique pour tout médiateur et toute institution établie dans un Etat Partie de l’OHADA, autour des principes suivants : le respect de la volonté des parties, l’intégrité morale, l’indépendance et l’impartialité du médiateur, la confidentialité et l’efficacité du processus de médiation. La déontologie constitue un vecteur essentiel au succès de la médiation puisque c’est non seulement le respect de cette déontologie, mais aussi la perception de ce respect, qui garantissent la confiance des parties envers la médiation. Il convient de noter que ni l’article 6 relatif au statut du médiateur, ni l’article 8 relatif aux principes directeurs de la médiation n’imposent de conditions minimales pour être médiateur, telles que le fait de ne pas avoir été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative, ou encore ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation dans les dix dernières années pour crime ou délit assortis d’un emprisonnement, d’une incapacité ou d’une déchéance, ou enfin le fait de présenter une formation et d’une expérience et d’une qualification en médiation et dans la matière faisant l’objet du différend. Dans la pratique, l’on peut toutefois s’attendre à ce que les parties, ou le cas échéant, l’autorité de désignation, prennent ces éléments en compte dans le choix du médiateur [24].
Au-delà de la déontologie, cette disposition rappelle que le médiateur doit s’assurer que la solution envisagée par les parties reflète leur volonté et respecte l’ordre public.
La «règle d’or» [25] de toute médiation, protectrice pour les parties de confidentialité est affirmée à l’Article 10. L’efficacité de la règle de confidentialité est fonction de la pédagogie et crédibilité du médiateur, d’une part, et de la bonne foi et de la loyauté des parties, d’autre part. Cette disposition se réfère en termes généraux à «toutes les informations relatives à la procédure de médiation», afin d’inclure non seulement les informations divulguées au cours de la procédure de médiation, mais également le déroulement et le résultat de cette procédure, ainsi que les points relatifs à la médiation traités avant la conclusion de la convention de médiation (ex. : discussions concernant l’opportunité d’une médiation, choix des médiateurs, invitation à la médiation et acceptation ou rejet d’une telle invitation).
Les lois dérogeant à la confidentialité visées par la fin de cette disposition sont notamment les lois faisant obligation au médiateur ou aux parties de révéler des informations et les lois exigeant la divulgation dans l’intérêt général (ex. : pour alerter d’un risque en matière de santé, d’environnement ou de sécurité publics).
Dans la mesure où une telle pratique est caractéristique de la médiation et vecteur de son succès, l’Article 9 encadre les communications entre le médiateur et les parties. Le médiateur est libre de rencontrer séparément les parties, ce qui est courant en pratique, au vu de l’efficacité d’une telle méthode. La médiation permet en effet au médiateur de s’entretenir séparément avec chaque partie, pour mieux comprendre et appréhender leurs véritables intérêts, soucis, enjeux et limites, faire des allers-retours entre elles, puis de les réunir. Dans l’hypothèse d’une médiation faisant intervenir plus de deux parties, il peut aussi se réunir avec certaines parties, mais pas toutes. Cette pratique des «caucus» permet d’imaginer des solutions pratiques, de favoriser les échanges informels dans un climat de confiance et de transparence.
Le premier alinéa de l’article 9 ajoute une obligation d’information du médiateur à une partie en cas de rencontre ou communication avec l’autre partie. Une telle information est en effet nécessaire au maintien de la confiance des parties envers le médiateur. L’hypothèse où le médiateur doit informer une partie «dès que possible après sa rencontre ou communication unilatérale» avec l’autre partie, couvre les cas où le médiateur aura jugé utile de s’entretenir avec une partie sans avoir pu informer l’autre partie au préalable et a vocation à favoriser les échanges entre le médiateur et les parties lorsque ceux-ci sont possibles en pratique.
Le deuxième alinéa de l’article 9 précise, afin d’encourager l’échange libre d’informations entre les parties et le médiateur, que les informations reçues d’une partie par le médiateur concernant le différend peuvent en principe être communiquées à l’autre partie, sauf mention expresse par la partie communiquant les informations que celles-ci sont confidentielles. Le terme «informations» doit être compris au sens large, recouvrant toutes les informations pertinentes communiquées par une partie au médiateur, non seulement en cours de médiation, mais également avant que cette dernière ne débute.
Il s’agit là de l’art de la médiation, aboutir à un accord négocié qui satisfasse les intérêts des parties en présence, sans nécessairement que toutes les «cartes» de chacune des parties n’aient été dévoilées à l’autre. Le médiateur, intermédiaire, entre les intérêts en présence, évolue habilement entre les intérêts confidentiels et ceux qui peuvent être dévoilés afin de favoriser l’accord.
II convient de préciser qu’une information non confidentielle ne peut pas devenir confidentielle, au seul motif qu’elle est communiquée lors du processus de médiation. Toutes les informations accessibles publiquement (ex. : procédure collective dont fait l’objet l’une des parties, informations déposées au Greffe du tribunal de commerce, états financiers publiés, etc.), donc non confidentielles, demeureront en effet publiques. De la même façon, si une partie révèle une information en oubliant de mentionner qu’elle était confidentielle (ex. : négociation en cours pour une cession ou une acquisition avec un partenaire), elle ne peut requalifier a posteriori cette information comme étant confidentielle.
L’article 12 prévoit cinq hypothèses de fin de la procédure de médiation :
La preuve de la fin de la médiation peut être apportée par tout moyen. Cette précision est indispensable notamment aux fins de prouver que l’action n’est pas prescrite, pour obtenir les dates exactes de fin de la suspension de la prescription (dans la mesure où la médiation suspend la prescription en vertu de l’article 4 de l’AUM).
Dans l’hypothèse d’une médiation demandée par le juge ou par l’arbitre, si la médiation prend fin sans que les parties ne parviennent à un accord, la procédure judiciaire ou arbitrale reprend son cours normal. Dans le cas inverse, l’accord issu de la médiation entre les parties, constaté par le médiateur ou le juge peut être exécuté en vertu de l’article 16 de l’AUM. L’accord issu de la médiation ne tranche pas entre un «gagnant» et un «perdant», mais il fait la part entre les intérêts raisonnés respectifs des parties et la préservation des relations.
Les frais de la médiation sont régis par les dispositions de l’Article 13 de l’AUM. Lorsque la juridiction étatique désigne une institution de médiation, elle renvoie les parties à se conformer au barème de cette institution.
En cas de médiation ad hoc, où aucun règlement de médiation ne s’applique, les parties et le médiateur concluent un accord sur le déroulement de la médiation, notamment sa rémunération. Cet accord devra être aussi clair que possible, et détailler le calcul des honoraires du médiateur, afin d’éviter tout différend futur à ce sujet. En principe, les médiateurs sont rémunérés soit au forfait, soit à un taux horaire. En présence d’une institution de médiation, il revient à cette institution de s’assurer que le taux est raisonnable et que les parties et le médiateur respectent le règlement applicable en ce qui concerne les frais de la médiation. En cas de médiation judiciaire, la juridiction étatique saisie, qui désigne le médiateur, fixe les frais (en accord avec les parties) et ordonne la consignation des provisions entre les mains du greffier en chef de la juridiction ou de l’organe compétent de l’Etat Partie [29]. Si une partie ne verse pas sa quote-part des frais fixés, il est permis à l’autre partie de la verser afin que la médiation puisse être mise en œuvre. Une telle situation n’est évidemment pas de bon augure si l’autre partie refuse de consigner sa quote-part de la provision car cela pourrait être perçu comme le signe qu’elle n’est pas véritablement intéressée à ce que la médiation aboutisse. A défaut de consignation dans le délai fixé par le juge, la procédure judiciaire reprend son cours.
Le coût de la médiation est généralement plutôt modique, et n’a rien à voir avec le coût souvent très significatif d’une procédure arbitrale [30]. Le budget horaire du médiateur est généralement limité à l’étude du dossier, puis une ou deux réunions avec les parties. Or, c’est le plus souvent sur la base de son taux horaire que le médiateur se fait rémunérer (alternativement, il peut décider d’appliquer un forfait global par sa mission). Il convient de souligner que le médiateur n’a a priori droit à aucun honoraire «de résultat». Une telle pratique serait tout à fait contraire à l’éthique du médiateur qui ne doit chercher qu’à aider les parties sans prendre part pour une position ou l’autre, et porterait préjudice au bon fonctionnement de la médiation.
