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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
A priori, si ce n'est une mention FP-P+B+R, "rien de vraiment neuf sous les tropiques"... Le formalisme et le strict encadrement de la mobilité professionnelle géographique sont de jurisprudence constante depuis des années. Tant il est vrai qu'à bouger au-delà d'un certain nombre de kilomètres -apprécié souverainement par les juges du fond-, modification du contrat de travail il y a, avec son cortège de complications des relations salariés-employeurs (prévenance, courriers, acceptation, etc.). Ici, un ersatz de modernité : si la mobilité est temporaire, l'acceptation du salarié semble passer à la trappe devant l'intérêt de l'entreprise : oui, mais sous conditions, donc. Entre la chèvre et le chou, cette décision illustre parfaitement cette sociologie de la mobilité géographique professionnelle qui scinde, outrageusement dans un monde juridique qui se veut d'une parfaite égalité, mobilité externe contrainte et mobilité interne promotionnelle.
Quelques points de repère s'imposent à ce stade de notre littérature : tout d'abord, les Français sont relativement peu mobiles, seuls 40 % d'entre eux ont changé de résidence dans les dix dernières années (contre 60 % des Finlandais) ; et, lorsqu'ils déménagent, ne croyez pas que ce soit pour des raisons professionnelles, mais tout simplement parce qu'ils ne sont pas satisfaits de leur domicile. Les raisons professionnelles motivent un tiers des déménagements à l'échelle de la vie. Et, même si les raisons professionnelles sont, dans les années 1990, plus fréquemment invoquées qu'au cours des années 1980 (18,3 % des ménages), elles ne retrouvent pas les niveaux observés à la fin des années 1970. Mais, à lire les mêmes enquêtes, plus de 50 % déclarent préférer déménager dans une autre région pour trouver du travail plutôt que de rester au même endroit et de s'inscrire au chômage : ce qui paraît rassurant au demeurant, mais prend des allures de choix cornélien, entre Charybde et Scylla.
"L'humanité se divise en trois catégories : ceux qui ne peuvent pas bouger, ceux qui peuvent bouger, et ceux qui bougent" écrivait Benjamin Franklin.
Penchez-vous sur Cécile Vignal, Maître de conférences en sociologie et rattachée au Clersé-CNRS de l'Université de Lille 1, et son étude sur la conciliation de la mobilité résidentielle et de la mobilité professionnelle, et vous découvrez, sans que cela soit pour vous une révélation de Damas, que "pour une majorité de salariés, la mobilité professionnelle s'accompagne d'un changement d'employeur (mobilité externe). Ces situations, souvent contraintes, concernent essentiellement les salariés peu qualifiés ou en début de carrière : la perte d'un emploi suite à un licenciement, la fin d'un contrat à durée déterminée ou d'une mission d'intérim, les propositions de mutation suite à la délocalisation d'une entreprise multiplient les déménagements suscités par l'emploi ; et lorsque la mobilité professionnelle est interne (entre deux établissements d'une entreprise ou de la fonction publique), elle offre généralement des perspectives de carrière et de promotion. D'après certaines enquêtes statistiques, la promotion professionnelle implique souvent un déplacement géographique, notamment vers les grandes agglomérations. Ce sont alors les salariés les plus qualifiés qui en bénéficient le plus souvent. Ces mouvements sont, en outre, loin d'être anecdotiques. Au cours des années 1990, plus d'un cadre ou ingénieur sur quatre quittant une entreprise appartenant à un groupe le fait pour occuper un emploi dans ce même groupe". Et, au final, vous comprendrez pourquoi le droit social, si prompt à défendre l'intérêt du plus faible, encadre si strictement la mobilité géographique... des salariés.
Et, c'est là que le bât blesse ! Ou si vous préférez, que la démonstration perd sa cohérence. La mobilité, lorsqu'elle est contrainte, c'est qu'elle est externe, des suites d'une situation de précarité ou d'absence même d'emploi ; lorsqu'elle est interne, c'est, le plus souvent, qu'elle est signe de promotion. Alors pourquoi la freiner, l'encadrer si strictement, la confondre, en l'apparentant à une modification du contrat de travail, avec l'objet même du travail demandé au salarié ? Le droit au bonheur, mon cher Watson !
Ce droit au bonheur inscrit dans la Constitution américaine, et nulle part ailleurs, comme si décréter le bonheur ne pouvait être la preuve que d'un certain impérialisme jugé mal venu, par ceux-là mêmes qui encensent l'exception sociale française ; un droit au bonheur qui conduit nos apparatchiks de la politique sociale, d'une part, à promouvoir la mobilité géographique à coup de prestations sociales mobilité, de crédits d'impôt et autre exonération de droit de mutation, et, d'autre part, promouvoir les vertus, bien ordonnées, pas encore décrétées -accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail-, du travail... à domicile, du télétravail, quoi !
Que nous vente t'on pas l'efficacité, le meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée personnelle, l'enrichissement des tâches, pour le salarié ; l'optimisation de la productivité, l'augmentation de la motivation par la responsabilisation des salariés, la réduction des retards liés aux difficultés de déplacement, la réduction des frais généraux et des dépenses par la réduction des coûts de surface entraînés par la délocalisation, pour l'employeur. Et puis, c'est tellement "développement durable" ! Si 80 % des travailleurs changent de commune pour aller accomplir leur labeur et que cela ne leur convient pas du tout pour la majorité d'entre eux, c'est pour des raisons X ou Y, mais toutes liées au droit au bonheur. Car le bonheur, avec l'âge, c'est chez soi : "léger, l'enfant se plaît dans la mobilité ; le vieillard, dans la gravité" nous livre Caius Cornelius Gallus... et en aucun cas la mobilité professionnelle !
Alors, si Dimitri Houtcieff invoque les mannes du venire contra factum, l'interdiction de se contredire consubstantielle à tout système juridique, dans un numéro de la Semaine Juridique de novembre dernier, la maïeutique du principe de cohérence n'est pas prête de porter ses fruits en matière de politique sociale. Toute restituée soit la cohérence de l'acte juridique ou celle du comportement, cette mise à jour du principe du Bien -cher à Battifol, dans Problème de base de philosophie du droit- n'est pas prêt de brider la règle de stigmatisation de la contradiction sociale.
"Mobilité et stabilité ne sont pas antinomiques : un cycliste n'est stable sur sa bicyclette qu'en avançant". Et, il n'y a qu'un homme politique aguerri comme Jacques Chirac, pour faire la synthèse de cette contradiction dans La France pour tous.
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Réf. : Cass. soc., 3 février 2010, 2 arrêts, n° 08-40.144, Mme Valérie Vigoureux, dite Collette, FP-P+B+R (N° Lexbase : A6060ERU) et n° 08-44.019, Mme Christine Margotin, FP-P+B+R (N° Lexbase : A6087ERU)
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N2358BNN
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par Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Résumés Pourvoi n° 08-40.144 : l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. Pourvoi n° 08-44.019 : l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. |
I - La poursuite de l'extension du champ de l'obligation de sécurité de résultat
En raison de l'autorité dont il dispose sur les salariés, mais aussi des risques que l'activité professionnelle dont il tire profit peut leur faire courir pour leur santé, l'employeur est tenu de garantir leur santé et leur sécurité. Ce devoir est matérialisé par une obligation de sécurité de résultat dont la source a varié.
L'obligation de sécurité à la charge de l'employeur a d'abord été tirée du contrat de travail. "En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat" énonçaient solennellement les arrêts dits "Amiante" rendus en 2002 (1). Liée à la faute inexcusable permettant d'améliorer l'indemnisation des maladies et accidents du travail à la charge de l'employeur, cette obligation de résultat demeurait cependant bien atténuée, l'employeur pouvant se dégager de la preuve de la faute inexcusable puisqu'il incombait au salarié "de prouver que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver" (2).
L'obligation de résultat a ensuite été déduite du Code du travail et particulièrement de l'article L. 4121-1 (N° Lexbase : L1448H9I). En effet, ce texte dispose que l'employeur doit prendre "les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs". Interprétant ce texte "à la lumière" de la Directive CEE 89/391 du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (N° Lexbase : L9900AU9), la Cour de cassation dégageait une obligation légale de sécurité de résultat à la charge de l'employeur (3).
Le champ de cette obligation de sécurité légale de résultat n'a, depuis lors, cessé de s'étendre. Constituent, notamment, pour la Cour de cassation un manquement à cette obligation de sécurité le non-respect de l'avis du médecin du travail dans le reclassement d'un salarié inapte (4), le manquement à la législation anti-tabac (5), le harcèlement moral d'un salarié, que celui-ci soit directement imputable à l'employeur ou à l'un de ses salariés (6) ou, encore, la mise en place d'une organisation du travail mettant en péril la sécurité du personnel (7).
A n'en pas douter, les deux décisions sous examen procèdent à nouveau à une extension du champ de l'obligation de sécurité à la charge de l'employeur. Mais, contrairement aux précédentes affaires évoquées, la portée de ces décisions est sensiblement plus conséquente.
Dans ces deux affaires, deux salariés avaient été victimes, pour l'un de violences physiques et morales (pourvoi n° 08-40.144), pour l'autre de harcèlement moral et de harcèlement sexuel (pourvoi n° 08-44.019). L'employeur avait pris des mesures destinées à faire cesser l'atteinte portée à ces salariés.
Pour faire cesser les violences subies par un directeur d'établissement, le premier employeur avait infligé un avertissement à celui-ci avant de muter la salariée pour l'éloigner du danger constitué par cette situation, en application de son contrat de travail. Face aux réserves émises par la salariée en raison de sa situation familiale (8), l'employeur décidait finalement de muter le directeur dans un autre établissement. Malgré ces mesures, la salariée décidait de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, soutenant que l'employeur avait manqué à ses obligations en laissant se développer une situation de travail particulièrement pénible en raison des consignes données au personnel de ne pas lui adresser la parole, en refusant de prendre en compte une agression du directeur comme constituant un accident du travail et, dès lors, en ne transmettant pas aux organismes de Sécurité sociale les documents nécessaires à la prise en charge de l'accident.
Pour faire cesser la situation de harcèlement moral et sexuel infligée par le directeur de l'établissement, le second employeur avait pris "des mesures conservatrices et protectrices destinées à permettre à la salariée de poursuivre son activité professionnelle au sein de la société en toute sérénité et sécurité", sans pour autant sanctionner l'auteur des faits de harcèlement, le directeur en cause ayant entre-temps démissionné (9). La salariée prenait elle aussi acte de la rupture de son contrat de travail, reprochant à l'employeur de n'avoir pas pris ses responsabilités pour la protéger de harcèlements moral, puis sexuel qu'elle subissait.
Dans les deux affaires, les juges du fond décidèrent que la rupture devait produire les effets d'une démission, appuyant pour l'essentiel leur argumentation sur le fait que l'employeur avait pris des mesures suffisantes et adaptées pour faire cesser les situations de danger, si bien qu'ils n'avaient pas manqué à leurs obligations de sécurité.
Les deux pourvois formés soulèvent, certes dans une formulation différente, la même critique à l'égard des solutions d'appel. Pour l'une, "la cour d'appel a[vait] limité l'étendue de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur" en lui permettant de s'exonérer en prouvant l'adoption de mesures adéquates. Pour l'autre, "l'absence de faute de [l'employeur] ne [pouvait] l'exonérer de sa responsabilité". Etait donc clairement mis en cause la possibilité pour l'employeur de s'exonérer de l'inexécution de son obligation en démontrant l'absence de faute.
La Chambre sociale de la Cour de cassation accueille favorablement ces arguments et prononce la cassation des deux décisions d'appel, au visa commun de l'article L. 4121-1 du Code du travail, mais aussi au visa logique des articles L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P), et L. 1152-4 (N° Lexbase : L0730H9W) s'agissant du harcèlement, et au visa moins évocateur des articles L. 1231-1 (N° Lexbase : L8654IAR) et L. 1232-1 (N° Lexbase : L8291IAC) s'agissant des violences.
La Chambre sociale rappelle, d'abord, "que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission".
Elle précise, ensuite, pour la première affaire (pourvoi n° 08-40.144), "que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements". La motivation de la seconde affaire (pourvoi n° 08-44.019) est très proche puisque la Cour dispose "que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements".
II - L'engagement d'une extension de la portée de l'obligation de sécurité de résultat
Ce n'est probablement pas dans le domaine de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail que peuvent être identifiées les principales évolutions procédant de ces décisions. En effet, la Cour de cassation accepte régulièrement que le salarié puisse prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur lorsque ce dernier a manqué à son obligation de sécurité.
Ces deux décisions procèdent, en revanche, à une extension manifeste de la portée de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, extension caractérisée à la fois par le développement du champ de l'obligation de sécurité et par un retour plus orthodoxe aux règles d'exonération de l'obligation de résultat (10).
S'agissant du champ de l'obligation de sécurité de résultat, seule l'une de ces deux affaires apporte une véritable nouveauté. En effet, s'agissant du harcèlement moral, nous avons vu que la Cour de cassation l'avait déjà expressément rattaché à l'obligation de sécurité de l'employeur (11). Tout au plus cette décision procède-t-elle à une extension logique de la solution dégagée pour le harcèlement moral au harcèlement sexuel. Le harcèlement moral et le harcèlement sexuel ne répondent certes pas exactement aux mêmes logiques, la finalité sexuelle du harcèlement sexuel constituant un mobile discriminatoire là où le harcèlement moral ne repose pas sur une cause entrant dans cette catégorie. Pour autant, les procédés de l'auteur du harcèlement et, surtout, les risques d'atteinte à la santé des salariés sont très proches.
Le second arrêt apporte une plus grande innovation en considérant, de manière un peu vague, que le salarié victime de violences physiques ou morales exercées par l'un de ses collègues démontrent un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, sans qu'il soit fait ici référence à un harcèlement. Le raisonnement est loin d'être absurde, les violences entraînant ou risquant d'entraîner une altération de la santé du salarié et constituant, dans tous les cas de figure, une atteinte à sa sécurité. L'interprétation fournie par la Cour de cassation entre parfaitement dans le cadre de "l'extension du droit de la santé au travail" souvent constatée (12). Elle suit, d'ailleurs, un chemin parallèle à celui emprunté en matière de droit de retrait dont la protection a très récemment été renforcée (13).
Mais la plus grande innovation des arrêts rendus le 3 février 2010 par la Chambre sociale, c'est qu'elle revient -enfin serait-on tenté de dire- à une approche plus rigoureuse de l'obligation de sécurité de résultat.
A l'exception peut être des premiers arrêts "Amiante" de 2002, la Cour de cassation n'a jamais totalement fait suivre d'actes les paroles hautement symboliques pourtant prononcées. Tout en considérant que l'employeur était redevable d'une obligation de sécurité de résultat, elle appliquait, en effet, à cette obligation le régime d'une obligation de moyens, tout au plus d'une obligation de moyens renforcée. En effet, très tôt, le salarié a dû faire la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires à la préservation de la sécurité du salarié.
Or, ce faisant, elle permettait finalement à l'employeur de s'exonérer de son obligation de sécurité en démontrant son absence de faute (14). Cette faculté d'exonération par la démonstration de l'absence de faute s'accommodait extrêmement mal avec le régime de l'obligation de résultat dont on s'accorde généralement à considérer que seule la force majeure ou le cas fortuit permet de s'extraire (15).
En énonçant, dans une formule identique à chaque arrêt, que l'employeur manque à son obligation de sécurité "quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements", la Cour de cassation entre enfin de plein pied dans cette logique : s'il s'agit d'une obligation de résultat, l'employeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la sécurité et à la santé. En réalité, il est déjà trop tard ! L'employeur devait éviter, en amont, que l'atteinte à la sécurité se produise.
La formule de la Cour de cassation n'est cependant pas encore tout à fait assez générale pour conclure à un retour parfait à la théorie de l'obligation de résultat. En effet, au lieu d'énoncer que l'employeur ne peut s'exonérer en démontrant son absence de faute, ou qu'il ne peut s'exonérer que par un cas de force majeure, la Cour de cassation reste sur un cas très précis qui, pourtant, n'avait pas seul été soulevé aux moyens comme nous l'avons vu.
Est-ce à dire qu'il faut encore s'attendre à ce que la Cour de cassation permette l'exonération de l'obligation de sécurité pour d'autres motifs ? Il vient évidemment à l'esprit la question de la conscience de la mise en jeu de la santé ou de la sécurité du salarié. Malgré le silence de la Chambre sociale sur cette question, un raisonnement chronologique permet, là encore, de penser que l'absence de conscience ne devrait plus permettre l'exonération de l'employeur. L'action de l'employeur doit être préventive, il doit anticiper d'éventuelles atteintes à la santé et à la sécurité de ses salariés.
Sur le plan symbolique, la protection de la sécurité du salarié devrait donc faire un grand pas en avant à la suite de ces décisions. Mais le symbole suffira-t-il véritablement ? Comment penser qu'un employeur n'ayant pas conscience des dangers planant sur ses salariés pourra les anticiper ? La situation du harcèlement moral ou sexuel est, en la matière, particulièrement épineuse. Faudra-t-il sonder les âmes de ses salariés, de ses cadres, de ses directeurs d'établissement afin de les écarter de l'entreprise avant même qu'ils aient pu commettre des faits de harcèlement ? L'équation entre le droit et les faits sera là encore bien difficile à résoudre.
(1) Voir, notamment, Cass. soc., 28 février 2002, n° 99-21.255, Société Eternit industrie c/ M. Christophe Gaillardin, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0773AYB), Dr. soc., 2002, p. 445, note A. Lyon-Caen ; RTDCiv., 2002, p. 310, note P. Jourdain ; D., 2002, p. 2696, note X. Prétot ; RJS, 2002, chr. p. 495, note P. Morvan.
(2) Cass. civ. 2, 8 juillet 2004, n° 02-30.984, M. Daniel Averseng c/ M. Pierre Lagenette, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0362DDR) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Faute inexcusable de l'employeur : un résultat "moyen", Lexbase Hebdo n° 130 23 juillet 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N2408ABS), RCA, 2004, comm. 329, note H. Groutel.
