Réf. : Cass. civ. 2, 2 mars 2017, n° 15-27.831, F-P+B (N° Lexbase : A9901TR7)
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N7060BWE
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 15 Mars 2017
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Réf. : Cass. QPC, 1er mars 2017, n° 16-40.278, F-D (N° Lexbase : A0007TS3)
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N6979BWE
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par Anne-Laure Blouet Patin
Le 09 Mars 2017
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Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 3 mars 2017, n° 398901, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0089TS4)
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N7039BWM
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par Yann Le Foll
Le 14 Mars 2017
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Réf. : Cass. com., 1er mars 2017, n° 15-26.654, FS-P+B (N° Lexbase : A9931TRA)
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N7002BWA
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par Jules Bellaiche
Le 14 Mars 2017
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Réf. : Cass. civ. 1, 18 janvier 2017, n° 16-11.630, F-P+B (N° Lexbase : A7032S9C)
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N6974BW9
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par Pauline Deschamps et Madeleine Diébolt, Avocats au barreau de Paris, CBBC Avocats
Le 10 Mars 2017
Tant le juge conciliateur que la cour d'appel de Paris dans un arrêt en date du 27 novembre 2014, ont rejeté l'exception de litispendance en retenant qu'il n'existe pas au Liban de juridiction civile statuant en matière de divorce et que la décision du conseil islamique chiite ne pouvait être reconnue en France.
Dans son arrêt en date du 18 janvier 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation est venue rappeler l'importance d'appliquer strictement l'exception de litispendance internationale.
Dès lors, invalidant en cela le raisonnement de la cour d'appel, la Cour de cassation relève que : "en statuant ainsi tout en constatant que les époux étaient de statut personnel musulman chiite et que leur divorce relevait de la juridiction religieuse, et alors que le litige se rattachait au juge libanais premier saisi, la cour d'appel qui s'est prononcée par motif impropre à établir que la décision à intervenir n'était pas susceptible d'être reconnue en France, a violé les textes et principes susvisées [...]".
La Cour de cassation est venu casser l'arrêt d'appel au visa désormais classique puisque repris dans de nombreux arrêts de "l'article 100 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1362H49) et des principes régissant la litispendance internationale" (Cass. civ. 1, 3 décembre 2014, n° 13-25.802, F-D N° Lexbase : A0524M7K ; Cass. civ. 1, 6 décembre 2005, n° 02-19.208, FS-P+B N° Lexbase : A9094DLE, Bull. civ. I, n° 467, p. 394).
Cet arrêt sera donc tout d'abord, le prétexte pour rappeler les règles régissant la litispendance internationale hors de toute convention internationale bilatérale, multilatérale ou européenne (I). Ensuite, il conviendra de s'attarder sur son apport particulier quant à la portée du contrôle qui doit être exercé par les juges du fond en cas de litispendance internationale (II).
I - Un rappel des principes régissant la litispendance internationale
Hors des Règlements européens et Conventions internationales, la jurisprudence française a défini le régime de la litispendance internationale par une internationalisation de l'article 100 du Code de procédure civile qui traite des cas de litispendance nationale.
La reconnaissance de la litispendance internationale a toutefois impliqué de définir son régime en l'absence de texte spécifique ; régime qui implique, pour qu'elle puisse être accueillie, qu'un certain nombre de critères soient réunis.
Dans son arrêt de principe "Société Mineria di Fragne" (Cass. civ. 1, 26 novembre 1974, n° 73-13.820 N° Lexbase : A1277CKI, Bull. civ. I, n° 312, B. Ancel et Y. Lequette, GAJDIP, Dalloz, 5ème éd., 2006, n° 54 ; Rev. crit. DIP, 1975, 491, note D. Holleaux), la Cour de cassation a donc reconnu qu'une exception de litispendance internationale "peut" être retenue par le juge français, mais qu'elle ne saurait l'être "lorsque la décision à intervenir à l'étranger n'est pas susceptible d'être reconnue en France" (voir notamment en matière de répudiation internationale, Cass. civ. 1, 23 février 2011, n° 10-14.101, F-P+B+I N° Lexbase : A4670GXA).
Ainsi, l'accueil de l'exception de litispendance internationale n'est pas subordonnée à la simple existence d'un juge étranger premier saisi d'un litige entre les mêmes parties ayant le même objet et la même cause, mais au respect de l'ensemble des conditions de reconnaissance des jugements étrangers en France telles qu'elles ressortent aujourd'hui du célèbre arrêt "Cornélisen" (Cass. civ. 1, 20 février 2007, n° 05-14.082, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2537DUI, Bull. civ. I, n° 68).
Pour mémoire, cet arrêt assouplissait les règles de reconnaissance des jugements étrangers et fixait à trois le nombre des conditions nécessaires à l'obtention d'un jugement d'exequatur : le litige doit se rattacher par un lien suffisant au juge saisi (compétence indirecte), il ne doit pas y avoir de fraude à la loi et enfin la décision rendue doit être conforme à l'ordre public de fond et de procédure.
