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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Alors, faut-il être le septième rejeton d'un bonnetier piétiste pensionnaire de "l'école de la vertu civique", comme Søren Kierkegaard, pour considérer "que les gens sont absurdes ! Ils ne se servent jamais des libertés qu'ils possèdent, mais réclament celles qu'ils ne possèdent pas ; ils ont la liberté de pensée, ils exigent la liberté de parole" ? Comme toute liberté, son encadrement qui ne saurait nier la liberté d'expression, elle-même, apparaît nécessaire. Et, c'est cette difficile composition florale, mariage entre les oeillets de l'obligation de réserve et les chrysanthèmes de la liberté d'expression, que le Conseil d'Etat tente d'arranger, sous l'oeil acerbe d'une Cour européenne des droits de l'Homme avide de défendre les bigarrures de l'article 10 de la Convention, sur la liberté d'expression.
Il faut dire que le législateur n'a pas aidé à la cause. L'obligation de réserve des fonctionnaires est, certes, née au coeur de l'arrêt "Bouzanquet", en 1935, mais l'occasion avait été donnée aux parlementaires, lors de l'adoption du statut général de la fonction publique en 1983, d'accorder une valeur législative à ce principe. L'amendement déposé en ce sens fut rejeté à la demande de l'initiateur de la loi du 13 juillet 1983, Anicet Le Pors ; ce dernier estimant que cette obligation "est une construction jurisprudentielle extrêmement complexe qui fait dépendre la nature et l'étendue de l'obligation de réserve de divers critères dont le plus important est la place du fonctionnaire dans la hiérarchie" et qu'il revenait au juge administratif d'apprécier au cas par cas (Le Monde daté du 1er février 2008). Tel Ponce Pilate, le législateur s'en lavait donc les mains, renvoyant à son créateur -le Conseil d'Etat- le soin de fixer le cadre de cette obligation, nécessairement en contradiction avec la liberté d'expression reconnue au bénéfice de tout citoyen (cf. article 10 de la DDHC). Toutefois, il n'a pas simplement renvoyé le Haut conseil à ses propres turpitudes, il l'a, également, affublé d'une couronne d'épines : l'article 6 de la loi de 1983 jetant, comme un pavé dans la marre, que "la liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires".
"Dans les années 1950, Michel Debré donnait sa définition : le fonctionnaire est un homme de silence, il sert, il travaille et il se tait, c'était la conception du fonctionnaire-sujet. Nous avons choisi en 1983, la conception du fonctionnaire citoyen en lui reconnaissant, en raison même de sa vocation à servir l'intérêt général et de la responsabilité qui lui incombe à ce titre, la plénitude des droits du citoyen" confie l'ancien ministre de la Fonction publique de Pierre Mauroy. C'est oublier, un peu vite en besogne, la citoyenneté hybride des militaires.
Mais, pourquoi donc la loyauté, la neutralité, la discrétion professionnelle, la réserve doivent-elles être le sacerdoce de nos militaires ? Tout simplement parce que les forces armées doivent être au service de l'Etat quelle que soit la couleur politique du Parlement, la religion de son Commandant suprême, l'orientation sexuelle de son ministre de tutelle, afin qu'aucun trouble ne vienne perturber l'exercice de sa mission essentielle : la Défense nationale. Il fut un temps où les cadres "blancs" royalistes de l'armée combattaient, en sous-main, la "Gueuse" républicaine, au point qu'un général -Boulanger de son état civil- marcha sur Paris à la fin du XIXème siècle, avant d'abandonner ses prétentions au bénéfice d'un portefeuille ministériel, qu'un maréchal, ancienne gloire de la Nation, tomba dans la fange fasciste... Il n'y a guère qu'un général deux étoiles qui, porté au pouvoir, refusa, à 70 ans, d'entamer une carrière de dictateur, pour rassurer le pouvoir républicain de la loyauté de son armée. Vieux souvenirs d'Histoire, vieilles lunes conspiratrices : on ne badine pas avec la loyauté et la hiérarchie dans laquelle le Chef absolu demeure la Nation, plurielle et unitaire par essence.
Des mauvais esprits pourraient arguer que le seul risque d'une liberté d'expression accordée aux militaires, serait l'intrusion d'une foultitude d'acronymes plus obscurs les uns que les autres dans le langage courant (PMF pour une femme [personnel militaire féminin] ; IAL pour une paille [interface d'alimentation liquide]. BAB pour des boules Quiès [bouchons antibruit] ; RCIR pour une ration [ration de combat individuelle réchauffable] ou VTLR pour une brouette [véhicule de transport léger rural]). La langue française serait, dès lors, endolorie de tant d'écarts à sa beauté pastorale.
Plus sérieusement, avec l'obligation de réserve, le fonctionnaire doit satisfaire à la dignité, non plus au sens classique du terme -dignitas-, intrinsèquement afférente à l'exercice d'une charge ou d'un office public, "valeur publique" de l'homme conféré par la République selon Hobbes, mais comme capacité d'agir moralement en dehors de déterminations empiriques et sensibles de la volonté. C'est à cette dignité kantienne, explicitée dans Critique de la raison pratique, qu'il convient, dès lors, de se référer, lorsqu'il s'agit d'apprécier l'éventuel atteinte d'un fonctionnaire, fut-il militaire, à son obligation de réserve, arguant de sa liberté d'expression : la dignité kantienne se veut respectueuse de la liberté humaine, c'est-à-dire de l'homme en tant qu'être suprasensible. C'est donc cette abstraction de l'humanité à travers la fonction que recherche à conjuguer le Haut conseil aux passions les plus légitimes et sensibles de l'homme fonctionnaire.
Le droit de vote accordé aux militaires, en 1945, s'il n'a pas rendu le verbe à la "Grande Muette", du moins a-t-il reconnu sa liberté d'opinion. Mais, l'expression de cette opinion demeure, encore, une affaire délicate -l'interdiction de toute liberté collective prévaut encore-, et le sieur Matelly n'en est, d'ailleurs, pas à son premier fait d'armes aux fins de contestation de sa citoyenneté pleine et entière. Mais, la CEDH a conforté la France, le 15 septembre 2009, dans sa décision de blâmer l'officier de gendarmerie, également chercheur associé dans un centre de recherches universitaires, pour une publication controversée au sein de la revue Les Cahiers de la Sécurité Intérieure. Si "l'article 10 ne s'arrête pas aux portes des casernes", les "particularités de la condition militaire et [...] ses conséquences sur la situation des membres des forces armées" peuvent permettre à "l'Etat [d'] imposer des restrictions à la liberté d'expression là où existe une menace réelle pour la discipline militaire". La Cour énonce alors "qu'en embrassant une carrière militaire, le requérant a accepté les devoirs et responsabilités liés à la vie militaire et ne pouvait méconnaître les obligations dérivant de son statut particulier". "Les propos tenus par le requérant dans les différents médias, [notamment sur] une manipulation des chiffres de la délinquance par les officiers de gendarmerie [...] sont de nature à porter atteinte à la crédibilité de ce corps militaire, et à la confiance du public dans l'action de la gendarmerie elle-même".