Au regard de la nature consensuelle de la médiation et de l’objectif de parvenir à un accord satisfaisant les intérêts de toutes les parties, les frais et honoraires de médiation sont en principe supportés par les parties à parts égales, sauf accord contraire.
4- L’articulation entre la médiation et les procédures contentieuses
La première question traitée par l’Article 11 de l’AUM relative à l’articulation entre la médiation et les procédures contentieuses, est celle de la recevabilité des éléments de preuve dans une autre procédure. Cette disposition liste six éléments de preuve au sujet desquels ni les parties, ni le médiateur, ni toute personne tierce ne peuvent présenter ou à propos desquels ils ne peuvent témoigner, dans une procédure contentieuse, arbitrale, judiciaire, ou analogue. Il s’agit des preuves suivantes :
Cette disposition a notamment pour objet d’éviter que des informations, suggestions, ou opinions exprimées par des parties dans le cadre d’une médiation soient utilisées contre elles dans une procédure judiciaire ou arbitrale en cours ou ultérieure, et, partant, de favoriser la médiation. Elle s’applique quel que soit le support ou la forme des informations ou des éléments de preuve qui s’y trouvent visés.
La divulgation de ces informations ne peut être ordonnée par un tribunal arbitral, une juridiction étatique ou une autre autorité publique compétente. Si de telles informations sont présentées comme éléments de preuve en violation des dispositions de cette disposition, ceux-ci sont irrecevables. Néanmoins, ces informations peuvent être divulguées ou reçues comme éléments de preuve dans la mesure exigée par la loi ou nécessaire à la mise en œuvre ou à l’exécution de l’accord issu de la médiation. La «loi» doit ici être interprétée au sens strict, comme désignant la législation, et non les décisions rendues par des tribunaux arbitraux ou judiciaires enjoignant à une partie à la médiation, à la demande de l’autre partie, de divulguer les informations visées à l’alinéa 1.
Ces dispositions relatives à la recevabilité des éléments de preuve s’appliquent que la procédure arbitrale ou judicaire ou toute procédure analogue se rapporte ou non au différend qui fait ou a fait l’objet de la procédure de médiation.
Par ailleurs, l’obligation de confidentialité ne s’étend pas aux éléments de preuve préexistants à la procédure de médiation ou constitués en dehors de toute relation avec celle-ci [31].
La deuxième question traitée par l’article 14 de l’AUM relative à l’articulation entre la médiation et les procédures contentieuses, est celle des incompatibilités liées à la fonction de médiateur, notamment par rapport à d’autres procédures de règlement du même différend ou d’un différend né du même rapport juridique. Cette disposition précise les fonctions que le médiateur ne peut pas exercer, à savoir les fonctions d’arbitre ou d’expert dans un différend qui a fait ou qui fait l’objet d’une procédure de médiation ou dans un autre différend né du même rapport juridique ou lié à celui-ci. De plus, le médiateur ne peut assumer les fonctions de conseil dans un différend qui a fait ou qui fait l’objet de la procédure de médiation, ou dans un autre différend né du même rapport juridique ou lié à celui-ci. Cette disposition a pour objet d’éviter tout risque de conflit d’intérêts du médiateur et de renforcer la confiance des parties dans l’intégrité du processus de médiation. Il convient toutefois de souligner que les parties peuvent d’un commun accord autoriser un médiateur à assumer par la suite le rôle d’arbitre, par exemple comme arbitre unique ou président du tribunal arbitral. L’AUM est de ce point de vue plus permissive que n’était des lois nationales de certains Etats-parties de l’OHADA [32]. Cela ne s’applique évidemment pas au rôle de conseil de l’une des parties dans une procédure ultérieure.
La troisième question traitée par l’article 15 de l’AUM relative à l’articulation entre la médiation et les procédures contentieuses, est celle du recours à une procédure arbitrale ou judiciaire (hypothèse de la médiation comme étape préalable à une procédure d’arbitrage ou judiciaire). Ce cas de figure a été développé ci-dessus concernant l’article 4 de l’AUM. Lorsque les parties sont convenues de recourir à la médiation et se sont expressément engagées à n’entamer, pendant une période donnée ou jusqu’à la survenance d’un évènement spécifié, aucune procédure arbitrale ou judiciaire relative à un différend déjà né ou qui pourrait naître ultérieurement, il est donné effet à cet engagement par le tribunal arbitral ou la juridiction étatique jusqu’à ce que les conditions dont il s’accompagne aient été satisfaites.
Ces dispositions ne sont pas applicables lorsqu’une partie estime nécessaire d’engager, à des fins provisoires et conservatoires, une procédure pour la sauvegarde de ses droits. L’engagement d’une telle procédure ne doit pas être considéré en soi comme une renonciation à la convention de médiation ni, selon le cas, comme mettant fin à la procédure de médiation.
La quatrième et dernière question traitée par l’article 16 de l’AUM relative à l’articulation entre la médiation et les procédures contentieuses, est celle de l’exécution de l’accord issu de la médiation. Cette disposition de l’AUM est fondamentale dans la mesure où elle encadre l'accord issu de la médiation. L’AUM harmonise les modalités d’homologation de l’accord issu de la médiation au sein de l’OHADA. A titre liminaire, il convient de noter que l’AUM prévoit, d’une part, que l’accord de médiation soit déposé au rang des minutes d’un notaire, et, d’autre part son homologation ou son exequatur par le juge compétent. La référence de l’AUM à l’homologation ou à l’exequatur est en fait une référence large qui cherche à couvrir les réalités des voies d’exécution des différents états. En pratique, cette notion encadre tout simplement le fait d’accorder la force exécutoire à l’accord de médiation.
L’AUM fait état de la nature contractuelle de l’accord issu de la médiation, qui est, par conséquent, susceptible d’exécution forcée. Il peut ainsi être déposé au rang des minutes d’un notaire et peut faire l’objet d’une homologation par le juge compétent : si, à l’issue de la médiation, les parties concluent un accord écrit réglant leur différend, cet accord est obligatoire (force jugée) et les lie. L’accord issu de la médiation est susceptible d’exécution forcée. A la requête conjointe des parties, cet accord peut être déposé au rang des minutes d’un notaire avec reconnaissance d’écritures et signatures. Dans ce cas, le notaire en délivre, à la requête de la partie intéressée, une grosse ou une copie exécutoire. A la requête conjointe des parties ou, à défaut, à la requête de la partie la plus diligente, l’accord de médiation peut également être soumis à l’homologation ou à l’exequatur de la juridiction compétente. Dans ce cas, le juge statue par ordonnance. Il ne peut modifier les termes de l’accord issu de la médiation et se borne à vérifier l’authenticité de l’accord de médiation dans un délai maximum de quinze (15) jours ouvrables à compter du dépôt de la demande.
L’homologation ou l’exequatur peut être refusé si l’accord de médiation est contraire à l’ordre public. Cette hypothèse est en pratique rare. Le médiateur veille en effet scrupuleusement à ce que les parties ne s’engagent pas dans une voie illicite, comme le prévoit l’article 8 de l’AUM qui s’inspire notamment de l’article 18 de la Loi de Côte d'Ivoire [33], de l’article 21 de la Loi du Burkina Faso [34], et de l’article 36 du décret du Sénégal [35].
La décision du juge qui accorde l’homologation ou l’exequatur n’est susceptible d’aucun recours [36].
Celle qui refuse l’homologation ou l’exequatur ne peut faire l’objet que d’un pourvoi devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, qui statue dans un délai maximum de six (06) mois. Dans ce cas, les délais prévus par le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage sont réduits de moitié [37].