En l'espèce, la cour d'appel, pour rejeter l'exception de litispendance, s'était contentée de soutenir qu'une décision de divorce prononcée par une autorité religieuse était insusceptible d'être reconnue en France. Il sera noté que la cour d'appel n'a pas spécifiquement évoqué la contrariété à l'ordre public pour fonder sa décision, mais uniquement, la nature religieuse de l'autorité amenée à prononcer le divorce, comme si elle se cachait en réalité derrière la nature même de la décision et donc, l'incompétence du juge religieux.
Le pourvoi en cassation a donc amené la Cour de cassation à effectuer elle-même ce contrôle, en rappelant clairement que la cour d'appel se devait de respecter "les principes régissant la litispendance internationale" et donc, ne pouvait rejeter l'exception de litispendance hors du cadre strictement fixé par la Cour de cassation dans sa jurisprudence précitée.
Cet arrêt a donc le mérite de préciser les contours de l'exception de litispendance internationale et de rappeler son caractère impératif.
A ce titre, il sera noté que, depuis l'arrêt "Société Miniera di Fragne" la doctrine s'est maintes fois interrogée sur le fait de savoir si le juge français "pouvait" ou "devait" accueillir l'exception de litispendance internationale. En effet, entre Etats membres, l'exception de litispendance est considérée comme d'ordre public dans de nombreuses matières, notamment la désunion (cf. à ce titre, l'article 19 du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 N° Lexbase : L0159DYK, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le Règlement (CE) n° 1347/2000) mais hors ce cadre conventionnel, la jurisprudence n'a jamais eu à statuer spécifiquement sur son caractère impératif.
En effet, dans l'arrêt "Société Miniera di Fragne", la Cour de cassation précisait que l'exception de litispendance internationale "peut être reçue" (nous soulignons) par le juge français, mais non pas qu'elle doit être reçue. De manière beaucoup plus ferme, dans un arrêt du 17 juin 1997, la première chambre civile de la Cour de cassation énonçait que : "la litispendance internationale [impose] le désistement du juge français" (Cass. civ. 1, 17 juin 1997, n° 95-17.031 N° Lexbase : A0583ACL, Bull civ. I, n° 200 ; Rev. crit., DIP, 1998, 452, obs. Ancel ; D., 1997, 166). Finalement, semblant clairement refuser le caractère obligatoire de l'exception de litispendance internationale, dans un arrêt du 6 décembre 2005, la Cour de cassation venait simplement affirmer qu'en présence d'une exception de litispendance, le juge français "peut estimer devoir se dessaisir" (Cass. civ. 1, 6 décembre 2005, n° 03-17.542 N° Lexbase : A9123DLH, Bull. civ. I, n° 466).
Suivant ce courant, une partie de la doctrine moderne considère que le dessaisissement n'est qu'une faculté pour le juge français. Elle considère que le juge français saisi en second doit pouvoir écarter en opportunité l'exception de litispendance s'il constate que la saisine du juge étranger fait apparaître une précipitation suspecte du demandeur ou s'il s'estime mieux placé pour connaître du litige, notamment en raison de la vocation de sa décision à être exécutée en France (Droit de la famille, n° 511, 226, P. Murat, 2016).
Pourtant l'ensemble de la jurisprudence récente semble confirmer l'obligation faite au juge français d'accueillir l'exception de litispendance ; approche que l'arrêt présentement commenté ne fait que renforcer.
II - La portée de cet arrêt sur l'accueil des divorces religieux en France
Comme rappelé précédemment, il appartient aux juges du fond saisis d'une exception de litispendance internationale de se prêter à une analyse prospective de la décision étrangère à intervenir : sera-t-elle susceptible d'être reconnue en France ?
Il semble s'agir d'un exercice divinatoire. Pourtant, la Cour de cassation paraît poser une limite importante en imposant un contrôle in concreto de la décision à intervenir. Les juges du fond doivent se fonder sur les éléments qui sont en leur possession et ne peuvent donc se contenter de spéculer sur le contenu de la décision à intervenir (Cass. civ. 1, 4 décembre 2013, n° 12-16.899, FS-D N° Lexbase : A8280KQQ).
Pour bien comprendre la portée de cet arrêt, il apparaît utile de le mettre en perspective avec un arrêt rendu six ans plus tôt par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 23 février 2011, n° 10-14.101, F-P+B+I N° Lexbase : A4670GXA, Bull. civ. I, n° 33). A l'instar de l'espèce de l'arrêt qui nous occupe, il était invoqué une situation de litispendance en raison d'une procédure de divorce engagée au Liban par un mari chiite à l'encontre de son épouse de la même confession.
Cependant, dans cet arrêt, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi et approuvé les juges du fond d'avoir écarté l'exception de litispendance internationale au motif qu'il y avait une atteinte au principe d'égalité entre époux et de respect des droits de la défense, la procédure intentée au Liban par le mari étant une répudiation unilatérale, et l'épouse n'ayant eu qu'un délai de quinze jours entre la requête et la première audience. Ainsi, la violation de l'ordre public ressortait déjà clairement de sorte que le juge français pour refuser cette exception s'était bien basé sur une situation concrète.
Six ans plus tard et dans l'affaire dont question ici, la cour d'appel déduit de la seule circonstance que le divorce soit soumis à une autorité confessionnelle que cela emportera une méconnaissance de l'ordre public international de fond et de procédure.
