Réf. : Cass. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411, P+B+R+I (N° Lexbase : A8476TNA)
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 02 Mars 2017
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Réf. : Cass. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411, P+B+R+I (N° Lexbase : A8476TNA)
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 02 Mars 2017
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Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 22 février 2017, n° 398168, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8456TNI)
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par Jules Bellaiche
Le 09 Mars 2017
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Réf. : Cass. soc., 8 février 2017, n° 15-21.064, FS-P+B (N° Lexbase : A2022TCU)
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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 02 Mars 2017
Résumé
La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise. |
Commentaire
I - Application au dénigrement de la conception renouvelée de la faute lourde
L'évolution de la définition de la faute lourde. Depuis 1990 (1), la Chambre sociale de la Cour de cassation définissait la faute lourde du salarié comme celle commise avec l'intention de nuire à l'entreprise ou à l'employeur. Cette définition était entièrement prétorienne, comme d'ailleurs les définitions des fautes graves, sérieuses ou légères, puisque que le législateur ne s'est jamais intéressé à l'échelle des fautes pour seulement encadrer en partie leur régime.
Le législateur prévoyait, ainsi, que la faute lourde privait le salarié du droit au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés. Jugée contraire à la Constitution en 2016 (2), cette disposition a été abrogée et le nouveau texte, issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), n'évoque même plus ce type de faute. La faute lourde n'est plus désormais envisagée, pour l'essentiel, que dans le cadre du régime juridique de la grève au cours de laquelle seuls des agissements qui reçoivent cette qualification permettent le licenciement du salarié gréviste (3). Là encore, seul le régime juridique de la faute lourde est donc envisagé.
Par deux arrêts rendus en 2015, la Chambre sociale a légèrement affiné sa définition et a précisé ce qu'il fallait entendre par l'intention de nuire du salarié (4). Désormais, la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire "à l'employeur" et non plus à l'entreprise, et elle implique "la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise". Cette précision était certainement nécessaire d'un point de vue pédagogique. En effet, de très nombreuses entreprises et juridictions du fond qualifient de faute lourde des comportements qui, après contrôle de la Chambre sociale, sont requalifiés en faute grave. C'est donc cette nouvelle définition dont il est à nouveau fait application dans l'affaire présentée.
L'affaire. Un salarié, engagé en 1998 par un cabinet d'expertise comptable et assurant les fonctions de directeur d'agence, est licencié pour faute lourde le 29 novembre 2005. L'employeur lui reproche d'avoir tenu, devant des clients, des propos contraires aux intérêts de l'entreprise en remettant en question le bien-fondé de sa politique tarifaire.
La cour d'appel de Nîmes juge que le licenciement repose bien sur une faute lourde. Elle considère, en effet, que les propos du salarié démontraient sa "déloyauté à l'égard de son employeur" et que, "compte tenu de son niveau de responsabilité et de sa qualification, l'auteur de ces propos dénigrant la politique tarifaire de la société devant la clientèle ne pouvait ignorer leur impact et leur caractère préjudiciable", si bien que ces agissements caractérisaient une intention de nuire à l'employeur.
Par un arrêt rendu le 8 février 2017, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa de l'article L. 223-14, alinéas 1er et 4 du Code du travail (N° Lexbase : L5916AC4), devenu article L. 3141-26 du Code du travail (N° Lexbase : L6923K9B) dans sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 du Conseil constitutionnel en date du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7973QDN).
La Chambre sociale rappelle que "la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise", et en déduit que la cour d'appel n'avait pas caractérisé la volonté de nuire à l'employeur. La cassation est prononcée pour défaut de base légale, ce qui traduit "un défaut de motivation, d'où découle une mauvaise application du droit" (5) : il n'est pas reproché aux juges du fond de ne pas avoir recherché l'intention de nuire mais plutôt de l'avoir mal caractérisée.
II - Conséquences modérées de la conception renouvelée de la faute lourde
Que retenir de la nouvelle définition de la faute lourde ? Au mot près, la Chambre sociale reprend donc, ici, très exactement, la formule inaugurée par les deux arrêts de 2015. Cette définition, en apparence plus précise qu'elle ne l'était auparavant, a été analysée comme n'étant pas susceptible de beaucoup modifier la jurisprudence de la Chambre sociale en la matière (6).
