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N5755BIY
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Parmi les réformes que les professionnels juridiques attendaient, la réforme du droit des entreprises en difficulté, en date 18 décembre 2008, et son décret d'application du 12 février 2009, sur lesquels est revenu, la semaine dernière, dans nos colonnes, Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, sont au programme de l'ordonnance anticrise prescrite par le Gouvernement et qu'il convenait d'adopter rapidement. Et Gaël Piette, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Membre du CERDAC, nous propose, afin de compléter une première approche de cette réforme, de revenir sur les aspects relatifs au droit des sûretés, branche civile du droit, souvent négligée par les procédures collectives, et pourtant si complémentaire.
L'ordonnance du 8 janvier 2009, relative aux instruments financiers, refond, quant à elle, entièrement les dispositions de la partie législative du Code monétaire et financier, afin de rendre le droit des instruments financiers plus simple, lisible et sûr. Jean-Baptiste Lehnof, Maître de conférences à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan, analyse, notamment, cette semaine, la notion de "titres financiers", introduite par le texte, qui permet de regrouper au sein d'une même catégorie juridique des instruments financiers présentant des caractéristiques identiques (dématérialisation, inscription en compte) et de les soumettre à des règles communes (tenue de compte, droits du titulaire du compte, négociabilité...).
L'ordonnance du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie, qu'Alexandre Bordonave, Avocat au Barreau de Paris, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan, vous propose de commenter, affiche des mesures complémentaires afin d'étendre aux avocats la qualité de fiduciaire et de permettre aux personnes physiques de constituer une fiducie à titre de garantie ou à des fins de gestion, à l'exclusion de la fiducie constituée à titre de libéralité, dans le respect des règles applicables aux successions et aux libéralités, et des régimes de protection des mineurs et des majeurs.
Enfin, Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition privée générale, vous présente l'ordonnance du 30 janvier 2009, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, adaptant la législation au droit communautaire, lui permettant, notamment, de rendre plus efficace la législation relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que de faciliter la mise en oeuvre des mesures de gel des avoirs non terroristes.
Un programme chargé, par conséquent, et dont la qualité n'entend pas s'amoindrir dans les prochaines semaines. Nos éditions ne manqueront pas de vous présenter et d'analyser les prochaines ordonnances tapies dans les cartons du Gouvernement. Le record de l'année 2005 et de ses 93 ordonnances (contre 744 entre 1958 et 2004) reste à battre ! Mais, il faut dire que le retard de transposition des Directives européennes y avait amplement contribué. Plus sérieusement, si la pratique des ordonnances gouvernementales a longtemps constitué un palliatif à l'engorgement du Parlement, force est de constater que les sujets profondément réformés directement par le Gouvernement sont, d'une part, de plus en plus nombreux et, d'autre part, de plus en plus fondamentaux. A l'heure où l'on crie à l'abandon des prérogatives du Parlement, une réflexion globale sur l'urgence et le consentement national aurait besoin d'être menée. Et ce, d'autant que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit que les ordonnances doivent être ratifiées par une loi expresse dans un délai précis sous peine de perdre toute valeur législative ; et que ce n'est qu'à l'occasion de cette ratification a posteriori que le Conseil constitutionnel pourra se prononcer sur les mesures les plus discutées. Par conséquent, il est à prévoir que certaines mesures issues d'une ordonnance fassent l'objet d'une application alors qu'elles pourraient ne pas être ratifiées par le Parlement (à la suite d'un changement de majorité ou d'une fronde parlementaire) ou être déclarées inconstitutionnelles. Précipitation n'est pas mère de sûreté... Et se souvenir qu'un grand nombre d'ordonnances a trait à l'adaptation du droit métropolitain aux particularismes de l'outre-mer : là aussi, le consentement national aurait beau jeu.
Mais peut-on changer les habitudes françaises de légiférer ? La nuit du 4 août 1789 signait la fin de l'Ancien régime, et abandonnait le régime des Ordonnances (royales) pour la "Loi" (nationale) ; le 4 août 2008 voit ressurgir cette vieille habitude française du "juge" unique de l'urgence (cf. le régime des ordonnances de référé) habilité à prendre toutes les mesures utiles avant d'appréhender le fond. Et l'ordonnance de Louppy-le-Châtel du 26 mai 1445 de créer les Compagnies de l'ordonnance, instaurant la première armée permanente française : la problématique de centralisation du pouvoir et la problématique guerrière ne sont pas si éloignées que cela de notre actualité...
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Réf. : Loi n° 2008-776 du 4 août 2008, art. 18 (N° Lexbase : L7358IAR) ; ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 (N° Lexbase : L2227ICT) ; ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie (N° Lexbase : L6939ICY)
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N5811BI3
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par Alexandre Bordenave, Avocat au Barreau de Paris, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan
Le 07 Octobre 2010
C'est ainsi que, deux ans après la "loi inaugurale", le droit français de la fiducie vient d'être profondément remodelé par une trilogie de textes :
- la "LME", et plus précisément son article 18 ;
- l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté ;
- et l'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie.
Ces dispositions nouvelles présentent l'avantage de la cohérence, puisqu'elles trouvent dans la "LME" des racines communes ; il est donc possible d'en dresser un bilan afin de mesurer si la fiducie est, enfin, devenue un instrument pertinent et moderne (10) du droit français.
Assurément, la fiducie "2.0" de 2009 est plus vaste (I) et plus claire (II) que l'édition de 2007 ; quant à savoir si elle correspond enfin aux attentes qu'elle a suscitées, il y a vraie matière à débat.
I - Une fiducie plus vaste
Les nouvelles dispositions relatives à la fiducie ont directement élargi le champ des possibles en matière de participants à l'opération (A) et indirectement celui des financements dans lesquels il peut être utile de recourir à une fiducie-sûreté (B).
A - Les nouveaux participants à l'opération de fiducie
1 - Les nouveaux constituants
L'article 18 de la "LME" a purement et simplement abrogé l'article 2014 du Code civil (N° Lexbase : L6510HWZ). Conséquence immédiate : toute personne peut, désormais, constituer une fiducie, et non plus uniquement les personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés. Le faux argument fiscal qui avait conduit à cette restriction n'a donc pas tenu dans le temps (11).
Premiers bénéficiaires : les personnes physiques. C'est ainsi que les entrepreneurs individuels (12) pourront recourir à la fiducie pour sécuriser les financements dont ils bénéficient au titre de leur activité (13). Mais, bien au-delà des personnes physiques, une immense variété de nouvelles personnes morales est, désormais, en mesure de constituer une fiducie :
- tout d'abord, c'est le cas des personnes morales de droit français qui ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés (14) ;
- ensuite, c'est vrai pour les personnes morales de droit étrangers non imposées en France au titre de l'impôt sur les sociétés. Avant la "LME", tout portait à croire que ces dernières ne pouvaient valablement constituer une fiducie ; ce qui était un appel à se précipiter vers un droit plus accueillant : celui du trust ou du treuhand, par exemple.
La "LME" a, ainsi, mis fin à une discrimination ridiculement mal-fondée et anti-économique, et contribue donc à l'attractivité du droit français en proposant aux personnes physiques, comme aux personnes morales, un instrument universel.
2 - Les avocats, nouveaux fiduciaires
A l'origine, l'article 2015 du Code civil (N° Lexbase : L2309IB7) réservait la qualité de fiduciaire aux seuls établissements de crédit et autres établissements réglementés du secteur financier (15). Au moment de la proposition de loi du sénateur Marini, les organes représentatifs de la profession d'avocat avaient témoigné de leur intérêt pour la qualité de fiduciaire : ils ont fini par être entendus puisque un alinéa 2 de l'article précité dispose dorénavant que "les membres de la profession d'avocat peuvent également avoir la qualité de fiduciaire". L'avocat français se trouve ainsi, sur ce sujet, rehaussé au niveau de certains de ces confrères étrangers ayant (parfois, depuis déjà longtemps) développé des activités de trustee (16).
L'ordonnance du 30 janvier 2009 est venue apporter des précisions aux règles applicables à l'avocat-fiduciaire. De son articulation avec la "LME", il résulte, notamment, que :
- le contrat de fiducie dont un avocat est fiduciaire prend fin en cas d'interdiction temporaire, de radiation ou d'omission du tableau de l'avocat concerné (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, art. 18, I-7°; C. civ., art. 2029, al. 2 N° Lexbase : L2340IBB) ;
- l'avocat-fiduciaire devra être en mesure de justifier d'une police d'assurance responsabilité civile dédiée à cette activité (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, art. 18, II ) ;
- les éléments de patrimoine remis en fiducie à un avocat ne pourront transiter par le compte CARPA de ce dernier (ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, art. 8) ;
- enfin, l'avocat-fiduciaire est soumis (comme tout autre fiduciaire) aux obligations déclaratives et aux contrôles sur pièce et place dont disposent les lois relatives à la lutte contre le blanchiment et l'évasion fiscale (17) (ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, art. 9).
C'est ainsi que l'avocat-fiduciaire dispose, désormais, d'un véritable statut dérogatoire au droit commun des règles de sa profession. Par ailleurs, c'est la seule personne physique qui, en droit français, peut être fiduciaire ; il est étonnant que l'hypothèse du notaire-fiduciaire n'ait pas été envisagée par le législateur, quand on connaît l'expertise des membres de cette profession en matière de gestion patrimoniale.
B - Les nouvelles perspectives de recours à la fiducie
1 - La sécurisation de financements plus longs
En 2007, le législateur avait retenu un terme maximal de trente-trois ans pour les contrats de fiducie (18). La "LME" a étendu très sensiblement cette durée en fixant la nouvelle limite à quatre-vingt dix-neuf ans. S'ouvre ainsi une perspective sérieuse de pouvoir utiliser la fiducie afin de sécuriser des financements à très long terme ; on peut, notamment, penser aux financements d'infrastructures. On pourrait, également, se dire que pouvoir constituer des fiducies sur une durée accrue est cohérent avec l'hypothèse de la "fiducie rechargeable" expressément prévue aux articles 2372-5 (N° Lexbase : L6949ICD) (pour les meubles) et 2488-5 (N° Lexbase : L7027ICA) (pour les immeubles) du Code civil... Dommage que ces derniers articles fassent partie de deux sections dont le législateur a cru bon devoir préciser qu'elles n'étaient pas applicables aux personnes morales (C. civ., art. 2372-6 N° Lexbase : L6951ICG et art. 2488-6 N° Lexbase : L7039ICP), sans doute pas dirimant, mais dommage.
Dans le même esprit, on retient que les parties peuvent, à présent, prévoir les conditions de remplacement du fiduciaire et ne sont plus tenues de s'en remettre au juge en la matière (C. civ., art. 2027 N° Lexbase : L2369IBD). Cela ouvre la possibilité d'insérer dans les contrats de fiducie des clauses stipulant que la mission du fiduciaire prend fin à la suite de la réalisation de certains événements défavorables au constituant ou, plus encore, au bénéficiaire (19). Dans la mesure où il a été précisé, à l'article 2027 du Code civil, qu'en pareille situation le patrimoine fiduciaire est automatiquement transféré au nouveau fiduciaire, cela devrait favoriser le recours à la fiducie, notamment (encore une fois) pour sécuriser des financements à long terme, puisque le "risque de contrepartie" de la fiducie s'en trouve un peu plus maîtrisable.
2 - La "fiducie sans dépossession"
C'est à la fois un poncif et un paradoxe des sûretés réelles : le constituant est parfaitement disposé à remettre certains de ses actifs en garantie... pour autant qu'il n'en perde pas le bénéfice économique ! C'est une réalité que le législateur a bien à l'esprit, comme en témoigne l'article 2336 du Code civil (N° Lexbase : L1163HIW) qui, depuis l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés (N° Lexbase : L8127HHH), n'érige plus la dépossession comme condition de validité du contrat de gage.
En matière de fiducie, rien n'a jamais empêché les parties de convenir que le bien remis en fiducie peut continuer à être exploité économiquement par le constituant. Ainsi, on peut imaginer le cas d'une entreprise commerciale qui remettrait en fiducie à un établissement de crédit lui ayant accordé un financement ses machines-outils dont elle garderait par ailleurs l'utilisation (contre paiement d'un loyer, par exemple). En insérant dans le Code civil un article 2018-1 (N° Lexbase : L2264IBH) consacré à ce schéma, la "LME" a un double mérite.
Dans un premier temps, elle vient conforter la validité de principe du montage. De prime abord, en effet, rien n'indiquait avec certitude que mettre à disposition -éventuellement contre paiement d'une somme d'argent- du constituant les biens remis en fiducie était possible.
Dans un second temps, et plus encore, en excluant expressément la convention de mise à disposition (que nous venons de décrire) du champ d'application des articles du Code de commerce relatifs à la location-gérance et au bail commercial (20), elle assure les parties de ne pas tomber sous le coup de règles contraignantes et nuisibles à l'opération envisagée (21). Partant, le législateur laisse entrevoir la perspective d'une véritable "fiducie sans dépossession", que l'on peut estimer économiquement fondée pour le constituant et juridiquement efficace pour le bénéficiaire : en effet, le constituant n'est alors qu'un simple détenteur des actifs remis en fiducie et, à ce titre, il ne saurait, exciper utilement du principe selon lequel "en fait de meubles, la possession vaut titre" (22).
Ainsi élargie, le travers pour la fiducie aurait été devenir un abîme de risque juridique que ce soit pour le constituant ou le bénéficiaire. On peut estimer que le législateur a évité ce biais en faisant de la fiducie "nouvelle" une institution plus sûre que sa première occurrence.
II - Une fiducie plus claire
Les trois textes relatifs à la fiducie auxquels nous nous intéressons ici ont un mérite, sans doute imparfait, mais qu'il est honnête de souligner : ils font de la fiducie à la française un outil juridique plus sûr (A) et mieux articulé avec le droit des entreprises en difficulté (B). Pour la fiducie, le salut ne devrait donc plus être loin.
A - Un régime plus sûr
1 - A propos des personnes physiques (23)
L'inclusion des personnes physiques parmi les constituants d'une fiducie imposait des précautions de la part du législateur ; le moins que l'on puisse dire est qu'il ne s'en est pas privé !
Pour faire son oeuvre, le législateur semble avoir (assez justement, d'ailleurs) raisonné comme suit. Toute personne physique étant mortelle, a été organisé le sort de la fiducie en cas de décès du constituant. Dans un tel cas, la fiducie prend fin et le patrimoine fiduciaire retourne dans la succession (C. civ., art. 2029 N° Lexbase : L2340IBB et art. 2030 N° Lexbase : L2256IB8). Cela reste le cas même si la dette garantie n'est pas remboursée. Etrange.
Toute personne physique étant plus facile à détrousser qu'une personne morale, elle mérite une protection particulière. Aussi, elle ne peut renoncer au tiers de confiance de l'article 2017 du Code civil (N° Lexbase : L6970IC7) (24). Pour les mêmes raisons, en matière de fiducie-sûreté, toute personne physique voit son contrat enrichi de nombreuses mentions obligatoires (sur la dette garantie, la valeur estimée par expert du bien remis en fiducie... : C. civ., art. 2372-2 N° Lexbase : L7035ICK) et encadré par un régime strict de réalisation visant à empêcher un enrichissement indu du créancier (C. civ., art. 2372-3 N° Lexbase : L6962ICT et art. 2372-4 N° Lexbase : L7012ICP).
A titre plus particulier, existent aussi des dispositions relatives :
- aux majeurs incapables. Ainsi, le fiduciaire est tenu de rendre compte au moins annuellement au tuteur ou au curateur (C. civ., art. 2022 N° Lexbase : L2241IBM) et il ne serait être tuteur ou curateur du constituant (C. civ., art. 408-1 N° Lexbase : L2280IB3) ;
- aux majeurs mariés. Il est prévu que les époux ne peuvent "l'un sans l'autre transférer un bien de la communauté dans un patrimoine fiduciaire" (C. civ., art. 1424 N° Lexbase : L2300IBS) et, en tout état de cause, le faire en une forme autre que celle des actes authentiques, à peine de nullité (C. civ., art. 2012 N° Lexbase : L6996IC4).
Le corpus de dispositions particulières dont nous venons de tracer les grandes lignes est assurément propice à un futur succès de la fiducie auprès des personnes physiques, qui ont matière à se rassurer sur les vertus équilibrées du mécanisme.
2 - A propos des remises en fiducie de créances
En 2007, rien n'avait été dit sur l'opposabilité d'une remise en fiducie de créances. Assurément, ce n'était pas à mettre à l'actif de la fiducie (25) : d'une part, les créances représentent souvent un élément important du patrimoine de nombre d'agents économiques (26) et, d'autre part, l'opposabilité de leur transfert est traditionnellement une question délicate (27).
L'article 18 de la "LME" a corrigé le tir en enrichissant le Code civil d'un article 2018-2 ((LXB=L2335IB4]) disposant que "la cession de créances réalisée dans le cadre d'une fiducie est opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie ou de l'avenant qui la constate. Elle ne devient opposable au débiteur de la créance cédée que par la notification qui lui en est faite par le cédant ou le fiduciaire".
Bilan de cette disposition nouvelle :
- sur l'opposabilité aux tiers, elle a le mérite de la clarté et de la continuité, puisqu'elle reprend le principe simple retenu en matière de cession Dailly ;
- s'agissant de l'opposabilité au débiteur cédé, elle laisse la possibilité au constituant de continuer à procéder au recouvrement des créances transférées au patrimoine fiduciaire (comme cela pourrait être prévu dans la convention de gestion à laquelle fait référence le nouvel article 2018-1 du Code civil N° Lexbase : L2264IBH). Là encore, une forme de continuité est assurée puisque les dispositions relatives à la titrisation vont dans la même direction (C. mon. fin., art. L. 214-46, al. 1er N° Lexbase : L7121IAY) ;
- toutefois, on peut être déçus du fait que certaines des précisions figurant à l'article L. 313-27 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6399DIT) n'y soient pas reprises. Par exemple, rien n'est dit sur l'opposabilité aux tiers d'une remise en fiducie de créances futures (ce que permet pourtant l'article 2011 du Code civil N° Lexbase : L6507HWW) ;
- et quid de son utilité véritable ? Certes, la précision est appréciable mais, pratiquement, elle ne fait que permettre la reproduction de ce que la cession Dailly offre déjà. A l'évidence, il n'est pas illégitime de penser aux cas où il est impossible de recourir au bordereau Dailly, parce que le cessionnaire envisagé n'est pas un établissement de crédit, par exemple. Reste que, en matière de financement, ce sont des cas résiduels...
Non ! ce qui aurait fait sens, de manière plus évidente, aurait été de prévoir une opposabilité aux tiers par la simple remise en fiducie (28) quelle que soit la nature des biens transférés. Même si le gain en sécurité juridique généré par le nouvel article 2018-2 du Code civil (N° Lexbase : L2335IB4) n'est pas à négliger, il faut reconnaître que toute marge de progression législative n'a pas été épuisée sur ce terrain.
B - Un régime mieux articulé avec les procédures collectives
1 - Une logique restaurée
"Si les sûretés sont traquées, le crédit est détraqué". Tel était l'un des précieux enseignements de Guyon (29). Frileux et méfiant, le législateur de 2007 avait choisi de traquer la fiducie-sûreté, détraquant considérablement son attractivité pour les créanciers.