La Cour de cassation sanctionne ce raccourci. L'analyse à faire doit être spécifique à chaque espèce et non en des termes généraux. D'ailleurs en l'espèce, l'épouse elle-même avait saisi l'autorité religieuse libanaise d'une demande de divorce avant de finalement saisir le juge français d'une demande similaire.
Ce rappel de la nécessité d'une appréciation in concreto de chaque espèce semble d'autant plus opportun, qu'au Liban, l'ensemble des mariages et des divorces sont confessionnels. Ainsi, bannir les divorces confessionnels reviendrait donc à écarter d'office toute possibilité de reconnaissance d'une décision de divorce libanaise.
Au Liban, en effet, chaque communauté dispose d'un statut personnel qui lui est propre et qui relève des tribunaux de chaque confession.
Cela signifie que tout ce qui touche l'état des personnes ou la famille : le mariage, la désunion, la filiation et dans une certaine mesure, les successions, relève de lois établies par les diverses communautés, et ce par une délégation de l'Etat libanais. De même, les problèmes touchant ces questions sont tranchées par les tribunaux religieux (communautés religieuses et système politique au Liban, Nabil Maamari, Université Saint Joseph - Beyrouth, accessible via le site de jafbase).
Attention, cette admission d'une possible reconnaissance des divorces religieux étrangers ne signifie en aucune façon qu'un divorce prononcé par une autorité religieuse sur le sol français pourrait être reconnu en France. En effet, la Cour de cassation a décidé qu'"il ne peut y avoir en France de divorce sans décision judiciaire et que les actes des autorités religieuses y sont en la matière dénués d'effet civil" (arrêt "Zagha", Cass. civ. 1, 15 juin 1982, n° 81-12.611 N° Lexbase : A5800CHB, Bull. civ. I, n° 224).
De plus, l'affirmation de l'absence de contrariété à l'ordre public d'un divorce religieux dans son principe, ne constitue pas un revirement de jurisprudence puisque la Cour de cassation admet et reconnaît les divorces religieux qui ont eu lieu hors du territoire français (v. pour la cassation d'un arrêt qui n'aurait pas vérifié le contenu de la loi israélienne en matière de divorce religieux : Cass. civ. 1, 4 décembre 2013, n° 12-16.899, FS-D N° Lexbase : A8280KQQ), à condition qu'ils respectent les conditions posées par l'arrêt "Cornélisen".
L'accueil de l'exception de litispendance à ce stade n'est évidemment aucunement une garantie de reconnaissance de la future décision sur le territoire français.
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Réf. : Cass. soc., 1er mars 2017, n° 16-10.047, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3545TPY)
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N6950BWC
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par Blanche Chaumet
Le 09 Mars 2017
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Réf. : Cass. civ. 2, 23 février 2017, n° 16-15.493, F-P+B+I (N° Lexbase : A6909TN9)
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N6965BWU
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par Sylvian Dorol, Huissier de justice, Chargé d'enseignement (Paris I Sorbonne/Normandie), Collaborateur de l'Ecole nationale de procédure
Le 09 Mars 2017
Dans l'espèce commentée, un créancier institutionnel français poursuivait un débiteur domicilié au Maroc. Il l'assigna dans les formes prévues par la Convention entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957 d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition et protocole, mais aucun retour de l'assignation n'eut lieu avant la date de l'audience. Le créancier invoqua donc le bénéfice de l'application de l'article 688 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L4839ISZ) qui autorise le juge à statuer au fond si, notamment, un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte et qu'aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis. Pour prouver ce dernier point, il se prévalait d'un écrit de l'huissier de justice ayant transmis à l'acte au Maroc établissant qu'aucun document de signification n'était revenu de l'entité du requis. La question se posait donc de savoir si cet écrit de l'huissier de justice français suffisait à caractériser une démarche effectuée auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis. La cour d'appel (2) avait répondu que l'article 688 du Code de procédure civile n'exige pas la preuve par l'huissier significateur des démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis, et avait donc admis cet écrit. La Cour de cassation ne partage cependant pas son avis et casse l'arrêt.
Il incombe donc à l'huissier de justice d'effectuer les démarches auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis pour que les dispositions de l'article 688 du Code de procédure civile reçoivent application.
Il s'agit là d'une décision très intéressante (la première à la connaissance de l'auteur), qui jette la lumière sur un point méconnu du droit et source de nombreuses difficultés : l'échec de la signification internationale. Si des solutions existent en la matière (I), la preuve de l'échec est bien souvent affaire de casuistique (II).
I - Les solutions à l'échec de la signification internationale
Parce que la signification internationale ne se heurte pas seulement à des difficultés d'ordre géographique (A), les textes ont prévu des solutions en cas d'échec (B).
