La lettre juridique n°704 du 29 juin 2017

La lettre juridique - Édition n°704

Assurances

[Chronique] Chronique de droit des assurances - Juin 2017

Lecture: 9 min

N9095BWR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459095
Copier

par Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse

Le 29 Juin 2017

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver la chronique mensuelle de droit des assurances de Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse. A l'honneur ce mois-ci, tout d'abord, s'agissant de l'étendue du droit à garantie, une décision inédite de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, ayant retenu l'absence d'aléa du fait du comportement de l'assuré antérieur au sinistre (Cass. com., 11 mai 2017, n° 15-29.065, F-D). L'auteur revient, ensuite, sur l'arrêt rendu le 24 mai 2017 par la première chambre civile de la Cour de cassation, à propos de la faculté de résiliation annuelle en matière d'assurance emprunteur (Cass. civ. 1, 24 mai 2017, n° 15-27.127, FS-P+B+I). Enfin, l'arrêt rendu le 18 mai 2017, également par la deuxième chambre civile, à propos de la prescription de l'action en responsabilité contre l'agent général d'assurances pour manquement à l'obligation de conseil dû à l'assuré (Cass. civ. 2, 18 mai 2017, n° 16-17.754, F-P+B). I - Etendue du droit à garantie
  • Eu égard aux manquements antérieurs au sinistre de l'assuré, qui caractérisent l'absence d'aléa, les conditions de mise en oeuvre de garantie de la police ne sont pas réunies (Cass. com., 11 mai 2017, n° 15-29.065, F-D N° Lexbase : A8788WCH)

Un fonds de commerce d'hôtel-restaurant est exploité dans un immeuble. Un dégât des eaux provoque l'effondrement d'un plancher. L'hôtel ferme et l'activité de restauration est interrompue. Le commerçant assigne le propriétaire de l'immeuble en réparation des dommages qu'il subit. La propriétaire appelle en garantie son assureur. Ce dernier oppose un refus fondé sur la clause suivante : "Aux termes de l'article 1964 du Code civil : le contrat d'assurance garantit un risque aléatoire et par conséquent la survenance de l'un des risques assurés dépend par nature d'un événement incertain. Ainsi, n'entre ni dans l'objet ni dans la nature du contrat, l'assurance des dommages ou responsabilités ayant pour origine un défaut d'entretien ou de réparation incombant à l'assuré, caractérisé et connu de lui". En l'espèce, il est établi que l'état de vétusté des planchers est connu par l'assuré depuis un sinistre qui s'était produit trois ans auparavant. Il est à noter que la connaissance de l'assuré n'est pas complète, il ignore au moment du sinistre, objet de la discussion, la présence d'insectes. On considère cependant, en l'espèce, que cette information ne change pas radicalement l'idée que l'assuré a pu se faire de l'état des planchers après le premier sinistre. Les juges du fond (CA Montpellier, 13 octobre 2015, n° 13/08919 N° Lexbase : A0263RKX) font droit au refus de garantie de l'assureur et, sur ce point, le pourvoi formé par l'assuré est rejeté.

Nous avons déjà rencontré la question que pose cette affaire (1). Elle consiste à se demander comment prendre en compte le comportement de l'assuré lorsque, par sa négligence, il a laissé la chose se détériorer au point que la perspective d'un sinistre a considérablement augmenté, ou même qu'il est devenu inéluctable. La différence entre ces deux circonstances n'est pas anodine en notre matière. Si ce défaut de la chose est contemporain à la souscription du contrat, il est possible de fonder sur l'article L. 121-15 (N° Lexbase : L0091AAM) une demande en nullité du contrat ou au moins, une demande tentant à écarter le sinistre du champ de la garantie. Mais on sait qu'il faut établir l'absence d'aléa lors de la souscription, ce qui n'est pas chose facile (2).

Lorsque le comportement de l'assuré est postérieur à la souscription du contrat, la sanction des négligences est plus difficile à trouver. La faute intentionnelle paraît inapplicable à de simples négligences, mais certains évoquent la possibilité de recourir à la faute dolosive (3). On rappellera, à cet égard, que le manquement de l'assuré doit avoir supprimé l'aléa. On trouve le même niveau d'exigence que lorsqu'il s'agit d'apprécier la validité du contrat. Les clauses d'exclusion conventionnelle visant le défaut d'entretien ont un succès plus que mitigé. Elles résistent difficilement aux exigences s'imposant pour leur validité et conduisant à imposer une description très précise et compréhensible du comportement exclu (4). C'est d'ailleurs, en l'espèce, un des arguments soulevés par le pourvoi. Les juges du fond (5) ont considéré que celle-ci devait s'appliquer. La discussion sur la validité de la clause d'exclusion n'aura cependant pas lieu. On sait encore que la deuxième chambre civile semble ne pas vouloir admettre une exclusion de garantie qui serait directement fondée sur l'article 1964 (désormais C. civ., art. 1108 N° Lexbase : L0817KZB) (6).

Par sa décision, la Chambre commerciale admet-elle ce que, justement, la deuxième chambre civile, ne veut manifestement pas consacrer ? La lecture de l'arrêt conduit à souligner l'importance des stipulations du contrat dans la solution et amène à écarter cette idée : "le contrat d'assurance [...] stipulait que les dommages, ayant pour origine un défaut d'entretien ou de réparation incombant à l'assuré, caractérisé et connu de lui, n'entraient pas dans l'objet ni dans la nature du contrat". Ce constat effectué par la juridiction lui permet d'aboutir à la conclusion mise en exergue : les conditions de mise en oeuvre de la garantie n'étaient pas réunies. On se gardera donc d'affirmer que la Chambre commerciale accomplit ce que la deuxième chambre civile se refuse à réaliser. Elle ne valide pas non plus simplement le raisonnement des juges du fond sur la simple mise en oeuvre d'une clause d'exclusion conventionnelle. Elle s'oriente plutôt vers une qualification différente de la stipulation dont la mise en oeuvre est approuvée : une condition de mise en oeuvre de la garantie plutôt qu'une exclusion conventionnelle. Ce faisant, l'arrêt illustre la proposition faite par certains auteurs (7). Des éléments peuvent justifier ce choix. La clause, reproduite plus haut, indique bien l'importance que l'état du bien revêt pour l'assureur et le comportement attendu de l'assuré à cet égard s'en déduit sans peine : l'entretien et la réparation. La référence à la connaissance que l'assuré peut avoir de cet état est en même temps un moyen de mettre à sa charge une obligation et une limitation du périmètre de l'exigence dans le contrat : il s'agit de bien préciser le niveau d'aléa que l'on veut couvrir. La clause donne, par ailleurs, la mesure de cette exigence en indiquant qu'elle relève de la nature et de l'objet du contrat. A ce titre, la qualification qu'elle reçoit est certainement justifiée. La préservation de l'aléa dans le contrat y gagne certainement, mais la distinction des exclusions et des conditions de garantie y perd en clarté. Il n'est en tout cas pas certain que les autres chambres de la Cour de cassation développeront une même tendance en la matière.

II - Vie du contrat

  • La reconnaissance, au bénéfice de l'emprunteur, d'une faculté de résiliation annuelle du contrat d'assurance conduirait, à défaut de l'accord du prêteur sur le nouveau contrat d'assurance offert en garantie, à la résiliation du contrat de prêt consenti sous la condition de l'octroi et du maintien d'une assurance agréée par le prêteur, une telle résiliation pouvant imposer à l'emprunteur de vendre l'immeuble financé afin de désintéresser le créancier ; à supposer même le maintien du contrat de prêt, sa nécessaire modification serait rendue incertaine en raison de l'absence de dispositions légales applicables au litige, régissant les effets d'une résiliation par l'emprunteur de son adhésion au contrat d'assurance de groupe (Cass. civ. 1, 24 mai 2017, n° 15-27.127, FS-P+B+I N° Lexbase : A6633WDZ)

Nous nous permettons de reproduire une partie substantielle de l'arrêt commenté car il est rare que la Cour de cassation soit aussi explicite sur le fondement de ses décisions.

Pour prendre la mesure de cette solution, quelques précisions s'imposent.

La décision intervient dans le domaine des assurances emprunteurs régies par le Code de la consommation. L'objet du litige est de déterminer si l'emprunteur peut utiliser la faculté de résiliation prévue à l'article L. 113-12 du Code des assurances (N° Lexbase : L0070AAT) et proposer à son prêteur un nouveau contrat en garantie de l'emprunt. La solution est temporaire. En effet, une loi du 21 février 2017 (8) est venue organiser la faculté annuelle de résiliation et la substitution d'assurance emprunteur. Elle est applicable aux contrats conclus ou renouvelés après son entrée en vigueur et, pour les contrats en cours d'exécution, les nouvelles prérogatives pourront être utilisées à partir du 1er janvier 2018. La période de validité de la présente jurisprudence est donc particulièrement courte !

Fallait-il pour autant changer la solution ? Il nous paraît justement que le soin mis par le législateur à organiser la résiliation et la substitution de l'assurance emprunteur conforte le choix opéré par la Cour de cassation de ne pas autoriser l'exercice de la faculté de résiliation. La Cour de cassation modifie, en revanche, la justification de ce choix et l'on doit dire que la solution se justifie beaucoup mieux. On peut en juger : la juridiction remplace un argument de pure technique juridique par un argument de prudence, une justification purement prétorienne appelant à la prudence (9). Il n'est pas nécessaire de revenir sur la critique de l'application de la règle "speciala generalibus derogant" pour articuler deux textes que rien n'oppose sur la question de la résiliation annuelle. A l'inverse, la jurisprudence a déjà eu l'occasion de préciser que les assurances mêlant des prestations vie et non vie devaient se voir appliquer le droit commun du contrat, par conséquent la faculté annuelle de résiliation.

Le problème est ailleurs, et la présente décision a l'avantage de le faire clairement ressortir. Si l'on peut prévoir l'application de la faculté annuelle de résiliation, la substitution de contrat ne va pas de soi : le prêteur peut ne pas agréer le nouveau contrat et si le prêt subordonne son maintien à l'existence d'une assurance, l'emprunteur se trouve en fâcheuse position. Les juges du fond, dans leur résistance à la décision de la Cour de cassation l'ont évidemment perçu (10) : ils soulignent le caractère divisible des contrats en l'espèce et la possibilité d'utiliser l'abus pour sanctionner le refus de prêteur lorsque le nouveau contrat présenté par l'emprunteur comporte des garanties équivalentes. On pourrait objecter que rien ne permet d'affirmer que tous les ensembles considérés sont dépourvus d'indivisibilité et que l'abus se constate après coup alors que la situation de l'emprunteur est devenue difficile. De ce point de vue, la loi du 21 février 2017 généralise, en particulier, le principe selon lequel la résiliation du contrat n'est effective que dans le cas d'accord du prêteur. La décision de ce dernier doit être motivée et son refus doit se fonder sur un argument limité : le défaut d'équivalence des conventions. La loi organise, par ailleurs les conséquences, en particulier financières, du changement d'assurance (11). Le dispositif créé est donc complet et précis. Aucune création des juges ne saurait l'être autant.

Au fond, cette affaire illustre, en présence d'un vide législatif, les deux attitudes possibles : l'audacieuse initiative prétorienne ou la prudente abstention prétorienne.

En l'espèce, la frustration générée par l'abstention des juges ne durera pas...

III - Prescription

  • Le dommage résultant d'un manquement au devoir de conseil dû à l'assuré sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins se réalise au moment du refus de garantie opposé par l'assureur (Cass. civ. 2, 18 mai 2017, n° 16-17.754, F-P+B N° Lexbase : A4966WDB)

A l'appui de la formule reproduite ci-dessus, la Cour de cassation casse l'arrêt qui avait cru pouvoir décider que le point de départ de l'action en responsabilité pour manquement au devoir d'éclairer l'assuré sur l'adéquation de la garantie à ses besoins est la date de conclusion du contrat. La cassation paraît parfaitement justifiée.

Une personne morale avait conclu une assurance homme-clé afin de protéger son dirigeant contre des accidents de santé. A l'occasion d'un accident vasculaire cérébral, il découvre que la garantie est plus restrictive que prévu. Une action est engagée contre l'assureur en raison du manquement de l'agent général au devoir de conseil. Cette action, fondée sur l'article L. 511-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L1059KZA), échappe à la prescription biennale. Le délai applicable est celui prévu à l'article L. 110-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L4314IX3). En l'espèce, il s'agit de la version antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L9102H3I). Cette dernière s'est bornée à ramener le délai de prescription de 10 à 5 années. Le texte n'indique pas le point de départ du délai spécialement lorsqu'une action en responsabilité est intentée. On sait que la jurisprudence décide, lorsque la prescription biennale est applicable, que le délai part à la date où le souscripteur a connaissance du manquement de l'assureur et du préjudice en résultant pour lui (12). La présente décision de la Cour de cassation n'emploie pas cette formule s'en tenant à la position traditionnelle (13), en matière de responsabilité délictuelle, consistant à se référer à la date de survenance du dommage, ou de sa connaissance par la victime (qui ici, au fond, est la même). Cela suffit à révéler le vice de la décision des juges du fond : ils ont fait démarrer la prescription d'une action en responsabilité avant la survenance du dommage. Admettre la décision inverse reviendrait d'ailleurs à enlever toute pertinence au devoir de conseil. Selon cette logique, en recevant un exemplaire du contrat, l'assuré a connaissance de l'étendue de la garantie. Cela revient à affirmer que l'information suffit, et si elle suffit... le conseil n'a plus de raison d'être. A l'inverse, si l'on considère qu'il doit exister en complément de l'information, son efficacité ne peut se juger que quand la garantie est mise à l'épreuve : lorsqu'un sinistre survient et que l'assureur accepte ou non sa prise en charge.

La détermination du point de départ du délai de prescription est moins rigide et plus concret avec la formule retenue par l'article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) après la réforme de 2008 : "les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". Elle semble parfaitement illustrée par la position adoptée par la Cour de cassation concernant les actions en responsabilité soumises au délai de prescription biennale.