C'est ainsi que, jusqu'au 15 février 2009 (30), l'article L. 632-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6589HWX) classait "tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire en application des articles 2011 et suivants du Code civil" parmi les nullités obligatoires de la période suspecte. Il y avait de quoi décourager les créanciers mêmes les plus téméraires ! Ce classement était infondé et rompait toute cohérence avec le régime des sûretés réelles qui, selon les termes du même article, ne sont annulables de plein droit que lorsqu'elles garantissent des "dettes antérieurement contractées" (C. com., art. L. 632-1 6°). Heureusement, l'article 88 de l'ordonnance du 18 décembre 2008 est venu doter la disposition d'un minimum de bon sens en prévoyant qu'il n'y a pas nullité de plein droit en matière de fiducie-sûreté pour "dette concomitamment contractée" (C. com., art. L. 632-1 9°, nouv. N° Lexbase : L3497ICI) (31). Remarquons, toutefois, que le principe n'a pas été inversé : il ne s'est doté que d'une simple exception, laissant penser que le législateur fait encore preuve d'une forme de suspicion à l'égard de la fiducie-sûreté.
Par ailleurs, le livre 6 du Code de commerce était resté vierge de précision quant aux pouvoirs dont dispose l'administrateur (ou le liquidateur) pour résilier une fiducie constituée par l'entreprise en difficulté dont il a la charge. En tel état du droit, prise était laissée aux dispositions des articles L. 622-13 (N° Lexbase : L3352IC7) et L. 641-11 (N° Lexbase : L3446ICM) du Code de commerce : la fiducie pouvait être qualifiée de contrat en cours et, à ce titre, aurait pu être résiliée par l'administrateur ou le liquidateur. Les articles 27 et 104 de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ont la mis la fiducie à l'abri de cette prérogative. En matière de redressement judiciaire uniquement, il en va différemment de la convention de gestion des biens transférés au patrimoine fiduciaire. Rien à redire à cela : autant est-il logique que la fiducie elle-même ne soit pas laissée à la merci de l'administrateur (sa nature de contrat en cours n'étant que secondaire lorsqu'elle joue le rôle d'une sûreté), autant il est normal que la convention de gestion, qui peut porter en elle un déséquilibre à la défaveur du constituant, puisse être mise en péril pour les besoins de la procédure.
C'est donc un peu de logique que l'ordonnance du 18 décembre 2008 a réintroduit dans le Code de commerce : la place de la fiducie paraît plus juste, moins passionnée.
2 - Un équilibre trouvé ?
Au surplus, l'ordonnance semble s'approcher d'un équilibre dans le destin qu'elle réserve à la fiducie face aux difficultés du constituant.
Si aucune perspective de retour à meilleure fortune de ce dernier ne se fait jour, si une procédure de liquidation est entamée, le créancier-bénéficiaire devrait pouvoir s'approprier les biens du patrimoine fiduciaire conformément aux stipulations de la convention de la fiducie (qu'il n'aura pas manqué de négocier âprement). Cela est permis par les règles selon lesquelles le patrimoine fiduciaire est hors de portée des créanciers du constituant (C. civ., art. 2024 N° Lexbase : L6520HWE) et les biens transférés n'ont pas à être laissés à la disposition du repreneur puisque la désormais célèbre convention de gestion ne lui est cessible qu'avec l'accord du bénéficiaire (C. com., art. L. 642-7 N° Lexbase : L3435IC9) ;
A l'opposé, en matière de redressement judiciaire, l'ordonnance de 2008 a choisi de distinguer selon que les actifs, objets de la fiducie, aient été laissés, ou non, à la disposition du débiteur-constituant. Si ce n'est pas le cas, on peut raisonnablement estimer que lesdits actifs ne sont pas indispensables à l'exploitation : en conséquence de quoi, la sûreté doit pouvoir faire effet. Dans le cas contraire, la solution inverse prévaut (C. com., art. L. 622-23-1 N° Lexbase : L3438ICC).
Ici, également, il convient donc de saluer le régime pragmatique et bien adapté que le législateur a finalement choisi de réserver à la fiducie, lorsqu'elle s'entremêle de considérations propres au droit des entreprises en difficulté.
Toute multi-séculaire qu'elle soit, la fiducie importée par le système juridique français n'a rien d'un daguerréotype figé pour l'éternité. Aussitôt adoptée, aussitôt modifiée, est-on tenté de dire. Si, dans son principe, il n'y a que peu à redire à ce recours à la méthode des petits pas, on peut tout de même regretter qu'il ait donné lieu à quelques allers-retours malheureux. D'autant que d'autres zones d'ombre mériteraient encore d'être levées. Pas sérieux le législateur de la fiducie ? Il est vrai qu'en n'ayant toujours pas publié le décret en conseil d'Etat créant le registre national des fiducies (C. civ., art. 2020), il ne crédibilise pas son oeuvre. On peut toujours parler d'une Arlésienne aux utilisateurs du droit français, cela ne fait pas nécessairement d'eux des Tartarins de Tarascon.
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Réf. : Ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté (N° Lexbase : L2777ICT)
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par Gaël Piette, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Membre du CERDAC
Le 09 Novembre 2012
I - L'extension des bénéficiaires des effets de la procédure
Sous l'empire de la loi du 26 juillet 2005, la possibilité ou non de se prévaloir des effets de la procédure était limitée à la personne physique ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome (2). Ainsi, dans le cadre d'une conciliation, la caution et le garant pouvaient se prévaloir des dispositions de l'accord homologué (C. com., art. L. 611-10, al. 3, anc. N° Lexbase : L4114HBY). Dans le cadre d'une sauvegarde, la caution et le garant pouvaient se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts résultant du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde. Le jugement d'ouverture suspendait jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les cautions et garants (C. com., art. L. 622-28, anc. N° Lexbase : L3748HBG). En outre, la caution et le garant pouvaient se prévaloir du jugement arrêtant le plan de sauvegarde (C. com., art. L. 626-11, anc. N° Lexbase : L3459IC4). Dans le cadre du redressement judiciaire, la caution et le garant bénéficiaient de la suspension des poursuites, durant la période d'observation (C. com., art. L. 631-14-I, anc. N° Lexbase : L4025HBP), mais ni de l'arrêt du cours des intérêts (C. com., art. L. 631-14-II, anc.), ni des dispositions du plan de redressement (C. com., art. L. 631-20, anc. N° Lexbase : L4031HBW). Les délais et remises accordés au débiteur dans le plan de redressement ne bénéficiaient donc ni à la caution, ni au garant. Enfin, dans le cadre de la liquidation judiciaire, l'ancien article L. 641-3 (N° Lexbase : L4046HBH) se contentait d'opérer un renvoi à l'article L. 622-28. Il en résultait que ni la caution, ni le garant ne pouvaient se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts.
L'ordonnance du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté, a élargi la liste des personnes pouvant bénéficier des effets de la procédure. En effet, les nouveaux textes ne visent plus seulement la personne physique ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome, mais "les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie". Ces personnes peuvent, désormais, se prévaloir des dispositions de l'accord homologué résultant d'une procédure de conciliation (C. com., art. L. 611-10-2 N° Lexbase : L3212ICX). S'il s'agit de personnes physiques, elles pourront, également, se prévaloir du défaut de déclaration de créance pendant l'exécution du plan de sauvegarde (C. com., art. L. 622-26 N° Lexbase : L3296IC3), de l'arrêt du cours des intérêts résultant du jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde (C. com., art. L. 622-28, al. 1er N° Lexbase : L3512IC3), de la suspension des poursuites individuelles résultant du jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde (C. com., art. L. 622-28, al. 2) ou d'un redressement judiciaire (C. com., art. L. 631-14 N° Lexbase : L3321ICY), et des dispositions du plan de sauvegarde (C. com., art. L. 626-11 N° Lexbase : L3459IC4).
L'extension est considérable. D'une part, sont concernées toutes les personnes ayant consenti une sûreté personnelle. Une interrogation subsiste néanmoins : que faut-il entendre par "sûreté personnelle" ? Le cautionnement, la garantie autonome et la lettre d'intention entrent sans hésitation dans cette catégorie (C. civ., art. 2287-1 N° Lexbase : L1116HI8). Les cautions et garants sont assurément concernés, comme sous l'empire de la loi du 26 juillet 2005. Les confortants étant généralement des personnes morales, ils ne pourront guère se prévaloir que des dispositions de l'accord de conciliation homologué. L'hésitation est, en revanche, permise quant aux autres mécanismes que connaît le droit civil, qui peuvent jouer un rôle de garantie personnelle, mais dont la qualification en sûreté est contestable. Par conséquent, il reviendra à la jurisprudence de déterminer si le délégué, dans une délégation imparfaite, ou le porte-fort d'exécution peuvent se prévaloir des effets de la procédure.
D'autre part, sont concernées les personnes ayant affecté ou cédé un bien en garantie. La formule appelle deux commentaires. En premier lieu, la fiducie est concernée, puisqu'à côté de l'affectation d'un bien en garantie (hypothèse des sûretés réelles traditionnelles que sont le gage, le nantissement, l'hypothèque ou encore l'antichrèse) est mentionnée la cession d'un bien en garantie. En second lieu, cette formulation vise les constituants de sûretés réelles pour autrui, c'est-à-dire les "cautions réelles" (3). En effet, si le constituant est le débiteur qui fait l'objet de la procédure collective, il profite déjà des mesures en tant que bénéficiaire de la procédure. La logique de ces dispositions ne se conçoit donc que lorsque le constituant est un tiers.
II - La sanction des garanties disproportionnées
Innovation de la loi du 26 juillet 2005, l'article L. 650-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3503ICQ) prévoit que les créanciers peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis dans les cas de "fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci". La sanction retenue par le texte était la nullité des garanties. Cette sanction a pu être critiquée, notamment pour son manque de souplesse (3). L'ordonnance du 18 décembre 2008 modifie cette sanction, retenant que les garanties peuvent être annulées ou réduites par le juge. L'apparition de la réduction judiciaire est assurément opportune, introduisant de la flexibilité sur ce point. Demeure, en revanche, critiquable le fait que cette sanction est toujours commune aux trois cas de responsabilité du créancier, et non à la seule disproportion des garanties (5).
III - L'affaiblissement du gage sans dépossession
L'ordonnance du 23 mars 2006, portant réforme du droit des sûretés, a créé le gage sans dépossession. Mais, en ne conférant pas de droit de rétention au créancier d'une telle sûreté, le rédacteur de l'ordonnance l'avait rendue moins attractive que le gage avec dépossession. La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (loi n° 2008-776 N° Lexbase : L7358IAR) avait remédié à cet oubli, en ajoutant un 4° à l'article 2286 du Code civil (N° Lexbase : L2439IBX), aux termes duquel "peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession".
L'ordonnance du 18 décembre 2008 limite considérablement la portée de ce droit de rétention. En effet, le nouvel article L. 622-7-I du Code de commerce (N° Lexbase : L3389ICI) prévoit que le jugement d'ouverture emporte de plein droit inopposabilité du droit de rétention du créancier gagiste sans dépossession pendant la période d'observation et l'exécution du plan de sauvegarde, sauf si le bien grevé est compris dans une cession d'activité.
Cette disposition opère un choix de politique juridique. Le droit de rétention est bloqué, ce qui tend à privilégier l'entreprise, en ne permettant pas aux créanciers gagistes sans dépossession de paralyser l'activité par l'exercice de leur droit de rétention. La solution inverse, c'est-à-dire l'opposabilité du droit de rétention dans la procédure, se serait plus harmonieusement intégrée dans la logique législative. En effet, la loi du 4 août 2008 a cherché à renforcer l'intérêt du gage sans dépossession, en reconnaissant à son titulaire un droit de rétention fictif. Mais l'ordonnance du 18 décembre 2008 écarte ce droit de rétention dans les hypothèses où il serait pourtant le plus utile.
Ainsi, si la solution s'explique sous l'angle du droit des entreprises en difficulté, elle apparaît plus discutable envisagée sous l'angle du droit des sûretés. Au delà, c'est peut-être la légitimité des droits de rétention fictifs qui est elle-même à reconsidérer. Si le droit de rétention est un droit de gêner, de nuire, de se faire justice à soi-même, c'est originellement parce qu'il est fondé sur la détention matérielle du bien. Il doit demeurer exceptionnel. Multiplier les droits de rétention fictifs conduit à multiplier les hypothèses de conflit entre créanciers. Cela affaiblit également la sécurité juridique, parce qu'une détention matérielle est toujours plus perceptible qu'une publicité sur un registre spécial tenu au greffe du tribunal de commerce.
IV - La prise en considération de la fiducie
La fiducie ayant été introduite en droit français par la loi du 19 février 2007, le droit des entreprises en difficulté ne contenait, par hypothèse, aucune disposition à son sujet. L'ordonnance du 18 décembre 2008 a, par conséquent, cherché à remédier à ces lacunes (6). En premier lieu, l'ordonnance a ouvert aux personnes ayant cédé un bien à titre de garantie les mêmes droits qu'à une caution, un garant ou un constituant de sûreté réelle traditionnelle, en visant "les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie" (7).
En second lieu, l'ordonnance du 18 décembre 2008 permet la revendication, à condition qu'ils se retrouvent en nature, des biens meubles transférés dans un patrimoine fiduciaire dont le débiteur conserve l'usage ou la jouissance en qualité de constituant (C. com., art. L. 624-16 N° Lexbase : L3509ICX). Cette disposition permet, notamment, de rendre opposable aux tiers la fiducie grevant des stocks. Néanmoins, afin d'éviter que la fiducie soit réalisée dès l'ouverture de la procédure collective du constituant, et donc ne perturbe l'activité de l'entreprise, l'ordonnance a voulu limiter cette possibilité de revendication. Ainsi, dans les hypothèses de fiducie dans lesquelles le débiteur constituant conserve l'usage ou la jouissance des biens ou droits concernés, l'article L. 622-23-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3438ICC) prévoit qu'aucune "cession ou aucun transfert de ces biens ou droits ne peut intervenir au profit du fiduciaire ou d'un tiers du seul fait de l'ouverture de la procédure, de l'arrêté du plan ou encore d'un défaut de paiement d'une créance née antérieurement au jugement d'ouverture". La sanction d'une telle cession ou d'un tel transfert est la nullité.
Comme en matière de gage sans dépossession, les rédacteurs de l'ordonnance ont privilégié l'entreprise aux sûretés. L'article L. 622-23-1 fait le choix de ne pas priver le débiteur en difficulté de la jouissance de ce type de bien. Le revers de la médaille est que la fiducie est affaiblie, puisqu'elle ne peut être réalisée dans les hypothèses les plus criantes d'insolvabilité du débiteur.
Précisons, enfin, que, récemment, la fiducie a connu sa troisième réforme en l'espace de six mois. L'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie ([LXB=L6939IC]) (8), a fait entrer cette sûreté dans le livre IV du Code civil. En revanche, cette ordonnance n'a en rien modifié le régime de cette sûreté dans le droit des entreprises en difficulté.
(1) Pour un commentaire d'ensemble du texte et de son décret d'application (décret n° 2009-160 du 12 février 2009, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L9187ICA), lire P.-M. Le Corre, Les principales modifications de la législation de sauvegarde des entreprises résultant de l'ordonnance du 18 décembre 2008 et de son décret d'application du 12 février 2009, Lexbase Hebdo n° 338 du 19 février 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N5648BIZ).
(2) Ainsi qu'au coobligé, lequel ne relève pas du droit des sûretés.
(3) Même si la Cour de cassation n'apprécie plus l'expression : Cass. mixte, 2 décembre 2005, n° 03-18.210, Mme Yvette Pasquier, épouse Boudaud c/ BNP Paribas, publié (N° Lexbase : A9389DLC), D., 2006, p. 729, concl. J. Sainte-Rose, note L. Aynès ; JCP éd. G, 2005, II, 10183, note Ph. Simler ; JCP éd. E, 2006, 1056, note S. Piedelièvre ; Dr. et Patr., février 2006, p. 128, obs. Ph. Dupichot ; Rev. Lamy Dr. civ., 2006/24, n° 992, note M. Mignot ; RDC, avril 2006, p.454, note M. Grimaldi ; RTDciv, 2006, p. 357, obs. B. Vareille, et p. 594, obs. P. Crocq ; RTDCom., 2006, p. 465, obs. D. Legeais.
(4) D. Legeais, Les concours consentis à une entreprise en difficultés, JCP éd. E, 2005, n° 1510, n° 22 ; G. Piette, Une nouvelle proportionnalité en droit des sûretés ; Brèves observations sur l'article L. 650-1 du Code de commerce, Rev. Lamy Dr. civ., 2006, n° 28.
(5) G. Piette, préc..
(6) A. Lienhard, Réforme du droit des entreprises en difficulté : présentation de l'ordonnance du 18 décembre 2008, D., 2009, p. 110.
(7) Cf. supra.
(8) Pour une commentaire de cette ordonnance, lire A. Bordenave, Petit à petit, la fiducie fait son nid, Lexbase Hebdo n° 339 du 26 février 2009 (N° Lexbase : N5811BI3).
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Réf. : Cass. soc., 11 février 2009, n° 08-40.095, Mme Sophie Toulet, FS-P+B (N° Lexbase : A1380EDH)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Résumé
N'est pas valable la rupture amiable du contrat de travail intervenue en dehors du champ d'application du plan de sauvegarde de l'emploi établi à l'occasion d'une réduction d'effectifs pour motif économique et qui fait suite à un différend entre les parties sur l'exécution et la rupture du contrat. |
Commentaire
I - Rupture amiable du contrat de travail et difficultés économiques de l'entreprise
Le cadre du recours à la rupture amiable du contrat de travail dans un contexte marqué par les difficultés économiques de l'entreprise a été précisé par deux arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 2 décembre 2003 (1). Ces deux décisions, qui rappellent clairement que "le contrat de travail peut prendre fin non seulement par un licenciement ou par une démission, mais, encore, du commun accord des parties", ont consacré deux hypothèses où la rupture amiable est admise.
La première vise l'hypothèse du salarié "concerné par un projet de licenciement pour motif économique" et qui va "proposer à son employeur une rupture amiable de son contrat de travail, s'il estime y avoir intérêt" (2). La Cour de cassation a, par la suite, précisé que le salarié devait bien y avoir intérêt et que la convention devait, également, préserver ses intérêts (3).
La seconde concerne les salariés qui concluent un accord de rupture amiable ("départ volontaire") "dans le cadre d'un accord collectif mis en oeuvre après consultation du comité d'entreprise" (4).
Il faudra, désormais, ajouter formellement une troisième hypothèse, consacrée par ce nouvel arrêt intervenu le 11 février 2009, et qui concerne le salarié dont le contrat est rompu à l'amiable dans le cadre de l'exécution d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
Dans cette affaire, une salariée avait demandé à s'inscrire dans le cadre d'un plan de départs volontaires prévu par un plan de sauvegarde de l'emploi, mais après la date prévue par ce plan. Quelques jours plus tard, elle avait fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire et d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire. Dans l'intervalle, elle avait conclu avec son employeur une convention stipulant qu'il était mis fin d'un commun accord au contrat de travail, moyennant le versement par l'employeur de diverses sommes. La salariée avait ultérieurement saisi la juridiction prud'homale pour obtenir un rappel de salaire, l'annulation de la convention de rupture amiable et la requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour d'appel d'Aix-en-Provence n'avait pas fait droit à ses demandes et considéré "qu'une rupture amiable du contrat de travail reste possible, dès lors qu'elle ne cache pas une transaction destinée à régler les conséquences d'un litige ; que s'agissant du litige en cause, il est resté à l'état de discussions entre les parties, la procédure engagée par l'employeur pour faute n'ayant pas eu de suite en raison de l'initiative prise par la salariée de demander la rupture de son contrat de travail pour un tout autre motif".
L'arrêt est cassé pour violation des articles L. 122-14-7, alinéa 3 (N° Lexbase : L5572ACD), du Code du travail, recodifié à l'article L. 1231-4 (N° Lexbase : L1068H9G), les articles 1134 et 2044 (N° Lexbase : L2289ABE) du Code civil, la Haute juridiction considérant "que la rupture amiable du contrat de travail était intervenue en dehors du champ d'application du plan de sauvegarde de l'emploi établi à l'occasion d'une réduction d'effectifs pour motif économique" et "qu'il résulte [des] constatations [de la cour d'appel] qu'au jour de la conclusion de la convention de rupture amiable un différend existait entre les parties sur l'exécution et la rupture du contrat".