Pour autant, le fonctionnaire qui a le courage de ses opinions doit-il encourir la radiation, sanction disciplinaire la plus sévère, lorsque d'aucuns officient sur la blogosphère anonymement, à l'image de ce "carnet d'un inspecteur du travail" dont seule la levée de l'anonymat incita le fonctionnaire blogueur à mettre fin à ses activités expressionnistes ; ou lorsque d'aucuns signent, un brin frondeur, une tribune contestataire dans Le Figaro daté du 19 juin 2008, sous le nom de Surcouf... On ne peut, dès lors, que louer le combat à visage découvert du gendarme pour condamner la couardise de ceux qui entendent détourner le principe de l'obligation de réserve sans passer par le filtre du juge administratif.
"Je n'ai jamais vu la dignité de l'homme que dans la sincérité de ses passions" soulignait Pierre Drieu La Rochelle. Soit ! Mais "si jamais on te démet de tes fonctions, manifeste publiquement ta satisfaction, et même ta reconnaissance envers celui qui t'a rendu la quiétude et le loisir auxquels tu aspirais : ainsi éviteras-tu qu'à la disgrâce s'ajoute le sarcasme", nous livre un ancien locataire du Palais-Royal, Mazarin. Entre les deux, le coeur du juge administratif balance... encore...
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Réf. : Cass. com., 4 mai 2010, trois arrêts, n° 09-14.187, Société générale, FS-P+B (N° Lexbase : A0776EXZ), n° 09-14.975, Société RBC Dexia Investor services bank France, FS-P+B (N° Lexbase : A0792EXM) et n° 09-14.976, FS-D (N° Lexbase : A0793EXN)
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par Emilie Mazzei, Allocataire-Moniteur, Université de Paris I Panthéon Sorbonne
Le 07 Octobre 2010
I - La nature de la mission de conservation du dépositaire d'OPCVM
Les arrêts du 4 mai 2010 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation précisent et confirment la force obligatoire de l'obligation de restitution du dépositaire d'OPCVM (B), obligation d'ordre public, issue des dispositions impératives du Code monétaire et financier et du règlement général de l'AMF . Ils aboutissent in fine à préciser l'articulation de l'obligation de conservation et de restitution des actifs de l'OPCVM, composantes de sa mission de conservation (A).
A - L'articulation de l'obligation de conservation et de restitution des actifs du dépositaire d'OPCVM
La Cour de cassation réaffirme le principe précédemment développé par la cour d'appel de Paris selon lequel le dépositaire a une obligation de restitution des instruments financiers dont il a la garde. L'affirmation, par le juge de cassation, d'une obligation de restitution, composant de la mission de garde des actifs du dépositaire, précise par ricochet l'étendue des obligations du dépositaire et partant, l'étendue de sa responsabilité.
Il est entendu que le dépositaire, dans la structure bicéphale de l'OPCVM a une double mission, précisée par les articles L. 214-16 (N° Lexbase : L9943DYW) et L. 214-26 (N° Lexbase : L9953DYB) du Code monétaire et financier : d'une part, une mission de contrôle des décisions de la société de gestion (le dépositaire "s'assure de la régularité des décisions de cette société"), d'autre part, une mission de conservation des actifs ("le règlement du fonds doit prévoir que ses actifs sont conservés par un dépositaire unique distinct de la société de gestion du fonds").
La notion de conservation des actifs est clairement définie dans les dispositions réglementaires applicables aux OPCVM (3). A titre de rappel, la précision apportée par le règlement général de l'AMF, dans ses articles 323-1 et suivants, distingue les modalités d'exécution de l'obligation de conservation suivant le type d'actifs conservés : lorsqu'il détient des titres nominatifs purs et des contrats financiers, le dépositaire effectue une tenue de position. Lorsque le dépositaire conserve des instruments financiers au sens de l'article L. 211-1 du Code monétaire et financiers (N° Lexbase : L5536ICZ), à l'exclusion des titres nominatifs purs, ses obligations sont alors celles d'un teneur de compte conservateur, le règlement général de l'AMF opérant un renvoi aux articles 322-1 et suivants. Le dépositaire doit alors ouvrir dans ses livres au nom de l'OPCVM un ou plusieurs comptes espèces ou comptes-titres.
La conservation effective des actifs peut faire l'objet d'un contrat de sous-conservation. Est reconnue la possibilité pour le dépositaire de confier la tâche de conservation des actifs à un sous-conservateur, la limite restant celle de l'unicité du dépositaire : ce dernier ne peut confier la mission de contrôlé de la régularité des décisions de l'organisme de placement collectif à un tiers (4). Au cas d'espèce, avait été conclu un contrat dit "tripartite sub-Custody Agreement" qui désignait la société LBIE en tant que sous-conservateur des trois fonds sous-dépositaires.
Ainsi, si l'obligation de conservation des actifs est détaillée par les textes, il n'en est pas de même pour l'obligation de restitution. En effet, les articles L. 214-16 et L. 214-26 du Code monétaire et financier concernant la structure organisationnelle de l'OPCVM et les obligations du dépositaire ne font pas mention de l'obligation de restitution des actifs. Seul l'article 322-4 du règlement général de l'AMF relatif au teneur de compte conservateur en fait mention. Ce dernier doit respecter, en toutes circonstances, les obligations suivantes : il apporte tous ses soins à la conservation des instruments financiers et a l'obligation de restituer les instruments financiers inscrits en compte, dans ses livres. Par le jeu de renvoi des textes, le dépositaire, teneur de compte conservateur, a donc une obligation de restitution des instruments financiers dont il a la garde. Ensuite, il est à noter que l'obligation de restitution n'est pas invoquée dans les textes européens : en l'absence d'une harmonisation européenne des fonctions de dépositaire et de la notion "de garde des actifs", chaque pays membre a développé un régime national différencié. L'obligation de restitution maintenant affirmée par la Cour de cassation est ainsi une exception française (5).
Toute la question est de savoir si cette obligation est inhérente à la fonction de dépositaire d'OPCVM. Il faut alors se référer à la nature du contrat liant le dépositaire à l'OPC. Sur cette question, le débat quant à la qualification du contrat de tenue de compte conservation a toute son importance et peut tendre à expliquer la solution présentement commentée (6) :
- soit l'on considère que la convention de tenue de compte conservation est un contrat de dépôt obéissant aux articles 1915 (N° Lexbase : L2140ABU) et suivants du Code civil (7). Dans ce cas l'obligation de restitution est consubstantielle à la nature même du contrat : en effet, le "dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature" ;
- soit l'on considère que ce contrat ne constitue pas un dépôt. Ainsi il serait un contrat d'entreprise (8) complété par un contrat de mandat ou de commission. Dans ce cas, l'obligation de restitution ne serait pas consubstantielle à la tenue de compte conservation.
