La lettre juridique n°721 du 30 novembre 2017

La lettre juridique - Édition n°721

Copropriété

[Brèves] Procès-verbal d'AG : à propos de la mention des réserves formulées par les copropriétaires ou associés opposants sur la régularité des décisions

Réf. : Cass. civ. 3, 23 novembre 2017, n° 16-25.125, FS-P+B (N° Lexbase : A5764W3U)

Lecture: 1 min

N1445BXS

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 30 Novembre 2017

En vertu de l'article 17 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L5503IGW), le procès-verbal d'une assemblée générale mentionne les réserves formulées par les copropriétaires ou associés opposants sur la régularité des décisions. Cette mention ne concerne que celles émises lors du déroulement de celle-ci ; aussi, la demande d'un copropriétaire tendant à l'annexion au procès-verbal d'une note qu'il a adressée au syndic préalablement à la tenue de l'assemblée, faisant état de doléances et contestations de l'ordre du jour, ne saurait donc être accueillie, étant dépourvue de fondement textuel. Telle est la solution retenue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 23 novembre 2017 (Cass. civ. 3, 23 novembre 2017, n° 16-25.125, FS-P+B N° Lexbase : A5764W3U).

En l'espèce, un copropriétaire avait assigné, en référé, le syndicat des copropriétaires, son syndic, en annexion au procès-verbal de l'assemblée générale du 5 mars 2015 d'une note qu'il avait adressée au syndic le 26 février 2015, faisant état de ses doléances et contestations de l'ordre du jour de l'assemblée. Invoquant les dispositions précitées, le refus opposé par le syndic constituait, selon lui, un trouble manifestement illicite.

Il n'obtiendra pas gain de cause. La Cour suprême, retenant la solution précitée, approuve alors les juges d'appel qui, ayant exactement retenu que la demande d'annexion au procès-verbal de l'assemblée de la note en question était dépourvue de fondement textuel, avaient pu écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite (cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E7043ETZ).

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Cotisations sociales

[Brèves] Constitutionnalité des modifications du régime d'exonération des cotisations patronales en faveur des jeunes entreprises innovantes

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-673 QPC du 24 novembre 2017 (N° Lexbase : A2483W3D)

Lecture: 2 min

N1437BXI

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par Laïla Bedja

Le 30 Novembre 2017

La modification du régime d'exonération des cotisations patronales en faveur des jeunes entreprises innovantes prévues par l'article 175 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, de finances pour 2011 (N° Lexbase : L9901INZ) et l'article 37, IV, de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, de finances rectificative pour 2011 (N° Lexbase : L4994IRE) est conforme à la Constitution. Telle est la solution apportée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 24 novembre 2017 (Cons. const., décision n° 2017-673 QPC du 24 novembre 2017 N° Lexbase : A2483W3D).

Le Conseil a été saisi le 15 septembre 2017 par la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 14 septembre 2017, n° 17-40.050, F-D N° Lexbase : A0880WSE) d'une question prioritaire de constitutionnalité. La société requérante soutenait qu'en modifiant dans un sens défavorable le régime d'exonération des cotisations patronales de Sécurité sociale en faveur des jeunes entreprises innovantes, ces dispositions portent atteinte à des situations légalement acquises et remettent en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. Selon elle, en effet, les jeunes entreprises innovantes qui préexistaient à leur entrée en vigueur devaient conserver le bénéfice de l'exonération totale des cotisations patronales de Sécurité sociale, prévue par les dispositions initiales, jusqu'à la fin de la septième année suivant celle de leur création. Il en résulterait une méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D).

Pour les Sages, d'une part, en prévoyant, au paragraphe V de l'article 131 de la loi du 30 décembre 2003, dans ses rédactions antérieures à celles résultant des dispositions contestées, que l'exonération est applicable "au plus jusqu'au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'entreprise", le législateur a seulement entendu réserver cet avantage aux "jeunes" entreprises créées depuis moins de huit ans. D'autre part, si le bénéfice de l'exonération est accordé aux entreprises ayant le statut de jeune entreprise innovante en contrepartie du respect des conditions qui leur sont imposées par la loi, notamment en matière de dépenses de recherche et de modalités de détention de leur capital, ce bénéfice n'est acquis que pour chaque période de décompte des cotisations au cours de laquelle ces conditions sont remplies. Par conséquent, les dispositions contestées n'ont pas remis en cause les effets qui pouvaient être légitimement attendus de situations légalement acquises sur le fondement des rédactions antérieures des articles 131 de la loi de finances pour 2011 et 37 de la loi de finances rectificative pour 2011 (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E9534BXE).

newsid:461437

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Possibilité pour l'employeur de prévoir dans le règlement intérieur une clause de neutralité interdisant le port de signes distinctifs pour les salariés en contact avec la clientèle

Réf. : Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19.855, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A8116WZM)

Lecture: 2 min

N1431BXB

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par Charlotte Moronval

Le 30 Novembre 2017

L'employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l'ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur en application de l'article L. 1321-5 du Code du travail (N° Lexbase : L1848H9C), une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n'est appliquée qu'aux salariés se trouvant en contact avec les clients. Tel est le principe dégagé par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 novembre 2017 (Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19.855, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A8116WZM ; pour plus de précisions, voir également la notice explicative).

Il s'agit en l'espèce d'une salariée licenciée pour avoir refusé d'ôter son foulard islamique lors de ses contacts avec la clientèle. Saisie par la Cour de cassation dans le cadre d'une question préjudicielle, la CJUE a précisé dans deux arrêts du 14 mars 2017 (CJUE, 14 mars 2017, aff. C-188/15 N° Lexbase : A4830T3B et aff. C-157/15 N° Lexbase : A4829T3A, lire N° Lexbase : N7218BWA) l'interprétation qu'il convenait de retenir des dispositions de la Directive 78/2000/CE du 27 novembre 2000 (N° Lexbase : L3822AU4).

Enonçant la règle susvisée et tirant les conséquences en droit français des arrêts rendus par la CJUE, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 18 avril 2013, n° 11/05892 N° Lexbase : A2134KCZ) au visa des articles L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P), L. 1132-1 (N° Lexbase : L2682LBX), dans sa rédaction applicable, L. 1133-1 (N° Lexbase : L0682H97), L. 1321-3, 2°, du Code du travail (N° Lexbase : L8833ITC), dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 9 de la CESDH (N° Lexbase : L4799AQS) et les articles 2, § 2, et 4, § 1, de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000. Elle ajoute qu'en présence du refus d'une salariée de se conformer à une telle clause de neutralité dans l'exercice de ses activités professionnelles auprès des clients de l'entreprise, il appartient à l'employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9166ESB et N° Lexbase : E2590ET4).

newsid:461431

Électoral

[Brèves] Obligations déclaratives des membres du Gouvernement aux fins de prévention des conflits d'intérêts : les dispositions législatives sont suffisamment claires et précises

Réf. : Cass. crim., 22 novembre 2017, n° 16-86.475 (N° Lexbase : A5853W38)

Lecture: 1 min

N1444BXR

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par Yann Le Foll

Le 30 Novembre 2017

Les dispositions législatives relatives aux obligations déclaratives des membres du Gouvernement aux fins de prévention des conflits d'intérêts sont suffisamment claires et précises et ne contreviennent ni au principe de la légalité des délits et des peines, ni aux principes de clarté et de prévisibilité de la loi pénale. Ainsi statue la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 novembre 2017 (Cass. crim., 22 novembre 2017, n° 16-86.475 N° Lexbase : A5853W38).

Est donc rejeté le moyen dirigé contre l'article 5-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 (N° Lexbase : L8358AGN) et l'article 26, § I, de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 (N° Lexbase : L3622IYS), organisant ces obligations.

newsid:461444

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Clause résolutoire et clause de garantie du cédant : nouvelles frictions entre les baux commerciaux et les procédures collectives !

