Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 25 mai 2018, n° 416825, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4635XPD)
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N4222BXN
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par Yann Le Foll
Le 30 Mai 2018
► Un contrat dont l'attributaire se voit transférer un risque lié à l'exploitation des ouvrages à installer, constitue un contrat de concession et non un marché public. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 25 mai 2018 (CE 2° et 7° ch.-r., 25 mai 2018, n° 416825, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4635XPD).
Le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Melun a relevé, d'une part, que le contrat litigieux avait pour objet l'installation, l'exploitation, la maintenance et l'entretien de mobiliers urbains destinés, notamment, à l'information municipale et, d'autre part, que le titulaire du contrat devait assurer ces prestations à titre gratuit et était rémunéré par les recettes tirées de la vente d'espaces à des annonceurs publicitaires.
Pour juger que ce contrat était un marché public et non une concession de service, il s'est borné à constater qu'il confiait à titre exclusif l'exploitation des mobiliers à des fins publicitaires à son attributaire, pour en déduire qu'aucun risque n'était transféré à ce dernier. En statuant ainsi, sans rechercher si la société attributaire du contrat assumait un risque réel d'exploitation, il a commis une erreur de droit.
Il résulte de l'instruction que le contrat litigieux ne comporte aucune stipulation prévoyant le versement d'un prix à son titulaire. Celui-ci est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d'espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu'aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter.
Il en résulte le principe précité (voir pour une solution opposée CE 2° et 7° ch.-r., 24 mai 2017, n° 407213, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0881WED).
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Réf. : Cons. const., décision n° 2018-707 QPC du 25 mai 2018 (N° Lexbase : A1489XPT)
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N4190BXH
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 30 Mai 2018
►L'absence de sanction du dépassement du délai de rétrocession d'un bien préempté par la SAFER, qui résulte de l’article L. 142-4 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L3148LDX), tel qu'interprété par une jurisprudence constante, a été validée par le Conseil constitutionnel aux termes d’une décision rendue le 25 mai 2018 (Cons. const., décision n° 2018-707 QPC du 25 mai 2018 N° Lexbase : A1489XPT).
La question prioritaire de constitutionnalité portait sur les mots «et qui ne peut excéder cinq ans» figurant à l'article L. 142-4 du Code rural et de la pêche maritime. Les requérants soutenaient que, faute de sanction lorsqu'il n'est pas respecté, le délai de rétrocession auquel ces dispositions conditionnent l'exercice du droit de préemption serait privé d'effectivité, et qu’il en résulterait une méconnaissance du droit de propriété, de la liberté contractuelle et de la liberté d'entreprendre.
Pour écarter les griefs, les Sages rappellent, en premier lieu, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 143-2 (N° Lexbase : L2840KIZ), l'exercice du droit de préemption par la SAFER a pour objet l'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs, la sauvegarde du caractère familial des exploitations agricoles, la lutte contre la spéculation foncière ainsi que certains objectifs de remembrement rural ou de mise en valeur et de protection des paysages. Sous peine de nullité, l'article L. 143-3 du même code (N° Lexbase : L3373AEN) fait obligation à la SAFER de justifier sa décision de préemption «par référence explicite et motivée» à l'un de ces objectifs. En subordonnant l'exercice de ce droit à la rétrocession, dans un délai de cinq ans, du bien préempté, le législateur a entendu garantir que ce droit ne soit utilisé que conformément à l'une des finalités d'intérêt général précitées. D'autre part, si le dépassement du délai prévu par les dispositions contestées n'entraîne pas la cession automatique du bien préempté à l'acquéreur évincé ou l'annulation de la préemption, la SAFER demeure tenue à une obligation de rétrocession conforme aux finalités d'usage du droit de préemption. L'éventualité d'un détournement de la loi ou d'un abus lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité. En outre, la personne à laquelle la rétrocession tardive ou l'absence de rétrocession du bien préempté cause préjudice peut exercer une action en responsabilité dans les conditions du droit commun afin d'en obtenir réparation. Enfin, il appartient à la juridiction compétente de veiller à ce que la durée de détention du bien préempté ne conduise pas à la méconnaissance de l'objet pour lequel la loi a institué le droit de préemption.
En second lieu, la durée de la détention d'un bien préempté en pleine propriété, au-delà du délai légal de rétrocession, par la SAFER, qui est tenue de prendre toute mesure conservatoire nécessaire, n'a pas à elle seule d'incidence sur sa valeur ni sur celle des biens détenus par d'autres personnes.
Le Conseil constitutionnel déduit alors de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas au droit de propriété, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Les griefs tirés de la méconnaissance de ce droit et de ces libertés doivent donc être écartés, et les dispositions attaquées doivent être déclarées conformes à la Constitution (cf. l’Ouvrage «Droit rural» N° Lexbase : E8733E9C).
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Réf. : Cons. const., décision n° 2018-707 QPC du 25 mai 2018 (N° Lexbase : A1489XPT)
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N4190BXH
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 30 Mai 2018
►L'absence de sanction du dépassement du délai de rétrocession d'un bien préempté par la SAFER, qui résulte de l’article L. 142-4 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L3148LDX), tel qu'interprété par une jurisprudence constante, a été validée par le Conseil constitutionnel aux termes d’une décision rendue le 25 mai 2018 (Cons. const., décision n° 2018-707 QPC du 25 mai 2018 N° Lexbase : A1489XPT).
La question prioritaire de constitutionnalité portait sur les mots «et qui ne peut excéder cinq ans» figurant à l'article L. 142-4 du Code rural et de la pêche maritime. Les requérants soutenaient que, faute de sanction lorsqu'il n'est pas respecté, le délai de rétrocession auquel ces dispositions conditionnent l'exercice du droit de préemption serait privé d'effectivité, et qu’il en résulterait une méconnaissance du droit de propriété, de la liberté contractuelle et de la liberté d'entreprendre.
Pour écarter les griefs, les Sages rappellent, en premier lieu, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 143-2 (N° Lexbase : L2840KIZ), l'exercice du droit de préemption par la SAFER a pour objet l'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs, la sauvegarde du caractère familial des exploitations agricoles, la lutte contre la spéculation foncière ainsi que certains objectifs de remembrement rural ou de mise en valeur et de protection des paysages. Sous peine de nullité, l'article L. 143-3 du même code (N° Lexbase : L3373AEN) fait obligation à la SAFER de justifier sa décision de préemption «par référence explicite et motivée» à l'un de ces objectifs. En subordonnant l'exercice de ce droit à la rétrocession, dans un délai de cinq ans, du bien préempté, le législateur a entendu garantir que ce droit ne soit utilisé que conformément à l'une des finalités d'intérêt général précitées. D'autre part, si le dépassement du délai prévu par les dispositions contestées n'entraîne pas la cession automatique du bien préempté à l'acquéreur évincé ou l'annulation de la préemption, la SAFER demeure tenue à une obligation de rétrocession conforme aux finalités d'usage du droit de préemption. L'éventualité d'un détournement de la loi ou d'un abus lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité. En outre, la personne à laquelle la rétrocession tardive ou l'absence de rétrocession du bien préempté cause préjudice peut exercer une action en responsabilité dans les conditions du droit commun afin d'en obtenir réparation. Enfin, il appartient à la juridiction compétente de veiller à ce que la durée de détention du bien préempté ne conduise pas à la méconnaissance de l'objet pour lequel la loi a institué le droit de préemption.
En second lieu, la durée de la détention d'un bien préempté en pleine propriété, au-delà du délai légal de rétrocession, par la SAFER, qui est tenue de prendre toute mesure conservatoire nécessaire, n'a pas à elle seule d'incidence sur sa valeur ni sur celle des biens détenus par d'autres personnes.
Le Conseil constitutionnel déduit alors de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas au droit de propriété, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Les griefs tirés de la méconnaissance de ce droit et de ces libertés doivent donc être écartés, et les dispositions attaquées doivent être déclarées conformes à la Constitution (cf. l’Ouvrage «Droit rural» N° Lexbase : E8733E9C).
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Réf. : Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-18.918, F-P+B+I (N° Lexbase : A1513XPQ)
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N4191BXI
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par Vincent Téchené
Le 30 Mai 2018
► Le respect du principe constitutionnel de nécessité des peines, dont découle la règle de l’application immédiate de la loi pénale plus douce, commande que, lorsque le juge civil est amené à prononcer une sanction ayant le caractère d’une punition telle que l’interdiction de gérer prévue par l’article L. 653-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L2082KG9), la loi nouvelle moins sévère reçoive application aux procédures collectives en cours. Dès lors, en ce qu’elle exige dorénavant, pour l’application de la sanction de l’interdiction de gérer, que l’omission de la demande d’ouverture d’une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements soit faite "sciemment", la loi du 6 août 2015 (N° Lexbase : L4876KEC) a modifié, dans un sens moins sévère, les conditions de la sanction de sorte que cette loi doit être appliquée à une situation antérieure au 8 août 2015. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu le 24 mai 2018 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-18.918, F-P+B+I N° Lexbase : A1513XPQ).
En l’espèce, le 31 octobre 2013, un tribunal de commerce a, sur déclaration de cessation des paiements, ouvert la liquidation judiciaire d’une société et fixé la date de cessation des paiements au 31 mai 2013. Puis, le 18 mars 2014, le tribunal a, sur assignation de deux salariés, prononcé la liquidation judiciaire d’une autre société, la date de cessation des paiements étant fixée au 27 septembre 2013. Estimant que les liquidations judiciaires de ces deux sociétés, dirigées par la même personne, avaient mis en évidence des fautes de gestion de la part de ce dernier, le procureur de la République a saisi le tribunal d’une demande de sanctions, lequel a condamné l’intéressé à une interdiction de gérer pour une durée de trois ans.
La cour d’appel (CA Versailles, 30 mars 2017, n° 16/05824 N° Lexbase : A7082US4) confirme le jugement, retenant notamment que les sanctions pénales, d’une part, et les sanctions pécuniaires et personnelles qui peuvent être prononcées par les juridictions civiles ou commerciales dans le cadre des procédures collectives, d’autre part, sont de nature différente et qu’à défaut de disposition spécifique de la loi du 6 août 2015 rendant la modification de l’article L. 653-8, qui sanctionne désormais d’une mesure d’interdiction de gérer celui qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, le nouveau texte n’est applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après le 8 août 2015. Tel n’étant pas le cas des procédures collectives en l’espèce, il n’y a pas lieu de rechercher si la cessation des paiements avait été sciemment déclarée tardivement par le dirigeant.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l’arrêt d’appel au visa du principe de nécessité des peines reconnu par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1372A9P) et de l’article L. 653-8, alinéa 3, du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E4103EXA).