Si la Cour de cassation ne se prononce pas directement sur la nature du contrat liant le dépositaire à l'OPC, il semble, au vu des solutions apportées, que le juge considère l'obligation de restitution, exécutée "en toutes circonstances", comme inhérente à la fonction de dépositaire teneur de compte conservateur. Cette automaticité de l'obligation de restitution tendrait effectivement à qualifier le contrat liant le dépositaire à l'OPC comme nécessairement de dépôt.
B - Le caractère d'ordre public de l'obligation de restitution
Non seulement le dépositaire d'OPCVM est tenu d'une obligation de restitution, mais cette obligation ne peut être aménagée par le jeu de la convention de Prime Brokerage, dès lors qu'elle présente un caractère d'ordre public. Au même titre que le dépositaire ne peut déléguer ses obligations de contrôle des décisions de l'OPCVM, il ne peut moduler, sauf exception, son obligation de restitution.
La formulation des solutions apportées par la Cour de cassation dans les trois arrêts du 4 mai 2010 diffère sensiblement : si la Cour de cassation reprend textuellement le raisonnement de la cour d'appel dans l'arrêt "Société générale" (n° 09-14.187), elle adopte une rédaction différente dans les arrêts "Dexia" (n° 09-14.975 et n° 09-14.976). Dans le premier, la Cour de cassation invoque "des dispositions d'ordre public, destinées à assurer la protection de l'épargne et le bon fonctionnement des marchés financiers" et dans les deux autres, "la combinaison des dispositions impératives de l'article L. 214-26 du Code monétaire et financier et des articles 322-4, 323-1, 323-2, 323-3 et 323-14 du règlement général de l'AMF".
La référence à l'ordre public a été précédemment discutée en doctrine à la suite des arrêts de la cour d'appel du 8 avril 2009 (9). Il apparaissait, en effet, surprenant qu'une telle référence soit appliquée dans le cas d'OPCVM ARIA EL, normalement destinés à des investisseurs qualifiés ou dont la souscription minimale est fixée à 125 000 euros. De plus, la référence à la protection de l'épargne ou au fonctionnement de marché paraissait peu convaincante dans le cas de l'obligation de restitution qui vise davantage à protéger l'investisseur.
La Cour de cassation choisit pourtant de confirmer les justifications de la cour d'appel dans l'arrêt "Société générale". En effet, l'ordre public boursier a pour fonction de limiter et d'encadrer la liberté contractuelle des intervenants aux marchés. De plus, les critères de l'intérêt du marché et de son bon fonctionnement, traditionnellement avancés pour évoquer le standard juridique de l'ordre public boursier, justifient pleinement le caractère impératif des règles relatives aux missions du dépositaire.
Dans le cadre des "arrêts Dexia", la cour d'appel se contente de confirmer l'impérativité des règles issues des articles L. 214-26 du Code monétaire et financier, 322-4, 323-1, 323-2, 323-3 et 323-14 du règlement général de l'AMF. La référence à l'impérativité de la règle et non plus à l'ordre public financier permet ainsi de justifier les dérogations légales introduites par la réglementation financière à cette obligation de restitution : en effet, si "à la date de la constitution du fonds", il n'existait pas dans le Code monétaire et financier de possibilité de dérogation contractuelle à l'obligation de restitution pesant sur le dépositaire, l'ordonnance n° 2008-1081 du 23 octobre 2008, réformant le cadre de la gestion d'actifs pour compte de tiers, dans un nouvel article L. 214-34-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6959IBD) ayant permis aux OPCVM à règles d'investissement allégées et aux OPCVM contractuels de définir contractuellement les obligations qui demeurent à la charge du dépositaire au titre du service rendu à l'article L. 321-2-1 du Code monétaire et financier. L'article 323-14, 4°, du règlement général de l'AMF, issu d'un arrêté du 24 juillet 2009 (arrêté du 24 juillet 2009, portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, NOR : ECET0916106A N° Lexbase : L6042IEI) prévoit ainsi qu'en application des articles L. 214-34-1 et D. 214-28-1 (N° Lexbase : L6539IC8) du Code monétaire et financier, le dépositaire d'un OPCVM Aria ou d'un OPCVM contractuel peut établir une convention limitant son obligation de restitution des actifs de cet OPCVM.
Ainsi, si le principe reste le caractère d'ordre public de l'obligation de restitution des actifs par le dépositaire, des dérogations légales sont prévues permettant un allégement de cette obligation dans le cadre des véhicules d'actifs destinés aux professionnels- d'où une différence de régime, maintenant davantage marqué, entre les OPC destinés au grand public et les OPC destinés aux professionnels. L'ordre public justifiant la règle de restitution devient ainsi un ordre public "consumériste" de protection des investisseurs.
Il est également éminemment territorial : d'une part, comme nous l'avons remarqué précédemment, l'obligation de restitution est une "exception française", d'autre part, le raisonnement juridique de la Cour de cassation passant par l'impérativité des règles esquive le problème lié à l'internationalisation de la situation, permettant l'application unique du droit financier français et se focalise uniquement sur la relation entre dépositaire et OPCVM (10). Il s'agit avant tout de protéger l'investisseur français. Reste à savoir si une telle obligation de restitution absolue n'aura pas d'effet anti-économique par le surcoût qu'elle imposera aux gérants de fonds alternatifs (11).
Enfin, l'application de l'article L. 214-26 du Code monétaire et financier au cas d'espèce nous apporte quelques enseignements sur la portée de l'arrêt : selon ce dernier, la responsabilité du dépositaire n'est pas affectée par le fait qu'il confie à un tiers tout ou partie des actifs dont il a la garde. Il ne fait donc pas directement référence à l'obligation de restitution. Affirmer son caractère impératif revient à étendre la solution apportée par la Cour de cassation : le dépositaire répond non seulement d'une obligation de restitution immédiate et impérative mais aussi de tous les risques liés à la conservation des actifs de l'OPCVM. Il ne pourrait donc pas aménager sa responsabilité par des clauses limitatives ou exonératoires.
II - La mise en oeuvre de la mission de conservation du dépositaire d'OPCVM
Les arrêts du 4 mai 2010 invitent à la réflexion sur la détermination de l'étendue de l'obligation de restitution des actifs par le dépositaire (A) et sur la nature du contrat de sous-conservation (B).
A - La détermination de l'étendue de la restitution des actifs
Sur la question de la mise en oeuvre de l'obligation de restitution, et notamment sur le calcul de l'étendue de la restitution des actifs, la Cour de cassation confirme le raisonnement de la cour d'appel de Paris. Cette dernière avait d'ailleurs elle-même entériné les modes de calcul de l'AMF contenue dans ses décisions d'injonction. Ainsi, rejette-t-elle dans les "arrêts Dexia" la contestation relative au périmètre des actifs restituables et se prononce-t-elle sur la possibilité d'une compensation des dettes réciproques entre les parties, eu égard aux dispositions de la convention de Prime Brokerage.
