La lettre juridique n°736 du 29 mars 2018

La lettre juridique - Édition n°736

Éditorial

Un projet de loi de programmation... des décisions de justice

Lecture: 5 min

N3328BXK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463328
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 30 Mars 2018


Les choses se précisent quelque peu. Après avoir délivré les axes de la réforme de la Justice entendue par la Garde des Sceaux, axes qui avaient eu le mérite de nous sortir de la torpeur des derniers textes législatifs en la matière par trop technico-judiciaires, nous savons désormais ce que contiennent précisément les dispositions du projet de loi de programmation, présenté en Conseil des ministres, le 21 mars 2018. Et, en un mot : fluidité.

Nous l'avons dit, écrit et répété ces dernières semaines : nous courons vers une Justice digitale, une Justice de professionnels, une Justice "sans peine". Nous courons, à la fois, parce que nous accélérons des dynamiques mises en place depuis plus dix ans, maintenant ; nous courons aussi parce que l'heure à l'économie budgétaire et à l'optimisation judiciaire qui est impérative.

Malgré les réformes passées, la Justice est toujours perçue comme lointaine, du point de vue institutionnel, en dépit d'un maillage juridictionnel important ; la justice est toujours perçue comme trop longue en dépit des efforts de numérisation, de digitalisation, de médiation et de simplification orchestrés ces dernières années.

Trop lointaine, trop longue : la réponse a paru évidente pour le Gouvernement, c'est la nécessaire digitalisation de la Justice, qui dépasse le seul cadre de la numérisation des échanges, des dépôts de plainte, du suivi de l'affaire. Le coeur de l'affaire, le coeur du dispositif proposé, c'est tout de même l'émergence de plateformes digitales gérant de A à Z le procès (civil). Alors, on peut gloser sur une hypothétique délégation de service public à une legaltech, qui fait peur ; on peut s'interroger sur la numérisation de la vie des justiciables étalée au sein d'algorithmes déductifs (faits, âge, sexe, localité, singularité, texte de loi, barème applicable = décision de justice) et sur le rôle du juge dans tout cela ; mais on ne peut que constater que la Justice sans avocat (puisque ce serait réservé aux petits litiges de moins de 3 000 euros), sans lieu de justice, sans débat, sans oralité, au terme d'un contradictoire nuancé, et qui sait sans juge, change résolument de nature.

Trop lointaine, trop longue : la réponse du Gouvernement est bien évidemment dans une obligation de recourir à la médiation et non plus au grès d'une simple incitation. Donc résumons, les tribunaux d'instance et les tribunaux de grandes instances fusionnent -ça c'est pour l'aspect purement organisationnel et budgétaire-, les petits litiges sont réglés sur internet, et le premier degré de juridiction (même si le terme est impropre) sera la médiation ; médiation qui est donc conduite par un médiateur, acteur privé dont la rémunération sera laissée à la charge des justiciables, sauf bénéfice de l'aide juridictionnelle totale (bénéfice que l'on peut aussi demander par voie digitale). On notera que l'on impose la médiation à tout contentieux, mais que l'on supprime, en même temps, la tentative de conciliation en matière de divorce...

Trop lointaine, trop longue : donc nécessairement il faut que cette justice se professionnalise. Et cette professionnalisation s'orchestre de deux manières : exit les missions qui ne sont pas proprement juridictionnelles (acte de notoriété confié aux notaires, délivrance de certains titres exécutoires, contrôle préalable des actes du tuteur, vérification et approbation de comptes de gestion des tuteurs, curateurs et mandataires spéciaux) ; et haro sur la spécialisation des juridictions dans certains contentieux (tant auprès des TGI, qu'en appel). Mais cette professionnalisation de la justice, c'est aussi la reconnaissance qu'il est nécessaire d'avoir un avocat pour défendre les contentieux complexes (baux ruraux, procédures d'exécution, contentieux douanier, élections professionnelles, contentieux de la Sécurité sociale et de l'aide sociale).

On le pressent bien, en matière civile, l'objet de la loi de programmation n'est pas l'oeuvre de Justice ; du moins au sens où l'on pouvait l'entendre jusqu'à présent, avec le recours au juge, qui certes applique la loi, mais statue aussi en droit pour révéler le "juste" tout en s'interdisant, dit-on, de statuer en équité. L'objet de la fluidification de la justice c'est bel et bien d'obtenir une décision de justice ; que le litige se solde le plus vite possible, en cohérence avec ce temps des affaires si digital et international qu'il soit ; en cohérence avec la vie des justiciables qui s'accélère sous la pression sociale, économique et technologique, malgré son allongement. C'était déjà la thèse d'Henri Motulsky, le père de notre Code de procédure civile de 1975. C'est un retour à l'étymologie, "conformité au droit", encore que l'on puisse distinguer la loi du droit naturel qui recherche le juste et non la seule application de la norme positive. Mais, c'est assurément une amputation de la notion de mérite dans l'appréciation de cette nouvelle justice, à force d'automatisation, "barèmisation", privatisation et déshumanisation de la Justice.

Pour autant, la matière pénale n'est pas non plus en reste. Le projet de loi de programmation a ceci de singulier qu'il renforce les pouvoirs d'enquête de la police, des magistrats instructeurs ; pour faciliter l'édification du dossier pénal et ainsi faciliter la condamnation. Condamnation qui doit conduire tout de même à limiter l'incarcération, c'est-à-dire la prison, symbole de la justice délictuelle et criminelle du XXème siècle. Donc, après la réforme de la garde à vue en 2011 portant un sérieux coup de frein aux techniques d'investigation de la police, on n'est guère étonné que les réformes successives tentent de redonner du poids liberticide, au sens neutre du terme en tant que les mesures dernièrement votées et prochainement adoptées limitent objectivement les libertés et droits de la défense, pour rééquilibrer les forces en présence : police et défense au pénal (extension des interceptions par la voie de communication électronique, à la géolocalisation, techniques spéciales de sonorisation, de captation d'images, prolongation de la garde à vue sans contrôle). Avec l'amende forfaitaire délictuelle et le développement de la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité on comprend que même la justice pénale doit s'accélérer pour taire le débat judiciaire (pour les peines de moins d'un an notamment). Il en va de même avec l'instauration expérimentale du tribunal criminel départemental, qui finit de professionnaliser la justice pénale. Là encore, on cherche la décision du Justice, puisqu'après condamnation, il s'agit de vider les prisons par manque de place et d'investissement, entraînant la surpopulation et la radicalisation. D'abord, il convient d'interdire les peines d'emprisonnement inférieures à un mois ; ensuite de favoriser la peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique pour les peines inférieures à un an ; enfin de conduire à libération sous contrainte au 2/3 de la peine (inférieure ou égale à cinq ans) : seul moyen de faire fondre les 80 000 personnes écrouées actuellement dans nos prisons, parfois à 200 % de seuil d'occupation. Car ce n'est pas avec 15 000 places de plus, que l'on va véritablement désengorger les cellules.

L'action en justice est, selon Motulsky, "la faculté d'obtenir d'un juge une décision sur le fond de la prétention à lui soumise". Procédure civile ou pénale, l'objet de ce droit est "purement processuel" : obtenir une décision. Telle est l'équation plus que prégnante d'une Justice sous-dotée budgétairement au regard des canons de l'OCDE.

newsid:463328

Collectivités territoriales

[Brèves] Pas d'obligation de payer une surconsommation excessive d'eau en cas de défaut d'information de l'abonné par le service d'eau potable

Réf. : Cass. civ. 1, 21 mars 2018, n° 17-13.031, F-P+B (N° Lexbase : A7850XH9)

Lecture: 1 min

N3365BXW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463365
Copier

par Yann Le Foll

Le 29 Mars 2018

A défaut pour le service d'eau potable qui constate une augmentation anormale du volume d'eau consommé par l'occupant d'un local d'habitation, susceptible d'être causée par la fuite d'une canalisation, d'en informer l'abonné, celui-ci n'est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne. Ainsi statue la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 21 mars 2018 (Cass. civ. 1, 21 mars 2018, n° 17-13.031, F-P+B N° Lexbase : A7850XH9).

Une fuite sur une canalisation privative ayant entraîné une augmentation anormale de leur consommation d'eau potable, M. et Mme X ont assigné la commune aux fins de bénéficier de l'écrêtement de la facture établie par le service des eaux. Or, la facture établie quatre mois plus tard ne contenait aucune information sur les démarches à effectuer pour bénéficier de l'écrêtement.