(1) Cass. civ. 2, 5 mars 2015, n° 14-10.790, F-D (N° Lexbase : A8862NC9), et nos obs. in chron., Lexbase, éd. priv., 2015, n° 613 (N° Lexbase : N7438BUZ) ; RGDA, 2015, 184, note A. Pélissier.
(2) Sur ce point : A. Pélissier, obs. sous Cass. civ. 2, 24 mars 2016, n° 15-16.765, F-D (N° Lexbase : A3698RA9), RGDA, 2016, 238.
(3) A. Pélissier, obs. précitées. M. Asselain, obs. sous Cass. civ. 2, 11 décembre 2014, n° 13-26.893, F-D (N° Lexbase : A6003M7H), RGDA, 2015, 85.
(4) Pour des cas dans lesquels ces clauses ne sont pas considérées valables : Cass. civ. 2, 12 décembre 2013, n° 12-29.862, FS-P+B (N° Lexbase : A3655KRS), Bull. civ. II, n° 234 ; RCA, 2014, 74, obs. H. Groutel ; Cass. civ. 2, 20 novembre 2014, n° 11-27.102, F-D (N° Lexbase : A9386M3Z), RGDA, 2015, 12, note A. Pélissier. Cass. civ. 2, 11 décembre 2014, n° 13-26.893, précité. Cass. civ. 2, 15 janvier 2015, n° 13-19.405, F-D (N° Lexbase : A4511M9X). Pour des cas dans lesquels la validité de l'exclusion est retenue : Cass. civ. 2, 9 avril 2009, n° 08-14.271 (N° Lexbase : A1141EGD). Cass. civ. 3, 23 mai 2012, n° 10-12.874, FS-P+B (N° Lexbase : A0777IMQ), Bull. civ. III, n° 80. Cass. civ. 2, 3 octobre 2013, n° 12-23.684, F-D (N° Lexbase : A3273KM8).
(5) CA Montpellier, 13 octobre 2015.
(6) Sur cette question, voir les observations sous Cass. civ. 2, 5 mars 2015, cette revue, précité. Cass. civ. 2, 11 décembre 2014, précité.
(7) J. Bigot et alii, Traité de droit des assurances, Le contrat d'assurance, Tome 3, LGDJ, 2ème éd., 2014, n° 1736. A. Pélissier, obs. sous Cass. civ. 2, 20 novembre 2014, n° 11-27.102, F-D (N° Lexbase : A9386M3Z), RGDA, 2015, 12.
(8) Loi n° 2017-203 du 21 février 2017 (N° Lexbase : L9754LCA), nos obs. in chron., Lexbase, éd. priv., 2017, n° 693 (N° Lexbase : N7358BWG).
(9) Cass. civ. 1, 9 mars 2016, n° 15-18.899, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4000QYS), et nos obs. in chron., Lexbase, éd. priv., n° 652, 2016 (N° Lexbase : N2379BWZ) ; RCA, 2016, 209, obs. G. Courtieu ; RGDA, 2016, 186, note L. Mayaux.
(10) CA Douai, 17 septembre 2015, n° 14/01655 (N° Lexbase : A2560NPI).
(11) C. consom., art. L. 331-32 (N° Lexbase : L9845LCM).
(12) Cass. civ. 2, 1er juillet 2010, n° 08-12.334, FS-P+B (N° Lexbase : A6672E3I), Bull. civ. II, n° 130.
(13) Issue de l'ancien article 2270-1 (N° Lexbase : L2557ABC) : sur la question, Ph. le Tourneau et alii, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2014/2015, n° 2268.

newsid:459095

Avocats/Procédure

[Le point sur...] Signification ou Notification ?

Lecture: 15 min

N9033BWH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459033
Copier

par Sylvian Dorol, Huissier de justice associé (Venezia & Associés), chargé d'enseignement (Paris I Sorbonne/Caen), Correcteur à l'Ecole nationale de procédure

Le 29 Juin 2017

Il existe une réelle confusion quant à la distinction entre la signification et la notification. La conséquence de cette méconnaissance des deux notions est qu'il est tentant de réduire leurs différences à un aspect économique, et de conclure que la signification est une notification, mais plus chère... Admettre ce point de vue serait réducteur, et nierait le fossé qui sépare ces deux notions, à savoir la sécurité juridique du justiciable. Il apparaît donc opportun de rappeler chacune de ces notions, et la valeur de la signification. La question revient régulièrement : pourquoi ne pas supprimer la signification au profit de la notification par lettre recommandée ? En effet, s'il se trouve des personnes pour affirmer qu'une lettre recommandée rend les mêmes services qu'une signification, celles-ci ignorent en réalité ce qui sépare la signification de la notification postale.

Mais, il est difficile de leur en tenir grief car il est courant de croire qu'aucune différence n'existe entre la signification et la notification. Bon nombre de juristes l'ignorent d'ailleurs. Pourtant la simple lecture de l'article 651 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6814H7I ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1199EUX) permet de pallier cette méprise : "Les actes sont portés à la connaissance des intéressés par la notification qui leur en est faite [alinéa 1]. La notification faite par acte d'huissier de justice est une signification [alinéa 2]. La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l'aurait prévue sous une autre forme [alinéa 3]".

La notification et la signification poursuivent la même fin : informer. Mais elles n'ont pas le même agent : la signification est une notification faite par huissier de justice. A ce stade du raisonnement, la différence entre les deux notions est mince. Mais c'est justement l'huissier de justice qui crée le fossé entre la signification et la notification postale.

Au-delà de déterminer plus précisément ce qui distingue les notions de notification et de signification, la question qui se pose réellement est de savoir si un système judiciaire sans signification garantirait la sécurité juridique des justiciables.

Cette question ne manque pas d'acuité et une réponse négative revient à admettre qu'il est difficile de faire l'économie de la signification. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler ce qui distingue la signification de la notification postale en déterminant leurs ressemblances et différences (I), et d'accepter en conséquence l'existence d'une défiance vis-à-vis de la notification (II).

I - Signification ou notification : pour une distinction maîtrisée

Si quelques éléments rapprochent apparemment les notions de signification et de notification (A), il faut surtout retenir que les différences prédominent (B).

A - De fausses ressemblances

Il est vrai que la signification et la notification partagent apparemment des points communs : elles poursuivent le même but (1), et sont réalisées par des agents assermentés (2).

1 - Un objectif : l'information

Cet objectif commun ressort de la lecture de l'alinéa 1er de l'article 651 du Code de procédure civile précédemment évoqué. L'information est la motivation de la notification et de la signification.

De l'accusé de réception signé et du procès-verbal de signification découlera la présomption selon laquelle le destinataire est informé de son contenu. Pour autant, il faut dépasser cette présomption pour s'appesantir sur quelques considérations matérielles. En effet, comment admettre qu'un malvoyant prenne connaissance du contenu d'une notification postale si elle n'est pas rédigée en braille ? Comment accepter qu'une personne lisant et comprenant mal la langue française puisse prendre connaissance de l'acte, rédigé en des termes juridiques qui n'ont leur place que dans les dictionnaires spécifiques, qui lui est notifié ? La seule signature de l'avis de réception ne suffit pas à garantir la sécurité juridique du destinataire, et prouve uniquement une distribution, non une prise de connaissance intellectuelle de l'acte. Or, il peut paraître dangereux de déduire la connaissance intellectuelle d'un document de sa seule détention matérielle, et la Cour de cassation ne l'ignore pas (1).

Mais "l'acte d'huissier ne peut être réduit à la seule notification" (2), et c'est donc paradoxalement dans leur objectif commun d'information que notification et signification se distinguent. En effet, si la notification ne consiste qu'en une remise matérielle, la signification implique que l'huissier de justice informe réellement le destinataire de l'acte de son contenu, et, surtout, de ses conséquences. Cela est parfois prescrit expressément dans les textes. Par exemple, dans la procédure d'injonction de payer, l'huissier de justice doit mentionner à peine de nullité en cas de signification à personne qu'il a rappelé verbalement les dispositions de l'article 1413 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6351H7D) (3). De la même manière, avant de procéder à une saisie-vente, l'officier public et ministériel réitère verbalement le commandement de payer (4) ainsi que ses obligations (5). Il en est également de même en matière de saisie conservatoire de biens meubles corporels (6). Le Professeur Natalie Fricero écrit en ce sens que "l'huissier de justice doit apporter une information éclairée au justiciable, et traduire en termes compréhensibles le contenu de l'acte, en indiquant le comportement que ce dernier doit adopter pour défendre ses intérêts" (7). C'est pour cette raison qu'il a été jugé par la Cour de cassation que la simple remise d'un pli cacheté ne vaut pas mise en demeure par acte extrajudiciaire (8).

Pour résumer : la notification informe seulement, alors que la signification renseigne également. L'agent postal remet, l'huissier de justice traduit.

2 - Un moyen : l'assermentation

La notification par voie postale est réalisée par un agent de La Poste. La signification est réalisée par l'huissier de justice ou son clerc assermenté. En toute hypothèse, c'est donc un agent assermenté qui assure la mission qui lui est confiée. Ce point commun porte cependant en son sein des différences capitales.

En effet, l'agent de La Poste (excepté l'agent habilité à effectuer des enquêtes) prête serment en ces termes : "Je fais le serment de remplir avec conscience les fonctions qui me seront confiées. Je m'engage à respecter scrupuleusement l'intégrité des objets déposés par les usagers et le secret dû aux correspondances, aux informations concernant la vie privée dont j'aurai connaissance dans l'exécution de mon service. Je m'engage à exécuter avec probité les opérations financières confiées à La Poste. Je m'engage également à signaler à mes responsables hiérarchiques toute infraction aux lois et règlements régissant La Poste" (9).

L'huissier de justice, quant à lui prête serment en usant de la formule suivante : "Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d'observer en tout les devoirs qu'elles m'imposent" (10). Son serment est donc beaucoup plus général, et contraignant.

Ces deux serments ne souffrent d'aucune comparaison. En effet, l'agent postal prêtera serment auprès de son chef de service ou chef immédiat (11). Par contre, c'est le tribunal de grande instance qui recevra le serment de l'huissier de justice, lequel déposera ses signatures et paraphes au secrétariat-greffe de cette juridiction avant d'entrer en fonction (12). Dans l'hypothèse du clerc assermenté, c'est le tribunal d'instance qui recevra son serment (13), au bout d'une procédure d'instruction longue de plusieurs mois.

Loin d'être une question de forme, cet aspect sacramentel emporte des effets concrets.

D'abord, quant à la sanction du serment. Faut-il rappeler que l'huissier de justice est responsable personnellement pénalement, civilement, financièrement et disciplinairement ? La force de la signification prend source dans la rigueur de sa sanction. Quant au régime de responsabilité de l'agent postal, comment imaginer qu'il soit un jour aussi contraignant en pensant seulement au nombre d'intervenants entre la levée du courrier et sa distribution ? D'ailleurs, son serment ne porte en substance que sur le fait de jurer de ne pas commettre d'infractions pénales : dégradations du bien d'autrui, vol de correspondances, violation de la vie privée, détournement de fonds ou vol de valeurs...

Ensuite, il est possible d'émettre l'hypothèse selon laquelle le destinataire de l'acte est aveugle, ou illettré. Si la notification est réalisée par l'agent postal, il ne pourra lire et comprendre l'acte car l'agent a juré de "respecter scrupuleusement [...] le secret dû aux correspondances [...]". Or la notification doit être faite sous pli fermé (14). Si l'acte au contraire est signifié, c'est-à-dire que la notification est faite par voie d'huissier de justice, celui-ci lira à haute et intelligible voix l'acte, l'expliquera au besoin, et mentionnera cette diligence dans son procès-verbal dont les mentions valent jusqu'à inscription de faux (15).

L'assermentation n'est donc pas en soi une garantie de l'efficacité de la notification : tout tient à la personne assermentée, comme l'indique l'article 651 du Code de procédure civile.

Ces faux points communs comportent donc en réalité des réelles différences, qui sont bien plus nombreuses.

B - De réelles différences

Au-delà de la sémantique, la distinction entre la notification et la signification s'illustre en termes d'efficacité et d'effectivité de l'information délivrée.

1 - L'efficacité

Il est illusoire de croire que la notification et la signification revêtent la même efficacité, savoir informer le destinataire, et ce pour des raisons concrètes.

En matière de notification, l'agent postal ne se présente qu'une fois au domicile (16), et seulement à l'adresse indiquée par l'expéditeur. Dans l'hypothèse, fréquente, où le destinataire est absent, il incombera à ce dernier de se présenter dans un délai de 15 jours à l'agence postale où il devra justifier de son identité pour récupérer le pli.

Dans l'hypothèse malheureuse où le destinataire du pli recommandé ne demeure plus à l'adresse indiquée sur l'enveloppe, il ne sera jamais touché par la notification (hors le cas du suivi du courrier). Dans cette situation, où la notification est enchaînée par l'adresse, l'efficacité de la signification se déchaîne. En effet, l'huissier de justice peut remettre à un tiers présent au domicile l'acte s'il l'accepte, et, si le destinataire n'y demeure plus, il devra se présenter à la nouvelle adresse s'il l'obtient (17), et en tout lieu où il peut rencontrer le destinataire (18) (même sur le lieu de travail (19), en maison d'arrêt (20), ou à l'hôpital (21)) ; les textes le prescrivent (22), et la jurisprudence est constante pour exiger de lui l'accomplissement de toutes diligences pour ce faire. Cependant, si le domicile est certain, délicatesse et discrétion obligent, l'huissier de justice n'a pas obligation de se présenter à nouveau ou sur le lieu de travail pour signifier (23). Dans l'hypothèse où la nouvelle adresse du destinataire est inconnue, l'huissier de justice non porteur d'un titre exécutoire ne peut obtenir de renseignements de la part de l'administration (24) et il est alors dressé un procès-verbal conformément à l'article 659 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6831H77), qui sera opposable au requis.

La différence d'efficacité entre la signification et la notification s'exprime pleinement en matière d'urgence, ce qui explique que l'huissier de justice est désigné comme un "urgentiste du droit" (25). En effet, pour l'accomplissement d'un acte le dernier jour d'un délai de prescription, il est inutile de déposer son courrier dans une boîte aux lettres le 28 janvier à 19h car le pli portera le cachet du 29... La notification en l'espèce est donc impossible, alors que la signification peut encore être réalisée.

Le Code de procédure civile a pleinement appréhendé cette hypothèse en prévoyant expressément que la notification peut toujours être faite par voie de signification (26).

2 - L'effectivité

De cette différence d'efficacité, naît naturellement une différence d'effectivité.

