La lettre juridique n°725 du 4 janvier 2018

La lettre juridique - Édition n°725

Actes administratifs

[Brèves] Décision du bureau du CESE statuant sur la recevabilité d'une pétition : décision administrative susceptible d'un recours pour excès de pouvoir

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 15 décembre 2017, n° 402259, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1341W88)

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par Yann Le Foll

Le 04 Janvier 2018

La décision par laquelle le bureau du Conseil économique, social et environnemental (CESE) statue sur la recevabilité d'une pétition dont il est saisi sur le fondement du troisième alinéa de l'article 69 de la Constitution (N° Lexbase : L0901AHT), en vérifiant si les conditions posées par l'article 4-1 de l'ordonnance organique n° 58-1360 du 29 décembre 1958 (N° Lexbase : L1166ARM), sont remplies, a le caractère d'une décision administrative susceptible d'un recours pour excès de pouvoir. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 15 décembre 2017 (CE 9° et 10° ch.-r., 15 décembre 2017, n° 402259, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1341W88).

ll résulte, en outre, de l'article 69 de la Constitution, éclairées par les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, de modernisation des institutions de la Vème République (N° Lexbase : L7298IAK), que, si le CESE peut être régulièrement saisi par voie de pétition d'une question à caractère économique, social ou environnemental alors même qu'un projet de loi qui n'est pas sans lien avec celle-ci est soumis au Parlement, il ne peut être saisi aux fins de donner un avis sur un projet de loi que par le Gouvernement. Une pétition tendant à ce que le CESE donne son avis sur un projet de loi est donc irrecevable.

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Avocats/Procédure

[Jurisprudence] Règlement des différends entre avocats : point de départ du délai pour statuer

Réf. : Cass. civ. 1, 6 décembre 2017, n° 16-26.784, FS-P+B (N° Lexbase : A1271W79)

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N2011BXR

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par Emmanuel Raskin, Avocat au barreau de Paris - Associé cabinet S.E.F.J. - Membre du Conseil national des barreaux - Responsable et coordinateur des commissions nationales de l'A.C.E (Association des Avocats Conseils d'Entreprises)

Le 04 Janvier 2018

La Cour de cassation retient, dans un arrêt du 6 décembre 2017, que le tiers Bâtonnier n'est pas saisi par la réception de la décision le désignant mais est saisi, soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'Ordre des avocats au barreau dont le Bâtonnier désigné est membre, soit par lettre recommandée avec accusé de réception à lui adressée. Un avocat associé au sein d'une structure inter-barreaux (en l'espèce Lille et Paris) a été révoqué par décision d'une assemblée générale extraordinaire des associés composant le capital de ladite structure.

L'associé ainsi évincé a saisi par voie de requête le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Lille du différend l'opposant à la société et aux avocats associés.

Par application des dispositions des articles 179-1 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), les Bâtonniers de l'Ordre des avocats aux barreaux de Lille et de Paris ont désigné le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Rouen pour régler le différend.

Cette décision de désignation, en date du 7 juillet 2015, fût reçue le 10 juillet suivant.

Par décision du 4 janvier 2016, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Rouen a prorogé jusqu'au 10 mars 2016 le délai qui lui était imparti pour statuer et a fixé un calendrier de procédure.

La société d'avocats concernée et son gérant interjetèrent un appel nullité à l'encontre de cette décision, soutenant que le Bâtonnier tiers était dessaisi et n'avait pas qualité pour statuer, dès lors que sa saisine était intervenue le 10 juillet 2015, par désignation.

L'arrêt de la cour d'appel de Rouen rendu le 28 septembre 2016 (CA Rouen, 28 septembre 2016, n° 16/02362 N° Lexbase : A5543R7G ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E1767E7L) rejeta cette demande d'annulation.

Les appelants, ayant ainsi succombé, formèrent un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt, soutenant en substance que, lorsqu'un différend d'ordre professionnel nait entre avocats relevant de différents barreaux, l'avocat le plus diligent saisit son Bâtonnier qui doit s'accorder avec celui de l'avocat défendeur sur la désignation d'un Bâtonnier tiers et que ce Bâtonnier tiers est saisi à réception de la décision le désignant.

Ainsi, selon les demandeurs au pourvoi, en déclarant que le tiers Bâtonnier n'avait pas été saisi le 10 juillet 2015 à réception de sa désignation mais le 8 octobre 2015, à réception des prétentions de la requérante, la cour d'appel aurait violé les articles 179-2 et 179-5 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat.

Le pourvoi fût rejeté.

La première chambre civile de la Cour de cassation estima, par un attendu de principe, que le Bâtonnier d'un barreau tiers, désigné en application de l'article 179-2, alinéa 3, du décret du 27 novembre 1991, est saisi, conformément à l'article 142 du même décret, par l'une ou l'autre des parties, soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'Ordre des avocats au barreau dont le Bâtonnier désigné est membre, soit par lettre recommandée avec accusé de réception à lui adressée.

Dès lors, selon la première chambre civile, il résulte des dispositions de l'article 179-5 du décret précité que le Bâtonnier rend sa décision dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, susceptible de prorogation.

Ainsi, la cour d'appel en a justement déduit, selon la Cour de cassation, que le Bâtonnier tiers avait été saisi à la date de réception de la requête de la plaignante, soit le 8 octobre 2015, de sorte que sa décision du 4 janvier 2016 était bien intervenue dans le délai de quatre mois imparti.

La solution de principe ainsi rendue a le mérite d'être claire et il est normal, au regard de la jurisprudence des juridictions de fond rendue en la matière et de l'articulation des textes applicables, que la cour d'appel de Rouen ait en amont statué en ce sens.

L'article 142 du décret du 27 novembre 1991 s'insère dans la section IV du chapitre II du titre I qui est intitulé "Modalités particulières d'exercice de la profession", qui traite dans sa section I de l'association, dans sa section II de la collaboration et dans sa section III du salariat.

Cet article dispose : "Pour tout litige né à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail, à défaut de conciliation, le Bâtonnier du barreau auprès duquel l'avocat collaborateur ou salarié est inscrit est saisi par l'une ou l'autre des parties, soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'Ordre des avocats, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant". En conséquence, les articles 142 à 153 du décret s'appliquent au règlement des litiges nés à l'occasion des trois modalités d'exercice de la profession prévues au chapitre II dans lequel est insérée la section IV qui les comprend.

Or, le chapitre III, relatif aux règles professionnelles en général, ne concerne pas les différends nés à l'occasion des modalités particulières d'exercice de la profession visées au chapitre II précité, ce que rappelait la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 18 octobre 2017 (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 18 octobre 2017, n° 15/18397 N° Lexbase : A9948WWD).

En l'espèce, il s'agit d'un différend entre un associé, la structure au sein de laquelle il exerce et ses autres associés. Il ne s'agit pas d'un différend entre un collaborateur et la structure. Les articles 179-1 et suivants prévoient une procédure spécifique au titre du règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, l'article 179-2 prévoyant en cas de différend opposant des avocats de barreaux différents une procédure de désignation du Bâtonnier d'un barreau tiers. L'article 179-4 dispose par ailleurs, sans la moindre ambiguïté, que "les règles prévues aux articles 142 à 148 et 150 à 152 sont applicables aux différends régis par la présente section".

Ainsi, le mode de saisine de l'article 142, bien que dépendant d'une section et d'un chapitre distinct et concernant un litige né à l'occasion d'un contrat de collaboration, a vocation, selon les termes de l'article 179-4, à s'appliquer dans le cadre d'un litige entre associés.

La jurisprudence a rappelé que les articles 179-1 et suivants du décret du 27 novembre 1991 prévoyant les règles applicables au règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel constituent un corps de règles spécifiques et d'ordre public, obéissant à un régime propre (cf. notamment CA Paris, Pôle 1, 5ème ch., 21 mars 2013, n° 13/00147 N° Lexbase : A7246KAM ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0082EUL).

Les modalités de saisine prévues à l'article 142, applicable, sont précises.

