La lettre juridique n°742 du 24 mai 2018

La lettre juridique - Édition n°742

Avocats/Déontologie

[Brèves] Recours contre la décision du Bâtonnier statuant sur une requête en matière de suppléance : règles de procédure applicables

Réf. : Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 17-16.454, FS-P+B (N° Lexbase : A4280XMH)

Lecture: 1 min

N3927BXQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-463927
Copier

par Anne-Laure Blouet Patin

Le 23 Mai 2018

Il résulte de la combinaison des articles 172 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), 25 (N° Lexbase : L1159H4P) et 547, alinéa 2 (N° Lexbase : L6698H79), du Code de procédure civile que le recours contre la décision du Bâtonnier statuant sur une requête en matière de suppléance, en l'absence de partie adverse, doit être exercé selon les règles applicables à la procédure en matière gracieuse, que le Bâtonnier, autorité ayant rendu la décision attaquée, ne peut être intimé devant la cour d'appel, que la désignation erronée mais superfétatoire, dans la déclaration d'appel, du conseil de l'Ordre comme partie intimée n'a pas pour effet d'entraîner l'irrecevabilité de l'appel et qu'en matière gracieuse, l'appel est recevable même en l'absence d'autres parties. Telle est la solution énoncée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 mai 2018 (Cass. civ. 1,  3 mai 2018, n° 17-16.454, FS-P+B N° Lexbase : A4280XMH).

 

Dans cette affaire, un avocat inscrit au barreau du Lot, a cessé son activité à compter du 31 décembre 2015 et a désigné une SELARL pour assurer sa suppléance. Par lettre du 11 mai 2016, la SELARL a demandé au Bâtonnier qu'il soit mis fin à la suppléance, demande rejetée le 4 juillet suivant.

La SELARL a alors interjeté appel de cette décision contre le conseil de l'Ordre des avocats au barreau du Lot et, par voie de conclusions, elle a également désigné le Bâtonnier comme intimé.

Pour déclarer l'appel irrecevable, la cour d'appel retient que les conclusions ne modifient pas la détermination de l'intimé qui est le conseil de l'Ordre et que celui-ci n'était pas l'auteur de la décision attaquée (CA Agen, 15 février 2017, n° 16/01124 N° Lexbase : A5099TCT).

L'arrêt sera censuré par la Cour de cassation au visa des textes précités (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9777ETB).

newsid:463927

Avocats/Déontologie

[Brèves] Recours contre la décision du Bâtonnier statuant sur une requête en matière de suppléance : règles de procédure applicables

Réf. : Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 17-16.454, FS-P+B (N° Lexbase : A4280XMH)

Lecture: 1 min

N3927BXQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-463927
Copier

par Anne-Laure Blouet Patin

Le 23 Mai 2018

Il résulte de la combinaison des articles 172 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), 25 (N° Lexbase : L1159H4P) et 547, alinéa 2 (N° Lexbase : L6698H79), du Code de procédure civile que le recours contre la décision du Bâtonnier statuant sur une requête en matière de suppléance, en l'absence de partie adverse, doit être exercé selon les règles applicables à la procédure en matière gracieuse, que le Bâtonnier, autorité ayant rendu la décision attaquée, ne peut être intimé devant la cour d'appel, que la désignation erronée mais superfétatoire, dans la déclaration d'appel, du conseil de l'Ordre comme partie intimée n'a pas pour effet d'entraîner l'irrecevabilité de l'appel et qu'en matière gracieuse, l'appel est recevable même en l'absence d'autres parties. Telle est la solution énoncée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 mai 2018 (Cass. civ. 1,  3 mai 2018, n° 17-16.454, FS-P+B N° Lexbase : A4280XMH).

 

Dans cette affaire, un avocat inscrit au barreau du Lot, a cessé son activité à compter du 31 décembre 2015 et a désigné une SELARL pour assurer sa suppléance. Par lettre du 11 mai 2016, la SELARL a demandé au Bâtonnier qu'il soit mis fin à la suppléance, demande rejetée le 4 juillet suivant.

La SELARL a alors interjeté appel de cette décision contre le conseil de l'Ordre des avocats au barreau du Lot et, par voie de conclusions, elle a également désigné le Bâtonnier comme intimé.

Pour déclarer l'appel irrecevable, la cour d'appel retient que les conclusions ne modifient pas la détermination de l'intimé qui est le conseil de l'Ordre et que celui-ci n'était pas l'auteur de la décision attaquée (CA Agen, 15 février 2017, n° 16/01124 N° Lexbase : A5099TCT).

L'arrêt sera censuré par la Cour de cassation au visa des textes précités (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9777ETB).

newsid:463927

Avocats/Honoraires

[Brèves] Compétence du juge de l’honoraire pour statuer sur les intérêts moratoires et règles applicables à l’avocat prestataire de services

Réf. : Cass. civ. 2, 3 mai 2018, n° 17-11.926, F-P+B (N° Lexbase : A4255XMK)

Lecture: 2 min

N4005BXM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464005
Copier

par Aziber Seïd Algadi

Le 23 Mai 2018

Il entre dans les pouvoirs du premier président, saisi d'une demande de fixation du montant des honoraires d'un avocat, de statuer sur les intérêts moratoires produits par la créance de celui-ci.

 

Aussi, tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier prestataire de services, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé à la somme de 40 euros.

 

Enfin, l'avocat, prestataire de services, relève des dispositions des articles L. 441-6 (N° Lexbase : L1998KG4) et D. 441-5 (N° Lexbase : L1543IUP) du Code de commerce.

 

Tels sont les enseignements d’un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 3 mai 2018 (Cass. civ. 2, 3 mai 2018, n° 17-11.926, F-P+B N° Lexbase : A4255XMK).

 

En l’espèce, une société a confié à un avocat, la défense de ses intérêts lors de plusieurs litiges de nature commerciale, pénale et prud'homale. L'avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre de demandes de fixation du montant de ses honoraires dus à ce titre, facturés en 2015 pour un montant total de 57 052,08 euros. Il a réduit le montant de sa demande à la somme de 7 294,95 euros en principal après avoir perçu celle de 49 757,31 euros.

 

Pour débouter l'avocat de sa demande en paiement d'intérêts moratoires, l'ordonnance a retenu que l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID)  prévoit que la procédure de contestation d'honoraires ne concerne que le montant et le recouvrement des honoraires des avocats et que la demande en paiement d'intérêts moratoires, destinée à réparer le préjudice consécutif au retard dans l'exécution d'une obligation préalable à la décision statuant sur la fixation du montant des honoraires, est une demande indemnitaire qui ne relève pas de la compétence du juge de l'honoraire.

 

Aussi, l'ordonnance a jugé que le contentieux des honoraires d'avocat se distingue des actions en responsabilité civile engagées par le client, qui relèvent, quant à elles, des règles de procédure de droit commun.

A tort. Enonçant les principes susvisés, la Cour de cassation casse l’arrêt sous le visa des articles 174 du décret du 27 novembre 1991 et L. 441-6 du Code de commerce, ensemble l'article D. 441-5 de ce code précités (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E9120ETX et N° Lexbase : E2704E4W).

 

 

newsid:464005

Avocats/Honoraires

[Brèves] Compétence du juge de l’honoraire pour statuer sur les intérêts moratoires et règles applicables à l’avocat prestataire de services

Réf. : Cass. civ. 2, 3 mai 2018, n° 17-11.926, F-P+B (N° Lexbase : A4255XMK)

Lecture: 2 min

N4005BXM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464005
Copier

par Aziber Seïd Algadi

Le 23 Mai 2018

Il entre dans les pouvoirs du premier président, saisi d'une demande de fixation du montant des honoraires d'un avocat, de statuer sur les intérêts moratoires produits par la créance de celui-ci.

 

Aussi, tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier prestataire de services, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé à la somme de 40 euros.

 

Enfin, l'avocat, prestataire de services, relève des dispositions des articles L. 441-6 (N° Lexbase : L1998KG4) et D. 441-5 (N° Lexbase : L1543IUP) du Code de commerce.

 

Tels sont les enseignements d’un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 3 mai 2018 (Cass. civ. 2, 3 mai 2018, n° 17-11.926, F-P+B N° Lexbase : A4255XMK).

 

En l’espèce, une société a confié à un avocat, la défense de ses intérêts lors de plusieurs litiges de nature commerciale, pénale et prud'homale. L'avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre de demandes de fixation du montant de ses honoraires dus à ce titre, facturés en 2015 pour un montant total de 57 052,08 euros. Il a réduit le montant de sa demande à la somme de 7 294,95 euros en principal après avoir perçu celle de 49 757,31 euros.

 

Pour débouter l'avocat de sa demande en paiement d'intérêts moratoires, l'ordonnance a retenu que l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID)  prévoit que la procédure de contestation d'honoraires ne concerne que le montant et le recouvrement des honoraires des avocats et que la demande en paiement d'intérêts moratoires, destinée à réparer le préjudice consécutif au retard dans l'exécution d'une obligation préalable à la décision statuant sur la fixation du montant des honoraires, est une demande indemnitaire qui ne relève pas de la compétence du juge de l'honoraire.

 

Aussi, l'ordonnance a jugé que le contentieux des honoraires d'avocat se distingue des actions en responsabilité civile engagées par le client, qui relèvent, quant à elles, des règles de procédure de droit commun.

A tort. Enonçant les principes susvisés, la Cour de cassation casse l’arrêt sous le visa des articles 174 du décret du 27 novembre 1991 et L. 441-6 du Code de commerce, ensemble l'article D. 441-5 de ce code précités (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E9120ETX et N° Lexbase : E2704E4W).

 

 

newsid:464005

Avocats/Procédure

[Jurisprudence] L’arbitrage du Bâtonnier exige à peine d’irrecevabilité le déroulement préalable d’une phase de conciliation

Réf. : CA Nîmes, 19 avril 2018, n° 17/03219 (N° Lexbase : A4084XLT)

Lecture: 7 min

N4085BXL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464085
Copier

par Dominique Vidal, Professeur émérite, CREDECO GREDEG UMR 7321 CNRS/UNS

Le 23 Mai 2018

L’arbitrage a le vent en poupe ; mais se pourrait-il qu’il soit actuellement débordé par la conciliation, en pratique mais aussi dans l’esprit de certains magistrats ? C’est la question que suggère l’arrêt du 19 avril 2018 de la cour d’appel de Nîmes ici rapporté.

 

On connaît le développement de la conciliation dans les textes récents relatifs à la compétence judiciaire en divers domaines. On sait aussi que, dans le domaine contractuel, une clause de conciliation préalable à un arbitrage doit être rigoureusement respectée et mise en œuvre préalablement à la saisine des arbitres, sous peine d’irrecevabilité.

 

Avec la jurisprudence ici rapportée, la question se pose dans le cadre d’un arbitrage original et institutionnel, l’«arbitrage du Bâtonnier».

 

Dans cet arrêt du 19 avril 2018, ainsi d’ailleurs que dans quatre autres arrêts rendus le même jour dans les mêmes termes (CA Nîmes, 19 avril 2018, n° 17/03220 N° Lexbase : A3880XLB, 17/03221 N° Lexbase : A3963XLD, 17/03222 N° Lexbase : A3690XLA, 17/03223 N° Lexbase : A3534XLH ; cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E1764E7H), la cour de Nîmes décide trois choses :

 

- la procédure de l’«arbitrage du Bâtonnier» doit  nécessairement commencer par une phase préalable de conciliation ;

- à défaut, il y a fin de non-recevoir ;

- cette fin de non-recevoir n’est pas éligible à un quelconque procédé de régularisation

Les motifs relatifs à la qualification de fin de non-recevoir et à l’absence de régularisation, à raison de leur classicisme et de la clarté de leur expression, n’appellent pas de commentaire particulier (dans le même sens, le défaut de mise en oeuvre d'une clause contractuelle, qui institue une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, n'est pas susceptible d'être régularisée par la mise en oeuvre de la clause en cours d'instance : Cass. ch. mixte, 12 décembre 2014, n° 13-19.684, P+B+R+I N° Lexbase : A2998MQ4, Procédures, 2015, comm. 32, obs. H. Croze ; JCP éd. G, 2015, 115, obs. N. Dissaux ; Cass. civ. 3, 16 novembre 2017, n° 16-24.642, FS-P+B N° Lexbase : A7115WZK ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5590EUL).

 

En revanche, le point de savoir si la procédure de l’«arbitrage du Bâtonnier» doit  nécessairement commencer par une phase préalable de conciliation suggère une analyse et la solution ici apportée suscite une certaine réserve.

 

En application de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ) qui dispose que les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration libérale sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du Bâtonnier, l'article 142 du décret du 27 novembre 1991 précise que pour tout litige né à l'occasion d'un contrat de collaboration, à défaut de conciliation, le Bâtonnier du barreau auprès duquel l'avocat collaborateur ou salarié est inscrit, est saisi par l'une ou l'autre des parties, soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'ordre des avocats, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

 

Chacun de ces deux textes comporte la proposition «à défaut de conciliation». Comment doit-on la comprendre ? On peut concevoir deux interprétations : la première n’implique pas une procédure de conciliation, la seconde implique le déroulement d’une telle procédure.

 

D’un premier point de vue, en effet, on peut concevoir que l’expression «à défaut de conciliation» signifie seulement que c’est en cas de persistance du litige que l’une des parties sollicite un arbitrage du Bâtonnier.

