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N4816BI9
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Par conséquent, la cohérence du dispositif voudrait que les rémunérations des joueurs de football soient soumises aux cotisations sociales, comme pour tout salarié. On passera sous silence le régime fiscal des rémunérations des joueurs qui sont soumises, tantôt aux traitements et salaires, tantôt au régime des bénéfices non commerciaux (en vertu d'une décision ministérielle du 1er septembre... 1974). Au reste, lorsque le 12 septembre 2008, Le Parisien rend publics les primes de match que les Bleus toucheront en cas de sélection pour le Mondial d'Afrique du Sud en 2010 (140 000 euros chacun, auxquels s'ajoutent 10 000 euros par joueur en cas de match victorieux, soit une somme de 230 000 euros pour atteindre les huitièmes de finale...), on ne s'étonne guère que les Urssaf s'attachent à caractériser un lien de subordination entre les joueurs de l'équipe de France et la Fédération Française de Football (FFF) : l'assiette des cotisations est importante... et puisque la Cour de justice tente de nous convaincre que les joueurs de football sont des salariés ordinaires...
Les moyens peuvent faire mouche : une directive, gagner ; une organisation, le staff ; des horaires, 90 minutes de jeu, parfois un peu plus ; une rémunération, une prime de match... Mais, au risque de froisser le juge communautaire, la Cour de cassation, par un arrêt du 22 janvier 2009, sur lequel revient, cette semaine, Gille Auzero, Professeur à l'Université de Montesquieu-Bordeaux IV, considère que le pouvoir disciplinaire que la FFF exerce, à l'égard des arbitres au même titre qu'à l'égard de tous ses licenciés, dans le cadre des prérogatives de puissance publique qui lui sont déléguées, n'étant pas assimilable à celui dont dispose un employeur sur son personnel, ils ne sont pas liés à la FFF par un lien de subordination. Et, la Haute juridiction de se rallier, ainsi, à la position exprimée, quelques temps plus tôt, par le juge administratif (CE 9° et 10° s-s-r., 18 janvier 2008, n° 303823).
"Tout ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c'est au football que je le dois" écrivait l'ancien gardien de but Albert Camus. Panem et Circem ! Du pain et des jeux comme politiques publiques revendiquaient les Césars. Les Bleus ont, déjà, en charge des jeux... il ne faudrait pas, en plus, qu'ils se fassent boulangers...
Et que dirait ce grand-père à son petit-fils, auquel la Cour de cassation vient de reconnaître le droit d'entretenir des rapports malgré les contrariétés familiales (Cass. civ. 1, 14 janvier 2009, n° 08-11.035 ; arrêt sur lequel reviendra, prochainement, Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université de Montesquieu-Bordeaux IV), en l'emmenant au Stade de France, voir un match de l'équipe de France, s'il lui expliquait que tout cela n'est pas vraiment un sport pratiqué par des "artistes fragiles" (selon la formule de Raymond Aron), mais une séance de travail collectif ? Mais puisque les Bleus sont, désormais, en blanc...
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N4802BIP
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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne - Aix Marseille 3
Le 07 Octobre 2010
Cette affaire est en soi banale. Un artisan a réalisé en qualité de prestataire d'importants travaux de réaménagement, de gros entretien et de réfection sur les bâtiments de deux sociétés immobilières dont il est cogérant avec son épouse. En outre, il a fait des prestations sur un bien immobilier appartenant uniquement à son épouse. Les travaux ont été facturés avec un taux réduit de TVA, ce qui a été remis en cause par l'administration en raison, selon elle, du caractère non probant de la comptabilité.
L'application du taux réduit, visé par l'article 279-0 bis du CGI (N° Lexbase : L2533HN7), oblige à ce que le preneur, à la date du fait générateur de la taxe ou au plus tard celle de la facturation, délivre une attestation selon laquelle les travaux réalisés remplissent les conditions posées par cet article et que la personne qui réalise ces travaux, et qui établit la facture, conserve l'attestation dans sa comptabilité.
A compter du 15 septembre 1999 et jusqu'au 31 décembre 2010 (décision du Conseil de l'Union européenne n° 2006/774/CE 7 novembre 2006), cette disposition législative soumet au taux réduit de la TVA les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans à l'exception, notamment, de la part qui correspond à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers et certains gros équipements. Ceci n'est ni applicable aux travaux qui concourent à la production ou à la livraison d'immeubles, ni à ceux qui aboutissent à une majoration de 10 % de la surface de plancher des locaux existants (instruction du 8 décembre 2006, BOI 3 C-7-06 N° Lexbase : X7759ADQ). Les calculs sont parfois fastidieux, mais le bilan d'ensemble du dispositif a été jugé satisfaisant (F. Magnin, La réduction du taux de TVA sur les travaux effectués dans les logements, Petites affiches, 2000, 36, pp 4 -5).
Parmi les travaux susceptibles de recevoir un taux réduit, citons les travaux d'amélioration telle la réalisation d'une isolation thermique ou acoustique d'un logement, les travaux de transformation visant, par exemple, à aménager un grenier en chambre d'enfant ou encore les travaux de petits entretiens comme le changement d'une moquette ou de papier peint. Les travaux portant sur les voies d'accès principales à la maison d'habitation principale bénéficient d'un taux réduit, contrairement à ceux portant sur les aménagements des allées de jardin.
Sont exclus du taux réduit les travaux de surévaluation d'un immeuble, ceux qui visent à rendre à l'état neuf un immeuble. A noter, par exemple, que les travaux d'isolation pour l'extérieur ne sont pas considérés comme affectant la consistance d'une façade si ces travaux n'incluent pas une dépose de cette dernière et sont dans ces conditions éligibles au taux réduit (QE n° 113211 de M. Favennec Yannick, réponse publiée au JOAN du 20 mars 2007, p. 2868 N° Lexbase : L7047ICY).
Le taux réduit s'applique quelle que soit la qualité du preneur des travaux qui peut être le propriétaire, l'occupant, le locataire ou encore un syndicat de copropriété. En conséquence, quand des particuliers se regroupent dans le cadre d'une association qui assure la maîtrise et le suivi des travaux, cette situation est sans incidence sur l'application du taux réduit car l'association agit en leur nom et pour leur compte (QE n° 74979 de M. Morange Pierre, réponse publiée au JOAN du 22 novembre 2005, p. 10816 N° Lexbase : L7050IC4).
La doctrine administrative précitée précise, par exemple, que les opérations sur les façades et les toitures notamment de "démoussage" qui ne visent pas seulement à assurer la propreté d'un toit ou d'une gouttière, mais à les maintenir en bon état, sont éligibles au taux réduit. A l'inverse les opérations de nettoyage de fin de chantier, permettant l'enlèvement de gravats, sont dans le champ d'application du taux normal. Mais, lorsque les frais de nettoyage s'insèrent dans une prestation globale de travaux éligible au taux réduit et qu'ils sont nécessités par cette prestation, alors le prestataire des travaux peut appliquer le taux réduit à l'ensemble de la prestation, même s'il choisit de facturer distinctement les travaux de nettoyage.
Les travaux de traitement préventif et curatif des immeubles contre les insectes xylophages, bénéficient du taux réduit de TVA. Mais les opérations de diagnostic parasitaire constituent des prestations d'études auxquelles on applique un taux normal de TVA (QE n° 18220, réponse publiée au JOAN du 6 octobre 2003, p. 7658 N° Lexbase : L7048ICZ).
Il est fait application du taux réduit à l'ensemble des travaux portant sur les locaux dès lors que ceux-ci sont principalement affectés à un usage d'habitation, dans une proportion au moins égale à 50 % de la superficie totale, laquelle est appréciée indépendamment de la surface des dépendances éventuelles. Lorsque le local est destiné pour plus de 50 % à un usage autre que l'habitation, le taux réduit de TVA ne s'applique qu'aux travaux réalisés dans les pièces consacrées exclusivement à l'habitation (QE n° 58857, réponse publiée au JOAN du 26 avril 2005, p. 4280 N° Lexbase : L7049IC3).
L'attestation du client permettant l'application du taux réduit par le prestataire doit être délivrée, au plus tard, à la date de facturation mentionnant la taxe au taux réduit et non postérieurement à une vérification de comptabilité (CAA Nantes, 4ème ch., 14 novembre 2005, n° 04NT00944, M. Jean-Yves Pannier-Desrivières N° Lexbase : A8753DM7, RJF, 2007, 3, comm. 274). Cette solution est conforme à la lettre et à l'esprit de la loi.
En l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé qu'une cour administrative d'appel n'a ni insuffisamment motivé son arrêt ni commis une erreur de droit en jugeant qu'en l'absence d'attestations établies par les preneurs au moment de l'achèvement des travaux, qui est le fait générateur de la taxe, le requérant ne pouvait se prévaloir d'attestations établies postérieurement à la vérification de comptabilité. Par ailleurs, aucune disposition ne permet au requérant de soutenir utilement que le fait que son épouse était propriétaire d'un immeuble le dispensait de produire des attestations établies à la date d'achèvement des travaux, ou au plus tard à celle de la facturation.
Par cet arrêt, la CJCE a été amenée à se prononcer, dans le cadre d'une demande de décision préjudicielle introduite par la Court of Session (Scotland) du Royaume-Uni, sur les règles applicables en matière d'arrondissement en cas de calcul d'un prorata de déduction. La question portait sur l'interprétation des articles 17, paragraphe 5, troisième alinéa et 19, paragraphe 1, second alinéa de la 6ème Directive - TVA (77/388 du Conseil du 17 mai 1977 N° Lexbase : L9279AU9).
Il était demandé à la Cour si, d'une part, les Etats membres étaient tenus d'appliquer la règle d'arrondissement prévue par les dispositions précitées lorsque le prorata du droit à déduction de la taxe en amont est calculé selon l'une des méthodes visées à l'article 17 de la Directive et, d'autre part, si l'article 19 de la même Directive autorise les Etats membres à exiger que le prorata déductible soit arrondi à un chiffre autre que l'unité supérieure lorsqu'il est déterminé conformément à l'article 17 susvisé. Pour sa part, le douzième considérant de la 6ème Directive précise que "le calcul du prorata de déduction doit s'effectuer de manière similaire dans tous les Etats membres".
L'article 17, paragraphe 5, de la 6ème Directive dispose : "en ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction [...] et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour une partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations". L'article ajoute que "les Etats membres peuvent [...] autoriser l'assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité, si des comptabilités distinctes sont tenues pour chacun de ses secteurs", et encore de "prévoir, lorsque la taxe sur la valeur ajoutée qui ne peut être déduite par l'assujetti est insignifiante, qu'il n'en sera pas tenu compte".
L'article 19 précité nous livre les modalités de calcul et précise : "le prorata est déterminé sur une base annuelle, fixée en pourcentage et arrondie à un chiffre qui ne dépasse pas l'unité supérieure".
La CJCE rappelle le dispositif national visé par l'article 101 du Règlement relatif à la taxe sur la valeur ajoutée (Value Added Tax Regulations 1995). "Les opérations imposables sont soumises à la taxe en amont sur les biens et services utilisés ou à utiliser par l'assujetti pour les opérations à la fois imposables et exonérées dans la même proportion par rapport au total de la taxe en amont que celle existant entre la valeur des opérations imposables réalisées par l'assujetti et la valeur de l'ensemble des opérations réalisées par ce dernier au cours de la période". Puis d'ajouter que le "ratio calculé [...] est exprimé en pourcentage et, si ce pourcentage n'est pas un nombre entier, il est arrondi à l'unité supérieure".
En l'espèce, les parties ont convenu, le 31 mai 2002, un accord relatif à l'approbation des méthodes spéciales d'exonération partielle concernant la taxe en amont résiduelle du groupe TVA de Royal Bank of Scotland. Cet accord prévoit que, lorsque la méthode applicable à un secteur, ou à une partie du secteur, relevant des activités commerciales de Royal Bank of Scotland exige une récupération de la taxe en amont soit fondée sur un pourcentage, celui-ci doit être arrondi à la deuxième décimale supérieure et que l'article 101 du Règlement relatif à la taxe sur la valeur ajoutée ne doit pas s'appliquer.
L'accord n'est ni conforme aux textes communautaires, ni au droit interne du Royaume-Uni visé par le Règlement relatif aux taxes sur la valeur ajoutée.
Royal Bank of Scotland a fini par considérer que cet accord, finalement, était contraire aux articles 17 et 19 de la 6ème Directive et qu'il était par conséquent sans effet. Elle a considéré que cette Directive imposait un arrondissement à l'unité supérieure et a sollicité l'accord des Commissioners pour pratiquer un arrondissement à l'unité supérieure. Ces derniers ont refusé de faire droit à cette demande.
La décision a été contestée devant le VAT and Duties tribunal qui, dans une décision du 20 janvier 2006, a jugé que l'arrondissement à la deuxième décimale supérieure était compatible tant avec la législation du Royaume-Uni qu'avec la 6ème Directive. Il ne restait plus à Royal Bank of Scotland de faire appel de cette décision devant le Court of Session (Scotland). Cette dernière a saisi la CJCE de nombreuses questions préjudicielles parmi lesquelles : "l'article 19 paragraphe 1, second alinéa (de la sixième directive) autorise-t-il les Etats membres à exiger que le prorata déductible par l'assujetti conformément à l'article 17, paragraphe 5 soit arrondi à un chiffre autre que l'unité supérieure ?".
La Cour, dans sa décision du 18 décembre 2008, a fait savoir que les Etats membres ne sont pas tenus d'appliquer la règle d'arrondissement prévue à l'article 19 de la 6ème Directive lorsque le prorata du droit à déduction de la taxe en amont est calculé selon l'une des méthodes spéciales visées par l'article 17 précité.
Cette position est conforme à la jurisprudence de la Cour. En effet, elle a jugé qu'en l'absence d'une réglementation communautaire spécifique, il appartient aux Etats membres de déterminer les règles et méthodes d'arrondissement des montants de la TVA, les Etats étant tenus lors de cette détermination de respecter les principes sur lesquels repose le système commun de cette taxe, notamment ceux de la neutralité fiscale et de la proportionnalité (CJCE, 10 juillet 2008, aff. C-484/06, Fiscale eenheid Koninklijke Ahold NV c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A5469D9G, RJF, 2008, 11, comm. 1277). Le droit communautaire, aujourd'hui, ne comporte aucune obligation spécifique selon laquelle les Etats membres sont tenus d'autoriser les assujettis à arrondir, par article, vers le bas le montant de la TVA.
Les faits relatifs à cette affaire sont, en apparence, relativement simples. Une société, propriétaire d'un fonds de commerce de bijouterie, a fait l'objet de deux contrôles douaniers qui ont permis de constater que la dirigeante avait vendu sous couvert de détaxe, entre mai 2000 et juin 2004, quarante cinq montres de marque pour une valeur totale de 167 172 euros. Les acheteurs étaient des personnes résidant en France et, pour certaines, établies sous de fausses identités. En outre, des cachets de douanes allemands avaient été contrefaits.
L'enquête des douanes a permis d'établir que 26 904 euros de TVA avaient été éludés. Pour l'administration des douanes, la fraude devait être considérée comme d'autant plus importante qu'elle a prospéré sur l'ensemble du territoire national.
Les juges d'appel ont déclaré la dirigeante de cette société coupable d'avoir participé, comme intéressée à la fraude, au délit d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées. Elle fut condamnée, ainsi que la société solidairement responsable, à payer une amende douanière correspondant à l'ensemble des marchandises considérées comme frauduleuses.
La cour d'appel, après avoir observé que la prévenue n'avait pris aucune précaution pour éviter les fraudes, notamment en s'assurant de l'identité et de la nationalité des acheteurs, énonce que cette dernière a remboursé, en connaissance de cause, la TVA à des personnes qui n'étaient pas acheteurs à titre individuel. De plus, l'intéressée a persisté dans ce système et ce malgré une mise en garde de l'administration lors d'un contrôle dès 2003.
Dans un premier moyen de cassation, la dirigeante et la société faisaient valoir que l'ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel de Pau ne comportait pas l'année et le contenu. La Cour de cassation ne fait pas droit à ce moyen car les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel était régulièrement composée.
Dans un second moyen de cassation, une des questions était de savoir si l'intéressée avait ou non "participé" à la fraude, au sens de l'article 399 du Code des douanes (N° Lexbase : L1006ANL). La Cour de cassation fait observer que la société a bénéficié de l'opération car cela lui a permis de vendre des montres en nombre avec un rabais significatif pour les acheteurs. Mais l'intérêt direct à la fraude n'est pas établi au profit de l'intéressée. La Cour souligne que l'on ne peut pas à la fois reconnaître que l'acheteur final avait bénéficié de rabais et qu'il s'était vu rembourser la TVA, "la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs". Toutefois, elle n'exclut pas l'hypothèse que la dirigeante ait eu conscience de participer à une fraude organisée de grande importance.
Il n'est pas sans intérêt d'observer, comme le fait la Cour de cassation, que le procès-verbal de l'administration des douanes, établi lors d'un précédent contrôle le 20 mai 2003, ne fait pas état d'une quelconque mise en garde.
Concernant l'utilisation de faux cachets douaniers reprochée à l'intéressée, la Cour de cassation considère que la cour d'appel n'était pas éclairée sur cette question car, postérieurement à sa décision, une expertise spécifique et technique avait permis d'établir leur absence d'authenticité. Ils étaient faux mais la cour d'appel ne pouvait pas le savoir avec certitude faute d'avoir fait diligenter une expertise.
Dans un troisième moyen, les requérants entendent faire examiner la solidarité, entre la dirigeante et la société, pour le paiement de l'amende douanière qui est de 164 172 euros. Celle-ci résulte des dispositions de l'article 414 du Code des douanes (N° Lexbase : L1021AN7) qui punit d'une amende comprise entre une fois et deux fois la valeur de l'objet exporté sans déclaration lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises de la catégorie de celles qui sont prohibées ou fortement taxées. En l'espèce, la somme réclamée par l'administration des douanes correspond à l'ensemble des ventes, objet du litige, avec une TVA induite de 26 904 euros.
A suivre la Cour de cassation, l'intéressée est coupable d'avoir vendu quarante cinq montres dans des conditions frauduleuses et notamment vingt-huit d'entre elles avec un cachet douanier dépourvu d'authenticité.
Finalement, dans son arrêt du 19 novembre 2008, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a retenu qu'elle avait eu conscience de participer et de coopérer à une opération irrégulière pouvant aboutir à une fraude, dans ces conditions, il importe peu que cette dernière ait retiré un profit personnel de l'opération.
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Réf. : Décret n° 2008-1334 du 17 décembre 2008 (N° Lexbase : L2682ICC), décret n° 2008-1355 (N° Lexbase : L3155ICT) et n° 2008-1356 (N° Lexbase : L3156ICU) du 19 décembre 2008
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N4850BIH
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par Vincent Corneloup, Avocat associé, spécialiste en droit public, docteur en droit public, SCP Dufay-Suissa-Corneloup
Le 23 Octobre 2014
Le décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008, de mise en oeuvre du plan de relance économique dans les marchés publics (N° Lexbase : L3155ICT), annonce clairement sa vocation, puisqu'il est relatif à "la mise en oeuvre du plan de relance économique dans les marchés publics". Ce décret constitue le coeur de la réforme. C'est lui qui permet de conclure des marchés publics de travaux après une procédure adaptée jusqu'à 5 150 000 euros HT, contre 206 000 euros HT auparavant. C'est, également, ce décret qui supprime la commission d'appel d'offres pour l'Etat, les établissements publics de santé, les établissements de santé et les établissements publics sociaux ou médico-sociaux. C'est encore lui qui prévoit qu'un avenant peut être conclu sans limitation de montant en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties. C'est lui, enfin, qui supprime le système de la double enveloppe.