Comme évoqué dans les précédentes lignes, la notification peut se révéler impossible. Ainsi en est de l'hypothèse selon lequel le destinataire infirme ne peut signer l'accusé de réception qui lui est présenté, ou ne peut en prendre connaissance. Dans l'hypothèse inverse, l'accusé de réception ne prouvera que la délivrance d'une enveloppe, non de son contenu. En d'autres termes, aucun élément n'indique que l'information est réellement parvenue à son destinataire. D'autant que si un pli recommandé parvient à son destinataire vide, il appartiendra à ce dernier de le prouver ; l'expéditeur n'a pas à prouver que le pli recommandé contenait un document (27).

Dans d'autres cas, il se peut que le destinataire de l'acte soit motivé par des intentions malignes, sanctionnées pénalement, en utilisant sciemment une fausse signature sur l'avis de réception pour pouvoir contester par la suite la régularité de la notification (28). Il se peut également que l'expéditeur de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoie sciemment le pli à une mauvaise adresse, et le récupère en imitant la signature du destinataire (29). Mais, tant que la manoeuvre frauduleuse n'est pas établie, lorsque l'avis de réception porte une signature qui n'est pas celle de son destinataire, la notification est privée de tout effet (30).

L'effectivité de la signification se concrétise également lorsque que le destinataire souhaite refuser l'acte. Il est facile de refuser une notification postale (il suffit de ne pas récupérer le pli), mais impossible concernant la signification. La signification ne requiert nullement le consentement du destinataire (31) : il ne peut refuser l'acte s'il est rencontré en personne (32), et, si son comportement rend impossible la signification (33), cela sera sans effet sur le procès-verbal dressé par l'officier public et ministériel (34).

L'absence de l'intéressé lors de la notification par pli recommandé pose également problème car la présentation d'un pli ne vaut pas remise (35). En matière de signification, la loi autorise la remise, sous enveloppe fermée, de l'acte à un tiers présent au domicile (36) ou, si cela n'est pas possible, en l'étude de l'huissier de justice où il sera conservé trois mois (37). Dans ces deux cas, l'huissier de justice ou son clerc laissera au domicile un avis de passage et enverra au plus tard le premier jour ouvrable suivant une lettre simple comportant copie de l'acte (38), étant ici précisé que cet envoi ne se substitue pas à l'acte original.

Il est ici capital de souligner le fait que la signification d'un acte emporte une information effective. En pratique, lorsque le destinataire de la signification est absent, il appelle quasiment systématiquement, et gratuitement (hors le coût de la communication téléphonique que lui facture son opérateur) l'huissier de justice dont les coordonnées figurent sur l'avis de passage qui lui a été laissé pour obtenir des renseignements sur la nature de l'acte et des conséquences de celui-ci. La mission de signification, contrairement à la notification postale, ne se résume donc pas à un simple transport sur place et la remise : elle inclut une nécessité de conservation de l'acte (la copie est conservée 3 mois, l'original est conservé plus d'une quinzaine d'années), et un devoir d'information réel et objectif. Cette distinction entre ces deux notions est fondamentale, car c'est de cette méprise que naît le mépris de la signification.

II - Signification ou Notification : contre une signification méprisée

La différence entre la signification et notification maîtrisée, il est alors opportun de s'interroger sur les fondements de la prévalence de la première sur la seconde (39), notamment dans l'hypothèse où la notification postale s'est déroulée sans encombre. Le constat est sans appel : la signification offre des garanties supérieures à la première, d'autant que la date de la notification postale peut être contestable (A). Dès lors, il convient de s'interroger sur le fait de savoir si les questions soulevées récemment ne sont pas que des résurgences du passé, qui parasitent les débats actuels (B).

A - La question de la date

Qu'est-ce qui différencie la signification de la notification postale si cette dernière s'est déroulée normalement ? La réponse est simple : la date. Si aucun débat n'existe quant à la date d'une signification (1), tel n'est pas le cas concernant celle de la notification postale (2).

1 - La date de la signification

La date de la signification vaut jusqu'à inscription de faux (40). En conséquence, l'erreur ou le faux en la matière est passible de lourdes sanctions.

Cette date, concernant les significations effectuées en France, est la même pour le requérant que pour le requis. Il s'agit de celle où l'huissier de justice a établi son procès-verbal (41). Cela s'explique par une volonté de stabilité temporelle de l'acte juridique illustré par l'exemple suivant. Si un jugement contradictoire en premier ressort est signifié le 2 mai en "dépôt étude" (42), et que le requis retire l'acte le 1er août, le délai d'appel de 1 mois sera expiré car celui-ci court à compter de la signification. Admettre le contraire permettrait à une partie au procès de maîtriser unilatéralement la durée de l'appel au préjudice de son contradicteur. La date unique de la signification est donc un facteur de la sécurité juridique des parties, et assure la stabilité temporelle des décisions de justice.

Une des principales forces de la signification est donc sa date certaine, rendue possible par l'autorité et l'intégrité de l'huissier de justice.

Tel n'est pas le cas concernant la date de notification postale, dont l'étude approfondie justifie une méfiance par rapport à celle-ci.

2 - La date de la notification

A la lecture du Code civil, la date de la notification est double (43). Pour l'expéditeur, la date du pli sera celle qui figure sur le cachet du bureau d'expédition (date d'envoi), et pour le destinataire, la date qui lui sera opposable sera celle de la réception.

Cette dualité de dates est dangereuse, et n'assure aucune sécurité juridique. Il se peut en effet que le délai d'acheminement de la notification soit excessivement long, comme il avait été signalé dans un rapport du Sénat (44).

Dans l'hypothèse où le destinataire a bien reçu la notification postale, d'autres problèmes peuvent survenir.

Si l'expéditeur a usé d'une machine à affranchir, et donc que ce n'est pas les services postaux eux-mêmes qui ont oblitéré le courrier, la jurisprudence est divisée sur la réalité de la date de notification : certaines décisions l'admettent (45), d'autres non (46).

Il se peut également que la date du pli recommandée soit erronée (date du cachet d'expédition postérieure à la date de réception, un constat établi par huissier le prouvant (47)), n'existe pas (37 décembre) (48), soit absente (49) ou illisible. En d'autres hypothèses, la notification peut également être perturbée par une grève.

Toutes ces raisons ne sont pas nouvelles, et l'opinion de l'auteur selon laquelle "il n'y a vraiment dans notre droit d'autres moyens de donner aux deux parties la sécurité que l'exploit d'huissier" (50) également.

B - Les questions à se poser

Comme indiqué en introduction, l'idée d'une restriction de la signification n'est pas nouvelle (1). Cependant, bien que la force de la signification soit reconnue, des évolutions sont nécessaires pour encore améliorer ce mode de communication (2).

1 - Les anciennes questions

Déjà évoqué en 1960 par le rapport "Rueff-Armand", et en 2008 par la Commission Attali, le débat sur l'opportunité de la notification n'est donc pas récent, et noircissait déjà les colonnes de revues juridiques il y a plus d'un demi-siècle. En effet, parce que "le soucis d'alléger le formalisme dans la signification des actes est presque aussi ancien que notre procédure elle-même" (51), un auteur (52) a pu imaginer "la signification par lettre recommandée AR", qui était en réalité un hybride juridique, à savoir une lettre recommandée envoyée par huissier de justice (53)... Mais ce même auteur admettait que cela causait des problèmes de garanties des délais et de responsabilité.

La question de la signification et de son coût a déjà été traitée par le passé (54). Et la doctrine concluait alors "il convient donc de se tenir en garde contre les illusions d'une simplicité qui tendrait au simplisme, et contre l'abandon trop radical du formalisme, abandon dont tout processualiste sait bien qu'il ne peut aller sans risque ni dommage [...]. Si nous avons insisté sur les avantages du système ancien, sur les risques du nouveau, c'est surtout pour rappeler qu'économie et simplicité ne sont pas tout dans la procédure, et que celle-ci est faite d'abord pour assurer les garanties d'une justice équitable".

2 - Les futures questions

De l'avis de la Chambre nationale des huissiers de justice, le maintien de la signification et l'amélioration des textes actuels sont des composantes essentielles de la justice du XXIème siècle. Ainsi, dans la contribution de la Chambre nationale des huissiers de justice au "débat sur la Justice du XXIème siècle", plusieurs propositions portent principalement sur la signification.

En l'état actuel, un huissier de justice qui ignore la nouvelle adresse d'un requis pour délivrer une assignation ne peut pas obtenir ce renseignement de l'Administration (55). C'est là parfois un obstacle à la signification à personne que la Chambre nationale propose (56) de lever en étendant les dispositions prévues à l'article L. 152-1 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L9503I74), relatives à l'accès aux informations concernant l'adresse du débiteur.

Comme il a été vu, la signification offre des garanties bien supérieures à la notification : la date certaine, la fiabilité, la connaissance de l'acte, le rôle d'information et d'explication, et la sécurité fournie par l'huissier de Justice, juriste de haut niveau à la sélection draconienne. Voilà pourquoi la signification, tout en restant modeste et accessible aux plus démunis via l'aide juridictionnelle, garantit la sécurité juridique du justiciable.


(1) Cass. civ. 3, 21 mai 2014, n° 13-14.851, FS-P+B (N° Lexbase : A4904MML), Dr et Proc., 2014, n° 6, p. 142, note S. Ravenne.
(2) Note 1.
(3) C. pr. civ., art. 1414 (N° Lexbase : L4837ISX).
(4) C. proc. civ. exécution, art. R. 221-5 (N° Lexbase : L2250ITI).
(5) C. proc. civ. exécution, art R. 221-17 (N° Lexbase : L2262ITX).
(6) C. proc. civ. exécution, art. R. 522-2 (N° Lexbase : L2549ITL).
(7) N. Fricero, Notification des actes de procédure, Jurisclasseur, Procédure civile.
(8) Cass. civ. 3, 21 mai 2014, n° 13-14.851, FS-P+B (N° Lexbase : A4904MML), Dr. et proc., 2014, n° 6, p. 142, note S. Ravenne.
(9) Décret n° 93-1229 du 10 novembre 1993, relatif au serment professionnel prêté par les personnels de la Poste (N° Lexbase : L6532BHE).
(10) Décret n° 75-770 du 14 août 1975, relatif aux conditions d'accès à la profession d'huissier de justice ainsi qu'aux modalités des créations, transferts et suppressions d'offices d'huissier de justice et concernant certains officiers ministériels et auxiliaires de justice, art. 35 (N° Lexbase : L1357G8R).
(11) Décret n° 93-1229 du 10 novembre 1993, relatif au serment professionnel prêté par les personnels de la Poste, art. 3.
(12) Décret n° 75-770 du 14 août 1975, précité, art. 36.
(13) Loi du 27 décembre 1923, relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés, art. 11 (N° Lexbase : L4844KY3).
(14) C. pr. civ., art 667 (N° Lexbase : L8430IRN) ; Cass. civ. 2., 7 janvier 1970, D., 1970, p. 287.
(15) J. D. Lachkar, La force probante de l'acte d'huissier de justice, JCP éd. N, 2013, 1016, n° 10.
(16) Il est possible depuis peu de demander de demander une seconde présentation en téléphonant au 3631.
(17) Cass. civ. 2., 16 juin 1993, n° 90-18.256 (N° Lexbase : A5445ABB), Bull. civ. II, n° 213 ; Cass. civ. 2, 30 juin 1993, n° 91-21.216 (N° Lexbase : A5939ABL), Bull. civ., II, n° 238 ; Cass. civ. 2, 28 septembre 2000, n° 99-10.843 (N° Lexbase : A7183C4S) ; Cass. civ. 2, 30 mai 2002, n° 00-20.588 (N° Lexbase : A7755AYU) ; Cass. civ. 2, 20 octobre 2005, n° 03-19.489, FS-P+B (N° Lexbase : A0216DLL), Bull. civ., II, n° 266 ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 03-19.418, F-D (N° Lexbase : A4950DNN) ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-15.375, F-D (N° Lexbase : A4982DNT).
(18) C. pr. civ., art. 689 (N° Lexbase : L6890H7C).
(19) Cass. civ. 2, 11 février 1987, n° 85-15.309 (N° Lexbase : A6559AA8), Bull. civ., II, n° 43 ; Cass. civ. 2, 13 juillet 2005, n° 03-16.693, FS-D (N° Lexbase : A9166DIC) ; Cass. civ. 2, 21 octobre 2004, n° 02-21.468, F-D (N° Lexbase : A6424DDB) ; Cass. civ. 2, 10 novembre 2005, n° 03-20.369, FS-P+B (N° Lexbase : A5081DLR), Bull. civ., II, n° 287.
(20) CA Besançon, 13 octobre 1994.
(21) CA Montpellier, 28 février1995, Rev. huissiers 1995, p. 816, note J.-J. Bourdillat.
(22) C. pr. civ., art 655 (N° Lexbase : L6822H7S).
(23) CA Toulouse, 29 juin 1994 ; CA Aix-en-Provence, 20 septembre 2002.
(24) Rép. min. n° 52445, JOAN Q, 2 février 2010, p. 1169.
(25) S. Dorol, Le constat de vidéosurveillance sur le lieu de travail, Dr. et proc., 2014, n° 1, p. 2.
(26) C. pr. civ., art. 651 (N° Lexbase : L6814H7I).
(27) Cass. civ. 1, 15 juillet 1993, n° 92-04.092 (N° Lexbase : A7419CTX).
(28) Cass. crim., 29 mai 1997, n° 96-84.067 (N° Lexbase : A0635C7N).
(29) Cass. crim., 25 mai 1992, n° 91-82934 (N° Lexbase : A0613ABC).
(30) Cass. soc., 4 mai 1993, n° 88-45.634 (N° Lexbase : A3302ABW), Bull., n° 124 ; Cass. soc., 1er avril 1999, n° 97-14.262 (N° Lexbase : A9992CKB) ; Cass. civ. 1, 5 octobre 1999, n° 96-17.794 (N° Lexbase : A1472CNT).
(31) Excepté l'hypothèse de la signification par voie électronique, qui n'exclut pas le recours à la signification papier.
(32) CA Paris, 12 décembre 1906, S., 1907, 2, p. 109, DP, 1907, 2, p. 15.
(33) Cass. civ. 2, 24 novembre 1982, n° 81-14.504 (N° Lexbase : A8852CIP), Bull. civ., II, n° 151 ; Cass. civ. 2, 7 octobre 1992, n° 91-12.499 (N° Lexbase : A5783AHN), Bull. civ. I, n° 231 ; Cass. civ. 2, 4 janvier 2006, n° 04-15.105, F-D (N° Lexbase : A1726DMU) ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-19.140, FS-P+B (N° Lexbase : A5014DNZ), Bull. civ. II, n° 71.
(34) Cass. civ. 2, 15 avril 2010, n° 09-12.445, F-D (N° Lexbase : A0609EWH), Dr. et procéd., 2010, n° 7, A. 064, p. 217.
(35) Cass. civ. 3, 13 juillet 2011, n° 10-20.478, FS-P +B (N° Lexbase : A0492HW7).
(36) C. pr. civ., art. 655 (N° Lexbase : L6822H7S).
(37) C. pr. civ., art. 656 (N° Lexbase : L6825H7W) et s..
(38) C. pr. civ., art 658 ([LXB=L6829H73 ]).
(39) C. pr. civ., art 670-1 (N° Lexbase : L6829LEN).
(40) Cass. civ. 2, 2 avril 1990, n° 89-10.933 (N° Lexbase : A4318AHE), Bull. civ, II, n° 72 ; Cass. civ. 2, 20 novembre 1991, n° 90-15.591 (N° Lexbase : A5370AHD), Bull. civ., II, n° 314 ; Cass. civ. 2, 30 juin 1993, n° 91-19.189 (N° Lexbase : A5864ABS) ; Cass. civ. 2, 30 juin 1993, n° 91-19.189 (N° Lexbase : A5864ABS), Bull. civ., II, n° 237 ; Cass. mixte, 6 octobre 2006, n° 04-17.070, P+B+R+I (N° Lexbase : A5094DR4), Bull. Ch. mixte, n° 8.
(41) C. pr. civ., art. 653 (N° Lexbase : L4834IST).
(42 ) L'huissier de justice n'a trouvé personne au domicile du requis, mais son domicile est certain. L'acte sera déposé à l'étude de l'officier public et ministériel, et le requis en sera avisé par lettre. Il pourra se présenter à l'étude de l'huissier de justice dans un délai de 3 mois pour récupérer le pli.
(43) C. pr. civ., art. 669 (N° Lexbase : L6846H7P).
(44) Rapport d'information n° 344 (2002-2003) de M. Gérard Larcher, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 11 juin 2003, p. 27 et s..
(45) Cass. civ.1., 9 février 1982, n° 81-10.543, Bull. civ. I, n° 64 ; Defrénois, 1982, p. 1634, obs. G. Vermelle - Cass. soc., 27 juin 1991, n° 88-17.956 (N° Lexbase : A1842C4Y).
(46) Cass. civ 3., 8 juin 1994, n° 93-70.196 (N° Lexbase : A7996ABR), Bull. civ. III, n° 119 ; AJPI, 10 février 1995, p. 132 ; D., 1994, IR, p. 167 ; CAA Lyon, 8 octobre 1991, n° 91LY00555 (N° Lexbase : A2723A8D) ; CAA Paris, 19 mai 1998, n° 95PA03396 (N° Lexbase : A0585BII) ; CAA Paris, 24 novembre 1998, n° 97PA00016 (N° Lexbase : A1706BIZ).
(47) Boulmier.
(48) Boulmier.
(49) Cass. soc., 19-06-1985, n° 84-60.905 (N° Lexbase : A4910AA4).
(50) R. Savatier, note ss Cass. soc., 25 juin 1954, D., 1955, jurispr. p. 357.
(51) D. Cosnard, La lettre missive, acte de procédure, D., 1960, chron. p. 97.
(52) Debray, La lettre recommandée dans la procédure civile et commerciale, D., 1968, chron., p. 155.
(53) On pourrait penser que cela existe déjà en lisant les dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6831H77). Mais, dans ce cas, l'acte de signification n'est pas constitué par l'envoi d'une lettre recommandée, qui ne constitue qu'une diligence accomplie par l'huissier de justice au cours de sa mission. Seul le procès-verbal qu'il dresse tient lieu de signification.
(54) D. Cosnard, op. cit.
(55) Rép. min. n° 52445, JOAN Q, 2 février 2010, p. 1169.
(56) Proposition n°11 de la contribution de la Chambre nationale des huissiers de justice au "débat sur la Justice du XXIème siècle".