 

On peut soutenir à rebours que cette situation est entièrement décrite par la référence expresse à la notion de litige et que dès lors l’expression «à défaut de conciliation» ne serait pas utile à définir le cas de figure ; elle ajouterait donc le visa d’une procédure de conciliation.

 

Certes, mais on peut aussi estimer que cette expression a pour finalité, dans le cadre d’un litige dont l’existence est avérée, de rappeler les avocats à leurs devoirs de confraternité, en essayant, autant que faire se peut, de se concilier. Ce serait simplement le rappel d’une telle préférence pour la recherche d’un règlement amiable ; une préférence : pas une obligation.

 

Au demeurant, la pratique des barreaux enseigne que sauf exception très particulière, non seulement les avocats en litige ne manquent pas de voir s’ils peuvent identifier un cheminement amiable, ce qu’ils savent faire (c’est leur métier !) ; elle enseigne de surcroît que lorsqu’un tel litige vient sur le bureau du Bâtonnier, ce dernier commence immanquablement par envisager le même cheminement. Toutes ces préoccupations, interrogations, propositions ou démarches à finalité amiable sont le plus souvent tout à fait informelles, couvertes en outre par un secret professionnel évident. En substance, elles constituent une tentative de conciliation. Mais en la forme, elles ne manifestent pas les étapes d’une «procédure de conciliation».

 

D’ailleurs, l’intimé soutient en réponse au moyen tiré du défaut de conciliation «qu’une phase de conciliation sollicitée par les deux parties s’est bien déroulée avant l’arbitrage du Bâtonnier et n’a pas abouti», sans que l’on sache si cette phase fut antérieure ou non à la saisine du Bâtonnier.

 

En outre, n’oublions pas le contexte. Cet article 7 de la loi du 31 décembre 1971 et cet article 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID) figurent au sein de textes fondateurs de l’organisation actuelle de la profession d’avocat. Il ne serait donc pas irrationnel, pour le moins, de les interpréter en fonction de ce contexte formel et fondamental tout à la fois. Il est bon de donner à la loi le sens qui convient à la matière à laquelle elle est destinée.

 

Enfin, aussi bien sur ce plan du contexte rationnel que d’un point de vue formel, il est remarquable que l’article 142 in fine du décret du 27 novembre 1991 dispose que l’acte de saisine précise, à peine d’irrecevabilité, l’objet du litige, l’identité des parties et les prétentions du saisissant. Il n’y est pas question d’une quelconque procédure de conciliation. Assurément, si le «législateur», entendons les auteurs du décret, avaient prévu l’exigence d’une procédure de conciliation préalable à l’arbitrage du Bâtonnier, il est plus que raisonnable de considérer qu’ils auraient ajouté une référence à ladite conciliation préalable.

 

Dernier argument en faveur de cette analyse, la Cour de cassation a décidé (Cass. com., 29 avril 2014, n° 12-27.004, F-P+B N° Lexbase : A6953MKQ ; JCP éd. E, 2014, 1290, obs. N. Dissaux ; JCP ed. G, 2014, II, 607, obs. H. Croze ; JCP éd. G, 2014, II, 711, obs. O. Sabard) que la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en oeuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci.

Rendue en matière contractuelle, la solution ne vaut à première vue que par analogie dans le domaine de l’arbitrage institutionnel du Bâtonnier. Mais on ne voit pas quelle considération rationnelle pourrait conduire à écarter une telle application par analogie. Bien au contraire, le contexte institutionnel ne fait que renforcer les relations (fussent-elles le cas échéant frictionnelles) entre les parties, et met en scène les démarches conciliatoires informelles évoquées plus haut. C’est donc non seulement par analogie, mais aussi à plus forte raison que cette solution pourrait s’appliquer à l’arbitrage du Bâtonnier.

 

Voilà pour une première lecture qui voit dans l’expression légale relative à la conciliation la référence à une conciliation «en substance», pour en rappeler l’intérêt, mais qui n’exige pas une procédure préalable de conciliation en la forme dont il faudrait prouver qu’elle s’est déroulée.

 

 

C’est une autre lecture du texte à laquelle procède la cour de Nîmes dans la décision rapportée.

 

La cour fait de la mention «à défaut de conciliation» une condition formelle préalable à l’arbitrage du bâtonnier, la condition qu’une procédure de conciliation se soit formellement déroulée et bien entendu, que le demandeur soit en mesure d’en apporter la preuve.

 

Le motif de la décision est parfaitement clair : «ces dispositions statutaires applicables à la profession d’avocat imposent une procédure de conciliation obligatoire préalable à l’engagement d’une action afin [sic] d’arbitrage auprès du bâtonnier. Il s’agit bien là d’une obligation dont la méconnaissance constitue une cause d’irrecevabilité de la saisine du bâtonnier d’une demande d’arbitrage».

 

Dont acte.

 

Il n’en demeure pas moins, à notre humble avis, que cette solution n’est pas la meilleure, outre les raisons exposées plus haut en faveur de l’éventuelle solution contraire.

 

Quelles sont en effet les conséquences pratiques de la solution adoptée ?

 

Dans l‘immédiat, le demandeur va devoir recommencer sa procédure, en la faisant précéder d’une procédure de conciliation. Eu égard au contexte c’est  quelque peu «téléphoné», inutilement chronophage pour ne pas dire avec un soupçon de ridicule.

 

Bien plus, c’est l’esprit même et la raison d’être de la conciliation en général qui est ici détourné si ce n’est violé : la conciliation en général a pour finalité d’ajouter de la simplicité au règlement des litiges. Ici, on ajoute de la complexité.

 

Mais ce n’est pas le plus important. Le plus grave est ceci. Lorsque dans un litige interviennent successivement une procédure de conciliation et, en cas d’échec de cette dernière, une procédure d’arbitrage, il est de la plus haute importance que le conciliateur ne soit pas ensuite l’arbitre ou l’un des arbitres. Il y a à cela deux excellentes raisons. La première tient au principe d’indépendance de l’arbitre, à sa fonction juridictionnelle et aux qualités processuelles que doit comporter tout arbitrage. Ces qualités ne sont pas garanties lorsque le juge, fût-il arbitral, a préalablement entendu les parties dans un contexte non juridictionnel dont la finalité est d’être favorable aux confidences ou au dévoilement des derniers intérêts.

 

A moins que les parties restent rigoureusement et passivement campées sur leurs positions ; mais la procédure de conciliation perd alors définitivement tout intérêt.

 

Intervient dès lors la seconde raison : chacune des parties serait pour le moins embarrassée d’exposer le fond de sa pensée, de faire des propositions ou d’envisager d’en accepter devant un tiers qui aurait par la suite qualité à prendre une décision qui lui fera grief.

 

Faudra-t-il que les ordres organisent une procédure spéciale de conciliation préalable à l’arbitrage du Bâtonnier dans le but de mettre en place un processus de désignation du conciliateur qui ne soit pas le Bâtonnier ou son délégué en charge de l’arbitrage ?

 

Si la jurisprudence ici rapportée devait se confirmer, cette question se poserait assurément.

 

En définitive, cette décision illustre l’intérêt et l’actualité sans cesse renouvelée des propos de François Gény : avant de se livrer à la construction du droit, il faut au préalable attentivement analyser «le donné» en toutes les composantes de la pratique. C’est ce «donné» qui doit influencer «le construit» et non l’inverse. La substance de la relation sociale doit l’emporter sur la construction intellectuelle qui n’a d’autre légitimité que d’être au service du réel.

newsid:464085

Avocats/Procédure

[Brèves] Affaire «Berton» : Le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution le mécanisme de commission d’office d’un avocat par le président d’une cour d’assises

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-704 QPC, du 4 mai 2018 (N° Lexbase : A1936XMN)

Lecture: 3 min

N3914BXA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-463914
Copier

par June Perot

Le 23 Mai 2018

Les dispositions de l’article 9 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), selon lesquelles l’avocat régulièrement commis d'office par le Bâtonnier ou par le président de la cour d'assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d'excuse ou d'empêchement par le Bâtonnier ou par le président, sont conformes à la Constitution. Telle est la position adoptée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 mai 2018 (Cons. const., 4 mai 2018, décision n° 2018-704 N° Lexbase : A1936XMN).

 

Le Conseil constitutionnel a relevé, en premier lieu :

 

- d'une part, que ce pouvoir conféré au président de la cour d'assises visait à garantir l'exercice des droits de la défense ;

- d'autre part, que ces dispositions lui permettent d'apprécier si, compte tenu de l'état d'avancement des débats, de la connaissance du procès par l'avocat commis d'office et des motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués, il y a lieu, au nom des droits de la défense, de commettre d'office un autre avocat au risque de prolonger le procès. Ces dispositions mettent en œuvre l'objectif de bonne administration de la justice ainsi que les exigences qui s'attachent au respect des droits de la défense.

 

En deuxième lieu :

 

- d'une part, l'avocat commis d'office est tenu d'assurer la défense de l'accusé tant qu'il n'a pas été relevé de sa mission par le président de la cour d'assises. Dans ce cadre, il exerce son ministère librement ;

- d'autre part, les obligations de son serment lui interdisent de révéler au président de la cour d'assises, au titre d'un motif d'excuse ou d'empêchement, un élément susceptible de nuire à la défense de l'accusé. Enfin, l'accusé peut à tout moment choisir un avocat, ce qui rend alors non avenue la désignation effectuée par le président de la cour d'assises.

 

En troisième lieu, le Conseil précise que si le refus du président de la cour d'assises de faire droit aux motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par l'avocat commis d'office n'est pas susceptible de recours, la régularité de ce refus peut être contestée par l'accusé à l'occasion d'un pourvoi devant la Cour de cassation, et par l'avocat à l'occasion de l'éventuelle procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises (nous soulignons).

 

Enfin, en dernier lieu, le pouvoir conféré au président de la cour d'assises d'apprécier, compte tenu du rôle qui est le sien dans la conduite du procès, les motifs d'excuse ou d'empêchement de l'avocat qu'il a commis d'office ne met pas en cause son impartialité.

 

Pour mémoire, il y a quatre ans, Frank Berton et Eric Dupond-Moretti défendaient en appel, devant la cour d’assises de Saint-Omer, un homme condamné en première instance à 29 ans de réclusion criminelle. La tension dans le prétoire était alors palpable. A la suite de divers incidents, la présidente commet d’office Me Berton. Celui-ci refuse, au motif que la cour manque d’impartialité et porte atteinte aux droits de la défense. Ce dernier est alors poursuivi pour faute disciplinaire. C’est dans ce contexte qu’a été soulevée la QPC.

 

Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, faisaient valoir que le pouvoir discrétionnaire reconnu au président de la cour d'assises de juger des motifs d'excuse ou d'empêchement présentés par un avocat commis d'office méconnaîtrait les droits de la défense à plusieurs titres. D'une part, il porterait atteinte au libre choix de la défense et à l'indépendance de l'avocat. D'autre part, dans un contexte pouvant être conflictuel entre la défense et la juridiction, l'impartialité du président de la cour d'assises, chargé à la fois de conduire les débats, de désigner l'avocat et de connaître des motifs d'excuse ou d'empêchement, ne serait pas assurée. Enfin, l'avocat pourrait être obligé, pour faire valoir au juge ses motifs d'excuse ou d'empêchement, de révéler certains éléments couverts par le secret professionnel.

 

Enonçant les motifs précités, les juges de la rue Montpensier déclarent conformes à la Constitution les dispositions ainsi contestées (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E9554ETZ).

newsid:463914

Baux commerciaux

[Brèves] Champ d’application du droit de préemption du locataire

Réf. : Cass. civ. 3, 17 mai 2018, n° 17-16.113, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9692XMW)

Lecture: 1 min

N4111BXK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464111
Copier

par Julien Prigent

Le 23 Mai 2018

Les dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0104I7Y) ne sont pas applicables à la cession globale d’un immeuble qui ne peut donc donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption par le locataire d’une partie de l’ensemble immobilier, même en l’absence d’autres locaux commerciaux. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 17 mai 2018 (Cass. civ. 3, 17 mai 2018, n° 17-16.113, FS-P+B+I N° Lexbase : A9692XMW).

 

En l’espèce, une société propriétaire d’un immeuble et d’un terrain les avait donnés à bail à deux locataires distincts. Le 20 avril 2017, après dissolution anticipée de la société propriétaire, le liquidateur amiable avait assigné les associés en autorisation de vente de l’ensemble immobilier aux enchères publiques. A titre reconventionnel, des associés ont soutenu que la société locataire, dont l’un d’eux était le gérant, était fondée à revendiquer le bénéfice du droit de préemption. Leur demande ayant été rejetée, ils se sont pourvus en cassation (CA Aix-en-Provence, 14 février 2017, n° 15/13116 N° Lexbase : A4552TCL).