Le décret n° 2008-1356 du 19 décembre 2008, relatif au relèvement de certains seuils du Code des marchés publics (N° Lexbase : L3156ICU), procède au relèvement du seuil en deçà duquel il est possible de conclure un marché public sans publicité, ni mise en concurrence préalables. Il est, désormais, de 20 000 euros HT contre 4 000 euros HT auparavant. Le décret n° 2008-1550 du 31 décembre 2008 (N° Lexbase : L3836IC3), modifiant le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 (N° Lexbase : L1381AXG), relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, réduit, quant à lui, les délais de paiement. Enfin, la circulaire du 19 décembre 2008, relative au plan de relance de l'économie française - augmentation des avances sur les marchés publics de l'Etat en 2009 (N° Lexbase : L3150ICN), prévoit une augmentation des avances sur le paiement réalisé dans le cadre des marchés publics de l'Etat en 2009. Il convient d'indiquer que des textes d'application et, notamment, "un guide des bonnes pratiques" doivent encore voir le jour (6).
Cette réforme, réalisée de manière précipitée (I), pourrait avoir des conséquences regrettables (II).
I - Une réforme précipitée
Cette réforme répond à deux objectifs. D'une part, le pouvoir réglementaire a souhaité clarifier certains points de la règlementation des marchés publics qui, en pratique, posaient des difficultés. C'est essentiellement le décret du 17 décembre 2008 qui s'en charge et qui, pour cette raison, est sans doute le moins contestable. Par exemple, la précision, à l'article 45 du code (N° Lexbase : L2720ICQ), que des niveaux minimaux de capacités des candidats peuvent être exigés (même si ce n'est pas une obligation) est bien venue (7). D'autre part, le pouvoir réglementaire a voulu prendre un certain nombre de mesures afin de relancer l'économie dans le contexte de la crise actuelle. Il s'agit de la mise en pratique de la volonté du Président de la République qui avait annoncé cette réforme du droit des marchés publics le 4 décembre 2008, lors de son discours de Douai.
Sans même s'interroger, pour le moment, sur l'opportunité de la réforme, il faut bien constater que cette volonté de lutter contre la crise économique a conduit à une précipitation qui pourrait s'avérer préjudiciable. Ainsi, le système de la double enveloppe, jusque là obligatoire dans le cadre des appels d'offre ouvert, est supprimé. C'est donc, désormais, dans une seule et même enveloppe que la candidature et l'offre seront transmises. Malheureusement, dans sa précipitation, le pouvoir réglementaire a oublié de supprimer la seconde phrase de l'article 58 II () qui indique que "les enveloppes contenant les offres des candidats éliminés leur sont rendues sans avoir été ouvertes". Evidemment, cette exigence est aujourd'hui impossible à satisfaire puisqu'il n'y a plus qu'une seule enveloppe. La parution d'un décret rectificatif paraît s'imposer.
De même, le nouveau seuil de 20 000 euros HT en dessous duquel les marchés peuvent être conclus sans publicité ni mise en concurrence a été fixé par le décret n° 2008-1356 du 19 décembre 2008, qui est un décret simple et non un décret en Conseil d'Etat. Pourtant, c'est le décret-loi du 13 novembre 1938 qui fonde encore la compétence du pouvoir réglementaire pour régir les marchés des collectivités locales (8). Or, ce décret-loi exige que cet encadrement prenne la forme de règlements d'administration publique, c'est-à-dire maintenant de décrets en Conseil d'Etat (9). La légalité du décret n° 2008-1356 qui vise, évidemment, les marchés des collectivités locales est donc pour le moins incertaine (10).
II - Une réforme aux conséquences regrettables ?
La volonté de relancer l'économie par la commande publique est louable. Il est, toutefois, possible de se demander si la réforme étudiée est susceptible d'être un outil efficace pour ce faire. En effet, si le relèvement des seuils et, tout particulièrement, la possibilité de conclure des marchés sans publicité ni en mise en concurrence préalables en dessous de 20 000 euros HT introduit une certaine souplesse, il paraît, toutefois, naïf de penser que les pouvoirs adjudicateurs concluront plus de marchés publics pour cette seule raison. Un marché est conclu lorsqu'un besoin existe et lorsqu'un budget est disponible. Pour augmenter le nombre de marchés conclus, il faut donc créer des besoins et/ou des budgets. Toute autre solution n'en est pas véritablement une.
De même, la suppression de la double enveloppe, qui paraît avoir été justifiée par la jurisprudence du Conseil d'Etat refusant de sanctionner l'erreur d'un candidat ayant inclus, dans la seconde enveloppe contenant l'offre, une information exigée dans la première enveloppe relative à la candidature (11), est une simplification qui peut s'avérer néfaste. En effet, la commission d'appel d'offres pour les collectivités territoriales ou, directement le pouvoir adjudicateur pour l'Etat, risquent de se focaliser sur le prix proposé sans s'attarder sur les capacités des opérateurs économiques, comme la Fédération française du bâtiment le redoute (12).
Quant à la possibilité de conclure des marchés publics de travaux après la mise en oeuvre d'une simple procédure adaptée jusqu'à 5 150 000 euros HT au lieu de 206 000 euros, elle ne conduira, sans doute pas, à la simplification voulue au sens où les collectivités territoriales, notamment, ne devraient pas aisément prendre le risque de ne pas suivre une procédure formalisée (et donc sécurisée) lorsque des montants importants sont en jeu. Et si elles le font, le risque contentieux sera proportionnel au montant concerné : si un pouvoir adjudicateur s'écarte, par exemple, des règles de l'appel d'offre en adaptant la procédure à ses besoins, les candidats évincés auront d'autant plus le réflexe de saisir le juge que le chiffre d'affaires escompté est élevé.
Enfin, augmenter jusqu'à 20 000 euros le seuil en deçà duquel les marchés publics peuvent être conclus sans publicité ni mise en concurrence risque de conduire les pouvoirs adjudicateurs à favoriser les achats locaux ou auprès des opérateurs économiques déjà introduits auprès d'eux. La qualité de l'achat et son coût peuvent s'en ressentir. Pour s'en tenir au coût, c'est en favorisant la concurrence qu'il est possible de le faire baisser, et non pas en la restreignant. Or, si l'achat public est rendu plus onéreux par la réforme, n'est-ce pas autant de deniers publics qui ne seront pas consacrés à la relance de l'économie ? Certes, le seuil de 20 000 euros peut paraître encore relativement bas mais, en ce qui concerne de très nombreuses collectivités territoriales, tout particulièrement dans le cas des marchés de fourniture et surtout de service, c'est la majeure partie de leurs marchés publics qui est concernée.
Toujours à propos de ce seuil de 20 000 euros, il faut rappeler que le Code des marchés publics entré en vigueur le 1er septembre 2006 reposait sur un certain nombre de principes, patiemment élaborés par le ministère de l'Economie (13), au nombre desquels figurait la volonté de promouvoir l'accès des PME à la commande publique. Mais ce sont, évidemment, celles-ci, principales intéressées par l'ouverture à la concurrence des marchés aux montants relativement faibles, qui risquent d'être lésées par la soustraction de tous les marchés d'un montant inférieur à 20 000 euros à l'obligation de publication et de mise en concurrence. La réforme du Code des marchés publics remet, ainsi, partiellement en cause un principe par ailleurs toujours d'actualité (14) dudit code. Tout cela est-il bien sérieux ?
(1) CE, Ass., 16 juillet 2007, n° 291545, Société Tropic Travaux Signalisation (N° Lexbase : A4715DXW) : "Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires".
(2) CE, Sect., 3 octobre 2008, n° 305420, Syndicat mixte intercommunal de réalisation et de gestion (N° Lexbase : A5971EAE) : une procédure de passation ne doit être annulée par le juge du référé précontractuel que si l'irrégularité invoquée a lésé ou risque de léser le requérant. Le référé précontractuel change ainsi de nature, passant d'un recours de nature objective à un recours de nature subjective.
(3) Ces CCAG sont en préparation depuis de longs mois mais devraient voir le jour avant la fin du premier semestre 2009, selon le ministère de l'Economie.
(4) Directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007, modifiant les Directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics (N° Lexbase : L7337H37).
(5) Le projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés (APCIPP), actuellement en discussion devant le Parlement prévoit d'habiliter le Gouvernement à adopter la partie législative d'un Code de la commande publique dans un délai de 18 mois à compter de sa publication.
(6) Mais les décrets sont déjà applicables : celui du 17 décembre depuis le 19 décembre, ceux du 19 décembre depuis le 21 décembre, et celui du 31 décembre depuis le 2 janvier 2009 (sauf pour son article 3 concernant les marchés passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local autre que ceux ayant un caractère de santé, qui prévoit son propre calendrier).
(7) Le doute était, en effet, permis jusqu'à ce que le Conseil d'Etat juge qu'il n'y avait pas obligation de fixer des niveaux minimaux de capacité : CE, 8 août 2008, n° 307143, Région de Bourgogne (N° Lexbase : A0741EAP).
(8) CE, 29 avril 1981, n° 12851, Ordre des architectes (N° Lexbase : A3921AKG), Recueil, p. 197 ; CE, 5 mars 2003, n° 238039, Ordre des avocats à la cour d'appel de Paris (N° Lexbase : A3482A74), Recueil, p. 90.
(9) Cf. la loi n° 80-5145 du 7 juillet 1980 (N° Lexbase : L7042ICS), portant suppression du renvoi aux règlements d'administration publique.
(10) Sur cette question, cf., notamment, Encyclopédie Dalloz Collectivités locales, Cahiers d'actualité 2009-1, p. 4.
(11) CE 2° et 7° s-s-r., n° 292570, 7 novembre 2008, Société Hexagone 2000 (N° Lexbase : A1734EBT).
(12) Le Moniteur Expert, dépêche du 9 janvier 2009.
(13) L'élaboration de ce Code a pris plus d'un an, des consultations publiques ayant même été organisées. Ce qui contraste avec la précipitation à l'origine de la réforme étudiée.
(14) Cf., par exemple, l'obligation d'allotissement (C. marchés publ., art. 10 N° Lexbase : L2670HPL).
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par Guy de Foresta, Avocat au Barreau de Lyon, Of Counsel, Bignon, Lebray & & Associés
Le 07 Octobre 2010
Sans pouvoir entrer ici dans une présentation comparative des régimes respectifs de la fusion simplifiée et de la confusion de patrimoines (2), la présente étude entend se limiter à en souligner les principales différences de traitement tant au niveau du domaine d'application (I) que de la mise en oeuvre juridique (II) et des effets et conséquences (II).
I - Le domaine d'application : les types de sociétés pouvant participer aux opérations
A - Sociétés françaises
Alors que les opérations de fusion-absorption sont encadrées par de nombreuses dispositions du Code du commerce, à savoir les articles L. 236-1 (N° Lexbase : L6351AI3) à L. 236-7, quelle que soit la forme des sociétés concernées à titre de règles générales, d'une part, et par plusieurs dispositions propres aux sociétés anonymes, aux sociétés en commandite par actions, aux sociétés par actions simplifiées, aux sociétés européennes et aux sociétés à responsabilité limitée, à titre de règles particulières, d'autre part, les opérations de dissolution-confusion ne sont, elles, visées que par les dispositions de l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L2025ABM) et celles de l'article L. 227-1, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L2477IBD), sans préjudice, toutefois, des règles applicables aux différentes formes de sociétés appelées à y participer.
Sous réserve des règles propres posées par ces textes, les opérations de confusion de patrimoines peuvent être entreprises aussi bien pour des sociétés commerciales que pour des sociétés civiles.
En, revanche, et sans que l'on en voit bien la justification, les fusions visées par les dispositions de l'article L. 236-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L9776IAC) concernent les sociétés commerciales mais excluent les sociétés civiles et les groupements d'une autre forme.
De plus, en fusion simplifiée, les sociétés à responsabilité limitée ne peuvent fusionner qu'au profit de sociétés de même forme et non pas au profit de sociétés par actions (cf. C. com., art. L. 236-23 N° Lexbase : L9762IAS)
B - Sociétés étrangères : fusions transfrontalières
Les dispositions des articles 1er à 7 de la loi précitée du 3 juillet 2008 ont transposé la Directive 2005/56 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 octobre 2005, relative aux fusions et opérations assimilées intervenant entre sociétés situées dans les Etats membres de l'Union européenne (N° Lexbase : L3532HD8). Les dispositions modifiées en conséquence du Code du commerce (nouvel article L. 236-25 N° Lexbase : L9748IAB et suivants) et du Code du travail (nouvel article L. 2371-1 N° Lexbase : L9805IAE et suivants) donnent un cadre juridique approprié à de telles opérations.
Toutefois, à l'instar des opérations de scission et d'apport partiel d'actif, les opérations de confusion de patrimoines intervenant entre sociétés étrangères ne sont expressément visées ni par la Directive européenne, ni par les dispositions précitées du Code du commerce et du Code du travail, et ne peuvent donc pas bénéficier de ce nouveau dispositif. Elles restent, néanmoins, réalisables aux conditions de droit commun applicables selon les législations des Etats concernées en vertu du principe de liberté d'établissement.
II La mise en oeuvre juridique
A - La forme des décisions
Le formalisme d'une opération de dissolution-confusion demeure extrêmement simplifié, puisqu'il ne requiert qu'une décision de l'associé unique de la société confondue, dont la loi ne précise pas le formalisme exact, suivie d'une publication de cette décision dans un journal d'annonces légales du lieu du siège social.
En matière de fusion simplifiée, le traitement juridique, certes allégé par rapport à une fusion "normale", n'en demeure pas moins nettement plus conséquent puisqu'il faut recourir :
- à une décision collective des associés ou assemblée générale extraordinaire des actionnaires ou associés de la société absorbante ;
- et à la rédaction d'un projet de fusion appelé à être publié contenant au moins les mentions requises par les dispositions de l'article R. 236-1, alinéa 2, 5° du Code de commerce (N° Lexbase : L5723ICX).
En outre, le projet de fusion doit mentionner les engagements requis pour pouvoir bénéficier du régime fiscal de faveur ainsi que de nombreuses autres clauses concernant la situation de la société absorbée, les charges et conditions de la transmission de son patrimoine, les modalités de reprise de ses engagements à l'égard des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital ainsi que, le cas échéant, à l'égard des bénéficiaires d'options de souscription ou d'achat d'actions ou de droits à l'attribution d'actions gratuites, les conditions suspensives auxquelles l'opération pourrait être subordonnée (agrément fiscal, autorisation administrative, réalisation préalable d'une opération financière), etc..
Si l'obligation de statuer également sur l'évaluation des apports en nature au vu du rapport d'un commissaire aux apports désigné en justice a donc été supprimée (C. com., art. L 236-11 N° Lexbase : L9701IAK, modifié par la loi 2008-649 du 3 juillet 2008), toutefois, en cas d'absorption d'une société ayant émis des valeurs mobilières donnant accès au capital, l'obligation de désigner un commissaire aux apports subsiste puisque la détermination du nombre de titres de capital de la société absorbante auquel les porteurs des valeurs mobilières peuvent prétendre se fait sur avis du commissaire aux apports (C. com., art. L. 228-101, al. 2 N° Lexbase : L8344GQ4).
B - L'information des associés et actionnaires
Lorsque la société absorbante est une société par actions, il lui appartient de mettre à la disposition de ses associés ou actionnaires un mois, au moins avant la date de la décision collective des associés ou de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires appelée à se prononcer sur le projet de fusion, un état comptable intermédiaire établi selon les mêmes méthodes et suivant la même présentation que le dernier bilan annuel, arrêté à une date qui, si les derniers comptes annuels se rapportent à un exercice dont la fin est antérieure de plus de six mois à la date du projet de fusion, doit être antérieure de moins de trois mois à la date de ce projet (C. com., art. R. 236-3 N° Lexbase : L5665ICS).
Un tel état intermédiaire n'est pas requis dans les opérations de dissolution-confusion. Par ailleurs, contrairement à la situation relative à la fusion, la consultation de l'assemblée générale des éventuels obligataires de la société confondue n'est pas requise, ceux-ci étant alors traités comme tout autre créancier.
C - Le droit d'opposition des créanciers
Une différence importante relative au droit d'opposition ouvert aux créanciers s'estimant victime d'un préjudice existe entre les deux types d'opération.
Alors que dans les opérations de dissolution-confusion, le délai d'opposition de trente jours est ouvert à tous les créanciers sans distinction de la filiale confondue, mais aussi, semble-t-il de l'associé unique, compte-tenu de la généralisation des termes de l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil, dans les opérations de fusion, le droit d'opposition accordé par les dispositions des articles L. 236-14, alinéa 2 (N° Lexbase : L6364AIK), et L. 236-23, alinéa 1er (N° Lexbase : L9762IAS), du Code du commerce souffre plusieurs restrictions supplémentaires : fermé aux créanciers obligataires des sociétés participantes ainsi qu'à ceux de sociétés d'une forme juridique autre que les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée, il n'appartient qu'aux créanciers dont la créance est antérieure à la publication du projet de fusion (cf. C. com., art. L. 236-14, al. 2, L. 236-21, al. 2 N° Lexbase : L6371AIS, L. 236-23, al. 1er, et L. 236-2 N° Lexbase : L9776IAC). A défaut de réunir ces conditions, les créanciers sont privés, en l'absence de textes spécifiques, de protection particulière et sont soumis au régime de droit commun.
De plus, l'effet des oppositions n'est pas le même en matière de confusion des patrimoines et en matière de fusion-absorption.
Ainsi, en matière de confusion de patrimoine, l'introduction d'une opposition devant le tribunal de commerce a pour conséquence de retarder la date de transmission du patrimoine de la société confondue à son associé unique et de disparition de sa personnalité morale et de la suspendre alors, soit à son rejet en première instance, soit au remboursement des créances, soit encore à la constitution des garanties réclamées par le tribunal. La date de réalisation effective de l'opération est ainsi grevée d'une véritable incertitude.
En matière de fusion-absorption, la date de réalisation de l'opération de transmission universelle du patrimoine et de la dissolution de la société absorbée n'est pas soumise aux aléas d'une éventuelle opposition. Si la société ne se soumet pas à la décision lui imposant le remboursement ou la constitution de garanties, la fusion ou la scission sera inopposable aux créanciers opposants qui conserveront donc sur le patrimoine apporté à la société absorbante ou nouvelle un droit préférentiel à l'égard des créanciers de cette société (C. com., art. L. 236-14, al. 3 N° Lexbase : L6364AIK). S'il s'agit de créanciers de la société absorbante, ils pourront se faire payer sur les biens de cette société par préférence aux créanciers de la société absorbée.
III Les effets et conséquences de la dissolution et de la transmission universelle du patrimoine
A - Les effets dans le temps : le problème de la rétroactivité des opérations
La fusion prend, en principe, effet à la date de la dernière assemblée générale ou de la dernière décision collective ayant approuvé l'opération. Toutefois, le contrat de fusion peut prévoir une date d'effet différente pourvu que celle-ci ne soit (C. com., art. L. 236-4, 2° N° Lexbase : L6354AI8), ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la société absorbée, en cas d'effet rétroactif, ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires, en cas d'effet différé.
