La lettre juridique n°726 du 11 janvier 2018

La lettre juridique - Édition n°726

Actes administratifs

[Brèves] Régime de la loi créant un délai de prescription d'une action disciplinaire précédemment soumise à aucun délai

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 20 décembre 2017, n° 403046, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4770W9K)

Lecture: 1 min

N2090BXP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462090
Copier

par Yann Le Foll

Le 11 Janvier 2018

Lorsqu'une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 20 décembre 2017 (CE 2° et 7° ch.-r., 20 décembre 2017, n° 403046, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4770W9K).

Les faits reprochés à M. X dans le cadre d'une procédure disciplinaire initiée en 2015 pouvaient donc encore être régulièrement invoqués dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016 (loi n° 2016-483, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires N° Lexbase : L7825K7X), alors même qu'ils avaient été commis en 2008 et 2009. Dès lors, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que l'action disciplinaire était prescrite le 1er juillet 2016, lorsque l'autorité militaire a prononcé à son encontre la sanction du premier groupe de dix jours d'arrêts.

newsid:462090

Actes administratifs

[Brèves] Irrégularité de la consultation facultative du CHSCT sur un projet d'arrêté en l'absence de recours à un expert agréé

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 20 décembre 2017, n° 410381, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4787W98)

Lecture: 1 min

N2169BXM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462169
Copier

par Yann Le Foll

Le 11 Janvier 2018

Le vote d'un CHSCT sur un projet d'arrêté avant que l'inspecteur du travail ne se soit prononcé sur la nomination d'un expert agréé entache ce vote d'irrégularité. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 20 décembre 2017 (CE 3° et 8° ch.-r., 20 décembre 2017, n° 410381, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4787W98).

L'administration a, sans y être légalement tenue, consulté le CHSCT de la direction régionale des droits indirects au sujet d'un projet d'arrêté portant modification de la liste des bureaux des douanes et droits indirects, supprimant le bureau d'Evreux et transférant son activité à deux bureaux situés à Rouen. Après avoir constaté l'existence d'un désaccord sérieux et persistant, l'administration a décidé de solliciter l'intervention de l'inspecteur du travail selon la procédure prévue à l'article 5-5 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 (N° Lexbase : L3033AI8), tout en mettant aux voix, sans attendre que ce dernier se prononce sur la question de la nomination d'un expert, le projet envisagé.

Le rapport de l'inspecteur du travail, remis postérieurement à la publication de l'arrêté, a par la suite, recommandé la nomination d'un expert en vue d'évaluer l'impact de la réorganisation envisagée sur les conditions de travail des agents concernés. Eu égard à la garantie que constitue le recours à un expert agréé et à l'influence que le rapport de ce dernier pouvait avoir sur les dispositions de l'arrêté, le CHSCT n'a pas disposé des éléments suffisants pour permettre sa consultation sur le projet en cause.

Son avis a donc été rendu au terme d'une procédure irrégulière et le syndicat requérant était fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté.

newsid:462169

Affaires

[Le point sur...] Le climat des affaires au Sénégal : réflexions à partir du contexte juridique

Lecture: 12 min

N1950BXI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-461950
Copier

par Yaya Bodian, Agrégé des Facultés de droit, Directeur du Centre de Recherche, d'Etude et de Documentation Sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA ) et Membre du comité scientifique de la revue Lexbase édition OHADA

Le 11 Janvier 2018

L'essor d'une économie est-il favorisé par un système juridique qui, favorable ou non à leurs intérêts, permet aux investisseurs d'asseoir leurs prévisions ? Cette question est à la base des réflexions sur le climat des affaires. Le mot "climat" désigne les conditions atmosphériques en un lieu donné. Mais l'homme a une perception subjective du climat (bon temps ou mauvais temps), laquelle influe sur son moral et conditionne son comportement. Il se mettra à l'abri par mauvais temps, et s'attablera à une terrasse si le soleil est au rendez-vous. En définitive, le climat a un impact direct sur notre moral et sur nos faits et gestes, pour ne pas dire sur nos affaires !

Le "climat des affaires" fait ainsi référence à l'environnement du business dans un pays donné. Ici aussi, la perception du climat des affaires par l'investisseur influe sur son moral et conditionne ses décisions.

Selon la Banque mondiale, le climat des affaires est l'ensemble de facteurs locaux influençant les opportunités et les incitations qui permettent aux entreprises d'investir de façon rentable, de développer leurs activités et de créer des emplois.

La publication des rapports faisant état de la situation propre à chaque pays est souvent l'objet de vives réactions de la part des autorités publiques, lorsqu'elles estiment le classement du pays éloigné de la réalité des affaires, telles qu'elles la perçoivent.

Doing Business (DB) ou "Facilité de faire des affaires", étudie les réglementations applicables aux entreprises du secteur privé, notamment aux petites et moyennes entreprises, considérées comme des outils de croissance et de création d'emplois pour la plupart des économies dans le monde.

Les études ainsi faites par la banque mondiale s'appuient sur des indicateurs quantitatifs, notamment sur la réglementation ayant une incidence sur les étapes de la vie d'une entreprise. Il s'agit notamment des règles de création des entreprises, de transfert de propriété, d'obtention de prêt, de commerce transfrontalier ou d'exécution de contrats et de recouvrement des créances.

La mise en ligne des procédures, la simplification des documents, la diminution des coûts, la réduction des délais ainsi que la transparence et la responsabilité dans les transactions sont les cinq critères qui ont permis l'amélioration du classement d'un bon nombre d'économies dans le monde.

Les changements constatés servent-ils vraiment les économies les plus défavorisées ?

La question posée suscite des réactions diverses, au point que certains auteurs se prêtent encore à des exercices de contre-évaluations, dont le but est de produire des arguments contre les estimations des rapports DB (une réplique a ainsi été faite par l'Association Henri Capitant qui estime que les droits de tradition civiliste sont en question dans les rapports Doing business de 2004-2005).

Le droit influence le développement économique et affirmer que la transformation du droit étatique est le préalable nécessaire au développement économique.

Des observateurs contestent l'appréciation de l'impact d'un système juridique sur le développement économique au seul moyen de l'analyse économique du droit. La Fondation pour le droit continental dont une des missions est d'assurer la promotion et la défense du "civil law" conduit en ce moment une étude approfondie pour élaborer un index de la sécurité juridique qui pourrait être une réponse aux travaux Doing business de la Banque mondiale.

L'on a ainsi décrié un des postulats de la réflexion conduite dans le cadre des rapports Doing business, postulat selon lequel, la loi écrite nuit à l'évolution économique et les pays pauvres sont ceux qui légifèrent le plus. Ainsi, plus on réforme mieux l'économie se porte (mais en même temps, moins on légifère, mieux l'économie se porte).

En tout état de cause, les changements souhaités devraient permettre de créer les conditions favorables au développement des affaires en incitant certaines entreprises à regagner le secteur formel.

L'intérêt attaché par les pouvoirs publics aux rapports DB sur le climat des affaires au Sénégal est tel que des mesures importantes sont prises tant sur le plan institutionnel que normatif.

L'appréhension du climat des affaires à partir de facteurs locaux doit être cependant relativisée, dès lors que de plus en plus de normes, qui déterminent le comportement des acteurs juridiques et économiques, sont produites dans nos Etats, dans le cadre d'espaces communautaires.

Si l'on se place dans la perspective qui consiste à procéder à l'analyse de l'efficacité des normes juridiques à partir de leur rapport avec le contexte économique, l'on peut dès lors constater que l'influence de l'environnement communautaire des affaires est significative et doit être abordée avant d'apprécier le contexte local.

I - L'influence de l'environnement communautaire

Le climat des affaires au Sénégal subit une influence significative de l'environnement communautaire. Le Sénégal étant partie aux processus d'intégrations juridique et économique en cours dans la sous-région, la recherche d'une économie compétitive ne peut être envisagée isolément.

L'apport des normes communautaires OHADA dans la configuration de l'environnement des affaires est déterminant. Cet apport peut être illustré à travers les normes relatives aux garanties du crédit ou aux modalités d'exploitation des activités économiques.

A - L'apport des normes communautaires relatives aux garanties du crédit

Malgré l'importance des PME dans les économies de l'espace OHADA, leur accès au crédit est encore assez limité. Des études révèlent qu'environ 90 % des PME connaissent des difficultés de financement qui constituent l'obstacle majeur à leur croissance, loin devant les problèmes de corruption, d'insuffisance des infrastructures ou de fiscalité abusive.

L'accès au financement est ainsi considéré, notamment dans les Etats parties à l'OHADA, comme une barrière importante au développement économique et social. Cet accès étant largement déterminé par la capacité d'un débiteur à offrir librement une garantie fiable aux fournisseurs de crédits dans le but d'y accéder facilement et à des conditions favorables, l'apport du droit uniforme OHADA des sûretés paraît déterminant de la qualité du climat des affaires.

La refonte de l'Acte uniforme portant organisation des suretés (N° Lexbase : L9023LGB) a ainsi permis d'apporter des réponses aux besoins de financement des activités économiques, suscitant une plus grande confiance des investisseurs.

Le classement des pays des zones CEMAC et UEMOA, relatif à l'indicateur "accès au crédit", a ainsi été amélioré dans le rapport DB 2012 qui a tenu compte, semble-t-il, de la réforme du droit uniforme des sûretés.

B - L'apport du droit uniforme des sociétés

Les structures juridiques des entreprises ont une incidence sur un des critères de classement dans le cadre du DB et qui est relatif à la "création d'entreprises".

Selon les données du fichier national du RCCM, la réforme du droit uniforme des sociétés commerciales a permis d'enregistrer un nombre inhabituel de dossiers de création de SARL et une tendance à l'adoption de la SAS qui devrait connaître un sort meilleur que certaines figures sociales qui sont encore maintenues.

Il faut rappeler que l'une des innovations de l'AUSCGIE révisé a été, outre l'adoption de la SAS (société par actions simplifiée), d'assouplir les conditions de création des SARL, en laissant aux Etats parties la possibilité de fixer un montant minimum de capital social inférieur à un million. L'article 10 de l'Acte uniforme du 30 janvier 2014 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique énonce, sur la forme des statuts, que "sauf dispositions nationales contraires, les statuts sont établis par acte notarié ou par tout acte offrant des garanties d'authenticité dans l'Etat du siège de la société déposé avec reconnaissance d'écritures et de signatures par toutes les parties au rang des minutes d'un notaire. Ils ne peuvent être modifiés qu'en la même forme".

L'article 311 du même texte, relatif au capital social de la société à responsabilité limitée (SARL), énonce que "sauf dispositions nationales contraires, le capital social doit être d'un million (1 000 000) de francs CFA au moins. Il est divisé en parts sociales égales dont la valeur nominale ne peut être inférieure à cinq mille (5 000) francs CFA".

Par ailleurs, l'article 314, alinéa 1er, de l'AUSCGIE prévoit que "sauf dispositions nationales contraires, la libération et le dépôt des fonds sont constatés par un notaire du ressort du siège social, au moyen d'une déclaration notariée de souscription et de versement qui indique la liste des souscripteurs avec les noms, prénoms, domicile pour les personnes physiques, dénomination sociale, forme juridique et siège social pour les personnes morales, ainsi que la domiciliation bancaire des intéressés, s'il y a lieu, et le montant des sommes versées par chacun".

La flexibilité ainsi introduite dans le droit uniforme des sociétés, a suscité une forme de concurrence des Etats Parties qui ont rivalisé dans l'assouplissement des règles de constitution des SARL en adoptant des textes internes, avant même l'entrée en vigueur de l'Acte uniforme.

Le Sénégal a adopté la loi n° 17-2014 du 15 avril 2014, portant fixation du capital social minimum à 100 000 F CFA (solution adoptée par le Burkina (1) et le Togo (2), alors que la Côte d'Ivoire (3) et le Bénin (4) ont opté pour la liberté laissée aux associés de fixer le montant du capital social).

Certes, les statistiques montrent, de manière globale, une large préférence des opérateurs économiques en faveur de la SARL (ex : environ 3 000 SARL créées sur 850 SA et 32 000 entreprises individuelles entre 2005 et 2012).

Le nombre de demandes d'immatriculation reçues depuis l'entrée en vigueur de la réforme du droit des sociétés commerciales témoigne à suffisance l'impact de la réforme sur les décisions de création d'entreprises.

Il apparaît en effet que, entre le 5 mai et le 12 décembre 2014, 938 SARL et 23 SAS ont été créées.