 

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Elle approuve, tout d’abord, la cour d’appel d’avoir retenu que la vente aux enchères publiques de l’immeuble, constituant l’actif de la société en liquidation, était une vente judiciaire. Elle approuve ensuite la cour d’appel d’avoir retenu que les dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce ne pouvaient être invoquées par le locataire d’une partie de l’ensemble immobilier mis en vente, le terrain ayant été donné à bail à d’autres sociétés et la cession globale de l’immeuble ne pouvant donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption par le locataire (cf. l’Ouvrage «baux commerciaux» N° Lexbase : E4282E7Q).

newsid:464111

Baux commerciaux

[Brèves] Champ d’application du droit de préemption du locataire

Réf. : Cass. civ. 3, 17 mai 2018, n° 17-16.113, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9692XMW)

Lecture: 1 min

N4111BXK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464111
Copier

par Julien Prigent

Le 23 Mai 2018

Les dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0104I7Y) ne sont pas applicables à la cession globale d’un immeuble qui ne peut donc donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption par le locataire d’une partie de l’ensemble immobilier, même en l’absence d’autres locaux commerciaux. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 17 mai 2018 (Cass. civ. 3, 17 mai 2018, n° 17-16.113, FS-P+B+I N° Lexbase : A9692XMW).

 

En l’espèce, une société propriétaire d’un immeuble et d’un terrain les avait donnés à bail à deux locataires distincts. Le 20 avril 2017, après dissolution anticipée de la société propriétaire, le liquidateur amiable avait assigné les associés en autorisation de vente de l’ensemble immobilier aux enchères publiques. A titre reconventionnel, des associés ont soutenu que la société locataire, dont l’un d’eux était le gérant, était fondée à revendiquer le bénéfice du droit de préemption. Leur demande ayant été rejetée, ils se sont pourvus en cassation (CA Aix-en-Provence, 14 février 2017, n° 15/13116 N° Lexbase : A4552TCL).

 

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Elle approuve, tout d’abord, la cour d’appel d’avoir retenu que la vente aux enchères publiques de l’immeuble, constituant l’actif de la société en liquidation, était une vente judiciaire. Elle approuve ensuite la cour d’appel d’avoir retenu que les dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce ne pouvaient être invoquées par le locataire d’une partie de l’ensemble immobilier mis en vente, le terrain ayant été donné à bail à d’autres sociétés et la cession globale de l’immeuble ne pouvant donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption par le locataire (cf. l’Ouvrage «baux commerciaux» N° Lexbase : E4282E7Q).

newsid:464111

Consommation

[Brèves] Application de la Directive sur les clauses abusives aux contrats conclus entre un établissement d’enseignement et ses étudiants

Réf. : CJUE, 17 mai 2018, aff. C-147/16 (N° Lexbase : A8244XMB)

Lecture: 2 min

N4078BXC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464078
Copier

par Vincent Téchené

Le 23 Mai 2018

La Directive de l’Union sur les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (Directive 93/13 du 5 avril 1993 N° Lexbase : L7468AU7) peut s’appliquer à un établissement d’enseignement. Ainsi, le juge national est-il tenu d’apprécier d’office le caractère abusif des clauses contenues dans les contrats conclus entre les établissements d’enseignement et les étudiants et relevant de la Directive. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu le 17 mai 2018 par la CJUE (CJUE, 17 mai 2018, aff. C-147/16 N° Lexbase : A8244XMB).

 

La Cour rappelle, tout d’abord, qu’un juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle. Cette obligation emporte également, pour le juge national, celle d’examiner si le contrat contenant la clause entre dans le champ d’application de la Directive ou non.

 

S’agissant ensuite de la notion de «professionnel», la Cour souligne que le législateur de l’Union a entendu consacrer une conception large de cette notion. Il s’agit en effet d’une notion fonctionnelle impliquant d’apprécier si le rapport contractuel s’inscrit dans le cadre des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel.

 

En outre, elle relève qu’il semblerait que l’affaire ne porte pas directement sur la mission d’enseignement de l’établissement en question. Au contraire, l’affaire porte sur une prestation fournie par cet établissement, à titre complémentaire et accessoire de son activité d’enseignement, consistant à offrir, au moyen d’un contrat, un apurement sans intérêt de sommes qui lui sont dues par une étudiante. Or, une telle prestation revient, par nature, à consentir des facilités de paiement d’une dette existante et constitue fondamentalement un contrat de crédit. Partant, sous réserve de la vérification de ce point par le juge national, la Cour considère que, en fournissant une telle prestation complémentaire et accessoire à son activité d’enseignement, l’établissement d’enseignement agit en tant que «professionnel» au sens de la Directive. Elle souligne, à cet égard, que cette interprétation est corroborée par la finalité protectrice poursuivie par la Directive. En effet, dans le cadre d’un contrat, il existe, en principe, une inégalité entre l’établissement d’enseignement et l’étudiante, du fait de l’asymétrie de l’information et des compétences techniques entre ces parties.

newsid:464078

Contrats et obligations

[Textes] La réforme de la réforme

Réf. : Loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (N° Lexbase : L0250LKH)

Lecture: 17 min

N4094BXW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464094
Copier

par Louis Thibierge, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Aix-Marseille, Membre du Centre de Droit Economique (EA4224), Avocat au Barreau de Paris

Le 23 Mai 2018

Le 21 avril 2018 a été publiée au Journal officiel la loi n° 2018-287 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (N° Lexbase : L0250LKH).

La portée exacte de cette loi de ratification est discutée. Les uns évoquent une «réforme de la réforme» [1], les autres contestent cette expression, citant plus volontiers Shakespeare : «beaucoup de bruit pour rien» [2].

La loi de ratification mérite à notre sens la qualification de réforme de la réforme, tant elle s’éloigne de la simple ratification «sèche» initialement évoquée.

Retraçons-en d’un trait l’histoire : souhaitant rompre avec tous ces avant-projets n’ayant débouché sur aucune réforme faute de volonté politique, le Gouvernement décidait de prendre les choses en main et de réformer le droit des obligations par voie d’ordonnance. Le 16 février 2015, était votée une loi habilitant le Gouvernement «à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires permettant de moderniser, de simplifier, d’améliorer la lisibilité, de renforcer l’accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme».

Après une première mouture livrée à la consultation publique en 2015, était publiée le 10 février 2016 l’ordonnance n° 2016-131 portant réforme du droit des obligations (N° Lexbase : L4857KYK). Première modification d’ensemble depuis 1804, elle faisait émerger un nouveau droit des obligations, à la fois consécration de solutions prétoriennes et affirmation de solutions de rupture.

Pour acquérir valeur législative, l’ordonnance nécessitait l’onction parlementaire. L’élaboration de la loi de ratification a été l’occasion de clarifier certains points demeurés obscurs et de rectifier quelques erreurs de rédaction. Ce fut aussi, de manière plus surprenante, l’occasion pour certains de tenter des modifications de fond, prenant le contrepied de l’ordonnance.

Au fil des navettes, députés et sénateurs ont opéré un rapprochement de leurs positions. A la fin 2017, les projets des deux assemblées étaient encore opposés sur bien des points, et particulièrement quant à la définition du contrat d’adhésion ou à la révision pour imprévision. Il a fallu réunir une commission mixte paritaire pour aplanir les dernières difficultés.

Le 22 mars 2018, l’Assemblée nationale a adopté le texte définitif. Le Sénat lui a emboîté le pas le 11 avril. Le 20 avril 2018, la loi était donc adoptée. Elle fut publiée au Journal officiel du 21 avril 2018.

On connaît désormais la teneur de notre «nouveau» droit des contrats, dont l’application dans le temps demeure sujette à caution.

 

Un nouveau droit applicable immédiatement ?

 

La loi de ratification du 20 avril 2018 comporte, en son article 16, des dispositions transitoires.

Par principe, la loi nouvelle entre en vigueur le 1er octobre 2018. N’y seront donc soumis que les contrats conclus postérieurement à cette, suivant en cela les enseignements de Roubier.

En pratique, il faudra connaître pas moins de trois droits différents, suivant la date de conclusion du contrat :

  • pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016, seul le droit des contrats issu du Code de 1804 devrait s’appliquer ;
  • pour les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018, c’est l’ordonnance du 10 février 2016 qui s’applique ;
  • pour les contrats conclus après le 1er octobre 2018, c’est le droit issu de la loi de ratification qui s’applique ;

La prudence est donc de mise, tant à l’occasion d’un audit contractuel que dans le conseil à délivrer aux parties.

De surcroît, la frontière entre ces trois catégories est poreuse.

Ainsi, l’article 16 de la loi du 20 avril 2018 qualifie certaines modifications d’ «interprétatives», ce qui emporte qu’elles soient rétroactives, sans préciser toutefois à quelle date elles rétroagissent. Il semble que la rétroactivité ne puisse remonter avant le 1er octobre 2016, puisque les dispositions nouvelles interprètent des dispositions créées par l’ordonnance de 2016. Seraient donc applicables aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016 les modifications apportées aux articles :

Suivant la volonté sénatoriale, la loi de ratification précise que l’ordonnance du 10 février 2016 est inapplicable aux contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, «y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public». Le législateur entend ici briser la jurisprudence qui avait appliqué la loi nouvelle à des contrats en cours, au motif que certaines de ses dispositions étaient d’ordre public, ou concernaient les «effets légaux» du contrat, c’est-à-dire ceux que la loi attache au contrat indépendamment de la volonté des parties. Sous l’empire de cette jurisprudence, le juge pourrait se sentir autorisé à appliquer, par exemple, les dispositions de l’article 1195 (N° Lexbase : L0909KZP) sur la révision pour imprévision à un contrat conclu antérieurement au 1er octobre 2016. La loi de ratification entend priver le juge de cette faculté.

Mais n’est-ce pas autre chose qu’un «coup d’épée dans l’eau», comme le dit notre collègue Denis Mazeaud [3] ? La loi nouvelle n’empêche nullement le juge de raisonner «à la lumière» du droit nouveau, ce qui revient de manière subreptice à appliquer ce droit nouveau à un contrat ancien ?

 

Quels changements ?

 

Les changements sont au nombre de 25, et d’une inégale importance. Pour s’en tenir aux principaux, on évoquera tour à tour ceux qui sont relatifs à la formation du contrat (I), à son exécution (II), au régime général de l’obligation (III) ainsi que diverses dispositions (IV).

 

I - La formation du contrat

 

La loi de ratification modifie certaines règles de formation du contrat, qu’il s’agisse des négociations (A), de l’offre (B), de la réticence dolosive (C), de la violence par abus de dépendance (D), de la notion de contrat d’adhésion (E) ou encore des règles relatives aux personnes morales (F).

 

A - L’indemnisation du préjudice résultant de la mauvaise foi dans les négociations

 

L’article 1112 du Code civil est retouché (N° Lexbase : L0825KZL). Il prévoyait jusqu’à présent qu’ «en cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu».

La loi de ratification ajoute désormais une incise finale : «ni la perte de chance d'obtenir ces avantages».

La jurisprudence «Manoukian» (Cass. com., 26 novembre 2003, n° 00-10.243, FS-P N° Lexbase : A2938DA3) est donc enfin pleinement consacrée. Une erreur de plume en 2016 avait conduit les rédacteurs à occulter l’incise finalement rétablie en 2018.

Le préjudice indemnisable se réduit donc peu ou prou aux frais de négociations.

On notera néanmoins que le champ de l’article 1112 est plus large que la seule jurisprudence «Manoukian», laquelle ne concernait que la rupture abusive des pourparlers. L’article 1112 vise quant à lui toutes les fautes commises dans les négociations, ce qui englobe des hypothèses plus diverses (entrée fantaisiste en négociation, maintien dilatoire des négociations…).

 

B - La caducité de l’offre

 

Sensible à l’art de la symétrie, le législateur de 2018 a modifié l’article 1117 du Code civil (N° Lexbase : L0837KZZ).

Celui-ci prévoyait jusqu’à présent que l’offre était caduque «en cas d’incapacité ou de décès de son auteur». Rompant avec la jurisprudence qui distinguait suivant que l’offre était ou non assortie d’un délai, l’ordonnance décidait qu’elle ne pourrait survivre à la mort de son auteur.

Le texte nouveau ajoute «ou de décès de son destinataire». Dit autrement, le bénéfice de l’offre ne se transmet pas aux héritiers de son destinataire.

Si la solution se comprend en présence d’une offre intuitu personae, la généralisation de la solution à toutes les offres ne s’imposait pas avec la force de l’évidence.

 

C - La réticence dolosive

 

La loi de ratification répare une scorie qui affectait l’ordonnance de 2016. Celle-ci avait laissé subsister un hiatus entre les articles 1112-1 (N° Lexbase : L0598KZ8) et 1137 (N° Lexbase : L0854KZN).

Au terme du premier, n’existait aucun devoir d’informer son futur cocontractant sur la «l’estimation de la valeur de la prestation».

On avait cru consacrée la jurisprudence «Baldus» (Cass. civ. 1, 3 mai 2000, n° 98-11381 N° Lexbase : A3586AUD). Mais l’article 1137, relatif au dol, réprimait quant à lui la «dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie», sans distinguer selon l’objet de cette information.

Ce qui n’était pas répréhensible sur le terrain du devoir d’information pouvait l’être sur le terrain de la réticence dolosive. Et le lien établi entre obligation d’information et réticence dolosive était rompu.

La loi de ratification a amendé l’article 1137, qui prévoit désormais que «néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation».

Le droit de faire de bonnes affaires est rétabli.

 

D - La violence par abus de dépendance

 

L’article 1143 (N° Lexbase : L0848KZG), qu’on a tôt fait de qualifier -à tort- de sanction de la «violence économique», a fait l’objet d’une refonte non-négligeable.

Les sénateurs avaient espéré cantonner le domaine de la dépendance à la seule dépendance économique. Ne seraient plus sanctionnés les abus de dépendance affective, psychologique, médicamenteuse, structurelle… Seule la dépendance économique appellerait sanction.