La clause de rétroactivité n'a d'effet qu'entre les sociétés parties à la fusion. Elle ne concerne pas les tiers qui ne peuvent pas s'en prévaloir et qui doivent s'en tenir à la date de réalisation définitive de l'opération, celle à laquelle s'opère la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante (3).
Sur le plan fiscal, en cas de fusion avec effet rétroactif, la société absorbante peut englober dans ses résultats les bénéfices ou les pertes réalisées par la société absorbée pendant la période intercalaire, à condition que la date d'effet de la fusion ne remonte pas au-delà du premier jour de l'exercice de la société absorbante au cours duquel l'opération est intervenue.
Cette latitude importante, malgré les problèmes réels qu'elle entraîne pour le traitement de la période intercalaire, permet d'unifier les aspects juridiques, fiscaux et comptables de l'opération de fusion, que la date retenue pour la transmission universelle du patrimoine et la dissolution de la société absorbée soit celle de la dernière des assemblées générales, ou bien qu'elle soit antérieure, voire même ultérieure.
En matière d'opération de dissolution-confusion, en revanche, la transmission universelle de patrimoine et la disparition de la société confondue n'interviennent qu'à la date d'expiration du délai d'opposition de trente jours ou, en présence d'opposition(s), au jour de règlement de celle(s)-ci, selon les conditions et modalités décrites ci-avant.
En plus du relatif aléa qui grève la date de réalisation effective de l'opération, celle-ci ne peut avoir ni effet rétroactif, ni effet différé.
Sur le plan fiscal, toutefois, l'administration admet qu'un effet rétroactif, exclusivement fiscal, puisse être donné à l'opération si une clause de rétroactivité figure dans la décision de dissolution. Dans le cas où la confusion est décidée au cours du dernier mois de l'exercice, l'effet rétroactif fiscal peut être fixé à l'ouverture de l'exercice au cours duquel l'opération est réalisée, ou au premier jour de l'exercice en cours à la date de la décision (instruction du 30 décembre 2005, BOI 4 I-1-05, n° 65 et n° 66 N° Lexbase : X5010ADW).
Certes une discussion s'est engagée en doctrine sur la possibilité de conférer à ces opérations un effet rétroactif sur le plan juridique et comptable (4).
Bien que des voix autorisées en soutiennent la possibilité théorique, en pratique et à tout le moins pour les sociétés dont les comptes sont certifiés, il serait, néanmoins, risqué de recourir à la rétroactivité comptable.
La Compagnie nationale des commissaires aux comptes (5) souligne, en effet, l'impossibilité de donner un effet rétroactif aux "confusions de patrimoines" et rappelle "qu'il appartient au Commissaire aux comptes de la personne morale confondante de s'assurer de la correcte comptabilisation de l'opération intervenue au cours de l'exercice" et, en cas de comptabilisation avec un effet rétroactif, "de signaler cette irrégularité au gouvernement d'entreprise [....] au regard de l'arrêté définitif des comptes" et, si elle présente "un caractère significatif, d'en tirer les conséquences appropriées dans la formulation de son opinion sur les comptes dans la première partie de son rapport général".
A défaut de rétroactivité, la réalisation de la confusion de patrimoines demeure ainsi alourdie par l'établissement d'une situation comptable supplémentaire de la société confondue arrêtée à la date d'effet de l'opération, avec retraitement du résultat fiscal intercalaire si la rétroactivité fiscale est retenue.
En l'absence d'une telle rétroactivité, il conviendra alors de choisir entre une date unique de réalisation juridique, comptable et fiscale, susceptible d'être repoussée en cas d'oppositions et une date d'effet fiscal rétroactive, distincte de la date de transmission universelle des patrimoines, permettant alors à la confondante d'intégrer le résultat de la période intercalaire, et de pouvoir imputer l'éventuel déficit de cette période sans procédure d'agrément mais qui devra s'alourdir du retraitement extra-comptable nécessaire à la neutralisation du résultat fiscal.
B - Les effets fiscaux
En matière de droits d'enregistrement, les opérations de dissolution-confusion ne peuvent pas bénéficier du régime spécial de faveur prévu pour les opérations de fusion et assimilées (6).
Pour autant, l'appropriation de l'actif par l'associé unique ne donne, en principe, ouverture à aucun droit de mutation, ni, bien entendu, au droit de partage (Rép. Durafour, AN, 11 mars 1972, p. 570).
En pratique, les coûts sont identiques puisque dans les deux cas les opérations auxquelles participent exclusivement des sociétés passibles d'impôt sur les sociétés ne donnent lieu qu'à un droit fixe dont le montant est égal à 375 euros ou 500 euros selon que le capital social de la société absorbante ou confondante est inférieur ou non à 225 000 euros (instruction du 18 janvier 2006, BOI 7 A1-06, n° 3).
Toutefois, et en l'absence de régime de faveur, si des immeubles figurent parmi les biens transférés, l'acte doit être publié à la conservation des hypothèques, ce qui entraîne, notamment, la perception de la taxe de publicité foncière au taux de 0,60 % (plus 0,1 % et prélèvement de 2,50 % sur le montant de la taxe).
Enfin, lorsque des biens ont été apportés à la société confondue par des associés autres que la société confondante, la confusion de patrimoine peut entraîner, dans certains cas, l'exigibilité des droits de mutation dont l'apport initial avait été dispensé (application de la théorie de la mutation conditionnelle des apports).
En matière de taxe professionnelle, il faut souligner que, par une série d'arrêts du 13 décembre 2006, le Conseil d'Etat (7) a décidé que les dispositions de l'article 1518 B du Code général des impôts (N° Lexbase : L2757HWZ), relatif aux valeurs locatives planchers n'étaient pas applicables aux situations de confusion de patrimoines.
De même, par une décision du 3 juin 2008, la cour administrative de Douai (8) a jugé qu'une telle opération ne constituait pas une cession au sens de l'article 1469, 3° quater, du Code général des impôts (N° Lexbase : L4903ICL, sur valeur locative identique en cas de cession d'établissement entre entreprises liées).
Dans ce contexte, la valeur locative des biens transférés à la société confondante pourra alors être basée sur les valeurs nettes comptables des biens transmis au moment de l'apport et non pas sur la valeur historique d'acquisition, ce qui peut être source d'une économie fiscale significative dans certains cas.
C - Les conséquences en matière de transmission des contrats
Du fait de la réalisation de la transmission universelle du patrimoine, l'associé ou actionnaire unique se substitue à la société dissoute dans les biens, droits et obligations de cette dernière, en ce compris ses éléments hors bilans tels que ses différents contrats.
La société absorbante ou confondante devient donc ainsi contractante des accords transmis, sous réserve, toutefois, de l'accord préalable du cocontractant, pour certains contrats : autorité administrative compétente pour les contrats administratifs et partenaire contractuel concerné pour les contrats conclu intuitu personae.
Or, dans ce dernier domaine, si une jurisprudence importante s'est développée, les nombreuses décisions ont surtout été rendues à propos d'opération de fusion-absorption, de scissions et/ou d'apport partiel d'actif.
Le problème est donc de savoir si ces décisions, rendues en l'absence de dispositions légales applicables au cas particulier comme de celle de clauses d'intuitu personae particulières ou, au contraire, en présence de clauses de transmission du contrat mais insuffisamment explicites, peuvent être valablement transposées à des transferts de contrats réalisés dans le cadre d'opérations de confusions de patrimoine.
Le caractère intuitu personae d'une convention et l'accord corrélatif préalable du contractant ayant trouvé de très nombreuses applications jurisprudentielles, en matière notamment de baux (9), de cautionnement (10), de causes d'agrément d'associés (11), de garantie de passif (12), d'accords et distribution et de contrats de franchise (13), de contrats de mandats, de syndic de copropriété (14), d'agence commerciale (15) et cette jurisprudence n'étant pas toujours homogène, la question est d'autant plus délicate
Ainsi par exemple, en matière de baux commerciaux où l'article L. 145-26, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L2286IBB) exclut les opérations de fusion-absorption et d'apport partiel d'actif de la catégorie des cessions de bail, cessions qui, on le sait, impliquent généralement l'accord du bailleur. Certaines décisions ont admis qu'il n'y avait pas cession du bail dès lors que le transfert de celui-ci est inclus dans une transmission universelle (16). D'autres décisions ont assimilé le transfert d'un bail commercial par dissolution-confusion à une cession de bail commercial, impliquant le respect des dispositions du bail commercial en matière de cession (17).
A la lumière de l'examen de ces différences dans le traitement de ces deux opérations, il apparaît qu'en pratique, certaines situations sociales commandent d'emblée la solution à retenir :
- la présence d'actifs immobiliers significatifs prohibera le recours à la confusion de patrimoine en raison de son coût fiscal en ce domaine ;
- inversement, une filiale coquille vide, dépourvue d'actifs, pourra sans difficulté être confondue avec, si besoin, reprise des déficits en cours par option pour la rétroactivité fiscale, le retraitement comptable supplémentaire étant nécessairement limité dans un tel cas.
Entre ces deux extrêmes, le choix du type d'opérations devrait principalement prendre en compte l'importance des actifs et passifs à transmettre, la réalité d'un formalisme juridique qui demeure malgré tout plus poussé en cas de fusion, mais aussi la nature et la rédaction des contrats à transférer ainsi que le risque d'opposition(s) éventuelle(s) susceptible(s) d'entraîner un décalage corrélatif des dates de réalisation de l'opération de nature à complexifier son traitement comptable et juridique, dans le cas d'une confusion de patrimoines.
(1) Cf. nouvelle rédaction de l'article L. 236-11 du Code du commerce (N° Lexbase : L9701IAK) et nos obs., Rapports du Commissaire à la fusion : formalités inutiles ou bien inutilité de la réforme, Lexbase Hebdo n° 290 du 31 janvier 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N8682BDW).
(2) Cf., à ce sujet, M.-A. Coudert et C. Meyer Restructuration d'entreprise : fusion simplifiée ou confusion de patrimoines, Actes Pratiques, n° 75, mai-juin 2004.
(3) Cass. com., 23 mars 1999, n° 96-20.555, Société L'Etoile commerciale c/ Société Fideicomi (N° Lexbase : A8037AGR), RJDA, 6/99, n° 678 ; CA Orléans 18 janvier 2004, n° 03/3103, RJDA, 2/05, n° 145.
(4) Cf. nos. obs. La gestion des dates dans les opérations de confusion de patrimoines, Lexbase Hebdo n° 203 du 23 février 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N4845AKN).
(5) Bulletin CNCC, n° 134, juin 2004, p. 77.
(6) Cass. com., 26 mai 2004, n° 01-16.636, Société Lubéron santé c/ Directeur général des impôts, F-D (N° Lexbase : A5068DCP), RJF, 10/04, n° 1049.
(7) CE 9° et 10° s-s-r., 13 décembre 2006, 6 arrêts, n° 275239 (N° Lexbase : A8853DSP), n° 283912 (N° Lexbase : A8891DS4), n° 283914 (N° Lexbase : A8892DS7), n° 283915 (N° Lexbase : A8893DS8), n° 289569 (N° Lexbase : A8916DSZ) et n° 289806 (N° Lexbase : A8917DS3).
(8) CAA Douai, 2ème ch., 3 juin 2008, n° 07DA01475, Ministre du Budget c/ Société Fjord Seafood Appeti Marine (N° Lexbase : A1775EBD)
(9) Cass. civ. 3, 30 avril 2003, n° 01-16.697, Société Etablissements Braud c/ Société SEM plaine développement, FS-P+B (N° Lexbase : A7555BSM).
(10) Ass. plén. 6 décembre 2004, n° 03-10.713, Société WHBL 7, anciennement dénommée Union industrielle de crédit, venant aux droits de la société Sofal c/ Société Groupe industriel Marcel Dassault, publié (N° Lexbase : A3249DE3) ; Cass. com., 8 novembre 2005, n° 01-12.896, Société Selectibail SA, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4830DLH), M.-E. Mathieu, Du nouveau sur le sort du cautionnement en cas de fusion-absorption, Lexbase Hebdo n° 192 du 31 novembre 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N1477AKW).
(11) Cass. com., 19 avril 1972, n° 69-14.054, Société Nouvelle cargo maritime SA c/ Société Michaelides et Cie SARL (N° Lexbase : A6670AG7).
(12) Cass. com., 10 juillet 2007, n° 05-14-358, M. Christian Gonzalez, FS-P+B (N° Lexbase : A2932DXU), et nos obs., Transmission d'une clause de garantie de passif par l'effet d'une fusion-absorption, Lexbase Hebdo n° 277 du 18 octobre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N8821BCP).
(13) Cass. com., 3 juin 2008, n° 06-18.007, Mme Ludivine Lesage, FS-P+B (N° Lexbase : A9219D8X), et nos obs. La transmission de contrats de franchise dans le cadre d'une fusion-absorption et d'opérations assimilées : le problème de l'intuitu personae, Lexbase Hebdo n° 315 du 31 juillet 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N7030BGH).
(14) Cass. com., 30 mai 2000, n° 97-18.457, Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier La Baie des c/ Mme Mottier N° Lexbase : A5254AWI).
(15) Cass. com., 29 octobre 2002, n° 01-03.987, M. Philippe, Henri, Arthur Decaudain c/ Société Sucrerie de Bucy-Le-Long, F-D (N° Lexbase : A4127A3A).
(16) CA Paris, 16ème ch., sect. A, 13octobre 2004, n° 03/11378, Mme Liliane Marie Evelyne Rolande Marceau c/ SA Société Actions Transactions (N° Lexbase : A8069DD9), RJDA, 10/05, n° 1112.
(17) CA Paris, 24 juin 1997,16ème ch., sect. A, n° 95/1237, Monsieur Bernard Colineau c/ Monsieur Peres Jean-Pierre (N° Lexbase : A9698C7C), Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 1069, note Coquelet. Cf, sur ce point, S. Michel, La réforme des fusion internes, Cahiers de Droit de l'Entreprise, n° 6, novembre-décembre 2008 et, également, pour un examen de certains contrats plus sensibles, M.-A. Coudert et C. Meyer, Restructuration d'entreprise : fusion simplifiée ou confusion de patrimoines, préc..
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Le 07 Octobre 2010
Ce n'est plus une surprise pour qui observe, même de loin, la jurisprudence relative à l'obligation d'information en matière d'assurance vie : la Cour de cassation fait preuve d'une constance indubitable. Le point paroxystique fut l'arrêt d'Assemblée plénière du 2 mars 2007 (1). Chacun se souvient que ce dernier a décidé que le souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe, fut-il banquier et prêteur de deniers, est tenu d'alerter l'attention du futur adhérent au contrat sur l'intérêt de souscrire une assurance complémentaire lorsque seuls certains risques sont assurés. Plus exactement, il doit le mettre en garde contre les insuffisances du contrat, notamment en ce qui concerne l'absence de prise en charge de tous les risques susceptibles d'entraîner une cessation d'une activité professionnelle ou une entrave dans l'exercice à temps complet de l'une d'elle.
Cette jurisprudence a été consacrée par des arrêts ultérieurs (2). Bien que leur nombre ne soit pas colossal, le fait qu'ils existent semble laisser entendre que certaines cours d'appel marqueraient quelques réticences à respecter cette règle. Est-ce pour cette raison que la Cour de cassation ne désarme pas ? La première chambre civile serait-elle plus stricte que la deuxième chargée de ce contentieux à titre principal? Rien ne permet de le penser. Ce dernier arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, en date du 22 janvier 2009, s'inscrit dans la même lignée et même dépasse, à certains égards, celle-ci en raison du particularisme des faits de l'espèce.
En effet, une VRP avait contracté deux prêts auprès, d'une part, de la Caisse d'épargne et, d'autre part, du Crédit agricole. Cette salariée avait accepté d'adhérer au contrat d'assurance de groupe souscrit par chacune de ces deux banques auprès de la Caisse nationale de prévoyance. Le contrat d'assurance couvrait le risque d'incapacité de travail. Or, quelques temps plus tard, cette femme souffre d'une maladie ayant pour conséquence d'interrompre l'exercice de son activité professionnelle. Elle sollicite alors la garantie de l'assureur qui refuse. L'argument invoqué par ce dernier consiste à faire observer que si la maladie de l'assurée interdisait la poursuite de son activité professionnelle, elle n'empêchait pas la salariée de conserver un emploi strictement sédentaire, au moins à mi-temps thérapeutique. L'adhérente reproche alors à la Caisse d'épargne et au Crédit agricole d'avoir manqué à l'obligation d'information et de conseil à laquelle chacun d'eux est tenu à son égard ; elle les assigne en paiement, à titre de dommages-intérêts, du solde de chacun de ces prêts.
La cour d'appel refuse de faire droit aux prétentions de la salariée car il était indiqué dans l'acte notarié constatant le prêt qu'elle était parfaitement informée des stipulations de l'assurance à laquelle elle avait adhéré. De plus, elle détenait bien un exemplaire des clauses générales de la convention d'assurance qui étaient tout à fait claires. Mais la Cour de cassation considère que "la connaissance par Mme A. des stipulations du contrat d'assurance de groupe auquel elle avait adhéré ne pouvait dispenser chacun des banquiers de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts par ces stipulations, fussent-elles claires et précises, à sa situation personnelle d'emprunteur". Le message est net et précis : une information individualisée et personnelle doit être effectuée. La première chambre de la Cour de cassation tient à rappeler la règle destinée à protéger les adhérents, peut-être parce que deux organismes financiers étaient concernés (I). En revanche, elle ne dit rien du mode de calcul de l'indemnisation (II).
I - Confirmation de la protection de l'adhérent
Cet arrêt de la première chambre civile pourrait n'être qu'un rappel à l'ordre de la règle énoncée le 2 mars 2007 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, destinée à contraindre les souscripteurs, organismes financiers à mettre en garde les adhérents au contrat de groupe contre les manques ou insuffisances de prise en charge des risques par celui-ci (A). Toutefois, la décision comporte un aspect supplémentaire qu'il convient de noter : la présence de deux souscripteurs concernés (B).
A - Rappel à l'ordre effectué aux cours d'appel ?
Si la Cour de cassation, que ce soit la première chambre ou la deuxième, a eu l'occasion de rappeler, ces deux dernières années, la jurisprudence issue de l'arrêt rendu en Assemblée plénière le 2 mars 2007 n'est-ce pas en raison d'une certaine hésitation de quelques cours d'appel à l'appliquer ? Le penser n'apparaît pas le fruit d'une imagination fertile. En effet, il peut se produire que, quelques semaines ou mois suivant un arrêt classique de la Cour de cassation, de rares cours d'appel ne remarquent pas le changement ou l'évolution réalisée. Loin de critiquer le remarquable travail réalisé par nos magistrats du fond, un oubli ne peut jamais être tout à fait exclu surtout à l'égard d'un arrêt dont la publicité est restée ordinaire.