Il serait néanmoins utile de mener des recherches plus approfondies afin de déterminer, notamment à partir des statistiques annuelles, les relations qu'il convient d'établir entre les réformes adoptées et leurs impacts sur le climat des affaires.

On peut ainsi se demander pourquoi en 2008, la création de groupements d'affaires est la plus dynamique, avec environ 21 000 structures juridiques d'entreprises créées contre seulement 4 000 l'année suivante.

Il y a lieu cependant, de relever certains aspects qui peuvent apparaître comme des contraintes à l'amélioration du climat des affaires. En effet, la révision de l'AUSCGIE (N° Lexbase : L0647LG3) a été marquée notamment par un renforcement de l'arsenal répressif.

L'article 890-1 de l'Acte uniforme modifié dispose par exemple qu'"encourent une sanction pénale, les dirigeants sociaux qui n'ont pas déposé, dans le mois qui suit leur approbation, les états financiers de synthèse".

Certes, l'apport du droit pénal dans la sanction de certains comportements dans le cadre du droit des sociétés est utile. Mais la multiplication des infractions d'omission peut impacter négativement sur le climat des affaires.

L'amélioration de l'environnement des affaires suscitée par l'entrée en vigueur des règles uniformes adoptées par l'OHADA est certes évidente, mais elle reste néanmoins à demi-teinte, comme l'ont relevé des auteurs (5).

- Pertinence de certains choix relativement aux structures juridiques de l'entreprise : depuis l'avènement de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales, aucune SNC ou SCS n'ont été constituées et, dans le même temps, de nombreuses activités économiques sont exercées sous forme de GIE. Environ 6 000 GIE ont ainsi été constitués entre 2005 et 2012, dont plus de 2 500 pour la seule année 2008 ;

- Tendance à envisager les règles uniformes en vase clos : cas des dispositions posant des problèmes de compatibilité avec les normes adoptées par d'autres organisations communautaires : loi bancaire, loi sur les SFD, cas de la compensation entre les créances des personnes publiques avec les dettes de celles-ci à l'égard des particuliers.

Des difficultés, qui pourraient être mieux identifiées notamment dans le cadre de recherches doctorales, se sont élevées en ce qui concerne l'application du droit uniforme OHADA, au point de mettre à mal la sécurité juridique et judiciaire. Il en est ainsi de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution dont l'application a suscité le contentieux le plus important du point de vue quantitatif (plus des 2/3 ou des 3/4 de l'ensemble des pourvois en cassation portés devant la CCJA portent seulement sur l'application de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution).

Cette situation a fait naître un sentiment d'inquiétude chez des observateurs avertis, qui y voient la manifestation de "la volonté [...] de ne pas exécuter les engagements souscrits par tout moyen, y compris l'usage abusif des voies de droit, dont les voies de recours, et sans que cela soit sanctionné". Si cette inquiétude se révélait fondée, l'objectif de mise en place d'un climat des affaires attractif pour les investisseurs risque ne pas être atteint.

Il est vrai que dans bien des cas, le contentieux n'est pas lié aux règles. Mais la portée abrogatoire originale qui résulte de l'article 336 de l'Acte uniforme est de nature engendrer une forme d'insécurité juridique (cas des bénéficiaires de l'immunité d'exécution dont les incidences sur la confiance des investisseurs est importante).

La révision de cet Acte uniforme ne semble pas encore en projet au moment où d'autres Actes uniformes, dont la révision ne s'imposait certainement pas, ont déjà connu ce processus. C'est ce qui conduit à émettre des réserves quant à la nécessité des révisions opérées. Pourtant, il est de principe de ne réviser qu'en cas de nécessité. Dans un ouvrage intitulé Essai sur les lois, Jean Carbonnier a écrit : "N'accepte de faire de loi que si tu y crois, non pas à la loi, mais à la nécessité d'en faire une".

Si dans le cas de l'OHADA, ce principe de nécessité n'est pas respecté, l'on se trouverait, comme le souligne le Professeur Issa Sayegh, en perpétuel recommencement, donc dans l'impossibilité de faire des avancées dans l'approfondissement de la sécurité juridique et judiciaire (6).

Il est vrai que le droit des affaires évolue plus vite que le droit civil mais les révisions qui prennent l'allure de révolution ne favorisent pas, au moins à terme, le bon climat des affaires.

L'absence de règles uniformes relatives à l'exécution des décisions de justice, à l'image de celles prévues par l'Acte uniforme sur le droit de l'arbitrage, est également un facteur qui fragilise la sécurité juridique mise en place dans le cadre de l'OHADA, d'autant que tous les Etats parties ne disposent pas, dans leur droit interne, de règles garantissant l'effectivité des titres exécutoires.

II - La nécessité de mesures internes

Il apparaît, à la lecture d'une note technique thématique élaborée par le Gouvernement sur les réformes de l'environnement des affaires et la compétitivité que le Gouvernement ambitionne d'inscrire le Sénégal sur la voie de l'émergence avec le secteur privé comme locomotive du développement inclusif. Des réformes sont ainsi envisagées aux plans institutionnel et réglementaire.

A - Les mesures d'ordre institutionnel

Il convient de noter que l'amélioration de l'environnement des affaires et de la compétitivité est reconnue comme une priorité de premier ordre par la mise en oeuvre du plan Sénégal émergent pour une durée de 4 ans (2014-2018). Le programme de réformes de l'environnement des affaires (PREAC), adopté en 2012, ambitionne ainsi de doter le Sénégal d'un environnement des affaires de classe internationale permettant d'intégrer le cercle des pays les plus compétitifs en Afrique.

C'est dans ce cadre que des mesures sont envisagées, visant notamment à abaisser de manière conséquente l'impôt sur les sociétés de 33 à 25  % et la réduction des coûts de création d'entreprises qui devraient être fixés à 70 000 F CFA.

Un Conseil présidentiel de l'investissement tient régulièrement des sessions qui évaluent les avancées réalisées et les obstacles à l'amélioration du climat des affaires.

B - Les mesures sur le plan règlementaire

Plusieurs mesures sont envisagées ; il ne s'agit donc pas d'en faire un état exhaustif.

La question foncière. La réforme du régime domanial est envisagée comme un des axes de l'amélioration du climat des affaires. En raison des enjeux que recèle le foncier, la question à résoudre préalablement, est de savoir quelle réforme pour notre système foncier ?

Faut-il remettre en cause le système foncier actuel dont l'originalité constitue, selon certains experts, un des gages de stabilité, en privilégiant l'occupation foncière à titre privatif ?

L'acuité de la question foncière est telle que des tentatives ont échoué au stade de la réflexion. Une commission de réflexion, présidée par le Professeur Moustapha Sourang, vient d'être créée.

Les mutations incessantes du droit des marchés publics. Cette matière est l'une de celles qui ont connu le plus de réformes, avec trois Codes entre 2007 et 2014.

Problématique de la place de la législation sociale dans la promotion de l'environnement des affaires : il est aujourd'hui admis que la réforme du droit du travail en vue de doter l'entreprise la souplesse nécessaire à sa compétitivité est une donnée incontournable.

L'époque de Lacordaire semble révolue ; lui qui semblait livrer au monde une vérité éternelle qu'entre le fort et le faible c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui libère.

Tout au moins dans le droit des relations de travail, il est de plus en plus incontestable que la liberté, celle de l'entreprise surtout, est le gage de la protection du salariat.

Le législateur de 1997 affirmait ainsi que la réforme du Code du travail a pour objet de l'adapter aux réalités économiques et sociales de notre pays pour en faire un vecteur dynamique de la croissance et assurer à notre pays un développement humain durable dans la justice sociale..., de poser les jalons de l'épanouissement de l'entreprise sans déprotéger les salariés.

Notre intime conviction est cependant que, dans un contexte de compétition effrénée, les réformes du climat des affaires ne doivent pas négliger l'impact du temps de travail dans la décision des investisseurs.

L'on est tenté, à ce propos, d'affirmer que la durée légale de travail est sérieusement mise à mal par les retards, les absences fréquentes et les nombreuses fêtes qui ne contribuent pas à inciter l'investisseurs de choisir notre destination.

Il y a également à ce sujet, matière à faire une thèse !

newsid:461950

Baux commerciaux

[Le point sur...] Frais de réinstallation et maintien dans les lieux du locataire évincé : la jurisprudence remet les pendules à l'heure !

Lecture: 10 min

N2099BXZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462099
Copier

par Jean-Pierre Dumur, MRICS, Expert agréé par la Cour de cassation, Chargé d'enseignement à l'Ecole Régionale des Avocats du Grand Est

Le 11 Janvier 2018

Le vieux serpent de mer de l'indemnisation des frais de réinstallation en matière d'indemnité d'éviction n'est apparemment pas mort, malgré une rédaction relativement limpide de l'article de l'article L. 145-14, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L5742AII): "Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre". Pendant longtemps, certains auteurs ont soutenu que les frais de réinstallation ne pouvaient être indemnisés que dans le cas où l'indemnité principale avait été déterminée en "valeur de transfert".

A l'inverse, ils considéraient que lorsque l'indemnité principale avait été déterminée en "valeur de remplacement", les frais de réinstallation étaient inclus dans la valeur marchande du fonds de commerce et n'avaient pas à faire l'objet d'une indemnisation complémentaire.

La Cour de cassation a mis fin à ce débat en 2007, par un arrêt de principe connu sous la dénomination "arrêt Sophia-Monoprix" : "La cour d'appel a exactement retenu que le locataire n'avait pas à supporter les frais d'une réinstallation coûteuse à proportion du degré d'amortissement des investissements qu'il abandonnait par la contrainte et qu'il convenait de tenir compte de ces frais de réinstallation pour évaluer le préjudice subi par le locataire évincé, tant dans l'hypothèse du remplacement du fonds de commerce que dans celle de son déplacement" (Cass. civ. 3, 21 mars 2007, n° 06-10.780, FS-P+B N° Lexbase : A7501DUD).

Pendant plus de dix ans la question des frais de réinstallation est sortie des radars, jusqu'à ce que certains bailleurs imaginent un nouveau moyen d'y échapper, en soutenant que pour pouvoir y prétendre le locataire évincé devait au préalable rapporter la preuve de sa réinstallation effective.

Pourtant, un tel raisonnement relève de la quadrature du cercle : en effet, comment un locataire peut-il justifier d'une réinstallation effective avant d'avoir perçu son indemnité d'éviction, alors qu'en vertu de l'article L. 145-28, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L5756AIZ) il a droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement effectif de cette indemnité ?

Fort heureusement, la jurisprudence vient à plusieurs reprises de "calmer les ardeurs"...

Au début de l'année 2017, la Cour de cassation a eu à se pencher pour la première fois sur la question, à la suite d'un pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Bastia.

Dans cette affaire, pour rejeter la demande d'indemnisation au titre des frais de réinstallation, la cour d'appel avait retenu que, faute pour le locataire évincé de démontrer quels frais de ce type il pourrait avoir à exposer, sa demande n'était pas fondée par la seule production d'un devis de transformation.

La Cour de cassation a censuré cette décision, au motif qu'elle "inversait la charge de la preuve" : le bailleur est tenu d'indemniser des frais de réinstallation du preneur évincé, sauf s'il établit que le preneur ne se réinstallera pas dans un autre fonds (Cass. civ. 3, 12 janvier 2017, n° 15-25.939, F-D N° Lexbase : A0826S84).

Cinq mois plus tard, la cour d'appel de Paris a rendu à son tour un arrêt fort intéressant sur le sujet : "S'agissant des frais de réinstallation, la circonstance que les investissements faits par la société dans la boutique délaissée restent la propriété du bailleur en fin de bail ne met pas obstacle à ce que le preneur sollicite des frais de réinstallation dans de nouveaux locaux, ces frais n'étant pas strictement fonction de ceux amortis dans les anciens locaux mais ceux nécessaires à l'installation d'une nouvelle boutique ayant de semblables caractéristiques ou en tout cas développant le même concept. C'est à juste titre cependant, compte tenu des sommes déjà perçues par la société locataire et du temps qui s'est écoulé depuis son départ des lieux sans qu'elle justifie de recherches de locaux ou d'un projet sérieux de réinstallation, que le tribunal a ordonné la consignation de ces sommes à la Caisse des dépôts et consignations et dit qu'elles ne seront versées que sur justificatif de la réinstallation effective de la société locataire dans un délai prescrit" (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 7 juin 2017, n° 15/09238 N° Lexbase : A0707WHN).