Cette proposition a été rejetée. L’abus de tout type de dépendance est sanctionné.

Ou du moins en apparence. En effet, trois mots nouveaux changent tout au texte. Alors que l’ancien disposait «Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif», le texte nouveau dispose : «Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif».

Ce faisant le texte distingue utilement dépendance et vulnérabilité. Seule l’exploitation par le fort de la dépendance du faible à son égard emportera nullité du contrat.

 

E - Le contrat d’adhésion

 

Le contrat d’adhésion voit ses contours évoluer de manière significative [4].

L’article 1110 (N° Lexbase : L0815KZ9), issu de l’ordonnance du 10 février 2016, le définissait comme «celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties». Le critère tenait donc dans l’existence de conditions générales.

Le texte nouveau abandonne les conditions générales et définit désormais le contrat d’adhésion comme «celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties».

L’essence du contrat d’adhésion est donc la non-négociabilité, c’est-à-dire l’impossibilité de négocier certaines clauses. Lesquelles ? Le texte évoque un «ensemble». Mais qu’est-ce à dire ? Comme l’évoquait notre collègue Lionel Andreu, la notion d’ensemble comporte deux dimensions : quantitativement, il faut au moins deux clauses ; qualitativement, il faut que ces clauses forment un tout cohérent, un «ensemble» [5].

La proposition consistant à limiter la notion de contrat d’adhésion aux contrats dits «de masse», c’est-à-dire conclus en très grand nombre avec de très nombreux cocontractants, n’a pas été retenue. On peut s’en réjouir, ou s’inquiéter de la consécration d’une acception très large du contrat d’adhésion.

Ainsi, que faut-il penser des pactes d’actionnaires ou des statuts de sociétés ? Lorsqu’ils ont été négociés entre Primus et Secondus mais que Tertius y souscrit quelques années plus tard, les clauses n’en sont pas négociables. Certes, Madame Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, avait déclaré en décembre dernier que la volonté du Gouvernement n’était pas d’en faire des contrats d’adhésion.

Mais quelle sera la portée de cette déclaration ? De manière générale, quel crédit faut-il accorder à ces travaux «postparatoires» [6], consistant pour des parlementaires membres de la commission des lois à livrer l’interprétation «officielle» de textes qu’ils n’ont pas élaborés, ceux de l’ordonnance du 10 février 2016 ?

Le choix d’une acception large du contrat d’adhésion est fort heureusement contrebalancé par la modification substantielle de l’article 1171. Celui-ci, qui permettait jusque lors au juge de réputer non-écrite, au sein d’un contrat d’adhésion, toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits des obligations des parties, ne le permet plus si largement. Désormais, seules les clauses non-négociables entraînant un tel déséquilibre peuvent être neutralisées. On quitte donc le domaine du tout ou rien pour celui de la nuance.

 

F - Les personnes morales

 

Concernant les personnes morales, l’apport de la loi de ratification est double.

Le moins tangible consiste en une simplification de l’article 1145 (N° Lexbase : L0868KZ8). Celui-ci prévoyait jusqu’à présent que la capacité des personnes morales était «limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d'entre elles». Le nouveau texte, plus concis, dispose : «La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d'entre elles».

Le plus visible tient dans la réforme de l’article 1161 (N° Lexbase : L0869KZ9), relatif à la double représentation. Celui-ci interdisait jusqu’à présent à une même personne de représenter deux parties au contrat. La prohibition était très générale, et peu adaptée à la pratique des affaires, et notamment du droit des sociétés.

Le texte nouveau porte deux modifications significatives. D’abord, il écarte de son champ les personnes morales. Seules les personnes physiques entrent désormais dans le spectre de l’article 1161. Ensuite, concernant les personnes physiques, la prohibition n’est plus si générale qu’auparavant. Pour que soit interdite la double représentation, il faut qu’elle concerne deux personnes physiques «en opposition d’intérêts». Qu’il y ait opposition d’intérêts dans un contrat commutatif comme une vente peut se concevoir : le vendeur a intérêt à vendre cher, l’acquéreur à acquérir à bas prix. Mais y a-t-il opposition d’intérêts dans la constitution d’une société ? On peut en douter.

 

II - L’exécution du contrat

 

En matière d’exécution du contrat, on notera des modifications en matière de sanction en cas de fixation abusive du prix (A), de réduction unilatérale du prix (B), d’exécution forcée en nature (C) et de révision judiciaire pour imprévision (D).

 

A - La fixation unilatérale du prix

 

La loi de ratification aligne les articles 1164 (N° Lexbase : L0882KZP) et 1165 (N° Lexbase : L0881KZN) quant à la sanction de la fixation abusive du prix. Auparavant, celle-ci différait suivant l’hypothèse considérée : dans les contrats-cadre, l’abus était réprimé par l’octroi de dommages-intérêts ou la résolution du contrat, alors que dans les contrats de «prestation de service», seule la première branche de l’alternative était disponible.

Désormais, le prestataire de services qui fixe abusivement le prix s’expose à la résolution du contrat.

Cet alignement des sanctions nous paraît contre-intuitif. Que l’on permette à la partie à un contrat-cadre de sortir de celui-ci en raison du comportement abusif de son partenaire se comprend. Qu’est-ce qui justifie en revanche que l’on résolve le contrat de prestation de service correctement exécuté, au seul motif que le prestataire a fixé a posteriori un montant trop élevé ? Si la prestation a été dûment accomplie, pourquoi résoudre le contrat ?

 

B - La réduction unilatérale du prix

 

L’article 1223 (N° Lexbase : L0940KZT), innovation de l’ordonnance du 10 février 2016, consacrait un mécanisme inédit : la réduction unilatérale du prix. Le créancier pouvait ainsi accepter une exécution imparfaite et réduire proportionnellement le prix.

La mise en œuvre de cette sanction était incertaine du fait de la piètre rédaction du texte originel. La nouvelle rédaction est encore pire.

En 2016, le texte prévoyait «Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix. S'il n'a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais».

Le texte nouveau dispose : «En cas d'exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle le prix. L'acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit. Si le créancier a déjà payé, à défaut d'accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix».

Non seulement, le texte nouveau n’éclaire pas les zones d’ombres laissées par son prédécesseur (qu’est-ce qu’une réduction «proportionnelle» lorsque l’inexécution n’est pas quantitative mais qualitative ou issue d’un retard d’exécution ?), mais encore il en ajoute de nouvelles.

On en vient même à douter du caractère véritablement unilatéral de la sanction lorsque le texte évoque «l’acceptation par le débiteur de la décision de réduction du prix».

 

C - L’exécution forcée en nature

 

Le droit à l’exécution forcée en nature n’est pas absolu. Le créancier ne peut en effet l’obtenir lorsqu’elle est impossible ou lorsqu’il existe une disproportion manifeste entre le coût d’exécution et l’intérêt du créancier.

L’article 1221 est à cet égard modifié, limitant le domaine de l’exception à la bonne foi du débiteur. Dit autrement, lorsque le débiteur est de mauvaise foi (mais qu’est-ce à dire ?), la disproportion entre coût d’exécution forcée et intérêt du créancier est impuissante à paralyser le droit du créancier d’obtenir cette exécution forcée.

 

D - La révision judiciaire pour imprévision

 

En dépit de l’opposition des sénateurs, le pouvoir du juge de réviser le contrat à la demande de l’une des parties est maintenu.

Pour les convaincre de céder le pas aux députés sur ce point, on les a convaincus que l’article 1195 était supplétif de volonté, et que les parties les plus sophistiquées penseraient à l’écarter.

On a également ajouté au Code monétaire et financier un article L. 211-40-1, lequel prévoit que «l’article 1195 du Code civil n’est pas applicable aux obligations qui résultent d’opérations sur les titres et les contrats financiers mentionnés aux I à III de l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier».

En d’autres termes, les obligations procédant d’instruments financiers échappent à l’article 1195, fût-ce à titre supplétif. On gardera à l’esprit que les parts sociales ne font pas partie de cette catégorie, et qu’il faudra songer à aménager l’article 1195 si on veut les soustraire de son domaine.

 

III - Le régime général de l’obligation

 

A - La clarification des conditions de la renonciation à la condition suspensive

 

L’article 1304-4 (N° Lexbase : L0653KZ9) est retouché. Celui-ci permettait jusque lors au débiteur qui s’est engagé sous condition suspensive de renoncer à la condition, tant qu’elle est pendante.

Une erreur de plume en 2016 avait énoncé qu’une «une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie».

La loi de ratification modifie le texte : «une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie ou n'a pas défailli».

En effet, en matière de conditions suspensives, c’est la défaillance de la condition qui marque le point d’arrêt de la possibilité de renoncer à la condition. Prendre son accomplissement comme date butoir n’a pas de sens : lorsque la condition suspensive est accomplie, l’obligation devient pure et simple. Il ne peut être question d’y renoncer.

 

B - L’opposabilité de la déchéance du terme

 

Le législateur s’est saisi de l’occasion de la loi de ratification pour amender l’article 1305-5. Il prévoit désormais que «La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions».

La modification est peu ambitieuse. Non seulement, elle ne fait que consacrer la jurisprudence de la Cour de cassation, mais en outre, elle laisse de côté tous les autres garants qui n’auraient pas la qualité de caution.

 

C - La cession de dette

 

Formalisme. La cession de dette doit désormais faire l’objet d’un écrit, ad validitatem.

C’est ce que prévoit le nouvel article 1327 alinéa 2 : «La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité».

La règle paraît destinée à protéger les tiers contre les cessions occultes. Mais on notera l’absence d’exigence d’une date certaine, ce qui ne permet pas d’exclure les risques d’anti-datation.

 

Opposabilité. L’article 1327-1 (N° Lexbase : L0668KZR) est également remanié, et dispose désormais que «Le créancier, s'il a par avance donné son accord à la cession et n'y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s'en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu'il en a pris acte». La solution paraît logique : dès lors que le créancier est intervenu à l’acte de cession, il n’est nul besoin de l’en informer.

 

Sort des sûretés. La loi de ratification modifie l’article 1328-1 (N° Lexbase : L0670KZT). Dans sa version antérieure, il prévoyait que «Lorsque le débiteur originaire n'est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu'avec leur accord». Désormais, le sort des sûretés est aligné, le nouveau texte disposant : «Lorsque le débiteur originaire n'est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le débiteur originaire ou par des tiers ne subsistent qu'avec leur accord».

 

D - La cession de contrat

 

Une disposition similaire se trouve à l’article 1216-3, relatif au sort des sûretés en cas de cession de contrat. Cette fois-ci, ce sont les tiers qui sont rapprochés du débiteur, et non l’inverse comme en matière de cession de dette.

Le texte ancien prévoyait : «Si le cédant n'est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu'avec leur accord. Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette».

Le nouveau assimile les tiers au débiteur originaire : «Si le cédant n'est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le cédant ou par des tiers ne subsistent qu'avec leur accord. Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette».

 

E - La compensation opposée par la caution

 

On le sait, la compensation, fût-elle légale, n’est plus depuis 2016 automatique. Elle doit être invoquée.

L’article 1347-6 (N° Lexbase : L0725KZU) est modifié et, rompant avec une solution traditionnelle, permet désormais à la caution d’invoquer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur. Alors que l’ancien texte ne lui permettait que d’opposer «la compensation intervenue» entre créancier et débiteur, le nouveau texte autorise la caution à provoquer la compensation, s’immisçant ainsi dans les relations entre créancier et débiteur. 

 

IV - Dispositions diverses

 

Au titre des dispositions éparses, on évoquera d’un trait les restitutions dues par un mineur non émancipé ou un majeur protégé (A) et la possibilité de payer en devises (B).

 

A - Les restitutions

 

En deux mots, l’article 1352-4 inverse la règle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.

Le texte ancien prévoyait que «Les restitutions dues à un mineur non émancipé ou à un majeur protégé sont réduites à proportion du profit qu'il a retiré de l'acte annulé».

Le texte nouveau évoque quant à lui «Les restitutions dues par un mineur non émancipé ou par un majeur protégé sont réduites à hauteur du profit qu'il a retiré de l'acte annulé».

Le sens est donc modifié. Il ne s’agit plus du créancier de la restitution mais du débiteur de celle-ci.

 

B - La monnaie du paiement

 

L’article 1343-3 libéralise le paiement en devises étrangères.

L’ancien texte ne permettait ce paiement que «si l'obligation ainsi libellée procède d'un contrat international ou d'un jugement étranger».

La version amendée du texte permet désormais aux parties de «convenir que le paiement aura lieu en devise s'il intervient entre professionnels, lorsque l'usage d'une monnaie étrangère est communément admis pour l'opération concernée».

Une plus grande place est donc réservée à la liberté contractuelle.

 

En somme, la loi de ratification du 20 avril 2018 opère bien une «réforme de la réforme». Notre nouveau droit des contrats est connu. Il n’est pas pour autant figé, seule l’épreuve du feu judiciaire pouvant en révéler la teneur exacte.

 

[1] Voir notamment L. Andreu & L. Thibierge (dir.), Réforme de la réforme - A propos de la loi de ratification du 20 avril 2018, actes du colloque du 14 mai 2018, publication à venir à l’AJ Contrat. Voir également D. Mazeaud, Quelques mots sur la réforme de la réforme du droit des contrats, D., 2018, p. 912.