Il ne peut s'agir que, soit d'une requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'Ordre des avocats, soit d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

L'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.

Il ne fallait donc pas confondre la désignation du Bâtonnier tiers avec l'acte de sa saisine.

Une décision de désignation, fût-elle exécutoire et reçue par le Bâtonnier ainsi désigné, ne vaut pas acte de saisine de ce dernier.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la plaignante avait pris soin de régulariser une requête de saisine du Bâtonnier tiers en date du 8 octobre 2015, après la décision de désignation qui datait du 7 juillet 2015 et qui avait été reçue le 10 juillet suivant.

L'article 179-5 du décret donne au Bâtonnier désigné un délai de quatre mois pour rendre sa décision.

Ce même article dispose que ce délai ne court qu'à compter de sa saisine. A aucun endroit de ce texte figure le vocable "désignation".

La cour d'appel de Rouen avait donc, à bon droit, rejeté l'appel nullité qui amalgamait décision de désignation et acte de saisine.

Au-delà, il est permis de s'étonner de la recevabilité d'une saisine assimilée à la décision de désignation du Bâtonnier tiers : les mentions requises à peine d'irrecevabilité par l'alinéa 2 de l'article 142, à savoir l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant, sont-elles contenues en leur intégralité dans une telle décision ?

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Collectivités territoriales

[Brèves] Expérimentation de marquages sur les trottoirs à des fins publicitaires

Réf. : Décret n° 2017-1743 du 22 décembre 2017 portant expérimentation de marquages sur les trottoirs à des fins publicitaires (N° Lexbase : L6990LHD)

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N1954BXN

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 04 Janvier 2018



A été publié au Journal officiel du 24 décembre 2017, le décret n° 2017-1743 du 22 décembre 2017 portant expérimentation de marquages sur les trottoirs à des fins publicitaires (N° Lexbase : L6990LHD).

L'objet du décret est de permettre pour une durée de dix-huit mois les marquages publicitaires sur les trottoirs à l'intérieur des agglomérations de Bordeaux, Lyon et Nantes. Seuls peuvent être apposés les marquages sur les trottoirs répondant aux conditions suivantes :
- le marquage est réalisé directement au sol par projection ou application, à travers un pochoir, d'eau ou de peintures biodégradables à base aqueuse ou à base de craie comportant un traitement antidérapant ;
- les caractéristiques d'adhérence du trottoir ne doivent pas être diminuées ;
- la durée de persistance de chaque publicité ne peut excéder dix jours. A l'issue de ce délai, l'emplacement doit retrouver son état antérieur ;
- la publicité ne peut excéder une surface unitaire de 2,50 m2 ;
- la publicité mentionne, selon le cas, le nom et l'adresse ou bien la dénomination ou la raison sociale, de la personne physique ou morale qui l'a apposée ou fait apposer ;
- la publicité ne peut être apposée à moins de 80 mètres d'une autre publicité par marquage au sol.

newsid:461954

Contrats et obligations

[Jurisprudence] Les contrats sur la preuve ne peuvent établir de présomption irréfragable

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2017, n° 16-19.615, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6092W4E)

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N1949BXH

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par Dimitri Houtcieff, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Saclay, Vice-Doyen de la Faculté d'Evry Val d'Essonne, Chargé des relations internationales, Directeur de l'Institut d'Etudes Judiciaires

Le 04 Janvier 2018

Résumé : Si les contrats sur la preuve sont valables lorsqu'ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition, ils ne peuvent établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable.

Si l'article 9 de l'ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK) dispose en substance que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne, il ne faut pas en déduire que le droit nouveau n'exerce aucune influence sur ces conventions. "L'évolution du droit des obligations résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016" a ainsi déjà conduit à fonder quelques revirements de jurisprudence portant sur des contrats antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance (1). Plus discret, cet arrêt de la Chambre commerciale rendu le 6 décembre 2017 s'inscrit néanmoins dans la même démarche, qui fait application en matière probatoire d'une solution désormais consacrée par la réforme. Dans le courant de l'année 2011, deux sociétés avaient conclu un contrat de licence et de distribution portant sur un "progiciel". Non seulement la première livraison intervint avec retard, mais de nombreux dysfonctionnements affectèrent le progiciel : à la fin février 2012, aucune version susceptible d'être proposée à ses clients n'avait encore été livrée au distributeur, alors que ce dernier s'était acquitté pendant huit mois de sa redevance mensuelle de 10 000 euros. Excédé, le distributeur résilia le contrat sans tenir compte du délai de préavis contractuel de trente jours : la société éditrice du progiciel l'assigna en dommages et intérêts. Le distributeur opposa la résolution judiciaire du contrat et les juges fond accueillirent sa demande : la société éditrice forma un pourvoi en cassation.

Dans le cadre d'un moyen touffu et articulé en onze branches, le demandeur au pourvoi fit valoir que le contrat prévoyait que le distributeur "disposait d'un délai de quinze jours à compter de la livraison du progiciel pour dénoncer tout 'dysfonctionnement' en remplissant une 'fiche individuelle d'identification écrite' et qu'à défaut de réserves respectant ce formalisme, le progiciel devait être considéré comme tacitement 'recetté' "(sic). Ce formalisme n'ayant pas été respecté, le demandeur prétendait en déduire qu'aucun dysfonctionnement ne pouvait être invoqué pour justifier une quelconque résolution. La Cour de cassation rejette le pourvoi : "si les contrats sur la preuve sont valables lorsqu'ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition, ils ne peuvent établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable".

Cette motivation est directement inspirée du nouvel article 1356 du Code civil (N° Lexbase : L1010KZG) : quoi qu'il n'ait pas été applicable à l'espèce, ses dispositions sont presque reprises à la lettre. Inspiré par le projet "Catala" (2), cet article dispose que "les contrats sur la preuve sont valables lorsqu'ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition", tout en précisant que "néanmoins, ils ne peuvent contredire les présomptions irréfragables établies par la loi, ni modifier la foi attachée à l'aveu ou au serment [et qu'ils] ne peuvent davantage établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable". Si elle se garde de l'affirmer expressément, la Cour régulatrice interprète donc sans conteste le droit ancien à la lumière du droit nouveau. La solution étant inédite, l'arrêt comble ainsi rétrospectivement un vide jurisprudentiel en s'inspirant de la réforme. Cette décision mérite cependant aussi d'être étudiée sur le fond. À l'instar de l'article 1356 du Code civil -par hypothèse- elle fixe, en effet, le cadre de l'admissibilité des contrats portant sur la preuve (I) et précise le sort des clauses établissant des présomptions irréfragables (II).

I - Admissibilité des conventions portant sur la preuve

Les contrats portant sur la preuve ne sont licites que sous deux séries de restrictions : les unes tiennent à l'impérativité des droits sur lesquels ils portent (A), les autres résultent de ce que certaines règles de preuve sont d'ordre public (B).

A - Restrictions tenant à l'impérativité des droits

Les contrats sur la preuve sont donc valables lorsqu'ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition. L'affirmation n'est sur ce point pas neuve (3). Dès 1970, la Cour de cassation a affirmé que "les dispositions de l'article 1341 [devenu 1359] (N° Lexbase : L1007KZC) du Code civil ne sont pas d'ordre public et que les parties peuvent renoncer à leur application" (4). La multiplication des conventions portant sur la preuve ont conduit quelques années plus tard la Cour régulatrice à préciser sa solution en affirmant que "pour les droits dont les parties ont la libre disposition, les conventions relatives à la preuve sont licites" (5).