Il résulte du principe précité que les intéressés ne pouvaient être tenus au paiement d'une somme correspondant à la moitié de la consommation relevée, dès lors que l'information de l'augmentation anormale du volume d'eau consommé doit intervenir au plus tard lors de l'envoi de la facture établie d'après le relevé de compteur enregistrant la consommation d'eau effective de l'abonné et préciser les démarches à effectuer pour bénéficier de l'écrêtement de ladite facture.

newsid:463365

Concurrence

[Brèves] Revirement de jurisprudence limitant le pouvoir juridictionnel de la cour d'appel de Paris en matière de pratiques anticoncurrentielles (29 mars 2017) : pas d'application aux arrêts rendus antérieurement

Réf. : Cass. com., 21 mars 2018, n° 16-28.412, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4803XHD)

Lecture: 2 min

N3316BX4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463316
Copier

par Vincent Téchené

Le 29 Mars 2018

Par plusieurs arrêts rendus le 29 mars 2017 (Cass. com., 29 mars 2017, trois arrêts, n° 15-17.659, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6067UMN, 15-24.241, FS-P+B+I N° Lexbase : A6068UMP et 15-15.337, FS-D N° Lexbase : A0917UT7), la Cour de cassation amendant sa jurisprudence a jugé qu'en application des articles L. 442-6, III (N° Lexbase : L7575LB8) et D. 442-3 (N° Lexbase : L9159IEX) du Code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées relevaient de la cour d'appel de Paris. L'application à une affaire ayant donné lieu à un arrêt d'appel rendu le 28 septembre 2016, se conformant à la jurisprudence ancienne de la règle issue du revirement de jurisprudence, qui conduirait à retenir l'irrecevabilité de l'appel formé devant la cour d'appel de Paris, aboutirait à priver l'appelant, qui ne pouvait ni connaître, ni prévoir, à la date à laquelle il a exercé son recours, la nouvelle règle jurisprudentielle limitant le pouvoir juridictionnel de la cour d'appel de Paris, d'un procès équitable, au sens de l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), de sorte que la censure de l'arrêt n'est pas encourue. Telle est la solution énoncée par la Cour de cassation dans un arrêt du 21 mars 2018 (Cass. com., 21 mars 2018, n° 16-28.412, FS-P+B+I N° Lexbase : A4803XHD).

En l'espèce un concessionnaire automobile a assigné en responsabilité contractuelle devant le tribunal de grande instance de Nanterre, un fournisseur. Ce dernier a, au soutien d'une demande reconventionnelle, invoqué les dispositions de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce. La cour d'appel de Versailles ayant déclaré irrecevable l'appel formé par le concessionnaire, celle-ci a relevé appel devant la cour d'appel de Paris et le fournisseur a contesté la recevabilité de l'appel. La cour d'appel de Paris ayant jugé l'appel recevable, il a formé un pourvoi en cassation.

Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette le pourvoi, rappelant qu'antérieurement au revirement elle retenait que la cour d'appel de Paris était seule investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, même lorsqu'elles émanaient de juridictions non spécialement désignées par l'article D. 442-3 du même code.

newsid:463316

Contrat de travail

[Brèves] Renonciation valable à la clause de non-concurrence intervenue en cours de préavis de démission

Réf. : Cass. soc., 21 mars 2018, n° 16-21.021, FS-P+B (N° Lexbase : A7872XHZ)

Lecture: 1 min

N3375BXB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463375
Copier

par Blanche Chaumet

Le 30 Mars 2018



Est valable la renonciation à la clause de non-concurrence intervenue en cours de préavis de démission du salarié dès lors que ce dernier n'en a pas été dispensé. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 21 mars 2018 (Cass. soc., 21 mars 2018, n° 16-21.021, FS-P+B N° Lexbase : A7872XHZ).

En l'espèce, une salariée a été engagée le 29 août 2005 par une société en qualité de chargée de projet. Le contrat de travail stipulait une clause de non-concurrence énonçant que "la société se réserve le droit de libérer le salarié de l'interdiction de concurrence ou d'en réduire la durée en informant par écrit le salarié dans le délai maximal de 30 jours qui suivra la fin effective du travail (fin du préavis effectué ou début du préavis non effectué)". Ayant démissionné le 13 janvier 2011, elle a saisi la juridiction prud'homale le 21 octobre 2011.

La cour d'appel (CA Lyon, 25 mai 2016, n° 13/08661 N° Lexbase : A3753RQ3) ayant rejeté les demandes de la salariée au titre de l'indemnité de non-concurrence, cette dernière s'est pourvue en cassation.

Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette son pourvoi sur ce point en précisant qu'ayant constaté que la salariée avait démissionné le 13 janvier 2011 et que l'employeur ne l'avait pas dispensée de l'exécution de son préavis de trois mois, la cour d'appel en a exactement déduit que la notification de la levée de la clause de non-concurrence faite le 6 avril 2011, en cours de préavis, était valable (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8734ESB).

newsid:463375

Discrimination et harcèlement

[Jurisprudence] La marge d'appréciation laissée aux Etats pour lutter contre les discriminations d'âge

Réf. : CJUE, 14 mars 2018, aff. C-482/16 (N° Lexbase : A7228XGS)

Lecture: 6 min

N3340BXY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463340
Copier

par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 29 Mars 2018

Le juriste français qui travaille sur la question des discriminations professionnelles doit surveiller avec une attention toute particulière la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne dont les interprétations s'imposent en droit interne. C'est dire tout l'intérêt de cet arrêt rendu le 14 mars 2018 et qui devait déterminer si une législation nationale destinée à faire cesser des discriminations d'âge pouvait elle-même être taxée de discriminatoire (I). La réponse, en l'espèce négative, de la Cour de justice, montre à quel point le principe de non-discrimination met en oeuvre le principe d'égalité des droits, dont le juge assure le strict respect, laissant aux Etats membres le soin de déterminer avec une plus grande liberté, quand et comment rompre avec cette égalité des droits pour remédier à des discriminations préexistantes (II).
Résumé

L'article 45 TFUE (N° Lexbase : L2693IPG) ainsi que les articles 2, 6 et 16 de la Directive 2000/78 du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui, pour mettre fin à une discrimination fondée sur l'âge, née de l'application d'une réglementation nationale ne prenant en compte, aux fins du classement des travailleurs d'une entreprise dans le barème des salaires, que les périodes d'activité acquises après l'âge de 18 ans, supprime, de manière rétroactive et à l'égard de l'ensemble de ces travailleurs, cette limite d'âge mais autorise uniquement la prise en compte de l'expérience acquise auprès d'entreprises opérant dans le même secteur économique.

Le législateur national dispose d'une large marge d'appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d'un objectif déterminé en matière de politique sociale et de l'emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser.

I - Une législation corrigeant une discrimination peut-elle être discriminatoire ?

Question préjudicielle posée. La demande de décision préjudicielle portait sur l'interprétation de l'article 45 TFUE, de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX) ainsi que des articles 2, 6 et 16 de la Directive 2000/78 du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Elle portait, plus précisément, sur la licéité du régime professionnel de rémunération mis en place par le législateur autrichien afin d'éliminer une discrimination fondée sur l'âge.

L'article 6 § 1 de la Directive dispose, rappelons-le, que "des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires".

Ce même texte précise que "ces différences de traitement peuvent notamment comprendre : a) la mise en place de conditions spéciales d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle, d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d'assurer leur protection ; b) la fixation de conditions minimales d'âge, d'expérience professionnelle ou d'ancienneté dans l'emploi, pour l'accès à l'emploi ou à certains avantages liés à l'emploi".

Par ailleurs, l'article 16 § 1, sous a) de la Directive 2000/78 prévoit que les Etats membres prennent les mesures nécessaires afin que soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l'égalité de traitement.

Les dispositions nationales en cause. Dans cette affaire, la législation autrichienne sur les transports excluait la prise en compte de l'ancienneté acquise avant leur majorité pour les travailleurs dans le cadre de leur avancement (1). Pour remédier à cette discrimination fondée sur l'âge et qui avait donné lieu à une condamnation antérieure par la CJUE (2), une nouvelle loi avait été adoptée, d'application immédiate, permettant la prise en compte des années travaillées avant l'âge de 18 ans, mais uniquement au service d'entreprises opérant dans le même secteur économique. Et c'était ce nouveau régime qu'un travailleur prétendait faire juger comme discriminatoire par le juge autrichien, qui avait saisi la Cour de justice d'une question préjudicielle, demandant si une législation destinée à mettre fin à une discrimination fondée sur l'âge pouvait être elle-même considérée comme discriminatoire en raison des conditions posées pour remédier à la discrimination antérieure.

L'examen par la Cour du dispositif démontre que des précautions avaient été prises pour que l'application immédiate des nouvelles règles d'avancement des salariés ayant commencé à travailler avant l'âge de 18 ans ne puisse pas aboutir à diminuer leur droit à avancement, par une sorte d'application du principe de faveur garantissant a minima le maintien des droits acquis.

Cette précision de la législation autrichienne est très importante dans la mesure où la définition même de la discrimination suppose l'observation d'un traitement "moins favorable" (3), ce que rappelle la Cour dans son point 22, et que les mesures de rattrapages, en ce qu'elles sont, au contraire, "plus favorables", ne peuvent pas, précisément pour cette raison, être qualifiées de "discriminations", ce que relève également la Cour dans son point 24. L'objectif ainsi poursuivi est donc légitime, et partant, de nature à justifier la différence de traitement constatée (4).