newsid:459033

Commercial

[Brèves] Refus de l'agent commercial de conclure un nouveau contrat : droit à l'indemnité de rupture

Réf. : Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-29.127, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4284WII)

Lecture: 1 min

N9007BWI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459007
Copier

par Vincent Téchené

Le 29 Juin 2017

L'agent commercial qui refuse de conclure un nouveau contrat à l'expiration du précédent n'a pas l'initiative de la cessation du contrat au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L5661AII), de sorte qu'il n'est pas privé du droit à indemnité prévu par l'article L. 134-12 du même code (N° Lexbase : L5660AIH). Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 21 juin 2017 (Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-29.127, FS-P+B+I N° Lexbase : A4284WII).

En l'espèce, pour la distribution de ses publications médicales, une société (le mandant) a conclu successivement des contrats d'agence commerciale à durée déterminée, les deux derniers venant à échéance le 31 décembre 2011. Par lettres des 2 mai et 8 septembre 2011, le mandant a notifié à son agent commercial le non-renouvellement des contrats à leur terme et engagé des négociations en vue de la conclusion d'un nouveau contrat, qui n'ont pas abouti à un accord. Se prévalant du non-renouvellement abusif du contrat par l'agent commercial, le mandant l'a assigné en réparation de son préjudice et celui-là a demandé reconventionnellement le paiement d'une indemnité de cessation de contrat.

La cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 17 décembre 2015, n° 14/05560 N° Lexbase : A5481NZZ) rejette cette demande d'indemnité de l'agent commercial, retenant que ce dernier, qui a refusé de conclure le nouveau contrat proposé, ayant été à l'origine de la rupture de leurs relations, ne peut prétendre à cette indemnité.

Mais énonçant la solution précitée, la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi, censure l'arrêt d'appel au visa des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce.

newsid:459007

Copropriété

[Brèves] Convocation d'une assemblée générale extraordinaire à la demande de copropriétaires : le syndic peut-il ajouter des questions autres que celles dont l'inscription a été demandée ?

Réf. : Cass. civ. 3, 22 juin 2017, n° 16-22.073, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6986WIL)

Lecture: 2 min

N9021BWZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459021
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 29 Juin 2017

L'ordre du jour d'une assemblée générale convoquée à la demande de copropriétaires représentant au moins un quart des voix de tous les copropriétaires n'est pas limité aux seules questions dont l'inscription a été demandée par ces copropriétaires ; le syndic peut ainsi valablement y ajouter la question du renouvellement de son mandat. Tel est l'apport de l'arrêt rendu le 22 juin 2017 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 22 juin 2017, n° 16-22.073, FS-P+B+I N° Lexbase : A6986WIL).

En l'espèce, Mmes Y, B et C, propriétaires de lots dans un immeuble en copropriété, avaient assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de l'assemblée générale du 12 juin 2013 et, subsidiairement, de ses décisions n° 5 et 9. Elles faisaient grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 9 juin 2016, n° 14/24080 N° Lexbase : A2836RST) de rejeter leur demande en annulation de la décision n° 9, soutenant que, lorsque la convocation d'une assemblée générale exceptionnelle a été demandée par au moins un quart des voix des copropriétaires, qui ont fixé les questions inscrites à l'ordre du jour, le syndic n'a pas le pouvoir de le compléter en inscrivant la question du renouvellement de son mandat ; qu'en retenant cependant que le syndic pouvait valablement ajouter à l'ordre du jour de cette assemblée générale exceptionnelle, convoquée à l'initiative de copropriétaires représentant au moins un quart des voix, le renouvellement de son mandat, la cour d'appel avait violé l'article 8 du décret du 17 mars 1967, modifié par décret du 20 avril 2010 (N° Lexbase : L5599IGH). L'argument est écarté par la Cour suprême qui approuve les juges d'appel ayant retenu à bon droit que l'ordre du jour d'une assemblée générale convoquée à la demande de copropriétaires représentant au moins un quart des voix de tous les copropriétaires n'était pas limité aux seules questions dont l'inscription avait été demandée par ces copropriétaires. Aussi, selon la Haute juridiction, la cour d'appel en avait exactement déduit que le syndic avait pu ajouter la résolution n° 9 à l'ordre du jour (cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E6757ETG et N° Lexbase : E7030ETK).

newsid:459021

Droit des étrangers

[Brèves] Clause d'exclusion de la protection conventionnelle : le juge qui retient une note confidentielle doit la prendre en considération dans son appréciation globale

Réf. : CE, 10° et 9° ch.-r., 19 juin 2017, n° 389868, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4248WI8)

Lecture: 2 min

N9035BWK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459035
Copier

par Marie Le Guerroué

Le 29 Juin 2017

Pour faire jouer la clause d'exclusion du bénéfice de la protection conventionnelle, le juge peut se fonder sur une note dont la source est demeurée confidentielle vis-à-vis du demandeur d'asile. Dans cette hypothèse, il lui appartient de prendre en compte les éléments contenus dans un tel document dans le cadre de son appréciation globale. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans une décision rendue le 19 juin 2017 (CE, 10° et 9° ch.-r., 19 juin 2017, n° 389868, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4248WI8).

En l'espèce, le 14 juin 2011, l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) avait refusé à M. A, ressortissant sri-lankais, la qualité de réfugié. Le 27 février 2015, la CNDA avait annulé cette décision. Pour soutenir que M. A. s'était rendu coupable, comme auteur ou complice, à titre personnel, d'un des agissements visés à l'article 1er F de la Convention de Genève (N° Lexbase : L6810BHP), l'Ofpra avait, devant la CNDA, versé une note rédigée par sa division de l'information, de la documentation et des recherches, comportant des informations relatives à l'implication de M. A. au sein des unités combattantes du mouvement séparatiste des "tigres libérateurs de l'Eelam tamoul", notamment dans la préparation d'attentats. L'Ofpra, pour ne pas compromettre la sécurité des personnes ayant fourni ces informations, avait refusé de divulguer leur identité dans le cadre du débat contradictoire. L'Ofpra se pourvoit en cassation.

Le Conseil d'Etat constate que la Cour a estimé pouvoir prendre en compte cette note tout en refusant de se fonder exclusivement sur les informations qu'elle contenait, dès lors que leur source était restée confidentielle à l'égard du M. A.. La Cour s'est d'abord prononcée au vu de l'ensemble des autres pièces de son dossier avant d'en déduire, faute d'avoir identifié suffisamment d'éléments constituant des raisons sérieuses de penser que le demandeur se serait rendu coupable, comme auteur ou complice, à titre personnel, d'un des agissements visés à l'article 1 F de la Convention, qu'elle ne pouvait, par suite, prendre en considération la note de la division de l'information, de la documentation et des recherches de l'OFPRA, pour opposer la clause d'exclusion du bénéfice de la protection conventionnelle à M. A..

Or le Conseil d'Etat estime, qu'en fondant ainsi sa décision uniquement au regard des seules pièces dont la source était connue et en s'interdisant de prendre en compte, dans son appréciation globale, la note litigieuse, la Cour a entaché sa décision d'erreur de droit (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E4301EYX).

newsid:459035

Durée du travail

[Brèves] Mise en oeuvre du forfait-jours par accord : respect des exigences relatives au droit à la santé et au repos

Réf. : Cass. soc., 22 juin 2017, n° 16-11.762, FS-P+B (N° Lexbase : A1017WKU)

Lecture: 2 min

N9045BWW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459045
Copier

par Blanche Chaumet

Le 30 Juin 2017

Répond aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, l'accord conclu le 11 juillet 2008 au sein de la société relatif à l'organisation du temps de travail des cadres relevant du statut d'autonomie, selon lequel ces personnels sont soumis à un forfait annuel en jours évalué à deux cent neuf jours par an, en ce qu'il prévoit, d'une part que les cadres sont tenus de déclarer régulièrement dans le logiciel "temps" en place dans l'entreprise le nombre de jours ou de demi-journées travaillées ainsi que le nombre de jours ou de demi-journées de repos et qu'une consolidation est effectuée par la direction des ressources humaines pour contrôler leur durée de travail ; d'autre part qu'au cours de l'entretien annuel d'appréciation, le cadre examine avec son supérieur hiérarchique la situation du nombre de jours d'activité au cours de l'exercice précédent au regard du nombre théorique de jours de travail à réaliser, les modalités de l'organisation, de la charge de travail et de l'amplitude de ses journées d'activité, la fréquence des semaines dont la charge a pu apparaître comme atypique, que toutes mesures propres à corriger cette situation sont arrêtées d'un commun accord et que s'il s'avère que l'intéressé n'est pas en mesure d'exercer ses droits à repos, toute disposition pour remédier à cette situation sera prise d'un commun accord entre le cadre concerné et son manager. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 juin 2017 (Cass. soc., 22 juin 2017, n° 16-11.762, FS-P+B N° Lexbase : A1017WKU ; voir également Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-71.107, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5499HU9 et Cass. soc., 8 septembre 2016, n° 14-26.256, FS-P+B N° Lexbase : A5176RZQ).

Engagée à compter du 1er avril 2000 par une société, la salariée exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur d'agence à Bourg-en-Bresse. Par avenant du 13 août 2008 à effet du 1er août, il a été stipulé qu'elle relevait du statut d'autonomie et bénéficiait d'un forfait-jours de deux cent neuf jours par an, en application de l'accord du 11 juillet 2008, relatif à l'organisation du temps de travail des cadres. Après avoir saisi la juridiction prud'homale le 12 décembre 2013 aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a pris acte le 2 juin 2015 de la rupture de ce contrat.

La cour d'appel (CA Lyon, 4 décembre 2015, n° 14/07930 N° Lexbase : A5188NYS) ayant débouté la salariée de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, d'indemnité de repos compensateurs outre congés payés, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, ainsi que de ses demandes de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour manquement à l'obligation de sécurité, elle s'est pourvue en cassation.

Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0430GA8).

newsid:459045

Expropriation

[Chronique] Chronique de droit de l'expropriation - Juin 2017

Lecture: 11 min

N9013BWQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459013
Copier

par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine, directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique, directeur adjoint de l'IRENEE

Le 29 Juin 2017

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de droit de l'expropriation rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE). Elle traitera tout d'abord des limites de l'office du juge de l'expropriation dans le cadre de la procédure de transfert de propriété des biens expropriés (Cass. civ. 3, 20 avril 2017, n° 16-11.230, FS-D). Sera ensuite étudié le point de départ du délai de production des pièces dans le cadre d'un appel contre le jugement d'indemnisation : une solution sévère pour l'appelant (Cass. civ. 3, 27 avril 2017, n° 16-11.078, FS-P+B+I). Enfin, cette chronique reviendra sur un avis de la Cour suprême au terme duquel l'ordonnance du juge de l'expropriation constatant le défaut de base légale du transfert de propriété n'est pas soumise aux règles de la propriété foncière (Cass. civ. 3, 20 avril 2017, avis, n° 17-70.007).
  • Limites de l'office du juge de l'expropriation dans le cadre de la procédure de transfert de propriété des biens expropriés (Cass. civ. 3, 20 avril 2017, n° 16-11.230, FS-D N° Lexbase : A3339WAW)

Si l'on met de côté les hypothèses de cession amiable, c'est le juge de l'expropriation qui est compétent pour procéder au transfert de propriété des biens visés par l'arrêté de cessibilité qui intervient à la fin de la phase administrative de la procédure. En première instance, la procédure de transfert des biens présente la caractéristique de ne pas présenter de caractère contradictoire et dans ce cadre, "le juge de l'expropriation qui, en matière de transfert de propriété, statue à la requête du préfet, rend son ordonnance au seul vu des pièces constatant que les formalités légales ont été accomplies [...]" (1). C'est donc un rôle purement formel qui est exercé à ce stade par le juge de l'expropriation. Plus précisément, il vérifie que le dossier transmis par le préfet comprend bien l'intégralité des pièces visées par l'actuel article R. 221-1 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2104I73), à savoir : l'acte déclarant l'utilité publique de l'opération et, éventuellement, l'acte le prorogeant ; le plan parcellaire des terrains et bâtiments ; l'arrêté préfectoral d'ouverture de l'enquête parcellaire ; les pièces justifiant de l'accomplissement des formalités tendant aux avertissements collectifs et aux notifications individuelles prévues dans le cadre de l'enquête parcellaire ; le procès-verbal établi à la suite de l'enquête parcellaire ; l'arrêté de cessibilité ou l'acte en tenant lieu, ayant moins de six mois de date avant l'envoi du dossier au greffe.

Dans la présente affaire, la juridiction de l'expropriation du département des Hauts-de-Seine avait prononcé le transfert de propriété, au profit du département des Hauts-de-Seine, des parcelles nécessaires à l'aménagement d'une route départementale, dont une parcelle appartenant à une SCI. Devant la Cour de cassation, les requérants soutiennent que cette SCI n'avait pas satisfait à son obligation d'immatriculation. Elle avait donc, selon eux, perdu la personnalité juridique ce qui fait que son patrimoine aurait été transféré à ses associés. Les requérants relèvent également que la notification du dépôt du dossier d'enquête parcellaire en mairie avait été adressée à une personne qui n'avait la qualité ni de gérant ni d'associé de la SCI.

Les juges rappellent qu'en application de l'actuel article R. 311-7 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2138I7C), "les propriétaires auxquels notification est faite par l'expropriant du dépôt du dossier à la mairie sont tenus de fournir les indications relatives à leur identité". Ces indications sont celles qui sont visées par le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, portant réforme de la publicité foncière (N° Lexbase : L9182AZ4), c'est-à-dire pour ce qui concerne les personnes physiques : les nom, prénoms dans l'ordre de l'état civil, domicile, date et lieu de naissance et profession des parties, ainsi que le nom de leur conjoint. Toutefois, toujours selon l'article R. 311-7, dans l'hypothèse où la personne qui s'est vue notifier le dépôt du dossier de l'enquête parcellaire à la maire n'est pas le propriétaire du bien celle-ci est tenue de "donner tous renseignements en [sa] possession sur l'identité du ou des propriétaires actuels".

Or, en l'espèce, l'état parcellaire annexé à l'arrêté de cessibilité désignait bien comme propriétaire de la parcelle litigieuse la SCI ainsi que le nom du gérant. Celui-ci avait signé l'avis de réception de la lettre lui notifiant le dépôt en mairie du dossier d'enquête parcellaire, sans renvoyer la demande d'information jointe en application l'actuel article R. 131-7 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2085I7D), ce qui aurait permis de découvrir qu'il n'était ni gérant ni associé de la SCI.

Comme on l'a mentionné plus haut, le juge de l'expropriation, au stade du prononcé de l'ordonnance d'expropriation, se borne à un contrôle formel des pièces jointes au dossier qui lui est transmis par le préfet. Ainsi, par exemple, il a été jugé qu'il n'est pas tenu de vérifier les indications relatives à la nature du bien exproprié qui sont contenues dans l'arrêté de cessibilité et qu'il doit se contenter de reproduire (2). Il n'est pas non plus compétent pour se prononcer sur la légalité de cet arrêté (3) ou pour se prononcer sur la propriété des parcelles (4). Surtout, il a déjà été jugé que le juge de l'expropriation n'est pas compétent pour vérifier les indications relatives à la propriété du bien exproprié, qu'elles soient portées dans l'arrêté de cessibilité ou dans le plan parcellaire qui lui est joint (5).

C'est dans le droit fil que cette jurisprudence que la Cour de cassation considère, dans la présente affaire, que dès lors qu'il ne disposait d'aucun indice de nature à mettre en doute l'exactitude des mentions portées à l'état parcellaire, c'est à bon droit que le juge de l'expropriation du département des Hauts-de-Seine a prononcé le transfert de propriété litigieux.

  • Le point de départ du délai de production des pièces dans le cadre d'un appel contre le jugement d'indemnisation : une solution sévère pour l'appelant (Cass. civ. 3, 27 avril 2017, n° 16-11.078, FS-P+B+I N° Lexbase : A8030WAN)

Par une ordonnance du 5 août 2008, le juge de l'expropriation du département du Pas-de-Calais avait prononcé le transfert de propriété de parcelles au profit de la société X. Après l'annulation par la juridiction administrative de l'arrêté de cessibilité, l'ancien propriétaire avait ensuite saisi la juridiction de l'expropriation pour faire constater la perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation et obtenir la restitution des biens ou, à défaut, l'indemnisation de son préjudice, comme le prévoit l'article L. 223-2 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L7962I4N). Saisie d'un recours contre ce jugement, la cour d'appel de Douai, dans un arrêt en date du 18 janvier 2016, avait prononcé la caducité de cet appel.

L'article R. 311-26 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2157I7Z) prévoit en effet qu'"à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel". Dans le cas où l'appel est formé par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la juridiction de première instance, le délai court à compter de la réception de cette lettre par le greffe et non pas du jour où la partie qui doit respecter ce délai est informée de la réception de son pli par le greffe ou par les services de La Poste (6). Notons toutefois que l'introduction d'une demande d'aide juridictionnelle dans le délai d'appel interrompt les délais pour conclure jusqu'à la date, en cas d'admission, de la désignation de l'auxiliaire de justice si elle est plus tardive (7).

Ce délai de trois mois, qui était seulement de deux mois dans l'ancien article R. 13-49 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L3177HLA), avait été considéré comme compatible avec les stipulations de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) relatives au procès équitable (8). Or en l'espèce, la société X avait interjeté appel du jugement rendu le 2 février 2015 par le juge de l'expropriation du Pas-de-Calais par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 février 2015. Toutefois, elle n'avait produit de pièces au soutien de son mémoire que les 11 août et 25 septembre 2015, soit après l'expiration du délai de trois mois.

La solution au litige n'était pourtant pas aussi évidente qu'il ne paraît de prime abord puisque le jugement du 2 février 2015 n'avait pas été signifié à l'appelante. On pouvait donc s'interroger sur l'opposabilité à son égard du délai de trois mois visé R. 311-26.

Sous l'empire des dispositions de l'ancien article R. 13-49 du Code de l'expropriation, la Cour de cassation avait jugé à plusieurs reprises que le délai de deux mois imparti à l'appelant pour déposer son mémoire a pour point de départ la date de l'acte d'appel, nonobstant la notification ultérieure du jugement et la réitération de l'appel (9). En revanche, elle avait considéré qu'en cas d'irrégularité de la notification du jugement fixant le montant des indemnités d'expropriation qui ne reproduit pas les dispositions des anciens articles R. 13-47 (N° Lexbase : L3172HL3) et R. 13-49 du Code de l'expropriation, le délai prescrit pour le dépôt du mémoire d'appel ne court pas, ce qui fait que l'appelant ne peut être déchu de son appel (10). Sont ici en cause les actuelles dispositions des articles R. 311-24 et R. 311-26.

Dans la présente affaire, c'est une solution sévère pour l'appelant qui est retenue par la Cour de cassation qui considère qu'à partir du moment où celui-ci a déposé les pièces produites au soutien de son mémoire après expiration du délai de trois mois, la cour d'appel avait légalement justifié sa décision. Elle retient ici une approche minimaliste de l'office du juge d'appel qui n'avait pas, selon elle, à procéder à une recherche relative à une signification du jugement que ses constatations rendaient, en tout état de cause, inopérante.

  • L'ordonnance du juge de l'expropriation constatant le défaut de base légale du transfert de propriété n'est pas soumise aux règles de la propriété foncière (Cass. civ. 3, 20 avril 2017, avis, n° 17-70.007 [LXB=A6651WE3])

Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 4 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement (N° Lexbase : L8686AGS) (11), il n'était pas possible de revenir sur le transfert de propriété, après le rejet du pourvoi en cassation contre l'ordonnance d'expropriation, alors pourtant que l'opération se retrouvait postérieurement privée de base légale suite à l'annulation par le juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité. Les dispositions susvisées ont voulu corriger cet effet indésirable du dualisme juridictionnel en portant création de l'article L. 12-5 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2914HLI) (actuellement l'article L. 223-2 N° Lexbase : L7962I4N) selon lequel, "en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale". Ces dispositions ont été tardivement précisées par l'article 24 du décret n° 2005-467 du 13 mai 2005, portant modification du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L4622G8P) (12), et créant les articles R. 12-5-1 (N° Lexbase : L3090HLZ) à R. 12-5-6 du même code (actuellement art. R. 223-1 N° Lexbase : L2112I7D à R. 223-8). Ces dispositions enferment le droit ouvert par la loi du 2 février 1995 dans des limites strictes. En effet, d'une part, l'exproprié doit saisir le juge dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision définitive du juge administratif, à défaut de quoi son recours serait jugé irrecevable (13). D'autre part, l'exproprié ne peut recourir à cette procédure que s'il est l'auteur du recours intenté contre la déclaration d'utilité publique. Ce ne sera donc pas le cas, par exemple, si l'auteur de ce recours est une association de protection de l'environnement. Enfin -et surtout- la constatation par le juge de l'expropriation du défaut de base légale de l'ordonnance d'expropriation n'aura pas pour conséquence automatique la restitution du bien à son ancien propriétaire. En effet, si l'article R. 223-6 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2117I7K) prévoit que "le juge constate, par jugement, l'absence de base légale du transfert de propriété", il se borne à mentionner que ce juge doit ensuite en "[préciser] les conséquences de droit". Deux hypothèses sont ensuite visées par ce texte : si le bien exproprié n'est pas en état d'être restitué, l'action de l'exproprié se résout en dommages et intérêts ; s'il peut l'être, le juge désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble dont la propriété est restituée et il détermine également les indemnités à restituer à l'expropriant. Il faut noter que fait qu'un ouvrage public soit implanté sur la parcelle litigieuse ne constitue plus un obstacle rédhibitoire, le principe d'intangibilité de l'ouvrage public ayant été abandonné par l'arrêt du Tribunal des conflits du 6 juin 2002 "Binet c/ EDF" (14). Toutefois, un régime protecteur de l'ouvrage public demeure, la restitution du bien ne pouvant intervenir, selon cet arrêt, que "sous réserve des exigences de l'intérêt général ou de l'impossibilité tenant à la nature de l'ouvrage". Ceci étant, dans la grande majorité des cas, l'intérêt général va s'opposer à la destruction de l'ouvrage public, y compris lorsque cet ouvrage est de dimensions modestes (15). Il a fallu attendre l'arrêt "commune de Peille" du 9 juin 2004 (16) pour voir le Conseil d'Etat ordonner pour la première fois la destruction d'un ouvrage public. Cette solution est toutefois demeure isolée jusqu'aux arrêts "communauté d'agglomération du lac du Bourget" du 11 mai 2011 (17) et "commune de Valmeinier et syndicat mixte des islettes" du 14 octobre 2011 (18).

L'avis commenté précise un élément du dispositif de l'actuel article L. 223-2 du Code de l'expropriation qui se situe en amont de la question de savoir s'il y a lieu ou non de restituer son bien à l'ancien propriétaire évincé. En l'espèce, le juge de l'expropriation du département de l'Ariège demande à la Cour s'il y a lieu de considérer que la requête de l'exproprié tendant à faire constater que l'ordonnance d'expropriation est dépourvue de base légale doit être publiée au bureau des hypothèques conformément aux dispositions du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, portant réforme de la publicité foncière.

Selon l'article 30,5° de ce décret, "les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de droits résultant d'actes soumis à publicité ne sont pas recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées". Pour l'expropriant, l'action en cause fondée sur l'actuel article L. 223-2 du Code de l'expropriation serait assimilable à une demande d'annulation et relèverait donc du champ d'application de ces dispositions. L'exproprié, en revanche, s'en tient à une lecture stricte de l'article 30 5° du décret de 1955, lequel ne vise pas expressément ces dispositions du Code de l'expropriation.

C'est cette seconde interprétation qui est retenue par la Cour de cassation qui relève que "l'action en constatation de perte de base légale d'une ordonnance d'expropriation tendant à tirer les conséquences de l'annulation, par la juridiction administrative, des actes administratifs qui en étaient le soutien nécessaire, en la privant d'effet, n'entre pas dans les prévisions de l'article 30.5 du décret du 4 janvier 1955". La Cour entend ainsi éviter aux personnes expropriées un formalisme excessif qui pourrait avoir pour effet d'empêcher de donner un plein effet aux décisions du juge administratif privant de base légale l'ordonnance d'expropriation. Cette solution apparaît conforme à l'esprit de la loi du 2 février 1995, dont l'objectif premier, comme on l'a souligné, était de faciliter l'harmonisation des phases administrative et judiciaire de la procédure.