En revanche, croire à un manquement des juges du fond serait leur faire injure. Un arrêt d'Assemblée plénière retient toujours l'attention qu'il mérite et la mise en oeuvre de la solution qu'il a adoptée. Or, depuis l'arrêt d'Assemblée plénière du 2 mars 2007, qui nous intéresse dans le cas présent, la Cour de cassation a eu à connaître d'affaires proches, pour ne pas dire similaires, dans lesquelles les cours d'appel avaient sans doute considéré que toutes les conditions de fait n'étaient pas réunies pour que s'applique la nouvelle jurisprudence. La Cour de cassation s'est-elle sentie contrainte de rappeler la règle ou bien a-t-elle voulu insister sur cette espèce puisque deux souscripteurs étaient concernés ? En tous les cas, dans la présente espèce, la Cour de cassation reprend, scrupuleusement, point par point, la jurisprudence de l'Assemblée plénière ayant pris le soin d'indiquer que la simple remise des documents contractuels ne suffisait pas à satisfaire l'obligation précise d'information à la charge du souscripteur, indiquant que cette dernière ne saurait être interprétée par les juges du fond, selon les circonstances de fait.
Déjà, dans cette ligne, on se souvient de l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 2 octobre 2008 (3), de l'arrêt de la première chambre civile en date du 22 mai 2007 (4), ou d'autres encore non publiés (5). Il sera fait observer qu'il s'agit davantage de décisions de la première chambre civile de la Cour de cassation. Il demeure que cet arrêt du 22 janvier 2009 ne dément pas la jurisprudence dégagée, bien au contraire. Qui pourrait s'en étonner ? En effet, même avant l'arrêt d'Assemblée plénière du 2 mars 2007, la Cour de cassation avaient déjà tranché dans le même sens (6), même si des hésitations se rencontraient aussi. Cette dernière avait donc eu pour rôle d'unifier et amplifier la règle et de lui donner la force souhaitée ; mais elle n'avait donc pas consacré une disposition tout à fait inconnue et surprenante.
Par conséquent, les diverses cours d'appel françaises ont eu le temps de s'habituer à cette évolution jurisprudentielle et de l'intégrer. Le constat qu'elles ne l'ont pas toujours effectué tend à laisser croire qu'elles seraient peut-être enclines à en restreindre le champ d'application. La Cour de cassation, sans surprise donc de ce point de vue, rectifie comme il se doit. Cela étant, là ne se situe pas le seul aspect à noter dans cet arrêt. A notre connaissance, c'est la première fois que la Cour de cassation sanctionne non pas un mais deux souscripteurs.
B - Sanction des deux souscripteurs, prêteurs de deniers
Dans cet arrêt du 22 janvier 2009, se trouvent être concernés non pas un seul souscripteur mais deux puisque l'emprunteur avait sollicité deux organismes financiers. Deux banques distinctes avaient l'une et l'autre prêté des sommes d'argent à l'adhérente à l'assurance de groupe. Et c'est sans doute aussi pour cette raison que la Cour de cassation a jugé bon de publier cet arrêt et de prévoir un visa dont la fermeté dans le ton n'aura échappé à personne : "Attendu que le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation".
En revanche, la Cour de cassation ne s'exprime pas sur la demande de l'adhérente de dommages-intérêts correspondant au solde de chacun des prêts.
II - Le montant des dommages-intérêt en jeu
A la lecture de l'arrêt, il est difficile de savoir si la Cour de cassation se contente de laisser aux juges de renvoi le soin de déterminer le montant de la perte de chance éprouvée ou si elle fait droit à la demande de l'adhérent, d'obtenir une indemnisation égale à la totalité des sommes empruntées restant dues (A). Une telle décision serait excessive (B).
A - Perte de chance ou non ?
Comme dans l'arrêt du 2 mars 2007, le visa du présent arrêt n'est pas l'article L. 141-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L2643HWS) mais l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT). D'aucuns y voient l'impossibilité de restreindre la portée de ce type de décision. Dans tous les cas, ce visa ne constitue pas un obstacle à l'application de la notion de perte de chance. L'absence d'allusion à un quelconque refus, de la part de la Cour de cassation, de limiter le montant des dommages-intérêts à un pourcentage supportable ne semble pas devoir être interprété au-delà de ce que ce silence est. En effet, la Cour de cassation a, au cours de ces derniers mois, considéré que l'indemnisation des adhérents, ne devait pas être égale au solde des sommes dues, au titre des prêts (7). C'est même cette première chambre civile de la Cour de cassation qui en a fait application de manière claire, nette et sans ambiguïté.
Si une évolution devait se produire sur ce point, elle susciterait les plus vives critiques.
B - Critique prospective
Nous avons déjà eu l'occasion de fustiger cet excès de demande de dommages-intérêts. Outre que l'admettre aurait pour effet de bafouer les règles classiques et -somme toute plutôt équitables- mises en oeuvre, en droit commun, dans de telles hypothèses, une évolution dans ce domaine serait particulièrement malvenue. En effet, admettre une indemnisation totale aurait des conséquences graves indépendamment de la violation juridique qu'elle constituerait. D'une part, elle engendrerait une augmentation non négligeable des primes d'assurance. Or, chacun sait que les prêteurs de deniers en font, désormais, une condition absolue d'obtention d'un prêt alors que les particuliers, notamment, n'ont pas les moyens de payer des assurances plus onéreuses encore. A l'heure où il est déjà difficile d'obtenir du crédit, où celui-ci va devenir de plus en plus cher, il faut méditer ce danger indubitable. D'autre part, la rigueur formelle de ce type de jurisprudence -si elle peut se comprendre- ne peut être davantage amplifiée. Enfin, encourager l'absence d'attention de la part des adhérents n'est pas non plus souhaitable. Il serait aisé à des adhérents peu scrupuleux de prétendre, de manière systématique, qu'ils auraient contracté une assurance complémentaire à celle demandée par l'assureur. Une telle intention ne pouvant se vérifier, les magistrats seraient, en outre, bien embarrassés. Un juste milieu doit s'imposer ; il convient de le respecter.
Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", Membre de l'Institut de Recherche en Droit Privé (IRDP)
Cette importante décision de la deuxième chambre civile du 4 décembre 2008, destinée au Bulletin, modifie une jurisprudence pourtant bien établie quant à l'application, au droit des assurances, des effets du célèbre adage "quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum" (l'action est temporaire mais l'exception est perpétuelle et survit à l'extinction de l'action par la prescription).
A raison, la doctrine souligne qu'en ce domaine, si "les solutions paraissent simples : elles ont pourtant donné lieu à des litiges fort complexes et à des solutions subtiles" (8). Des études importantes lui ont été consacrées (9).
La doctrine souligne que "la prescription de l'action en nullité a pour objectif de ne pas remettre en cause les situations dans lesquelles le contrat a été exécuté pendant ce délai, tandis que l'imprescriptibilité de l'exception de nullité poursuit le même objectif de laisser les choses en l'état quand le contrat n'a pas été exécuté" (10).
La maxime quae temporalia a pour objet premier de mettre le débiteur à l'abri du risque d'une action en exécution de son créancier qui attendrait l'expiration du délai pour agir en nullité et mettrait ainsi la victime d'une irrégularité dans la formation du contrat dans l'impossibilité d'en soulever la nullité.
Cette explication convenait parfaitement pour un contrat dont l'exécution forcée pouvait être demandée pendant 30 ans, tandis que la prescription quinquennale de l'action en nullité relative serait acquise. Une fois acquise la prescription de l'action, demeurait la possibilité, imprescriptible, de soulever cette nullité par voie d'exception, afin de résister à une action en exécution.
Mais, il nous semble que la réforme de la prescription, essentiellement en réduisant la prescription de droit commun de 30 à 5 ans (cf. C. civ., art. 2224 N° Lexbase : L7184IAC issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I), vient singulièrement bouleverser l'analyse. Dès lors que le délai pour agir en exécution forcée et celui pour agir en nullité sont tous deux alignés, le risque d'action en exécution sans que le défendeur n'ait pu lui-même agir en nullité s'amenuise !
Cette remarque vaut pour les rapports entre l'assuré et l'assureur, enfermés dans la prescription spéciale (biennale) de l'article L. 114-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L2640HWP) pour "toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance".
Bien sûr, on pourra objecter que le point de départ, donc la date à laquelle la prescription est acquise, de ces actions n'est pas rigoureusement identique (la jurisprudence a, d'ailleurs, dû préciser le point de départ de ces actions dérivant du contrat d'assurance étant donné le critère, vague, de "l'évènement qui y donne naissance" visé à l'article L. 114-1). En outre, les actions et les exceptions en matière d'assurance ne se réduisent pas au seul cadre de la prescription biennale.
C'est ainsi, notamment, qu'un arrêt de la première chambre civile en date du 1er mars 1977 énonçait "que si [...] les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans, c'est sans violer [l'article L. 114-1 du Code des assurances] que la cour d'appel a estimé que la nullité du contrat d'assurance, opposée par l'assureur sous forme d'exception à l'action directe exercée par la victime d'un accident plus de deux années après la connaissance par la compagnie de la fausse déclaration de l'assuré, n'était pas atteinte par la prescription biennale" (11).
Il faut bien convenir que de nombreux arrêts ont eu l'occasion de faire application de cette règle au contrat d'assurance, permettant au défendeur, souvent l'assureur, de résister à une demande d'exécution du contrat d'assurance en soulevant la nullité de celui-ci, même plus de deux années après que cette nullité eut pu être demandée par voie d'action (12).
En outre, la Cour de cassation, vigilante au respect de ces règles, a décidé d'appliquer la règle "quae temporalia" non seulement à la nullité stricto sensu mais, plus largement, à d'autres sanctions pouvant frapper le contrat d'assurance, qui seraient invoquées par voie d'exception. Il en est ainsi, notamment, de :
- l'exclusion de garantie : la Cour de cassation jugeant que "il résulte des aricles 2219 du Code civil (N° Lexbase : L2507ABH) et L. 114-1, alinéa 3, du Code des assurances que rien n'oblige l'assureur à agir préventivement pour faire juger qu'il est en droit d'opposer une exclusion de garantie et que ce qui est soumis à la prescription par voie d'action ne l'est pas par voie d' exception" (Cass. civ. 1, 21 juin 1989, n° 87-10.941, Mutuelle assurance artisanale de France (MAAF) c/ M. Martinez et autre N° Lexbase : A9784AAM, Bull. civ. I, n° 246, RGAT, 1989.799, note H. Margeat et J. Landel, D., 1991, somm. p. 73, obs. H. Groutel) ;
- l'exception de compensation (Cass. civ. 1, 9 mai 1994, n° 92-15.783, Société Vezo c/ GAEC de Perros N° Lexbase : A7037ABA, Resp. civ. et assur., 1994, comm. n° 304) ;
- l'exception de résiliation (Cass. civ. 1, 7 mars 1989, n° 87-16.638, Service de la redevance et de l'audiovisuel c/ M. Monteil N° Lexbase : A3086AHR, D., 1991, somm. p. 73, RGAT, 1989.323).
Tout récemment, c'est à propos de la faculté pour l'assureur de résilier le contrat ou de procéder à une réduction proportionnelle de l'indemnité, en cas "d'omission ou déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie", en application de l'article L. 113-9 du Code des assurances (N° Lexbase : L0065AAN) (13), qu'un arrêt de censure émanant de la troisième chambre civile, rendu le 14 février 2007 (14) au visa de l'article L. 114-1 du Code des assurances, a sanctionné des juges du fond ayant considéré que l'assureur "déclare avoir constaté une aggravation du risque déclaré au jour de la souscription de la police dans la mesure où il s'est avéré que le contrat de maîtrise d'oeuvre dont il avait été fait état le jour de la souscription, n'avait pas été établi, que l'omission dont s'agit avait été constatée au plus tard fin 1996, que [l'assureur] avait émis, le 3 janvier 1997, un avenant de surprime 'dommages ouvrage' et que ce constat fait avant tout sinistre en ce qui concernait l'assurance responsabilité décennale ne permettait plus à l'assureur passé le délai de deux ans de prétendre ni à une surprime, ni à une réduction proportionnelle". Les Hauts magistrats y opposèrent la maxime quae temporalia, énonçant dans le "chapeau" de cette décision : "que la prescription biennale édictée par ce texte n'atteint que l'action dérivant du contrat d'assurance ; qu'elle ne peut être étendue au moyen de défense opposé à une telle action", pour en déduire une violation de l'article L. 114-1 du Code des assurances.
Cette ligne jurisprudentielle très ferme s'appuyait sur un critère conditionnant l'imprescriptibilité de l'exception de nullité à l'absence de commencement d'exécution, ainsi que l'a très clairement exprimé un arrêt de la première chambre civile rendu le premier décembre 1998 (15), jugeant que "l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté".
On soulignera qu'un arrêt récent, rendu en matière d'assurance, par la deuxième chambre civile le 19 octobre 2006 (16), a nettement rappelé cette condition selon laquelle l'exception de nullité ne pouvait faire échec qu'à la demande d'exécution d'un acte juridique n'ayant pas encore été exécuté, ni totalement ni partiellement. Dans cette espèce, où l'assureur avait versé les indemnités mensuelles prévues en cas d'arrêt de travail pour maladie ou accident, puis en avait cessé le versement, l'assureur avait, pour s'opposer à l'assignation en paiement de l'assuré, soulevé l'exception de nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle du risque, sur le fondement de l'article L. 113-8 du Code des assurances, et demandé la restitution des sommes déjà versées. L'assuré avait soulevé la prescription biennale, mais la cour d'appel avait estimé que cette prescription ne pouvait être opposée à l'assureur puisque celui-ci s'est prévalu de la nullité par voie d'exception. Les Hauts magistrats avaient alors, au double visa de l'article L. 114-1 du Code des assurances et du "principe selon lequel l'exception de nullité du contrat est perpétuelle", censuré l'arrêt d'appel au motif "qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des éléments qui lui étaient soumis que le contrat litigieux avait reçu un commencement d'exécution, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés".
M. Bruschi a souligné la volonté de la jurisprudence de "généraliser à tous les délais de prescription le même régime de la maxime quae temporalia. En précisant que l'exception de nullité ne saurait faire échec à un contrat qui a été exécuté totalement ou en partie, la Cour de cassation entend donner à cette condition d'inexécution du contrat une large portée. Tout début d'exécution du contrat, toute exécution partielle, comme en l'espèce le versement d'indemnités pour une courte période, suffisent à empêcher l'assureur de soulever la nullité du contrat d'assurance par voie d'exception". Logiquement, il en déduisait l'effet de cette solution, consistant à inciter les assureurs à la méfiance, encouragés "à ne pas mettre en oeuvre leurs garanties dès qu'ils soupçonneront une cause de nullité dans leur contrat. Il leur faudra agir alors rapidement dans le délai de deux ans pour éteindre l'action en nullité du contrat d' assurance en cas de fausse déclaration de l'assuré [Cass. civ.1, 28 octobre 1975, n° 74-14.577 N° Lexbase : A3657CKN, RGAT, 1976.508, note Besson, D., 1977, jur., p. 157, note Berr et Groutel ; Cass. civ. 1, 18 mars 1997, n° 94-18.688 N° Lexbase : A3257CWK, Lamy assurances, Bulletin d'actualités 1997, n° 1, p. 9] à partir de la date de formation du contrat pour échapper à la prescription".
La doctrine majoritaire approuve généralement cette ligne directrice et ce critère de recevabilité de l'exception perpétuelle constitué par une absence d'exécution du contrat, soulignant qu'elle est nécessaire au respect de la prescription dans le cadre de l'action. Comme l'a exprimé le conseiller Aubert, "inscrite dans la logique du mécanisme de la prescription, la solution est, de surcroît, nécessaire à l'efficacité même de celle-ci : si, en effet, l' exception de nullité pouvait jouer en cas d'exécution du contrat -pratiquement, en cas d'exécution partielle- elle priverait la prescription d'une partie de sa portée, en permettant de remettre en cause un contrat dûment exécuté et contre lequel l'action en nullité ne pourrait pourtant pas être admise pour être prescrite. Une telle situation serait d'autant plus contradictoire que, comme il a été remarqué, l'exception de nullité n'est rien d'autre qu'une action en nullité exercée en défense : comme l'action, l'exception tend en effet à faire constater et prononcer la nullité du contrat concerné. Il y a donc une véritable incompatibilité de l'exception de nullité avec l'exécution du contrat" (17).
L'observation est exacte : admettre trop largement la nullité par voie d'exception ferait de l'ombre à la nullité par voie d'action. Nous verrons que la deuxième chambre civile, dans l'arrêt examiné du 4 décembre 2008, n'en disconvient nullement, dès lors que, si elle admet l'exception de nullité d'un contrat partiellement exécuté, elle le fait en soumettant l'exception au même délai (ici biennal) que l'action. Dès lors, il n'est nullement question de "favoriser" l'exception par rapport à l'action, mais bien plutôt d'aligner l'exception sur l'action...
On notera qu'une partie de la doctrine avait bien senti que la jurisprudence traditionnelle n'était pas satisfaisante, en ce qu'elle ne traitait pas justement de l'hypothèse où le contrat, spécialement à exécution successive comme l'est le contrat d'assurance, a reçu une exécution partielle.
Le conseiller Aubert, tout en justifiant le critère d'une absence d'exécution en tant que principe admettait, étroitement (il employait l'expression de "dérogation marginale"), un tempérament pour les seuls contrats à exécution échelonnée ou à exécution successive divisibles, considérant que "l'exception de nullité peut être soulevée, en dépit d'une exécution partielle -et pourvu que celle-ci ne puisse être regardée comme une confirmation, exclusive de toute proclamation de la nullité du contrat- dans le cas des contrats dont l'exécution donne lieu, pour les deux parties, à des prestations successives qui peuvent être scindées en tranches distinctes. [...] Cela concerne [...] les baux qui peuvent être découpés en périodes successives d'occupation du local avec les fractions de loyer correspondantes, ou encore, par exemple, des contrats réalisant des abonnements à prestations échelonnées. Il est alors concevable de découper le contrat considéré en tranches et d'admettre, en conséquence, l'intervention de l'exception malgré un début d'exécution" (18).
Il devait approfondir sa réflexion dans les Mélanges offerts à M. Jacques Ghestin (19) en proposant que pour ces contrats ayant fait l'objet d'une "exécution partielle équilibrée", l'exception de nullité soit admise et joue sans rétroactivité.
On soulignera que cette analyse ne changeait rien pour un contrat d'assurance ayant reçu une exécution partielle sous forme de versement d'une provision de l'indemnité de sinistre, comme c'était le cas dans l'espèce examinée du 4 décembre 2008. Il n'y a pas lieu de considérer le versement d'une provision comme une partie "détachable" de l'exécution de la prestation de l'assureur !
Madame Fabre-Magnan, s'interrogeant franchement sur la pertinence de l'analyse traditionnelle, souligne que, pour un contrat partiellement exécuté, "a priori, l'exception de nullité, c'est-à-dire le moyen de défense tiré de la nullité, a une utilité pour une partie tant que l'autre peut encore la poursuivre en exécution forcée, c'est-à-dire précisément tant qu'elle n'a pas entièrement exécuté ses obligations (en ce sens, M. Strock, p. 70). Pourtant, selon la Cour de cassation, l'exécution partielle doit être assimilée à l'exécution, si bien que l'exception ne peut plus jouer [...]. Tout se passe comme si le commencement d'exécution valait confirmation" (20).
Cette fraction de la doctrine semble bien avoir été entendue par la deuxième chambre civile qui, dans l'arrêt ici rapporté du 4 décembre 2008, vient rompre avec la ligne jurisprudentielle antérieure si fermement établie.