Réf. : Cass. com., 15 novembre 2017, n° 16-13.219, F-P+B (N° Lexbase : A6974WZC) ; Cass. com., 15 novembre 2017, n° 16-19.131, F-P+B (N° Lexbase : A7088WZK)

Lecture: 9 min

N1516BXG

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par Bastien Brignon, Maître de conférences - HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et de l'Institut de droit des affaires (IDA), Directeur du Master professionnel Ingénierie des sociétés

Le 30 Novembre 2017

1. Deux arrêts en date du 15 novembre 2017, publiés au Bulletin, rendus sous la présidence du Conseiller Réméry, doivent être soulignés en ce qu'ils posent des solutions inédites relatives aux baux commerciaux dans les procédures collectives. Le premier (1) considère qu'aucune disposition légale n'impose au bailleur de notifier au mandataire judiciaire un commandement de payer visant des loyers échus après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du preneur (I). Le second (2), pour sa part, estime que si l'article L. 641-12, alinéa 2, du Code de commerce, qui autorise le liquidateur à céder le bail des locaux utilisés pour l'activité du débiteur, répute non écrite toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire, cette règle ne profite qu'au preneur en liquidation judiciaire, de sorte qu'une telle clause retrouve son plein effet au profit du bailleur en cas de nouvelle cession du bail selon les modalités de droit commun (II). Deux solutions assez logiques mais qui méritent quelques explications. I - Résiliation du bail commercial après ouverture du redressement judiciaire

2. Dans la première affaire, il s'agissait d'un preneur à bail de locaux à usage commercial qui avait été mis en redressement judiciaire le 27 avril 2007. N'ayant pas été réglé des loyers dus pour les mois d'avril et de mai 2008, le bailleur avait, par conséquent, fait délivrer au locataire, le 20 mai 2008, un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail. Puis, le 23 mai 2008, le locataire avait été mis en liquidation judiciaire. Et la cession du fonds de commerce exploité dans les locaux loués, incluant la cession du bail, avait été ensuite autorisée. La vente du fonds de commerce était intervenue le 2 octobre 2008. Exposant alors que la clause résolutoire visée par le commandement de payer du 20 mai 2008 avait produit ses effets, faute de paiement dans le mois de sa délivrance, et que le bail cédé était résilié, le bailleur avait assigné le liquidateur et le preneur devant le tribunal pour que soit constatée la résiliation du bail.

3. Le mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire reproche aux juges du fond (3) d'avoir déclarée l'action de la SCI bailleresse recevable et d'avoir en conséquence constaté la résiliation dudit bail. Pour le liquidateur en effet, arguant d'une violation des articles L. 145-41 (N° Lexbase : L1063KZE) et L. 622-20 (N° Lexbase : L7288IZX) du Code de commerce, "le bailleur qui entend faire constater l'acquisition de la clause résolutoire d'un bail commercial pour non-paiement des loyers échus après le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit notifier le commandement de payer au mandataire judiciaire".

4. Mais la Cour de cassation rejette son pourvoi au motif qu'aucune disposition légale n'impose au bailleur de notifier au mandataire judiciaire un commandement de payer visant des loyers échus après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du preneur. En l'occurrence, ayant constaté que les loyers impayés étaient afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société débitrice et que le commandement de payer avait été signifié à la gérante de cette société au cours de la période d'observation, la cour d'appel a ainsi pu exactement retenir que cet acte avait pu produire effet. Le moyen n'est donc pas fondé.

5. Comme Alain Lienhard l'a souligné, cette décision "[...] est intéressante, car, jusqu'à cet arrêt, toutes les décisions de la Chambre commerciale relatives à la résiliation d'un bail commercial après le jugement d'ouverture s'étaient prononcées en faveur du cumul des dispositions protectrices du livre VI du Code de commerce, propres à la résiliation du bail d'un immeuble affecté à l'activité de l'entreprise en cas de procédure collective de celle-ci, et des dispositions protectrices découlant du statut des baux commerciaux, et notamment de l'article L. 145-41 du Code de commerce". C'est ainsi que la Chambre commerciale a pu juger, à juste titre, que le bailleur était soumis à l'exigence de délivrance préalable d'un commandement de payer (4), ou encore que le locataire pouvait bénéficier d'un délai de grâce (5).

6. Ces solutions ne sont pas, semble-t-il, remises en cause (6). Simplement, si le bailleur doit effectivement respecter les dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce prévoyant en cas de clause résolutoire un commandement de payer comme cela a déjà été jugé, en redressement judiciaire, il n'est pas nécessaire, pour autant, de notifier ce commandement au mandataire judiciaire. Une signification à la gérante durant la période d'observation est suffisante (7) (mais nécessaire).

7. La meilleure justification en est que le débiteur n'est pas dessaisi de ses droits (8). Quand bien même au demeurant "le serait-il, ses pouvoirs seraient transférés à l'administrateur, non au mandataire judiciaire. Ce qu'avait justement relevé la cour d'appel dans cette affaire [...]" écrit à très juste titre Alain Lienhard. La solution paraît logique. On peut néanmoins regretter cette absence "d'alerte" obligatoire car cela signifie qu'après trois mois à compter du jugement d'ouverture, le bail serait exposé à sa résiliation si le débiteur (outre le bailleur) n'informe pas le mandataire judiciaire du commandement. On voit ainsi combien il est toujours difficile de concilier les différents intérêts en présence, étant rappelé que la Cour de cassation a déjà pu considérer, par exemple et suivant la même logique, qu'aucune disposition légale n'impose au bailleur de dénoncer le commandement de payer visant la clause résolutoire aux créanciers inscrits (9).

8. Cela étant, d'une part, la solution ne saurait valoir en cas de liquidation judiciaire. Le principe du dessaisissement commande, au contraire, d'informer le liquidateur. Certes, en l'espèce, le redressement judiciaire avait été converti en liquidation judiciaire. Mais les loyers non payés étaient ceux postérieurs au redressement judiciaire. En d'autres termes, en cas de liquidation judiciaire, le bailleur doit notifier au mandataire à la liquidation le commandement de payer puisqu'il qu'il ne s'agit pas a priori d'un droit propre du débiteur. D'autre part, même en cas de redressement judiciaire, la notification doit tout de même être faite au débiteur, faute de quoi elle ne sera pas opposable à la procédure collective. De dernière part, même non obligatoire, le bailleur peut tout de même notifier son commandement au mandataire, de manière spontanée. Cela présente l'avantage de manifester son intention aux organes de la procédure collective ce qui n'est pas négligeable en vue d'une gestion saine de la situation (10).

9. Ce premier arrêt du 15 novembre 2017 comporte un autre point, à savoir que les loyers impayés étant afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société débitrice, les dispositions de l'article L. 641-12, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L3377IC3), dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT), ne trouvaient pas à s'appliquer. En effet, les loyers impayés étant des loyers échus, postérieurs au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, l'action était soumise aux dispositions de l'article L. 622-14, 2°, du même code (N° Lexbase : L3402ICY). Or, la bailleresse ayant agi en l'occurrence plus de trois mois après la date de ce jugement, conformément à ce dernier texte, l'action était recevable. Quoi que plus classique peut-être -encore que- que le précédent point, cette solution n'en reste pas moins inédite.

10. En raison de la conversion du redressement judiciaire en liquidation, le liquidateur estimait que les loyers impayés étaient antérieurs au jugement de liquidation judiciaire. C'est vrai. Toutefois, non seulement, les loyers impayés étaient postérieurs au redressement judiciaire mais surtout le bailleur avait fait délivrer le commandement de payer visant la clause résolutoire juste avant la conversion en liquidation judiciaire, de sorte que le droit applicable n'était pas celui de la liquidation judiciaire mais bel et bien celui du redressement judiciaire. Le jugement de redressement judiciaire datant de 2007, l'action des bailleresses introduite en 2008 respectait parfaitement le délai de trois mois. On peut rappeler d'ailleurs que le point de départ du délai de trois mois, avant l'expiration duquel l'action du bailleur en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire ne peut être engagée, est soit la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire lorsque celle-ci est prononcée immédiatement, soit celle du jugement d'ouverture de sauvegarde ou de redressement judiciaire en cas de conversion de la procédure en liquidation judiciaire (11).

II - Clause de garantie solidaire du cédant

11. Le second arrêt rapporté, du 15 novembre 2017 (n° 16-19.131), vient prendre position sur la clause de garantie solidaire du cédant. On sait que ces clauses, classiques dans les baux commerciaux, sont court-circuitées dans les procédures collectives et ce, pour faciliter la cession du droit au bail, très souvent, pour ne pas dire toujours, incluse dans la cession du fonds de commerce. Ainsi, les articles L. 641-12, avant dernier alinéa (N° Lexbase : L8859ING), pour la liquidation judiciaire, et L. 622-15 (N° Lexbase : L3874HB4), pour la sauvegarde et le redressement judiciaire, du Code de commerce, réputent non écrites ce type de clause.

12. Toutefois, la question se pose de savoir si ces textes doivent être interprétés strictement ou si, au contraire, ils doivent être appréhendés largement. Par un certain côté, on serait tenté de plaider une interprétation large, mais uniquement dans le périmètre des procédures collectives. Par un autre, cependant, lesdits textes, parce que c'est leur objet au fond, doivent être cantonnés aux procédures collectives. C'est ce que précise la Cour de cassation dans cette affaire. En l'espèce, un fonds de commerce, exploité dans des locaux donnés à bail, avait été acquis dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire. Par un acte du 16 mai 2011, l'acquéreur de ce fonds de commerce l'avait lui-même cédé. Le dernier cessionnaire avait cessé de payer les loyers à compter de juillet 2012 et avait été placé en liquidation judiciaire le 5 octobre suivant. Le bailleur a assigné l'acquéreur initial du fonds en paiement des loyers en se prévalant de la clause de garantie insérée au contrat de bail. Cet acquéreur s'y est opposé en faisant valoir que cette clause devait être réputée non écrite en application de l'article L. 622-15 du Code de commerce, ayant lui-même acquis le fonds, avec le droit au bail, dans le cadre de la liquidation judiciaire du précédent preneur (12). Condamné au paiement des loyers par les juges du fond, il s'est pourvu en cassation.

