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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Pourtant, le tribunal de grande instance de Paris, par une décision rendue le 24 juin 2008, avait débouté partiellement l'association de consommateurs UFC - Que Choisir dans un litige l'opposant à la société Darty et relatif à de la vente liée. L'association dénonçait, comme contraire à l'article L. 122-1 du Code de la consommation, la pratique opérée par l'enseigne Darty consistant à vendre des ordinateurs équipés de logiciels d'exploitations. Cette pratique aurait empêché le consommateur, d'une part, de choisir le logiciel de son choix et, d'autre part, de connaître le prix du logiciel vendu afin de pouvoir le comparer avec d'autres. Dans sa décision, si le tribunal n'imposa pas la vente de PC nus, il accéda à la demande des consommateurs de distinguer les tarifs du matériel de l'offre des logiciels.
L'affaire a fait grand bruit puisque, quelques temps après, Luc Chatel, secrétaire d'Etat à la Consommation, s'était exprimé lors du Forum mondial du Libre, sur la vente liée dans le secteur informatique. Selon lui, dès début 2009, l'affichage du coût des logiciels et la vente découplée entre l'ordinateur et ses logiciels préinstallés devait être expérimentés. Le secrétaire d'Etat à la consommation faisait, ainsi, volte-face en se déclarant hostile à la vente liée, quelques jours après y avoir été favorable.
Ah ! Les enchantements médiatiques de Circée...
Finalement l'Europe s'est emparée de la question et, à l'issue d'une enquête ouverte à la suite d'une plainte de l'éditeur norvégien Opera Software, Microsoft a reçu une lettre de griefs de la part de la Commission européenne, relative à la vente liée entre Internet Explorer et Windows qui contreviendrait au droit communautaire relatif à l'abus de position dominante.
Et les vents les poussèrent vers Ismare, la cité des Cicones...
Mais, pour revenir à la jurisprudence française, pourquoi, à s'en tenir à l'actualité la plus récente, le tribunal de commerce de Paris a-t-il sanctionné le 23 février 2009 l'opérateur de communications électroniques France Télécom pour vente subordonnée ; les juges considérant que "l'offre Orange Foot en ce qu'elle conditionn[ait ] l'abonnement à la chaîne Orange Foot à un abonnement internet Orange, constitu[ait] une vente subordonnée". Selon le tribunal, l'offre Orange Foot privait, ainsi, le consommateur de sa liberté de contracter. Mal lui en a pris, puisque la cour d'appel de Paris s'empressait d'infirmer cette décision le 14 mai 2009 ; selon la cour d'appel, "le fait que l'accès à la chaîne Orange Sports soit associé exclusivement à l'offre ADSL d'Orange [n']altère [pas] de façon significative sa liberté de choix à l'égard des offres ADSL [...]" (cf. le Bulletin d'actualités DLA Piper - Département Intellectual Property and Technology (IPT) - Mai 2009, publié la semaine prochaine).
Telle Pénélope, la jurisprudence défaisait le soir ce qu'elle avait tissé la journée...
Mais, c'est alors que la parole communautaire tonna : par un arrêt rendu le 23 avril 2009 par la Cour de justice des Communautés européennes, sur lequel revient cette semaine Malo Depincé, Maître de conférences à l'Université de Montpellier I, Avocat au Barreau de Montpellier, il est dit pour droit que la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, s'oppose à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d'espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur. En l'espèce, la Cour relève que les offres conjointes constituent des actes commerciaux s'inscrivant clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d'un opérateur et visant directement à la promotion et à l'écoulement des ventes de celui-ci. Il s'ensuit qu'elles constituent bien des pratiques commerciales au sens de la Directive et relèvent, en conséquence, du champ d'application de celle-ci. Ensuite, la Cour rappelle que la Directive procède à une harmonisation complète, au niveau communautaire, des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales. Dès lors, les Etats membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par la Directive, même aux fins d'assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs. Or, à cet égard, force est de constater que, en établissant une présomption d'illégalité des offres conjointes, une règlementation nationale telle que celle en cause ne répond pas aux exigences posées par la Directive. Ainsi, les ventes liées ou offres conjointes ne sont pas vouées aux gémonies, il faut distinguer et placer le curseur de la déloyauté (cf. Offres conjointes : la CJCE lance un pavé dans la mare, par Laurence Neuer, Le Point.fr du 27 avril 2009). Tout simplement, il s'agira de déterminer si la pratique commerciale, légale par nature, bénéficie, in fine, au consommateur ou non. L'intérêt du consommateur semble ainsi le seul critère permettant de conclure à la légalité ou à l'illégalité de la vente liée ou offre conjointe. Le pouvoir souverain d'appréciation des juges ne pourra que s'en porter garant...
Et Polyphème de recouvrir son unique oeil, après qu'il eut été crevé par un pieu !
"Ce n'est pas assez de faire des pas qui doivent un jour conduire au but, chaque pas doit être lui-même un but en même temps qu'il nous porte en avant" (Johann Wolfgang von Goethe, extrait de Conversation).
* Joachim Du Bellay, Les Regrets
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Réf. : Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (N° Lexbase : L1612IEG)
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N6426BK9
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 07 Octobre 2010
La présente loi comprend donc un volet important consacré aux collectivités territoriales, concernant, à la fois les moyens octroyés à ces collectivités (I), et les règles de fonctionnement des institutions locales (II). Elle entame enfin partiellement la refonte d'autres domaines, tels le droit électoral et le droit de l'urbanisme (III). L'on peut signaler que le texte contient, par ailleurs, des mesures d'allègements des procédures en faveur des citoyens et usagers, ainsi que celles relatives au droit commercial, et aux pouvoirs du bâtonnier, en matière de profession du droit (3).
I - Une simplification des règles juridiques concernant les moyens financiers et matériels des collectivités territoriales
Dorénavant, tout groupement ou toute association, oeuvre ou entreprise ayant reçu une subvention ne peut en octroyer une partie ou la totalité à d'autres associations, oeuvres ou entreprises, sauf lorsque cela est expressément prévu dans la convention conclue entre la collectivité territoriale et l'organisme subventionné (CGCT, art. L. 1611-4, al. 2 N° Lexbase : L2020IEK). En outre, les modalités de mise à disposition gratuite du domaine public aux associations à but non lucratif sont simplifiées, l'assemblée n'ayant plus à intervenir sur les conditions de la mise à disposition. Les règles de financement des abattoirs publics seront modernisées à partir du 1er janvier 2010 par l'instauration d'une redevance unique (CGCT, art. L. 2333-1 N° Lexbase : L8181AAA).
Les dispositions relatives aux comptables des collectivités territoriales ont, également, subi quelques modifications. Auparavant, la loi indiquait simplement que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif était adressé aux redevables sous pli simple. Désormais, en application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0380AIW), le titre de recettes individuel, ou l'extrait du titre de recettes collectif, doit mentionner les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis, ainsi que les voies et délais de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation (CGCT, art. L. 1617-5 N° Lexbase : L2336IEA). L'on peut, également, signaler que l'ordonnance n° 2005-1027 du 26 août 2005, relative à la simplification et à l'amélioration des règles budgétaires et comptables applicables aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux établissements publics locaux qui leur sont rattachés (N° Lexbase : L8322HBT), est finalement ratifiée par la loi du 12 mai 2009.
L'effort de simplification du droit collectivités territoriales a, également, porté sur les moyens humains de ces collectivités. La présente loi s'attache principalement à réformer les dispositions applicables à la police municipale (4). Inséré par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité (N° Lexbase : L0641A37), le cinquième alinéa de l'article L. 2212-5 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2186IEP) autorise les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à recruter un ou plusieurs agents de police municipale, en vue de les mettre à la disposition de l'ensemble des communes de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Cette décision est prise après délibération des deux tiers, au moins, des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou de la moitié, au moins, des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population.
La loi du 12 mai 2009 supprime la disposition plaçant les agents recrutés par un EPCI à fiscalité propre sous l'autorité du maire de la commune sur le territoire de laquelle ils exerçaient leurs missions. Un maire peut, désormais, conclure une convention de coordination avec le président de l'EPCI, et, le cas échéant, avec le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'un service de police municipale compte moins de cinq emplois d'agent. Lorsque les agents de police municipale sont mis à disposition de plusieurs communes par un EPCI, une convention intercommunale de coordination peut être conclue à la demande de l'ensemble des maires concernés, en substitution à la convention précitée (CGCT, art. L. 2212-6 N° Lexbase : L2277IE3). L'acte est alors signé par les maires, le président de l'établissement et le (ou les) représentant(s) de l'Etat dans le département, après avis du (ou des) procureur(s) de la République territorialement compétent(s).
Concernant les biens propres des collectivités territoriales, une nouvelle disposition porte sur la procédure de constitution de droits réels immobiliers et de passation de baux emphytéotiques. Ainsi, lorsqu'il est fait application de la procédure de réception et d'authentification des actes passés, la collectivité territoriale ou l'établissement public partie à l'acte est représenté, lors de la signature de l'acte, par un adjoint ou un vice-président dans l'ordre de leur nomination (CGCT, art. L. 1311-13 N° Lexbase : L2062IE4).
Enfin, les biens immobiliers des établissements appartenant à l'Etat à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L0835GT4), sont transférés à la collectivité territoriale de Corse en pleine propriété à titre gratuit. Ce transfert ne donne, toutefois, lieu au versement d'aucun droit, taxe, salaire ou honoraires.
La présente loi comprend, également, un volet tendant à rendre plus efficace le service rendu par les collectivités territoriales et les services publics, en simplifiant des règles qui entravent leurs modes de prise de décision et d'intervention (II).
II - Des règles de fonctionnement des institutions locales rénovées
Tout d'abord, l'article 83 de la loi du 12 mai 2009 élargit la liste des compétences que le conseil général ou régional peut déléguer à son président. Auparavant, les articles L. 3211-2 (N° Lexbase : L2444IEA) et L. 4221-5 (N° Lexbase : L2044IEG) du Code général des collectivités territoriales n'autorisaient le conseil général et le conseil régional à déléguer à leur président que les compétences suivantes : pouvoir de procéder à la réalisation des emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget et aux opérations financières utiles à la gestion des emprunts, y compris les opérations de couverture des risques de taux et de change, et de passer à cet effet les actes nécessaires ; pouvoir de réaliser des lignes de trésorerie sur la base d'un montant maximum autorisé par le conseil général ou régional ; pouvoir de prendre la décision de déroger à l'obligation de dépôt auprès de l'Etat des fonds des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dans les conditions définies par le code précité. A l'exception de ces trois compétences, l'assemblée délibérante ne disposait de la faculté de déléguer une partie de ses attributions qu'à la commission permanente, et non à son président. Cette situation contrastait singulièrement avec la faculté offerte aux conseils municipaux par l'article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2155IEK) de déléguer une grande partie de leurs compétences au maire.
La refonte des règles de fonctionnement des institutions locales menées par la présente loi élargit cette possibilité de délégation à dix secteurs supplémentaires, parmi lesquels : la fixation des tarifs des droits de voirie, de dépôt temporaire sur les voies et autres lieux publics, et des droits prévus au profit de la collectivité qui n'ont pas un caractère fiscal ; le pouvoir de décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n'excédant pas douze ans, d'accepter les indemnités de sinistre afférentes aux contrats d'assurance, de créer les régies comptables nécessaires au fonctionnement des services de la collectivité, ou encore d'accepter les dons et legs qui ne sont grevés ni de conditions, ni de charges. L'on peut, encore, citer la fixation des reprises d'alignement en application d'un document d'urbanisme, ou l'attribution des bourses entretenues sur les fonds départementaux. Toutefois, l'organe délibérant de la collectivité devra obligatoirement fixer les modalités de ces délégations, par l'intermédiaire d'une ou plusieurs délibérations expresses (CGCT, art. L. 3211-2 N° Lexbase : L3107HPR).
Concernant l'exercice des actions en justice menées au nom du département, le président du conseil général les exerce en vertu de la décision du conseil général et peut, sur l'avis conforme de la commission permanente, défendre à toute action intentée contre le département. Il rend compte à la plus proche réunion du conseil général de l'exercice de cette compétence (CGCT, art. L. 3221-10-1 N° Lexbase : L2139IEX). Signalons, également, que le montant maximal des indemnités des maires, fixées par les conseils municipaux, est déterminé en tenant compte non plus de la "population municipale" mais de la "population totale" (c'est-à-dire qu'il est aligné sur celui des adjoints, qui est plus favorable) (CGCT, art. L. 2123-23 N° Lexbase : L2406IET).
Un point important de la loi concernant les collectivités territoriales est la ratification de l'ordonnance n° 2005-645 du 6 juin 2005, relative aux procédures de passation des marchés publics des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8432G8S). L'on peut rappeler que celle-ci a été prise sur le fondement de l'article 65 (I-3°) de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, de simplification du droit, qui a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance "les mesures permettant d'alléger les procédures de passation des marchés publics pour les collectivités territoriales". Composée de six articles, elle vise à simplifier les dispositions du Code général des collectivités territoriales qui subordonnaient, jusqu'à présent, la signature d'un marché public par l'exécutif local à l'autorisation de l'assemblée délibérante d'une commune, d'un département ou d'une région. Or, en pratique, les assemblées délibérantes adoptaient fréquemment des délibérations autorisant l'exécutif à engager la procédure de passation des marchés. Elles étaient alors consultées à deux reprises pour la passation d'un marché, une première fois lors du lancement de la procédure et, une seconde fois, préalablement à la signature. L'ordonnance ouvre la possibilité de s'affranchir de cette seconde délibération tout en précisant que l'assemblée délibérante pourra retrouver sa compétence "à tout moment" et revenir, ainsi, sur l'habilitation donnée à l'exécutif local pour la signature du marché (5).
Les votes sur les nominations ont toujours lieu au scrutin secret dans les cas où la loi ou le règlement le prévoit expressément. Dans les autres cas, le conseil général peut décider à l'unanimité de ne pas procéder au scrutin secret aux nominations (CGCT, art. L. 3121-15 N° Lexbase : L2431IER). Ceci pourrait aboutir à une différence de situation entre les différentes assemblées locales, certaines pouvant décider de maintenir le secret du vote quelque soit la nomination en cause, et d'autres décidant d'opter pour le scrutin public.
Par ailleurs, les EPCI voient leurs règles de création et d'organisation quelque peu modifiées. Auparavant, les articles L. 5212-2 (N° Lexbase : L2057IEW), L. 5212-33 (N° Lexbase : L2402IEP) et L. 5214-28 (N° Lexbase : L2238IEM) du Code général des collectivités territoriales prévoyaient la consultation obligatoire du conseil général en cas de création et de dissolution d'un syndicat de communes et de dissolution d'une communauté de communes. Le dispositif proposé par l'article 86 de la loi du 12 mai 2009 supprime cette consultation obligatoire du conseil général -consultation que le rapporteur de l'Assemblée nationale n'avait, d'ailleurs, pas hésité à qualifier d'"anomalie démocratique"-, puisque "non compatible avec le principe de libre administration des collectivités territoriales [et] contraire au principe selon lequel " aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre" (6). Dorénavant, en dehors du cas où elle résulte des délibérations concordantes de l'ensemble des conseils municipaux, la création d'un syndicat de communes donne lieu à l'établissement d'une liste des communes intéressées. Cette liste est fixée par le ou les représentants de l'Etat dans le (ou les) département(s) concerné(s), sur l'initiative d'un ou plusieurs conseils municipaux. Elle est seulement communiquée pour information au conseil général, celui-ci n'ayant plus à donner obligatoirement son avis.
