Réf. : CE 6° et 5° ch.-r., 14 mars 2018, n° 415956, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9097XGZ)
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N3214BXC
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par Aziber Seïd Algadi
Le 23 Mars 2018
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Réf. : Cass. civ. 2, 15 mars 2018, n° 16-19.043, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9083XGI)
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N3215BXD
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par Laïla Bedja
Le 22 Mars 2018
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:463215
Réf. : CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 21 février 2018, n° 14/16971 (N° Lexbase : A0935XED)
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N3208BX4
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par Dominique Vidal, Professeur émérite, CREDECO GREDEG UMR 7321 CNRS/UNS
Le 22 Mars 2018
Pendant longtemps on évoquait en effet "l'arbitrage du Bâtonnier", alors pourtant que la rédaction de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971, relative à la profession d'avocat (N° Lexbase : L7655AHY) conférait à cette autorité professionnelle le pouvoir de "prévenir ou concilier" les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau.
Prévenir ou concilier : pas arbitrer.
Cela n'empêchait pas la jurisprudence d'y voir parfois un véritable arbitrage (CA Paris, 18 décembre 1985, Rev. arb., 1988, obs.Th. Bernard).
Mais on s'est tout de même demandé s'il s'agissait ou non d'un arbitrage "véritable " (B. Moreau, L'arbitrage du Bâtonnier, Rev. arb., 1993, p. 361 ; G. Flécheux, L'arbitrage du Bâtonnier. Un exemple d'arbitrage forcé, Rev. arb., 1990, p. 101 ; J. Villacèque, La juridiction du Bâtonnier : une charge publique à parachever, D., 1997, Chron., p. 305).
On a aussi eu, logiquement et corrélativement, matière à hésiter sur le domaine de cet arbitrage du Bâtonnier.
Ainsi, le barreau de Paris avait, dans son règlement intérieur, soumis à l'arbitrage du Bâtonnier "toute difficulté entre avocats relativement ou à l'encontre d'une structure" alors qu'à l'époque, la loi ne soumettait à l'arbitrage du Bâtonnier que le contrat de travail entre avocats.
Or, cette extension ordinale du domaine du recours obligatoire à l'arbitrage du Bâtonnier a été censurée par la Cour de cassation dans deux arrêts rendus le 22 novembre 2005.
Dans une première affaire (Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 04-11.384, F-P+B N° Lexbase : A7506DLL, Bull. civ. I, n° 421, D., 2006, Jur. p. 2079, note E. Rosenfeld, et Pan., p. 268, obs. B. Blanchard), il s'agissait d'un conflit entre un avocat et son ancien cabinet à propos d'un solde de rémunération. Fort de son règlement intérieur, le Bâtonnier de Paris se déclara compétent pour apprécier le litige et organiser l'arbitrage. Le cabinet d'avocats fit appel de cette décision estimant qu'il n'était pas tenu de régler son litige par la voie de l'arbitrage. Il fut débouté par la cour d'appel de Paris qui renvoya au règlement intérieur du barreau de Paris. La censure pour violation de la loi intervient au motif que "hors les cas où la loi en dispose autrement, seule la volonté commune des parties peut investir l'arbitre de son pouvoir juridictionnel".
On a notamment estimé que permettre à un règlement ordinal d'étendre le domaine de l'arbitrage du Bâtonnier reviendrait à lui permettre de créer un nouvel ordre de juridiction, ce qui, aux termes de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC), est du domaine exclusif de la loi (en ce sens, E. Rosenfeld, note D., 2006, Jur., p. 2079).
C'est d'ailleurs ce que rappelle la Cour de cassation dans le second arrêt du même jour lorsqu'elle a énoncé que "le règlement intérieur d'un barreau ne peut, sans méconnaître cette disposition législative, étendre la compétence du Bâtonnier aux litiges nés à l'occasion de l'exercice de la profession d'avocat en groupement" (Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 03-12.860, FP-P+B N° Lexbase : A7416DLA ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E9233ET7, Bull. civ. I, n° 422, LPA, 2006, n° 133, p. 22, concl. J. Sainte-Rose ; D., 2005, IR, p. 3032).
Cette jurisprudence s'était installée. Ainsi, lorsqu'une cour d'appel a appliqué l'arbitrage du Bâtonnier, sur le fondement du règlement intérieur de barreau de Paris, et en l'absence de clause compromissoire, à une SCP d'avocats qui s'y opposait, la Cour de cassation a de nouveau censuré (Cass. civ. 1, 7 juin 2006, n° 04-19.290, F-P+B+I N° Lexbase : A8476DPM, Bull. civ. I, n° 283, D., 2006, IR, p. 1769).
Fort heureusement, l'article 21, alinéa 3, de la loi du 31 décembre 1971 dispose désormais que tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel "est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du Bâtonnier".
La compétence ordinale relative au "règlement de tout différend entre les avocats à l'occasion de leur exercice professionnel" est donc clairement établie.
Sur un plan théorique, on s'est interrogé sur la légitimité d'un tel "arbitrage forcé". Cet arbitrage du Bâtonnier échappe au fondement habituellement conventionnel de l'arbitrage. Certains auteurs en déduisent que pour ce motif ce n'est pas un véritable arbitrage (Ch. Jarrosson, Rev. arb., 1988, 296, n° 5), ce qui peut se comprendre du point de vue des qualifications juridiques. Il est vrai que la notion d'arbitrage forcé semble irrecevable, un arbitrage ne pouvant être "forcé".
Mais il existe d'autres exemples d'arbitrage "forcé", par exemple en droit des investissements internationaux. Et surtout, nous sommes ici en présence d'un texte spécial dont l'impérativité ne fait guère de doute, s'agissant de l'organisation d'une profession d'auxiliaire de justice, et non des moindres. Considérons donc que l'arbitrage du Bâtonnier est un arbitrage, puisque la loi le dit. Mais la question rebondit sur un plan pratique.
Arbitrage forcé par une disposition impérative de la loi, soit. Mais cette compétence arbitrale est-elle exclusive ? Les parties (avocats) ont-elles la possibilité de s'accorder un autre arbitrage ? L'arrêt commenté dit qu'une clause d'arbitrage l'emporte sur l'arbitrage du Bâtonnier.
En l'espèce, un avocat inscrit au barreau de Paris avait conclu un partenariat avec un cabinet membre d'un groupe international installé à Londres, précisément pour exercer au barreau de Paris au sein du cabinet parisien membre de ce groupe, et plus précisément en qualité d'associé de la SCP qui structure ce cabinet. Il quitte le cabinet. Il saisit le Bâtonnier aux fins de faire liquider ses droits au titre de sa participation dans la SCP. Le Bâtonnier se déclare incompétent, et c'est cette décision d'incompétence qui est confirmée par l'arrêt commenté.
La cour met l'accent sur ceci que les sommes réclamées relèvent de l'application du partenariat, à savoir bonus de performance, feuille de route, attribution de points de rémunération, performance pool, et honoraires particuliers à certains dossiers. Or, ce partenariat comporte une clause compromissoire, et c'est cette clause qui doit recevoir application.
La cour ajoute que cette clause n'est ni manifestement nulle, ni manifestement inapplicable en ce qu'elle n'est pas contraire aux dispositions des articles 179 et suivants du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L5731IM9).
La Cour de cassation s'était déjà prononcée en ce sens (Cass. civ. 2, 27 avril 1988, n° 86-19.462 N° Lexbase : A0461C4T, Rev. arb., 1988, 293, note Ch. Jarrosson ; Cass. civ.2, 13 septembre 2012, n° 10-21.144, FS-D N° Lexbase : A7467ISD ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E2704E4W, Rev. arb., 2013, 393), décidant par exemple en 2014 (Cass. civ.1, 9 juillet 2014, n° 13-13.598, FS-P+B+I N° Lexbase : A0579MUY, Rev. arb., 2015, p. 1103, note B. Castellane ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E1764E7H), "qu'une clause compromissoire entre avocats est exclusive de l'application des dispositions de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971".
La compétence de l'arbitrage du Bâtonnier est exclusive de toute compétence judiciaire, mais elle cède devant un arbitrage convenu entre les parties.
Dans une décision du 22 juin 2016 (Cass. civ. 1, 22 juin 2016, n° 15-18.701, F -D N° Lexbase : A2476RUA, Rev. arb., 2016, 960) la Cour de cassation admet encore l'application d'une clause compromissoire contenue dans une convention d'exercice en groupe non signée, dès lors que l'exécution de ladite convention équivalait à une acceptation de la clause.
En somme, il faut affiner l'analyse : la clause compromissoire, y inclus par acceptation tacite, prévaut sur l'arbitrage du Bâtonnier.
Reste-t-il une petite interrogation ? La cour poursuit : "puisque le litige oppose d'une part un avocat à la fois inscrit au barreau de Paris et auprès de l'autorité de contrôle britannique et d'autre part une structure britannique". Le mot "puisque" intrigue. La primauté de l'arbitre choisi par les parties serait-elle réservée aux situations de droit international ?
Ce serait dommage, du point de vue de la liberté patrimoniale des avocats et de la cohérence du droit de l'arbitrage. D'autre part, la jurisprudence précitée (Cass. civ. 2, 27 avril 1988, Rev. arb., 1988, 293, note Ch. Jarrosson ; Cass. civ. 2, 13 septembre 2012, n° 13-13.598, FS-P+B+I, Rev. arb., 2013, 393, précité) ne fait aucunement cette distinction.
Gageons que la Cour de cassation aura bientôt l'occasion d'écarter ce rédactionnel maladroit de la décision commentée, par ailleurs excellente.
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Réf. : CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 21 février 2018, n° 14/16971 (N° Lexbase : A0935XED)
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N3208BX4
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par Dominique Vidal, Professeur émérite, CREDECO GREDEG UMR 7321 CNRS/UNS
Le 22 Mars 2018
Pendant longtemps on évoquait en effet "l'arbitrage du Bâtonnier", alors pourtant que la rédaction de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971, relative à la profession d'avocat (N° Lexbase : L7655AHY) conférait à cette autorité professionnelle le pouvoir de "prévenir ou concilier" les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau.
Prévenir ou concilier : pas arbitrer.
Cela n'empêchait pas la jurisprudence d'y voir parfois un véritable arbitrage (CA Paris, 18 décembre 1985, Rev. arb., 1988, obs.Th. Bernard).