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Réf. : Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-18.918, F-P+B+I (N° Lexbase : A1513XPQ)
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N4191BXI
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par Vincent Téchené
Le 30 Mai 2018
► Le respect du principe constitutionnel de nécessité des peines, dont découle la règle de l’application immédiate de la loi pénale plus douce, commande que, lorsque le juge civil est amené à prononcer une sanction ayant le caractère d’une punition telle que l’interdiction de gérer prévue par l’article L. 653-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L2082KG9), la loi nouvelle moins sévère reçoive application aux procédures collectives en cours. Dès lors, en ce qu’elle exige dorénavant, pour l’application de la sanction de l’interdiction de gérer, que l’omission de la demande d’ouverture d’une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements soit faite "sciemment", la loi du 6 août 2015 (N° Lexbase : L4876KEC) a modifié, dans un sens moins sévère, les conditions de la sanction de sorte que cette loi doit être appliquée à une situation antérieure au 8 août 2015. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu le 24 mai 2018 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-18.918, F-P+B+I N° Lexbase : A1513XPQ).
En l’espèce, le 31 octobre 2013, un tribunal de commerce a, sur déclaration de cessation des paiements, ouvert la liquidation judiciaire d’une société et fixé la date de cessation des paiements au 31 mai 2013. Puis, le 18 mars 2014, le tribunal a, sur assignation de deux salariés, prononcé la liquidation judiciaire d’une autre société, la date de cessation des paiements étant fixée au 27 septembre 2013. Estimant que les liquidations judiciaires de ces deux sociétés, dirigées par la même personne, avaient mis en évidence des fautes de gestion de la part de ce dernier, le procureur de la République a saisi le tribunal d’une demande de sanctions, lequel a condamné l’intéressé à une interdiction de gérer pour une durée de trois ans.
La cour d’appel (CA Versailles, 30 mars 2017, n° 16/05824 N° Lexbase : A7082US4) confirme le jugement, retenant notamment que les sanctions pénales, d’une part, et les sanctions pécuniaires et personnelles qui peuvent être prononcées par les juridictions civiles ou commerciales dans le cadre des procédures collectives, d’autre part, sont de nature différente et qu’à défaut de disposition spécifique de la loi du 6 août 2015 rendant la modification de l’article L. 653-8, qui sanctionne désormais d’une mesure d’interdiction de gérer celui qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, le nouveau texte n’est applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après le 8 août 2015. Tel n’étant pas le cas des procédures collectives en l’espèce, il n’y a pas lieu de rechercher si la cessation des paiements avait été sciemment déclarée tardivement par le dirigeant.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l’arrêt d’appel au visa du principe de nécessité des peines reconnu par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1372A9P) et de l’article L. 653-8, alinéa 3, du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E4103EXA).
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newsid:464191
Réf. : CAA Nantes, 17 mai 2018, n° 17NT00472 (N° Lexbase : A1506XPH)
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N4208BX7
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par Marie-Claire Sgarra
Le 30 Mai 2018
►Si le jeu de poker fait intervenir des distributions aléatoires de cartes, un joueur peut parvenir, grâce à l’expérience, la compétence, l’habileté et la stratégie à atténuer le caractère aléatoire du résultat et à accroître sa possibilité de percevoir des gains importants et réguliers. Dès lors qu’une personne se livre à une pratique habituelle de ce jeu dans l’intention d’en tirer des bénéfices, ceux-ci doivent être regardés comme tirés d’une occupation lucrative ou d’une source de profits, au sens des dispositions de l’article 92 du Code général des impôts (N° Lexbase : L1704IZ7) et imposables en application de cet article.
Telle est la solution retenue par la cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt du 17 mai 2018 (CAA Nantes, 17 mai 2018, n° 17NT00472 N° Lexbase : A1506XPH).
En l’espèce le requérant a été imposé à l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application de l’article 92 du CGI précité, au titre des années 2009 à 2011, ainsi qu’à la contribution sur les hauts revenus au titre de cette dernière année sur les bénéfices imposables de son activité de joueur de poker. Ces impositions ont été assorties de l’intérêt de retard et de la pénalité pour activité occulté prévue à l’article 1728 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9389LH9). Le tribunal administratif de Rennes décharge le requérant en droits et pénalités de la cotisation supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2009 et rejette le surplus de sa demande. Le requérant relève appel de la seconde partie de ce jugement.
La cour administrative d’appel, pour confirmer le jugement du tribunal administratif relève que le requérant a participé en 2010 et 2011 à plusieurs tournois de poker en France et à l’étranger où il s’est classé à plusieurs reprises dans les premières places. Il a également régulièrement pratiqué le poker sur des sites de jeu en ligne. Ainsi, il a bénéficié d’une notoriété dans le domaine de ce jeu et, eu égard au caractère habituel de cette activité, génératrice de revenus importants, doit être regardé comme ayant exercé une activité lucrative de joueur de poker lui procurant des profits réguliers imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X5858ALK).
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newsid:464208
Réf. : Cass. com., 24 mai 2018, n° 16-23.036, F-P+B+I (N° Lexbase : A1510XPM)
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N4216BXG
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par Vincent Téchené
Le 30 Mai 2018
► La disproportion éventuelle de l’engagement d’une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s’apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels. Tel est le rappel opéré par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 24 mai 2018 (Cass. com., 24 mai 2018, n° 16-23.036, F-P+B+I N° Lexbase : A1510XPM ; cf. dans le même sens, Cass. civ. 1, 25 novembre 2015, n° 14-24.800, F-D N° Lexbase : A0737NYX).
En l’espèce, le remboursement d’un prêt a été cautionné par une société brassicole qui a elle-même obtenu la garantie d’un associé de la société débitrice, à hauteur de la somme de 48 300 euros. Cette dernière s’étant montrée défaillante, la société brassicole caution s’est acquittée de la somme de 36 402,46 euros envers la banque, puis a assigné l’associé sous-caution en paiement. Celui-ci a opposé le caractère manifestement disproportionné de son engagement.
L’arrêt d’appel (CA Aix-en-Provence, 17 décembre 2015, n° 13/15990 N° Lexbase : A2623N9Z) condamne la sous-caution à payer à la caution la somme de 36 402,46 euros, outre intérêts. Il retient que, même si son engagement de caution représente deux années et demi de revenus professionnels, il n’est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus, au sens des dispositions de l’article L. 341-4 (N° Lexbase : L8753A7C), devenu L. 332-1 (N° Lexbase : L1162K78), du Code de la consommation, dès lors que son épouse, séparée de biens, perçoit un revenu fixe et est propriétaire d’un bien immobilier, ce qui lui permet de contribuer dans de larges proportions à la subsistance de la famille et d’assurer son logement.
Enonçant le principe précité, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 341-4, ancien, du Code de la consommation et 1536 du Code civil (N° Lexbase : L1647ABM) : en statuant ainsi, alors qu’elle ne pouvait déduire que l’engagement de la caution était proportionné à ses biens et revenus du fait que son conjoint séparé de biens était en mesure de contribuer de manière substantielle aux charges de la vie courante, la cour d’appel a violé le texte visé (cf. l’Ouvrage «Droit des sûretés» N° Lexbase : E2228GAR).
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newsid:464216
Réf. : Cass. soc., 24 mai 2018, n° 17-12.560, FS-P+B (N° Lexbase : A5428XPQ)
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N4268BXD
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par Blanche Chaumet
Le 30 Mai 2018
►Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement faisant suite à des difficultés économiques qui résultaient d’agissements fautifs de l’employeur, allant au-delà des seules erreurs de gestion. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 24 mai 2018 (Cass. soc., 24 mai 2018, n° 17-12.560, FS-P+B N° Lexbase : A5428XPQ).
En l’espèce, au 1er janvier 2009, le groupe Legris était organisé en trois divisions industrielles, dont la division Keyria regroupant trente et une sociétés ayant pour activité la conception et l’installation d’usines et des équipements de production de matériaux de construction. La société Keyria, elle-même détenue par la société Legris Industrie par l’intermédiaire des sociétés Legris Industries Partner 1 et Legris Industrie FE, était la société holding de la division Keyria et avait pour activité l’accomplissement de prestations de services au profit de l’ensemble des sociétés de la division dans différents domaines (comptabilité, fiscalité, communication..). En 2009, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Keyria, puis, par jugement du 9 juin 2010 a arrêté le plan de sauvegarde de la société. Dans le même temps, la plupart des filiales françaises de la division Keyria ont fait l’objet de liquidations judiciaires. Mme X, engagée le 6 novembre 2007 par la société Keyria et exerçant en dernier lieu les fonctions d’assistante de direction, a été licenciée pour motif économique le 1er février 2010. La salariée a saisi la juridiction prud’homale afin de voir constater à titre principal que la société Legris Industries était son coemployeur et que celle-ci n’ayant pas élaboré de plan de sauvegarde de l’emploi, son licenciement était nul. A titre subsidiaire, elle a demandé de voir constater que le motif économique invoqué résultait d’une faute et à tout le moins d’une légèreté blâmable de son employeur et a demandé la condamnation de la société Keyria à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour d’appel ayant considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et ayant condamné la société Keyria à verser à la salariée des dommages-intérêts à cet effet, cette dernière s’est pourvue en cassation.
Cependant en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi en précisant que la cour d’appel a constaté, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que la société Keyria avait fait procéder au cours des années 2007 et 2008 à une remontée de dividendes de la part des sociétés filiales françaises, dans des proportions manifestement anormales compte tenu des marges d’autofinancement nécessaires à ces sociétés exerçant une activité dans un domaine par nature cyclique, et alors que certaines d’entre elles étaient déjà en situation déficitaire et que d’autres avaient des besoins financiers pour se restructurer et s’adapter à de nouveaux marchés, que ces remontées importantes opérées par l’actionnaire, réduisant considérablement les fonds propres et les capacité d’autofinancement de ces sociétés filiales, a provoqué leurs difficultés financières et par voie de conséquence celles de la société Keyria dont l’activité était exclusivement orientée vers les filiales (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E9283ESM).