[2] M. Mekki, La loi de ratification de l'ordonnance du 10 février 2016 - Une réforme de la réforme ?, D., 2018 p. 900.

[3] D. Mazeaud, op. cit..

[4] C’est également, en creux, le cas du contrat de gré à gré. Il était jusque lors celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties. Il devient celui dont les stipulations sont librement négociables.

[5] L. Andreu, Le contrat d’adhésion, in L. Andreu & L. Thibierge (dir.), Réforme de la réforme - A propos de la loi de ratification du 20 avril 2018, actes du colloque du 14 mai 2018, publication à venir à l’AJ Contrat.

[6] M. Mekki, op. cit..

newsid:464094

Contrats administratifs

[Brèves] Action du crédit-bailleur cessionnaire de la créance du titulaire dirigée contre la personne publique et tendant au paiement de cette créance : compétence de la juridiction administrative

Réf. : T. conf., 14 mai 2018, n° 4119 (N° Lexbase : A8209XMY)

Lecture: 1 min

N4071BX3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464071
Copier

par Yann Le Foll

Le 23 Mai 2018

L'action du crédit-bailleur, cessionnaire de la créance du titulaire, dirigée contre la personne publique, et tendant au paiement de cette créance, relève de la compétence de la juridiction administrative. Ainsi statue le Tribunal des conflits dans un arrêt rendu le 14 mai 2018 (T. conf., 14 mai 2018, n° 4119 N° Lexbase : A8209XMY).

 

La convention tripartite en cause prévoit notamment, afin de préciser les conséquences à tirer d'une résiliation du contrat de partenariat, l'acquisition par la commune des ouvrages financés par le crédit-bailleur contre versement de l'indemnité irrévocable prévue par ce contrat. L'action par laquelle le crédit-bailleur demande, sur le fondement de cette stipulation, le paiement de cette indemnité, relève de la compétence de la juridiction administrative.

 

Le litige né de l'action introduite par la société X contre la commune relève donc de la compétence de la juridiction administrative.

newsid:464071

Domaine public

[Jurisprudence] L'image d'un bien du domaine public ne saurait constituer une dépendance de ce domaine ni par elle-même, ni en qualité d'accessoire indissociable - conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE Ass., 13 avril 2018, n° 397047, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2046XLD)

Lecture: 17 min

N4097BXZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464097
Copier

par Romain Victor, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 23 Mai 2018

Dans un arrêt rendu le 13 avril 2018, la Haute juridiction retient que les personnes publiques ne disposant pas d'un droit exclusif sur l'image des biens leur appartenant, celle-ci n'est pas au nombre des biens et droits mentionnés à l'article L. 1 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L0391H4A). Il en résulte que l'image d'un bien du domaine public ne saurait constituer une dépendance de ce domaine ni par elle-même, ni en qualité d'accessoire indissociable de ce bien. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public sur cet arrêt, Romain Victor, Maître des requêtes au Conseil d'Etat.

1 - A la question qui vous est posée de savoir si l’image d’un bien immobilier appartenant au domaine public entre dans le champ de l’article L. 3 du Code général de la propriété des personnes publiques, il nous semble en effet qu’il faut répondre par la négative. L’article L. 1 rend ce code applicable «aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l’Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu’aux établissements publics». Cette disposition détermine ainsi le champ d’application du code par la combinaison d’un critère organique (une personne publique) et d’un critère matériel (un bien ou un droit), tout en exigeant que soit caractérisé un rapport de propriété de la personne publique sur le bien ou le droit considéré. Or si l’on admet, comme la Cour de cassation, que le droit qu’un propriétaire détient sur son immeuble ne s’étend pas à l’exploitation exclusive de l’image de celui-ci, alors, si vous nous permettez cette expression, l’image ne rentre pas dans le code.

 

Il est vrai qu’à la lecture de cet article inaugural, on pourrait avoir l’impression que le Code général de la propriété des personnes publiques a été conçu pour embrasser l’ensemble des objets susceptibles de faire l’objet d’une propriété publique. En mentionnant, aux côtés des biens, entendus comme biens corporels, lesquels sont nécessairement meubles ou immeubles ([1]), les droits, entendus comme propriétés incorporelles, l’article L.1 paraît avoir couvert tout le champ des propriétés publiques. Il est vrai, aussi, qu’à la différence du code du domaine de l’Etat, le Code général de la propriété des personnes publiques n’est plus uniquement centré sur la propriété immobilière. Mais un examen attentif révèle qu’il n’accorde au domaine public immatériel qu’une place limitée. A l’exception notable des fréquences radioélectriques rattachées au domaine public hertzien de l’Etat [2], qui constitue un domaine public immatériel par détermination de la loi, classé dans le «domaine public immobilier» [3], le code traite presque exclusivement de biens corporels, ce qui a fait dire au Professeur Yolka que «des sujets éminemment patrimoniaux », au nombre desquels « l’image des monuments», «n’ont guère été pensés dans les termes du droit des biens» [4].

 

En outre, jusqu’à présent, vous avez regardé comme relevant du domaine privé les éléments incorporels susceptibles de faire l’objet d’une propriété publique tels que des actions et parts sociales (CE, 4 juillet 2012, n° 356168 N° Lexbase : A4733IQD, T. p. 750, concl. N. Escaut), des marques de fabrique (CE, 23 mars 1960, Spiesshofer et Braun, Rec. p. 215) ou des logiciels informatiques (CE, 28 mai 2004, n° 241304 N° Lexbase : A2942DCX, Rec. p. 238, concl. G. Bachelier) [5].

 

Enfin, si vous vous êtes prononcés, par votre décision «Commune de Tours» (CE, 29 octobre 2012, n° 341173 N° Lexbase : A1163IWY, Rec. p. 368, concl. N. Escaut et note B. Poujade, BJCL 2013 p. 57, AJDA, 2013 p. 111 note N. Foulquier), sur la prise de vues par un photographe professionnel d’œuvres des collections d’un musée public, en soumettant cette opération à une autorisation préalable assortie d’une redevance, vous n’avez pas fondé cette obligation sur un quelconque «droit à l’image» des biens du domaine public mobilier. Vous n’avez regardé l’opération consistant à prendre les tableaux en photographie à des fins d’exploitation commerciale comme constituant une utilisation privative que dans la mesure où cette opération impliquait, momentanément, une «occupation» matérielle du domaine qui avait pour effet que le droit d’usage du bien appartenant à tous ne s’exerçait pas dans les conditions habituelles. Mais ce qui vaut pour une prise de vue en intérieur, dans un lieu clos, nécessitant l’installation de moyens d’éclairage spécifiques, une «privatisation» temporaire d’une salle ou d’une partie d’une salle, voire le décrochage du tableau, ne vaut pas pour l’exploitation d’une photographie prise en extérieur qui n’a mis en cause le droit d’usage «normal» de la dépendance du domaine public concernée.

                                                          

2 - Si vous nous suivez pour considérer que le propriétaire de l’immeuble public ne détient pas de droit exclusif sur l’image de son bien, il vous restera encore à déterminer si l’image peut être regardée comme un «meuble» au sens de l’article L. 1. Nous ne le pensons pas tant il paraît manifeste qu’en tant que telle, l’image d’un immeuble n’entre pas dans le champ des dispositions de l’article L. 2112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques  (N° Lexbase : L1212LGY) dont il résulte que font partie du «domaine public mobilier» les biens appartenant à des personnes publiques «présentant un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique», une liste indicative et non limitative de onze catégories de biens répondant à cette définition (archives publiques, collections de musées, objets d’art classés, etc.).

 

3 - L’image d’un immeuble relevant du domaine public n’est donc pas, par elle-même, une dépendance du domaine public.

 

Et il est en tout état de cause exclu de considérer que cette image puisse être regardée comme étant liée physiquement à une dépendance du domaine et comme concourant, d’une manière ou d’une autre, «à l’utilisation d’un bien appartenant au domaine public» et donc qu’elle fasse partie du domaine public en sa qualité d’accessoire indissociable au sens de l’article L. 2111-2 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4506IQX), lequel a été pensé dans une double dimension fonctionnelle et physique [6].

 

4 - L’établissement public cherche à surmonter cette difficulté en soutenant, indépendamment du statut juridique de l’image, que l’exploitation commerciale de prises de vues d’un bien immobilier du domaine public devrait être assimilée à une « utilisation », dans un sens immatériel, de ce domaine, impliquant la délivrance d’un titre domanial et, par suite, le paiement d’une redevance en application des articles L. 2122-1 (N° Lexbase : L9590LDK) et L. 2125-1 (N° Lexbase : L9594LDP) du Code général de la propriété des personnes publiques. Mais cette tentative ne convainc pas. S’il est vrai que les intitulés de subdivisions du code entremêlent les notions d’occupation et d’utilisation et qu’à titre d’exemple, l’article imposant à tout occupant ou tout utilisateur du domaine public de posséder un titre figure parmi les «règles générales d’occupation» à l’intérieur d’un chapitre et d’un titre traitant de «l’utilisation» du domaine public, vous avez remis un peu d’ordre dans cette présentation, au fil de vos décisions, en retenant qu’il y a deux usages possibles du domaine public : l’occupation lorsqu’est en cause un immeuble et l’utilisation pour un meuble : voyez, avec les conclusions éclairantes de Nathalie Escaut, votre décision «Commune d’Avignon» du 31 mars 2014 (CE, n° 362140 N° Lexbase : A6415MIG, T. p. 652, AJDA, 2014 p. 2134, note N. Foulquier) qui retient le terme d’occupation du domaine public à propos de la «taxe trottoir» et votre décision «Commune de Tours» précitée qui retient celle d’utilisation à propos du domaine public mobilier. Mais, dans l’un et l’autre cas, il s’agit d’un usage « matériel » et il serait très constructif, par rapport à l’intention des rédacteurs du code, de regarder l’exploitation commerciale de l’image d’un bien du domaine public comme une utilisation de ce domaine.

 

Deux observations pour conclure sur ce point :

 

1°) Nous pensons qu’il y aurait peut-être un paradoxe à ce que le juge administratif offre aux propriétaires publics des facultés plus importantes que celles reconnues par le juge judiciaire aux propriétaires privés pour valoriser et exploiter leurs biens.

 

2°) Il faudrait, si vous souhaitiez faire rentrer l’image dans le bien et, de ce fait, dans l’article L. 1 du Code général de la propriété des personnes publiques, être certain de la conformité à la Constitution de la différence de traitement qui en résulterait entre propriétaires publics et privés ; concrètement, il faudrait pouvoir affirmer qu’il n’y aurait aucun obstacle à permettre à l’Etat de prélever une redevance sur l’exploitation de l’image du château d’Azay-le-Rideau, qui appartient à son domaine public et qu’il a remis en dotation au Centre des monuments nationaux, alors que les particuliers propriétaires des châteaux voisins de Chenonceau ou Cheverny ne pourraient en faire de même.

 

5 - A défaut de venir du Code général de la propriété des personnes publiques ou de l’article L. 621-42 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L2447K9I) relatif à l’image des biens des domaines nationaux, dont les dispositions ne sont entrées en vigueur que le 9 juillet 2016, le salut de Chambord viendra-t-il du juge, c’est-à-dire de la création prétorienne d’un régime d’autorisation administrative préexistant à l’intervention du législateur, laquelle n’aurait eu, dans cet esprit, qu’une dimension récognitive ?

 

L’arrêt de la cour de Nantes, qui s’est engagée dans cette voie, se heurte selon nous à plusieurs objections.

 

Il est premièrement manifeste que le régime d’autorisation préalable qu’elle a défini est beaucoup trop large puisqu’il inclut tous les immeubles du domaine public, y compris, par exemple, le domaine public routier, ce qui n’a pas de sens. En outre, aucune exception n’a été ménagée en faveur de prises de vues qui, tout en s’inscrivant dans un cadre commercial, poursuivraient également une finalité culturelle ou artistique.

 

En deuxième lieu, et à la différence de ce qu’a prévu le législateur pour l’image des domaines nationaux, la cour n’a pas soumis à autorisation l’exploitation commerciale de l’image des immeubles du domaine public mais la prise de vues de ces immeubles en vue d’une utilisation commerciale. Or en l’absence de modulation dans le temps de la règle nouvelle, l’application rétroactive de la jurisprudence (CE Ass., 16 juillet 2007, n° 291545 N° Lexbase : A4715DXW, Rec. p. 360) aurait pour effet que l’auteur ou le propriétaire d’une image déjà fixée ou captée se verrait privé de la possibilité d’utiliser cette image à des fins commerciales, ce qui constitue une atteinte au droit de propriété. Et si l’on devait considérer que la règle ne vaut que pour l’avenir, ce que la cour n’a pas dit, la différence de traitement qui en résulterait serait difficilement justifiable, votre jurisprudence relative aux titres délivrés par les gestionnaires domaniaux rappelant qu’il incombe à ceux-ci de les accorder «dans le respect du principe d’égalité» : voyez vos arrêts «Commune de Tours» et «Société Photo J.L. Josse» (CE, 23 décembre 2016, n° 378879 N° Lexbase : A8788SXR).