A - Les causes
Outre les milliers de kilomètres qui peuvent séparer le destinataire de l'acte du demandeur, la principale difficulté en matière de signification internationale est l'écoulement du temps. Sur ce point, il est possible de lire sur la page internet "Entraide civile internationale" du ministère de la Justice (3) un avertissement aux termes duquel "la transmission d'un acte aux fins de notification internationale à son destinataire s'accomplit en fonction des règles applicables, issues le cas échéant d'un accord ou d'une convention. Le circuit qui découle de ces règles peut être plus ou moins direct et plus ou moins long, chaque étape correspondant à un nécessaire délai de traitement de la demande de notification. Ainsi, aux délais de traitement requis pour le traitement de la demande en France, s'ajoutent les délais de traitement nécessaires aux différentes autorités qui interviennent dans l'Etat de destination. Ces délais, par essence aléatoires et variables, ne font pas l'objet d'informations officielles communiquées par avance par les Etats. Toutefois, l'observation empirique conduit à constater qu'est généralement exigé un délai suffisant -qui ne saurait être inférieur à plusieurs semaines à compter de la réception de l'acte par l'Etat requis- pour que puisse être donné une suite effective à toute demande de notification. Il importe dès lors d'avoir soin de prévoir un délai raisonnablement suffisant entre la transmission de l'acte et la date de convocation ou de comparution".
Le délai de la signification internationale est donc une difficulté notoire, au point qu'il soit possible d'imaginer "qu'une assignation [...] parvienne [au destinataire] après la date de l'audience à laquelle il est censé comparaître, ce qui est pour le moins fâcheux" (4). Mais il n'est pas possible d'exiger du requérant à l'acte d'attendre ad vitam aeternam la signification de l'acte à son destinataire demeurant à l'étranger, et la justice française ne peut surseoir indéfiniment à la faveur des diligences d'un agent significateur étranger. Des solutions existent donc pour parer à l'écoulement d'un délai de signification excessif.
B - Solutions
Heureusement, la solution à l'écoulement d'un délai excessif de signification est prévue par le droit interne français, et plus particulièrement par les dispositions de l'article 688 du Code de procédure civile. Aux termes de son deuxième alinéa, "s'il n'est pas établi que le destinataire d'un acte en a eu connaissance en temps utile, le juge saisi de l'affaire ne peut statuer au fond que si les conditions ci-après sont réunies : l'acte a été transmis selon les modes prévus par les règlements communautaires ou les traités internationaux applicables ou, à défaut de ceux-ci, selon les prescriptions des articles 684 (N° Lexbase : L6870H7L) à 687 ; un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte ; aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis".
Il faut donc la réunion de ces trois conditions cumulatives pour qu'un jugement puisse être rendu contre une personne demeurant à l'étranger et dont on ignore si elle a reçu l'acte qui lui était destiné.
C'est la troisième condition qui posait des problèmes d'interprétation dans l'espèce commentée. Comment comprendre la formule aux termes de laquelle "aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis" ? Quelles sont les démarches, et qui doit les effectuer en pareille hypothèse ? L'interrogation est cruciale, tant la réponse influera les droits de la partie adverse, et se présente pour la première fois devant la Cour de cassation.
II - La preuve de l'échec de la signification internationale
Comment et qui doit prouver l'échec de la signification internationale dans la formule de l'article 688 du Code de procédure civile ? La réponse à cette interrogation nécessite de déterminer qui supporte la charge de la preuve de l'échec de la signification internationale (A), ainsi que son objet (B).
A - Charge de la preuve
La cour d'appel de Dijon, le 17 décembre 2015 (5), avait retenu que l'article 688 du Code de procédure civile n'exige pas la preuve par l'huissier significateur des démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis. Aux termes de sa réflexion, l'huissier de justice n'avait donc pas à justifier de ses diligences effectuées en vue d'obtenir le résultat de la signification à l'étranger.
C'est pourtant là une mauvaise application de la loi, ce pourquoi la Cour de cassation casse l'arrêt précédemment évoqué en ces termes : "qu'en statuant ainsi, sans qu'il ait été justifié des démarches effectuées en vue d'obtenir un justificatif de remise de l'acte auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte devait être remis, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Etonnamment, la Cour de cassation ne précise pas qui doit prouver l'échec de la signification internationale, étant ici précisé qu'il s'agit d'une preuve négative : l'impossibilité d'obtenir un justificatif de remise de l'acte suffit à caractériser l'échec de la signification internationale. Cette absence de précision n'est cependant pas préjudiciable puisqu'il semble logique que la preuve de l'échec de la signification internationale incombe à celui qui peut y procéder : l'huissier de justice. C'est un parallélisme des formes logique, mais qui place cet officier public et ministériel dans une délicate position : comment obtenir cette preuve négative puisqu'aucune procédure n'est prévue en pareille hypothèse ?
B - Objet de la preuve
Contrairement à la signification européenne, où l'échec de la signification est expressément envisagé (l'entité requise, c'est-à-dire l'agent significateur, informe positivement l'entité d'origine, c'est-à-dire l'huissier de justice, au moyen du formulaire 6 prévu à l'article 10 du Règlement relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (6). Il l'informe également si la signification n'a pu intervenir dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'acte, rien n'est spécialement prévu en matière de signification internationale.
L'huissier de justice se trouve donc esseulé, condamné à improviser pour satisfaire aux dispositions de l'article 688 du Code de procédure civile. Aux termes de l'arrêt commenté, il lui incombe donc de s'enquérir régulièrement de l'état d'avancement de la signification dans le pays étranger, en sollicitant au besoin des services postaux locaux une attestation établissant la bonne réception de l'acte (transmis par pli recommandé) à l'autorité étrangère et à son destinataire (7) (par chance, les services postaux étrangers, à l'instar de la Poste, permettent bien souvent d'obtenir ce type de documents par internet en renseignant simplement le numéro de recommandé). Le fait pour l'huissier de justice d'attester ne pas avoir reçu de retour de l'acte transmis, comme en l'espèce, est donc insuffisant.