(3) Cass. soc., 28 février 2006, n° 05-41.555, M. Dany Deprez c/ Société Cubit France technologies, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2163DNG), lire les obs. de S. Martin-Cuenot, Vers un principe général de sécurité dans l'entreprise ?, Lexbase Hebdo n° 206 du 15 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5665AKZ) ; Dr. Ouvrier, 2006, p. 408, note A. de Senga.
(4) Cass. soc., 20 septembre 2006, n° 05-42.925, Société Comptoir des levures, FS-D (N° Lexbase : A3102DRC).
(5) Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-44.412, Société ACME Protection c/ Mme Francine Lefebvre, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8545DIC) et les obs. de N. Mingant, La prise d'acte de la rupture pour non-respect par l'employeur de la législation anti-tabac, Lexbase Hebdo n° 176 du 14 juillet 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N6574AIC), Dr. soc., 2005, p. 971, chron. J. Savatier.
(6) Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, M. Jacques Balaguer, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9600DPA) et les obs. de Ch. Radé, L'employeur responsable du harcèlement moral dans l'entreprise, Lexbase Hebdo n° 223 du 12 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0835ALI).
(7) Cass. soc., 5 mars 2008, n° 06-45.888, Société Snecma c/ Syndicat CGT Snecma Gennevilliers, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3292D73) et les obs. de Ch. Radé, L'obligation de sécurité de l'employeur plus forte que le pouvoir de direction, Lexbase Hebdo n° 297 du 20 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4384BE4).
(8) Dont on sait qu'elle joue aujourd'hui un rôle essentiel dans la mise en oeuvre d'une mutation du salarié, v. Cass. soc., 14 octobre 2008, n° 06-46.400, Union des amis et compagnons d'Emmaüs (UAC Emmaüs), FS-P+B (N° Lexbase : A7990EA8) et nos obs., Clauses de mobilité : la Cour de cassation se mobilise !, Lexbase Hebdo n° 324 du 29 octobre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4917BHL).
(9) Le lecteur excusera l'imprécision des faits ici relatés, une erreur matérielle glissée dans l'exposé des moyens annexés à l'arrêt ne permettant pas d'en avoir un aperçu plus précis.
(10) Par ex., Cass. soc., 16 juin 2009, n° 08-41.519, M. Ivan Katkoff c/ Société Elyo Centre Est Méditerranée, F-P+B (N° Lexbase : A3130EIR) et les obs. de G. Auzero, Visite médicale de reprise et carence de l'employeur : les rigueurs de l'obligation de sécurité de résultat, Lexbase Hebdo n° 357 du 1er juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9755BKI), JCP éd. S, 2009, 1438, note P.-Y. Verkindt. V. également Cass. soc., 14 octobre 2009, n° 08-42.878, M. David Pascal Lazaro Guerreiro c/ Société Point P, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0951EM8) et les obs. de Ch. Radé, Reclassement du salarié inapte : la charge du respect de l'obligation de sécurité de résultat pèse sur les épaules de l'employeur, Lexbase Hebdo n° 369 du 30 octobre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N1741BMG).
(11) Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, préc..
(12) J. Martinez, Les mouvements d'extension du droit de la santé au travail, JCP éd. S, 2009, 1170 ; P.-Y. Verkindt, Santé au travail vs pouvoir de direction, un retour de la théorie institutionnelle de l'entreprise ?, Dr. soc., 2008, p. 519 ; nos obs., L'Ani du 11 septembre 2009 : réforme des services de santé au travail et du rôle préventif du médecin du travail, Lexbase Hebdo n° 364 du 25 septembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9275BL4).
(13) Cass. soc., 28 janvier 2009, n° 07-44.556, M. Thierry Wolff c/ Société Sovab, FS-P+B (N° Lexbase : A7036ECL) et les obs. de Ch. Radé, Nullité du licenciement et exercice du droit de retrait : le revirement qu'on attendait, Lexbase Hebdo n° 337 du 13 février 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N4913BIS).
(14) En réalité, lorsque le salarié devait apporter la preuve de la conscience du danger et de l'absence de mesures, l'employeur était finalement présumé ne pas avoir manqué à son obligation de sécurité...
(15) V., par ex. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit des obligations, Dalloz, 10ème éd., 2009, p. 584 ; J. Flour, J.- L. Aubert, Y. Flour, E. Savaux, Les obligations-3. Le rapport d'obligation, Sirey, 5ème éd., p. 147.
Décisions 1° Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-40.144, Mme Valérie Vigoureux, dite Collette, FP-P+B+R N° Lexbase : A6060ERU) Cassation partielle, CA Paris, 22ème ch., sect. C, 8 mars 2007, n° 05/04268, Mme Valérie Vigoureux (N° Lexbase : A0648DYN) Textes visés : C. trav., art. L. 1231-1 (N° Lexbase : L8654IAR), L. 1232-1 (N° Lexbase : L8291IAC) et L. 4121-1 (N° Lexbase : L1448H9I) Mots-clés : violences physiques et morales ; obligation de sécurité de résultat ; prise d'acte de la rupture du contrat de travail Liens base : (N° Lexbase : E9677ES9) et (N° Lexbase : E3150ETT) 2° Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-44.019, Mme Christine Margotin, FP-P+B+R, N° Lexbase : A6087ERU) Cassation partielle, CA Versailles, 6ème ch., 17 juin 2008 Textes visés : C. trav., art. L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P), L. 1152-4 (N° Lexbase : L0730H9W) et L. 4121-1 (N° Lexbase : L1448H9I) Mots-clés : harcèlement moral ; harcèlement sexuel ; obligation de sécurité de résultat ; prise d'acte de la rupture du contrat de travail Liens base : (N° Lexbase : E9677ES9) et (N° Lexbase : E3150ETT) |
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Le 07 Octobre 2010
Dans les huit jours du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure collective, le débiteur doit remettre la liste de ses créanciers au mandataire judiciaire ou liquidateur. Aux termes des dispositions de l'article L. 622-6, alinéa 2 (N° Lexbase : L3379IC7), applicables en redressement judiciaire (cf. C. com., art. R. 631-18 N° Lexbase : L9325ICD), "le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours". En liquidation judiciaire, cette liste est remise au liquidateur (C. com., art. L. 641-14 N° Lexbase : L3319ICW).
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845, de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L5150HGT), l'absence de remise de cette liste ou l'omission d'un créancier de celle-ci n'avait pas pour effet de conduire nécessairement au relevé de forclusion du créancier victime de cette omission. La seule possibilité pour le créancier d'être relevé de la forclusion encourue supposait que ce dernier démontre que sa défaillance à déclarer dans les délais n'était pas de son fait. Ce point était laissé à l'appréciation souveraine des juges du fond, de sorte que les décisions rendues à ce sujet étaient quelque peu disparates. Tantôt le relevé de forclusion était admis (1), tantôt il était refusé au créancier malgré l'omission dont il avait été victime, dans la mesure où l'établissement de cette dernière ne conduisait pas nécessairement à la démonstration selon laquelle la défaillance du créancier n'était pas due à son fait (2). Cette solution sévère pour le créancier était généralement adoptée à l'égard des créanciers institutionnels -au rang desquels figurent les caisses de retraite-, considérés comme des lecteurs obligatoires du BODACC.
Sur le terrain du relevé de forclusion, la situation des créanciers a été très nettement améliorée par la loi de sauvegarde des entreprises. En effet, aux côtés du premier cas de relevé de forclusion tenant à l'établissement par le créancier que sa défaillance n'est pas de son fait, le législateur a placé un deuxième cas de relevé de forclusion tenant "à une omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste" des créanciers connus "prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6" (cf. C. com., art. L. 622-26, al. 1er N° Lexbase : L2534IEL).
Le 12 janvier 2010, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a eu l'occasion de rendre un arrêt appelé à la publication ayant trait à ce nouveau cas de relevé de forclusion.
Dans l'espèce rapportée, une avocate avait fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire. La débitrice n'avait pas établi de liste de ses créanciers prévue à l'article L. 622-6 du Code de commerce. Après l'expiration du délai de déclaration de sa créance, la caisse de retraite à laquelle était affiliée la professionnelle libérale (la Caisse nationale des barreaux français -CNBF-) avait déclaré sa créance puis sollicité un relevé de forclusion. Le juge-commissaire avait relevé la caisse de retraite de la forclusion encourue. Le tribunal de grande instance, dont la décision devait par la suite être confirmée par la cour d'appel de Paris (CA Paris, 3ème ch., sect. A, 23 septembre 2008, n° 08/00645, Mme Catherine Druz c/ Caisse nationale des barreaux français - CNBF), avait déclaré mal fondé le recours formé contre l'ordonnance prononçant le relevé de forclusion. La débitrice s'était alors pourvue en cassation, sans succès dans la mesure où la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté son pourvoi. L'arrêt de rejet revêt un grand intérêt puisqu'il permet d'apporter un éclairage sur trois questions que soulève le nouveau cas de relevé de forclusion. Ce cas revêt-il un caractère autonome ? Que faut-il entendre par "omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste" ? Comment prouver cette omission volontaire ?
- Le caractère autonome du nouveau cas de relevé de forclusion
La question pouvait se poser de savoir si le nouveau cas de relevé de forclusion fondé sur l'omission volontaire est ou non autonome par rapport au premier cas fondé sur l'établissement que la défaillance du créancier n'est pas de son fait. La débitrice soutenait que le nouveau cas posé à l'article L. 622-26 n'était pas autonome et faisait grief à la cour d'appel d'avoir considéré que le relevé de forclusion était de droit, dès lors qu'était établi l'existence d'une omission volontaire de la part du débiteur. En rejetant le pourvoi, la Chambre commerciale se prononce clairement en faveur du caractère autonome du nouveau cas de relevé de forclusion. Ainsi, dès lors que l'omission volontaire est établie, le créancier doit être relevé de la forclusion encourue même si ce dernier n'établit pas que sa défaillance à déclarer n'est pas de son fait. Cette précision est particulièrement importante pour les créanciers institutionnels, considérés comme lecteurs obligatoires du BODACC, qui, de ce fait, seront bien en mal d'apporter la preuve selon laquelle l'absence de déclaration dans les délais n'est pas de leur fait. Toute carence du créancier institutionnel à déclarer sa créance tend ainsi à être réputée de son fait.
La position, confortable pour le créancier, en particulier s'il est institutionnel, adoptée par la Chambre commerciale, est, en outre, en parfaite adéquation avec la lettre de l'article L. 622-26, alinéa 1er, qui fait état de deux motifs alternatifs et non cumulatifs de relevé de forclusion.
- La notion de "liste de ses créanciers" devant être remise au débiteur en application de l'article L. 622-6, alinéa 2
Les caisses de retraite sont régulièrement confrontées à la question du "refus de paiement" (3) . Il s'avère en effet que certains affiliés, comme en l'espèce l'avocate affiliée à la Caisse nationale des barreaux, refusent de payer leurs cotisations motif pris d'une prétendue illégalité de celles-ci. Ces débiteurs ne se reconnaissent donc pas comme tels à l'égard de la caisse de retraite dont ils dépendent.
En l'espèce, l'avocate ne se reconnaissait pas débitrice à l'égard de la CNBF et soutenait, en conséquence, que la cour d'appel ne pouvait retenir une omission volontaire d'établir une liste de créances incluant la CNBF, sans constater objectivement la réalité de sa créance. Cette argumentation est rejetée par la Chambre commerciale qui énonce que "l'arrêt [d'appel] retient que [l'avocate] a volontairement omis d'établir la liste de ses créanciers ; que de ces constatations et appréciation, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de vérifier l'existence de la créance [...] en a exactement déduit que la CNBF devait être relevée de la forclusion".
Il semble qu'il faille en déduire que la liste des créanciers que doit remettre le débiteur à l'ouverture de sa procédure n'est pas la liste des personnes dont le débiteur s'estime effectivement débiteur mais la liste des personnes dont le débiteur ne peut pas ignorer qu'elles s'estiment être à son égard créancières. Ces personnes seront alors averties d'avoir à déclarer leurs créances et, à la suite de cette déclaration de créances, celle-ci pourra, le cas échéant, être contestée par le débiteur dans le cadre de la procédure de vérification des créances. Ainsi, le seul fait pour le débiteur, qui sait pertinemment que des sommes lui sont réclamées par certaines personnes, d'omettre ces personnes sur la liste de ses créanciers permettra aux créanciers victimes de cette omission, d'obtenir un relevé de forclusion au motif de l'omission volontaire.
Puisque le relevé de forclusion ne préjuge en rien de l'admissibilité de la créance au passif, la créance doit, dans un premier temps, faire l'objet d'un relevé de forclusion fondé sur l'omission volontaire, le débat sur la créance devant intervenir dans un second temps.
La position adoptée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation doit être pleinement approuvée dès lors que c'est de parfaite mauvaise foi que le débiteur estime ne pas se reconnaître comme tel à l'égard de ses créanciers. A défaut, il suffirait que tous les débiteurs prétendent qu'ils ne se reconnaissent débiteur d'aucune somme à l'égard de quiconque pour être à l'abri du nouveau cas de relevé de forclusion fondé sur l'omission volontaire du débiteur !
Ainsi, il semble ressortir de cet arrêt que le débiteur doit non seulement porter sur la liste de ses créanciers le nom de ceux dont il s'estime effectivement débiteur, mais également le nom des personnes qui se sont manifestées auprès de lui comme étant ses créanciers même si cette qualification sera par la suite contestée en tout ou en partie par le débiteur dans le cadre de la procédure de vérification des créances.
- La preuve de l'omission volontaire du débiteu.
Il appartient au créancier d'apporter la preuve de l'omission volontaire du débiteur. Comme l'a relevé un auteur "la recherche de la volonté d'une partie est toujours divinatoire, et cette difficulté probatoire risque de vider le texte d'une grande partie de sa portée" (4). La preuve du caractère délibéré de l'omission du débiteur ne sera pas toujours aisée à rapporter. En tant que fait juridique, l'omission volontaire pourra être établie par tout moyen. Elle pourra ainsi résulter d'un aveu judiciaire, notamment, ainsi que l'énonce la Chambre commerciale dans l'arrêt rapporté, par un "aveu judiciaire contenu dans des conclusions antérieures [qui] n'est pas rétracté du seul fait qu'il n'a pas été repris dans les dernières conclusions". En l'occurrence, la preuve du caractère délibéré de l'omission imputable à la débitrice avait été trouvé dans l'affirmation contenue dans les conclusions de la débitrice selon laquelle cette dernière "ne se [reconnaissait] débitrice d'aucune somme à l'égard de quiconque et ne [reconnaissait] à quiconque la qualité de créancier et que, dès lors, l'établissement d'une liste de créanciers par ses soins [était], de toute façon, sans pertinence aucune". Les juges du fond avaient souverainement appréciés qu'il ressortait de cela que la débitrice s'était volontairement gardée d'établir la liste obligatoire visée à l'article L. 622-6 du Code de commerce.
Sur les trois points qu'il évoque, l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation mérite d'être pleinement approuvé. Est ainsi évité que le nouveau cas de relevé de forclusion créé par la loi de sauvegarde des entreprises ne reste lettre morte.
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon
La délimitation des créances antérieures et des créances postérieures constitue la base de gestion des créances dans le droit des entreprises en difficulté, même si, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, ce critère distinctif doit être sensiblement affiné, compte tenu du critère téléologique introduit pour rendre éligibles au traitement préférentiel certaines créances postérieures. De cette distinction, dépend l'application d'un certain nombre de règles restrictives de droits, à savoir l'interdiction des paiements, l'arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution et l'obligation corrélative de déclaration des créances au passif.
A priori, la question de savoir si une créance est antérieure ou postérieure au jugement d'ouverture est résolue facilement. Si le fait générateur de la créance est antérieur au jugement d'ouverture, la créance a elle-même la nature d'une créance antérieure. Si le fait générateur est postérieur audit jugement, la créance est identiquement postérieure. Les difficultés commencent lorsqu'on essaie de déterminer avec précision le fait générateur des créances. En matière contractuelle, deux thèses s'affrontent : la thèse volontariste et la thèse économique.
La doctrine civiliste privilégie la thèse volontariste. Selon celle-ci, le fait générateur de la créance contractuelle serait toujours trouvé dans le contrat, c'est-à-dire dans sa perfection, et non dans son exécution. A partir de la perfection du contrat, pour chacune des parties, naîtraient les obligations réciproques (5).
Selon la thèse économique, dite aussi matérialiste, il serait possible de dissocier la formation du contrat de son contenu "obligationnel". Le fait générateur de la créance ne serait plus trouvé dans la formation du contrat, mais dans son exécution (6). Le fait générateur de la créance contractuelle de somme d'argent serait ainsi, dans les contrats synallagmatiques, la contrepartie attendue de l'autre partie au contrat, c'est-à-dire, pour cette dernière, l'objet de son obligation. Il s'agit plus précisément de la contrepartie caractéristique, c'est-à-dire principale, du contrat sur lequel il est raisonné. La cause de l'obligation, pour celui qui s'engage à payer, constitue, de la sorte, le fait générateur de la créance (7).
Les deux thèses ont trouvé des échos.
C'est ainsi que la Cour de cassation réunie en Chambre mixte, lorsqu'elle statue à propos de la saisie-attribution de créances à exécution successive, considère que les créances futures de loyers, qui correspondent à des périodes postérieures au jugement d'ouverture, peuvent continuer à être saisies parce qu'elles sont nées de la conclusion du bail, et non au fur et à mesure de la jouissance procurée (8). La Chambre commerciale suit cette solution (9), ce qui l'a conduite ensuite à juger identiquement que l'avis à tiers détenteur portant sur des créances à exécution successive continue à produire ses effets après le jugement d'ouverture (10).
La thèse économique ou matérielle connaît également des applications directes. Cette thèse est retenue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation lorsqu'elle juge que les sommes qui sont réclamées à une entreprise, qui poursuit son activité en utilisant des services communs afin d'assurer l'exécution de ses propres prestations, ont la nature de dettes postérieures, si elles correspondent à des dépenses de fonctionnement d'un compte prorata existant entre diverses entreprises intervenant sur un chantier, réparties au prorata des montants de chaque marché, engagées après le jugement d'ouverture. La Cour de cassation refuse de trouver dans l'ouverture du compte prorata le fait générateur de telles sommes (11).