Les articles L. 5212-34 (N° Lexbase : L2279IE7) et L. 5214-29 (N° Lexbase : L2118IE8) du Code général des collectivités territoriales prévoyaient que le syndicat de communes ou la communauté de communes n'exerçant aucune activité depuis deux ans au moins pouvait être dissoute par arrêté du (ou des) représentant(s) de l'Etat dans le (ou les) département(s) concernés, après avis des conseils municipaux des communes membres. La pratique a montré que ces dispositions étaient insuffisamment précises. C'est pourquoi le dispositif proposé par la présente loi précise que, lorsque le représentant de l'Etat consulte les communes membres d'un syndicat de communes ou d'une communauté de communes sur cette dissolution pour inactivité, leur avis est réputé favorable s'il n'a pas été rendu à l'issue d'un délai de trois mois.
Si la loi du 12 mai 2009 présente un caractère quelque peu disparate dû au nombre important de domaines abordés par cette tentative de simplification, l'on peut, toutefois, retenir deux mesures touchant respectivement le droit électoral et de l'urbanisme (III).
III - La réforme de législations "connexes" ayant des incidences sur les collectivités territoriales
Le Code électoral subit plusieurs modifications du fait de la loi du 12 mai 2009. Celle-ci prévoit, tout d'abord, l'extension de la faculté de s'inscrire sur les listes électorales en dehors des périodes de révision. Pourront donc s'inscrire sur les listes électorales en dehors des périodes de révision, et lorsque les électeurs sont convoqués pour un scrutin, les personnes n'étant ni fonctionnaires ni militaires, et qui établissent leur domicile dans une autre commune pour un motif professionnel après la clôture des délais d'inscription, ainsi que les membres de leur famille domiciliés avec elles à la date du changement de domicile (C. élect., art. L. 30 N° Lexbase : L1737IE3) (cf. l’Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E7226EPC). Les demandes d'inscription sont examinées par la commission administrative qui statue, au plus tard, cinq jours avant le jour du scrutin (C. élect., art. L. 32 N° Lexbase : L1698IEM) (cf. l’Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E7227EPD). Les décisions de cette commission seront notifiées dans les deux jours de leur date par le maire à l'intéressé et, s'il y a lieu, au maire de la commune de radiation (C. élect., art. L. 33 N° Lexbase : L1684IE4). Elles pourront être contestées par les électeurs intéressés, par tout électeur inscrit sur la liste électorale de la commune, par le préfet ou par le sous-préfet devant le tribunal d'instance, qui a compétence pour statuer jusqu'au jour du scrutin (C. élect., art. L. 34 N° Lexbase : L2672AA9).
Concernant les règles générales d'urbanisme, la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est désormais autorisée, nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié (C. urb., art. L. 111-3 N° Lexbase : L1692IEE). Auparavant, en application de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains (N° Lexbase : L9087ARY), seule la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre était autorisée, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en disposait autrement. Sinon, ce bien ne pouvait être que réhabilité, toute démolition entraînant la suppression du droit à reconstruire. Or, certains biens ne sont techniquement pas réhabilitables en raison de leur état de vétusté, mais leurs propriétaires peuvent souhaiter une rénovation profonde, par exemple pour construire un bâtiment énergiquement très performant. La reconstruction à l'identique des bâtiments démolis est maintenant permise, quelle que soit l'origine de la destruction, sous réserve que celle-ci soit intervenue moins de dix ans auparavant. Il s'agit, ainsi, d'éviter les demandes de reconstruction abusives, concernant, notamment, des bâtiments détruits depuis plusieurs années, ceci afin de ne pas perturber l'urbanisme communal.
Toutes ces dispositions devraient être prochainement complétées, puisque la loi du 12 mai 2009, prévoit, en son article 87, que le Gouvernement est autorisé à modifier, par ordonnance devant intervenir dans un délai de neuf mois, la partie législative du Code général des collectivités territoriales, afin de remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification, adapter les renvois à des textes codifiés ou non aux évolutions législatives et réglementaires, et abroger les dispositions devenues obsolètes ou sans objet. L'on peut donc l'interpréter comme le fait qu'un effort important dans la clarification des normes législatives reste encore à accomplir, et que la recherche de la loi claire et précise demeure encore inachevée.
(1) Lire nos observations, Loi relative à la simplification du droit : des normes qui doivent être intelligibles pour être respectées, Lexbase Hebdo n° 55 du 27 Février 2008 - édition publique (N° Lexbase : N2189BES).
(2) du Sénat relatif à la proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures n° 209 (2008-2009), Tome I.
(3) Lire les observations d'Anne-Laure Blouet Patin, Simplification, clarification du droit et allègement des procédures : une nouvelle loi en perspective, Lexbase Hebdo n° 345 du 8 avril 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0175BKP)
(4) Lire les observations de Patrick Mozol, La loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures : quels changements pour les collectivités territoriales, JCP éd. A, n° 22, 25 mai 2009.
(5) Lire les observations de Chrystel Farnoux, Autorisation de l'assemblée délibérante : l'ordonnance du 6 juin 2005 laisse une plus grande marge de manoeuvre aux collectivités territoriales, Lexbase Hebdo n° 1 du 14 Septembre 2005 - édition publique (N° Lexbase : N8051AIZ) .
(6) Cf. Rapport du Sénat relatif à la proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures n° 209, précité.
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Réf. : Cass. civ. 2, 28 mai 2009, n° 08-13.939, M. Mokrane Ammouche, FS-P+B (N° Lexbase : A3850EH3)
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N6525BKU
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"
Le 07 Octobre 2010
Résumé
Il résulte de la combinaison des articles 14 de la CESDH (N° Lexbase : L4747AQU) et 1er du premier protocole additionnel (N° Lexbase : L1625AZ9), tels qu'interprétés par la Cour européenne des droits de l'Homme, que les Etats signataires reconnaissent et assurent à toute personne relevant de leur juridiction, que son pays d'origine soit, ou non, signataire de ces accords, la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention, sans distinction aucune, fondée, notamment, sur l'origine nationale. L'article L. 821 1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4747AQU) et 1er du premier protocole additionnel, dans sa rédaction alors applicable, était donc incompatible avec les articles 14 et 1er du premier protocole de la CESDH, en tant qu'il subordonnait à une telle condition le droit à l'allocation aux adultes handicapés. |
Commentaire
I - Consécration législative du principe d'interdiction de discrimination fondée sur la nationalité
En 1990, le Conseil constitutionnel avait décidé que l'exclusion des étrangers résidant régulièrement en France du bénéfice de l'allocation supplémentaire méconnaissait le principe constitutionnel d'égalité (4). Dans une décision du 13 août 1993, le Conseil a confirmé ce principe : si le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République, les étrangers jouissant des droits à la protection sociale dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français (5).
A - Consécration dans le champ de l'allocation adulte handicapé
Le critère de nationalité pour l'octroi de l'allocation adulte handicapé a été supprimé par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (N° Lexbase : L9660A9N) (6). L'allocation adulte handicapé est donc attribuée sans distinction fondée sur la nationalité depuis la promulgation de cette loi.
La loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, de finances pour 2008 (art. 122) (N° Lexbase : L5488H3N) (7) a modifié le régime de l'allocation adulte handicapé (CSS, art. L. 821-1 N° Lexbase : L5364H9K), en ce que, désormais, les personnes de nationalité étrangère, hors les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent en bénéficier que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. Un décret fixe la liste des titres ou documents attestant la régularité de leur situation. S'agissant des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen qui en font la demande, ils doivent résider en France depuis plus de trois mois, dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 (N° Lexbase : L1231HPB) et L. 121-2 (N° Lexbase : L9196H3Y) du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (8). Mais les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre ne peuvent bénéficier de l'allocation adulte handicapé.
Avant la loi du 11 mai 1998, l'article L. 821-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7391C4I) précisait que toute personne de nationalité française ou ressortissant d'un pays ayant conclu une convention de réciprocité en matière d'attribution d'allocations aux handicapés adultes résidant sur le territoire métropolitain ou dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 (N° Lexbase : L4516ADM), y ayant résidé ou ayant résidé dans un territoire d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Mayotte, pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation d'éducation spéciale, prévue à l'article L. 541-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0698G9Q), et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret, percevait une allocation adulte handicapé (CSS, art. L. 821-2, réd. antérieure à la loi n° 98-349 N° Lexbase : L7375C4W).
B - Consécration pour les autres prestations sociales
De manière générale, les textes prévoient que les personnes de nationalité étrangère ne peuvent être affiliées à un régime obligatoire de Sécurité sociale que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers en France ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. Un décret fixe la liste des titres ou documents attestant la régularité de leur situation (CSS, art. L. 115-6 N° Lexbase : L4571ADN) (9). Les organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de Sécurité sociale assurant l'affiliation, le versement des prestations ou le recouvrement des cotisations, sont tenus de vérifier, lors de l'affiliation et périodiquement, que les assurés étrangers satisfont aux conditions de régularité de leur situation en France (CSS, art. L. 115-7 N° Lexbase : L6903GTT).
En d'autres termes, cela signifie que les travailleurs étrangers et leurs ayants droit bénéficient des prestations d'assurances sociales. Mais cette mesure s'applique aux étrangers ayant leur résidence à l'étranger et leur lieu de travail permanent en France s'il a été passé, à cet effet, une convention avec leur pays d'origine (CSS, art. L. 311-7 N° Lexbase : L8977HWE). Sont visées les prestations en nature des assurances maladie et maternité du régime obligatoire d'assurances maladie et maternité dont ils relevaient au moment de son départ ou, à défaut, du régime général de Sécurité sociale.
Cette impossibilité d'exclure un étranger du champ des prestations sociales a été, également, retenue en matière de prestations familiales. Toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie, pour ses enfants, des prestations familiales (CSS, art. L. 512-1 N° Lexbase : L3421HWM) (10). Deux conditions sont posées au versement des prestations familiales : la charge effective et permanente d'enfants et la résidence en France. En revanche, l'article L. 512-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4593H9Y) subordonne l'octroi des prestations aux personnes étrangères à des conditions relatives à la régularité de leur séjour en France. Il pose, ainsi, des conditions à l'égard des allocataires de nationalité étrangère et à l'égard des enfants étrangers bénéficiaires.
Là encore, les personnes de nationalité étrangère peuvent bénéficier de l'assurance invalidité. Mais elles doivent justifier de la régularité de leur séjour en France (CSS, art. L. 161-16-1 N° Lexbase : L4692AD7).
Les travailleurs étrangers victimes d'accidents qui cessent de résider sur le territoire français reçoivent pour toute indemnité un capital égal à un multiple du montant annuel de leur rente. Il en est de même pour les ayants droit étrangers cessant de résider sur le territoire français, sans, toutefois, que le capital puisse alors dépasser la valeur de la rente (CSS, art. L. 434-20 N° Lexbase : L4462ADM).
Toute personne, justifiant d'une résidence stable et régulière sur le territoire métropolitain ou dans un département mentionné à l'article L. 751-1 du Code de la Sécurité sociale et ayant atteint un âge minimum, bénéficie d'une allocation de solidarité aux personnes âgées. Cet âge minimum est abaissé en cas d'inaptitude au travail (CSS, art. L. 815-1 N° Lexbase : L8707GQK).
Les textes prévoient que toute personne qui déclare, auprès d'une caisse primaire d'assurance maladie, ne pas bénéficier des prestations en nature des assurances maladie et maternité est affiliée sans délai, au titre de l'article L. 380-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9204AMT), au régime général, sur justification de son identité et de sa résidence stable et régulière, et bénéficie immédiatement des prestations en nature de ce régime (CSS, art. L 161-2-1 N° Lexbase : L8971HW8).
Enfin, s'agissant de la couverture maladie universelle (CMU), la loi ne pose pas de condition de nationalité, toute personne y est admise (CSS, art. L 380-1 N° Lexbase : L9204AMT). Mais l'affiliation au régime général d'assurance maladie et de maternité au titre de la CMU est subordonnée au fait que l'intéressé, quelle que soit sa nationalité (française ou étrangère) réside sur le territoire français ou dans un département d'outre-mer de façon stable.
II - Consécration judiciaire du principe d'interdiction de discrimination fondée sur la nationalité
A - Jurisprudence européenne
L'interdiction de discrimination fondée sur la nationalité a été affirmée par la CJCE en 1976 au profit des ressortissants communautaires (11). La CJCE a interprété le Règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 (N° Lexbase : L4570DLT), permettant d'affirmer le principe selon lequel une législation nationale prévoyant dans un Etat membre un droit légalement protégé à allocation adulte handicapé au profit des ressortissants de l'Etat qui y résident, s'applique, également, à l'égard de l'adulte handicapé, ressortissant d'un autre Etat membre, qui n'ayant jamais lui-même travaillé dans l'Etat dont relève cette législation y réside à la charge de son père, employé dans ce même Etat en tant que travailleur (12).
La Cour européenne des droits de l'Homme a sanctionné, en 1996, l'Autriche, pour avoir refusé à un ressortissant turc le bénéfice d'une d'allocation d'urgence (servie aux chômeurs en fin de droit), le refus étant motivé par une discrimination selon la nationalité (13).
En 2003, la CEDH a relevé que l'exclusion du requérant du bénéfice de l'allocation adulte handicapé avant le mois de juin 1998 s'est fondée sur des critères qui constituent une distinction relevant des dispositions de l'article 14 de la CESDH (14). Le requérant bénéficiait d'un droit patrimonial au sens de l'article 1er du premier Protocole et l'article 14 de la CESDH est, également, applicable en l'espèce (arrêt préc., points 41 et 42). La différence de traitement, en ce qui concerne le bénéfice des prestations sociales, entre les ressortissants français ou de pays ayant signé une convention de réciprocité et les autres étrangers ne reposait sur aucune justification objective et raisonnable. La CEDH a relevé que même si, à l'époque des faits, la France n'était pas liée par des accords de réciprocité avec la Côte d'Ivoire, elle s'est engagée, en ratifiant la Convention, à reconnaître à toute personne relevant de sa juridiction, ce qui était sans aucun doute possible le cas du requérant, les droits et libertés définis au titre I de la Convention (point 49).
B - Jurisprudence en droit interne
En 1999, la Chambre sociale de la Cour de cassation, s'appuyant sur les dispositions combinées de l'article 14 et de l'article 1er du premier protocole de la CESDH, tels qu'interprétés par la CEDH, a consacré ce principe de non-discrimination selon la nationalité aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés, cette fois pour les étrangers non ressortissants de la Communauté européenne. En l'espèce, un ressortissant de nationalité turque, résidant en France, remplissait les conditions requises pour l'obtention de l'allocation adulte handicapé : on ne pouvait lui opposer la condition portant sur la nationalité (15).
La même solution a été retenue pour d'autres nationalités, dont la nationalité bosniaque. Le débiteur de la prestation invoquait l'argument selon lequel la Bosnie n'a jamais signé la CESDH, ni le protocole. Or, selon les dispositions de l'art. L 821-1 du Code de la Sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, le bénéfice de l'allocation adulte handicapé n'est pas reconnu aux personnes de nationalité étrangère dont le pays n'a pas conclu avec la France de convention de réciprocité. La Cour de cassation, conformément à sa jurisprudence engagée en 1999, a décidé, au contraire, que la décision de refus, uniquement fondée sur sa nationalité étrangère, n'était pas justifiée (16).