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Réf. : Cass. com., 3 mai 2018, n° 15-20.348, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4379XM7)
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N4185BXB
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par Bernard Saintourens, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 30 Mai 2018
Liquidation judiciaire / Contribution des associés aux pertes / Exclusivité de l'action du liquidateur / Ordonnance du 12 mars 2014
L’article 1832 du Code civil (N° Lexbase : L2001ABQ) pose, à son dernier alinéa, une règle fondamentale du droit des sociétés, au champ d’application le plus étendu puisqu’il concerne indistinctement les sociétés à risque limité ou illimité, qu’elles soient civiles ou commerciales. Ce texte dispose : «Les associés s’engagent à contribuer aux pertes» et ne souffre d’aucun caractère supplétif. La distinction, bien connue, avec l’obligation aux dettes qui, elle, ne concerne que les sociétés à risque illimité et peut contraindre les associés à payer les dettes de la société en cours de vie sociale, tient à ce que la contribution aux pertes, visées par l’article 1832 du Code civil ne peut être mise en œuvre que lorsque la société est dissoute, dans le cadre des opérations de liquidation, et qu’il apparaît que l’actif social ne permet pas de couvrir les obligations de paiement auxquelles la société se trouve tenue. C’est bien ainsi que la Cour de cassation elle-même l’avait compris, lorsqu’elle affirmait que «c’est seulement en cas de dissolution de la société que celle-ci peut agir contre ses membres en paiement de ses pertes» [1]. Avant la dissolution, les «pertes» ne sont envisagées que sur le terrain comptable et ne déclenchent, sauf règle spéciale, légale ou conventionnelle, aucune obligation pour les associés [2].
La question à laquelle s’est trouvée confrontée la Cour de cassation, dans son arrêt en date du 3 mai 2018, porte sur le point de savoir comment cette contribution aux pertes peut être mise en œuvre lorsque la société fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. L’essentiel de la position prise par la Haute juridiction figure dans l’attendu de principe aux termes duquel il ressort que «lorsqu’une société est en liquidation judiciaire, seul le liquidateur peut agir sur le fondement de l’article 1832 du Code civil contre les associés en fixation de leur contribution aux pertes». Par quelques arrêts antérieurs [3], la Cour de cassation avait eu l’occasion de se prononcer sur le même point de droit et l’on retrouve dans l’arrêt rapporté un libellé semblable à celui figurant dans ces précédents. L’attention est attirée sur le fait que le présent arrêt est retenu pour figurer au Bulletin, alors qu’il en était déjà ainsi pour les décisions antérieures précitées, ce qui laisse supposer que la Haute juridiction entend donner un signal qu’il est, dès lors, opportun de prendre en compte.
Si, par cette réitération médiatisée, la Chambre commerciale entend ancrer de manière ferme la position qu’elle adopte, on ne peut, au regard du droit applicable à l’affaire dont elle a eu à connaître, qu’exprimer son assentiment (I). Pour autant, au regard du droit positif, tel qu’il résulte de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 (N° Lexbase : L7194IZH), l’interrogation demeure de savoir si cette position est toujours d’actualité (II).
I - La position de la Cour de cassation au regard du droit antérieur à l’ordonnance du 12 mars 2014
L’article 1844-7 du Code civil (N° Lexbase : L3736HBY) retenait, à son 7°, que la société était dissoute par l’effet du jugement prononçant la liquidation judiciaire. Par voie de conséquence, il y avait un recouvrement de la liquidation de la société, consécutive à sa dissolution, selon les prévisions du droit des sociétés (C. civ., art. 1844-8 N° Lexbase : L2028ABQ : «La dissolution de la société entraîne sa liquidation»), et de la réalisation de cette liquidation par le biais des règles spéciales contenues au livre VI du Code de commerce concernant les entreprises en difficulté. Le cadre normatif, s’il avait pour inconvénient, notamment, d’emporter la cessation des fonctions des dirigeants en place, avait au moins l’avantage de l’unité de modalités de réalisation des opérations de liquidation de la société : elles avaient lieu dans le cadre de la procédure collective, sous la conduite du liquidateur judiciaire.
Dans ce contexte, le mandataire liquidateur avait effectivement compétence pour mettre en œuvre la contribution aux pertes, sur le fondement tout à la fois de l’article 1832 du Code civil (source de l’obligation) et L. 641-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L7329IZH compétence du liquidateur). On relève que ce sont bien ces deux textes qui figurent au visa de l’arrêt commenté et, dès lors, la décision est en conformité avec le droit applicable à l’affaire. L’affirmation, contenue dans l’arrêt selon laquelle «lorsqu’une société est en liquidation judiciaire, seul le liquidateur peut agir sur le fondement de l’article 1832 du Code civil contre les associés en fixation de leur contribution aux pertes sociales», ne saurait donc être contestée, dès lors que la liquidation judiciaire de la société concernée avait été prononcée en 2012.
La décision commentée est bien en conformité avec la conception de la contribution aux «pertes», qui ne peuvent apparaître qu’à l’occasion de la dissolution de la société et faire naître, à ce moment-là, l’obligation pour les associés d’y répondre, puisque la liquidation judiciaire (au sens du droit des procédures collectives) est une cause de dissolution (au sens du droit des sociétés). L’appel à la contribution aux pertes qui émane, hors procédure collective, du liquidateur (dit «amiable», par commodité) doit résulter, en liquidation judiciaire, du mandataire liquidateur, en vertu du dessaisissement qui frappe le débiteur, qu’il soit une personne physique ou morale. Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans l’arrêt commenté, et à la différence des deux précédents signalés ci-dessus, la Haute juridiction précise que «seul» le mandataire liquidateur peut agir à l’encontre des associés en contribution aux pertes, ce qui est effectivement une conséquence du dessaisissement des représentants légaux, du fait de l’ouverture de la liquidation judiciaire de la société.
A s’en tenir à cette approche, et sous cette précision, l’arrêt n’est que la reprise des positions déjà exprimées par la Cour de cassation, dans les arrêts précités de 2011 et 2016, et sauf à penser que la Haute juridiction considère que les professionnels du droit et les justiciables, sans doute parfois un peu inattentifs, ont besoin d’un rappel justifiant la publication de ce troisième arrêt au Bulletin, on ne comprend guère, à première vue, l’utilité de cette médiatisation.
Toutefois, à l’examen de l’arrêt, on peut se demander si la Cour de cassation n’entend pas justement réitérer sa position, en 2018, pour montrer qu’elle aurait vocation à s’appliquer aujourd’hui comme hier et, pour être clair, avant comme après la réforme réalisée par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, applicable à compter du 1er juillet 2014. On peut regretter que la Haute juridiction ne le dise pas plus clairement ou, au moins, comme elle le fait pourtant habituellement, ne mentionne pas qu’elle se prononce en considération du droit alors applicable à l’espèce. Certes, les articles 1832 du Code civil et L. 641-9 du Code de commerce n’ont subi, depuis lors, aucune modification mais ils ne sont pas les seuls à intervenir à propos d’une question relative à la contribution des associés aux pertes d’une société. L’article 1844-7 du Code civil paraît bien jouer, sur ce point, un rôle majeur. Or, lui a justement été réformé en 2014 et cette modification pourrait bien avoir un impact sur le point de droit à propos duquel la Chambre commerciale se prononce par l’arrêt sous examen.
II - La position de la Cour de cassation au regard du droit postérieur à l’ordonnance du 12 mars 2014
En modifiant le 7° de l’article 1844-7 du Code civil (N° Lexbase : L7356IZH), l’ordonnance du 12 mars 2014 a réduit l’hypothèse de la dissolution de la société au jugement ordonnant «la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif». Nécessairement, il n’y a plus recouvrement de la liquidation selon le droit des sociétés, puisqu’elle est repoussée au jugement de clôture de la liquidation judiciaire, et la mise en œuvre de la liquidation judiciaire, selon le droit des procédures collective, qui commence dès le jugement qui la prononce. Cet aspect de la réforme réalisée par l’ordonnance du 12 mars 2014 n’a peut-être pas été clairement identifié et l’arrêt commenté a le mérite de remettre en lumière ce point de droit, finalement délicat.
Si l’on considère que la position adoptée par la Cour de cassation doit demeurer pertinente au-delà du 1er juillet 2014, il faut alors comprendre que la liquidation judiciaire selon le droit des procédures collectives est une liquidation selon le droit des sociétés. C’est seulement dans cette conception des choses que l’on peut valider la position selon laquelle seul le liquidateur judiciaire peut agir, sur le fondement de l’article 1832 du Code civil contre les associés en fixation de leur contribution aux dettes. Cette contribution étant liée à la liquidation de la société, le mandataire liquidateur aurait bien vocation à la mettre en œuvre.
Toutefois, cette conception n’emporte pas forcément l’adhésion. Puisque la dissolution de la société ne résulte, par suite de l’ordonnance de 2014, que du jugement qui ordonne la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, cela laisse place à une survie de la personne morale qu’est la société dans les autres situations dans lesquelles elle peut se trouver.
D’abord, la mise en liquidation judiciaire n’est pas une cause de dissolution et tant que l’issue de cette procédure n’est pas actée, la société n’étant pas dissoute, les associés ne devraient pas se trouver tenus de répondre à une contribution aux pertes. Ce n’est pas anormal puisque la condition d’ouverture de la liquidation judiciaire tient d’abord, en principe, à la constatation de l’état de cessation des paiements, lequel ne concerne pas l’état comptable susceptible de faire apparaître des pertes, mais seulement des dettes, constituant un passif exigible que l’actif disponible ne permet pas de couvrir. Il ne s’agit donc pas des mêmes sommes en jeu. En outre, au stade de l’ouverture de la liquidation judiciaire, on ne sait pas encore quel en sera le sort. Une cession d’actifs (par exemple un fonds de commerce ou un immeuble) peut bien aboutir à ce que les dettes soient couvertes. Les associés n’ont donc pas vocation à couvrir, par anticipation, des pertes dont on ne sait même pas si elles existeront. Il en est de même lorsque la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour extinction du passif. Cette hypothèse n’est pas non plus, depuis 2014, une cause de dissolution, de sorte que les associés auraient été anormalement poursuivis en couverture de pertes, alors qu’en définitive, il n’y en avait pas. Dans ces hypothèses, on se retrouverait dans une situation curieuse : une société qui n’est pas dissoute et des associés contraints à couvrir des pertes, qui ne peuvent apparaître qu’à la suite d’une dissolution.
En définitive, la position prise par la Cour de cassation ne paraît compatible avec l’état du droit postérieur à l’ordonnance du 12 mars 2014 que si l’on considère que la liquidation judiciaire est une liquidation au sens du droit des sociétés et qu’elle permet donc de déclencher la contribution des associés aux pertes sociales, alors même qu’elle ne constituerait pas une cause de dissolution. Une telle modification de l’état du droit mériterait sans doute plus qu’une déduction issue d’un arrêt qui n’en dit pas un mot.