La validité de la convention de preuve dépend donc de l'objet sur lequel elle porte. Les parties à un contrat de dépôt sont par exemple libres de convenir de mettre la preuve du manquement du dépositaire à la charge du déposant (6). La clause est en revanche inefficace si la matière est d'ordre public et les droits en jeu impératifs : ainsi la clause faisant peser sur le salarié la preuve du respect de la clause de non-concurrence est-elle inopérante (7). La "libre disponibilité" dont il est question se confond avec l'ordre public. Il n'est cependant pas indifférent de relever que cette notion est ordinairement utilisée en matière de contrôle de la renonciation. Après tout, une partie ne renonce-t-elle pas à invoquer des faits dont elle aurait pu se prévaloir en consentant à une clause restreignant le recours à certains moyens de preuve ? La restriction conventionnelle des moyens de preuve peut ainsi confiner à la renonciation à une prérogative pour l'avenir : quelles qu'en soient les modalités, on saurait admettre qu'elle porte sur un droit d'ordre public non encore acquis.

Il en va de même lorsqu'un droit fondamental est en cause. Un arrêt rendu le 10 mars 2004 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en atteste. Un contrat d'assurance imposait en l'espèce à l'assuré d'établir, en cas de vol de son véhicule, "une pénétration dans l'habitacle par effraction, le forcement de la direction ou de son antivol et la modification des branchements électriques". La décision des juges du fond ayant admis le jeu de la clause fut censurée sous le double visa de l'ancien article 1315 (N° Lexbase : L1426ABG) (8) du Code civil et de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) : selon la Cour régulatrice, "La preuve du sinistre, qui est libre ne pouvait être limitée par le contrat" (9). L'invocation de la référence à la Convention européenne des droits de l'Homme était peut-être excessive. Peut-être l'effectivité du droit de recours de l'assuré était-elle d'ailleurs davantage en cause que le droit au procès équitable de l'article 6 § 1 ? L'essentiel est sans doute ailleurs : pas plus qu'une autre convention, le contrat portant sur la preuve ne peut déroger à l'ordre public ou aux droits et libertés fondamentaux. On s'explique dès lors que certaines de ces conventions soient impossibles, non pas en raison des droits qui en sont l'objet, mais parce que les règles relatives à la preuve sont parfois elles-mêmes d'ordre public.

B - Restriction tenant à l'impérativité des règles de preuve

Certaines règles de preuve sont d'ordre public : indépendamment des droits en cause, les parties ne sauraient donc y déroger. Le Code civil affirme le caractère impératif de quelques règles de preuve. Il n'est pas besoin d'aller chercher bien loin : le nouvel article 1356, qui inspire la décision commentée, dispose en effet que les contrats portant sur la preuve "ne peuvent contredire les présomptions irréfragables établies par la loi, ni modifier la foi attachée à l'aveu ou au serment" et précise qu'"ils ne peuvent davantage établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable". Ici reprise par la Cour de cassation, cette intangible impossibilité d'établir conventionnellement une présomption irréfragable doit être approuvée. Contrairement à la présomption simple, qui opère un renversement de la charge de la preuve, la présomption irréfragable constitue une véritable fiction juridique. Ces présomptions sont en réalité de véritables règles de fond, puisqu'elles empêchent la démonstration d'un fait nécessaire à l'invocation d'un droit. Les présomptions irréfragables portent ainsi atteinte à l'office du juge en le privant de son pouvoir d'appréciation. Or, si l'on peut admettre que ce pouvoir puisse être restreint par les parties, on voit mal comment le juge pourrait être contraint de statuer au mépris d'une réalité qu'il connaîtrait et de refuser à une partie un droit qui lui appartiendrait.

Si le principe posé par cette décision doit être approuvé sans réserve, on relèvera cependant que la qualification de présomption irréfragable est plus discutable. Si l'invocation du dysfonctionnement était certes soumise à des conditions de forme et de délai, elle n'était pas pour autant exclue. La présomption n'était-elle pas plutôt mixte, dès lors que les moyens de preuve étaient restreints sans que la preuve soit impossible ? A mois qu'il faille considérer que le caractère irréfragable est susceptible de varier dans le temps, et que la présomption mixte est devenue irréfragable à l'expiration du délai ? Quoi qu'il en soit, cette qualification accorte n'est pas si dommageable aux prévisions légitimes des parties, dès lors que l'arrêt ne prive pas la stipulation de tout effet.

II - Le sort des clauses établissant une présomption irréfragable

En s'inspirant des dispositions consacrées par l'ordonnance, cette décision scelle le sort de la clause établissant une présomption irréfragable en droit commun (A). Il n'est cependant pas certain que la solution qu'elle fixe ne soit pas perturbée à l'avenir par certaines dispositions de droit spécial (B).

A - Droit commun

Si l'article 1356, alinéa 2, du Code civil interdit la stipulation d'une présomption irréfragable, il ne prévoit guère de sanction à la règle qu'il édicte. Il n'est donc possible d'admettre que le contrat peut être expurgé de cette clause. Aussi cette décision adopte-t-elle un raisonnement plus subtil et mieux équilibré. En effet, selon la Cour de cassation, "ayant estimé que [le distributeur] rapportait la preuve que [la société éditrice] ne lui avait pas livré un progiciel qui pouvait fonctionner et être commercialisé, ce dont il résulte qu'elle avait renversé la présomption de recette tacite résultant de l'absence de réserve respectant le formalisme contractuellement prévu", la cour d'appel n'avait pas à vérifier que le formalisme contractuel avait été respecté. La présomption contractuelle ne disparaît donc pas, mais sa portée est réduite : la présomption irréfragable est ravalée à une présomption simple.

Cette solution permet de concilier les impératifs en cause. L'office du juge lui est d'abord restitué : il lui revient d'apprécier et de se convaincre de la réalité des faits. La volonté des parties n'est pas pour autant méconnue : la présomption demeure, à ceci près qu'il est permis de la renverser. La démarche doit être approuvée. Les clauses restreignant la liberté de preuve ont après tout leur légitimité : à l'instar des clauses limitatives de responsabilité, elles permettent de cantonner un risque économique qui serait sinon répercuté sur le contractant, à moins qu'il ne dissuade purement et simplement de la prestation. Il faut donc se satisfaire de ce que l'économie du contrat et la clause portant sur la preuve soient, l'une et l'autre, un tant soit peu préservées. Ces considérations ne valent cependant que pour autant que les deux parties sont de même force : aussi le législateur a-t-il, dans certains cas, opté pour des règles différentes, notamment en droit de la consommation.

B - Droits spéciaux

La clause restreignant la liberté de la preuve stipulée entre un professionnel et un consommateur -ou un non professionnel- est soumise à l'article L. 212-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3278K9B), qui prévoit que "dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat". Les clauses abusives au sens de cette disposition sont, comme on sait, réputées non écrites (10). Plus spécifiquement, le caractère abusif de la clause est présumé si elle a pour objet ou pour effet d'"imposer au consommateur la charge de la preuve, qui, en application du droit applicable, devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat" (11). Une telle clause est dite "noire" : la présomption du caractère abusif est irréfragable. Le Code de la consommation considère également qu'est abusive la clause qui conduit à "limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur" (12). La clause est cette fois dite "grise" : la présomption est simple. Si la frontière entre les deux types de clauses n'est pas aisée à tracer en pratique, la qualification de clause abusive débouche quoi qu'il en soit sur des effets tout différents de ceux de l'article 1356 du Code civil. La clause étant réputée non écrite, plus rien n'existe de la présomption : les parties sont renvoyées à l'application du droit commun. Un tel anéantissement de l'économie probatoire de la convention peut sans doute se comprendre, si l'on considère que les parties ne sont pas de même force. Il se pourrait cependant que la solution pratique déborde ce cadre en même temps que les dispositions du Code de la consommation.