(1) Cass. civ. 3, 11 mars 1971, n° 70-70.087 (N° Lexbase : A0147CHW), Bull. civ. III, 1971, n° 131.
(2) Cass. civ. 3, 26 avril 1978, n° 77-70.146 (N° Lexbase : A6984C88), Bull. civ. III, n° 148.
(3) Cass. civ. 3, 1er avril 1987, n° 86-70.080 (N° Lexbase : A7053AAH).
(4) Cass. civ. 3, 25 mars 1997, n° 93-70.147, inédit au bulletin (N° Lexbase : A0213C3B).
(5) Cass. civ. 3, 25 février 1981, n° 80-70.205 (N° Lexbase : A9193CIC), Bull. civ. III, n° 41.
(6) Cass. civ. 3, 11 mai 2006, n° 05-70.020 (N° Lexbase : A3800DPG), Bull. civ. III, n° 121, AJDI, 2007, p. 401, obs. A. Lévy, RD. imm., 2007, p. 341, obs. C. Morel.
(7) Cass. civ. 3, 6 novembre 2002, n° 01-70.135 (N° Lexbase : A6812A3P), Bull. civ. III, n° 164, AJDI, 2013, p. 100, note Simon Gilbert, D., 2012, p. 267.
(8) Cass. civ. 3, 13 avril 2005, n° 04-070.69 (N° Lexbase : A8807DHN), Bull. civ. III, n° 92, AJDI, 2005, p. 918, obs. A. Lévy.
(9) Cass. civ. 3, 26 mai 1982, n° 81-70.521 (N° Lexbase : A0795CKN), Bull. civ. III, n° 131, JCP, 1984. II. 20240, note A. Bernard. V. également Cass. civ. 3, 23 mars 1983 (N° Lexbase : A4887C8I), Bull. civ. III, n° 85 ; Cass. civ. 3, 11 janvier 1984, n° 82-70.255 (N° Lexbase : A0645AA7), Bull. civ. III, n° 9, D., 1985, IR, p. 59, obs. P. Carrias.
(10) Cass. civ. 3, 2 mars 1994, n° 92-70.468 (N° Lexbase : A7474ABG), Bull. civ. III, n° 42.
(11) JO, 3 février 1995.
(12) JO, 15 mai 2005.
(13) C. expr., art. R. 223-2 (N° Lexbase : L2113I7E).
(14) JCP éd. A, 2002, 1163, chron. J.Dufau.
(15) CE, 13 février 2009, n° 295885 (N° Lexbase : A1148EDU), Dr. adm., 2009, comm. 63, note S. Traoré.
(16) CE, 9 juin 2004, n° 254691 (N° Lexbase : A0971D3D), AJDA, 2004, p. 1891.
(17) CE, 20 mai 2011, n° 325552 (N° Lexbase : A0315HSH), AJDA, 2011, p. 1891, comm. G. Eveillard.
(18) CE, 14 octobre 2001, n° 320371 (N° Lexbase : A7406HYX), JCP éd. A, 2011, 2365, note Manson.

newsid:459013

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Appréciation du caractère normal ou anormal de la rémunération des prêts interentreprises

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 19 juin 2017, n° 392543, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4279WIC)

Lecture: 2 min

N9081BWA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459081
Copier

par Jules Bellaiche

Le 30 Juin 2017

Il ne peut être pris en compte le lien entre les entreprises pour apprécier la solvabilité de l'emprunteur et, dans le cas où l'emprunteur appartient à un groupe de sociétés, il ne peut y avoir présomption de cautionnement par la société mère pour de déterminer le caractère normal ou anormal de la rémunération des prêts contractés par une entreprise auprès d'une autre entreprise à laquelle elle est liée. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 19 juin 2017 (CE 9° et 10° ch.-r., 19 juin 2017, n° 392543, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4279WIC).
En effet, le caractère normal ou anormal de la rémunération des prêts intragroupes doit être apprécié par rapport à la rémunération que le prêteur devrait verser à un établissement financier ou un organisme assimilé auquel cette entreprise n'est pas liée et emprunterait, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent. L'appréciation, par un prêteur, du risque de défaut de l'emprunteur, dont la prime de risque facturée constitue la contrepartie, dépend de la capacité du débiteur à rembourser sa dette au créancier jusqu'à l'échéance.
L'évaluation du risque de solvabilité de l'emprunteur, notamment synthétisée dans les notations périodiques que les agences de notation attribuent aux sociétés qui peuvent, le cas échéant, les solliciter en ce sens, résulte de l'analyse des évolutions d'une série de variables économiques, tant internes que tenant à l'environnement de l'emprunteur et qui reflètent, entre autres, l'état des comptes du débiteur, la stabilité de sa politique financière à long terme, la rentabilité et la profitabilité des capitaux qu'il investit, éventuellement comparées aux données moyennes du secteur d'activité qui est le sien, ses liquidités, les marges de manoeuvre financière dont il peut éventuellement disposer en raison de circonstances prédéfinies, de son positionnement concurrentiel ou encore de la qualité de ses salariés et dirigeants.
L'appartenance de l'emprunteur à un groupe de sociétés, si elle constitue une des caractéristiques de son organisation, en particulier capitalistique, ne saurait être prise en compte pour l'appréciation de son risque de défaut que dans la mesure où elle est susceptible d'avoir une incidence sur sa solvabilité.
A cet égard, si l'administration, qui supporte la charge de la preuve, peut présumer que le cautionnement, par une société mère, des dettes de sa filiale a pour effet de modifier le risque de solvabilité du bénéficiaire de la caution, elle ne peut en revanche présumer que l'appartenance à un groupe de sociétés puisse avoir, à elle seule, un tel effet, quand bien même les acteurs de marché seraient renseignés sur le risque de solvabilité de la société tête de groupe en raison de la stabilité des notes, convergentes et régulièrement actualisées, qui lui sont attribuées par les différentes agences de notation (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8874ALA).

newsid:459081

Avocats/Procédure

[Le point sur...] Signification ou Notification ?

Lecture: 15 min

N9033BWH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459033
Copier

par Sylvian Dorol, Huissier de justice associé (Venezia & Associés), chargé d'enseignement (Paris I Sorbonne/Caen), Correcteur à l'Ecole nationale de procédure

Le 29 Juin 2017

Il existe une réelle confusion quant à la distinction entre la signification et la notification. La conséquence de cette méconnaissance des deux notions est qu'il est tentant de réduire leurs différences à un aspect économique, et de conclure que la signification est une notification, mais plus chère... Admettre ce point de vue serait réducteur, et nierait le fossé qui sépare ces deux notions, à savoir la sécurité juridique du justiciable. Il apparaît donc opportun de rappeler chacune de ces notions, et la valeur de la signification. La question revient régulièrement : pourquoi ne pas supprimer la signification au profit de la notification par lettre recommandée ? En effet, s'il se trouve des personnes pour affirmer qu'une lettre recommandée rend les mêmes services qu'une signification, celles-ci ignorent en réalité ce qui sépare la signification de la notification postale.

Mais, il est difficile de leur en tenir grief car il est courant de croire qu'aucune différence n'existe entre la signification et la notification. Bon nombre de juristes l'ignorent d'ailleurs. Pourtant la simple lecture de l'article 651 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6814H7I ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1199EUX) permet de pallier cette méprise : "Les actes sont portés à la connaissance des intéressés par la notification qui leur en est faite [alinéa 1]. La notification faite par acte d'huissier de justice est une signification [alinéa 2]. La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l'aurait prévue sous une autre forme [alinéa 3]".

La notification et la signification poursuivent la même fin : informer. Mais elles n'ont pas le même agent : la signification est une notification faite par huissier de justice. A ce stade du raisonnement, la différence entre les deux notions est mince. Mais c'est justement l'huissier de justice qui crée le fossé entre la signification et la notification postale.

Au-delà de déterminer plus précisément ce qui distingue les notions de notification et de signification, la question qui se pose réellement est de savoir si un système judiciaire sans signification garantirait la sécurité juridique des justiciables.

Cette question ne manque pas d'acuité et une réponse négative revient à admettre qu'il est difficile de faire l'économie de la signification. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler ce qui distingue la signification de la notification postale en déterminant leurs ressemblances et différences (I), et d'accepter en conséquence l'existence d'une défiance vis-à-vis de la notification (II).

I - Signification ou notification : pour une distinction maîtrisée

Si quelques éléments rapprochent apparemment les notions de signification et de notification (A), il faut surtout retenir que les différences prédominent (B).

A - De fausses ressemblances

Il est vrai que la signification et la notification partagent apparemment des points communs : elles poursuivent le même but (1), et sont réalisées par des agents assermentés (2).

1 - Un objectif : l'information

Cet objectif commun ressort de la lecture de l'alinéa 1er de l'article 651 du Code de procédure civile précédemment évoqué. L'information est la motivation de la notification et de la signification.

De l'accusé de réception signé et du procès-verbal de signification découlera la présomption selon laquelle le destinataire est informé de son contenu. Pour autant, il faut dépasser cette présomption pour s'appesantir sur quelques considérations matérielles. En effet, comment admettre qu'un malvoyant prenne connaissance du contenu d'une notification postale si elle n'est pas rédigée en braille ? Comment accepter qu'une personne lisant et comprenant mal la langue française puisse prendre connaissance de l'acte, rédigé en des termes juridiques qui n'ont leur place que dans les dictionnaires spécifiques, qui lui est notifié ? La seule signature de l'avis de réception ne suffit pas à garantir la sécurité juridique du destinataire, et prouve uniquement une distribution, non une prise de connaissance intellectuelle de l'acte. Or, il peut paraître dangereux de déduire la connaissance intellectuelle d'un document de sa seule détention matérielle, et la Cour de cassation ne l'ignore pas (1).

Mais "l'acte d'huissier ne peut être réduit à la seule notification" (2), et c'est donc paradoxalement dans leur objectif commun d'information que notification et signification se distinguent. En effet, si la notification ne consiste qu'en une remise matérielle, la signification implique que l'huissier de justice informe réellement le destinataire de l'acte de son contenu, et, surtout, de ses conséquences. Cela est parfois prescrit expressément dans les textes. Par exemple, dans la procédure d'injonction de payer, l'huissier de justice doit mentionner à peine de nullité en cas de signification à personne qu'il a rappelé verbalement les dispositions de l'article 1413 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6351H7D) (3). De la même manière, avant de procéder à une saisie-vente, l'officier public et ministériel réitère verbalement le commandement de payer (4) ainsi que ses obligations (5). Il en est également de même en matière de saisie conservatoire de biens meubles corporels (6). Le Professeur Natalie Fricero écrit en ce sens que "l'huissier de justice doit apporter une information éclairée au justiciable, et traduire en termes compréhensibles le contenu de l'acte, en indiquant le comportement que ce dernier doit adopter pour défendre ses intérêts" (7). C'est pour cette raison qu'il a été jugé par la Cour de cassation que la simple remise d'un pli cacheté ne vaut pas mise en demeure par acte extrajudiciaire (8).

Pour résumer : la notification informe seulement, alors que la signification renseigne également. L'agent postal remet, l'huissier de justice traduit.

2 - Un moyen : l'assermentation

La notification par voie postale est réalisée par un agent de La Poste. La signification est réalisée par l'huissier de justice ou son clerc assermenté. En toute hypothèse, c'est donc un agent assermenté qui assure la mission qui lui est confiée. Ce point commun porte cependant en son sein des différences capitales.

En effet, l'agent de La Poste (excepté l'agent habilité à effectuer des enquêtes) prête serment en ces termes : "Je fais le serment de remplir avec conscience les fonctions qui me seront confiées. Je m'engage à respecter scrupuleusement l'intégrité des objets déposés par les usagers et le secret dû aux correspondances, aux informations concernant la vie privée dont j'aurai connaissance dans l'exécution de mon service. Je m'engage à exécuter avec probité les opérations financières confiées à La Poste. Je m'engage également à signaler à mes responsables hiérarchiques toute infraction aux lois et règlements régissant La Poste" (9).

L'huissier de justice, quant à lui prête serment en usant de la formule suivante : "Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d'observer en tout les devoirs qu'elles m'imposent" (10). Son serment est donc beaucoup plus général, et contraignant.

Ces deux serments ne souffrent d'aucune comparaison. En effet, l'agent postal prêtera serment auprès de son chef de service ou chef immédiat (11). Par contre, c'est le tribunal de grande instance qui recevra le serment de l'huissier de justice, lequel déposera ses signatures et paraphes au secrétariat-greffe de cette juridiction avant d'entrer en fonction (12). Dans l'hypothèse du clerc assermenté, c'est le tribunal d'instance qui recevra son serment (13), au bout d'une procédure d'instruction longue de plusieurs mois.

Loin d'être une question de forme, cet aspect sacramentel emporte des effets concrets.

D'abord, quant à la sanction du serment. Faut-il rappeler que l'huissier de justice est responsable personnellement pénalement, civilement, financièrement et disciplinairement ? La force de la signification prend source dans la rigueur de sa sanction. Quant au régime de responsabilité de l'agent postal, comment imaginer qu'il soit un jour aussi contraignant en pensant seulement au nombre d'intervenants entre la levée du courrier et sa distribution ? D'ailleurs, son serment ne porte en substance que sur le fait de jurer de ne pas commettre d'infractions pénales : dégradations du bien d'autrui, vol de correspondances, violation de la vie privée, détournement de fonds ou vol de valeurs...

Ensuite, il est possible d'émettre l'hypothèse selon laquelle le destinataire de l'acte est aveugle, ou illettré. Si la notification est réalisée par l'agent postal, il ne pourra lire et comprendre l'acte car l'agent a juré de "respecter scrupuleusement [...] le secret dû aux correspondances [...]". Or la notification doit être faite sous pli fermé (14). Si l'acte au contraire est signifié, c'est-à-dire que la notification est faite par voie d'huissier de justice, celui-ci lira à haute et intelligible voix l'acte, l'expliquera au besoin, et mentionnera cette diligence dans son procès-verbal dont les mentions valent jusqu'à inscription de faux (15).

L'assermentation n'est donc pas en soi une garantie de l'efficacité de la notification : tout tient à la personne assermentée, comme l'indique l'article 651 du Code de procédure civile.

Ces faux points communs comportent donc en réalité des réelles différences, qui sont bien plus nombreuses.

B - De réelles différences

Au-delà de la sémantique, la distinction entre la notification et la signification s'illustre en termes d'efficacité et d'effectivité de l'information délivrée.

1 - L'efficacité

Il est illusoire de croire que la notification et la signification revêtent la même efficacité, savoir informer le destinataire, et ce pour des raisons concrètes.