En l'espèce, un professionnel ayant souscrit un contrat d'assurance multirisques déclare un sinistre un peu moins de deux mois après la prise d'effet du contrat. L'assureur s'exécute en versant une provision. Postérieurement à cette exécution partielle, l'assureur excipera d'une fausse déclaration intentionnelle de l'assuré, liée à la non-révélation de la sinistralité antérieure ayant motivé la résiliation de son contrat par l'assureur précédent, pour refuser de s'exécuter et réclamer le remboursement de la provision versée. L'assuré résiste en l'assignant en exécution forcée. L'assureur réplique en soulevant l'exception de nullité.
Les juges du fond ayant déboute l'assuré, celui-ci a motivé son moyen en excipant de la jurisprudence traditionnelle, selon laquelle "l'exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté totalement ou en partie".
Son moyen est rejeté par ce motif décisoire : "Mais attendu que la nullité fondée sur les dispositions de l'article L. 113-8 du Code des assurances, peut être soulevée par voie d'exception pendant le délai de la prescription biennale nonobstant l'exécution du contrat d'assurance".
Voilà qui modifie le régime de l'exception à double titre.
D'une part, l'exception peut désormais être utilement soulevée "nonobstant l'exécution du contrat d'assurance".
D'autre part, cette possibilité de soulever, par voie d'exception, la nullité malgré l'exécution du contrat, est enfermée dans le délai de prescription biennale. Il faut ici, à notre sens, dissiper un doute lié à la rédaction de l'arrêt : s'il est écrit que l'exception de nullité peut être soulevée pendant le délai de prescription biennale, il faut comprendre que l'exception doit respecter le délai de prescription biennale pour le cas où l'assureur utiliserait cette possibilité d'agir par voie d'exception. S'il ne s'était agi que de gommer la condition relative à l'absence d'exécution, les Hauts magistrats auraient écrit : "la nullité par voie d'exception peut être soulevée nonobstant l'exécution du contrat d'assurance", sans faire aucune référence à la prescription biennale !
Voilà qui modifie singulièrement le régime de l'exception de nullité du contrat d'assurance ayant reçu, en tout ou partie, exécution, en le rapprochant, purement et simplement, du régime applicable à l'action en nullité.
En effet, lorsque l'assureur agit en nullité par voie d'action, peu importe qu'il se soit déjà exécuté pour partie. Si l'assureur découvre, comme en l'espèce, postérieurement à son exécution partielle, une cause d'annulation du contrat, il doit pouvoir utilement la soulever dans le respect de la prescription biennale. L'argument demeure vrai lorsque l'assureur est en défense !
Ainsi qu'on l'a déjà souligné, l'exception de nullité demeure utile au défendeur (ici assureur) tant que l'autre peut encore la poursuivre en exécution forcée, c'est-à-dire précisément tant qu'elle n'a pas entièrement exécuté ses obligations.
Mais, pour ne pas déséquilibrer tout le droit de la prescription, en avantageant le régime de l'exception par rapport à celui encadrant l'action, la Cour de cassation décide de soumettre l'exception de nullité au respect du délai de l'action, ici au délai biennal de l'article L. 114-1 du Code des assurances.
Le changement pourra sembler très équilibré.
D'une part, l'exception de nullité devient recevable malgré l'exécution du contrat ("nonobstant l'exécution du contrat" précise l'arrêt). On notera ici que la Cour de cassation n'a fait aucune référence à une exécution partielle, ce qui signifie qu'elle n'entend pas restreindre sa solution à cette seule hypothèse, qui devrait valoir y compris en cas d'exécution totale.
D'autre part, l'abolition du critère de l'absence d'exécution est contrebalancé par l'abandon du caractère perpétuel de l'exception de nullité qui doit, "être soulevée pendant le délai de la prescription biennale".
Mais il faut bien convenir que ce changement dénature profondément la maxime !
Il ne s'agit plus de : "l'action est temporaire mais l'exception est perpétuelle et survit à l'extinction de l'action par la prescription".
La règle devient : "l'exception autant que l'action est temporaire et ne survit pas à l'extinction de l'action par prescription" ici biennale. Tout au plus peut-on songer que la prescription biennale dans le cadre de l'exception pourrait avoir un point de départ plus tardif, lié au jour où l'assureur a été assigné, que la prescription attachée à l'action.
Qu'importe ! Avec cette nouvelle jurisprudence, c'est la perpétuité qu'on assassine !
On pourra voir dans cette décision un effet indirect de la réforme de la prescription opérée par la loi du 17 juin 2008 et de la volonté qu'elle traduit d'abréger les délais.
Le conseiller Aubert avait envisagé la solution selon laquelle "on pourrait -par souci de mieux assurer le respect de l'ordre légal en permettant toujours de s'opposer à la continuation d'un contrat entaché d'illicéité- admettre [...] systématiquement, le jeu de l'exception de nullité toutes les fois que l'exécution du contrat n'est pas totalement achevée" (14). Mais il écrivait qu'il est "permis d'hésiter, beaucoup, à s'engager dans une telle voie [parce que] l'exception tendrait alors à vider la prescription de l'essentiel de sa substance et à compromettre ainsi la logique de pacification et de sécurité juridique qui la sous-tend".
La Cour de cassation n'a nullement entendu sacrifier la sécurité juridique en admettant une exception de nullité perpétuelle apte à revenir sur un contrat partiellement ou totalement exécuté. Elle a, plus simplement, rayé d'un trait de plume l'adage quae temporalia, renvoyé à l'histoire, pour écrire une nouvelle page du droit de la prescription et de la procédure civile (puisque la position de demandeur ou de défendeur devient indifférente).
L'assureur (plus largement toute partie) a le "choix des armes" et de sa stratégie procédurale : agir par voie d'action dès qu'il découvre la cause de nullité (ou plus largement d'autres sanctions pouvant frapper le contrat d'assurance) ou agir par voie d'exception, sans que son exécution puisse y faire obstacle.
La jurisprudence antérieure avait cet effet pervers, déjà signalé, de pousser les assureurs à la méfiance et à se refuser à s'exécuter de crainte de découvrir postérieurement une cause de sanction. La nouvelle jurisprudence va dissiper ces craintes. En revanche, elle va les pousser à être encore davantage vigilants au respect de la prescription biennale !
Pour toutes ces raisons d'efficacité, la solution nous semble devoir être approuvée.
Reste à apprécier l'exacte portée de l'arrêt, ce qui n'est pas mince. Doit-il être restreint au contrat assurance ? Voire aux seuls contrats à exécution successive ? Voire aux seuls contrats soumis à de courtes prescriptions ?
S'agit-il d'une totale remise en cause de la maxime quae temporalia ou bien faut-il, en s'autorisant une lecture plus conciliante, considérer que si "la nullité fondée [...] peut être soulevée par voie d'exception pendant le délai de la prescription biennale nonobstant l'exécution du contrat d'assurance", en revanche, l'exception de nullité demeurerait perpétuelle lorsqu'aucune exécution n'aurait eu lieu ?
Cette dernière lecture nous semble à proscrire car elle dénature le terme "nonobstant" employé par les Hauts magistrats.
Plus largement, nous avons le sentiment que cet arrêt traduit une volonté de "rayer" la maxime quae temporalia et de réaménager une règle, plus moderne, du droit de la prescription, sans qu'un tel objectif doive être restreint au contrat d'assurance.
La "leçon" est générale et concluons en soulignant, qu'une fois encore, le droit des assurances aura servi de "laboratoire" pour le droit commun !
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
Il y peu, l'actualité jurisprudentielle nous avait conduit, dans le cadre de cette chronique (22), à traiter "du bon usage de la règle de réduction proportionnelle de l'article L. 113-9 du Code des assurances", à l'aune d'un arrêt de censure de la deuxième chambre civile du 15 mai 2008 (23).
Avec l'arrêt examiné, du 22 janvier 2009, destiné au Bulletin, la deuxième Chambre civile entend rappeler, par une cassation "disciplinaire", les juges du fond au respect scrupuleux des critères de l'article L. 113-2-3 (N° Lexbase : L0061AAI) en vue de sanctionner, par l'article L. 113-9 du Code des assurances (N° Lexbase : L0065AAN), un assuré n'ayant pas déclaré, en cours de contrat, une aggravation de risque ou un risque nouveau. On notera, d'ailleurs, qu'il n'est pas toujours simple de distinguer s'il s'agit de l'un ou de l'autre. En l'espèce, il nous semble que l'arrêt traite d'un cas de véritable adjonction d'une activité à l'activité initiale couverte, relevant d'un risque nouveau et non d'une "simple" aggravation du risque primitif.
Les règles du Code des assurances ont, en ce domaine, été fixées ou complétées par la loi du 31 décembre 1989 (loi n° 89-1009, renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques N° Lexbase : L5011E4D).
Selon l'article L. 113-2 (N° Lexbase : L0061AAI), "l'assuré est obligé :
[...] 2° De répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ;
3° De déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus".
Cette obligation de déclaration au cours du contrat de toute circonstance nouvelle ou risque nouveau déclenche le jeu de l'article L. 113-4 (N° Lexbase : L0063AAL), selon lequel "en cas d'aggravation du risque en cours de contrat, telle que, si les circonstances nouvelles avaient été déclarées lors de la conclusion ou du renouvellement du contrat, l'assureur n'aurait pas contracté ou ne l'aurait fait que moyennant une prime plus élevée, l'assureur a la faculté soit de dénoncer le contrat, soit de proposer un nouveau montant de prime".
Cette faculté de résiliation ou de maintien moyennant surprime se conjugue, très mal d'ailleurs, avec les deux sanctions posées à l'article L. 113-8 (N° Lexbase : L0064AAM) et L. 113-9 du même code, qui est ici visé dans l'arrêt examiné.
Cet arrêt du 22 janvier 2009 exige, à juste titre nous le verrons, des juges du fond qu'ils motivent leur décision en constatant que l'aggravation des risques a bien rendu inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur, spécialement au regard des réponses qu'avait données l'assuré au moment de la conclusion du contrat au questionnaire élaboré par l'assureur.
Les juges du fond s'étaient, en l'espèce, contenté de relever que l'activité de l'assuré avait, au cours du contrat, été singulièrement modifiée, dès lors que, ajoutant à son activité primitive, l'assuré avait nécessairement accru les risques, donc aggravé le risque initial voire ajouté un risque nouveau. Dans leur esprit, l'exposé de cette activité nouvelle impliquait nécessairement la violation par l'assuré de ses obligations de déclaration, et devait nécessairement déclencher les différentes sanctions en cas de manquement, dont l'article L. 113-9 du Code des assurances.
La Cour de cassation les rappelle à l'ordre en censurant, au motif que : "en se déterminant ainsi, sans constater que l'absence de déclaration avait pour conséquence de rendre inexactes ou caduques les réponses faites lors de la conclusion du contrat d'assurance aux questions posées par l'assureur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".
On peut légitimement se poser la question de savoir si cette exigence d'une motivation qui reprenne expressément et in extenso les conditions de l'article L. 113-2-3° n'est pas de pure forme.
N'assisterait-on pas, ici, à une "pièce" identique à celle déjà jouée en droit du divorce, où l'on se souvient sans doute que, pendant nombre d'années, la Cour de cassation est demeurée attachée à la double condition de l'article 242 du Code civil (N° Lexbase : L2795DZK), multipliant inlassablement les cassations disciplinaires à l'encontre des décisions qui ne motivaient pas la faute en ayant pris soin de viser cumulativement les deux critères de l'article 242 du Code civil (d'une part, "violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage" ; d'autre part, qu'elles "rendent intolérable le maintien due la vie commune"), avant, finalement (24), d'évoluer en laissant aux juges du fond une plus grande latitude dans la motivation de cette faute.
La deuxième chambre civile ne ferait-elle pas preuve d'un même "fétichisme" anachronique à l'égard du risque nouveau ou aggravé de l'article L. 113-2-3° du Code des assurances ?
Nous ne le pensons pas. Il nous semble que l'attachement formel de la Haute juridiction aux critères de l'article L. 113-2-3° du Code des assurances ne procède pas d'un "fétichisme" de mauvais aloi, mais de l'exigence d'un critère primordial.
Sans démonstration que le risque aggravé ou nouveau a rendu inexactes ou caduques les réponses initiales de l'assuré, le risque n'est pas véritablement aggravé ou nouveau !
Sans doute pourra-t-on considérer que l'adjonction d'une activité nouvelle qui, comme en l'espèce, attire un public beaucoup plus nombreux que l'activité initiale, modifie nécessairement (in abstracto) l'opinion de n'importe quel assureur de risque professionnel, dès lors que la probabilité et l'intensité du risque en sont objectivement modifiées.
Adjoindre à une activité initiale d'exploitant d'une "salle de gymnastique et d'un petit bar sandwicherie", l'activité d'organisateur "d'évènementiels" consistant, dixit l'arrêt, en "des soirées, à thème rassemblant jusqu'à cinq cents personnes jusqu'à 2 heures du matin" modifie objectivement le risque "incendie", qui s'est réalisé ici, dès lors que la présence accrue de public accroît corrélativement la probabilité d'un sinistre accidentel et modifie inéluctablement les conséquences éventuelles d'un incendie (cf. dommages corporels pour le public) ; encore faudrait-il savoir si le contrat litigieux ne couvrait que l'assurance de chose ou également, ce qui est plus vraisemblable, la responsabilité de l'assuré, et à quelles conditions.
Toutefois, même pour une modification objective de l'activité de l'assuré, continuer d'exiger des juges du fond qu'ils vérifient qu'elle rend caduque les conditions de souscription du contrat est une sage précaution, dès lors que, en ce domaine, c'est l'opinion du risque chez l'assureur qui doit avoir été modifiée. Autrement dit, quel que soit le caractère objectif de la modification du risque, il faut vérifier qu'elle a, subjectivement, pour l'assureur, modifié son approche du risque.
Or, son analyse a été bâtie à partir de son questionnaire et des réponses de l'assuré. Il est donc, pour la définition même de la notion de risque aggravé ou nouveau, nécessaire de procéder à cette vérification, donc de l'exiger des juges du fond.
La comparaison entre le risque nouveau et les conditions dans lesquelles le risque initial a été apprécié est nécessaire ne serait-ce que pour relever, le cas échéant, que l'assureur n'ayant pas posé de question sur le point qui serait litigieux, il ne saurait être question d'aggravation ou de modification.
En outre, comme on l'a justement signalé, "une circonstance qui n'existe pas lors de la souscription, mais qui est prévue dès la souscription, même de façon très large, ne rend pas inexacte ou caduque la déclaration initiale lorsqu'elle apparaît" (25).
La cassation nous semble donc, pour ces raisons, devoir être pleinement approuvée.
Il appartiendra à la cour de renvoi de vérifier que le risque était bien nouveau (ou aggravé ; personnellement, nous pensons que l'activité adjointe était trop éloignée de l'activité primitive pour être tenue pour une simple aggravation, de sorte qu'il devrait s'agir d'une véritable adjonction d'activité nouvelle).
L'arrêt de renvoi, dûment motivé, prendra alors place dans une longue liste de ceux qui ont qualifié le risque de nouveau ou aggravé (26). De cette liste on extraira, en raison d'une certaine proximité avec l'arrêt ici rapporté :
- un arrêt de la première chambre civile du 30 mai 1995 (Cass. civ. 1, 30 mai 1995, n° 92-10.985, Compagnie Zurich Assurances et autre c/ Groupe Drouot N° Lexbase : A4852ACP, Bull. civ. I, n° 218, p. 154), qui, statuant à propos d'un changement de destination du local assuré contre l'incendie au titre d'une assurance de chose (une grange servant d'entrepôt pour l'activité d'un maçon, celui-ci changeant d'activité pour y exploiter une pizzeria), énonce : "que le changement de destination de la grange, à supposer que les assureurs n'en aient pas été informés, constituait non pas un cas de non-assurance, mais une aggravation des risques pouvant seulement entraîner une réduction proportionnelle de l'indemnité" ;
- un arrêt de la troisième chambre civile du 8 novembre 2006 (Cass. civ. 3, 8 novembre 2006, n° 04-18145, Mutuelle assurance artisanale de France (MAAF), FS-P+B N° Lexbase : A2934DSH, RGDA, 2007-1, p. 118, note M. Périer), qui, au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), censure les juges du fond ayant considéré que le maçon qui a, selon "[l'] usage le plus constant [selon lequel] lorsque le maître de l'ouvrage confie, comme en l'espèce, à un maçon la construction d'une maison individuelle, celui-ci réalise également la toiture, [...] est intervenu dans le cadre de son activité déclarée de maçon", la Haute juridiction cassant sobrement au motif que "l'activité de maçon n'emporte pas celle de couvreur, la cour d'appel a violé" l'article 1134.
L'annotateur soulignait judicieusement que dès lors que "l'activité nouvelle survient en cours de chantier et par conséquent, en cours de contrat, [...] la tentation est grande [...] de se reporter à l'article L. 113-4 du Code des assurances et d'y voir, du moins pour les travaux de construction de technique courante, une aggravation de risque, passible en cas de bonne foi de l'assuré, de l'article L. 113-9 du Code des assurances (réduction proportionnelle de l'indemnité)".
Devant l'autel du droit des assurances, un exploitant d'une salle de gymnastique vaut bien un maçon et la couverture d'une "soirée évènementielle" celle d'une toiture !
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
(1) Ass. Plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, M. Henri Dailler c/ Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, P+B+R+I (N° Lexbase : A4358DUX) et nos obs., Chronique en droit des assurances, Lexbase Hebdo n° 255 du 5 avril 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N6221BAN) ; Rev. Banque et droit, juillet-août 2007, p. 20, note Th. Bonneau ; JCP éd. E, 2007, 1375, note D. Legeais et éd. G, 127, note B. Parance ; D., 2007, act. Jurisp., p. 985, note S. Piedelièvre.
(2) V. Nicolas, La protection du droit des assurances n'est pas exclusive de celle du Code de la consommation (A propos de Cass. civ. 1, 22 mai 2008, n° 05-21.822, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6678D8T)), Chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Lexbase Hebdo n° 311 du 3 juillet 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N4868BGE).
(3) V. Nicolas, Toujours et encore l'obligation d'information en assurance de groupe ! , à propos de Cass. civ. 2, 2 octobre 2008, n° 07-15.276, M. Jean-Barthélémy Limousi, FS-P+B (N° Lexbase : A5871EAP), La chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Lexbase Hebdo n° 325 du 6 novembre 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N6863BHN).
(4) Cass. civ. 1, 22 mai 2008, n° 05-21.822, préc..
(5) Cass. civ. 1, 2 octobre 2007, n° 05-13.765, M. Philippe Caradec, F-D (N° Lexbase : A6506DYM) ; Cass. civ. 1, 14 juin 2007, n° 06-12.205, Société civile immobilière (SCI) Villa Eden, F-D (N° Lexbase : A7894DWB).
(6) Cass. civ. 2, 8 avril 2004, n° 03-11.868, M. Robert, Pierre Lamy c/ Compagnie d'assurances Cigna International, F-P+B (N° Lexbase : A8473DBG), Bull. civ. II, n° 163, p. 138 ; Cass. civ. 1, 12 janvier 1999, n° 96-21.973, Compagnie Abeille vie, société anonyme d'assurances c/ M. Jean-Claude Bally et autres, inédit (N° Lexbase : A7856CRE), RGDA, 1999, n° 2, p. 397.