S’il fallait admettre que la position, adoptée dans l’arrêt commenté, et validée au regard du droit antérieur à l’ordonnance de 2014, puisse demeurer pertinente en contemplation du droit postérieur à cette ordonnance, l’impact pourrait être sensible pour la situation des associés. Si dans les sociétés à risque illimité, ils peuvent être conduits à payer les dettes sociales en cours de vie sociale comme à la suite d’une liquidation de la société, qu’elle soit amiable ou judiciaire, il n’en est pas de même pour les associés (ou actionnaires) des sociétés à risque limité, bien plus nombreuses dans le monde des affaires. Pour ces derniers, l’action en contribution aux pertes, diligentée par le mandataire liquidateur, constituerait une aggravation de leurs obligations chaque fois que cette action serait menée alors même que le jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif n’a pas eu lieu, seule hypothèse légale de dissolution provoquée par la procédure collective ouverte à l’égard d’une société.
En conclusion, on ne peut qu’espérer vivement qu’un contentieux relevant du droit issu de l’ordonnance du 12 mars 2014 permette à la Cour de cassation de statuer clairement sur la pertinence du maintien de la position adoptée en contemplation du droit antérieur à cette ordonnance.
[1] Cass. com., 3 mars 1975, n° 73-13.721, publié N° Lexbase : A4299A7D), Rev. Sociétés, 1975, p. 454, note D. Randoux.
[2] V. sur ce point, not. M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, LexisNexis, 30ème éd., n° 212 et 216.
[3] V. not. Cass. com. 20 septembre 2011, n° 10-24.888, F-P+B (N° Lexbase : A9524HXZ), Rev. Sociétés, 2011, p. 691, obs. X. Prévost ; RTDCom., 2011, p. 771, obs. M.-H. Monsérié-Bon ; JCP éd. E, 2011, 1804, obs. R. Mortier ; Act. proc. coll., 2011, Alerte 278, obs. J.-Ph. Pagnucco ; Dr. Sociétés, 2011, comm. 212, obs. H. Hovasse ; D. Gibirila, Lexbase, éd. aff., 2011, n° (N° Lexbase : N8104BSX) ; Cass. com., 27 septembre 2016, n° 15-13.348, F-P+B (N° Lexbase : A7279R4D), Rev. Sociétés, 2016, p. 768, obs. L.-C. Henry ; Rev. Sociétés, 2017, p. 362, nos obs. ; P.-M. Le Corre in Chron., Lexbase, éd. aff., 2016, n° 673 (N° Lexbase : N4791BWD).
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Réf. : CE, 5° et 6° ch.-r., 23 mai 2018, n° 416313, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7777XND)
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N4189BXG
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par Yann Le Foll
Le 30 Mai 2018
La décision de réintégration prise à la suite d’une décision du juge des référés ayant suspendu l'exécution d'une mesure excluant du service un agent public peut être retirée par l'autorité compétente si le recours tendant à l'annulation de la décision initiale d'exclusion du service est ensuite rejeté, mais uniquement dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle le jugement rejetant la demande d'annulation a été notifié à l'administration. Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 23 mai 2018 (CE 5° et 6° ch.-r., 23 mai 2018, n° 416313, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7777XND).
Le ministre de l'Intérieur disposait d'un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement du 14 avril 2016 du tribunal administratif de Besançon rejetant la demande de la requérante tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2015 excluant définitivement du service le requérant pour retirer les décisions, par nature provisoires, qu'il avait prises à la suite de l'ordonnance du 9 juin 2015 par laquelle le juge des référés avait suspendu l'exécution de cet arrêté.
Le ministre s'étant abstenu de prononcer dans ce délai le retrait de la décision de réintégration provisoire du 30 juin 2015 et de la décision du 4 mars 2016 nommant l'intéressé comme stagiaire, celles-ci sont donc devenues définitives (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E3109E4W).
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Réf. : Cass. crim., 24 mai 2018, n° 17-86.340, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4662XPD)
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N4209BX8
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par Marie Le Guerroué
Le 30 Mai 2018
►Doit être rejetée l’exception de prescription de l’action publique, dès lors que la prescription des infractions continues ne court qu’à partir du jour où elles ont pris fin dans leurs actes constitutifs et dans leurs effets, et que ce point de départ ne peut être déterminé. Telle est l'une des solutions rendues par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 24 mai 2018 (Cass. crim., 24 mai 2018, n° 17-86.340, FS-P+B+I N° Lexbase : A4662XPD).
Dans cette affaire, le Gouvernement argentin avait demandé l’extradition de M. X dans le cadre de poursuites exercées à son encontre pour tortures, tortures suivies de mort, privation illégale de liberté aggravée et crimes contre l’humanité. Ces poursuites visaient des agissements imputés à l’intéressé au sein des forces de police lors de la dictature militaire ayant occupé le pouvoir en Argentine entre 1976 et 1983. M. X, appréhendé le 13 juin 2013, avait été présenté le lendemain aux autorités judiciaires et avait déclaré ne pas consentir à son extradition. Il avait été placé sous contrôle judiciaire. Par arrêt du 28 mai 2014, la chambre de l’instruction avait émis un avis partiellement favorable à la demande d’extradition. M. X avait formé un premier pourvoi en cassation. Par arrêt du 18 février 2015 (Cass. crim., 18 février 2015, n° 14-84.193, F-D N° Lexbase : A0134NCX), la Chambre criminelle avait cassé en toutes ses dispositions ledit arrêt et renvoyé l’affaire devant la chambre de l’instruction. Cette dernière avait émis un avis partiellement favorable à la demande d’extradition pour les seuls faits qualifiés, en droit français, de détention ou séquestration d’une personne, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, précédée ou accompagnée de tortures, et, en droit argentin, de privation illégale de liberté aggravée, de tortures, ainsi que de crimes contre l’humanité, dont il aurait été l’auteur sur la personne de M. Y. M. X avait, alors, formé un pourvoi en cassation.
La Chambre criminelle rappelle, d’abord, que, s’il appartient aux juridictions françaises, lorsqu’elles se prononcent sur une demande d’extradition, de vérifier si les faits pour lesquels l’extradition est demandée étaient incriminés par l’Etat requérant au moment de leur commission, il ne leur appartient pas de vérifier si ces faits ont reçu, de la part des autorités de cet Etat, une exacte qualification juridique au regard de la loi pénale de ce dernier. Aussi, elle conclut qu'en émettant un avis partiellement favorable à l’extradition de M. X, la chambre de l’instruction a justifié sa décision.
La Chambre criminelle estime, ensuite, que la chambre de l’instruction, en ayant répondu aux articulations essentielles du mémoire relatives à l’absence alléguée de garanties d’un procès équitable dans son avis, a satisfait aux conditions essentielles de son existence légale. Elle note, en effet, que celle-ci avait relevé :
- que la République argentine était partie à de nombreux instruments internationaux, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention américaine des droits de l’Homme, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants ;
- qu’elle avait, en outre, signé un traité d’extradition avec la République française, récemment ratifié par les deux Etats ;
- et que ces éléments ne permettaient pas de douter de l’indépendance et de l’impartialité de la justice argentine.
De surcroît, la cour notait que les autorités requérantes exposaient dans leur demande que M. X aurait la possibilité de contester les preuves réunies à son encontre et que cette phase d’instruction pourra être suivie d’une phase de jugement au cours de laquelle une formation collégiale décidera sur sa culpabilité. Elle avait donc déduit que la crainte exprimée par la personne réclamée de ne pas bénéficier, de la part de la justice argentine, de la présomption d’innocence et d’un procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR) était dénuée de fondement.
La Chambre criminelle relève, enfin, que pour rejeter l’exception de prescription de l’action publique invoquée par l’avocat de M. X, qui soutenait que le délai de dix ans prévu par l’article 7 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9879IQX) était expiré à la date de la demande d’extradition, le 2 août 2012, l’arrêt énonçait :
- que M. Y. n’était pas réapparu depuis la fin de l’année 1976 ;
- que son corps n’avait pas non plus été retrouvé ;
- que le sort qui lui a été réservé demeurait encore inconnu à ce jour ;
- qu’il ne pouvait être affirmé que sa détention ou séquestration arbitraire avait cessé, et ce, quand bien même la dictature militaire avait pris fin en Argentine en 1983 ;
- et, de même, qu'il importait peu que M. X ait quitté l’Argentine pour la France en 1985, il suffisait d’estimer plausible son implication dans la séquestration de M. Y qui avait commencé immédiatement après son enlèvement à son domicile le 30 octobre 1976 ;
- et que la fin de la séquestration de M. Y ne pouvait être fixée de manière arbitraire et théorique en 1983, époque à laquelle la dictature militaire avait cessé en Argentine.
Dans cette situation, la chambre de l'instruction avait conclu que la prescription de la séquestration dont il avait été victime n’avait pas commencé à courir, l’infraction n’ayant pas pris fin.
La Chambre criminelle, en l’état de ces motifs et eu égard à la solution précitée, conclut que la chambre de l’instruction, a, dans son avis, satisfait aux conditions essentielles de son existence légale (v, contra, Cass. crim., 18 février 2015, n° 14-84.193, F-D). Le pourvoi de M. X est, par conséquent, rejeté (cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E5925EY4 et N° Lexbase : E2780EUI).
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Réf. : CE 3°, 8°, 9° et 10° ch.-r., 9 mai 2018, n° 389563, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6256XMN)
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N4193BXL
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par Paul Duvaux, Avocat fiscaliste au barreau de Paris
Le 30 Mai 2018
Par une décision du 9 mai 2018, le Conseil d'Etat vient de décider que la commission départementale des impôts directs et du chiffre d'affaires est compétente en matière d'application du régime prévu au 2 du II de l'article 39 C du Code général des impôts (N° Lexbase : L9773I3D). Ce régime prévoit, en cas de location de biens consentie par une personne physique, une limitation de la déduction des amortissements lorsque le montant de certaines charges excède le montant des loyers perçus.
Les faits et la décision du Conseil d'Etat
Il s'agit d'un contribuable qui utilisait des locaux pour, selon lui, organiser des fêtes et des réceptions. Mais l'administration a considéré que son activité devait plutôt s'analyser comme une activité de location de salle de réception.
Or toute activité de location fait l'objet d'un régime particulier prévu à l'article 39 C du Code général des impôts. Selon ce régime, la déduction des amortissements est limitée, chaque année, par la différence entre les recettes de location et les charges relatives à la location.
Le contribuable n'avait pas appliqué cette règle et faisait valoir que son activité n'était pas une activité de location stricto sensu, mais plutôt une activité d'organisation de soirées. Il a aussi fait valoir que les services fiscaux ne lui avaient pas permis de saisir la commission départementale alors pourtant que la commission est compétente "lorsque le désaccord porte sur toute question relative à l'application des règles qui régissent les amortissements" en application de l'article L 59 A du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L3314LCQ).