Mais on s'est tout de même demandé s'il s'agissait ou non d'un arbitrage "véritable " (B. Moreau, L'arbitrage du Bâtonnier, Rev. arb., 1993, p. 361 ; G. Flécheux, L'arbitrage du Bâtonnier. Un exemple d'arbitrage forcé, Rev. arb., 1990, p. 101 ; J. Villacèque, La juridiction du Bâtonnier : une charge publique à parachever, D., 1997, Chron., p. 305).
On a aussi eu, logiquement et corrélativement, matière à hésiter sur le domaine de cet arbitrage du Bâtonnier.
Ainsi, le barreau de Paris avait, dans son règlement intérieur, soumis à l'arbitrage du Bâtonnier "toute difficulté entre avocats relativement ou à l'encontre d'une structure" alors qu'à l'époque, la loi ne soumettait à l'arbitrage du Bâtonnier que le contrat de travail entre avocats.
Or, cette extension ordinale du domaine du recours obligatoire à l'arbitrage du Bâtonnier a été censurée par la Cour de cassation dans deux arrêts rendus le 22 novembre 2005.
Dans une première affaire (Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 04-11.384, F-P+B N° Lexbase : A7506DLL, Bull. civ. I, n° 421, D., 2006, Jur. p. 2079, note E. Rosenfeld, et Pan., p. 268, obs. B. Blanchard), il s'agissait d'un conflit entre un avocat et son ancien cabinet à propos d'un solde de rémunération. Fort de son règlement intérieur, le Bâtonnier de Paris se déclara compétent pour apprécier le litige et organiser l'arbitrage. Le cabinet d'avocats fit appel de cette décision estimant qu'il n'était pas tenu de régler son litige par la voie de l'arbitrage. Il fut débouté par la cour d'appel de Paris qui renvoya au règlement intérieur du barreau de Paris. La censure pour violation de la loi intervient au motif que "hors les cas où la loi en dispose autrement, seule la volonté commune des parties peut investir l'arbitre de son pouvoir juridictionnel".
On a notamment estimé que permettre à un règlement ordinal d'étendre le domaine de l'arbitrage du Bâtonnier reviendrait à lui permettre de créer un nouvel ordre de juridiction, ce qui, aux termes de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC), est du domaine exclusif de la loi (en ce sens, E. Rosenfeld, note D., 2006, Jur., p. 2079).
C'est d'ailleurs ce que rappelle la Cour de cassation dans le second arrêt du même jour lorsqu'elle a énoncé que "le règlement intérieur d'un barreau ne peut, sans méconnaître cette disposition législative, étendre la compétence du Bâtonnier aux litiges nés à l'occasion de l'exercice de la profession d'avocat en groupement" (Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 03-12.860, FP-P+B N° Lexbase : A7416DLA ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E9233ET7, Bull. civ. I, n° 422, LPA, 2006, n° 133, p. 22, concl. J. Sainte-Rose ; D., 2005, IR, p. 3032).
Cette jurisprudence s'était installée. Ainsi, lorsqu'une cour d'appel a appliqué l'arbitrage du Bâtonnier, sur le fondement du règlement intérieur de barreau de Paris, et en l'absence de clause compromissoire, à une SCP d'avocats qui s'y opposait, la Cour de cassation a de nouveau censuré (Cass. civ. 1, 7 juin 2006, n° 04-19.290, F-P+B+I N° Lexbase : A8476DPM, Bull. civ. I, n° 283, D., 2006, IR, p. 1769).
Fort heureusement, l'article 21, alinéa 3, de la loi du 31 décembre 1971 dispose désormais que tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel "est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du Bâtonnier".
La compétence ordinale relative au "règlement de tout différend entre les avocats à l'occasion de leur exercice professionnel" est donc clairement établie.
Sur un plan théorique, on s'est interrogé sur la légitimité d'un tel "arbitrage forcé". Cet arbitrage du Bâtonnier échappe au fondement habituellement conventionnel de l'arbitrage. Certains auteurs en déduisent que pour ce motif ce n'est pas un véritable arbitrage (Ch. Jarrosson, Rev. arb., 1988, 296, n° 5), ce qui peut se comprendre du point de vue des qualifications juridiques. Il est vrai que la notion d'arbitrage forcé semble irrecevable, un arbitrage ne pouvant être "forcé".
Mais il existe d'autres exemples d'arbitrage "forcé", par exemple en droit des investissements internationaux. Et surtout, nous sommes ici en présence d'un texte spécial dont l'impérativité ne fait guère de doute, s'agissant de l'organisation d'une profession d'auxiliaire de justice, et non des moindres. Considérons donc que l'arbitrage du Bâtonnier est un arbitrage, puisque la loi le dit. Mais la question rebondit sur un plan pratique.
Arbitrage forcé par une disposition impérative de la loi, soit. Mais cette compétence arbitrale est-elle exclusive ? Les parties (avocats) ont-elles la possibilité de s'accorder un autre arbitrage ? L'arrêt commenté dit qu'une clause d'arbitrage l'emporte sur l'arbitrage du Bâtonnier.
En l'espèce, un avocat inscrit au barreau de Paris avait conclu un partenariat avec un cabinet membre d'un groupe international installé à Londres, précisément pour exercer au barreau de Paris au sein du cabinet parisien membre de ce groupe, et plus précisément en qualité d'associé de la SCP qui structure ce cabinet. Il quitte le cabinet. Il saisit le Bâtonnier aux fins de faire liquider ses droits au titre de sa participation dans la SCP. Le Bâtonnier se déclare incompétent, et c'est cette décision d'incompétence qui est confirmée par l'arrêt commenté.
La cour met l'accent sur ceci que les sommes réclamées relèvent de l'application du partenariat, à savoir bonus de performance, feuille de route, attribution de points de rémunération, performance pool, et honoraires particuliers à certains dossiers. Or, ce partenariat comporte une clause compromissoire, et c'est cette clause qui doit recevoir application.
La cour ajoute que cette clause n'est ni manifestement nulle, ni manifestement inapplicable en ce qu'elle n'est pas contraire aux dispositions des articles 179 et suivants du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L5731IM9).
La Cour de cassation s'était déjà prononcée en ce sens (Cass. civ. 2, 27 avril 1988, n° 86-19.462 N° Lexbase : A0461C4T, Rev. arb., 1988, 293, note Ch. Jarrosson ; Cass. civ.2, 13 septembre 2012, n° 10-21.144, FS-D N° Lexbase : A7467ISD ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E2704E4W, Rev. arb., 2013, 393), décidant par exemple en 2014 (Cass. civ.1, 9 juillet 2014, n° 13-13.598, FS-P+B+I N° Lexbase : A0579MUY, Rev. arb., 2015, p. 1103, note B. Castellane ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E1764E7H), "qu'une clause compromissoire entre avocats est exclusive de l'application des dispositions de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971".
La compétence de l'arbitrage du Bâtonnier est exclusive de toute compétence judiciaire, mais elle cède devant un arbitrage convenu entre les parties.
Dans une décision du 22 juin 2016 (Cass. civ. 1, 22 juin 2016, n° 15-18.701, F -D N° Lexbase : A2476RUA, Rev. arb., 2016, 960) la Cour de cassation admet encore l'application d'une clause compromissoire contenue dans une convention d'exercice en groupe non signée, dès lors que l'exécution de ladite convention équivalait à une acceptation de la clause.
En somme, il faut affiner l'analyse : la clause compromissoire, y inclus par acceptation tacite, prévaut sur l'arbitrage du Bâtonnier.
Reste-t-il une petite interrogation ? La cour poursuit : "puisque le litige oppose d'une part un avocat à la fois inscrit au barreau de Paris et auprès de l'autorité de contrôle britannique et d'autre part une structure britannique". Le mot "puisque" intrigue. La primauté de l'arbitre choisi par les parties serait-elle réservée aux situations de droit international ?
Ce serait dommage, du point de vue de la liberté patrimoniale des avocats et de la cohérence du droit de l'arbitrage. D'autre part, la jurisprudence précitée (Cass. civ. 2, 27 avril 1988, Rev. arb., 1988, 293, note Ch. Jarrosson ; Cass. civ. 2, 13 septembre 2012, n° 13-13.598, FS-P+B+I, Rev. arb., 2013, 393, précité) ne fait aucunement cette distinction.
Gageons que la Cour de cassation aura bientôt l'occasion d'écarter ce rédactionnel maladroit de la décision commentée, par ailleurs excellente.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Cass. com., 7 février 2018, n° 16-20.352, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6692XCT)
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N3212BXA
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par Louis Thibierge, Agrégé des Facultés de Droit, Professeur à l'Université Aix-Marseille, Membre du Centre de Droit Economique (EA4224)
Le 27 Mars 2018
Le 4 octobre 2010, une présence anormale d'eau est détectée sous la chaudière de récupération des calories de la turbine. Après investigations, une fuite fut diagnostiquée au niveau d'une soudure. La société V. fit appel à la société C. pour que celle-ci entreprenne les travaux de réparation.
Le contrat d'entreprise conclu entre les parties contenait une clause limitative de responsabilité. Celle-ci excluait, d'une part, la réparation des "pertes de revenu, d'usage, de production, augmentation des coûts de production ou tous autres dommages indirects et/ou immatériels". Elle plafonnait, d'autre part, le quantum d'indemnisation des dommages indemnisables à 100 % du prix hors taxe du contrat.
Après maints travaux, la ligne fut redémarrée le 4 novembre 2010. Las : le 4 février, à peine trois mois plus tard, la turbine cessa de fonctionner, une chute brutale de la pression de la chaudière empêchant tout redémarrage de l'installation. Une nouvelle fuite fut constatée.
L'expert saisi sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49) conclut, en avril 2012, à l'imputabilité des nouvelles fuites aux défauts affectant les soudures de raboutage pratiquées par la société C.. Il évalua le coût des réparations nécessaires à plus de 280 000 euros, et la perte d'exploitation subséquente à plus de 480 000 euros.
Le maître de l'ouvrage assigna en conséquence son entrepreneur en résolution judiciaire du contrat, restitution d'une somme de 25 400 euros correspondant au prix du marché, et paiement de plus de 760 000 euros de dommages-intérêts.
Le 12 janvier 2015, le tribunal de commerce de Nancy accéda à l'intégralité des demandes du maître de l'ouvrage. L'entrepreneur interjeta appel de la décision.
Confirmant intégralement le jugement de première instance, la cour d'appel de Nancy condamna l'entrepreneur à indemniser l'entier préjudice subi par le maître de l'ouvrage. Sur la question de la clause limitative de responsabilité, les juges nancéens estimèrent que "la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, il n'y a pas lieu d'appliquer la clause limitative de responsabilité". Dit autrement, la mort du contrat emportait avec elle celle de la clause limitative de responsabilité.