 

On peut également nourrir certains doutes quant au bien-fondé de la justification que la cour a placée au frontispice du régime qu’elle a créé. Le Conseil constitutionnel a certes, à quelques reprises, fait référence aux «exigences constitutionnelles tenant à la protection du domaine public», qui résident en particulier, a-t-il dit, « dans l’existence et la continuité des services publics dont ce domaine est le siège », « dans les droits et libertés des personnes à l’usage desquelles il est affecté », ainsi que « dans la protection du droit de propriété que l’article 17 de la Déclaration de 1789 accorde aux propriétés publiques comme aux propriétés privées» : voyez principalement sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 (N° Lexbase : A9631C89, cons. 29) [7]. Ces exigences sont mentionnées tantôt comme une composante du principe de protection des propriétés publiques (v. déc. n° 2009-594 DC du 3 décembre 2009 N° Lexbase : A3192EPW, cons. 18 à 20), tantôt en lien avec les exigences constitutionnelles relatives à l’égalité devant la commande publique. Comme le souligne Yves Gaudemet, il s’agit de considérer, «au-delà de la propriété» publique, «l’utilité qu’elle sert» (Nouveaux cahiers du CC, n° 37, octobre 2012). Mais on à peine à voir ici en quoi l’exploitation commerciale de la prise de vues d’un immeuble du domaine public mettrait en cause la continuité du service public ou l’affectation à l’usage public et justifierait une autorisation administrative préalable, qui plus est doublée de conditions financières. Et si le Conseil constitutionnel impose que des biens faisant partie du patrimoine de personnes publiques puissent être aliénés ou durablement grevés de droits au profit de personnes poursuivant des fins d'intérêt privé sans contrepartie appropriée eu égard à la valeur réelle de ce patrimoine (v. Cons. const., décision n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010 N° Lexbase : A1870GNL, cons. 3), la valorisation des propriétés publiques n’est pas, en elle-même, un principe constitutionnel ou un objectif à valeur constitutionnelle, mais seulement un but d’intérêt général.

 

Enfin et surtout, la cour de Nantes était-elle fondée à créer, sans texte, un régime d’autorisation administrative préalable pour la prise de vues d’immeuble du domaine public à des fins commerciales ? La réponse est sans doute un peu dans la question.

 

L’article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) donne compétence au législateur pour fixer les règles concernant «les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques». Vous jugez de longue date que la liberté du commerce et de l’industrie est une liberté publique au sens de ces dispositions (CE Sect., 28 octobre 1960 Rec. p. 570 ; pour un rappel récent : CE, 9 mars 2016, n°s 388213, 388343, 388357 N° Lexbase : A5440QY7, T. p. 607-664-677), ce dont vous déduisez par exemple qu’il appartient au seul législateur de réglementer l’accès à une activité professionnelle (CE Ass., 22 juin 29163, Syndicat des personnels soignants de la Guadeloupe, Rec. p. 386), de déterminer les dates des soldes (CE, 22 mars 1991, n° 111425 N° Lexbase : A0224ARQ, T. p. 679) ou d’interdire l’utilisation de certains appareils de télécommunication non agréés (CE, 9 mai 1994, n° 115232, 115233 N° Lexbase : A2435ASY, T. p. 737).

 

Les pouvoirs de police du gestionnaire du domaine public ne peuvent pour le reste être utilement invoqués. Vous jugez en effet que l’autorité de police ne peut, sans méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, subordonner à une autorisation l’exercice d’une profession non réglementée par la loi. Voyez votre arrêt d’Assemblée «Daudignac» de 1951 (CE, 22 juin 1951, Rec. p. 362, GAJA n° 61, concl. Gazier) ayant annulé pour excès de pouvoir l’arrêté du maire de Montauban ayant soumis à autorisation la profession de photographe-filmeur. Seules les nécessités de l’ordre public permettent aux autorités de police, non pas de soumettre à autorisation, mais de réglementer l’exercice d’une profession, dans la mesure où celle-ci risque d’y porter atteinte (CE Sect., 15 octobre 1965, Préfet de police c/ Alcaraz, Rec. p. 516).

 

La décision rendue le 2 février 2018 par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2017-687 QPC N° Lexbase : A2699XCX), sur renvoi de vos 10ème et 9ème chambres réunies (CE 25 octobre 2017, n° 411005 N° Lexbase : A4518WXM), relative au droit à l’image des domaines nationaux, nous renforce un peu plus dans l’idée que seule la loi pouvait poser le principe d’une autorisation préalable. En jugeant que les dispositions de l’article L. 621-42 du Code du patrimoine ne portaient pas d’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété, il a bien constaté, ainsi que le souligne le commentaire aux Cahiers, qu’un tel régime d’autorisation portait atteinte à cette liberté et à ce droit. Et pour aboutir à un verdict de conformité à la Constitution, il s’est notamment appuyé sur le champ d’application de la mesure, restreint aux seuls biens présentant un lien exceptionnel avec l’histoire de la Nation, lesquels constituent de toute évidence une très faible partie des patrimoines publics, sur l’existence de dérogations à la règle de l’autorisation préalable et sur une interprétation de la disposition contestée, lue comme ne permettant au gestionnaire domanial de s’opposer à la demande d’autorisation d’exploitation commerciale que si celle-ci porte atteinte à l’image du bien. Ceci nous conduit à dire que ce n’est pas seulement une loi, mais une loi assurant de manière pertinente et efficace la conciliation entre les différents intérêts généraux et les droits et libertés constitutionnellement garantis qui était requise.

 

6 - Nous n’aurons accompli aucune prouesse en vous proposant donc de juger qu’avant la loi, il n’y avait pas la loi et que, sans la loi, seul trouve à s’appliquer, par défaut, le régime du trouble anormal défini par l’arrêt de la Cour de cassation du 7 mai 2004 (Ass. plén., n° 02-10.450, P N° Lexbase : A1578DCG), qui concerne tous les propriétaires d’une chose et trouvera à s’appliquer à la fois pour le passé, pour tous les immeubles publics, qu’ils appartiennent au domaine public ou au domaine privé, mais aussi pour l’avenir, pour tous les immeubles publics autres que ceux des domaines nationaux ayant été désignés par décret en Conseil d’Etat, ceux-ci bénéficiant des dispositions de l’article L. 621-42.

 

La compétence suivant le fond, ce sont donc les tribunaux judiciaires qui seront juges en la matière. Il s’agirait en effet d’un contentieux où la personne publique rechercherait, indépendamment d’un régime de responsabilité administrative, la responsabilité quasi-délictuelle d’une personne privée et demanderait, le cas échéant, que soient prises les mesures utiles pour faire cesser le trouble anormal. Or vous jugez, à l’unisson avec le Tribunal des conflits, qu’en l’absence d’une disposition législative spéciale, il n’appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la responsabilité qu’une personne privée peut avoir encourue à l’égard d’une collectivité publique (CE Sect., 30 octobre 1964, Commune d’Ussel, n° 58134, Rec. p. 501, AJDA, 1964 p. 706, concl. Fournier ; T. conf., 12 avril 1976, n° 2014 N° Lexbase : A8229BD7, Rec. p. 698 ; T. conf., 2 mars 1987, n° 2458 N° Lexbase : A8045BDC, T. p. 645).

 

L’ilôt de compétence reconnu au juge administratif en matière de domaine public par le Tribunal des conflits (T. conf., 24 septembre 2001, n° 3221 N° Lexbase : A4671XNC, Rec. p. 747) ne peut précisément pas jouer, en l’absence d’un régime d’autorisation administrative et, consécutivement, en l’absence d’un régime de responsabilité pour faute analogue à celui prévu en matière d’occupation sans titre (CE Sect., 25 mars 1960, SNCF c/ Dame Barbey, n° 44533, Rec. p. 222 ; CE, 15 avril 2011, n° 308014 N° Lexbase : A5423HN8, T. p. 923). Nous pensons en revanche que la compétence de la juridiction administrative aurait pu, contrairement à la solution retenue par la cour, se justifier dans l’hypothèse d’un régime d’autorisation administrative créé par le juge.

 

7 - Reste à savoir si l’on peut, en matière de biens publics, se satisfaire du droit commun ?

 

Faut-il être gêné de laisser les clés de l’immeuble public au juge judiciaire ?

 

Le Conseil constitutionnel, qui avait, en 1986, retenu l’idée d’une protection constitutionnelle «à titre égal» des propriétés publiques et privées (décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986 N° Lexbase : A8134ACA, cons. 58), n’a-t-il pas lui-même, par des décisions récentes, engagé un mouvement visant à différencier le régime applicable aux propriétaires publics et aux propriétaires privés (v. décision n° 2011-118 QPC du 8 avril 2011 N° Lexbase : A5888HMZ ; v. sur ce point, R. Noguellou, AJDA, 2013, p. 986) ?

 

Indépendamment de la jurisprudence qui a été rappelée la solution en faveur de la compétence judiciaire n’est pas sans argument.

 

On rappellera que les tribunaux répressifs connaissent des poursuites pénales engagées contre les auteurs d’infractions à la police de conservation du domaine public routier, sur le fondement de l’article L. 116-1 du Code de la voirie routière (N° Lexbase : L1695AEI), mais aussi contre les auteurs d’actes de dégradation, détérioration ou destruction de biens destinés à l’utilité publique ou à la décoration publique et appartenant à une personne publique, sur le fondement de l’article 322-3 du Code pénal (N° Lexbase : L4812K8Q). Sur un volet plus immatériel, ces mêmes tribunaux sont compétents, en matière d’infractions de presse, sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW), pour connaître de faits d’injure et de diffamation commis au préjudice d’administrations publiques, le cas échéant lorsqu’une image ou un photomontage est à l’origine de l’infraction.

 

Sur le plan civil, il faut commencer par rappeler que le juge judiciaire est le juge de l’existence de propriété, de l’interprétation des actes de propriété et de la délimitation des fonds publics et privés, à l’exclusion de la délimitation du domaine public. Les juridictions de l’ordre judiciaire sont en outre compétentes, de longue date, pour connaître de l’action susceptible d’être engagée par une collectivité territoriale, sur le fondement de l’article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L7857IZZ), pour interdire le dépôt d’une marque commerciale portant atteinte à son nom, à son image ou à sa renommée. Ces dispositions ont déjà donné lieu à un contentieux assez fourni, comme en témoigne le feuilleton contentieux autour du dépôt de la marque Laguiole (v. CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 4 avril 2014 N° Lexbase : A6576MIE ; Cass. com., 4 octobre 2016, n° 14-22.245, FS-P+B N° Lexbase : A9768R7W, Bull. com. 2016, n° 128). Dans un registre voisin, le juge civil est également compétent dans le contentieux des marques enregistrées par des collectivités publiques, étant observé que le Domaine national de Chambord a déposé la marque «Château de Chambord» auprès de l’Institut national de la propriété industrielle.

 

S’il doit subsister un pan de compétence pour l’ordre administratif, ce serait seulement, le cas échéant, en dehors de l’application des dispositions du nouvel article L. 621-42 du Code du patrimoine, dans l’hypothèse où le propriétaire ou le gestionnaire d’un immeuble public serait négligent et refuserait de saisir le juge judiciaire d’une action sur le terrain du trouble anormal, sa décision pouvant être déférée au juge de l’excès de pouvoir, comme vous en décidez dans le contentieux des contraventions de grande voirie, en faisant prévaloir l’intérêt supérieur de la protection du domaine sur les raisons de convenance administrative susceptibles de dissuader le gestionnaire d’agir (CE Sect., 23 février 1979, n° 4467 N° Lexbase : A2200AKP, Rec. p. 75, concl. A. Bacquet).

 

Nous pensons donc que si le dispositif de l’arrêt attaqué en tant qu’il a statué sur les conclusions subsidiaires doit être confirmé, en ce qu’il retient que celles-ci ont été portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, et si le motif qui le sous-tend, tiré de ce qu’il n’appartient pas à la juridiction administrative, en l’absence de disposition législative contraire, de statuer sur la responsabilité qu’une personne privée peut avoir encourue à l’égard d’une personne publique est également correct, la justification de cette solution doit être rectifiée en ce sens que le fondement de la responsabilité susceptible d’avoir été encourue par les Brasseries Kronenbourg n’est pas la faute qu’elle aurait commise à n’avoir pas sollicité une autorisation administrative de la part de l’établissement public du Domaine national de Chambord mais l’éventuel trouble anormal qu’elle est susceptible d’avoir causé à cette personne publique.

 

Au bout du compte, mais c’est peut-être un manque d’imagination de notre part, nous ne discernons pas de solution alternative à celle consistant donc à retenir que le propriétaire public d’un immeuble n’est pas le propriétaire de l’image de son bien et qu’en dehors d’une utilisation qui lui causerait un trouble anormal, qu’il pourrait faire cesser et dont il pourrait obtenir réparation devant les juridictions de l’ordre judiciaire, et sous réserve des dispositions législatives spéciales désormais applicables aux domaines nationaux, il ne peut s’opposer à l’usage par tous de cette image, ce qui n’est pas sans renouer avec une certaine conception, ancienne il est vrai, sans doute passée de mode, et peut-être naïve, d’une propriété publique altruiste.

 

Par ces motifs nous concluons au rejet du pourvoi, y compris les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens et à ce que l’établissement public du Domaine national de Chambord verse la somme de 3 000 euros à ce titre à la société défenderesse.

 

[1] Ainsi que le retient l’article 516 du Code civil (N° Lexbase : L1056ABQ).

[2]  C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2111-17 (N° Lexbase : L4516IQC).