Cette thèse matérialiste est également retenue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation lorsqu'elle juge, en présence d'un bail conclu avant jugement d'ouverture, que le bailleur peut être titulaire à la fois d'une créance antérieure au jugement d'ouverture et d'une créance postérieure au même jugement. Le loyer "à cheval" sur une période antérieure au jugement d'ouverture et postérieure audit jugement doit être fractionné en deux créances distinctes, l'une antérieure, l'autre postérieure (12). La même solution est posée pour la créance de fermage due au titre d'une année culturale (13). Les accessoires d'une créance de loyers auront la même nature. La solution a été posée pour une clause pénale assise sur un loyer impayé après jugement d'ouverture et ayant elle-même la qualité de créance postérieure (14).
La question de la délimitation des créances antérieures ou postérieures au jugement d'ouverture revêt une importance de premier plan lorsque le créancier, dont la créance est issue d'un contrat à exécution successive, tel le bail, est confronté à devoir déclarer sa créance. Que devra-t-il déclarer : tous les loyers issus du bail, peu important qu'ils correspondent à une jouissance procurée après le jugement d'ouverture ou seulement les loyers du bail correspondant à une jouissance procurée après le jugement d'ouverture ? C'est la question à laquelle devait, dans un premier temps, répondre la Cour de cassation, pour en tirer ensuite des conséquences précises.
En l'espèce, une société de crédit-bail a conclu avec un preneur un contrat de crédit-bail immobilier. Le preneur est placé en redressement judiciaire. Un préposé de la société de crédit-bail déclare au passif la créance, dont une partie à échoir à titre privilégiée. La société obtient un plan de continuation. Prétendant que la créance avait été irrégulièrement déclarée, le débiteur et son représentant des créanciers la contestent. Les juges du fond font droit à la contestation et la cour d'appel en tire la conséquence que la créance déclarée irrégulièrement est éteinte, ce qui est sa sanction classique, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L4126BMR) applicable aux faits de l'espèce.
Le crédit-bailleur va se pourvoir en cassation. La question posée à la Cour de cassation est de savoir si l'extinction de la créance irrégulièrement déclarée pouvait se produire, dès lors que ladite créance n'était pas soumise à déclaration au passif, dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une créance antérieure.
Cassant l'arrêt de la cour d'appel, la Cour de cassation va énoncer que, "en déclarant éteinte pour défaut de justification du pouvoir spécial dans le délai légal la créance de crédit-bail, alors que la créance relative aux loyers du crédit-bail dus pour la période de jouissance suivant l'ouverture du redressement judiciaire constitue une créance née régulièrement après le jugement d'ouverture, qui n'était pas soumise à l'obligation de déclaration, et ne pouvait donc être éteinte en raison de l'irrégularité de cette dernière, la cour d'appel a violé les textes susvisés [C. com., art. L. 621-32 N° Lexbase : L6884AIS, L. 621-43 N° Lexbase : L6895AI9 et L. 621-44 N° Lexbase : L6706DAM]".
Le crédit bailleur n'a donc pas à déclarer au passif les loyers du contrat correspondant à une jouissance procurée après le jugement d'ouverture. L'affirmation est sans ambiguïté : les loyers du crédit-bail dus pour la période de jouissance suivant l'ouverture du redressement judiciaire sont des créances postérieures, non soumises, comme telles, à déclaration au passif. Indiscutablement, ce faisant, la Cour de cassation adopte la thèse matérialiste qui, en matière de contrat à exécution successive, fixe la naissance des contrats dans la contrepartie de l'obligation financière du débiteur, c'est-à-dire, en matière de bail ou de crédit-bail, dans l'obligation de jouissance due par le bailleur, contrepartie du versement du loyer dû par le locataire.
Le visa des articles L. 621-43 et L. 621-44 du Code de commerce est spécialement lourd de signification. Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, l'article L. 621-43 du Code de commerce pose le principe de soumission des créanciers antérieurs à l'obligation déclaration au passif. L'article L. 621-44 du même code, pour sa part, oblige le créancier à mentionner dans sa déclaration de créance les sommes échues et à échoir. La difficulté pour les crédits- bailleurs et autres locataires financiers provenait précisément de cette disposition, qu'ils avaient interprétée à tort, en l'isolant de son contexte, c'est-à-dire de la disposition posant le principe de déclaration des créances antérieures au passif, l'article L. 621-43. Ils n'avaient pas compris, ce qui explique aujourd'hui encore de graves irrégularités affectant les déclarations de créances de bailleurs financiers, que l'article L. 621-44 du Code de commerce devait être lu à la lumière de la disposition précédente, l'article L. 621-43 : en présence d'une créance antérieure, le créancier, qui doit déclarer celle-ci au passif (C. com., art. L. 621-43) doit mentionner les créances échues avant le jugement d'ouverture et celles à échoir après ledit jugement (C. com., art. L. 621-44). Seuls les créanciers antérieurs sont concernés, non les créanciers postérieurs. Dans ces conditions, comme l'affirme clairement, dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation, le bailleur financier n'a pas à mentionner dans sa déclaration de créance les loyers dus pour une période de jouissance postérieure au jugement d'ouverture, parce qu'ils sont des créances postérieures non soumises à déclaration au passif.
Ces solutions sont parfaitement transposables, sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises. Les dispositions ont été reprises, sans grande modification, l'article L. 621-43 étant devenu l'article L. 622-24 (N° Lexbase : L3455ICX) et l'article L. 621-44 étant, pour sa part, devenu l'article L. 622-25 (N° Lexbase : L3745HBC).
Il importe désormais de faire attention à l'article R. 622-22, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L0894HZ7), selon lequel "en application du cinquième alinéa de l'article L. 622-24, les créanciers dont les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture autres que celles mentionnées au I de l'article L. 622-17, résultent d'un contrat à exécution successive déclarent leurs créances, pour la totalité des sommes échues et à échoir, sur la base d'une évaluation, dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales". Ce texte ne régit que les seuls créanciers titulaires de créances postérieures non éligibles au traitement préférentiel.
Dans la rédaction d'origine de la loi de sauvegarde des entreprises, certaines créances pouvaient être soumises à cette disposition. Il s'agissait des créances nées de contrats conclus avant jugement d'ouverture, et poursuivis après ledit jugement, mais n'étant pas la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour son activité professionnelle. En clair, il s'agissait de créances contractuelles nées de la continuation de contrats sans rapport avec la poursuite d'activité. Pareille situation ne pouvait se présenter en matière de crédit-bail, puisque, par définition, le contrat de crédit-bail porte sur un bien à destination professionnelle. Il n'est pas conclu pour des besoins extra-professionnels et ne peut donc pas faire naître de créances sans rapport avec l'activité professionnelle. En revanche, la question pouvait se poser pour des contrats de location avec option d'achat, qui portaient, par exemple, sur des véhicules de tourisme destinés aux besoins extra professionnels de débiteurs personnes physiques.
Au demeurant, et bien que le texte de l'article R. 622-22 du Code de commerce, qui ne s'intéresse qu'à des créances contractuelles non éligibles au traitement préférentiel, n'ait pas été modifié par l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345, portant réforme du droit des entreprises en difficulté N° Lexbase : L2777ICT), il n'a plus aucune vocation à s'appliquer, puisque, depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008, toutes les créances nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur après le jugement d'ouverture sont éligibles au traitement préférentiel, même si ces créances sont sans rapport avec l'activité professionnelle du débiteur. Cette disposition aurait dû être supprimée et ne constitue qu'une scorie de la législation précédente.
Les choses sont donc aujourd'hui extrêmement claires : les créances issues d'un contrat conclu avant le jugement d'ouverture, qui correspondent à la contrepartie d'une prestation fournie après le jugement d'ouverture, sont nécessairement éligibles au traitement préférentiel et, par voie de conséquence, sont dispensées de déclaration au passif.
La conséquence de la dispense de déclaration au passif des créances postérieures éligibles au traitement préférentiel est la suivante, selon la Cour de cassation. Ces créances n'ont pas à être déclarées au passif. Si elles le sont irrégulièrement, cela doit rester sans conséquence, et le juge-commissaire ne peut donc prononcer leur extinction sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 et, sous l'empire de la législation de sauvegarde des entreprises, leur inopposabilité à la procédure collective.
La Cour de cassation ne prend toutefois pas position sur une autre question : quelle conséquence attacher à une admission au passif d'une créance postérieure au jugement d'ouverture ? La réponse semble devoir être apportée au regard de la portée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'admission d'une créance au passif. Selon la Cour de cassation, l'autorité de la chose jugée attachée à l'admission au passif d'une créance est triple : elle porte sur l'existence, le montant et la nature de la créance (15). La question prochaine qui se posera à la Cour de cassation sera sans doute de préciser si la notion de "nature de la créance" doit s'entendre seulement de la nature privilégiée ou chirographaire ou si elle doit également s'entendre de sa nature antérieure ou postérieure. La seconde interprétation aurait une portée spécialement importante. En effet, si le créancier déclare une créance postérieure et qu'il est admis au passif au titre de cette créance, il transforme la nature de sa créance pour la faire devenir, juridiquement, une créance antérieure, soumise comme telle aux règles de l'interdiction des paiements, de l'arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution et ne pouvant, par voie de conséquence, bénéficier de la règle du paiement à l'échéance ou par privilège, bénéfices réservés aux seules créances postérieures éligibles au traitement préférentiel. Affaire à suivre...
Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe) et Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises
(1) Cass. com., 2 novembre 2005, n° 04-16.816, Société Entreprise Miraglia c/ Société Jouberts composants, FS-D (N° Lexbase : A5180DLG) ; CA Aix-en-Provence, 8ème ch., sect. A, 29 novembre 2000, RD Banc. et fin., 2001/2, 64, obs. F.-X. Lucas ; CA Nancy, ch. com., 16 octobre 2002, RD banc. et fin., 2004/1, p. 27, n° 26, obs. F.-X. Lucas.
(2) Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-19.257, Société Ambiance club, FS-P+B (N° Lexbase : A1011DTM), Bull. civ. IV, n° 257 ; D., 2007, AJ p. 228, obs. A. Lienhard ; Gaz. proc. coll., 2007/2, p. 47, note E. Le Corre-Broly ; CA Paris, 3ème ch., sect. C, 25 avril 2003, n° 2002/12605, Société Semino SA c/ Maître Bertrand Jeanne, RD banc. et fin., 2003/5, p. 294, n° 195, obs. F.-X. Lucas ; CA Paris, 3ème ch., sect C, 20 juin 2003, n° 2002/17916, SARL Société Prylorn c/ Maître Madonna (N° Lexbase : A3711C9C), RD banc. et fin., 2003/5, p. 294, n° 195, obs. F.-X. Lucas ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 6 juillet 2004, n° 2003/18580, Société Sivantex SARL c/ Maitre Stackler (N° Lexbase : A2828DD4) ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 6 juillet 2004, n° 2003/18663, Société Comitex SARL c/ Maître Renaud Stackler (N° Lexbase : A2827DD3) ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 14 juin 2005, n° 2004/19670, RTDCom., 2006/1, p. 201, n° 2, obs. A. Martin-Serf.
(3) Sur cette question, notamment sur le terrain de l'état de cessation de paiement, v. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2010/2011, n° 221.23.
(4) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 665.53.
(5) Ainsi, E. Putman, La formation des créances, th., Aix-Marseille, 1987 ; R. Perrot, obs. RTDCiv., 1995, 965 ; C. Larroumet, obs. sous Cass com., 26 avril 2000, n° 97-10.415, Société Westpac Banking Corporation c/ Société Socpresse (N° Lexbase : A5133AWZ), D., 2000, jur. 717.
(6) P. Ancel, Force obligatoire et contenu obligationnel, RTDCiv., 1999, 772 ; adde, Coquelet, 3ème éd., n° 197.
(7) Ainsi, évoquant les prestations fournies en contrepartie du paiement de cotisations d'adhésion à une association, Cass com., 30 octobre 2000, n° 97-21.372, GAEC de Rocheville et autres c/ Association syndicale autorisée de Giroussens, inédit (N° Lexbase : A6181C73), RJDA, 2001/2, n° 187.
(8) Aussi, sur ce constat, J.-cl. Com., J. Vallansan, fasc. 2352, Déclaration et admission des créances, éd. 2007, n° 17.
(9) Cass. com., 5 novembre 2003, n° 99-20.223, Société civile professionnelle (SCP) Mizon-Thoux c/ Banque nationale de Paris, FS-P+B (N° Lexbase : A0877DAQ), Bull. civ. IV, n° 165, Act. proc. coll., 2003/20, n° 256, RD banc. et fin., 2004/1, p. 33, n° 37, obs. J.-M. Delleci, Dr. et proc., 2004/2, p. 108, note E. Putman, RTDCom., 2004, p. 371, n° 2, obs. A. Martin-Serf ; Cass com., 3 décembre 2003, n° 01-03.803, M. Bernard Soinne c/ Société générale, F-D (N° Lexbase : A3575DAN), D., 2004, somm. comm. p. 1489, obs. G. Taormina.
(10) Cass. com., 8 juillet 2003, n° 00-13.309, M. Jean-Jacques Savenier c/ Receveur principal de la Recette principale des Impôts, FS-P+B (N° Lexbase : A0809C9T), Bull. civ. IV, n° 132, D., 2003, AJ p. 2094, obs. A. Lienhard, Act. proc. coll., 2003/14, n° 185, obs. C. Régnaut-Moutier, Dr. et proc., 2004/1, p. 31, obs. E. Putman, JCP éd. E, chron. 202, p. 229, n° 16, obs. M. Cabrillac, RD banc. et fin., 2003/6, p. 369, n° 234, obs. F.-X. Lucas, RTDCiv., 2003, p. 708, n° 11, obs. J. Mestre et B. Fages, RTDCom., 2004, p. 371, n° 2, obs. A. Martin-Serf, nos obs., La poursuite des effets d'un avis à tiers détenteur sur des créances de loyers après redressement judiciaire du contribuable, Lexbase Hebdo n° 89 du 9 octobre 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N8967AAD) ; CA Paris, 8ème ch., sect. B, 9 octobre 2003, n° 2003/02161, Monsieur le receveur principal des impôts de Nogent-sur-Marne c/ Maitre Pierre Ségui (N° Lexbase : A8614C9W).
(11) Cass. com. 27 février 2007, n° 05-19.619, M. Pascal Raynaud, F-D (N° Lexbase : A5946DUR), Bull. Joly, juillet 2007, § 233, p. 833, note J. Vallansan.
(12) Cass com., 28 mai 2002, n° 99-12.275, M. Philippe Martin c/ Société Batinorest, FS-P (N° Lexbase : A7928AYB), Bull. civ. IV, n° 94, D., 2002, AJ 2124, obs. A. Lienhard, Act. proc. coll., 2002/13, n° 172, obs. J. Vallansan et C. Golhen, JCP éd. E, 2003, chron 231, p. 269, n° 10, obs. Ph. Pétel, RTDCom., 2002, 726, n° 3, obs. A. Martin-Serf, Rev. proc. coll., 2003, p. 146, n° 4, obs. C. Saint-Alary-Houin, LPA, 19 décembre 2002, n° 253, p. 18, note J.-L. Courtier ; CA Paris, 14e ch., sect. B, 19 décembre 2003, n° 02/18466, Société civile Olan c/ SARL Body Form (N° Lexbase : A9728DAK).
(13) Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-21.610, Mme Marie-Thérèse Delvolvé, F-D (N° Lexbase : A6906DUC) ; Rev. proc. coll., 2007/3, p. 144, n° 2, obs. C. Saint-Alary-Houin ; Rev. proc. coll., 2007/3, p. 164, n° 7, obs. Ch. Lebel.
(14) Cass. com. 25 novembre 1997, n° 95-18.432, Société Dusfour matériel, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et autres c/ Société Case Poclain, société anonyme, inédit au bulletin (N° Lexbase : A3322C3G) ; Rev. proc. coll. 1998, 295, n° 13, obs. C. Saint-Alary-Houin.
(15) Cass. com., 8 janvier 2002, n° 98-21.745, Société Natexis banque c/ Société financière et foncière Eurobail, F-D (N° Lexbase : A7734AXQ), Act. proc. coll., 2002/8, n° 98 ; Cass com., 18 janvier 2005, n° 02-15.832, Association Instep Midi-Pyrénées c/ Association Instep Formation Aquitaine, F-D ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 2232474, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. com., 18-01-2005, n\u00b0 02-15.832, F-D, Rejet", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A0732DG9"}}), Gaz. proc. coll., 2005/1, p. 38, n° 3-3, nos obs..
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Le 07 Octobre 2010
- Les enjeux de la révolution numérique au quotidien pour les pénalistes
- Renforcement des pouvoirs des chargés d'enquêtes (réquisitions des données de connexion, déchiffrement...)