Certains auteurs ont vu dans cet arrêt un revirement de jurisprudence, impliquant que désormais il appartiendrait au locataire de justifier "a priori" de sa réinstallation pour solliciter et se voir allouer des frais de réinstallation (O. Jacquin, Gaz.Pal. "baux commerciaux", 11 juillet 2017, p. 73 à 76).

Il n'en est rien : le droit "a priori" du locataire évincé à percevoir une indemnité au titre de ses frais de réinstallation n'est remis en cause ni dans son principe, ni dans son montant et la charge de la preuve, résultant expressément de l'article L. 145-14, alinéa 2, du Code de commerce, n'est en aucun cas inversée. Ce n'est qu'en raison de circonstances particulières résultant du temps qui s'est écoulé depuis la libération des lieux et de l'incurie dont a fait preuve la société locataire dans la recherche de nouveaux locaux que la cour d'appel, sans remettre en cause le principe du droit "a priori" du locataire à indemnité au titre des frais de réinstallation, a ordonné la consignation des sommes correspondantes avec obligation de réinstallation effective dans un délai prescrit.

Non seulement il ne s'agit pas d'un revirement de jurisprudence, mais la cour d'appel de Paris n'a fait ici que confirmer sa jurisprudence antérieure, aux termes de laquelle en présence d'une réinstallation incertaine, il est possible d'ordonner la consignation de l'indemnité pendant un délai prescrit, dans l'attente de la justification de la réinstallation (CA Paris, 16ème ch., sect. B, 4 février 2000, AJDI, 2000, p. 274).

Six mois plus tard, la cour d'appel de Paris a de nouveau été appelée à se prononcer dans un débat peu banal, portant à la fois sur l'indemnisation du locataire évincé au titre des frais de réinstallation et sur son droit au maintien dans les lieux jusqu'à ce qu'il ait effectivement perçu ceux-ci (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 6 décembre 2017, n° 17/08019 N° Lexbase : A5983W7Q)

Dans cette affaire, par acte d'huissier du 9 décembre 2013, la société bailleresse avait refusé la demande de renouvellement du bail de la société locataire, en offrant une indemnité d'éviction.

Par assignation du 22 septembre 2015, la société locataire a fait citer la société bailleresse devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 815 000 euros à titre d'indemnité d'éviction principale, outre les frais de réinstallation, les pertes de stock et les indemnités de licenciement venant en sus, et subsidiairement la désignation d'un expert aux fins de cette fixation.

Par acte d'huissier du 21 juin 2016, la société bailleresse a signifié à la société locataire qu'elle acceptait le montant de l'indemnité d'éviction de 815 000 euros, outre éventuellement les frais de réinstallation, les pertes de stock et les indemnités de licenciement qui viendraient en sus sur justification lors du transfert de la locataire, puis lui a fait sommation de lui indiquer si elle était d'accord pour la désignation d'un séquestre amiable, ce qui a été refusé.

Par ordonnance du 5 janvier 2017, rendue sur requête de la bailleresse, le président du tribunal de grande instance de Paris a désigné comme séquestre juridique l'Ordre des avocats du Barreau de Paris afin que la bailleresse puisse y déposer l'indemnité d'éviction d'un montant de 815 000 euros conformément à l'article L. 145-29 du Code de commerce (N° Lexbase : L2275IBU).

Le 19 janvier 2017, la société bailleresse a notifié à la locataire le versement de l'indemnité d'éviction entre les mains du séquestre et l'a mise en demeure de quitter les lieux dans le délai de trois mois, conformément aux dispositions de l'article L. 145-30 du Code de commerce (N° Lexbase : L5758AI4).

Le 15 février 2017, la société locataire a assigné à jour fixe la société bailleresse, afin de voir rétracter l'ordonnance sur requête du 5 janvier 2017.

Par ordonnance rendue en référé en date du 30 mars 2017, le président du tribunal de grande instance de Paris :

- a déclaré non fondée la demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 5 janvier 2017 à la requête de la société bailleresse ;

- a débouté en conséquence la société locataire de ses demandes ;

- a rappelé que l'exécution provisoire était de droit.

En conséquence de ce qui précède, la société locataire a été contrainte de quitter les lieux pour ne pas courir le risque de voir son indemnité d'éviction amputée de 1 % par jour au titre de l'article L. 145-30 du Code de commerce.

Néanmoins, par déclaration du 13 avril 2017, la société locataire a interjeté appel de l'ordonnance du 30 mars 2017 sur le fondement des articles L. 145-14 et L. 145-28 (N° Lexbase : L5756AIZ) et suivants du Code de commerce, faisant valoir :

- que certains postes de l'indemnité d'éviction n'avaient pas fait l'objet d'un accord entre les parties ;

- que dès lors, seul le juge du fond pouvait la fixer et, le cas échéant, désigner un séquestre pour recueillir la consignation de l'intégralité de l'indemnité ;

- qu'en effet, aux termes de l'article L. 145-14 du Code de commerce, ce n'est pas l'indemnité d'éviction mais la valeur du fonds qui se trouve augmentée des frais accessoires, et que l'indemnité d'éviction constitue donc un tout indivisible qu'il appartient au tribunal de fixer ;

- qu'ainsi, la société bailleresse ne pouvait pas soutenir que la somme de 815 000 euros couvrait la totalité de l'indemnité d'éviction alors qu'il n'existait aucun accord des parties sur le montant des indemnités accessoires ;

- que le juge de la rétractation s'était substitué au juge du fond en retenant l'existence d'un accord des parties sur le montant de l'indemnité d'éviction et en estimant que les postes de l'indemnité d'éviction revendiqués non chiffrés ne pouvaient l'être qu'après réinstallation du locataire ;

- que la mesure de séquestre prévue par l'article L. 145-29 du Code de commerce ne constituait qu'une conséquence de la fixation de l'indemnité d'éviction et ne pouvait s'y substituer ;

- que le juge des référés avait en conséquence outrepassé ses pouvoirs, l'indemnité n'ayant été fixée ni par accord, ni par le juge du fond ;

- qu'enfin le séquestre ne pouvait être désigné que pour recueillir la consignation de l'intégralité de l'indemnité d'éviction et non uniquement de certaines de ses composantes ;

- que dans le cas contraire, cela permettrait au bailleur de contraindre le preneur à quitter les lieux alors qu'il n'a pas été réglé en totalité de l'indemnité d'éviction, ce qui contreviendrait aux dispositions de l'article L. 145-28 du Code de commerce ;

- qu'en conséquence, seul le versement de l'indemnité d'éviction dans sa totalité faisait courir le délai laissé au locataire pour libérer les lieux et sert de point de départ à la pénalité de retard de 1 % par jour prévue à l'article L. 145-30 du Code de commerce.

Dans son arrêt du 6 décembre 2017, la cour d'appel de Paris a fait droit aux moyens soulevés par la société locataire :

- l'article L. 145-14 du Code de commerce dispose que l'indemnité d'éviction "comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre" ;

- contrairement à ce que soutient la société bailleresse, il en résulte que l'indemnité d'éviction n'est pas constituée uniquement de la valeur du fonds, mais également des frais mentionnés par la loi qui s'y ajoutent et qui doivent être compris dans l'évaluation de l'indemnité ;

- n'étant pas distincts de l'indemnité d'éviction, ils doivent donc être payés avec celle-ci ou compris dans le montant du séquestre, qui doit donc inclure l'indemnité dans toutes ses composantes pour pouvoir faire courir le délai d'éviction et la retenue de 1 % sur l'indemnité par jour de retard prévue à l'article L. 145-30 du Code commerce, la société locataire ayant un droit au maintien dans les lieux tant qu'elle n'a pas reçu l'indemnité d'éviction dans son intégralité conformément à l'article L. 145-28 du Code de commerce ;

- il en résulte, d'une part, que toutes les composantes de l'indemnité n'étant pas chiffrées lors du dépôt de la requête de la société bailleresse et celle-ci n'offrant de séquestrer que la somme de 815 000 euros, il ne pouvait être fait droit à cette requête et, d'autre part, qu'en l'absence d'accord des parties sur le montant global de l'indemnité d'éviction, il convient d'attendre que le tribunal statue sur cette fixation, le juge des requêtes n'en n'ayant pas le pouvoir ;

- il y a lieu en conséquence d'infirmer l'ordonnance déférée et de rétracter l'ordonnance du 5 janvier 2017.

Le problème dans cette affaire c'est que la société locataire, contrainte, du fait du bailleur, de libérer ses locaux avant d'avoir perçu l'intégralité de son indemnité d'éviction, a perdu de ce fait le droit au maintien dans les lieux qui lui est conféré par l'article L. 145-28, alinéa 1er, du Code de commerce...

Alors, quid de la réparation du préjudice résultant de ses pertes d'exploitation entre la date de son départ forcé et la date de perception effective de l'intégralité de son indemnité d'éviction ?

La jurisprudence vient de répondre : dans un arrêt de principe (FP+P+B) du 30 novembre 2017, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que "le préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction est distinct de celui réparé par cette indemnité" (Cass. civ. 3, 30 novembre 2017, n° 16-17.686, FP-P+B N° Lexbase : A4826W4I).

Au visa de ce qui précède, certains bailleurs seraient bien inspirés de s'abstenir désormais de "jouer avec le feu" !

newsid:462099

Baux d'habitation

[Brèves] Vente d'un lot consécutive à la division d'un immeuble : constitutionnalité, sous réserve, du droit de préemption des locataires, mais inconstitutionnalité du droit de préemption de la commune

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-683 QPC du 9 janvier 2018 (N° Lexbase : A8991W9U)

Lecture: 2 min

N2206BXY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462206
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 12 Janvier 2018

Amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975, relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation (N° Lexbase : L6321G9Y), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (N° Lexbase : L8342IZY), le Conseil constitutionnel juge de la conformité, sous réserve, des dispositions concernant le droit de préemption du locataire, mais déclare en revanche contraires à la Constitution les dispositions concernant le droit de préemption de la commune (Cons. const., décision n° 2017-683 QPC du 9 janvier 2018 N° Lexbase : A8991W9U).

Concernant en particulier le grief tiré de la méconnaissance du droit de propriété, et s'agissant du droit de préemption du locataire ou de l'occupant de bonne foi, les Sages estiment que la protection ainsi apportée à ces derniers en leur permettant de se maintenir dans les lieux face à une opération spéculative poursuit un objectif d'intérêt général, en précisant toutefois que, compte tenu de l'objectif ainsi poursuivi, la protection apportée par le législateur ne saurait, sans méconnaître le droit de propriété, bénéficier à un locataire ou à un occupant de bonne foi dont le bail ou l'occupation sont postérieurs à la division ou la subdivision de l'immeuble. Ils relèvent ensuite que le législateur a prévu que le droit de préemption s'exerce seulement dans un délai de deux mois après la notification de l'offre de vente et au prix notifié par le propriétaire, et qu'en outre, le droit de préemption ne s'applique ni à la vente d'un bâtiment entier, ni à celle intervenant entre parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus, ni à celle relative à certains immeubles à destination de logement social. Il en résulte que, eu égard aux garanties ainsi prévues, et sous la réserve précitée, le droit de préemption reconnu au locataire ou à l'occupant de bonne foi par les dispositions contestées ne porte pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi.

