Réf. : Cass. soc., 19 juin 2002, n° 00-41.354, [lxb=A9585AYN]
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N3353AAG
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par Sonia Koleck-Desautel, Docteur en droit, Chargée d'enseignement à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
A l'appui de sa demande dirigée contre l'entreprise utilisatrice, il fait valoir qu'il résulte de l'article L. 124-3-1° du Code du travail ([lxb=L5608ACP]) que le contrat de mise à disposition liant l'utilisateur à l'entreprise de travail temporaire doit préciser la qualification du salarié remplacé, et qu'à défaut le contrat est réputé à durée indéterminée tant à l'égard de l'entreprise de travail temporaire qu'à l'égard de l'utilisateur. Cette demande avait peu de chances d'aboutir et c'est sans surprise que la Cour de cassation confirme la décision de la cour d'appel qui avait débouté le salarié de sa demande. Elle rappelle que "les dispositions de l'article L. 124-7, alinéa 2, du Code du travail ([lxb=L5633ACM]) ne permettent pas au salarié temporaire, qui n'est pas partie au contrat de mise à disposition conclu entre l'entreprise de travail temporaire et l'utilisateur en application de l'article L. 124-3 du même code ([lxb=L5608ACP]), d'invoquer la violation des prescriptions de cet article pour faire valoir les droits afférents à un contrat à durée indéterminée auprès de l'entreprise utilisatrice".
La solution ainsi dégagée est sans surprise, les juges appliquant strictement la lettre du texte. Le travailleur temporaire ne peut en effet invoquer la violation que de certaines règles relatives à la conclusion du contrat de mise à disposition pour faire valoir les droits afférents à un CDI auprès de l'entreprise utilisatrice. Or, la violation des règles issues de l'article L. 124-3 du Code du travail n'en fait pas partie, l'article L. 124-7, alinéa 2, du même code ne prévoyant une telle possibilité qu'en cas de violation des dispositions des articles L. 124-2 ([lxb=L5598ACC]), L. 124-2-1 ([lxb=L5599ACD]), L. 124-2-2 ([lxb=L5600ACE]), L. 124-2-3 ([lxb=L5601ACG]) et L. 124-2-4 ([lxb=L5604ACK]).
Ainsi, l'absence d'une des mentions obligatoires dans le contrat de mise à disposition (et qui sont prévues par l'article L. 124-3), comme le motif du recours au travailleur temporaire, la qualification du salarié remplacé, le terme de la mission, les caractéristiques particulières du poste de travail ou encore le montant de la rémunération, ne permettent pas au salarié d'intenter une action contre l'utilisateur. Cette solution est logique, le travailleur temporaire n'étant pas partie au contrat de mise à disposition, comme le rappelle la Cour de cassation dans la présente espèce. En revanche, le salarié pourra faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits afférents à un CDI lorsque les dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 du Code du travail auront été violées par elle, c'est-à-dire lorsqu'elle a recours aux services d'un salarié d'une entreprise de travail temporaire en dehors des cas autorisés ou en violation des règles relatives à la durée de la mission. Dans cette hypothèse, le travailleur temporaire pourra invoquer non seulement l'existence d'un contrat de travail avec l'entreprise utilisatrice (alors qu'il n'existe aucun lien juridique direct entre eux), mais surtout l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée. La demande de requalification du salarié ne peut, dans ce cas, être dirigée contre l'entreprise de travail temporaire (Cass. soc., 17 juin 1998, n° 96-41.165, RJS 11/1998, n° 1422).
En revanche, le salarié peut agir à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire lorsque le contrat de mission contrevient aux dispositions du Code du travail, notamment à celles de l'article L. 124-4 ([lxb=L5620AC7]) qui prévoit l'exigence d'un écrit (Cass. soc., 7 mars 2000, n° 97-41.463, [lxb=A6361AGP]).
Sur cette question, la cour d'appel est censurée pour n'avoir pas fait droit à la demande de requalification du salarié dirigée contre l'entreprise de travail temporaire. Les juges du fond avaient estimé que, selon l'article L. 124-7, alinéa 2, du Code du travail, lorsque l'utilisateur a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions de l'article L. 124-2-1 du même code, ce salarié pouvait faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un CDI ; en conséquence, la demande de requalification des contrats de mission en CDI ne pouvait pas prospérer à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire. Ce raisonnement n'est pas suivi par la Cour de cassation qui casse la décision de la cour d'appel sur ce point. Selon elle, "les dispositions de l'article L. 124-7 du Code du travail qui sanctionnent l'inobservation, par l'entreprise utilisatrice, des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 du même code, n'excluent pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées". Or, en l'espèce, la cour d'appel avait constaté que l'entreprise de travail temporaire avait violé les dispositions des articles L. 124-3 et L. 124-4 du Code du travail en ne mentionnant pas la qualification des salariés remplacés dans les contrats de mission et en n'ayant pas adressé ces contrats au salarié dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition. L'employeur s'était, par conséquent, "placé en dehors du champ d'application du travail temporaire" ; "la relation contractuelle de travail avec le salarié relevait donc du droit commun".
Sur ce point, la décision de la Cour de cassation ne surprendra pas. Le contrat de mission, conclu entre l'entreprise de travail temporaire et le travailleur temporaire, est un contrat de travail à durée déterminée qui obéit à des conditions rigoureuses de formation à défaut desquelles le contrat n'est pas valable. Notamment, il doit être établi par écrit et adressé au salarié au plus tard dans les deux jours, et doit comporter certaines mentions obligatoires, dont la qualification du salarié remplacé (L. 124-4 du Code du travail). L'exigence d'un contrat écrit est une formalité destinée à garantir le respect des diverses conditions à défaut desquelles toute opération à but lucratif de prêt de main-d'oeuvre est interdite. Cette prescription étant d'ordre public, son omission entraîne la nullité du contrat en tant qu'il constitue un contrat de travail temporaire. L'entreprise de travail temporaire se trouve par suite liée par un CDI de droit commun (Cass. soc., 12 juin 1981, n° 79-41.037, [lxb=A8008AAT]). Il en va de même en l'absence de signature (Cass. soc., 7 mars 2000, n° 97-41.463, N° Lexbase : A6361AGP, préc.) ou en l'absence d'une des mentions légales obligatoires (Cass. soc., 19 avril 2000, n° 97-45.508, [lxb=A6380AGE]).
Les entreprises utilisatrices et les entreprises de travail temporaire ont donc tout intérêt à respecter scrupuleusement les règles limitant le recours au travail temporaire. A défaut, elles engagent elles-mêmes, sans toujours s'en rendre compte, des salariés par CDI.
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