En l'espèce, M. A. (de nationalité algérienne) a sollicité, le 14 mars 1994, le bénéfice de l'allocation adulte handicapé auprès de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel de la Seine et Marne. Sa demande ayant été rejetée par la caisse d'allocations familiales de la Seine et Marne, il a saisi d'un recours la juridiction de la Sécurité sociale pour obtenir le bénéfice de l'allocation et l'octroi de dommages intérêts. Sa requête a été rejetée par la cour d'appel de Paris. Pour rejeter la demande d'allocation de M. A., l'arrêt relève que le refus opposé par la caisse a été justement fondé sur les dispositions de l'article L. 821 1 du Code de la Sécurité sociale, qui réservaient alors le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés aux Français et aux ressortissants des Etats ayant conclu une convention de réciprocité avec la France. La Cour de cassation (arrêt rapporté) décide, au contraire, qu'il résulte de la combinaison des articles 14 de la CESDH et de l'article 1er du premier Protocole additionnel, tels qu'interprétés par la Cour européenne des droits de l'Homme, que les Etats signataires reconnaissent et assurent à toute personne relevant de leur juridiction, que son pays d'origine soit, ou non, signataire de ces accords, la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention, sans distinction aucune, fondée, notamment, sur l'origine nationale. L'article L. 821 1 du Code de la Sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, était incompatible avec les textes susvisés en tant qu'il subordonnait à une telle condition le droit à l'allocation aux adultes handicapés.
L'arrêt illustre le mécanisme de l'autorité interprétative des arrêts de la CEDH et, plus largement, l'influence du droit européen des droits de l'Homme sur le droit interne. La jurisprudence de la CEDH peut parfois fonder un contrôle de conventionalité. Le juge français a, dans certaines occasions, écarté l'application d'une loi française contraire à une jurisprudence de la Cour européenne (17). Les illustrations jurisprudentielles relèvent essentiellement du droit processuel, du droit pénal et du droit de la famille. Dans le champ du droit social, il faudrait citer l'arrêt rendu par l'Assemblée plénière le 16 avril 2004 (18), par lequel la Cour décide que les étrangers résidant régulièrement en France avec leurs enfants mineurs bénéficient de plein droit des prestations familiales (CSS, art. L. 512-1 et L. 512-2). La demanderesse aux allocations familiales résidait régulièrement en France avec ses enfants mineurs antérieurement à la date de dépôt de la demande auprès de la caisse compétente : par une interprétation des textes conforme aux exigences des articles 8 (N° Lexbase : L4798AQR) et 14 de la CESDH, la Cour de cassation en déduit que les prestations familiales étaient dues à compter de cette date et non à compter de la production des pièces attestant de la régularité de la situation des enfants sur le territoire français.
L'influence du droit européen des droits de l'Homme sur le droit interne est un phénomène déjà inscrit dans le temps, auquel la doctrine a consacré de nombreux travaux. Dans le champ des rapports individuels et collectifs de travail et, plus généralement, du droit de la protection sociale, les travaux ont porté sur la validation législative des contrôles Urssaf, les droits sociaux, les concepts de la protection sociale française ou du droit syndical (19).
(1) Bibliographie très abondante. V., notamment, J.-P. Lhernould, Territorialité et nationalité dans le système français de protection sociale, Protection sociale, 3-2008 ; A. Arseguel, Les conventions bilatérales de Sécurité sociale entre la France et les Etats africains, Annales univ. Toulouse, tome XV, 1992, p. 113 ; R. Bonnet, Sécurité sociale et relations internationales, RF ass. soc., 1985, p. 197 ; A. Boudahrain, Précarité de la protection sociale des travailleurs migrants maghrébins, RISS, 2000, vol. 53, p. 55 ; I. Daugereilh, Les prestations sociales non contributives et les étrangers non communautaires, RD sanit. soc., 1997, p. 189 ; A. Devers, La protection de la santé en situation irrégulière, RD sanit. soc., 2001, p. 241 ; C. Freyria, Sécurité sociale et droit international privé, RCDIP, 1956, p. 410 ; L. Gay, L'affirmation d'un droit aux soins du mineur étranger ou l'inconventionnalité partielle d'une loi jugée conforme à la Constitution, RD sanit. soc., 2006, p. 1047 ; J.-Ph. Lhernould, Minima sociaux et résidence sur le territoire français, Dr. soc., 1999, p. 366 ; L'accès des Européens à la CMU après la circulaire du 23 novembre 2007, Dr. soc., 2008, p. 123 ; L'accès aux prestations sociales des inactifs depuis le Règlement n° 883/2004, RD sanit. soc., 2006, p. 653 ; D. Loschak, Les discriminations frappant les étrangers sont-elles licites ?, Dr. soc., 1990, p. 76 ; X. Prétot, Les prestations sociales peuvent-elles être assorties d'une condition de résidence ?, Dr. soc., 1987, p. 345 ; Les travailleurs détachés et expatriés et la Sécurité sociale, Dr. soc., 1991, p. 868 ; L'illégalité de la subordination à condition de nationalité de l'attribution des prestations d'aide sociale facultative, Dr. soc., 1989, p. 761.
(2) Délibération n° 2006-288 du 11 décembre 2006 (N° Lexbase : X7570AE4) ; délibération n° 2007-370 du 17 décembre 2007 (N° Lexbase : X7571AE7) et délibération n° 2008-179 du 1er septembre 2008 (N° Lexbase : X7572AE8).
(3) Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 (N° Lexbase : A8285ACT), Rec. Cons. const., p. 217 ; J.-J. Dupeyroux et X. Prétot, Le droit de l'étranger à la protection sociale, Dr. soc., 1994, p. 69.
(4) Décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990 (N° Lexbase : A8222ACI), Rec. 1990, p. 33 ; X. Prétot, La conformité à la Constitution de la loi portant diverses dispositions relatives à la Sécurité sociale, Dr. soc., 1990, p. 352.
(5) Décision n° 93-325 DC, préc..
(6) H. Gacon-Estrada, Etrangers : la Sécurité sociale se moque de la justice, Dr. soc., 1996, p. 709 ; I. Daugareilh, La loi du 11 mai 1998 sur l'entrée et le départ des étrangers en France. Les modifications apportées en droit de la protection sociale, RDSS, 1998, p. 634.
(7) Selon les travaux parlementaires, cette modification introduite par le législateur, consistant à subordonner l'accès à l'allocation de parent isolé (API) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à une condition de présence en France de trois mois, déjà en vigueur pour l'accès au revenu minimum d'insertion (RMI) et la couverture maladie universelle, fait application de l'article 24 de la Directive communautaire 2004/38/CE du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L2090DY3), qui permet à l'Etat membre d'accueil de ne pas accorder de prestation d'assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour sur le territoire. De plus, comme pour le RMI, la couverture maladie universelle et l'API, les personnes résidant en France depuis moins de trois mois ou qui ne s'y maintiennent qu'au titre de la recherche d'emploi n'auront pas droit à l'AAH.
(8) Cette condition de séjour de trois mois n'est, toutefois, pas opposable aux personnes qui exercent une activité professionnelle déclarée conformément à la législation en vigueur ; aux personnes qui ont exercé une telle activité en France et soit sont en incapacité permanente de travailler pour raisons médicales, soit suivent une formation professionnelle, soit sont inscrites sur la liste visée à l'article L. 5411-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2685H9C) ; et aux ascendants, descendants et conjoints des personnes sus-mentionnées.
(9) Le Conseil d'Etat a jugé que la condition de régularité du séjour ne méconnaît pas le principe de non-discrimination dans le droit au respect des biens qui résulte des stipulations combinées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention (CE 2° et 1° s-s-r., 6 novembre 2000, n° 204784, Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés N° Lexbase : A9692AHG).
(10) Cass. civ. 2, 23 octobre 2008, n° 07-11.328, M. Khampacha Mouslamkhanov, FS-P+B (N° Lexbase : A9298EAM) et lire nos obs., Prestations familiales du réfugié : entre politique des flux migratoires et droits fondamentaux, Lexbase Hebdo n° 325 du 6 novembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6918BHP).
(11) CJCE, 16 décembre 1976, aff. C-63/76, Vito Inzirillo c/ Caisse d'allocations familiales de l'arrondissement de Lyon (N° Lexbase : A7192AUW), International Labour Law Reports, 1976-77, p. 97.
(12) Cass. soc. 24 mars 1977, n° 75-11.229, Inzirillo c/ CAF Lyon (N° Lexbase : A0246AUN), Bull. civ. V, n° 228, p. 179.
(13) CEDH, 16 septembre 1996, Req. 39/1995/545/631, Gaygusuz c/ Autriche (N° Lexbase : A8326AWB). La CEDH a estimé que le droit à l'allocation d'urgence est un droit patrimonial au sens de l'article 1er du premier Protocole. Cette disposition s'applique, par conséquent, sans qu'il faille se fonder uniquement sur le lien qui existe entre l'attribution de l'allocation d'urgence et l'obligation de payer des impôts ou autres contributions (point 41). La différence de traitement entre Autrichiens et étrangers quant à l'attribution de l'allocation d'urgence, dont a été victime M. G., ne reposait, dès lors, sur aucune justification objective et raisonnable (point 50).
(14) CEDH, 30 septembre 2003, Req. 40892/98, Koua Poirrez c/ France (N° Lexbase : A6912C9U).
(15) Cass. soc., 21 octobre 1999, n° 97-22.039, Directeur régional des affaires sanitaires et sociales de la région Rhône (N° Lexbase : A0313AU7) ; dans le même sens, Cass. soc., 17 janvier 2002, n° 00-41.381, M. Roy Cerezo c/ Société Euroloisirs, F-D (N° Lexbase : A0695AYE), s'agissant d'une femme de nationalité turque ; Cass. soc., 4 décembre 1997, n° 96-16.523, M. Abdelkader Chachoue c/ Caisse d'allocations familiales (CAF) de Mâcon, inédit (N° Lexbase : A7410CME), s'agissant d'un homme de nationalité algérienne : le ressortissant algérien résidant en France, dont il n'est pas contesté qu'il relève du régime de Sécurité sociale français, a droit à l'allocation aux adultes handicapés dans les mêmes conditions que les français.
(16) Cass. soc., 15 mars 2001, n° 99-18.357, M. Louis Dikotto Elame c/ Caisse d'allocations familiales (CAF) de Grenoble (N° Lexbase : A0205ATR).
(17) TGI Montpellier, 2 mai 2000, RTDCiv., 2000 p. 930, obs. J.-P. Marguenaud et TGI Brive, 30 juin 2000, RTDCiv. 2000 p. 932, obs. J.-P. Marguenaud.
(18) Ass. plén., 16 avril 2004, n° 02-30.157, Directeur régional des affaires sanitaires et sociales des Pays de la Loire (N° Lexbase : A8864DBW), A. Coeuret, Prestations familiales : la condition de résidence en France des enfants étrangers, Dr. soc., 2004, p. 776.
(19) A. Carillon, Les sources européennes des droits de l'homme salarié, Bruylant, 2006 ; P. Udomrat, La mise en oeuvre des normes internationales du travail et son évolution, Thèse Strasbourg III, Droit public, 1987 ; A. De Salas, La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et la protection sociale, RTD européen, 2001, p. 123 ; B. Teyssié (dir.), Les normes sociales européennes, Editions Panthéon-Assas, 2000 ; M. Bonnechère, Droit international, droit social européen : Réflexion sur quelques enjeux actuels, Dr. ouvrier, 1989, p. 249 ; M. Bonnechère, Le droit européen peut-il poser les bases d'un droit commun social ?, Dr. ouvrier, 1999, p. 390 ; J.-P. Marguénaud et J. Mouly, Le droit de gagner sa vie par le travail devant la Cour européenne des droits de l'Homme, D., n° 7/7236, 16 février 2006 ; M. Voxeur et T. Ngo Ky, La validation législative des contrôles Urssaf est-elle contraire à la Convention européenne ?, D., n°17/7158, 29 avril 2004 ; F. Sudre, Les droits sociaux et la Convention européenne des droits de l'Homme, RUDH vol. 12, n°1-2, 15 septembre 2000 ; A. Lyon-Caen et I. Vacarie, Droits fondamentaux et droit du travail, in Mélanges en l'honneur de J.-M. Verdier, Dalloz, 2000, p. 421 ; J. Mouly, Les droits sociaux à l'épreuve des droits de l'Homme, Dr. soc., 2002, p.799 ; M. Richevaux, Droit des marchands ou droit des travailleurs ? La Cour européenne des droits de l'Homme peut choisir..., Dr. ouvrier, 1989, p. 274.
Décision
Cass. civ. 2, 28 mai 2009, n° 08-13.939, M. Mokrane Ammouche, FS-P+B (N° Lexbase : A3850EH3) CA Paris, 18ème ch., sect. B, 29 mars 2007, n° 99/43593, M. Mokrane Ammouche c/ CAF DE Seine-et-Marne (N° Lexbase : A9951DXT) Textes visés : CESDH, art. 14 (N° Lexbase : L4747AQU) et art. 1er du premier protocole (N° Lexbase : L1625AZ9) ; CSS, art. L. 821-1 (N° Lexbase : L4747AQU) Mots-clefs : allocation adulte handicapé ; discrimination ; nationalité ; prohibition Lien base : |
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
Le 07 Octobre 2010
L'administration confirme que l'usufruitier est le seul redevable de la taxe de 20 % dès lors qu'il est le bénéficiaire exclusif du capital décès. A ce titre, il bénéficie de l'abattement de 152 500 euros. La circonstance que les sommes, rentes ou valeurs soient réparties par la volonté du nu-propriétaire et de l'usufruitier n'est pas de nature à remettre en cause cette analyse. Cette réponse était très attendue dans la mesure où, elle conduit à une absence totale de taxation lorsque l'usufruitier est le conjoint survivant et que, lorsque le nu-propriétaire est héritier de l'usufruitier, ce dernier reçoit, au décès de l'usufruitier, les fonds ou la créance de restitution en franchise d'impôt.
1. La controverse sur l'application du prélèvement en cas de démembrement de la clause bénéficiaire
S'agissant du prélèvement de 20 %, l'administration a procédé à une appréciation assez particulière et restrictive de la notion de bénéficiaire en cas de démembrement de la clause bénéficiaire. En effet, elle considère que, en pareille hypothèse, il n'existe qu'un seul bénéficiaire : l'usufruitier. Ce dernier est seul redevable de la taxe de 20 % pour l'intégralité des capitaux perçus "au motif qu'il est le bénéficiaire exclusif du capital décès". Selon l'administration, la répartition des capitaux, d'un commun accord entre usufruitier et nu-propriétaire, n'est pas de nature à remettre en cause cette analyse (QE n° 50207 de M. Chatel, réponse publiée au JOAN du 9 août 2005, p. 7692 N° Lexbase : L3215IES et QE n° 18740 de M. Dassault, réponse publiée au JO Sénat du 25 août 2005, p. 2188 N° Lexbase : L3214IER). Or, selon la doctrine dominante, les droits démembrés semblaient devoir être évalués par référence au barème de l'article 669 (N° Lexbase : L7730HLU), à défaut de répartition des capitaux entre usufruitier et nus-propriétaires (en ce sens, Assurance-vie, variation juridique et fiscale autour du démembrement de la clause bénéficiaire, Pascal Julien Saint-Amand et Marc Iwanesko, Bull. fisc., mars 2003, p. 165 et s.). De même, selon Jean Aulagnier (L'attribution partagée, usufruit nue-propriété, du capital d'un contrat d'assurance dénoué, Droit et Patrimoine, n° 105, juin 2002, p. 20 et s.) usufruitier et nu-propriétaire devaient bénéficier chacun d'un abattement de 152 500 euros.