S'agissant, en revanche, du droit de préemption de la commune, qui a vocation à s'appliquer à défaut d'exercice du droit de préemption du locataire ou de l'occupant de bonne foi, le Conseil constitutionnel relève, d'une part, que si, en instaurant ce droit de préemption, le législateur a poursuivi le même objectif d'intérêt général que celui précité, il n'a en revanche pas restreint l'usage que la commune est susceptible de faire du bien ainsi acquis, en particulier, il n'a imposé à la commune aucune obligation d'y maintenir le locataire ou l'occupant de bonne foi. Il constate, d'autre part, qu'à défaut d'accord amiable, le prix de vente est fixé par le juge de l'expropriation et que le propriétaire ne peut reprendre la libre disposition de son bien, en l'absence de paiement, qu'à l'échéance d'un délai de six mois. Il en résulte, selon les Sages, que les dispositions contestées portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

newsid:462206

Droit de la famille

[Evénement] Les rendez-vous bordelais du droit de la famille

Lecture: 2 min

N2087BXL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462087
Copier

Le 11 Janvier 2018

Se dérouleront le jeudi 1er février 2018, en partenariat avec les éditions juridiques Lexbase, les premiers rendez-vous bordelais du droit de la famille, nés de la volonté d'offrir aux juristes l'occasion de se retrouver une fois par an autour des questions d'actualité qui animent la matière. L'objectif est de permettre une analyse dynamique, pragmatique, globale et transversale de ces sujets, dans leur dimension interne, internationale, européenne, patrimoniale ou extrapatrimoniale. La journée se décompose en deux types d'interventions : des revues d'actualité qui permettent de présenter les principales évolutions internes, européennes et internationales, tant législatives que jurisprudentielles, intervenues en droit de la famille durant l'année écoulée ; des focales relatives à des questions plus ciblées ayant fait l'objet de problématiques pratiques ou d'évolution spécifique, afin d'analyser en détail leurs enjeux et les réponses apportées. Chaque thème fait l'objet de regards croisés d'universitaires et de différents praticiens. A la manière d'un "caselaw", les rendez-vous bordelais du droit de la famille invitent à réfléchir au droit vivant de la famille.
  • Date et lieu

Jeudi 1er février 2018, de 9h à 18h

Pôle juridique et judiciaire, amphi Duguit
35 place Pey-Berland, Bordeaux

  • Programme

Matinée

Sous la présidence de Catherine Rouaud-Folliard, Présidente de la chambre de la famille, cour d'appel de Bordeaux

9h Revue d'actualité de droit extrapatrimonial de la famille

Adeline Gouttenoire, Professeure, Université de Bordeaux, directrice du CERFAPS et de l'Institut des mineurs, et Marion Ho-Dac, Maître de conférences, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, IDP

10h Peut-on se mettre en couple avec qui on veut ?

- Actualité et enjeux : Marie Lamarche, Maître de conférences HDR, Université de Bordeaux, CERFAPS

- Le contrôle de la formation du couple : Marik Fetouh, Adjoint au maire chargé de l'égalité et de la citoyenneté, mairie de Bordeaux, conseiller métropolitain, et représentant du Parquet

- Le mariage à finalité migratoire en droit de l'Union européenne : Catherine Gauthier, Maître de conférences HDR, Université de Bordeaux, CERCCLE

10h45 Pause-café

11h La filiation dans tous ses états

- Actualité et enjeux : Jean-Jacques Lemouland, Professeur, Université de Pau et des pays de l'Adour, CRAJ-CERFAPS

- La filiation de l'enfant né d'une AMP et d'une GPA à l'étranger : Julie Térel, Docteur en droit, Université de Bordeaux, CERFAPS

- De la kafala à l'adoption : Marie-Laure Bost, Avocate au barreau de Bordeaux

- L'opposabilité de la filiation : Yannick Beaudeau, Notaire à Libourne

11h45 L'exercice des prérogatives parentales par des tiers

- Actualité et enjeux : Stéphanie Zeidenberg, Maître de conférences HDR, Université de Bordeaux, CERFAPS

- De la délégation-partage de l'autorité parentale à l'adoption intrafamiliale : Samuel Lainé, Président de la chambre de la famille, TGI de Bordeaux

- Le retrait de l'autorité parentale par le juge pénal en cas de crime d'un parent sur l'autre : Christine Vieillemaringe, Avocate au barreau de Bordeaux

- Le mandat de protection future pour autrui : Yannick Beaudeau, Notaire à Libourne

12h30 Déjeuner

Après-midi

Sous la présidence d'Anne Cadiot-Feidt, Avocate au barreau de Bordeaux, Directrice de l'Ecole des avocats Aliénor

14h Revue d'actualité de droit patrimonial de la famille

Eric Fongaro, Maître de conférences HDR, Université de Bordeaux, IRDAP, Amélie Gogos-Gintrand et Bertrand Maumont, Maîtres de conférences, Université de Bordeaux, CERFAPS

15h L'argent du mineur

- Enjeux : Marie Cresp, Maître de conférences, IUT Bordeaux-Montaigne, CERFAPS

- Le compte du mineur comme moyen d'optimisation fiscale : Laetitia Cyren-Decolly, Notaire à Libourne

- Le rôle du juge des tutelles après la réforme de 2015 : Jean-Luc Ybres, Juge des tutelles, TGI de Bordeaux

- L'intervention de l'administrateur ad hoc : Michel Duvette, Président de l'association AGAAD'HOC

15h45 Le divorce sans juge, un an après...

Kristell Compain-Lecroisey, Avocate au barreau de Bordeaux, Présidente de l'Institut du droit des personnes et du patrimoine,
Grégory Dandieu, Notaire à Bordeaux,
Samuel Lainé, Président de la chambre de la famille, TGI de Bordeaux,
Marie Lamarche, Maître de conférences HDR, Université de Bordeaux, CERFAPS,
Emmanuelle Meijer, Notaire à Libourne,
Josiane Morel-Faury, Avocate au barreau de Bordeaux, CRIC,
Jean Sagot-Duvauroux, Maître de conférences, Université de Bordeaux, CRDEI

17h Clôture

  • Renseignements / Inscriptions

Entrée

90 euros TTC
75 euros TTC (praticiens ayant moins de cinq ans d'exercice)

Formation professionnelle permanente :

- sur demande à l'inscription, délivrance d'une attestation de présence : 8 heures validées
- université de Bordeaux : n° de déclaration d'existence : 72 33 093 41 33 - Siret : 130 018 351 00010 - APE : 8542Z

Déjeuner

sur réservation à l'inscription : 25 euros

NB : Chèque à l'ordre de l'agent comptable de l'université de Bordeaux, à expédier : Université de Bordeaux, CERFAPS, 16 avenue Léon Duguit, CS 50057, 33608 Pessac cedex

Nombre de places limité

Inscription obligatoire avant le 24 janvier 2018 exclusivement par courriel : cerfap@u-bordeaux.fr

newsid:462087

Durée du travail

[Jurisprudence] Illicéité du système de géolocalisation lorsque l'employeur dispose d'un autre moyen de contrôle

Réf. : CE, 9° et 10° ch.-r., 15 décembre 2017, n° 403776, publié aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1345W8C)

Lecture: 6 min

N2103BX8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462103
Copier

par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 11 Janvier 2018

La technologie GPS permet à l'employeur de localiser en permanence ses salariés, pour le meilleur mais aussi pour le pire, ces derniers ne pouvant plus faire un pas sans que leur employeur n'en soit informé, et ce y compris alors que le contrat de travail serait valablement suspendu pendant leur temps de pause, ou de repos. C'est pourquoi l'utilisation des outils de géolocalisation est sévèrement encadrée, pour éviter que la vie privée des salariés ne soit menacée, notamment par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS), dite loi "informatique et liberté". Après la Cour de cassation en 2011, c'est au tour du Conseil d'Etat, saisi dans le cadre du contrôle de légalité des décisions de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), de prendre position sur la licéité de la géolocalisation des salariés (I) dans un sens également très restrictif, puisque ce recours n'est admis que si l'employeur ne dispose d'aucun autre moyen de vérifier le respect, par les salariés, de leur temps de travail, ce qui est, en pratique, peu probable, compte tenu de la pratique généralisée de l'auto-déclaration des horaires de travail des salariés itinérants (II).
Résumé

L'utilisation par un employeur d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail de ses salariés n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation.

I - Le recours très encadré aux dispositifs de géolocalisation des salariés

Cadre légal. L'employeur qui souhaite recourir à la géolocalisation des véhicules d'entreprise doit respecter un cadre légal très strict (1).

Il est soumis aux règles présentes dans le Code du travail dans la mesure où ces systèmes portent atteinte aux libertés et droits fondamentaux des salariés, à commencer par le droit au respect de la vie privée. L'employeur doit donc respecter les termes de l'article L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) aux termes duquel "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" (2).

Ce double principe de nécessité et de proportionnalité des atteintes est également présent dans la loi "informatique et liberté" (3) dont la violation est pénalement et civilement sanctionnée, et qui risque de le priver, en cas de non-respect avéré, de la possibilité d'invoquer les données collectées irrégulièrement (4).

L'article 6 de la loi pose plusieurs principes qui devront être respectés par l'employeur, sans préjudice des formalités déclaratives : la "loyauté" et la "licéité" de la collecte et du traitement des données ; l'existence de "finalités déterminées, explicites et légitimes" (principe de nécessité) ; le caractère adéquat, pertinent et non excessif des données collectées au regard des finalités de la collecte et de leur traitement (principe de proportionnalité) ; le caractère exact et complet des données (principe de fiabilité) ; et enfin, la possibilité de déterminer l'identité des personnes concernées par la collecte et le traitement (principe de "traçabilité").

Pour simplifier les obligations des entreprises, la loi a prévu, outre les facilités accordées à celles qui se sont dotées d'un correspondant à la protection des données, d'un système de déclarations simplifiées, dont une en particulier (n° 51), qui concerne la mise en oeuvre dans l'entreprise d'un système de géolocalisation, instaurée en 2006 (5) et révisée en 2015 dans le prolongement de la recommandation du Conseil de l'Europe du 1er avril 2015 (6). Cette déclaration simplifiée autorise la mise en place d'un système de géolocalisation des véhicules professionnels pour assurer le "contrôle du respect des règles d'utilisation du véhicule" ainsi, à titre accessoire, que "le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par un autre moyen, sous réserve notamment de ne pas collecter ou traiter de données de localisation en dehors du temps de travail des employés concernés".

Solutions jurisprudentielles. La Cour de cassation s'est prononcée en 2011 sur la licéité de ces dispositifs de géolocalisation pour contrôler l'activité des salariés et s'est clairement inscrite dans le cadre défini par la CNIL ; elle a, ainsi, considéré que ce mode de preuve pouvait être admis, mais a exprimé une triple réserve, rendant, en pratique, complexe l'admissibilité des éléments récoltés :

- l'employeur doit avoir valablement déclaré cette finalité à la CNIL,

- il ne doit pas disposer d'autre moyen de contrôle (notamment il ne doit pas avoir prévu de système auto-déclaratif) et

- ne peut utiliser ce procédé pour les salariés disposant d'une grande liberté professionnelle (7).

Cette solution a pu être critiquée, à l'époque, pour sa sévérité, notamment parce que la Haute juridiction écartait toute possibilité de recourir à la géolocalisation pour les salariés disposant d'une liberté dans l'organisation de leur travail, ce qui nous était apparu à la fois comme trop abstrait comme affirmation, alors que le principe de proportionnalité suppose une analyse concrète des situations, et illogique dans la mesure où, précisément, la géolocalisation semble particulièrement indiquée pour les salariés disposant d'une très large marge d'autonomie professionnelle.

Par la suite, la Cour de cassation semble avoir assoupli sa jurisprudence en matière de respect de la loi "informatique et liberté", notamment en 2017 où elle a considéré, à propos de la messagerie électronique d'entreprise, que le défaut de déclaration n'interdit pas à l'employeur d'invoquer les éléments collectés alors que la messagerie n'aurait pas été régulièrement déclarées, à la condition qu'il se soit agi d'une déclaration simplifiée s'agissant d'une messagerie dépourvue d'un contrôle individuel de l'activité des salariés (8).

Nouvelle solution au regard des règles de la loi "informatique et libertés". Le Conseil d'Etat avait eu l'occasion, en 2015, de statuer dans le cadre d'une sanction infligée par la CNIL à une entreprise pour défaut de déclaration préalable d'un système de géolocalisation (9), mais il s'agissait alors d'une société de location de véhicules qui ne concernait pas précisément la question du contrôle de l'activité des salariés de l'entreprise, mais celle des clients. Le principal intérêt de cet arrêt en date du 15 décembre 2017 est, par conséquent, de prendre position sur la question particulière du contrôle de l'activité des salariés.

II - Le Conseil d'Etat, gardien d'une conception stricte du recours subsidiaire à la géolocalisation des véhicules d'entreprise

L'affaire. Une société spécialisée dans la maintenance de systèmes informatiques, notamment de terminaux de paiement, et dont l'activité s'étend sur tout le territoire national, a équipé en 2012 les véhicules de ses techniciens itinérants de dispositifs de géolocalisation en temps réel afin, notamment, de mieux planifier ses interventions. Ces dispositifs permettaient de collecter diverses données relatives, notamment, aux incidents et événements de conduite ou au temps de travail des salariés.

Le 13 janvier 2016, une délégation de la CNIL a procédé à un contrôle sur place qui a conduit la présidente de la CNIL à délivrer une mise en demeure d'adopter un certain nombre de mesures afin de faire cesser divers manquements constatés à la loi du 6 janvier 1978, notamment de cesser de traiter les données issues de l'outil de géolocalisation afin de contrôler le temps de travail des salariés.