La solution est doublement intéressante. La Cour de cassation relève, en effet, "que la rupture amiable du contrat de travail était intervenue en dehors du champ d'application du plan de sauvegarde de l'emploi établi à l'occasion d'une réduction d'effectifs pour motif économique", ce qui était parfaitement exact dans la mesure où la demande de la salariée de bénéficier des dispositions du plan avait été présentée hors délai.
Ce faisant, la Cour suggère que, si la salariée avait demandé à bénéficier des mesures prévues par le plan, la solution aurait pu être différente. L'affirmation contenue en creux dans la décision s'inscrit, ainsi, dans la lignée des arrêts rendus en 2003 et qui visaient, rappelons-le, le salarié qui sollicite l'employeur pour convenir de son départ, alors qu'il est concerné par un licenciement économique (ce qui englobe l'hypothèse du salarié qui part dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi), ou qui bénéficie des dispositions d'un accord collectif (hypothèse de la rupture intervenue dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnel des emplois et des compétences). Même si la Cour n'avait jamais eu, à notre connaissance, la possibilité de viser expressément les départs négociés dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, cette solution s'évinçait normalement de l'un des arrêts rendus en 2003 (5).
La solution est, également, intéressante en ce que la référence au plan de sauvegarde de l'emploi n'apparaît qu'en creux et que la Cour refuse de considérer qu'en l'espèce la rupture amiable s'insérait bien dans la perspective de licenciements économiques envisagées, alors pourtant qu'un plan avait bien été adopté et qu'il avait bien prévu des départs négociés. On sait que ce refus s'explique par le fait que la demande présentée par la salariée avait été formulée hors délai et que, dans ces conditions, son départ ne pouvait être rattaché au plan. La possibilité de conclure un accord de rupture amiable dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit donc être comprise de manière stricte, le fait qu'une rupture soit postérieure au plan ne signifiant donc pas nécessairement que celle-ci sera valable, surtout lorsque les motifs qui ont conduit les parties à conclure sont étrangers à ceux qui ont conduit à l'adoption du plan, ce qui était bien le cas ici.
II - Rupture amiable et difficultés personnelles du salarié
La Cour de cassation s'est toujours efforcée de réduire les possibilités de recourir à la rupture négociée dans un contexte conflictuel. Depuis 1996, la Haute juridiction a opéré une très nette distinction entre la rupture négociée et la transaction ; lorsqu'un différend préexistait entre les parties, l'accord conclu ne saurait porter sur le principe de la rupture, mais, uniquement, sur ses conséquences ; il ne s'agit alors pas d'une rupture négociée, mais bien d'une transaction, celle-ci devant être annulée, car ayant été conclu sans que le licenciement n'ait été préalablement notifié au salarié (6).
C'est cette solution qui se trouve ici confirmée. Dans cette affaire, la rupture amiable était, en effet, intervenue entre la convocation à l'entretien préalable en vue de son licenciement pour faute, et la tenue de celui-ci, ce qui rendait évidemment le caractère "amiable" de la rupture suspect.
La cour d'appel d'Aix-en-Provence en avait jugé autrement et considéré "qu'une rupture amiable du contrat de travail reste possible dès lors qu'elle ne cache pas une transaction destinée à régler les conséquences d'un litige ; que s'agissant du litige en cause, il est resté à l'état de discussions entre les parties, la procédure engagée par l'employeur pour faute n'ayant pas eu de suite en raison de l'initiative prise par la salariée de demander la rupture de son contrat de travail pour un tout autre motif".
L'arrêt est cassé, la Haute juridiction considérant qu'il résultait des constatations de la cour d'appel "qu'au jour de la conclusion de la convention de rupture amiable un différend existait entre les parties sur l'exécution et la rupture du contrat".
En d'autres termes, l'engagement par l'employeur d'une procédure de licenciement rend suspecte toute rupture intervenue dans un temps voisin, et ce y compris si, formellement, cette rupture prend une autre forme juridique et repose sur un motif en apparence distinct.
Si l'argument se comprend, il est, toutefois, possible de s'interroger sur la pertinence de la solution finalement retenue.
L'objet de la procédure préalable au licenciement est bien non seulement d'informer le salarié sur ce qui l'attend, mais, également, de favoriser un rapprochement des parties en vue du règlement amiable de leur différend. On peut, alors, s'étonner que les parties ne soient pas autorisées à substituer un accord amiable à un licenciement, surtout lorsque l'accord amiable sauvegarde les droits indemnitaires du salarié. Dans ces conditions, il serait opportun de se demander s'il ne serait pas favorable d'étendre les solutions retenues depuis 2003 lorsque la rupture négociée s'insère dans le contexte plus large de licenciements pour motif économique, en se désintéressant de la forme juridique que prend la rupture pour vérifier simplement que l'accord conclu par le salarié sauvegarde effectivement les droits qu'ils retiraient, par ailleurs, de la législation applicable en matière de licenciement pour motif économique ?
III - Rupture amiable et rupture conventionnelle
Les arrêts rendus en 2003 par la Chambre sociale de la Cour de cassation ont fait taire le débat qui continuait d'exister sur la possibilité reconnue aux parties de négocier la rupture du contrat de travail, et ce alors que le Code du travail n'avait pas consacré la rupture négociée comme mode de rupture à part entière du contrat de travail, aux côtés de la démission et du licenciement.
Ce débat a, toutefois, rebondi après la loi du 25 juin 2008 de modernisation du marché du travail qui a mis en place le régime de la rupture conventionnelle du contrat de travail (7). On sait, en effet, que certains auteurs se sont exprimés pour exclure désormais tout recours à la rupture négociée après la consécration de la rupture conventionnelle (8) et pour écarter, également, le recours à la possibilité de transiger après la conclusion de cette même rupture (9).
La question que l'on peut se poser à la lecture de ce nouvel arrêt en date du 11 février 2009 est alors double.
Il est tout d'abord nécessaire de s'interroger sur le droit qu'auraient les parties, qui disposent désormais de la rupture conventionnelle des articles L. 1237-11 (N° Lexbase : L8512IAI) et suivants du Code du travail, de conclure une rupture négociée selon les modalités antérieurement définies par la jurisprudence. Or, il nous semble que l'arrêt du 11 février 2009 nous livre une clé pour répondre à cette interrogation.
En visant l'hypothèse d'une rupture négociée conclue dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la Cour, nous l'avons dit, valide certainement la pratique et s'inscrit dans le fil de la jurisprudence dégagée depuis 2003. Or, on sait que la rupture conventionnelle issue de la loi du 25 juin 2008 ne peut intervenir lorsque le contrat de travail est rompu dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (10). L'arrêt, qui vise, pour la première fois, la question de la rupture négociée dans le cadre du PSE, pour suggérer qu'il pourrait être validé, tombe donc à pic pour montrer l'articulation avec la loi du 25 juin 2008 : si un PSE ou un accord de GPEC existent, alors les parties, qui ne peuvent emprunter la voie de la rupture conventionnelle, peuvent tout de même rompre d'un commun accord le contrat de travail, dans les conditions fixées par la Cour de cassation depuis 2003.
Reste à déterminer si les parties pourraient, en dehors de ces hypothèses, préférer conclure un accord de rupture plutôt qu'une rupture conventionnelle ?
En pratique, la question risque de ne pas se poser dans la mesure où la rupture conventionnelle permet au salarié de bénéficier de l'assurance-chômage et d'une indemnité de rupture ; seules des hypothèses où le salarié ne souhaite percevoir ni l'une, ni l'autre, pourraient se rencontrer, comme dans l'hypothèse d'une mobilité au sein d'un groupe où les parties pourraient rompre à l'amiable le contrat de travail pour permettre au salarié de se faire réembaucher par une autre entreprise du groupe. Dans ce cas de figure, et même si nous pensons que la rupture négociée, ancienne formule, a vécu, à quoi servirait-il de l'annuler dès lors que le salarié n'a pas été lésé dans l'opération ? L'essentiel n'est-t-il pas alors de constater l'intention des parties et de vérifier que le salarié n'a pas été lésé ?
S'agissant de la possibilité de conclure une transaction après une rupture conventionnelle, il nous semble que la réaffirmation des solutions très strictes classiquement adoptées par la Cour montre que l'exercice serait des plus risqués. Faut-il le rappeler, la loi du 25 juin 2008 a pris la peine de préciser que "la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties" (11) ?
Elle ne doit donc pas se substituer au licenciement, singulièrement au licenciement pour motif personnel, car en matière de licenciement pour motif économique le message législatif est des plus brouillés (12). Lorsqu'un employeur a manifesté son désir d'engager contre le salarié une procédure de licenciement pour motif personnel, comme c'était le cas dans cette affaire, il lui sera extrêmement difficile d'y substituer une rupture conventionnelle, sans que les juges, saisis ex post par un salarié contestataire, ne considèrent que la rupture conventionnelle avait été en réalité "imposée" par l'employeur pour faire l'économie d'un licenciement.
Dans ces conditions, la rupture conventionnelle ne nous semble possible qu'en l'absence de toute manifestation d'un différend antérieur entre les parties ; dans ces conditions, et à défaut de différend, on ne voit pas quel pourrait être l'objet de la transaction. Certes, on nous objectera que le différend peut porter sur des questions annexes qui ne sont pas liées au principe même de la rupture du contrat de travail (clause de non-concurrence ou de non sollicitation, notamment). Il ne nous semble, toutefois, pas possible de dissocier des prétendus différends étrangers à la rupture du contrat, et celui qui naîtrait précisément de cette rupture, la rupture du contrat créant, à notre avis, une situation conflictuelle globale absorbant tous les contentieux antérieurs qui viennent en quelque sorte s'y agréger. C'est dire si la validité d'une transaction, impliquant l'existence d'un différend, conclue après une rupture conventionnelle, qui implique l'absence de différend, nous semble hautement discutable.
Décision
Cass. soc., 11 février 2009, n° 08-40.095, Mme Sophie Toulet (N° Lexbase : A1380EDH) Cassation partielle, CA Aix en Provence, 18ème ch., 16 octobre 2007 Textes visés : C. trav., art. L. 122-14-7, alinéa 3 (N° Lexbase : L5572ACD), recodifié à l'article L. 1231-4 (N° Lexbase : L1068H9G) ; C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 2044 (N° Lexbase : L2289ABE) Mots clef : accord de rupture amiable ; plan de sauvegarde de l'employeur ; licenciement disciplinaire ; rupture conventionnelle Lien base : |
(1) Cass. soc., 2 décembre 2003, 2 arrêts, n° 01-46.176, M. Eric Baracassa c/ Société Etienne Lacroix tous artifices, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A3401DA9) et n° 01-46.540, Crédit lyonnais c/ M. Christian Marais, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A3402DAA), et nos obs., Le triomphe de l'accord de rupture amiable du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 98 du 11 décembre 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N9682AAT).
(2) Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-46.176, préc..
(3) Cass. soc., 22 février 2006, n° 04-41.314, M. Steve Hini c/ Société Curau, F-D (N° Lexbase : A1826DNX) : "si le salarié concerné par un projet de licenciement pour motif économique peut, s'il estime y avoir intérêt, proposer à son employeur une rupture amiable de son contrat de travail, encore faut-il que la convention conclue entre les parties préserve ses intérêts".
(4) Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-46.540, préc.. Dans le même sens, Cass. soc., 22 février 2006, n° 04-42.464, Mme Marlène Jacomin c/ Crédit lyonnais, F-D (N° Lexbase : A1836DNC) ; Cass. soc., 11 octobre 2006, n° 05-43.743, Mme Antoinette Pena, épouse Martinetti, F-D (N° Lexbase : A7886DRI) ; Cass. soc., 28 novembre 2006, n° 05-41.848, M. Christian Courtois, liquidateur amiable de la société Rouen Domicile Sernam transports route, F-D (N° Lexbase : A7868DS9).
(5) Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-46.176, préc. : l'affaire concernait le licenciement de 3 salariés, mais la généralité de la formule ("concerné par un projet de licenciement pour motif économique") intègre l'hypothèse du PSE.
(6) Cass. soc., 29 mai 1996, n° 92-45.115, M. Purier c/ Société Seduca et autre (N° Lexbase : A3966AA7), Dr. soc., 1996, p. 684, note J. Savatier ; Cass. soc., 23 mai 2007, n° 05-45.077, Société Bouclon, F-D (N° Lexbase : A4867DW8) : "la cour d'appel a, notamment, relevé qu'il existait un différend entre les parties, que le document du 6 janvier 2003 portait le terme de transaction et précisait qu'il avait été conclu en application des articles 2044 et suivants du Code civil et que le motif de rupture indiqué sur l'attestation ASSEDIC était 'licenciement pour cause réelle et sérieuse' ; qu'elle en a exactement déduit que le document litigieux n'était pas une rupture amiable du contrat de travail, mais une transaction et que celle-ci, intervenue avant le licenciement, devait être annulée".
(7) Lire S. Tournaux, Article 5 de la loi portant modernisation du marché du travail : la rupture conventionnelle du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 312 du 10 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N5222BGI).
(8) En ce sens G. Couturier, SSL, 2 juin 2008, n° 12356, p. 39.
(9) Doutant fortement de cette possibilité, S. Niel, Les cahiers du DRH n° 145, juillet 2008, p. 25.
(10) C. trav., art. L. 1237-16 (N° Lexbase : L8479IAB).
(11) C. trav., art. L. 1237-11, al. 2.
(12) L'article L. 1237-11 invite à préserver le droit du licenciement, l'article L. 1237-16 à préserver les dispositions relatives au PSE et à la GPEC, mais l'article L. 1233-3, alinéa 2, (N° Lexbase : L8772IA7) introduit en cours de débats, écarte l'application des règles du licenciement pour motif économique pour les ruptures conventionnelles conclues pour un motif économique... et ce contrairement à ce que souhaitaient les partenaires sociaux dans l'ANI du 11 janvier 2008.
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Réf. : CAA Nantes, 4ème ch., 23 janvier 2009, n° 08NT01579, Département du Loiret (N° Lexbase : A2817EDP)
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par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis
Le 07 Octobre 2010
Dans sa décision, elle indique que "compte tenu de la durée de cette situation et de ses divers inconvénients, et alors que l'évaluation à laquelle a procédé le département du Loiret établissait que le recours au contrat de partenariat permettait, en l'espèce, la réalisation du projet dans un délai inférieur d'une année, au moins, à celui qu'aurait imposé la passation d'un marché soumis aux dispositions du Code des marchés publics, le principe de ce recours se trouvait justifié par la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave, préjudiciable à l'intérêt général, et affectant le bon fonctionnement du service public de l'enseignement ; qu'ainsi, le projet arrêté par la commission permanente du conseil général du Loiret, dans sa délibération du 18 novembre 2005, doit être regardé comme répondant à la condition d'urgence à laquelle les dispositions de l'article L. 1414-2 du Code général des collectivités territoriales subordonnent la passation d'un contrat de partenariat".
Une telle solution ne manque pas de surprendre et l'on espère que le Conseil d'Etat aura l'occasion de se prononcer. En attendant, l'on ne peut que constater que la cour administrative d'appel de Nantes a retenu, en l'espèce, une conception de la condition relative à l'urgence assez particulière, car ressemblant fortement à une sorte de bilan avantageux et s'inscrivant dans le mouvement actuel de banalisation du contrat de partenariat (II). Pour mieux mesurer la portée de l'appréciation ainsi portée par les juges nantais, sans doute convient-il de rappeler dans quelles conditions cette condition relative à l'urgence du projet est apparue (I).
I - Les origines de la condition relative à l'urgence
Alors que le Gouvernement souhaitait faire des contrats de partenariat des contrats globaux de droit commun, il a dû faire machine arrière à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003 (4). Celui-ci a, en effet, considéré que de tels contrats dérogeaient au droit commun de la commande publique et de la domanialité publique, et que de semblables dérogations devaient être réservées "à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé" (considérant 18).
Prenant acte des exigences constitutionnelles, le législateur délégué a conditionné la conclusion du contrat de partenariat pour en faire des contrats subsidiaires. En effet, l'ordonnance du 17 juin 2004 et le Code général des collectivités territoriales disposaient, dans leur version initiale, que "les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que pour la réalisation de projets pour lesquels une évaluation, à laquelle la personne publique procède avant le lancement de la procédure de passation : a) montre ou bien que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule, et à l'avance, les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet, ou bien que le projet présente un caractère d'urgence ; b) expose avec précision les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui l'ont conduite, après une analyse comparative, notamment en termes de coût global, de performance et de partage des risques, de différentes options, à retenir le projet envisagé et à décider de lancer une procédure de passation d'un contrat de partenariat".
Tout en reprenant l'esprit de la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003, à savoir le caractère subsidiaire du contrat de partenariat, le Gouvernement s'était bien gardé, en 2004, d'expliciter le sens de la condition relative à l'urgence du projet, urgence pouvant justifier le recours au contrat de partenariat à condition qu'il soit, également, démontré le caractère avantageux de la réalisation du projet envisagé selon la formule partenariale. La raison de ce silence était évidente : en ne définissant pas l'urgence, le Gouvernement souhaitait se réserver une marge de manoeuvre conséquente et le risque était donc que le contrat de partenariat devienne, en pratique, et grâce à une interprétation libérale de l'urgence, un authentique contrat de droit commun. Dans son jugement du 29 avril 2008, le tribunal administratif d'Orléans avait clairement indiqué qu'il n'entendait pas laisser les personnes publiques profiter abusivement du silence de l'ordonnance du 17 juin 2004. En effet, il avait visé et cité la décision du Conseil constitutionnel pour rappeler au département du Loiret que l'urgence ne pouvait pas être librement définie, mais "s'attache en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable". Mais les juges orléanais étaient aussi allés plus loin en reprenant la définition de l'urgence donnée par le Conseil d'Etat dans son arrêt "M. Sueur et autres" du 29 octobre 2004 (5), reprise à son tour par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 décembre 2004 (Cons. const., décision n° 2004-506 DC, du 2 décembre 2004, Loi de simplification du droit N° Lexbase : A0966DEI). Dans cette affaire, la Haute juridiction administrative avait, en effet, pris soin d'indiquer que l'urgence devait résulter "objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave affectant la réalisation d'équipements collectifs".
Tout en appliquant fidèlement les jurisprudences du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel, le tribunal administratif d'Orléans avait pris soin de les préciser en donnant un véritable contenu à la condition relative à l'urgence du projet. En l'espèce, le département du Loiret avait approuvé, en mars 1996, son programme prévisionnel d'investissements dans les collèges, à la suite de l'adoption d'une nouvelle carte scolaire, créant un secteur "Villemandeur" regroupant les élèves de Villemandeur, Vimory, Chevillon-sur-Huillard et Saint-Maurice-sur-Fessard, qui se répartissaient auparavant entre les secteurs d'Amilly et de Montargis. Ce programme concernait 18 collèges à construire ou à rénover et le classement établi plaçait le collège de Villemandeur au 13ème rang.
Après accord de l'inspecteur d'académie en mars 1999, le programme prévisionnel des investissements avait été mis à jour en décembre 1999, et la mise en service du collège de Villemandeur avait alors été programmée pour la rentrée 2002. Malheureusement, le département avait alors rencontré diverses difficultés pour l'acquisition des terrains nécessaires. Il avait, également, dû faire face à l'échec de deux appels d'offres successifs et avait dû se résoudre à résilier le marché conclu avec le maître d'oeuvre. Dans l'attente de l'évolution de la situation, c'est le collège Robert Schumann qui avait accueilli à Amilly les élèves qui étaient normalement destinés à fréquenter le collège de Villemandeur. Une telle situation présentait un caractère d'urgence aux yeux des élus du département du Loiret. Ils soutenaient, en effet, que l'accumulation des retards et la circonstance que le collège Robert Schumann accueillait 900 élèves, alors que sa capacité d'accueil n'était que de 600 collégiens, justifiaient le recours au contrat de partenariat pour la construction du collège de Villemandeur.