2. Une solution critiquée qui s'avère avantageuse !
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi "TEPA" (loi n° 2007-1223 du 21-08-2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat N° Lexbase : L2417HY8), cette analyse s'avérait défavorable puisqu'il ne pouvait être pratiqué qu'un seul abattement de 152 500 euros sur les sommes taxables. Le conjoint survivant étant, désormais, exonéré de ce prélèvement de 20 % (CGI, art. 990 I N° Lexbase : L9266HZ9), la doctrine administrative s'avérait donc favorable. En effet, au décès de l'usufruitier, dès lors que les fonds ont été investis en démembrement lors du remploi en valeurs mobilières, ces valeurs devaient revenir sans le paiement d'aucun droit au nu-propriétaire à raison de l'extinction de l'usufruit conformément aux dispositions de l'article 1133 du CGI (N° Lexbase : L9702HLW). Pour cette raison, le sénateur avait, dès le 29 novembre 2007, demandé confirmation à l'administration de sa position qui s'avérait avantageuse puisque, dans l'hypothèse où il aurait été considéré qu'en cas de démembrement, il existait deux bénéficiaires, les nus-propriétaires ne pouvaient échapper à la taxation de leur quote-part dans les capitaux. L'administration n'a pas modifié sa position. On remarquera qu'elle ne pouvait le faire, tant son analyse paraissait fondée juridiquement. L'effet d'aubaine lié à l'exonération de l'usufruitier ne pouvant être un motif de modification. Elle confirme, donc, que l'usufruitier est le seul redevable de la taxe de 20 %, dès lors qu'il est le bénéficiaire exclusif du capital décès. A ce titre, il bénéficie de l'abattement de 152 500 euros. La circonstance que les sommes, rentes ou valeurs soient réparties par la volonté du nu-propriétaire et de l'usufruitier n'est pas de nature à remettre en cause cette analyse.
Le découvert bancaire qui a permis de financer des biens exonérés n'est pas déductible de l'impôt de solidarité sur la fortune.
En matière d'ISF, comme en matière de droits de succession, lorsque l'actif comprend des biens exonérés, les dettes contractées pour l'acquisition de ces biens exonérés s'imputent en priorité sur ces biens.
1. Principe posé par l'article 769 du CGI
Selon le premier alinéa de l'article 769 du CGI (N° Lexbase : L8138HLY), les dettes à la charge du défunt qui ont été contractées pour l'achat de biens compris dans la succession et exonérés des droits de mutation par décès ou dans l'intérêt de tels biens, sont imputées par priorité sur la valeur desdits biens. Cette règle a pour but d'éviter le cumul abusif, pour le même bien, de l'exonération des droits de mutation et de la déduction du passif contracté pour son achat de la valeur des autres éléments de l'actif successoral (doc. adm. 7 G 2321 n° 34 du 20 décembre 1996). Bien entendu, lorsque le bien n'est assujetti que pour une fraction de sa valeur, le passif y afférent est déductible dans la même proportion. Ce qui est le cas, par exemple, des biens ruraux loués par bail à long terme (RM Lagorce, JOAN 2 mars 1981, p. 884). Par ailleurs, ce texte doit être interprété strictement. Ainsi, un emprunt qui serait contracté pour permettre d'abonder un contrat d'assurance vie, considéré comme hors succession, civilement comme fiscalement, lorsque les primes versées après 1970 n'excèdent pas 30 500 euros, doit rester déductible.
2. Application en matière d'ISF
Initialement prévu pour les droits de succession, ce texte s'applique à l'impôt de solidarité sur la fortune puisque l'article 885 D du CGI (N° Lexbase : L8776HLM) précise que cet impôt est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles que les droits de mutation par décès. Pour l'application de ce texte, il est fait obligation aux redevables qui ont contracté des dettes qu'ils entendent déduire de leur base imposable à l'ISF, de joindre les éléments justifiant de l'existence, de l'objet et du montant des dettes dont la déduction est opérée. Cette obligation pèse sur le redevable notamment dans l'hypothèse où une dette a été contractée pour l'achat ou dans l'intérêt de biens exonérés pour un montant supérieur à la valeur des biens considérés, le redevable doit désigner précisément les biens concernés en mentionnant l'évaluation de ceux-ci avec indication de la méthode retenue, ainsi que celle retenue pour la détermination du montant de ce passif (instruction du 1er juin 1999, BOI 7 S-6-99 N° Lexbase : X8029ABY). Dans l'affaire examinée récemment par la Cour, les époux, à la suite d'une demande d'éclaircissements, avaient reconnu avoir eu recours au découvert bancaire pour le financement de biens exonérés et admis que certaines dépenses avaient un caractère professionnel. Ainsi, la décision de la cour d'appel, qui avait jugé que l'article 769 était applicable, était justifiée. En effet, cet article n'implique pas que la dette contractée soit affectée avant son engagement : il doit simplement être démontré que les fonds en cause ont servi au financement des biens exonérés.
En matière d'ISF, les biens grevés d'usufruit sont, en principe, compris dans le patrimoine de l'usufruitier pour leur valeur en pleine propriété. Il en découle que, sauf exceptions, le nu-propriétaire ne supporte aucune imposition sur ce bien au titre de cet impôt. En revanche, les dettes afférentes à ce bien restent déductibles. Tel est le sens de la décision rendue par la cour, qui renvoie l'affaire devant la cour d'appel.
1. Imposition de l'usufruitier sur la valeur en pleine propriété : une règle d'assiette
L'imposition de l'usufruitier sur la valeur de la toute-propriété du bien est une règle d'assiette qui conduit à un "déplacement" de la charge de l'impôt. Ce principe, édicté par l'article 885 G du CGI (N° Lexbase : L8787HLZ), est conforme aux dispositions du Code civil selon lesquelles l'usufruitier est tenu d'assumer les charges des biens dont il a la jouissance (C. civ., art. 608 N° Lexbase : L3195ABX).
2. Déduction du passif par celui qui le supporte
Il n'existe pas de règle identique à celle énoncée en matière d'imposition pour la déduction du passif afférent à un bien démembré. Pour refuser à un nu-propriétaire la déduction de dettes afférentes à cette nue-propriété, l'administration invoquait les dispositions de l'article 769 du CGI. En effet, le service considérait que la nue-propriété constituait un bien exonéré pour le nu-propriétaire. Une telle analyse, validée par la cour d'appel, est constitutive d'une erreur de droit selon la Cour de cassation. La cour d'appel devant laquelle l'affaire sera renvoyée ne pourra donc que valider la déduction par le nu-propriétaire des dettes afférentes à la nue-propriété qu'il détient. En effet, la doctrine administrative admet déjà une telle déduction (QE n° 19749 de M. Gantier, réponse publiée au JOAN du 2 janvier 1995, p. 75 N° Lexbase : L3213IEQ).
L'affaire qui a donné lieu à cette décision est exemplaire au regard de tous les points litigieux qui puissent être soulevés lorsque l'adopté entend démontrer qu'il a reçu des "soins et secours" de la part de l'adoptant afin de bénéficier du tarif en ligne directe.
On sait que, lorsque l'adopté simple recueille la succession de l'adoptant ou bénéficie d'une donation de la part de ce dernier, les droits de mutation à titre gratuit sont perçus au tarif prévu pour le lien de parenté naturelle existant entre eux ou, le cas échéant, au tarif applicable entre personnes non parentes. En effet, l'article 786 du CGI (N° Lexbase : L8196HL7) précise que, en matière d'adoption simple, le tarif des droits est le tarif en ligne directe seulement lorsque certaines conditions sont remplies. Au nombre de ces exceptions, on relève, notamment, les transmissions en faveur des enfants du premier mariage du conjoint de l'adoptant ou celles, comme dans le cas soumis à la cour, en faveur d'enfants ayant bénéficié de "soins et secours", soit pendant cinq ans durant leur minorité, soit pendant dix ans durant leur minorité et majorité. Au cas particulier, après le décès d'une personne qui laissait une fille adoptive, cette dernière avait demandé le bénéfice du tarif en ligne directe en invoquant ce dispositif. Cependant, au vu des justificatifs fournis, le service des impôts avait remis en cause la liquidation et exigé les droits au tarif entre non-parents. Sur pourvoi en cassation de l'administration, puisque la cour d'appel de Rouen (CA Rouen, 18 décembre 2007, n° 06/05047 N° Lexbase : A6188EGB) l'avait débouté, la Haute juridiction définit très concrètement la nature des "soins et secours", précise que l'adopté ne doit pas avoir été à la charge exclusive de l'adoptant et énonce, qu'en autres preuves, les mentions de l'acte de notoriété dressé après le décès de l'adoptant ainsi que des témoignages peuvent être admis. Cependant, la Cour casse l'arrêt d'appel en se fondant sur la notion de soins non interrompus.
1. La nature des "soins et secours" et l'exclusivité
La décision du 7 avril 2009 est riche d'enseignement sur la nature des "soins et secours". Ainsi le juge précise-t-il que les secours consistent en une aide financière et matérielle pouvant être réalisée en nature tandis que les soins ne doivent pas être entendus comme destinés uniquement à assurer le maintien de la santé ou sa restitution. En effet, la notion de soins que retient le texte légal recouvre aussi "l'activité autour de quelqu'un en vue de pourvoir à ses besoins matériels mais aussi intellectuels et affectifs". Autrement dit, les "soins et secours" s'entendent, en termes plus "modernes", de l'aide tant matérielle que morale qu'un parent peut apporter à un enfant légitime : c'est-à-dire la couverture des besoins matériels proprement dit, logement, nourriture, habillement, aide financière dans les études, mais aussi celle des besoins affectifs et intellectuels, comme l'aide dans la scolarité, le choix de l'orientation et l'aide au développement personnel, comme l'encouragement à la pratique d'activités physiques ou artistiques.
S'agissant de l'exclusivité, l'administration précise, dans sa doctrine, que l'adoptant doit, en principe, avoir assuré la totalité des frais d'éducation et d'entretien de l'adopté pendant le délai prévu ; il ne suffit pas qu'il y ait simplement participé (doc. adm. 7 G 2481, 20 décembre 1996, n° 10). Cependant, une telle exclusivité n'est pas, comme l'a précisé le juge, exigée par le texte légal (TGI, Paris 25 janvier 1975, Laroche-Petit). Au surplus, en conduisant, en pratique, à n'accorder le bénéfice de l'exception qu'aux seuls adoptés ayant quitté leur famille naturelle pour vivre chez l'adoptant, elle n'est pas conforme aux principes énoncés en matière d'adoption simple, notamment par l'article 364 du Code civil (N° Lexbase : L2883ABE), selon lequel "l'adopté reste dans sa famille d'origine et y conserve tous ses droits, notamment, ses droits héréditaires". Cette critique, qui était reprise par l'adopté dans la procédure à son encontre, n'a pas complètement été retenue par la Cour de cassation. En effet, selon le juge, si l'article 786-3° ne requiert pas la preuve d'une charge exclusive (si tel était le cas, le législateur n'aurait pas manqué de le préciser), cette prise en charge de l'adopté par l'adoptant doit "être continue et principale pour être éligible au régime de cette exception [celle de l'article 786-3 du CGI], et non subsidiaire". Autrement dit, rien n'impose à l'adopté d'avoir rompu tout lien avec sa famille naturelle (il peut continuer à leur rendre visite), mais il doit avoir résidé de manière principale chez l'adoptant. Or, si l'adoptante avait effectué de nombreuses dépenses pour le compte de l'adoptée, comme celles concernant sa scolarité correspondant à la deuxième année de BTS, elle ne l'avait hébergé que les mercredis, les jours fériés et les vacances. Cette décision invalide donc la doctrine administrative, fondée sur l'exclusivité, pour lui substituer la notion de prise en charge continue.
2. Les modes de preuves
A moins de préconstituer la preuve des soins et secours, ce qui ne manquerait pas d'interpeller, l'adoptant n'est pas censé tenir une comptabilité de tous les efforts financiers qu'il a déployés au profit de l'adopté. C'est sans doute pour cette raison évidente que certains modes de preuve inhabituels en droits d'enregistrement sont pris en compte.
2.1. Preuve écrite
Comme dans la plupart des cas visés par l'article 786 du CGI, la preuve écrite, seule admise, en principe, en matière de droits d'enregistrement, prime. Ainsi, la preuve des "soins et secours" doit résulter de documents tels que quittances, factures, lettres missives et autres papiers domestiques (doc. adm. 7 G 2481, 20 décembre 1996, n° 10). Dans l'affaire soumise récemment au juge, outre des correspondances ainsi que le récapitulatifs des dépenses engagées par l'adoptante, il était produit des photographies témoignant du fait que l'adoptée était associée à de nombreuses réunions de famille de l'adoptante.
2.2. Preuve par témoins
Si la preuve par témoins est, en principe, exclue, il en est parfois tenu compte (TGI Draguignan, 23 avril 1976). L'administration, elle-même, admet que des témoignages puissent être produits utilement pour corroborer d'autres moyens de preuve (RM Delmas, JOAN du 22 août 1970, p. 3753 : "l'administration se montre libérale dans l'appréciation du caractère probatoire des documents produits. Elle tient compte, notamment, des attestations, à condition que la présomption qui s'en dégage soit corroborée par d'autres présomptions suffisamment graves, précises et concordantes pour que la preuve puisse être considérée comme rapportée"). Au cas particulier de l'affaire ayant donné lieu à la décision du 7 avril 2009, l'adoptée avait produit une attestation de sa mère légitime qui expliquait que, absorbée par ses occupations professionnelles, elle ne pouvait s'occuper de sa fille et que l'adoptante, qui venait de perdre son mari et de prendre sa retraite, s'était beaucoup occupée de l'adoptée.
2.3. Preuve indirecte
Le régime de faveur est accordé aux adoptés qui, sans produire aucun document écrit, démontrent qu'il résulte des termes mêmes du jugement d'adoption que les conditions requises par la loi étaient réunies au jour de leur adoption (RM Lavielle, JOANQ du 26 novembre 1974, p. 7057). Autrement dit, l'application du tarif en ligne directe n'est pas contestée lorsque le jugement constate que l'adopté a bénéficié de soins et secours durant la période requise par la loi. Dans une autre affaire examinée par la Cour en 2006, la requête aux fins d'adoption énonçait, sans ambiguïté, que l'adoptante s'était occupée de l'adopté comme son fils et l'avait hébergé, de sorte que les conditions imposées par l'article 786 du CGI étaient réunies (Cass. com., 14 mars 2006, n° 04-11.647, F-P+B N° Lexbase : A6048DNC). Dans celle soumise récemment à la Cour, l'adoptée avait joint à la déclaration de succession de l'adoptante l'acte de notoriété adoptive relatant les aides qui lui avaient été apportées par la défunte.