C'est l'annulation de cette mise en demeure qui avait justifié la saisine du juge administratif, en vain, puisque le Conseil d'Etat rejette, ici, la requête de la société.

L'intérêt de la décision. Outre certains aspects procéduraux, la décision est intéressante dans la mesure où elle conduit le Conseil de d'Etat à statuer, à son tour, sur la licéité des éléments récoltés par un système de géolocalisation, singulièrement au regard du principe de proportionnalité du 3° de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978, aux termes duquel le traitement ne doit porter que sur des données "non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs".

On se rappellera qu'en 2011 la Cour de cassation avait affirmé, au visa de l'article L. 1121-1 du Code du travail, que "l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail [...] n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen". Le Conseil d'Etat, qui vise également ce même article L. 1121-1, reprend cette même affirmation ("l'utilisation par un employeur d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail de ses salariés n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen"), tout en apportant une précision supplémentaire : "fût-il moins efficace que la géolocalisation".

Le respect d'une conception stricte du principe de proportionnalité. Dans cette affaire, l'entreprise faisait valoir toute une série d'arguments pour tenter de faire annuler cette mise en demeure.

Elle prétendait, en premier lieu, que cette mise en demeure allait entraîner des conséquences négatives sur la gestion de ses clients, singulièrement s'agissant de la facturation. L'argument n'avait, ici, aucune portée, dans la mesure où la mise en demeure ne portait pas sur la collecte des données proprement dite, mais sur leur utilisation pour contrôler le temps de travail des salariés, ce qui était très différent.

Elle faisait valoir, en second lieu, qu'elle ne disposait pas d'autres moyens pour contrôler avec autant de précision le temps de travail de ces salariés itinérants. Or, le dossier montrait qu'elle avait également recours, comme cela avait été le cas, d'ailleurs, dans l'affaire traitée par la Cour de cassation en 2011, à un contrôle à partir des déclarations d'intervention des salariés, étant rappelé qu'en cas de doute sur leur véracité, l'entreprise a toujours la possibilité de les corroborer en interrogeant ses clients pour vérifier, notamment, les heures d'arrivée et de départ des techniciens.

Le Conseil d'Etat refuse, par conséquent, d'entrer ici dans une logique d'efficacité des moyens de contrôle de l'activité des salariés, et on ne peut que s'en féliciter. Outre le fait qu'un tel contrôle impliquerait d'admettre systématiquement la licéité du recours à la géolocalisation (car on ne voit pas quel autre procédé serait plus fiable), ce critère ne figure pas dans la loi telle qu'interprétée par la CNIL, qui pose, au contraire, comme principe la liberté des salariés, et comme exception la possibilité de les géolocaliser, ce qui impose une interprétation restrictive des facultés de les pister électroniquement.


(1) Lire J.-E. Ray, Droit du travail. Droit vivant, Wolters Kluwers, 26ème éd., 2018, n° 169 et s. ; P. Waquet, Y. Struillou et L. Pécaut-Rivolier, Pouvoirs du chef d'entreprise et libertés du salarié, éd. Liaisons, coll., Droit vivant, 2014.
(2) La mise en oeuvre dans l'entreprise d'un tel système est également susceptible de constituer un "projet important" ouvrant droit à l'expertise du CHSCT/CSE : Cass. soc., 25 janvier 2016, n° 14-17.227, F-D (N° Lexbase : A3338N7R).
(3) Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS).
(4) N'est pas justifiée la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du salarié dès lors que l'employeur a organisé une réunion d'information, suivie d'une déclaration à la CNIL, avant de procéder à l'installation du dispositif de géolocalisation et que, par lettre adressée au salarié, il a rappelé les finalités de la géolocalisation : Cass. soc., 20 décembre 2017, n° 16-12.569, FS-D (N° Lexbase : A0579W9C). Mais encore faut-il que la personne qui se prévaut du non-respect de la loi "informatique et liberté" ne se trouve pas, elle-même, dans une situation illicite ; il a ainsi été jugé que l'auteur d'un vol de voiture, identifié par le biais d'un système de géolocalisation, ne peut se prévaloir des recours ouverts normalement au propriétaire du véhicule. C'est la position qu'a rappelée la Chambre criminelle de la Cour de cassation, en refusant de renvoyer une QPC au Conseil constitutionnel (Cass. crim., 14 novembre 2017, n° 17-82.435, F-P+B+R N° Lexbase : A6997WZ8).
(5) Délibération n° 2006-067 du 16 mars 2006, portant adoption d'une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en oeuvre par les organismes publics ou privés destinés à géolocaliser les véhicules utilisés par leurs employés (N° Lexbase : X8158ADI) ; délibération n° 2006-066 du 16 mars 2006, portant adoption d'une recommandation relative à la mise en oeuvre de dispositifs destinés à géolocaliser les véhicules automobiles utilisés par les employés d'un organisme privé ou public (N° Lexbase : X6642ADD), sont abrogées.
(6) Délibération n° 2015-165 du 4 juin 2015, portant adoption d'une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en oeuvre par les organismes publics ou privés destinés à géolocaliser les véhicules utilisés par leurs employés (norme simplifiée n° 51) (N° Lexbase : X5169AP7). Lire A. Gardin, Géolocalisation du véhicule du salarié : quand finalité, proportionnalité et fiabilité font loi, Rev. trav., 2015, p. 544.
(7) Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18.036, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5253HZL) et nos obs., A propos de la géolocalisation des salariés : la CNIL et la Cour de cassation à l'unisson, Lexbase, éd. soc., n° 462, 2011 (N° Lexbase : N8765BSG) ; D., 2011, p. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Just. et cass., 2012, 195, rapp. P. Florès ; ibid., 202, avis G. Taffaleau ; Dr. soc., 2012, p. 61, étude J.-E. Ray ; RDT, 2012, p. 156, obs. B. Bossu et T. Morgenroth.
(8) Cass. soc., 1er juin 2017, n° 15-23.522, FS-P+B (N° Lexbase : A2658WGK) et les obs. de S. Tournaux, Le régime probatoire favorable à l'employeur en cas de déclaration simplifiée à la Cnil, Lexbase, éd. soc., n° 702, 2017 (N° Lexbase : N8807BW4).
(9) CE, 9° et 10° ch.-r., 18 décembre 2015, n° 384794, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5054PKE).

Décision

CE, 9° et 10° ch.-r., 15 décembre 2017, n° 403776, publié aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1345W8C)

Rejet de la requête en nullité (décision n° 2016-055 du 27 juillet 2016 de la Présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés)

Texte : loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS), art. 6.

Mots clef : géolocalisation ; durée du travail.

Lien base : (N° Lexbase : E5521E7M).

newsid:462103

Fiscal général

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises janvier 2018 (Spéciale Loi de finances pour 2018 et Loi de finances rectificatives pour 2017)

Réf. : Loi n° 2017-1837, 30 décembre 2017, de finances pour 2018 (N° Lexbase : L7952LHY); loi n° 2017-1775, 28 décembre 2017, de finances rectificative pour 2017 (N° Lexbase : L7653LHW)

Lecture: 9 min

N2143BXN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462143
Copier

par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit et Chargé d'enseignement à l'Université Royale de Droit et de Sciences Economiques de Phnom Penh (URDSE) et de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 12 Janvier 2018

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit et Chargé d'enseignement à l'Université Royale de Droit et de Sciences Economiques de Phnom Penh (URDSE) et de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, portant sur les principales dispositions de la loi de finances pour 2018 (loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017, de finances pour 2018, N° Lexbase : L7952LHY) et de la deuxième loi de finance rectificative pour 2017 (loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 N° Lexbase : L7653LHW) intéressant les entreprises. Les lois déférées au Conseil constitutionnel ont fait l'objet de censures mineures (Cons. const., décision n° 2017-758 DC, 28 décembre 2017, loi de finances pour 2018, N° Lexbase : A4629W9C) ; cons. const., décision n° 2017-759 DC, 28 décembre 2017, loi de finances rectificative pour 2017 N° Lexbase : A4630W9D, portant sur des dispositions légales qui, pour l'essentiel, n'avaient pas leur place dans une loi de finances). Il en est ainsi, à titre d'illustration, de l'article 24 de la loi de finances rectificatives pour 2017 (loi n° 2017-1775, 28 décembre 2017, de finances rectificative pour 2017, art. 24 concernant l'autorisation donnée à l'administration fiscale afin de rendre publique des informations relatives aux bénéficiaires d'aides d'Etat à caractère fiscal. Parmi les dispositions votées par le Parlement, seront signalées les mesures ayant trait à la fiscalité incitative (I), la mise en conformité avec le droit communautaire et constitutionnel (II) et des modifications diverses intéressant la vie des entreprises (III).

I. Fiscalité incitative intéressant les entreprises

Les mesures incitatives les plus remarquables ont trait au régime d'exonération fiscale pour les entreprises qui se créent dans les bassins urbains à dynamiser (A) et l'amplification de la baisse du taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés (B).

A. Régime d'exonération fiscale pour les entreprises qui se créent dans les bassins urbains à dynamiser (LFR pour 2017, art. 17)

Il existe en droit fiscal français huit dispositifs (1) visant à moduler l'impôt sur les bénéfices et les impôts locaux en fonction de zones délimitées précisément sur le territoire national pour des entreprises créées, reprises ou existantes en fonction de leur chiffre d'affaires et de leur activité. L'enjeu est de première importance pour les différents acteurs économiques notamment les professions réglementées, les conseils divers et variés (2) et les collectivités territoriales présentes -elles aussi- dans les salons professionnels consacrés à la création d'entreprise. Ces localisations savamment choisies, dont la doctrine universitaire avait en son temps dénoncé le mitage de l'assiette imposable (3), permettent de se prévaloir, toutes choses égales par ailleurs, d'une exonération substantielle d'impôt toutefois soumise au droit de l'Union européenne quant à la réglementation des aides d'Etat (TFUE, art. 107). Le nouveau dispositif (CGI, art. 44 sexdecies N° Lexbase : L8371LHI) prévoit une exonération totale d'impôt sur les bénéfices pendant les deux premières années avec une imposition progressive sur six ans pour éviter tout effet de seuil, et d'impôts locaux (CVAE, CFE, taxe foncière) dans cent cinquante communes prioritairement situées dans le bassin minier des départements du Nord et du Pas-de-Calais (4). Ce dispositif reprend les conditions d'application de l'article 44 sexies du Code général des impôts (N° Lexbase : L3941KWU) que les fiscalistes connaissent bien : le législateur s'adresse aux petites et moyennes entreprises -selon la définition issue du droit de l'UE (5) -créées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020 exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale dont le siège et l'ensemble des activités et des moyens d'exploitation sont implantés dans le bassin à redynamiser. Pour éviter tout effet d'aubaine, le capital ne doit pas être détenu- directement ou indirectement- pour plus de 50 % par d'autres sociétés et la création de l'entreprise ne doit pas résulter d'une reprise, d'un transfert, d'une concentration, d'une restructuration ou d'une extension d'activités préexistantes (6).

B. Baisse du taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés (LF pour 2018, art. 84)

La loi de finances pour 2017 (loi n° 2016-1917, 29 décembre 2016 de finances pour 2017 N° Lexbase : L0759LC4) prévoit une modification de l'article 219 du Code général des impôts (CGI, art. 219 N° Lexbase : L6543K8T) en abaissant le taux de droit commun de l'IS à 28 % en 2018 pour toutes les entreprises à hauteur des 500 000 premiers euros de bénéfices (7), sans suppression du taux réduit de 15 % applicable pour les petites et moyennes entreprises à hauteur des 38 120 premiers euros de résultat. Prenant acte du fort taux facial de l'IS français, dont la baisse d'un point entraîne une hausse des investissements directs étrangers de 3 à 4 % (8), le législateur a décidé d'amplifier la baisse de l'IS d'autant que d'importantes réformes fiscales aux Etats-Unis d'Amérique ont été annoncées afin de diminuer significativement le taux d'imposition de l'impôt fédéral de 35 % à 20 %, ce qui ne manquera pas de relancer la concurrence fiscale entre les juridictions : le taux normal de l'impôt sera fixé à 31 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, à 28 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020 et à 26,5 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021, puis à 25 % en 2022.