Certes, la définition ne vise plus expressément que la volonté de nuire à l'employeur et non plus à l'entreprise, mais cette distinction, autrefois employée par les juges, était relativement obscure, principalement parce que l'entreprise reste une entité difficilement saisissable. La définition nouvelle pourrait laisser penser que les agissements du salarié doivent être délibérément dirigés contre la personne physique ou morale cocontractante et non pas vers l'entité plus abstraite que constitue l'entreprise. Il y a d'ailleurs, dans cette approche, une forme de logique et de cohérence au regard du régime juridique de la faute lourde.
En effet, si la faute lourde du salarié ne permet plus la privation des indemnités de congés payés, elle demeure la seule qui autorise l'employeur à engager la responsabilité civile du salarié (7). Or, dans une acception certes fort classique du préjudice (8), seule une personne qui subit un dommage légitime, celle qui a un intérêt légitime à agir parce qu'il a été porté atteinte à l'un de ses droits subjectifs, peut engager la responsabilité de l'auteur du dommage (9). L'entreprise n'ayant pas la personnalité juridique, elle n'est pas titulaire de droits subjectifs, pas davantage qu'elle ne peut agir en justice.
Certainement plus juste d'un point de vue technique, le recentrage sur l'intention de nuire à l'employeur ne devrait, toutefois, pas emporter de changements concrets très importants. En effet, l'entreprise s'identifie le plus souvent à la personne physique ou morale de l'employeur, si bien que nuire à l'un, c'est très souvent aussi nuire à l'autre.
Pour le reste, l'intention de nuire à l'employeur restera particulièrement difficile à caractériser. Elle devrait répondre à des problématiques assez proches de celle de la preuve de l'intention dolosive caractérisant un dol, qui permet l'annulation d'un contrat ou de l'intention de nuire qui caractérise un abus de droit. L'un comme l'autre ne sont que rarement admis par les juges, précisément parce que le caractère interne, psychologique, de l'intention est souvent indémontrable.
On peut, enfin, relever que la Chambre sociale a parfois pu juger que le dénigrement de l'entreprise auprès de ses clients pouvait justifier la qualification de faute lourde, ce qui n'est pas admis en l'espèce (10). Cela ne signifie pas, bien sûr, que le dénigrement ne puisse jamais être qualifié de faute lourde, mais il sera nécessaire de démontrer l'intention malveillante.
Des enjeux minimes. Au-delà des questions purement techniques de qualification, l'enjeu des précisions apportées par les arrêts récents à la qualification de faute lourde n'aura finalement qu'un impact modéré en pratique, parce que le régime de la faute grave et de la faute lourde ont été sensiblement rapprochés.
Il ne subsiste plus, en réalité aujourd'hui, que deux enjeux essentiels. D'abord, nous l'avons vu, celui de l'engagement de la responsabilité civile du salarié auteur d'une faute lourde. Encore que l'on puisse, là aussi, relativiser, puisque, si la possibilité d'engager cette responsabilité est essentielle lorsque l'entreprise subit un préjudice matériel aisément quantifiable (11), elle présente un intérêt bien plus faible dans le cadre d'un dénigrement dont les effets sur les partenaires de l'entreprise sont plus souvent difficiles à évaluer. Ensuite, la qualification de faute lourde reste essentielle dans le cadre de la grève. On sait, toutefois, que l'appréciation de la faute lourde dans le cadre d'un conflit collectif répond à des logiques légèrement différentes puisque le juge admet cette qualification sans toujours rechercher l'intention de nuire, notamment lorsque le salarié sort du strict cadre légal de la grève.
Pour conclure, on peut légitimement se demander si la qualification de faute lourde conserve un avenir en droit du travail. Les textes visés par la Chambre sociale ne font plus référence à la faute lourde. Déjà fragile avant la censure du Conseil constitutionnel, quel sera, à l'avenir, le fondement textuel de la qualification de faute lourde ?
(1) Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 88-40.618, publié (N° Lexbase : A9254AAY) ; sur cette faute, lire l’Ouvrage de droit du travail (N° Lexbase : E9192ESA).
(2) Cons. const., décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7973QDN) et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 647, 2016 (N° Lexbase : N1762BW8). V. également Cass. QPC, 2 décembre 2015, n° 15-19.597, FS-P+B (N° Lexbase : A4927NY7) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 637, 2015 (N° Lexbase : N0450BWL).