Sur ce point le Conseil d'Etat lui donne raison et approuve la décision de la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 5 mars 2015, n° 14LY00241 N° Lexbase : A6010XKS) qui avait annulé les rappels pour vice de procédure.
Le régime de l'article 39 C du Code général des impôts
Le régime prévu à l'article 39 C du Code général des impôts est un régime fiscal anti-abus. Il vise à réduire l'intérêt fiscal des schémas de défiscalisation basés sur des activités de location.
Ce dispositif vise à limiter chaque année l'amortissement déductible du résultat, de la différence existant entre les recettes de location et les charges de location, hors amortissement. Autrement dit, ce régime plafonne les amortissements au montant du résultat d'exploitation avant amortissement. Il empêche de faire des déficits d'exploitation par la déduction d'amortissements.
Les amortissements non déduits ne sont pas perdus. Ils sont mis en report et redeviennent déductibles lorsque le résultat d'activité devient bénéficiaire, après déduction des amortissements normaux de l'année.
C'est un décret du 15 décembre 1965 qui a institué cette limitation de déduction des amortissements des biens donnés en location par une personne physique relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Ce régime, d'abord prévu à l'article 31 A annexe II du Code général des impôts, figure à ce jour aux 2 et 3 de l'article 39 C, II du Code général des impôts à la suite des réformes de 1998 et 2006.
Au début limité aux personnes physiques, le dispositif a été étendu aux sociétés de personnes détenues par des sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés. Le législateur avait entendu remédier à un certain nombre d'anomalies auxquelles donnaient lieu les locations industrielles et notamment la création de déficits imputables par la pratique d'amortissements excessifs.
Ce régime est d'une grande importance pratique pour l'activité de location meublée. Les loueurs en meublé exercent en effet une activité de location et ils se doivent de respecter le régime de l'article 39 C du Code général des impôts.
Ce régime est relativement complexe et de nombreuses questions se posent aux praticiens qui doivent le mettre en œuvre. La plupart de ces questions n'ont pas donné lieu à des réponses dans la jurisprudence.
Le nombre limité de contentieux sur le sujet est le signe du peu d'attention des services fiscaux. Les services fiscaux contrôlent peu la mise en œuvre de ce dispositif, méconnu et complexe.
Par ailleurs, pour les particuliers, ce régime anti-abus est devenu selon moi en grande partie obsolète depuis 1982 pour les loueurs en meublé et depuis 1995 pour tous les BIC. En effet, à l'occasion de plusieurs réformes, les déficits des exploitants BIC "non professionnels" ne sont plus imputables sur le revenu global. En conséquence, il n'est plus possible de toute façon de défiscaliser, en exerçant une activité passive de location relevant des BIC.
Le régime du 39 C du Code général des impôts reste certes gênant pour les BIC professionnels au sens du 1° bis du I de l'article 156 du même Code (N° Lexbase : L3208KWQ), c'est-à-dire ceux qui s'impliquent vraiment dans l'activité.
Les exploitants BIC professionnels conservent en effet le droit d'imputer le déficit sur le revenu global. Pour les BIC professionnels, le dispositif de l’article 39 C du Code général des impôts est gênant puisqu'il aboutit presque à leur interdire d'avoir un déficit professionnel.
Mais paradoxalement le régime de l'article 39 C du Code général des impôts est très favorable pour les BIC non professionnels car il leur permet de bénéficier d'une forme de report indéfini des déficits de leur activité alors que de toute façon ce déficit n'est pas imputable sur le revenu global.
La définition de l'activité de location
Une des difficultés du régime de l'article 39 C du Code général des impôts est de définir son champ d'application puisqu'il s'applique seulement aux activités de location.
Il faut pouvoir différencier une activité de location d'une activité de prestation de services.
Cette question a donné lieu de nombreuses décisions pour l'activité de location meublée, qu'il faut distinguer de l'activité parahôtelière. Dans l'activité parahôtelière, il est considéré que les services hôteliers (notamment accueil, nettoyage des locaux, linge de maison, petit-déjeuner) excluent la qualification d'activité de location.
Il existe aussi des décisions en matière de location de bateau. La simple location de bateau relève du régime de l'article 39 C du Code général des impôts alors que la prestation de croisière n'en relève pas.
Au cas d'espèce, il pouvait effectivement y avoir discussion sur ce point. En effet si la location de salle de réception relève du 39 C du Code général des impôts, l'organisation de soirées n'en relève sans doute pas. La différence entre les deux activités est l'importance des services proposés.
La prestation n'est pas une location si le prestataire propose des services significatifs en plus de la simple mise à disposition d'une salle. Il pourrait s'agir d'un service de restauration, de vestiaire ou d'animation.
Mais au cas d'espèce, la question posée au Conseil d'Etat ne portait pas sur ce point, mais plutôt sur la compétence de la Commission départementale pour apprécier le régime de l'article 39 C du Code général des impôts.
L'obligation au dialogue dans la procédure contradictoire
La procédure de redressement fiscal est en principe une procédure contradictoire.
Le caractère contradictoire de la procédure est très fortement marqué.
Il pèse sur l'administration une forme d'obligation au dialogue, caractérisée par de multiples contraintes à plusieurs moments de la procédure : obligation du débat lors du contrôle sur place, obligation de motiver les rappels par un écrit et de répondre aux observations écrites du contribuable, obligation de proposer deux recours hiérarchiques, et enfin obligation de proposer la saisine de la commission départementale.
Le non-respect de ces contraintes entraîne en principe la nullité des rappels. En fait, le Conseil d'Etat est plus ou moins sévère avec l'administration selon les étapes concernées car, sur certains sujets, il existe une marge d'appréciation.
Le droit de saisir la commission est un droit absolu
Le Conseil d'Etat exige un strict respect du droit de saisir la commission. C'est une étape très protégée de la procédure contradictoire.
C'est ainsi que si le contribuable a été injustement privé du droit de saisir la Commission, les rappels doivent être annulés.
Par ailleurs si, après la procédure contradictoire et devant les tribunaux durant la procédure contentieuse, l'administration change d'argument sur le droit applicable (substitution de base légale) ou invoque de nouveaux arguments de fait (substitution de motifs), ces nouveaux moyens doivent être écartés d'office par le juge, car le contribuable a été privé de les contester devant la Commission (voir pour un litige sur une provision CE 9° et 10° ch.-r., 20 juin 2007, n° 290554, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8618DW4 : RJF, 10/07, n° 1131).
Le droit de saisir la commission départementale cristallise ainsi le litige et interdit aux services fiscaux de changer d'argumentaire, du moins si ce changement porte sur un point qui était de la compétence de la commission.
La compétence de la commission limitée aux questions de fait
La commission départementale est une espèce de tribunal de précontentieux, une forme de juge de paix, diversement apprécié des avocats fiscalistes.
Pour ma part, je suis très favorable à cette institution car elle permet d'avoir un avis de qualité sur les questions de fait, après un véritable débat. Il est rare que la commission départementale vous donne tort si vos arguments sont sérieux. Mais le droit de saisir la commission est limité par le fait que celle-ci n'est compétente en principe que sur les questions de fait et non sur les questions de droit. Elle ne peut se prononcer en principe que sur des questions de fait.
En pratique, la distinction n'est pas toujours flagrante entre question de droit et question de fait.
Par exemple la question de savoir si une activité de location de salle de réception incluant des services annexes est une activité de location au sens de l'article 39 C du Code général des impôts est une question de droit.
Mais il pourrait y avoir un débat avec l'administration sur l'existence et l'importance de ces services annexes. Selon moi un tel débat relève des questions de fait.
Compétence de la commission sur les questions de droit relatives aux amortissements et aux provisions
Dans certains cas, la commission est même compétente sur les questions de droit. C'est notamment le cas en matière d'amortissement et de provision. La commission est compétente "sur le principe et le montant des amortissements et des provisions".
Dans sa doctrine, l'administration présente ainsi la règle :
"Depuis l'intervention de l'article 26 de la loi 2004-1485 du 30 décembre 2004 (N° Lexbase : L5204GUB), la commission départementale est compétente pour examiner tous les désaccords concernant les amortissements et les provisions quelle que soit la nature du litige alors qu'auparavant les désaccords portant sur le principe d'un amortissement ou d'une provision échappaient à sa compétence.
Ainsi, la commission départementale est compétente pour se prononcer, par exemple :
En matière d'amortissement :
- sur le caractère excessif des taux utilisés par l'entreprise pour le calcul des amortissements (question de fait) ;
- sur le mode d'amortissement retenu par l'entreprise (question de droit). […]"
(Inst. 18-4-2005, 13 M-1-05 n° 18 à 20 ; BOI-CF-CMSS-20-10 N° Lexbase : X7161ALS).
La commission est compétente sur tout litige portant sur l'application du régime de l'article 39 C du CGI
Dans la présente affaire, la question posée au Conseil d'Etat était de savoir si un litige portant sur l'application ou non du 39 C du Code général des impôts à un contribuable était bien un litige sur "sur le principe et le montant des amortissements".
La réponse paraît évidente puisque le régime de l'article 39 C porte précisément sur le régime des amortissements. Mais cela pouvait quand même se discuter. Il aurait été possible de considérer que la compétence de la commission en matière d'amortissement devait se limiter au régime comptable de l'amortissement et non aux dispositions fiscales extracomptables relatives aux amortissements.
Tel n'a pas été la position du Conseil d'Etat.
Dans une précédente décision, mais dans le cadre de l'ancien dispositif définissant la compétence de la Commission avant la réforme de 2004, le Conseil d'Etat avait déjà jugé que la question du régime de l'article 39 C n'était pas de la compétence de la Commission (CE Contentieux, 27 juillet 2005, n° 268136, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8127XNC : RJF, 12/05, n° 1445). Il avait pris cette position à propos des dispositions de l'article 31 de l'annexe II du Code général des impôts qui ont été légalisées par l'article 77 de la loi 98-546 du 2 juillet 1998 (N° Lexbase : L1474AIG) et figurent désormais sous l'article 39 C du Code général des impôts.
La décision du Conseil d'Etat du 9 mai 2018 est à notre connaissance la première portant sur le nouveau champ d'application des compétences étendues de la commission en matière d'amortissement et de provision, depuis la réforme de 2004.
Intérêt pratique de la décision
L'effet pratique de la décision est limité, s'agissant du régime de l'article 39 C car ce dispositif est peu connu. Les litiges sont rares.