A défaut de décision dans le délai de quinze (15) jours par le juge compétent sur la demande d’homologation de l’accord issu de la médiation, cet accord bénéficie automatiquement de l’homologation ou de l’exequatur. La partie la plus diligente saisit alors le Greffier en chef ou l’organe compétent qui appose la formule exécutoire. La partie adverse qui estime que l’accord de médiation est contraire à l’ordre public peut saisir la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage d’un recours contre l’acte d’homologation ou d’exequatur automatique dans les quinze (15) jours de la notification de l’accord revêtu de la formule exécutoire ; la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage statue dans un délai maximum de six (6) mois. Dans ce cas, les délais prévus par le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage sont réduits de moitié. Le recours est suspensif de l’exécution de l’accord. [38] Il s’agit ici d’une solution originale qui s’explique par le contrôle in fine de la CCJA de l’ordre public de l’OHADA (sur la base d’un Acte uniforme de l’OHADA) [39].
Il s’agit ici d’un alignement sur le régime applicable à la reconnaissance et à l’exequatur des sentences arbitrales en vertu de l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage de 2018, prévoyant le recours auprès de la CCJA en cas de défaut de statuer du juge étatique sollicité pour l’exéquatur, et le pourvoi devant la CCJA en cas de décision de refus d’exequatur par le juge local.
Les dispositions des alinéas 4, 5, 6 et 7 de l’article 16 s’appliquent à l’accord issu d’une médiation intervenue en l’absence de procédure arbitrale en cours. Lorsque l’accord issu d’une médiation intervient alors qu’une procédure arbitrale est pendante, les parties ou la partie la plus diligente avec l’accord exprès de l’autre partie peuvent demander au tribunal arbitral constitué de constater l’accord intervenu dans une sentence d’accord-parties [40]. Dans ce cas, le tribunal arbitral statue «sans débat» c’est-à-dire que les parties étant d’accord, aucune audience n’est en principe nécessaire. Le tribunal arbitral prendra toutefois le soin d’interroger les parties et, le cas échéant, de les entendre, notamment par écrit. L’AUM envisage ainsi l’accord issu d’une médiation qui est intervenue en parallèle d’une procédure arbitrale, encourageant les parties à transiger en concluant une sentence d’accord-parties.
Conclusion
L’AUM s’applique aux médiations initiées après le 15 mars 2018 (date de son entrée en vigueur), comme la loi relative à la médiation dans les Etats Parties, comme le prévoient les articles 17 et 18. Inspiré de la Loi-type de la CNUDCI, et enrichi par des dispositions innovantes, il constitue un outil solide pour encadrer ce monde de règlement alternatif des litiges et d’assurer le succès de la médiation dans l’espace OHADA. Mais l’intérêt de l’AUM est son champ illimité, qui dépasse l’OHADA, puisqu’il peut être utilisé sans lien de rattachement avec cette région. La médiation peut ainsi se dérouler en tout lieu du globe dans tous les domaines de la vie des affaires, dans un contexte bi ou multipartites, entre des entités privées ou publiques, et dans des secteurs très différents (commerce, banque et finance, mais aussi sport ou environnement). Ainsi, plus qu’un outil pour attirer des investisseurs dans l’OHADA (outil «facilitateur» de la croissance économique), il est aussi un outil «exportable», de promotion de la qualité du système de règlement des différends de l’OHADA. Les années à venir pourraient donc s’avérer particulièrement actives en termes de développement de la médiation autour de l’OHADA pourvu qu’une réelle culture de médiation puisse se développer dans les pays de l’OHADA, tant au niveau des entreprises, des administrations, ainsi que de leurs conseils.
Premièrement, le succès de la médiation est lié à celui d’autres modes de règlement des différends, tels que l’arbitrage. Les Etats Parties les plus dynamiques en matière de médiation dans l’OHADA (Sénégal, Burkina Faso, et Côte d’Ivoire), sont aujourd’hui aussi ceux parmi les plus actifs en matière d’arbitrage. A l’inverse, l’inexistence d’institutions d’arbitrage dans des Etats tels que la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale, et le Tchad, freine aussi le développement de la médiation.
Deuxièmement, le succès de la médiation demeure intimement lié à celui de la formation des médiateurs, car la médiation n’est qu’aussi bonne que ne sont les médiateurs. Comme toutes les matières, la «technique» de la médiation relève en effet de la maîtrise des techniques de la négociation (psychologie, droit, éthique et communication). Malgré le développement de formations à la médiation dans les pays francophones de l’OHADA grâce au dynamisme du CAMC-O à Ouagadougou, du CEPFOMEN à Douala, ou encore de l’IFOMEN à Abidjan, pour ne citer que ces quelques exemples , la médiation y reste très largement absente dans les contrats et ne fait pas partie de la culture des entreprises ou des administrations, ni dans la pratique des professionnels du droit ou du chiffre [41]. A l’avenir, comme l’écrivaient au Consultant dans le cadre de ses travaux de terrain, deux médiatrices très expérimentées dans la formation à la médiation d’entreprises en Afrique francophone : «[s]eule une large diffusion de l’esprit de la médiation en Afrique et pour l’Afrique, reposant sur des cas pratiques uniquement africains, permettra de développer la culture de la médiation» [42].
* Michael W. Bühler, associé du cabinet Jones Day et Anne-Sophie Gidoin, collaboratrice du cabinet Jones Day à Paris, ont participé en tant que Consultant de l’OHADA à la réforme du droit de l’arbitrage et de la médiation ayant notamment abouti à l’adoption de l’Acte uniforme sur la médiation par le Conseil des Ministres de Conakry le 23 novembre 2017. L’équipe du cabinet Jones Day était pilotée par Michael Bühler, spécialisé en arbitrage international en tant que conseil et arbitre, et a notamment bénéficié de l’assistance de Monsieur Christian Hausmann en matière de médiation, avocat honoraire à Paris, et médiateur-facilitateur, que le Consultant remercie chaleureusement. - Les opinions exprimées dans cet article sont les opinions personnelles des auteurs, et ne peuvent être attribuées ni au cabinet Jones Day, ni à ses clients, ni à l’OHADA.
[1] En vertu de l’article 33(1) de la Charte des Nations Unies, «[l]es parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix ».
[2] Au niveau micro, des acteurs, un médiateur renommé et spécialiste du droit OHADA, observait ainsi que «[l]a médiation, contrairement à la procédure judiciaire, peut contribuer à la création d’un climat économique stable tout en préservant les relations entre les parties une fois le conflit résolu», A. Fénéon, «Le projet de loi sur la médiation au Burkina Faso : Prémisse d’un droit africain de la médiation ? » Revue Penant, n° 881, octobre-décembre 2012, p. 425, 2.
[3] Article premier du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, fait à Port-Louis, le 17 octobre 1993, et modifié par le Traité de Québec du 17 octobre 2008.
[4] Longtemps ignorée par le droit OHADA, la médiation est apparue indirectement à l’Article 21 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général de 2010 qui traite de la prescription. La conciliation est visée à l’article 9 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, et à l’article 5-1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives et d’apurement du passif.
[5] Le Secrétariat de la CNUDCI rapporte que des textes législatifs fondés sur la Loi type ou s’en inspirant ont été adoptés dans 45 Etats et territoires, soit dans 33 pays. Outre les 17 Etats Parties de l’OHADA, il s’agit des Etats suivants : Albanie, Belgique, Bhoutan, Nouvelle Ecosse et Ontario au Canada, Croatie, District of Columbia, Hawaï, Idaho, Illinois, Iowa, Nebraska, New Jersey, Ohio, South Dakota, Utah, Vermont, Washington aux Etats Unis, Macédoine, France, Honduras, Hongrie, Luxembourg, Malaisie, Monténégro, Nicaragua, Slovénie, et Suisse. Voir le site de la CNUDCI (dernière consultation le 22 juin 2018) : http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/arbitration/2002Model_conciliation_status.html.
[6] Voir loi n° 052-2012/AN portant médiation en matière civile et commerciale au Burkina Faso, loi n° 2014-389 du 20 juin 2014 relative à la médiation judiciaire et conventionnelle de Côte d'Ivoire, et décret 2014-1653 relatif à la médiation et à la conciliation du Sénégal (respectivement les «Loi du Burkina», «Loi de Côte d’Ivoire», et le «Décret du Sénégal»). Pour un historique des règlements traditionnels africains des conflits, voir par exemple M. Samb, A propos de la résurgence de la médiation comme mode alternatif de résolution des conflits sociaux en Afrique, Revue Penant, n° 894, Numéro spécial Arbitrage et médiation en Afrique, pp. 25-31.Il convient également de rappeler que l’Islam a également énoncé des règles visant à l’issue positive des conflits (la «wassata»), cité dans Fénéon, La médiation post-arbitrale ou la médiation au secours de l’exécution des sentences arbitrales rendues contre les Etats, Revue Penant, 894, pp 115 à 125, p. 122.