(3) C. trav., art. L. 2511-1 (N° Lexbase : L0237H9N). Il est également fait référence à la faute lourde dans quelques textes relatifs à des contrats aidés, mais elle est alors toujours placée au même niveau que la faute grave auquel le même régime s'applique, v. par ex. C. trav., art. L. 5121-17 (N° Lexbase : L6511IZ8), pour les entreprises qui recourent au contrat de génération et bénéficient d'une aide dont ils ne sont pas privés si le sénior est licencié pour faute grave ou lourde ; v. encore, C. trav., art. L. 5134-21-2 (N° Lexbase : L6804I77), le bénéfice d'une aide en cas de recrutement d'un salarié en contrat d'accompagnement dans l'emploi à condition que l'embauche ne vise pas à procéder au remplacement d'un salarié licencié, à moins que le licenciement n'ait reposé sur une faute grave ou lourde.
(4) Cass. soc., 22 octobre 2015, deux arrêts, n° 14-11.291, FP-P+B (N° Lexbase : A0160NUH) et n° 14-11.801, FP-P+B (N° Lexbase : A0259NU7) et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 632, 2015 (N° Lexbase : N9833BUQ).
(5) J.-P. Ancel, Le manque de base légale, Cycle Droit et technique de cassation, 2009.
(6) Cass. soc., 22 octobre 2015, deux arrêts, n° 14-11.291, FP-P+B et n° 14-11.801, FP-P+B, préc., et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 632, 2015, préc.. Dans le même sens, Cass. soc., 26 janvier 2017, n° 15-27.365, F-D (N° Lexbase : A5568TAH) et les obs. de G. Auzero, Lexbase, éd. soc., n° 687, 2017 (N° Lexbase : N6580BWM).
(7) Rappelant que seule la faute lourde justifie l'engagement de la responsabilité civile du salarié, v. récemment Cass. soc., 25 janvier 2017, n° 14-26.071, FS-P+B (N° Lexbase : A5474TAY) et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 687, 2017 (N° Lexbase : N6577BWI).
(8) Il faut ainsi nuancer, au regard de l'émergence de préjudices détachés d'une personne qui le subit directement, comme cela est le cas, par exemple, avec les préjudices environnementaux.
(9) V. F. Terre, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit des obligations, D., 11ème éd., 2013, p. 763.
(10) Admettant la faute lourde : Cass. soc., 5 avril 2005, n° 02-46.628, F-D (N° Lexbase : A7517DHU) ; Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-15.009, F-D (N° Lexbase : A7261KSQ).
(11) V., par ex., les deux arrêts de 2015, préc., où il s'agit de cas de détournements de fonds dont le salarié est l'auteur mais qui ne permettent pas d'engager sa responsabilité, faute que l'intention de nuire à l'employeur soit démontrée.
Décision
Cass. soc., 8 février 2017, n° 15-21.064, FS-P+B (N° Lexbase : A2022TCU) Cassation partielle (CA Nîmes, 6 septembre 2011, n° 10/01572 N° Lexbase : A4145H7N) Textes visés : C. trav., art. L. 223-14, ancien (N° Lexbase : L5916AC4), art L. 3141-26 (N° Lexbase : L6923K9B), dans sa rédaction issue de la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016 (Cons. const., décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 N° Lexbase : A7973QDN). Mots-clés : faute lourde ; qualification ; dénigrement. Lien base : (N° Lexbase : E9192ESA). |
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Réf. : Cass. crim., 31 janvier 2017, n° 15-87.770, F-D (N° Lexbase : A4306TB4)
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par Evan Raschel, Maître de conférences à l'Université Clermont Auvergne, Centre Michel de l'Hospital EA 4232
Le 02 Mars 2017
D'abord, ce service ne respectait pas la réglementation imposée, sous la menace d'une sanction pénale, aux taxis ou aux voitures de transport avec chauffeur. A titre principal, il convient de rappeler que dans les deux cas, une autorisation administrative est nécessaire (7). S'agissant des taxis, l'exclusion était d'autant plus évidente que les conducteurs du service UberPOP ne répondaient ni à la définition des conducteurs de taxi, ni aux diplômes et formations requis (8). S'agissant plus spécifiquement des voitures de transport avec chauffeur (la loi faisait à l'époque des faits référence aux "véhicules de petite remise"), auxquelles les conducteurs UberPOP pouvaient plus facilement être rattachés, le texte alors applicable était l'article L. 3122-2 du Code des transports (N° Lexbase : L3413I48) qui disposait que "l'exploitation de voitures de petite remise est soumise à autorisation délivrée par l'autorité administrative", laquelle faisait justement défaut aux conducteurs UberPOP.