[3] Cf. chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du Code général de la propriété des personnes publiques.

[4] AJDA, 2007, p. 964, Les meubles de l’administration. V. également, Naissance d’un code : la réforme du droit des propriétés publiques, JCP éd. A, n° 22, 29 mai 2006, act. 452 : «La propriété publique incorporelle passe également à la trappe, le code se contentant d’une vague référence aux biens et aux droits des collectivités (art. L. 1) ; carence malheureuse, compte tenu d’une nette tendance à la dématérialisation des propriétés, pas uniquement privées».

[5] Cf. sur ce point également, Norbert Foulquier, Droit administratif des biens, 3ème éd., LexisNexis, n° 252.

[6] V. sur ce point la retranscription de l’intervention de Ch. Maugüé, Frontières de la domanialité publique, JCP éd. A, 2006, 1245.

[7] V. également décision n° 94-346 DC du 21 juillet 1994, (N° Lexbase : A8307ACN), cons. 2.

 

newsid:464097

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Conditions relatives à l’application de l’exonération des droits de succession au profit de frères et soeurs vivant ensemble

Réf. : CA Paris, 14 mai 2018, n° 16/20843 (N° Lexbase : A6414XMI)

Lecture: 2 min

N4092BXT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464092
Copier

par Marie-Claire Sgarra

Le 23 Mai 2018

Le fait de vivre de façon alternée dans un domicile puis dans un autre n’implique pas une domiciliation commune.

 

Telle est la solution retenue par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 14 mai 2018 (CA Paris, 14 mai 2018, n° 16/20843 N° Lexbase : A6414XMI).

 

En l’espèce, Madame Z. est l’héritière de sa sœur. Elle sollicite le bénéfice de l’exonération de droits de succession sous conditions de domiciliation conjointe prévue par l’article 796-0 ter du Code général des impôts (N° Lexbase : L9258HZW). L’administration remet en cause cette exonération en considérant que la condition de domiciliation commune n’était pas remplie. La réclamation contentieuse de Madame Z. est restée sans réponse et le tribunal de grande instance de Paris confirme la décision de rejet de l’administration.

 

Aux termes de l’article 796-0 ter du Code général des impôts, les droits de mutation ne sont pas dus par chaque frère ou sœur, célibataire ou veuf à la double condition d’être au moment de l’ouverture de succession âgé de plus de 50 ans ou atteint d’une infirmité le mettant dans l’impossibilité de subvenir par son travail aux besoins de l’existence et avoir constamment vécu avec le défunt pendant les cinq ans précédant le décès. C’est cette seconde condition qui posait problème en l’espèce.

 

En effet Madame Z. a fait l’acquisition d’un appartement avec sa sœur en juillet 2003 à Paris et a vendu son appartement d’Antibes en mars 2008. L’administration a admis la notion civile du domicile qui n’implique pas une cohabitation constante mais il doit être démontré que le domicile est le lieu principal d’établissement. Les éléments retenus sont constitués par la résidence, une installation durable, le paiement des impôts, la réception de la correspondance. L’administration fait valoir que jusqu’en 2008 Madame Z. n’avait pas fait le choix de régulariser sa situation de partage entre les deux domiciles.

 

Madame Z. à l’appui de sa demande produit des justificatifs de paiements par carte bleue sur la période 2004-2007 qui montrent des dépenses sur Paris et Antibes avec une moyenne de sept mois à Paris, une lettre d’un voisin qui indique sa présence constante auprès de sa sœur depuis 2004 ainsi qu’une lettre du médecin traitant de sa sœur qui atteste de son état de santé dégradé nécessitant la présence d’une tierce personne.

 

Pour la cour d’appel ces éléments ne sont pas suffisants pour caractériser une cohabitation dès lors que dans ses déclarations de revenus pour les années 2006 et 2007, Madame Z. a indiqué sa résidence principale à Antibes. En conséquence la cour d’appel confirme la décision déférée en ce qui concerne la majoration de 40 % (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X4164ALS).

 

newsid:464092

Procédure pénale

[Brèves] Instruction : conformité à la Constitution de l’article 187 du Code de procédure pénale

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-705 QPC, du 18 mai 2018 (N° Lexbase : A9686XMP)

Lecture: 3 min

N4084BXK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464084
Copier

par June Perot

Le 23 Mai 2018

► Les dispositions de l’article 187 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3563AZY), lesquelles prévoient la possibilité pour le juge d’instruction de poursuivre son information, y compris, le cas échéant, jusqu’au règlement de celle-ci, sauf décision contraire du président de la chambre de l’instruction, et alors même qu’un appel a été interjeté d’une ordonnance du magistrat instructeur, sont conformes à la Constitution. Telle est la solution d’une décision du Conseil constitutionnel rendue le 18 mai 2018 (Cons. const., décision n° 2018-705 QPC, du 18 mai 2018 N° Lexbase : A9686XMP).

 

Le Conseil avait été saisi, le 28 février 2018 (Cass. crim., 28 février 2018, n° 17-83.577, FS-D N° Lexbase : A0572XGB), par la Chambre criminelle, laquelle estimait que l’éventuelle infirmation de l’ordonnance à l’origine de la saisine de la chambre de l’instruction pouvait apparaître comme privée de toute portée effective et qu’il existait ainsi un risque d’atteinte au droit à un recours effectif.

 

Dans le cadre de cette QPC, les requérantes reprochaient à ces dispositions de permettre au juge d'instruction de poursuivre son information et, le cas échéant, de clôturer celle-ci, alors même que la chambre d'instruction est saisie en appel d'une décision du magistrat instructeur. Ainsi, dans l'hypothèse où l'instruction est close avant qu'il ait été statué sur l'appel, ce dernier serait privé d'effet. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, des droits de la défense et du principe d'égalité devant la loi.

 

Pour conclure à la conformité de ces dispositions, le Conseil a formulé trois points :

 

  • Il a estimé, en premier lieu, qu’en application du premier alinéa de l'article 187, lorsque la chambre de l'instruction est saisie en appel d'une ordonnance autre que de règlement, le président de la chambre de l'instruction a la faculté d'ordonner la suspension de l'information le temps que cette chambre statue sur cet appel. Par ailleurs, la clôture de l'instruction ne peut, conformément aux dispositions de l'article 175 (N° Lexbase : L5026K8N) du même code, intervenir en tout état de cause qu'à l'issue d'un délai minimum d'un mois et dix jours après que les parties ont été informées par le juge d'instruction de son intention de clore l'information. Dans cet intervalle, elles peuvent informer le président de la chambre de l'instruction, devant laquelle un appel est pendant, de l'imminence de la clôture de l'information. 

 

  • En deuxième lieu, le Conseil rappelle qu’il peut être interjeté appel d'une ordonnance de mise en accusation et que le mis en examen peut, à cette occasion, contester les dispositions des ordonnances critiquées devant la chambre de l'instruction au moment de la clôture de l'instruction. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation qu'il se déduit du troisième alinéa de l'article 186-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5030K8S) que l'appel formé contre l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est recevable lorsqu'un précédent appel du mis en examen contre une ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté une demande d'acte est pendant devant la chambre de l'instruction saisie par le président de cette juridiction. Enfin, en cas d'ordonnance de non-lieu, la partie civile peut interjeter appel de cette ordonnance, ce qui lui permet de contester les dispositions des ordonnances critiquées devant la chambre de l'instruction au moment de la clôture de l'instruction. 

 

  • Pour finir, le Conseil relève qu'en cas de saisine d'une juridiction de jugement à la suite d'une information judiciaire, les parties peuvent toujours solliciter un supplément d'information auprès de la cour d'assises, du tribunal correctionnel ou de la chambre des appels correctionnels. Cette faculté leur est également accordée devant le tribunal de police en cas de renvoi en jugement pour une contravention. Les parties peuvent ainsi contester utilement, dans des délais appropriés, les décisions du juge d'instruction sur lesquelles la chambre de l'instruction n'a pas statué avant l'ordonnance de règlement. 

 

Surtout, il est à noter que, pour le Conseil, les dispositions contestées, qui ont pour objet d'éviter les recours dilatoires provoquant l'encombrement des juridictions et l'allongement des délais de jugement des auteurs d'infraction et mettent ainsi en œuvre l'objectif de bonne administration de la justice, ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif. 

newsid:464084

Procédure pénale

[Questions à...] Projet de réforme des assises - Questions à Maître Henri Leclerc

Lecture: 4 min

N4072BX4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464072
Copier

par Marie Le Guerroué

Le 03 Août 2018

Mots-clefs : procédure pénaIe / interview / projet de réforme de la cour d'assises / tribunal criminel / jurés populaires

 

Dans un entretien accordé au journal Le Monde, le 9 mars dernier, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a annoncé l’expérimentation d’un nouveau tribunal criminel départemental. Cette nouvelle juridiction devrait remplacer, pour les crimes punis de moins de vingt ans de prison, les cours d’assises et n’être composée que de magistrats professionnels.

 

Alors qu’en 2010, c’est l’instauration des jurés populaires qui avait été expérimenté en correctionnel, c’est aujourd’hui leur suppression qui devrait l’être devant cette nouvelle juridiction.

 

L’avocat pénaliste et président d’honneur de la Ligue des droits de l'Homme, Henri Leclerc, fut au cours de sa carrière à la fois l’acteur et le témoin du fonctionnement des cours d’assises. Il a accepté, pour Lexbase Pénal, de revenir sur le rôle des citoyens dans l’audience pénale et sur les enjeux de cette nouvelle expérimentation.

Lexbase Pénal : Avant de revenir avec vous sur cette annonce surprise de la Chancellerie, pouvez-vous nous expliquer, Maître Henri Leclerc, le rôle des jurés populaires aux assises ?

 

Maître Henri Leclerc : Les jurés populaires, à l’origine, lorsqu’ils ont été crées en 1789, étaient des citoyens qui en hommes probes et libres devaient au vu des débats de l’audience donner leur réponse sur l’éventuelle culpabilité de l’accusé. Dans l’évolution, leur rôle a été peu à peu diminué puisque maintenant ils siègent avec les magistrats et assurent à l’audience la nécessaire oralité des débats et leur caractère contradictoire.

 

Lexbase Pénal : L’instauration de cette juridiction particulière qu’est le tribunal criminel, devrait, selon la garde des Sceaux, permettre d’accélérer le traitement des dossiers criminels et d’éviter la correctionnalisation de certaines affaires. Le remède vous semble-il répondre aux maux ?

 

Maître Henri Leclerc : D’abord, sur le premier point, si l’on souhaite accélérer la procédure, il faut commencer par faire accélérer les procédures d’instruction. Quant au tribunal criminel, il n’empêchera pas le double degré de juridiction en instruction, c'est-à-dire la possibilité, lorsqu’un juge d’instruction a renvoyé, de faire un recours devant la chambre de l’instruction ou même devant la Cour de cassation. Contrairement à ce que l’on dit, ce n’est pas le fait des jurés qui allonge les délais, c’est l’encombrement des cours d’assises. Dans ces conditions, le tribunal criminel va être lui aussi encombré. Même si je sais que l’on envisage le recours à des magistrats temporaires, c'est-à-dire des gens qui ne sont pas magistrats et qui ont été nommé dans des conditions tout à fait contestables juge de proximité, il sera difficile d’en trouver cinq et il y aura toujours une possibilité d’appel. Les délais devant le tribunal criminel seront donc, à mon avis, toujours aussi longs.

 

Ensuite, s’agissant de la correctionnalisation, quelquefois pratiquée pour des affaires de viols, souvent les victimes elles-mêmes préfèrent une décision dans des conditions plus grandes de confidentialité devant le tribunal correctionnel et le choix de correctionnaliser est soumis à leur approbation. S’il s’agissait en réalité, d’augmenter la compétence du tribunal correctionnel sur ce point, cela aurait été possible. Je crois donc que ces deux arguments ne résistent pas à l’examen.

 

Lexbase Pénal : Cette expérimentation conduirait donc à la suppression des jurés populaires pour les crimes punis jusqu’à vingt ans de prison en première instance. Quelles conséquences cette suppression pourrait avoir sur le jugement des affaires criminelles et particulièrement sur la procédure ?

 

Maître Henri Leclerc : Ce qui va changer, c’est que malheureusement, le dossier écrit prendra plus d’importance au détriment de l’oralité des débats. En effet, devant la cour d’assises les jurés n’ont pas connaissance du dossier écrit, et d’ailleurs ils ne peuvent en avoir connaissance car les dossiers sont beaucoup trop volumineux pour le faire, il faut donc que tous les arguments soient exposés à l’audience. Donc si c’est pour que l’on se réfère, désormais, au dossier écrit et que l’on juge en raccourcissant le débat, en évitant l’audition de témoins ou l’audition d’expert, alors c’est que l’on va vers une justice beaucoup plus mauvaise. Car l’avantage de la cour d’assises c’est que tout est remis à plat et que, effectivement, tout le monde, les jurés et le public, entendent tous les éléments à charge qui sont développés. Dans ces conditions, ce que je crains c’est que tous ces aspects contradictoires qui donnaient à la cour d’assises sa solennité, mais qui lui donnaient aussi une sûreté dans la décision, soient abandonnés.

 

Lexbase Pénal : Une des critiques également formulée à l’encontre des jurés populaires est leur manque de formation juridique et le risque de subjectivité de leurs décisions. Est-ce qu’une décision rendue par des magistrats professionnels serait le moyen d’éviter ce qui est parfois appelé l’«aléa des verdicts» ?