Il ne faut pas croire que l'arrêt commenté impose à l'officier public et ministériel français de prouver les diligences effectuées par l'agent significateur étranger : il lui incombe seulement de prouver ses diligences pour obtenir une réponse de l'Etat étranger, dont le silence laissera présumer de l'échec de la signification internationale et la possibilité de se prévaloir des dispositions de l'article 688 du Code de procédure civile.
Comme il a été précédemment exposé, la signification internationale est une affaire de spécialistes. Spécialistes juridiques et professionnels spécialisés. Les délais de signification peuvent pour partie être expliqués par la diversité des agents significateurs : selon les pays, la signification peut être assurée par des sociétés privées (8), des fonctionnaires (9), des professionnels libéraux (10)... Tous ces acteurs ont des formations différentes (11), et des outils de travail plus ou moins efficaces. Et chaque pays a son propre système juridique, relevant de la Common law, de la Civil law, ou d'un système mixte... De cette diversité découlent les forces et faiblesses de la signification internationale, qui ne doivent cependant pas affecter le principe du contradictoire, comme le rappelle l'arrêt commenté.
(1) Sur la question : Cass. civ. 1, 19 décembre 2012, n° 11-21.688, F-P+B+I (N° Lexbase : A1592IZY) ; Cass. civ. 2, 5 juin 2014, n° 13-13.765, F-P+B (N° Lexbase : A2843MQD), Dr et proc., 2014, p. 137, note S. Dorol.
(2) CA Dijon, 17 décembre 2015, n° 15/00 034 (N° Lexbase : A9831NZ7).
(3) Voir site internet : http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/entraide-civile-internationale-11847/
(4) J. Héron, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 3ème éd., par T. Le Bars, Domat, 2006, p. 146, n° 177
(5) CA Dijon, 17 décembre 2015, n° 15/00034 (N° Lexbase : A9831NZ7).
(6) Règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil, 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale ("signification ou notification des actes"), et abrogeant le Règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil (N° Lexbase : L4841H3P).
(7) C. pr. civ., art. 686.
(8) Etats-Unis par exemple.
(9) Irlande, Royaume-Uni par exemple.
(10) Belgique, France par exemple
(11) Les huissiers de justice français figurent parmi les seuls agents significateurs à justifier d'une formation initiale supérieure (Bac+6, souvent Bac+7, en droit) et être astreints à la formation continue.
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newsid:456965
Réf. : Cass. civ. 1, 1er mars 2017, n° 15-60.247, F-D (N° Lexbase : A9955TR7)
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N6978BWD
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par Anne-Laure Blouet Patin
Le 09 Mars 2017
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newsid:456978
Réf. : Cass. civ. 1, 1er mars 2017, n° 16-12.490, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3546TPZ)
Lecture: 2 min
N7051BW3
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par June Perot
Le 11 Mars 2017
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newsid:457051
Réf. : Cass. crim., 22 février 2017, n° 16-82.047, FS-P+B (N° Lexbase : A2441TP4)
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N7006BWE
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par Jules Bellaiche
Le 16 Mars 2017
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newsid:457006
Réf. : Cass. com., 1er mars 2017, n° 15-13.071, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5750TPN)
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N7018BWT
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par Vincent Téchené
Le 11 Mars 2017
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newsid:457018
Réf. : Cass. soc., 1er mars 2017, n° 15-16.988, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3542TPU)
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N6942BWZ
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par Charlotte Moronval
Le 09 Mars 2017
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newsid:456942
Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 3 mars 2017, n° 401395, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0090TS7)
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N7044BWS
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par Yann Le Foll
Le 10 Mars 2017
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newsid:457044
Réf. : Cass. civ. 1, 1er mars 2017, n° 15-20.817, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3543TPW)
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N6943BW3
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par Vincent Téchené
Le 09 Mars 2017
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 10 février 2017, n° 383329, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9955TMN)
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par Marie-Astrid de Barmon, Rapporteur public au Conseil d'Etat
Le 09 Mars 2017
Les faits à l'origine du litige sont les suivants. Par un arrêté du 26 janvier 2004, le maire de la commune de Saint-Gilles, dans le Gard, a accordé à la société X une autorisation de lotir en vue de réaliser un village équestre. Le préfet a toutefois pointé les difficultés liées au système d'évacuation des eaux pluviales soulevées par ce projet. A sa demande, le maire a retiré le permis de lotir par un arrêté du 29 avril 2004. La société X a saisi le tribunal administratif de Nîmes, qui a annulé le retrait du permis pour un motif de procédure et rétabli la requérante dans ses droits par un jugement du 8 décembre 2006, devenu définitif.
Les services de l'eau et de la police des milieux aquatiques de la préfecture ont néanmoins rappelé à la société que le dispositif de rejet des eaux pluviales nécessitait une autorisation au titre de la loi sur l'eau, en vertu du I de l'article L. 214-3 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L4464HWA). La préfecture lui a délivré cette autorisation le 29 octobre 2008.