C'est avec une rigueur et une précision toute particulière que les juges orléanais avaient, en l'espèce, apprécié la réalisation de la condition relative à l'urgence. Ils avaient d'abord souligné que les marchés relatifs à la restructuration du collège d'Amilly avaient fait l'objet d'avenants relatifs à l'ajout de 5 salles banalisées, d'une nouvelle salle de sciences, et à l'extension du réfectoire afin, précisément, de permettre à l'établissement d'accueillir à la rentrée 2005 le surplus de collégiens en provenance du secteur de Villemandeur. Le tribunal administratif avait ainsi mis en exergue le fait que le département du Loiret avait "oublié" de mentionner l'existence de ces travaux. A cela s'ajoutait la circonstance que des moyens logistiques avaient été mobilisés pour assurer le transport des collégiens vers Amilly. Enfin, le jugement du 29 avril avait noté que le rapport d'évaluation mentionné à l'article L.1414-2 du Code général des collectivités territoriales faisait apparaître que le gain de temps qui était escompté par la collectivité du fait du recours au contrat de partenariat, avec une mise en service du collège de Villemandeur à la rentrée 2007, était d'une à deux années. Le tribunal administratif d'Orléans avait conclu que ce délai n'était pas décisif dans la mesure où les conditions matérielles de transport d'accueil, d'enseignement et de restauration mises en place à titre provisoire, permettaient sans difficulté particulière d'attendre un peu plus longtemps, notamment pour mettre en oeuvre les procédures de commande publique de droit commun. Au total, "l'atteinte portée au fonctionnement du service public par le retard affectant la réalisation du collège de Villemandeur ne présentait pas, à supposer même que le département ait accompli toutes diligences pour y remédier, un caractère de gravité suffisant pour justifier légalement qu'il soit dérogé au droit commun de la commande publique par le recours au contrat de partenariat".
II - Une conception particulière de la condition relative à l'urgence
C'est une appréciation totalement différente que les juges de la cour administrative d'appel de Nantes ont porté. Ils ont, en effet, pris appui sur les inconvénients résultant du retard pris dans la réalisation du collège de Villemandeur, avant de relever que le recours au contrat de partenariat permettait de "gagner" au moins une année par rapport à la solution qui aurait consisté à conclure un marché public. Plus précisément, les juges d'appel ont considéré que le retard pris dans la construction du collège de Villemandeur avait contraint le collège d'Amilly, conçu pour accueillir 600 élèves et équipé d'un restaurant scolaire de 220 places, de recevoir un nombre total de 900 élèves. Cette situation de sureffectif entraîna ainsi, pendant deux années, jusqu'à l'ouverture du collège de Villemandeur à la rentrée de 2007, de nombreuses difficultés relatives à la gestion des locaux, à la discipline et à la sécurité des élèves, ainsi qu'aux possibilités d'accès à la cantine. Partant de ce constat, la cour administrative d'appel a, alors, considéré que le gain d'au moins une année procuré par le recours au contrat de partenariat par rapport à une procédure de marché public était décisif, et permettait de satisfaire à la condition d'urgence posée par l'article L. 1414-2 précité.
Une telle argumentation ne manque pas de surprendre car elle repose sur l'idée que la preuve du bilan avantageux du contrat de partenariat suffirait, à elle seule, à établir la légalité du recours à ce type de contrat. Un rappel des conditions posées par l'ordonnance du 17 juin 2004 (et par le Code général des collectivités territoriales) n'est peut-être pas inutile à ce stade. Dans leur version initiale qui était applicable en l'espèce, ces deux textes posaient deux conditions cumulatives. Le recours au contrat de partenariat devait être justifié par l'urgence ou la complexité du projet et il fallait, en plus, procéder à une évaluation préalable exposant les motifs justifiant le choix du contrat de partenariat par rapport aux autres procédés de la commande publique et apportant la preuve du bilan avantageux du recours au contrat de partenariat. Que les juges nantais viennent donc, dans l'espèce commentée, prendre appui sur l'évaluation préalable et le gain supposé d'une année pour apporter la preuve de l'urgence du projet a donc de quoi surprendre. Un tel raisonnement revient purement et simplement à banaliser le recours au contrat de partenariat, en liant sa conclusion à la seule démonstration d'un bilan favorable.
Il faut dire que la cour administrative d'appel de Nantes a peut-être été influencée par les modifications qui ont été apportées par la loi du 28 juillet 2008 aux dispositions initiales de l'ordonnance du 17 juin 2004 et au Code général des collectivités territoriales. Même si ces nouvelles dispositions n'étaient pas applicables au cas d'espèce, il faut savoir que la loi du 28 juillet 2008 a considérablement modifié l'agencement des conditions du recours au contrat de partenariat, et cela afin d'en faciliter la conclusion. Au système reposant sur deux conditions cumulatives (projet urgent ou complexe et bilan avantageux), le législateur a substitué un dispositif reposant sur trois conditions alternatives (projet urgent ou complexe ou avantageux). De fait, il est, désormais, plus facile de justifier le recours au contrat de partenariat car la simple démonstration de son efficience (pour reprendre les termes employés par le secrétaire d'Etat chargé du Commerce) suffit.
Initialement subsidiaire, le contrat de partenariat tend à devenir progressivement un contrat dont la conclusion est faussement conditionnée. C'est oublier, pourtant, que s'il offre de nombreux avantages, il présente, également, de sérieux risques pour les collectivités publiques comme le montre, notamment, le retour d'expérience britannique (endettement déguisé des personnes publiques, coût de l'ouvrage finalement plus élevé en partenariat public-privé, gain de temps minime voir nul, etc.). On ne peut donc qu'inciter les collectivités publiques à faire preuve de la plus grande prudence en la matière.
(1) Loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, relative au contrat de partenariat, JO du 29 juillet 2008, p. 12144. Et nos obs., La loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat : une promotion du partenariat public-privé à la française enfin assurée, Lexbase Hebdo n° 80 du 24 septembre 2008 - édition publique (N° Lexbase : N1937BH9).
(2) Loi n° 2009-179 du 17 février 2009, pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, JO du 18 février 2009, p. 2841.
(3) TA Orléans, 29 avril 2008, n° 0604132, M. Jean-Pierre Lenoir, Syndicat national des entreprises de second oeuvre du bâtiment ([LXB=A8857D8K)]), Dr. adm., 2008, comm. 92, note F. Melleray, et nos obs. Le contrat de partenariat, un contrat administratif résolument subsidiaire, Lexbase Hebdo n° 71 du 25 Juin 2008 - édition publique (N° Lexbase : N3767BGM).
(4) Cons. const., décision n° 2003-473, du 26 juin 2003, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (N° Lexbase : A9631C89).
(5) CE 2° et 7° s-s-r., 29 octobre 2004, n° 269814, M. Sueur (N° Lexbase : A6635DD4), RFDA, 2004, p. 1108, concl. D. Casas.
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Réf. : Ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009, relative aux instruments financiers (N° Lexbase : L4604ICI)
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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Le 07 Octobre 2010
L'essentiel de l'ordonnance, repose sur les dispositions, fort longues, de son article 1er qui propose l'adoption d'un nouveau plan pour le livre II du Code monétaire et financier. Ce dernier fait, surtout, apparaître une nouvelle distinction entre "titres" et "contrats" financiers (A), ce qui permet de distinguer entre les produits de placement qui obéissent à un régime juridique différent. Les conséquences de cette nouvelle typologie, plus concrète, se traduisent par la quasi-suppression des références aux anciens concepts (B) de "valeurs mobilières" et "d'instruments financiers à terme" ces notions n'étant plus utilisés que de façon résiduelle.
A - Une nouvelle nomenclature articulée autour des concepts de "titres" et de "contrats" financiers
Le nouvel article L. 211-1, I (N° Lexbase : L5536ICZ) dispose, désormais, que : "les instruments financiers sont les titres financiers et les contrats financiers". Les titres financiers sont constitués des titres de capital émis par les sociétés par actions, des titres de créance (à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse) et les parts ou actions d'organismes de placement collectif. Quant aux contrats financiers, que le texte de l'ordonnance permet encore de dénommer "instruments financiers à terme" (cf., infra, B), ils correspondent aux contrats à terme qui figurent sur une liste fixée par décret.
Cette simplification considérable des dispositions du livre II du Code monétaire et financier permet, de la sorte, de faire correspondre les nouvelles notions à des régimes spécifiques aux "titres" et aux "contrats".
S'agissant de ces derniers, l'ordonnance est particulièrement laconique, se contentant, après avoir posé leur définition, de renvoyer aux dispositions du Code civil en les soumettant exclusivement à deux principes. D'une part, à celui de la force obligatoire des contrats de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et, d'autre part, à l'interdiction d'invoquer l'exception de jeu de l'article 1965 du même code (N° Lexbase : L2188ABN), qui établit que "la loi n'accorde aucune action pour une dette de jeu ou le paiement d'un pari". Il en résulte l'introduction dans le Code monétaire et financier d'un article L. 211-35 (N° Lexbase : L5574ICG), qui dispose que, pour les contrats financiers, "nul ne peut, pour se soustraire aux obligations qui résultent de contrats financiers, se prévaloir de l'article 1965 du Code civil, alors même que ces opérations se résoudraient par le paiement d'une simple différence".
Le régime applicable aux titres financiers est, en revanche, beaucoup plus détaillé et, surtout, désormais articulé de façon homogène, l'ordonnance présentant, sous forme systématique, les règles communes à cette catégorie d'instruments financiers.
Ainsi, s'agissant de l'émission, l'article L. 211-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5589ICY) prévoit, dans sa nouvelle rédaction, que les titres ne peuvent être émis que par l'Etat, une personne morale, un fonds commun de placement, un fonds de placement immobilier ou un fonds commun de titrisation. Ce nouveau texte remplace, donc, les anciens articles L. 211-3 à L. 211-4-1 dont l'articulation était particulièrement complexe.
L'inscription en compte fait également l'objet d'une sous-section spécifique aux articles L. 211-3 (N° Lexbase : L5498ICM) à L. 211-5, qui font référence, désormais, à la constitution d'un "compte-titre" tenu, soit par l'émetteur, soit par l'un des intermédiaires mentionnés aux 2° à 7° de l'article L. 542-1 (N° Lexbase : L5607ICN) -au rang desquels figurent, entre autres, certains établissements étrangers- (C. mon. fin., art. L. 211-3). Ce compte-titre est ouvert au nom d'un ou de plusieurs titulaires, propriétaires des titres financiers qui y sont inscrits (sauf exceptions (2)), le législateur ayant souhaité préciser que les titulaires de comptes-titres sont propriétaires des titres financiers et non créanciers de l'établissement qui les tient (C. mon. fin., art. L. 211-4 N° Lexbase : L5590ICZ).
Cette série de dispositions est, enfin, complétée par les articles L. 211-6 (N° Lexbase : L5562ICY) à L. 211-8 qui établissent les règles applicables à la tenue de compte-conservation (3), regroupées désormais, fort opportunément, sous un paragraphe commun. A ce titre, on notera que l'ordonnance, grâce à la nouvelle rédaction de l'article L. 211-8 (N° Lexbase : L5628ICG), donne valeur législative à une disposition qui existait déjà dans le règlement général de l'Autorité des marchés financiers , et qui autorisait les teneurs de compte-conservateurs à déléguer tout ou partie des tâches liées à leur activité. Ainsi, la règle posée par le régulateur trouve, désormais, son fondement dans une norme de rang législatif, interdisant ainsi de remettre en question sa validité.
Dans un autre registre, celui de la transmission des titres financiers, l'ordonnance met également en oeuvre ce mécanisme de "relevance", en élevant l'ancienne disposition réglementaire de l'article R. 211-2 du Code monétaire et financier à un rang législatif. C'est donc maintenant l'article L. 211-15 (N° Lexbase : L5542ICA), qui dispose que "les titres financiers se transmettent par virement de compte à compte". Ce volet, relatif à la transmission, pose, par ailleurs, dans son premier paragraphe, relatif à la négociabilité de droit (4), un nouveau principe, (C. mon. fin., art. L. 211-16 N° Lexbase : L5586ICU), celui de la protection du droit de propriété du titulaire du compte, lorsque celui-ci a acquis des titres financiers de bonne foi. Il interdit, ainsi, dans ce cas, toute revendication d'un titre financier "pour quelque cause que ce soit".
Toujours dans le cadre de la transmission, un second paragraphe synthétise un ensemble de dispositions communes à tous les titres financiers (dont l'essentiel, figurait, toutefois déjà aux articles L. 431-2 et suivants). Ainsi, le régime commun de la négociabilité et de la transmission figure, désormais, aux articles L. 211-17 (N° Lexbase : L5540IC8) à L. 211-19, les formes particulières de transmission -adjudication, prêt, ou pension- étant régies par les dispositions des articles L. 211-21 (N° Lexbase : L5480ICX) à L. 211-34.
Par le même procédé, un nouveau paragraphe établit, également, un régime commun à la "protection du titulaire du compte" en reprenant des dispositions éparses, les articles L. 211-9 (N° Lexbase : L5492ICE) à L. 211-12 instaurant un ensemble de mécanismes de sauvegarde des droits des titulaires du compte-titre, notamment en cas d'ouverture d'une procédure collective ou de liquidation judiciaire d'un intermédiaire. In fine, l'article L. 211-20, I (N° Lexbase : L6971IC8) établit, lui, le cadre juridique applicable au nantissement du compte-titre.
B - La suppression aux références inutiles aux "valeurs mobilières" ainsi qu'aux anciennes notions
C'est ainsi que se dessine, grâce à l'ordonnance, une organisation extrêmement cohérente, structurée sur le droit commun (pour les contrats financiers), mais, également, sur des dispositions de droit spécial qui offrent une unité de régime pour tous les titres financiers. Au-delà de l'aspect logique de cette présentation, le législateur se dégage, donc, des règles issues du droit des sociétés, pour compléter ces dernières par une nouvelle approche, orientée vers son versant boursier.
Une des marques les plus importantes de cette constitution progressive d'un droit boursier de plus en plus détaché de son socle historique du droit des sociétés résulte, notamment, des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance. Celui-ci supprime, en effet, dans le Code monétaire et financier la définition des valeurs mobilières, qui figurait auparavant à l'article L. 211-2, pour en faire, désormais, le deuxième alinéa de l'article L. 228-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L5565IC4). Ainsi, seule subsiste la notion de titre financier, à l'exception du maintien dans ce même code, pour des raisons pratiques, du terme "organisme de placement collectif en valeurs mobilières". Quant au Code de commerce, il précise désormais, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 228-1, que "les valeurs mobilières sont des titres financiers au sens de l'article L. 211-1 du Code monétaire et financier, qui confèrent des droits identiques par catégorie".
Pour l'essentiel, l'ordonnance opère, ainsi, par de nombreux renvois, à l'éviction du terme de valeurs mobilières dans le Code monétaire et financier, ses articles 8 et 9 introduisant, par ailleurs, dans le Code général des impôts et dans le Code de la Sécurité sociale les nouvelles notions de titres financiers. Enfin, son article 4 s'emploie à opérer des modifications formelles dans de très nombreux textes, notamment par le remplacement du terme "gage" par celui de "nantissement" et celui de "conservation ou administration d'instruments financiers" par "tenue de compte-conservation d'instruments financiers".
II - L'adaptation des opérations sur instrument financier au contexte international
Les dispositions relatives aux infrastructures de marché paraissent, corrélativement, beaucoup moins importantes que celles qui concernent la typologie des instruments financiers. Elles n'en révèlent pas moins le souci des auteurs de l'ordonnance de tirer toutes les conséquences de la nouvelle nomenclature des instruments financiers en adaptant, notamment, le régime des opérations à l'encadrement juridique communautaire (A), et en levant, par ailleurs, les obstacles juridiques qui grevaient la performance de certains produits financiers (B).
A - L'adaptation du régime des opérations à l'encadrement juridique communautaire
C'est ainsi que l'ordonnance introduit dans le Code monétaire et financier une série de dispositions qui fixent les "règles communes applicables aux opérations sur instruments financiers". Elle établit, à propos des mécanismes de compensation et de cessions de créance, dans un nouvel article L. 211-36 (N° Lexbase : L7017ICU), un régime pour ces opérations, élevant, par la même occasion au rang législatif l'ancien article (issu d'un règlement) D. 211-1 A. Ce dernier, en effet, soumettait aux règles de la compensation-résiliation, les contrats d'option, contrats à terme ferme "et tous autres contrats à terme sur marchandises ou autorisation d'émission", à la condition que ces derniers soient soumis à un enregistrement par une chambre de compensation reconnue ou fassent l'objet de couverture d'appels périodiques. Ainsi, l'ex-disposition réglementaire assimile, désormais, ces produits à des instruments financiers, essentiellement pour des raisons de mise en oeuvre de droit transitoire liés à la transposition de la Directive 2004/39 (Directive 2004/39 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les marchés d'instruments financiers N° Lexbase : L2056DYS) (5).
C'est, également, à un élargissement, portant, cette fois, sur les participants aux systèmes de règlement interbancaires et aux systèmes de règlement et de livraison, que procède l'article 2 de l'ordonnance. En effet, l'article L. 330-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5529ICR) ouvre la participation à ces systèmes aux dépositaires centraux et aux gestionnaires de systèmes de règlement et de livraison, tant en raison des modifications que ces derniers ont récemment connues dans leur fonctionnement que des évolutions future du droit communautaire que le législateur a, ici, souhaité anticiper (6).
B - Mise en adéquation des textes de droit interne aux sujétions internationales
L'article 6 de l'ordonnance vient modifier, en revanche, des dispositions extra financières, afin d'aligner les conditions d'indexation des titres de créance et des instruments financiers à terme de droit interne sur leurs homologues étrangers. En effet, l'article 1er de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 modifiée, relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme (N° Lexbase : L3377A9X), exige que tous les indices de prix utilisés excluent le prix du tabac. Or, l'exclusion de la prise en compte de l'augmentation de ce poste de dépense dans le panier des ménages pénalisait les produits financiers français, indexés sur un taux différent de celui de leurs homologues européens. L'ordonnance modifie, donc, la base de calcul de l'indexation, adaptant, ainsi, la base de calcul de l'indexation à des standards internationaux.
(1) C. mon. fin., art. L. 542-1 : "Seuls peuvent exercer les activités de conservation ou d'administration d'instruments financiers:
1° Les personnes morales au titre des instruments financiers qu'elles émettent par appel public à l'épargne ;
2° Les établissements de crédit établis en France ;
3° Les entreprises d'investissement établies en France ;
4° Les personnes morales dont les membres ou associés sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes et engagements, à condition que ces membres ou associés soient des établissements ou entreprises mentionnées aux 2° et 3° habilités en vue de l'administration ou de la conservation d'instruments financiers ;
5° Les personnes morales établies en France ayant pour objet principal ou unique l'activité de conservation ou l'administration d'instruments financiers, ainsi que celles ayant pour objet exclusif d'administrer une ou plusieurs institutions de retraite professionnelle collective ;
6° Les institutions mentionnées à l'article L. 518-1(N° Lexbase : L6032ICE) ;
7° Dans des conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les personnes morales ayant pour objet principal ou unique l'activité de conservation ou d'administration d'instruments financiers qui ne sont pas établis en France.