La législation locale prévoyait d'ailleurs, outre une garantie de non régression individuelle, l'introduction d'un échelon supplémentaire pour ces travailleurs là.

II - Les apports de la décision de la Cour de justice

L'obligation faite aux Etats d'éliminer toutes les formes de discriminations. L'interdiction des discriminations par le Traité et les Directives prises sur son fondement imposent évidemment aux Etats d'éliminer de leur législation nationale les causes juridiques de ces discriminations. Ils ont donc ici compétence liée et doivent totalement faire cesser les discriminations dès lors que l'existence de ces dernières est établie (5) ; la CJUE contrôle d'ailleurs ici très précisément l'existence, ou la persistance, des discriminations, et la marge de manoeuvre des Etats est extrêmement réduite.

La liberté dans la détermination des mesures de rattrapage. Ces Etats demeurent, en revanche, libres de choisir les moyens juridiques adéquats pour corriger les inégalités de situations constatées nationalement (6) et se voient reconnaître ici, par la CJUE, une large marge d'appréciation lorsqu'il s'agit de rompre avec l'égalité de traitement pour reconnaître de nouveaux droits catégoriels destinés à rétablir l'égalité réelle (7). Le principe de non-discrimination est donc bien le prolongement du principe d'égalité devant la loi, et les pouvoirs publics doivent donc bien garantir des droits égaux pour tous.

La question de l'égalité réelle et de la mise en oeuvre de droits catégoriels destinés à corriger les inégalités sociales doit donc être appréciée non pas comme une alternative à l'égalité devant la loi, ayant même légitimité, mais comme une dérogation, certes justifiée, mais devant demeurer exceptionnelle, et dont la justification, la proportionnalité et la pertinence des moyens mis en oeuvre est appréciée nationalement, et non pas par la CJUE elle-même qui n'exerce pas, ici, de contrôle de la même intensité. Il n'y a donc pas d'obligation positive de rattraper les inégalités sociales, mais une simple faculté nationale (point 28).

La conséquence de cette simple faculté est que l'Etat peut parfaitement choisir non pas de supprimer totalement la différence de traitement, mais d'aménager les règles propres applicables aux catégories discriminées, sans être tenu d'aligner purement et simplement leurs droits (point 30). Mais, à défaut de dispositif particulier aménageant de manière valable le rattrapage (8), alors, comme l'a jugé la CJUE dans d'autres affaires, la mesure de réparation qui s'impose par défaut est bien l'octroi pur et simple aux travailleurs discriminés des avantages dont ils ont été privés, dans leur intégralité (9).

Dans cette affaire d'ailleurs, la loi nouvelle avait supprimé toute référence directe au critère d'âge (excluant par là même qu'il puisse s'agir d'une discrimination directe) au profit d'une référence neutre à l'expérience professionnelle (susceptible, toutefois, d'entraîner une discrimination indirecte en raison de l'âge) (10).

La pertinence des motifs de rattrapage. Comme le rappelle la Cour ici, le critère de l'expérience est pertinent en matière d'avantages professionnels, à la fois parce qu'il est légitime de vouloir récompenser l'expérience, qui est un facteur de qualité pour le travail accompli (11), et rationnel, dans la mesure où le lien entre expérience professionnelle acquise et performances du salarié est établi (point 39).

Par comparaison, la CJUE est moins favorable à la prise en considération d'objectifs purement budgétaires (12) ou administratifs (13) qui ne suffisent pas, par eux-mêmes, à justifier des différences de traitement reposant sur des critères prohibés. Elle admet la prise en considération de la volonté de respecter les droits acquis et la protection de la confiance légitime mais impose que les mesures dérogatoires soient temporaires (14).

Ce changement de critère avait également pour effet de ne pas viser que les travailleurs victimes des discriminations dans l'ancien régime et de concerner un spectre différent de travailleurs, ce qui s'opposait à l'argumentation développée par le demandeur pour qui la loi nouvelle continuait de stigmatiser la même catégorie de travailleurs.

Au final, et sans abdiquer totalement toute forme de contrôle sur le respect du principe de non-discrimination à l'occasion de l'adoption de mesures destinées à corriger des discriminations antérieures, la Cour considère que "le législateur autrichien n'a pas dépassé les limites du pouvoir dont il jouit en la matière" (point 44) : la "large marge d'appréciation reconnue aux Etats membres dans le choix non seulement de la poursuite d'un objectif déterminé en matière de politique sociale et de l'emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser".


(1) Cette législation avait déjà été examinée par la CJUE dans une autre affaire mettant en cause le texte dans une autre configuration : CJUE, 28 janvier 2015, aff. C-417/13, arrêt "ÖBB Personenverkehr" ([LXB=A4084NA]).
(2) CJUE, 18 juin 2009, aff. C-88/08 (N° Lexbase : A2798EIH).
(3) Ainsi l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39), auquel renvoie l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1000LDE).
(4) Point 40.
(5) S'agissant de cette même législation autrichienne la CJUE, dans l'affaire "ÖBB Personenverkehr" préc., avait constaté que pour certaines catégories discriminées par l'ancienne législation, la nouvelle législation n'avait pas supprimé toute défaveur, et continuait donc de pérenniser des discriminations, ce qui la rendait discriminatoire : point 30. Les Etats qui souhaitent, en revanche, adopter des différences de traitement autorisées par la Directive, notamment lorsqu'ils sont liés à la politique de l'emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle, disposent d'une "large marge d'appréciation" : CJUE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04 (N° Lexbase : A6265DLM), Rec., p. 9981, point 63 ; CJUE, 19 juin 2014, aff. C-501/12 à C-506/12 (N° Lexbase : A4333MRW).
(6) Solution déjà affirmée dans CJUE, 28 janvier 2015, aff. C-417/13, préc., points 43 à 45.
(7) CJUE, 11 novembre 2014, aff. C-530/13 (N° Lexbase : A9993MZ7), point 38 et la jurisprudence citée.
(8) Sur cette notion voir CJUE, 19 juin 2014, aff. C-501/12 à C-506/12, préc., point 96 ; CJUE, 28 janvier 2015, aff. C-417/13, préc., points 47 et s..
(9) CJCE, 21 juin 2007, aff. C-231/06 à C-233/06 (N° Lexbase : A8522DWK), point 39, ainsi que CJUE, 22 juin 2011, C-399/09 (N° Lexbase : A2986HU7), point 51.
(10) CJUE, 7 juin 2012, aff. C-132/11 (N° Lexbase : A3380INI), point 29. La CJUE considère également comme étant, en principe, suffisante, la référence à l'ancienneté ou l'expérience, sans que l'employeur ait besoin de s'en justifier a priori : CJCE, 3 octobre 2006, aff. C-17/05 (N° Lexbase : A3687DRY), point 36.
(11) CJUE, 3 octobre 2006, aff. C-17/05, préc., points 34 et s. ; CJUE, 18 juin 2009, aff. C-88/08, préc., point 47, et la jurisprudence citée.
(12) CJUE, 21 juillet 2011, aff. C-159/10 et C-160/10 (N° Lexbase : A0611HWK), points 73 ainsi que 74 ; CJUE, 28 janvier 2015, aff. C-417/13, préc., point 36.
(13) CJUE, 21 juillet 2011, aff. C-159/10 et C-160/10, préc., point 41 et jurisprudence citée.
(14) CJUE, 11 novembre 2014, aff. C-530/13, préc., point 42 ; CJUE, 28 janvier 2015, aff. C-417/13, préc., point 37.

Décision

CJUE, 14 mars 2018, aff. C-482/16 (N° Lexbase : A7228XGS)

Textes concernés : TFUE, art. 45 (N° Lexbase : L2693IPG) ; Directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), art. 2, 6 et 16.

Mots clés : lutte contre les discriminations d'âge ; marge d'appréciation laissée aux Etats.

Lien base : (N° Lexbase : E2589ET3).

newsid:463340

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Régime des plus-values des gains de rachat d'actions

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 19 mars 2018, n° 399150, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2850XHZ)

Lecture: 1 min

N3311BXW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463311
Copier

par Marie-Claire Sgarra

Le 29 Mars 2018

Présente le caractère d'un revenu exceptionnel au sens de l'article 163-0 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L2066IGM) le gain réalisé à l'occasion d'un rachat d'actions.

Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 19 mars 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 19 mars 2018, n° 399150, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2850XHZ).

En l'espèce, la requérante a reçu de son père, par voie de donation, des actions d'une SAS. A deux reprises, la SAS a racheté à cette dernière une partie de ses actions. A l'occasion du second rachat, la requérante a estimé que le gain qu'elle avait réalisé constituait un revenu exceptionnel et a opté pour son imposition selon le système du quotient prévu par l'article 163-0 A du Code général des impôts. L'administration fiscale remet en cause l'application de ces dispositions au gain litigieux. Le tribunal administratif de Marseille puis la cour administrative de Marseille rejettent la demande de la requérante d'être déchargée de la cotisation supplémentaire d'IR.