La SARL a alors demandé à la communauté d'agglomération Nîmes-Métropole et à la commune de Saint-Gilles d'autoriser les travaux de raccordement aux réseaux publics d'eaux potables et d'eaux usées.
La communauté d'agglomération a toutefois refusé d'y donner son aval par une décision du 27 mai 2009. De son côté, le maire de Saint-Gilles a estimé que le permis de lotir était devenu caduc, faute pour son titulaire d'avoir commencé les travaux d'aménagement avant l'expiration, le 15 juin 2008, du délai de dix-huit mois suivant la notification du jugement du tribunal. Le 26 novembre 2009, il a en conséquence pris un arrêté interruptif des travaux qui avaient enfin débuté sur la parcelle.
La SARL a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler ces deux dernières décisions, mais il a cette fois-ci rejeté ses prétentions par des jugements que la cour administrative d'appel de Lyon a confirmés dans un arrêt du 3 juin 2014 (CAA Lyon, 1ère ch., 3 juin 2014, n° 11LY21932 N° Lexbase : A6186MSW). C'est contre cet arrêt que la SARL se pourvoit régulièrement en cassation.
Quelques indications préalables sur la computation du délai de péremption du permis de lotir en litige et l'application dans le temps des règles d'urbanisme en la matière sont indispensables pour s'assurer de l'opérance du premier moyen de la société, qui, disons-le d'emblée, nous semble non seulement opérant mais fondé.
Sous l'empire de l'article R. 315-30 (N° Lexbase : L8113ICH) applicable à la date de sa délivrance, en janvier 2004, l'autorisation de lotir accordée à la société requérante avait une durée de validité de dix-huit mois. Ce délai de caducité a été presqu'aussitôt interrompu par la décision de retrait du permis, et ce jusqu'au prononcé du jugement définitif du tribunal administratif annulant cette décision de retrait. Vous savez en effet que, dans un tel cas de figure, le délai de caducité n'est pas simplement suspendu mais interrompu. L'absence d'exécution des travaux étant imputable au fait de l'administration, l'annulation contentieuse de l'acte administratif qui y a illégalement fait obstacle replace le bénéficiaire de l'autorisation dans la situation dans laquelle il se trouvait à la date de sa délivrance. Le permis initial est rétabli et un nouveau délai de péremption entier recommence à courir à compter de la date de lecture (1) de la décision juridictionnelle d'annulation (pour une autorisation de lotir, voyez CE, 16 juin 1995, n° 118752 N° Lexbase : A4396AN7, aux Tables ; pour un permis de construire, CE, 30 juillet 2003, n° 255368 N° Lexbase : A2625C94, aux Tables ; et pour l'autorisation d'exploiter les ICPE, CE, 22 mai 2012, n° 339504 N° Lexbase : A0909IMM, aux Tables). En l'espèce, le délai de péremption de dix-huit mois a recommencé à courir le 8 décembre 2006 et devait théoriquement expirer en juin 2008 comme l'indique l'arrêté attaqué.
Or, avant que ce terme soit échu, est entré en vigueur le décret (2) du 5 janvier 2007 qui a aligné la durée de validité de l'autorisation de lotir sur celle du permis de construire, en instituant un article R. 424-17 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7573HZI) la portant à deux ans. L'article 26 de ce décret prévoit certes que les demandes de permis déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt. Toutefois, la péremption n'étant pas une règle de procédure mais de fond, le nouvel article R. 424-17 s'est immédiatement appliqué aux permis dont le délai de validité n'était pas expiré à la date de publication du décret, comme vous l'avez jugé à propos du décret d'août 1981 portant d'un à deux ans le délai de caducité du permis de construire dans votre décision "Régie nationale des usines Renault" du 5 décembre 1984, au Rec. (CE, n° 23380 N° Lexbase : A3038AL4). Dans l'arrêt attaqué, la cour a donc eu raison de juger que l'arrêté interruptif des travaux pour caducité en litige trouvait son fondement légal dans les dispositions de l'article R. 424-17 du Code de l'urbanisme qu'elle a substituées à celles de son ancien article R. 315-30, et d'affirmer que le délai imparti à la société pour engager les travaux était de deux ans.
Non seulement le décret de 2007 prolongeait jusqu'au 8 décembre 2008 la validité du permis de lotir consenti à la SARL, mais il ajoutait au Code de l'urbanisme un article R. 424-20 (N° Lexbase : L7576HZM), que vous n'avez encore jamais eu l'occasion d'appliquer, prévoyant que, lorsque le commencement des travaux est subordonné à une autorisation ou à une procédure prévue par une législation autre que le droit de l'urbanisme, le délai de péremption de deux ans ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette législation, si elle est postérieure à la date de notification de l'autorisation d'urbanisme. Autrement dit, dans les cas où la réalisation des travaux est différée en raison d'une autre législation, le début du délai de péremption du permis l'est aussi. Cette règle relative à la caducité des autorisations de construire est elle aussi une règle de fond qui était immédiatement applicable au permis de la société X.
C'est donc par un moyen opérant qu'elle s'est prévalue de ces dispositions devant la cour, en faisant valoir que les travaux d'aménagement du lotissement étant subordonnés à l'obtention de l'autorisation requise au titre de la loi sur l'eau, le délai de péremption de son permis de lotir n'avait pu commencer à courir qu'à compter de la date de délivrance de cette autorisation.