- Valeur probante des preuves numériques
- Perquisition dans les cabinets d'avocats : l'expertise comme moyen d'investigation
- Dématérialisation des procédures
- Loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure "LOPSI" 2
Christiane Féral-Schuhl, Avocat au Barreau de Paris Présidente de l'ADIJ
Corinne Dreyfus-Schmidt, Présidente de l'Association des avocats pénalistes - ADAP
Myriam Quémener, Avocat général à la Cour d'appel de Versailles, auteure du livre "Cybercriminalité"
Christian Aghroum, Commissaire divisionnaire, Chef de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication - OCLTIC
François Wallon, expert en informatique agréé par la Cour de cassation, coresponsable de l'atelier ADIJ "Cyberdélinquance"
Vincent Nioré, Membre du Conseil de l'ordre, Secrétaire de la Commission pénale de l'ordre
Yvon Martinet, Avocat au Barreau de Paris
Lundi 8 mars 2010
18h00 - 20h00
Salle Gaston Monnerville,
Maison du Barreau,
2/4 rue de Harlay,
75001 Paris
Inscription gratuite
A l'attention de Christiane Féral-Schuhl, Présidente de l'ADIJ
Féral-Schuhl / Sainte-Marie,
9 rue Royale,
75008 Paris
Fax : 01 70 71 22 22
e-mail : coordination-adij@feral-avocats.com
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par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Charlotte Hammelrath : Il faut bien voir que le monde du travail et les relations employeur/salarié ont considérablement évolué ces dernières décennies. Avant, le chef d'entreprise avait une image "paternaliste" et protectrice, lorsqu'on parlait de risques, étaient visés les risques physiques. Aujourd'hui, l'évolution du monde de l'entreprise implique un management plus collaboratif, avec, certes, davantage d'autonomie pour les salariés, mais, également, une culture du résultat et de la performance plus importante dans une structure de plus en plus complexe. Ceci explique que le chef d'entreprise est à l'heure actuelle confronté à des risques humains ou psychosociaux, c'est-à-dire à une certaine forme de tension humaine résultant de la mise en oeuvre d'une stratégie définie dans un environnement concurrentiel (stress, violence au travail, harcèlement moral et discriminations).
Selon l'Ani du 2 juillet 2008 (1), "un état de stress survient lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face" ; l'accord-cadre sur le stress au travail signé par les partenaires sociaux européens le 8 octobre 2004, disposant, quant à lui, que "le stress est un état accompagné de plaintes ou dysfonctionnements physiques, psychologiques ou sociaux, et qui résulte du fait que les individus se sentent inaptes à combler un écart avec les exigences ou les attentes les concernant" (2).
Lexbase : Quel est le cadre juridique aujourd'hui applicable ?
Charlotte Hammelrath : Le cadre juridique s'est construit en plusieurs étapes depuis le premier texte en la matière, qui remonte à une Directive communautaire de 1989 (3). Plusieurs dates clés sont à retenir. Il y a d'abord eu l'accord-cadre européen du 8 octobre 2004, qui avait pour objet "d'augmenter la prise de conscience et la compréhension du stress au travail, par les employeurs, les travailleurs et leurs représentants ; et d'attirer leur attention sur les signes susceptibles d'indiquer des problèmes de stress au travail". Cet accord-cadre a été transposé en droit interne par l'Ani du 2 juillet 2008, étendu par arrêté du 23 avril 2009 (N° Lexbase : L1970IEP), le rendant ainsi obligatoire à tous les employeurs. Plus récemment, le 9 octobre 2009, le Gouvernement annonçait la création d'un plan d'urgence sur la prévention des risques psychosociaux dans les entreprises des secteurs publics et privés, l'une des mesures phares de ce plan étant la demande d'ouverture de négociations sur le stress dans toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés (4). Ces négociations devaient être engagées avant le 1er février 2010. A défaut, l'entreprise devra présenter un diagnostic et un plan d'action établi en concertation avec les représentants du personnel.
Lexbase : Sur quel fondement engager la responsabilité de l'employeur ?
Charlotte Hammelrath : Le risque pour l'employeur, à la fois civil et pénal, est important. Il existe également un risque d'image pour l'entreprise et un risque de "business".
L'employeur a, aujourd'hui, une obligation générale de résultat. Rappelons que, si le Code du travail prévoit une obligation générale de sécurité, son article L. 4121-1 (N° Lexbase : L1448H9I) retenant que "l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs", la Cour de cassation a précisé, dans ses arrêts "amiantes" du 28 février 2002, que cette obligation générale de sécurité était une obligation de résultat (5). Le manquement à cette obligation de sécurité de résultat a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Aujourd'hui, cette obligation de résultat s'applique aussi bien à la santé physique que mentale des salariés.
Cette notion va même très loin, car dans un attendu de principe formulé dans deux arrêts du 3 février 2010 (6), la Cour de cassation est encore plus sévère à l'encontre de l'employeur Elle y affirme, en effet, que l'employeur, "tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel" (pourvoi n° 08-44.019 : l'employeur est responsable car il aurait dû prendre des mesures préventives, c'est-à-dire en amont du harcèlement et non pas curatives, comme c'était le cas, en l'espèce) ou de violences physiques ou morales (pourvoi n° 08-40.144). Or l'obligation de sécurité de résultat ne permet pas à l'employeur de se "déresponsabiliser" en prouvant qu'il n'avait pas connaissance du harcèlement.
Il sera désormais difficile pour un employeur d'échapper à leur responsabilité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements, car il demeure responsable et doit agir en amont. Il est alors intéressant de rappeler la jurisprudence antérieure en matière d'obligation de sécurité de résultat afin d'expliciter le caractère contraignant de son évolution à l'égard de l'employeur.
Concrètement, cela implique la mise en place d'une prévention efficace (C. trav., art. L. 4121-3 N° Lexbase : L1452H9N) ; l'information et la formation de l'ensemble des acteurs de l'entreprise, notamment celle des managers ; l'amélioration des modes organisationnels et la prise en compte d'un juste équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Rappelons également que, depuis un décret du 5 novembre 2001, l'employeurs a l'obligation de mettre en place un document unique d'évaluation, quelle que soit la taille et l'activité de l'entreprise, mis à jour chaque année, y compris sur les risques psychosociaux (C. trav., art. R. 4121-1 N° Lexbase : L3625ICA et suivants) (7). L'employeur ayant omis l'établissement ou la mise à jour du document unique s'expose à une sanction pénale : contravention de 5ème classe (1 500 euros).
Lexbase : Quels sont les autres acteurs concernés ?
Charlotte Hammelrath : En premier lieu, le CHSCT. Lorsque survient un problème dans une entreprise mettant en jeu des risques humains, le réflexe devient de saisir le comité d'hygiène. Les enquêtes peuvent alors mener très loin. L'arrêt "Snecma" du 5 mars 2008 (8) est, à cet égard, très révélateur, dans la mesure où, confirmant que l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés, il a estimé que la nouvelle organisation mise en place par l'employeur était de nature à compromettre la santé et la sécurité des travailleurs concernés et que sa mise en oeuvre devait, en conséquence, être suspendue.
Il faut également compter avec le CE et les délégués syndicaux, qui tendent à prendre beaucoup d'importance dans la mesure où ils doivent désormais être consultés sur les accords et où ils font obligatoirement partis des négociations. Il ne faut pas négliger ici le rôle du médecin du travail et des services de la santé au travail (Cnamts, Anact...).
L'employeur ou le salarié peuvent également faire appel à un médiateur, afin d'apaiser les conflits, son intérêt est d'aider les parties à trouver une solution amiable. Ce médiateur est d'ailleurs prévu par les textes en cas de harcèlement moral, l'article L. 1152-6 (N° Lexbase : L0734H93) disposant qu'"une procédure de médiation peut être mise en oeuvre par toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause".
Lexbase : Qu'en est-il de la prévention des facteurs de risques dans la réalité des entreprises ?
Charlotte Hammelrath : Sur l'analyse des facteurs de risques, plusieurs moyens permettent de s'apercevoir qu'une entreprise présente des difficultés. Il suffit, tout d'abord, d'étudier son mode organisationnel, c'est-à-dire la répartition de la charge de travail, les objectifs donnés et les moyens mis en place pour les réaliser. On va ensuite s'intéresser aux conditions de travail et à l'environnement (locaux, bureaux...). A ces facteurs doit également s'en ajouter un autre : la communication mise en place (entretien annuel, communication interne, messagerie, système d'évaluation...).
Sur un plan purement pratique, le turn-over peut aussi être un signe, dans le même ordre d'idées, le contenu des contrats de travail, le nombre de contentieux, le nombre d'arrêts de travail ou encore le nombre d'expertises CHSCT sont autant de signes révélateurs permettant de cerner la santé mentale de l'entreprise.
Il est important de souligner, ici, qu'il est difficile d'établir une règle car chaque entreprise a ses contraintes. Il existe un cadre, mais il faut nécessairement l'adapter à chaque entreprise en fonction de sa taille, de sa santé financière et du secteur dans lequel elle évolue.
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par Anne Lebescond, Journaliste juridique
Le 07 Octobre 2010
Détenteur des nationalités française et américaine, il représente un véritable pont entre ces deux pays et leur culture respective -ce qui, très certainement, a, notamment, déterminé le choix des associés de Salans de l'élire Chairman, à l'occasion du récent renouvellement du global board-. Très actif au sein de la communauté française aux Etats-Unis, il est l'ancien vice-président du conseil d'administration du Lycée français de New-York, membre du conseil d'administration et du comité exécutif de la Brain Trauma Foundation et conseiller du Commerce extérieur de la France.
Entre deux vols Paris-New-York, nous avons rencontré François Chateau -qui accessoirement a importé le concept de la bonbonne d'eau au sein des entreprises françaises (qui, en effet, ne connaît pas Chateaud'eau ?)-afin qu'il nous présente plus en détail ce cabinet d'excellence et la politique qu'il entend mener en son sein.
Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le cabinet Salans & Associés ? Quelles sont ses spécificités par rapport aux autres cabinets à dimension internationale ?
François Chateau : Créé en 1978 à Paris, Salans est aujourd'hui l'un des principaux cabinets d'avocats internationaux. Il rassemble plus de 750 avocats dans 21 pays (1).
Notre cabinet est "multinational" et multiculturel, plutôt qu'international.
Nous ne suivons pas un modèle britannique ou américain, ou même français, notre modèle est unique.
Chacun de nos bureaux repose sur un certain nombre d'associés et de collaborateurs locaux, maîtrisant plusieurs langues étrangères et ayant exercé, pour la plupart, dans différents pays, et des avocats étrangers. Nous ne nous contentons, donc, pas de traduire des langues, mais bien, des connaissances et des concepts locaux. Cette approche est essentielle, en ce qu'elle permet de nous imprégner au mieux de la culture du pays dans lequel nous nous implantons, optimisant, ainsi, la relation avec nos clients, ainsi que le service que nous leur offrons.
Cette démarche a été privilégiée dès l'origine. Elle constitue l'essence même de notre cabinet, fondé par deux avocats américains et un avocat français : Jeffrey M. Hertzfeld, Carl F. Salans et Eliane Heilbronn. Ces derniers, qui ont tout de suite souhaité s'orienter vers l'international et, en particulier, vers les pays émergents, ont placé la combinaison de la sophistication continentale et des expériences locales au coeur de notre exercice. La connaissance du droit en général et des droits locaux, ainsi que leur application stricte et rigoureuse par nos juristes, constituent la "marque" de notre structure ; sa qualité essentielle.
Salans a, également, pour particularité de fonder son organisation et son partnership sur le principe de démocratie et de stricte égalité : nos 180 associés, issus des différents pays dans lesquels nous sommes implantés, disposent tous du même droit de vote. Le principe d'un associé/une voix s'inscrit dans notre volonté de respecter chacun. Parallèlement à la qualité de nos prestations, c'est grâce à ce fort intuitu personae, tant au sein de notre structure, que dans la relation avec notre clientèle, que nous fidélisons cette dernière.
Lexbase : Ces considérations ont-elles déterminé votre souhait de rejoindre cette structure ?
François Château : Tout à fait. J'ai rejoint le cabinet le 1er mars 1999, après avoir exercé près de vingt ans exclusivement aux Etats-Unis au sein de structures américaines. Intégrer Salans a été, pour moi, un "retour au bercail" réussi : j'ai rejoint une structure à dimension internationale, mais dont je partageais, enfin, la culture et les valeurs. Je ne pouvais pas rêver mieux !
Lexbase : La nomination d'un français à la tête d'une telle firme est une situation originale. Quels bénéfices le cabinet va-t-il en retirer ?
François Château : J'ai souligné que les fondateurs de Salans étaient américains et français. Aujourd'hui, les associés ont choisi de nommer un franco-américain en qualité de Chairman du global board. Cette élection, me semble-t-il, s'inscrit totalement dans l'identité du cabinet.
Comme je viens de l'indiquer, l'une des préoccupations essentielles de notre structure est l'équité, notamment, en termes de représentation. Nous avons pour principal souci de ne pas avantager les uns au détriment des autres, mais, au contraire, de concilier aux mieux les intérêts de chacun, de trouver la juste mesure, le meilleur consensus. Dans cette optique, élire une personne qui n'est, ni française, ni américaine (ou bien, dans mon cas, qui a baigné dans ces deux cultures), peut rassurer.
Chez nous, la règle arithmétique veut qu'un plus un donne trois : les succès rencontrés dans un pays se multiplient dans un autre pays. La réussite actuelle et à venir de Salans continuera, ainsi, de rayonner partout où nous sommes implantés.
Lexbase : Quelles sont les ambitions fixées pour Salans au titre de cette année 2010 ?
François Chateau : Salans s'est d'abord positionné comme pionnier des pays émergents, préférant renforcer ses effectifs en temps de crise, plutôt que "remballer" (pardonnez-moi l'expression), comme d'autres cabinets ont pu être tentés de le faire.
Ainsi, outre ses bureaux implantés à New-York et dans les principales capitales d'Europe occidentale (dont Paris, Londres, Berlin, Madrid, Francfort et Barcelone), le cabinet est très rapidement devenu incontournable en Europe de l'Est et en Asie centrale et occidentale (nous sommes, notamment, implantés à Varsovie, Prague, Bucarest, Budapest, Kiev, Bratislava, Moscou, Saint-Pétersbourg, Bakou, Istanbul, etc.). Notre structure est, également, devenue l'une des plus importantes à Shangaï et nos récentes implantations à Hong-Kong et à Bejing sont venues compléter ce large réseau international.
Mon objectif, en tant que Chairman, est de continuer à renforcer la position de Salans en tant qu'acteur prédominent du marché juridique international, couvrant tous les aspects du droit des affaires. Nous entendons, ainsi, poursuivre cette croissance sur nos bases historiques (Paris, New-York, Londres, etc.), sur les marchés émergents où nous sommes leaders, mais aussi, sur de nouveaux marchés stratégiques.
Lexbase : Comment Salans a-t-il vécu la crise financière ?
François Château : La crise nous a, bien entendu, poussés à mener des actions spécifiques dans chaque pays où nous sommes implantés, notamment, en termes de management.
Nous avons "pris le taureau par les cornes", en particulier, à Londres, où la crise s'est faite le plus ressentir. Nos autres bureaux ont particulièrement bien résisté, permettant de résorber les difficultés rencontrées en Grande-Bretagne. Comme nous l'avons toujours fait jusqu'à présent, nous avons choisi, en dépit de ce contexte difficile, de nous renforcer, en recrutant d'excellents avocats au travers du globe et, en particulier, en Europe de l'Est.
Ainsi, nous avons efficacement fait face à la conjoncture, bien qu'aujourd'hui, nous sommes, évidemment, contents qu'elle soit derrière nous.
Lexbase : Vous exercez à New-York et à Paris et bénéficiez, à ce titre, d'une perspective intéressante sur la question de la compétitivité du droit français à l'international. Quel est votre sentiment sur ce point ?
François Château : Je ne suis pas certain d'être un expert sur cette question. Néanmoins, je constate qu'outre l'obstacle de la langue -l'anglais étant la langue du droit des affaires par excellence-, le premier frein à la compétitivité du droit français reste la lourdeur de notre cadre juridique et fiscal.
Malgré les nombreuses annonces de réformes formulées depuis vingt ans, rien n'a réellement été fait pour simplifier et assouplir notre droit. Il suffit de comparer les modalités de constitution d'une société aux USA et en France pour se convaincre du décalage existant. Aux Etats-Unis, vous constituez aisément une société en peu de temps et avec un minimum de capitaux. En France, le modèle de la SA (accompagné de toutes ses contraintes, en termes de capitaux, de nombre d'actionnaires, de gouvernance, etc.) reste la règle, même s'il y a eu des améliorations avec la SAS.
Tant que notre droit ne sera pas véritablement plus flexible, nous ne pourrons prétendre l'imposer. Les droits britannique et américain s'exportent bien plus facilement, eu égard à leur souplesse. En témoignent les nombreux contrats franco-français qui, finalement, sont totalement inspirés des modèles anglo-saxons.
Cette situation est regrettable, car, sur bien des aspects, notre droit est plus sain. Ce manque de flexibilité est un réel handicap. Il serait grand temps d'y remédier.
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Réf. : Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-41.412, Société Leader Price Chatou c/ Mme Basma Ghribi, FP-P+B+R (N° Lexbase : A6063ERY)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Résumé Si l'affectation occasionnelle d'un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail, il n'en est ainsi que lorsque cette affectation est motivée par l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible. |
I - Le renforcement du régime antérieur
Le lieu d'exécution du contrat de travail constitue, pour le salarié, un élément déterminant de son engagement au service de l'entreprise, dans la mesure où il devra nécessairement articuler ses obligations professionnelles et sa vie personnelle et familiale.
Afin d'éviter que le salarié ne puisse s'opposer à tout changement de ce lieu, considéré comme constituant naturellement un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié unilatéralement par l'employeur, la jurisprudence a forgé la notion prétorienne de "secteur géographique", au sein duquel le lieu d'exécution du contrat peut varier selon l'intérêt de l'employeur (1).
Cette notion de "secteur géographique" ne permet, toutefois, d'appréhender qu'un certain type de situations où l'employeur entend "modifier" le lieu d'exécution du contrat de travail, c'est-à-dire le changer de manière durable, généralement définitive.
Dans un certain nombre d'hypothèses, le lieu principal d'exécution du contrat demeure, mais le salarié est amené à se déplacer dans le cadre de ses fonctions, parfois pour des durées assez longues de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines, ce qui pose, bien entendu, des problèmes de conciliation avec la vie personnelle et familiale, puisque la nouvelle affectation allonge nécessairement les temps de trajet, voire imposera au salarié de séjourner une partie de la semaine en dehors de son domicile.
Il convient alors de déterminer si le salarié doit obéir ou s'il peut valablement résister.
Jusqu'en 2003, la Chambre sociale de la Cour de cassation prenait logiquement en compte la nature des fonctions du salarié, soit pour constater que le contrat de travail mentionnait expressément la possibilité d'envoyer le salarié en mission (2), soit pour tirer de "la nature même de l'emploi" une certaine mobilité géographique du salarié (3).