Les juges suprêmes reconnaissent le principe -paradoxal pour certains (12)- selon lequel le juge examine les termes de la convention de prime broker afin de déterminer les actifs compris dans le périmètre de la restitution, cela alors qu'ils se refusent par ailleurs à prendre en compte lesdites conventions dans le cadre de la détermination de l'obligation de restitution. Cela peut s'expliquer par le principe logique selon lequel ne peut être restitué que ce qui a été conservé. Aussi doit-on distinguer ce qui a été effectivement conservé par le dépositaire de ce qui est passé sous la propriété du prime broker, dans le cadre de l'exécution de la convention de Prime Brokerage. Le contrat liant le prime broker au dépositaire n'a donc pas d'incidence sur l'existence de l'obligation de restitution mais sur son exécution.
En l'espèce, de façon très schématique, le prime broker LBIE assurait une fonction de tenue de compte conservation en tant que sous-conservateur, assurant de façon effective la mission de conservation des actifs du dépositaire. Il était parallèlement créancier de la société de gestion, puisqu'il assurait le financement des OPC par le biais de prêts et d'avances. Avait été consenti, à cette fin, une garantie sur les actifs qu'il conservait. Au titre de cette garantie et uniquement en cas de dettes du fonds à l'égard de LBIE, les actifs objets de cette garantie pouvaient effectivement être utilisés ou aliénés par le prime broker, à charge pour lui de restituer des biens ou droits équivalents.
Sur la question de la détermination du quantum des actifs à restituer, la Cour de cassation, dans le cadre de l'un des arrêts "Dexia" (n° 09-14.975) réaffirme que :
- que la convention de Prime Brokerage autorisait la société LBIE à réutiliser les actifs sous-conservés faisant l'objet des sûretés qui lui avaient été consenties en garantie des créances qu'elle pourrait détenir sur le fonds ;
- qu'en violation de cette convention et des dispositions des articles R. 214-12 (N° Lexbase : L0172IDQ) et R 214-35 (N° Lexbase : L1293IBI) du Code monétaire et financier, la société LBIE avait utilisé une partie de ces actifs alors qu'elle n'était titulaire d'aucune créance sur le fonds ;
- et que, par conséquent, les dépositaires étaient effectivement tenus de restituer les instruments financiers que la société LBIE s'était irrégulièrement appropriée ou leur équivalent.
Cette solution nous enseigne avant tout que le dépositaire ne peut invoquer des manquements du prime broker dans l'exécution de la garantie pour réduire le quantum de l'obligation de restitution : en effet, au titre de l'article 323-14 du règlement général de l'AMF, le dépositaire doit mettre en place des procédures et moyens afin d'assurer le contrôle des opérations effectuées par le mandataire. Il doit s'assurer de leur régularité, eu égard aux dispositions réglementaires. Par conséquent, la mauvaise utilisation des actifs par le prime broker ne peut être invoquée par le dépositaire défaillant.
Dans le second "arrêt Dexia" (n° 09-14.976), la Chambre commerciale adopte le raisonnement de la cour d'appel de Paris : la faillite de LBIE correspondait effectivement à un cas de défaut au sens de la convention. Par conséquent, pour déterminer l'étendue de l'obligation de restitution du dépositaire, il y avait lieu de se référer à la compensation des dettes réciproques des parties prévues dans cette hypothèse
Il est intéressant de noter que la Cour de cassation confirme également dans ces arrêts le pouvoir d'injonction de l'AMF en matière civile (13). En cas de manquement de "nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés", l'AMF dispose d'un pouvoir d'injonction au titre des articles L. 621-14 et L. 621-15 du Code monétaire et financier. La Cour de cassation affirme que, contrairement à ce qu'argumentait le pourvoi, cette injonction n'avait pas, en l'espèce, de caractère indemnitaire, sortant du champ de compétence de l'AMF : le manquement objet de l'injonction résultait de ce que le dépositaire ne restituait pas les actifs du fonds, alors que la propriété de ceux-ci n'avait pas été régulièrement transférée au prime broker.
B - La nature juridique du contrat de sous-conservation
S'il est entendu que l'exécution effective de la conservation des actifs peut passer par un contrat de sous-conservation, la nature juridique de son contrat peut s'avérer problématique et ses effets incertains.
En effet, aux termes des deux arrêts "Dexia", "le dépositaire d'un fonds commun de placement ne peut être déchargé de l'obligation de restituer les instruments financiers dont il a la garde, même lorsqu'il délègue à un tiers la conservation des actifs de l'organisme à placement collectif". Il semblerait donc à première lecture que la sous-conservation obéirait au mécanisme de la délégation au sens de l'article 1275 du Code civil (N° Lexbase : L1385ABW). La rédaction de la solution de la Chambre commerciale semble faire écho à l'argumentaire du pourvoi, par ailleurs déjà développé devant la cour d'appel, principe selon lequel la sous-conservation serait constitutive d'une délégation parfaite. Si la cour d'appel de Paris avait jugé inopérante cette argumentation, la formulation de la Cour de cassation sème le trouble.
En effet, selon les auteurs les plus autorisés (14), le terme délégation utilisé notamment à l'article 323-14 du règlement général ("lorsqu'il délègue la conservation des actifs de l'OPC, le dépositaire établit une convention qui précise l'étendue de la délégation ainsi que les procédures et moyens qu'il a mis en place") et 323-15 ("le dépositaire ne peut déléguer le contrôle de la régularité des décisions de l'OPC") ne désigne pas une "délégation" au sens des dispositions du Code civil : d'abord, le dépositaire ne peut être déchargé de ses obligations d'ordre public, l'accord de l'OPCVM étant alors sans incidence. Ensuite, la convention de sous-conservation ne crée pas un engagement personnel et autonome du prime broker à l'égard de l'OPCVM. Enfin, même s'il y a convention tripartite entre la société de gestion, le dépositaire et le prime broker, cette dernière ne crée pas de lien direct entre OPCVM et prime broker. La délégation évoquée par les textes serait donc une délégation matérielle, une délégation de "tâches".
Cette analyse de la solution de la Cour de cassation semble de toutes les façons être en contradiction avec les textes évoquant la possibilité d'une sous-conservation, qui font appel, pour leur part, au régime du contrat de mandat : l'article 323-14 évoque le principe selon lequel "le dépositaire peut recourir à un ou plusieurs mandataires pour effectuer tout ou partie des tâches liées à son activité de conservation des actifs de l'OPC. Ce mandataire est une personne habilitée en vue de l'administration ou de la conservation d'instruments financiers en application de l'article L. 542-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2539IER)" tandis que l'article 322-39, relatif à la tenue de compte conservation, évoque un "mandat de conservation" établi entre le mandant et le mandataire. Cette qualification répond davantage à la situation du prime broker vis-à-vis du dépositaire et de l'OPCVM où la personne du prime broker s'efface devant celui du dépositaire.
En voulant préciser l'expression "en toutes circonstances" employée par les juges de la cour d'appel de Paris, la Chambre commerciale de la Cour de cassation sème cependant le doute sur la nature du contrat de sous-conservation.