Ensuite, le service UberPOP ne pouvait davantage être assimilé à une activité de covoiturage. D'une part, parce que celle-ci suppose un but non lucratif, alors que, comme le remarque la cour d'appel, "la tarification prédéfinie par Uber France, imposée tant au passager qu'au conducteur ne correspondait pas au partage des frais mais s'apparentait bien au paiement d'une course" ; par ailleurs, le site internet de la société indiquait lui-même que le service visait des particuliers souhaitant gagner de l'argent durant leurs disponibilités. D'autre part, parce que le conducteur UberPOP acceptait d'emmener le passager vers une destination qui n'était pas nécessairement la sienne. La Cour de cassation souligne, dans ses motifs, que "le choix de la destination par le client était présenté comme inhérent au service offert, ce qui excluait la qualification de covoiturage". Ces exigences, initialement jurisprudentielles, semblent correspondre tout à fait à la définition du covoiturage issue de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte (N° Lexbase : L2619KG4), qui figure aujourd'hui à l'article L. 3132-1 du Code des transports (N° Lexbase : L2945KG8) et selon lequel "le covoiturage se définit comme l'utilisation en commun d'un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d'un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. Leur mise en relation, à cette fin, peut être effectuée à titre onéreux et n'entre pas dans le champ des professions définies à l'article L. 1411-1 (N° Lexbase : L8102INE)" [nous soulignons].
Ainsi, faute de s'inscrire dans le cadre d'une des réglementations citées, le service UberPOP ne pouvait qu'apparaître illégal dès l'origine ; partant, la pratique commerciale consistant à la promouvoir devait être réputée trompeuse. L'affirmation de la Chambre criminelle de la Cour de cassation mérite d'être rapprochée d'autres décisions antérieures -auxquelles la Cour aurait d'ailleurs pu se référer- qui confirment cette illicéité du service UberPOP. Il en est particulièrement ainsi de la décision du 22 septembre 2015 du Conseil constitutionnel (9), saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l'ancien article L. 3124-13 du Code des transports (N° Lexbase : L3396I4K) (10) incriminant le fait "d'organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités [de transport routier] sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés [...] ni des taxis ni des [voitures de transport avec chauffeur]". Rejetant le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre, invoqué par Uber, le Conseil déduisit de cet article, notamment, "que l'exercice de cette activité est donc interdite aux personnes qui ne sont ni des entreprises de transport routier [...] ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur ; que le législateur a entendu, par les dispositions contestées, réprimer des agissements facilitant l'exercice d'une activité interdite" (11) [nous soulignons]. Aurait-il pu dire plus clairement que les activités alors proposées par le service UberPOP étaient illicites ?
Il restait à trancher la question de l'élément moral du délit, dont la société Uber contestait la présence. En discuter n'était pas déraisonnable : on se souvient que la mutation, par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (N° Lexbase : L7006H3U), du délit de publicité trompeuse en pratiques commerciales trompeuses avait été l'occasion d'une évolution de son élément moral, d'une infraction d'imprudence à une infraction intentionnelle (12). Mais l'intention exigée à ce titre est extrêmement légère : reprenant une formule fréquente, la Cour de cassation précisa que "la seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY)". Bref, la conscience de la violation suffit, étant précisé qu'en matière pénale également, nul n'est censé ignorer la loi... Voilà une nouvelle démonstration de l'affaiblissement constant de l'élément moral des infractions d'affaires. Sans doute la solution n'est-elle pas à l'abri de la critique. Il reste peu étonnant de voir la cour d'appel affirmer laconiquement, dans la présente espèce, que "c'est en toute connaissance de cause que la société Uber France a vanté les mérites de la prestation illégale proposée sous la dénomination UberPOP", élément moral auquel la Cour de cassation elle-même ne fait qu'une référence rapide et formelle.
(1) Sur laquelle, v. Ph. Delebecque, Du nouveau pour les taxis, les VTC et leurs clients : un statut pour les centrales de réservations, D., 2017, p. 314 et s..