Pourvoi fut relevé par l'entrepreneur, marri de voir déjouées ses prévisions contractuelles quant au préjudice indemnisable.
Avec succès, puisque la Cour de cassation prend l'exact contrepied des juges lorrains, dont elle censure la décision pour violation de la loi, au visa des articles 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1184 (N° Lexbase : L1286ABA) anciens du Code civil. A en croire la Haute juridiction, "en cas de résolution d'un contrat pour inexécution, les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution demeurent applicables".
Sur ce point précis, la Chambre commerciale opère revirement. Le 5 octobre 2010, n'affirmait-elle pas, dans un attendu tout aussi général, que "la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer les clauses limitatives de responsabilité" (1) ? La proximité entre cet attendu et le considérant de l'arrêt d'appel censuré est indéniable.
Il faut désormais comprendre que la résolution du contrat pour cause d'inexécution n'emporte pas anéantissement des clauses limitant la responsabilité du débiteur pour "les conséquences de cette inexécution". Celles-ci s'appliquent nonobstant la résolution du contrat.
Comment expliquer ce revirement inattendu ? L'explication immédiate réside dans la comparaison. En rapprochant la clause limitative de responsabilité d'autres clauses auxquelles la jurisprudence attribue déjà une vie après la mort contractuelle, on pourrait être tenté de justifier le sort nouveau réservé à la clause limitative de réparation. A rebours, si l'on rapproche la résolution de la nullité, l'on s'étonne que l'anéantissement du contrat emporte dans sa chute celle des clauses de responsabilité en cas de nullité, mais pas de résolution.
La comparaison tourne court. Comme tout raisonnement par analogie, il accuse vite ses limites. Peut-être faut-il chercher plus loin la justification de la solution. Une première piste réside dans l'effet atténué de la rétroactivité en matière de résolution. Une seconde piste tient, sans doute avec plus de succès, dans la finalité des clauses de responsabilité.
En somme, comparaison (I) n'est pas raison (II). La téléologie l'emporte sur l'analogie.
I - Les comparaisons
Le raisonnement par analogie peut exercer quelque tentation pour le juriste. Puisque la jurisprudence admet déjà la survie de certaines clauses à la résolution du contrat, le revirement du 7 février 2018 ne serait qu'une oeuvre de cohérence. La clause limitative de responsabilité rejoindrait la cohorte des survivantes (A). A l'inverse, le raisonnement par analogie achoppe lorsqu'on entend rapprocher les causes d'anéantissement que sont la nullité et la résolution pour inexécution (B).
A - La comparaison des clauses
Il est tentant de ramener la solution à un simple alignement de la clause limitative de responsabilité sur d'autres clauses dont la survie était déjà acquise (1). Mais l'explication peut sembler relever de la simple casuistique. Peut-être faut-il alors objectiver le test et rapprocher la clause limitative de responsabilité des clauses détachables du contrat (2). En somme, plutôt qu'en termes d'analogie pure, il faudrait raisonner en termes d'autonomie.
1. L'analogie
La première tentative d'explication réside dans la pure analogie. En observant que d'autres clauses sont déjà, pour la Cour de cassation, des résistantes, on prétendrait en déduire que la clause limitative de responsabilité doit elle aussi résister à la résolution du contrat.
Il est vrai que certaines stipulations peuvent persister après la mort contractuelle : clauses pénales, clauses attributives de compétence (2), clauses compromissoires (3), voire clauses de non-concurrence (4)...
Comparer la clause limitative à chacune de ces clauses aurait quelque chose d'artificiel. Qu'y a-t-il de commun entre la clause limitative de responsabilité et la clause de non-concurrence stipulée à un contrat de travail ? Rien, hormis leur potentielle survie à la résolution du contrat.
C'est pourquoi nous cantonnerons l'analogie à la plus proche cousine de la clause limitative de responsabilité : la clause pénale. La solution du 7 février 2018 n'est-elle qu'un alignement de la première sur le régime de la seconde ?
D'un point de vue conceptuel, le rapprochement entre clause limitative et clause pénale ne manque guère de sens. Toutes deux sanctionnent une inexécution contractuelle. Toutes deux anticipent les conséquences pécuniaires de cette inexécution, la première par le biais d'un plafond de responsabilité, la seconde au travers d'un forfait. Sur ce plan, il paraît donc plausible de raisonner par analogie.
Là où le bât blesse, c'est lorsqu'on passe à la seconde prémisse : les clauses pénales survivraient à la résolution du contrat. Il semble qu'une analyse plus nuancée s'impose. Reprenons le fil de la jurisprudence.
Le 6 janvier 1993, par un attendu passablement alambiqué, la troisième chambre civile affirme que "la clause pénale destinée à réparer les conséquences dommageables de la résolution d'un contrat survit à la résolution de ce contrat" (5). Mais qu'est-ce à dire ? Faut-il que la clause spécifie expressément qu'elle régit les conséquences d'une résolution, à défaut de quoi elle serait cantonnée aux demandes de dommages-intérêts ? L'interrogation est de mise (6).
Le 15 février 2005, la même troisième chambre civile juge que "la résolution de la vente [est] sans effet sur le bénéfice de la clause pénale" (7). L'affirmation est plus générale, mais sa portée demeure discutable, l'arrêt étant inédit.
Le 22 mars 2011, c'est la Chambre commerciale qui se prononce en les termes suivants : "la caducité d'un acte n'affecte pas la clause pénale qui y est stipulée et qui doit précisément produire effet en cas de défaillance fautive de l'une des parties" (8). La solution manque cruellement de clarté. Si l'on peut passer sur le clair-obscur de la caducité-sanction de la défaillance fautive, on éprouve quelque peine à déterminer si la solution s'explique par la différence de régime entre la caducité et la résolution. La première, en effet, n'opère que pour l'avenir, ce qui pourrait en soi justifier l'absence de remise en cause de la clause pénale.
Le 3 mai 2012, la même Chambre commerciale semblait admettre, au contraire, que les clauses pénales sont inapplicables en cas de résolution judiciaire. En l'espèce, le contrat contenait une clause de résiliation anticipée, laquelle prévoyait le versement d'une indemnité forfaitaire en cas de résiliation unilatérale. Le créancier sollicita la résolution judiciaire du contrat. Le débiteur entendait se voir verser l'indemnité prévue. Il fut débouté en appel, les juges du fond estimant inapplicable la stipulation contractuelle. Le pourvoi formé par le débiteur fut rejeté en les termes suivants : "ayant retenu que la gravité des manquements de la société M. justifiait la résolution du contrat aux torts exclusifs de cette dernière, en application des dispositions de l'article 1184 du Code civil (N° Lexbase : L1286ABA), la cour d'appel en a déduit à bon droit que le contrat résolu étant anéanti, la société M. n'était pas fondée à se prévaloir des stipulation contractuelles régissant les conditions et les conséquences de sa résiliation unilatérale par la société G." (9). L'interprétation de l'arrêt peut se faire selon deux modes. Restrictif : la solution s'explique par le cantonnement de la clause à la seule résiliation unilatérale, la résolution judiciaire n'étant pas incluse dans son champ d'application. Extensif : la résolution judiciaire du contrat pour inexécution neutralise les clauses aménageant la responsabilité en cas de rupture anticipée. Lequel adopter ?
En somme, le régime de la clause pénale en cas de résolution n'est pas si clair qu'on le veut bien dire. Il paraît excessif d'affirmer que toute clause pénale survit à la résolution du contrat pour cause d'inexécution (10). Partant, l'arrêt rendu le 7 février 2018 ne peut s'expliquer par le seul alignement des clauses aménageant la responsabilité.
2. L'autonomie
L'analogie n'est pas nécessairement inexacte, mais elle ne peut à elle seule justifier le maintien de la clause pénale et de certaines autres stipulations malgré la résolution du contrat.
On suggère parfois que la survie des clauses serait "une conséquence du caractère plus ou moins autonome des clauses concernées" (11).
Qu'est-ce à dire ? Que certaines clauses du contrat ne seraient pas des clauses lambda, mais des clauses autonomes, détachables du reste du contrat. L'explication paraît séduisante : la branche tomberait, mais les rameaux que l'on peut en détacher resteraient en vie.
Cette proposition a su séduire (12).
On songe naturellement à la clause compromissoire, dont l'autonomie a été affirmée dès 1963 en matière internationale (13), et près de quarante ans plus tard en matière interne (14). A en croire la Haute juridiction, "la clause compromissoire présent[e], par rapport à la convention principale dans laquelle elle s'insère, une autonomie juridique qui exclut qu'elle puisse être affectée par l'inefficacité de cet acte". La raison d'être de la solution est limpide : éviter que l'arbitre constatant la nullité du contrat anéantisse corrélativement la clause qui lui donne compétence... pour statuer sur la nullité du contrat. Pour contourner cette situation ubuesque, la clause compromissoire se détache du contrat, ce qui la met à l'abri en cas de résolution ou de nullité du contrat principal.
La solution peut être étendue à la clause attributive de juridiction, que certains auteurs tiennent pour "une convention distincte de la convention principale" (15). Puisqu'elle est distincte, autonome, sa survie à la résolution du contrat se comprend aisément.
Dans la même veine, il a été soutenu que "la clause pénale ne saurait être réduite à un élément secondaire faisant partie d'un tout. Il s'agit d'une stipulation autonome, certes non étrangère au contrat principal, mais non annexée, non plus, par celui-ci", ou encore que "la clause pénale est un contrat qui garantit l'exécution d'une obligation" (16). Ainsi, la clause pénale serait autonome, détachable du contrat. Voilà qui expliquerait sans doute qu'elle survive indépendamment du contrat qui la renfermait.
Cela posé, on peut ne pas tenir la proposition pour s'imposant avec la force de l'évidence. Lorsque la cour d'appel de Paris affirme que "la clause compromissoire constitue une convention de procédure autonome" (17), ou encore que "si la clause compromissoire est matériellement annexée au contrat dans lequel elle est insérée, encore est-il certain qu'elle en est juridiquement séparée" (18), on peut n'être pas pleinement convaincu. La distinction entre negotium et instrumentum n'épuise pas la question. Y a-t-il, en pratique, un consentement distinct donné à la clause compromissoire ou à la clause pénale ? Qui a négocié un contrat contenant une clause compromissoire peut en douter. Et quid d'une clause compromissoire contenue dans un contrat d'adhésion ? Soutiendra-t-on qu'elle est une convention juridiquement séparée, parce qu'elle a fait l'objet d'un échange de consentements distinct ?