3. Le fondement de la décision du 7 avril 2009
L'abondance et la variété de preuves ne suffit pas si n'est pas rapportée la preuve que les soins et secours ont été ininterrompus. A cet égard, l'adoptée démontrait bien que l'adoptante l'accueillait périodiquement, que cette dernière l'avait aidé financièrement, soit, elle seule, pour ses études, soit, elle et son mari, tant sur le plan professionnel que privé puisqu'elle les avait logés moyennant un loyer modique. Cependant, selon la cour, qui s'appuie sur le seul texte légal, cette abondance d'éléments de preuve ne pallie pas l'absence de démonstration du caractère interrompu de ces soins et secours. Selon le juge, seuls de tels soins, comme ceux qui sont dus par un parent à un enfant mineur justifient le refus d'accorder le tarif en ligne directe. Au cas particulier, tous les faits rapportés relevaient plutôt de "la contribution qu'apportent les proches des parents à un enfant aimé, comme le ferait, par exemple, une grand-mère à l'égard de sa petite-fille". En définitive, malgré sa conclusion négative pour le contribuable, cette décision est très éclairante sur ce sujet délicat des "soins et secours".
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Réf. : CJCE, 23 avril 2009, aff. jointes C-261/07 et C-299/07, VTB-VAB NV c/ Total Belgium NV (N° Lexbase : A5552EGQ)
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par Malo Depincé, Maître de conférences à l'Université de Montpellier I, Avocat au Barreau de Montpellier
Le 07 Octobre 2010
La question préjudicielle introduite devant la Cour de justice des Communautés européennes par le rechtbank van koophandel te Antwerpen de Belgique (le tribunal de commerce d'Anvers) visait précisément à obtenir une interprétation de la Directive de 2005. Le contentieux opposait, encore une fois, des entreprises concurrentes. Plus précisément, dans la première affaire soumise au juge belge (C-261/07), une filiale du groupe Total spécialisée dans la distribution de carburant dans des stations-service, offrait aux consommateurs détenteurs d'une carte spéciale trois semaines gratuites d'assistance au dépannage, pour chaque plein d'au moins 25 litres pour une voiture ou d'au moins 10 litres pour un cyclomoteur. Un concurrent, spécialisé dans le dépannage entendait faire cesser cette offre commerciale. Dans la seconde affaire (C-299/07), un périodique belge était accompagné d'"un carnet donnant droit, entre le 13 mars et le 15 mai 2007, à une remise de 15 à 25 % sur des produits vendus dans certains magasins de lingerie". Une société exploitant un magasin de lingerie entendait faire cesser cette pratique au regard de la loi belge de 1991.
L'article 54 de cette loi dispose qu'"il y a offre conjointe au sens du présent article, lorsque l'acquisition, gratuite ou non, de produits, de services, de tous autres avantages, ou de titre permettant de les acquérir, est liée à l'acquisition d'autres produits ou services, même identiques. Sauf les exceptions précisées ci-après, toute offre conjointe au consommateur effectuée par un vendeur est interdite. Est également interdite toute offre conjointe au consommateur effectuée par plusieurs vendeurs agissant dans une unité d'intention". La loi belge, qui n'a pas été modifiée sur ce point à l'occasion de la transposition de la Directive de 2005, interdit donc toute offre conjointe, sans distinguer selon les effets réels de celle-ci sur le consommateur, le marché ou encore les concurrents.
La juridiction belge saisie posa la question préjudicielle suivante à la Cour de justice des Communautés européennes : "la Directive s'oppose-t-elle à une disposition nationale telle que celle de l'article 54 de la loi [belge] de 1991 qui -réserve faite des cas énumérés limitativement dans la loi- interdit toute offre conjointe d'un vendeur à un consommateur, y compris l'offre conjointe d'un produit que le consommateur doit acheter et d'un service gratuit, dont l'acquisition est liée à l'achat du produit, et ce nonobstant les circonstances de l'espèce et en particulier nonobstant l'influence que cette offre particulière peut exercer sur le consommateur moyen et nonobstant la question de savoir si, dans les circonstances de l'espèce, cette offre peut être considérée comme contraire à la diligence professionnelle ou aux usages honnêtes en matière commerciale" ? En d'autres termes, et pour simplifier la question posée, une offre conjointe imposée peut-elle être interdite per se, sans avoir à distinguer, notamment, entre une offre loyale et une offre déloyale ?
En l'occurrence, la Commission européenne se montrait favorable dans ses conclusions à une interprétation rigoureuse des dispositions et surtout de l'objectif poursuivi par la Directive : l'harmonisation doit, selon elle, être totale et refuser toute interprétation qui admettrait une législation nationale plus contraignante pour les professionnels. Dans la mesure où les offres en cause sont présentées par des commerçants, elles doivent être, toujours selon l'interprétation de la Commission européenne, considérées comme des pratiques commerciales soumises aux dispositions de la Directive de 2005. Les Gouvernements belge et français, dont les législations interdisent ces offres conjointes sans distinction, s'opposaient à cette interprétation, refusant d'assimiler ces offres à des "pratiques commerciales". Il est important de rappeler, pour expliquer la position des Gouvernements belges et français, que la Directive sur les pratiques commerciales déloyales dresse une liste en son annexe I des offres illicites. Or si une harmonisation totale est l'objectif poursuivi par la Directive, un Etat membre ne saurait interdire des pratiques qui ne seraient pas expressément interdites par la Directive. Les législations belge mais aussi française seraient, par conséquent, contraires aux dispositions de la Directive sur les pratiques commerciales déloyales.
La Cour de justice considère effectivement lesdites pratiques comme soumises aux dispositions de la Directive en ce qu'elles sont bien, selon la définition particulièrement large qui en est donnée, des "action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs" (article 2 (d) de la Directive). Sur ce point, la solution donnée est difficilement discutable. Plus délicate, en revanche, est la question, désormais classique, de l'objectif poursuivi par la Directive.
Pour caractériser l'objectif poursuivi, la Cour se livre à une interprétation des cinquième et sixième considérants de la Directive ainsi que de son article premier pour y voir une "harmonisation complète desdites règles au niveau communautaire. Dès lors, comme le prévoit expressément l'article 4 de celle-ci et contrairement à ce qu'affirment VTB et le Gouvernement français, les Etats membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par la Directive, même aux fins d'assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs". On ne pourra pourtant que relativiser la pertinence de cette affirmation : en premier lieu parce que si le cinquième considérant vise effectivement des "règles uniformes", celles-ci sont censées viser "un niveau élevé de protection des consommateurs". L'article premier quant à lui assigne deux objectifs à la Directive, "rapprocher" les législations des Etats membres et "assurer un niveau élevé de protection des consommateurs". L'harmonisation totale est, dès lors, une interprétation fonctionnelle de la CJCE, a priori non imposée par les textes, et qui pourrait par ailleurs être critiquée au regard de l'article 169 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et imposant encore une fois un "niveau élevé de protection des consommateurs" (article intégrant d'ailleurs cet objectif dans le cadre de la réalisation du marché intérieur).
Dès lors que l'harmonisation est considérée comme totale, aucun Etat membre ne peut maintenir une législation plus protectrice. La loi belge interdisant les offres conjointes est, par conséquent, contraire au droit communautaire puisque la Directive de 2005, plus précisément son article 5 n'interdit pas expressément les offres conjointes. Les dispositions du Code de la consommation français ne sont donc pas elles non-plus conformes au droit communautaire. En pratique donc, la décision de la CJCE imposerait au juge français, saisi d'un tel contentieux, de refuser l'application de l'article L. 122-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6477ABI) qui dispose qu'"il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit". Certes le contentieux français portant sur ces ventes liées était relativement peu fourni, l'essentiel portant comme dans la première affaire exposée ici sur l'adjonction d'un service à la vente d'un produit ou à la fourniture d'un autre service : ont été sanctionnées par exemple l'obligation faite à un assuré de souscrire une seconde police d'assurance pour conserver le bénéfice d'une autre (notamment CA Paris, 17 décembre 1993, BID, 1994, n° 11, p. 32), de même que l'obligation de souscrire à une obligation d'assurance dans le cadre d'un voyage proposé par une agence spécialisée (Cass. crim., 12 juin 1995, n° 94-82.984 N° Lexbase : A8841AB3, Bull. crim., n° 212 ; JCP éd. E, 1995, pan. p. 1108). L'interprétation donnée par la CJCE autorise, par ailleurs, implicitement la pratique qui consiste pour un hôtelier à inclure dans le prix de la chambre le petit déjeuner (T. pol. Paris, 2 juillet 1993, BID, 1994, n° 11, p. 31).
Cette décision n'empêche évidemment pas la sanction d'une offre conjointe mais elle en complique les conditions. Il ne suffit plus à celui qui invoque une vente liée de caractériser le caractère forcé de la vente pour obtenir une sanction. Il lui faut, désormais, prouver que l'offre en cause est "déloyale" au sens de la Directive, c'est-à-dire "trompeuse" ou "agressive" (articles 8 et 9 de la Directive). Une telle offre ne pourrait donc être considérée comme illicite, sans aucune automaticité désormais, que si elle avait pour effet d'induire le consommateur en erreur sur la portée de son engagement.
La Directive de 2005 a donc un titre particulièrement approprié, "les pratiques commerciales déloyales", insistant plus sur les relations entre professionnels que sur la protection du consommateur. C'est la reconnaissance par les institutions communautaires du fait que le droit de la consommation est bien souvent un outil de régulation des comportements au bénéfice des entreprises. Ce que l'on appelait auparavant la "publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur" était, en effet, le plus souvent invoquée devant les tribunaux, de commerce essentiellement, par un professionnel contre un autre professionnel. Le droit communautaire de la consommation est donc pleinement un droit de la régulation économique.
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par Anne-Laure Blouet Patin, Rédactrice en chef du Pôle Presse
Le 07 Octobre 2010
Martine Verdier : Dans cette affaire soumise au tribunal de grande instance de Nanterre, les reproches opposés au laboratoire UCB-Pharma consistaient à avoir laissé sur le marché le Disitilbène alors que les études disponibles avaient établi, dès 1953, l'inefficacité de ce produit dans la prescription donnée aux femmes enceintes. De plus, dès 1938, les études expérimentales concluaient à de graves interrogations sur l'innocuité du produit. Des études sur l'animal avaient été menées en 1942, 1947, 1950 et 1959 et, bien que leurs conclusions ne soient pas, à l'époque, directement transposables à l'homme, avaient révélé des effets toxiques généraux y compris des effets tératogène. Ces résultats auraient déjà dû conduire le laboratoire UCEPHA, aujourd'hui, après fusion, UCB Pharma, à des mesures de précaution qui ont été ignorées puisque, bien au contraire, le pic de commercialisation se situe en France entre 1960 et 1970.
Au cas particulier, Mme X est née en août 1958 et a été exposée au Distilbène in utero, ce qu'elle apprenait en 1988. Sa première grossesse débute en septembre et se déroule normalement jusqu'à la vingt-sixième semaine où elle présente des phénomènes hémorragiques entraînant une mise au repos total. Elle accouche prématurément à vingt-sept semaines et deux jours d'un enfant de 1,07 kg. Les suites de l'accouchement vont être marquées par la persistance de manifestations hémorragiques liées à une évacuation incomplète du placenta, pour la mère. L'enfant restera longuement hospitalisé en raison de nombreuses complications dont une quadriplégie spastique.
Aujourd'hui cet enfant est âgé de 18 ans ; il ne sait ni lire, ni écrire et est totalement dépendant de son entourage pour son quotidien.
Lexbase : Sur quel fondement le tribunal a-t-il retenu la responsabilité du laboratoire ?
Martine Verdier : La responsabilité du laboratoire a été retenue sur le fondement de la responsabilité délictuelle (C. civ., art. 1382 N° Lexbase : L1488ABQ). C'est le non-respect de l'obligation générale de diligence et de vigilance imposée à un laboratoire pharmaceutique qui a été ici sanctionné.
Depuis 2003 (2), le tribunal de grande instance de Nanterre avait retenu la responsabilité du laboratoire UCB Pharma sur le fondement des articles 1165 (N° Lexbase : L1267ABK), 1382 et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) du Code civil, puisque, aux termes de ces articles, un tiers à un contrat est fondé à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement lui a causé un dommage, sans avoir à rapporter d'autres preuves. Et ces jugements avaient été confirmés par la cour d'appel de Versailles, à partir de 2004 (3), la cour rappelant que "malgré les doutes portant à la fois sur l'efficacité du Distilbène et sur son innocuité dont la littérature expérimentale faisait état, la société UCB Pharma n'a pris aucune mesure alors qu'elle aurait dû agir même en présence de résultats discordants quant aux avantages et inconvénients". Jusqu'alors, la responsabilité du laboratoire UCB Pharma n'avait été retenue, dans le cadre d'une exposition au DES, que pour les développements de cancers. En mars 2006, la Haute juridiction a confirmé la responsabilité du laboratoire, dans deux procédures concernant des jeunes femmes victimes des séquelles d'adénocarcinomes à cellules claires (cancer spécifique en lien avec le Distilbène lorsqu'il est diagnostiqué chez une femme jeune) en ce que le laboratoire avait manqué à son obligation de vigilance en commercialisant le Distilbène jusqu'en 1977, alors qu'existaient avant 1971, et dès les années 1953-1954, des doutes portant sur l'innocuité du médicament. La Cour de cassation notait, également, que la littérature expérimentale faisait état de la survenance de cancers très divers et qu'à partir de 1971, de nombreuses études expérimentales et des observations cliniques contre-indiquaient l'utilisation du Distilbène. Elle en concluait que devant ces risques connus et identifiés sur le plan scientifique, le laboratoire n'avait pris aucune mesure, et avait, de ce fait, manqué à son obligation de vigilance (4).
Lexbase : Cette décision ouvre-t-elle la voie à une reconnaissance du préjudice pour la troisième génération ?
Martine Verdier : Cette décision ne peut être considérée comme une quelconque reconnaissance du préjudice pour la troisième génération. Le préjudice de troisième génération concerne les malformations ou séquelles portées par les enfants des mères exposées in utero au Distilbène. Dans l'un des huit arrêts rendus par la cour d'appel de Versailles en 2006 (5), la cour a ordonné une expertise confiée à un collège d'experts, dont un pédiatre, pour que soit examiné le lien de causalité entre les malformations génitales de l'enfant et l'exposition in utero de sa mère. Dans cette affaire, l'enfant -un petit garçon- était porteur d'un hypospadias (malformation congénitale masculine qui se manifeste par l'ouverture de l'urètre dans la face inférieure du pénis au lieu de son extrémité). Selon une étude néerlandaise discutée dans le milieu scientifique et médical, ce type de malformations est plus présent chez les garçons dont la mère a été explosée in utero. A ce jour, le lien entre la malformation génitale retrouvée chez de nombreux nouveau-nés de mères exposées in utero au DES n'est pas clairement établie sachant que des études sont attendues sur ce point.
La décision rendue par le tribunal de grande instance de Nanterre ne concerne pas la problématique des enfants dits de "troisième génération". La question posée au tribunal était celle de la chaîne de causalité pouvant être retenue entre l'exposition au DES de la mère, l'accouchement très prématuré expliqué par les anomalies cervicales et utérines de la mère en lien direct avec l'exposition au Distilbène, et les handicaps majeurs de l'enfant eux-mêmes uniquement en lien direct avec la très grande prématurité. Le tribunal de grande instance de Nanterre retient que, d'une part, Mme X rapporte bien la preuve qu'elle a un utérus particulièrement petit, lié à l'exposition au Distilbène, et que, d'autre part, et selon l'échelle imposée par l'Afssaps, qui ne connaît aucun degré de certitude, un degré probable se situe en troisième d'une série de cinq (paraissant exclue, douteuse, plausible, vraisemblable, très vraisemblable), les experts estiment, dans le cas de Mme X, que le Distilbène est le principal suspect (soit, très vraisemblable).