[7] Voir par exemple, Article 12 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; Article 5.11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif. Voir encore Loi-type de la CNUDCI sur la conciliation commerciale de 2002.
[8] On constate dans le droit et la pratique des Etats-parties de l’OHADA une certaine approximation, les termes médiation et conciliation étant parfois synonymes, parfois différenciés. Cette dichotomie, voire confusion, se retrouve dans plusieurs règlements de médiation et de conciliation. Au-delà de l’OHADA, dans les systèmes juridiques où la distinction est faite, on observe une certaine cacophonie de la doctrine.
[9] Voir par exemple Loi-type de la CNUDCI, dont l’article premier (1) vise la «conciliation commerciale» de façon générale (y compris la médiation) ; Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation civile et commerciale (N° Lexbase : L8976H3T), qui donne dans son article 3 une définition large du processus qui convient à la fois à la médiation et à la conciliation ; Règlement de médiation de la Chambre de commerce internationale de 2014 qui vise de façon générale la «médiation» sans en donner de définition.
[10] Dossier «La médiation et la conciliation» dans Droit et Patrimoine n° 77, décembre 1999 pp. 36-41.
[11] Pour une vue d’ensemble sur la rémunération des médiateurs, voir le compte-rendu de la table ronde par J. Hauser, La médiation, une activité rémunératrice ? Quelles perspectives d’avenir ?, organisée par le CMAP et la Barreau de Paris le 7 novembre 2013 à l’occasion du colloque «Les enjeux financiers de la médiation commerciale».
[12] En théorie, deux parties dans un pays hors de la zone OHADA pourraient convenir d’appliquer les dispositions de l’AUM à leur médiation.
[13] Notons qu’en la matière, plusieurs pays de l’OHADA disposent de règles relatives à la conciliation dans ce domaine, comme par exemple le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Gabon ou encore le Togo.
[14] Dans la médiation judiciaire, que l’article 1(1) de l’AUM vise expressément, c’est en fait le juge qui décide d’envoyer les parties à la médiation.
[15] Ainsi, l’Article 1(4) du Règlement de médiation de la Chambre de Commerce Internationale (2014) prévoit que «[t]outes les parties peuvent convenir de modifier toute disposition du Règlement, sous réserve du droit du Centre de décider de ne pas administrer la Procédure s’il considère, à sa discrétion, que ladite modification n’est pas conforme à l’esprit du Règlement. A tout moment après la confirmation ou la nomination du Médiateur, tout accord visant à modifier les dispositions du Règlement sera en outre soumis à l’approbation du Médiateur». Voir également l’Introduction au Règlement suisse de médiation commerciale des chambres de commerce suisses qui précise que «[l]e Règlement suisse de médiation commerciale consacre le principe de la liberté et de la volonté des parties. Il n’impose pas de règles de procédure aux parties, qui sont libres de mener le processus comme elles l’entendent et donc de prévoir d’autres règles que celles proposées par le Règlement». A l’inverse, le Règlement de médiation de la CACI (Abidjan) ne prévoit pas d’aménagement, le dernier alinéa de son : article 1 stipulant : «Toute médiation conduite sous l’égide de la CACI emporte adhésion des parties au présent règlement».
[16] Voir A. Fénéon, La médiation post-arbitrale ou la médiation au secours de l’exécution des sentences arbitrales rendues contre les Etats, Revue Penant, 894, pp 115 à 125, développant l’idée que la médiation peut apparaître comme une voie efficace à laquelle peuvent avoir recours les créanciers munis d’une sentence exécutoire, notamment contre un Etat ou une collectivité publique bénéficiant d’une immunité d’exécution, pour aboutir à une solution vidant définitivement le litige.
[17] AUM, art. 4, alinéa 2.
[18] Ces textes ont été adoptés avec l’AUM le 23 novembre 2017 à Conakry, et sont également entrés en vigueur le 15 mars 2018.
[19] D’après cet article, « [l]a prescription ne court pas ou est suspendue à l’égard de celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
Elle est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. Elle est également suspendue lorsque le juge accueille une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée».
[20] Fénéon, op. cit., 26 sur la notion de «traitement équitable» des parties dans le cadre des réunions organisées avec ces dernières.
[21] Fénéon, op. cit., 13.
[22] Otto, Médiation et OHADA, Revue de l’ERSUMA, Droit des affaires, Pratique Professionnelle, n° 4, Septembre 2014, Doctrine.
[23] Idem.
[24] Voir Article 11 de la Loi de Côte d’Ivoire et Article 16 du décret du Sénégal.
[25] Fénéon, op. cit., 28.
[26] Dans certains accords transactionnels issus d’une médiation, les parties insèrent parfois une clause compromissoire au cas où l’accord ne serait pas respecté. Dans ce cas, il serait faux de croire que la seule signature du médiateur permettrait de le considérer comme lié par une telle clause. La mention «en présence de» évite une telle confusion.
[27] Les clauses de médiation dites «palier» (prévoyant la médiation comme étape préalable à un arbitrage notamment) limitent souvent la durée de celle-ci afin de permettre d’avancer dans le règlement du différend.
[28] L’AUM n’impose pas en soi un délai pour la mission de médiateur, contrairement à celle de l’arbitre, cf. article 12(1) de l’AUA.
[29] Article 13(2) AUM.
[30] Otto, Médiation et OHADA, Revue de l’ERSUMA, Droit des affaires, Pratique Professionnelle, n°4, Septembre 2014, Doctrine : «[u]n processus moins long et moins coûteux est un des avantages de la médiation, en effet par rapport aux modes juridictionnels de règlement des différends, la médiation a cet avantage de pouvoir dénouer assez rapidement les litiges et ce à moindre coût».
[31]AUM, art. 11, dernier alinéa.
[32] Voir notamment l’article 9 de, la loi du Burkina Faso.
[33] En vertu de cet article : «[l]e juge homologue, à la demande conjointe des parties ou de la partie la plus diligente, l’accord qui lui est soumis, si ledit accord n’est pas contraire à l’ordre public».
[34] En vertu de cet article (alinéa 2) : «[l]’homologation ne peut être refusée que si l’accord transactionnel est contraire à une règle d’ordre public».
[35] En vertu de cet article (alinéa 4) : «[l]e juge ne peut refuser l’homologation de l’accord de médiation et de conciliation que si celui-ci est contraire à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou à l’intérêt des mineurs».
[36] AUM, art. 16, 7ème aliénéa
[37] Idem.
[38] AUM, art. 16, 6ème alinéa
[39] Une telle disposition ne trouve pas d’équivalent dans le droit de l’arbitrage OHADA à l’article 31 alinéa 5 de l’AUA, lequel devrait être aligné sur l’AUM lors d’une future révision, en suivant la même logique de contrôle ultime de l’ordre public par la seule CCJA dans les cas de l’exequatur «automatique» de la sentence.
[40] L’article 19(3) de l’AUA prévoit maintenant expressément la possibilité pour un tribunal arbitral de rendre une telle sentence, comme le faisait déjà précédemment l’article 20 du Règlement d’arbitrage de la CCJA.
[41] Constat tiré d’une note adressée en juillet 2016 au Consultant («Recommandations en matière de formation à la médiation d’entreprises en Afrique») par Mesdames Miriam Bacqué (La Rochelle) et Bintou Boli (Ouagadougou). Les auteurs notent avec une grande admiration leur engagement pour à la fois la formation de futurs médiateurs, ainsi que pour la promotion de la médiation dans l’OHADA. Ils les remercient pour avoir partagé leur riche expérience avec le Consultant dans le cadre de la réforme du droit de la médiation.