Finalement, l'autonomie proclamée des clauses pénales, compromissoires ou attributives de juridiction est essentiellement de convenance. Elle ne participe pas à notre sens de l'essence de ces clauses, qui ne sont pas plus importantes dans l'esprit des parties que la clause définissant l'obligation essentielle, celle arrêtant le prix, celle qui détermine les délais d'exécution ou celle qui élit le droit applicable. Du reste, la jurisprudence ne s'y trompe pas : telle la chauve-souris de La Fontaine, la clause est tantôt détachable, tantôt inséparable du contrat puisqu'elle se transmet avec lui.
B - La comparaison des causes d'anéantissement
Pour les juges du fond, la neutralisation de la clause limitative de responsabilité dans le sillage de la mort du contrat s'explique par une assimilation de la résolution à la nullité. Pourtant, cette assimilation des causes d'anéantissement (1) n'est pas parfaite ; il faut au contraire différencier ces institutions (2).
1. L'assimilation
Reprenons les termes de l'arrêt de la cour de Nancy : "la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, il n'y a pas lieu d'appliquer la clause limitative de responsabilité".
Le raisonnement des magistrats lorrains paraît inductif. Tentons de l'emprunter : puisque la résolution emporte anéantissement rétroactif du contrat, elle peut être utilement rapprochée de la nullité. Or, la nullité du contrat fait tomber toutes les clauses de celui-ci. Partant, les clauses limitatives de responsabilité ne peuvent davantage survivre à la résolution du contrat qu'elles ne survivent à sa nullité.
Résolution et nullité sont il est vrai dotées d'effets similaires. Dans un cas comme dans l'autre, le contrat est anéanti. Jusqu'à la récente ordonnance du 10 février 2016, on aurait ajouté : "rétroactivement". En effet, la résolution se rapprochait plus encore de la nullité en ce qu'elle niait tous les effets passés du contrat. Ce que les parties s'étaient donné devait être restitué, selon la figure du "contrat synallagmatique renversé" (19).
De fait, la résolution devrait emprunter le même régime que la nullité. Dit autrement, le sort des clauses devrait être identique dans les deux cas, puisque ces deux causes d'anéantissement produisent les mêmes effets.
Or, la nullité du contrat entraîne dans sa chute toutes les clauses qu'il renfermait. Ainsi en va-t-il de la clause pénale ou de la clause limitative de responsabilité. Si le contrat qui les stipulait était nul, il n'a pu produire aucun effet valable. Partant, les clauses aménageant la responsabilité sont nulles. Quod nullum est, nullum producit effectum.
Mais une première lacune se fait jour. La nullité n'est pas toujours si radicale dans ses effets. Elle n'atteint pas toutes les clauses avec la même force. La jurisprudence sauve ainsi, en cas de nullité, les clauses relatives au règlement du litige, qu'elles soient attributives de compétence (20) ou compromissoires (21).
De surcroît, et c'est la deuxième lacune : même en faisant abstraction de la modification en 2016 de l'effet rétroactif de la résolution, ce mécanisme doit être rigoureusement distingué de la nullité. Si la nullité du tout (le contrat) entraîne logiquement de la partie (la clause), c'est parce que l'acte n'a jamais été valable. A l'inverse, en matière de résolution, le contrat était valablement formé, ce qui interdit de tenir par principe pour nulle et non avenue la clause qui aménage la responsabilité.
2. La différenciation
Il faut réfuter cette assimilation hasardeuse entre nullité et résolution. Elle procède d'une forme de paresse intellectuelle, consistant à induire de la proximité d'effet (l'anéantissement) une identité de nature, dont découlerait ensuite pseudo-logiquement une proximité de solution quant aux clauses aménageant la responsabilité. Le raisonnement n'est plus seulement inductif, mais circulaire.
En réalité, nullité et résolution doivent être rigoureusement distinguées.
D'une part, elles sanctionnent des situations différentes. La nullité frappe le contrat mal formé, dès son origine. Ce contrat n'a jamais été valable. La nullité préexiste au jugement, qui ne fait que la constater. Le ver était dans le fruit. Rien de tel en matière de résolution, qui est la sanction d'un contrat valablement formé mais mal exécuté. Ce contrat était, au risque de le répéter, parfaitement valable. Les clauses afférentes à la responsabilité qu'il pouvait renfermer étaient de facto elles aussi parfaitement valables. Comme l'expose un auteur, "en aucun il ne peut s'agir de faire comme si le contrat n'avait pas été conclu -ainsi qu'il en va peut-être en matière de nullité- : la résolution présuppose l'existence d'un manquement contractuel et donc d'un contrat qui ne peut pas ne pas avoir existé" (22). C'est ce qui justifie, notamment, que la responsabilité qui découle d'un contrat mal exécuté soit contractuelle, en dépit de la résolution du contrat. Le fait contractuel n'est pas nié.
Pourquoi alors faire produire à la résolution et à la nullité un même effet d'anéantissement rétroactif du contrat ? Pas pour les mêmes raisons. Et c'est sans doute là que se trouve la clé de compréhension.
En matière de nullité, la rétroactivité s'explique par l'absence de tout effet de droit produit par le contrat. Puisqu'il a été conclu sur de mauvaises bases (consentement vicié, défaut de capacité, de forme ou de contenu), il n'a pu valablement lier les parties. Rappelons qu'aux termes de l'article 1103 nouveau (N° Lexbase : L0822KZH), seuls les contrats "légalement formés" tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. A contrario, celui qui était invalide ab initio est privé de toute force obligatoire. Les parties à un contrat nul n'ont donc jamais été tenues par les stipulations relatives aux limites de responsabilité.
En matière de résolution, la rétroactivité se justifie par un autre motif : le synallagma. Si, jusqu'à l'ordonnance du 10 février 2016, la résolution était par principe rétroactive, ce n'était pas pour nier l'existence du contrat, mais pour ne pas rompre l'équilibre contractuel. Primus a versé 100 à Secondus pour que ce dernier accomplisse un travail. Ce travail n'est pas accompli. Secondus sera tenu de restituer les 100 perçus à Primus. Il ne s'agit pas là tant de rétablissement du statu quo ante, quoi qu'en dise la cour d'appel de Nancy (qui évoque la "remise des choses en leur état antérieur") que de justice contractuelle : restituer ce qui a été reçu sans contrepartie du fait de l'inexécution.
En somme, la comparaison avec la nullité accuse doublement ses limites. D'une part, la nullité n'emporte pas nécessairement dans sa chute toutes les clauses. Les contre-exemples fournis par les clauses relatives au règlement des litiges affaiblissent l'analogie. D'autre part, nullité et résolution, même rétroactive, ne peuvent être confondues. La résolution pour inexécution, parce qu'elle n'obéit pas aux mêmes objectifs que la nullité, ne saurait emprunter ses brisées.
Que l'on tourne le regard vers la clause ou la cause de l'anéantissement, comparaison n'est donc pas raison. Il faut aller sonder ailleurs la justification de ce revirement.
II - Les raisons
Quelles sont les raisons de la survie de la clause limitative de responsabilité à la résolution du contrat ? La première pourrait tenir dans le jeu atténué de la rétroactivité (A). La seconde résulterait de la finalité de la clause (B).
A - La rétroactivité
Il peut sembler tentant d'expliquer la solution à l'aune de la rétroactivité, dont le jeu a été récemment atténué (1.). Cette explication doit pourtant être réfutée (2.).
1. L'explication
La clé de l'arrêt pourrait résider dans la rétroactivité, cette fiction juridique qui fleure bon l'aphorisme de Giraudoux, cette construction de l'esprit qui prétend remonter le cours du temps. La rétroactivité, cela n'existe pas en soi. Imaginons que Primus communique au terme d'un contrat une information confidentielle à Secondus. Peut-on, sous prétexte de rétroactivité, provoquer l'amnésie chez Secondus si le contrat vient à être résolu ou annulé ?
Le Code civil n'attachait pas expressément, avant la réforme du 10 février 2016, d'effet rétroactif à la résolution. Cet effet était déduit de la combinaison des articles 1184 et 1183. Le premier, siège de la résolution pour inexécution, la qualifie improprement de "condition résolutoire". Le second traite bien de la condition résolutoire, mais au sens de condition, c'est-à-dire d'événement aléatoire échappant au contrôle des parties. Cet article 1183 dispose que "la condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé". Partant, on en déduisait que la résolution pour inexécution emportait anéantissement rétroactif du contrat.
Il faudrait alors comprendre que toute résolution étant rétroactive, elle annihile l'intégralité des clauses du contrat (23). Si la jurisprudence a parfois permis, par accident, à certaines stipulations de se maintenir, c'est qu'il n'était pas question de résolution rétroactive stricto sensu.
Ainsi, dans l'espèce précitée du 22 mars 2011, la Cour juge que : "la caducité d'un acte n'affecte pas la clause pénale qui y est stipulée et qui doit précisément produire effet en cas de défaillance fautive de l'une des parties" (24). La solution est-elle liée à l'absence d'effet rétroactif de la caducité ? Celle-ci n'opérant que pour l'avenir, elle ne justifierait pas l'effacement des clauses aménageant la responsabilité. A l'inverse, la résolution, parce qu'elle est rétroactive, emporterait dans son sillage les clauses de responsabilité.
La proposition n'emporte pas pleinement la conviction.
Non seulement parce que l'arrêt de 2011 est passablement embrouillé, faisant de la caducité la sanction d'une inexécution fautive, ce qu'elle ne peut pas être. Mais encore parce que la caducité n'est pas intrinsèquement privée d'effet rétroactif. L'article 1187 du Code civil (N° Lexbase : L0891KZZ), issu de l'ordonnance du 10 février 2016 et donc, certes, inapplicable aux faits de la cause, dispose : "la caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9". La caducité rétroactive n'est donc pas un monstre juridique. Partant, l'explication ne tient peut-être pas dans la rétroactivité. Ce n'est pas parce que la résolution est ou n'est pas rétroactive que la clause de responsabilité peut survivre.
On pourrait, alors, vouloir expliquer l'arrêt rendu le 7 février 2018 par une application anticipée de la réforme du droit des obligations.
En effet, l'ordonnance du 10 février 2016 a rompu avec la solution traditionnelle, qui voulait que la résolution fût nécessairement rétroactive. L'article 1229 nouveau dispose tout d'abord : "la résolution met fin au contrat", tout comme la caducité. Il ajoute : "la résolution prend effet selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice". On comprend déjà que la rétroactivité n'est pas le propre de la résolution puisque, en fonction du mode de résolution, la date de prise d'effet varie. Le texte poursuit : "lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation". Dit autrement, la résolution ne rétroagit au jour de formation du contrat que si la prestation est indivisible, en ce que son exécution partielle n'apporte pas de satisfaction partielle.