(2) Actuel article L. 121-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1706K7C les articles visés dans l'arrêt commenté ont été déplacés par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, relative à la partie législative du Code de la consommation N° Lexbase : L0300K7A).
(3) En application de l'article 131-38 du Code pénal (N° Lexbase : L0410DZ9), l'amende est quintuplée à l'encontre des personnes morales.
(4) C. consom., art. L. 132-2 (N° Lexbase : L1657K7I).
(5) V. respectivement, les actuels articles L. 121-2 (N° Lexbase : L1706K7C) et L. 121-3 (N° Lexbase : L9807LC9) du Code de la consommation. V. pour une remise en cause de la distinction : Cass. crim., 22 novembre 2016, n° 15-83.559, F-P+B (N° Lexbase : A3537SLL).
(6) Actuel article L. 121-4, 9° du Code de la consommation (N° Lexbase : L1704K7A).
(7) Rappelons qu'un titre du Code des transports est consacré aux "transports publics particuliers" (C. transports, art. L. 3120-1 N° Lexbase : L3387I49 et s. ; pour les sanctions pénales, v. C. transports, art. L. 3124-4 N° Lexbase : L1767LCG et L. 3124-5 N° Lexbase : L7649INM).
(8) Les textes alors applicables étaient les articles L. 3121-1 (N° Lexbase : L7672INH), L. 3121-9 (N° Lexbase : L7664IN8) et L. 3121-10 (N° Lexbase : L7663IN7) du Code des transports.
(9) Cons. const., 22 septembre 2015, n° 2015-484 QPC (N° Lexbase : A4510NPQ).
(10) Comp., aujourd'hui, l'article L. 3143-4 du Code des transports (N° Lexbase : L1308LCG), créé par la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016, , relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes (N° Lexbase : L0757LCZ).
(11) Cons. const., 22 septembre 2015, préc., cons. 17.
(12) Cass. crim., 15 décembre 2009, n° 09-83.059, F-P+F (N° Lexbase : A2220EQB).
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Réf. : Cass. com., 22 février 2017, n° 15-17.166, F-P+B+I (N° Lexbase : A6883TNA)
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par Vincent Téchené
Le 02 Mars 2017
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Réf. : CE 3°, 8°, 9° et 10° ch.-r., 22 février 2017, n° 388887, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8444TN3)
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par Jules Bellaiche
Le 03 Mars 2017
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Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 14 février 2017, n° 403614, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2620TPQ)
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par Yann Le Foll
Le 04 Mars 2017
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Réf. : Loi n° 2017-242 du 27 février 2017, portant réforme de la prescription en matière pénale (N° Lexbase : L0288LDZ)
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par Aziber Seïd Algadi
Le 02 Mars 2017
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 10 février 2017, n° 404291, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2526TCK)
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par Yann Le Foll
Le 07 Mars 2017
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Réf. : Cass. soc., 22 février 2017, n° 15-25.591, FS-P+B (N° Lexbase : A2602TP3)
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par Blanche Chaumet
Le 03 Mars 2017
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Réf. : Cass. soc., 22 février 2017, n° 16-60.123, FS-P+B (N° Lexbase : A2534TPK)
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par Charlotte Moronval
Le 07 Mars 2017
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Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 27 janvier 2017, n° 390660, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5626TAM)
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par Nacima Lamalchi-Elkilani, Avocat counsel et Florent Mattern, Avocat - UGGC Avocats
Le 02 Mars 2017
En droit d'auteur, l'article L.131-3 du CPI impose un formalisme strict à la validité des cessions des droits patrimoniaux de l'auteur (droits de reproduction et de représentation) puisqu'il prévoit que "la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée".
Traditionnellement, les tribunaux judiciaires interprètent cet article en faveur de l'auteur, en particulier lorsqu'il s'agit d'une personne physique, et requièrent, à peine de nullité, que la cession soit conclue par écrit et comporte les quatre mentions légales obligatoires. Est ainsi privée d'effet toute cession de droits d'auteur tacite ou verbale (3).
Un tempérament au formalisme de l'article L. 131-3 est néanmoins admis en matière de cessions de droits d'auteur entre personnes morales ou de sous-cessions entre le cessionnaire et le sous cessionnaire (4).