Les personnes mentionnées au 1° sont soumises, pour leur activité d'administration ou de conservation d'instruments financiers, au pouvoir de contrôle et de sanction de l'Autorité des marchés financiers. Les personnes mentionnées aux 2° à 5° sont soumises, pour leur activité d'administration ou de conservation d'instruments financiers, aux obligations législatives et réglementaires et aux règles de contrôle et de sanction fixées par le présent code pour les prestataires de services d'investissement. Les personnes mentionnées aux 2° et 3° font l'objet, pour leur activité d'administration ou de conservation d'instruments financiers, d'une habilitation délivrée dans le cadre de leur agrément. Les personnes mentionnées au 5° sont soumises aux règles d'agrément fixées par le présent code pour les entreprises d'investissement. Les personnes mentionnées au 7° doivent être soumises dans leur Etat d'origine à des règles d'exercice de l'activité de conservation ou d'administration d'instruments financiers et de contrôle équivalentes à celles en vigueur en France. L'Autorité des marchés financiers exerce à l'égard de ces personnes les pouvoirs de contrôle et de sanction prévus par le présent code pour les prestataires de services d'investissement, en tenant compte de la surveillance exercée par les autorités compétentes de chaque Etat".
(2) C. mon. fin., art. L. 211-5 : "Par dérogation, le compte-titres peut être ouvert : 1. Au nom d'un fonds commun de placement, d'un fonds de placement immobilier ou d'un fonds commun de titrisation, la désignation du fonds pouvant être valablement substituée à celle de tous les copropriétaires ; 2. Au nom d'un intermédiaire inscrit agissant pour le compte du propriétaire des titres financiers, mentionné au septième alinéa de l'article L. 228-1 du Code de commerce et dans les conditions prévues par ce même code".
C. mon. fin., art. L. 211-6 : "Le compte-titres est tenu par l'émetteur lorsque la loi l'exige ou lorsque l'émetteur le décide. Dans les autres cas, il est tenu au choix du propriétaire des titres par l'émetteur ou par un intermédiaire mentionné à l'article L. 211-3. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article".
C. mon. fin., art., L. 211-7 : "Les titres financiers admis aux opérations d'un dépositaire central peuvent être inscrits dans un compte-titres tenu par un intermédiaire mentionné à l'article L. 211-3, sauf décision contraire de l'émetteur. Les titres financiers qui ne sont pas admis aux opérations d'un dépositaire central doivent être inscrits dans un compte-titres tenu par l'émetteur au nom du propriétaire des titres. Toutefois, sauf lorsque la loi ou l'émetteur l'interdit, les parts ou actions d'organismes de placement collectif peuvent être inscrites dans un compte-titres tenu par un intermédiaire mentionné à l'article L. 211-3".
C. mon. fin., art., L. 211-8 : "Le teneur de compte-conservateur de titres financiers peut, dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, confier à un tiers tout ou partie de ses tâches".
(4) L'article L. 211-14 précise que les titres financiers sont négociables hormis les parts de sociétés civiles de placement immobilier et celles de sociétés d'épargne forestière.
(5) Cf. Rapport au Président de la République : "Le III de l'article L. 211-36-1 reprend, pour des raisons de sécurité juridique, le II de l'article D. 211-1 A, qui étend la définition des instruments financiers à terme pour les besoins des dispositions relatives à la compensation-résiliation afin d'assurer sur ce point la continuité juridique avec le droit antérieur à la transposition de la Directive 2004/39/CE"
(6) Cf. Rapport au Président de la République, ibid : "Il s'agit de tenir compte à la fois des évolutions récentes de ces systèmes et de la révision en cours de la directive sur le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de livraison de titres et de celle sur les garanties financières".
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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
Le 07 Octobre 2010
La déductibilité des provisions constituées par un contribuable est subordonnée au respect de conditions de forme et de fond.
S'agissant de la forme, le droit fiscal, traditionnellement attaché au formalisme, exige une inscription en comptabilité et sur le tableau des provisions, même s'il n'y a qu'une seule provision constituée par l'entreprise (CE, 22 avril 1963, n° 57820, Dupont 1963, p. 458).
En second lieu, les dispositions de l'article 39-1-5° du CGI et la jurisprudence subordonnent la déductibilité des provisions aux conditions de fond suivantes.
- Les pertes ou les charges provisionnées sont admises en déduction : elles entraînent, à ce titre, une diminution de l'actif net.
- Les pertes ou les charges doivent être nettement précisées : à ce titre, leur montant doit être évalué avec une approximation suffisante. Ainsi, une assignation délivrée à une entreprise, afin de mettre en cause sa responsabilité civile, ne comportant aucun élément chiffré ne peut être considérée comme étant d'une approximation suffisante justifiant la constitution d'une provision (CAA Paris, 2ème ch., 28 mars 1995, n° 93PA01414, Société Etudes et Réalisations de Constructions (ERC) N° Lexbase : A2489BIZ). La jurisprudence reconnaît l'usage des statistiques, élaborées par un syndicat professionnel ou par l'entreprise elle-même, si elles sont pertinentes et fiables (CE 9° et 10° s-s-r., 14 février 2001, n° 189776, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Catalogne Poids Lourds N° Lexbase : A8859AQ8). Telle est l'hypothèse d'une provision pour créances douteuses basée sur un pourcentage d'irrécouvrabilité issu des observations de l'entreprise. En revanche, pour un magasin de vêtements, le fait de constituer une provision à partir d'un taux identique de dépréciation à l'ensemble des collections sans distinction entre les vêtements "hommes", "femmes" et "enfants" ne répond pas aux exigences de la loi (CAA Nantes, 1ère ch., 3 mars 1998, n° 95NT01197, SARL Les Fadas N° Lexbase : A9954BGR).
- Les pertes ou les charges sont probables : elles ne peuvent être éventuelles et les circonstances de fait et de droit ont un rôle déterminant dans chaque cas d'espèce. Ainsi, est probable le risque supporté par l'entreprise lors d'un recours contentieux initié par un tiers à son encontre, telle qu'une action prud'homale, par exemple.
- Les pertes ou les charges résultent d'événements en cours à la date de clôture de l'exercice mais le contribuable est libre (1) de doter l'intégralité de la provision ou de reporter cette décision sur un exercice ultérieur, toutes choses égales par ailleurs (CE Contentieux, 2 décembre 1977, n° 1247 N° Lexbase : A5203AZQ). Il est toutefois possible de s'interroger sur l'influence de la date de prise de connaissance, par l'entreprise, de l'événement en cours justifiant la provision. Le contribuable peut-il ainsi déduire la provision lorsqu'il prend connaissance, après la clôture de l'exercice mais avant l'expiration du délai de déclaration des résultats, d'un événement en cours à la date de clôture ? La cour administrative d'appel de Lyon y a répondu par l'affirmative s'agissant d'une entreprise victime de malversations commises lors d'un exercice clôturé au 31 décembre, mais en ayant eu connaissance avant l'expiration du délai de déclaration des résultats de l'exercice en question, a pu constituer une provision (CAA Lyon, 2ème ch., 24 mai 2000, n° 96LY00682, SARL L'Orangeraie N° Lexbase : A8222AZK). L'arrêt "Société Abstract Medecine" rendu par la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 9ème ch., 16 octobre 2008, n° 07PA02745, Société Abstract Medecine N° Lexbase : A0919ECZ) prend position dans le même sens : "dès lors que les événements justifiant la provision sont intervenus au cours de l'exercice, cette provision peut être constituée jusqu'à l'expiration du délai de déclaration alors même que l'entreprise n'aurait eu connaissance des événements dont s'agit que postérieurement à la clôture de l'exercice". Cette jurisprudence doit être approuvée car elle est commandée par le bon sens : c'est bien l'événement qui constitue le fait générateur de la provision et non l'instant de sa connaissance par le contribuable, dont il serait par ailleurs bien difficile de rapporter la preuve tant sa fugacité paraît étrangère à la rationalité cartésienne du fiscaliste !
En l'espèce, une société mère s'est portée caution à hauteur de 1 000 000 decfrancs (152 449 euros) au profit de sa filiale détenue à 100 % qui avait contracté un prêt de 5 000 000 de francs (762 245 euros) auprès d'un établissement financier afin de lancer un journal grand public consacré à la santé. La cour va alors vérifier que l'engagement de la société mère n'était pas anormal : on sait, en effet, que la théorie prétorienne de l'acte anormal de gestion permet au juge de l'impôt de refuser la déduction d'une charge considérée comme anormale dans le cadre de la gestion de l'entreprise (3). La jurisprudence témoigne à ce titre d'un contrôle opéré (4) quant à l'engagement d'une caution à l'égard d'un tiers (CE Contentieux, 24 mars 1978, n° 02628 N° Lexbase : A5160AIX) en autorisant la déduction de la provision de la base imposable (v. s'agissant d'engagements à titre gratuit : CE Contentieux, 17 février 1992, n° 74272, Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget c/ Société Carrefour N° Lexbase : A5069AR8, concl. P. Martin, RJF, avril 1992, p. 267 ; CAA Lyon, 4ème ch., 25 octobre 1995, n° 94LY00427, Société Montlaur Sakakini N° Lexbase : A3094BGP ; CAA Nancy, 1ère ch., 23 novembre 1993, n° 92NC00303, SA Sodibrag N° Lexbase : A6605AWK). Puis, la cour administrative d'appel de Paris va reprendre les critères tenant en l'évaluation précise de la perte probable ainsi que l'établissement des circonstances qui vont permettre de conclure en la défaillance du débiteur principal, l'intervention de la caution ainsi que l'impossibilité pour cette dernière de "recouvrer la créance à laquelle elle sera subrogée". Au cas d'espèce, les conseillers de la cour rejettent in fine les prétentions de la requérante car la condition de probabilité n'était pas satisfaite : le constat au 1er avril 1996 -c'est-à-dire avant l'expiration du délai légal de déclaration des résultats- de l'existence de comptes déficitaires de la société filiale n'induit pas que cette dernière ait été dans l'impossibilité d'honorer la première échéance du prêt prévue au mois de juillet 1996. Partant, la provision constituée au 31 décembre 1995 n'était pas justifiée. Il y a, en effet, une distinction entre la notion de déficit et celle de trésorerie dès lors que des résultats déficitaires peuvent être la conséquence de charges non décaissables -tels que des amortissements- ne se traduisant pas par des flux monétaires. Il n'y a pas, par conséquent, de relation systématique de cause à effet entre des déficits et un futur incident de trésorerie justifiant la dotation d'une provision.
Les arrêts "Société Industrielle et Financière de l'Artois" soulèvent deux aspects l'un ayant trait à la durée de vérification de comptabilité (1) ; l'autre portant sur l'application de l'article 209 B du CGI (2).
1. Procédure
Sauf exception (5), aux termes de l'article L. 52 du LPF (N° Lexbase : L3957AL7) : "Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois". Cette garantie ne concerne que "Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes" n'excède pas 763 000 euros (6) s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement ; ou de 230 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises proposant des prestations de services ou exerçant une activité non commerciale (7).
La conséquence tirée par l'administration fiscale dans sa doctrine (D. adm. 13 L-1314, 1er juillet 2002, § 12) en cas de violation de cette garantie légale est la nullité absolue et inconditionnelle de la procédure même en cas d'accord tacite ou expressément formulé par le contribuable quant à la durée de la vérification sur place (8).
Que faut-il entendre par "chiffre d'affaires" ? La jurisprudence s'est prononcée à plusieurs reprises en excluant du champ d'application de l'article L. 52 du LPF les entreprises qui se livraient à des activités civiles même si le contribuable est une société de forme commerciale (CE 9° et 10° s-s-r., 28 mars 2008, n° 284548, Me Ancel, es-qualité de liquidateur de la SARL Janfin N° Lexbase : A5935D7X ; CE 9° et 10° s-s-r., 21 décembre 2007, n° 281068, Société Centre d'Etudes et d'Intérêts Particuliers N° Lexbase : A1471D3U ; CE 9° et 10° s-s-r., 21 décembre 2007, n° 281123, SCI La Baronne N° Lexbase : A1472D3W ; CE 9° et 10° s-s-r., 21 décembre 2007, n° 281124, Société Saipa N° Lexbase : A1473D3X).
Au cas particulier, la société requérante a soulevé l'irrégularité de la procédure au regard des dispositions de l'article L. 52 du LPF mais un tel grief était voué à l'échec compte tenu de la jurisprudence développée par le Conseil d'Etat et les cours administratives d'appel (CAA Nantes, 1ère ch., 5 février 2007, n° 04NT00207, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Financière du Val N° Lexbase : A3645DWW) dont la présente juridiction confortée récemment (9) par le juge de cassation (CAA Paris, 2ème ch., 11 mars 2005, n° 01PA01660, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SCI La Baronne N° Lexbase : A4445DIH ; CAA Paris, 2ème ch., 11 mars 2005, n° 01PA01650 Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Saipa N° Lexbase : A4442DID ; CAA Paris, 2ème ch., 11 mars 2005, n° 01PA01649, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Centre d'études et d'intérêts particuliers N° Lexbase : A4441DIC).
En effet, l'activité de la société requérante consistait en la gestion d'un portefeuille de titres et de créances ayant un caractère civil quand bien même la société anonyme relevait de l'IS. En conséquence, c'est sans surprise que la société Industrielle et Financière de l'Artois ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 52 du LPF.
2. Sur le fond
Les faits de cette espèce ont un point commun avec les poupées russes ! Qu'on en juge : la société requérante, sise en France, détenait 20 % du capital et 27 % des droits de vote d'une société dont le siège social était au Vanuatu -Etat paradisiaque situé à l'est de l'Australie- qui elle-même détenait la quasi-totalité du capital et des droits de vote de trois sociétés dont deux avaient leurs sièges sociaux aux Iles Caïman et la troisième au Luxembourg ; cette dernière détenant la quasi-totalité du capital et des droits de vote de deux sociétés situées respectivement au Panama et à Hong-Kong.
L'intérêt soutenu de la société contribuable pour les contrées exotiques et fiscalement "avantageuses" a attiré l'attention de l'administration fiscale qui a usé d'une arme redoutable pour les exercices clos de 1993 à 1995 : l'article 209 B du CGI (CGI, art. 209 B N° Lexbase : L3877HL8).
Ayant fait l'objet d'une substantielle réécriture applicable à compter du 1er janvier 2006 (loi n° 2004-1484 du 31 décembre 2004, de finances pour 2005, art. 104 N° Lexbase : L5203GUA ; instruction du 16 janvier 2007, BOI 4 H-1-07 N° Lexbase : X7928ADY) à la suite de critiques de la doctrine fiscale française dont les termes employés traduisaient la vivacité ("Waterloo morne plaine" (10), "Pour qui sonne le glas" (11), "le paradis retrouvé" (12), "Après les ténèbres, la lumière" (13)) en écho à la jurisprudence "Société Schneider Electric" (CE Contentieux, 28 juin 2002, n° 232276, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Schneider Electric N° Lexbase : A0219AZ7), les dispositions de l'article 209 B visent à déroger au principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 209 I N° Lexbase : L3755IAC) en permettant à l'administration d'imposer en France des résultats, notamment (14), de sociétés filiales ou d'établissements sis dans des territoires à fiscalité privilégiée (CGI, art. 238 A N° Lexbase : L4758HLS).
Deux aspects méritent d'être relevés dans cet arrêt : l'un a trait au caractère privilégié des régimes fiscaux des filiales et des sous-filiales qui ne peut être mis en évidence que par des comparaisons. Or, il s'infère des faits que la filiale Plantations des Terres Rouges sise au Vanuatu avait également un établissement en Malaisie et que la charge d'impôt était alors comparable à celle qu'elle aurait supportée en France si on acceptait l'idée de tenir compte de l'ensemble de ses résultats au Vanuatu et en Malaisie. On sait, en effet, que la mise en oeuvre des dispositions de l'article 209 B est conditionnée par la constatation de l'existence d'un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du CGI et que, si la loi de finances pour 2005 a offert une définition légale (15), la doctrine administrative (16) applicable au cas particulier avait auparavant précisé ce qu'il fallait comprendre lorsque le second alinéa de l'article 238 A du CGI disposait qu'il s'agissait d'"impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France" (17). La cour administrative d'appel juge alors que la société sise au Vanuatu n'était pas soumise à un régime fiscal privilégié car il fallait également prendre en compte les résultats de l'établissement malaisien. Elle infirme ainsi le raisonnement de l'administration fiscale qui entendait écarter les résultats de l'établissement installé en Malaisie au nom de la territorialité de l'IS puisque, selon elle, les dispositions de l'article 209 B I bis 3 applicables aux faits de l'espèce précisaient que le résultat devait être "déterminé selon les règles fixées par le présent code". Si l'article 209 B est, de par sa rédaction-même, une dérogation au principe de territorialité présentée en son temps comme une "consolidation-punition" selon l'expression du Professeur Maurice Cozian (18) (v. également N. Melot, Territorialité et mondialité de l'impôt, Dalloz, coll. : Nouvelles Bibliothèque de Thèses, 2004, p. 684 et s.), la thèse de l'administration fiscale peut paraître paradoxale car elle consistait tout à la fois à écarter la territorialité de l'IS pour appréhender les bénéfices de structures étrangères et les imposer en France, tout en se réfugiant dans le même temps derrière le paravent de la territorialité afin d'exclure les résultats d'un établissement d'une société étrangère dans le cadre de l'évaluation de sa charge fiscale au regard de la notion de régime fiscal privilégié. Par conséquent, il faudrait comprendre que la formulation -aujourd'hui encore d'actualité (19)- de l'article 209 B I bis 3 du CGI ("Le résultat [...] est déterminé selon les règles fixées par le présent code") ne renverrait pas aux dispositions de droit commun portant sur la territorialité de l'IS tant pour la détermination du résultat -puisque l'article 209 B y déroge- que pour l'appréciation d'un régime fiscal privilégié visé par l'article 238 A du CGI.
Le second aspect a trait à la conformité de ce dispositif anti-évasion fiscale au regard du principe communautaire de liberté d'établissement : pour la cour administrative d'appel, l'article 209 B du CGI est une restriction à l'article 43 du Traité CE mais il est néanmoins applicable dans l'hypothèse de "montages purement artificiels destinés à éluder l'impôt national normalement dû en France". Une telle prise de position est directement inspirée par les canons de la jurisprudence communautaire (CJCE, 16 juillet 1998, aff. C-264/96, Imperial Chemical Industries plc (ICI) c/ Kenneth Hall Colmer N° Lexbase : A0410AW4 ; CJCE, 21 février 2006, aff. C-255/02, Halifax plc c/ Commissioners of Customs & Excise (20) N° Lexbase : A0045DNY) et plus particulièrement de l'arrêt "Cadbury Schweppes plc et Cadbury Schweppes Overseas Ltd" (CJCE, 12 septembre 2006, aff. C-196/04, Cadbury Schweppes plc c/ Commissioners of Inland Revenue N° Lexbase : A9641DQ7) dont la cour va reprendre les termes-mêmes (21) tenant en la vérification, "sur la base d'éléments objectifs et vérifiables par des tiers", d'une réelle implantation dans l'Etat membre d'accueil de la société en question qui doit "y exerce[r] des activités économiques effectives" pour en conclure, au cas particulier, que la requérante n'apportait pas la preuve de l'effectivité de l'activité économique de la sous-filiale luxembourgeoise, et qu'ainsi, l'application par l'administration fiscale de l'article 209 B du CGI ne violait pas le principe de liberté d'établissement.