(1) Voir la consultation publique lancée le 3 juillet 2009(IP/09/1086) par la commission européenne sur la mission et le statu et les responsabilités du dépositaire et le résumé des réponses apportées lors de la consultation (Feedback Statement - Summary of responses to UCITS depositaries consultation paper, 26 November 2009).
(2) CA Paris, 1ère ch., sect. H, 8 avril 2009, 3 arrêts, n° 2008/22218 (N° Lexbase : A1799EGQ), n° 2008/22085 (N° Lexbase : A1797EGN), et n° 2008/22106 (N° Lexbase : A1798EGP), sur lesquels lire les obs. de J.-B. Lenhof, Faillite de Lehman Brothers et remboursement des actifs des OPCVM : la cour d'appel de Paris confirme la décision de l'AMF, Lexbase Hebdo n° 349 du 7 mai 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0575BKI). Voir, également, I. Riassetto, A. Prüm, La fonction de conservation du dépositaire, source de responsabilité civile, BJB, 1er mai 2009 n° 3, p. 191 ; A. Prüm, Faillite de Lehman Brothers, les dépositaires d'OPCVM sous pression, RDBF, 2009, repère 3 ; RTDCom., 2009, p. 169, obs. M. Storck ; Th. Bonneau, Conservation et responsabilité des dépositaires, Dr. sociétés, 2009, repère 5.
(3) Pour une présentation détaillée de la mission du dépositaire, voir S. Cattarinussi, Un dépositaire exclusif, in Le nouveau cadre réglementaire de la fonction dépositaire d'organismes de placement collectif, BJB, 1er août 2008, n° 4, p. 342 ; M. Karlin, La fonction dépositaire d'OPCVM et la réglementation française de la tenue de compte conservation, in Le nouveau cadre réglementaire de la fonction dépositaire d'organismes de placement collectif, BJB, 1er août 2008, n° 4, p. 336.
(4) Le dépositaire peut ainsi recourir à un ou plusieurs mandataires pour effectuer tout ou partie des tâches liées à son activité de conservation des actifs de l'OPC. Ce mandataire est une personne habilitée en vue de l'administration ou de la conservation d'instruments financiers en application de l'article L. 542-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2539IER).
(5) Voir., not., S. Dussart, F. Rodriguez, M. Thouch, La restitution des actifs par le dépositaire, BJB, 1er décembre 2008, n° 6, p. 542.
(6) Sur ce débat doctrinal, voir not. I. Riassetto, Dépositaires d'OPCVM, RDBF n° 4, juillet 2009, comm. 143.
(7) En faveur de cette analyse, voir R. Libchaber, Le dépôt d'instruments financiers, Dr. et patrimoine, mai 2000, p. 89.
(8) En faveur de cette analyse, voir not. G. Ripert et R. Roblot, Traité de Droit commercial, LGDJ, 2004, t. II, 17ème éd..
(9) Voir, not., I. Riassetto, A. Prüm, préc..
(10) Sur cette question, voir Th. Bonneau, préc..
(11) Sur les effets économiques de la décision, voir not. I. Riassetto, préc.. , A. Prüm, préc..
(12) Voir. J.-B Lenhof, préc..
(13) Sur la compétence de l'AMF en tant que "juge civil", voir not. Th. Bonneau, préc..
(14) I. Riassetto, A. Prüm, préc..
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par Anne Lebescond, Journaliste juridique
Le 07 Octobre 2010
Si l'ADG compte de fervents partisans et tend à se "mondialiser" de plus en plus, elle est, également, redoutée par beaucoup, notamment aux vues des dérives du système américain (B). Néanmoins, ainsi que l'a souligné Thierry Wikers, président du CNB, dans son discours d'introduction, "la class action américaine n'est pas un modèle indépassable". Il est toujours possible d'opter pour un système qui respecte l'égalité entre le consommateur et le professionnel.
A - Les partisans de l'ADG face à l'inertie du Gouvernement
Les partisans de l'ADG, dont font partie tous les intervenants, à l'exception (logique) de Joëlle Simon, Directrice des affaires juridiques du MEDEF, soulignent qu'elle permet une mutualisation des moyens et une économie des coûts procéduraux ; la rendant, ainsi, bien plus attractive pour les particuliers qu'une action individuelle. Elle favorise l'accès au droit, qui n'est indéniablement pas assuré par les outils existants
La loi n° 92-60 du 18 janvier 1992, renforçant la protection des consommateurs (N° Lexbase : L6648HXI) (dite loi "Neiertz"), a introduit en droit français une action permettant à un groupe de citoyens de se défendre par l'intermédiaire d'une association agréées de consommateurs : l'action en représentation conjointe. L'objectif était de "faciliter l'action en réparation de dommages trouvant leur source soit dans une faute de caractère pénal ou une présomption de faute, soit dans une responsabilité de plein droit ou une responsabilité contractuelle". Ces associations peuvent agir en justice pour obtenir la réparation des préjudices individuels subis par plusieurs consommateurs (C. consom., art. L. 422-1 N° Lexbase : L6821ABA, et s.). Mais, cette procédure est lourde et compliquée (en pratique, il est par exemple difficile de récolter les mandats de représentation). Elle n'est, donc, que très peu utilisée.
La première revendication en matière d'ADG, rappelle Françoise Kamara, conseiller à la Cour de Cassation et présidente de la Commission des clauses abusives, fut formulée dès 1975 par Luc Bihl.
En 2005, le Président Jacques Chirac a indiqué, dans ses voeux, vouloir introduire le recours collectif en droit français. Depuis, chaque Gouvernement formule la même promesse sans jamais la tenir. Pourtant, indiquent Thierry Wickers et Richard Yung, plusieurs rapports ont mis en évidence la nécessité d'introduire dans notre droit une telle procédure (rapport "Attali" en 2008 et rapport "Coulon" de la même année). Parallèlement, dès 2006, le PS a déposé une proposition de loi qui n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour et a, finalement, été déclarée caduque en 2009. D'autres initiatives semblables ont été prises, chaque fois en vain.
Pourtant, l'enjeu est important. Il est, ici, question de la compétitivité de notre système juridique (et, a fortiori des avocats). Les avantages procéduraux aux Etats-Unis (discovery, pacte de quota litis, absence de condamnation aux dépens, dommages et intérêts punitifs, etc.) entraînent un phénomène de forum shopping : la personne qui prend l'initiative d'une action en justice peut, en effet, être tentée de choisir le tribunal en fonction de la loi qu'il devra appliquer. Or, cette attractivité est destructrice des équilibres obtenus, voire remet en cause de la souveraineté judiciaire et de la situation économique de l'avocat.
Jean-Marc Baissus, magistrat et Directeur général de la Fondation pour le droit continental, a très bien illustré le problème : la France vient de présenter un mémoire à la Cour suprême américaine, dans une affaire de "forum shopping", qui a pour but d'alerter les juges sur les incidences que pourrait avoir leur décision sur l'ordre juridique français. "On en est là !".