Elle rappelait que si elle avait entrepris les travaux avant de l'obtenir, elle se serait exposée à des mesures conservatoires édictées sur le fondement de l'article L. 216-1-1 alors applicable du Code de l'environnement (N° Lexbase : L4486HW3) pour faire cesser des travaux réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation prévue au titre de la loi sur l'eau, et aurait été passible d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 18 000 euros en application de l'article L. 216-8 alors en vigueur de ce code (N° Lexbase : L2221IEY). Elle aurait en outre pris le risque économique de devoir reprendre les travaux si l'autorisation délivrée ultérieurement avait été assortie de prescriptions qu'elle n'avait pas anticipées, voire de tout perdre si l'autorisation lui était in fine refusée, de sorte que le titulaire d'une autorisation de lotir ne peut sérieusement envisager de commencer les travaux tant qu'il n'a pas obtenu l'autorisation au titre de la loi sur l'eau.
La société précisait aussi qu'il était en pratique impossible d'isoler, au sein des travaux autorisés par le permis de lotir, ceux qui auraient pu débuter sans attendre l'issue de cette procédure distincte. Elle expliquait, non sans vraisemblance, que tous les travaux de lotissement avaient un impact sur la gestion des eaux : la réalisation des travaux de voirie suppose au préalable une imperméabilisation des sols, et la viabilisation de chaque parcelle nécessite la construction des réseaux d'assainissement et de bassins de rétention d'eau.
Cette argumentation, qui ne manquait pourtant pas de force, n'a pas convaincu la cour. Elle a jugé que le permis de lotir et l'autorisation relative à la loi sur l'eau étant accordés en vertu de législations distinctes et selon des procédures indépendantes, la circonstance que la seconde était en cours d'instruction ne faisait pas obstacle à ce que les travaux autorisés par le premier soient réalisés. Puis, elle a affirmé, avec un maniement audacieux de la double négation, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'en l'espèce aucun des travaux autorisés par l'autorisation de lotir ne pouvait débuter indépendamment de l'obtention de l'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Les juges d'appel en ont conclu que la société requérante ne pouvait utilement invoquer les dispositions de l'article R. 424-20 du Code de l'urbanisme, si bien que l'autorisation de lotir était devenue caduque le 9 décembre 2008 et que la communauté d'agglomération et la commune étaient tenues de rejeter les demandes de la SARL. La société soutient que la cour a commis une erreur de droit en lui refusant ainsi le bénéfice du dispositif de péremption différée prévu par l'article R. 424-20.
L'affirmation de la cour selon laquelle une partie des travaux autorisés en l'espèce, qu'elle se garde de préciser, aurait pu être débutée indépendamment de l'autorisation au titre de la loi sur l'eau, révèle sans doute une première erreur de droit, car les dispositions de l'article R. 424-20 n'invitent pas à diviser ainsi les travaux autorisés par un unique permis pour apprécier le point de départ de son délai de caducité. Mais le premier temps du raisonnement de la cour, opposant l'indépendance des législations à la mise en oeuvre de l'article R. 424-20, nous semble entaché d'une erreur de droit plus fondamentale.
Les deux collectivités défenderesses invoquent en vain votre jurisprudence découlant de ce principe au soutien de l'arrêt attaqué, car l'article R. 424-20 a justement pour objet d'y déroger.
La seconde ligne de défense des collectivités et du ministre du logement et de l'habitat durable est plus intéressante. Elle déplace quelque peu les termes du débat, mais n'en est pas moins recevable dès lors qu'elle soulève une question de champ d'application de la loi. Ils font valoir qu'à l'époque des faits, l'autorisation exigée par l'article L. 214-3 du Code de l'environnement ne faisait pas partie de la liste limitative des autorisations requises au titre de législations distinctes des règles d'urbanisme susceptibles de repousser le point de départ du délai de péremption de l'autorisation d'urbanisme en application de l'article R. 424-20 du Code de l'urbanisme.
Selon cette thèse, le Code de l'urbanisme énumère de manière expresse et exhaustive les situations dans lesquelles le déclenchement du délai de péremption de l'autorisation d'urbanisme est différé dans l'attente d'une autorisation ou de l'issue d'une procédure indépendantes. D'après le ministre, le périmètre de l'article R. 424-20 serait plus précisément limité aux cas de figure envisagés aux sections II et IV du chapitre V du titre II du livre IV de la partie réglementaire du Code de l'urbanisme, qui organisent l'articulation des autorisations d'urbanisme avec les législations et procédures relatives aux monuments historiques, aux parcs nationaux, aux zones agricoles protégées, aux sites inscrits ou encore à l'archéologie préventive. Or, à l'époque des faits, le Code de l'urbanisme ne comportait aucune disposition de coordination entre les autorisations d'urbanisme et la législation de protection de l'eau : c'est l'ordonnance du 25 mars 2016 qui a tardivement comblé cette lacune en y créant l'article L. 425-14 alors applicable (N° Lexbase : L3832K73) qui dispose désormais que l'autorisation de construire ne peut être mise en oeuvre avant la décision d'autorisation ou de non-opposition prévue à l'article L. 214-3 du Code de l'environnement.