Le laboratoire UCB Pharma a interjeté appel de cette décision assortie pour deux tiers de l'exécution provisoire. Son argumentaire devant la cour devrait consister, tout comme en première instance, à nier toute responsabilité du Distilbène dans le drame vécu par cette famille.
(1) A.-L. Blouet Patin, Affaire du "Distilbène" : condamnation en appel du laboratoire !, Lexbase Hebdo n° 119 du 6 mai 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N1467ABX) et Affaire du "Distilbène" : la justice reconnaît les victimes de la troisième génération mais limite l'indemnisation de leur préjudice, Lexbase Hebdo n° 246 du 31 janvier 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N8452A9W) ; Ch. Radé, in Panorama de responsabilité médicale (avril à septembre 2008), Lexbase Hebdo n° 321 du 8 octobre 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N3835BHI) et in Panorama de responsabilité civile médicale (décembre 2008 à mars 2009) (seconde partie), Lexbase Hebdo n° 346 du 16 avril 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0185BK3).
(2) TGI Nanterre, 14 novembre 2003, n° 00/05544, Madame Fabienne P. c/ Société UCB Pharma (N° Lexbase : A1591DLI) ; TGI Nanterre, 17 décembre 2004, n° 02/09469, Madame Catherine P. c/ Société UCB Pharma (N° Lexbase : A7449DEM) ; TGI Nanterre, 10 juin 2005, n° 02/10605, Madame Anne-Françoise D. épouse L. c/ Société UCB Pharma (N° Lexbase : A0182DKX).
(3) CA Versailles, 30 avril 2004, n° 02/05925, Société UCB Pharma c/ Mademoiselle Nathalie B. (N° Lexbase : A0033DC9) et n° 02/05924, Société UCB Pharma c/ Mademoiselle Ingrid C. (N° Lexbase : A0032DC8) ; CA Versailles, 16 septembre 2005, n° 04/01164, Société UCB Pharma c/ Madame Fabienne P. (N° Lexbase : A9975DTM) et n° 04/01129, Société UCB Pharma c/ Mademoiselle Véronique L. (N° Lexbase : A9974DTL) ; CA Versailles, 21 décembre 2006, 8 arrêts, Laboratoire UCB Pharma, n° 05/06692 (N° Lexbase : A4091DTP), n° 05/04144 (N° Lexbase : A4087DTK), n° 05/06689 (N° Lexbase : A4089DTM), n° 05/06691 (N° Lexbase : A4090DTN), n° 05/06692 (N° Lexbase : A4091DTP), n° 05/06693 (N° Lexbase : A4092DTQ), n° 05/06694 (N° Lexbase : A4096DTU), n° 05/06697 (N° Lexbase : A4093DTR) et n° 05/06698 (N° Lexbase : A4094DTS).
(4) ) Cass. civ. 1, 7 mars 2006, n° 04-16.180, Société UCB Pharma, FS-P+B (N° Lexbase : A4988DN3) et n° 04-16.179, Société UCB Pharma, FS-P+B (N° Lexbase : A4987DNZ).
(5) Cf. supra.
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Le 07 Octobre 2010
La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (N° Lexbase : L7887AG9) ne s'est pas contentée de réformer le droit des accidents de la circulation. Si elle tend certes "à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation", elle a aussi été l'occasion, pour le législateur, de mieux organiser le fonctionnement du Fonds de garantie concerné. En effet, on sait, hélas, que le nombre de conducteurs circulant sans permis ne cesse de croître, pour atteindre, selon les chiffres les plus alarmistes voire réalistes, près de 20 % de l'ensemble. Par conséquent, c'est une évidence, les hypothèses d'accidents dans lesquels le conducteur n'est pas assuré sont elles-mêmes en augmentation, ce qui laisse de plus en plus de victimes a priori désemparées. Les interventions du Fonds de garantie doivent donc être efficaces. Or, pour faciliter sa pérennisation sur le plan financier, encore faut-il notamment -même si là ne se situe pas vraiment sa principale source de moyens de fonctionner- que ce dernier puisse mettre en oeuvre la subrogation que la loi n'a pas manquée de lui accorder.
C'est ainsi que l'article L. 421-3 du Code des assurances (N° Lexbase : L2507DK3) prévoit que "Le Fonds de garantie est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident ou son assureur". Il n'y a là rien de surprenant. Tous les fonds de garanties sont subrogés dans les droits des victimes, même si certains ont peu de chances de recouvrer la moindre somme comme le Fonds de garantie en matière de terrorisme. Quoi qu'il en soit, cette subrogation existe, et, dans le cas du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, les recours contre l'auteur des dommages matériels ne sont pas toujours illusoires. Toutefois, le législateur n'a pas voulu que ce recours s'exerce sans discernement, sans limite et en occultant complètement l'auteur des dommages, même s'il n'est pas acteur actif et décisionnaire, notamment lorsqu'une transaction a lieu entre le Fonds de garantie et la victime.
L'alinéa 2 de l'article L. 421-3 du Code des assurances intéresse alors, tout spécifiquement, le présent arrêt commenté de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, rendu le 29 mai 2009. Celui-ci est ainsi libellé : "Lorsque le Fonds de garantie transige avec la victime, cette transaction est opposable à l'auteur des dommages, sauf le droit pour celui-ci de contester devant le juge le montant des sommes qui lui sont réclamées du fait de cette transaction. Cette contestation ne peut avoir pour effet de remettre en cause le montant des indemnités allouées à la victime ou ses ayants droit" (1). Le législateur, s'il contraint l'auteur du dommage de supporter les conséquences de ses actes, ne veut pas les lui imposer sans quelques égards. Il s'essaye alors à un art délicat : la conciliation de dispositions qui ne sont, certes, pas antinomiques mais, cependant, différentes.
Car comment comprendre une transaction qui est à la fois opposable à l'auteur du dommage, c'est-à-dire un acte dont la valeur, comme élément de l'ordre juridique, ne peut être méconnue par les tiers, lesquels n'étant pas directement obligés par ce qui leur est opposable n'en sont pas moins tenus d'en reconnaître et d'en respecter l'existence et même d'en subir les effets (2), et en même temps, prétendre que cette opposabilité ne peut s'exercer ? Telle était pourtant l'interrogation, a priori, paradoxale qui a été soumise à l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 29 mai 2009. Sans doute cette présentation apparaît-elle brutale. Elle l'est au moins parce qu'elle est synthétisée. Il demeure que c'est une réponse à cette question que l'Assemblée plénière a dû trouver tout en nuances et subtilités, dans une affaire aux faits d'une totale banalité.
Un conducteur non assuré est à l'origine d'une collision, source de dommages matériels sur un autre véhicule, qui sont indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages. Une transaction a lieu entre la victime et le Fonds de garantie. Ce dernier assigne l'auteur des dommages en remboursement des sommes versées. Selon l'arrêt rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 2, 14 juin 2006, n° 04-10.144, FS-P+B N° Lexbase : A9382DP8), le Fonds reproche aux magistrats de ne pas avoir fait droit à sa requête car l'auteur des dommages n'aurait pas eu la possibilité de contester les sommes versées à l'issue de la transaction. Pourtant, il avait été informé, par deux lettres recommandées avec avis de réception que la somme en cause était réclamée conformément aux articles L. 421-3 et L. 421-16 (N° Lexbase : L9928DNZ) du Code des assurances. L'Assemblée plénière, au nom du principe fondamental présidant à la tenue d'un procès équitable, considère qu'une information insuffisante avait été fournie. En d'autres termes, le courrier adressé à l'auteur du dommage pour lui indiquer qu'une transaction a eu lieu doit contenir, rédigé en toutes lettres, le texte exact et précis des articles visant ses droits. Et l'Assemblée plénière d'ajouter que l'information doit porter aussi sur le délai au cours duquel la contestation peut avoir lieu et son point de départ.
Obsession quand tu nous tiens... : celle de nos tribunaux, depuis quelques décennies, s'appelle obligation d'information. Nous savions qu'elle incombait aux cocontractants surtout professionnels ; elle concerne, désormais, aussi le Fonds de garantie des assurances obligatoires, tout au moins dans le cas d'une transaction élaborée par ce dernier et acceptée par la victime. A première lecture donc, on pourrait conclure qu'une fois encore, la Cour de cassation démontre son goût immodéré pour le formalisme, pour ne pas dire excessif, sentiment que nous pourrions être incité à partager, même si nous convenons volontiers que tout individu n'est pas contraint de disposer d'un Code des assurances à son domicile. Ce serait oublier ce qui est parfois observé : à l'ère d'internet et des habitudes accrues de rechercher par ce biais tout élément d'information, il n'est pas malaisé de parvenir à parcourir le texte d'un article d'un code quel qu'il soit.
Pour autant, et au risque d'être de plus en plus loin de cette maxime dont le succès fut indéniable au XIXème siècle au moins : "nul n'est censé ignorer la loi", la remarque n'est pas dénuée de tout paradoxe par rapport à cette époque où l'illettrisme était plus élevé, où le recours aux professionnels du droit emprunt de crainte conduisant à s'en détourner était une réaction fréquente et, de manière générale, l'accès à l'information moins simple. Il demeure pourtant que la tendance jurisprudentielle de ces dernières décennies est à la diffusion de l'information, tout au moins aux personnes qui, bien que tiers au sens générique du terme par rapport à une situation juridique donnée, ne le sont pas tout à fait en raison notamment des incidences financières que telle ou telle décision peut engendrer sur leur propre patrimoine.
S'éloignant de l'obligation de se renseigner mise à la charge des individus pendant de nombreuses années, la Cour de cassation s'attache davantage à contraindre les détenteurs de certains éléments informatifs à les communiquer auprès de qui est susceptible d'en avoir l'usage, quelles que soient ces personnes pouvant ne pas être des professionnels au sens du droit de la consommation. En réalité, ce n'est pas tant les magistrats qui, dans le cas présent, font preuve de ce qui ne manque pas d'apparaître comme un excès de commisération vis à vis de l'auteur des dommages. Car, vite rattrapée par des préoccupations avant tout morales, la tentation est forte de considérer qu'il n'est pas prioritaire de songer à protéger les intérêts de celui qui a causé des dommages matériels à autrui, après, en outre, avoir bafoué la règle bientôt ancestrale d'obligation d'assurance.
En réalité, ces considérations n'ont pas lieu d'être, du moins dans une proportion excessive, à partir du constat de la volonté avérée et claire du législateur. En effet, l'article L. 421-3, alinéa 2, du Code des assurances est précis, quoique emprunt d'une certaine obscurité : "[...] la transaction est opposable à l'auteur des dommages, sauf le droit pour celui-ci de contester devant le juge le montant des sommes qui lui sont réclamées". Encore faut-il que cette contestation soit possible. Et la Cour de cassation de considérer que le sujet de droit moyen n'étant pas juriste ne comprend pas toujours quels sont ses droits s'ils ne lui sont pas précisés avec netteté ; d'où cette obligation à la charge du Fonds de garantie de ne pas se contenter d'un simple renvoi à un texte, mais de mentionner en toutes lettres les termes de ce dernier.
La méthode n'est alors pas sans rappeler celle fréquente du droit du travail, comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner. Le simple oubli de telle mention entraîne un vice, en quelque sorte, de fond et non de simple forme. L'appréhension de la capacité intellectuelle du tiers devant être informé n'est pas non plus inconnue du droit des assurances ; elle n'est pas éloigné de cet arrêt, relatif à de toutes autres préoccupations, n'ayant pas hésité à indiquer, noir sur blanc -si nous pouvons nous permettre cette expression imagée-, qu'il faut même "tenir compte de la personnalité fruste" de l'assuré... Si l'on approuve cette évolution jurisprudentielle générale, la présente décision d'Assemblée plénière ne surprendra pas ; si l'on estime qu'une infantilisation progressive des individus se produit, un jugement plus critique sera porté.
Reste surtout ce que l'arrêt n'aborde que de manière indirecte : la compatibilité entre opposabilité au tiers à la convention que constitue toute transaction -ce tiers ne le fut-il que pour partie- et le droit offert à ce dernier de contester, devant le juge, les sommes auxquelles il sera tenu en vertu de cette même transaction réalisée par le Fonds avec la victime. Sans doute peut-on y voir un moyen de pression sur le Fonds de garantie des assurances obligatoires pour qu'il ne soit pas tenté de faire preuve de trop grandes largesses dans le calcul des intérêts et indemnités à verser à la victime. Au-delà de cette volonté, a priori délibérée du législateur, sa marge de manoeuvre est réduite. Car la deuxième branche du moyen unique permet de ne pas interpréter la première comme une atteinte au recours subrogatoire accordé, là encore par la loi, au Fonds de garantie des assurances obligatoires.
La contestation de l'auteur du dommage n'aura donc guère de chances de prospérer sur le principe même du recours subrogatoire, mais sur le seul montant des sommes en cause, encore qu'aucune véritable latitude ne soit laissée à ce dernier. S'il fallait démontrer que l'Assemblée plénière de la Cour de cassation est parfois appelée à trancher des contentieux dont les enjeux sont réduits, la preuve est faite.
Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'Université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", Membre de l'Institut de Recherche en Droit Privé (IRDP)
En réponse à la "catastrophe sanitaire" que constitue l'amiante, notre droit s'est, par la création du Fonds de garantie des victimes de l'amiante (FIVA), doté de moyens efficaces afin de réparer les dommages causés aux salariés exposés à ce risque. La solution est sans doute meilleure que de s'en remettre, comme certains systèmes étrangers, aux seules règles de la responsabilité civile ordinaire et des assurances "privées".
Notre conviction s'était trouvée renforcée par une décision de la Chambre des Lords en date du 17 octobre 2007 (3) qui, aux termes d'une procédure initiée par des assureurs britanniques désireux de ne pas indemniser des salariés présentant des plaques pleurales, leur avait donné gain de cause. Les Lords avaient majoritairement décidé que les plaques ne constituent pas un dommage réparable, par trop minime, n'affectant pas réellement la santé. Ils se refusaient, au surplus, à réparer tout "préjudice d'angoisse".
En droit français, malgré l'instauration du FIVA, le contentieux est vif, notamment parce que les victimes ou leurs ayant droit peuvent contester devant une cour d'appel, dans le cadre d'une action spécifique, le montant de l'indemnité transactionnelle proposée par le Fonds. En outre, certaines victimes préfèrent, d'emblée, choisir la voie judiciaire, en saisissant le tribunal des affaires de Sécurité sociale ou, dernièrement, la voie pénale (4).
Il s'agit, pour elles, de plaider que leur exposition à l'amiante est le fruit d'une faute inexcusable de leur employeur, dans le sillage d'une célèbre jurisprudence initiée par la Chambre Sociale au moyen d'une série d'arrêts du 28 février 2002 (5) dans lesquels la Haute juridiction a énoncé que, "en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5300ADN), lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver".
C'est dans ce contexte que l'assurance de responsabilité civile de l'employeur peut être sollicitée.
Longtemps considérée comme inassurable, autant pour des raisons morales que pour dissuader ces employeurs de commettre de telles fautes d'une particulière gravité, la faute inexcusable est désormais assurable. Comme le relève l'arrêt du 19 mars 2009 ici examiné, "l'article L. 452-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5303ADR) issu de la loi du 27 janvier 1987, qui prévoit notamment que 'l'employeur peut s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu'il s'est substitué dans la direction de l'entreprise ou de l'établissement', a, mettant fin à la prohibition qui existait jusqu'alors, permis aux employeurs de s'assurer contre les conséquences financières de leur faute inexcusable".