13. Mais la Cour de cassation rejette son pourvoir au motif que si l'article L. 641-12, alinéa 2, du Code de commerce, qui autorise le liquidateur à céder le bail des locaux utilisés pour l'activité du débiteur, répute non écrite toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire, cette règle ne profite qu'au preneur en liquidation judiciaire de sorte qu'une telle clause retrouve son plein effet au profit du bailleur en cas de nouvelle cession du bail selon les modalités de droit commun.

14. Cette solution, inédite, est aussi logique que celle ressortant de l'autre arrêt du 15 novembre 2017. En effet, la solidarité est écartée lorsque le débiteur/cédant se trouve en procédure collective. Tel n'était pas le cas en l'occurrence puisque, si la première liquidation judiciaire touchait effectivement le cédant, la seconde concernait le sous-cessionnaire. Or, les clauses réputées non écrites sont celles qui prévoient la solidarité du cédant envers le cessionnaire, étant précisé que le cédant doit être en procédure collective. S'il ne l'est pas, comme en l'occurrence, le droit commun, voire les stipulations contractuelles retrouvent à s'appliquer. On peut néanmoins regretter un fait : non pas tellement que le cédant n'ait pas vérifié ce point, mais surtout que, dans le cadre de la seconde cession, que le bailleur n'ait pas rappeler cette solidarité qui, en général, est intuitu personae. Il aurait été opportun de le faire. En effet, si l'on raisonne par analogie avec le cautionnement, on sait que la sûreté ne se transmet pas au débiteur qui n'accepte pas son transfert : le cédant/cessionnaire n'est tenu que s'il accepte de se porter caution, en réitérant éventuellement son engagement au moment de la sous-cession. Il n'en va pas de même visiblement concernant la clause de solidarité. Les choses allant mieux en les disant, clairement, on aurait souhaité que, dans le cadre de la sous-cession ou seconde cession, l'attention du cédant/cessionnaire soit attirée sur ce point. Certainement alors n'aurait-il pas contracté dans les mêmes conditions voire pas contracté du tout.

15. Cette solution sur la clause de solidarité est au demeurant l'occasion de rappeler que les clauses "inversées", quant à elles, restent pleinement efficaces dans les procédures collectives : le cessionnaire peut être solidaire du paiement des loyers et arriérés de loyers avec le cédant débiteur en difficulté financière (13). Par ailleurs, hors procédure collective, la loi "Pinel" du 18 juin 2014 (loi n° 2014-626 N° Lexbase : L4967I3D) a introduit dans le Code de commerce l'article L. 145-16-2 (N° Lexbase : L1932I4C) qui limite à trois ans la durée pendant laquelle le bailleur peut invoquer le bénéfice de la clause de solidarité. Ce texte n'est pas, a priori, d'ordre public. En outre, la cour d'appel de Versailles (14) vient de considérer que, si cette disposition nouvelle est d'application immédiate et est entrée en vigueur au 20 juin 2014 (15), c'est-à-dire le lendemain de la publication de la loi, pour autant, elle ne peut trouver à s'appliquer, en application du principe de non-rétroactivité de la loi, aux contrats en cours lors de son entrée en vigueur. Autrement dit, même si cet article est d'application immédiate, il n'a vocation à s'appliquer qu'aux cessions intervenues postérieurement à son adoption. En effet, il ne peut s'appliquer aux contrats en cours lors de son entrée en vigueur, ce qui était précisément le cas puisque la cession était intervenue bien avant l'entrée en vigueur de la loi.


(1) Cass. com., 15 novembre 2017, n° 16-13.219, F-P+B ; Dalloz Actualité, 22 novembre 2017, obs. A. Lienhard ; ELNET, veille permanente Droit des affaires, 27 novembre 2017, obs. Ph. Roussel Galle ; J. Prigent, Lexbase, éd. aff., 2017, n° 531 (N° Lexbase : N1385BXL).
(2) Cass. com., 15 novembre 2017, n° 16-19.131, F-P+B ; J. Prigent, Lexbase, éd. aff., 2017, n° 531 (N° Lexbase : N1383BXI) ; Dalloz Actualité, 29 novembre 2017, obs. X. Delpech.
(3) CA Agen, 6 janvier 2016, n° 14/00521 (N° Lexbase : A1532N37).
(4) Cass. com. 28 juin 2011, n° 10-19.331, F-D (N° Lexbase : A6449HUE), D., 2011, Actu. 1895, obs. A. Lienhard ; ibid., 2012, Pan. 1844, obs. M.-P. Dumont-Lefrand.
(5) Cass. com. 6 décembre 2011, n° 10-25.689, F-P+B (N° Lexbase : A1984H4A), D., 2012, Actu. 6, obs. A. Lienhard ; ibid. Pan. 1844, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; P .-M Le Corre, in Chron., Lexbase, éd. aff. 2012, n° 280 (N° Lexbase : N9757BS8).
(6) En ce sens, A. Lienhard, préc. et Ph. Roussel Galle, préc. note 1.
(7) En ce sens, Ph. Roussel Galle, préc..
(8) En ce sens, A. Lienhard, préc. et Ph. Roussel Galle, préc..
(9) Cass. civ. 2, 16 mars 2017, n° 15-29.206, FS-P+B (N° Lexbase : A2839UC7). Dans cet arrêt également, il a été jugé qu'ayant relevé que le commandement de payer et l'assignation en référé visaient des loyers échus après le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel a exactement retenu que les dispositions de l'article L. 622-23 du Code de commerce (N° Lexbase : L3488IC8) n'étaient pas applicables.
(10) Dans le même ordre d'idée V., Cass. com., 2 mars 2010, n° 09-10.410, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6008ESC), Bull. civ. IV : il résulte des articles L. 622-13 (N° Lexbase : L3872HBZ), L. 622-14 (N° Lexbase : L3873HB3) et L. 631-14 (N° Lexbase : L4025HBP) du Code de commerce dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008, qu'en cas de redressement judiciaire du locataire, l'envoi, par le bailleur d'un immeuble affecté à l'activité de l'entreprise, à l'administrateur judiciaire, d'une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du bail est sans effet et que le bail n'est pas de plein droit résilié par l'absence de réponse à cette mise en demeure Ce régime est issu de la loi du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT). L'ordonnance de 2008 (concernant les procédures ouvertes à compter du 15 février 2009) a-t-elle modifié la solution ? Non, bien au contraire. Dans le régime actuel, la mise en demeure n'apparaît plus. Toutefois, elle n'est pas interdite et peut présenter un intérêt : celle d'informer l'administrateur ou le mandataire de l'existence d'un tel contrat de bail, afin que le bailleur soit fixé sur sa situation le plus rapidement possible.
(11) Cass. com., 19 février 2013, n° 12-13.662, FS-P+B (N° Lexbase : A4171I8Y), J. Prigent, Lexbase, éd. aff., 2013, n° 329 (N° Lexbase : N6027BTE).
(12) Il aurait dû invoquer plutôt l'article L. 641-12, compte tenu de la liquidation judiciaire.
(13) Cass. com., 27 septembre 2011, n° 10-23.539, FS-P+B (N° Lexbase : A1219HYS), Bull. civ. IV, n° 141 ; D., 2011, p. 2399, obs. A. Lienhard ; RTDCom., 2012, p. 722, obs. B. Saintourens ; P. Rubellin, LEDEN, octobre 2011, n° 9, comm. 158. Dans un arrêt du 12 mars 2015, la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 13ème ch., 12 mars 2015, n° 14/02599 N° Lexbase : A3029NDK) a étendu cette jurisprudence au plan de cession.
(14) CA Versailles, ch. civ. 14, 11 mai 2017, n° 16/05403 (N° Lexbase : A5770WCP). Dans cet arrêt, la garantie solidaire du cédant avait été recherchée près de cinq ans après la cession du fonds de commerce et ce dernier avait sollicité l'application du nouvel article L. 145-16-2 du Code de commerce.
(15) CA Agen, 16 novembre 2016, n° 15/01619 (N° Lexbase : A2210SHC) ; Loyers et copr., 2017, comm. 81, note Ph.-H. Brault.

newsid:461516

Impôts locaux

[Jurisprudence] Premiers grains de sable dans le rouage de la réforme des valeurs locatives