L'arrêt "Lecomte" rendu par la cour administrative d'appel de Lyon s'inscrit dans le cadre des dispositions adoptées par le CGI afin de lutter contre la tentation de certains dirigeants d'entreprise de s'octroyer des revenus présentés sous une autre forme que des salaires ou des dividendes et de les imposer au titre des distributions "camouflées" (CGI, art. 109-1 N° Lexbase : L2060HLU), "présumées" (CGI, art. 111-a N° Lexbase : L2066HL4) ou "occultes" (CGI, art. 111-c), pour reprendre les expressions employées par le Professeur Maurice Cozian (M. Cozian, Précis de fiscalité des entreprises, LexisNexis, coll. : Litec Fiscal, 32ème édition, 2008, p. 250 et s.) et en tout état de cause irrégulières.
Les faits de l'espèce rapportent qu'une SARL, dirigée par l'un des requérants, a financé de substantiels travaux immobiliers dans son habitation personnelle ainsi que dans un immeuble appartenant à une société civile immobilière dont le contribuable était également le gérant et associé. La SARL a traduit, dans ses livres comptables, les flux au débit d'un compte d'immobilisation soldé, dans un second temps, par l'inscription des sommes représentatives des travaux à un compte de tiers au nom de Lecomte.
L'administration fiscale a réintégré dans la base imposable du couple la cession non déclarée de la participation au capital de la SARL ainsi que le montant des travaux immobiliers au titre des revenus réputés distribués.
Les contribuables ayant été déchargés en première instance des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des accessoires, le ministre a relevé appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Grenoble.
Deux problématiques étaient soulevées : d'une part, les requérants entendaient opposer le fait que M. Lecomte n'était plus associé à la date de clôture de l'exercice le 31 décembre 1995 puisque la veille, il avait cédé la totalité de sa participation au capital de la SARL. Mais, pour la cour, dès lors que le compte de tiers ouvert en son nom n'était pas soldé en fin d'exercice, la présomption de distribution des sommes ne pouvait être remise en cause car les sommes restant dues ont bien été octroyées par la société au contribuable lorsque ce dernier avait la qualité d'associé ; peu importait, alors, la cession ultérieure de la totalité des titres à un tiers. L'argumentation du contribuable était cousue de fil blanc et la décision rendue par la cour administrative d'appel de Lyon a le mérite de ne pas encourager une fraude consistant pour un contribuable à se présenter comme une personne non associée le jour de la clôture de l'exercice après avoir disposé des fonds de la société. Bien que l'arrêt ne le rapporte pas, l'enchaînement parfait des événements en période de fêtes de fin d'année est susceptible de semer le trouble pour le lecteur quant à l'attitude du rédacteur de l'acte qui aurait -bien malgré lui- cédé à la tentation de l'acte antidaté, pour les besoins de la cause, conclu et rédigé en réalité après la clôture de l'exercice litigieux au profit d'un tiers. De ce point de vue, l'arrêt nous semble conforme à l'esprit du législateur qui n'a pas entendu permettre une appréhension de facto (22) des actifs de la société sans en tirer les conséquences fiscales.
D'autre part, si les contribuables établissent le versement, le 29 décembre 1995, à la SARL d'une somme d'argent, ils ne peuvent pas démontrer qu'elle correspondait au remboursement des travaux pris en charge par la société. On sait, en effet, que l'administration fiscale admet "de ne pas imposer comme revenus distribués les sommes que le contribuable établit avoir remboursées à la société distributrice" (23) (CE 3° et 8° s-s-r., 10 octobre 2003, n° 244445, M. Lascaze N° Lexbase : A8445C9N). La jurisprudence en tire les conclusions en déchargeant le contribuable qui aurait effectué le remboursement avant la clôture de l'exercice (CAA Paris, 2ème ch., 14 décembre 2005, n° 03PA00052, M. Maurice Erner N° Lexbase : A7040DMP). Mais encore faut-il en établir la preuve devant le juge du fond : les écritures comptables en sont un moyen privilégié (24) et le juge commettrait une erreur de droit s'il écartait tout autre moyen de preuve (25). Au cas d'espèce, la juridiction d'appel n'a a priori écarté aucun moyen de preuve -son arrêt n'étant alors pas susceptible de donner prise à la cassation sur ce dernier aspect- mais, pour autant, elle n'a visiblement pas été convaincue par les requérants (26).
Quant à la procédure suivie par l'administration fiscale, la cour contrôle que l'exercice du droit de communication auprès de tiers (LPF, art. L. 81 et s. N° Lexbase : L3950ALU) -au cas d'espèce auprès de l'architecte- a bien fait l'objet d'une information au profit des requérants à peine de nullité (CE Contentieux, 13 octobre 1999, n° 181010 N° Lexbase : A5023AXC ; CAA Bordeaux, 3ème ch., 5 janvier 1999, n° 97BX02300, Société Amibu Inc N° Lexbase : A9974BDR). Mais il appartenait aux contribuables, s'ils souhaitaient en débattre, de réclamer auprès de l'administration la communication des documents lui ayant permis d'établir ses constatations et ses appréciations. Cette exigence procédurale d'origine prétorienne (CE Contentieux, 9 juillet 1986, n° 30770, Société Financière de placement et de gestion immobilière N° Lexbase : A3898AMC ; CE Contentieux, 9 novembre 1990, n° 78795, Giral N° Lexbase : A4827AQT ; CE Contentieux, 12 octobre 2001, n° 217378, M. Piang-Siong N° Lexbase : A1808AXA ; CE 3° et 8° s-s-r., 21 décembre 2006, n° 293749, Mme Duguay (27) N° Lexbase : A1476DTT) a été reprise dans la loi (LPF, art. L 76 B N° Lexbase : L7606HEG) et elle a été commentée par la doctrine aujourd'hui en vigueur (28). In casu, la juridiction d'appel s'appuie sur la jurisprudence "Thiry" (CE 9° et 8° s-s-r., 6 juillet 1994, n° 120120, Mme Thiry N° Lexbase : A0054AIT) selon laquelle il n'est pas exigé de l'administration fiscale une communication spontanée des documents en cause. Il appartient par conséquent au contribuable d'oeuvrer en ce sens avant la mise en recouvrement des impositions (CE Contentieux, 9 juillet 1986, n° 30770 N° Lexbase : A3898AMC). La position de la cour administrative d'appel de Lyon s'inscrit dans le cadre de la primauté des droits de la défense -auxquels d'autres juridictions du fond font référence (CAA Bordeaux, 5ème ch., 8 novembre 2004, n° 01BX01877, Mlle Hélène Rosieres N° Lexbase : A8344DER ; CAA Paris, 2ème ch., 15 décembre 2004, n° 01PA03912, Société Tessier One N° Lexbase : A1148DID)- pourvu que les contribuables veuillent bien exercer leurs prérogatives à temps !
(1) Comp. avec la législation commerciale et comptable : C. com., art. L. 123-20 (N° Lexbase : L5578AIG) et Plan comptable général, art. 312-2.
(2) "Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise peut valablement, jusqu'à l'expiration du délai de déclaration, porter en provisions et déduire des bénéfices imposables les sommes correspondant aux pertes ou charges qu'elle ne supportera qu'ultérieurement, à la condition notamment qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux événements en cours à la date de clôture de l'exercice ; que, par suite, et dès lors que lesdits événements étaient en cours à cette date, l'entreprise est en droit de constater ces pertes ou charges sous forme de provision dans les écritures dudit exercice jusqu'à l'expiration du délai de déclaration, alors même qu'elle n'aurait eu connaissance des événements dont s'agit que postérieurement à sa clôture".
(3) D'après les conclusions du commissaire du Gouvernement Racine à propos de l'arrêt "Renfort Service" rendu par le Conseil d'Etat le 27 juillet 1984 (CE Contentieux, 27 juillet 1984, n° 34588, SA Renfort Service c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7122ALD), une comparaison peut être effectuée entre la théorie de l'acte anormal de gestion et le concept juridique d'intérêt social pour les sociétés. Ainsi, il a précisé dans ses écritures qu'"une entreprise, surtout lorsqu'elle est constituée sous forme de société, a pour objet la recherche et le partage de bénéfices. Tout acte qu'elle accomplit, pour réaliser cet objet, est présumé effectué dans son intérêt propre. Toutefois, à cet intérêt social, l'une des notions fondamentales du droit des sociétés, certains actes ou opérations peuvent apparaître contraires. Il est, alors, possible à ceux qui prétendent, ainsi, s'immiscer dans la gestion de l'entreprise de demander au juge commercial la nullité de ces actes et, le cas échéant, au juge pénal d'en réprimer l'auteur si l'acte normal de gestion peut être qualifié de délit, ce qui est le cas, par exemple, pour l'abus de biens sociaux. En droit fiscal, l'acte anormal de gestion est un acte ou une opération qui se traduit par une écriture comptable affectant le bénéfice imposable que l'administration entend écarter comme étrangère ou contraire aux intérêts de l'entreprise [...]. En résumé sur ce premier point, le concept d'acte anormal de gestion est le fruit de l'acclimatation ou de la transplantation en droit fiscal du concept commercial d'acte non conforme à l'intérêt social, mais avec deux différences de taille : seule l'administration peut l'invoquer et elle peut agir d'office".
(4) "Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Société xxxxx avait pour objet d'étudier la mise en oeuvre de systèmes nouveaux de production, de stockage et de manutention des farines et leur adaptation aux entreprises de meunerie de moyenne importance ; que le sieur xxxxx en a suscité la création en 1961 en vue d'assurer le développement ultérieur des activités de sa propre entreprise en même temps que de l'ensemble des entreprises da meunerie de taille comparable, et que, participant à la gestion de cette société, il était en mesure de bénéficier parmi les premiers du résultat des études qu'elle pouvait mener à bien ; que, dès lors, ni l'engagement de caution donné par lui, en 1961, à cette société, ni, par suite, les charges que pouvait entraîner l'exécution de cet engagement ne sont étrangers à la gestion commerciale normale de son entreprise ; que l'administration ne conteste ni le caractère probable de la perte en cause, ni son montant ; qu'ainsi la constitution de la provision dont s'agit était justifiée".
(5) En cas de graves irrégularités privant la comptabilité de valeur probante, la durée de vérification sur place ne pourra excéder six mois (loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007, de finances rectificative pour 2007, article 14 N° Lexbase : N6028BDM). Cette garantie n'est, par ailleurs, pas opposable par le contribuable si l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale. Enfin, lorsqu'il s'agit de répondre aux observations du contribuable ou d'instruire les réclamations formulées par ce dernier, le délai de trois mois n'est évidemment pas invocable par le contribuable.
(6) Limites prévues à l'article 302 septies A du CGI (N° Lexbase : L2540HNE) instituant le régime simplifié d'imposition.
(7) S'agissant des contribuables se livrant à une activité agricole, le montant annuel des recettes brutes ne doit pas excéder la limite prévue au b du II de l'article 69 du CGI (N° Lexbase : L3060HNN), soit 350 000 euros.
(8) La jurisprudence abonde dans le même sens tant en ce qui concerne le juge administratif (CE Contentieux, 6 avril 2001, n° 205365, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M Bertrand N° Lexbase : A4649AYT) que le juge judiciaire (Cass. com., 31 janvier 2006, n° 02-18.309, FS-P+B+R N° Lexbase : A6432DM8).
(9) Supra paragraphe précédent.
(10) A. de L'Estoile-Campi et P. Juilhard, Waterloo, morne plaine L'article 209 B après l'arrêt Schneider, RJF, février 2003, p. 113.
(11) P. Juilhard, "Pour qui sonne le glas ? : Propos inconvenants sur l'article 209 B, RJF, avril 2001, p. 303.
(12) B. Boutemy, E. Meier et T. Perrot, Evasion fiscale, art. 209 B et conventions fiscales internationales : le paradis retrouvé, LPA, 27 août 2002, n° 171, p. 4.
(13) L. Olléon, Article 209 B et conventions fiscales internationales : "Après les ténèbres, la lumière", RJF, octobre 2002, p. 755.
(14) Le texte applicable à compter du 1er janvier 2006 vise une entreprise ou "une entité juridique : personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable".
(15) BOI 4-H-1-07 précité, 88 et 89.
(16) "L'appréciation de ces écarts ne peut donc dépendre que des constatations de fait effectuées à propos de chaque cas particulier, de la nature du cas examiné comme de ses circonstances propres. Toutefois, à titre de règle pratique, on pourra présumer qu'on se trouve en présence d'un régime fiscal privilégié lorsque, dans l'Etat étranger ou le territoire considéré : - le bénéficiaire étant une personne physique, une personne mariée ayant deux enfants à charge et disposant d'un revenu net global de 500 000 francs y est redevable d'un impôt personnel sur le revenu dont le montant est inférieur d'au moins un tiers à celui qu'elle aurait à supporter en France pour la même base taxable ; - le bénéficiaire étant passible des impôts sur les bénéfices, le niveau du prélèvement fiscal global supporté par une entreprise à raison des revenus ou des rémunérations en cause, ainsi que de ses autres profits professionnels (cf. n° 9 et suiv.) est inférieur d'au moins un tiers au taux normal de l'impôt français sur les sociétés", Doc. adm. 4 C-9113, 30 octobre 1997, § 15. V. également : instruction du 17 avril 1998, BOI 4 H-3-98 (N° Lexbase : X6204AAZ), § 94 à 99.
(17) Comp. depuis le 1er janvier 2006 : "Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies".
(18) Expression employée dans la 28ème édition du Précis de fiscalité des entreprises, Litec, coll. : Litec fiscal, 2004, § 707.
(19) Formulation que l'on retrouve dans la nouvelle mouture entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2006 (CGI, art. 209 B I 3).
(20) "Quant au second élément, selon lequel les opérations en cause doivent avoir pour but essentiel l'obtention d'un avantage fiscal, il y a lieu de rappeler qu'il incombe à la juridiction nationale d'établir le contenu et la signification réels des opérations en cause. Ce faisant, elle peut prendre en considération le caractère purement artificiel de ces opérations ainsi que les liens de nature juridique, économique et / ou personnelle entre les opérateurs impliqués dans le plan de réduction de la charge fiscale (voir, en ce sens, arrêt "Emsland-Stärke", précité, point 58)", § 81.
(21) "La Cour (grande chambre) dit pour droit : Les articles 43 CE et 48 CE [N° Lexbase : L5358BCG] doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à l'incorporation, dans l'assiette imposable d'une société résidente établie dans un Etat membre, des bénéfices réalisés par une société étrangère contrôlée dans un autre Etat membre lorsque ces bénéfices y sont soumis à un niveau d'imposition inférieur à celui applicable dans le premier Etat, à moins qu'une telle incorporation ne concerne que les montages purement artificiels destinés à éluder l'impôt national normalement dû. L'application d'une telle mesure d'imposition doit par conséquent être écartée lorsqu'il s'avère, sur la base d'éléments objectifs et vérifiables par des tiers, que, nonobstant l'existence de motivations de nature fiscale, ladite société contrôlée est réellement implantée dans l'Etat membre d'accueil et y exerce des activités économiques effectives", § 76.
(22) C'est-à-dire en dehors de toute décision régulière prise par les organes compétents au regard du droit des sociétés.
(23) "Toutefois, cette instruction [du 19 septembre 1957] subordonne cette tolérance à la condition que le remboursement ait été effectivement opéré à une date antérieure à celle de la réception par la société de l'avis de vérification dudit exercice ou en cas de contrôle inopiné, antérieurement au passage du vérificateur'", décision "Lascaze" précitée ; v. également : CE 3° et 8° s-s-r., 13 avril 2005, n° 256847, M. Lecointre N° Lexbase : A8426DHK ; CGI ann. III, art. 49 bis (N° Lexbase : L1272HM3) à art. 49 sexies pour la restitution des impôts consécutivement au remboursement des sommes visées à l'article 111-a du CGI.
(24) Décision "Lascaze" précitée.
(25) Décision "Lascaze" précitée.
(26) La cour administrative d'appel de Lyon estime que les contribuables ne peuvent se prévaloir de la doctrine administrative 4 J-1212 du 1er novembre 1995 applicable en cas d'"avances non constatées dans un acte de prêt, mais remboursées antérieurement à la clôture de l'exercice au cours duquel elles ont été consenties".
(27) "1. L'administration ne peut, en principe, fonder le redressement des bases d'imposition d'un contribuable sur des renseignements et des documents qu'elle a obtenus de tiers sans l'avoir informé, avant la mise en recouvrement, de la teneur ou de l'origine de ces renseignements. Avant même l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 décembre 2005 d'où est issu l'article L. 76 B du Livre des procédures fiscales, cette obligation, qui s'impose à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, ne se limite pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication. Toutefois, elle ne s'étend pas aux informations fournies annuellement par des tiers à l'administration et au contribuable conformément aux dispositions du code général des impôts".
(28) "L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet d'une proposition de rectification. Cette information est effectuée au stade de la proposition de rectification, dans l'exposé des faits utiles à la motivation des rehaussements", instruction du 21 septembre 2006, BOI 13 L-6-06, n° 8 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 2445721, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "Instr. du 21-09-2006, BOI 13 L-6-06", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: X7347ADH"}}).
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par Anne Lebescond - Journaliste juridique
Le 07 Octobre 2010
Lexbase : La loi du 23 juin 2006, portant réforme des successions et des libéralités, a mis à plat un régime juridique, qui n'avait, jusqu'alors, jamais été modifié. Quelles sont les raisons d'un revirement aussi soudain ?
Marceau Clermon : La réforme des successions et des libéralités promulguée en juin 2006 et entrée en vigueur le 1er janvier 2007 s'inscrit dans le mouvement de contractualisation du droit de la famille, initié en France très récemment. Si la prise de conscience de la nécessité d'adapter le droit aux évolutions de la société a été tardive, dès lors qu'elle est survenue, la soudaineté des réformes et la rapidité de leur mise en place ont été symptomatiques de cet élan. Malgré tout, le législateur a prévu un délai de plus de six mois entre la promulgation de la loi et son application, afin de permettre à tous et, en particulier, aux professionnels du droit, dont les notaires, de la "digérer".
Sous l'empire du régime antérieur, l'ensemble des règles qui gouvernaient les rapports familiaux a été imprégné de la crainte de la pression patriarcale. Il fallait "extraire" les membres de la famille d'une éventuelle soumission au patriarche. Concernant plus particulièrement les libéralités, ces appréhensions justifiaient les interdictions d'aménager une succession tant qu'elle n'était pas ouverte et rendait inconcevables des mécanismes tels que la renonciation à l'action en réduction, la donation graduelle... Aujourd'hui, le législateur décide de faire confiance aux personnes et à la justesse de leur jugement pour les choses qui les concernent directement. Il met à leur disposition toute une série de moyens -à efficacité variable-, nouveaux ou, pour certains, inspirés d'une certaine féodalité. La loi pose, parallèlement, des gardes-fous, sur le fond et sur la forme. Elle a introduit, en particulier :
- la donation graduelle, qui a complété le dispositif de la donation résiduelle. Celle-ci consiste à léguer un bien, qui, s'il subsiste dans le patrimoine de son donataire à son décès, sera transmis à un tiers (second gratifié) désigné par le donateur. Si le donataire peut disposer de son bien, il ne peut, toutefois, le léguer. La donation graduelle renforce les obligations à la charge de ce dernier, puisqu'elle lui impose de conserver le bien, afin de le léguer obligatoirement au second gratifié. Elle doit être acceptée par lui dans un acte authentique, du vivant du donateur, qui, tant qu'aucune acceptation n'est pas intervenue, peut révoquer la donation ;
- la donation-partage transgénérationnelle ; la donation-partage permet de régler tout ou partie de sa succession de son vivant au profit de ses héritiers présomptifs. La loi a étendu les bénéficiaires des donations-partages, auparavant, les seuls enfants des donataires ou descendants de premier degré, à leurs enfants, sous réserve de recueillir la renonciation des parents à leur héritage. Il est, également, possible, pour les familles recomposées, de procéder à une donation-partage, dite conjonctive, à l'égard des enfants de lits différents, aux côtés des enfants communs ;
- le pacte successoral, qui permet à une personne, avec l'accord de l'ensemble de ses héritiers réservataire, d'organiser librement la transmission de ses biens après son décès. Il comporte, en effet, la renonciation anticipée des réservataires à agir en réduction pour atteinte à leur réserve. La gravité de l'acte pour ceux-ci impose la forme authentique à peine de nullité, pour s'assurer de la réalité des consentements ;
- et le mandat à effet posthume, prémices, en quelques sortes, de la fiducie en France, qui consiste à désigner de son vivant une personne chargée, après le décès, d'administrer (ce qui exclut tout acte de disposition), pour une durée plafonnée par la loi, tout ou partie de la succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou plusieurs héritiers déterminés. Le mandat doit être justifié par un intérêt légitime et sérieux, lié, soit à la personne de l'héritier, soit au patrimoine. Il requiert l'acceptation du mandataire et doit être passé par acte notarié.