Les faits d'espèce de l'arrêt commenté. A l'occasion d'une vérification de comptabilité en matière de TVA, l'administration fiscale avait refusé à un artiste professionnel l'application du taux réduit de 5,5 % (5) qu'il avait appliqué sur la base de l'article 279, g du CGI au motif que "les documents contractuels produits n'identifient ni ne distinguent ce qui relève de la cession de l'oeuvre ou de la cession des droits de représentation ou de reproduction, passibles du taux réduit, que lorsque de telles cessions sont identifiées, elles ne sont pas délimitées quant à leur étendue et à leur montant [...]".
Bien entendu, l'artiste a contesté ce rappel de taxe au motif notamment que "l'article 279 ne subordonne pas l'application du taux réduit de TVA au respect des conditions de forme ou de fond mentionnées dans le code de la propriété intellectuelle ainsi qu'il ressort également des instructions administratives".
Il est d'abord débouté par le tribunal administratif d'Orléans (6) puis la cour administrative d'appel de Nantes (7). Le Conseil d'Etat (8), saisi une première fois, casse l'arrêt de la cour pour défaut de réponse à un point des conclusions de l'artiste, sans pour autant trancher le conflit apparent entre les articles 279, g du CGI et L. 131-3 du CPI.
Dans son arrêt de renvoi du 2 avril 2015, la cour administrative d'appel de Nantes retient le caractère "dérogatoire au droit commun" de l'article 279, g et juge que les cessions de droits patrimoniaux sont soumises au taux réduit "quelles que soient les formes et conditions suivant lesquelles elles ont été consenties" (CAA Nantes, 2 avril 2015, n° 14NT02139 N° Lexbase : A0062NRQ).
Cette position, a priori surprenante, trouve en fait appui sur l'article 279, g du CGI tel qu'interprété à la lumière l'instruction du 9 octobre 1991 (9) (l'"Instruction") (conformément à l'article L. 80 du LPF N° Lexbase : L8732G8W) et en particulier du :
- point 67 (10) selon lequel "Lorsque des travaux d'études, de conception et de mise en oeuvre [...] sont suivis d'une cession du droit de représentation ou de reproduction [...], l'ensemble de l'opération s'analyse, au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, comme une cession de droits" ;
- point 79, alinéa 2, selon lequel "Le terme de cession de droits recouvre en pratique toutes les opérations relatives à l'exploitation des droits protégés" ;
- point 80 (11) selon lequel "Le taux réduit de la taxe s'applique aux opérations qui ont la nature de cession de droits".
Nonobstant cette interprétation de l'article 279, g du CGI à la lumière de l'Instruction, la cour appliquera le taux réduit de TVA à certaines prestations de l'artiste à l'exception de celles réalisées pour la commune des Pays de Murat et le comité Fulbert, ce qui a conduit à un nouveau pourvoi et à l'arrêt du Conseil d'Etat.
L'arrêt. Après avoir rappelé les termes des articles 279 alinéa, g du CGI et L. 131-3 du CPI, le Conseil d'Etat confirme l'arrêt déféré en ce qu'"Il résulte des dispositions précitées du g) de l'article 279 du CGI que la cession à des tiers, par les auteurs d'oeuvres de l'esprit, des droits de représentation ou de reproduction qu'ils détiennent sur celles-ci est soumise au taux réduit de TVA, alors même que les conditions posées par l'article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle ne seraient pas remplies". Pour autant, il casse partiellement cet arrêt en ce qu'il a commis une erreur de droit dans l'application de cette règle.
Sur la base de ce principe, après avoir pris soin de retenir la qualification d'oeuvres de l'esprit des prestations réalisés (12), le Conseil d'Etat a considéré que :
- la convention conclue avec la commune des Pays de Murat prévoyant la conception de prestations de scénographie "par son objet même, impliquait la cession du droit de représentation lié à l'exposition en cause et alors qu'il n'était pas contesté qu'elle avait été exécutée" ;
- "le contrat passé [avec le comité Fulbert] impliquait par nature la cession du droit de reproduction" s'agissant de la conception par l'artiste de maquettes graphiques pour divers supports ayant fait l'objet d'éditions.
On comprend ainsi que le fait que les personnes publiques aient exercé, pour l'une, le droit de représentation en exploitant la scénographie créée pour une exposition et pour l'autre, le droit de reproduction en éditant les documents pour lesquels les maquettes graphiques avaient été créées, constituent des actes d'exploitation desdits droits de l'auteur impliquant "par nature" ou "par leur objet-même" leur cession.