Mais, il faut étendre l'intérêt de cette décision à tous les régimes dérogatoires d'amortissement ou de provision, qui sont nombreux et d'une grande importance pratique.
Depuis la réforme de 2004, à chaque fois que les services fiscaux veulent remettre en cause l'application de l'un de ces régimes à un contribuable, ils doivent donc lui permettre de saisir la commission départementale.
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Réf. : Cass. soc., 9 mai 2018, deux arrêts, n° 17-14.088, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6162XM8) et n° 17-60.133, FS-P+B (N° Lexbase : A6209XMW)
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par Gilles Auzero, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 22 Juin 2018
Elections professionnelles/représentation équilibrée femmes-hommes/candidature unique
Résumés :
- Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-14.088, FS-P+B+R+I : dès lors que deux postes sont à pourvoir, l’organisation syndicale est tenue de présenter une liste conforme à l’article L. 2324-22-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5409KGG), alors applicable, interprété conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018 (N° Lexbase : A8637XA7), c’est-à-dire comportant nécessairement une femme et un homme, ce dernier au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré.
- Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-60.133, FS-P+B : les dispositions du premier alinéa de l'article L. 2324-22-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5409KGG), alors applicable, aux termes duquel pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2324-22 (N° Lexbase : L3748IBG) qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale et composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes, étant d’ordre public absolu, un syndicat est recevable à contester l'élection des candidats figurant sur les listes ne respectant pas ces dispositions, peu important à cet égard les dispositions du protocole préélectoral. |
Observations
On doit à la loi dite «Rebsamen» (loi n° 2015-994 du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l'emploi N° Lexbase : L2618KG3), d’avoir imposé que les listes de candidats aux élections professionnelles dans l’entreprise assurent une représentation équilibrée des femmes et des hommes. Plus précisément, les textes alors applicables disposaient que les listes comportant plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Il était, en outre, exigé que ces mêmes listes soient composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes. Par deux importants arrêts rendus le 9 mai 2018, la Cour de cassation précise les implications de ces dispositions. Dans l’une de ces décisions, elle affirme, en substance, que dès lors que deux sièges sont à pourvoir, les règles relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes trouvent nécessairement à s’appliquer et qu’il n’y a donc pas la possibilité de présenter une liste ne comportant qu’un seul nom. Dans le second arrêt, la Cour de cassation, tout en indiquant que les dispositions précitées sont d’ordre public absolu, vient préciser la sanction de la méconnaissance de l’ordre de présentation des candidats. Rendues sous l’empire des textes antérieurs à l’avènement du comité social et économique, ces solutions valent pour la mise en place de cette institution représentative du personnel.
I - L’obligation d’assurer une représentation équilibrée
L’affaire. Consécutivement à l’adoption de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, les articles L. 2314-24-1 et L. 2324-22-1 du Code du travail imposaient que les listes de candidats aux élections des délégués du personnel et de la délégation du personnel au comité d’entreprise, «qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale». Il était ajouté que «les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes». Ces exigences ont été reprises, à l’identique, par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7628LGM), s’agissant de la mise en place du comité social et économique (C. trav., art. L. 2314-30 N° Lexbase : L8480LG8).
Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt rendu sous le numéro de pourvoi n° 17-14.088, promis à la plus large des publications, un syndicat avait déposé une «liste» ne comportant qu’un seul candidat titulaire en vue de l’élection de la délégation unique du personnel, au sein du collège «cadres». Deux sièges étaient à pourvoir au sein de ce collège, composé de 77 % de femmes et de 23 % d’hommes. L’employeur avait alors saisi le tribunal d’instance afin d’obtenir l’annulation de l’élection de ce candidat, dont il faut relever qu’il était de sexe masculin.
Pour rejeter cette demande, le jugement attaqué avait énoncé qu'il résulte expressément des dispositions de l'article L. 2314-24-1 du Code du travail que celles-ci n'ont vocation à s'appliquer qu'aux listes comportant plusieurs candidats. Il s'ensuit, a contrario, qu'elles ne s'appliquent pas aux listes comportant un seul candidat.
La décision est censurée par la Cour de cassation au visa de l'article L. 2324-22-1 du Code du travail, alors applicable, interprété conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018 et l'article L. 2324-23 (N° Lexbase : L5557KGW) du même Code, alors applicable. Ainsi que l’affirme la Chambre sociale, «en statuant ainsi, alors que, deux postes étant à pourvoir, l'organisation syndicale était tenue de présenter une liste conforme à l'article L. 2324-22-1 du Code du travail, alors applicable, interprété conformément à la décision susvisée du Conseil constitutionnel, c'est-à-dire comportant nécessairement une femme et un homme, ce dernier au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré, le tribunal a violé les textes susvisés».
Une solution justifiée. Si la solution retenue par la Cour de cassation nous paraît devoir être approuvée, il convient de relever que la décision des juges du fond n’était pas dénuée de pertinence. Outre la lettre des textes en cause, qui semblent borner l’exigence d’une représentation équilibrée aux listes «qui comportent plusieurs candidats», il faut se souvenir que la Cour de cassation a, par le passé, admis la validité des candidatures uniques [1], y compris en cas de pluralité de sièges à pourvoir [2]. Pour autant, on ne saurait, à l’évidence, trop solliciter des décisions rendues à une époque où n’existait aucune disposition contraignante en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes.
Reste alors l’argument de texte, dont on peut considérer qu’il n’entre pas en résonnance avec l’objectif poursuivi par le législateur. Ainsi que le mentionne la note explicative accompagnant l’arrêt commenté, il résulte de l’exposé du projet de loi «Rebsamen» que «l’article 5 vise à améliorer la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les institutions représentatives du personnel. Il introduit l’obligation pour les listes aux élections professionnelles de comporter une proportion de femmes et d’hommes qui reflète leur proportion respective dans les collèges électoraux». Il apparaît ainsi que le législateur a entendu imposer la représentation équilibrée en toutes circonstances ; ce qui est, somme toute, logique, car écarter celle-ci lorsque la «liste» ne comporte qu’un seul nom, alors que plusieurs sièges sont à pourvoir, pourrait autoriser un contournement des obligations légales. Pour ces mêmes raisons, il faut se satisfaire du fait que la Cour de cassation n’ait pas retenu la solution consistant à admettre une «liste» ne comportant qu’un seul candidat, sous réserve que celui-ci appartienne au sexe composant en majorité le collège électoral. Là encore, l’exigence légale d’une représentation équilibrée aurait été battue en brèche.
Désormais, donc, en cas de pluralité de sièges à pourvoir, les organisations syndicales n’ont d’autre choix que de présenter plusieurs candidats, en respectant les exigences légales de proportionnalité et d’alternance entre les sexes [3]. Si la solution participe de la mise en œuvre de l’objectif voulu par le législateur, elle présente l’inconvénient de priver un syndicat de toute participation au processus électoral, dès lors qu’il n’a pu trouver qu’un seul candidat dans l’entreprise. Compte tenu de la baisse du militantisme, cette situation peut ne pas être rare, spécialement dans les entreprises de petite taille.
La Cour de cassation fait application de l'article L. 2324-22-1 du Code du travail, alors applicable, «interprété conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018». C’est ici l’occasion de rappeler que dans cette décision [4], le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation, considérant que l’application de la règle d’arrondi énoncé par le texte précité «ne saurait, sans porter une atteinte manifestement disproportionnée au droit d’éligibilité aux institutions représentatives du personnel résultant du principe de participation, faire obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral».
On comprendra mieux l’intérêt de cette réserve d’interprétation en rappelant que les textes du Code du travail alors en vigueur prévoyaient que lorsque l’application des règles relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes n’aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l’arrondi arithmétique suivant :
1) Arrondi à l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ;
2) Arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5.
En l’espèce, compte tenu de la proportion d’hommes (23 %) et de femmes (77 %) du collège et du nombre de sièges à pourvoir (2), la règle de l’arrondi aurait dû conduire aux résultats suivants. Pour les femmes : 2 x 77/100 = 1,54, arrondis à 2. Pour les hommes : 2 x 23/100 = 0,46, ramenés à 0. A s’en tenir là, aucun homme n’aurait donc figuré sur la liste de candidats ; ce que la réserve d’interprétation permet précisément d’éviter.
Cette réserve a été intégrée au sein des dispositions qui intéressent le comité social et économique. Il résulte en effet de l’alinéa 6 de l’article L. 2314-30 du Code du travail (N° Lexbase : L8480LG8) que lorsque l'application de la règle de l’arrondi «conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté» [5]. En revanche, ce candidat ne peut être en première position sur la liste.
II - L’obligation de respecter les exigences légales
Des dispositions d’ordre public absolu. Dans le second arrêt sous examen (n° 17-60.133), était en cause l'élection de la délégation unique du personnel au sein d’une association, organisée selon les modalités déterminées par un protocole d'accord préélectoral qui stipulait, notamment, que «les organisations syndicales s'engagent à rechercher les voies et les moyens qui permettraient de parvenir le plus possible à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes sur les listes de candidats». Postérieurement aux élections, un syndicat a saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir l'annulation de l'élection, au sein du collège unique, de MM. V. et U. élus de la liste CFDT en qualité de membres titulaires de la délégation unique du personnel, ainsi que celle de Mme S., membre suppléante. Pour faire échec à la demande, l’employeur invoquait la stipulation précitée du protocole préélectoral, qui plus est, conclu à l’unanimité des organisations syndicales invitées à sa négociation.
Une telle argumentation est écartée par la Cour de cassation, qui affirme que les dispositions du premier alinéa de l’article L. 2324-22-1 sont d’ordre public absolu. Cela doit être pleinement approuvé. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à la décision précitée du Conseil constitutionnel. Ce dernier y relève, en effet, «qu’en adoptant l’article L. 2324-22-1, le législateur a entendu assurer une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les institutions représentatives du personnel afin de mettre en œuvre l’objectif institué au second alinéa de l’article 1er de la Constitution (N° Lexbase : L0827AH4)». Etant rappelé que ce texte dispose que «la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales», on comprend que les exigences relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes aux élections professionnelles ne sauraient être laissées à l’appréciation des partenaires sociaux.
Sanction de la méconnaissance des exigences légales. Dès lors qu’une liste de candidats ne respecte pas les dispositions légales relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes, elle peut être contestée devant le juge. Si la contestation intervient avant les élections, le juge peut, le cas échéant, la déclarer irrégulière. En ce cas, et si les délais le lui permettent encore, l’organisation syndicale pourra tenter de régulariser la situation [6].