Contrairement à la France, il existe, en Europe, un consensus sur l'ADG. Un Livre blanc, puis un Livre vert ont, récemment, été publiés, proposant de faciliter les recours dans les situations où un grand nombre de consommateurs ont été lésés par un même professionnel ayant commis des infractions au droit de la consommation. Ce dernier document a été soumis à la consultation entre mai et juillet 2009 et devrait aboutir dans un futur plus ou moins proche à une Directive :
- un projet a, effectivement, été rédigé par la Direction générale de la concurrence et concerne les entreprises qui ont des pratiques anticoncurrentielles ou font de la publicité mensongère ; et
- un autre projet a été préparé par la direction générale de la santé et des consommateurs.
Pour le président de l'UFC-Que Choisir, Alain Bazot, le Gouvernement français ne souhaite pas froisser le MEDEF, qui craint que l'introduction de l'ADG se fasse au détriment de l'activité économique. Il faut dire que le modèle américain connaît des abus qui font froid dans le dos.
B - La crainte d'une dérive semblable à celle des Etats-Unis
La class action américaine effraie. Aux Etats-Unis, des cabinets d'avocats se spécialisent dans ce type de recours et adoptent une politique agressive vis-à-vis des entreprises. Ils conviennent avec leurs clients des honoraires sur la réussite de leur action. Mais, dans une telle hypothèse, ils perçoivent des montants exorbitants allant de 30 à 50 % de l'enveloppe totale allouée au titre de la réparation. Le solde reste, alors, à partager avec les centaines, les milliers ou les centaines de milliers de victimes. Parallèlement, des hedge funds n'interviennent que sur ce segment et envisage l'Europe comme la prochaine place pour leur business.
D'autres dérives ont été constatées, concernant, notamment, le discovery : pour exemple, Vivendi a dû communiquer 10 millions de pages, dont 4 millions traduites pour des dizaines de millions de dollars de frais de procédures, qui resteront, quelle soit l'issue du procès, à sa charge. Les frais engagés par les entreprises à ce titre sont ainsi, souvent, sans commune mesure avec le principal.
Pour autant, le modèle américain n'est pas le seul. Le Québec, notamment, a adopté un dispositif de recours collectifs présentant de plus grandes garanties, tout comme l'Angleterre, le Portugal ou la Suède.
II - Nécessité de l'ADG et champ d'application
Le groupe de travail présidé par Laurent Béteille et Richard Yung a "estimé nécessaire d'instituer une procédure d'action de groupe à la française, protégée des dérives des class actions américaines car encadrée par les principes de la procédure civile française et les règles déontologiques de la profession d'avocat". Sur ce point, tous les membres de l'assemblée sont d'accord.
Pour ce faire, le rapport recommande, tout d'abord, d'être prudent et de limiter le champ de l'ADG à certains types de litiges, liés à la consommation, au droit de la concurrence et à "certains manquements au droit financier et boursier", étant précisé que le dispositif serait évalué dans trois ans et, alors, étendu, si nécessaire. D'autres intervenants (surtout, avocats) ont estimé que l'action devait être applicable, notamment, en matière d'environnement, de santé publique, de produits défectueux, de banque, d'assurance, etc..
Pour limiter le risque financier des entreprises, le texte préconise, également, de s'en tenir aux dommages matériels, en excluant les préjudices corporels, mais il ne fixe, toutefois, pas de plafond.
Et, pour éviter la multiplication d'actions abusives, les sénateurs envisagent d'ouvrir le recours qu'aux seules associations agréées de consommateurs, qui agiront devant quelques tribunaux de grande instance spécialisés désignés pour traiter ces contentieux de masse. Plus d'une quinzaine d'associations nationales répondraient, aujourd'hui, aux critères (en termes de nombre d'adhérents, de garanties de sérieux et de bon fonctionnement, etc.). La tendance, au grand mécontentement des avocats présents au colloque, serait plus de restreindre cette liste et les acteurs concernés, que de les étendre.
Dans l'esprit des deux sénateurs et du groupe de travail, la procédure se déroulerait en deux phases :
- une déclaration de responsabilité. Il reviendrait au juge de statuer sur la recevabilité de l'ADG. Dans ce cadre, l'association agréée ne lui soumettrait qu'un nombre limité de cas exemplaires qui définiraient, au regard des préjudices qu'ils visent et des faits reprochés, les limites du groupe possible des plaignants. Sur la question de l'adhésion présumée ou volontaire au groupe ("opt in" ou "opt out"), le groupe de travail s'est prononcé en faveur de la seconde option qui stipule que seules les personnes qui ont expressément manifesté leur accord font partie de l'action de groupe ;
- une décision du juge sur l'indemnisation, après publicité et constitution d'un groupe, sauf à ce que les parties soient allées en médiation préalable et aient trouvé une solution alternative à leur litige, alors homologuée par le juge. Sur le point de la médiation, le président de l'UFC Que Choisir s'y dit favorable, dès lors qu'il s'agit d'une mode alternatif de règlement du conflit. Ce faisant, il s'adresse au MEDEF dont l'ambition est de voir la médiation se substituer totalement à l'ADG.
Dans les domaines ou intervient une autorité régulatrice (AMF, DGCCRF, etc.), il conviendra d'articuler la procédure d'ADG avec les décisions de cette autorité : soit l'autorité est reçue à l'action civile, comme amicus-curiae, lorsqu'elle n'a pas été elle-même saisie des mêmes faits, soit le juge sursoit à statuer quand l'autorité est appelée à rendre une décision sur les faits.
III - La place de l'avocat
La question de la place de l'avocat dans le cadre de l'ADP n'est pas évidente. Si ce professionnel est nécessairement associé à la procédure en tant que conseil des parties, certains, pointant les dérives connues aux USA, sont réticents à lui ouvrir la possibilité d'introduire l'action, au même titre qu'une association agréée de consommateurs.
La majorité des intervenants s'est, cependant, interrogée sur l'effectivité, dans de telles circonstances, du droit d'accès à la justice. Les avocats revendiquent, en outre, de pouvoir initier la procédure, parce qu'ils appréhendent la matière comme un nouveau champ d'activité, même s'ils reconnaissent la nécessité d'une formation spécifique.
Selon Claude Lazarus, avocat au Barreau de Paris, "en s'appuyant sur les pratiques des avocats américains spécialisés dans l'introduction de class action, certains groupes d'intérêts ont réussi à convaincre les pouvoirs publics qu'il fallait priver les avocats du droit d'initier une action de groupe, en réservant le monopole de cette initiative aux associations agréées de consommateurs. Or, aucune des critiques ou inquiétudes que pourrait inspirer le rôle de l'avocat dans une action de groupe à la française ne résiste à un examen sérieux : la déontologie très stricte des avocats en France assure la protection des intérêts de tous les justiciables, bien que des adaptations soient nécessaires". Thierry Wickers et Serge Guinchard, Professeur émérite de l'Université Paris II et Recteur honoraire, ont, naturellement, partagé ce point de vue.