Le Conseil d'Etat juge que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant que le gain né de ce rachat d'actions ne présentait pas un caractère exceptionnel au sens de l'article 163-0 A du CGI en se fondant sur la seule circonstance qu'une opération similaire, qui n'avait donné lieu à aucun gain pour le contribuable, avait déjà eu lieu antérieurement, sans rechercher si le rachat litigieux, qui relevait, de la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières, constituait un revenu qui, par sa nature, n'était pas susceptible d'être recueilli annuellement (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X4386ALZ).

newsid:463311

Fiscalité du patrimoine

[Le point sur...] Les revenus de capitaux mobiliers

Lecture: 7 min

N3330BXM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463330
Copier

par Fleur Chidaine, Avocate à la Cour

Le 29 Mars 2018

Souvent renseignés automatiquement dans vos déclarations de revenus pour certains, plus difficiles à cerner pour d'autres, les revenus de capitaux mobiliers constituent les revenus résultant des placements financiers des contribuables.

En général, tous les revenus mobiliers perçus par des personnes physiques domiciliées en France sont soumis à l'impôt sur le revenu sauf exonération spécifique, au titre de l'année au cours de laquelle ils sont effectivement payés ou inscrits en compte.

I - Les dividendes

A. Distributions régulières

En principe, les bénéfices subissent une double taxation puisqu'ils sont en premier lieu taxés à l'impôt sur les sociétés au niveau de l'entreprise distributrice, puis au niveau des associés ou actionnaires à l'impôt personnel en cas de distribution. Les distributions régulières sont celles votées par les organes compétents par opposition avec les distributions irrégulières ou déguisées. Les sociétés dont les distributions sont imposables sont celles passibles de l'impôt sur les sociétés, essentiellement sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées, sociétés en commandite par actions et sociétés à responsabilité limitée, et les sociétés de personnes lorsqu'elles ont opté à l'impôt sur les sociétés.

1. Distributions visées par les textes

  • Dividendes et distributions liées : distributions les plus courantes, elles viennent des bénéfices de l'exercice ou des réserves et sont décidées par les assemblées d'associés ou autres, faites en espèce ou en nature (actions) ;
  • Distributions faisant suite à une modification du capital (1) : elles sont plus diverses et peuvent provenir :

- d'une réduction de capital : non imposée lorsqu'elle ne se traduit pas par une répartition du bénéfice au profit des associés, elle donne en revanche lieu à taxation lorsque la réduction occasionne une répartition de bénéfice et donc une attribution de sommes aux associés, sauf à ce que ces sommes puissent être qualifiées de remboursement d'apports ou de primes d'émission ;

- d'un rachat de parts bénéficiaires ou de fondateurs : ces sommes attribuées aux porteurs de parts bénéficiaires ou de fondateurs sont des revenus distribués lorsque le prix de rachat excède la valeur originaire. La remise gratuite d'actions par incorporation de réserves au capital en revanche ne sont pas imposables (2) ;

- d'un amortissement du capital : sauf exception, les sommes correspondantes à cette opération sont considérées comme des revenus distribués ;

- d'une capitalisation de réserves ou de bénéfices : seul le remboursement ultérieur des sommes résultant de l'incorporation de bénéfices ou de réserves au capital ou de l'attribution d'actions ou de parts sociales suite à ladite incorporation est imposable.

  • Boni de liquidation (3) : lorsqu'une société est dissoute, les associés peuvent reprendre en franchise d'impôt leurs apports initiaux. En revanche, les sommes qui excèdent ces apports dites boni de liquidation (apports - actif net) sont taxables en tant que revenus distribués.

2. Mode d'imposition

L'imposition s'effectue en deux temps : (i) prélèvement forfaitaire non libératoire et (ii) impôt sur le revenu l'année suivant le paiement sous déduction du prélèvement initial.

  • Prélèvement forfaitaire non libératoire (4) :

- revenus concernés : ensemble des revenus distribués à des personnes physiques fiscalement domiciliées en France, que les distributions soient régulières ou non. Sont en revanche exclus les revenus pris en compte pour déterminer le bénéfice des entreprises industrielles, commerciales, artisanales, agricoles ou non commerciales, revenus liés à un PEA, revenus distribués par les FCPR, FCPI, SCR, Suir. Noter que les foyers modestes peuvent requérir la dispense de ce prélèvement sous conditions ;

- liquidation et paiement : le prélèvement est calculé sur le montant brut des revenus, et s'élève donc à 12,8 %, déclaré par l'établissement payeur établi en France sur la déclaration n° 2777 accompagnée du paiement et déclaré et acquitté par le contribuable lui-même lorsque l'établissement payeur est établi hors de France au plus tard le 15 du mois suivant le paiement auprès du service des impôts des entreprises de son domicile ou, si l'établissement payeur est dans l'Union Européenne, acquitté par l'établissement payeur mandaté par le contribuable à la direction des impôts des non-résidents ou par le contribuable lui-même auprès de son service des impôts au plus tard le 15 du mois suivant le paiement.

  • Imposition définitive : comme indiqué ci-avant, les contribuables sont soumis au prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % ou, en cas d'option, à l'impôt sur le revenu au barème progressif :

- un abattement de 40 % (5) s'applique en cas d'option pour l'impôt sur le revenu global sur le montant brut des dividendes et revenus assimilés, que la distribution vienne d'une société française ou étrangère soumise à l'IS ou équivalent, du moment que le contribuable est résident fiscal français. Cet abattement s'applique à l'ensemble des revenus distribués dès lors que cette distribution s'adresse à des associés pris en cette qualité, cela concerne donc non seulement les dividendes mais également le boni de liquidation ou encore tout ou partie du remboursement lié à une réduction de capital. En revanche, n'en bénéficient pas les revenus distribués à titre d'avances, prêts ou acomptes aux associés, bénéfices ou revenus de l'article 123 bis du Code Général des Impôts (N° Lexbase : L8449LHE) (entreprises soumises à un régime fiscal privilégié) et dividendes distribués provenant des SIIC ou Sppicav ;

- prélèvement forfaitaire unique : le prélèvement étant un acompte, il est imputable sur l'impôt sur le revenu au titre de l'année au titre de laquelle il a été opéré et l'excédent restituable.

B. Autres distributions

Outre les distributions précitées dites juridiques, d'autres distributions restent imposables en droit fiscal français à l'impôt sur le revenu (prélèvement à la source non libératoire, prélèvement forfaitaire unique ou barème progressif sans abattement de 40 %).

1. Distributions visées

  • Bénéfices réputés désinvestis : les bénéfices ou produits non mis en réserve ou incorporés au capital sont considérés comme des revenus distribués (6)
  • Distributions non prélevées sur les bénéfices (7) : les sommes ou valeurs mises à disposition des associés, même si elles ne sont pas prélevées sur les bénéfices, peuvent être considérés comme des revenus distribués.

2. Cas particuliers

  • Rehaussements de bénéfices : en cas de contrôles fiscaux, les rehaussements de revenus liés à des infractions se traduisant par des désinvestissements des sommes rapportés aux résultats sont des revenus distribués (i.e. recettes dissimulés appréhendés par les associés ou rémunérations excessives). Les sommes réintégrées correspondantes sont donc imposables au niveau de leurs bénéficiaires et majorées de 25 % (8).
  • Rémunérations et distributions occultes (9) : les charges comptabilisées rémunérant des prestations dont le fournisseur n'est pas identifié sont des rémunérations occultes. Les dissimulations de recettes ou prises en charge par la société de dépenses incombant personnellement aux associés et non à la société sont des distributions occultes. Dans les deux cas, les sociétés ne sont pas en mesure de les déduire et elles sont imposées au niveau des associés.
  • Dépenses somptuaires (10) : les dépenses liées à la chasse, la pêche, la navigation de plaisance et résidences de plaisance ne sont, par principe, pas des charges déductibles et sont considérées au niveau des associés comme des revenus distribués et imposés sur 125 % de leur montant. Elles deviennent distributions occultes si les sociétés n'en ont pas déclaré les bénéficiaires dans leurs déclarations.
  • Distributions indirectes (11) : les sommes versées aux associés de la société représentant des rémunérations de prêts, d'un service ou d'une fonction sont légales tant qu'elles sont admises en déduction de l'assiette de la société. Dans les autres cas elles sont considérées comme des revenus distribués (i.e. rémunérations excessives de dirigeants).
  • Avances, prêts ou acomptes aux associés (12) : les sommes mises à disposition des associés par des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés sont des revenus distribués tant que l'associé n'est pas à même de prouver le contraire.