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 18 octobre 2017, n° 412233 (N° Lexbase : A0307WWB), n° 412234 (N° Lexbase : A0308WWC) et n° 412235 (N° Lexbase : A0309WWD), mentionnés aux tables du recueil Lebon

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N1489BXG

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par Marie-Cécile Clémence, Avocate au barreau de Clermont-Ferrand, spécialisée en droit fiscal et fondatrice du cabinet M2C Avocat

Le 30 Novembre 2017

Alors que les premiers avis de taxes foncières intégrant la réforme des valeurs locatives viennent tout juste d'être mis en recouvrement entre les mains des propriétaires de locaux professionnels et commerciaux, les nouveaux paramètres d'évaluation des bases foncières font déjà l'objet de contentieux devant les juridictions administratives. Selon les données transmises fin 2016 par l'administration fiscale, 588 recours pour excès de pouvoir visant à contester la légalité des nouveaux paramètres d'évaluation ont été déposés devant les juridictions administratives : 538 ont fait l'objet d'un jugement de rejet et 13 jugements/arrêts sont en demande d'avis devant le Conseil d'Etat.
A la demande de la cour administrative d'appel de Nancy, le Conseil d'Etat vient de se prononcer, dans trois avis rendus le 18 octobre 2017, sur une série de questions portant sur la détermination des différents critères d'évaluation des bases nouvellement calculées (CE 8° et 3° ch.-r., 18 octobre 2017, n° 412233, n° 412234 et n° 412235, mentionnés aux tables du recueil Lebon). La réforme des valeurs locatives... En bref

La réforme des valeurs locatives cadastrales des locaux professionnels et commerciaux, retenues pour la détermination des bases de taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises (CFE), a été initiée par l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 2010 (N° Lexbase : L6232IGW). Repoussée à plusieurs reprises, cette réforme a finalement été intégrée, en 2017, dans les avis de taxe foncière et de CFE (en 2018 pour la CVAE).

L'objectif poursuivi par le Gouvernement tendait, d'une part, à remplacer les valeurs locatives arrêtées au 1er Janvier 1970 par des valeurs locatives reflétant la réalité du marché locatif actuel et, d'autre part, à simplifier les règles de calcul afin qu'elles soient plus facilement compréhensibles et plus justes pour les contribuables.

Les nouvelles bases d'imposition sont désormais assises sur une valeur locative révisée qui est égale au produit de la surface pondérée du local et du tarif correspondant à la catégorie de ce local (bureaux, magasins, dépôts, hôtels...) au sein du secteur géographique d'évaluation, le cas échéant majoré ou minoré d'un coefficient de localisation (à la hausse ou à la baisse pour tenir compte de la situation particulière d'une parcelle).

Chaque local est ainsi rattaché à une des 38 catégories de locaux déterminées en fonction de la nature de l'activité principale qui y est exercée (bureaux, magasins, dépôts, hôtels...) et à un secteur d'évaluation représentant un marché locatif homogène au sein de chaque département.

Les tarifs au mètre carré ont été déterminés pour chaque secteur d'évaluation et pour chaque catégorie de locaux au sein d'un département.

Processus de détermination des paramètres d'évaluation des locaux professionnels et commerciaux... Que dit la loi ? (1)

La loi encadre de manière très précise les compétences des différentes instances intervenant dans le cadre de cette révision et le processus de détermination des paramètres d'évaluation des valeurs locatives révisées par celles-ci.

Ainsi, les commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP) doivent se prononcer sur l'avant-projet (communiqué par l'administration fiscale) relatif à la délimitation des secteurs d'évaluation, aux grilles tarifaires par catégorie de locaux et aux coefficients de localisation, et ce dans un délai de deux mois. Passé ce délai, l'administration fiscale transmet le projet arrêté par la CDVLLP, pour consultation et avis, aux commissions locales (les commissions communales des impôts directs (CCID) et commissions intercommunales des impôts directs (CIID)) qui disposaient d'un délai de trente jours pour transmettre, à leur tour, leur avis à la CDVLLP. En cas de désaccord entre la CDVLLP et l'une des commissions locales, l'administration fiscale doit saisir la commission départementale des impôts directs locaux (CDIDL), dans un délai de trente jours pour statuer.

Les décisions prises par les CDVLLP ou par les CDIDL ont été notifiées et publiées au recueil des actes administratifs (RAA) de chaque département courant 2016 (2).

Le Conseil d'Etat s'est prononcé sur plusieurs points relatifs à l'adoption des décisions des différentes commissions.

Sur le non-respect des délais dont disposent les différentes instances pour se prononcer sur les projets de délimitations sectoriel et de fixation la grille tarifaire : selon le Conseil d'Etat (3), la méconnaissance des délais prescrits par la loi a pour effet d'empêcher les différentes commissions de remplir leur rôle, de sorte qu'une telle irrégularité entache d'illégalité la délibération de l'instance à laquelle ces projets sont transmis prématurément.

A contrario, le dépassement du délai imparti aux commissions pour se prononcer n'entache pas la procédure d'irrégularité.

Sur la valeur des avis rendus par les différentes commissions : le Conseil d'Etat s'est prononcé en faveur du pouvoir de décision de la CDIDL sur l'ensemble des éléments qui lui sont soumis de sorte que la CDIDL "peut non seulement arbitrer entre solutions concurrentes mais aussi apporter au projet de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels les modifications qui lui semblent nécessaires, y compris sur les points ne faisant pas l'objet de désaccords entre ces commissions".

Selon l'avis du Conseil d'Etat, la CDIDL n'est pas liée par les modifications proposées par l'une ou l'autre des commissions et elle peut modifier, de sa propre initiative, le projet de délimitation de secteurs d'évaluation présentant un marché locatif homogène, que l'administration fiscale lui a soumis.

Sur le degré contrôle du juge en cas de modifications opérées par la CDIDL (4) : le Conseil d'Etat s'est prononcé en faveur d'un contrôle normal par le juge administratif, y compris en cas de contestation des modifications opérées par la commission départementale des impôts directs locaux, lorsque la décision qui détermine les paramètres départementaux d'évaluation fait l'objet d'un recours en excès de pouvoir.

Le contrôle par le juge de la légalité tant interne qu'externe des décisions prises par les commissions se justifie par le fait que ces décisions déterminent l'assiette des impositions locales des contribuables et que l'administration fiscale se doit d'évaluer les bases d'impositions de manière précise.

Modalité de détermination des paramètres d'évaluation des locaux professionnels et commerciaux... Comment sont-ils définis ?

Le Conseil d'Etat a été saisi de plusieurs questions relatives à la délimitation des secteurs d'évaluation, aux modalités de fixation de la grille tarifaire.

Sur la délimitation des secteurs d'évaluation (5) : la loi de finances rectificative pour 2010 a institué le critère de "marché locatif homogène" afin de définir les secteurs de localisation à partir duquel le local devra être évalué.

La loi prévoit qu'"il est constitué, dans chaque département, un ou plusieurs secteurs d'évaluation qui regroupent les communes ou sections cadastrales de communes qui, dans le département, présentent un marché locatif homogène". Pour autant, la loi ne prévoit pas de méthodologie pour la détermination des différents secteurs d'évaluation.

L'administration fiscale a déterminé, à partir des loyers déclarés par les propriétaires sur les déclarations 6660 REV-K en 2013 et sur la base de la catégorie de locaux la plus représentée (le plus pertinent) au sein du département, des secteurs géographiques dans lesquelles les loyers sont réputés être de niveau homogène. L'administration fiscale s'est basée sur les loyers relevés pour la seule catégorie de locaux la plus représentée au sein du département, à l'exclusion de toutes les autres, pour définir les différents secteurs d'évaluation au sein d'une commune ou d'un département.

Le Conseil d'Etat (6) valide cette méthode en retenant que rien n'exclut "l'application d'une méthode consistant à établir une sectorisation en se fondant sur les loyers relevés pour la seule catégorie de locaux la plus représentée, dès lors que les loyers constatés pour cette catégorie sont suffisamment représentatifs, tant au regard de leur valeur moyenne que de leur distribution, du marché locatif de l'ensemble des locaux professionnels du département". La représentativité de cette catégorie de locaux, qui permet de l'ériger en catégorie de référence pour la constitution des secteurs d'évaluation, doit néanmoins s'apprécier au cas par cas, afin de s'assurer que cette catégorie représente bien au sein du département une part significative des locaux à évaluer.

Sur la fixation de la grille tarifaire : Il est prévu que les tarifs sont déterminés sur la base des loyers constatés dans chaque secteur d'évaluation par catégorie de locaux. La loi de finances rectificative pour 2010 prévoit que "les tarifs par mètre carré sont déterminés sur la base des loyers moyens constatés dans chaque secteur d'évaluation par catégorie de propriétés à la date de référence mentionnée au I pour l'entrée en vigueur de la révision et au second alinéa du X pour les années suivantes, de sorte que les tarifs par mètre carré sont déterminés, pour chaque catégorie de locaux, à partir de la moyenne des loyers collectés par catégorie et par secteur".