La réforme de 2016 a donc fait de la rétroactivité l'exception en matière de résolution. Faut-il alors percevoir dans l'arrêt du 7 février 2018 une forme d'anticipation de la réforme ? L'idée peut sembler séduisante : parce que la résolution ne serait plus rétroactive, elle ne remettrait pas en cause les clauses aménageant la responsabilité. Il n'est pourtant pas certain que l'on doive suivre cette idée. D'une part, l'arrêt ne dit rien de la réforme, à rebours de certaines décisions récentes qui proclament tenir compte de "l'évolution du droit des obligations" (25). D'autre part, en l'espèce, il semble que la résolution aurait dû être rétroactive, car l'exécution partielle n'avait apporté au créancier aucune satisfaction, les soudures réalisées par l'entrepreneur étant défectueuses. Là n'est donc pas l'explication.
2. La réfutation
En réalité, le sort des clauses limitatives de responsabilité ne peut dépendre de l'effet plus ou moins rétroactif de la résolution pour inexécution.
Ce qui importe, ce sont les prévisions des parties et l'équilibre du contrat. Lorsqu'elles ont négocié le contrat, les parties ont façonné un équilibre unique. La clause limitative de responsabilité y joue un rôle non négligeable. Souvenons-nous de l'arrêt "Faurecia 2", celui par lequel est revenue la lumière : si la Cour y sauve la clause limitative portant sur l'obligation essentielle, c'est parce qu'elle ne vide pas celle-ci de sa substance (26). C'est parce qu'en l'espèce, la clause avait été négociée, en contrepartie d'une réduction de près de 50 % du prix. Plus proche de nous, la Cour a récemment admis la validité d'une clause de renonciation à recours entre un bailleur et un preneur, au motif que "l'arrêt relève que la clause litigieuse, inscrite dans le cadre de relations contractuelles habituelles et équilibrées, a prévu une répartition entre les deux parties des risques encourus par les marchandises ; qu'ayant, ainsi, fait ressortir que la clause litigieuse ne vidait pas de toute substance l'obligation essentielle du contrat de stockage, la cour d'appel, abstraction faite du motif critiqué par la deuxième branche, qui est surabondant, a retenu, à juste titre, que cette clause devait recevoir application" (27).
Ajoutons que l'engagement du débiteur est le produit d'un calcul risques/bénéfices. Si le débiteur sait qu'il risque, en cas d'inexécution, d'indemniser un préjudice potentiel de 10 millions d'euros, acceptera-t-il de s'engager pour quelques dizaines de milliers d'euros ? Dans le cas d'espèce, le prix du marché était de 25 400 euros. Sur cette somme, à combien s'élève le bénéfice de la société C. ? Quelques dizaines de milliers d'euros tout au plus. La clause limitative de responsabilité cantonnait le préjudice indemnisable à "100 % du prix hors taxe du marché", soit 25 400 euros. La faire sauter contraindrait le débiteur à réparer un dommage sans proportion avec cette somme : plus de 760 000 euros.
On ne devrait toucher à la clause limitative de responsabilité que les mains tremblantes.
Remettre en cause la clause limitative de responsabilité motif pris de la rétroactivité attachée à la résolution ne participe pas de ce mouvement. Si l'on prend la rétroactivité comme clé de répartition, on aboutit aux résultats suivants.
Pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 :
- si le contrat est à exécution successive, la résolution ne joue que pour l'avenir, sans remettre en cause la période antérieure à l'inexécution : la clause limitative de responsabilité est maintenue ;
- si le contrat est à exécution instantanée, la résolution joue avec plein effet rétroactif : la clause limitative de responsabilité tombe ;
- si le contrat est à exécution successive mais que l'absence d'exécution ou l'exécution imparfaite existe depuis l'origine du contrat, celui est résolu rétroactivement : la clause limitative de responsabilité tombe.
Pour les contrats conclus après le 1er octobre 2016 :
- si l'exécution partielle du contrat a apporté au créancier une satisfaction partielle, alors la résolution ne joue que pour l'avenir, sans remettre en cause la période antérieure à l'inexécution ; la clause limitative de responsabilité est maintenue ;
- si l'exécution partielle du contrat n'a pas procuré au créancier de satisfaction partielle, alors la résolution joue rétroactivement ; la clause limitative de responsabilité tombe.
Qui ne verra l'aspect sibyllin d'une telle dichotomie ? Suivant la date de conclusion du contrat, le type ou le moment de l'inexécution, la clause limitative de responsabilité sera maintenue ou écartée. Et l'on n'ose imaginer l'effet d'aubaine que pourrait susciter ces distinctions impraticables. S'il veut être pleinement indemnisé, le créancier devra se battre pour convaincre le juge que l'exécution ne lui a apporté nulle satisfaction.
Enfin, quelle logique y a-t-il à donner effet à la clause limitative ou à la priver d'effet en fonction d'un critère (la rétroactivité) qui n'est qu'un effet secondaire optionnel de la résolution du contrat ? Comme l'écrivait notre collègue Thomas Genicon, "outre que le fait que la différence de traitement est difficilement tolérable en pratique, elle est injustifiable en théorie puisque, à bien y réfléchir, la difficulté conceptuelle devrait être exactement la même dans les deux cas" (29).
B - La finalité
La réponse est ailleurs. Elle ne réside ni dans la comparaison de la clause limitative de responsabilité avec d'autres stipulations, ni dans le rapprochement de la résolution avec la nullité, ni dans le jeu de la rétroactivité.
Plus modestement, il faut peut-être la trouver dans la finalité de la clause limitative de responsabilité (on n'ose dire sa cause). Seules doivent survivre à la résolution du contrat, qu'elles soient ou non rétroactives, les clauses qui ne sont pas cumulables (30) avec elle. Dit autrement, peu importe que le contrat prenne fin pour le passé ou non : il demeure un fait qu'il ne peut plus produire d'effets pour l'avenir. Dès lors, il faut s'interroger sur l'effet de la stipulation en cause : la résolution l'empêche-t-elle de se réaliser ou peut-elle coexister avec lui ?
On comprend aisément que l'on ne peut, dans le même temps, demander deux choses contraires : que le contrat soit résolu, et qu'il produise effet. Le créancier ne peut exiger la résolution du contrat et son exécution forcée. Mais y a-t-il incompatibilité entre une demande de résolution et une demande d'indemnisation ? Loin s'en faut : la résolution ne répare pas les conséquences de l'inexécution. Elle ne fait que la sanctionner. Partant, le créancier peut parfaitement, sous l'ancien droit comme le nouveau, solliciter que lui soient accordés, en sus de la résolution, des dommages-intérêts (31).
Est-il si illogique que ces dommages-intérêts qui se cumulent avec la résolution du contrat soient soumis aux stipulations du contrat ? Quelles sont les raisons qui justifieraient d'écarter la volonté des parties et de tromper leurs prévisions ? Il nous semble que rien ne justifie de paralyser une clause qui a précisément pour vocation de définir les droits des parties en cas d'inexécution. Que la clause limitative de responsabilité soit neutralisée par la faute lourde ou dolosive se conçoit : lorsque le débiteur prend ses libertés avec le contrat, il en assume les conséquences. Mais qu'on tourne la clause au seul motif que le créancier poursuit la résolution du contrat ne se justifie guère. Le débiteur n'a pas de prise sur ceci.
La clause limitative n'a qu'une raison d'être : limiter l'indemnisation lorsque le créancier demande réparation du préjudice résultant de l'inexécution contractuelle. Prétendre la neutraliser au seul motif que le créancier a demandé, en plus de cette réparation conventionnelle, la résolution du contrat, paraît peu orthodoxe. Il suffirait au créancier de solliciter une résolution dont il n'a cure, surtout si elle ne lui donne pas droit à des restitutions, pour qu'il obtienne une indemnisation de son entier préjudice. En l'espèce, il suffisait au créancier de demander la résolution du contrat pour voir, merveille ésotérique, son indemnisation passer de 25 400 à 760 000 euros.
Il nous paraît donc opportun que la Cour de cassation revienne à plus de raison en maintenant la clause limitative de responsabilité en dépit de la résolution du contrat. On peut à cet égard se réjouir de l'attendu, qui ne fait pas référence à la rétroactivité : "en cas de résolution d'un contrat", se borne à dire la Cour, sans distinguer selon qu'elle opère pour l'avenir ou le passé.
On éprouve néanmoins, sur la forme, quelques doutes sur deux incises de l'attendu, l'une afférente à la cause, la seconde à la clause.
La première est relative à la cause de la résolution. La Cour de cassation vise, sans distinguer, la "résolution" du contrat. Faut-il comprendre que sont indifféremment visées les hypothèses de résolution pour inexécution ? Ou doit-on en retrancher la résolution du contrat pour acquisition de la clause résolutoire ? Quid également de la "résolution" pour cause de force majeure, à laquelle recourait -selon nous à tort (32)- la Cour de cassation sous l'empire de l'ancien droit des contrats (33) ?
La seconde incise touche à la clause de résolution. L'attendu retient que demeurent applicables les "clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution". La formule paraît restrictive. Sont corrélativement exclues les clauses pénales, mais aussi les clauses limitatives de réparation d'autres préjudices que ceux découlant de l'inexécution à l'origine de la résolution. Ainsi, si le contrat contenait deux clauses limitatives, l'une relative à l'obligation essentielle et l'autre aux obligations accessoires, faut-il en déduire que la résolution prononcée pour inexécution de l'obligation principale emporterait anéantissement de la clause limitative applicable à l'obligation accessoire ?
Dernière question : quid de l'apport d'un tel arrêt alors qu'est entré en vigueur l'article 1230 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L0933KZL), lequel dispose "la résolution n'affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence" ? Le texte s'inspire largement des codifications savantes, qu'il s'agisse des Principes Lando (34) ou Unidroit (35).
L'intérêt de l'arrêt demeure non négligeable. Peut-être fournira-t-il une clé d'application, certes anticipée, du texte nouveau. En effet, si l'énumération de l'article 1230 n'est pas exhaustive, elle n'est pas non plus fort précise. Les rédacteurs de l'ordonnance du 10 février 2016 auraient pu, s'ils l'avaient voulu, indiquer que les clauses limitatives de responsabilité survivaient à la résolution du contrat. Ils ne l'ont pas fait. Le juge est alors libre de déterminer si la clause limitative est ou non "destinée à produire effet même en cas de résolution". La casuistique n'est pas close (36) !