C. Cas des bénéficiaires non-résidents

Une retenue à la source s'applique aux revenus distribués par des sociétés françaises à des non-résidents (13) sauf exonération spécifique (i.e. régime des sociétés mères, distributions à certains organismes de placement collectifs). Cette retenue peut néanmoins être supprimée par la convention bilatérale signée par la France s'appliquant le cas échéant. Une retenue s'applique également aux revenus payés dans un ETNC.

  • Revenus soumis à retenue à la source : la retenue s'applique dès lors qu'une société française relevant du régime des sociétés de capitaux verse (i) des revenus distribués ou (ii) des jetons de présence à des personnes physiques ou morales établies hors de France.
  • Exonérations : ne sont pas soumis à cette retenue un certain nombre de revenus, notamment les dividendes dans le régime des sociétés mères et filiales, les produits d'actions et parts sociales distribués par des sociétés françaises à des organisations internationales, Etats souverains ou banques centrales, les distributions à des sociétés de capital-risque, ou les revenus distribués à certains organismes de placement collectifs.
  • Liquidation et paiement de la retenue : le taux de la retenue est fixé à 12,8 % et est opérée normalement par la personne établie en France qui assure le paiement des revenus au moment de leur versement. La retenue peut être effectuée par les personnes morales établies hors de France dans l'Union Européenne qui assurent le paiement de produits de sociétés françaises cotées sur un marché réglementé sous conditions (14).

II - Les produits de placements à revenu fixe

Sont inclus dans cette catégorie de revenus les revenus des placements dits à risque. Ils se retrouvent au sein de plusieurs catégories telles que les obligations et autres titres d'emprunt négociables, les créances, dépôts, cautionnements et comptes courants, bons de caisse, bons de capitalisation. En général le taux de rémunération est fixé au moment de l'investissement et est invariable sur toute la durée du placement.

Tableau récapitulatif des prélèvements opérés sur dividendes

Dividendes perçus en 2017 Dividendes perçus en 2018
En 2017, prélèvement forfaitaire non libératoire de 21 % En 2018,
  • Imposition au barème progressif après abattement de 40 %
  • Imputation du prélèvement forfaitaire non libératoire de 21 %
  • Restitution en cas d'excédent
En 2018, prélèvement forfaitaire non libératoire de 12,8 % En 2019,
  • Prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % ou option globale pour le barème progressif après abattement de 40 %
  • Imputation du prélèvement forfaitaire non libératoire de 12,8 %
  • Restitution en cas d'excédent

Tableau récapitulatif des prélèvements opérés sur les produits de placement à revenu fixe

Produits perçus en 2017 Produits perçus en 2018
En 2017, prélèvement forfaitaire non libératoire de 24 % En 2018,
  • Imposition au barème progressif ou sur option taux forfaitaire de 24 %
  • Imputation du prélèvement forfaitaire non libératoire
  • Restitution en cas d'excédent
En 2018, prélèvement forfaitaire non libératoire de 12,8 % En 2019,
  • Prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % ou, sur option globale, imposition au barème progressif
  • Imputation du prélèvement forfaitaire non libératoire
  • Restitution en cas d'excédent

(1) CGI, art. 112, 1 (N° Lexbase : L5412I3T).
(2) CGI, art. 111, b (N° Lexbase : L2066HL4).
(3) CGI, art. 112, 3°.
(4) CGI, art. 117 quater (N° Lexbase : L9364LHB).
(5) CGI, art. 158, 3-2 à 4 (N° Lexbase : L9347LHN).
(6) CGI, art. 109, 1-1° (N° Lexbase : L2060HLU).
(7) CGI, art. 109, 1-2°.
(8) CGI, art. 158, 7-2°.
(9) CGI, art. 111, c.
(10) CGI, art. 111, e.
(11) CGI, art. 112, 4°.
(12) CGI, art. 111, a.
(13) CGI, arts 119 bis, 2 (N° Lexbase : L9363LHA) et 187 (N° Lexbase : L9342LHH).
(14) CGI, art. 1672, 2 à 4 (N° Lexbase : L1336LGL).
(15) CGI, art. 125 A (N° Lexbase : L9357LHZ).
(16) CGI, art. 125 A, III.
(17) CGI, art. 118 (N° Lexbase : L2103HLH).
(18) CGI, art. 119 (N° Lexbase : L2105HLK).
(19) CGI, arts 124 à 125-00 A.
(20) BOI-RPPM-RCM-20-10-20-70 n°10 (N° Lexbase : X4913ALK).
(21) CGI, art. 1678 bis (N° Lexbase : L0290IWN).
(22) BOI-RPPM-RCM-40-40 n°20 (N° Lexbase : X6975ALW).

newsid:463330

Fiscalité internationale

[Brèves] Affaires "Jacob" et "Lassus" : décision de la CJUE sur les plus-values d'échange de titres en report d'imposition

Réf. : CJUE, 22 mars 2018, aff. C-327/16 et C-421/16 (N° Lexbase : A4848XHZ)

Lecture: 2 min

N3356BXL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463356
Copier

par Marie-Claire Sgarra

Le 30 Mars 2018

L'article 8 la Directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990 (N° Lexbase : L7670AUM) doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une législation d'un Etat membre en vertu de laquelle la plus-value issue d'une opération d'échange de titres relevant de cette directive est constatée à l'occasion de cette opération, mais son imposition est reportée jusqu'à l'année au cours de laquelle intervient l'évènement mettant fin à ce report d'imposition, en l'occurrence la cession des titres reçus en échange. Il ne s'oppose pas également à une législation d'un Etat membre qui prévoit l'imposition de la plus-value afférente à une opération d'échange de titres, placée en report d'imposition, lors de la cession ultérieure des titres reçus en échange, alors même que cette cession ne relève pas de la compétence fiscale de cet Etat membre.
Enfin, l'article 49 TFUE (N° Lexbase : L2697IPL) doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un Etat membre qui, dans une situation où la cession ultérieure de titres reçus en échange ne relève pas de la compétence fiscale de cet Etat membre, prévoit l'imposition de la plus-value placée en report d'imposition à l'occasion de cette cession sans tenir compte d'une éventuelle moins-value réalisée à cette occasion, alors qu'il est tenu compte d'une telle moins-value lorsque le contribuable détenteur de titres a sa résidence fiscale dans ledit Etat membre à la date de ladite cession. Il appartient aux Etats membres, dans le respect du droit de l'Union et, en l'occurrence, plus particulièrement de la liberté d'établissement, de prévoir des modalités relatives à l'imputation et au calcul de cette moins-value.

Telles sont les solutions dégagées par la CJUE dans un arrêt du 22 mars 2018 (CJUE, 22 mars 2018, aff. C-327/16 et C-421/16 N° Lexbase : A4848XHZ).

Dans la première espèce (C-327/16), M. J., résident fiscal français, a fait apport des titres qu'il détenait dans une société de droit français à une autre société de droit français, en échange de titres de cette dernière. Conformément à la législation fiscale applicable à la date des faits, la plus-value réalisée à l'occasion de cette opération d'échange de titres a été placée en report d'imposition. Dans la seconde espèce (C-421/16), M. L., résident fiscal britannique depuis l'année 1997, a apporté, le 7 décembre 1999, à une société de droit luxembourgeois des titres qu'il détenait dans une société de droit français, en échange de titres de cette première société. A cette occasion, une plus-value a été constatée, laquelle, en application de la législation en vigueur à la date des faits, a été placée en report d'imposition. Par deux jugements du 31 mai 2016 le Conseil d'Etat a transmis à la CJUE plusieurs questions ministérielles relatives au mécanisme du report d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières dans leur rédaction applicable au moment des faits.

newsid:463356

Justice

[Brèves] Validation de la création de l'inspection générale de la justice

Réf. : CE, 23 mars 2018, n°s 406066, 406497, 406498, 407474, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8529XHD)

Lecture: 2 min

N3333BXQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463333
Copier

par Aziber Seïd Algadi

Le 29 Mars 2018

Est validée la création de l'inspection générale de la justice sans qu'elle ne puisse, en l'état des garanties existantes, contrôler la Cour de cassation. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 23 mars 2018 (CE, 23 mars 2018, n°s 406066, 406497, 406498, 407474, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8529XHD).

Selon les faits de l'espèce, plusieurs syndicats et associations, représentant notamment des magistrats, ont demandé au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016, portant création de l'inspection générale de la justice (N° Lexbase : L5525LBA ; sur le décret, lire N° Lexbase : N5560BWT). Ce décret institue, auprès du Garde des Sceaux un service d'inspection regroupant les différentes inspections qui existaient jusqu'alors au ministère de la Justice. Certains d'entre eux ont également demandé l'annulation de l'arrêté du même jour précisant les modalités d'organisation de cette inspection et ses missions. Les requérants estimaient notamment qu'une telle inspection, dans la mesure où elle était rattachée au Garde des Sceaux, c'est-à-dire placée sous son autorité, méconnaissait le principe de séparation des pouvoirs et portait atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire, en particulier s'agissant de la Cour de cassation, cour suprême de l'ordre judiciaire.