Demeure toutefois à régler la question de l'applicabilité dans le temps de cette loi nouvelle aux contrats d'assurance. La question semble incongrue tant il peut sembler évident que, si le législateur n'a pas prévu de dispositions transitoires particulières, notamment pour imposer la rétroactivité (ce qui est toujours délicat au regard du principe posé par l'article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4), il convient de faire ici application des règles classiques de conflits de lois dans le temps.
Chacun connaît le principe de survie de la loi ancienne et sait également que les règles d'ordre public particulièrement impérieuses s'appliquent immédiatement aux effets des contrats en cours. On se souviendra peut-être que, pour la règle de proportionnalité de l'engagement de la caution personne physique, la question avait posé débat (s'agit-il d'une exigence relevant de la formation du contrat ou de ses effets ? Le fait qu'un procès soit déjà en cours lorsque la loi nouvelle entre en vigueur a-t-il une incidence ?). Le problème fut tranché par un arrêt rendu en Chambre mixte en 2006 (6).
Dès lors que l'application du nouvel article L. 452-4 du Code de la Sécurité sociale concerne le principe même de l'assurabilité du risque, il ne fait aucun doute que c'est bien lors de la conclusion du contrat d'assurance qu'il faut se placer pour en apprécier la validité ou, au contraire, le nullité.
Le premier arrêt rendu par la Cour de cassation sur ce sujet, en 2006 (7), fut l'occasion de décider : "Mais attendu que l'arrêt énonce que la loi du 27 janvier 1987 a accordé à l'employeur une possibilité qu'il n'avait pas antérieurement en ce qui concerne l'assurance de sa propre faute inexcusable, et que cette disposition créatrice de droits nouveaux ne peut s'appliquer à des fautes antérieures à l'entrée en vigueur de ce texte qui ne contient aucune dérogation expresse au principe de non-rétroactivité de la loi posé par l'article 2 du Code civil ; que la cour d'appel en a exactement déduit que la société Everite ne pouvait rechercher la garantie de la société Axa pour tous les salariés dont l'exposition aux poussières d'amiante avait pris fin avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987, ou dont la première constatation médicale de la maladie professionnelle avait eu lieu avant cette date, ces deux événements étant de nature à révéler l'existence d'une faute inexcusable, inassurable à cette époque".
Toutefois, ce que la loi n'a pas voulu faire (déroger à la non-rétroactivité), les parties le peuvent-elles ?
Indubitablement, les choses se compliquent dès lors que, en matière d'assurance responsabilité civile, il est loisible aux parties de convenir, par une clause ad hoc dite de "reprise du passé inconnu de l'assuré", du report en amont des effets du contrat d'assurance en couvrant des faits constitués dès avant la souscription. Autrement dit, si la formation du contrat peut bien être postérieure à la modification du Code de la Sécurité sociale, ses effets peuvent être conventionnellement rétroactifs.
Confrontée à une telle clause de reprise du passé dans cet arrêt du 19 mars 2009, la deuxième chambre civile précise sa pensée en énonçant "que les deux polices successivement souscrites par la société en 1993 et 2001 [...] qui fonctionnent l'une et l'autre en base "réclamation", stipulent expressément que sont couvertes toutes réclamations quelle que soit la date de commission du fait générateur et même si ce fait est antérieur à la souscription ; qu'il apparaît ainsi que les parties, autorisées par la loi du 27 janvier 1987, d'application immédiate, sont convenues d'une garantie des fautes inexcusables de l'assuré dès lors qu'il était l'objet d'une réclamation pendant la période de validité du contrat, et ce, sans exclure les faits dommageables survenus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi ;
Que de ces constatations et énonciations, d'où il résultait que, dans les contrats litigieux souscrits postérieurement au 28 janvier 1987, date d'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987, la société et les coassureurs avaient convenu de déroger au principe de non-rétroactivité de ladite loi en étendant la garantie du risque constitué par les conséquences financières de toute réclamation indemnitaire des salariés fondée sur la responsabilité de l'employeur pour faute inexcusable, la cour d'appel a exactement déduit que cette garantie était applicable aux indemnités mises à la charge de la société reconnue responsable d'une faute inexcusable à l'égard de ses salariés exposés à l'amiante avant le 28 janvier 1987, et dont les demandes d'indemnisation ont été déposées après cette date et pendant la durée de validité de ces contrats".
La Haute juridiction admet ainsi expressément une dérogation conventionnelle au principe de non-rétroactivité. En effet, bien que les faits générateurs de la responsabilité civile aient été antérieurs à la loi, le "fait générateur juridique", constitué par la réclamation de la victime -système dont on connaît les vicissitudes et la légalité dans les assurances professionnelles depuis la loi du 1er août 2003 (N° Lexbase : L3556BLB) ayant modifié l'article L. 124-5 du Code des assurances (N° Lexbase : L0959G9E)-, système choisi par les parties, était bien, lui, survenu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.
Dès lors, l'atteinte à la rétroactivité n'est pas si grande. Elle est donc validée. Sans doute la volonté de protéger l'assuré n'y est-elle pas étrangère. Toutefois, on se gardera ici de tout manichéisme tant il est vrai que dans certains domaines où l'on pourrait trop rapidement songer que le législateur intervient exclusivement pour protéger la partie "faible", dans une perspective d'ordre public de protection, la réalité est plus complexe et atteste de ce que des éléments d'ordre public de direction viennent s'y adjoindre. Dans ce "composé" aux allures d'ordre public "composite" (7), la Cour de cassation sait parfois s'écarter des dérogations conventionnelles "favorables" à telle ou telle partie faible. Le droit des baux d'habitation l'illustre, mais nous croyons la réflexion transposable au droit des assurances.
Nous comprenons qu'on puisse déceler, dans cet arrêt du 19 mars 2009, une contradiction avec celle précédemment rendue en 2006 (9). Toutefois, les deux décisions sont parfaitement conciliables, la deuxième chambre civile ayant eu, en dernier lieu, à préciser l'effet d'une clause absente du contrat litigieux examiné en 2006.
La solution nous semble devoir être approuvé, dès lors que l'assureur s'était engagé en parfaite connaissance de cause !
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
(1) Cass. civ. 2, 8 février 2006, n° 04-17.546, Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), Les Bureaux du Méditerranée c/ M. Mehmet Tanriverdi, FS-P+B (N° Lexbase : A8440DMK), Bull. civ. II, n° 43.
(2) G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, V° "opposable".
(3) Cf. nos obs., Regard d'Outre-manche sur un arrêt de la Chambre des Lords relatif à l'exposition de salariés à l'amiante, European review of private law, 2009/ 2, éd. Kluwer Law International.
(4) Cf. CA Douai, 6ème ch., 6 mars 2008, n° 07/02135, Société Alstom Power Boilers (N° Lexbase : A7278D7P), condamnant un employeur pour mise en danger de la vie d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité et de prudence imposée par les lois ou les règlements, au sens de l'article 223-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2214AMX).
(5) Cass. soc., 28 février 2002, 6 arrêts, n° 99-17.201, Société Valeo c/ Mme Monique Rabozivelo, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0761AYT), n° 99-18.389, Société Eternit industries c/ Mme Marie-Louise Delcourt-Marousez, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0766AYZ), n° 99-21.255, Société Eternit industrie c/ M. Christophe Gaillardin, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0773AYB), n° 00-10.051, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Grenoble c/ Société Ascométal, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0806AYI), n° 00-11.793, Société Eternit industrie c/ Mme Arlette Chavatte, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0602AYX) et n° 00-13.172, Société Everite c/ M. André Gerbaud, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0610AYA), JCP éd. S, 2002, II 10053, concl. A. Benmaklouf, D., 2002, Jur., 2696, note X. Pretot, RTDCiv., 2002, 310, obs. P. Jourdain.
(6) Cass. mixte, 22 septembre 2006, n° 05-13.517, P-B+R+I, B. et a. c/ CRCAM de l'Oise (N° Lexbase : A3192DRN), JCP éd. G, 2006, II, 10180, note D. Houtcieff ; D., 2006, p. 2391, obs. Avena-Robardet ; RTDCiv., 2006, p. 799, obs. P. Crocq ; RTDCom., 2006, p. 900, obs. D. Legeais ; Contrats, conc. consom., 2006, comm. 250, obs. G. Raymond ; Gaz. pal., 28-30 janvier 2007, p. 9, note B. de Granvilliers.
(7) Cass. civ. 2, 14 juin 2006, n° 05-13.090, Société Everite, FS-P+B (N° Lexbase : A9493DPB), Bull. civ. II, n° 162, p. 154.
(8) Là-dessus, cf. nos obs., L'ordre public dans les rapports locatifs, sous Cass. civ. 3, 2 juin 1999, n° 97-17.373, Société Groupe immobilier Europe c/ Iglesias et autre (N° Lexbase : A8939AYQ) et Cass. civ. 3, 16 février 2000, n° 97-22012, Société Museum national d'histoire naturelle c/ Mme Cadet., publié (N° Lexbase : A6755CHN), D., 2000, p. 733 et cette formule : "les dispositions de l'article 25 de la loi du 23 décembre 1986 ne sont pas destinées à assurer la seule protection du preneur". On notera qu'un arrêt récent réitère ce raisonnement (cf. Cass. civ. 3, 1 octobre 2008, n° 07-13.008, Office public d'aménagement et de construction (OPAC), établissement public, FS-P+B N° Lexbase : A5853EAZ, Bull. civ. III, n° 140, qui censure par ces motifs : "Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ainsi que les conditions d'attribution des logements appartenant à l'OPAC, d'ordre public, ne sont pas destinées à assurer la seule protection des preneurs").
(9) En ce sens, H. Groutel, Responsabilité civile et assurances, n° 5, Mai 2009, étude 7.
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Réf. : Cass. soc., 27 mai 2009, 3 arrêts, n° 06-46.293, Mme Marie-Christine Gardan épouse Billon, FS-P+B (N° Lexbase : A3754EHI), n° 08-42.555, Société Motorola Bretagne, FS-P+B (N° Lexbase : A3979EHT) et n° 08-41.096, M. Stéphane Le Masson, FS-P+B (N° Lexbase : A3966EHD)
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par Sébastien Tournaux, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Résumés
- Pourvoi n° 06-46.293 : le nouvel employeur ne peut invoquer à l'appui du licenciement du salarié des manquements commis par celui-ci alors qu'il se trouvait sous l'autorité de l'ancien employeur, que si le délai de deux mois depuis la connaissance des faits par le cédant n'est pas écoulé. - Pourvoi n° 08-42.555 : lorsque l'article L. 1224-1 du Code du travail est applicable, les contrats de travail se poursuivent avec le cessionnaire aux conditions en vigueur au jour du changement d'employeur. Ainsi, le nouvel employeur, tenu de maintenir les conventions individuelles octroyant des congés sans solde ou des congés réflexion-orientation, négociées avec le cédant, ne pouvait y mettre fin qu'avec l'accord des salariés concernés ou dans les conditions convenues avec lui. - Pourvoi n° 08-41.096 : le salarié protégé licencié sans autorisation administrative a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration. En cas de transfert d'entreprise, le paiement de cette indemnité incombe au cessionnaire. Toutefois, en application de l'article L. 1224-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0842H93), lorsque la cession intervient dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le nouvel employeur n'est pas tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date du transfert de l'entité économique. Il en résulte que, lorsque le salarié licencié irrégulièrement par le cédant demande sa réintégration, le cessionnaire désigné dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire doit payer une indemnité égale au montant des salaires que l'intéressé aurait perçus entre la date d'effet de la cession et celle de sa réintégration ou de sa demande de réintégration si elle est postérieure à la cession. |
Commentaire
I - Le cessionnaire subissant les conséquences des actes du cédant
Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, au sens de l'article L. 1224-1 du Code du travail, l'effet principal de ce changement est, évidemment, celui du maintien automatique et impératif de "tous les contrats de travail en cours au jour de la modification". Cette conséquence primordiale est, cependant, accompagnée d'autres obligations pour le nouvel employeur.
D'abord, le principe du maintien des contrats de travail a été nettement affiné par la jurisprudence puisque, non seulement le cessionnaire doit reprendre les contrats, mais, encore, il doit les reprendre en l'état au jour de la cession (1).
Ensuite, certaines règles collectives de l'entreprise sont parfois maintenues à la charge du repreneur, comme c'est le cas des usages et engagements unilatéraux nés sous l'autorité de l'employeur cédant, tant qu'ils n'ont pas été régulièrement dénoncés (2).
Enfin, l'article L. 1224-2 du Code du travail prévoit expressément que "le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification", ce qui, au-delà des obligations comprises dans le contrat de travail, s'étend aux créances dont le salarié était titulaire sur l'ancien employeur.
Ces différentes conséquences de la modification de la situation juridique de l'entreprise impliquent que le cessionnaire subisse les effets de nombreux actes ou décisions pris par le cédant. C'est ce qu'illustrent parfaitement les trois décisions commentées.
Dans cette première affaire (pourvoi n° 06-46.293), une salariée avait été licenciée par le cessionnaire pour faute en raison de différentes anomalies comptables, telles que des fausses factures ou des détournements de meubles. Les faits reprochés à la salariée étaient intervenus avant la cession, alors qu'elle était encore sous l'autorité du cédant.
Malgré l'écoulement d'un délai supérieur à deux mois, délai de prescription fixé en matière disciplinaire par l'article L. 1332-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1867H9Z), la cour d'appel avait jugé que le licenciement était bien justifié par les faits invoqués, parce que le cessionnaire n'en avait eu connaissance qu'à compter de la reprise de l'entreprise.
La Chambre sociale de la Cour de cassation s'oppose pourtant à ce raisonnement en jugeant que "le nouvel employeur ne peut invoquer à l'appui du licenciement du salarié des manquements commis par celui-ci alors qu'il se trouvait sous l'autorité de l'ancien employeur, que si le délai de deux mois depuis la connaissance des faits par le cédant n'est pas écoulé". Pour le dire autrement, en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, le point de départ du délai de prescription ne se situe pas au jour où le repreneur a eu connaissance des faits reprochés, mais bien au jour où le cédant a eu connaissance de ces agissements.
Cette solution n'a rien de très innovant et se pose plutôt comme un rappel. En effet, la Cour de cassation avait déjà énoncé que l'employeur cessionnaire pouvait se fonder sur des faits commis par le salarié avant la cession, "dès lors qu'aucun des deux employeurs successifs n'a[vait] laissé écouler un délai de deux mois après avoir eu connaissance desdits manquements" (3).
A bien y réfléchir, il semble que la rédaction de l'article L. 1332-4 du Code du travail puisse donner lieu aux deux interprétations. Littéralement, il aurait, en effet, tout aussi bien pu être considéré que le délai de prescription ne pouvait commencer à courir, pour le nouvel employeur, qu'au moment où il découvrait les faits fautifs du salarié. En retenant l'interprétation inverse, la Cour de cassation donne une connotation particulière aux fautes commises avant un transfert d'entreprise.
D'abord, elle assimile, d'une certaine manière, le délai de prescription à un droit à l'oubli. Les deux mois s'étant écoulés depuis que l'employeur cédant a eu connaissance des agissements de la salariée, celle-ci n'a plus à être inquiétée en raison des faits commis. Cette vision du délai de prescription laisse donc la possibilité à l'entreprise entrante d'exercer son pouvoir disciplinaire à l'égard de ces faits si l'intégralité du délai de deux mois ne s'est pas écoulée sous l'autorité de l'ancien employeur.