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Réf. : Cass. civ. 1, 14 mars 2018, n° 17-14.874, F-P+B (N° Lexbase : A2229XHZ)
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N3232BXY
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 22 Mars 2018
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Réf. : Cass. civ. 1, 14 mars 2018, n° 17-17.328, FS-P+B (N° Lexbase : A2192XHN)
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par Marie Le Guerroué
Le 06 Avril 2018
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Réf. : Cass. com., 14 mars 2018, n° 16-27.302, F-P+B+I (N° Lexbase : A8296XGD)
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par Vincent Téchené
Le 22 Mars 2018
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Réf. : CJUE, 15 mars 2018, aff. C-355/16 (N° Lexbase : A8327XGI)
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par Marie-Claire Sgarra
Le 22 Mars 2018
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Réf. : CE 3° ET 8° ch.-r., 21 février 2018, n° 396013, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0578XE7)
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par Vincent Daumas, Rapporteur public au Conseil d'Etat
Le 22 Mars 2018
Observons que la cour administrative d'appel a également rejeté des conclusions de Mme B. qu'elle désigne alternativement dans son arrêt comme des conclusions "indemnitaires" ou "aux fins de rappel de traitement". Le motif de l'arrêt justifiant leur rejet n'est pas critiqué par le pourvoi et ces conclusions, au vu de l'argumentation présentée à leur appui devant la cour, sont sans lien avec celles tendant à l'annulation des six arrêtés plaçant l'intéressée en congé de maladie à demi-traitement. Dans ces conditions, alors même que Mme B. conclut à la cassation de l'arrêt -sans plus de précision-, nous croyons que les conclusions de son pourvoi doivent être requalifiées, au vu des moyens soulevés, comme ne tendant à la cassation de l'arrêt qu'en tant qu'il s'est prononcé sur la légalité des six arrêtés la plaçant en congé de maladie à demi-traitement.
La contestation portée par Mme B. devant les juges du fond a trait, vous l'avez compris, au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, relative à la fonction publique territoriale (1), qui permettent à l'agent placé en congé de maladie de conserver son plein traitement lorsque cette maladie est imputable au service. Or il résulte des dispositions du troisième alinéa de ce même 2° et des dispositions réglementaires prises pour son application que la question de l'imputabilité de la maladie au service donne lieu, lorsque l'administration envisage de refuser la reconnaissance de cette imputabilité, à un avis de la commission de réforme. L'administration prend ensuite sa décision au vu de cet avis, sans être liée par celui-ci (3). Mais toute décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service prise en l'absence d'avis de la commission de réforme est illégale car prise à l'issue d'une procédure irrégulière (4).
Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B. a évoqué l'imputabilité au service de sa maladie dans le recours gracieux qu'elle a présenté par lettre du 2 décembre 2011 à l'encontre des deux premiers des arrêtés litigieux. Au vu de cette demande, la région Ile-de-France a entrepris de consulter la commission de réforme. Ainsi que l'a relevé la cour administrative d'appel, Mme B. a été invitée, afin d'éclairer la commission, à se soumettre à un examen médical auprès d'un service hospitalier de pathologie professionnelle. L'intéressée a refusé en indiquant que l'examen proposé ne satisfaisait pas les "critères déontologiques [qu'elle était] en droit d'attendre", motif pris des déclarations qu'aurait faites le chef de ce service quant à l'origine des troubles de l'hypersensibilité aux champs électromagnétiques. A l'issue de sa séance du 22 mai 2012, la commission de réforme a indiqué qu'elle ne pouvait se prononcer faute de disposer de suffisamment d'éléments. La commission n'a donc pas délivré d'avis sur l'imputabilité au service des troubles dont souffrait Mme B.
Saisie du litige, la cour administrative d'appel a jugé qu'en refusant sans motif valable de consulter le médecin du service hospitalier de pathologie professionnelle auprès duquel un rendez-vous avait été pris, Mme B. n'avait pas mis la commission de réforme à même de rendre un avis sur sa demande tendant à la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa pathologie. Elle en a déduit que, dans ces conditions, en l'absence de décision de la région Ile-de-France concernant l'existence éventuelle d'une maladie professionnelle, elle ne pouvait utilement contester les arrêtés litigieux au motif que son affection était imputable à ses conditions de travail. Ces motifs sont critiqués par des moyens d'erreur de droit et d'inexacte qualification juridique des faits. Selon l'argumentation présentée à leur appui, peu importait que la commission de réforme eût rendu ou non un avis, et dans quel sens, dès lors que les arrêtés litigieux, en plaçant Mme B. en congé de maladie à demi-traitement, avaient nécessairement entendu exclure l'imputabilité au service de sa maladie. Il existait donc bien, selon le pourvoi, une décision refusant de reconnaître cette imputabilité, que l'agent était en droit de contester.
Nous croyons que cette argumentation est fondée -étant précisé que nous comprenons parfaitement le double angle d'attaque retenu par le pourvoi : l'erreur de qualification juridique des faits cible le motif par lequel la cour administrative d'appel a jugé qu'il n'existait pas de décision de la région refusant de reconnaître l'imputabilité au service- ; l'erreur de droit vise celui par lequel la cour a jugé que Mme B. ne pouvait utilement, dans ce litige, critiquer le bien-fondé des arrêtés attaqués motif pris de cette imputabilité.
Examinons chacun de ces deux moyens.
1. Le premier moyen de cassation, tiré de l'erreur de qualification juridique des faits, nous paraît assurément fondé -c'est celui que nous vous proposons de retenir-.
Comme le relevait Bertrand Dacosta dans des conclusions prononcées devant les 7e et 2e sous-sections réunies dans une affaire de référé-suspension (CE, 11 avril 2014, n° 375182 N° Lexbase : A1114MKH, inédite au Recueil), il faut bien combiner la particularité de la procédure applicable aux demandes des fonctionnaires tendant au bénéfice du régime de congé de maladie plus favorable en cas d'imputabilité de la maladie au service avec les règles générales relatives à la naissance des décisions administratives implicites. C'est-à-dire faire coexister l'obligation pesant sur l'administration de recueillir l'avis de la commission de réforme avant de refuser la reconnaissance de l'imputabilité au service et la circonstance que le silence gardé plus de deux mois sur une demande tendant à cette reconnaissance fait naître une décision implicite de rejet. Ainsi que le signalait encore votre rapporteur public, la jurisprudence avait déjà pris parti sur cette question, en jugeant illégal un rejet implicite intervenu avant que le comité médical compétent ne se fût prononcé (CE, 15 décembre 1976, n° 98237 N° Lexbase : A0841B8N, aux tables du Recueil).
L'illégalité quasi-mécanique découlant de l'intervention d'une décision implicite de rejet avant celle de l'avis requis préalablement à un tel rejet n'est guère satisfaisante, bien sûr. Vous pourriez être tenté, à l'occasion de la présente affaire, de préciser les obligations pesant sur l'administration lorsque le comité médical ou la commission de réforme tarde à rendre son avis -ce qui n'est pas rare en pratique-. Avant l'expiration du délai de deux mois faisant naître une décision implicite de rejet, l'administration est en droit de maintenir l'agent à demi-traitement. Une fois expiré ce délai, en revanche, et si l'avis requis n'est toujours pas intervenu, il nous semble que l'administration n'a d'autre choix, pour placer son agent dans une situation régulière, que de lui accorder, à titre provisoire et dans l'attente de cet avis, le bénéfice du maintien de son plein traitement (voyez à ce propos CE, 22 avril 2005, n° 275106 N° Lexbase : A9420DHD, inédite au Recueil). Comme le défendait Bertrand Dacosta -à la réflexion duquel nous empruntons décidément beaucoup !-, il ne pourrait guère en aller autrement que dans l'hypothèse où l'administration démontre qu'elle se trouve dans l'impossibilité de recueillir cet avis.
Quoiqu'il en soit, vous constaterez que l'arrêt de la cour est bien entaché de l'erreur de qualification juridique des faits que lui reproche le pourvoi. Car il existait bien de la part de la région un refus de reconnaître l'imputabilité au service. Ce refus se déduisait de la circonstance que, plus de deux mois après la demande de reconnaissance de l'imputabilité, la région n'avait pas pris de position expresse sur cette demande. Il se déduisait, au surplus, du maintien de Mme B. en congé de maladie à demi-traitement au terme de ce délai de deux mois, la région n'étant pas revenue sur les premiers arrêtés contestés, antérieurs à la demande de reconnaissance de l'imputabilité, et ayant en outre pris de nouveaux arrêtés maintenant son agent dans cette situation. La cour administrative d'appel pouvait peut-être juger que ce refus de reconnaître l'imputabilité au service n'était pas illégal du seul fait de l'absence d'avis de la commission de réforme, en raison du refus opposé par Mme B. de se soumettre à une expertise destinée à nourrir le dossier médical soumis à cette commission. Mais elle ne pouvait nier que ce refus existât.
2. Disons brièvement, pour faire reste de droit, que le second moyen du pourvoi, formulé sur le terrain de l'erreur de droit, nous semble également fondé.
La cour paraît avoir déduit, du refus de Mme B. de se soumettre à l'expertise médicale demandée, une inopérance du débat, porté devant le juge, sur l'imputabilité au service de sa maladie. Un tel raisonnement, qui revient peu ou prou à fermer une voie de droit ouverte à l'agent en raison de son comportement au cours d'une procédure administrative, nous paraît impossible à suivre. La cour, encore une fois, pouvait peut-être tirer les conséquences de l'attitude de Mme B... sur le terrain de la régularité de la procédure suivie par la région pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service. Mais certainement pas prétendre esquiver, pour ce motif, le débat soulevé par la contestation de ce refus. S'il était sans doute regrettable que la question de l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme B... ne fût pas éclairée par un avis de la commission de réforme, rien ne faisait obstacle à ce que la cour usât de ses pouvoirs d'instruction pour ordonner une expertise médicale.