Reste, encore, à régler la question de la rémunération de l'avocat. A ce titre, le groupe de travail de Laurent Béteille et Richard Yung exclut toute modification des règles déontologiques des avocats, en particulier, en matière de rémunération. Le coût du recours collectif et la nécessité de l'intervention d'avocats supposent, en effet, un encadrement du mode de rémunération de ces derniers. Ils envisagent, notamment, de prévoir une rémunération qui soit adossée au produit de l'action judiciaire, selon le principe des honoraires complémentaires.
Hervé Novelli, fin 2008, avait réitéré le souhait de voir l'ADG introduite en droit français, tout en expliquant que le contexte actuel de crise financière n'y était pas favorable. Pour que le projet "ne soit pas remis au calanques grecques", le CNB, en organisant cette manifestation, a pris le taureau par les cornes et alerte, de cette façon, l'attention des pouvoirs publics.
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Le 07 Octobre 2010
La conférence sera suivie d'un débat avec la salle puis d'un cocktail.
Lieu : Palais du Luxembourg, salle Monnerville, 15 ter rue de Vaugirard, 75006 Paris
Horaires : 15h30 - 18h30 (conférence) ; 19h00 - 21h00 (cocktail)
Renseignements : contact@ensd1.org
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Réf. : Cass. soc., 19 mai 2010, n° 07-45.033, M. Jean-Claude Bruyère et a. c/ Association Service médical du travail du bâtiment et des travaux publics de la Savoie, FS-P+B (N° Lexbase : A3738EXQ)
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Résumé Doit être réputée non écrite la clause de la Convention collective nationale du personnel des services interentreprises excluant de son champ d'application certains services interentreprises de médecine du travail appliquant antérieurement à son entrée en vigueur une autre convention collective sans rapport avec cette activité. |
I - Détermination de la convention collective applicable
Afin de déterminer la convention collective de branche applicable au groupement qu'il dirige, le chef d'entreprise doit, en premier lieu, s'interroger sur l'activité qui y est développée. Cela ne pose, a priori, guère de difficulté lorsque l'entreprise n'a qu'une seule activité. Il importe, toutefois, de rappeler que seule doit être prise en compte l'activité réelle de l'entreprise, à l'exclusion des mentions contenues dans les statuts de la personne morale qui la structure d'un point de vue juridique (1). De même, le code APE attribué par l'Insee à l'entreprise n'ayant qu'une valeur indicative, l'employeur, tout comme le juge, se doivent de rechercher l'activité réelle (2).
La situation se complique quelque peu lorsqu'une même entreprise déploie en son sein plusieurs activités. Il résulte, tant de la loi (C. trav., art. L. 2261-2, al. 1er N° Lexbase : L2420H9I) que de la jurisprudence constante de la Cour de cassation (3), que la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. On peine, toutefois, à déceler, dans les arrêts rendus par la Chambre sociale en la matière, des critères précis permettant de déterminer l'activité principale. Tantôt celle-ci se réfère au chiffre d'affaires, tantôt est retenu le nombre de salariés affectés à l'activité.
Cela étant, dès lors que l'activité principale de l'entreprise a été identifiée, seule la convention collective correspondante doit être appliquée. S'il n'en existe pas, l'employeur ne saurait être tenu de respecter la convention dont relève l'activité secondaire. Dans une telle situation, fort rare au demeurant, les salariés sont dépourvus de statut conventionnel de branche, sauf si l'employeur souhaite faire une application volontaire d'une convention ou y adhère dans les conditions fixées par l'article L. 2261-3 du Code du travail (N° Lexbase : L2422H9L).
Il convient, enfin, de rappeler que, lorsque l'entreprise mène plusieurs activités nettement différenciées dans des centres d'activités autonomes, on applique à chacune de ces entités la convention collective qui correspond à son activité (4).
Dès lors que l'activité réelle et, le cas échéant, principale de l'entreprise a été déterminée, il faut, dans un second temps, rechercher la convention collective de branche dont elle relève. Pour ce faire, il importe de se reporter aux stipulations des normes conventionnelles, dont on sait qu'elles doivent déterminer leur champ d'application territorial et professionnel (C. trav., art. L. 2222-1, al. 1er N° Lexbase : L3220IM9, anc. L. 132-5 N° Lexbase : L1370G9M) (5).
Ainsi, et pour en venir à l'arrêt commenté, était en cause la Convention collective nationale du personnel des services interentreprises de médecine du travail du 20 juillet 1976, étendue par arrêté du 18 octobre 1976. Son article 1er stipule qu'elle "règle, dans le cadre des dispositions concernées du Code du travail, les rapports entre les services interentreprises de médecine du travail et leur personnel salarié". A s'en tenir à ces stipulations, toute "entreprise" ayant pour activité principale d'être un service interentreprises de médecine du travail se doit donc d'appliquer cette convention et elle seule (6).
Telle n'était pourtant pas le cas en l'espèce, dans laquelle l'association Service médical du travail du bâtiment et des travaux publics de Savoie faisait application de la Convention collective nationale des ingénieurs assimilés et cadres du bâtiment à laquelle elle avait adhéré le 18 juin 1975. Un salarié engagé en qualité de médecin du travail en avril 1979 et un syndicat avaient saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir appliquer la Convention collective nationale des services interentreprises de médecine du travail et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre.
Pour débouter le salarié et le syndicat de leurs demandes, l'arrêt attaqué avait retenu que la Convention collective nationale des services interentreprises de médecine du travail exclut de son champ d'application, par une clause qui ne peut être qualifiée d'option, les services liés au jour de son entrée en vigueur à une autre convention collective. Or, tel était le cas de l'association employeur par le fait de son adhésion, le 18 juin 1975, à la Convention collective nationale du bâtiment du 23 juillet 1956.
Ainsi que l'on s'en rend compte, la mise à l'écart de la Convention collective nationale du personnel des services interentreprises de médecine du travail par les juges du fond était fondée sur les stipulations de celle-ci. Cela n'a guère convaincu la Cour de cassation qui dénie toute portée à la stipulation en cause (7).
II - La mise à l'écart des stipulations conventionnelles contraires à la loi
On se souvient que, dans un important arrêt rendu le 26 novembre 2002, la Cour de cassation a considéré qu'il ne peut être dérogé au principe selon lequel la convention collective applicable aux salariés est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur, par une clause d'une convention de branche offrant à certaines entreprises le choix entre deux conventions (8). Ont ainsi été condamnées par cette décision, les clauses dites "d'option", permettant à une entreprise exerçant plusieurs activités de choisir l'une des conventions correspondant à ces dernières.
Cette solution n'avait pas échappé aux juges du fond qui, pour l'écarter, s'étaient bornés à relever que la clause litigieuse ne pouvait être qualifiée d'option. On peut leur donner raison sur ce point car l'association n'exerçait pas plusieurs activités et la stipulation en cause n'offrait pas une option entre plusieurs conventions susceptibles de s'appliquer simultanément. On était plutôt en présence de ce qu'un auteur qualifie de "clause de statu quo", permettant aux entreprises de continuer à appliquer la convention collective qu'elles appliquaient à la date d'entrée en vigueur du nouveau dispositif conventionnel ou à sa date d'extension (9).