La réforme du droit des contrats a conduit à la consécration de quelques dispositions qui régissent moins le droit commun des obligations que certains contrats spéciaux. Le nouvel article 1171 du Code civil (N° Lexbase : L0875KZG) dispose ainsi que "dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite". Par évidence, l'appréciation du déséquilibre significatif ne sera pas indifférente aux solutions admises dans le cadre des clauses abusives du Code de la consommation. Il n'y a donc pas de raison de penser qu'une clause établissant une présomption ne devrait pas être qualifiée d'abusive au sens de ce texte. La partie souhaitant échapper à la clause disposerait ainsi de deux moyens ne tendant pas aux mêmes fins pour y faire échec : l'article 1356 lui permettrait de renverser la présomption, quand l'article 1171 lui offrira de la faire disparaître tout à fait. Le choix devrait être vite fait ! Peut-être se consolera-t-on de cette incohérence en observant que l'hypothèse des contrats d'adhésion recouvre largement celle des conventions entre consommateurs et professionnels. On aurait tort. Non seulement cet article saisit également les conventions passées entre professionnels, mais il pourrait être relayé, au-delà même des contrats d'adhésion, par le nouvel article 1170 du Code civil (N° Lexbase : L0876KZH), selon lequel "toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite". N'est-ce pas en effet précisément ce qui est reproché aux clauses restreignant la liberté de la preuve ?

Au bout du compte, s'il faut approuver la Cour régulatrice d'interpréter le droit d'hier à la lumière de celui d'aujourd'hui, ce dernier suscite des sentiments mélangés. Si l'article 1356 du Code civil est satisfaisant, qui concilie de manière équilibrée l'office du juge à la liberté contractuelle, il n'est pas certain que l'économie de ce dispositif ne sera pas perturbée par la lutte contre les clauses abusives ou les dérives de l'obligation essentielle. Le nouvel article 1356 doit donc encore faire ses preuves à l'examen.


(1) Cass. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411, P+B+R+I (N° Lexbase : A8476TNA) : D., 2017. 793, obs. N. explicative de la Cour de cassation, note B. Fauvarque-Cosson ; ibid. 1149, obs. N. Damas ; AJDI, 2017. 612, obs. M. Thioye ; AJ Contrat, 2017. 175, obs. D. Houtcieff ; RTDCiv., 2017. 377, obs. H. Barbier ; Gaz. Pal. 2017, n°15, p.33, obs. D. Houtcieff ; Cass. 1ère civ., 20 septembre 2017, n° 16-12.906, FS-P+B (N° Lexbase : A7608WSL), Lexbase éd. priv., 2017, n° 715, nos obs. (N° Lexbase : N0576BXM) ; Cass. soc., 21 septembre 2017, deux arrêts, n° 16-20.103 (N° Lexbase : A7544WS9) et n° 16-20.104 (N° Lexbase : A7687WSI), FS-P+B+R+I, obs. C. Radé, in Lexbase éd. soc., 2017, n° 714 (N° Lexbase : N0431BXA) ; D., 2017. 2007, D. Mazeaud ; AJ contrat, 2017, p.480, C.E. Bucher.
(2) Avant-projet de réforme du droit des obligations, art. 1289 : "Les conventions relatives à la preuve sont licites. Néanmoins, elles ne peuvent ni écarter ni affaiblir les présomptions établies par la loi et ne peuvent davantage modifier la foi que la loi attache à l'aveu ou au serment. Elles ne peuvent davantage établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable attachée à ses propres écritures".
(3) V. not. M. Lamoureux, Les limites des clauses de preuve, RLDC, 2010, n° 71, p.10 et s. ; A. Aynès, Conventions sur la preuve : validité limitée, Dr.et Pat., 2015, n° 250, p.45 et s..
(4) Cass. soc., 9 avril 1970, n° 69-40.144 (N° Lexbase : A7479CG4), Bull. civ. V, n° 234.
(5) Cass. civ. 1, 8 novembre 1989, n° 86-16.197 (N° Lexbase : A2014AH3), Bull. civ. I, n° 342, D., 1990. 369, note M. Gavalda; JCP éd. G, 1990. II. 21576, note G. Virassamy; D., 1990. Somm. 327, obs. J. Huet.
(6) Cass. civ. 1, 30 octobre 2007, n° 06-19.390, F-P+B (N° Lexbase : A2395DZQ), Bull. civ. I, n° 328, D., 2008, p. 2820, obs. Ph. Delebecque.
(7) Cass. soc., 25 mars 2009, n° 07-41.894, F-P+B (N° Lexbase : A1978EEY), Bull. civ. V, nº 85.
(8) Selon cet article, "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation". Cette disposition est désormais reprise au nouvel article 1353 du Code civil (N° Lexbase : L1013KZK).
(9) Cass. civ. 2, 10 mars 2004, n° 03-10.154, F-P+B (N° Lexbase : A4966DBK), Bull. civ. II, n° 101, RDC, 2004, p. 1080, obs. A. Debet. RDC, 2004, p. 938, obs. Ph. Stoffel-Munck, RTDCiv., 2005, p. 133, obs. J. Mestre et B. Fages.
(10) C. consom., art. L. 241-1 (N° Lexbase : L1415K7K).
(11) C. consom., art. R. 212-1, 12°(N° Lexbase : L0546K94).
(12) C. consom., art. R. 212-1, 9°.

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Droit social européen

[Brèves] Force probatoire du certificat E 101 : la solution européenne confirmée par l'Assemblée plénière

Réf. : Ass. plén., 22 décembre 2017, n° 13-25.467, P+B+R+I (N° Lexbase : A0604W9A)

Lecture: 2 min

N1953BXM

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par Laïla Bedja

Le 04 Janvier 2018

Il résulte de l'article 12 bis du Règlement n° 574/72 (N° Lexbase : L7131AUN), fixant les modalités d'application du Règlement n° 1408/71 (N° Lexbase : L4570DLT), tel qu'interprété par la CJUE (CJUE, 27 avril 2017, aff. C-620/15 N° Lexbase : A8174WAY), qu'un certificat E 101 délivré par l'institution désignée par l'autorité compétente d'un Etat membre, lie tant les institutions de Sécurité sociale de l'Etat membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet Etat membre, même lorsqu'il est constaté par celles-ci que les conditions de l'activité du travailleur concerné n'entrent manifestement pas dans le champ d'application matériel de cette disposition du Règlement n° 1408/71. Ainsi, les institutions des Etats amenés à appliquer les Règlements n° 1408/71 et 574/72, y compris la Confédération suisse, conformément à l'accord CE-Suisse susvisé, doivent, même dans une telle situation, suivre la procédure fixée par la Cour de justice en vue de résoudre les différends entre les institutions des Etats membres qui portent sur la validité ou l'exactitude d'un certificat E 101. Telle est la solution retenue par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation dans une décision rendue le 22 décembre 2017 (Ass. plén., 22 décembre 2017, n° 13-25.467, P+B+R+I N° Lexbase : A0604W9A).

En l'espèce, le litige à l'origine du pourvoi opposait l'URSSAF à une entreprise allemande, qui avait fait l'objet d'un redressement de cotisations sociales fondé sur l'application de la loi française de sécurité sociale. La société allemande revendiquait l'application à ses salariés employés sur deux bateaux lui appartenant du régime de sécurité sociale suisse, arguant du fait qu'elle possédait une succursale sur le territoire de la Confédération suisse.
La cour d'appel avait constaté que les membres du personnel de l'employeur concernés par le redressement litigieux exerçaient leur activité sur le seul territoire français ; or, pour l'application de l'article 14 § 2, a, i, du Règlement relatif au certificat E 101, subordonne l'application au travailleur concerné de la législation de Sécurité sociale de l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve la succursale de son employeur à la condition que ce travailleur "exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres". L'Assemblée plénière avait pris la décision de surseoir à statuer sur le pourvoi et de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle (Ass. plén., 6 novembre 2015, n° 13-25.467, P+B+R+I N° Lexbase : A8408NUX ; lire notre brève N° Lexbase : N9827BUI). La CJUE avait alors rappelé la solution précitée.

Suivant la décision des juges européens et énonçant la solution sus-énoncée, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar (CA Colmar, 12 septembre 2013, n° 11/01483 N° Lexbase : A3380KLR).