Ensuite, elle fait insidieusement peser sur les employeurs successifs un devoir de communication et d'information. Le cessionnaire doit s'enquérir de la situation de l'entreprise dans son ensemble, y compris des éventuelles procédures disciplinaires qu'il pourrait engager à l'encontre des salariés. A défaut d'une bonne communication entre l'entreprise entrante et l'entreprise sortante, le cessionnaire pourrait être privé de son pouvoir de sanction. Cette exigence de communication se déduit plus de la formulation de la Cour de cassation que de l'affaire en elle-même. En effet, alors que la Cour dispose, de manière générale, qu'il ne doit pas s'être écoulé plus de deux mois depuis la connaissance des faits par le cédant, l'espèce donnait lieu à une situation dans laquelle le délai de deux mois était manifestement écoulé lorsque le cessionnaire a eu connaissance des agissements fautifs, si bien que la meilleure communication du monde entre les deux employeurs successifs n'aurait pas permis au repreneur de sanctionner la salariée.
Quoiqu'il en soit, le cessionnaire subit bien, dans cette affaire, les actes et même, plus précisément, les inactions de son prédécesseur. Cela est également le cas dans la deuxième affaire commentée.
Dans cette deuxième affaire (pourvoi n° 08-42.555), un plan de sauvegarde de l'emploi avait été mis en place par l'employeur, plan qui prévoyait la possibilité pour les salariés de prendre des congés sans solde ou des congés dits de réflexion-orientation, tous deux en vue de favoriser le reclassement des salariés. En cours, d'instance, l'entreprise fut cédée à une autre société. Le cessionnaire, face au refus des salariés bénéficiant de l'un des deux congés de reprendre le travail, les licencia pour faute grave.
Après avoir rappelé qu'en cas d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail, "les contrats de travail se poursuivent avec le cessionnaire aux conditions en vigueur au jour du changement d'employeur" (4), la Chambre sociale précise, au sujet des conventions conclues entre les salariés et l'ancien employeur en vue de bénéficier des différents congés, que "le nouvel employeur, tenu de maintenir les conventions individuelles négociées avec le cédant, ne pouvait y mettre fin qu'avec l'accord des salariés concernés ou dans les conditions convenues avec lui".
Les conventions conclues entre l'ancien employeur et les salariés afin de leur faire bénéficier des congés sont donc hissées au même niveau que le contrat de travail : elles sont transmises avec lui et s'imposent au repreneur. Deux approches pouvaient être retenues.
La première approche, implicitement écartée par la Cour de cassation, aurait été d'appliquer la règle issue de l'article 1165 du Code civil (N° Lexbase : L1267ABK), à savoir le principe de l'effet relatif des conventions. Le Code du travail ne fait exception à ce principe que s'agissant du contrat de travail, si bien qu'il aurait pu trouver à s'appliquer aux congés contractuels qui, au sens strict du terme, ne ressortissaient pas du contrat de travail lui-même.
La seconde approche, adoptée par la Haute juridiction consiste, au contraire, à attribuer à ces conventions particulières un statut hybride. D'un côté, certes, il s'agit de conventions, ce qui guidera, d'ailleurs, le régime qui permettra de les modifier ou de les remettre en cause (5). Mais, d'un autre côté, ces conventions ont traits à des congés qui constituent très certainement des "conditions en vigueur au jour du changement d'employeur", au sens où l'entend la Cour de cassation. Il s'agirait, en quelque sorte, de conventions accessoires au contrat de travail si bien que, l'accessoire suivant le principal, ces conventions sont transmises au cessionnaire comme le contrat de travail lui-même (6).
On remarquera, pour conclure sur ce point, que la solution aurait été la même si les congés n'avaient pas été matérialisés par des conventions particulières et étaient issus de simples engagements du plan de sauvegarde de l'emploi. En effet, les engagements pris par l'employeur dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi sont le plus souvent considérés comme étant des engagements unilatéraux de l'employeur (7), si bien qu'ils seraient demeurés applicables aux salariés transférés, sauf à ce que le cédant les dénonce.
A nouveau, le cessionnaire subit donc les conséquences des actes effectués par le cédant, qu'il s'agisse de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou de la conclusion de conventions particulières relatives aux congés. Il va encore se voir imposer des contraintes lorsque le cédant a procédé à un licenciement illicite.
Dans cette troisième affaire (pourvoi n° 08-41.096), un employeur avait licencié un salarié protégé en qualité de candidat aux élections prud'homales, sans obtenir au préalable l'autorisation de l'inspecteur du travail. Après une très longue procédure engagée en 1998, le salarié était reconnu comme étant un salarié protégé par une décision de la Cour de cassation rendue le 25 janvier 2006 (8). Devant la cour de renvoi, le salarié demandait sa réintégration et le paiement des salaires qu'il aurait dû percevoir entre le moment de son licenciement et sa réintégration. Si la cour d'appel prononça la réintégration, elle limita, pourtant, le paiement des salaires dus à la période s'étalant entre la demande de réintégration formulée devant la cour de renvoi et la date de la réintégration.
La Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette solution au visa des articles L. 2411-22 (N° Lexbase : L0168H94) et L. 1224-2 du Code du travail. De manière très pédagogique, la Cour rappelle que le salarié protégé licencié irrégulièrement a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration. Elle ajoute que, si, en vertu de l'article L. 1224-2, le paiement de cette indemnité incombe normalement au cessionnaire, il est fait exception à cette règle lorsque le transfert intervient dans le cadre d'un redressement judiciaire. Elle conclut son raisonnement en estimant que "lorsque le salarié licencié irrégulièrement par le cédant demande sa réintégration, le cessionnaire désigné dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire doit paiement d'une indemnité égale au montant des salaires que l'intéressé aurait perçus entre la date d'effet de la cession et celle de sa réintégration ou de sa demande de réintégration si elle est postérieure à la cession". Constatant que la demande de réintégration avait été formulée dès le début de la procédure, et non seulement devant la cour de renvoi, la Cour de cassation juge donc que le paiement des salaires devait s'étendre à la période comprise entre la cession et la réintégration effective du salarié.
L'ensemble de ces trois espèces montre donc clairement l'influence qu'auront sur l'entreprise entrante les actes effectués par l'entreprise sortante. Pour autant, ces arrêts nous fournissent, également, quelques indices relatifs aux limites de cette influence.
II - Le cessionnaire échappant aux conséquences des actes du cédant
Dans chacune des trois affaires regroupées pour être ici commentées, la Cour de cassation place des limites aux contraintes que subit le nouvel employeur du fait des actes effectués par le cédant. Ces limites tiennent principalement à la liberté contractuelle et aux règles particulières des procédures collectives.
Revenons quelques instants à la solution rendue dans la deuxième affaire commentée (pourvoi n° 08-42.555). La Cour de cassation, tout en décidant que les conventions permettant aux salariés de bénéficier de congés sans solde ou de congés de réflexion-orientation s'imposent au repreneur, précise, également, que le repreneur "ne pouvait y mettre fin qu'avec l'accord des salariés concernés ou dans les conditions convenues avec lui".
Le cessionnaire peut donc se libérer des engagements contractuels pris par son prédécesseur au titre de la liberté contractuelle ou du mutuus dissensus. Comme tout contrat, ces conventions de congés peuvent parfaitement être renégociées ou résolues à condition, bien entendu, que les différentes parties s'accordent.
Cette application bien classique de la liberté contractuelle n'étonnerait pas si elle n'apparaissait pas un peu en contradiction avec la solution consistant à imposer au repreneur le maintien de ces conventions conclus par le cédant. En effet, rappelons que la Cour de cassation semble, au moins en partie, imputer la transmission de ces conventions au repreneur au titre du maintien des contrats de travail dans les "conditions en vigueur au jour du changement d'employeur".
Cependant, le rattachement par le jeu de l'accessoire de ces conventions au contrat de travail légitime le recours à la liberté contractuelle puisque la Cour de cassation juge usuellement que, sous réserve d'une hypothèse de fraude, l'employeur repreneur et le salarié peuvent procéder à une modification du contrat de travail (9).
L'article L. 1224-2 du Code du travail exclut ses effets en cas, notamment, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. C'est donc fort logiquement que la Cour de cassation exclue, dans la troisième espèce (pourvoi n° 08-41.096), l'obligation du nouvel employeur d'assumer les dettes de l'employeur cédant.
En effet, comme elle l'avait rappelé il y a encore moins d'un mois, lorsque le transfert d'entreprise se réalise à l'occasion d'une procédure collective, le cessionnaire n'est pas tenu au paiement des dettes qui incombaient au cédant au jour du changement d'employeur (10). Le procédé qui consiste à ne mettre, dans ce cas de figure, à la charge du cessionnaire que la fraction des sommes dues depuis la reprise de l'entreprise est, elle aussi, relativement courante. Ainsi, par exemple, en a-t-il déjà été jugé s'agissant d'une indemnité de congés payés (11).
Si d'autres arrêts de la Chambre sociale laissent parfois penser qu'il convient de s'intéresser non pas au moment de l'exigibilité de la dette, mais au moment de la naissance de celle-ci (12), cette solution ne devait manifestement pas être retenue en l'espèce. En effet, contrairement au paiement d'une prime comme cela était le plus souvent le cas dans ces décisions, le paiement des salaires dus entre le licenciement et la réintégration résulte d'une dette que l'on pourrait en quelque sorte qualifier de dette "successive", c'est-à-dire d'une dette dont le paiement s'impose tous les mois, à la fois à l'époque de l'ancien employeur qu'à celle du repreneur. Le fractionnement de la dette, qui n'aurait pas lieu d'être si la cession n'était pas intervenue dans le cadre d'une procédure collective, paraît donc tout à fait cohérent. Il est vrai, cependant, qu'en choisissant cette voie, la Cour de cassation opère, en quelque sorte, un retour au principe, puisque le dernier alinéa de l'article L. 1224-2 du Code du travail dispose que "le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux". Il demeure la différence notable qu'au lieu d'être tenu de l'ensemble de la dette au stade l'obligation à la dette, comme cela est habituellement le principe, le nouvel employeur ayant repris l'entreprise au cours d'un redressement judiciaire n'est pas tenu à l'obligation de ensemble de la dette, mais seulement de la part qui lui sera finalement imputable, au stade de la contribution à la dette.
Enfin, et pour conclure, il fait assez peu de doute que les limites dessinées ici par la Cour de cassation en matière de procédure collective trouveraient également à s'appliquer aux autres hypothèses dans lesquelles le cessionnaire n'est pas tenu aux dettes du cédant par l'effet de l'article L. 1224-2 du Code du travail.
(1) "Les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise dans les conditions mêmes où ils étaient exécutés au moment de la modification" (Cass. soc., 24 janvier 1990, n° 86-41.497, Société Nouvelle Micromécanique pyrénéenne c/ M. Abadie et autres N° Lexbase : A8736AAS).
(2) Pour les usages, v. Cass. soc., 16 décembre 1992, n° 88-43.834, Société Job Lana Industries c/ Monsieur Novallas (N° Lexbase : A4489ABU), Dr. soc., 1993, p. 156, note J. Savatier. Pour les engagements unilatéraux de l'employeur, v. Cass. soc., 4 février 1997, n° 95-41.468, Société Total raffinage distribution c/ Consorts Rocaboy et autres (N° Lexbase : A2094ACK), RJS, 3/97, n° 256. La Cour de cassation a, cependant, limité l'application de ces règles aux salariés présents dans l'entreprise au moment du transfert. V. Cass. soc., 7 décembre 2005, n° 04-44.594, Société Foster Wheeler France c/ M. Pierre Zaviopoulos, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8958DLD) et les obs. de Ch. Radé, L'effet relatif des usages et engagements unilatéraux transférés au nouvel employeur, Lexbase Hebdo n° 194 du 14 décembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1904AKQ), Dr. soc., 2005, p. 232, note J. Savatier.
(3) Cass. soc., 6 mars 2002, n° 00-41.388, M. Emmanuel Bourgeois c/ Société La Suisse assurance IARD (France), F-D (N° Lexbase : A1868AYT), RJS, 5/02, n° 535.
(4) V., déjà, Cass. soc., 24 janvier 1990, n° 86-41.497, préc..
(5) Cf. infra.
(6) V. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 24ème éd., en coll. avec G. Auzero, p. 495, qui parlent du transfert des "droits contractuels".
(7) Par ex., CPH Caen, sec. Industrie, 11 septembre 2007, n° 04/00034, Madame Nicole Abavent et 596 autres c/ SA Moulinex (N° Lexbase : A3273DYU) et les obs. de Ch. Figerou, Exécution du plan de sauvegarde de l'emploi : l'exemple Moulinex, Lexbase Hebdo n° 273 du 19 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N4652BCB).
(8) Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 03-45.527, M. Stéphane Le Masson c/ Syndicat national des journalistes, FS-D (N° Lexbase : A5502DMQ).
(9) Cass. soc., 17 septembre 2003, n° 01-43.687, Société Cegetel-SFR c/ M. Pascal Aiguier, FS-P+B (N° Lexbase : A5412C9C) et les obs. de Ch. Radé, Modification dans la situation juridique de l'employeur et modification du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 87 du 24 septembre 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N8856AAA), Dr. soc., 2003, p. 1132, note J. Mouly.
(10) Cass. soc., 13 mai 2009, n° 07-45.502, Société Gangloff et Nardi, F-D (N° Lexbase : A9722EG8).
(11) Cass. soc., 19 février 1992, n° 89-45-112, M. Cureau et autre c/ M. Monnerie (N° Lexbase : A5024ABP) ; Cass. soc., 11 avril 1996, n° 95-40.851, M. Jean-Pierre Malaise, ès qualités d''administrateur judiciaire c/ M. Jean-François Wroblewski et autres (N° Lexbase : A2866AGA).
(12) Par exemple, pour une dette liée au paiement d'une prime d'ancienneté, Cass. soc., 12 juillet 1994, n° 91-43.325, M. Soinne c/ Mme Elyette Baudoin et autres (N° Lexbase : A2301AGC). Pour l'obligation de payer des cotisations à une caisse de retraite née sous l'autorité de l'ancien employeur, v. Cass. soc., 2 février 2006, n° 04-40.474, Société Louis Max c/ Mme Cécile Guidetti, F-P+B (N° Lexbase : A6572DMD), JSL, 2006, n° 185-4.
Décisions
1° Cass. soc., 27 mai 2009, n° 06-46.293, Mme Marie-Christine Gardan épouse Billon, FS-P+B (N° Lexbase : A3754EHI) Cassation partielle, CA Rennes, 5ème ch., 24 octobre 2006 Textes visés : C. trav., art. L. 1332-4 (N° Lexbase : L1867H9Z) et art. L. 1224-2 (N° Lexbase : L0842H93) Lien base : ; ; 2° Cass. soc., 27 mai 2009, n° 08-42.555, Société Motorola Bretagne, FS-P+B (N° Lexbase : A3979EHT) Rejet, CA Rennes, 5ème ch., 25 mars 2008 Textes cités : C. trav., art. L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y) Lien base : 3° Cass. soc., 27 mai 2009, n° 08-41.096, M. Stéphane Le Masson, FS-P+B (N° Lexbase : A3966EHD) Cassation partielle, CA Versailles, ch. soc., 10 janvier 2008 Textes visés : C. trav., art. L. 2411-22 (N° Lexbase : L0168H94) et art. L. 1224-2 (N° Lexbase : L0842H93) Lien base : |
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