En matière de notification, l'agent postal ne se présente qu'une fois au domicile (16), et seulement à l'adresse indiquée par l'expéditeur. Dans l'hypothèse, fréquente, où le destinataire est absent, il incombera à ce dernier de se présenter dans un délai de 15 jours à l'agence postale où il devra justifier de son identité pour récupérer le pli.

Dans l'hypothèse malheureuse où le destinataire du pli recommandé ne demeure plus à l'adresse indiquée sur l'enveloppe, il ne sera jamais touché par la notification (hors le cas du suivi du courrier). Dans cette situation, où la notification est enchaînée par l'adresse, l'efficacité de la signification se déchaîne. En effet, l'huissier de justice peut remettre à un tiers présent au domicile l'acte s'il l'accepte, et, si le destinataire n'y demeure plus, il devra se présenter à la nouvelle adresse s'il l'obtient (17), et en tout lieu où il peut rencontrer le destinataire (18) (même sur le lieu de travail (19), en maison d'arrêt (20), ou à l'hôpital (21)) ; les textes le prescrivent (22), et la jurisprudence est constante pour exiger de lui l'accomplissement de toutes diligences pour ce faire. Cependant, si le domicile est certain, délicatesse et discrétion obligent, l'huissier de justice n'a pas obligation de se présenter à nouveau ou sur le lieu de travail pour signifier (23). Dans l'hypothèse où la nouvelle adresse du destinataire est inconnue, l'huissier de justice non porteur d'un titre exécutoire ne peut obtenir de renseignements de la part de l'administration (24) et il est alors dressé un procès-verbal conformément à l'article 659 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6831H77), qui sera opposable au requis.

La différence d'efficacité entre la signification et la notification s'exprime pleinement en matière d'urgence, ce qui explique que l'huissier de justice est désigné comme un "urgentiste du droit" (25). En effet, pour l'accomplissement d'un acte le dernier jour d'un délai de prescription, il est inutile de déposer son courrier dans une boîte aux lettres le 28 janvier à 19h car le pli portera le cachet du 29... La notification en l'espèce est donc impossible, alors que la signification peut encore être réalisée.

Le Code de procédure civile a pleinement appréhendé cette hypothèse en prévoyant expressément que la notification peut toujours être faite par voie de signification (26).

2 - L'effectivité

De cette différence d'efficacité, naît naturellement une différence d'effectivité.

Comme évoqué dans les précédentes lignes, la notification peut se révéler impossible. Ainsi en est de l'hypothèse selon lequel le destinataire infirme ne peut signer l'accusé de réception qui lui est présenté, ou ne peut en prendre connaissance. Dans l'hypothèse inverse, l'accusé de réception ne prouvera que la délivrance d'une enveloppe, non de son contenu. En d'autres termes, aucun élément n'indique que l'information est réellement parvenue à son destinataire. D'autant que si un pli recommandé parvient à son destinataire vide, il appartiendra à ce dernier de le prouver ; l'expéditeur n'a pas à prouver que le pli recommandé contenait un document (27).

Dans d'autres cas, il se peut que le destinataire de l'acte soit motivé par des intentions malignes, sanctionnées pénalement, en utilisant sciemment une fausse signature sur l'avis de réception pour pouvoir contester par la suite la régularité de la notification (28). Il se peut également que l'expéditeur de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoie sciemment le pli à une mauvaise adresse, et le récupère en imitant la signature du destinataire (29). Mais, tant que la manoeuvre frauduleuse n'est pas établie, lorsque l'avis de réception porte une signature qui n'est pas celle de son destinataire, la notification est privée de tout effet (30).

L'effectivité de la signification se concrétise également lorsque que le destinataire souhaite refuser l'acte. Il est facile de refuser une notification postale (il suffit de ne pas récupérer le pli), mais impossible concernant la signification. La signification ne requiert nullement le consentement du destinataire (31) : il ne peut refuser l'acte s'il est rencontré en personne (32), et, si son comportement rend impossible la signification (33), cela sera sans effet sur le procès-verbal dressé par l'officier public et ministériel (34).

L'absence de l'intéressé lors de la notification par pli recommandé pose également problème car la présentation d'un pli ne vaut pas remise (35). En matière de signification, la loi autorise la remise, sous enveloppe fermée, de l'acte à un tiers présent au domicile (36) ou, si cela n'est pas possible, en l'étude de l'huissier de justice où il sera conservé trois mois (37). Dans ces deux cas, l'huissier de justice ou son clerc laissera au domicile un avis de passage et enverra au plus tard le premier jour ouvrable suivant une lettre simple comportant copie de l'acte (38), étant ici précisé que cet envoi ne se substitue pas à l'acte original.

Il est ici capital de souligner le fait que la signification d'un acte emporte une information effective. En pratique, lorsque le destinataire de la signification est absent, il appelle quasiment systématiquement, et gratuitement (hors le coût de la communication téléphonique que lui facture son opérateur) l'huissier de justice dont les coordonnées figurent sur l'avis de passage qui lui a été laissé pour obtenir des renseignements sur la nature de l'acte et des conséquences de celui-ci. La mission de signification, contrairement à la notification postale, ne se résume donc pas à un simple transport sur place et la remise : elle inclut une nécessité de conservation de l'acte (la copie est conservée 3 mois, l'original est conservé plus d'une quinzaine d'années), et un devoir d'information réel et objectif. Cette distinction entre ces deux notions est fondamentale, car c'est de cette méprise que naît le mépris de la signification.

II - Signification ou Notification : contre une signification méprisée

La différence entre la signification et notification maîtrisée, il est alors opportun de s'interroger sur les fondements de la prévalence de la première sur la seconde (39), notamment dans l'hypothèse où la notification postale s'est déroulée sans encombre. Le constat est sans appel : la signification offre des garanties supérieures à la première, d'autant que la date de la notification postale peut être contestable (A). Dès lors, il convient de s'interroger sur le fait de savoir si les questions soulevées récemment ne sont pas que des résurgences du passé, qui parasitent les débats actuels (B).

A - La question de la date

Qu'est-ce qui différencie la signification de la notification postale si cette dernière s'est déroulée normalement ? La réponse est simple : la date. Si aucun débat n'existe quant à la date d'une signification (1), tel n'est pas le cas concernant celle de la notification postale (2).

1 - La date de la signification

La date de la signification vaut jusqu'à inscription de faux (40). En conséquence, l'erreur ou le faux en la matière est passible de lourdes sanctions.

Cette date, concernant les significations effectuées en France, est la même pour le requérant que pour le requis. Il s'agit de celle où l'huissier de justice a établi son procès-verbal (41). Cela s'explique par une volonté de stabilité temporelle de l'acte juridique illustré par l'exemple suivant. Si un jugement contradictoire en premier ressort est signifié le 2 mai en "dépôt étude" (42), et que le requis retire l'acte le 1er août, le délai d'appel de 1 mois sera expiré car celui-ci court à compter de la signification. Admettre le contraire permettrait à une partie au procès de maîtriser unilatéralement la durée de l'appel au préjudice de son contradicteur. La date unique de la signification est donc un facteur de la sécurité juridique des parties, et assure la stabilité temporelle des décisions de justice.

Une des principales forces de la signification est donc sa date certaine, rendue possible par l'autorité et l'intégrité de l'huissier de justice.

Tel n'est pas le cas concernant la date de notification postale, dont l'étude approfondie justifie une méfiance par rapport à celle-ci.

2 - La date de la notification

A la lecture du Code civil, la date de la notification est double (43). Pour l'expéditeur, la date du pli sera celle qui figure sur le cachet du bureau d'expédition (date d'envoi), et pour le destinataire, la date qui lui sera opposable sera celle de la réception.

Cette dualité de dates est dangereuse, et n'assure aucune sécurité juridique. Il se peut en effet que le délai d'acheminement de la notification soit excessivement long, comme il avait été signalé dans un rapport du Sénat (44).

Dans l'hypothèse où le destinataire a bien reçu la notification postale, d'autres problèmes peuvent survenir.

Si l'expéditeur a usé d'une machine à affranchir, et donc que ce n'est pas les services postaux eux-mêmes qui ont oblitéré le courrier, la jurisprudence est divisée sur la réalité de la date de notification : certaines décisions l'admettent (45), d'autres non (46).

Il se peut également que la date du pli recommandée soit erronée (date du cachet d'expédition postérieure à la date de réception, un constat établi par huissier le prouvant (47)), n'existe pas (37 décembre) (48), soit absente (49) ou illisible. En d'autres hypothèses, la notification peut également être perturbée par une grève.

Toutes ces raisons ne sont pas nouvelles, et l'opinion de l'auteur selon laquelle "il n'y a vraiment dans notre droit d'autres moyens de donner aux deux parties la sécurité que l'exploit d'huissier" (50) également.

B - Les questions à se poser

Comme indiqué en introduction, l'idée d'une restriction de la signification n'est pas nouvelle (1). Cependant, bien que la force de la signification soit reconnue, des évolutions sont nécessaires pour encore améliorer ce mode de communication (2).

1 - Les anciennes questions

Déjà évoqué en 1960 par le rapport "Rueff-Armand", et en 2008 par la Commission Attali, le débat sur l'opportunité de la notification n'est donc pas récent, et noircissait déjà les colonnes de revues juridiques il y a plus d'un demi-siècle. En effet, parce que "le soucis d'alléger le formalisme dans la signification des actes est presque aussi ancien que notre procédure elle-même" (51), un auteur (52) a pu imaginer "la signification par lettre recommandée AR", qui était en réalité un hybride juridique, à savoir une lettre recommandée envoyée par huissier de justice (53)... Mais ce même auteur admettait que cela causait des problèmes de garanties des délais et de responsabilité.

La question de la signification et de son coût a déjà été traitée par le passé (54). Et la doctrine concluait alors "il convient donc de se tenir en garde contre les illusions d'une simplicité qui tendrait au simplisme, et contre l'abandon trop radical du formalisme, abandon dont tout processualiste sait bien qu'il ne peut aller sans risque ni dommage [...]. Si nous avons insisté sur les avantages du système ancien, sur les risques du nouveau, c'est surtout pour rappeler qu'économie et simplicité ne sont pas tout dans la procédure, et que celle-ci est faite d'abord pour assurer les garanties d'une justice équitable".

2 - Les futures questions

De l'avis de la Chambre nationale des huissiers de justice, le maintien de la signification et l'amélioration des textes actuels sont des composantes essentielles de la justice du XXIème siècle. Ainsi, dans la contribution de la Chambre nationale des huissiers de justice au "débat sur la Justice du XXIème siècle", plusieurs propositions portent principalement sur la signification.

En l'état actuel, un huissier de justice qui ignore la nouvelle adresse d'un requis pour délivrer une assignation ne peut pas obtenir ce renseignement de l'Administration (55). C'est là parfois un obstacle à la signification à personne que la Chambre nationale propose (56) de lever en étendant les dispositions prévues à l'article L. 152-1 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L9503I74), relatives à l'accès aux informations concernant l'adresse du débiteur.

Comme il a été vu, la signification offre des garanties bien supérieures à la notification : la date certaine, la fiabilité, la connaissance de l'acte, le rôle d'information et d'explication, et la sécurité fournie par l'huissier de Justice, juriste de haut niveau à la sélection draconienne. Voilà pourquoi la signification, tout en restant modeste et accessible aux plus démunis via l'aide juridictionnelle, garantit la sécurité juridique du justiciable.