La région, en défense au pourvoi, soutient que la cour n'a fait qu'appliquer votre jurisprudence. Elle cite l'une de vos décisions : CE, 23 septembre 1998, n° 147513 (N° Lexbase : A8144ASG), aux tables du Recueil -qu'il ne faut pas confondre avec une décision de section éponyme, postérieure de quelques mois, portant sur la procédure d'abandon de poste (5)-. La décision citée juge qu'un agent communal qui avait systématiquement refusé de se présenter aux différentes visites médicales auxquelles il avait été convoqué soit par le maire, soit par le comité médical départemental, s'était "placé par son fait en dehors du champ d'application des lois et règlements édictés en vue de garantir les droits inhérents à son emploi". Vous en déduisez que cet agent n'est pas fondé à contester les décisions par lesquelles le maire avait implicitement refusé de soumettre à nouveau sa situation au comité médical départemental. Cette décision ne nous fait pas changer d'avis : il nous semble qu'elle se borne à juger que l'agent ne peut revendiquer le bénéfice d'une garantie de procédure à laquelle il a lui-même renoncé du fait de son attitude. Elle ne remet pas en cause son droit de contester devant le juge le régime de congé de maladie que l'administration lui a appliqué. Nous observons d'ailleurs que, dans la décision précitée, vous examinez ensuite l'autre chef de conclusions présenté par l'agent, qui contestait aussi les décisions du maire relatives à ses droits à congé de maladie avec traitement.
3. Il restera à déterminer l'étendue de la cassation qu'il vous appartient de prononcer. Cette question d'espèce en fait naître une autre, de plus vaste portée.
De notre point de vue, l'erreur de qualification juridique des faits commise par la cour permet d'aboutir à la cassation de l'arrêt dans l'exacte mesure demandée par Mme B. -c'est-à-dire en tant que la cour s'est prononcée sur la légalité des six arrêtés litigieux la maintenant à demi-traitement-. Mais l'on peut hésiter sur ce point.
Il faut rappeler, pour vous exposer la difficulté, la chronologie des événements, telle qu'elle ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond. Les deux premiers arrêtés contestés plaçant Mme B. en congé de maladie à demi-traitement sont datés des 6 octobre et 8 novembre 2011. Ce n'est que postérieurement à ces deux arrêtés, dans un recours gracieux adressé à son administration le 2 décembre 2011, qu'elle a formellement revendiqué l'imputabilité au service de la maladie la mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Les deux arrêtés qui suivent, datés des 7 décembre 2011 et 6 janvier 2012, interviennent dans la période de deux mois durant laquelle la région pouvait encore être regardée comme n'ayant pas statué sur la demande d'imputabilité au service, dans l'attente qu'elle était de l'avis de la commission de réforme -avec cette petite subtilité que celui du 6 janvier 2012 couvre la période du 3 janvier au 17 février 2012, c'est-à-dire une période à cheval sur le refus d'imputabilité implicitement opposé par la région-. Enfin les deux derniers arrêtés, des 30 mars et 17 avril 2012, interviennent après le rejet implicite de la demande de Mme B. tendant à la reconnaissance de l'imputabilité de sa maladie.
Partant du constat que les juges du fond ont statué en tant que juge de l'excès de pouvoir, vous pourriez songer à écarter le moyen d'erreur de qualification juridique des faits s'agissant des trois premiers arrêtés et du quatrième, celui du 6 janvier 2012, en tant qu'il couvre une période antérieure au rejet implicite de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service. Car à la date à laquelle ils ont été pris et, pour celui du 6 janvier 2012, en tant qu'il porte sur cette période, l'administration pouvait encore être regardée comme n'ayant pas pris de décision concernant l'imputabilité au service. Vous seriez alors conduit à ne prononcer la cassation de l'arrêt qu'en tant qu'il a statué, d'une part, sur l'arrêté du 6 janvier 2012, en tant seulement qu'il porte sur la période postérieure au rejet implicite de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service, d'autre part, sur les deux derniers arrêtés, des 30 mars et 17 avril 2012.
Ce n'est pas ce que nous vous proposons car il nous semble que la question de l'imputabilité au service de l'affection dont souffre Mme B. est de nature à influer sur la légalité de l'ensemble des arrêtés en litige, y compris les premiers, et alors même qu'ils sont antérieurs à la demande de reconnaissance de cette imputabilité.
Si la cour administrative d'appel, ressaisie du litige, et principalement de cette question d'imputabilité au service, la reconnaissait, il faudrait en conclure que, par application des dispositions législatives citées tout à l'heure, Mme B. était en droit de bénéficier du maintien en congé de maladie à plein traitement jusqu'à, en principe, la reprise de son service . Il y aurait alors lieu, selon nous, d'en tirer les conséquences sur les premiers des arrêtés en litige, en les annulant comme contraires à la loi, puisqu'ils placent Mme B. en congé de maladie à demi-traitement. Cela peut sembler curieux au regard des canons de l'excès de pouvoir, dans la mesure où ces arrêtés, qui pouvaient être regardés comme légaux à la date à laquelle ils ont été pris, seraient censurés en raison de la reconnaissance, postérieurement, de l'imputabilité au service. Toutefois, le paradoxe n'est qu'apparent. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité des arrêtés litigieux à la date à laquelle ils ont été pris, certes. Mais la "reconnaissance" de l'imputabilité de la maladie au service porte bien son nom : elle éclaire quelle était en réalité la situation de fait à la date à laquelle ces arrêtés sont intervenus et ne fait que révéler une illégalité dont ils étaient porteurs dès l'origine. Pour emprunter les termes d'un autre de vos rapporteurs publics, Damien Botteghi, l'office du juge de l'excès de pouvoir ne se limite pas aux faits tels que l'administration les a perçus mais consiste à vérifier, de manière objective, ce qu'était la situation à la date à laquelle l'administration a statué (7).
Vous avez déjà expressément admis cette dimension rétrospective du contrôle du juge de l'excès de pouvoir dans le contentieux de l'imputabilité au service d'une maladie : voyez CE, 21 novembre 2012, n° 344561, 356462 (N° Lexbase : A2637IXX), au Recueil, décision dans laquelle vous jugez que, pour apprécier l'imputabilité, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de prendre en compte le dernier état des connaissances scientifiques, alors même qu'à la date à laquelle l'autorité administrative a pris sa décision, l'état de ces connaissances était différent. Ajoutons qu'à nos yeux, l'admission de cette "petite rétrospectivité" du contrôle d'excès de pouvoir est tout à fait pertinente dans le contentieux particulier qui nous occupe -celui portant sur les différents régimes de congé de maladie auxquels les fonctionnaires peuvent prétendre-. Elle est profondément cohérente avec l'objet de la loi, qui commande que l'administration ou le cas échéant le juge remplisse les agents de leurs droits -en l'occurrence, le droit au maintien du plein traitement en cas de maladie imputable au service, en principe jusqu'à reprise des fonctions-. Voyez, pour des précédents dont la rédaction donne furieusement le sentiment que le juge se prononce avant tout sur les droits de l'agent pour la période couverte par les actes administratifs attaqués, rétrogradés au rang de simples clés d'entrée du litige : CE, 29 octobre 2012, n° 332387 (N° Lexbase : A1151IWK), inédite au Recueil ; CE, 23 juillet 2014, n° 368856 (N° Lexbase : A7306MU7), inédite aussi.
Nous entendons, bien sûr, l'objection consistant à soutenir que la difficulté pourrait être réglée sur le terrain indemnitaire. Dès lors que l'administration elle-même, ou le juge en cas de contentieux, reconnaît l'imputabilité au service d'une maladie mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, il appartient à l'administration de régulariser sa situation en lui versant, entre autres, les rappels de traitement auxquels il a droit. En s'en abstenant, l'administration commettrait une illégalité qui engagerait sa responsabilité. Toutefois, pourquoi renvoyer à un contentieux indemnitaire ultérieur ce qui peut être réglé dès l'intervention du juge de l'excès de pouvoir ? A partir du moment où sont attaqués devant ce dernier des actes maintenant un fonctionnaire en congé de maladie à demi-traitement, qui ne sont pas devenus définitifs et qui sont contestés précisément sur la question de l'imputabilité de la maladie au service, nous croyons plus expédient que le juge de l'excès de pouvoir tire toutes les conséquences d'une éventuelle reconnaissance de l'imputabilité en les annulant, alors même qu'ils seraient antérieurs à la demande de reconnaissance formulée par le fonctionnaire.
C'est pourquoi nous croyons que l'arrêt doit être annulé en tant qu'il a statué sur la légalité des six arrêtés contestés par Mme B. devant les juges du fond.
Vous pourrez, dans les circonstances de l'espèce, faire partiellement droit aux conclusions de Mme B. au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4). Vous devrez en revanche rejeter celles de la région.
Par ces motifs nous concluons dans le sens qui suit :
1. Annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il rejette les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation, en tant qu'ils la placent en congé de maladie à demi-traitement seulement, des arrêtés des 6 octobre 2011, 8 novembre 2011, 7 décembre 2011, 6 janvier 2012, 30 mars 2012 et 17 avril 2012 ;
2. Renvoi de l'affaire, dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Paris ;
3. Mise à la charge de la région Ile-de-France, au bénéfice de Mme B..., d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
4. Rejet des conclusions présentées par la région au même titre.
(1) Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L7448AGX).
(2) Décret n° 87-602 du 30 juillet 1987, pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux (N° Lexbase : L4961HD4).
(3) CE, 4 janvier 1995, n° 150369 (N° Lexbase : A2205ANY), inédite au Recueil ; CE, 21 juin 1996, n° 120516 (N° Lexbase : A9490ANS), inédite au Recueil.
(4) Par exemple, CE, 24 novembre 2010, n° 328714 (N° Lexbase : A4328GLU), inédite au Recueil.
(5) CE, Sect., 11 décembre 1998, n° 147511, 147512 (N° Lexbase : A8550ASH), au Recueil.
(6) Sur la durée du congé de maladie à plein traitement en cas d'imputabilité au service, voir CE Sect., 18 décembre 2015, n° 374194 (N° Lexbase : A0086N3L), au Recueil.
(7) Conclusions sur CE, 14 novembre 2011, n° 345258 (N° Lexbase : A9299HZG), aux tables du Recueil.