Si la contestation intervient après le déroulement de l’élection, il convient de se reporter aux dispositions particulières édictées par le Code du travail. Selon les anciens articles L. 2314-25 (N° Lexbase : L8485LGD) et L. 2324-23 (N° Lexbase : L5557KGW) du Code du travail [7], la constatation, par le juge, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions en termes de proportions hommes/femmes entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter [8]. Par ailleurs, le constat, par le juge, du non-respect par une liste des obligations en matière d’alternance des candidatures sur la liste entraîne l’annulation de l’élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste ne respecte pas les prescriptions légales.
C’est cette seconde hypothèse qui était en cause dans l’espèce ayant conduit à l’arrêt sous commentaire. Plus précisément, le syndicat demandeur reprochait au jugement attaqué d’avoir rejeté sa demande d’annulation de l’élection de Mme S. en qualité de membre suppléante, alors même que cette dernière figurait en deuxième position sur la liste et qu’en application de la règle de l’alternance, le candidat de sexe masculin aurait dû figurer en deuxième position. Pour approuver les juges du fond, la Cour de cassation retient que si la violation de la règle de l’alternance doit être sanctionnée par l’annulation de l’élection de tout élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne la respecte pas, il en va différemment lorsque la liste correspond à la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats de la liste ont été élus.
Là encore, la solution doit être pleinement approuvée. Le syndicat demandeur avait, en l’espèce, retenu une conception très formelle de la sanction énoncée par le texte. Or, celle-ci n’a d’autre objet que de garantir le respect des exigences relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Dès lors que la liste représente bien la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège et que tous les candidats présentés, auraient-ils été mal positionnés sur la liste, sont élus, l’objectif légal a été atteint.
Décisions
- Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-14.088, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6162XM8)
Cassation partielle (TI Châteauroux, 23 février 2017)
Textes visés : C. trav., art., L. 2324-22-1 (N° Lexbase : L5407KGD), alors applicable, interprété conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018 (N° Lexbase : A8637XA7) et l'article L. 2324-23 (N° Lexbase : L5557KGW) du même Code, alors applicable.
Mots-clefs : élections professionnelles ; représentation équilibrée femmes/hommes ; candidature unique ; pluralité de sièges à pourvoir.
Lien base : (N° Lexbase : E9957E9N).
- Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-60.133, FS-P+B (N° Lexbase : A6209XMW)
Rejet (TI Mende, 23 mars 2017)
Texte concerné : C. trav., art. L. 2324-22-1 (N° Lexbase : L5409KGG), alors applicable.
Mots-clefs : élections professionnelles ; représentation équilibrée femmes/hommes, candidature unique ; ordre public absolu ; règle de l’alternance ; sanction.
Lien base : (N° Lexbase : E9957E9N).
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[1] Cass. soc., 10 janvier 1989, n° 87-60.309, publié (N° Lexbase : A9187AAI), Bull. civ. V, n° 352.
[2] Cass. soc., 17 décembre 1986, n° 86-60.278, publié (N° Lexbase : A7039AAX), Bull. civ. V, n° 608.
[3] On peut penser que ces exigences ne trouveront pas à s’appliquer dans l’hypothèse où le collège serait uniquement composé de femmes ou d’hommes ; auquel cas une «liste» ne comptant qu’un seul nom devrait être admise.
[4] Cons. const., décision n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018 (N° Lexbase : A8637XA7) : v. nos obs., Constitutionnalité des dispositions assurant une représentation équilibrée des femmes et des hommes aux élections professionnelles dans l'entreprise, Lexbase, éd. soc., n° 729 (N° Lexbase : N2476BXY).
[5] Le texte renvoie à une faculté, alors qu’il s’agit plutôt d’une obligation.
[6] V. en ce sens, M.-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles, 3ème éd., 2015, D., n° 342-26.
[7] Intéressant respectivement les délégués du personnel et le comité d’entreprise. Ces dispositions ont été reprises par l’article L. 2314-32 du Code du travail (N° Lexbase : L8318LG8) qui concerne le comité social et économique.
[8] Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats.
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Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 23 mai 2018, n° 405448, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7770XN4)
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par Laïla Bedja
Le 30 Mai 2018
►Lorsqu'un organisme de droit public ou un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public est chargé du service de prestations au nom et pour le compte de l'Etat, une réclamation préalable adressée à cet organisme en vue d'obtenir la réparation des préjudices nés de fautes commises dans le service d'une telle prestation doit, en principe, être regardée comme adressée à la fois à cet organisme et à l'Etat, lequel, en l'absence de décision expresse de sa part, est réputé l'avoir implicitement rejetée à l'expiration du délai de deux mois suivant la date de réception de la demande par l'organisme saisi, alors même que ce dernier l'aurait également rejetée au titre de sa responsabilité propre.
Dans une telle hypothèse, il appartient au juge administratif, saisi d'une action indemnitaire après le rejet d'une telle réclamation préalable, de regarder les conclusions du requérant tendant à l'obtention de dommages et intérêts en réparation de fautes commises par les services de l'organisme chargé du service des prestations au nom et pour le compte de l'Etat comme également dirigées contre ce dernier et de communiquer la requête tant à cet organisme qu'à l'autorité compétente au sein de l'Etat.
Dès lors, commet une erreur de droit, le juge administratif qui rejette les conclusions d’une allocataire, tendant à obtenir l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de fautes commises par les services de Pôle emploi dans la gestion, au nom et pour le compte de l’Etat, de son dossier d’allocation de solidarité spécifique, au motif qu’elles étaient dirigées contre Pôle emploi. Telle est la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 23 mai 2018 (CE 1° et 4° ch.-r., 23 mai 2018, n° 405448, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7770XN4).
Dans cette affaire, Mme B. a demandé au tribunal administratif d’Orléans de condamner Pôle emploi à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait des fautes que Pôle emploi aurait commises dans la gestion de son dossier d’allocation de solidarité spécifique. Le tribunal administratif ayant rejeté sa requête, elle forma un pourvoi en cassation.
La Haute juridiction accède à sa requête et annule le jugement du tribunal administratif en énonçant la solution précitée.
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 30 Mai 2018
Depuis des siècles, les pouvoirs publics se préoccupent de la répartition de la population sur le territoire. Il y va de la salubrité générale, de l'adéquation des équipements publics aux besoins, de l'esthétique de nos villes et villages et de la protection de l'environnement. Mais cette ambition de tous les régimes politiques se heurte directement principe de propriété privée. Cette confrontation impose le recours au droit répressif : des sanctions pénales, très nombreuses et vigoureuses, des mesures de remise en état allant jusqu'à la démolition, des sanctions administratives se conjuguent pour empêcher que les entreprises des individus ne contrebattent l'intérêt général urbanistique. Pour faire le point sur cette problématique à l’heure où le projet de loi "Elan" prévoit, notamment, de nouveaux assouplissements à la loi «littoral», Lexbase Hebdo – édition publique a rencontré Thierry Fossier, Professeur associé à l'Université de Paris-Sorbonne-Cité et conseiller à la Chambre criminelle de la Cour de cassation, et co-auteur de l’ouvrage "Droit répressif de l'urbanisme", paru en 2017 aux éditions Economica.
Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les règles générales du droit pénal de l’urbanisme ?
Thierry Fossier : Le droit pénal de l’urbanisme est l’ensemble des règles qui sanctionnent les violations des lois en matière d’urbanisme et de construction, par une peine -essentiellement une amende, parfois l’emprisonnement, la dissolution de société, des affichages ou publicités de condamnations- et qui permettent aussi et surtout des démolitions ou mises en conformité forcées, qu’une intervention purement administrative n’autoriserait pas.
Ce droit est très ancien. Il a d’abord servi à protéger le domaine de la Couronne, devenu le domaine public : la négociation d’une sanction contre les intrus, autrement dit la sanction administrative, était exclue et l’est encore. Puis des considérations d’hygiène et de santé publiques sont apparues, à l’époque de la Révolution et de l’Empire : pour faire des rues droites et larges, pour éviter l’entassement des gens, il fallait aux pouvoirs publics le secours de la sanction pénale, parce que les récalcitrants brandissaient leur droit de propriété, tout récemment placé au plus haut de la pyramide normative. Dans un troisième temps, disons autour des trois guerres 1870/1914/1939, l’esthétique des villes tout entières, dans leur développement et dans leur style, est devenue essentielle et là aussi, il a fallu pouvoir punir, parce que les bâtisseurs n’avaient pas très envie d’être freinés dans leur imagination. C’est à la fin de cette période que les lotissements et les grands ensembles ont commencé à poser des problèmes nouveaux pour les juristes et que le droit pénal de l’urbanisme est devenu celui des "puissants” après avoir longtemps été celui des “quidams”. Enfin, depuis les années 1960, les considérations environnementales, telles que la protection de zones sensibles ou la prise en compte des dangers collectifs comme l’incendie ou l’inondation, ont absolument eu besoin du droit pénal, parce que la confrontation de ces impératifs, aussi importants que vagues, ne peut guère se résoudre sur le terrain des politiques locales et de l’action administrative.
En réalité, ce phasage historique se retrouve dans la législation actuelle : il n’y a pas eu une succession de lois abrogeant les autres, mais une accumulation de tous ces objectifs. L’idée demeure que le droit pénal est indispensable à l’urbanisme, qui met en oeuvre le droit le plus sacré des individus, la propriété, et une part centrale de l’activité économique, le bâtiment. La tolérance et l’arrangement ne sont pas de mise et dès que le législateur a voulu tempérer ses exigences et la vigueur des sanctions, les pires comportements ont repris leur progression.
Pour le reste, le droit pénal de l’urbanisme fonctionne comme le reste du droit pénal. Il y a des comportements ciblés par le législateur. Il y a des signalements par des particuliers ou des agents publics, soit municipaux, soit départementaux, soit de la police ou de la gendarmerie. Il y a des enquêtes avec des procès-verbaux, des visites des lieux et des photographies. Il y a des juges d’instruction qui approfondissent les enquêtes, et en tous les cas il y a des audiences publiques, qui permettent la fonction “sociale” de la procédure et la transparence totale de l’action publique. Il y a des avocats, dont de grands cabinets spécialisés un peu partout en France. Il y a des annulations de procédure si elles sont mal faites, des relaxes pour les innocents, des condamnations pour les coupables. Il y a des poursuites contre des personnes morales, contre des élus, des architectes et des entrepreneurs de bâtiment s’ils sont complices. Enfin, il y a une exécution des peines : les amendes sont recouvrées par le Trésor, les démolitions sont exécutées par la personne condamnée si elle est raisonnable -au besoin en l’y incitant par une astreinte- ou, si nécessaire, par l’administration. Et il y a bien entendu quantité de condamnés qui ne comprendront jamais pourquoi ils ont été poursuivis et protesteront toujours contre la sottise et la méchanceté des préfets et des maires, des procureurs et des juges…
Lexbase : Quel est le cadre procédural qui s'applique (textes de référence, nature des infractions, attribution de responsabilité) ?