[42] Idem.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464897
Réf. : Cons. const., décision n° 2018-717/718 QPC, du 6 juillet 2018 (N° Lexbase : A1710XWA)
Lecture: 4 min
N4929BXT
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie Le Guerroué
Le 11 Juillet 2018
► En réprimant toute aide apportée à la circulation de l'étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l'accessoire de l'aide au séjour de l'étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.
► Les dispositions qui instaurent une immunité pénale en cas d'aide au séjour irrégulier, ne sauraient, sans méconnaître le principe de fraternité, être interprétées autrement que comme s'appliquant également à tout autre acte d'aide apportée dans un but humanitaire que ceux déjà énumérés par ces dispositions.
Tels sont les apports de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 6 juillet 2018, au nom du principe de fraternité, qu'il qualifie pour la première fois de principe à valeur constitutionnelle (Cons. const., décision n° 2018-717/718 QPC, du 6 juillet 2018 N° Lexbase : A1710XWA ; v., sur ce thème, S. Slama, Délit de solidarité : actualité d'un délit d'une autre époque, Lexbase, éd. pub., n° 456 N° Lexbase : N7658BWK ; P. Le Monnier de Gouville, Liberté - Egalité - Solidarité, Lexbase Pén., 2018, n° 6 N° Lexbase : N4569BXI).
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 11 mai 2018 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 622-1 (N° Lexbase : L8951IU3) et L. 622-4 (N° Lexbase : L8952IU4) du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Cass. crim., 9 mai 2018, F-D, deux arrêts, n° 17-85.737 N° Lexbase : A6218XMA et n° 17-85.736 N° Lexbase : A6181XMU).
Les deux requérants, condamnés pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France -aussi dénommé «délit de solidarité»- (CA Aix-en-Provence, 13ème ch., 8 août 2017, n° 2017/568 N° Lexbase : A6565WQ9 ; CA Aix-en-Provence, 13ème ch., 11 septembre 2017, n° 2017/628 N° Lexbase : A0239WWR) reprochaient aux dispositions précitées de doublement méconnaître le principe de fraternité. D’abord, parce que les exemptions pénales prévues ne s'appliquaient pas à l'entrée et à la circulation d'un étranger en situation irrégulière sur le territoire français et, ensuite, parce qu’aucune immunité n’était prévue en cas d'aide au séjour irrégulier pour tout acte purement humanitaire n'ayant donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte.
Les Sages relèvent, d’abord, qu'aux termes de son article 2 : «La devise de la République est ‘'Liberté, Egalité, Fraternité’" et que la Constitution se réfère, également, dans son préambule et dans son article 72-3, à l'«idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité». Ils en déduisent, pour la première fois, que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle et qu’il découle de ce principe la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national.
Ils précisent, toutefois, qu'aucun principe, aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national et, que l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l'ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. Il appartient, à ce titre, au législateur d'assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l'ordre public.
Le Conseil juge, sur ce point, qu’en réprimant toute aide apportée à la circulation de l'étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l'accessoire de l'aide au séjour de l'étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Il censure donc les mots «au séjour irrégulier» figurant au premier alinéa de l'article L. 622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Le Conseil constate, en revanche, qu'une telle exemption ne doit pas nécessairement être étendue à l'aide à l'entrée irrégulière, qui, à la différence de l'aide au séjour ou à la circulation, fait naître par principe une situation illicite.
Il juge, sur ce second point, que les dispositions du 3° de l'article L. 622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui instaurent une immunité pénale en cas d'aide au séjour irrégulier, ne sauraient, sans méconnaître le principe de fraternité, être interprétées autrement que comme s'appliquant également à tout autre acte d'aide apportée dans un but humanitaire que ceux déjà énumérés par ces dispositions. Sous cette réserve, il considère que le législateur n'a pas opéré une conciliation manifestement déséquilibrée entre le principe de fraternité et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de fraternité par le 3° de l'article L. 622-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est donc écarté.
Enfin, le Conseil précise qu'il ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement et qu'il ne lui appartient pas d'indiquer les modifications qui doivent être retenues pour qu'il soit remédié à l'inconstitutionnalité constatée, le Conseil constitutionnel juge que l'abrogation immédiate des mots «au séjour irrégulier» figurant au premier alinéa de l'article L. 622-4 aurait pour effet d'étendre les exemptions pénales prévues par l'article L. 622-4 aux actes tendant à faciliter ou à tenter de faciliter l'entrée irrégulière sur le territoire français. Elle entraînerait des conséquences manifestement excessives. Il reporte, par conséquent, au 1er décembre 2018 la date de cette abrogation.
Cette décision fera l’objet d’un commentaire du Professeur Serge Slama dans la revue Lexbase Hebdo - édition publique n° 511 du 19 juillet prochain (cf. l’Ouvrage «Droit des étrangers» N° Lexbase : E4048EYL).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464929
Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 4 juillet 2018, n° 392400, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9976XUZ)
Lecture: 1 min
N4906BXY
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yann Le Foll
Le 11 Juillet 2018
► L’évocation du "génocide des Arméniens" dans les programmes scolaires dispensés en classes de collège ne porte pas atteinte à la neutralité du service public de l'éducation. Ainsi statue le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 4 juillet 2018 (CE 1° et 4° ch.-r., 4 juillet 2018, n° 392400, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9976XUZ).
D'une part, la seule utilisation de ces termes, dont il ressort des pièces du dossier qu'ils se bornent à reprendre une formulation courante, notamment de la part d'historiens, et d'ailleurs reprise par la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001, relative à la reconnaissance du génocide arménien (N° Lexbase : L8543H3S), n'est pas, par elle-même, de nature à porter atteinte à ces principes.
D'autre part, l'objet même du programme d'histoire, tel que le fixe l'arrêté litigieux, est de faire enseigner aux élèves l'état des savoirs tel qu'il résulte de la recherche historique, laquelle repose sur une démarche critique, fondée sur la liberté de soumettre à débat toute connaissance.
Dès lors, la prescription d'un tel enseignement par l'arrêté attaqué est, en elle-même, insusceptible de porter atteinte aux libertés d'expression, de conscience et d'opinion des élèves, ou de méconnaître la neutralité du service public de l'éducation.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464906
Lecture: 8 min
N4985BXW
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Fleur Chidaine, Avocate à la Cour
Le 11 Juillet 2018
L’investissement Outre-Mer concerne tant les particuliers que les entreprises. La première fiche, publiée dans une revue récente, traitait des investissements réalisés en Outre-Mer par les particuliers et les investissements dits «mixtes», c’est-à-dire réalisés à la fois par les entreprises ou les particuliers donnant droit à un certain nombre d’avantages. La présente fiche traite uniquement des investissements réalisés par les entreprises, mais il convient de distinguer les investissements réalisés par des entreprises soumises à l’impôt sur le revenu (ci-après «IR») de ceux réalisés par des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés (ci-après «IS»).
I - Dispositifs incitatifs visant les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu
A - Investissement concerné
Les investissements réalisés par des contribuables dans le cadre d’une entreprise relevant de l’impôt sur le revenu jusqu’au 31 décembre 2025 et en Outre-Mer bénéficient d’une réduction d’impôt à condition que l’entreprise en question ne réalise pas un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros sur le dernier exercice clos ou qu’elle ne soit pas qualifiable d’entreprise en difficulté.
L’investissement fait également bénéficier le contribuable d’une réduction d’impôt lorsqu’il est réalisé par une société assujettie à l’IS détenue intégralement par des personnes physiques et lorsqu’ils sont donnés en location dans le cadre d’un schéma locatif.
L’investissement doit être un investissement productif neuf et l’entreprise doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole. Certaines activités sont toutefois exclues du dispositif, telles que le commerce, les cafés, débits de tabac, débits de boisson, conseils et expertises, éducation, action, santé sociale, banque, finance, assurance, activités immobilières notamment. Les investissements productifs neufs visés par le dispositif sont les acquisitions ou créations de biens corporels amortissables par nature. Les travaux de rénovation ou réhabilitation d’hôtel, résidence et villages de vacances qui peuvent être considérés comme des éléments de l’actif immobilisés peuvent entrer dans le dispositif, et notamment toutes les dépenses constitutives du coût de revient de ces travaux[1]. Sont également concernés les investissements effectués dans les secteurs éligibles dans le cadre d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial.