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Expropriation

[Chronique] Chronique de droit de l'expropriation - Janvier 2018

Lecture: 12 min

N1955BXP

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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine, directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique, directeur adjoint de l'IRENEE

Le 04 Janvier 2018

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de droit de l'expropriation rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE). Elle traitera tout d'abord des conséquences que peut avoir le classement des parcelles à exproprier par le PLU sur l'indemnisation des personnes évincées (CE 1° et 6° ch.-r., 2 octobre 2017, n° 398322, mentionné aux tables du recueil Lebon, et deux arrêts, inédits au recueil Lebon, n°s 398323 et 398324). Elle reviendra ensuite sur les problématiques liées à la nomination des membres de la commission d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et sur la notion d'utilité publique (CE, 23 octobre 2007, n° 390999, inédit au recueil Lebon). La chronique traitera enfin de la question de l'utilisation du RPVA dans le contentieux d'appel de l'expropriation (Cass. civ. 2, 19 octobre 2017, n° 16-24.234, F-P+B).
  • L'incidence du classement des parcelles à exproprier par le plan local d'urbanisme sur l'indemnisation des personnes évincées (CE 1° et 6° ch.-r., 2 octobre 2017, n° 398322, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6433WTG, et deux arrêts, inédits au recueil Lebon, n°s 398323 N° Lexbase : A6434WTH et 398324 N° Lexbase : A6435WTI)

La valeur des biens expropriés dépend très largement de leur classement par le plan local d'urbanisme, les intérêts des propriétaires évincés étant alors avec en conflit avec ceux de l'administration. Dans la présente affaire, plusieurs propriétaires avaient été expropriés pour les besoins des travaux de dédoublement de l'autoroute A9 entre les communes de Montpellier et de Lattes. Dans la perspective d'obtenir une indemnisation plus importante, ils avaient demandé au maire de la commune de Lattes de convoquer le conseil municipal en vue de la modification du plan local d'urbanisme afin que les parcelles concernées par la procédure d'expropriation soient classées en zone AU, c'est-à-dire en zone à urbaniser (1). Cette demande ayant été rejetée, ils ont ensuite saisi le tribunal administratif de Montpellier d'un recours pour excès de pouvoir qui a été rejeté. Ce jugement a ensuite été réformé par la cour administrative d'appel de Marseille (CAA Marseille, 9ème ch., 29 janvier 2016, n° 14MA03253 N° Lexbase : A2374PK7) qui a annulé le refus implicite du maire et qui lui a enjoint de convoquer le conseil municipal de la commune de Lattes en vue d'opérer une modification du classement des parcelles.

Saisi dans le cadre d'un recours en cassation, le Conseil d'Etat doit d'abord résoudre une première difficulté liée au fait que le pourvoi est intenté à la fois par la commune de Lattes et par Montpellier méditerranée métropole (MMM) qui n'apparaît pas dans la procédure antérieure. Cette irruption devant le juge de cassation s'explique par le fait que cette métropole, dont le périmètre géographique inclut la commune de Lattes, a été créée par le décret n° 2014-1605 du 23 novembre 2014 (N° Lexbase : L1582I7Q) (2) qui est entré en vigueur le 1er janvier 2015. A cette date, conformément aux dispositions de l'article L. 5217-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L1333LDQ), la métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres les compétences qui lui sont transférées, ce qui concerne notamment l'aménagement de l'espace métropolitain et plus précisément l'élaboration du plan local d'urbanisme. Dans une telle hypothèse, en application de l'article L. 5211-5 du même code (N° Lexbase : L3480IZW), l'EPCI "est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, aux communes qui le créent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes". Dans un autre arrêt du 30 janvier 2017 (3), le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion d'admettre que dans un tel cas l'intercommunalité peut se substituer à une de ses communes membres dans un pourvoi formé contre une décision portant sur le plan local d'urbanisme dès lors que, avant le dépôt de ce pourvoi, cette compétence a été transférée à l'EPCI. En l'espèce, la fin de non-recevoir tirée de ce que MMM n'avait pas qualité pour se pourvoir en cassation est donc écartée.

La question de l'intérêt à agir des requérants ne pose pas en revanche de grandes difficultés. Dans un arrêt du 9 mars 1990 (4), le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion de considérer que les habitants d'une commune justifient d'un intérêt leur donnant qualité à agir contre "le plan d'occupation des sols dans l'ensemble de ses dispositions". Si, à proprement parler, sont visées dans la présente affaire non pas des "habitants" mais des "propriétaires", le Conseil d'Etat admet logiquement qu'en "leur reconnaissant un intérêt pour agir en leur qualité de propriétaires de la portion de terrain [qu'elles] avaient conservée à la date d'introduction de leur demande de première instance, la cour n'a pas commis d'erreur de droit".

Sur le fond, l'affaire soumise au Conseil d'Etat soulevait la question du contrôle du plan local d'urbanisme au regard du projet d'aménagement et de développement durable (PADD). Selon l'article L. 123-1 du Code de l'urbanisme alors en vigueur (N° Lexbase : L7566IM8) (5), la PADD, qui fait partie du plan local d'urbanisme "définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune". Plus précisément, il résulte de l'article L. 123-1-3 du même code alors en vigueur (N° Lexbase : L2447KH4) (6), que le PADD "définit les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques".

Les collectivités publiques requérantes considèrent que la cour administrative d'appel de Marseille est allée au-delà du contrôle de cohérence visé par l'article L. 123-1 du Code de l'urbanisme et qu'elle a réalisé un véritable contrôle de conformité du PLU au regard du PADD. Or, comme l'expriment P. Soler-Couteaux et E. Carpentier, "de manière générale, c'est l'exigence de compatibilité qui prévaut entre les différents documents et normes d'urbanisme, et ce en vertu des exigences constitutionnelles de libre administration des collectivités territoriales et de non instauration d'une tutelle d'une collectivité sur une autre" (7).

En l'espèce, la cour avait conclu à l'illégalité du PLU au motif que le classement des parcelles litigieuses en zone agricole contrevenait aux orientations du PADD qui prévoyait dans ce secteur des zones d'extension économique et d'équipement nécessitant, au moins partiellement, une urbanisation. Il y a là, sans nul doute, une incohérence qui pouvait conduire à conclure à l'illégalité du PLU, sans pour autant que le contrôle de cohérence ou de compatibilité ne dégénère en contrôle de conformité.

Toutefois, une autre difficulté se pose en lien avec la substitution de MMM à la commune de Lattes en cours de l'instance d'appel. Certes, elle ne concerne pas le litige principal soumis à la cour qui relève du contentieux de l'excès de pouvoir. Dans le cadre de ce contentieux en effet, la légalité de la décision attaquée doit être appréciée à la date à laquelle cette décision est intervenue, soit le 5 novembre 2012, la commune était bien compétente pour refuser de modifier le PLU. Tel n'était pas le cas, en revanche, pour les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de convoquer le conseil municipal pour délibérer sur les modifications apportées aux PLU. En effet, comme l'a précisé le Conseil d'Etat à l'occasion de l'arrêt de Section "Leveau" du 4 juillet 1997 (8), le juge de l'exécution doit statuer sur les conclusions à fin d'injonction en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision. Or, à cette date ce n'est plus la commune mais la métropole qui était compétente en matière de PLU. Le Conseil d'Etat censure l'erreur de droit ainsi commise par la cour. Jugeant ensuite le litige au fond elle réforme le jugement déféré et elle enjoint au président de l'EPCI de convoquer le conseil de la métropole pour délibérer d'une modification du PLU dans un délai de deux mois à compter de la lecture de sa décision.

  • L'utilité publique d'un projet en vue de travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien d'ouvrages de concession de transport ou de distribution d'électricité (CE, 23 octobre 2007, n° 390999, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5186WWY)

Le Conseil d'Etat est amené à statuer dans la présente affaire sur la légalité d'un arrêté préfectoral portant déclaration d'utilité publique concernant l'institution de servitudes et la réalisation de travaux relatifs à la création et la rénovation de lignes à très haute tension, dits projet "P3". Le Conseil d'Etat est ici compétent en premier et dernier ressort, conformément aux dispositions de l'article R. 341-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L7267KHM) selon lesquelles "lorsque le Conseil d'Etat est saisi de conclusions relevant de sa compétence de premier ressort, il est également compétent pour connaître de conclusions connexes relevant normalement de la compétence de premier ressort d'un tribunal administratif". En effet, les conclusions présentées par les requérants présentent un lien de connexité avec celles dirigées contre des arrêtés ministériels du 6 octobre 2014 portant déclaration d'utilité publique pour des projets similaires dits "P5" et "P6" qui constituent le prolongement du projet "P3".