Thierry Fossier : L’essentiel de ce qu’on dénomme “l’arsenal répressif” se trouve aux articles L. 480-4 (N° Lexbase : L2549LBZ) et suivants du Code de l’urbanisme. Les deux infractions les plus fréquemment poursuivies et sans doute les plus fréquemment commises sont la construction sans le document administratif requis par la loi (déclaration ou permis) (par exemple les exploitants de plages privées sur la Côte d'Azur, TA Nice, 3 octobre 2017, n° 1701481 N° Lexbase : A8475WT3) et la construction en violation des règles du plan (POS, RNU ou PLU). Cela amène le juge, qui va s’appuyer fortement sur les explications de l’administration, à examiner de manière très précise de quelle construction il s’agit (nouvelle, sur existant, ...) et quel aurait dû être son régime administratif. Les juridictions pénales rendent ainsi des décisions qui sont importantes pour le droit de l’urbanisme en général : un tiers des décisions rendues, des “jurisprudences” si l’on peut dire, viennent des juges judiciaires, les deux tiers restant venant du juge administratif dans un cadre non répressif (légalité des actes de l’administration, pour l’essentiel).
Mais à ce “coeur de métier” s’ajoutent quantité de qualifications pénales un peu plus originales. On en trouve dans le Code de l’urbanisme (régime des campings, régime des clôtures, par exemple), dans le Code forestier (déboisements illicites), dans le Code du patrimoine (monuments historiques), etc. C’est surtout le Code de l’environnement que le juge “de l’urbanisme” va manipuler en plus du Code de l’urbanisme, pour la protection des zonages (espaces protégés, incendie, inondation, sismicité).
En droit pénal de l’urbanisme, le législateur a désigné un responsable principal : le “bénéficiaire des travaux”. C’est une notion à la fois autonome et factuelle. Autonome parce qu’il ne s’agit pas pour le juge pénal de retrouver celui ou celle qui a signé la déclaration ou la demande de permis ou qui aurait dû le faire, qui a passé des marchés, celui ou celle qui est propriétaire du fonds... Le droit civil et le droit administratif ne sont guère secourables pour la détermination de ce bénéficiaire. Factuelle car le juge peut aller très loin, la Cour de cassation lui permettant de condamner des indivisaires, des bailleurs (Cass. crim., 24 octobre 2017, n° 16-87.178, F-P+B N° Lexbase : A1543WXG), des conjoints, des acheteurs après-travaux, qui n’ont pas participé matériellement, financièrement, aux travaux illicites mais en profitent, d’une manière ou d’une autre que le juge doit décrire. L’idée de profit économique est centrale : violer la loi urbanistique, ça rapporte de l’argent et la question est : à qui ?
Lexbase : L'intervention du juge judiciaire est-elle assez efficace en la matière ?
Thierry Fossier : En vertu de la Constitution, le juge judiciaire est le seul qui puisse porter atteinte à la propriété privée. Qu’il soit juge civil ou juge pénal, il a le monopole de ce qu’on appelle la “remise en état”, c’est-à-dire la mise en conformité d’un bâtiment privé avec un permis délivré, ou la démolition d’un bâtiment non autorisé (Cass. crim., 16 janvier 2018, n° 17-81.884, F-P+B N° Lexbase : A8659XAX). L’administration et “son” juge ne le peuvent pas. Or, cette remise en état est la véritable garantie du respect de la loi : une amende, administrative ou judiciaire, ne sera jamais assez forte pour contrebalancer les économies faites ou les profits réalisés en violant le Code de l’urbanisme.
La même considération pourrait être faite en droit de l’environnement, d’ailleurs.
En outre, le “métier” du juge judiciaire, au sens le plus simple du mot “métier”, c’est l’audience publique, le principe contradictoire, la transparence du dossier. Certains juges judiciaires ne sont pas nécessairement les meilleurs techniciens du droit, ni les orateurs les plus habiles, ni les organisateurs les plus remarquables, ni les “politiques” les plus fins. Mais tous sont intraitables sur leur désintéressement et leur neutralité -il n’y a pas de corruption ni d’intéressement des juges en France-, et sur le droit à l’expression des points de vue et à l’exercice de recours. C’est à cela qu’ils sont formés et c’est à ces impératifs que les ramènent les avocats, dont la sensibilité est exacerbée sur ces points et qui jouent bien leur rôle, je vous l’assure. Bien des condamnés vous diront qu’ils sont victimes d’une erreur d’appréciation, beaucoup moins vous diront qu’on a empêché qu’ils fassent valoir leur point de vue à un moment ou à un autre ou que le juge a touché des pots-de-vin. Et les juges qui sont poursuivis et condamnés sur le plan déontologique ou disciplinaire -il y en a !- ont rarement failli sur cette “culture professionnelle”. Peu d’institutions en France, publiques ou privées, peu de pays dans le monde, peuvent se vanter des mêmes vertus.
Mais il ne suffit pas d’être incontournables et vertueux. Il faut encore que les décisions que les juges rendent soient lisibles et appliquées. La lisibilité a fait des progrès spectaculaires ces dernières années, dans les tribunaux et les cours d’appel et une vaste campagne d’amélioration débute ces temps-ci à la Cour de cassation. Quant à l’application, surtout celle de la remise en état, elle est d’abord laissée à la bonne volonté du condamné. Comme il faut aider un peu la nature humaine, les juges forcent parfois à l’exécution en l’assortissant d’une astreinte : “si vous n’exécutez pas ce que je vous ordonne, vous paierez tant d’euros par jour à l’Etat (qui le reversera à votre commune)”. Finalement, l’administration est chargée par la loi de faire de force et avec ses moyens propres ce que le condamné n’a pas voulu faire ; mais cette exécution forcée est compliquée, des considérations locales -certes pas forcément méprisables- interfèrent, le coût matériel peut être élevé, il ne faut pas non plus susciter des troubles à l’ordre public, des émeutes (cela s’est vu : les contrevenants sont parfois très soutenus par des voisins à courte vue).
Lexbase : Quelles évolutions seraient souhaitables pour mieux protéger les victimes d'infraction ?
Thierry Fossier : Les victimes des infractions urbanistiques sont de quatre ordre.
L’intérêt général d’abord, les lois de protection de la nature, des paysages, de l’esthétique et de la commodité urbaines. Cela, l’administration et le procureur en sont les porteurs : ils défendent la loi existante, sans arrière-pensées. C’est simple : puisque la plupart la respectent, il est inéquitable de la violer. Il n’y a pas autant qu’on le dit d’esprit “d’ordre absolu”, de tempéraments hiérarchiques ou militaires chez ces agents publics : c’est le souci d’égalité qui les animent. Pour qu’ils agissent mieux dans l’avenir, il faut prendre conscience de ce que les montants d’amende sont très faibles dans le Code de l’urbanisme ; ils mériteraient d’être relevés et, pourquoi pas (cela existe dans d’autres branches du droit), proportionnés au profit. Il est non moins certain que la formation des agents de ces entités est un peu balbutiante : c’est un droit technique, la procédure est elle aussi assez délicate, et il y a tant d’autres choses qui sont demandées aux agents municipaux et départementaux, aux policiers et gendarmes, aux procureurs et substituts ! Il faut qu’ils sachent aller vite et juste.
Le deuxième type de victimes, ce sont les citoyens anonymes, leur tranquillité, l’inquiétude pour la beauté et l’avenir d’une ville, d’un pays. Ce sont les associations qui viennent le dire devant les juges et elles sont généralement bien reçues et indemnisées, dans les limites -assez rigoureuses d’ailleurs- de ce que veut le législateur à leur sujet. Faut-il aller plus loin ? Sans aucun doute en droit de l’environnement : l’administration est en grande difficulté pour faire appliquer le Code de l’environnement dans toutes ses dimensions, pour diverses raisons pas si faciles à dépasser, et ce sont les associations qui font vivre ce droit. Mais moins en droit “pur” de l’urbanisme. Je pense qu’on est à un stade satisfaisant de développement.
Le troisième type de victimes, ce sont les voisins directs, immédiats. Parfois, ils sont à l’origine du signalement qui va déboucher sur la poursuite. Parfois, ils viennent réclamer aux juges une indemnisation : le bruit, l’enlaidissement, l’incommodité des travaux illicites, l’injustice qu’ils représentent alors que tous les autres habitants se soumettent aux contraintes et aux coûts, ce sont les voisins qui les subissent. Là, il n’appartient certainement pas aux juristes -législateur, juges, ...- d’exciter la vindicte privée et le droit tel qu’il est ne doit pas être retouché.
Enfin, la quatrième “victime”, c’est l’administration territoriale. Tout maire d’une ville, petite ou grande, vous dira le travail intellectuel et matériel que représente la mise en place des règles d’urbanisme, le risque politique que cela suscite, la peine qu’il faut pour faire verbaliser les auteurs d’infractions, la déception voire le ridicule ressentis quand une poursuite enfin engagée échoue finalement pour une raison formelle -un procès-verbal irrégulier, une visite à domicile annulée, un PLU annulé entre temps par le juge administratif, ...- ou pour une raison de fond -une relaxe, parce que les juges ont douté, ou une sanction faible, parce que les juges n’ont pas ressenti la gravité “locale” de l’infraction-. Il est d’ailleurs bien des communes où l’on a depuis longtemps abdiqué : la “dispersion géographique” de la répression urbanistique est spectaculaire, d’une région à l’autre (PACA, Languedoc et la Corse représentent les trois-quarts des poursuites ; il n’y en a pratiquement pas en Ile-de-France ou dans les Hauts-de-France !), d’un département à l’autre (les Bouches-du-Rhône et le Var totalisent dix fois plus de poursuites que les Alpes Maritimes), d’une commune à l’autre (l’exemple de la Corse est éloquent mais il est délicat ici de donner des illustrations du phénomène). Là, le législateur a une lourde responsabilité : les moyens humains sont ce qu’ils sont mais les moyens juridiques, notamment les exigences très sévères en matière de visites forcées des bâtiments illicites, ou encore l’instabilité chronique, caricaturale, des régimes de déclaration et de permis, semblent parfois faites pour freiner les verbalisateurs diligents.
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