(1) Cass. civ. 3, 21 mai 2014, n° 13-14.851, FS-P+B (N° Lexbase : A4904MML), Dr et Proc., 2014, n° 6, p. 142, note S. Ravenne.
(2) Note 1.
(3) C. pr. civ., art. 1414 (N° Lexbase : L4837ISX).
(4) C. proc. civ. exécution, art. R. 221-5 (N° Lexbase : L2250ITI).
(5) C. proc. civ. exécution, art R. 221-17 (N° Lexbase : L2262ITX).
(6) C. proc. civ. exécution, art. R. 522-2 (N° Lexbase : L2549ITL).
(7) N. Fricero, Notification des actes de procédure, Jurisclasseur, Procédure civile.
(8) Cass. civ. 3, 21 mai 2014, n° 13-14.851, FS-P+B (N° Lexbase : A4904MML), Dr. et proc., 2014, n° 6, p. 142, note S. Ravenne.
(9) Décret n° 93-1229 du 10 novembre 1993, relatif au serment professionnel prêté par les personnels de la Poste (N° Lexbase : L6532BHE).
(10) Décret n° 75-770 du 14 août 1975, relatif aux conditions d'accès à la profession d'huissier de justice ainsi qu'aux modalités des créations, transferts et suppressions d'offices d'huissier de justice et concernant certains officiers ministériels et auxiliaires de justice, art. 35 (N° Lexbase : L1357G8R).
(11) Décret n° 93-1229 du 10 novembre 1993, relatif au serment professionnel prêté par les personnels de la Poste, art. 3.
(12) Décret n° 75-770 du 14 août 1975, précité, art. 36.
(13) Loi du 27 décembre 1923, relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés, art. 11 (N° Lexbase : L4844KY3).
(14) C. pr. civ., art 667 (N° Lexbase : L8430IRN) ; Cass. civ. 2., 7 janvier 1970, D., 1970, p. 287.
(15) J. D. Lachkar, La force probante de l'acte d'huissier de justice, JCP éd. N, 2013, 1016, n° 10.
(16) Il est possible depuis peu de demander de demander une seconde présentation en téléphonant au 3631.
(17) Cass. civ. 2., 16 juin 1993, n° 90-18.256 (N° Lexbase : A5445ABB), Bull. civ. II, n° 213 ; Cass. civ. 2, 30 juin 1993, n° 91-21.216 (N° Lexbase : A5939ABL), Bull. civ., II, n° 238 ; Cass. civ. 2, 28 septembre 2000, n° 99-10.843 (N° Lexbase : A7183C4S) ; Cass. civ. 2, 30 mai 2002, n° 00-20.588 (N° Lexbase : A7755AYU) ; Cass. civ. 2, 20 octobre 2005, n° 03-19.489, FS-P+B (N° Lexbase : A0216DLL), Bull. civ., II, n° 266 ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 03-19.418, F-D (N° Lexbase : A4950DNN) ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-15.375, F-D (N° Lexbase : A4982DNT).
(18) C. pr. civ., art. 689 (N° Lexbase : L6890H7C).
(19) Cass. civ. 2, 11 février 1987, n° 85-15.309 (N° Lexbase : A6559AA8), Bull. civ., II, n° 43 ; Cass. civ. 2, 13 juillet 2005, n° 03-16.693, FS-D (N° Lexbase : A9166DIC) ; Cass. civ. 2, 21 octobre 2004, n° 02-21.468, F-D (N° Lexbase : A6424DDB) ; Cass. civ. 2, 10 novembre 2005, n° 03-20.369, FS-P+B (N° Lexbase : A5081DLR), Bull. civ., II, n° 287.
(20) CA Besançon, 13 octobre 1994.
(21) CA Montpellier, 28 février1995, Rev. huissiers 1995, p. 816, note J.-J. Bourdillat.
(22) C. pr. civ., art 655 (N° Lexbase : L6822H7S).
(23) CA Toulouse, 29 juin 1994 ; CA Aix-en-Provence, 20 septembre 2002.
(24) Rép. min. n° 52445, JOAN Q, 2 février 2010, p. 1169.
(25) S. Dorol, Le constat de vidéosurveillance sur le lieu de travail, Dr. et proc., 2014, n° 1, p. 2.
(26) C. pr. civ., art. 651 (N° Lexbase : L6814H7I).
(27) Cass. civ. 1, 15 juillet 1993, n° 92-04.092 (N° Lexbase : A7419CTX).
(28) Cass. crim., 29 mai 1997, n° 96-84.067 (N° Lexbase : A0635C7N).
(29) Cass. crim., 25 mai 1992, n° 91-82934 (N° Lexbase : A0613ABC).
(30) Cass. soc., 4 mai 1993, n° 88-45.634 (N° Lexbase : A3302ABW), Bull., n° 124 ; Cass. soc., 1er avril 1999, n° 97-14.262 (N° Lexbase : A9992CKB) ; Cass. civ. 1, 5 octobre 1999, n° 96-17.794 (N° Lexbase : A1472CNT).
(31) Excepté l'hypothèse de la signification par voie électronique, qui n'exclut pas le recours à la signification papier.
(32) CA Paris, 12 décembre 1906, S., 1907, 2, p. 109, DP, 1907, 2, p. 15.
(33) Cass. civ. 2, 24 novembre 1982, n° 81-14.504 (N° Lexbase : A8852CIP), Bull. civ., II, n° 151 ; Cass. civ. 2, 7 octobre 1992, n° 91-12.499 (N° Lexbase : A5783AHN), Bull. civ. I, n° 231 ; Cass. civ. 2, 4 janvier 2006, n° 04-15.105, F-D (N° Lexbase : A1726DMU) ; Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-19.140, FS-P+B (N° Lexbase : A5014DNZ), Bull. civ. II, n° 71.
(34) Cass. civ. 2, 15 avril 2010, n° 09-12.445, F-D (N° Lexbase : A0609EWH), Dr. et procéd., 2010, n° 7, A. 064, p. 217.
(35) Cass. civ. 3, 13 juillet 2011, n° 10-20.478, FS-P +B (N° Lexbase : A0492HW7).
(36) C. pr. civ., art. 655 (N° Lexbase : L6822H7S).
(37) C. pr. civ., art. 656 (N° Lexbase : L6825H7W) et s..
(38) C. pr. civ., art 658 ([LXB=L6829H73 ]).
(39) C. pr. civ., art 670-1 (N° Lexbase : L6829LEN).
(40) Cass. civ. 2, 2 avril 1990, n° 89-10.933 (N° Lexbase : A4318AHE), Bull. civ, II, n° 72 ; Cass. civ. 2, 20 novembre 1991, n° 90-15.591 (N° Lexbase : A5370AHD), Bull. civ., II, n° 314 ; Cass. civ. 2, 30 juin 1993, n° 91-19.189 (N° Lexbase : A5864ABS) ; Cass. civ. 2, 30 juin 1993, n° 91-19.189 (N° Lexbase : A5864ABS), Bull. civ., II, n° 237 ; Cass. mixte, 6 octobre 2006, n° 04-17.070, P+B+R+I (N° Lexbase : A5094DR4), Bull. Ch. mixte, n° 8.
(41) C. pr. civ., art. 653 (N° Lexbase : L4834IST).
(42 ) L'huissier de justice n'a trouvé personne au domicile du requis, mais son domicile est certain. L'acte sera déposé à l'étude de l'officier public et ministériel, et le requis en sera avisé par lettre. Il pourra se présenter à l'étude de l'huissier de justice dans un délai de 3 mois pour récupérer le pli.
(43) C. pr. civ., art. 669 (N° Lexbase : L6846H7P).
(44) Rapport d'information n° 344 (2002-2003) de M. Gérard Larcher, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 11 juin 2003, p. 27 et s..
(45) Cass. civ.1., 9 février 1982, n° 81-10.543, Bull. civ. I, n° 64 ; Defrénois, 1982, p. 1634, obs. G. Vermelle - Cass. soc., 27 juin 1991, n° 88-17.956 (N° Lexbase : A1842C4Y).
(46) Cass. civ 3., 8 juin 1994, n° 93-70.196 (N° Lexbase : A7996ABR), Bull. civ. III, n° 119 ; AJPI, 10 février 1995, p. 132 ; D., 1994, IR, p. 167 ; CAA Lyon, 8 octobre 1991, n° 91LY00555 (N° Lexbase : A2723A8D) ; CAA Paris, 19 mai 1998, n° 95PA03396 (N° Lexbase : A0585BII) ; CAA Paris, 24 novembre 1998, n° 97PA00016 (N° Lexbase : A1706BIZ).
(47) Boulmier.
(48) Boulmier.
(49) Cass. soc., 19-06-1985, n° 84-60.905 (N° Lexbase : A4910AA4).
(50) R. Savatier, note ss Cass. soc., 25 juin 1954, D., 1955, jurispr. p. 357.
(51) D. Cosnard, La lettre missive, acte de procédure, D., 1960, chron. p. 97.
(52) Debray, La lettre recommandée dans la procédure civile et commerciale, D., 1968, chron., p. 155.
(53) On pourrait penser que cela existe déjà en lisant les dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6831H77). Mais, dans ce cas, l'acte de signification n'est pas constitué par l'envoi d'une lettre recommandée, qui ne constitue qu'une diligence accomplie par l'huissier de justice au cours de sa mission. Seul le procès-verbal qu'il dresse tient lieu de signification.
(54) D. Cosnard, op. cit.
(55) Rép. min. n° 52445, JOAN Q, 2 février 2010, p. 1169.
(56) Proposition n°11 de la contribution de la Chambre nationale des huissiers de justice au "débat sur la Justice du XXIème siècle".

newsid:459033

Institutions

[Brèves] Amende sanctionnant le fait d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine : rejet de la QPC

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-639 QPC du 23 juin 2017 (N° Lexbase : A7200WII)

Lecture: 1 min

N9025BW8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459025
Copier

par Yann Le Foll

Le 29 Juin 2017

Est rejetée la QPC relative aux dispositions législatives qui prévoient qu'est un délit le fait, pour les membres du Gouvernement et pour les élus et dirigeants d'organismes publics tenus de déclarer leur patrimoine, d'omettre sciemment d'en déclarer une part substantielle. Telle est la solution d'une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 23 juin 2017 (Cons. const., décision n° 2017-639 QPC du 23 juin 2017 N° Lexbase : A7200WII).

Il a jugé qu'en faisant référence à une "part substantielle" de patrimoine, les dispositions contestées répriment les seules omissions significatives, au regard du montant omis ou de son importance dans le patrimoine considéré. Il en a conclu que, s'il appartient aux juridictions compétentes d'apprécier les situations de fait correspondant à l'omission d'une "part substantielle" de patrimoine, ces termes, qui ne revêtent pas un caractère équivoque, sont suffisamment précis pour garantir contre le risque d'arbitraire, écartant ainsi le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines.

Le Conseil constitutionnel a donc déclaré conformes à la Constitution les mots "d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou" figurant au paragraphe I de l'article 5-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, relative à la transparence financière de la vie politique (N° Lexbase : L8358AGN).

newsid:459025

Protection sociale

[Brèves] Bénéfice des prestations de Sécurité sociale d'un Etat membre pour le ressortissant d'un pays non UE titulaire d'un permis unique de travail

Réf. : CJUE, 21 juin 2017, aff. C-449/16 (N° Lexbase : A4282WIG)

Lecture: 2 min

N9022BW3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459022
Copier

par Charlotte Moronval

Le 29 Juin 2017

La Directive 2011/98 du 13 décembre 2011 (N° Lexbase : L5044IRA) s'oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le ressortissant d'un pays non UE, titulaire d'un permis unique de travail, ne peut pas obtenir une prestation de Sécurité sociale telle que l'allocation familiale demandée en faveur des ménages ayant au moins trois enfants mineurs. Telle est la solution apportée par la CJUE dans une décision du 21 juin 2017 (CJUE, 21 juin 2017, aff. C-449/16 N° Lexbase : A1278WKK).

Une ressortissante d'un pays non UE résidant en Italie avec ses trois enfants mineurs est titulaire d'un permis unique de travail d'une durée de plus de six mois. Elle demande à Institut national de prévoyance sociale en Italie l'attribution d'une allocation prévue par la loi italienne en faveur des ménages ayant au moins trois enfants mineurs et dont les revenus sont inférieurs à une certaine limite. Sa demande est refusée au motif que, s'agissant de ressortissants de pays non UE, la loi italienne ne prévoit pas cette allocation en faveur des titulaires d'un permis unique de travail, mais seulement en faveur des réfugiés politiques, des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des titulaires d'un permis de séjour de longue durée, conditions que la ressortissante ne remplit pas.

Le tribunal de première instance italien rejette le recours de la requérante. Doutant de la compatibilité des normes nationales avec le droit de l'Union, la cour d'appel demande à la Cour de justice d'interpréter la Directive 2011/98 du 13 décembre 2011 sur le permis de séjour et de travail unique des travailleurs non UE.

En énonçant la règle précitée, la Cour répond à la question préjudicielle posée. La Cour constate que l'allocation constitue bien une prestation de Sécurité sociale qui relève des prestations familiales visées par le Règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L7666HT4). Elle examine ensuite si un Etat membre tel que l'Italie peut exclure les ressortissants d'un pays non UE, titulaires d'un permis unique de travail, du bénéfice d'une telle prestation. A cet égard, la Cour observe qu'il découle de la Directive 2011/98 que les ressortissants de pays non UE, admis dans un Etat membre aux fins d'y travailler conformément au droit de l'Union ou au droit national, doivent notamment bénéficier de l'égalité de traitement avec les ressortissants de cet Etat. Or, tel est le cas d'un ressortissant d'un pays non UE titulaire d'un permis unique de travail, puisque ce permis l'autorise à résider légalement sur le territoire de l'Etat membre qui l'a délivré pour y travailler. Enfin, la Cour rappelle que le droit à l'égalité de traitement constitue la règle générale et que la Directive énumère les dérogations à ce droit que les Etats membres ont la faculté d'établir. Toutefois, les dispositions de la réglementation italienne ne sauraient être considérées comme mettant en oeuvre ces dérogations (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2596ETC).

newsid:459022

Sociétés

[Brèves] SARL : la rémunération du gérant est due tant qu'aucune décision la révoquant n'est intervenue

Réf. : Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-19.593, F-P+B+I (N° Lexbase : A4283WIH)

Lecture: 1 min

N9044BWU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459044
Copier

par Vincent Téchené

Le 29 Juin 2017

La rémunération du gérant de SARL, fixée soit par les statuts soit par une décision collective des associés, est due tant qu'aucune décision la révoquant n'est intervenue. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 21 juin 2017 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-19.593, F-P+B+I N° Lexbase : A4283WIH).

En l'espèce, l'associé d'une SELARL a cédé les parts qu'il détenait dans le capital de cette société, dont il était en outre le cogérant. Soutenant que la SELARL restait lui devoir diverses sommes, notamment au titre d'indemnités de gérance, il l'a assignée en paiement. La cour d'appel a rejeté cette demande (CA Rennes, 7 avril 2015, n° 14/02090 N° Lexbase : A1337NGM).

Relevant que l'assemblée générale ordinaire des associés a fixé la rémunération de gérance à laquelle chaque gérant aurait droit à 6 000 euros par mois, les juges d'appel ont retenu que l'indemnité due à ce dernier doit correspondre à un travail réalisé pour la société, travail que ne pouvait accomplir l'associé absent pour maladie, sauf à celui-ci d'établir qu'il était demeuré à même d'exercer sa fonction de cogérant, preuve qu'il ne rapporte pas. La Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 223-18 du Code de commerce (N° Lexbase : L2030KGB ; cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E5694ADA).

newsid:459044

Voies d'exécution

[Brèves] Du règlement des frais de poursuite même en cas de désintéressement des causes du commandement en principal par le saisi

Réf. : Cass. civ. 2, 22 juin 2017, n° 16-18.901, F-P+B (N° Lexbase : A1073WKX)

Lecture: 1 min

N9046BWX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/41444393-edition-n-704-du-29062017#article-459046
Copier

par Aziber Seïd Algadi

Le 29 Juin 2017

Les frais de poursuite sont l'accessoire de la dette pour le paiement de laquelle a été diligentée la procédure de saisie immobilière. Dès lors, le créancier saisissant, bien qu'ayant été désintéressé des causes du commandement en principal par le saisi, est fondé à continuer les poursuites de saisie immobilière contre celui-ci tant qu'il n'a pas obtenu le règlement desdits frais. Telle est la solution retenue par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 22 juin 2017 (Cass. civ. 2, 22 juin 2017, n° 16-18.901, F-P+B N° Lexbase : A1073WKX).

En l'espèce, sur des poursuites à fin de saisie immobilière engagées par des syndicats de copropriétaires à l'encontre de Mme L., un jugement d'orientation a rejeté la demande tendant à voir ordonner la vente forcée de l'immeuble saisi pour le recouvrement des seuls frais de poursuite. Pour confirmer ce jugement, la cour d'appel (CA Versailles, 14 avril 2016, n° 15/08598 N° Lexbase : A3444RIE) a retenu que Mme T. ayant réglé la créance en principal, il ne peut plus y avoir de distribution du prix, sans laquelle la vente forcée du bien saisi ne peut être ordonnée.

A tort selon la Cour de cassation qui juge qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 111-8 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L7794IZP) (cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8367E8E).

newsid:459046