En l'espèce, les loyers dont l'administration disposait étaient insuffisants en nombre ou ne pouvaient être retenus, de sorte qu'un loyer moyen constaté significatif ne pouvait être établi.

Le Conseil d'Etat (7) admet l'application d'une méthode subsidiaire (légalement prévue) par comparaison avec les tarifs fixés pour les autres catégories de locaux du même sous-groupe et du même secteur d'évaluation. Le Conseil d'Etat précise que si l'application de cette première méthode subsidiaire est elle-même rendue impossible, les tarifs doivent alors être déterminés par comparaison avec ceux qui sont appliqués pour des propriétés de la même catégorie ou, à défaut, du même sous-groupe dans des secteurs d'évaluation présentant des niveaux de loyers similaires, dans le département ou dans un autre département.

Recours pour excès de pouvoir à l'encontre d'une décision de la CDIDL... Qui a intérêt pour agir ?

La valeur locative sert de base tant pour la détermination de la taxe foncière qui incombe au propriétaire de l'immeuble que pour la détermination de la CFE dont l'exploitant du local est redevable.

Le Conseil d'Etat retient une conception large de l'intérêt pour agir en considérant que le recours pour excès de pouvoir est ouvert non seulement au propriétaire du bien, mais également à tout personne se prévalant d'un autre intérêt donnant qualité pour agir, tel que notamment l'exploitant du local.

Selon l'avis n° 412234 rendu par le Conseil d'Etat, toute personne, qu'elle soit propriétaire ou locataire de ces locaux, qui justifie qu'elle est ou sera redevable légal dans le département d'un impôt direct local au titre de locaux professionnels ou commerciaux visés par la réforme, peut former un recours en excès de pouvoir dirigé contre la décision de la commission.

Le Conseil d'Etat poursuit en considérant que les locataires qui ne supportent la charge d'un impôt direct local à raison de ces locaux qu'en vertu d'une clause contractuelle et ne sont pas redevables à titre personnel d'un impôt direct local sur ces locaux ont également qualité pour agir.

Le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la portée de la contestation du redevable et notamment sur le fait de savoir s'il peut contester la décision dans son ensemble ou sur les seuls éléments qui le concernent directement. La Haute juridiction a tranché sur la divisibilité de la décision en considérant qu'un requérant n'a intérêt à demander l'annulation de cette décision qu'en tant qu'elle porte sur la délimitation du secteur auquel est rattaché le local au titre duquel il est redevable d'un impôt direct local, sur le tarif applicable à la catégorie dont relève ce local et, le cas échéant, sur le coefficient de localisation qui s'applique à sa situation.

Mise en place un dispositif de mise à jour permanente des valeurs locatives

Afin d'éviter à l'avenir de nouveaux écarts entre les valeurs locatives et la réalité du marché, un dispositif de mise à jour permanente est prévu à partir des montants des loyers collectés auprès des locataires de locaux professionnels.

Il s'appliquera (peut-être) pour la première fois en 2018, puisque le Gouvernement a proposé dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017 de différer au 1er janvier 2019 cette mise à jour permanente des tarifs. Les valeurs locatives des locaux professionnels et commerciaux seraient alors revalorisées comme les autres locaux en application de l'article 1518 bis du CGI (N° Lexbase : L3111LC9).

Par ailleurs, il semble que le législateur anticipe d'ores et déjà un abondant contentieux s'agissant de la détermination des paramètres d'évaluation puisque le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une sécurisation des nouveaux paramètres d'évaluation (et par voie de conséquence les recettes des collectivités territoriales) en permettant aux commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP) en cas d'annulation, par le juge administratif, de fixer de nouveaux paramètres conformes et applicables au 1er janvier de l'année d'imposition.


(1) Loi de finances rectificative pour 2010, art. 34, non codifiée à ce jour. A noter, que le projet de loi de finances rectificative pour 2017 prévoit de transposer l'article 34 de la LDFR pour 2010 dans le CGI.
(2) En application du décret n° 2015-751 du 24 juin 2015 modifié par le décret n° 2016-673 du 25 mai 2016, relatif aux modalités de publication et de notification des décisions prises en vue de la détermination des paramètres d'évaluation des valeurs locatives des locaux professionnels (N° Lexbase : L2859K8E).
(3) Avis n° 412235.
(4) Avis n° 412235.
(5) Avis n° 412233.
(6) Avis n° 412233.
(7) Avis n° 412233.

newsid:461489

Licenciement

[Jurisprudence] Indemnisation du licenciement nul et libertés fondamentales constitutionnelles

Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2017, n° 16-14.281, FS-P+B (N° Lexbase : A7050WZ7)

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 30 Novembre 2017

L'indemnisation du salarié dont le licenciement est annulé repose sur des règles essentiellement établies par la jurisprudence. On sait, depuis longtemps, que le calcul de l'indemnité doit varier selon que le salarié demande ou non sa réintégration, la réparation partiellement en nature obtenue dans le second cas aboutissant logiquement à réduire le montant de l'indemnité. Dans ce cas de figure, il se dessine toutefois, depuis le début des années 2010, une autre variation selon que la nullité vient sanctionner ou non la violation d'une liberté fondamentale garantie par la Constitution. C'est ce que confirme un arrêt rendu le 15 novembre 2017 par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui juge que les revenus de remplacement perçus par le salarié entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration doivent être déduits de l'indemnité que l'employeur est condamné à lui verser dès lors que le licenciement repose sur une discrimination en raison de son âge, laquelle ne constitue pas une liberté fondamentale garantie par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) (I). Il est sans doute possible de justifier qu'un régime différent s'applique aux différents cas de nullité du licenciement selon qu'elle est ou non prononcée en raison de la violation d'une liberté fondamentale. Il est plus difficile d'expliquer, en revanche, que seules les libertés fondamentales garanties par la Constitution française, à l'exclusion de celles garanties par des textes internationaux par exemple, interdisent au juge de déduire les revenus de remplacement en question (II).
Résumé

Le principe de non-discrimination en raison de l'âge ne constitue pas une liberté fondamentale consacrée par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ni par la Constitution du 4 octobre 1958 (N° Lexbase : L7403HHN) qui justifierait, en cas de nullité du licenciement prononcé en violation de cette prohibition, la non-déduction des revenus de remplacement perçus par le salarié entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration.

Commentaire

I - Discrimination en raison de l'âge : un nouveau cas de déduction des revenus de remplacement

Discrimination et nullité du licenciement. Aux termes de l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1000LDE), "aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire" en raison de l'un des motifs illicites énoncé dans la longue liste que dresse ce texte et où figure "son âge". Un licenciement justifié, directement ou indirectement, par l'âge du salarié est donc discriminatoire. La sanction classique d'un tel licenciement est la nullité, par application de la règle générale fixée par l'article L. 1132-4 (N° Lexbase : L0680H93) et de la règle spéciale établie par l'article L. 1134-4 (N° Lexbase : L8068LGW) du Code du travail.

Ce dernier texte dispose que "dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi", réintégration qui lui aurait été accordée même si le texte ne l'avait pas prévu puisque la Chambre sociale juge, depuis 2003, que la réintégration est la conséquence de toute nullité du licenciement (1). Le salarié peut, toutefois, parfaitement choisir de ne pas faire valoir ce droit et ne pas demander sa réintégration. Qu'il la demande ou non, le salarié aura droit à la réparation du préjudice subi du fait du caractère illicite du licenciement.

Indemnisation du licenciement nul. Quoiqu'il ne soit pas applicable aux faits de l'espèce, l'article L. 1235-3-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8062LGP) issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), dite "El Khomri" et modifié par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (N° Lexbase : L7629LGN) (2) s'intéresse aux conséquences du licenciement nul. Il exclut, en pareil cas, l'application du barème d'indemnisation du licenciement injustifié établi par l'article L. 1235-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8061LGN) et matérialise le droit du salarié de demander ou non sa réintégration.

Quant aux conséquences indemnitaires, le texte s'intéresse principalement au cas où le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que la réintégration est impossible. Dans pareille situation, "le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois". Toutefois, cette indemnité "est due sans préjudice du paiement du salaire [...] qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle". L'indemnisation des salaires perçus par le salarié, qu'il demande ou non sa réintégration, semble donc assurée. Le texte ne règle toutefois pas l'une des questions les plus épineuses posée à la Chambre sociale de la Cour de cassation au cours des quinze dernières années : faut-il ou non déduire de ce rappel de salaire les sommes perçues par le salarié en raison du versement d'un revenu de remplacement ou d'un salaire auprès d'un autre employeur ?