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Réf. : CAA Paris, 13 mars 2018, n° 17PA03641 (N° Lexbase : A8333XGQ)
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par Yann Le Foll
Le 22 Mars 2018
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Réf. : Cass. crim., 28 février 2018, n° 16-85.518, FS-D (N° Lexbase : A0510XGY)
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par François-Xavier Roux-Demare, Doyen de la Faculté de Droit, Maître de conférences, Directeur du Master 2 Droit des personnes vulnérables, Co-Directeur du Master 2 Magistrature, Université de Brest
Le 22 Mars 2018
Pour reprendre les éléments factuels de cette affaire, plusieurs personnes avaient été poursuivies pour proxénétisme aggravé, à la suite du recours à des prostituées dans des chambres de l'hôtel Carlton de Lille, hôtel ayant donné son nom à l'affaire. Toutefois, le tribunal correctionnel de Lille n'entrera pas en voie de condamnation sur le fondement du proxénétisme, retenant uniquement des faits d'abus de confiance et d'escroquerie à l'égard de deux prévenus. En raison de cette relaxe sur les faits de proxénétisme aggravé, l'association de lutte contre la prostitution "Mouvement du Nid" (4) est déboutée de ses demandes de dommages-intérêts. Elle va donc faire appel de cette relaxe, uniquement sur les intérêts civils. La cour d'appel de Douai va infirmer partiellement le jugement en retenant une faute civile pour ouvrir droit à réparation à son profit. Pour ce faire, les magistrats retiennent soit la mise à disposition d'un appartement pour permettre aux personnes de s'y livrer à la prostitution, soit l'aide ou l'assistance à la prostitution de plusieurs personnes, soit l'intermédiation entre les prostituées et les autres protagonistes, soit l'embauche des personnes en vue de la prostitution. Sur la base de ces fautes, la cour d'appel condamne les responsables au paiement d'indemnités pour un total de 20 000 euros à l'association.
Les défendeurs se pourvoient donc en cassation. Leur second moyen de cassation critique la reconnaissance d'une faute civile ne découlant pas de faits qui entrent dans les prévisions du texte fondant les poursuites. La Cour de cassation accueille ce moyen, casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel.
Au visa des articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR), 2 (N° Lexbase : L9908IQZ) et 497 (N° Lexbase : L3893AZ9) du Code de procédure pénale, la Chambre criminelle reprend une solution déjà éprouvée en rappelant sa jurisprudence désormais acquise en la matière : "le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation doit résulter d'une faute démontrée à partir et dans les limites des faits objet de la poursuite". Détaillant que le comportement reproché aux protagonistes se limite à avoir fait appel à des prostituées pour leur satisfaction personnelle alors même que ce comportement ne constituait pas un acte infractionnel, la Cour met alors fin à cette affaire médiatique dite "Affaire du Carlton". Au-delà de son aspect politique, cet arrêt soulève deux observations utiles. Il offre l'opportunité d'expliquer la solution de la Cour raisonnant sur une absence d'incrimination rendant sans objet l'action de l'association défendant les intérêts des prostituées. Plus encore, il oblige à critiquer la position de la Cour de cassation sur la caractérisation de la faute civile en cas d'appel de la partie civile à la suite d'une relaxe.
Quant à l'absence d'incrimination rendant sans objet l'action. Après un certain désintéressément de la victime dans le cadre de la procédure pénale, la situation s'est progressivement renversée depuis le début des années 2000. Denis Salas parle du "temps des victimes" (5) et Jean Pradel souligne qu'il "devient impossible de faire une loi sans parler des victimes qui sont l'objet d'un véritable emballement" (6). Si cet intéressement est remarqué, la principale prérogative procédurale de la victime reste son pouvoir de demander au juge répressif la réparation de son préjudice découlant de la commission d'une infraction subie. L'article 2 du Code de procédure pénale précise que cette action civile permet à la victime d'obtenir "réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention". Si la victime peut introduire son action devant son juge naturel, le juge civil, elle bénéficie également d'une exception prévue à l'article 3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9886IQ9), aux fins d'exercer son action civile aux côtés de l'action publique du procureur devant la même juridiction. Cette faculté perdure lorsque les prévenus ont bénéficié d'une décision de relaxe. Toutefois, l'article 497 du Code de procédure pénale souligne que cette "faculté d'appeler appartient [...] à la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement", restriction approuvée par le Conseil constitutionnel (7). Ainsi, la partie civile peut faire appel d'une décision de relaxe du prévenu, mais uniquement sur les intérêts civils pour les conséquences de l'acte pour lequel il était poursuivi. La Cour de cassation a souligné cet encadrement à différentes reprises, ce qu'elle réitère en l'espèce, en précisant que la partie civile pourra obtenir réparation de son dommage qui résulte d'une faute démontrée à partir et dans les limites des faits objet de la poursuite. Si les faits n'ont pas été considérés comme constitutifs de l'infraction de proxénétisme -la Cour précisant que les prévenus ont recruté et rémunéré des prostituées pour leur satisfaction personnelle et celle des autres participants sans pour autant en tirer un quelconque profit financier- l'originalité de l'espèce tient au fait que la possible qualification envisageable du comportement des prévenus n'existait pas à l'époque des faits. Effectivement, la cour d'appel a caractérisé un comportement de recours à la prostitution. Toutefois, le recours à la prostitution était illégal à cette époque uniquement lorsque le client recourait à une personne mineure ou particulièrement vulnérable (8), ce qui n'était pas le cas en l'occurrence. Malgré les débats et les avis partagés, la pénalisation de tous les clients recourant à la prostitution n'intervient qu'à partir de l'adoption de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 (9), ceux-ci encourant désormais les sanctions pénales prévues aux articles 225-12-1 (N° Lexbase : L7009K7Q) et suivants. Ainsi, le recours à la prostitution d'une personne majeure est désormais puni de 3 750 euros d'amende. En revanche, le fait de se prostituer n'est pas incriminé (10). Dès lors, la Cour de cassation observe en l'espèce que ce recours à la prostitution était une "infraction non susceptible d'être poursuivie à la date des faits". De fait, il n'y avait pas d'objet à la demande de l'association de lutte contre la prostitution. L'absence d'infraction entraîne l'absence d'indemnisation. Cette solution s'explique par les modalités de qualification de la faute civile qui doivent être nécessairement liées à l'appréciation pénale du comportement reproché.
Quant à l'action civile dépendante de l'infraction pénale. Cette exception accordée à la partie civile d'introduire sa demande devant le juge pénal semble repousser les frontières entre l'action pénale et l'action civile, au profit de cette dernière. Pourtant, en imposant que "le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la part de la personne relaxée résulte de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite", la Cour de cassation fait au contraire prévaloir une appréhension pénale de la faute civile. Cette formule consacrée dans un arrêt de principe du 5 février 2014 (11), puis réaffirmée par plusieurs arrêts postérieurs (12) dont celui de cette espèce, impose de rejuger le civil à travers la qualification de l'infraction pénale. Elle impose un lien d'identité entre les fautes civiles et pénales. En effet, outre que la faute civile doit nécessairement relever des seuls faits ayant fondé la poursuite pénale, la Cour de cassation impose que la faute civile trouve sa source dans les faits entrant dans l'ensemble des prévisions du texte d'incrimination ayant fondé les poursuites. Plus précisément, il faut que la faute civile réponde aux éléments matériel et moral de l'incrimination. En obligeant à démontrer civilement l'existence des éléments constitutifs d'une infraction ayant fait l'objet d'une relaxe, la Cour de cassation impose un raisonnement schizophrénique à la partie civile et aux juges du fond. S'il est possible de s'étonner d'une telle solution résultant de la seule formule "à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite", le risque de condamnation par la Cour européenne des droits de l'Homme permet d'en comprendre les raisons. En effet, la Cour de cassation se montrait antérieurement beaucoup plus claire sur ses attentes quant à l'identité entre les fautes civile et pénale dans cette situation d'appel sur relaxe. Elle soulignait que les juges d'appel "ne peuvent prononcer une peine, la décision des premiers juges ayant acquis, au regard de l'action publique, force de chose jugée, ils ne sont pas moins tenus d'apprécier les faits et de les qualifier pour vérifier leur compétence et pour condamner, s'il y a lieu, le prévenu relaxé à des dommages-intérêts envers la partie civile" (13). Toutefois, une telle analyse apparaissait en contradiction avec les principes de présomption d'innocence et de respect de l'autorité de la chose jugée pouvant entraîner une condamnation de la Cour européenne (14). La Cour de cassation va simplement modifier sa formulation pour se mettre a priori en conformité avec les attentes de la Cour européenne, sans pour autant changer ses propres attentes. Il faut ainsi observer une évolution sémantique sans pour autant constater une évolution juridique "mis à part qu'il faut désormais recourir à un raisonnement tortueux" (15).
Au-delà d'un travail d'appréciation des juges, la caractérisation de la faute civile en cas d'appel après relaxe par la partie civile dépend essentiellement d'une motivation à l'appui d'une sémantique identifiée.
(1) Article d'Eric Dussard dans La Voix du Nord, paru le 1er mars 2018.
(2) Article paru dans Le Monde, 2 mars 2018.
(3) Article paru dans Ouest France, 1er mars 2018.
(4) Ci-après nommée "l'association".
(5) Denis Salas, La volonté de punir. Essai sur le populisme pénal, Hachette Littératures, 2005, p. 63.
(6) Jean Pradel, Procédure pénale, Paris, Cujas, Coll. "Référence", 17ème éd., 2013, p. 218 (§ 260).
(7) Cons. const., décision n° 2013-363 QPC, du 31 janvier 2014 (N° Lexbase : A3531MD7).
(8) C. pén. anc., 225-12-1.
(9) Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (N° Lexbase : L6858K77).
(10) Notons que l'incrimination de racolage est même abrogée par cette loi d'avril 2016.
(11) Cass. crim., 5 février 2014, n° 12-80.154, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5811MDL).
(12) Par ex. : Cass. crim., 11 mars 2014, n° 12-88.131, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9407MGI) ; Cass. crim., 24 juin 2014, n° 13-84.478, F-P+B+I (N° Lexbase : A7734MRU) ; Cass. crim., 3 novembre 2015, n° 14-80.844, FS-P+B (N° Lexbase : A0309NWD) ; Cass. crim., 17 février 2016, n° 15-80.634, FS-P+B (N° Lexbase : A4639PZT).
(13) Cass. crim., 18 juin 1991, n° 90-85.886 (N° Lexbase : A3519ACC). V. égal. Cass. crim. 6 février 1962, Bull. crim. n° 77.
(14) CEDH, 11 février 2003, Req. 56568/00, § 41. Pour une condamnation de la France pour atteinte à la présomption d'innocence à la suite d'un appel de la partie civile et alors que le prévenu était décédé, v. CEDH, 12 février 2012, Req. 18851/07 (N° Lexbase : A4128IIQ), RSC, 2012.695, obs. Damien Roets.
(15) Sébastien Fucini, Appréciation de la faute civile en cas de relaxe et d'appel de la seule partie civile, Dalloz Actualité, 10 mars 2016.
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Réf. : Cass. civ. 1, 14 mars 2018, n° 17-13.223, FS-P+B (N° Lexbase : A2224XHT)
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N3291BX8
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par Laïla Bedja
Le 23 Mars 2018
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 14 mars 2018, n° 416697, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9098XG3)
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N3251BXP
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par Marie-Claire Sgarra
Le 23 Mars 2018
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