Dans la présente décision, deux éléments méritent une attention particulière. Le Conseil d'Etat précise d'abord que le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut librement choisir les membres de la commission d'enquête sur les listes d'aptitudes (I). Il se prononce ensuite sur l'utilité publique du projet (II).

I - L'autorité compétente peut librement choisir les membres de la commission d'enquête sur les listes d'aptitude

En application de l'article L. 123-4 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L8118K9K), "dans chaque département, une commission présidée par le président du tribunal administratif ou le conseiller qu'il délègue établit une liste d'aptitude des commissaires enquêteurs [...] l'enquête est conduite, selon la nature et l'importance des opérations, par un commissaire enquêteur ou une commission d'enquête choisi par le président du tribunal administratif ou le conseiller délégué par lui à cette fin parmi les personnes figurant sur les listes d'aptitude". Pour le Conseil d'Etat, il résulte de ces dispositions que "les membres d'une commission d'enquête peuvent être choisis librement [...] parmi les personnes figurant sur les listes d'aptitudes établies par département, sans que ce choix, qui n'a pas à être motivé, ne soit limité à la liste établie dans le département dans lequel se situe le projet devant donner lieu à enquête publique". Cette solution est dans le droit fil de la jurisprudence antérieure qui reconnaît à l'autorité compétence une grande latitude. Dans un arrêt du 26 juin 2014, la cour administrative d'appel de Douai a ainsi considéré que dès lors qu'un commissaire enquêteur était inscrit sur une liste d'aptitude, "il pouvait être désigné sans avoir à justifier de compétences techniques propres au projet, objet de l'enquête" (9). De même, dans un arrêt du 27 avril 2017 (CAA Bordeaux, 5ème ch., 27 avril 2017, n° 16BX03357 N° Lexbase : A3187WBN), la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu estimer qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose qu'un commissaire-enquêteur "qui doit seulement figurer sur la liste d'aptitude visée à l'article L. 123-4 du Code de l'environnement" soit spécialisé en matière d'éoliennes, et cela alors même que le projet litigieux concernait l'implantation d'éoliennes.

Ce qui peut être contesté devant le juge administratif, ce n'est donc pas la compétence des membres de la commission d'enquête ou du commissaire enquêteur, mais leur indépendance qui doit être de nature à assurer leur parfaite impartialité. Ainsi, selon l'article L. 123-5 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L8117K9I), "ne peuvent être désignées commissaire enquêteur ou membre de la commission d'enquête les personnes intéressées au projet à titre personnel ou en raison de leurs fonctions, notamment au sein de la collectivité, de l'organisme ou du service qui assure la maîtrise d'ouvrage, la maîtrise d'oeuvre ou le contrôle de l'opération soumise à enquête". Doit ainsi être considéré comme "intéressé" au sens de ces dispositions un ingénieur des travaux publics de l'Etat qui avait pris une part importante à l'élaboration du projet et cela alors même que l'intéressé était à la retraite depuis plus de cinq ans (10). En revanche, tel n'est pas le cas pour un attaché de préfecture, qui exerçait les fonctions de secrétaire en chef d'une sous-préfecture et participait comme tel au contrôle de la commune expropriante, dès lors qu'à la date de sa désignation il avait cessé de participer à ce contrôle (11). En l'espèce, cette question ne pose toutefois pas de difficultés particulières. En effet, les requérants n'ont pas soutenu que les membres de la commission d'enquête auraient été intéressés à l'opération en cause. Dès lors, la seule circonstance qu'ils soient "des agents publics de l'Etat ou d'anciens agents publics de l'Etat n'est pas de nature, par elle-même [...] à faire douter de leur impartialité dans le cadre d'une enquête menée à l'occasion d'une déclaration d'utilité publique demandée par l'Etat".

II - L'utilité publique de l'opération contestée

En application de la théorie dite "du bilan" (12), les juges rappellent qu'un projet "relatif à l'établissement d'une nouvelle ligne électrique à très haute tension ne peut légalement être déclaré d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'il comporte ne sont pas excessifs, eu égard à l'intérêt qu'il présente". La présente affaire ne déroge pas à la règle implicite selon laquelle plus le projet est important, plus les inconvénients induits par l'opération auront tendance à être minorés par les avantages qu'il présente. Lorsque le projet d'expropriation a pour objet la production énergétique, comme ici, les juges tendront presque systématiquement à conclure à un bilan positif. Ainsi, par exemple, il a été jugé que la rationalisation de la production et de la distribution d'énergie électrique présente "en elle-même un caractère d'utilité publique" et que "les inconvénients de toutes natures présentés par le projet litigieux, compte tenu des précautions prises pour réduire au minimum la gêne occasionnée à l'ensemble des autres intérêts publics et privés, ne sont pas excessifs eu égard aux avantages qu'il comporte" (13). En sens contraire, il a été toutefois jugé que les atteintes graves portées par un projet de construction d'une ligne électrique aérienne à très haute tension traversant le site des gorges du Verdon excèdent l'intérêt de l'opération et sont de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique (14).

La présente affaire s'inscrit dans le courant jurisprudentiel dominant qui conduit à reconnaître l'utilité publique des opérations d'expropriation poursuivies en vue de la production d'énergie. Plus précisément, deux points sont particulièrement visés par cet arrêt. D'une part, les juges relèvent que la construction de la nouvelle ligne objet de l'opération contestée, se justifie par une augmentation des risques de délestage, d'écroulement de tension et de surcharge. D'autre part, l'impact paysager du projet "P3" apparaît limité, s'agissant de la construction d'une ligne majoritairement souterraine accompagnée de la mise en souterrain d'une partie de la ligne existante ainsi que la dépose de certains tronçons existants. Les juges relèvent également l'existence de nombreuses mesures "prévues pour atténuer et compenser l'impact de cette ligne sur la faune et la flore". Il n'y a donc pas en l'espèce "[d'atteintes] nouvelles et très significatives" à l'environnement, et notamment au paysage qui avaient justifié l'annulation de la déclaration d'utilité publique dans l'affaire Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac Sainte-Croix et des lacs et sites du Verdon.

  • La déclaration d'appel peut être valablement adressée au greffe de la cour d'appel par le RPVA (Cass. civ. 2, 19 octobre 2017, n° 16-24.234, F-P+B N° Lexbase : A4653WWA)

En l'espèce, la société X avait exercé son droit de préemption sur diverses parcelles appartenant à M. et Mme. Y. Elle a ensuite saisi le juge de l'expropriation, qui a fixé la valeur de ces parcelles par un jugement du 12 mai 2015, signifié le 20 mai 2015. M. et Mme Y ont adressé au greffe de la cour d'appel une déclaration d'appel, le 16 juin 2015, par la voie électronique, réitérée le 25 juin 2015 par lettre recommandée.

Dans un arrêt du 22 juillet 2016, la chambre de l'expropriation de la cour d'appel de Rennes avait déclaré irrecevable cet appel au motif que l'avocat des appelants avait envoyé une déclaration d'appel au greffe par la voie de la communication électronique, le 16 juin 2015, et que ce message avait été refusé, le jour même, au motif qu'il n'était pas conforme aux exigences de la convention relative à la communication électronique (15). En effet, cette déclaration d'appel n'était pas conforme au protocole mis en place avec le barreau de Nantes. La cour d'appel avait relevé également que ce refus était conforme à l'article 5 de la convention passée avec ce barreau, selon lequel "lorsqu'une déclaration d'appel est incorrecte et refusée par l'application informatique, il est envoyé à l'expéditeur un accusé de réception négatif dès l'ouverture du message par le greffe au plus tard le jour ouvrable suivant". Or en l'espèce, l'expéditeur, qui avait été immédiatement informé de ce refus, n'avait adressé sa déclaration d'appel par lettre recommandée qu'après l'expiration du délai d'un mois pour former appel.