Si la question est complexe, c'est parce que la Chambre sociale adopte en la matière un régime bigarré qu'il n'est pas aisé de systématiser.

Lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration, le juge refuse de déduire les revenus de remplacement de l'indemnisation à laquelle l'employeur est condamné. Comme l'écrit Christophe Radé dans ces colonnes, "la situation des salariés qui ne sont pas réintégrés diffère selon les statuts, dans la mesure où la période de protection n'a pas toujours la même durée. Mais ici, seule l'expiration de la période pourra varier, et non la prise en compte des revenus perçus pendant la période pour évaluer le préjudice salarial causé au salarié" (3).

En revanche, lorsque le salarié demande sa réintégration, la Chambre sociale juge parfois que les revenus de remplacement doivent être déduits. Cette règle prévaut en cas de nullité du licenciement pour motif économique consécutive à l'absence ou à l'insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi (4), du licenciement prononcé au mépris de la protection accordée aux salariées enceintes ou qui viennent d'accoucher (5), du licenciement résultant de l'annulation ou du retrait de l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé initialement délivrée par l'inspecteur du travail (6) ou du licenciement d'un salarié ayant dénoncé des agissements de harcèlement moral (7).

Au contraire, elle estime que ces revenus ne doivent pas être déduits lorsque le licenciement d'un salarié protégé est prononcé sans demande d'autorisation (8), lorsqu'il est prononcé en violation du droit de grève (9), en raison de l'état de santé du salarié (10) ou en raison des activités syndicales du salarié (11).

La question du calcul de l'indemnité en cas de licenciement consécutif à une discrimination en raison de l'âge ne lui avait pas encore été posée.

L'espèce. Un salarié, engagé en 1998 par une société d'assurances, participe à un entretien d'évaluation avec son supérieur hiérarchique, entretien à la suite duquel il reçoit un courrier du directeur des ressources humaines qui relate que le supérieur "aurait 'évoqué son âge (57 ans en mai)' et lui aurait fait remarquer qu'il était 'un gros salaire'". Les juges du fond refusent de considérer que ces éléments suffisent à supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'âge, raisonnement qui aboutit à la cassation de la décision par un premier arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation en 2013 (12). Sur renvoi, la cour d'appel de Paris caractérise l'existence d'une discrimination en raison de l'âge et prononce la nullité du licenciement avec réintégration du salarié dans son emploi. En se fondant sur l'article 6, § 1 de la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 (N° Lexbase : L3822AU4) qui autorise les Etats membres de l'Union à prévoir des différences de traitement fondées sur l'âge lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, la cour condamne l'employeur à lui payer la totalité des salaires ou des sommes non perçues entre la date du licenciement et la réintégration "déduction faite des revenus tirés d'une autre activité professionnelle ou des ressources perçues d'un organisme social" (13).

Le salarié forme un nouveau pourvoi contre cette décision et conteste le principe de cette déduction en considérant que le principe de non-discrimination est garanti par la Constitution et par de nombreux autres textes internationaux (14).

La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi par un arrêt rendu le 15 novembre 2017. Elle juge que "le principe de non-discrimination en raison de l'âge ne constitue pas une liberté fondamentale consacrée par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ni par la Constitution du 4 octobre 1958 qui justifierait, en cas de nullité du licenciement prononcé en violation de cette prohibition, la non-déduction des revenus de remplacement perçus par le salarié entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration".

II - De l'incidence de la source de la liberté fondamentale sur la déduction des revenus de remplacement

L'argument constitutionnel. Ce n'est pas la première fois que la Chambre sociale de la Cour de cassation s'appuie sur l'existence d'une garantie constitutionnelle du droit auquel il est porté atteinte lors du licenciement pour apprécier s'il convient ou non de déduire les revenus de remplacement de l'indemnité versée.

En 2010 et en 2014 (15), à propos de licenciements prononcés en raison des activités syndicales de salariés, elle justifiait le refus de déduire les revenus de remplacement par l'atteinte caractérisée "à la liberté, garantie par la Constitution, qu'a tout homme de pouvoir défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale" et visait l'"article 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958" (16). On peut toutefois remarquer que, dans ces affaires, la Chambre sociale n'analysait pas la valeur constitutionnelle du principe de non-discrimination mais s'appuyait sur la liberté syndicale. En effet, si l'interdiction de toute discrimination en raison des convictions syndicales est bien posée par l'article L. 1132-1 du Code du travail, il est plus difficile de l'identifier dans le bloc de constitutionnalité.

Le principe d'égalité est affirmé par l'article préambule et par l'article 1er de la Constitution de 1958, mais ce dernier texte précise que la France assure "l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion". On trouve également des manifestations du principe d'égalité dans le Préambule de la Constitution de 1946, notamment en son article 5 qui, toutefois, le limite là encore puisqu'il dispose que "nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances". Origine, race, religion, opinions et croyances seraient donc les domaines dans lesquels serait formellement garantie l'égalité constitutionnelle, ce qui aurait éventuellement pu recouvrir les "opinions" syndicales, mais est difficilement extensible à l'âge.

Le Conseil constitutionnel a plusieurs fois été confronté à des saisines invoquant une rupture d'égalité en raison de l'âge. Dès lors que la disposition introduisant une différence de traitement repose sur "une fin d'intérêt général", il n'y a pas d'atteinte au principe d'égalité, qu'il s'agisse d'exclure du décompte des effectifs les salariés les plus jeunes dans l'entreprise (17), de permettre la mise à la retraite de salariés qui peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein (18) ou, encore, d'instituer le contrat de travail première embauche (19). Si l'on ajoute à cette appréciation très mesurée du principe d'égalité le fait que celui-ci n'est pas exactement synonyme de principe de non-discrimination, on comprend que ni les textes, ni la jurisprudence constitutionnelle n'assurent une protection contre les discriminations en raison de l'âge.

Limitation aux seules libertés fondamentales constitutionnelles. En effet, le principe de non-discrimination est affirmé par d'autres textes ayant une valeur supra légale. L'article 14 de la CESDH (N° Lexbase : L4747AQU) et l'article 2 de la DUDH (N° Lexbase : L6814BHT) prohibent les discriminations à partir de listes ouvertes ("notamment", "toute autre situation") qui permettent d'englober les discriminations en raison de l'âge.

Le droit de l'Union européenne affirme plus clairement le principe de non-discrimination en raison de l'âge. Tel est le cas en particulier de l'article 10 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (N° Lexbase : L2396IPG) (20) et de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX) (21). La Cour de cassation jugeait d'ailleurs, il y a un peu plus de deux ans, que cette règle constituait un "principe général du droit de l'Union" (22), ce qui impose aux juges du fond de rechercher si les différences de traitement sont objectivement et raisonnablement justifiées (23). Le principe est réitéré par l'article 1er de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 (N° Lexbase : L3822AU4), quoique l'article 6, §1 de ce texte permette aux Etats membres de traiter différemment les salariés en fonction de leur âge lorsque les différences de traitement "sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires". Dans ce cas, toutefois, il ne s'agit plus de discriminations mais de différences de traitement admises comme le prévoit également le Code du travail (24).

Avec toutes les réserves que suscite la portée mesurée de ces textes européens, se pose alors la question du choix de la Cour de cassation : pourquoi faire seulement bénéficier d'une indemnité pleine, n'excluant pas les revenus de remplacement, aux nullités causées par la violation d'une liberté fondamentale constitutionnelle et non d'une liberté fondamentale "tout court" ?

La question ne se posait pas véritablement dans les précédentes affaires relatives à la liberté syndicale ou au droit de grève puisque les demandeurs se contentaient d'invoquer la violation d'une liberté constitutionnelle et ne se référaient pas à d'autres garanties supranationales. La question était en revanche clairement posée en l'espèce si bien que l'on peut clairement penser que la Chambre sociale entend bien circonscrire l'indemnisation pleine aux seuls cas de violation d'une liberté constitutionnelle.

La référence au principe de réparation intégrale du préjudice aurait-elle suffi à justifier la solution choisie (25) sans qu'il soit nécessaire de distinguer entre les types de discriminations, entre les types d'atteintes à une liberté fondamentale, entre les sources de la liberté fondamentale en cause ? Cela n'est pas complètement certain puisque les sommes versées au salarié à titre d'indemnité n'ont pas la nature de salaires et ne devraient pas être soumises à cotisations sociales (26), si bien que le salarié perd au moins des droits à retraite qu'il aurait acquis s'il avait travaillé (27).