(7) V. Nicolas, La perte de chance : base de calcul des dommages-intérêts pour défaut d'information par l'assureur, à propos de Cass. civ. 1, 18 septembre 2008, n° 06-17.859, Mme Alice Choukroun, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3909EAZ), Chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Lexbase Hebdo n° 320 du 2 octobre 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N3732BHP).
(8) M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, tome 1, Contrat et engagement unilatéral, PUF, 2008, n° 181, p. 449.
(9) Parmi une littérature abondante, on extraira deux contributions : M. Strorck, L'exception de nullité en droit privé, D., 1987, chron., 67 ; J.-L. Aubert, Brèves réflexions sur le jeu de l'exception de nullité, Etudes J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 19.
(10) M. Fabre-Magnan, op. cit., spéc. n° 183.
(11) Cass. civ. 1, 1er mars 1977, n° 75-14.471, Fonds de Garantie Automobile c/ Dame Raynal (N° Lexbase : A6395CEL), publié, Bull. civ. I, n° 107, p. 83, RGAT, 1978, p. 49, note A. Besson, D., 1978, jur., p. 21, note C.-J. Berr et H. Groutel.
(12) La solution fut constamment maintenue : cf., notamment, Cass. civ. 1, 17 mars 1993, n° 90-14.640, Compagnie La Genevoise-Suisse c/ Mme Riolant (N° Lexbase : A5229AH7), RGAT, 1993, p. 561, note H. Margeat ; Cass. civ. 1, 23 juin 1993, n° 90-10.112, Compagnie Uni Europe c/ M. Eon et autres (N° Lexbase : A3122ACM), RGAT, 1993, p. 774, note H. Margeat.
(13) Là-dessus, cf. nos obs. sous Cass. civ. 2, 15 mai 2008, n° 07-13.508, Société Immobilière 3F société anonyme d'HLM, F-P+B (N° Lexbase : A5338D89), in Chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Lexbase Hebdo n° 311 du 3 juillet 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N4868BGE).
(14) Cass. civ. 3, 14 février 2007, n° 05-21.987, Société Albingia, FS-P+B (N° Lexbase : A2166DUR), Revue Générale du Droit des Assurances, 2007-2, p. 360, note M. Périer.
(15) Cass. com., 1er décembre 1998, n° 96-17.761, Epoux Maggiani c/ Crédit lyonnais (N° Lexbase : A8935AHE), Bull. civ. I, n° 338, Defrénois, 1999, 364, obs. J.-L. Aubert ; JCP éd. G, 1999, I, 179, obs. M. Fabre-Magnan ; JCP éd. E., 1999, p. 56, obs. P. Morvan.
(16) Cass. civ. 2, 19 octobre 2006, n° 05-17.599 (N° Lexbase : A9671DRM), RGDA, 2007, p. 80, note Bruschi M., Resp. civ. et assur., 2007, comm. 72.
(17) J.-L. Aubert, obs. préc., in Defrénois, 1999.
(18) Ibid.
(19) J.-L. Aubert, Brèves réflexions sur le jeu de l'exception de nullité, préc..
(20) M. Fabre-Magnan, op. cit., spéc. n° 183.
(21) J.-L. Aubert, op. cit., spéc., p. 27.
(22) Cf. Chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Lexbase Hebdo n° 311 du 3 juillet 2008 - édition privée générale, préc..
(23) Cass. civ. 2, 15 mai 2008, n° 07-13.508, Société Immobilière 3F société anonyme d'HLM, F-P+B (N° Lexbase : A5338D89).
(24) Mouvement amorcé par Cass. civ. 2, 30 novembre 2000, n° 99-12.458, Mme Marie Boeri épouse Lidon c/ M. Yvan Lidon (N° Lexbase : A9489AHW), Bull civ. II, n° 157, RTDCiv., 2001, p. 114, obs. J. Hauser sous l'intitulé La fin des cassations disciplinaires sur l'article 242 ?.
(25) Lamy assurances, 2009, n° 298.
(26) Là-dessus, cf., notamment, Lamy Assurances, 2009, n° 299.
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Le 07 Octobre 2010
A - Audiovisuel
Le décret n° 2009-42 du 12 janvier 2009 (N° Lexbase : L5282ICM), pris pour l'application de l'article 199 unvicies du Code général des impôts (N° Lexbase : L4967ICX) et relatif à la réduction d'impôt au titre des souscriptions au capital des sociétés de financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, a été publié au Journal officiel. Il modifie les obligations déclaratives relatives à la réduction d'impôt au titre de la souscription au capital des sociétés de financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle. Cette modification avait été prévue par la loi de finance rectificative de 2006 (loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 N° Lexbase : L9270HTI).
Un arrêté relatif au soutien financier de l'industrie cinématographique et concernant le soutien financier sélectif à la production et à la préparation des oeuvres cinématographiques de longue durée a été publié le 16 janvier 2009 (arrêté du 7 janvier 2009 N° Lexbase : L6917IC8). Il modifie l'arrêté du 22 mars 1999 pris pour l'application du chapitre III du titre III du décret n° 99-130 du 24 février 1999, relatif au soutien financier de l'industrie cinématographique (N° Lexbase : L6916IC7).
Une chaîne de télévision parisienne qui avait candidaté pour exploiter un service en Corse s'était vue opposer un refus par le CSA au motif que cette demande avait pour objet "d'étendre la couverture d'un service autorisé en catégorie B dans la zone de Paris et que l'extension d'un service local sur une zone excédant 6 millions d'habitants ne pouvait être autorisée sans que le titulaire de l'autorisation ait préalablement été autorisé dans une catégorie de service à vocation nationale". Pour le Conseil d'Etat, le rejet par le CSA de "la candidature de la requérante pour un motif qui n'est prévu par aucun texte et alors qu'il n'est pas contesté que le service proposé répondait par son objet et ses caractéristiques à la définition d'un service de catégorie D" constitue une erreur de droit (CE, 24 octobre 2008, n° 304550, Société Canal 9 N° Lexbase : A8576EAU).
B - Presse - Edition
La Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d'appel de Paris en date du 23 janvier 2008 qui avait déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles intervenantes en se fondant sur le principe qu'"en matière de presse, aucune personne physique ou morale ne saurait être admise à intervenir dans la procédure engagée par une autre partie" (Cass. crim., 12 novembre 2008, n° 08-81.269 [LXB=PANIER]).
Le TGI de Laval a condamné, le 6 novembre 2008, un individu qui avait, lors du passage du Président de la République à Laval, brandi un petit écriteau sur lequel était inscrit la phrase "casse-toi pov c[...]" au titre du délit d'offense au président de la République (loi du 29 juillet 1881, art. 26 N° Lexbase : L4968CAA) (TGI Laval, 6 novembre 2008, n° RG 08009269, Ministère Public c/ Monsieur E. N° Lexbase : A2089EBY).
C - Publicité
Un décret n° 2008-1392 du 12 décembre 2008, modifiant le régime applicable à la publicité télévisée, au parrainage télévisé et au télé-achat (N° Lexbase : L3279ICG) et un rapport relatif à ce décret ont été publiés le 24 décembre 2008. Il revient sur certaines dispositions du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 (N° Lexbase : L0273AIX) modifié, pris pour l'application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 (N° Lexbase : L8240AGB) et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat. Désormais, les émissions télévisées ne peuvent être parrainées par des entreprises qui ont pour activité principale la fabrication ou la vente de boissons alcoolisées ou de produits du tabac. Les entreprises qui ont, notamment, pour activité la fabrication ou la vente de médicaments ou la fourniture de traitements médicaux ne peuvent parrainer des émissions télévisées que pour promouvoir leur nom ou leur image (article 3). Le décret revient aussi sur certaines dispositions du décret n° 2001-1333 du 28 décembre 2001 (N° Lexbase : L5288ICT) modifié pris pour l'application des articles 27, 70 et 71 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des services autres que radiophoniques par voie hertzienne terrestre en mode numérique. Ce texte passe également de 6 à 9 minutes par heure le temps de la publicité sur les télévisions privées nationales. Cette modification est conforme à la norme européenne.
Une recommandation "Publicité en ligne et alcool" a été adoptée, le 15 décembre 2008, par le Forum des droits sur l'internet. Cette association préconise une actualisation de la loi "Evin" (loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme N° Lexbase : L3377A9X) en faveur d'une "ouverture raisonnée" (publicité pour l'alcool autorisée sur les sites internet appartenant à la filière économique dans le respect des conditions de la loi "Evin" : mentions obligatoires, message sanitaire...).
II - Propriété intellectuelle
A - Marques
Le tribunal de commerce de Paris a considéré, le 6 novembre 2008, que le choix d'illustrer une compilation de chansons coloniales par l'utilisation d'une affiche parue en 1915 représentant un tirailleur sénégalais, affiche qui est la base du visuel de Banania, n'était "nullement injustifié" (cibles commerciales différentes, absence de référence à Banania contrefaisante et de pratiques parasitaires) (T. com., Paris, 6 novembre 2008, n° 2007051843, Société Nutrimaine c/ Société Edition Milan Music).
B - Droits d'auteur
Le décret n° 2008-1391 du 19 décembre 2008, relatif à la mise en oeuvre de l'exception au droit d'auteur, aux droits voisins et au droit des producteurs de bases de données en faveur de personnes atteintes d'un handicap (N° Lexbase : L3278ICE), a été publié le 24 décembre 2008. Il prévoit que cette exception bénéficie aux personnes atteintes d'un handicap mentionnées au 7° de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2841HPW), dont le taux d'incapacité, apprécié en application du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du Code de l'action sociale et des familles, est égal ou supérieur à 80 % ainsi qu'à celles titulaires d'une pension d'invalidité au titre du 3° de l'article L. 341-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5080ADI). Le certificat médical attestant qu'une personne est atteinte d'une incapacité de lire après correction est délivré par un médecin ophtalmologiste autorisé à exercer la profession de médecin dans les conditions prévues aux articles L. 4111-1 (N° Lexbase : L3081DLP) et L. 4111-2 (N° Lexbase : L6191IAK) du Code de la santé publique. Le certificat médical est valable pendant une durée de cinq ans. Il est délivré à titre définitif s'il s'avère que le handicap est irrémédiable. En outre, le décret met en place un contrôle administratif qui sera exercé par une commission instituée auprès du ministre chargé de la Culture et du ministre chargé des Personnes handicapées. Cette commission, composée d'une dizaine de membres, voit ses attributions fixées à l'article R. 122-16 nouveau du Code de la propriété intellectuelle.
La Cour de cassation a considéré, par un arrêt en date du 13 novembre 2008, que M. L. ne peut prétendre être le coauteur du documentaire "Être et avoir" car "l'instituteur, appréhendé spontanément dans l'exercice de ses activités professionnelles, n'avait pas contribué aux opérations intellectuelles de conception, de tournage et de montage de l'oeuvre" (Cass. civ. 1, 13 novembre 2008, n° 06-16.278, FS-P+B N° Lexbase : A2267EBL).
La Cour de cassation a considéré, le 13 novembre 2008, que l'oeuvre intitulée "Paradis" "ne consiste pas en une simple reproduction du terme 'Paradis'" et bénéficie de la protection du droit d'auteur car en apposant "un mot dans un lieu particulier en le détournant de son sens commun" l'artiste avait eu une approche conceptuelle qui s'était "formellement exprimée dans une réalisation matérielle originale". L'utilisation de cette oeuvre sans autorisation de l'artiste dans le triptyque "La nouvelle Eve" constitue donc une contrefaçon (Cass. civ. 1, 13 novembre 2008, n° 06-19.021, FS-P+B+I N° Lexbase : A2269EBN).
La cour d'appel de Paris a considéré, le 26 novembre 2008, que la contrefaçon de photographie par un film animé n'était pas caractérisée car "la séquence arguée de contrefaçon ne reproduit pas les caractéristiques originales des photographies et que l'impression d'ensemble donnée par les oeuvres opposées est très différente" (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 26 novembre 2008, n° 07/09957, M. Claude N. et autres c/ SA BET Euro RSCG N° Lexbase : A7984EBC).
Par un arrêt en date du 21 janvier 2009, la cour d'appel de Paris a confirmé la décision du tribunal de commerce de Paris du 9 décembre 2008 selon laquelle "les tribunaux de grande instance sont compétents pour connaître de façon exclusive des actions" en matière de droits d'auteur et droits voisins, de dessins et modèles et de marques. Selon la cour, il importe peu que "le décret désignant les tribunaux de grande instance appelés à connaître de ces actions n'ait toujours pas été publié dès lors que chaque tribunal de grande instance demeure compétent pour en connaître dans son ressort jusqu'à publication du décret".
Il s'agit de la première décision rendue dans ce domaine par une cour d'appel, alors que la liste de tribunaux de grande instance auxquels la loi a donné compétence exclusive, n'a toujours pas été publiée. La cour confirme également le caractère interprétatif de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR) (CA Paris, 1ère ch., sect. D, 21 janvier 2009, n° 08/19923, SARL LGE et autres c/ SAS Claire's France N° Lexbase : A6322EC7).
C - Brevets
Le décret n° 2008-1471 du 30 décembre 2008, qui porte application du VI de l'article 132 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie, et relatif à la procédure de limitation des revendications des brevets d'invention (N° Lexbase : L3887ICX), a été publié le 31 décembre 2008. En vertu du nouvel article R. 613-45 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L4350IC4), la requête en renonciation ou en limitation est faite par simple déclaration écrite. Pour être recevable, la requête doit :
- émaner du titulaire du brevet inscrit, au jour de la requête, sur le registre national des brevets, ou de son mandataire, lequel, sauf s'il a la qualité de conseil en propriété industrielle ou d'avocat, doit joindre à la requête un pouvoir spécial de renonciation ou de limitation. Si le brevet appartient à plusieurs personnes, la renonciation ou la limitation ne peut être effectuée que si elle est requise par l'ensemble de celles-ci ;
- être accompagnée de la justification du paiement de la redevance prescrite ;
- ne viser qu'un seul brevet ;
- être accompagnée, si des droits réels, de gage ou de licence ont été inscrits au registre national des brevets, du consentement des titulaires de ces droits ;
- être accompagnée, lorsque la limitation est requise, du texte complet des revendications modifiées et, le cas échéant, de la description et des dessins tels que modifiés. Si, lorsque la limitation est demandée, les revendications modifiées ne constituent pas une limitation par rapport aux revendications antérieures du brevet ou si elles ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L. 612-6 (N° Lexbase : L3564ADD), notification motivée en est faite au demandeur. Un délai lui est imparti pour régulariser sa requête ou présenter des observations. A défaut de régularisation ou d'observations permettant de lever l'objection, la requête est rejetée par décision du directeur général de l'INPI.
Le décret n° 2008-1472 du 30 décembre 2008, qui porte application de l'ordonnance n° 2008-1301 du 11 décembre 2008, relative aux brevets d'invention et aux marques (N° Lexbase : L2092ICH), prise sur le fondement de l'article 134 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L3888ICY), a été publié le 31 décembre 2008.
D - Nouvelles technologies
La décision n° 11 du 17 décembre 2008 (N° Lexbase : L4120ICL) de la Commission "copie privée" augmente de 15 % les barèmes de rémunérations pour copie privée. Les mémoires et disques durs intégrés à un téléphone mobile permettant d'écouter des phonogrammes ou de visionner des vidéogrammes deviennent définitivement des supports soumis à la redevance.
La société Wizzgo a été condamnée, le 25 novembre 2008, par le tribunal de grande instance de Paris pour contrefaçon en raison du service de magnétoscope numérique en ligne qu'elle proposait. Ce service est considéré comme illicite par le TGI qui rejette l'argumentation de la société Wizzgo fondée sur les exceptions de copie privée et de copie transitoire (TGI Paris, 25 novembre 2008, n° RG 08/13347, SA Wizzgo c/ SA Métropole Télévision et autres N° Lexbase : A5092EB9).
Les responsables d'un site internet ont été condamnés par le tribunal de grande instance de Cusset, le 1er décembre 2008, pour avoir usurpé la dénomination sociale, le nom, l'enseigne et le nom de domaine d'une société concurrente et commis des actes de concurrence déloyale à l'égard cette dernière (reproduction de textes, slogans, montages graphiques et photographiques, de certains prix et modalités de vente du site concurrent) (TGI Cusset, 1er décembre 2008, n° RG 07/00078, Fugam c/ Monsieur Régis G. et Madame Tajana G. N° Lexbase : A3322ECZ).
Le TGI de Paris a sanctionné, dans un jugement en référé en date du 19 novembre 2008, la société Dailymotion pour ne pas avoir fait cesser les mises en ligne illicites de divers contenus (sketchs de Lafesse) sur son site. La décision précise qu'"aucune mise en demeure préalable [n'était] plus nécessaire de la part des auteurs ou des producteurs pour alerter la société Dailymotion sur le caractère illicite des mises en ligne" en raison de la connaissance effective de cette dernière depuis le jugement rendu le 15 avril 2008 par le TGI de Paris (TGI Paris, 15 avril 2008, n° RG 08/01371, Monsieur Jean-Yves L. e. a. c/ SA Dailymotion N° Lexbase : A4124D8A) du caractère manifestement illicite des vidéos mises en ligne (TGI Paris, 19 novembre 2008, n° RG 08/57846, Monsieur Jean-Yves L. et autres c/ Société Daylimotion N° Lexbase : A1993ECS).
III - Technologies - Commerce
Le décret n° 2009-52 du 15 janvier 2009, relatif à l'installation de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans les bâtiments (N° Lexbase : L5769ICN), rend obligatoire l'équipement des bâtiments en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.
Le décret n° 2009-53 du 15 janvier 2009, relatif au droit au très haut débit pris en application du II de l'article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l'installation d'antennes réceptrices de radiodiffusion (N° Lexbase : L5770ICP), organise les relations entre locataire et propriétaire dans l'installation de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans l'objectif de permettre cette connexion au très haut débit.
Le décret n° 2009-54 du 15 janvier 2009 relatif à la convention entre opérateur et propriétaire portant sur l'installation, la gestion, l'entretien et le remplacement de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans un immeuble (N° Lexbase : L5771ICQ), détaille les caractéristiques de la convention qui permet aux propriétaires de bénéficier de la fibre optique aux frais d'un opérateur.
La cour d'appel de Colmar a confirmé, le 18 novembre 2008, la condamnation de l'AFER selon la même analyse que celle retenue par le jugement du 11 octobre 2007 rendue par le TGI de Strasbourg (TGI de Strasbourg, 1ère ch. civ., 11 octobre 2007, Agipi c/ Afer N° Lexbase : A5780DZ4). L'AFER a donc été reconnue coupable de publicité mensongère et de concurrence déloyale et incapable de prouver l'exactitude de ses calculs (CA Colmar, 1ère ch., sect. A, 13 mai 2008, Afer c/ Agipi N° Lexbase : A6364EAX).
Le TGI de Paris a, de nouveau, condamné, dans un jugement en date du 7 janvier 2009, la société Google en raison de son service "AdWords". Le moteur de recherche est sanctionné pour avoir commis des fautes sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) "en ne mettant pas en place des moyens de contrôler si les annonceurs pour l'utilisation de mot-clé qui reproduisent ou mutent [des] signes distinctifs" bénéficiaient de l'autorisation des titulaires de ces signes. Google est aussi sanctionnée car les liens commerciaux générés par le système "AdWords" "ne [permet] pas à l'internaute d'être assuré du caractère publicitaire de ceux-ci" et qu'ils constituent des pratiques commerciales trompeuses (TGI Paris, 3ème ch., sect. 3, 7 janvier 2009, n° RG 06/15309, SA Voyageurs du Monde c/ SARL Google France N° Lexbase : A6296EC8).