II. Mise en conformité avec le droit de l'Union européenne et le droit constitutionnel

Sous l'influence du droit de l'Union européenne, les premières lois de finances du quinquennat modifient le droit fiscal applicable aux entreprises relevant de l'impôt sur les sociétés lors d'une restructuration réalisée au profit d'une personne morale étrangère (A) et prennent acte de la plus récente jurisprudence constitutionnelle s'agissant de la contribution additionnelle de 3 % (B).

A. Restructuration des entreprises réalisée au profit d'une personne morale étrangère et procédure d'agrément préalable à l'application du régime spécial des fusions (LFR pour 2017, art. 23)

Les dispositions de l'article 210 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L9521ITS) prévoient un régime de faveur pour les opérations de restructuration, dont les fusions, pour les personnes morales assujetties à l'impôt sur les sociétés en instaurant un sursis d'imposition à la condition notamment que l'opération réponde à la définition fiscale d'une fusion (CGI, art. 210-0 A N° Lexbase : L1155ITX) et que des engagements soient pris dans le traité de fusion. A défaut, l'opération est considérée comme une cessation d'entreprise avec toutes les conséquences fiscales en découlant, notamment l'imposition immédiate des plus-values. Concernant le droit de l'Union européenne, deux textes permettent d'éviter toute entrave nationale à l'encontre de ces opérations de restructuration (Directive 90/434/ CEE du Conseil du 23 juillet 1990 N° Lexbase : L7670AUM ; Directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009, N° Lexbase : L9353IE7) étant toutefois précisé que le Code général des impôts soumet les opérations de restructuration transfrontalière à un agrément (9) pour éviter une perte de base imposable (CGI, art 210 C, N° Lexbase : L3945HLP), ou bien interdit l'application du régime de faveur lorsque l'entreprise apporteuse ou bénéficiaire de l'apport a son siège dans un Etat ou un territoire n'ayant pas conclu avec la France une convention fiscale comprenant une clause d'assistance administrative afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (CGI, art. 210-0 A). La Cour de justice de l'Union européenne ayant jugé cette procédure d'agrément comme violant l'article 49 du TFUE relatif à la liberté d'établissement (CJUE, 1ère chambre, 08 mars 2017, aff. C-14/16, Euro Park Service N° Lexbase : A5858TT7 ; CE, 26 juin 2017, n° 369311 N° Lexbase : A4491WKK). La loi de finances rectificative pour 2017 supprime l'agrément préalable pour les fusions (10) et institue une déclaration spéciale à pourvoir sous peine d'une amende de 10 000 euros pour chaque opération (CGI, art. 1760 bis N° Lexbase : L4366HMN) ainsi qu'une clause anti-abus qui permettra, selon le rapporteur, de "garantir la constitution d'un établissement stable" (11) à la suite de la restructuration. Le législateur complète le Livre des procédures fiscales en instituant un rescrit (LPF, art. L. 80 B, 9 N° Lexbase : L3693I38) devant être sollicité par écrit préalablement à une opération de fusion, scission ou d'apport partiel d'actif : l'administration disposera d'un délai de six mois pour répondre au-delà duquel l'accord sera réputé avoir été donné tacitement.

B. Suppression de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués (LDF pour 2018, art. 37)

A la suite d'un contentieux entre la France et la Commission européenne ayant entraîné la suppression de la retenue à la source pour les distributions de dividendes de source française à des OPCVM étrangers, la loi de finances rectificative n° 2012-958 du 16 août 2012 (N° Lexbase : L9357ITQ) a institué une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués (CGI, art. 235 ter ZCA N° Lexbase : L3946KW3) au taux de 3 %. Cette contribution additionnelle frappait les distributions opérées par les sociétés, ou organismes français ou étrangers, passibles de l'impôt sur les sociétés en France. De nombreux doutes ont surgi quant à la légalité de cette contribution additionnelle : en premier lieu, au regard du droit constitutionnel dès lors que les dispositions de l'article 235 ter ZCA du Code général des impôts exonéraient les distributions effectuées par les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L1889KG3), ce qui a été censuré par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2016-571, 30 septembre 2016 N° Lexbase : Z729524M) (12). Puis, les discussions ont porté sur la conformité au droit de l'Union européenne dès lors que cette contribution additionnelle s'apparentait à une imposition prohibée par l'article 4.1 de la Directive mère-fille (13), voire à une retenue à la source prohibée par l'article 5 de la même Directive. En supprimant formellement les références du Code général des impôts pour les distributions dont la mise en paiement interviendra à compter du 1er janvier 2018, le législateur prend acte de l'illégalité de cette contribution additionnelle à la suite des arrêts de la CJUE (CJUE, 17 mai 2017, aff. C-68/15 N° Lexbase : A9847WCP) ayant trait à la fairness tax belge comparable à la contribution additionnelle française ainsi que du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2017-660 QPC, 6 octobre 2017 N° Lexbase : A8693WT7) dont les considérants sont d'application immédiate à compter de sa publication le 8 octobre 2017. On rapprochera cette suppression de la nouvelle contribution exceptionnelle de 15 % de l'impôt sur les sociétés créée par la première loi de finances rectificative pour 2017 (loi n° 2017-1640 de finances rectificative pour 2017, 1 décembre 2017) à la charge des redevables de l'IS dont le montant du chiffre d'affaires dépasse un milliard d'euros ou est égal ou supérieur à trois milliards d'euros. Cette nouvelle contribution a été déclarée conforme à la Constitution (Cons. const., décision n° 2017-755 DC, 29 novembre 2017 N° Lexbase : A9772W3C), mais il n'est pas acquis qu'elle ait épuisé tous ses ressorts contentieux.

III. Mesures diverses intéressant la vie des entreprises

Les mesures diverses concernent la retenue à la source (A) et l'intérêt de retard (B).

A. Retenue à la source (LFR pour 2017, art. 14)

Les entreprises sont couramment confrontées à des difficultés d'interprétation, voire de simple application, des conventions fiscales internationales. Régulièrement, des litiges surgissent concernant les retenues à la source pratiquées par des établissements payeurs : les stipulations des conventions fiscales, qui peuvent prévoir un abaissement voire une exonération de retenue à la source, sont alors simplement écartées sous couvert d'interprétation juridique. Certes, l'attributaire des revenus concerné par la retenue à la source pourrait introduire une réclamation et saisir le juge compétent, si toutefois le recours est effectif car certaines juridictions de pays en voie de développement sont notoirement défaillantes et ne garantissent pas un examen impartial des requêtes déposées par les contribuables. De plus, l'entreprise peut avoir intérêt à maintenir des relations paisibles avec les autorités locales qui n'apprécieraient pas une procédure publique et qui ont les moyens de rendre l'accès au marché local un peu plus difficile encore en multipliant les obstacles administratifs. D'où un renoncement de certaines entreprises et une pratique qui s'est développée notamment sur la base de l'article 39 qui permet la déduction des "impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice". Une telle pratique a généré des litiges avec l'administration fiscale française (CE 9/10 s.-s.-r., 12 mars 2014, n° 362528, N° Lexbase : A6800MGX ; CE 9/10 ch.-r., 7 juin 2017, n° 386579, N° Lexbase : A6110WGE ; CE 9/10 ch.-r., 26 juin 2017, n° 406437, N° Lexbase : A4502WKX ; Cons. const., décision n° 2017-654 QPC, 28 septembre 2017, N° Lexbase : A1625WTD) d'autant que selon la qualité de rédaction des conventions fiscales bilatérales, certaines d'entre elles excluent expressément la déduction de l'impôt étranger (14) et d'autres non (15). Le législateur y ayant vu une inégalité de traitement entre les contribuables, le texte est désormais remanié à compter du 31 décembre 2017 en introduisant "une interdiction générale de la déduction en charge des impôts acquittés à l'étranger en application des dispositions d'une convention fiscale" (16).

B. Baisse de l'intérêt de retard (LFR pour 2017, art. 55)

Prenant acte de la sensible baisse des taux d'intérêt depuis plusieurs années, le législateur divise par deux le taux de l'intérêt de retard qui est ainsi abaissé de 0,40 % par mois de retard à 0,20 % (CGI, art. 1727, N° Lexbase : L9755I3P) (17). Cette baisse de l'intérêt de retard s'appliquera à compter du 1er janvier 2018 jusqu'au 31 décembre 2020. C'est aussi une excellente nouvelle pour les finances publiques eu égard aux délais de restitution de la contribution additionnelle de 3 % récemment censurée (supra § II B).


(1) A. de Montgolfier, Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative, adopté par l'assemblée nationale, pour 2017, Sénat, 2017, tome 1, p. 115.
(2) Certaines compagnies d'assurances offrent même un audit "gratuit" relatif à la création d'entreprise.
(3) "Au total, les zones prioritaires concernent environ 38 millions d'habitants et il faut y ajouter la Corse ainsi que les départements d'outre-mer qui bénéficient d'une fiscalité plus favorable [...] Autrement dit, près des deux tiers de la population se trouve dans une zone prioritaire ! Une telle proportion a des allures de caricature !", B. Plagnet, Le régionalisme fiscal ou l'émiettement ?, Bulletin Fiscal Francis Lefebvre, novembre 2003.
(4) A. de Montgolfier, op. cit., p. 116.
(5) Il s'agit des "entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros", A. de Montgolfier, op. cit., p. 120, annexe I au Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014.
(6) " L'existence d'un contrat, quelle qu'en soit la dénomination, ayant pour objet d'organiser un partenariat caractérise l'extension d'une activité préexistante lorsque l'entreprise nouvellement créée bénéficie de l'assistance de ce partenaire, notamment en matière d'utilisation d'une enseigne, d'un nom commercial, d'une marque ou d'un savoir-faire, de conditions d'approvisionnement, ou de modalités de gestion administrative, contentieuse, commerciale ou technique, dans des conditions telles que cette entreprise est placée dans une situation de dépendance".
(7) Au-delà, le taux de 33,33 % s'applique.
(8) J. Giraud, Rapport fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2018, Assemblée nationale, 2017, tome 3, p. 150.
(9) "en 2016, ce sont cent agréments qui ont été accordés par le ministre chargé du budget, pour un montant de plus-values en sursis déclaré dans ce cadre de 5,5 milliards d'euros", A. de Montgolfier, op. cit., p. 150.
(10) Le rapport parlementaire précise que l'agrément serait toujours requis pour les opérations hors du champ d'application de la Directive "fusion" : "Cette condition serait exigée pour les opérations d'apport partiel d'actif et de scissions ne portant pas sur une ou plusieurs branches complètes d'activités", A. de Montgolfier, op. cit., p. 148.
(11) A. de Montgolfier, op. cit., p. 146.
(12) Dr. fisc. 2016, comm. 592, G. Blanluet.
(13) Directive (UE) 2011/96 du Conseil, 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (N° Lexbase : L5957IR3).
(14) Conventions excluant expressément la déduction de l'impôt étranger, notamment : Corée, Italie, Japon, Singapour, Vietnam, Suisse, Etats-Unis, Oman, Allemagne, Afrique du Sud, Hong Kong, Royaume-Uni (A. de Montgolfier, op. cit., p. 103).
(15) Conventions n'excluant pas expressément la déduction de l'impôt étranger, notamment : Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Philippines, Luxembourg, Jordanie, Liban, Brésil, Pays-Bas, Portugal, Maroc (A. de Montgolfier, op. cit., p. 103).
(16) A. de Montgolfier, op. cit., p. 101.
(17) Il en est de même pour le Code des douanes, art. 440 bis (N° Lexbase : L8513LHR).

newsid:462143

Fiscal général

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises janvier 2018 (Spéciale Loi de finances pour 2018 et Loi de finances rectificatives pour 2017)

Réf. : Loi n° 2017-1837, 30 décembre 2017, de finances pour 2018 (N° Lexbase : L7952LHY); loi n° 2017-1775, 28 décembre 2017, de finances rectificative pour 2017 (N° Lexbase : L7653LHW)

Lecture: 9 min

N2143BXN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462143
Copier

par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit et Chargé d'enseignement à l'Université Royale de Droit et de Sciences Economiques de Phnom Penh (URDSE) et de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 12 Janvier 2018

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit et Chargé d'enseignement à l'Université Royale de Droit et de Sciences Economiques de Phnom Penh (URDSE) et de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, portant sur les principales dispositions de la loi de finances pour 2018 (loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017, de finances pour 2018, N° Lexbase : L7952LHY) et de la deuxième loi de finance rectificative pour 2017 (loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 N° Lexbase : L7653LHW) intéressant les entreprises. Les lois déférées au Conseil constitutionnel ont fait l'objet de censures mineures (Cons. const., décision n° 2017-758 DC, 28 décembre 2017, loi de finances pour 2018, N° Lexbase : A4629W9C) ; cons. const., décision n° 2017-759 DC, 28 décembre 2017, loi de finances rectificative pour 2017 N° Lexbase : A4630W9D, portant sur des dispositions légales qui, pour l'essentiel, n'avaient pas leur place dans une loi de finances). Il en est ainsi, à titre d'illustration, de l'article 24 de la loi de finances rectificatives pour 2017 (loi n° 2017-1775, 28 décembre 2017, de finances rectificative pour 2017, art. 24 concernant l'autorisation donnée à l'administration fiscale afin de rendre publique des informations relatives aux bénéficiaires d'aides d'Etat à caractère fiscal. Parmi les dispositions votées par le Parlement, seront signalées les mesures ayant trait à la fiscalité incitative (I), la mise en conformité avec le droit communautaire et constitutionnel (II) et des modifications diverses intéressant la vie des entreprises (III).