Le Conseil d'Etat rejette ces griefs et juge que les textes régissant l'inspection générale de la justice ne portent pas atteinte aux principes de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire, ni au droit à un procès équitable, en ce qui concerne les juridictions judiciaires du premier et du second degré.

Il annule toutefois l'article 2 du décret en tant qu'il inclut la Cour de cassation dans le champ de la mission de cette inspection générale. En effet, il juge que, eu égard à la mission particulière confiée par le législateur à la Cour de cassation, placée au sommet de l'ordre judiciaire, et aux rôles confiés par la Constitution à son Premier président et à son procureur général, notamment à la tête du CSM chargé d'assister le Président de la République dans son rôle de garant de l'autorité judiciaire, le décret attaqué ne pouvait inclure la Cour de cassation dans le champ des missions de l'inspection générale sans prévoir de garanties supplémentaires relatives en particulier aux conditions dans lesquelles sont diligentées les inspections et enquêtes portant sur cette juridiction ou l'un de ses membres.

newsid:463333

Marchés publics

[Brèves] Possibilité de prévoir la non-conformité pure et simple d'une offre sans invitation à régulariser

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 21 mars 2018, n° 415929, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4843XHT)

Lecture: 1 min

N3323BXD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463323
Copier

par Yann Le Foll

Le 29 Mars 2018

Le fait de prévoir la non-conformité pure et simple d'une offre, sans invitation à régulariser, ne caractérise pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Telle est la solution d'une ordonnance rendue par le Conseil d'Etat le 21 mars 2018 (CE 2° et 7° ch.-r., 21 mars 2018, n° 415929, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4843XHT).

Il résulte des dispositions de l'article 59 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, relatif aux marchés publics (N° Lexbase : L5458K7B), que si, dans les procédures d'appel d'offres, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l'offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu'elle n'est pas anormalement basse et que la régularisation n'a pas pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles, il ne s'agit toutefois que d'une faculté, non d'une obligation.

Dès lors, quels qu'aient été les motifs ayant conduit le département des Bouches-du-Rhône à ne pas inviter la société X à régulariser son offre, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant qu'il ne pouvait l'éliminer sans inviter au préalable cette société à la régulariser (cf. l’Ouvrage "Marchés publics" N° Lexbase : E6800E9Q).

newsid:463323

Presse

[Brèves] Droit au respect au respect de la vie privée versus liberté d'expression : critères d'appréciation de la balance entre ces deux droits

Réf. : Cass. civ. 1, 21 mars 2018, n° 16-28.741, FS-P+B (N° Lexbase : A8014XHB)

Lecture: 2 min

N3344BX7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463344
Copier

par June Perot

Le 29 Mars 2018

Le droit au respect de la vie privée et le droit au respect dû à l'image d'une personne, d'une part, et le droit à la liberté d'expression, d'autre part, ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme que, pour procéder à la mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07 N° Lexbase : A2074NWQ, § 93). La définition de ce qui est susceptible de relever de l'intérêt général dépend des circonstances de chaque affaire (ibid., § 97).

Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, pour accueillir partiellement les demandes en réparation d'un couple princier consécutives à la publication d'un article de presse relatant leur mariage religieux, après avoir énoncé que leur mariage religieux et le baptême de leur fils revêtaient un caractère privé, a retenu qu'un tel mariage n'avait pas eu d'impact au regard du rôle tenu par les intéressés sur la scène sociale et qu'aucun événement d'actualité ou débat d'intérêt général ne justifiaient qu'il soit porté atteinte à leur vie privée. Telle est la solution d'un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 21 mars 2018, n° 16-28.741, FS-P+B N° Lexbase : A8014XHB).

Dans cette affaire, un magazine avait publié un article, accompagné de photographie, relatant le mariage religieux d'un couple princier et du baptême de leur fils s'étant déroulés quelques jours plus tôt. Invoquant l'atteinte portée à leurs droits au respect dû à leur vie privée et à leur image, le couple a assigné la société éditrice du magazine pour obtenir réparation de leurs préjudices, ainsi que des mesures d'interdiction et de publication.

Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction précise qu'en se prononçant ainsi, sans procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères, et, notamment, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le public avait un intérêt légitime à être informé du mariage religieux d'un membre d'une monarchie héréditaire et du baptême de son fils, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E4075EYL).

newsid:463344

Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] Vers la fin du régime autonome des musiques des oeuvres audiovisuelles

Réf. : Ass. plén., 16 février 2018, n° 16-14.292, P+B+R+I (N° Lexbase : A7564XDI)

Lecture: 10 min

N3332BXP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463332
Copier

par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la cour

Le 29 Mars 2018

Un "arrêt de rébellion" : c'est ainsi que le Rapport (1) transmis à l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a qualifié l'arrêt rendu le 16 février 2016 (2), sur renvoi après cassation, par la cour d'appel de Lyon. Ayant repris quasiment à l'identique les motifs de l'arrêt cassé (3), les juges lyonnais entendaient effectivement adresser un message fort de résistance. Avec succès : prenant le contre-pied de la doctrine exprimée par la première chambre civile aux termes de son arrêt du 29 mai 2013 (4), l'Assemblée plénière approuve la cour d'appel d'avoir jugé que les musiciens interprètes de la bande sonore du "Bourgeois gentilhomme" sont soumis à la fiction juridique de la présomption de cession au bénéfice du producteur posée par l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2479K9P). Cet important arrêt du 16 février 2018 met un terme à la tendance d'autonomie des musiques des oeuvres audiovisuelles, confirmant qu'elles n'en représentent pas un démembrement juridiquement indépendant mais en font partie intégrante ; pour cette raison, les droits des artistes-interprètes musiciens sont présumés avoir été cédés au producteur (IV). L'Assemblée plénière met ainsi un terme définitif au conflit opposant la SPEDIDAM à l'INA (I). Préalablement, il convient de revenir brièvement sur les considérations ayant présidé à la mise en place d'un régime juridique dérogatoire au bénéfice des producteurs d'oeuvres audiovisuelles par la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 (N° Lexbase : L2078IRE) (II), ainsi que sur les difficultés d'articulation avec le régime de droit commun (III).

I - Le conflit entre la SPEDIDAM et l'INA

L'Institut national de l'audiovisuel (INA) a été créé par la loi du 7 août 1974 et est en charge de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national. A ce titre, il détient notamment les droits de l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF). Or, ce dernier avait produit et diffusé en 1968 une représentation télévisée de la comédie-ballet "Le Bourgeois gentilhomme", texte de Molière, musique de Lully. L'INA ayant envisagé d'exploiter cette oeuvre sous forme de vidéogrammes, puis en ayant cédé les droits exclusifs de commercialisation, l'oeuvre a finalement été éditée sous cette forme en 2003.

La Société de perception et de distribution des droits des artistes et interprètes de la musique et de la danse (SPEDIDAM), en charge de la perception et de la répartition des droits des artistes-interprète, a alors saisi le tribunal de grande instance de Créteil, arguant qu'une rémunération aurait dû être versée à ses sociétaires à raison de cette fixation de l'oeuvre sur un support nouveau.

Par jugement rendu le 12 septembre 2006, le tribunal a débouté la SPEDIDAM de l'intégralité de ses prétentions, sa décision ayant été confirmée sur ce point par la cour d'appel de Paris. Saisie d'un pourvoi, la première chambre civile de la Cour de cassation a censuré l'arrêt d'appel pour violation de la loi, énonçant que "ne constitue pas un contrat conclu pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle le contrat souscrit par chacun des interprètes d'une composition musicale destinée à figurer dans la bande sonore de l'oeuvre audiovisuelle" (5).

Désignée comme juridiction de renvoi après cassation, la cour d'appel de Lyon a de nouveau débouté la SPEDIDAM en jugeant que le contrat conclu entre l'ORTF et les musiciens d'orchestre l'avait été "pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle" au sens de l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle. Les magistrats lyonnais relevaient notamment que la feuille de présence indiquait que l'enregistrement musical en cause était destiné à être utilisé pour la bande-son de l'oeuvre audiovisuelle désignée dans la rubrique "titres de la production" par la mention "le bourgeois gentilhomme" et que l'oeuvre avait été réalisée par l'ORTF "service de production dramatique", en vue d'une diffusion à la télévision, ainsi qu'il était précisé dans la rubrique "direction". La cour d'appel en a déduit que les musiciens avaient été engagés pour la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle, "l'accompagnement musical [étant] partie intégrante de l'oeuvre audiovisuelle puisque son enregistrement a été effectué pour sonoriser les séquences animées d'images et constituer la bande-son de l'oeuvre audiovisuelle".