En 2003, la Chambre sociale de la Cour de cassation a affiné ses critères et a introduit de nouveaux indices, affirmant que "le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de son contrat de travail dès lors que la mission est justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique" (4).
Tout en continuant à vérifier le caractère "occasionnel" (5) ou "temporaire" de la mission (6), la distance séparant le lieu de mission du lieu habituel d'exécution du contrat de travail, en dehors du même "secteur géographique" (7), la "spécificité" des fonctions impliquant "une certaine mobilité géographique" (8), ainsi que la pertinence des motifs invoqués par l'employeur pour justifier la mesure (9) et qui doivent démontrer que celle-ci était "conforme à l'intérêt de l'entreprise" (10), la Cour de cassation tenait également compte de la durée de la mission (11) ou des mesures prises pour atténuer les désagréments liés à la mission, qu'il s'agisse d'un "délai de prévenance raisonnable" (12), de compensations financières pour le salarié (13) ou de mesures pour tenter de limiter la durée du séjour lorsque le salarié en a fait la demande (14).
II - La mise en oeuvre de conditions draconiennes
C'est à une nouvelle formulation des critères mise en oeuvre pour déterminer si on se situe dans le cadre du pouvoir de direction de l'emploi ou dans celui du régime de la modification du contrat de travail que nous convie la Chambre sociale de la Cour de cassation dans cet arrêt en date du 3 février 2010.
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée à temps partiel, le 20 novembre 2000, en qualité d'employée de cafétéria, par la société Casino cafétéria Chatou, son contrat prévoyant, à la suite d'un avenant, qu'elle pourrait être affectée dans tout établissement Casino situé dans la ville de Chatou ou dans les localités limitrophes. Le 1er février 2003, le magasin Casino de Chatou ayant été cédé à la société Leader Price Chatou, qui a fermé l'établissement pour y effectuer des travaux, les salariés qui y étaient affectés ont cessé momentanément de travailler tout en continuant à être payés. Le 29 août 2003, le nouvel employeur a fait connaître à la salariée qu'elle devrait reprendre son travail à partir du 1er septembre suivant au magasin Leader Price de Saint-Denis et qu'elle occuperait à nouveau son poste de travail à Chatou, dès la fin des travaux. Ayant refusé cette affectation, la salariée avait été licenciée pour faute grave, l'employeur lui reprochant son absence injustifiée malgré deux mises en demeure.
Les juges du fond avaient donné raison à la salariée qui considérait son licenciement comme injustifié, ce que contestait l'employeur dans le cadre du pourvoi. Il n'aura pas plus de réussite devant la Cour de cassation qui rejette ici son pourvoi.
Après avoir affirmé que "si l'affectation occasionnelle d'un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail, il n'en est ainsi que lorsque cette affectation est motivée par l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles, et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible", la Haute juridiction considère "qu'ayant relevé que la notification brutale à la salariée de son changement d'affectation ne comportait aucune indication quant à la durée de cette affectation, la cour d'appel a, sans encourir aucun des griefs du moyen, légalement justifié sa décision".
La formulation de la décision, ainsi que la publicité qui lui est donnée, conduisent à affirmer qu'il s'agit là d'un véritable arrêt de principe destiné à préciser les conditions dans lesquelles l'employeur peut être conduit à envoyer un salarié en mission.
On ne peut qu'être frappé par la formulation extrêmement restrictive de la solution retenue autorisant l'employeur à envoyer le salarié en mission ("peut ne pas constituer une modification du contrat de travail", "il n'en est ainsi que lorsque"), formulation qui n'est pas sans rappeler le changement d'orientation intervenu en 1996 en matière de clauses de non-concurrence où la Cour de cassation était également passé d'une formulation neutre à une affirmation restrictive (15) et ce, pour souligner le caractère dérogatoire de la situation, imposant une interprétation restrictive.
Le message est désormais des plus clairs. Le salarié est recruté pour travailler dans un certain secteur géographique et le recours à des missions qui l'en éloignent doit demeurer exceptionnel. Dès lors, ou les conditions exigées sont respectées et le salarié doit se soumettre au pouvoir de direction de son employeur, ou ce n'est pas le cas et il a le droit de refuser.
La Cour de cassation reprend, dans cet arrêt, un certain nombre d'indices déjà présents dans sa jurisprudence antérieure, comme le caractère "occasionnel" de la mission, la distance d'avec le lieu habituel qui place le nouveau lieu "en dehors du secteur géographique", la référence à "l'intérêt de l'entreprise" ou encore l'existence d'un délai de prévence "raisonnable".
L'arrêt se singularise, en premier lieu, par l'absence remarquée du critère tiré de l'analyse des fonctions exercées par le salarié qui impliqueraient naturellement qu'il soit conduit à réaliser des missions exceptionnelles. Certes, ce point ne semblait pas faire débat dans cette affaire, ce qui pourrait expliquer qu'il n'y soit pas fait référence dans la décision. Mais il semblerait étonnant qu'au moment même où la Cour semble vouloir restreindre la faculté d'envoyer les salariés pour des missions temporaires en dehors de leur secteur contractuel d'activité professionnel, on ouvre largement la liste des salariés ainsi mobilisables sans s'intéresser à la nature de leurs fonctions. Gageons que dans une prochaine décision la Cour saura rappeler ce qui pourrait s'apparenter à un oubli.
La Cour subordonne la faculté dérogatoire d'envoyer le salarié en mission en dehors de son secteur géographique (ou en dehors de sa zone de mobilité) à l'existence de "circonstances exceptionnelles" qui ne doivent pas se confondre avec la référence à l'"intérêt de l'entreprise", puisque ces deux conditions sont présentées distinctement et de manière cumulative dans la décision. Ces circonstances devront être recherchées par les juges du fond, pour être retenues ou écartées, mais seront souverainement appréciées par eux. Compte tenu du caractère nécessairement rétroactif de l'application de ces nouveaux critères, on peut malheureusement craindre dans les mois à venir un certain nombre de cassations...
Enfin, la Cour de cassation impose également aux employeurs d'informer les salariés sur la "durée prévisible" de la mission, ce qui semble être une exigence légitime, mais qui pourrait également donner lieu à une vague importante de contentieux, dans la mesure où cette nouveauté sera appliquée rétrospectivement dans des affaires où cette exigence n'était pas aussi manifeste.
Au final, ces nouveaux critères semblent légitimes dans la mesure où l'employeur doit logiquement justifier toute mesure portant atteinte aux droits et libertés du salarié et ne mettre en oeuvre que des atteintes proportionnées au but légitime recherché. Reste à espérer que la Cour de cassation saura, dans la période transitoire où elle connaîtra d'affaires antérieures à cette décision, se montrer souple dans l'application de cette nouvelle jurisprudence pour ne pas sanctionner les juges du fond, et à travers eux les entreprises, qui n'avaient pas anticipé sur les nouveaux critères.
(1) Lire dernièrement M. Del Sol, Variations jurisprudentielles sur le lieu de travail, JCP éd. S, 2009, n° 36, p. 7.
(2) Cass. soc., 21 mars 2000, n° 97-44.851, Mme Marchand c/ Société Axys consultants (N° Lexbase : A6364AGS), Dr. soc., 2000, p. 651, obs. J. Mouly : "la mission ponctuelle en Allemagne demandée à Mme [X], qui avait été embauchée en qualité de consultant cadre, compte tenu de ses connaissances en allemand, et qui contractuellement était tenue d'effectuer des séjours en province, ne constituait pas une modification de son contrat de travail".
(3) Cass. soc., 4 janvier 2000, n° 97-41.154, Mme Durand c/ Société Coulet et Fils (N° Lexbase : A4790AGI) : "la cour d'appel, qui constate qu'aucun lieu d'exécution n'était prévu par le contrat de travail et que la nature même de l'emploi impliquait une certaine disponibilité géographique" (chauffeur routier).
(4) Cass. soc., 22 janvier 2003, n° 00-43.826, Société Travaux hydrauliques et bâtiments (THB) c/ M. Antoine Tavarès, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7010A4E), Dr. soc., 2003, p. 433, obs. J. Savatier (chef de chantier). Lire les obs. de Ch. Figerou, La mobilité avec clause : l'article 1134 du Code civil sur le devant de la scène, Lexbase Hebdo n° 57 du 7 février 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N5778AAA).
(5) Cass. soc., 17 décembre 2008, n° 07-42.960, Société Cimba, F-D (N° Lexbase : A9161EBW).
(6) Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-45.811, M. Jean-Jacques Bordas c/ M. Jean-Luc Pelletan, F-D (N° Lexbase : A7504DPM) : "déplacement temporaire dans le cadre des fonctions de lad-jockey" ; Cass. soc., 21 mai 2008, n° 07-41.640, Mme Laurence Kaplan, F-D (N° Lexbase : A7157D8L) : "en l'état de ses constatations relatives au caractère temporaire du changement de lieu de travail".
(7) Cass. soc., 21 mai 2008, n° 07-41.640, préc. : "en l'état de ses constatations relatives [...] à la distance légèrement supérieure à 15 kilomètres entre les deux sites, situés tous les deux en région parisienne, n'entraînant aucune gêne particulière pour la salariée, notamment pour ce qui concerne la durée des trajets". C'est également ici le caractère proportionné de l'atteinte éventuellement réalisée aux droits du salarié qui est mise en avant.
(8) Cass. soc., 29 novembre 2007, n° 06-44.792, M. François Michard, F-D (N° Lexbase : A9519DZL) : "la spécificité des fonctions exercées par le salarié impliquait de sa part une certaine mobilité géographique" (ingénieur de programmes) ; Cass. soc., 17 décembre 2008, n° 07-42.960, Société Cimba, F-D (N° Lexbase : A9161EBW) : "le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification du contrat de travail, dès lors que [...] la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique" (chef d'équipe dans le bâtiment). Voir, également, pour un chef de chantier : Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-47.368, M. Antoine Tavarès c/ Société Travaux hydrauliques et bâtiments (THB), F-P (N° Lexbase : A6143DNT), Bull. civ. V, n° 106.
(9) Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-45.811, M. Jean-Jacques Bordas c/ M. Jean-Luc Pelletan, F-D (N° Lexbase : A7504DPM) : "l'employeur, en raison de la nouvelle organisation de son entreprise nécessitant le rapatriement d'une partie de son effectif pendant un mois et demi au centre d'entraînement de Chantilly".
(10) Cass. soc., 29 novembre 2007, n° 06-44.792, préc. : "l'affectation proposée était [...] justifiée par l'intérêt de l'entreprise laquelle ne comprenait que deux autres salariés" ; Cass. soc., 17 décembre 2008, n° 07-42.960, Société Cimba, F-D (N° Lexbase : A9161EBW) : "le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification du contrat de travail, dès lors que la mission est justifiée par l'intérêt de l'entreprise [...] le détachement temporaire du salarié n'était nullement indispensable, ni urgent dans la mesure où son équipe a continué à travailler sur le chantier auquel il était affecté, qu'il ne s'agissait donc pas de devoir renforcer des équipes, ce dont il résulte que la mission n'était pas justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que son affectation sur le chantier de Chartres constituait une modification de son contrat de travail qu'il était en droit de refuser" ; Cass. soc., 21 mai 2008, n° 07-41.640, préc. : "en l'état de ses constatations relatives [...] à sa justification par l'intérêt de l'entreprise".
(11) Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-47.368, préc. : "détachement provisoire [...] pour une durée de deux mois" ; Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-45.811, préc. : "du 15 mai au 29 juin 2000" ; Cass. soc., 29 novembre 2007, n° 06-44.792, préc. : "l'affectation proposée était bien temporaire" (d'ingénieur de programmes) (6/12 mois, mais avec une convention collective "Syntec" qui le prévoyait).
(12) Cass. soc., 15 mars 2006, préc. : "dès le 2 septembre 1997, le salarié avait été informé de son détachement provisoire à compter du 15 septembre, ce qui constitue un délai de prévenance raisonnable".
(13) Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-45.811, préc. : "moyennant défraiement pour la nourriture et le logement". En toute hypothèse il s'agit là de frais professionnels qui incombent normalement à l'employeur.
(14) Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-45.811, préc. : "l'employeur [a], devant son refus, proposé de réduire le séjour à dix jours". Il s'agit ici de respecter le principe de proportionnalité de l'atteinte ainsi réalisée aux droits et libertés du salarié, et donc de satisfaire implicitement aux exigences de l'ancien article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI, devenu L. 1121-1 N° Lexbase : L0670H9P).
(15) Cass. soc., 19 novembre 1996, n° 94-19.404, M. Martinez c/ Société Auto Service 34 (N° Lexbase : A2126AAY), Bull. civ. V, n° 392.
Décision Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-41.412, Société Leader Price Chatou c/ Mme Basma Ghribi, FP-P+B+R (N° Lexbase : A6063ERY) Rejet CA Versailles, 15 janvier 2008 Textes concernés : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B) Mots clef : contrat de travail ; affectation occasionnelle Lien base : (N° Lexbase : E4493ETL) |
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Réf. : Cass. civ. 3, 3 février 2010, n° 08-21.333, Mme Raymonde Michèle Delsol, FS-P+B (N° Lexbase : A6044ERB)
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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"
Le 07 Octobre 2010
Le locataire invoquait à cette fin la nullité de la clause sur le fondement de laquelle le bailleur avait appelé, au titre des loyers, les montants correspondants à la contribution sur les revenus locatifs supprimée, au motif que cette clause serait contraire aux dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux relative à la révision du loyer (I). Se posait toutefois la question de la recevabilité de cette demande compte tenu de la prescription biennale qui régit les "actions" exercées sur le fondement d'une disposition du statut des baux commerciaux (II).
I - La nullité de la clause prévoyant la modification du loyer en dehors des règles légales relatives à la révision : principe et tempéraments
Alors que les règles relatives à la fixation du loyer en renouvellement (C. com., art. L. 145-33 N° Lexbase : L5761AI9 et L. 145-34 N° Lexbase : L2271IBQ) n'ont pas été jugées d'ordre public (1), il en va autrement en matière de règles relatives à la révision du loyer en cours de bail.
En effet, la révision du loyer du bail commercial est régie par les articles L. 145-37 (N° Lexbase : L5765AID), L. 145-38 (N° Lexbase : L2344IBG) (révision triennale) et L. 145-39 (N° Lexbase : L5767AIG) (révision en cas de variation importante du loyer par l'effet d'une clause d'indexation) du Code de commerce. Ces dispositions sont expressément qualifiées d'ordre public (C. com., art. L. 145-15 N° Lexbase : L5743AIK) ce qui interdit aux parties d'y déroger, à tout le moins lors de la conclusion du bail.
Le loyer d'un bail commercial n'est pourtant pas totalement intangible jusqu'à son renouvellement. En effet, ces règles ne font pas obstacle à ce que les parties modifient d'un commun accord le montant du loyer en cours de bail (2), ni à la stipulation d'une clause d'indexation, la faculté de révision spéciale pour le cas où le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile (C. com., art. L. 145-39) impliquant nécessairement la validité de principe d'une telle clause (3).
Le loyer d'un bail comportant une clause-recettes variera également en cours de contrat selon des règles différentes de celles prévues par le statut des baux commerciaux, étant en outre précisé que la révision d'un tel loyer échappe totalement aux dispositions légales relatives à la révision et n'est régie que par la convention des parties (4)
En dehors de ces hypothèses, les modifications du prix de loyer, fixé à l'avance par les parties au bail, risquent d'être jugées contraires aux dispositions d'ordre public relatives à la révision du loyer. Ainsi, il a été jugé que la demande de révision du preneur en révision du loyer ne saurait être écartée, en présence d'un bail stipulant un loyer pour les dix-huit premières années puis un autre loyer pour le temps restant à courir après l'expiration de cette durée, au motif que les parties aurait valablement pu décider de fixer par avance et forfaitairement le prix du bail, excluant toute révision triennale (5).
En l'espèce, il pouvait donc être soutenu que la clause imposant la réintégration dans le montant du loyer d'un impôt ou d'une taxe à la charge du preneur aux termes du bail et qui viendrait à être supprimé, contrevenait à l'interdiction de déroger aux règles légales de la révision en ce qu'elle avait pour effet d'entraîner une modification du montant du loyer non prévue par les règles légales de révision et stipulée dès l'origine.
Les juges du fond avaient, sur ce fondement, prononcé la nullité de cette clause (6).
La Cour de cassation n'a pas eu l'occasion de confirmer cette nullité. Se posait, en effet, au préalable la question de la prescription de la demande de nullité. Alors que les juges du fond avaient rejeté la fin de non-recevoir sur ce fondement de la demande du locataire, la Cour de cassation ne s'est prononcée que sur cet aspect en censurant l'arrêt qui lui était déféré.
II - La prescription de l'action en nullité
Aux termes de l'article L. 145-60 du Code de commerce, "toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre [chapitre V : Du bail commercial] se prescrivent par deux ans".
Il ne fait guère de doute qu'une action tendant à voir prononcer la nullité d'une clause contraire aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-39 du Code de commerce est soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 de ce code, dans la mesure où elle se fonde sur la violation des dispositions visées par ce dernier texte (7).
En revanche, et logiquement, l'action en nullité d'une clause d'indexation en raison de l'illicéité des indices retenus, qui est fondée sur l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2260IBC), n'entre pas dans le champ d'application de la prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce (8).
L'action en nullité d'une clause d'un bail commercial contraire aux dispositions du statut des baux commerciaux semble devoir courir à compter de la date de la signature du contrat (9) ou de l'avenant comportant la clause incriminée (10). Toutefois, la question a été posée à la suite de deux arrêts de 2007 et 2008 (11) de savoir si la date de conclusion du contrat devait encore être retenue comme point de départ de l'action en nullité de l'une de ses clauses (12).
Dans l'arrêt rapporté, et si la date de conclusion du contrat devait être retenue, à savoir le 2 octobre 2003, l'action en nullité de la clause litigieuse devrait être considérée comme prescrite dans la mesure où la demande a été formée le 6 septembre 2006.