La loi permet, également, le cantonnement de l'émolument du conjoint, en application de l'article 1094-1 du Code civil (N° Lexbase : L0260HPC), selon les termes duquel, "pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants, issus ou non du mariage, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement. Sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles".
Dans l'élaboration de ces nouveaux dispositifs, le législateur a cherché à prendre en compte les évolutions de la société, notamment, en termes de démographie (1). L'analyse des données démographiques révèle, en particulier, un vieillissement de la population tel que, demain, les héritiers seront, pour la plupart, des retraités. Il arrivera alors, très souvent, que leurs enfants aient plus besoin de l'héritage qu'eux-mêmes. Afin de donner plus de cohérence au régime, la loi a "multiplié" les héritiers probables, notamment, dans le cadre de la donation transgénérationnelle ou du pacte successoral.
Lexbase : Quel bilan faîtes-vous de l'application de la loi du 23 juin 2006, depuis son entrée en vigueur, il y a deux ans ?
Marceau Clermon : La loi portant réforme des successions et des libéralités est, selon moi, une "bonne loi", dans l'ensemble, parce qu'elle répond à des besoins contemporains, d'une part, et parce qu'elle recèle de trésors de subtilité, d'autre part. La loi pose des mécanismes intelligents. Il en va, par exemple, ainsi du cantonnement de l'émolument ou de la renonciation. Prenons le cas de deux frères héritiers. Sous le régime antérieur, en cas de renonciation de l'un d'entre eux, sa part d'héritage allait obligatoirement à son frère, plutôt qu'à ses enfants. Aujourd'hui, ceux-ci peuvent, sans difficulté, hériter.
Les apports de la loi ne sont, néanmoins, pas tous aussi positifs. Je pense, notamment, au mandat posthume et aux donations graduelles.
Ces dernières présentent une certaine dangerosité. Le premier bénéficiaire, qui a l'obligation de conserver le bien en vue du legs au profit du tiers gratifié, n'a pas toujours conscience de l'étendue de son engagement. Les charges qui seront engendrées pour la conservation du bien peuvent être au dessus des moyens du donataire, ou le devenir, en raison des aléas de la vie. Or l'acceptation de la donation graduelle est irréversible. Le rôle du notaire est, alors, de s'assurer de la réalité du consentement du donataire.
Concernant les mandats posthumes, il s'agit, à mon sens, purement et simplement, de publicité mensongère. Alors qu'on suppose, fréquemment, que le mandat porte sur la gestion de l'entreprise, il concerne, en réalité, les biens professionnels que sont les titres composant le capital de la société. Le mandataire administrera, donc, les actions ou les parts sociales, ce qui se traduira, essentiellement, par l'exercice des droits politiques y attachés -soit, le droit de vote, lors des assemblées générales-. Cette confusion écartée, il reste, encore, à s'attarder sur les nombreuses limites posées par le législateur. Tout d'abord, le mandat est seulement conféré, en principe, pour une durée qui ne peut être supérieure à deux ans (C. civ., art. 821-1, al. 2 N° Lexbase : L9953HNX) (2). Il pourra, cependant, être prorogé par le juge, sur la demande d'un héritier ou du mandataire. Autre limite considérable, qui vide quasiment de sa substance le dispositif : tant que la succession n'a pas été acceptée par au moins un héritier, le mandataire n'est autorisé à effectuer que les seuls actes conservatoires, visés à l'article 784 du Code civil (N° Lexbase : L9857HNE) (C. civ., art. 812-1-3 N° Lexbase : L9909HNC), à l'exception des actes de gestion et d'administration. Dès lors que la succession sera acceptée, les héritiers conservent, en outre, le droit de disposer du bien. Ils seront donc habilité à s'en départir à tout moment, mettant, par là, fin à la mission du mandataire. Les héritiers disposent, donc, de nombreux moyens d'atteindre à la volonté du défunt. Les statuts de la société peuvent constituer un obstacle supplémentaire à l'exercice du droit de vote du mandataire. Ensuite, les actes de disposition étant exclus, la question s'est posée de savoir si le mandataire pouvait voter à toutes les résolutions, quel que soit leur objet ou la majorité requise. La jurisprudence rendue en matière d'indivision des droits sociaux doit pouvoir être transposée : le mandataire ne sera pas autorisé à voter de résolutions portant sur des actes de disposition, telles la fusion, la dissolution (3) ou encore la prorogation de la durée de la société (4)-. Pour finir, le mandat pose le problème de la responsabilité civile du mandataire. Compte tenu des enjeux, il est vivement conseillé de souscrire une assurance pour la couvrir, ainsi que la rémunération que le mandataire perçoit éventuellement. En conclusion sur ce point, je ne vois pas, personnellement, d'autres réelles fonctions au mandat posthume, que celles psychothérapeutiques, qui permettent au dirigeant d'exprimer qui il veut aux manettes ou plutôt, qui il ne veut pas.
Lexbase : Concernant la transmission d'entreprise, si l'efficacité du mandat posthume est finalement réduite, quels moyens reste-t-il à la disposition du chef d'entreprise pour s'assurer de la bonne continuation de sa société ?
Marceau Clermon : Je conseille plus volontiers à mes clients d'envisager la transmission de leur entreprise sous l'angle du pacte successoral ou de la donation-partage, lorsque, dans ce dernier cas, la personne que l'on souhaite aux commandes fait partie des héritiers potentiels. Dans de tels mécanismes, l'accord de tous est requis, ce qui évite toute situation de blocage une fois la succession ouverte. L'héritier dispose, ici de l'ensemble des prérogatives sur le bien, des actes de conservation aux actes de disposition (hors le cas des donations graduelles et/ou sauf volonté contraire du mandat). Il ne risque pas, en outre, d'être inquiété par les autres héritiers, l'acceptation de ceux-ci étant irrévocable. Cependant, les dirigeants ne pourront recourir à ces dispositifs, qu'à la condition qu'ils aient, dans leur entourage, une personne à même de gérer au mieux la société, ce qui n'est pas toujours le cas..
Lexbase : En quoi la loi du 23 juin 2006 a-t-elle révolutionné l'exercice de la profession de notaire ?
Marceau Clermon : La contractualisation des successions et des libéralités implique, en premier lieu, que le notaire acquière des réflexes dont il n'avait pas besoin jusqu'alors. Du jour au lendemain, les règles qu'il devait appliquer et qu'il n'arrivait, souvent, pas à justifier à ses clients, ne s'imposent plus. Adopter un discours opposé à celui que l'on a toujours tenu depuis le premier jour de notre exercice est loin d'être évident.
Il ne faut pas, non plus, perdre de vue, que le pendant de la contractualisation est, en principe, la multiplication des contentieux. Le contrat doit faire mieux que la loi, pour prévenir un tel risque, et c'est au notaire qu'il revient de le rédiger. Or celui-ci n'est pas encore rompu à la technique contractuelle. Il n'est accoutumé, ni aux exposés préalables, ni aux clauses d'interprétation ou de définitions, pourtant indispensables, et appréhende, finalement, de travailler sans filet. Pour cette raison, beaucoup des dispositifs permis par la loi du 23 juin 2006 ne sont, en définitive, pas ou peu utilisés. La profession, il me semble, n'a pas encore digéré tous les enjeux de la réforme de l'autonomie de la volonté. Pourtant, il faudra bien qu'elle passe d'une attitude passive à une attitude active, du subi au géré, pour s'approprier ces nouveaux outils de travail.
(1) Cf. Marceau Clermon, Transmission et démographie - Cantonner, renoncer, sauter : les nouvelles stratégies de transmission, JCP, éd. N., n° 51 du 19 décembre 2008, p. 13 et s..
(2) La durée du mandat posthume peut être portée à cinq ans, avec faculté de prorogation de la même façon, en raison de l'inaptitude, de l'âge du ou des héritiers ou de la nécessité de gérer des biens professionnels.
(3) Cass. civ. 1, 6 février 1980, n° 78-12.513, Consorts Constant, Feutrel c/ Consorts Constant (N° Lexbase : A3458AG8).
(4) TGI Lille, 26 février 1962.
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Réf. : Ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (N° Lexbase : L6934ICS)
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition privée générale
Le 07 Octobre 2010
C'est donc dans ce contexte qu'a été publiée au Journal officiel du 31 janvier 2009, l'ordonnance n° 2009-104, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Néanmoins, le texte ne se contente pas de mettre la législation française en adéquation avec ses engagements communautaires. En effet, l'ordonnance va au-delà puisqu'elle met en conformité le dispositif français avec les recommandations du GAFI qui ne ressortissent pas au premier pilier des Communautés européennes et ne sont donc pas appréhendées par la Directive précitée, mise en conformité motivée notamment, par le fait qu'elle a été présentée comme particulièrement importante en vue de l'évaluation de la France par ses pairs du GAFI, qui débutera à la fin de l'année 2009.
Mais, l'ordonnance va encore au-delà puisqu'elle contient, en outre, des dispositions visant à faciliter la mise en oeuvre des mesures de gel des avoirs non terroristes, décidées en application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ou des actes pris en application de l'article 15 du Traité sur l'Union européenne .
En fait, on ne le regrettera pas, le Gouvernement a opté pour une remise à plat du dispositif qui résultait de l'empilement de réformes successives -comme souvent- qui ont abouti à un "mille-feuille" réglementaire complexe -un de plus- afin de lui redonner une cohérence globale, laquelle passe au-delà de l'édiction des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (I), par la mise en place de règles relatives au gel des avoirs (II) et de dispositions que l'on appellera "annexes" afin de renforcer l'efficacité de la lutte, l'ensemble constituant le corpus juridique du droit du blanchiment.
I Les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
A Les personnes visées par le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
Deux catégories de personnes sont soumises à des obligations distinctes : les personnes soumises à l'obligation de déclaration au procureur de la République et les personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
L'article L. 561-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7095ICR) est en partie réécrit mais le dispositif antérieur à l'ordonnance du 30 janvier 2009 est inchangé : les personnes qui ne sont pas assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment qui, dans l'exercice de leur profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, sont tenues de déclarer au procureur de la République les opérations dont elles ont connaissance et qui portent sur des sommes qu'elles savent provenir d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou d'une fraude fiscale.
Le procureur de la République informe alors TRACFIN qui lui fournit tous renseignements utiles.
On rappellera qu'à l'instar des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment, ceux qui ont fait, de bonne foi, une déclaration au procureur de la République ne peuvent être poursuivis pénalement, notamment, pour dénonciation calomnieuse, ou atteinte au secret professionnel. Aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée et aucune sanction professionnelle ne peut être prononcée à leur encontre.
La liste des professions assujetties à l'obligation de lutte contre le blanchiment de capitaux reprend en grande partie la liste antérieure à l'ordonnance et comprend, à la fois, des professions financières et des professions non financières (C. mon. fin., art. L. 561-2 N° Lexbase : L7091ICM). Dans cette dernière catégorie, seules ont été ajoutées les sociétés de domiciliation qui sont couvertes par la troisième Directive anti-blanchiment en tant que prestataire de service aux sociétés et fiducies.
S'agissant des professions non financières, il convient de rappeler que toutes les professions juridiques sont soumises, depuis la transposition de la deuxième Directive blanchiment par la loi du 11 février 2004 (loi n° 2004-130, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques N° Lexbase : L7957DNZ), à la lutte contre le blanchiment. Ainsi, l'article L. 561-2, 13° du Code monétaire et financier prévoit-il que sont assujettis aux obligations de vigilance "les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats, les avoués près les cours d'appel, les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les commissaires-priseurs judiciaires".
Néanmoins, leur implication, et notamment celle des avocats, dans le dispositif anti-blanchiment ne s'est pas faite sans heurt, puisque la profession a saisi à plusieurs reprises les juridictions de la validité de l'application de ces dispositions aux avocats. La jurisprudence communautaire devait, tout d'abord, circonscrire les obligations des avocats en la matière, puisque dans un arrêt du 26 juin 2007, répondant à une question préjudicielle de la Cour constitutionnelle belge, la Cour de justice des Communauté européenne a estimé que "les Etats membres ne sont pas tenus d'imposer les obligations d'information et de coopération des avocats pour ce qui concerne les informations reçues de l'un de leurs clients ou obtenues sur l'un de ceux-ci, lors de l'évaluation de la situation juridique de ce client, ou dans l'exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une procédure judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d'engager ou d'éviter une procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant, ou après cette procédure" (CJCE, 26 juin 2007, aff. C-305/05, Ordre des barreaux francophones et germanophone c/ Conseil des ministres N° Lexbase : A9284DWR). A cette "victoire", s'est ajoutée la volonté affichée du Conseil d'Etat (CE contentieux, 10 avril 2008, n° 296845, Conseil national des barreaux N° Lexbase : A8060D7N) de protéger le secret professionnel, puisque s'il n'a pas estimé utile de saisir la CJCE sur l'appréciation de la validité de la Directive, il a, néanmoins, tenu compte des exigences rappelées par la Cour dans sa décision du 26 juin 2007 pour annuler certaines dispositions du décret du 26 juin 2006, pris en application de la loi du 11 février 2004 (décret n° 2006-736 du 26 juin 2006, relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux et modifiant le Code monétaire et financier N° Lexbase : L1049HK3).
Ce bref rappel permet donc de comprendre que l'ordonnance, tout en confirmant l'assujettissement des professionnels du droit aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux, l'a strictement conditionné (C. com., art. L. 561-3 N° Lexbase : L7164ICC).
En effet, ils ne sont soumis aux obligations de vigilance, de déclaration de soupçon et de droit de communication à TRACFIN que pour certaines activités de leur profession et lorsqu'ils agissent comme fiduciaires, activité possible depuis la loi de modernisation de l'économie et l'ordonnance du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie (ordonnance n° 2009-112 N° Lexbase : L6939ICY). Aux cas précédemment prévus par l'ancien article L. 562-2-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7098ICU), qui soumettait les professionnels du droit au dispositif de lutte contre le blanchiment, lorsqu'ils assistent leur client à la préparation ou à la réalisation de certaines transactions (concernant l'achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce, la gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client, l'ouverture de comptes bancaires, d'épargne ou de titres, l'organisation des apports nécessaires à la création de sociétés, la constitution, la gestion ou la direction des sociétés, la constitution, la gestion ou la direction de fiducies ou de toute autre structure similaire), le nouveau texte ajoute deux nouvelles hypothèses : l'ouverture de contrat d'assurance et la constitution ou la gestion de fonds de dotation.
Les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats et les avoués près les cours d'appel ne sont pas soumis "aux dispositions du présent chapitre l", lorsque l'activité se rattache à une procédure juridictionnelle, que les informations dont ils disposent soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure, ni lorsqu'ils donnent des consultations juridiques, à moins qu'elles n'aient été fournies à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou en sachant que le client les demande aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.
Cette formulation peut sembler étonnante car elle a pour effet de dispenser les avocats de l'ensemble des obligations en matière de lutte contre le blanchiment, que ce soit de déclaration de soupçon -ce qui est en adéquation avec les exigences déontologiques de la profession-, mais aussi de vigilance et d'identification des clients. L'ordonnance va ainsi au-delà des réserves émises par la CJCE, qui ne prévoyait de dispenser les avocats que de l'obligation de déclaration et de transmission des informations, et se met en contravention avec les préconisations du GAFI.
D'ailleurs les autres professionnels du droit, lorsqu'ils donnent des consultations juridiques, à moins qu'elles n'aient été fournies à des fins de blanchiment, ne sont dispensés que des obligations déclaratives.
Enfin, on relèvera que, désormais, les personnes physiques ou morales qui exercent, en lien direct avec leur activité principale, une activité financière et qui présente peu de risques de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme sont exemptées des obligations. Un décret en Conseil d'Etat doit venir définir les activités financières accessoires en fonction de leur nature, de leur volume et du montant des opérations (C. mon. fin., art. L. 561-4 N° Lexbase : L7178ICT).
B Les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle
Le principe de bas est posé à l'article L. 561-5 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7211IC3) : le professionnel doit identifier son client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif de la relation d'affaires par des moyens adaptés et vérifient ces éléments d'identification sur présentation de tout document écrit probant. Les bénéficiaires effectifs peuvent être les principaux actionnaires des personnes morales ou bien encore la personne pour le compte de laquelle le client agit.
En outre, le professionnel doit déterminer l'objet et la nature de la relation et tout autre élément d'information pertinent sur ce client et doit assurer un suivi régulier de celle-ci. Ainsi, pendant toute sa durée et dans les conditions qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat, les personnes assujetties doivent exercer sur la relation d'affaires, dans la limite de leurs droits et obligations, une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu'elles ont de leur client (C. mon. fin. L. 561-6 N° Lexbase : L7191ICC).
La sanction du défaut ou de l'impossibilité d'identifier le client ou d'obtenir des informations sur l'objet et la nature de la relation d'affaires, est sans appel, puisque dans de telles circonstances il est interdit au professionnel d'entrer en relation d'affaires ou s'il l'a déjà fait, il doit y mettre fin (C. mon. fin., art. L. 561-8 N° Lexbase : L7103IC3).
L'ensemble des informations collectées doit être conservé, comme sous la législation antérieure à l'ordonnance, pendant cinq ans à compter de la clôture de leurs comptes ou de la cessation de leurs relations avec les client (C. mon. fin., art. L. 561-12 N° Lexbase : L7059ICG).
Toutefois, en vertu du principe de l'approche par les risques, ces obligations peuvent être modulées à la baisse (C. mon. fin., art. L. 526-9 N° Lexbase : L7083ICC) ou à la hausse (C. mon. fin. L. 561-10 N° Lexbase : L7079IC8), en fonction du risque de blanchiment. A ce titre, il est notamment prévu un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d'un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d'objet licite. Dans ce cas, ces personnes se renseignent auprès du client sur l'origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l'objet de l'opération et l'identité de la personne qui en bénéficie. Un décret en Conseil d'Etat doit préciser les catégories de personnes et la liste des produits présentant un risque faible, ainsi que les mesures de vigilance complémentaires lorsque le risque est élevé.
Par ailleurs, et afin d'éviter la répétition des procédures d'identification des clients qui pourrait être source de retard des transactions, l'article L. 561-7 (N° Lexbase : L7112ICE) prévoit que les professionnels peuvent se reposer sur les procédures d'identification déjà effectuées par un autre professionnel assujetti. Toutefois, dans de telles circonstances, la personne assujettie, qui se repose sur les diligences effectuées par un tiers, demeure responsable du respect de ses obligations.