La Cour de cassation invalide se raisonnement. Elle rappelle qu'en matière d'expropriation, la déclaration d'appel et les pièces qui lui sont associées peuvent être valablement adressées au greffe de la chambre de l'expropriation par la voie électronique par le biais du réseau privé virtuel avocat (RPVA). Cette règle, qui avait déjà été affirmée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (16), est ici réitérée par la deuxième chambre. C'est au regard des dispositions des articles 748-1 (N° Lexbase : L0378IG4) et suivants du Code de procédure civile et de l'arrêté pris en application de ces articles par le Garde des Sceaux le 5 mai 2011 que doit être appréciée la régularité de la transmission par voie électronique d'une déclaration d'appel formée contre un jugement rendu en matière d'expropriation. L'arrêt attaqué est en conséquence cassé.


(1) Sont concernés, selon l'article R. 151-20 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L0322KWT), "les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation".
(2) JO, 23 décembre 2014.
(3) CE, 30 janvier 2017, n° 395167 (N° Lexbase : A6991TA8).
(4) CE, 9 mars 1990, n°s 42563 (N° Lexbase : A5891AQA) et n° 42595 (N° Lexbase : A5892AQB), Tables. p. 1034, RD. imm., 1990, p. 353, LPA, 11 janvier 1991, p. 6.
(5) Actuellement C. urb., art. L. 151-5 (N° Lexbase : L2562KIQ).
(6) Ibid.
(7) Le droit de l'urbanisme, Dalloz, coll. Hypercours, 6ème éd., p. 83.
(8) CE, 4 juillet 1997, n° 161105 (N° Lexbase : A0876AE8), Rec. p.282.
(9) CAA Douai, 1ère ch., 26 juin 2014, n° 13DA00991 (N° Lexbase : A6473MSK).
(10) CE, 19 janvier 1996, n° 159392 (N° Lexbase : A7352ANM), AJDA, 1996, p. 465, obs. R. Hostiou, RD imm., 1996, n° 2, p. 195, LPA, 25 septembre 1996, p. 6, obs. J. Morand-Deviller, RDP, 1996, p. 1214, Rec. CE, 1996, p. 7.
(11) CE, 31 mai 1989, n° 82958, 82959 (N° Lexbase : A3242AQ7).
(12) CE, Ass., 28 mai 1971, n° 78825 (N° Lexbase : A9136B8U), Rec. CE 1971, p. 409, concl. G. Braibant, D. 1972, jurispr. p. 194, note J. Lemasurier, RDP, 1972, p. 454, note M. Waline, AJDA, 1971, p. 404, chron. D. Labetoulle et X. Cabanes, concl. G. Braibant, Rev. adm., 1971, p. 422, concl. G. Braibant, JCP éd. G, 1971, II, 16873, note A. Homont, CJEG, 1972, p. 35, note J. Virole.
(13) CE, 7 avril 1993, n° 81281 (N° Lexbase : A9174AMQ), JCP éd. G 1993, IV, 1532. V. également, concernant une ligne électrique, CE, 28 juillet 1999, n° 184268 (N° Lexbase : A5151AX3), CJEG, 2000, p. 31, note Martin ; CE, 14 novembre 2005, n° 275283 (N° Lexbase : A6368DLG) ; CE, 10 novembre 2006, n° 275013 (N° Lexbase : A2881DSI) ; CE, 27 mars 2009, n° 298046 (N° Lexbase : A1810EER) ; CE, 24 mars 2010, n° 300852 (N° Lexbase : A1364EU3) ; CAA Lyon, 24 novembre 2008, n° 07LY01360 (N° Lexbase : A4084EPX).
(14) CE, 10 juillet 2006, n° 288108 (N° Lexbase : A3917DQ7), JCP éd. A, 2006, act. 630, obs. Rouault, JCP éd. G, 2006, IV, 2800.
(15) CA Rennes, 22 juillet 2016, n° 15/05251 N° Lexbase (N° Lexbase : A7539RXI).
(16) Cass. civ. 2, 10 novembre 2016, n° 14-25.631, FS -P+B (N° Lexbase : A9119SGT), lire nos obs., Dr. rur., 2017, comm. 41.

newsid:461955

Procédure civile

[Brèves] De l'admission d'une action en référé contre une occupation sans droit ni titre du bien d'autrui

Réf. : Cass. civ. 3, 21 décembre 2017, n° 16-25.469, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0712W9A)

Lecture: 1 min

N1943BXA

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par Aziber Seïd Algadi

Le 04 Janvier 2018

L'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite donnant lieu à une action en référé. Telle est la précision apportée par un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 21 décembre 2017 (Cass. civ. 3, 21 décembre 2017, n° 16-25.469, FS-P+B+I N° Lexbase : A0712W9A ; sur la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en référé, cf. Cass. civ. 3, 20 janvier 2010, n° 08-16.088, FS-P+B N° Lexbase : A4610EQS).

En l'espèce, l'office public de l'habitat, propriétaire d'un ensemble immobilier, a assigné en expulsion M. et Mme X.. Pour dire n'y avoir lieu à référé, la cour d'appel a retenu qu'une mesure d'expulsion, qui aurait pour effet de placer M. et Mme X dans une plus grande précarité, s'agissant de ressortissants syriens ayant été contraints de quitter leur pays d'origine, caractériserait une atteinte plus importante au droit au respect du domicile de M. et Mme X que le refus de cette mesure au droit de propriété de l'office public, et serait, à l'évidence, dans les circonstances de l'espèce, de nature à compromettre l'exercice par ceux-ci de leurs droits consacrés par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR), de sorte que le trouble allégué est dépourvu de toute illicéité manifeste.

L'arrêt est cassé par la Cour de cassation qui juge qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 849, alinéa 1er, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0814H4W), ainsi que le principe sus-énoncé (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1658EUX).

newsid:461943

Propriété intellectuelle

[Brèves] Impossibilité pour le titulaire d'une marque nationale de s'opposer à l'importation de produits identiques revêtus de la même marque provenant d'un autre Etat membre s'il a lui-même donné l'impression qu'il s'agit d'une marque unique et globale

Réf. : CJUE, 20 décembre 2017, aff. C-291/16 (N° Lexbase : A2523W8X)

Lecture: 2 min

N1940BX7

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par Vincent Téchené

Le 04 Janvier 2018

Le droit de l'Union fait obstacle à ce que le titulaire d'une marque nationale s'oppose à l'importation de produits identiques revêtus de la même marque provenant d'un autre Etat membre, où cette marque, qui appartenait initialement au même titulaire, est désormais détenue par un tiers qui en a acquis les droits par cession, lorsque, après cette cession, le titulaire, seul ou en coordonnant sa stratégie de marque avec ce tiers, a continué à favoriser de manière active et délibérée l'apparence ou l'image d'une marque unique et globale, en créant ou en renforçant ainsi une confusion aux yeux du public concerné quant à l'origine commerciale des produits revêtus de cette marque. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 20 décembre 2017 (CJUE, 20 décembre 2017, aff. C-291/16 N° Lexbase : A2523W8X).