 

Maître Henri Leclerc : D’abord, il y aussi un aléa des verdicts devant le tribunal correctionnel. Ensuite, la grande idée c’est que les jurés jugent en toute bonne foi et qu’ils ont à apprécier des faits. On leur expose pourquoi, par exemple, Monsieur ou Madame untel est coupable, voilà ce qu’elle a fait, voilà ce que disent les témoins, voilà dans quelles circonstances cela s’est passé et, pour tout cela, il suffit de beaucoup de bon sens, il n’y pas besoin d’être un juriste. Je rappelle qu’aussi bien devant le tribunal criminel que devant la cour d’assises tous les problèmes juridiques ont été réglés en amont par la décision de la chambre de l’instruction, voire du juge d’instruction selon les circonstances.

 

Aujourd’hui, ils apprécient aussi la peine mais comme l’éventail sur les peines est extrêmement large ils l’apprécient en fonction de ce qu’ils ont vu, de l’accusé, des explications qu’il a donné, des raisons -indépendamment de savoir s’il est coupable ou innocent-, des explications de l’avocat, des réquisitions de l’avocat général, d’un débat oral. Dire qu’aujourd’hui les jurés, qui sont tirés au hasard sur les listes électorales, seraient incompétents, c’est remettre en cause les règles fondamentales de la démocratie.

  

Lexbase Pénal : Les jurés ont, peut-être aussi, plus de liberté dans leurs décisions, ils sont moins «formatés» que les magistrats ?

 

Maître Henri Leclerc : C’est un des arguments que l’on utilisait beaucoup au 18ème siècle selon lequel «les magistrats ne pensent qu’à condamner». Moi, je n’en suis pas sûr du tout. Je pense que les jurés sont libres de leurs décisions, ils peuvent parfois être moins mais aussi plus sévères que les magistrats. Les jurés sont des citoyens et aux élections leurs voix coûtent exactement la même chose que celle d’un magistrat, il n’y a pas de raisons que dans l’appréciation de la sanction que doit porter la société contre un homme leur voix n’ait pas aussi une grande objectivité.

 

Lexbase Pénal : Et vous que redoutez-vous le plus, un jury populaire ou des magistrats professionnels ?

 

Maître Henri Leclerc : Pour ma part, je redoute tout le monde !

newsid:464072

Propriété

[Brèves] Bien construit illégalement sur le terrain d’autrui : droit de propriété versus droit au respect du domicile de l’occupant (1/0)

Réf. : Cass. civ. 3, 17 mai 2018, n° 16-15.792, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9690XMT)

Lecture: 2 min

N4082BXH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464082
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 23 Mai 2018

Les mesures d’expulsion et de démolition d’un bien construit illégalement sur le terrain d’autrui caractérisent une ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) ; une telle ingérence est fondée sur l’article 544 du Code civil (N° Lexbase : L3118AB4), selon lequel la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, et sur l’article 545 du même code (N° Lexbase : L3119AB7), selon lequel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ; elle vise à garantir au propriétaire du terrain le droit au respect de ses biens, protégé par l’article 17 de la DDHC de 1789 (N° Lexbase : L1364A9E) et par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9) ; l’expulsion et la démolition étant les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien, l’ingérence qui en résulte ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété. Tels sont les enseignements délivrés par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 17 mai 2018, promis à la plus large publication (Cass. civ. 3, 17 mai 2018, n° 16-15.792, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9690XMT).

 

Aussi, dans cette affaire, alors que M. et Mme X avaient assigné M. Y en revendication de la propriété, par prescription trentenaire, de la parcelle qu’ils occupaient et sur laquelle ils avaient construit leur maison, M. Y, se prévalant d’un titre de propriété, avait demandé la libération des lieux et la démolition de la maison. Il obtient gain de cause, la Cour suprême, après avoir énoncé les principes précités, approuvant les juges d’appel qui, ayant retenu qu’il résultait d’un acte notarié de partage du 20 mai 2005 que M. Y était propriétaire de la parcelle litigieuse et que M. et Mme X ne rapportaient pas la preuve d’une prescription trentenaire, et n’étant pas tenus de procéder à une recherche inopérante, avaient ainsi légalement justifié leur décision.

newsid:464082

Propriété

[Brèves] Bien construit illégalement sur le terrain d’autrui : droit de propriété versus droit au respect du domicile de l’occupant (1/0)

Réf. : Cass. civ. 3, 17 mai 2018, n° 16-15.792, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9690XMT)

Lecture: 2 min

N4082BXH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464082
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 23 Mai 2018

Les mesures d’expulsion et de démolition d’un bien construit illégalement sur le terrain d’autrui caractérisent une ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) ; une telle ingérence est fondée sur l’article 544 du Code civil (N° Lexbase : L3118AB4), selon lequel la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, et sur l’article 545 du même code (N° Lexbase : L3119AB7), selon lequel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ; elle vise à garantir au propriétaire du terrain le droit au respect de ses biens, protégé par l’article 17 de la DDHC de 1789 (N° Lexbase : L1364A9E) et par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9) ; l’expulsion et la démolition étant les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien, l’ingérence qui en résulte ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété. Tels sont les enseignements délivrés par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 17 mai 2018, promis à la plus large publication (Cass. civ. 3, 17 mai 2018, n° 16-15.792, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9690XMT).

 

Aussi, dans cette affaire, alors que M. et Mme X avaient assigné M. Y en revendication de la propriété, par prescription trentenaire, de la parcelle qu’ils occupaient et sur laquelle ils avaient construit leur maison, M. Y, se prévalant d’un titre de propriété, avait demandé la libération des lieux et la démolition de la maison. Il obtient gain de cause, la Cour suprême, après avoir énoncé les principes précités, approuvant les juges d’appel qui, ayant retenu qu’il résultait d’un acte notarié de partage du 20 mai 2005 que M. Y était propriétaire de la parcelle litigieuse et que M. et Mme X ne rapportaient pas la preuve d’une prescription trentenaire, et n’étant pas tenus de procéder à une recherche inopérante, avaient ainsi légalement justifié leur décision.

newsid:464082

Rel. collectives de travail

[Brèves] Election des IRP : renvoi devant les Sages d’une QPC s’agissant des dispositions relatives à l’annulation de l’élection des représentants du personnel du sexe surreprésenté ou mal positionné sur la liste de candidatures

Réf. : Cass. QPC, 16 mai 2018, n° 18-11.720, FS-P+B (N° Lexbase : A4383XNN)

Lecture: 3 min

N4170BXQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464170
Copier

par Blanche Chaumet

Le 23 Mai 2018

►Est renvoyée au Conseil constitutionnel la QPC mettant en cause la constitutionnalité des dispositions de l’article 7-VIII de la loi du 17 août 2015 (loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte N° Lexbase : L2619KG4) codifié sous les deux derniers alinéas de l’article L. 2324-23 du Code du travail (N° Lexbase : L5557KGW), de l’article 7-VI de la même loi codifié sous l’article L. 2324-10 du Code du travail (N° Lexbase : L5559KGY), de l’article 7-IV de la même loi codifié sous les deux derniers alinéas de l’article L. 2314-25 du Code du travail (N° Lexbase : L8485LGD) et de l’article 7-II de la même loi codifié sous le second alinéa de l’article L. 2314-7 du Code du travail (N° Lexbase : L8503LGZ), en ce qu’elles  porteraient atteintes à l’effectivité du principe d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales garanti par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 (N° Lexbase : L1277A98), au principe de la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises garanti par l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4) et au principe résultant de l’article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC) selon lequel l’incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit, en l’espèce le principe de participation et celui de l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales précités dès lors qu’elles imposent l’annulation de l’élection des représentants du personnel du sexe surreprésenté ou mal positionné sur la liste de candidatures sans assortir cette sanction de dispositions prévoyant le remplacement des sièges vacants selon des modalités permettant d’assurer l’effectivité de la représentation proportionnelle des deux sexes dans les instances représentatives du personnel voulue par le législateur et sans obliger l’employeur, dans cette hypothèse, à organiser de nouvelles élections si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre de représentants du personnel titulaires est au moins réduit de moitié. Telle est la solution énoncée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16 mai 2018 (Cass. QPC, 16 mai 2018, n° 18-11.720, FS-P+B N° Lexbase : A4383XNN).

 

A l'occasion d’un pourvoi formé contre le jugement du tribunal d'instance de Marseille du 24 janvier 2018, le syndicat CFE-CGC France Télécom Orange a demandé à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel ladite QPC.

 

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction renvoi au Conseil constitutionnel ladite QPC.

• Elle précise que les dispositions contestées sont applicables au litige, lequel concerne l’annulation des élections d’élus du sexe surreprésenté en violation de l'obligation de représentation équilibrée des hommes et des femmes, au regard de leur part respective dans l'effectif de l'entreprise et l’annulation de l'élection d’élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas l'obligation d'alternance entre les hommes et les femmes.

• Elle ajoute que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

• Enfin, elle souligne que la question posée présente un caractère sérieux en ce que les dispositions contestées qui peuvent aboutir à ce que plusieurs sièges de délégués du personnel et de membres du comité d’entreprise demeurent vacants, y compris dans le cas où un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre de délégués titulaires ou des membres du comité d’entreprise est réduit de moitié ou plus, sont susceptibles de porter atteinte au principe de participation des travailleurs (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E9957E9N).

newsid:464170

Sécurité sociale

[Brèves] Publication de l’ordonnance relative au traitement juridictionnel du contentieux de la Sécurité sociale

Réf. : Ordonnance n° 2018-358 du 16 mai 2018, relative au traitement juridictionnel du contentieux de la Sécurité sociale et de l'aide sociale (N° Lexbase : L3753LK9)

Lecture: 3 min

N4109BXH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45715305-edition-n-742-du-24-05-2018#article-464109
Copier

par Laïla Bedja

Le 23 Mai 2018

La Garde des Sceaux, ministre de la Justice et la ministre des Solidarités et de la Santé ont présenté une ordonnance relative au traitement juridictionnel du contentieux de la Sécurité sociale et de l’aide sociale (N° Lexbase : L3753LK9), publiée au Journal officiel du 17 mai 2018.

 

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle (N° Lexbase : L1605LB3), dont l’ordonnance est l’application, a profondément remanié l'organisation juridictionnelle du traitement des contentieux de la Sécurité sociale et de l'aide sociale. Ainsi, en première instance, les juridictions du contentieux général et du contentieux technique de la Sécurité sociale, mais également du contentieux de l'admission à l'aide sociale sont supprimées et les contentieux transférés à des tribunaux de grande instance spécialement désignés. En raison de sa nature, une partie du contentieux des commissions départementales d'aide sociale est reprise par les tribunaux administratifs. Par ailleurs il est procédé à la répartition du contentieux relevant actuellement de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) respectivement vers des cours d'appel spécialement désignées, pour ce qui concerne le contentieux de l'incapacité, et vers une cour nationale compétente en premier et dernier ressort pour ce qui concerne le contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail. Le contentieux de la Commission centrale d'aide sociale (CCAS) est réparti entre le juge judiciaire et le juge administratif, en fonction de sa nature.

 

Le Gouvernement, autorisé par l’article 109 de la loi précitée, à prendre les mesures nécessaires à la création, à l'aménagement ou à la modification des dispositions de nature législative dans les textes, a rédigé huit dispositions, en partie reprise ci-dessous.

 

L'article 1er évoque notamment les dispositions législatives relatives à la phase contentieuse dont des adaptations sont nécessaires. Tout d'abord, la notion de «mesures d'instruction» est substituée à celle d'«expertise judiciaire» afin de permettre au juge d'ordonner toutes mesures d'instruction, à savoir des expertises mais aussi des consultations.

Par ailleurs sont précisées les conditions de transmission à l'expert par le praticien-conseil ou l'autorité compétente des informations sur le fondement desquelles a été prise la décision contestée, avec l'institution d'un dispositif procédural commun aux différends de nature médicale. Dans un souci de protection du secret médical, il est précisé que le rapport établi par l'expert désigné est notifié au médecin mandaté à cet effet par l'employeur, l'assuré étant informé de cette notification.

 

L'article 4 rectifie des dispositions du Code de l'organisation judiciaire issues de la loi du 18 novembre 2016 précitée, en revenant sur des rédactions qui nécessitaient d'être précisées. Est ainsi abrogé l'article L. 218-9 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L2467LBY) prévoyant que l'assesseur dûment convoqué qui ne se présente pas est réputé démissionnaire. En effet, celui-ci relève de la procédure disciplinaire de droit commun. Aussi, le processus de désignation des assesseurs de la cour d'appel spécialement désignée pour connaître du contentieux de la tarification est clarifié. Il précise à ce titre que les assesseurs qui y siégeront seront choisis sur les mêmes listes que les assesseurs des pôles sociaux des tribunaux de grande instance du ressort de ladite cour.

 

L'article 7 prévoit également le maintien temporaire de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail pour connaître des affaires dont elle est saisie avant le 31 décembre 2018. Ce maintien est prévu jusqu'au 31 décembre 2020 ou à une date ultérieure qui sera fixée par décret, sans pouvoir dépasser le 31 décembre 2022 au plus tard, selon l'état du stock des affaires encore en cours et la capacité de la CNITAAT à le traiter.

newsid:464109