C Les obligations déclaratives
Reprenant les dispositions de la troisième Directive anti-blanchiment (Directive 2005/60, art. 22), l'ordonnance a étendu le champ de la déclaration de soupçon au service TRACFIN, antérieurement limité aux sommes ou opérations qui pourraient provenir de certaines formes de criminalité d'exception (trafic de stupéfiants, criminalité organisée, financement du terrorisme, fraude aux intérêts des Communautés européennes...), aux sommes ou opérations qui pourraient provenir de toute infraction passible d'une peine de prison supérieure à un an ou qui pourraient participer au financement des activités terroristes (C. mon. fin., art. L. 561-15 N° Lexbase : L7202ICQ). Ainsi étendu à la délinquance de droit commun, le champ de la déclaration de soupçon couvrira désormais la fraude fiscale, passible d'une peine de prison maximale de cinq ans. Cependant, compte tenu de la complexité de cette fraude, la présente ordonnance propose d'assister les professionnels dans la détection de cette infraction par la définition de critères définis par décret (C. mon. fin., art. L. 561-15 II).
En principe, la déclaration doit être faite auprès de TRACFIN avant la réalisation de l'opération pour laquelle il soupçonne qu'elle pourrait participer au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme.
Néanmoins, la déclaration peut être effectuée après la réalisation de l'opération ou de la transaction lorsque le soupçon est apparu postérieurement au professionnel, soit parce qu'il a été impossible de surseoir à son exécution, soit que son report aurait pu faire obstacle à des investigations portant sur une opération suspectée de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme, soit qu'il est apparu postérieurement à sa réalisation qu'elle était soumise à cette déclaration (C. mon. fin., art. L. 561-16 N° Lexbase : L7204ICS).
La déclaration est faite directement à TRACFIN. Toutefois, pour les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats ou les avoués près la cour d'appel, la communication de la déclaration est effectuée, selon le cas, au président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, au bâtonnier de l'ordre auprès duquel l'avocat est inscrit ou au président de la compagnie dont relève l'avoué. Ces autorités doivent vérifier que la déclaration est bien faite dans le cadre de l'assujettissement de ces professionnels du droit au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Si tel est le cas, elles transmettent la déclaration à TRACFIN, dans les délais et selon les modalités définis par décret en Conseil d'Etat (C. mon. fin., art. L. 561-17 N° Lexbase : L7118ICM).
L'ordonnance pose le principe de confidentialité de la déclaration dont l'existence, le contenu et les informations sur les suites qui lui ont été réservées ne doivent pas être révélées au propriétaire des sommes, à l'auteur de l'opération, ou à des tiers sous peine de sanctions pénales. Par ailleurs, la déclaration n'est accessible à l'autorité judiciaire que sur réquisition auprès de TRACFIN et dans les seuls cas où cette déclaration est nécessaire à la mise en oeuvre de la responsabilité des déclarants ou de celle des autorités professionnelles et lorsque l'enquête judiciaire fait apparaître qu'ils peuvent être impliqués dans le mécanisme de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme qu'ils ont révélé.
L'ordonnance contient, cependant, quelques tempéraments. Ainsi, tout d'abord, l'article L. 561-20 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7094ICQ) prévoit que les compagnies financières et les compagnies financières holding mixtes qui appartiennent à un même groupe, ainsi que les professionnels du chiffre et du droit qui appartiennent au même réseau ou à une même structure d'exercice professionnel, s'informent de l'existence et du contenu de la déclaration. Néanmoins, les informations divulguées doivent être nécessaires à l'exercice, au sein du groupe, du réseau ou de la structure d'exercice professionnel, de la vigilance en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et doivent être exclusivement utilisées à cette fin. Ensuite, l'article L. 561-21 (N° Lexbase : L7196ICI) autorise l'échange d'informations en dehors du groupe ou du réseau mais uniquement pour les professionnels qui appartiennent à une même catégorie lorsque ces informations portent sur un même client et une même transaction.
Enfin, afin d'assurer l'effectivité de la participation des professionnels à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, l'ordonnance renforce la sécurité juridique de ces derniers à l'encontre desquels aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée s'ils ont effectué la déclaration de soupçon de bonne foi. Sous la même condition, ils ne peuvent être poursuivis pour dénonciation calomnieuse ou atteinte au secret professionnel. De même, sauf concertation frauduleuse avec le propriétaire des sommes, aucune poursuite pénale pour trafic de stupéfiants, recel ou blanchiment ne peut être intentée contre les professionnels déclarants qui auraient effectué une opération suspecte.
D La mise en place de procédures et de contrôle interne
L'ordonnance du 30 janvier 2009 prévoit, d'une part, la mise en oeuvre de systèmes d'évaluation et de gestion des risques de blanchiment et de financement du terrorisme (C. mon. fin., art. L. 561-32 N° Lexbase : L7216ICA), dont les modalités seront précisées par décret en Conseil d'Etat et, s'agissant des organismes financiers mentionnés au 2° de l'article L. 561-36, par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (organismes de placement collectif, sociétés de gestions de portefeuille, dépositaires centraux et gestionnaires de systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers et conseillers en investissements financiers), et, d'autre part, la diffusion de procédures et d'informations régulières de l'ensemble des membres de leurs personnels concernés et la formation de ces derniers (C. mon. fin., art. L. 561-33 N° Lexbase : L7155ICY).
E Les autorités de contrôle et les sanctions administratives
Conformément à la Directive 2005/60, chaque professionnel assujetti aux mesures de prévention contre le blanchiment et le financement du terrorisme doit faire l'objet d'un contrôle du respect de ces mesures, assorti d'un pouvoir de sanctions disciplinaires efficaces, proportionnées et dissuasives. Ainsi, l'article L. 561-36 (N° Lexbase : L7213IC7) propose, s'agissant des organismes financiers, de confier ce pouvoir à la Commission bancaire, à l'Autorité des marchés financiers et à l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Les professions juridiques indépendantes seront quant à elles contrôlées par leurs ordres professionnels, selon les principes actuellement en vigueur dans chacun de ces ordres. La désignation de l'autorité administrative compétente pour contrôler les agents immobiliers, sociétés de domiciliation, casinos et cercles de jeux et les sociétés de jeux de hasard est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat.
F Le droit d'accès indirect aux données
Les professions assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme étant amenées à créer et gérer des traitements de données personnelles, les obligations de vigilances contre le blanchiment et le financement du terrorisme que les professionnels doivent mettre en oeuvre sont adaptées au respect de la loi informatique et libertés (loi n° 78-17, du 6 janvier 1978 N° Lexbase : L8794AGS). Il crée ainsi un droit d'accès indirect des clients aux informations à caractère personnel collectées par les professionnels assujettis aux obligations de vigilance (C. mon. fin., art. L. 561-45 N° Lexbase : L7107IC9). Les données pourront ensuite être communiquées au requérant par la CNIL, en accord avec le service TRACFIN et après avis du responsable du traitement. Cette procédure permettra de garantir que cette communication de données à caractère personnel ne sera pas susceptible de révéler l'existence d'une déclaration de soupçon ou l'occurrence de l'exercice d'une demande d'information sur le client par le service TRACFIN.
G Dispositions pénales
Les articles 4 à 8 consacrés aux dispositions pénales reprennent pour l'essentiel le dispositif antérieur à l'ordonnance. On relèvera, notamment, qu'est étendu le régime de sanctions pénales prévues en cas de méconnaissance de l'interdiction de divulgation de l'existence d'une déclaration de soupçon ou d'un droit de communication à TRACFIN à tous les professionnels assujettis aux obligation de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (C. mon. fin., L. 574-1 N° Lexbase : L7192ICD).
II Les obligations relatives au gel des avoirs
La loi n° 2006-64 du 26 janvier 2006, relative à la lutte contre le terrorisme (N° Lexbase : L4643HG3), a instauré une procédure de gel des avoirs de personnes physiques ou morales qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme.
L'ordonnance étend cette procédure de gel au-delà du terrorisme aux cas des sanctions financières internationales décidées en application des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du Traité sur l'Union européenne. En effet, ces décisions politiques n'entrent en oeuvre qu'après l'adoption d'un Règlement européen, dont la négociation nécessite parfois plusieurs mois. De tels délais autorisent donc l'évasion des fonds présents sur le territoire. C'est pourquoi l'ordonnance autorise le Gouvernement à geler par décret les fonds des personnes physiques ou morales désignées par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ou par une position commune du Conseil (C. mon. fin., art. L. 562-2 N° Lexbase : L7101ICY et s.).
L'article 11 autorise, quant à lui, l'accès des agents du ministère des Finances chargés de l'application des mesures de gel des avoirs au fichier national des comptes bancaires (FICOBA), qui recense les ouvertures, modifications et clôtures de comptes bancaires. Cette mesure permettra de faciliter la détection des comptes qui font l'objet d'une mesure de gel des avoirs (LPF, art. L. 135 T N° Lexbase : L7133IC8 et L. 228 A N° Lexbase : L7062ICK).
III - Dispositions "annexes" renforçant l'efficacité du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
Tout d'abord, l'ordonnance prévoit, conformément aux dispositions de la Directive 2005/60, une procédure d'agrément des sociétés de domiciliation permettant de s'assurer de l'honorabilité et de l'aptitude de leurs gestionnaires et de leurs actionnaires pour éviter tout risque de détournement de ces sociétés aux fins de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. Le Code de commerce prévoit, désormais, une procédure d'agrément de ces sociétés par le préfet, à qui il appartient de vérifier que ses dirigeants et actionnaires ou associés à plus de 25 % des voix ou des parts n'ont pas fait l'objet de condamnation définitive, notamment en matière de criminalité financière. L'exercice de l'activité de domiciliation sans agrément est sanctionné pénalement.
Ensuite, les compétences de contrôle du Conseil des sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sur ces dernières sont étendues au respect du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Enfin, la loi du 2 janvier 1970 (loi n° 70-9 N° Lexbase : L7536AIX) est modifiée pour contenir des dispositions sur le contrôle des actionnaires et associés des agents immobiliers soumis aux mesures de prévention contre le blanchiment et le financement du terrorisme et la compétence des ordres professionnels sur les professions juridiques est étendue au contrôle qui les concernent au respect du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
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N5786BI7
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par Fany Lalanne - Rédactrice en chef Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
I - ANI du 7 janvier 2009, sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels
Le 7 janvier 2009, les partenaires sociaux signaient l'Accord national interprofessionnel sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels. Si le nouvel accord s'inscrit dans la continuité de celui du 20 septembre 2003 et de celui du 11 janvier 2008, relatif à la modernisation du marché du travail, plusieurs objectifs lui sont assignés et, notamment, simplifier et clarifier les modalités de mise en oeuvre de certains dispositifs initiés par l'ANI du 5 décembre 2003. A retenir, parmi les principales modifications :
Concernant le plan de formation, seules deux catégories d'action subsistent et seront présentées lors de la consultation du comité d'entreprise : les actions d'adaptation au poste de travail et d'évolution ou au maintien dans l'emploi dans l'entreprise, qui seront réalisées pendant le temps de travail ; et les actions liées au développement des compétences, qui pourront être réalisées hors temps de travail.
Les entreprises sont incitées à conclure des contrats de professionnalisation. Un tuteur externe à l'entreprise pourra être nommé, en accord avec l'employeur et sous la forme d'un accompagnement, pour traiter des problématiques distinctes de la formation. La prise en charge de ces actions se fera sous forme de convention entre les organismes paritaires collecteurs agrées (OPCA), Pôle Emploi, l'Etat, les Régions ou les départements.
Les partenaires sociaux ont convenu la mise en place d'un groupe de travail paritaire, chargé de formuler des propositions pour optimiser les dispositifs du DIF et du CIF, afin que "chaque salarié puisse être davantage acteur de son évolution professionnelle". Ce groupe rendra ses conclusions le 30 avril prochain.
Un mécanisme de financement de la portabilité du droit individuel à la formation est mis en place par le nouvel accord pour les ruptures de contrat de travail ouvrant droit à une prise en charge par le régime d'assurance-chômage.
Un dispositif de formation initiale différée mis en oeuvre, notamment, dans le cadre du CIF est ajouté. Les salariés, qui ont arrêté leur formation initiale avant ou au terme du premier cycle de l'enseignement supérieur, et, en priorité, ceux qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue, pourront accéder à une formation qualifiante ou diplômante d'une durée totale maximale d'un an. Les partenaires sociaux souhaitent que les salariés concernés puissent bénéficier, au moment de leur départ en formation, d'un abondement financier des pouvoirs publics correspondant au coût moyen d'une année de formation. A cette fin, ils demandent l'ouverture d'une concertation avec les pouvoirs publics.
Les partenaires sociaux souhaitent amplifier les actions au bénéfice des personnes fragilisées sur le marché de l'emploi. Le financement de ces actions pourra venir, notamment, du Fonds Paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), par le biais des OPCA. Les demandeurs d'emploi, pour lesquels une action de formation s'avèrerait nécessaire pour favoriser leur retour à l'emploi, pourront bénéficier d'un nouveau dispositif de préparation opérationnelle à l'emploi (POE).
Au-delà de leurs missions traditionnelles de collecte, de gestion, de mutualisation et de financement des actions, les missions des OPCA sont de nouveau précisées, l'accord insistant particulièrement sur leur rôle d'information et de conseil auprès des entreprises.
Les partenaires sociaux ont, ici, distingué les instances qui ont la responsabilité du suivi et de la mise en oeuvre des politiques de celles qui ont la responsabilité de l'application de ces modalités auprès des entreprises et des salariés.
L'ANI souhaite, également, la création du Conseil national d'évaluations de la formation, pour mener ou faire réaliser les travaux d'évaluation concernant les politiques paritaires de formation professionnelle ; mesurer le niveau de formation des publics concernés par les politiques de formation professionnelle ; et évaluer la satisfaction des entreprises et des différents publics bénéficiaires.
II Une proposition originale : la formation comme objectif stratégique d'amortissement de la crise
Pour Gérard Lenoir, président d'AGEFOS PME, l'objectif principal reste de proposer des solutions aux PME et TPE dans un contexte économique difficile et d'encourager les entreprises à profiter de la période de ralentissement économique pour former leurs salariés. Il s'agit, pour cela, d'amorcer un plan anti-crise en créant un "fonds d'amorçage", afin de soutenir l'investissement formation. S'il a conscience que la formation ne crée pas l'emploi, Gérard Lenoir soutient, cependant, qu'elle pourrait permettre de mettre à profit l'employabilité des salariés. En effet, comme le souligne Philippe Rosay, vice-président de l'organisme, dans les TPE, la difficulté majeure reste celle du financement des salariés qui partent en formation. En effet, ce sont les coûts pédagogiques qui sont pris en charge par les OPCA, comme l'Agefos et non, ou très peu, les salaires.
Le "fonds d'amorçage" concernerait, également, les branches susceptibles de proposer des reconversions et des passerelles externes d'emploi. L'idée est, ici, d'accompagner les branches professionnelles qui rencontrent des difficultés ou qui sont concernées par le chômage partiel, en recherchant des co-financements publics et en construisant des parcours de formation combinant DIF et période de professionnalisation. L'objectif est, ici, de maintenir les salariés dans l'emploi et de développer leurs compétences.
En revanche, concernant les PME, la formation ne peut résoudre à elle seule le problème.
Si l'efficacité du DIF a vivement été critiquée par la Cour des comptes, dans son dernier rapport, pour Gérard Lenoir, le dispositif, combiné, ou non, à d'autres systèmes, constitue un moyen efficace, susceptible de s'articuler avec des périodes de chômage partiel. Le DIF peut, également s'avérer très efficient comme "éclaireur" dans les trajectoires professionnelles des salariés les plus en difficultés. Dans la mesure où la formation professionnelle permet d'accompagner les salariés, elle doit être mise à profit pour amortir la crise. Ainsi, la stratégie doit rester offensive : alors que le contexte voudrait que les entreprises restreignent leurs investissements formation, pour l'AGEFOS PME, il faut, au contraire, utiliser le temps disponible pour former et investir dans les compétences des salariés. La formation doit rester un investissement et non représenter une dépense. Et si la solution peut paraître étonnante, Joël Ruiz, directeur général d'AGEFOS PME, rappelle que l'on est dans un paradoxe, le chômage augmente, mais les entreprises ont du mal à trouver des compétences. C'est pourquoi il faut accompagner les entreprises sur les compétences stratégiques. Pour cela, plusieurs dispositifs existent. Tout d'abord, le contrat de transition professionnelle (CTP).
Destiné à se substituer à l'actuelle convention de reclassement personnalisé (CRP), le contrat de transition professionnelle est un dispositif expérimental de reclassement testé d'avril 2006 à novembre 2008 sur des bassins d'emploi non couverts par la convention de reclassement personnalisé. Il concerne tous les salariés licenciés pour motif économique d'entreprises de moins de 1 000 salariés ou ceux issus d'entreprises en liquidation ou redressement judiciaire et permet aux bénéficiaires de disposer d'une allocation équivalente à 80 % de leur salaire et d'un accompagnement pendant 12 mois par des parcours de formation adaptés. Le CTP offre la possibilité aux bénéficiaires d'associer, selon les besoins, période formation et période de travail en entreprise. Le CTP ayant été jugé plus efficace que la CRP, la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, de finances pour 2009 (N° Lexbase : L3783IC4), a prolongé l'expérience d'un an. Le CTP va donc continuer temporairement à s'appliquer aux procédures de licenciement économique engagées par les entreprises jusqu'au 30 novembre 2009. Par ailleurs, cette loi a également décidé d'étendre le CTP à 18 nouveaux bassins d'emploi, caractérisés par une situation économique très défavorable à l'emploi, déterminés par décret. Rappelons, également, que les employeurs ne proposant pas au salarié de conclure un contrat de transition professionnel doivent s'acquitter d'une contribution.
Le second dispositif permettant d'accompagner les entreprises sur les compétences stratégiques est celui de la préparation opérationnelle à l'emploi (POE), mise en place par l'ANI du 7 janvier. L'objectif est, ici, d'utiliser les dispositifs existants. Rappelons simplement que ce nouveau dispositif est dans l'attente de la publication d'un décret d'application.
Selon les termes de l'ANI, le dispositif de la POE peut être mis en oeuvre de façon individuelle ou collective.
Un demandeur d'emploi susceptible d'occuper un emploi correspondant à une offre identifiée, déposée à Pôle emploi par une entreprise, bénéficie sans préjudice de l'offre de service mise en oeuvre par Pôle emploi, d'une action de formation ne pouvant excéder 400 heures en vue d'acquérir le socle de compétences professionnelles nécessaires pour occuper le poste proposé. Sa durée sera définie en fonction du diagnostic établi conjointement avec le demandeur d'emploi, lequel est présélectionné par Pôle emploi, volontaire et choisi par le futur employeur en fonction du profil de l'offre qu'il aura déposé.
L'entreprise, avec l'aide de Pôle emploi et l'OPCA dont il relève, définit les compétences que le demandeur d'emploi doit acquérir au cours de l'action de formation pour occuper l'emploi proposé.Cette action est prise en charge par Pôle emploi et, partiellement, par l'OPCA concerné au titre de la professionnalisation ou, plus largement, des fonds mutualisés. Le bénéficiaire a, pendant l'action de formation, le statut de stagiaire de la formation professionnelle.
A l'issue de la formation, l'employeur conclut un contrat de travail (contrat à durée indéterminée, contrat de professionnalisation à durée indéterminée, contrat d'une durée déterminée d'au moins 12 mois) avec le demandeur d'emploi concerné ayant atteint, grâce à l'action de formation, le niveau requis pour occuper l'emploi proposé.
En cas de non conclusion d'un contrat de travail, des modalités d'accompagnement renforcées, fixées dans la convention, seront mises en oeuvre avec Pôle emploi pour réorienter le bénéficiaire.
Rappelons, pour conclure, que, à la suite du Sommet social du 18 février 2009, le chef de l'Etat, annonçait, en matière de formation, la création d'un fonds d'investissement social, afin de coordonner les efforts en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle, en consolidant différentes sources de financement de l'Etat et des partenaires sociaux.
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