I. Fiscalité incitative intéressant les entreprises

Les mesures incitatives les plus remarquables ont trait au régime d'exonération fiscale pour les entreprises qui se créent dans les bassins urbains à dynamiser (A) et l'amplification de la baisse du taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés (B).

A. Régime d'exonération fiscale pour les entreprises qui se créent dans les bassins urbains à dynamiser (LFR pour 2017, art. 17)

Il existe en droit fiscal français huit dispositifs (1) visant à moduler l'impôt sur les bénéfices et les impôts locaux en fonction de zones délimitées précisément sur le territoire national pour des entreprises créées, reprises ou existantes en fonction de leur chiffre d'affaires et de leur activité. L'enjeu est de première importance pour les différents acteurs économiques notamment les professions réglementées, les conseils divers et variés (2) et les collectivités territoriales présentes -elles aussi- dans les salons professionnels consacrés à la création d'entreprise. Ces localisations savamment choisies, dont la doctrine universitaire avait en son temps dénoncé le mitage de l'assiette imposable (3), permettent de se prévaloir, toutes choses égales par ailleurs, d'une exonération substantielle d'impôt toutefois soumise au droit de l'Union européenne quant à la réglementation des aides d'Etat (TFUE, art. 107). Le nouveau dispositif (CGI, art. 44 sexdecies N° Lexbase : L8371LHI) prévoit une exonération totale d'impôt sur les bénéfices pendant les deux premières années avec une imposition progressive sur six ans pour éviter tout effet de seuil, et d'impôts locaux (CVAE, CFE, taxe foncière) dans cent cinquante communes prioritairement situées dans le bassin minier des départements du Nord et du Pas-de-Calais (4). Ce dispositif reprend les conditions d'application de l'article 44 sexies du Code général des impôts (N° Lexbase : L3941KWU) que les fiscalistes connaissent bien : le législateur s'adresse aux petites et moyennes entreprises -selon la définition issue du droit de l'UE (5) -créées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020 exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale dont le siège et l'ensemble des activités et des moyens d'exploitation sont implantés dans le bassin à redynamiser. Pour éviter tout effet d'aubaine, le capital ne doit pas être détenu- directement ou indirectement- pour plus de 50 % par d'autres sociétés et la création de l'entreprise ne doit pas résulter d'une reprise, d'un transfert, d'une concentration, d'une restructuration ou d'une extension d'activités préexistantes (6).

B. Baisse du taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés (LF pour 2018, art. 84)

La loi de finances pour 2017 (loi n° 2016-1917, 29 décembre 2016 de finances pour 2017 N° Lexbase : L0759LC4) prévoit une modification de l'article 219 du Code général des impôts (CGI, art. 219 N° Lexbase : L6543K8T) en abaissant le taux de droit commun de l'IS à 28 % en 2018 pour toutes les entreprises à hauteur des 500 000 premiers euros de bénéfices (7), sans suppression du taux réduit de 15 % applicable pour les petites et moyennes entreprises à hauteur des 38 120 premiers euros de résultat. Prenant acte du fort taux facial de l'IS français, dont la baisse d'un point entraîne une hausse des investissements directs étrangers de 3 à 4 % (8), le législateur a décidé d'amplifier la baisse de l'IS d'autant que d'importantes réformes fiscales aux Etats-Unis d'Amérique ont été annoncées afin de diminuer significativement le taux d'imposition de l'impôt fédéral de 35 % à 20 %, ce qui ne manquera pas de relancer la concurrence fiscale entre les juridictions : le taux normal de l'impôt sera fixé à 31 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, à 28 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020 et à 26,5 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021, puis à 25 % en 2022.

II. Mise en conformité avec le droit de l'Union européenne et le droit constitutionnel

Sous l'influence du droit de l'Union européenne, les premières lois de finances du quinquennat modifient le droit fiscal applicable aux entreprises relevant de l'impôt sur les sociétés lors d'une restructuration réalisée au profit d'une personne morale étrangère (A) et prennent acte de la plus récente jurisprudence constitutionnelle s'agissant de la contribution additionnelle de 3 % (B).

A. Restructuration des entreprises réalisée au profit d'une personne morale étrangère et procédure d'agrément préalable à l'application du régime spécial des fusions (LFR pour 2017, art. 23)

Les dispositions de l'article 210 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L9521ITS) prévoient un régime de faveur pour les opérations de restructuration, dont les fusions, pour les personnes morales assujetties à l'impôt sur les sociétés en instaurant un sursis d'imposition à la condition notamment que l'opération réponde à la définition fiscale d'une fusion (CGI, art. 210-0 A N° Lexbase : L1155ITX) et que des engagements soient pris dans le traité de fusion. A défaut, l'opération est considérée comme une cessation d'entreprise avec toutes les conséquences fiscales en découlant, notamment l'imposition immédiate des plus-values. Concernant le droit de l'Union européenne, deux textes permettent d'éviter toute entrave nationale à l'encontre de ces opérations de restructuration (Directive 90/434/ CEE du Conseil du 23 juillet 1990 N° Lexbase : L7670AUM ; Directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009, N° Lexbase : L9353IE7) étant toutefois précisé que le Code général des impôts soumet les opérations de restructuration transfrontalière à un agrément (9) pour éviter une perte de base imposable (CGI, art 210 C, N° Lexbase : L3945HLP), ou bien interdit l'application du régime de faveur lorsque l'entreprise apporteuse ou bénéficiaire de l'apport a son siège dans un Etat ou un territoire n'ayant pas conclu avec la France une convention fiscale comprenant une clause d'assistance administrative afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (CGI, art. 210-0 A). La Cour de justice de l'Union européenne ayant jugé cette procédure d'agrément comme violant l'article 49 du TFUE relatif à la liberté d'établissement (CJUE, 1ère chambre, 08 mars 2017, aff. C-14/16, Euro Park Service N° Lexbase : A5858TT7 ; CE, 26 juin 2017, n° 369311 N° Lexbase : A4491WKK). La loi de finances rectificative pour 2017 supprime l'agrément préalable pour les fusions (10) et institue une déclaration spéciale à pourvoir sous peine d'une amende de 10 000 euros pour chaque opération (CGI, art. 1760 bis N° Lexbase : L4366HMN) ainsi qu'une clause anti-abus qui permettra, selon le rapporteur, de "garantir la constitution d'un établissement stable" (11) à la suite de la restructuration. Le législateur complète le Livre des procédures fiscales en instituant un rescrit (LPF, art. L. 80 B, 9 N° Lexbase : L3693I38) devant être sollicité par écrit préalablement à une opération de fusion, scission ou d'apport partiel d'actif : l'administration disposera d'un délai de six mois pour répondre au-delà duquel l'accord sera réputé avoir été donné tacitement.

B. Suppression de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués (LDF pour 2018, art. 37)

A la suite d'un contentieux entre la France et la Commission européenne ayant entraîné la suppression de la retenue à la source pour les distributions de dividendes de source française à des OPCVM étrangers, la loi de finances rectificative n° 2012-958 du 16 août 2012 (N° Lexbase : L9357ITQ) a institué une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués (CGI, art. 235 ter ZCA N° Lexbase : L3946KW3) au taux de 3 %. Cette contribution additionnelle frappait les distributions opérées par les sociétés, ou organismes français ou étrangers, passibles de l'impôt sur les sociétés en France. De nombreux doutes ont surgi quant à la légalité de cette contribution additionnelle : en premier lieu, au regard du droit constitutionnel dès lors que les dispositions de l'article 235 ter ZCA du Code général des impôts exonéraient les distributions effectuées par les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L1889KG3), ce qui a été censuré par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2016-571, 30 septembre 2016 N° Lexbase : Z729524M) (12). Puis, les discussions ont porté sur la conformité au droit de l'Union européenne dès lors que cette contribution additionnelle s'apparentait à une imposition prohibée par l'article 4.1 de la Directive mère-fille (13), voire à une retenue à la source prohibée par l'article 5 de la même Directive. En supprimant formellement les références du Code général des impôts pour les distributions dont la mise en paiement interviendra à compter du 1er janvier 2018, le législateur prend acte de l'illégalité de cette contribution additionnelle à la suite des arrêts de la CJUE (CJUE, 17 mai 2017, aff. C-68/15 N° Lexbase : A9847WCP) ayant trait à la fairness tax belge comparable à la contribution additionnelle française ainsi que du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2017-660 QPC, 6 octobre 2017 N° Lexbase : A8693WT7) dont les considérants sont d'application immédiate à compter de sa publication le 8 octobre 2017. On rapprochera cette suppression de la nouvelle contribution exceptionnelle de 15 % de l'impôt sur les sociétés créée par la première loi de finances rectificative pour 2017 (loi n° 2017-1640 de finances rectificative pour 2017, 1 décembre 2017) à la charge des redevables de l'IS dont le montant du chiffre d'affaires dépasse un milliard d'euros ou est égal ou supérieur à trois milliards d'euros. Cette nouvelle contribution a été déclarée conforme à la Constitution (Cons. const., décision n° 2017-755 DC, 29 novembre 2017 N° Lexbase : A9772W3C), mais il n'est pas acquis qu'elle ait épuisé tous ses ressorts contentieux.

III. Mesures diverses intéressant la vie des entreprises

Les mesures diverses concernent la retenue à la source (A) et l'intérêt de retard (B).

A. Retenue à la source (LFR pour 2017, art. 14)

Les entreprises sont couramment confrontées à des difficultés d'interprétation, voire de simple application, des conventions fiscales internationales. Régulièrement, des litiges surgissent concernant les retenues à la source pratiquées par des établissements payeurs : les stipulations des conventions fiscales, qui peuvent prévoir un abaissement voire une exonération de retenue à la source, sont alors simplement écartées sous couvert d'interprétation juridique. Certes, l'attributaire des revenus concerné par la retenue à la source pourrait introduire une réclamation et saisir le juge compétent, si toutefois le recours est effectif car certaines juridictions de pays en voie de développement sont notoirement défaillantes et ne garantissent pas un examen impartial des requêtes déposées par les contribuables. De plus, l'entreprise peut avoir intérêt à maintenir des relations paisibles avec les autorités locales qui n'apprécieraient pas une procédure publique et qui ont les moyens de rendre l'accès au marché local un peu plus difficile encore en multipliant les obstacles administratifs. D'où un renoncement de certaines entreprises et une pratique qui s'est développée notamment sur la base de l'article 39 qui permet la déduction des "impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice". Une telle pratique a généré des litiges avec l'administration fiscale française (CE 9/10 s.-s.-r., 12 mars 2014, n° 362528, N° Lexbase : A6800MGX ; CE 9/10 ch.-r., 7 juin 2017, n° 386579, N° Lexbase : A6110WGE ; CE 9/10 ch.-r., 26 juin 2017, n° 406437, N° Lexbase : A4502WKX ; Cons. const., décision n° 2017-654 QPC, 28 septembre 2017, N° Lexbase : A1625WTD) d'autant que selon la qualité de rédaction des conventions fiscales bilatérales, certaines d'entre elles excluent expressément la déduction de l'impôt étranger (14) et d'autres non (15). Le législateur y ayant vu une inégalité de traitement entre les contribuables, le texte est désormais remanié à compter du 31 décembre 2017 en introduisant "une interdiction générale de la déduction en charge des impôts acquittés à l'étranger en application des dispositions d'une convention fiscale" (16).