Si l'on peut en définitive admettre que "toutes les nullités du licenciement ne se valent pas" et qu'il n'est pas illogique de faire produire des conséquences plus importantes à la violation d'une liberté fondamentale qu'à une règle ou un principe de valeur inférieure (28), on comprend bien plus difficilement pourquoi seules les libertés garanties par la Constitution devraient être prises en considération.


(1) Cass. soc., 30 avril 2003, n° 00-44.811, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7501BSM ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3343ETY) ; Les grands arrêts du droit du travail, Dalloz, 2008, 4ème éd., n° 104.
(2) V. notre étude, Ordonnances réformant le droit du travail : règles générales relatives au licenciement et rupture d'un commun accord collective, Lexbase, éd. soc., n° 712, 2017 (N° Lexbase : N0176BXS).
(3) Cass. soc., 3 juillet 2003, n° 01-44.522, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A0223C97 ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9344ESU) et les obs. de Ch. Radé, Réintégration du salarié et réparation du préjudice salarial : la jurisprudence retient une solution réaliste, Lexbase, éd. soc., n° 79, 2003 (N° Lexbase : N8124AA7) ; JCP éd. E, 2004, 563, obs. J.- F. Cesaro.
(4) Cass. soc., 3 juillet 2003, n° 01-44.522, préc..
(5) Cass. soc., 30 septembre 2010, n° 08-44.340, FP-D (N° Lexbase : A7546GAQ) et indirectement Cass. soc., 16 novembre 2011, n° 10-14.799, F-D (N° Lexbase : A9436HZI ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3341ETW).
(6) Cass. soc., 28 octobre 2003, n° 01-40.762, publié (N° Lexbase : A9963C9U ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4752EXB) ; Dr. soc., 2004, p. 117, obs. P.-Y. Verkindt ; Cass. soc., 14 février 2007, n° 05-43.696, F-D (N° Lexbase : A2191DUP).
(7) Cass. soc., 14 décembre 2016, n° 14-21.325, FS-P+B (N° Lexbase : A2172SXQ ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9242ES4) ; D. act., 3 janvier 2017, obs. M. Peyronnet ; JSL, 2016, n° 425-2, obs. H. Tissandier ; JCP éd. S, 2017, 1057, obs. C. Leborgne-Ingelaere.
(8) Cass. soc., 10 octobre 2006, n° 04-47.623, FS-P+B (N° Lexbase : A7719DRC ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9602ESG).
(9) Cass. soc., 2 février 2006, n° 03-47.481, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6225DMI ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2530ETU) ; RDT, 2006, p. 42, obs. O. Leclerc ; JCP éd. S, 2006, 1700, note J.-M. Olivier.
(10) Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 10-15.905, FS-P+B (N° Lexbase : A8095IQU ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2957E4B) et les obs. de B. Gauriau, Quelle indemnisation pour le salarié qui obtient la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour refus de réintégration après l'annulation de son licenciement ?, Lexbase, éd. soc., n° 496, 2012 (N° Lexbase : N3341BTW) ; JCP éd. S, 2012, 1482, obs. B. Bossu ; Dr. ouvr., 2012, p. 802, obs. M. Bonnechère.
(11) Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-43.277, FP-D (N° Lexbase : A2119EY7) ; RDT, 2010, p. 592, obs. M. Grévy ; Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 13-16.434, FS-P+B (N° Lexbase : A4264MUH ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4752EXB) et nos obs., Indemnisation du salarié réintégré à la suite de l'annulation de son licenciement : l'influence des libertés fondamentales, Lexbase, éd. soc., n° 582, 2014 (N° Lexbase : N3586BUD).
(12) Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-17.569, F-D (N° Lexbase : A9378KLW ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2589ET3).
(13) CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 20 janvier 2016, n° 13/10521 (N° Lexbase : A2428N4P).
(14) Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, art. 5 (N° Lexbase : L6815BHU), confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958 (N° Lexbase : L7403HHN) ; DDHC, art. 6 (N° Lexbase : L1370A9M) ; C. trav., art. L. 1132-1 (N° Lexbase : L1000LDE) et L. 1132-4 (N° Lexbase : L0680H93) ; CESDH, art. 14 (N° Lexbase : L4747AQU) ; DUDH, art. 2 (N° Lexbase : L6814BHT) ; Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 21 (N° Lexbase : L8117ANX) ; TFUE, art. 10 (N° Lexbase : L2396IPG) ; Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, articles 1 à 3 (N° Lexbase : L3822AU4).
(15) Mais également en 2006 à propos du licenciement en raison de l'exercice du droit de grève, v. Cass. soc., 2 février 2006, n° 03-47.481, préc..
(16) Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-43.277, préc. ; Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 13-16.434, préc..
(17) Volonté du législateur de venir en aide à des catégories défavorisées de travailleurs, en raison de leur âge ou de leur faible "employabilité", v. Cons. const., 29 avril 2011, n° 2011-122 QPC (N° Lexbase : A2798HPC) et les obs. de Ch. Radé, Le Conseil constitutionnel valide l'exclusion de certaines catégories de travailleurs du décompte des effectifs, Lexbase, éd. soc., n° 438, 2011 (N° Lexbase : N0702BSS).
(18) Valider le régime de la mise à la retraite des vieux travailleurs en âge de partir à taux plein, Cons. const., 4 février 2011, n° 2010-98 QPC (N° Lexbase : A1691GR3 ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9722ESU) et les obs. de Ch. Radé, Actualité de la QPC en droit du travail, Lexbase, éd. soc., n° 429, 2011 (N° Lexbase : N4949BRQ).
(19) Cons. const., 30 mars 2006, n° 2006-535 DC (N° Lexbase : A8313DN9).
(20) "Dans la définition et la mise en oeuvre de ses politiques et actions, l'Union cherche à combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle".
(21) "Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle".
(22) Cass. soc., 30 juin 2015, n° 13-28.201, FS-P+B (N° Lexbase : A5460NM8 ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2589ET3) et nos obs., La délicate alchimie entre indépendance et subordination du médecin du travail, Lexbase, éd. soc., n° 621, 2015 (N° Lexbase : N8399BUM).
(23) En dernier lieu, v. Cass. soc., deux arrêts, 14 septembre 2017, n° 15-17.714 (N° Lexbase : A0779WSN) et n° 16-12.303 (N° Lexbase : A0872WS4), FS-P+B et les obs. de Ch. Willmann, Mise à la retraite d'office et discrimination fondée sur l'âge : les juges du fond résistent, la Cour de cassation... aussi, Lexbase, éd. soc., n° 713, 2017 (N° Lexbase : N0305BXL).
(24) C. trav., art. L. 1133-2 (N° Lexbase : L6055IAI) : "Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime [...]".
(25) V. Ch. Radé, sous Cass. soc., 3 juillet 2003, préc..
(26) V. également le retentissement sur les finances de Pôle emploi, M. Peyronnet, Conséquences indemnitaires de la nullité du licenciement pour harcèlement moral, D. act., 3 janvier 2017.
(27) Encore qu'il faille ici distinguer selon que les revenus déduits sont des allocations chômage qui ne permettent que d'obtenir des droits à retraite plafonnés ou des salaires tirés d'un nouvel emploi qui sont soumis à cotisations et donnent cette fois pleinement droits à retraite.
(28) M. Grévy, La sanction du licenciement attentatoire à la liberté syndicale, RDT, 2010, p. 592.

Décision

Cass. soc., 15 novembre 2017, n° 16-14.281, FS-P+B (N° Lexbase : A7050WZ7)

Rejet (CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 20 janvier 2016, n° 13/10521 N° Lexbase : A2428N4P sur renvoi de cassation Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-17.569, F-D N° Lexbase : A9378KLW)

Texte concerné : Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU).

Mots-clés : discrimination en raison de l'âge ; licenciement ; nullité ; indemnisation.

Lien base : (N° Lexbase : E2589ET3).

newsid:461525

Procédure

[Brèves] Litige relatif à une convention de cession de l'outillage portuaire : compétence du juge judiciaire

Réf. : T. confl., 13 novembre 2017, n° 4099 (N° Lexbase : A1998WZZ)

Lecture: 1 min

N1429BX9

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par Yann Le Foll

Le 30 Novembre 2017

Un litige relatif à une convention de cession de l'outillage portuaire relève de la compétence du juge judiciaire. Ainsi statue le Tribunal des conflits dans un arrêt rendu le 13 novembre 2017 (T. confl., 13 novembre 2017, n° 4099 N° Lexbase : A1998WZZ).

La convention de cession de l'outillage portuaire, rendue obligatoire par les dispositions des articles 7 et 9 de la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008, portant réforme portuaire (N° Lexbase : L7060H7M), doit être considérée comme indissociable de la convention de terminal laquelle fait participer directement le contractant du grand port maritime à l'exécution des missions de service public qui sont confiées à celui-ci et revêt un caractère administratif.