Quel est l'apport de l'arrêt du 27 janvier 2017 ?
Sous une apparente contradiction, la position du Conseil d'Etat sur la cession implicite de droits d'auteur est en réalité parfaitement compatible avec les règles de cession de droits d'auteur posées par le CPI puisqu'il confirme l'indépendance de l'article 279, alinéa g, du CGI au regard des dispositions de l'article L. 131-3 du CPI.
En effet, il est question de l'application du taux réduit de TVA et non de la validité de la cession de droits, et en cette matière l'Instruction fiscale de 1991 admet la cession implicite de droits d'auteur aux opérations ayant porté sur "l'exploitation des droits".
Cette solution n'est pas nouvelle. En effet, il avait déjà été jugé que, dès lors que les clients d'un graphiste indépendant "se chargeaient de faire réaliser les travaux de reproduction et de façonnage, les prestations facturées doivent être regardées comme correspondant à la cession des droits patrimoniaux sur les oeuvres réalisées [...] sans que les dispositions des articles L. 131-1 (N° Lexbase : L3384ADP) à 131-3 du Code de la propriété intellectuelle aient d'incidence à cet égard" (13).
Il n'y a donc en réalité aucune contradiction entre une disposition fiscale dérogatoire applicable en matière de TVA par l'auteur dans ses rapports avec l'administration fiscale et les dispositions de droit commun de l'article L. 131-3 du CPI applicables en matière contractuelle par l'auteur dans ses rapports avec ses clients ou commanditaire.
En conclusion, l'arrêt pose le principe de l'accès des auteurs à l'application du taux réduit de TVA et clarifie la combinaison de textes spéciaux favorables à la protection des auteurs, lesquels textes ont un objet distinct et sont ainsi indépendants l'un de l'autre.
Il reste qu'on ne peut prévoir la position des juridictions judiciaires si elles étaient confrontées, dans un contentieux de nullité de cessions de droits d'auteur à l'initiative de l'auteur pour non respect de l'article L. 131-3 du CPI, à un défendeur co-contractant se prévalant d'une cession implicite intervenue sur la base de l'article 279, g du CGI en application de la jurisprudence administrative.
On ne manquera pas de suivre les prochaines décisions des juridictions judiciaires sur ce sujet.
(1) Taux réduit applicable depuis 2014.
(2) Cette disposition n'est pas applicable aux "cessions de droits portant sur des oeuvres d'architecture et des logiciels et aux cessions de droits patrimoniaux portant sur des oeuvres cinématographiques représentées au cours de spectacles cinématographiques mentionnées à l'article L. 214-1 du Code du cinéma et de l'image animée (N° Lexbase : L6809IEW) ou dans le cadre de festivals de cinéma".
(3) Cass. com., 28 avril 2004, n° 02-14.220, F-D (N° Lexbase : A0491DC8) ; voir également CA Aix en Provence, 8 février 2012, n° 10/22511 (N° Lexbase : A1702ICZ) selon lequel "d'autant qu'en vertu du texte ci-dessus lesdits droits ne peuvent être cédés de manière implicite".
(4) Cass. com., 5 novembre 2002, n° 01-01.926, F-D (N° Lexbase : A6771A38), et Cass. civ. 1, 13 octobre 1993, n° 91-11.241 (N° Lexbase : A3606ACK).
(5) Taux applicable à cette période.
(6) TA Orléans, 27 mai 2011, n° 0803125-1003110.
(7) CAA Nantes, 17 janvier 2013, n° 11NT02155 (N° Lexbase : A1024MRD).
(8) CE 3° s-s., 23 juillet 2014, n° 367031, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7300MUW).
(9) BOI n° 3 A 15-91, n° 199, 16 octobre 1991 (N° Lexbase : X0673ACW).
(10) Point repris au paragraphe 7 de la documentation de base 3B-263 du 18 septembre 2000 (N° Lexbase : X7872AAS).
(11) Point repris au paragraphe 14 de la documentation de base 3C-2298 du 30 mars 2001.
(12) CAA Marseille, 23 juin 2016, n° 14MA04621 (N° Lexbase : A3436RUS).
(13) TA Amiens, 30 décembre 2008, n° 0700392 (N° Lexbase : A8778EIX).
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Réf. : Cass. civ. 1, 22 février 2017, n° 15-27.809, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6884TNB)
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par Vincent Téchené
Le 02 Mars 2017
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