B. Baisse de l'intérêt de retard (LFR pour 2017, art. 55)

Prenant acte de la sensible baisse des taux d'intérêt depuis plusieurs années, le législateur divise par deux le taux de l'intérêt de retard qui est ainsi abaissé de 0,40 % par mois de retard à 0,20 % (CGI, art. 1727, N° Lexbase : L9755I3P) (17). Cette baisse de l'intérêt de retard s'appliquera à compter du 1er janvier 2018 jusqu'au 31 décembre 2020. C'est aussi une excellente nouvelle pour les finances publiques eu égard aux délais de restitution de la contribution additionnelle de 3 % récemment censurée (supra § II B).


(1) A. de Montgolfier, Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative, adopté par l'assemblée nationale, pour 2017, Sénat, 2017, tome 1, p. 115.
(2) Certaines compagnies d'assurances offrent même un audit "gratuit" relatif à la création d'entreprise.
(3) "Au total, les zones prioritaires concernent environ 38 millions d'habitants et il faut y ajouter la Corse ainsi que les départements d'outre-mer qui bénéficient d'une fiscalité plus favorable [...] Autrement dit, près des deux tiers de la population se trouve dans une zone prioritaire ! Une telle proportion a des allures de caricature !", B. Plagnet, Le régionalisme fiscal ou l'émiettement ?, Bulletin Fiscal Francis Lefebvre, novembre 2003.
(4) A. de Montgolfier, op. cit., p. 116.
(5) Il s'agit des "entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros", A. de Montgolfier, op. cit., p. 120, annexe I au Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014.
(6) " L'existence d'un contrat, quelle qu'en soit la dénomination, ayant pour objet d'organiser un partenariat caractérise l'extension d'une activité préexistante lorsque l'entreprise nouvellement créée bénéficie de l'assistance de ce partenaire, notamment en matière d'utilisation d'une enseigne, d'un nom commercial, d'une marque ou d'un savoir-faire, de conditions d'approvisionnement, ou de modalités de gestion administrative, contentieuse, commerciale ou technique, dans des conditions telles que cette entreprise est placée dans une situation de dépendance".
(7) Au-delà, le taux de 33,33 % s'applique.
(8) J. Giraud, Rapport fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2018, Assemblée nationale, 2017, tome 3, p. 150.
(9) "en 2016, ce sont cent agréments qui ont été accordés par le ministre chargé du budget, pour un montant de plus-values en sursis déclaré dans ce cadre de 5,5 milliards d'euros", A. de Montgolfier, op. cit., p. 150.
(10) Le rapport parlementaire précise que l'agrément serait toujours requis pour les opérations hors du champ d'application de la Directive "fusion" : "Cette condition serait exigée pour les opérations d'apport partiel d'actif et de scissions ne portant pas sur une ou plusieurs branches complètes d'activités", A. de Montgolfier, op. cit., p. 148.
(11) A. de Montgolfier, op. cit., p. 146.
(12) Dr. fisc. 2016, comm. 592, G. Blanluet.
(13) Directive (UE) 2011/96 du Conseil, 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (N° Lexbase : L5957IR3).
(14) Conventions excluant expressément la déduction de l'impôt étranger, notamment : Corée, Italie, Japon, Singapour, Vietnam, Suisse, Etats-Unis, Oman, Allemagne, Afrique du Sud, Hong Kong, Royaume-Uni (A. de Montgolfier, op. cit., p. 103).
(15) Conventions n'excluant pas expressément la déduction de l'impôt étranger, notamment : Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Philippines, Luxembourg, Jordanie, Liban, Brésil, Pays-Bas, Portugal, Maroc (A. de Montgolfier, op. cit., p. 103).
(16) A. de Montgolfier, op. cit., p. 101.
(17) Il en est de même pour le Code des douanes, art. 440 bis (N° Lexbase : L8513LHR).

newsid:462143

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Investissements outre-mer dans les panneaux photovoltaïques : appréciation du fait générateur de la réduction d'impôt

Réf. : CAA Paris, 21 décembre 2017, n° 15PA03308 (N° Lexbase : A4635W9K)

Lecture: 2 min

N2119BXR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462119
Copier

par Marie-Claire Sgarra

Le 16 Janvier 2018

Le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du Code général des impôts (N° Lexbase : L1047LD7) est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Telle est la solution rappelée par la cour administrative d'appel de Paris dans un arrêt rendu le 21 décembre 2017 (CAA Paris, 21 décembre 2017, n° 15PA03308 N° Lexbase : A4635W9K).

En l'espèce le demandeur M. B., associé d'une société en participation portant sur l'acquisition de panneaux photovoltaïques a porté dans sa déclaration de revenus au titre de l'année 2010 le montant de la réduction d'impôt dont il pensait pouvoir bénéficier au titre de l'article 199 undecies B du Code général des impôts. L'administration fiscale remet en cause cette réduction en se prévalent de l'absence au 31 décembre 2010 de demande de raccordement de la centrale photovoltaïque au réseau public d'électricité et d'attestation de conformité du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité.

Par suite le Tribunal administratif de Paris rejette la demande de Monsieur B. de surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge pénal relative à la validité des attestations utilisées par l'administration fiscale pour fonder la reprise de la réduction d'impôt dont il avait entendu bénéficier. Le demandeur fait appel de ce jugement.

La cour administrative d'appel rejette la requête de Monsieur B., jugeant que s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir était celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date : (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X5211APP).

newsid:462119

(N)TIC

[Brèves] Vidéosurveillance dissimulée : non-respect du droit au respect de la vie privée

Réf. : CEDH, 9 janvier 2018, requête n° 1874/13, disponible en anglais

Lecture: 2 min

N2166BXI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462166
Copier

par Blanche Chaumet

Le 11 Janvier 2018

Viole le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 N° Lexbase : L4798AQR) des salariés la juridiction espagnole qui admet que l'employeur puisse valablement licencier des salariés sur la foi d'informations provenant d'un système de vidéosurveillance de ses salariés sans les en avoir préalablement informés, et qui les licencie sur la base de ces informations ainsi collectées. Telle est la solution dégagée par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans un arrêt rendu le 9 janvier 2018 (CEDH, 9 janvier 2018, requête n° 1874/13, disponible en anglais).

En l'espèce, un système de vidéosurveillance a été mis en place en 2009 dans un supermarché en Espagne, l'employeur souhaitant faire la lumière sur des soupçons de vol. L'employeur a informé ses salariés de l'installation de caméras visibles mais ne leur a rien dit de la présence de caméras cachées. Les salariés soupçonnés de vol furent convoqués à des entretiens individuels lors desquels on leur montra les vidéos les filmant en train d'aider des clients et des collègues à voler des articles et d'en voler eux-mêmes. Les requérantes (occupant un emploi de caissière) reconnurent avoir pris part aux vols et furent licenciées pour motifs disciplinaires.

Elles saisirent la justice estimant que les enregistrements vidéo avaient été obtenus en violation de leur droit à la vie privée. Leurs licenciements furent confirmés par les juridictions du travail espagnoles puis en appel. Les tribunaux admirent les enregistrements vidéo comme éléments de preuve, considérant qu'ils avaient été obtenus légalement. Invoquant l'article 8 et l'article 6 § 1 (N° Lexbase : L7558AIR) de la CESDH, les requérantes présentèrent alors une requête devant la CEDH afin de dénoncer la vidéosurveillance dissimulée et une utilisation par les juridictions nationales des données ainsi obtenues aux fins de conclure que leurs licenciements avaient été légitimes.

La CEDH estime qu'en vertu de la législation espagnole sur la protection des données, il aurait fallu faire savoir aux requérantes qu'elles avaient été placées sous surveillance. Elle estime qu'il existait d'autres moyens de protéger les droits de l'employeur et que celui-ci aurait pu communiquer aux requérantes des informations générales concernant la surveillance. Les juridictions nationales n'ont donc pas ménagé un juste équilibre entre le droit des requérantes au respect de leur vie privée et les droits patrimoniaux de l'employeur. La Cour considère, toutefois, que la procédure dans son ensemble a été équitable, les enregistrements vidéo n'ayant pas constitué les seuls éléments de preuve sur lesquels se sont appuyées les juridictions nationales pour confirmer les décisions de licenciement et les requérantes ayant été en mesure de contester ces enregistrements devant les tribunaux (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4640EX7).

newsid:462166

Pénal

[Brèves] Transmission par le Conseil d'Etat de quatre QPC contre la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 28 décembre 2017, n° 415434, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7971W94)

Lecture: 1 min

N2085BXI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462085
Copier

Le 11 Janvier 2018

Dans une décision rendue le 28 décembre 2017, le Conseil d'Etat a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel quatre questions prioritaires de constitutionnalité portant sur plusieurs articles issus de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (N° Lexbase : L2052LHH) (CE 2° et 7° ch.-r., 28 décembre 2017, n° 415434, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7971W94).

La première question concerne les périmètres de protection régis par l'article L. 226-1 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L2129LHC). Le Conseil renvoie la question en ce qui concerne l'atteinte à la liberté d'aller et de venir.

La deuxième question renvoyée porte sur la fermeture des lieux de culte susceptible d'être ordonnée sur le fondement des articles L. 227-1 (N° Lexbase : L2131LHE) et L. 227-2 (N° Lexbase : L2132LHG) du Code de la sécurité intérieure. Le Conseil a décidé de renvoyer la question de la conformité de l'article L. 227-1 en ce qu'il pourrait porter atteinte à la liberté de culte. En revanche, il dit n'y avoir lieu à renvoi concernant l'article L. 227-2 dans la mesure où celui-ci est dissociable du premier et n'est pas applicable au litige.

La troisième question porte sur les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance régies par les dispositions des articles L. 228-1(N° Lexbase : L2133LHH) à L. 228-7 du Code de la sécurité intérieure.

Enfin, la dernière question renvoyée porte sur les visites et saisies régies par les dispositions des articles L. 229-1 (N° Lexbase : L2123LH4) à L. 229-6 du Code de la sécurité intérieure.

newsid:462085

Temps de travail

[Brèves] Transports routiers : interdiction du repos hebdomadaire normal en cabine

Réf. : CJUE, 20 décembre 2017, aff. C-102/16 (N° Lexbase : A2515W8N)

Lecture: 2 min

N2092BXR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/44576867-edition-n-726-du-11012018#article-462092
Copier

par Charlotte Moronval

Le 11 Janvier 2018

Dans le secteur des transports routiers, les conducteurs ne peuvent pas prendre le temps de repos hebdomadaire normal auquel ils ont droit à bord de leur véhicule. Telle est la solution dégagée par la CJUE dans une décision du 20 décembre 2017 (CJUE, 20 décembre 2017, aff. C-102/16 N° Lexbase : A2515W8N).

En l'espèce, un arrêté royal pris en 2014 par le gouvernement belge prévoit que les chauffeurs ne peuvent pas prendre leur temps de repos hebdomadaire normal à bord de leur véhicule. Cet arrêté prévoit notamment une sanction de 1 800 euros à payer par les conducteurs des camions qui prennent leur temps de repos hebdomadaire obligatoire dans leur véhicule et non pas à un autre endroit.

Une firme de transport dépose plainte contre cet arrêté royal auprès du Conseil d'Etat. Elle estime que l'arrêté royal est incompatible avec le principe de légalité des peines puisqu'il interdit et sanctionne la prise du temps de repos hebdomadaire normal à bord du véhicule alors que le Règlement (CE) n° 561/2006 du 15 mars 2006, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route ne prévoit pas une telle interdiction (N° Lexbase : L3600HI8). Le Conseil d'Etat décide de poser une question préjudicielle à la CJUE pour savoir comment interpréter le Règlement.

En énonçant la règle précitée, la Cour répond à la question préjudicielle posée. Selon elle, comme le législateur de l'Union n'a pas utilisé l'expression générale "temps de repos hebdomadaire" pour englober les deux types de temps de repos hebdomadaires, à savoir le temps de repos hebdomadaire normal et le temps de temps de repos hebdomadaire réduit, il en découle manifestement qu'il a eu l'intention de permettre au conducteur de prendre les temps de repos hebdomadaires réduits à bord du véhicule et de lui interdire, au contraire, de faire de même pour les temps de repos hebdomadaires normaux. Par ailleurs, un temps de repos hebdomadaire normal pris dans la cabine du véhicule impliquerait qu'un conducteur puisse prendre l'intégralité de ses temps de repos dans la cabine du véhicule, ce qui irait manifestement à l'encontre de l'objectif d'amélioration des conditions de travail des conducteurs poursuivi par le Règlement (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0559ETU).

newsid:462092