Pour donner droit au bénéfice, les investissements doivent être affectés à l’exploitation d’établissements appartenant à l’un des secteurs éligibles et maintenus à cette affectation pendant cinq années. A défaut, c’est au prorata de leur affectation à l’un de ces secteurs qui est admis au bénéfice de la réduction.
Agrément nécessaire
Un agrément peut être nécessaire si l’investissement concerne les secteurs : du transport, de la navigation de plaisance, l’agriculture, la pêche maritime et l’aquaculture, l’industrie charbonnière et la sidérurgie, la construction navale, les fibres synthétiques, l’industrie automobile, la rénovation et réhabilitation d’hôtels, résidences de tourismes et villages vacances classés. Ce même agrément est nécessaire également lorsqu’il est réalisé par les entreprises en difficultés installés en dehors des DOM et de Saint-Martin ou lorsqu’il est nécessaire à l’exploitation d’une concession de service public local à caractère industriel ou commercial.
L’agrément est facultatif pour les entreprises implantées en outre-mer et exerçant dans les secteurs sensibles depuis au moins deux ans, à condition que l’investissement n’excède pas 250 000 euros par programme.
Pour les secteurs non visés plus hauts, l’agrément n’est nécessaire que si l’investissement excède 1 million d’euros par programme, ou 250 000 euros lorsque l’investissement est réalisé directement ou indirectement par des personnes physiques lorsque l’activité ne comporte pas la participation directe et continue de l’un des membres du foyer fiscal.
B - Mise en œuvre de l’investissement
La réduction d’impôt est calculée au taux de 38,25 % appliqué au montant des investissements réalisés, diminués de la fraction du prix de revient qui est financée par une aide publique, qu’elle soit obtenue ou demandée. Il est de 45,9 % pour les investissements concernant les travaux de rénovation et de réhabilitation d’hôtels, de résidences de tourisme et de villages vacances en Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin, Terres australes et antarctiques française, ou de 53,55 % pour les DOM.
Lorsque l’investissement comporte l’acquisition, l’installation ou l’exploitation d’équipements de production d’énergie renouvelable, ces derniers étaient censés n’être pris en compte pour le calcul de la réduction que dans une certaine limite (i.e. un montant par watt installé fixé par arrêté), qui n’a jamais été définie à ce stade. Il n’y a donc à ce jour pas de limite applicable.
Lorsque l’investissement est réalisé en Guyane, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon ou Wallis-et-Futuna, le taux de la réduction est porté à 45,9 %.
Dans la production d’énergie renouvelable, ces deux taux sont supérieurs (respectivement 45,9 % et 53,55 %).
C - Plafonnement de la réduction
La réduction totale au titre des investissements outre-mer ne peut excéder 40 000 euros. Ce plafond est majoré pour les investissements suivants :
- ceux réalisés par un exploitant agricole agissant à titre professionnel au sein de sa propre entreprise (il est dans ce cas porté à 76 500 euros, ou 229 500 euros sur trois ans)
- ceux donnés en location à une entreprise exploitante dans le cadre d’un schéma locatif (il est dans ce cas porté à 90 000 euros, ou 69 545 euros selon que le taux de rétrocession est égal à 66 % ou 56 % de la réduction d’impôt)
Le contribuable peut toutefois choisir un plafonnement égal à 15 % de son revenu net global.
Ce plafonnement doit respecter le principe de plafonnement global des avantages fiscaux applicable en droit commun.
D - Modalités d’imputation de la réduction
La réduction s’impute sur l’impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l’année au cours de laquelle l’investissement réalisés est mis en service ou en cas d’acquisition ou de construction d’immeuble au titre de l’année au cours de laquelle les fondations sont achevées, et est reportée sur les années suivantes pendant cinq ans.
Lorsque l’investissement est réalisé par des investisseurs professionnels, ces derniers peuvent toutefois demander le remboursement de l’excédent à compter de la troisième année dans la limite de 100 000 euros par an ou 300 000 euros par période de trois ans.
E - Obligation des investisseurs
L’investisseur doit, pour bénéficier de dispositif, conserver et maintenir dans leur affectation les biens acquis pendant au moins cinq ans ou, si elle est inférieure, leur durée normale d’utilisation, laquelle est en principe de sept ans pour les biens donnés en location.
Un engagement de conservation des titres de cinq ans est prévu pour les investissements réalisés par les personnes physiques à travers des sociétés de personnes ou des sociétés assujetties à l’IS.
II - Dispositifs incitatifs visant les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés[2]
Les investissements réalisés par des entreprises passibles de l’IS, qu’ils soient directs ou indirects, effectués jusqu’au 31 décembre 2020 en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion et à Saint-Martin, et jusqu'au 31 décembre 2025 à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises peuvent leur donner droit à une réduction d’impôt.
L’investissement ne doit pas être réalisé par une entreprise réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros au titre du dernier exercice clos, sauf à ce qu’il concerne une acquisition ou construction d’immeuble neuf ou qu’il soit réalisé à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
A - Investissements réalisés directement
Opérations concernées
Sont ici visés les mêmes investissements productifs neufs que ceux précités et les acquisitions ou constructions outre-mer de logement neuf à usage locatif si l’entreprise s’engage toutefois à louer l’immeuble nu dans les six mois de son achèvement ou de son acquisition pendant cinq ans à des contribuables qui en feront leur résidence principale et qu’elle respecte les plafonds relatifs aux ressources des locataires, ou dans le cadre d’un contrat de location-accession.
Comme les investissements réalisés par des entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu, un agrément est nécessaire lorsque le projet excède 1 million d’euros par programme, ou 250 000 euros s’il est réalisé via une société de personnes.
Application de la réduction
L’entreprise éligible est en droit de déduire le montant des investissements calculé dans les mêmes conditions que pour les investissements réalisés par des entreprises assujetties à l’IR sur les résultats de l’exercice au cours duquel l’investissement est mis en service ou, pour les acquisitions ou constructions d’immeubles, au titre de l’année au cours de laquelle les fondations sont achevées ou les travaux achevés pour les réhabilitations hôtelières.
Obligations mises à la charge des investisseurs
Comme pour les investissements réalisés par des entreprises assujetties à l’IR, l’investisseur doit conserver et maintenir dans leur affectation les biens acquis pendant au moins cinq ans ou, si elle est inférieure, leur durée normale d’utilisation, laquelle est en principe de sept ans pour les biens donnés en location. Lorsque l’investissement concerne un immeuble à construire il doit être achevé dans les deux ans de l’achèvement des fondations sous peine de perdre le bénéfice de la déduction lorsque ce délai intervient.
B - Investissements indirects
Les investissements faits par prise de participation donnent également droit au bénéfice de réduction d’impôt.
Investissements concernés
Sont visées par la réduction les souscriptions en numéraire au capital de sociétés de développement régional des DOM, sociétés dont l’activité relève d’un secteur bénéficiaire de l’aide exerçant exclusivement en outre-mer, ou sociétés ayant pour objet exclusif l’acquisition ou la construction de logements neufs à usage locatif. La souscription peut avoir lieu lors de la constitution ou d’une augmentation de capital. Les sociétés au capital duquel une participation est prise doivent être assujetties à l’IS et détenir des éléments d’actifs affectés majoritairement à l’exercice d’activités relevant de secteurs éligibles précités.
La souscription au capital des sociétés concessionnaires de service public ou, à nouveau, celles d’un montant supérieur à 1 million d’euros, doivent obtenir un agrément préalable.
Application de la réduction
La réduction s’élève aux sommes versées par le souscripteur au titre de l’exercice au cours duquel le versement a lieu et se déduit du résultat imposable, à condition que l’entreprise investisseur informe la société bénéficiaire des apports ou l’intermédiaire ayant reçu la souscription.
Obligations des investisseurs
Sans surprise, les entreprises bénéficiant du dispositif doivent conserver les titres souscrits pour une durée de cinq ans, sous peine de voir les sommes déduites rapportées à ses résultats au titre de l’exercice au cours duquel elles cèdent leurs titres.