Cependant, le preneur tentait d'échapper à la prescription en invoquant l'adage, visé par la Cour de cassation dans la décision commentée, selon lequel "l'exception de nullité est perpétuelle" (Quae temporalia sunt ad agendum perpetua sunt ad excipendium).
Les juges du fond avaient considéré qu'en faisant opposition au commandement pour faire échec à l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire mise en oeuvre par ce commandement, le locataire avait agi, non par voie d'action, mais par voie d'exception, et que l'exception de nullité étant perpétuelle, il n'était pas concerné par la prescription soulevée à son encontre.
Si la Cour de cassation reconnaît la validité du "principe" de l'exception perpétuelle, elle considère, toutefois, qu'il ne pouvait s'appliquer en l'espèce dans la mesure où le preneur avait assigné en nullité du commandement et de la clause litigieuse du bail.
Elle se prononce, en conséquence, sur la qualité de défendeur à l'action, position procédurale nécessaire pour que puisse être opposé le caractère perpétuel de l'exception. Dans l'arrêt rapporté, le preneur qui invoquait la nullité de la clause litigieuse était initialement demandeur à l'instance qu'il avait introduite à la suite de la délivrance du commandement. Toutefois, il pouvait être soutenu qu'il soulevait néanmoins la nullité en défense, pour s'opposer au commandement. Il a, en effet, été jugé que "en matière d'exécution forcée, l'instance est virtuellement engagée par l'acte d'exécution, même si la partie contre laquelle cet acte est dirigée saisit le juge d'une action qui constitue une réponse à l'attaque du poursuivant et par conséquence une exception" (13). Certes, un commandement visant la clause résolutoire ne peut pas tout à fait être analysé en une mesure d'exécution forcée. Or, on pouvait envisager qu'un tel acte engagerait une "instance" entendue de manière très large. En tout état de cause, la Haute cour est revenue sur cette assimilation de la notion d'instance et de celle de procédure d'exécution (14).
En matière de bail commercial, la Cour de cassation avait également jugé qu'un preneur agissait non par voie d'action mais par voie d'exception en contestant l'application d'une clause excluant le paiement d'une indemnité d'éviction invoquée par le bailleur qui lui avait donné congé avec refus de renouvellement du bail (15). La solution pourrait s'expliquer par le fait que le congé ouvrirait en quelque sorte une instance dans laquelle le preneur, même s'il avait saisi le tribunal d'une demande en nullité de la clause sur le fondement de laquelle le congé avait été donné, était défendeur. Dans une espèce similaire, et quelques mois plus tard, cette approche a été condamnée, au motif que le preneur n'était pas défendeur puisqu'il avait assigné en nullité de la clause et qu'il ne pouvait en conséquence être considéré qu'il avait agi par voie d'exception (16). La divergence de solutions entre ces deux arrêts pourrait toutefois s'expliquer également par le fait que dans celui du 24 novembre 1999, le preneur n'avait pas seulement assigné en paiement d'une indemnité d'éviction, mais également en nullité de la clause contraire (17). Cependant, la demande de paiement de l'indemnité d'éviction impliquait cette nullité et à ce titre conduire à rejeter l'exception de nullité (18).
L'arrêt rapporté se situe dans la droite ligne de la solution énoncée dans l'arrêt du 24 novembre 1999 : l'acte extrajudiciaire préalable que l'action initiée a pour objet de contester ne place pas celui qui invoque la nullité dans la position de défendeur lui permettant d'échapper à la prescription de son action. Cette conception de la notion d'exception doit être rapprochée de celle retenue, en dehors de la délivrance d'un acte préalable, en matière d'action en révision du loyer sur le fondement des dispositions légales alors que le bail stipulerait une clause contradictoire avec ces dernières. En effet, il a été jugé que la partie qui demande la révision du loyer n'est pas défendeur lorsqu'elle oppose la nullité d'une telle clause, son action impliquant cette nullité (19).
Enfin, il doit être rappelé, toujours dans un sens restrictif de la possibilité d'invoquer me caractère perpétuel de l'exception de nullité, que cette dernière peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté (20).
(1) Cass. civ. 3, 10 mars 2004, n° 02-14.998, Société Sud Loire distribution c/ Société Jardiflor, F-P+B+I (N° Lexbase : A4884DBI) ; Cass. civ. 3, 27 octobre 2004, n° 03-15.769, Société Thalacap c/ SCI Thalamed, FS-P+B (N° Lexbase : A7412DDU), voir nos obs., Liberté contractuelle et renouvellement du bail commercial, Rev. loyers., 2004, n° 852.
(2) Cass. civ. 3, 7 mars 2001, n° 99-18.368, Consorts Cassan c/ Banque nationale de Paris (BNP) (N° Lexbase : A4715AR3).
(3) Cass. civ. 3, 2 juin 1977, n° 76-13.199, Dame Girardot c/ Jullien (N° Lexbase : A7212AG9).
(4) Cass. civ. 3, 15 mai 1991, n° 89-20.847, Société pour la location du centre commercial de la Bourse à c/ Société Vincara (N° Lexbase : A4677AC9).
(5) Cass. civ. 3, 30 janvier 2002, n° 00-15.202, Société civile immobilière (SCI) du Centre commercial Croix Dampierre c/ Société Centre automobile Croix Dampierre (CACD), FS-P+B (N° Lexbase : A8981AXW).
(6) CA Paris, 16ème ch., sect. B, 2 octobre 2008, n° 08/01151, Mme Raymonde Michèle Delsol c/ SAS Naturalia France (N° Lexbase : A9250EAT).
(7) Cass. civ. 3, 1er février 1978, n° 75-15.295, SA Clinique le Rosaire c/ SCI Albazur (N° Lexbase : A7188AGC).
(8) Cass. com., 2 février 2010, n° 09-11.293, M. Jean-Pierre Subra, F-D (N° Lexbase : A7819ERZ).
(9) Cass. civ. 3, 1er février 1983, n° 81-10.317, Société des Bazars du Var c/ Société d'exploitation et de gestion industrielle et commerciale SEGIC (N° Lexbase : A7550AGQ).
(10) Cass. civ. 3, 16 janvier 1991, n° 89-14.633, SA Bys c/ Société UII (N° Lexbase : A8345AG8).
(11) Cass. civ. 3, 28 novembre 2007, n° 06-16.758, société Optic Lachal, FS-P+B (N° Lexbase : A9412DZM) et Cass. civ. 3, 23 janvier 2008, n° 06-19.129, société Bistro Elysées BV et compagnie, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0926D43), sur lequel lire nos obs. in Chronique de l'actualité des baux commerciaux, Lexbase Hebdo n° 304 du 15 mai 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N9061BEC).
(12) Cf. F. Auque, Réforme de la prescription, AJDI 2009, p. 346.
(13) Cass. civ. 3, 30 avril 1974, n° 72-13373, SCI Dingsheim c/ C/ Epoux Wittmann (N° Lexbase : A5415CKR).
(14) Voir, par exemple, Cass. civ. 2, 14 septembre 2006, n° 05-11.230, Mme Solange Connet, FS-P+B (N° Lexbase : A0273DRK).
(15) Cass. civ. 3, 2 juin 1999, n° 97-19.324, Epoux Simon c/ Epoux Toutain (N° Lexbase : A4870AUW).
(16) Cass. civ. 3, 24 novembre 1999, n° 98-12.694, Epoux Simon c/ Epoux Deiber (N° Lexbase : A8710AH3).
(17) Cf. J.-P. Blatter, AJDI, 2000, p. 312.
(18) Cass. civ. 3, 1er février 1983, n° 81-10.317, Société des Bazars du Var c/ Sté d'Exploitation et de Gestion Industrielle et Commerciale SEGIC (N° Lexbase : A7550AGQ) ; Cass. civ. 3, 19 juillet 1984, n° 83-12.355, Compagnie d'Assurances La Populaire c/ Société Primistères (N° Lexbase : A7648AGD).
(19) Cass. civ. 3, 1er février 1983, n° 81-10.317, préc. ; Cass. civ. 3, 19 juillet 1984, n° 83-12.355, préc..
(20) Voir, notamment, Cass. civ. 1, 13 février 2007, n° 05-18.097, Société International Real Returns France (IRRF), FS-P+B (N° Lexbase : A2104DUH), RTDCiv., 2007, p. 585, note P.-Y. Gautier ; Cass. civ. 3, 14 mai 2003, n° 02-10.984, Société civile immobiliere (SCI) Enghien c/ Société Anshindo Paris, FS-P+B (N° Lexbase : A0301B7B).
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par Daniel Faucher, Consultant au Cridon de Paris
Le 07 Octobre 2010
Pour déterminer la part exonérée des indemnités versées au PDG d'une SA qui était également salarié de deux SCEA contrôlées par la même holding de la SA, le juge a fort justement fait masse de la totalité des sommes perçues.
1. Règle générale d'imposition des indemnités de licenciement
L'article 80 duodecies du CGI (N° Lexbase : L3036IGK) exonère d'impôt sur le revenu les indemnités de licenciement à concurrence de leur montant légal ou conventionnel ; ce qui vise les indemnités dues à titre obligatoire par l'employeur à raison d'accords collectifs ou de la législation du travail. En revanche, les indemnités supérieures aux accords collectifs versées en vertu d'un accord d'entreprise ne sont exonérées totalement qu'à hauteur du montant de l'accord collectif. Pour le surplus l'exonération est fixée à 50 % du montant total des indemnités perçues ou, si ce montant est plus élevé, deux fois la rémunération annuelle (instruction du 31 mai 2000, BOI 5 F-8-00, n° 16 N° Lexbase : X6212AAC). La loi prévoit un plafond maximal, soit six fois le plafond annuel de la Sécurité sociale en vigueur à la date du versement.
2. Cumul contrat de travail et mandat social
Lorsque le contribuable exerce au sein d'une même société ou de plusieurs sociétés d'un même groupe à la fois des fonctions de mandataire social et de salarié, les limites définies ci-dessus s'appliquent au montant global perçu au titre de la rupture de l'ensemble de ces fonctions. Il en est de même en cas d'exercice d'une pluralité de mandats sociaux auprès de sociétés d'un même groupe. Aussi, dans ces hypothèses, c'est ce montant global qui doit être comparé au double des rémunérations perçues à la fois au titre du contrat de mandat social et du contrat de travail, l'année civile précédant la rupture de ces contrats, pour, le cas échéant, limiter l'exonération à six fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (instruction du 31 mai 2000, BOI 5 F-8-00, n° 52). C'est cette doctrine qui vient d'être validée par le juge. Au cas particulier, le contribuable avait, à la suite de la cessation de ses fonctions de PDG d'une SA et de salariés de deux SCEA, contrôlées par la même holding que la SA, perçus trois indemnités. Le Conseil d'Etat a énoncé expressément que la cour administrative d'appel avait pu décider "sans entacher son arrêt d'erreur de droit [...] en se référant aux travaux préparatoires de la loi de finances pour 2000, dont est issu l'article 80 duodecies du code, qu'il y avait lieu, pour déterminer la part exonérée des indemnités [...] de faire masse de la totalité des sommes ainsi perçues".
Exemple : le PDG d'une SA exerce des fonctions de mandataire social ainsi que des fonctions techniques, ces dernières étant dans un état de subordination à l'égard de la société, à raison desquelles il a respectivement perçu au titre de l'année civile précédant la rupture de ses contrats de mandat et de travail une rémunération annuelle brute de 120 000 euros et 100 000 euros. L'intéressé perçoit en 2010, dans le cadre d'une transaction conclue suite à sa révocation et à son licenciement, une indemnité d'un montant de 300 000 euros, dont 160 000 euros au titre sa révocation et 140 000 euros au titre de son licenciement.
Le montant global de l'indemnité perçue sera exonéré au cas particulier dans la limite de six fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 207 720 euros. En effet, le double des rémunérations annuelles brutes perçues au titre de l'année civile précédente, soit 440 000 euros, qui est supérieur à 50 % du montant global de l'indemnité (150 000 euros) est limité à 207 720 euros. Le surplus, soit 92 280 euros, est imposable.
La demande de désignation du bénéficiaire de revenus distribués prévue à l'article 117 du CGI (N° Lexbase : L1784HNE) est compatible avec le doit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (CESDH, art. 6 § 1 N° Lexbase : L7558AIR) puisque l'objet de la demande n'est pas d'incriminer la société à laquelle la demande est adressée mais le bénéficiaire effectif de la distribution.
1. Quand l'article 6 § 1 de la CESDH peut être invoqué...
Sur le fondement de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, tout accusé le droit de se taire et de pas contribuer à sa propre incrimination. En effet, ce droit de garder le silence est contenu dans la notion de procès équitable consacré par la Convention. Ce droit de ne pas témoigner contre soi-même est un élément essentiel de l'équité de l'accusation pénale. Ainsi, a-t'il été jugé que l'amende sanctionnant le défaut de réponse du contribuable à qui il était demandé de fournir des documents le concernant était une mesure de contrainte portant atteinte au droit du contribuable de ne pas s'incriminer (CEDH, 3 mai 2001, Req. 31827/96, J. B. c/ Suisse N° Lexbase : A7081AW8).
2. ...exception faite du cas ou l'incrimination vise un tiers.
Les dispositions de l'article 6 § 1 de la CESDH, comme celles de l'article 14 § 3 g du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques (N° Lexbase : L6816BHW), qui prévoit que toute personne accusée d'une infraction pénale a le droit à ne pas témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable, ne s'appliquent pas dans l'hypothèse où la personne contrainte n'est pas celle qui sera redevable de l'impôt. Autrement dit, la dissociation entre la personne à l'encontre de laquelle s'applique l'obligation d'incriminer et celle qui serait dénoncée, ne permet pas d'invoquer les dispositions protectrices des articles précités. Tel est le cas lorsque l'administration exige, en application des dispositions de l'article 117 du CGI, que la société dénonce le bénéficiaire des sommes réputées distribuées sous peine d'une lourde amende. Ces dispositions n'on ni pour effet, ni pour conséquences de contribuer à l'incrimination de la personne morale (TA Versailles, 14 juin 2005, n° 04-3019). En effet, cette dernière ne fait, comme vient de le préciser la cour administrative de Nantes, l'objet a priori d'aucune accusation en matière pénale et ne peut donc éviter, sur la fondement de la CESDH ou du Pacte relatif aux droits civils et politiques, de désigner le bénéficiaire des distributions.
Les associés d'une SCI, dont l'activité est, à la suite d'un contrôle, qualifiée de commerciale, bénéficient de l'avoir fiscal pour leur quote-part de résultats soumis au régime des revenus distribués au lieu et place de celui des revenus fonciers.
1. Avoir fiscal et revenus distribués
Le régime de l'avoir fiscal, supprimé depuis le 1er janvier 2005, bénéficiait aux distributions effectuées par les sociétés de capitaux dont le siège était en France, au profit de personnes physiques ou morales ayant leur domicile en France. Cet avoir fiscal était attaché aux produits distribués par une société à ses associés à titre de dividendes, en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale de ses actionnaires. Cependant, ce régime était écarté pour les bénéfices réputés distribués à la suite d'un redressement portant sur les résultats déclarés par la société distributrice. En effet, l'article 158 bis du CGI (N° Lexbase : L2613HLD) le réservait aux distributions résultant d'une décision régulière des organes compétents de la société.
2. Avoir fiscal et changement de régime fiscal
La question de la revendication de l'avoir fiscal a pu se poser dans deux hypothèses de changement de régime d'une société civile. D'une part, en cas de l'exercice ou de la caducité d'une option (par exemple, la perte du caractère familial d'une SARL de famille qui avait opté pour le régime des sociétés de personnes). D'autre part, lorsque c'est l'administration qui considère que la société civile exerçant une activité commerciale, ses résultats aurait dû être soumis à l'IS. Dans le premier cas, ce sont uniquement les bénéfices réalisés par la société après le changement de régime qui relèvent de l'IS. Leur taxation entre les mains des associés n'intervient que lors de la distribution. Toute différente est la situation de la société dont l'activité est jugée commerciale à la suite d'un contrôle. En effet, la question qui pouvait se poser, au regard de l'avoir fiscal, était de savoir si les associés d'une société civile dont le statut fiscal avait été remis en cause et qui était devenue de ce fait soumise à l'IS, étaient fondés à demander le bénéfice de cet avoir fiscal. C'est cette difficulté qui vient d'être tranchée par les Sages du Palais-Royal. Alors que l'administration refusait aux associés le bénéfice de l'avoir fiscal, les juges ont décidé que ces derniers pouvaient le revendiquer, au motif que le service s'étant borné à remettre en cause le régime fiscal, sans procéder à des rehaussements de résultats, ces derniers ayant été régulièrement réparti entre les associés lors des assemblées générales annuelles.
Seul un acte ayant date certaine permet de prouver que, à la suite de la cession de titres démembrés, les parties ont entendu reporter le démembrement sur des titres acquis en remploi.
1. Cession pour un même prix de la pleine propriété de titres grevé d'usufruit
Sauf stipulation contraire, lorsque les titres cédés, pour un même prix, appartiennent pour l'usufruit à l'un des vendeurs, et pour la nue-propriété à un autre, chacun d'eux a droit à une portion du prix global correspondant à la valeur comparative de l'usufruit et de la nue-propriété. Tel est le principe de répartition énoncé par la Haute juridiction (Cass. civ. 1, 20 octobre 1987, n° 86-13.197, M Carbonneaux c/ Mme Viglieri et autre N° Lexbase : A1914AHD). Dans cette hypothèse, l'opération est susceptible de dégager une plus-value imposable au nom de chaque titulaire des droits démembrés, plus-value égale à la différence entre le prix de cession de leurs droits et leur prix d'acquisition (instruction du 15 juin 2001, BOI 5 C-1-01, fiche 1, n° 5 à 8 N° Lexbase : X6266AAC). En revanche, si usufruitier et nu-propriétaire conviennent du fait que le prix de vente peut être remployé dans l'acquisition d'autres valeurs, elles-mêmes démembrées, la plus-value est imposable au nom du nu-propriétaire (instruction précitée, fiche 1, n° 10).