La contestation du titre exécutoire en litige, pris en application de l'exécution de ces stipulations contractuelles, relève donc de la compétence de la juridiction administrative.

newsid:461429

Responsabilité

[Brèves] Assurance responsabilité civile : les véhicules utilisés dans leur fonction outils sont exclus de la notion communautaire de circulation des véhicules

Réf. : CJUE, 28 novembre 2017, aff. C-514/16 (N° Lexbase : A6725W3H)

Lecture: 2 min

N1473BXT

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par June Perot

Le 30 Novembre 2017

Ne relève pas de la notion de "circulation des véhicules", au sens de la Directive du 24 avril 1972 (N° Lexbase : L7966AUL), une situation dans laquelle un tracteur agricole a été impliqué dans un accident, alors qu'au moment de la survenance de l'accident, celui-ci était utilisé principalement dans sa fonction outils et non dans sa fonction de transport. Tel est le sens d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne rendu le 28 novembre 2017 (CJUE, 28 novembre 2017, aff. C-514/16 N° Lexbase : A6725W3H ; à rapprocher de : Cass. civ. 2, 18 mai 2017, n° 16-18.421, F-P+B N° Lexbase : A4903WDX et Cass. civ. 2, 8 janvier 1992, n° 90-19.143 N° Lexbase : A5562AHH).

Les faits de l'espèce concernaient le décès d'une personne à la suite d'un accident survenu sur une exploitation viticole. Cette personne avait été écrasée par un tracteur qui était à l'arrêt sur un chemin de terre et dont le moteur était en marche, en vue d'actionner un pulvérisateur d'herbicide. Le veuf de la victime avait alors engagé une action en justice, visant à faire condamner soit solidairement les propriétaires de l'exploitation et du tracteur, soit leur compagnie d'assurances auprès de laquelle était assuré le véhicule.

La juridiction portugaise a relevé que les circonstances de cette affaire permettraient de considérer que la fonction habituelle d'un véhicule serait d'être en mouvement. Toutefois, la Cour ne se serait pas encore prononcée sur la question de savoir si la notion de "circulation des véhicules" couvre également l'utilisation du véhicule en tant que machine générant une force motrice, mais sans entraîner le déplacement de celui-ci. La question posée à la Cour était donc de savoir s'il fallait exclure de la notion de circulation la situation d'un véhicule à l'arrêt alors même que sa fonction habituelle de machine est susceptible d'être à l'origine d'accidents graves.

Par son arrêt de ce jour, la Cour répond par la négative. Elle relève que la question posée par la juridiction portugaise repose sur la prémisse selon laquelle le contrat d'assurance qui a été souscrit par la propriétaire du tracteur a pour objet de couvrir uniquement la responsabilité civile liée à la circulation de celui-ci. Dans ces conditions, la Cour a examiné si la situation ayant entraîné le décès était, ou non, susceptible d'être qualifiée d'accident lié à la circulation du tracteur. Ensuite, elle relève que la notion de "circulation des véhicules" ne saurait être laissée à l'appréciation de chaque Etat membre mais constitue une notion autonome du droit de l'Union, qui doit être interprétée de manière uniforme. La Cour souligne que la portée de la notion de "circulation des véhicules", au sens de la Directive, ne dépend pas des caractéristiques du terrain sur lequel le véhicule est utilisé et que toute utilisation d'un véhicule en tant que moyen de transport relève de cette notion (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E5883ET3).

newsid:461473

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Portée du principe de l'interdiction de pratiques abusives dans le domaine de la TVA

Réf. : CJUE, 22 novembre 2017, aff. C-251/16 (N° Lexbase : A8106WZA)

Lecture: 2 min

N1430BXA

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par Jules Bellaiche

Le 30 Novembre 2017

L'interdiction de pratiques abusives dans le domaine de la TVA est applicable indépendamment d'une mesure nationale lui donnant effet dans les Etats membres. Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt rendu le 22 novembre 2017 (CJUE, 22 novembre 2017, aff. C-251/16 N° Lexbase : A8106WZA).
Tout d'abord, la Cour relève que le principe d'interdiction de pratiques abusives, tel qu'appliqué dans l'arrêt "Halifax" (CJCE, 21 février 2006, aff. C-255/02 N° Lexbase : A0045DNY) aux dispositions de la Directive-TVA (Directive 77/388 du Conseil du 17 mai 1977 N° Lexbase : L9279AU9), ne constitue pas une règle établie par une directive. Au contraire, ce principe trouve son fondement dans une jurisprudence constante selon laquelle, d'une part, les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l'Union et, d'autre part, l'application de la réglementation de l'Union ne saurait être étendue jusqu'à couvrir les pratiques abusives d'opérateurs économiques.
Ensuite, la Cour explique que cette jurisprudence a été rendue dans diverses matières du droit de l'Union. Elle précise en outre que l'application du principe d'interdiction de pratiques abusives aux droits et aux avantages prévus par le droit de l'Union se fait indépendamment du point de savoir si ces droits et avantages trouvent leur fondement dans les traités, dans un règlement ou dans une directive.
Ainsi, selon la Cour, le principe en question présente le caractère général qui est, par nature, inhérent aux principes généraux du droit de l'Union. Par conséquent, il peut être opposé à un assujetti pour lui refuser le bénéfice, notamment, du droit à exonération de la TVA, même en l'absence de dispositions du droit national prévoyant un tel refus. Enfin, la Cour confirme qu'une telle application du principe d'interdiction de pratiques abusives est conforme aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, même si cette application concerne des opérations réalisées avant le prononcé de l'arrêt "Halifax". La Cour relève à cet égard que l'interprétation qu'elle donne du droit de l'Union éclaire et précise la signification et la portée de ce droit, tel qu'il doit ou aurait dû être compris depuis la date de son entrée en vigueur.
Il en résulte donc que le droit de l'Union ainsi interprété doit, en dehors de circonstances exceptionnelles, être appliqué par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation. De plus, dans l'arrêt "Halifax", la Cour n'a pas limité les effets dans le temps de son interprétation du principe d'interdiction de pratiques abusives dans le domaine de la TVA et une telle limitation ne peut être admise que dans l'arrêt qui statue sur l'interprétation sollicitée (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X9303AL7).

newsid:461430

Transport

[Brèves] Procédure de sanction devant l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires : déclaration d'inconstitutionnalité des deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 6361-14 du Code des transports

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-675 QPC, du 24 novembre 2017 (N° Lexbase : A2484W3E)

Lecture: 2 min

N1439BXL

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par Vincent Téchené

Le 30 Novembre 2017

Les dispositions des deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 6361-14 du Code des transports (N° Lexbase : L6209INB), dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 (N° Lexbase : L2799INY), qui prévoient, que, dans le cadre d'une procédure de sanction devant l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, son président dispose du pouvoir d'opportunité des poursuites des manquements constatés alors qu'il est également membre de la formation de jugement de ces mêmes manquements sont contraires à la Constitution. En effet, elles n'opèrent aucune séparation au sein de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires entre, d'une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements et, d'autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements, de sorte qu'elles méconnaissent ainsi le principe d'impartialité. Tel est le sens d'une décision du Conseil constitutionnel du 24 novembre 2017 (Cons. const., décision n° 2017-675 QPC, du 24 novembre 2017 N° Lexbase : A2484W3E) qui avait été saisi d'une QPC par le Conseil d'Etat (CE 2° et 7° ch.-r, 20 septembre 2017, n° 412205 N° Lexbase : A7451WSR).

Le deuxième alinéa de l'article L. 6361-14 Code des transports prévoit que "à l'issue de l'instruction, le président de l'autorité peut classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières à la commission des faits le justifient ou que ceux-ci ne sont pas constitutifs d'un manquement pouvant donner lieu à sanction". Par ailleurs, selon les cinquième à neuvième alinéas de ce même article "un rapporteur permanent et son suppléant sont placés auprès de l'autorité. Au terme de l'instruction, le rapporteur notifie le dossier complet d'instruction à la personne concernée. Celle-ci peut présenter ses observations au rapporteur. L'autorité met la personne concernée en mesure de se présenter devant elle ou de se faire représenter. Elle délibère valablement au cas où la personne concernée néglige de comparaître ou de se faire représenter. Après avoir entendu le rapporteur et, le cas échéant, la personne concernée ou son représentant, l'autorité délibère hors de leur présence. Les membres associés participent à la séance. Ils ne participent pas aux délibérations et ne prennent pas part au vote". La société requérante soutenait que ces dispositions méconnaîtraient les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D) en ce qu'elles ne garantiraient pas, dans la procédure de sanction devant l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, la séparation entre les fonctions de poursuite et d'instruction, d'une part, et les fonctions de jugement, d'autre part. Cette analyse est donc validée par le Conseil constitutionnel qui déclare les dispositions contestées inconstitutionnelles.

newsid:461439