Les sociétés bénéficiaires de la souscription, elles, doivent réaliser les investissements dans les douze mois de la souscription ou en prendre tout le moins l’engagement ferme et définitif assorti de versement d’acomptes.
III - Crédit d’impôt pour investissements productifs[3]
Lorsque l’entreprise qui investit est imposée selon un régime de bénéfice réel normal ou simplifié, exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole et n’est pas en difficulté, elle peut bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des investissements réalisés dans les DOM jusqu’au 31 décembre 2020. L’investissement doit être un investissement productif neuf ou, pour les entreprises assujetties à l’IS et organismes de logement social, concerner les acquisitions ou constructions de logements neufs à usage locatif situés dans les DOM (sauf s’il bénéficie du crédit d’impôt pour investissement dans le secteur locatif social).
Lorsqu’il s’applique, le crédit d’impôt est par application au montant des investissements réalisés à l’exception de la partie financée publiquement du taux de 38,25 % pour les entreprises assujetties à l’IR ou de 35 % pour les entreprises assujetties à l’IS au titre de l’année au titre de laquelle l’investissement est mis en service.
[1] BOI-BIC-RICI-20-10-10-20 n° 90 (N° Lexbase : X4107ALP).
[2] CGI, arts. 217 undecies (N° Lexbase : L1046LD4) et 217 duodecies (N° Lexbase : L1045LD3).
[3] CGI, arts. 244 quater W (N° Lexbase : L8414LH4), 199 ter U (N° Lexbase : L3873IZH) et 220 Z ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 111927030, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "220 Z", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L4222ICD"}}).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464985
Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 5 juillet 2018, n° 401627, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1717XWI)
Lecture: 2 min
N4947BXI
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie-Claire Sgarra
Le 11 Juillet 2018
►La condition de vie sous le même toit à laquelle est subordonnée le bénéfice d’une majoration du quotient familial pour prise à sa charge d’une personne invalide doit uniquement s’apprécier sur la base d’éléments matériels tenant à l’accueil à domicile d’une personne invalide ou aux conditions dans lesquelles, dans l’hypothèse d’une occupation partagée d’un immeuble avec le contribuable, celle-ci peut être regardée compte tenu notamment de l’agencement de cet immeuble, comme habitant sous le toit de celui-ci.
Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 5 juillet 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 5 juillet 2018, n° 401627, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1717XWI).
En l’espèce, à la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a remis en cause le nombre de parts de quotient familial dont le requérant avait bénéficié du fait du rattachement à son foyer fiscal de sa tante, titulaire d’une carte d’invalidité lui reconnaissant un taux d’incapacité à 100 % ainsi que de la réduction d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile. Le tribunal administratif de Rennes rejette la demande du requérant tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti. La cour administrative d’appel de Nantes confirme ce jugement (CAA Nantes, 19 mai 2016, n° 15NT00099 N° Lexbase : A4905RQQ).
Le Conseil d’Etat juge que lorsqu’un contribuable déclare une personne invalide à sa charge en application des dispositions de l’article 196 A bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L5025LAD), il appartient à l’administration, si elle entend remettre en cause cette déclaration, de produire tous éléments pertinents pour justifier une telle remise en cause. Il incombe alors au contribuable d’apporter en réponse tous éléments de nature à justifier ses prétentions.
Ici, la requérante et sa tante occupaient des pièces qui communiquaient entre elles. De plus, un ascenseur avait été installé pour que la tante puisse accéder à une cuisine installée au sous-sol, incluse dans les lots appartenant à la requérante. Elle ne pouvait donc pas occuper un appartement où elle pouvait vivre de manière autonome. L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes est annulé (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X5047ALI).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464947
Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 4 juillet 2018, n° 404083, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9982XUA)
Lecture: 1 min
N4910BX7
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie-Claire Sgarra
Le 11 Juillet 2018
►Il résulte des dispositions de l'article 1647 C sexies du Code général des impôts (N° Lexbase : L3359IAN) que lorsque le montant du crédit de taxe professionnelle octroyé à un contribuable sur le fondement de ces dispositions au titre d'une année entraîne le dépassement du plafond de 200 000 euros fixé par le Règlement n° 1998/2006 du 15 décembre 2006, pour l'octroi des aides "de minimis" (N° Lexbase : L1322HUI), dont le respect est apprécié en faisant la somme des crédits d'impôt dont le contribuable a bénéficié au titre de cette année et des deux années précédentes, l'administration est tenue de corriger le montant du crédit d'impôt octroyé au titre de la dernière année pour assurer le respect de ce plafond. Il ne résulte en revanche d'aucune disposition que l'administration est tenue, à cette fin, soit de procéder à la reprise de l'intégralité du crédit d'impôt octroyé au contribuable au titre de la troisième année, soit de reprendre l'intégralité du crédit d'impôt octroyé à raison d'un établissement au titre de cette même année.
Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 4 juillet 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 4 juillet 2018, n° 404083, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9982XUA).
En l’espèce, une société requérante a bénéficié d’un crédit d’impôt de taxe professionnelle au titre des emplois localisés dans ses deux établissements. La société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration a remis en cause le crédit d’impôt dont elle a bénéficié au titre de l’année 2008, au motif que le total des crédits de taxe professionnelle dont elle avait bénéficié sur la période des trois derniers exercices fiscaux excédait le plafond fixé par le Règlement du 15 décembre 2006 précité.
Le Conseil d’Etat juge que l’administration était seulement tenue de reprendre la fraction du crédit d’impôt de taxe professionnelle dont a bénéficié la société au titre de l’année 2008, excédant sur la période des trois exercices fiscaux précédents, le plafond de 200 000 euros imposé par le Règlement.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464910
Réf. : CE , 1° et 4° ch.-r., 4 juillet 2018, n° 397059, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9980XU8)
Lecture: 1 min
N4962BX3
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Blanche Chaumet
Le 13 Juillet 2018
►Les juges du fond ne peuvent, pour juger que la consultation du comité d'entreprise sur le licenciement de la salariée protégée avait été irrégulière, se fonder sur ce que la salariée n'ayant eu connaissance des faits qui lui étaient reprochés que lors d'un entretien avec son employeur le 22 mars 2013 au matin, qu’elle n'avait pas disposé d'un délai suffisant pour préparer utilement son audition devant le comité d'entreprise, l'après-midi du même jour, sans rechercher si la brièveté du délai dans lequel la salariée avait préparé son audition avait été, en l'espèce, soit de nature à empêcher que le comité d'entreprise se prononce en toute connaissance de cause, soit de nature à faire regarder son avis, unanimement défavorable, comme émis dans des conditions ayant faussé cette consultation. Telle est la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 4 juillet 2018 (CE , 1° et 4° ch. -r., 4 juillet 2018, n° 397059, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9980XU8 ; voir également CE, 1° et 4° ch.-r., 4 juillet 2018, n° 410904, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9991XUL).
En l’espèce, par une décision du 11 avril 2013, l'inspecteur du travail a refusé à la société Véron International l'autorisation de licencier pour faute grave une salariée protégée détenant notamment les mandats de membre titulaire de la délégation unique du personnel et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
La cour administrative d'appel de Douai (CAA Douai, 17 décembre 2015, n° 14DA01857 N° Lexbase : A0587N4I) ayant rejeté l’appel de la société Véron International contre le jugement du 2 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cette décision, la société s’est pourvue en cassation.
En énonçant la règle susvisée, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la cour administrative d'appel en précisant qu’il est entaché d'une erreur de droit (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E9553ESM).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464962
Réf. : Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241, FS-P+B (N° Lexbase : A5590XXC)
Lecture: 1 min
N4958BXW
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Blanche Chaumet
Le 11 Juillet 2018
►Le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes. Par conséquent, doit être cassé l’arrêt qui, pour dire que la procédure de licenciement est régulière et le licenciement justifié -après avoir retenu que l’atteinte aux droits de la défense fondée sur le caractère anonyme des témoignages recueillis par la direction de l’éthique n’est pas justifiée dans la mesure où le salarié a eu la possibilité d’en prendre connaissance et de présenter ses observations- se fonde de manière déterminante sur le rapport de la direction de l’éthique. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 juillet 2018 (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241, FS-P+B N° Lexbase : A5590XXC).