Mme la sénatrice Jacqueline Panis a déposé le 6 novembre 2008 une proposition de loi relative à la pénalisation de l'usurpation d'identité numérique. L'objet de ce texte est de créer "une nouvelle infraction, l'usurpation d'identité numérique, [...] dans le Code pénal, punie d'une peine de prison d'une année et de 15 000 euros d'amende, s'ajoutant sans possibilité de confusion, avec celles qui auront été prononcées pour l'infraction à l'occasion de laquelle l'usurpation a été commise".
IV - Informatiques et libertés
La CJCE a estimé, le 16 décembre 2008, que le traitement de données personnelles accessibles auprès des autorités fiscales finlandaises pour la mise en place d'un service de SMS permettant de recevoir les données fiscales d'autres personnes peut faire l'objet d'une dérogation à la protection des données s'il est exercé aux seules fins de journalisme (CJCE, 16 décembre 2008, aff. n° C-73/07, Tietosujavaltuutettu c/ Satakunnan Markkinapörssi Oy e.a. N° Lexbase : A8262EBM)
Le deuxième avis du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) sur la révision de la Directive sur la protection de la vie privée (Directive 2002/58 du 12 juillet 2002 N° Lexbase : L6515A43) et les notifications de violation de la sécurité a été publié le 12 janvier 2009. Cet avis critique formule des recommandations portant notamment sur des améliorations à apporter au système obligatoire de notification des violations de sécurité.
La décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008, relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale est en vigueur depuis le 9 janvier 2009. Elle doit être transposée avant le 27 novembre 2010. Son évaluation interviendra en 2013.
V - Droit à l'image
La Cour de cassation a rejeté, le 11 décembre 2008, les demandes d'un mannequin en nullité d'un contrat d'exploitation de son dommage et en paiement de dommages-intérêts au motif que "les dispositions de l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), seules applicables en matière de cession de droit à l'image, à l'exclusion notamment du Code de la propriété intellectuelle, relèvent de la liberté contractuelle" (Cass. civ. 1, 11 décembre 2008, n° 07-19.494, F-P+B N° Lexbase : A7178EBH).
Patrick Boiron - patrick.boiron@dlapiper.com
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Réf. : Cass. civ. 2, 22 janvier 2009, n° 07-19.039, Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de Paris et de la région parisienne, FS-P+B (N° Lexbase : A6384ECG)
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N4777BIR
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Résumé
Pour valider le redressement correspondant à la réintégration, dans l'assiette des cotisations, des sommes versées par la FFF aux joueurs membres de l'Equipe de France, les juges d'appel avaient relevé que, dirigeant et contrôlant l'activité des joueurs pendant le temps de leur mise à disposition, la FFF exerce sur eux un pouvoir disciplinaire. En statuant par de tels motifs, impropres à caractériser un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de la FFF à l'égard des joueurs mis à sa disposition par les clubs dont ils sont salariés, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L2700ICY) et L. 1221-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0767H9B). Après avoir observé que le contrôle incombant aux arbitres au cours des matchs de football impliquait une totale indépendance dans l'exercice de leur mission et relevé, par motifs propres et adoptés, que le pouvoir disciplinaire que la FFF exerce à l'égard des arbitres, au même titre qu'à l'égard de tous ses licenciés, dans le cadre des prérogatives de puissance publique qui lui sont déléguées, n'était pas assimilable à celui dont dispose un employeur sur son personnel, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils n'étaient pas liés à la FFF par un lien de subordination, au sens de l'article L. 1221-1 du Code du travail. |
Commentaire
I - L'indépendance des joueurs de l'Equipe de France
L'affaire ayant donné lieu à la décision rapportée avait débuté par un contrôle de l'Urssaf de Paris, effectué courant 1996 et 1997, et portant sur la période du 1er décembre 1994 au 31 décembre 1996 (1). Consécutivement à ce contrôle, l'Urssaf avait notifié à la FFF un redressement résultant de la réintégration, dans l'assiette des cotisations sociales, d'une part, de sommes versées aux membres de l'Equipe de France de football en rétribution d'activités qualifiées d'actions commerciales et de sponsoring, et, d'autre part, de primes de match versées aux arbitres. Deux mises en demeure lui ayant été adressées les 30 juin 1997 et 9 janvier 1998 en vue d'obtenir paiement des cotisations correspondantes, la FFF avait saisi la juridiction de Sécurité sociale d'un recours.
Pour valider le redressement correspondant à la réintégration dans l'assiette des cotisations des sommes versées par la FFF aux joueurs membres de l'Equipe de France, l'arrêt attaqué, après avoir énoncé que l'examen des conditions dans lesquelles les joueurs participaient aux matchs de l'équipe de France démontrait que la FFF organisait unilatéralement le service au sein duquel ils évoluaient, relève que, dirigeant et contrôlant l'activité des joueurs pendant le temps de leur mise à disposition, la FFF exerce sur eux un pouvoir disciplinaire, tout manquement à leurs obligations exposant ces joueurs à des sanctions pouvant, notamment, les conduire à se voir écartés d'une prochaine sélection ou relégués à un poste de remplaçant.
Cette décision est censurée par la Cour de cassation au visa des articles L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale et L. 1221-1 du Code du travail. Selon la deuxième chambre civile, "en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de la FFF à l'égard des joueurs mis à sa disposition par les clubs dont ils sont salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans son chapeau, il résulte de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale que, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail effectué dans un lien de subordination. Ce lien est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; l'insertion du travail dans un service organisé ne constituant qu'un indice d'un tel lien.
Il apparaît très clairement, à la lecture de ce motif de principe, que, pour la Cour de cassation, tout dépendait, en l'espèce, de la caractérisation d'un lien de subordination entre les joueurs de l'Equipe de France et la FFF. A supposer celui-ci caractérisé, il aurait, alors, convenu d'en déduire que les deux parties étaient liées par un contrat de travail et que les rémunérations versées à cette occasion étaient soumises à cotisations sociales.
On peut, pourtant, ne pas être totalement convaincu par ce postulat de départ. En effet, en se focalisant sur le seul lien de subordination, ainsi que l'y invitait, il est vrai, la décision des juges du fond et le pourvoi, la Cour de cassation passe sous silence une question fondamentale. Ainsi que le souligne cette dernière, le lien de subordination découle de l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur (2). En d'autres termes, avant même de s'interroger sur l'existence d'un lien de subordination, il convient de démontrer qu'est exécuté un "travail". Or, peut-on véritablement considérer qu'un joueur de football qui participe à un match de l'Equipe de France exécute un "travail" ?
Cette question n'est pas sans rappeler celle qui agite, en ce moment, une partie de la doctrine, relativement aux décisions des juges du fond qui ont conclu à l'existence d'un contrat de travail entre les participants à d'affligeantes émissions de téléréalité et les chaînes de télévisions qui les diffusent (3). Ainsi que l'ont démontré certains auteurs, ces arrêts se focalisent sur la caractérisation d'un lien de subordination, alors qu'il conviendrait, dans un tout premier temps, de démontrer que les personnes en cause exercent bien une activité professionnelle (4).
Semblable raisonnement pourrait être appliqué aux joueurs de l'Equipe de France de football. Exercent-ils, à proprement parler, une activité professionnelle lors de leur sélection ? Dès lors que ces derniers reçoivent, à ce titre, des sommes d'argent, on est tenté de répondre par l'affirmative (5). Il n'en demeure pas moins que l'on peut être dubitatif relativement à la qualification de "travail" pour ce type de prestations, dont on ne saurait dire qu'elles sont subies par les joueurs. Toujours est-il que la Cour de cassation laisse de côté une telle interrogation, pour considérer que les joueurs de l'équipe de France exercent bien une activité professionnelle. Cela étant admis, reste, alors, à s'interroger sur l'existence, ou non, d'un lien de subordination, afin de déterminer si cette activité est salariée.
Partant de la définition classique du lien de subordination adoptée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans le fameux arrêt "Société Générale" (Cass. soc., 13 novembre 1996, n° 94-13.187, Société générale c/ Urssaf de la Haute-Garonne N° Lexbase : A9731ABZ, Grands arrêts du Droit du travail, n° 2) et rappelée par la deuxième chambre civile dans l'arrêt rapporté, les juges d'appel s'étaient efforcés de caractériser l'existence de ce lien en l'espèce.
Ils avaient, pour ce faire, relevé qu'il est établi et non contesté par la FFF "qu'elle définit seule les critères de désignation des joueurs auxquels elle fait appel, ces derniers, obligatoirement libérés par leur club, étant tenus de se mettre à la disposition de l'Equipe de France, pour les stages de préparation et les rencontres sportives qu'elle fournit à l'Equipe de France, les moyens nécessaires à la réalisation de ces prestations, prenant en charge l'équipement, les frais d'hébergement, de nourriture et de déplacement, les joueurs pouvant être astreints à suivre une certaine discipline tant sur le plan sportif que personnel (hygiène de vie...), qu'elle fixe les lieux et heures des matchs, ceux des séances d'entraînement, des repas, des soins, des réunions techniques et des points de presse auxquels ces joueurs doivent obligatoirement participer, ceux-ci ne pouvant s'exprimer dans un média sans son accord ; qu'elle impose son accord préalable à toute participation du joueur sélectionné à une autre manifestation initiée par son club d'origine ; que dirigeant et contrôlant l'activité des joueurs pendant le temps de leur mise à disposition, la FFF exerce sur eux un pouvoir disciplinaire, tout manquement à leurs obligations exposant ces joueurs à des sanctions pouvant, notamment, les conduire à se voir écartés d'une prochaine sélection ou relégués dans un poste de remplaçant".
Pour être fournie l'argumentation n'aura, cependant, pas convaincu la Cour de cassation qui se borne à affirmer que de tels motifs étaient impropres à caractériser un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de la FFF à l'égard des joueurs mis à sa disposition par les clubs dont ils sont salariés. Cette solution sera, à n'en point douter, diversement appréciée. Ceux qui l'approuveront pourront avancer que les juges d'appel avaient, au mieux, démontré que les joueurs de l'Equipe de France de football sont intégrés dans un service organisé. On sait, toutefois, qu'il n'y a là qu'un indice de la subordination. Celui-ci aurait donc pu être corroboré par d'autres éléments qui faisaient, ici, défaut. Mais, à rebours, certains pourront être tentés de critiquer la même solution en arguant que les sujétions imposées aux joueurs de l'Equipe de France traduisent l'exercice d'un véritable pouvoir de direction et que le fait d'écarter un joueur d'une sélection ou de le reléguer à un poste de remplaçant lorsqu'il n'a pas respecté les obligations à lui imposées par la FFF constitue une sanction disciplinaire à part entière (6).
Pour notre part, nous considérons que le rejet de tout lien de subordination entre les joueurs de l'Equipe de France de football et la FFF n'a rien de choquant. Les quelques règles qui leur sont imposées, inhérentes à tout mode de vie collectif, serait-il ponctuel et lié à la pratique d'une activité sportive, n'a guère à voir avec les obligations qui s'imposent à un salarié. Par ailleurs, on peine à voir, dans la mise à l'écart de la sélection ou de l'équipe, une véritable sanction disciplinaire.
Cela étant, dès lors que l'on admet que les joueurs de l'Equipe de France ont bien une activité professionnelle lors de leur sélection, il ressort de l'arrêt commenté que celle-ci n'est pas salariée. Faut-il en déduire qu'ils l'exercent à titre de travailleurs indépendants ? La même décision laisse entendre que tel n'est pas le cas. En effet, et ainsi que l'indique la Cour de cassation, durant leur sélection en Equipe de France, les joueurs sont "mis à disposition par les clubs dont ils sont salariés". En d'autres termes, les joueurs restent salariés durant leur sélection et ne se muent pas en travailleurs indépendants. Quant à leur employeur, il ne change pas : il s'agit toujours du club dans lequel ils officient habituellement (7).
II - L'indépendance des arbitres
En l'espèce, après avoir observé que le contrôle incombant aux arbitres au cours des matchs de football impliquait une totale indépendance dans l'exercice de leur mission et relevé que le pouvoir disciplinaire que la FFF exerce, à l'égard des arbitres, au même titre qu'à l'égard de tous ses licenciés, dans le cadre des prérogatives de puissance publique qui lui sont déléguées, n'était pas assimilable à celui dont dispose un employeur sur son personnel, les juges d'appel en avaient déduit qu'ils n'étaient pas liés à la FFF par un lien de subordination.
Saisie de la question à la suite d'un pourvoi de l'Urssaf, la Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond.
Si la solution retenue par la Cour de cassation nous paraît devoir être pleinement approuvée au regard de la caractérisation d'un lien de subordination, elle apparaît quelque peu anachronique. En effet, la loi n° 2006-1294 du 23 octobre 2006, portant diverses dispositions relatives aux arbitres (N° Lexbase : L9079HS3), est venue lever définitivement toute ambiguïté concernant le caractère subordonné ou indépendant de la pratique arbitrale en excluant explicitement tout lien de subordination caractéristique du contrat de travail entre l'arbitre et sa fédération de rattachement. Désormais, en effet, l'article L. 223-3 du Code du sport (N° Lexbase : L0564HWS) dispose que "les arbitres et juges ne peuvent être regardés, dans l'accomplissement de leur mission, comme liés à la fédération par un lien de subordination" (v., sur cette loi, nos obs., L'ébauche d'un statut juridique de l'arbitre sportif, Lexbase Hebdo n° 235 du 9 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N4850AL9).
(1) La date des faits de l'espèce présente une certaine importance dans la mesure où une loi du 15 décembre 2004 (loi n° 2004-1366, portant diverses dispositions relatives au sport professionnel N° Lexbase : L4814GUT) est venue écarter la qualification de salaires aux sommes allouées à un sportif au titre de la commercialisation de l'image collective de son équipe (v., sur la question, J. Barthélémy, Image de l'équipe et rémunération des sportifs, Dr. Soc., 2007, p. 88).
(2) Nous soulignons.
(3) CA Paris, 18ème ch., sect. D, 12 février 2008, 3 arrêts, SA société Glem, n° 07/02721 (N° Lexbase : A0261D7S), n° 07/02722 (N° Lexbase : A0260D7R) et n° 07/02723 (N° Lexbase : A0250D7E). Voir les obs. De S. Tournaux, Les candidats salariés de "l'Ile de la tentation", Lexbase Hebdo n° 296 du 12 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3805BEN) et Questions à Maître Jérémie Assous : quand la télé-réalité devient fiction... elle doit être soumise au Code du travail, Lexbase Hebdo n° 334 du 21 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N3536BIS).
(4) V., en ce sens, les pertinentes études de J. Barthélémy, Qualification de l'activité du participant à une émission de téléralité, SSL, n° 1382, p. 8 et de P.-Y. Verkindt, Prendre le travail (et le contrat de travail) au sérieux, JCP éd. S, 2009, act. 41.
(5) Ainsi que le laissent apparaître les moyens annexés à l'arrêt, les juges du fond avaient relevé que "les joueurs de l'Equipe de France perçoivent de la FFF, soit directement, soit indirectement par l'entremise des clubs employeurs qui en font l'avance, des primes de match soumises à cotisations sociales, que la FFF reconnaissant, en conséquence, à ces sommes spécifiques la qualification de salaires versés en contrepartie ou à l'occasion du travail ; la discussion ne porte, dès lors, que sur le lien qui unit les joueurs à la FFF lorsque celle-ci leur distribue des sommes provenant de recettes publicitaires versées par les sponsors, lors des matchs de l'Equipe de France". A la lecture de cette argumentation, on peut considérer que les juges du fond ont démontré l'existence d'une activité professionnelle. Elle peut, néanmoins, être critiquée en ce qu'elle laisse à penser que la relation de travail salariée pourrait être partielle.
(6) La caractérisation du pouvoir de contrôle de la FFF pose plus de difficultés. A priori, en effet, c'est l'entraîneur de l'Equipe de France et non l'institution qui est juge de la qualité de la prestation des joueurs, c'est-à-dire de l'exécution de leur "travail".
(7) On pourrait, par ailleurs, se demander si les joueurs sont dans un lien de subordination à l'égard de leurs clubs. Cela n'a rien d'évident, de même que n'a rien d'évidente la licéité des contrats à durée déterminée d'usage concluent avec ces mêmes joueurs (v., sur la question, J. Barthélémy, Le contrat du sportif, JCP éd. S, 2008, 1430).
Décision
Cass. civ. 2, 22 janvier 2009, n° 07-19.039, Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de Paris et de la région parisienne, FS-P+B (N° Lexbase : A6384ECG) Cassation partielle de CA Paris, 18ème ch., sect. B, 5 juillet 2007, n° 04/43853, Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Paris et de la région parisienne (Urssaf 75) c/ Fédération française de football (N° Lexbase : A4710DY4) Textes visés : CSS, art. L. 242-1 (N° Lexbase : L2700ICY) ; C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B) Mots-clefs : sportifs professionnels ; joueurs de l'Equipe de France ; lien de subordination ; service organisé ; mise à disposition ; arbitres. Lien base : |
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Réf. : CJCE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06, Gerhard Schultz-Hoff c/ Deutsche Rentenversicherung Bund (N° Lexbase : A3596EC8)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"
Le 07 Octobre 2010
Dans l'affaire C-350/06, M. S.-H., reconnu comme gravement handicapé depuis 1995, a connu, alternativement, des périodes d'incapacité pour maladie et des périodes d'aptitude au travail. En 2004, il était physiquement apte au travail jusqu'au début du mois de septembre. Par la suite, il a été placé en congé de maladie sans interruption jusqu'au 30 septembre 2005, date à laquelle sa relation de travail a pris fin. En mai 2005, M. S.-H. a demandé à son employeur de lui octroyer, à partir du 1er juin 2005, le congé annuel payé au titre de l'année civile 2004, période de référence. L'employeur a rejeté la demande au motif que le service médical compétent devait, au préalable, constater que l'intéressé était apte au travail. M. S.-H. a saisi l'Arbeitsgericht de Düsseldorf d'une demande tendant à obtenir le versement d'indemnités pour congé annuel payé non pris au titre des années civiles 2004 et 2005, périodes de référence. L'Arbeitsgericht de Düsseldorf a rejeté le recours de M. S.-H. et ce dernier a fait appel auprès du Landesarbeitsgericht. Cette juridiction, doutant que l'article 7 de la Directive 2003/88 permette cette jurisprudence, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJCE des questions préjudicielles.
La CJCE s'est prononcée sur un certain nombre de questions, relatives à l'existence même du droit aux congés payés (I) et à leur organisation (II).