C'est dans ce contexte que la SPEDIDAM a formé un nouveau pourvoi devant la Cour de cassation. Ainsi que le Code de l'organisation judiciaire lui en laisse l'opportunité, le procureur général a alors demandé le renvoi de l'affaire devant l'Assemblée plénière (6). Suivant l'avis émis par Monsieur le Premier Avocat général Ingall-Montagnier (7), l'Assemblée plénière a rendu le 16 février 2018 un arrêt de rejet, approuvant donc la cour d'appel de Lyon d'avoir déduit des éléments relevés par elle que la feuille de présence signée par les interprètes-musiciens constituait un contrat conclu avec le producteur entrant dans les prévisions de l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle. En conséquence, il n'était pas nécessaire de solliciter une nouvelle autorisation pour l'exploitation du "Bourgeois gentilhomme" sous une forme nouvelle.

II - La loi de 1985 ou la mise en place d'un régime juridique dérogatoire en faveur de l'oeuvre audiovisuelle

Les artistes-interprètes ont le droit de s'opposer à la reproduction de leurs interprétations sans leur consentement et le droit d'obtenir une contrepartie financière à chaque nouvelle forme d'exploitation. Ce principe est fixé à l'article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2484K9U). Par dérogation au régime de droit commun, l'article L. 212-4 du même code dispose que "la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste interprète. Ce contrat fixe une rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre". Les droits des artistes-interprètes sont alors présumés avoir été cédés au producteur de l'oeuvre audiovisuelle.

Tout l'enjeu des débats portait donc sur l'articulation et l'interprétation de ces deux textes, le contentieux "répétitif" (8) à cet égard n'ayant pas permis de faire ressortir une position constante par la jurisprudence. L'arrêt du 29 mai 2013, par lequel la Cour de cassation a eu l'occasion, pour la première fois, de trancher la question, aurait dû mettre un terme à ces dissensions. Il n'en a finalement rien été.

Ces dispositions sont issues de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle (N° Lexbase : L2078IRE), et retranscrivent la volonté du législateur d'établir un équilibre entre les droits de l'artiste-interprète et ceux du producteur. Cette même préoccupation transparait plus tard à la lecture du considérant 10 de la Directive 2001/29 du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (N° Lexbase : L8089AU7). Le cinquième considérant de la Directive 2006/115 du12 décembre 2006, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L8983HTU), illustre encore cette approche économique, qui rappelle que si la continuité du travail créateur artistique des auteurs et des artistes-interprètes exige que ceux-ci perçoivent un revenu approprié, les investissements liés à la production de phonogrammes et de films sont extrêmement élevés et aléatoires. La Cour de Justice en déduit qu'un équilibre doit être trouvé entre le respect des droits et des intérêts des différentes personnes physiques ayant contribué à la création intellectuelle du film et ceux du producteur du film qui a pris l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre cinématographique et qui assure les risques liés à cet investissement (9).

Le législateur français souhaitait donc limiter les obstacles à l'exploitation des oeuvres audiovisuelles par les producteurs, dans un contexte de concurrence avec les productions culturelles américaines. La loi du 3 juillet 1985 poursuit ainsi un objectif économique d'exploitation harmonieuse de l'oeuvre audiovisuelle, afin de permettre d'en rentabiliser les investissements, parfois considérables. C'est la raison pour laquelle l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle investit ab initio le producteur de l'oeuvre audiovisuelle de l'ensemble des droits des artistes-interprètes dès lors qu'un contrat a été conclu.

III - La difficile articulation des articles L. 212-3 et L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle

Ainsi que le souligne le Conseilleur-rapporteur Semeriva dans son rapport, il convenait de s'interroger sur la signification à conférer à l'expression légale "pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle" visée à l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle. La question était discutée depuis longtemps, sans que les juridictions françaises n'aient pu se ranger derrière une position définitive. Ses conséquences pratiques revêtent pourtant une importance réelle puisqu'une éviction du champ de la présomption légale imposerait aux producteurs de recueillir le consentement des artistes-interprètes, sous peine de se voir exposés au risque d'un procès en contrefaçon.

Sans surprise dans l'affaire qui nous occupe, les thèses soutenues par l'INA et la SPEDIDAM étaient donc diamétralement opposées.

La SPEDIDAM (10) faisait valoir que les musiciens n'avaient pas participé à la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle elle-même mais seulement à l'interprétation et à l'enregistrement d'une oeuvre musicale autonome, destinée à être utilisée comme bande son du "Bourgeois gentilhomme". Elle en voulait notamment pour preuve que l'article L. 112-2, 6° du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3334ADT) (11) définit l'oeuvre audiovisuelle comme une oeuvre consistant en des "séquences animées d'images, sonorisées ou non". La SPEDIDAM en déduisait le caractère simplement accessoire de la bande-son, soulignant au surplus que la bande sonore peut faire l'objet d'une exploitation indépendamment de l'oeuvre audiovisuelle elle-même et inversement (12).

En définitive, la présomption légale de cession posée par les dispositions de l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle aurait exclusivement vocation à s'appliquer aux comédiens et non aux artistes-interprètes de la musique. L'interprétation de ces derniers, purement musicale, serait en effet réalisée en vue de la "sonorisation" d'une oeuvre audiovisuelle ; simplement indirecte, leur contribution n'aurait donc pas été exécutée "pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle", ainsi que l'exige la loi. Cette approche avait d'ailleurs connu les faveurs d'une partie substantielle de la jurisprudence française (13), notamment sensible à l'argument de l'interprétation stricte des exceptions.

L'INA (14) se référait à l'inverse aux dispositions de l'article L. 113-7 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3343AD8), lesquelles désignent "l'auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l'oeuvre" parmi les coauteurs de l'oeuvre audiovisuelle. Du point de vue de l'auteur, la bande originale spécialement conçue pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle ferait donc partie intégrante de cette oeuvre. Pour cette raison, le musicien qui interprète la bande sonore participerait directement à la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle (15).

Le raisonnement suivi par la SPEDIDAM conduisait à soumettre les interprètes d'une composition musicale à un régime juridique différent, suivant qu'ils apparaissent ou non à l'écran (16). En définitive, contrairement aux chanteurs d'un opéra filmé ou encore aux acteurs d'une comédie musicale (17), les musiciens qui interprètent la bande sonore sans être physiquement à l'image bénéficieraient (paradoxalement) d'un traitement plus favorable puisque leurs droits ne seraient pas concernés par la fiction légale de l'article L. 212-4 précité. L'INA s'y opposait en soulignant déjà qu'une telle distinction ne résulterait pas du Code de la propriété intellectuelle (ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus). Surtout, elle mettait en avant que le droit d'auteur organise une présomption de cession des droits au bénéfice du producteur de l'oeuvre audiovisuelle similaire à celle qui existe pour les artistes-interprètes ; or, si l'article L. 132-24 (N° Lexbase : L3417ADW) exclut expressément "l'auteur de la composition musicale avec ou sans paroles" de cette présomption (18), force est de constater que cette éviction n'est pas prévue à l'article L. 212-4. A l'inverse, la SPEDIDAM ne manquait pas d'appeler de ses voeux un alignement du régime des droits voisins sur celui du droit d'auteur dans un souci d'harmonisation des régimes, aboutissant ainsi à reconnaître à la musique un régime juridique autonome de celui de l'oeuvre audiovisuelle.

IV - L'Assemblée plénière réintègre la bande-son dans le régime juridique des oeuvres audiovisuelles

On l'a vu, l'approche purement textuelle proposée par la SPEDIDAM et l'INA ne permettait pas de pencher tout à fait en faveur d'une thèse ou de trancher en faveur de l'autre (19), ce qu'illustrait une jurisprudence hétéroclite.

La cour d'appel de Lyon, à l'instar de la cour d'appel de Paris avant elle, a finalement jugé que l'accompagnement musical n'est aucunement séparable de l'oeuvre audiovisuelle mais en est partie prenante dès lors que son enregistrement est effectué pour sonoriser des séquences animées d'images et constituer ainsi la bande-son de l'oeuvre audiovisuelle. Les artistes musiciens interprétant la bande son d'une oeuvre audiovisuelle sont donc susceptibles d'être soumis au régime de la présomption de cession posé par l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle, dès lors que les conditions de la fiction légale sont réunies.

L'argument de l'apparition à l'image a lui aussi été clairement écarté (20), motif tiré que l'application de ce critère conduirait à opérer une distinction qui n'est soutenue par aucun texte.

En définitive, le Premier Avocat général proposait de privilégier un critère "finaliste" afin de vérifier si la prestation musicale avait été réalisée "pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle". L'intention des parties formalisées par un contrat les réunissant en toute connaissance de cause sur l'objet et le contenu de l'opération apparaissait ainsi comme le marqueur le plus sûr (21). En l'espèce, les musiciens ayant parfaitement conscience que leur interprétation servait à l'exploitation de l'oeuvre audiovisuelle "Le bourgeois gentilhomme", aucune autorisation supplémentaire n'avait à être sollicitée, ce qu'a approuvé l'Assemblée plénière en rejetant le pourvoi de la SPEDIDAM.

