Réf. : Cass. civ. 1ère, 3 juillet 2002, n° 99-20.217, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0623AZ4)
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
Le 07 Octobre 2010
La question de la nature de l'obligation pesant sur le transporteur n'était, en l'espèce, pas discutée. En effet, la jurisprudence a, depuis longtemps déjà, considéré que l'exécution du contrat de transport comporte pour le transporteur l'obligation de conduire le voyageur sain et sauf à destination (Cass. civ., 21 novembre 1911, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 11ème éd., par F. Terré et Y. Lequette, Dalloz, 2000, n° 262). On sait également que l'obligation contractuelle de sécurité ainsi consacrée est de résultat pendant le transport proprement dit (Cass. civ. 1ère, 1er juillet 1969 N° Lexbase : A2255AZK, Bull. civ. I, n° 260), tandis qu'en dehors du transport, la responsabilité du transporteur ne peut être recherchée que sur le terrain délictuel (Cass. civ. 1ère, 7 mars 1989 N° Lexbase : A8872AAT, Bull. civ. I, n° 118). En l'espèce, personne ne contestait que, au moment du dommage, le transporteur était tenu d'une obligation contractuelle de sécurité de résultat. Aussi bien le débiteur ne pouvait-il s'exonérer, conformément à l'article 1147 du Code civil, qu'en démontrant l'existence d'un cas de force majeure. Il s'agissait donc de savoir si le fait qu'un voyageur soit, pendant le transport, agressé et dépouillé d'une partie de ses biens, pouvait constituer une cause étrangère susceptible d'exonérer le débiteur.
La Cour de cassation, par l'arrêt commenté, après avoir rappelé que "le transporteur ferroviaire de voyageurs, tenu d'une obligation de sécurité de résultat envers ceux-ci, ne se libère de sa responsabilité que par la démonstration d'un événement de force majeure", approuve les juges du fond d'avoir considéré que " les agressions ne sont pas imprévisibles et que, si la SNCF ne possède aucun moyen de filtrer les personnes qui accèdent aux voitures, du moins la présence de contrôleurs en nombre suffisant, parcourant les wagons de façon régulière revêt-elle un effet dissuasif" et d'en avoir déduit que "en l'absence de toute preuve ou allégation de quelconques mesures de prévention, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'écarter l'existence d'un cas de force majeure faute d'irresistibilité de l'agression".
La Haute juridiction se montre donc rigoureuse dans l'appréciation de la force majeure exonératoire du débiteur. Elle relève ainsi, tout d'abord, que l'agression d'un voyageur pendant le transport ne peut pas être considérée comme un événement imprévisible. Assurément, par les temps qui courent, décider du contraire aurait pu paraître relever du pur sophisme. Restait à savoir si l'événement pouvait être considéré comme irrésistible pour la SNCF ? Pour tenter de convaincre les juges du contraire, le débiteur faisait valoir, dans son pourvoi, qu'il ne disposait d'aucun pouvoir de police. L'argument est pourtant facilement balayé par la Cour de cassation, suivant en cela les juges du fond, qui met en évidence la (nécessaire) présence de contrôleurs dans les wagons. On ne pourra tout de même pas s'empêcher de considérer que c'est là se montrer très sévère à l'égard de la SNCF, le nombre de contrôleurs n'étant probablement pas suffisant pour endiguer l'insécurité croissante dans les moyens de transport, en particulier ferroviaire. Faut-il croire que, s'ils étaient plus nombreux, les choses seraient différentes ? C'est bien ce que semble considérer, sans à vrai dire nous convaincre, la Cour de cassation qui, compte tenu du contexte et de l'insuffisante prise en charge du phénomène par les services de police, impose ici, certes indirectement mais nécessairement, à la SNCF, pour éviter d'autres déconvenues, de multiplier les contrôles avant la montée des voyageurs dans les trains et d'encourager une plus grande vigilance de la part de ses employés. Autrement dit, tant que la question si fréquemment aujourd'hui débattue de l'insécurité n'est pas résolue par la police - le peut (pourra)-elle d'ailleurs ? -, la Cour de cassation invite le transporteur de voyageurs à mettre en place des moyens adéquats pour protéger ces derniers dont il est contractuellement tenu, on l'a relevé, d'assurer la sécurité pendant le transport. Si l'on doute que, lui aussi, puisse réellement empêcher toute agression pendant le transport, on en déduira qu'il est tenu d'une véritable obligation de garantie dont il ne peut quasiment pas se libérer.
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