Résumé
Ne sont pas contraires à l'article 7 § 1 de la Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, les dispositions ou pratiques nationales selon lesquelles un travailleur en congé de maladie n'est pas en droit de prendre un congé annuel payé durant une période incluse dans un congé de maladie. En revanche, sont contraires à ce même article, les dispositions ou à pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé s'éteint à l'expiration de la période de référence et/ou d'une période de report fixée par le droit national, même lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et que son incapacité de travail a perduré jusqu'à la fin de sa relation de travail, raison pour laquelle il n'a pas pu exercer son droit au congé annuel payé. |
Commentaire
I - Organisation des congés payés
A - Droit de prendre un congé annuel payé durant une période incluse dans un congé de maladie
Dans l'affaire C-520/06, la juridiction de renvoi demande si l'article 7 § 1 de la Directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient qu'un travailleur en congé de maladie n'est pas en droit de prendre un congé annuel payé durant une période incluse dans un congé de maladie. Pour la CJCE, les Etats membres peuvent prévoir qu'un travailleur en congé de maladie n'est pas en droit de prendre un congé annuel payé durant une période incluse dans un congé de maladie. De telles dispositions ne sont pas contraires à l'article 7 § 1 de la Directive 2003/88.
Mais, si l'article 7 § 1 de la Directive 2003/88 ne s'oppose pas, en principe, à des dispositions ou à des pratiques nationales selon lesquelles un travailleur en congé de maladie n'est pas en droit de prendre un congé annuel payé durant une période incluse dans un congé de maladie, la CJCE apporte une réserve essentielle : le travailleur doit avoir la possibilité d'exercer le droit que cette Directive lui confère pendant une autre période. En effet, si l'effet positif du congé annuel payé pour la sécurité et la santé du travailleur se déploie pleinement s'il est pris dans l'année prévue à cet effet (à savoir l'année en cours), ce temps de repos ne perd pas son intérêt à cet égard s'il est pris au cours d'une période ultérieure (CJCE, 6 avril 2006, aff. C-124/05, Federatie Nederlandse Vakbeweging c/ Staat der Nederlanden N° Lexbase : A9378DNN (2), Rec. p. I 3423, point 30 (3)).
Une jurisprudence constante de la CJCE admet que le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en oeuvre, par les autorités nationales compétentes, ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la Directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 (CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99, The Queen c/ Secretary of State N° Lexbase : A1717AWI (4), Rec. p. I 4881, point 43 (5) ; CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01, María Paz Merino Góme N° Lexbase : A5883DBI (6), Rec. p. I-2605, point 29 (7) ; CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04, C. D. Robinson-Stee (8), Rec. p. I-2531, point 48).
Le travailleur doit, normalement, pouvoir bénéficier d'un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé, puisque ce n'est que dans le cas où il est mis fin à la relation de travail que l'article 7 § 2 de la Directive 2003/88 permet que le droit au congé annuel payé soit remplacé par une compensation financière (CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99, préc., point 44 ; CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01, préc., point 30 (9)).
La finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d'une période de détente et de loisirs. Cette finalité diffère, en cela, de celle du droit au congé de maladie. Ce dernier est accordé au travailleur afin qu'il puisse se rétablir d'une maladie. La CJCE a déjà jugé qu'un congé garanti par le droit communautaire ne peut pas affecter le droit de prendre un autre congé garanti par ce droit (CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01, préc., points 32 et 33 (10)). En cas de coïncidence entre les dates d'un congé de maternité d'une travailleuse et celles des congés annuels, les exigences de la Directive relatives au congé annuel payé ne sauraient être considérées comme remplies. Toutefois, à la différence des droits au congé de maternité ou au congé parental, le droit au congé de maladie et les modalités d'exercice de ce droit ne sont pas, en l'état actuel du droit communautaire, régis par ce dernier.
Au final, pour la CJCE, il appartient aux Etats membres de définir, dans leur réglementation interne, les conditions d'exercice et de mise en oeuvre du droit au congé annuel payé, en précisant les circonstances concrètes dans lesquelles les travailleurs peuvent faire usage de ce droit, tout en s'abstenant de subordonner à quelque condition que ce soit la constitution même du même droit qui résulte directement de cette Directive (CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99, préc., point 53).
B - Droit à une indemnité financière lors de la fin de la relation de travail pour congé annuel payé non pris durant la période de référence
Les juridictions de renvoi demandent si l'article 7 § 2 de la Directive 2003/88 s'oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales prévoyant que, lors de la fin de la relation de travail, aucune indemnité financière de congé annuel payé non pris n'est payée lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et/ou d'une période de report.
En droit européen, tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines. Ce droit au congé annuel payé, qui doit être considéré comme un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière, est donc accordé à chaque travailleur, quel que soit son état de santé. Il ne s'éteint pas à l'expiration de la période de référence et/ou d'une période de report fixée par le droit national lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et n'a pas effectivement eu la possibilité d'exercer ce droit que la Directive 2003/88 lui confère.
Lorsque la relation de travail prend fin, la prise effective du congé annuel payé n'est plus possible. Afin de prévenir que, du fait de cette impossibilité, toute jouissance par le travailleur de ce droit, même sous forme pécuniaire, soit exclue, l'article 7 § 2 de la Directive 2003/88 prévoit que le travailleur a droit à une indemnité financière. Aucune disposition de la Directive 2003/88 ne fixe expressément la manière dont l'indemnité financière remplaçant la ou les périodes minimales de congé annuel payé en cas de fin de relation de travail doit être calculée. Toutefois, selon la jurisprudence de la CJCE, l'expression "congé annuel payé" (figurant à l'article 7 § 1 de la Directive 2003/88) signifie que, pour la durée du congé annuel au sens de cette Directive, la rémunération doit être maintenue. En d'autres termes, le travailleur doit percevoir la rémunération ordinaire pour cette période de repos (CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04, préc., point 50 (11)).
Selon la jurisprudence de la Cour, la Directive 2003/88 évoque le droit au congé annuel et celui à l'obtention d'un paiement à ce titre comme constituant deux volets d'un droit unique. L'objectif de l'exigence de payer ce congé est de placer le travailleur, lors du congé, dans une situation qui est, s'agissant du salaire, comparable aux périodes de travail (CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04, préc., point 58 (12)).
Finalement, lorsqu'un travailleur n'a pas été en mesure, pour des raisons indépendantes de sa volonté, d'exercer son droit au congé annuel payé avant la fin de la relation de travail, l'indemnité financière à laquelle il a droit doit être calculée de sorte que le travailleur soit placé dans une situation comparable à celle dans laquelle il aurait été s'il avait exercé ledit droit pendant la durée de sa relation de travail. La rémunération ordinaire du travailleur, qui est celle qui doit être maintenue pendant la période de repos correspondant au congé annuel payé, est, également, déterminante en ce qui concerne le calcul de l'indemnité financière de congé annuel non pris à la fin de la relation de travail.
II - Existence de congés payés
La Directive 2003/88 (art. 7 § 1) s'oppose-t-elle à des dispositions ou à des pratiques nationales selon lesquelles le droit au congé annuel payé s'éteint à l'expiration de la période de référence et/ou d'une période de report fixée par le droit national, même lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et que son incapacité de travail a perduré jusqu'à la fin de sa relation de travail ?
Il ressort de l'article 7 § 1 de la Directive 2003/88 que les modalités d'application du droit au congé annuel payé dans les différents Etats membres sont régies par les législations et/ou les pratiques nationales. La CJCE (arrêt rapporté) admet que la question du report du congé et, donc, de la désignation d'une période durant laquelle un travailleur empêché de prendre son congé annuel payé durant la période de référence peut encore bénéficier du congé annuel, relève des conditions d'exercice et de mise en oeuvre du droit au congé annuel payé et est donc régie par les législations et/ou les pratiques nationales. Si cette conclusion peut être retenue dans son principe, elle est, cependant, subordonnée à certaines limites.
Selon l'article 5 § 4 de la Convention OIT n° 132 du 24 juin 1970, les absences du travail pour des motifs indépendants de la volonté de la personne employée intéressée, telles que les absences dues à une maladie, seront comptées dans la période de service. La Directive 2003/88 n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, de courte ou de longue durée, pendant la période de référence et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. S'agissant de travailleurs en congé de maladie, le droit au congé annuel payé conféré par la Directive 2003/88 à tous les travailleurs (CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99, préc., points 52 et 53 (13)) ne peut pas être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par l'Etat.
Une disposition nationale prévoyant une période de report pour congés annuels non pris à la fin de la période de référence poursuit la finalité d'ouvrir pour le travailleur ayant été empêché de prendre ses congés annuels une possibilité supplémentaire de jouir de ces congés. La fixation d'une telle période fait partie des conditions d'exercice et de mise en oeuvre du droit au congé annuel payé et relève donc, en principe, de la compétence des Etats membres.
Au final, l'article 7 § 1 de la Directive 2003/88 ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit des modalités d'exercice du droit au congé annuel payé expressément accordé par cette Directive, comprenant même la perte du droit à la fin d'une période de référence ou d'une période de report, à condition, toutefois, que le travailleur dont le droit au congé annuel payé est perdu ait effectivement eu la possibilité d'exercer le droit que la Directive lui confère.
Or, en l'espèce, le travailleur qui, en 2005, est en congé de maladie durant toute la période de référence et au-delà de la période de report fixée par le droit national, s'est vu privé de toute période ouvrant la possibilité de bénéficier de son congé annuel payé. Admettre que, dans les circonstances spécifiques d'incapacité de travail, les dispositions nationales (notamment, celles fixant la période de report), puissent prévoir l'extinction du droit du travailleur au congé annuel payé garanti par l'article 7 § 1 de la Directive 2003/88, sans que le travailleur ait effectivement eu la possibilité d'exercer le droit que cette Directive lui confère, signifierait que ces dispositions porteraient atteinte au droit social directement conféré par l'article 7 de la Directive à chaque travailleur.
Certes, il est loisible, aux Etats membres, de définir, dans leur réglementation interne, les conditions d'exercice et de mise en oeuvre du droit au congé annuel payé. La CJCE a, cependant, précisé que les Etats membres ne sauraient subordonner à quelque condition que ce soit la constitution même de ce droit qui résulte directement de la Directive 93/104 (CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99, préc., point 53). Selon cette même jurisprudence, la CJCE a souligné que les modalités d'exécution et d'application nécessaires à la mise en oeuvre des prescriptions de la Directive 93/104 peuvent comporter certaines divergences quant aux conditions d'exercice du droit au congé annuel payé, mais que cette Directive ne permet pas aux Etats membres d'exclure la naissance même d'un droit expressément accordé à tous les travailleurs (CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99, préc., point 55).
Dès lors, si le droit au congé annuel payé ne peut être mis en cause par des dispositions nationales prévoyant l'exclusion de la constitution ou de la naissance de ce droit, il ne saurait être admis qu'il puisse en être autrement en ce qui concerne des dispositions nationales prévoyant l'extinction de ce droit, dans le cas d'un travailleur en congé de maladie durant toute la période de référence et/ou au-delà d'une période de report, tel que M. S.-H., qui n'a pas été en mesure d'exercer son droit au congé annuel payé. En effet, de même que dans les circonstances de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt "Bectu" (CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99, préc.) où la CJCE a jugé que les Etats membres ne pouvaient exclure la naissance du droit au congé annuel payé, dans une situation telle que celle de M. S.-H., les Etats membres ne peuvent prévoir l'extinction de ce droit.
Il faut noter que, en droit interne, les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle sont considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination du congé, dans la limite d'un an (C. trav., art. L. 3141-5 N° Lexbase : L3969IBM). Pour avoir droit à un congé payé, il faut avoir cumulé un mois de travail effectif continu (sauf pour un salarié en CDD) chez le même employeur entre le 1er juin de l'année précédente et le 31 mai de l'année en cours (15). Dès lors que le salarié ne compte pas un mois de travail effectif, il n'a aucun droit à congés payés, ni même à indemnité de congés payés (Cass. soc., 21 janvier 1987, n° 84-41.039, Société anonyme Terraillon c/ M Kraif N° Lexbase : A6223AAQ ; Cass. soc., 1er juillet 1998, n° 96-40.421, M. Clément c/ M. Chambrun N° Lexbase : A5595AC9).
Décision
CJCE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06, Gerhard Schultz-Hoff c/ Deutsche Rentenversicherung Bund (N° Lexbase : A3596EC8) Texte concerné : Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM) Mots-clés : conditions de travail ; aménagement du temps de travail ; droit au congé annuel payé ; congé de maladie ; congé annuel coïncidant avec un congé de maladie ; indemnisation pour congé annuel payé non pris à la fin du contrat pour raison de maladie. Lien base : |
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par Anne-Lise Lonné, Secrétaire générale de rédaction
Le 27 Mars 2014
Alain-Marc Irissou : L'exemple vient des pays anglo-saxons dans lesquels les métiers du droit sont beaucoup moins segmentés et cloisonnés qu'en France, où nous avons les avocats, les avocats aux conseils, les notaires, les avoués à la cour d'appel, les huissiers, les administrateurs judiciaires et mandataires de justice etc.. Dans les pays de Common Law et bon nombre de pays de l'Union européenne, la plupart des fonctions correspondantes sont exercées par des avocats, et, par ailleurs, il n'existe pas non plus de distinction sémantique ni statutaire entre avocats et juristes d'entreprise. En France, chacun de ces métiers relève d'un ordre professionnel. Le seul métier qui ne soit pas réglementé est celui de juriste d'entreprise.
Auditionnée par la Commission Darrois à propos d'un rapprochement entre avocats et juristes d'entreprise, l'AFJE se prononce en faveur d'un tel rapprochement, car nous pensons qu'il est de l'intérêt des entreprises que ce projet dont on parle depuis si longtemps se réalise enfin.
Il faut observer que les avocats, d'un côté, et les juristes d'entreprise, de l'autre, ne poursuivent pas les mêmes objectifs.
Les avocats, représentés par le Conseil national des barreaux dans le cadre de ce projet, sont confrontés au problème du surplus des jeunes avocats sortant des CFPA (centres de formation à la profession d'avocat). Dans la mesure où le potentiel de croissance de la fonction juridique de nos entreprises est encore important, l'ouverture des entreprises aux jeunes diplômés du CAPA apparaît comme une solution. Au demeurant, bon nombre d'avocats, jeunes ou expérimentés, sont attirés aujourd'hui par les entreprises. Or, en devenant salariés d'une entreprise, les avocats perdent leur statut, ou du moins, sont mis en omission du barreau. L'intérêt d'un rapprochement des professions, du point de vue des avocats, serait de permettre aux avocats recrutés dans les entreprises de garder leur rattachement au barreau et l'ensemble des prérogatives, droits et obligations attachés à cette profession. Donc, du côté des avocats, l'intérêt est plutôt corporatiste.
Pour les juristes d'entreprise, les motifs sont différents. La fonction des juristes d'entreprise s'est considérablement développée tant du point de vue de l'intérêt professionnel, par l'élargissement de leurs attributions, que d'un point de vue salarial. Par ailleurs, la fonction est parfaitement reconnue au sein de l'entreprise, les directeurs juridiques des grandes entreprises étant de plus en plus rattachés à la direction générale.
Avant tout, il est important de préciser que, dans cette affaire, "nous ne visons ni la robe, ni le titre". En effet, l'intérêt d'un rapprochement avec les avocats vient de ce que la fonction juridique dans les entreprises françaises est aujourd'hui handicapée du fait que les juristes d'entreprise, à la différence des juristes des pays de Common Law et de beaucoup de pays d'Europe continentale, qui disposent du legal privilege, ne bénéficient pas de la confidentialité des consultations et des écrits qu'ils produisent pour leur entreprise. Ces consultations peuvent donc être saisies, soit par une autorité administrative, soit par une autorité judiciaire, soit par un adversaire dans le cadre d'un contentieux. En effet, sous juridiction anglo-saxonne, la procédure de discovery oblige les parties à divulguer toutes les pièces se trouvant en leur possession ; les consultations des juristes d'entreprises françaises n'étant pas protégées, l'entreprise française se trouve en état d'insécurité juridique et d'infériorité par rapport aux autres entreprises. Cela crée un problème de concurrence, puisque l'on ne se trouve pas "à armes égales", ni vis-à-vis de la justice, ni vis-à-vis des adversaires dans le cadre des procès.
L'intérêt d'un rapprochement avec les avocats serait donc de pouvoir bénéficier des mêmes prérogatives que les avocats en France, donc du secret professionnel. Le secret professionnel comporte deux facettes. D'un côté, il se manifeste par l'obligation, pour l'avocat, de ne pas divulguer les informations dont il dispose concernant un client. Cette obligation existe déjà pour les juristes d'entreprises mais n'est pas d'origine légale ; elle relève du devoir de loyauté et de discrétion dû par tout salarié à son entreprise. D'un autre côté, le secret professionnel a pour corollaire le droit pour l'avocat d'opposer la confidentialité de ses consultations à toute tentative de saisie. En principe, la justice n'a pas le droit de les saisir et de les utiliser à charge contre le client. Cela doit également valoir pour les juristes d'entreprise.
Lexbase : Comment, concrètement, réaliser un tel rapprochement entre avocats et juristes d'entreprises ?
Alain-Marc Irissou : L'idée serait de créer, à côté de la profession d'avocat en exercice libéral, une forme nouvelle d'exercice de la profession d'avocat, qui serait "l'avocat en entreprise". L'avocat en entreprise pourrait être recruté aussi bien parmi les avocats issus des CFPA, que parmi les juristes internes, lesquels auraient accès à ce statut en justifiant d'une ancienneté suffisante. Il s'agirait, donc, d'adapter le système de la "passerelle", qui existe déjà, en réduisant la condition d'ancienneté qui est actuellement de huit ans. Autrement dit, ce que nous souhaitons, c'est que l'admission des juristes d'entreprise à ce statut se fasse de manière équitable et équilibrée par rapport aux avocats, avec une condition d'expérience qui soit comparable au stage de deux ans nécessaire pour devenir avocat. Nous préconisons, en outre, la réunion d'autres conditions pour qu'un juriste d'entreprise soit admis au barreau et accède au statut d'avocat en entreprise.
A côté du critère d'ancienneté, il conviendrait de prévoir un critère d'autonomie du juriste, qui pourrait être attesté par le chef d'entreprise ou le directeur juridique.
Par ailleurs, le juriste d'entreprise devrait recevoir une formation à la déontologie, analogue à celle des avocats, mais adaptée à la spécificité de l'exercice du droit en entreprise, qui pourrait s'acquérir en quelques heures dans le cadre de la formation professionnelle continue, et éventuellement dispensée par les CFPA.
Lexbase : Les avocats n'ont-ils rien à craindre d'un tel rapprochement ?
Alain-Marc Irissou : Actuellement, le recrutement des avocats par les entreprises ne se justifie pas tant au regard de la formation qu'ils ont reçue dans les CFPA, mais plutôt en considération de l'expérience qu'ils ont acquise ensuite dans un cabinet en matière de droit des affaires. Ce n'est pas la compétence acquise dans le domaine de la pratique du Palais qui intéresse les entreprises quand elles embauchent un avocat, car leurs juristes internes ne plaident pas.
En effet, ce que visent les juristes d'entreprise n'est pas de pouvoir plaider, ni d'acquérir un titre pour exercer en mode libéral. Ce que nous visons c'est l'intérêt de l'entreprise exclusivement. L'intérêt de l'entreprise réside dans une fonction juridique forte, respectée, compétente et sur laquelle les dirigeants puissent se reposer pleinement sans la crainte d'une utilisation à charge contre eux des consultations de leurs juristes. Tel est notre unique objectif qui n'entre donc nullement en conflit avec la profession d'avocat traditionnelle. Au contraire, le développement des cabinets d'affaires est en relation directe avec le développement de la profession juridique dans les entreprises, grâce à l'internationalisation des entreprises françaises. Il existe donc une réelle convergence d'intérêt entre nos professions.
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