Vous pourriez être tentés de suivre le ministre et les collectivités défenderesses dans cette lecture restrictive de l'article R. 424-20 du Code de l'urbanisme car ses dispositions instituent une double exception, d'une part à la règle générale assignant pour point de départ au délai de péremption des autorisations d'urbanisme expresses le jour de leur notification au pétitionnaire, et d'autre part au principe d'indépendance des législations. Leur interprétation a aussi le mérite, au moins à première vue, de limiter les incertitudes sur le champ d'application de cet article et donc sur la caducité des autorisations dans un droit de l'urbanisme où la sécurité juridique est essentielle.
Toutefois, la formulation de l'article R. 424-20 est très générale et ne comporte pas de renvoi invitant à en faire une lecture combinée avec le chapitre V du même titre consacré aux "opérations soumises à un régime d'autorisation prévu par une autre législation", dont l'objet est autre. L'essentiel de ce chapitre coordonne la délivrance des autorisations d'urbanisme avec celles exigées par d'autres législations, en repoussant l'octroi des premières après l'obtention des secondes ou en dispensant de permis des opérations approuvées au titre de législations distinctes, alors que l'article R. 424-20 régit la péremption d'une autorisation d'urbanisme déjà accordée.
En réalité, seuls deux articles du chapitre V prévoient des hypothèses de différés d'exécution des travaux : l'article R. 425-30 (N° Lexbase : L7609HZT) interdisant d'engager des travaux en site inscrit avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande de permis ou de la déclaration de travaux, et l'article R. 425-31 (N° Lexbase : L8712ICN) faisant obstacle à l'exécution des travaux avant l'achèvement des opérations d'archéologie préventive. L'on trouve à l'inverse dans la partie législative du code d'autres hypothèses où la réalisation de travaux est différée par mesure de coordination avec d'autres législations, ce qui illustre la difficulté de cibler de manière pertinente les dispositions du code qui délimiteraient le champ d'application de l'article R. 424-20 : c'est le cas notamment des travaux destinés à changer l'usage de locaux d'habitation (C. urb., art. L. 425-9 N° Lexbase : L3456HZZ), de ceux portant sur des installations classées soumises à autorisation (C. urb., art. L. 425-10 N° Lexbase : L6413LCI) et les installations nucléaires de base (C. urb., art. L. 425-12 N° Lexbase : L9105ITE).
Surtout, il nous semble que la péremption différée du permis a autant de raison d'être économiques et juridiques lorsque l'engagement des travaux est paralysé dans l'attente d'une autorisation au titre de la loi sur l'eau (loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 N° Lexbase : L9269HTH) que de l'achèvement de fouilles préventives. L'autorisation au titre de la loi sur l'eau était un préalable indispensable à l'engagement des travaux de lotissement, comme les services de l'Etat l'ont d'ailleurs plusieurs fois rappelé à la société X.
Pour ces raisons, nous vous invitons à retenir une interprétation pragmatique de la péremption différée prévue à l'article R. 424-20, conçue pour tenir compte des difficultés concrètes posées aux porteurs de projets par la multiplicité des autorisations parfois nécessaires à leur accomplissement, en jugeant qu'elle s'applique à toutes les autorisations ou procédures distinctes des règles d'urbanisme auxquelles est subordonné le commencement effectif des travaux, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le différé de travaux en question n'ait pas été expressément envisagé par le code de l'urbanisme. Juger le contraire inciterait les titulaires d'autorisations d'urbanisme à engager illégalement les travaux sans attendre l'octroi des autorisations requises par d'autres législations pour préserver leurs droits.
Quoi qu'il en soit, la cour a clairement méconnu la portée de l'article R. 424-20 en refusant d'en faire application au bénéfice de la société X au motif que la loi sur l'eau et les règles d'urbanisme constituaient des législations distinctes.
La censure de ce motif entraîne la cassation totale de l'arrêt qui fait masse des décisions de la communauté d'agglomération et du maire de la commune. La caducité du permis n'épuisant pas les questions juridiques qui étaient soumises à la cour, vous lui renverrez l'affaire.
Vous pourrez mettre à la charge de la communauté d'agglomération et de la commune le versement à la société X d'une somme globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles. L'article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4) fait en revanche obstacle à ce que vous fassiez droit à la demande présentée au même titre par les deux collectivités.
Tel est le sens de nos conclusions dans cette affaire.
(1) La décision "Chabran et autres" du 6 avril 2007 (n° 296493 N° Lexbase : A9363DUC, aux Tables) jugeant que, lorsqu'un permis de construire est retiré et que ce retrait est annulé, le permis initial est rétabli à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation nous semble avoir pour conséquence de revenir sur la décision "Laugier" (CE, 16 juin 1995, n° 118752, préc.) retenant comme point de départ du nouveau délai la date de notification de cette décision, sauf à créer un décalage inopportun entre la date à laquelle le permis recommence à produire des effets de droit au profit de son titulaire et celle à laquelle son délai de péremption recommence à courir.
(2) Décret n° 2007-817 du 11 mai 2007, relatif à la restauration immobilière et portant diverses dispositions modifiant le Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L5074HX9).
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