2. Preuve du remploi
C'est à raison d'un litige sur l'étendue de la plus-value réalisée par une personne qui, détenant 8 578 actions d'une société anonyme, dont il était le président directeur général, avait fait, le 12 octobre 1998, conjointement avec son épouse, donation à leurs trois enfants de 585 actions de cette société en pleine propriété et de 5 199 actions en nue-propriété. En effet, par acte du 13 octobre 1998, les 8 578 actions détenues initialement par le contribuable avaient été cédées en pleine propriété. A la suite d'un examen de la situation fiscale personnelle du donateur, l'administration a constaté qu'il avait seulement déclaré la plus-value de cession des 2 794 actions détenues encore en pleine propriété à la date de la vente. Le service avait ainsi taxé le montant de la plus-value résultant pour le donateur de la cession des 5 199 actions détenues en usufruit à la suite de la donation partage. Pour contester l'imposition de la plus-value de cession des 5 199 actions dont il avait conservé l'usufruit, le donateur avait fait valoir son intention et celle de ses enfants de reproduire le démembrement qui avait affecté la propriété des titres cédés pour celle des titres d'autres sociétés acquis en remploi du prix de cession. C'est pour trancher ce litige que la cour d'appel a, ce qui vient d'être jugé conforme par le Conseil d'Etat, décidé qu'un tel démembrement ne peut être opposé à l'administration fiscale en l'absence d'acte ayant date certaine. Ainsi, bien que, au cas particulier, le prix de vente ait été déposé sur un compte titres ouvert au nom de l'usufruitier et du nu-propriétaire, cette circonstance a été jugée insuffisante pour démontrer le remploi de ce prix et le report du démembrement. Cette décision, rendue pour l'application de l'ancien article 160 du CGI (N° Lexbase : L2652HLS), parait transposable aux articles 150-0 A (N° Lexbase : L2293IGZ) et suivants du CGI.
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Le 07 Octobre 2010
Par un arrêt du 28 janvier 2010, la Cour de cassation a validé un contrat de cession des droits d'utilisation de clichés photographiques qui ne faisait pas l'objet de limite temporelle ou spatiale. En l'espèce, un mannequin avait cédé, moyennant rémunération, ses droits d'utiliser des photographies la représentant et qui avaient été prises lors d'une séance photo en Martinique. Cette cession ne comportait ni limitation de durée ni limitation de lieu et était conclue pour tout usage national ou international, par tous procédés connus ou inconnus et sur tous supports (presse, édition, publicité, etc.). La seule limite prévue au contrat imposait au photographe de veiller à ce que les photographies ne soient pas utilisées dans le cadre d'articles pouvant porter préjudice au modèle. Par la suite, le mannequin avait découvert qu'une société avait acquis une licence d'utilisation desdites photographies à des fins publicitaires et avait utilisé ces images sur internet. Le mannequin estimait que l'autorisation initiale ainsi consentie était illimitée et donc illicite et que la société ayant acquis ces clichés était donc dépourvue de droit à leurs égard. Mais la Cour de cassation a confirmé l'arrêt des juges du fond et rejeté le pourvoi car "la cour d'appel a retenu que [le modèle] avait librement consenti à la reproduction des clichés de son image précisément identifiés, de sorte que l'autorisation ainsi donnée à l'exploitation de celle-ci n'était pas illimitée" (Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, n° 08-70.248, FS-P+B+I N° Lexbase : A7442EQP).
Dans un arrêt du 14 janvier 2009, la Cour de cassation a confirmé une jurisprudence déjà bien établie, jugeant que l'hôtel qui offre à sa clientèle la possibilité de capter dans les chambres des programmes de télévision accomplit un acte de communication au public. Depuis un arrêt du 6 avril 1994, la Cour de cassation considère que l'ensemble des personnes qui occupent à titre privé une chambre individuelle constitue un public. La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) avait approuvé cette solution dans un arrêt du 7 décembre 2006 (CJCE, 7 décembre 2006, aff. C-306/05, Sociedad General de Autores y Editores de España (SGAE) c/ Rafael Hoteles SA N° Lexbase : A8209DST), cité par la Cour de cassation dans son arrêt du 14 janvier. Par conséquent, la Haute juridiction a rejeté le pourvoi dirigé par la société exploitant l'hôtel contre l'arrêt d'appel qui la condamnait à acquitter les redevances dues à la SACEM au titre de la télédiffusion d'oeuvres, notamment musicales (Cass. civ. 1, 14 janvier 2010, n° 08-16.022, F-P+B+I N° Lexbase : A4607EQP).
Dans un arrêt du 17 décembre 2009, la Cour de cassation a précisé le régime de la Convention de Berne du 9 septembre 1886. La société Les Editions Montparnasse avait acquis le 30 juin 2002, de la société Lobster films, un support DVD de l'oeuvre d'Howard Hawks, "His girl Friday" ("la dame du vendredi") adaptée de la pièce "The front page" de Benjamin Hecht et Charles Mac Arthur, produit par les studios Columbia, dont l'enregistrement a été effectué en 1939 aux Etats-Unis. La société Columbia (devenu Gaumont Columbia) prétendait que l'oeuvre était encore protégée en France. La Cour de cassation relève que la Convention de Berne stipule qu'elle "s'applique à toutes les oeuvres qui, au moment de son entrée en vigueur, ne sont pas encore tombées dans le domaine public dans le pays d'origine par l'expiration de la durée de protection" et précise également que la "Convention a vocation à s'appliquer aux oeuvres tombées dans le domaine public pour toute autre cause que l'expiration de la durée de protection". Ce qui est le cas de l'oeuvre "His girl Friday". L'oeuvre en cause, qui était tombée dans le domaine public depuis 1995, bénéficiait donc de la protection de la Convention. Le litige portait sur le fait que le renouvellement n'avait pas été fait de manière formelle. La Cour indique que l'application des dispositions de cette Convention n'est subordonnée à aucune formalité. Cette oeuvre est, par conséquent, protégée en France et son exploitation sous forme vidéographique est soumise à autorisation (Cass. civ. 1, 17 décembre 2009, n° 07-21.115, F-P+B N° Lexbase : A7089EPA).
II - Nouvelles technologies
Le 12 janvier 2010, la commission présidée par Marc Tessier a remis son rapport au ministre de la Culture. Ce rapport aborde la question de la numérisation des livres par la Bibliothèque nationale de France (BNF) et avait été commandé le 21 octobre 2009, à la suite de l'annonce d'un projet de partenariat entre Google et la BNF qui avait suscité de vives critiques. En effet, Google proposait de prendre en charge les opérations de numérisation, en contrepartie de quoi la société devait obtenir une exclusivité sur leur commercialisation et leur indexation par d'autres moteurs de recherche. Le rapport "Tessier" propose, au contraire, un échange de fichiers numérisés, Google disposant d'une vaste base d'ouvrages déjà numérisés. Ce partenariat permettrait en outre de donner de la visibilité à une telle base d'ouvrages francophones.
III - Télécommunication - Commerce
Dans un arrêt du 14 janvier 2010, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) s'est prononcée sur la conformité de la loi allemande à la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs (N° Lexbase : L5072G9Q). La loi allemande interdisait la pratique consistant à conditionner la participation des consommateurs à un jeu promotionnel à l'acquisition d'un bien ou d'un service, indépendamment du point de savoir si la mesure concrète affecte les intérêts des consommateurs. La CJUE rappelle que la Directive procède à une harmonisation concrète et que les Etats membres ne peuvent pas adopter de mesures plus restrictives que celles définies par la Directive, même aux fins d'assurer un niveau de protection plus élevé des consommateurs. La pratique en question ne figurant pas à l'annexe I de la Directive établissant une liste de pratiques réputées déloyales en toutes circonstances et pouvant de ce fait être interdites sans qu'il soit procédé à une appréciation au cas par cas des circonstances de l'espèce, la Cour a conclu à la non-conformité de la loi allemande à la Directive (CJUE, 14 janvier 2010, aff. C-304/08, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus Warenhandelsgesellschaft mbH N° Lexbase : A2663EQP).
La première chambre civile de la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 28 janvier 2010, que la loi n° 81-766 du 10 août 1981, relative au prix unique du livre, dite loi "Lang" (N° Lexbase : L3886H3C), ne s'appliquait pas au prix des partitions musicales. En effet, selon la Cour, cette loi déroge au principe de libre fixation des prix et à l'article L. 442-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L6606AII), puisqu'elle impose aux éditeurs et importateurs de livres un prix de vente minimal au public, et doit, par conséquent, être interprétée de manière stricte. La loi vise le "livre", sans pourtant définir ce que cette notion recouvre et ce qui doit être considéré comme entrant dans son champ d'application. Dans son pourvoi, le syndicat de la Librairie française prétendait que les partitions musicales sont comprises dans la définition du livre au sens de la loi "Lang", que cette interprétation était conforme à la volonté du législateur et enfin que le principe d'interprétation stricte de la loi pénale n'a pas vocation à s'appliquer à cette disposition. Cependant, la Cour de cassation a confirmé la position de la cour d'appel de Douai qui avait considéré, dans un arrêt du 7 mai 2008, que l'esprit de la loi était basé sur le fait que les vendeurs de partitions musicales ne subissent pas la concurrence de la grande distribution et que l'inclusion de ces partitions dans l'objet de la loi "Lang" ne présentait aucun intérêt du point de vue de la distribution de ce produit culturel pour le consommateur. Dans ces conditions, il convenait de procéder à une interprétation stricte de cette loi, ce qu'imposaient tant la loi pénale que les dérogations au principe de la liberté des prix, et de déduire, par conséquent, du silence de la loi, "que celle-ci ne s'applique pas à la situation particulière des partitions musicales qui ne sont pas essentiellement destinées à être regardées et qui ne peuvent être lues en tant que texte littéraire" (Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, n° 08-70.026, FS-P+B+I N° Lexbase : A7441EQN).
Dans un arrêt remarqué du 14 janvier 2010, la Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 juin 2006 (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 7 juin 2006, n° 05/07835, SA Tiscali c/ SA Dargaud Lombard N° Lexbase : A6632DR3), qui avait qualifié le fournisseur d'accès à internet Tiscali d'éditeur pour son service d'hébergement de pages web. Les éditeurs, à l'inverse des hébergeurs, ne bénéficient pas du régime de responsabilité limitée prévu par la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 N° Lexbase : L2600DZC dite "LCEN"). Cet arrêt vient remettre en cause une série de nombreuses décisions émanant de divers tribunaux de grande instance et de cours d'appel qui avaient appliqué la qualification d'hébergeur pour ce type de service. La Cour s'est ici livrée à une analyse économique puisqu'elle retient que la société Tiscali permet à "l'internaute de créer ses pages personnelles à partir de son site et propose aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assure la gestion". Ces constations l'amènent à conclure que "les services fournis excédent les simples fonctions techniques de stockage". Tiscali est donc responsable des contrefaçons opérées sur les pages web qu'elle héberge. Cet arrêt a toutefois été rendu au visa de l'article 43-9 de la loi du 30 septembre 1986 (loi n° 86-1067 N° Lexbase : L7722BG4), dont les dispositions sont très proches de celles de la "LCEN". Il faudra donc attendre de nouvelles décisions pour connaître la position définitive de la Cour de cassation. Cette décision fait l'objet de nombreuses critiques puisque le critère de l'exploitation commerciale n'est pas un cas d'exclusion du bénéfice de l'exonération de responsabilité des hébergeurs prévu par la loi de 1986, la "LCEN" ou par la Directive du 8 juin 2000 dite "commerce électronique". Bien au contraire, ces lois, comme la Directive, font bénéficier du statut d'hébergeur les personnes "physiques ou morales" qui assurent leur prestation de stockage "à titre gratuit ou onéreux". De même, la "LCEN" n'envisage la responsabilité éventuelle des hébergeurs qu'à raison des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de leurs services. Il n'est donc pas certain que la Cour de cassation maintienne le critère de l'exploitation publicitaire du site pour des hypothèses relevant de la "LCEN". En plus de ce critère, la Cour retient celui de la fonctionnalité technique. Pour la Cour, l'intermédiaire dépasse sa fonction de stockage parce qu'il structure et intervient sur la présentation du contenu en proposant à l'internaute des pages contenant des cases prédéfinies. Il faudra donc que la Cour de cassation précise si ces deux critères sont cumulatifs ou alternatifs. Sur ce point également, la Cour va à l'encontre de nombreuses décisions de juges du fond qui avaient finalement abandonné ce critère (Cass. civ. 1, 14 janvier 2010, n° 06-18.855, FS-P+B N° Lexbase : A2918EQ7).
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 décembre 2009 a condamné une société pour publicité mensongère et de nature à induire en erreur, au motif que cette société faisait figurer sur son site internet certaines affirmations de nature à induire en erreur un consommateur. En effet, la société indiquait qu'un nouveau procédé de fabrication de murs végétaux lui appartenait, ce qui laissait penser qu'elle était propriétaire du procédé dans son entier et créait donc un risque de confusion dans l'esprit du lecteur. Se fondant sur l'article L. 121-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2457IBM) qui dispose, notamment, qu'une pratique commerciale est trompeuse "lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur" la Cour a ordonné la suppression de ces affirmations et l'insertion de l'ordonnance à intervenir sur le site internet de la société en question pendant un an (Cass. civ. 2, 17 décembre 2009, n° 09-11.847, F-P+B N° Lexbase : A7257EPH).
Le 14 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Paris a retenu la qualification d'hébergeur de la société eBay et écarté sa faute, dans un litige l'opposant à un particulier qui avait été victime de la fraude d'un vendeur, pour l'achat d'une voiture. Le tribunal a estimé "qu'à l'évidence, en l'espèce, eBay a un statut d'hébergeur en ce qu'elle n'intervient pas dans les ventes réalisées sur le site mais seulement pour des prestations de courtage c'est-à-dire simplement en qualité d'intermédiaire" et qu'elle n'était en conséquence pas tenue de veiller à la régularité des offres présentées via son site internet. Dès lors, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre d'eBay. Le tribunal a constaté qu'eBay a, par la mise en place d'un système d'information des utilisateurs du site sur les précautions à prendre lors de leurs achats, "satisfait aux obligations lui incombant", et précise que "de leur côté, les utilisateurs d'un site se doivent d'observer un minimum de prudence". Le tribunal a pris en compte dans sa décision le comportement négligent de l'acheteur, qui avait notamment effectué son règlement par l'intermédiaire de Western Union et donné ses coordonnées au fraudeur, alors même qu'eBay recommande expressément de ne jamais payer avec Western Union ou d'autres services de transfert d'argent immédiat (TGI de Paris, 5ème ch., 2ème sect., 14 janvier 2010, Patrick M. c/ eBay France et autres).
Par une ordonnance de référé en date du 10 décembre 2009, le président du tribunal de commerce de Nanterre a condamné la société Canal + Distribution pour concurrence déloyale et lui a ordonné de mettre fin au dispositif technique qui provoquait l'allumage systématique des décodeurs Canalsat sur la chaine iTélé. La société BFM TV, filiale du groupe NextRadioTV avait assigné Canal + en concurrence déloyale et souhaitait le retour à l'ancien système selon lequel le décodeur s'allume sur la dernière chaîne visionnée par le téléspectateur ou sur la mosaïque des programmes. Dans un communiqué, le groupe Canal + a annoncé son intention de faire appel de cette décision au nom de "sa simple liberté commerciale" et du fait que "les promotions croisées au sein d'un même groupe sont une pratique courante, en particulier dans le secteur des médias et que le groupe NextRadio TV y recourt de manière massive et systématique" (T. com. Nanterre, 10 décembre 2009, aff. n° 2009R02084, SAS BFM TV c/ Société Canal + Distribution N° Lexbase : A5523EPA).
La Commission européenne a ouvert, le 28 janvier dernier, une procédure d'infraction contre la France relative à la "taxe télécom". L'organe exécutif européen explique dans un communiqué que "pour compenser la fin de la publicité sur les chaînes de télévision publiques, la France a introduit une taxe spécifique sur le chiffre d'affaires des opérateurs de télécommunications dans le cadre de leur licence pour fournir des services de télécommunications (y compris les services internet et téléphonie mobile)". La Commission estime qu'en réalité, cette taxe constitue une charge administrative qui est incompatible avec le droit européen. Cette taxe est due par les opérateurs de télécommunications qui, conformément au droit français des télécommunications, fournissent un service en France et qui ont fait l'objet d'une déclaration préalable à l'ARCEP. Selon les règles européennes, une taxe administrative perçue dans ce contexte ne peut couvrir que certains coûts déterminés (portant principalement sur l'octroi de licences). Le porte-parole de la Commission a indiqué que "le droit européen interdit à tout pays d'imposer une taxe sur les opérateurs de télécoms au seul motif qu'ils fournissent des services de télécommunications ; et encore moins pour subventionner leurs concurrents". Le Gouvernement français a deux mois pour répondre à la lettre de mise en demeure de la Commission. Si la Commission ne reçoit aucune réponse, ou si les observations présentées par le gouvernement français ne sont pas satisfaisantes, la Commission pourra émettre un avis motivé. Si, après cela, la France ne parvient toujours pas à satisfaire aux obligations qui lui incombent en vertu de la législation européenne, la Commission peut renvoyer l'affaire devant la Cour de justice de l'Union européenne. Les recettes annuelles de la nouvelle taxe pour le Trésor sont estimées à 400 millions d'euros.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a adopté, le 15 décembre 2009, un projet de délibération destiné à fixer les règles applicables au placement de produit. Le futur texte, qui participe à la transposition en droit français de la Directive européenne "Services de médias audiovisuels", définit le placement de produit comme le fait de montrer dans un programme un produit, un service ou une marque, moyennant un paiement ou une autre contrepartie de l'annonceur. Si le projet est adopté, le placement ne sera autorisé que dans les oeuvres cinématographiques, les fictions audiovisuelles et les vidéo-musiques. Il ne pourra influencer le contenu et la programmation des émissions d'une façon portant atteinte à la responsabilité et à l'indépendance éditoriale des chaînes. Les produits dont la publicité est interdite ou encadrée pour des raisons de santé ou de sécurité publique, tels que l'alcool, le tabac, les médicaments ou les armes à feu, ne pourront faire l'objet d'un placement. Enfin, les téléspectateurs seront informés de l'existence d'un placement de produit par l'insertion d'un pictogramme au début de l'émission concernée, après chaque interruption publicitaire et pendant le générique de fin. Les chaînes de télévision doivent se prononcer prochainement sur ce projet de délibération en vue de son adoption définitive.