Elle énonce qu'en adoptant un comportement qui a pour effet que la marque ne remplit plus sa fonction essentielle de garantie de l'identité d'origine du produit marqué, de façon indépendante, dans le cadre territorial qui lui est propre, le titulaire a lui-même porté atteinte à cette fonction, voire dénaturé celle-ci. Par conséquent, il ne saurait se prévaloir de la nécessité de sauvegarder cette fonction pour s'opposer à l'importation de produits identiques revêtus de la même marque provenant d'un autre Etat membre où cette marque est désormais détenue par le tiers. La Cour juge, en outre, que même dans l'hypothèse où le titulaire n'a pas favorisé l'image d'une marque unique et globale, il ne saurait s'opposer à l'importation des produits lorsqu'il existe des liens économiques entre lui-même et le tiers. Le critère du lien économique est satisfait lorsque, après le fractionnement de marques parallèles nationales dû à une cession territorialement limitée, les titulaires de ces marques coordonnent leurs politiques commerciales ou s'accordent afin de contrôler conjointement l'utilisation de ces marques, de telle sorte qu'ils ont la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque est apposée et d'en contrôler la qualité. La Cour souligne que permettre aux titulaires des marques de protéger leurs territoires respectifs contre l'importation parallèle de ces produits aboutirait à un cloisonnement des marchés nationaux qui n'est pas justifié par l'objet du droit de marque et qui n'est notamment pas nécessaire pour préserver la fonction essentielle des marques concernées.

newsid:461940

Propriété intellectuelle

[Brèves] Licéité de la vente d'une glace sous la dénomination "Champagner Sorbet" ayant comme caractéristique essentielle un goût généré principalement par le champagne

Réf. : CJUE, 20 décembre 2017, C-393/16 (N° Lexbase : A2528W87)

Lecture: 2 min

N1938BX3

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par Vincent Téchené

Le 04 Janvier 2018

Une glace peut être vendue sous la dénomination "Champagner Sorbet" si cette glace a, comme caractéristique essentielle, un goût généré principalement par le champagne. Si tel est le cas, cette dénomination du produit ne tire pas indûment profit de l'appellation d'origine protégée (AOP) "Champagne". Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la CJUE le 20 décembre 2017 (CJUE, 20 décembre 2017, C-393/16 N° Lexbase : A2528W87).

Le Comité interprofessionnel du Vin de Champagne (CIPV) a attrait devant les juridictions allemandes une entreprise allemande afin que celui-ci soit condamné à cesser de vendre une glace sous la dénomination "Champagner Sorbet". Ce sorbet contient 12 % de champagne. Selon le CIPV, la distribution de ce sorbet sous cette dénomination viole l'appellation d'origine protégée (AOP) "Champagne".

La CJUE saisie de questions préjudicielles constate que l'exploitation illicite de la réputation d'une AOP suppose une utilisation de cette AOP visant à profiter indûment de la réputation de celle-ci. Selon elle, il est vrai que l'utilisation de la dénomination "Champagner Sorbet" pour désigner un sorbet contenant du champagne est de nature à faire rejaillir sur ce produit la réputation de l'AOP "Champagne", qui véhicule des images de qualité et de prestige, et donc à tirer profit de cette réputation. Toutefois, cette utilisation de la dénomination "Champagner Sorbet" ne tire pas indûment profit (et n'exploite donc pas illicitement la réputation) de l'AOP "Champagne" si le produit en cause a, comme caractéristique essentielle, un goût généré principalement par le champagne. Il incombe à la juridiction nationale d'apprécier, au vu des éléments de preuve qui lui sont présentés, si tel est le cas. La Cour précise à cet égard que la quantité de champagne contenue dans le sorbet constitue un critère important, mais non suffisant. La Cour constate par ailleurs que si le sorbet en cause n'avait pas, comme caractéristique essentielle, un goût généré principalement par le champagne, il pourrait également être considéré que la dénomination "Champagner Sorbet" apposée sur le conditionnement ou l'emballage de ce sorbet constitue une indication fausse et fallacieuse, et est donc illicite pour cette même raison. En effet, une AOP est protégée non seulement contre des indications fausses ou fallacieuses qui sont de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit concerné, mais également contre des indications fausses et fallacieuses portant sur la nature ou sur les qualités substantielles de ce produit.

newsid:461938

Sécurité sociale

[Brèves] La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 actée !

Réf. : Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, de financement de la Sécurité sociale pour 2018 (N° Lexbase : L7951LHX)

Lecture: 1 min

N1952BXL

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par Laïla Bedja

Le 04 Janvier 2018

Publiée au Journal officiel du 31 décembre 2017 et après avoir été jugée conforme pour la grande majorité de ses dispositions par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2017-756 DC du 21 décembre 2017 N° Lexbase : A1510W9S, lire notre brève N° Lexbase : N1951BXK), la loi de financement pour la Sécurité sociale pour 2018 est actée (loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, de financement de la Sécurité sociale pour 2018 N° Lexbase : L7951LHX).
Composée de 78 articles, la LFSS pour 2018 contient d'importantes mesures marquant une évolution pour la protection sociale. Ainsi, par ordre d'apparition et sans exhaustivité, les mesures touchant la protection sociale sont les suivantes :
- augmentation de 1,7 point de la contribution sociale généralisée pour l'ensemble des revenus d'activité, à l'exception des allocations de chômage et des indemnités journalières ;
- allègement des prélèvements sur les revenus d'activités afin d'améliorer le pouvoir d'achat ;
- suppression du régime social des indépendants, dont la protection sociale est confiée au régime général ;
- unification de la date de revalorisation des pensions de retraite ;
- revalorisation pour tous ses bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ;
- modification de la date de début d'indemnisation des victimes de maladie professionnelle ;
- organisation de la prise en charge de la télémédecine par l'assurance maladie en vue de sa généralisation.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 fera l'objet d'un développement approfondi par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen, dans la revue, Lexbase - édition sociale, du 4 janvier 2018 (N° Lexbase : N2082BXE).

newsid:461952

Transport

[Brèves] Mise en relation avec des chauffeurs non professionnels fourni par Uber : qualification de services dans le domaine des transports librement réglementés par les Etats membres

Réf. : CJUE, 20 décembre 2017, aff. C-434/15 (N° Lexbase : A2531W8A)

Lecture: 2 min

N1937BXZ

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par Vincent Téchené

Le 04 Janvier 2018

Le service de mise en relation avec des chauffeurs non professionnels fourni par Uber relève des services dans le domaine des transports. Les Etats membres peuvent par conséquent réglementer les conditions de prestation de ce service. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 20 décembre 2017 (CJUE, 20 décembre 2017, aff. C-434/15 N° Lexbase : A2531W8A).

Elle déclare, précisément, qu'un service d'intermédiation qui a pour objet, au moyen d'une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain, doit être considéré comme étant indissociablement lié à un service de transport et comme relevant dès lors de la qualification de "service dans le domaine des transports" au sens du droit de l'Union. Un tel service doit, par conséquent, être exclu du champ d'application de la libre prestation des services en général ainsi que de la Directive relative aux services dans le marché intérieur (Directive 2006/123 N° Lexbase : L8989HT4) et de la Directive sur le commerce électronique (Directive 2000/31 N° Lexbase : L8018AUI). Il s'ensuit que, en l'état actuel du droit de l'Union, il revient aux Etats membres de réglementer les conditions de prestation de tels services dans le respect des règles générales du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

La Cour considère que le service fourni par Uber ne se résume pas à un service d'intermédiation consistant à mettre en relation, au moyen d'une application pour téléphone intelligent, un chauffeur non professionnel utilisant son propre véhicule et une personne qui souhaite effectuer un déplacement urbain. Elle estime que le fournisseur de ce service d'intermédiation crée en même temps une offre de services de transport urbain, qu'il rend accessible notamment par des outils informatiques et dont il organise le fonctionnement général en faveur des personnes désireuses de recourir à cette offre aux fins d'un déplacement urbain. La Cour relève, à cet égard, que l'application fournie par Uber est indispensable tant pour les chauffeurs que pour les personnes désireuses d'effectuer un déplacement urbain. Elle souligne également qu'Uber exerce aussi une influence décisive sur les conditions de la prestation des chauffeurs. Par conséquent, la Cour estime que ce service d'intermédiation doit être considéré comme faisant partie intégrante d'un service global dont l'élément principal est un service de transport et, partant, comme répondant à la qualification non pas de "service de la société de l'information", mais de "service dans le domaine des transports".

newsid:461937