La nouvelle doctrine de la Cour de cassation présente l'avantage d'être a priori conforme aux objectifs poursuivis par la loi du 3 juillet 1985. En effet, l'exploitation d'une oeuvre audiovisuelle tendrait à se trouver perturbée si elle était amputée de sa bande originale. De fait, les artistes-interprètes musiciens bénéficieraient d'un pouvoir de blocage au détriment du producteur mais également des auteurs qui doivent, par principe, bénéficier d'une rémunération proportionnelle aux recettes d'exploitation. A n'en pas douter, cette approche téléologique a eu une influence prédominante dans la décision prise par l'Assemblée plénière.

Il n'en reste pas moins que le producteur de l'oeuvre audiovisuelle ne se trouve investi des droits des artistes-interprètes que pour autant qu'un contrat a été conclu avec ceux-ci, en bonne et due forme (22). Par ailleurs, l'autorisation de l'artiste-interprète reste requise dans l'hypothèse d'un enregistrement autonome utilisé ultérieurement pour une production audiovisuelle. La présomption légale de cession étant limitée à l'exploitation de l'oeuvre audiovisuelle en tant que telle, le régime de droit commun de l'article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle trouve encore à s'appliquer en cas d'exploitation séparée de la prestation sonore de l'artiste-interprète (23). Il appartiendra donc aux producteurs de rester particulièrement vigilants à la rédaction des contrats conclus avec les artistes-interprètes, sous peine de voir s'effondrer l'édifice de la présomption légale de cession. En effet, la présomption étant censée assurer un équilibre des intérêts en présence, elle ne saurait constituer un blanc-seing pour le producteur mais impose en toute hypothèse que les parties nourrissent des relations marquées du sceau de la confiance et de la transparence.


(1) Page 14 du rapport de Monsieur le rapporteur Philippe Semeriva (rapport très complet dont nous tirons notre exposé des thèses en présence).
(2) CA Lyon, 16 février 2016, n° 13/06290 (N° Lexbase : A0165Q9Y).
(3) CA Paris, , Pôle 5, 1ère ch., 18 janvier 2012, n° 09/29162 (N° Lexbase : A0726IBI) ; ayant recours à une motivation quasiment identique : CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 15 février 2012, n° 10/06787 (N° Lexbase : A5585ICT).
(4) Cass. civ. 1, 29 mai 2013, n° 12-16.583, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3721KEK).
(5) Cass., civ. 1, 29 mai 2013, préc..
(6) Cass. civ.1, 5 juillet 2017, n° 16-14.292, F-D (N° Lexbase : A8423WLK).
(7) Avis n° 636 de Monsieur le Premier Avocat général Philippe Ingall-Montagnier.
(8) Pour reprendre l'expression de Monsieur le Conseiller rapporteur Semeriva.
(9) CJUE, 9 février 2012, aff. C-277/10, point 78 (N° Lexbase : A2217IC4).
(10) Les moyens soulevés par les parties sont présentés de façon très complète dans le rapport de Monsieur le Conseiller Semeriva.
(11) Contenant une liste non exhaustive des oeuvres protégées au titre du droit d'auteur.
(12) Citant à titre d'exemple la musique du film "Le grand bleu".
(13) Décisions citées dans le rapport : CA Versailles, 24 février 2000, CA Paris, 4ème ch., sect. A 9 mai 2005, n° 04/09292 (N° Lexbase : A7913DKB), RTDCom., 2006, p. 376 et CA Paris, 4ème ch., sect. B, 19 janvier 2007, n° 05/19007 (N° Lexbase : A9212M4X) ; cf. également TGI Paris, 3ème ch., 3 octobre 2013, 11/13562 (N° Lexbase : A6997KM4).
(14) Les moyens soulevés par les parties sont présentés de façon très complète dans le rapport de Monsieur le Conseiller-Rapporteur Semeriva.
(15) En ce sens, cité dans le rapport : CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 18 juin 2010, n° 09/13188 (N° Lexbase : A2875E4A) et CA Paris, Pôle 5, 1ère ch.,15 février 2012, n° 10/06787 (N° Lexbase : A5585ICT).
(16) Cette différence de traitement avait d'ailleurs été entérinée par CA Paris, 10 novembre 1992, RIDA 1994, n° 160, p. 223.
(17) Exemples cités par M. Tafforeau, Communication Commerce Electronique, octobre 2011, chronique 9.
(18) Laquelle pourrait s'expliquer par l'importance de la gestion collective des droits en matière musicale, ainsi que le l'expose le Professeur Caron (Communication Commerce Electronique n° 9, septembre 2013, comm. 87).
(19) Cf. avis n° 636 du Premier Avocat général Ingall-Montagnier, préc., p. 5.
(20) L'avis n° 636 précité va dans le même sens, au motif que cette exigence d'une apparition de l'interprète à l'image "ne figure pas dans la loi et n'en résulte pas même indirectement".
(21) En ce sens, TGI Paris, 3ème ch., 14 janvier 2016, n° 14/18546 (N° Lexbase : A5088N49).
(22) CA Paris, 4ème ch., sect. A, 26 février 2003, 2001/02474 (N° Lexbase : A5195A7K) ; TGI Paris, 3ème ch., 28 mai 2009, n° 09/00720 (N° Lexbase : A4665EIM) : la simple présence de l'artiste lors de la séance d'enregistrement ne saurait suffire à caractériser l'existence d'un contrat ; CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 22 octobre 2010, n° 09/15636 (N° Lexbase : A6022GCZ) : absence d'autorisation écrite ; TGI Paris, 3ème ch., 10 décembre 2010, n° 09/02142 (N° Lexbase : A2728GRH) : une feuille d'engagement ne répond pas aux exigences de l'article L. 212-4 ; CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 11 juin 2014, n° 13/01862 (N° Lexbase : A2831MRB) ; cf. également TGI Paris, 3ème ch., 28 novembre 2013, n° 12/00039 (N° Lexbase : A6152KRB) et TGI Paris, 3ème ch., 14 janvier 2016, n° 14/18546 (N° Lexbase : A5088N49), rappelant qu'un contrat n'était pas obligatoirement conclu par écrit avant l'entrée en vigueur de la loi du 3 juillet 1985.
(23) Ex : exploitation d'une chanson interprétée dans le cadre d'un film.

newsid:463332

Social général

[Brèves] Validation par le Conseil constitutionnel de l'essentiel de la loi de ratification des ordonnances réformant le Code du travail

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018 (N° Lexbase : A4835XHK)

Lecture: 2 min

N3318BX8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/45103934-edition-n-736-du-29-03-2018#article-463318
Copier

par Charlotte Moronval

Le 29 Mars 2018

Le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution la majorité des dispositions issues de la loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (N° Lexbase : L7244LGE). Il censure cependant les mesures portant sur les élections partielles au conseil économique et social (CSE) et émet une réserve sur le délai de deux mois pour la contestation des accords collectifs. Telle est la solution apportée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 21 mars 2018 (Cons. const., décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018 N° Lexbase : A4835XHK).

Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 21 février 2018 par plus de soixante députés qui contestaient notamment les articles 1er, 3, 10, 17 et 18 de la loi en tant qu'ils ratifient respectivement certaines dispositions des ordonnances n°s 2017-1385 (N° Lexbase : L7631LGQ), 2017-1386 (N° Lexbase : L7628LGM), 2017-1387 (N° Lexbase : L5827LA3) et 2017-1389 (N° Lexbase : L7627LGL) du 22 septembre 2017 et de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 (N° Lexbase : L6578LH4). Ils contestaient également plusieurs dispositions de la loi modifiant ou complétant les dispositions résultant de ces mêmes ordonnances.

Pour l'essentiel, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes les principales mesures des ordonnances qui lui étaient soumises.

Les Sages ont cependant décidé de censurer l'article qui introduisait une dérogation aux règles de droit commun en matière d'élections partielles organisées par l'employeur afin de pourvoir les sièges vacants au sein de la délégation du personnel du CSE. L'employeur était dispensé d'en organiser lorsque les vacances résultaient de l'annulation, par le juge, de l'élection de membres de ce comité en raison de la méconnaissance des règles tendant à une représentation équilibrée des femmes et des hommes. Le Conseil a estimé que le fonctionnement normal du CSE pouvait être affecté par cette mesure.

Concernant la réserve d'interprétation énoncée à l'égard du délai pour contester un accord collectif, rappelons que ce délai a été fixé à deux mois à compter de la publication de l'accord sur la base de données nationale. Les signataires d'un accord ont la possibilité de décider qu'une partie de cet accord ne fera pas l'objet de cette publication. Le Conseil constitutionnel estime que pour ces parties non publiées, le délai de recours ne doit courir qu'à compter du moment où les personnes requérantes en ont valablement eues connaissance.

Enfin, le Conseil constitutionnel a censuré d'autres mesures, dites "cavaliers" législatifs, car dénuées de lien direct ou indirect avec le projet de loi initial. Il s'agit des articles 9, 12, 14 et 20.

newsid:463318