En l’espèce, un salarié a été engagé le 1er mars 2007 en qualité d’acheteur expert bâtiment par la SNCF mobilités. Les 4 et 5 février 2013, le salarié a saisi la direction de l'éthique de la SNCF. Se fondant sur le rapport de la direction de l’éthique, l’employeur a notifié au salarié le 18 septembre 2013 une mesure de suspension et l’a convoqué devant le conseil de discipline. Il a été licencié le 25 septembre 2013.
Pour dire que la procédure de licenciement est régulière et le licenciement justifié, la cour d’appel (CA Rennes, 17 mars 2017, n° 15/02481 N° Lexbase : A4809UAD), après avoir retenu que l’atteinte aux droits de la défense fondée sur le caractère anonyme des témoignages recueillis par la direction de l’éthique n’est pas justifiée dans la mesure où le salarié a eu la possibilité d’en prendre connaissance et de présenter ses observations, s’est fondée de manière déterminante sur le rapport de la direction de l’éthique. A la suite de cette décision, le salarié a formé un pourvoi en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa des articles 6 § 1 (N° Lexbase : L7558AIR) et 3 (N° Lexbase : L4764AQI) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9205ESQ).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464958
Réf. : Cass. civ. 2, 5 juillet 2018, n° 17-19.957, F-P+B+I (N° Lexbase : A0004XW3)
Lecture: 2 min
N4908BX3
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par June Perot
Le 11 Juillet 2018
► L’agression d’un arbitre commise dans une enceinte sportive par un joueur constitue, même lorsqu’elle se produit à l’issue de la rencontre, dont ce dernier a été exclu, une infraction aux règles du jeu, en lien avec l’activité sportive, de nature à entraîner la responsabilité de l’association sportive.
En effet, la Cour de cassation énonce, au visa de l’article 1384, alinéa 1, devenu l’article 1242, alinéa 1 (N° Lexbase : L0948KZ7), que les associations sportives ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres, sont responsables des dommages que ceux-ci causent à cette occasion, dès lors qu’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu est imputable à un ou plusieurs de leurs membres, même non identifiés. Telle est la solution d’un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 5 juillet 2018 (Cass. civ. 2, 5 juillet 2018, n° 17-19.957, F-P+B+I N° Lexbase : A0004XW3 ; v. déjà : Ass. plén., 29 juin 2007, n° 06-18.141 N° Lexbase : A9647DW9).
Dans cette affaire, l’arbitre d’un match de football avait été agressé à l’issue de la rencontre par un joueur qu’il avait expulsé en cours de jeu. Le joueur membre de l’association sportive a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel, de violences volontaires commises sur une personne chargée d’une mission de service public. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (le FGTI), qui a indemnisé l’arbitre a alors assigné l’association et son assureur en remboursement des sommes versées à la victime.
En cause d’appel, le FGTI avait été débouté de sa demande, au motif que le manquement du joueur au règles du jeu n’était pas la cause directe du préjudice subi par l’arbitre du fait des violences exercées ultérieurement par le joueur. L’arrêt retient que les actes commis par le joueur étaient constitutifs certes d’une infraction pénale mais non d’un manquement aux règles du jeu dès lors qu’ils ont été commis en dehors de toute activité sportive, le match étant terminé et l’auteur des faits n’étant d’ailleurs même plus en tenue de joueur.
A tort selon les Hauts magistrats qui énoncent la solution susvisée et censurent l’arrêt (cf. l’Ouvrage «Responsabilité civile» N° Lexbase : E5893ETG).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464908
Réf. : CJUE, 5 juillet 2018, aff. C-320/17 (N° Lexbase : A9951XU4)
Lecture: 2 min
N4928BXS
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie-Claire Sgarra
Le 11 Juillet 2018
►La Directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (N° Lexbase : L7664HTZ), doit être interprétée en ce sens que la location d’un immeuble par une société holding à sa filiale constitue une «immixtion dans la gestion» de cette dernière, qui doit être considérée comme une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette Directive, ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur les dépenses supportées par la société en vue de l’acquisition de participations dans cette filiale, dès lors que cette prestation de services :
- présente un caractère permanent ;
- qu’elle est effectuée à titre onéreux et qu’elle est taxée, ce qui implique que cette location ne soit pas exonérée ;
- et qu’il existe un lien direct entre le service rendu par le prestataire et la contre-valeur reçue du bénéficiaire.
Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt du 5 juillet 2018 (CJUE, 5 juillet 2018, aff. C-320/17 N° Lexbase : A9951XU4).
Partant, les frais liés à l’acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion en leur louant un immeuble, et qui, à ce titre, exerce une activité économique, doivent être considérés comme faisant partie de ses frais généraux et la TVA acquittée sur ces frais doit, en principe, pouvoir être déduite intégralement.
Par ailleurs, les frais supportés par une société holding qui ne participe à la gestion que de certaines d’entre elles et qui, à l’égard des autres, n’exerce, en revanche, pas d’activité économique doivent être considérés comme faisant partie seulement partiellement des frais généraux de cette société, de telle sorte que la TVA acquittée sur ces frais ne peut être déduite qu’en proportion de ceux qui sont inhérents à l’activité économique, selon des critères de ventilation définis par les Etats membres, lesquels, dans l’exercice de ce pouvoir, doivent tenir compte de la finalité et de l’économie de ladite directive et, à ce titre, prévoir un mode de calcul reflétant objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à l’activité économique et à l’activité non économique, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464928
Réf. : CJUE, 4 juillet 2018, aff. C-532/17 (N° Lexbase : A6010XU7)
Lecture: 2 min
N4884BX8
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Vincent Téchené
Le 11 Juillet 2018
► En cas de retard important d’un vol, la compagnie aérienne à qui le versement de l’indemnisation due aux passagers incombe n’est pas celle qui a donné en location l’appareil et l’équipage ayant été utilisé, mais celle qui a décidé de réaliser le vol. Tel est le sens d’un arrêt rendu par la CJUE le 4 juillet 2018 (CJUE, 4 juillet 2018, aff. C-532/17 N° Lexbase : A6010XU7).
Dans cette affaire, des passagers ont réservé auprès d’une compagnie aérienne un vol allant de Hambourg (Allemagne) à Cancún (Mexique). Pour la réalisation de ce vol, la compagnie aérienne s’est servie d’un avion avec équipage qu’elle a loué («wet lease») auprès d’une autre compagnie aérienne. La confirmation de réservation indiquait à cet égard que les réservations étaient émises par la première compagnie aérienne, mais que le vol était «effectué» par compagnie loueur de l’appareil. Le vol ayant accusé un retard important, certains passagers ont demandé à la compagnie loueur de l’appareil le paiement de l’indemnisation qu’ils estimaient leur être due conformément au Règlement sur les droits des passagers aériens. Cette compagnie a refusé de verser cette indemnité au motif qu’elle n’était pas le transporteur aérien effectif au sens de ce Règlement. La compagnie auprès de laquelle les vols avaient été réservés ayant assumé la responsabilité opérationnelle pour la réalisation du vol, l’action en indemnisation doit, selon la compagnie ayant loué l’appareil être dirigée uniquement contre cette compagnie aérienne. C’est dans ce contexte que le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne) a demandé à la Cour de justice de préciser la notion de «transporteur aérien effectif».
La CJUE considère que la compagnie aérienne qui prend la décision de réaliser un vol précis, y compris d’en fixer l’itinéraire, et, ce faisant, de créer, à l’intention des intéressés, une offre de transport aérien doit être considérée comme étant le transporteur aérien effectif. L’adoption d’une telle décision implique en effet que cette compagnie aérienne assume la responsabilité de la réalisation du vol, y compris, notamment, de ses éventuels annulation ou retard important à l’arrivée. En conséquence, une compagnie aérienne qui donne en location un appareil et un équipage à une autre compagnie aérienne («wet lease»), mais qui n’assume pas la responsabilité opérationnelle du vol, ne peut pas être qualifiée de transporteur aérien effectif au sens du règlement. Selon la Cour, il est sans importance, à cet égard, que la confirmation de réservation du vol délivrée aux passagers mentionne que le vol est effectué par cette première compagnie aérienne.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464884