IV - Informatique et libertés
Le 19 janvier 2010, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Carrefour contre la société Coopérative groupements d'achats des Centres Leclerc (la société Galec). En mai 2006, la société Galec avait ouvert un site internet, hébergé par la société Colt Télécommunications, ayant pour objet la comparaison des prix pratiqués par les grandes enseignes de la distribution pour la vente de nombreux produits. La société Carrefour avait tout d'abord demandé en référé la suspension de l'exploitation et de l'édition de ce site, compte tenu du caractère prétendument non vérifiable des paramètres de la comparaison. Puis, à la suite de l'ouverture d'un nouveau site de comparateur de prix en 2007, la société Carrefour avait assigné au fond les sociétés Galec et Colt pour faire cesser la diffusion de ce site et demander réparation du préjudice prétendument subi. La société Carrefour considérait que les versions successives de celui-ci contrevenaient aux règles de la publicité comparative. Par un arrêt du 18 juin 2008, la cour d'appel de Paris avait estimé qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la société Galec du fait de la publicité comparative qu'elle avait mise en oeuvre et qu'"aucun fait de concurrence déloyale" ne pouvait être retenu à son encontre. La Cour de cassation confirme donc cette solution en retenant que "la totalité des relevés de prix en rayons, leur contrôle, leur enregistrement et leur mise en ligne sur le site litigieux ont été effectués par des opérateurs indépendants de l'annonceur, dont la compétence et le sérieux ont nullement été mis en doute par la société Carrefour". De même, la Cour estime que les éléments présentés par Carrefour, dont des constats d'huissier des tickets de caisses et un échantillonnage des prix des produits proposés par Carrefour, ne "présentent, en tout état de cause, aucun caractère démonstratif déterminant" (Cass. com., 19 janvier 2010, n° 08-19.814, F-D N° Lexbase : A4639EQU).
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par Anne Lebescond, Journaliste juridique
Le 07 Octobre 2010
Et bien entendu, sur un sujet aussi délicat, personne ne s'entend, aussi bien sur la conformité du régime actuel vis-à-vis des exigences européennes (I), que sur le nouveau dispositif à mettre en place (II).
I - Divergences sur la conformité de la procédure aux exigences européennes
Les divergences d'interprétation des arrêts de la CEDH (B) sont si profondes, qu'il est difficile de déterminer objectivement, si le régime actuel de la garde à vue en France est conforme aux exigences posées par le juge européen (A).
A - Bref rappel du régime actuel de la garde à vue et contenu des exigences européennes
Régime actuel. L'article 63 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7288A4P) dispose que "l'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction", ceci, dès l'âge de 13 ans. La mesure a une durée de 24 heures, qui peut être prolongée à 48 heures, voire, exceptionnellement (pour des infractions de crime organisé et de trafic de stupéfiant), à 96 heures et jusqu'à 6 jours pour certaines affaires de terrorisme.
Celui qui fait l'objet de cette procédure doit obligatoirement être informé de ses droits :
- dans les 3 premières heures de la mesure, il est autorisé à faire prévenir un proche de sa situation, sauf dérogation liée aux nécessités de l'enquête ;
- dès les 24 premières heures, il peut, également, demander à être examiné par un médecin ; et
- surtout, dès le début de la garde à vue, il peut demander à s'entretenir avec un avocat pendant 30 minutes au plus.
Mais, si le texte indique quand le mis en cause peut requérir cette assistance, il n'indique pas dans quel délai cet entretien doit voir lieu. L'avocat, en outre, n'assiste pas aux interrogatoires et n'a aucun accès au dossier.
La jurisprudence européenne. Par une jurisprudence constante, encore réaffirmée récemment, la CEDH décide :
- que la combinaison de l'article 6 § 3 c) (droit à l'assistance d'un avocat) et de l'article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH) (N° Lexbase : L7558AIR) exige que l'accès à un avocat, au besoin commis d'office, soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, le défaut d'assistance par un avocat aux premiers stades de son interrogatoire portant irréversiblement atteinte aux droits de la défense et amoindrissant les chances pour l'accusé d'être jugé équitablement (CEDH, 27 novembre 2008, Req. 36391/02, Salduz c/ Turquie N° Lexbase : A3220EPX et CEDH, 24 septembre 2009, Req. n° 7025/04, Pishchalnikov c/ Russie N° Lexbase : A4246EPX) ; et
- que l'équité d'une procédure requiert que l'accusé, dès qu'il est privé de liberté, puisse obtenir toute la gamme d'interventions propres au conseil, dont l'assistance d'un avocat (CEDH, 1er décembre 2009, Req. 25301/04, Adalmis et Kilic c/ Turquie N° Lexbase : A2901EP7).
B - Les différences d'interprétation des arrêts de la CEDH
Les avocats et la Chancellerie ont adopté des interprétations opposées des arrêts de la CEDH. La jurisprudence, quant à elle, n'a pas encore complètement pris parti.
L'interprétation des avocats. Les avocats, et plus généralement, les opposants au système français de la garde à vue, s'appuient sur les arrêts de la Cour européenne pour dénoncer les défaillances du régime. Ils comprennent de ces décisions que l'avocat doit être présent au tout début de la mesure et tout son long et qu'ils doivent, également, avoir un accès permanent au dossier.
Mais, si la revendication est légitime, elle n'est, toutefois, pas pour autant la résultante des décisions du juge européen, comme nous l'avait souligné Jean-Yves Le Borgne, Vice-Bâtonnier de Paris (1), qui conseillait de "rester prudent et ne pas interpréter trop hâtivement les décisions rendues par la CEDH".
Il faut, en effet, se rappeler que cette décision a été rendue dans un cas extrême, incomparable avec ce que nous connaissons. En outre, si les juges européens imposent l'intervention d'un avocat dès le début de la mesure, ils ne précisent pas que celui -ci doit assister à l'ensemble de celle-ci, ni qu'il doit accéder, à tout moment, au dossier du gardé à vue.
Cette constatation n'aura pas échappé au Gouvernement.
L'interprétation de la Chancellerie. Dans une note diffusée en novembre 2009, intitulée Argumentaire sur l'absence de l'avocat en garde à vue - conséquences procédurales, le ministère de la Justice note que la Cour a conclu à la violation de l'article 6 de la CESDH, dans un cas où l'assistance de l'avocat était exclue, eu égard à la législation turque en vigueur. Ainsi, l'arrêt n'impose, ni une présence continue de ce professionnel, ni un accès au dossier. La note souligne, en outre, qu'en France, l'avocat est, non seulement, autorisé à intervenir dans la procédure, mais, qu'en plus, il peut le faire avant même le premier interrogatoire.
Le Garde des Sceaux insiste aussi sur le fait que la Cour admette l'invocation de "raisons impérieuses" pour justifier l'aménagement de régimes dérogatoires (celui prévu, en l'espèce, pour les infractions les plus graves). Enfin, au regard de la jurisprudence européenne, l'article 6 ne serait pas violé, dès lors que le mis en cause n'est pas condamné sur les seules déclarations qu'il aurait formulées au cours de la garde à vue.
L'interprétation de la jurisprudence. Bien qu'elle semble majoritairement adhérer à la première interprétation, certaines décisions récentes indiquent que la jurisprudence n'a pas encore tranché complètement la question.
Les opposants au dispositif actuel étaient optimistes, à la suite de la décision du juge des libertés et de la détention du TGI de Bobigny du 30 novembre 2009 (TGI Bobigny, 30 novembre 2009, n° 2568/09 N° Lexbase : A4238EPN). Le JLD a annulé une procédure de garde à vue pour défaut d'assistance d'un avocat durant l'interrogatoire, au cours de l'audition, ainsi qu'au début de la privation de liberté, sur le fondement des arrêts de la CEDH, dont certains passages ont été cités in extenso : "il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, lorsque les déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation".
La victoire semblait, ensuite, remportée, eu égard à la décision du tribunal correctionnel de Paris du 28 janvier 2010, qui a annulé cinq gardes à vue, au motif que "cet entretien de trente minutes ne correspond manifestement pas aux exigences européennes, l'avocat ne [pouvant] remplir les différentes tâches qui sont le propre de son métier et dont quelques unes sont rappelées et énumérées par les arrêts de la Cour européenne". Il lui est, notamment, "impossible de 'discuter de l'affaire' dont il ne sait rien [...] et 'd'organiser la défense' dans la mesure où il ignore quels sont les 'raisons plausibles' de soupçons retenus par l'officier de police judiciaire pour décider de la garde à vue". Il serait, ainsi, cantonné au rôle "de spectateur impuissant".
En province, satisfaction était également obtenue. Notamment, le 19 janvier dernier, la cour d'appel de Nancy écartait des débats les procès-verbaux de garde à vue, au motif que les suspects n'avaient pu voir un avocat avant la 72ème heure de leur audition, comme le prévoit le Code de procédure pénale en matière de stupéfiants. La Haute juridiction aura à se prononcer sur l'affaire, le Parquet s'étant pourvu en cassation (CA Nancy, 4ème ch., 19 janvier 2010, n° 09/01766 N° Lexbase : A7916EQA).
Depuis, l'enthousiasme est retombé. La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 9 février 2010 et relatif au trafic de stupéfiant (CA Paris, Pôle 7, 5ème ch., 9 février 2010, n° 20100209 N° Lexbase : A8992ERH), a validé une mesure de garde à vue de 72 heures, alors que le mis en cause n'avait pas eu accès à un avocat. Pour motiver leur décision, les juges ont repris les arguments de la Chancellerie pour retenir que l'infraction de trafic de stupéfiant est suffisamment grave pour justifier l'exclusion de l'avocat.
Tant que la Cour de cassation n'aura pas pris position sur la conformité de la procédure de garde à vue avec les exigences européennes, la question ne sera pas tranchée en interne. Néanmoins, tous s'accordent sur la nécessité de réformer le dispositif. Mais là encore, les pistes explorées par chacun sont très différentes.
II - Divergences sur le régime à mettre en place
Alors que les députés et la profession des avocats prêchent pour une totale remise à plat du régime (B), la Chancellerie tablerait, plutôt, sur une réforme partielle (A).
A - Les réflexions du Gouvernement depuis le rapport "Léger"
Le rapport "Léger" rejetait l'idée que l'avocat soit présent tout au long de la garde à vue, pour des raisons d'efficacité de l'enquête. L'accès de l'avocat aux pièces du dossier était, en outre, considéré comme irréalisable en pratique (le dossier ne pouvant être matériellement constitué qu'à l'issue de la garde à vue). La solution préconisée consistait, donc, en une intervention de l'avocat au début de la mesure, pour un entretien d'une demi-heure, et la possibilité pour lui de rencontrer une seconde fois son client à la 12ème heure de la procédure, avec un accès au dossier. En cas de prolongation de la mesure au-delà de 24 heures, l'avocat pourrait être présent aux auditions. Le rapport avançait, enfin, l'idée d'une alternative, récemment exploitée par le Garde des Sceaux.
Le 10 février dernier, Michèle Alliot-Marie a, en effet, proposé, pour les infractions mineures (a priori celles punissables d'une peine d'emprisonnement inférieure à 5 ans), une "retenue judiciaire" de 4 heures, mesure qui devrait réduire le nombre des gardes à vues. Au cours de cette nouvelle procédure, la personne interpellée pourra "être entendue librement", mais sans avocat. Elle pourra, toutefois, préférer être entendue sous le régime de la garde à vue et dans ce cas, bénéficier de tous les droits y afférents, dont celui de recourir à cette assistance. Sur ce point, le ministre de la Justice indique que l'avocat pourra recevoir une copie des procès-verbaux d'audition au fur et à mesure qu'ils seront réalisés et, si la garde à vue est prolongée, qu'il pourra assister aux auditions et poser des questions.
Les avocats et une majorité des députés n'ont, bien entendu, pas été séduits par ces solutions, dont ils voient mal comment elles seraient susceptibles de régler quoique soit. Elles verrouilleraient, au contraire, l'exclusion de l'avocat.
B - Des propositions jugées insuffisantes
Depuis l'origine du débat, les avocats demandent à être présents dès le début de la garde à vue et tout au long de son déroulement (en ce compris, les interrogatoires). Ils revendiquent, également, un accès permanent aux pièces du dossier. Outre ces minimas, le CNB revendique la possibilité pour l'avocat de solliciter des actes pendant la garde à vue (sous le contrôle d'un juge du siège), l'enregistrement audiovisuel de toutes les gardes à vue, ainsi qu'une unification des régimes.
Ces exigences ont été entendues par les députés. Plusieurs propositions de loi ont, déjà, été déposées en ce sens sur le bureau de l'Assemblée nationale, dont celles des députés UMP et avocats Manuel Aeschlimann et Michel Hunault, déposées le 11 décembre 2009 (2), et celle des Verts, présentée par Noël Mamère le 10 février dernier et qui devrait être débattue en avril. Les socialistes ont, quant à eux, annoncé retenir la proposition du député André Vallini, qui devrait être examinée le 24 février prochain et qui comporte un unique article : "toute personne placée en garde à vue doit immédiatement faire l'objet d'une audition, assistée d'un avocat si elle en fait la demande. Son audition est alors différée jusqu'à l'arrivée de l'avocat", précision faite que la mesure ne sera admise que pour les infractions donnant lieu à des peines de prison de plus de cinq ans.
(1) Lire Révolution intellectuelle au sommet du plus grand Barreau de France - Questions à Maître Jean Castelain, Bâtonnier de l'ordre de la cour d'appel de Paris, et Maître Jean-Yves Leborgne, vice-Bâtonnier, Lexbase Hebdo n° 13 du 7 janvier 2010 - édition professions (N° Lexbase : N9369BMX).
(2) Cf. Présence de l'avocat lors de la garde à vue - Questions à Maître Fabrice Orlandi, avocat et Président de l'association Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat, Lexbase Hebdo n° 12 du 17 décembre 2009 - édition professions (N° Lexbase : N6068BMP).
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Le 07 Octobre 2010
- Formation préalable du 22 mars 2010 : le document unique, évaluer et prévenir les risques professionnels
Objectifs de la formation : clarifier les enjeux liés à la prévention des risques professionnels ; maîtriser le cadre réglementaire de mise en place et d'actualisation du document unique ; analyser les conditions d'exposition aux risques ; les méthodes clés pour engager et suivre la démarche.
Formation animée par Pascale Mercieca, Responsable du projet Prévention des risques des salariés, Anact
- Conférence du 23 mars 2010 : Anticiper les dernières réformes et évolutions réglementaires, agir sur les leviers organisationnels pour mettre en place une politique de prévention efficace et prendre en compte les enjeux de la santé au travail dans le contexte de restructuration et de recherche de performance
- Formation complémentaire du 24 mars 2010 : répondre aux exigences de prévention des risques psychosociaux au travail
Objectifs de la formation ; faire le point sur ce que recouvrent exactement les risques psychosociaux, comment les évaluer ; identifier les actions de prévention adaptées à votre environnement ; cerner les dernières exigences réglementaires, les sanctions encourues ; et identifier la façon d'engager un véritable plan d'action.
Formation animée par Anne Cremades, Directrice Opérationnelle, Psya - Prévention et gestion des risques psychosociaux
Pour plus d'informations, voir le programme détaillé
Xavier Darcos, Ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville
Muriel Pénicaud, Directrice générale des ressources humaines, Groupe Danone, missionnée par le Gouvernement dans la prévention du stress
Thomas Chaudron, Président directeur général, Mécanalu, ancien président, Centre des jeunes dirigeants d'entreprise
Pascale Mercieca, responsable du projet prévention des risques des salariés, Anact
Maître Michel Ledoux, Avocat associé, spécialiste en droit social et droit de la Sécurité sociale, Cabinet Michel Ledoux et associés
Jean-Marie Gobbi, Président, Psya
Jean-Michel Guibert, Délégué éthique, EDF
Marcial Bouvin, Responsable sécurité et ergonomie, 3M France
Philippe Lamblin, DRH et communication interne, Groupe Sofiproteol
Denis Monneuse, sociologue et chargé de projets risques psychosociaux et absentéisme, Entreprise & personnel
Jean-Christophe Sciberras, DRH et Directeur des relations sociales Europe, Rhodia
Denis Martin, DRH, PSA Peugeot Citroën
Bernard Ollivier, Directeur des Etablissements ingénierie France, Renault
Marie-Pierre Bouhris, Responsable ressources humaines, Groupe Intermarché
Brigitte Le Lin, Préventeur santé, Le moulin de la marche, Groupe Intermarché
Claude-Emmanuel Triomphe, Coordinateur du projet européen Hirès, Directeur de la publication, Metis correspondances européennes du travail
22, 23 et 24 mars 2010
9h00-17h30
Accueil des participants à partir de 8h30
Tarifs/Inscription
- Formation préalable du 22 mars 2010, Le document unique, évaluer et prévenir les risques professionnels : 950 euros HT (1 136,20 euros TTC)
- Conférence du 23 mars 2010 : 950 euros HT (1 136,20 euros TTC)
- Formation Complémentaire du 24 mars 2010 : 950 euros HT (1 136,20 euros TTC)
- Conférence + formation préalable : 1 495 euros HT (1 788,02 euros TTC)
- Conférence + formation complémentaire : 1 495 euros HT (1 788,02 euros TTC)
- Formation préalable + formation complémentaire : 1 495 euros HT (1 788,02 euros TTC)
- Conférence + formation préalable + formation complémentaire : 1 990 euros HT (2 380,04 euros TTC)
- Tarifs spéciaux PME (entreprises de moins de 250 salariés), nous consulter.
Pauline Dupré
Chef de Projet Conférence
L'Usine nouvelle
Tél. : 01 77 92 93 01
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