Pour autant, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond au visa de l'article L. 132-5 du Code du travail alors applicable, ensemble l'article 1er de la Convention collective nationale du personnel des services interentreprises de médecine du travail du 20 juillet 1976 étendue par arrêté du 18 octobre 1976. La Chambre sociale rappelle, d'une part, que la convention collective applicable aux salariés est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur, et, d'autre part, que selon son article 1er, la Convention collective nationale du personnel des services interentreprises de médecine du travail règle, dans le cadre des dispositions concernées du Code du travail, les rapports entre les services interentreprises de médecine du travail et leur personnel salarié. Elle en déduit qu'en statuant comme elle l'a fait, "alors que la seule activité de l'association est un service interentreprises de médecine du travail et que doit être réputée non écrite la clause de la Convention collective nationale du personnel des services interentreprises excluant de son champ d'application certains services interentreprises de médecine du travail appliquant antérieurement à son entrée en vigueur une autre convention collective sans rapport avec cette activité, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Cette solution doit être pleinement approuvée. Il ne peut, en effet, être admis qu'une stipulation conventionnelle écarte le principe d'ordre public selon lequel la convention collective applicable aux salariés est celle dont relève l'activité principale exercée par leur employeur. Tout au plus, est-il possible de relever qu'à l'époque des faits, aucun article du Code du travail n'évoquait expressément cette règle, qui résultait toutefois, ainsi qu'il a été vu, d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Que les partenaires sociaux excluent certaines activités économiques du champ d'application de la convention collective qu'ils concluent est une chose (11) ; qu'ils permettent à un employeur de décider unilatéralement d'appliquer une convention dont son entreprise ne relève pas du fait de son activité en est une autre. Il importe, en outre, peu que celle-ci était appliquée faute de convention correspondant à l'activité de l'entreprise. Dès lors que cette dernière entre en vigueur, elle doit seule être respectée. Toute stipulation dérogeant à cette règle doit être réputée non écrite en raison de sa contradiction avec l'ordre public.
Ainsi qu'il a été relevé précédemment, la décision sous examen a été rendue sous l'empire des textes antérieurs à la loi du 4 mai 2004, qui est venue validée les clauses d'option. En application de l'alinéa 2 de l'article L. 2261-2 (anc. art. L. 132-5-1), "en cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application [du critère de l'activité principale] pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables".
On peut se demander si la solution retenue par la Cour de cassation aurait pu être différente par l'effet de cette disposition. Il faut certainement répondre par la négative à cette interrogation. En effet, parmi les conditions posées par le texte, figure, en tout premier lieu, l'exigence qu'une pluralité d'activités soit exercée dans l'entreprise. Or, il y a tout lieu de constater que tel n'était pas le cas en l'espèce, la Cour de cassation prenant soin de relever que "la seule activité de l'association est un service interentreprises de médecine du travail". En d'autres termes, l'article L. 2261-2 reste impuissant à assurer la validité d'une clause "de statu quo" telle que celle qui figurait dans la Convention collective nationale du personnel des services interentreprises de médecine du travail.
Cela étant, il est difficile de ne pas se mettre à la place de l'employeur qui, croyant légitimement tirer partie des stipulations d'un texte signé par d'autres, n'a, pendant plusieurs années, pas fait application d'une convention collective qu'il était pourtant tenu de respecter (12). Cela aura nécessairement un coût, à la mesure des avantages dont les salariés auront été indument privés. Reste à savoir s'il ne pourrait pas se retourner contre les signataires du texte afin de leur demander réparation. Mais c'est là une autre question.
(1) Cass. soc., 16 novembre 1993, n° 90-44.807, Association Résidence Rhône-Alpes c/ Mme Dolcetti (N° Lexbase : A6397ABK) ; Cass. soc., 4 décembre 2001, n° 99-43.676, M. Daniel Masse c/ Société HVH-BLB (N° Lexbase : A5727AXE).
(2) Cass. soc., 19 juillet 1995, n° 91-44.963, Société Mazza orthopédie c/ M. Azib (N° Lexbase : A0919ABN) ; Cass. soc., 8 avril 1998, n° 95-44.750, M. Robert Mimart. c/ Société Informatique du Galeizon (N° Lexbase : A8827AGZ).
(3) Voir, par exemple, Cass. soc., 14 octobre 1992, n° 89-45.504, Mme Sonia Chassillan c/ Société à responsabilité limitée Emballages plastiques avignonnais (N° Lexbase : A3104AUI). Là encore, le code APE n'a qu'une valeur indicative : Cass. soc., 21 juin 2006, n° 04-47.565, Société Centre spécialités pharmaceutiques c/ M. Christian Roriz (N° Lexbase : A9928DPE).
(4) Cass. soc., 21 mars 1990, n° 86-45.490, Société Sarli c/ Mme Bidot (N° Lexbase : A1391AAR) ; Cass. soc., 5 octobre 1999, n° 97-16.995, Société Carnaud metalbox alimentaire France c/ Fédération des industries du livre,du papier carton et de la communication (N° Lexbase : A8138AGI).
(5) Ainsi que le précise cette disposition, "le champ d'application professionnel est défini en termes d'activités économiques".
(6) Sachant que son champ d'application territorial s'étend à l'ensemble de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer.
(7) Stipulation aux termes de laquelle, "toutefois, n'entrent pas dans le champ de la présente convention les services interentreprises professionnels qui, au jour de sa mise en application, sont liés par une autre convention collective" (art. 1er, dern. al.).
(8) Cass. soc., 26 novembre 2002, n° 00-46.873, M. Jean-Pierre Roue c/ Société Vitrerie miroiterie Samiver (N° Lexbase : A1210A4L), Dr. soc., 2003, p. 183, note P.-H. Antonmattéi.
(9) G. Vachet, Négociation. Conventions et accords collectifs. Application, J.Cl. Travail Traité, Fasc. 1-34, 2009, § 43.
(10) L'article L. 132-5-1 (N° Lexbase : L4694DZU, art. L. 2261-2, al. 1er, nouv. N° Lexbase : L2420H9I) précisant que "la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur" a été introduit dans le Code par une loi du 4 mai 2004 (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8).
(11) C'est, au demeurant, ce qu'autorise l'article L. 2222-1 (anc. L. 132-5).
(12) L'employeur n'avait, à dire vrai, même pas le choix car ce sont les stipulations de la convention collective qui lui commandaient de ne pas en faire application....
Décision Cass. soc., 19 mai 2010, n° 07-45.033, M. Jean-Claude Bruyère et a. c/ Association Service médical du travail du bâtiment et des travaux publics de la Savoie, FS-P+B (N° Lexbase : A3738EXQ) Cassation de CA Chambéry, ch. soc., 27 septembre 2007 Textes visés : C. trav., art. L. 132-5 (N° Lexbase : L1370G9M), alors applicable, ensemble l'article 1er de la Convention collective nationale du personnel des services interentreprises de médecine du travail du 20 juillet 1976 étendue par arrêté du 18 octobre 1976 Mots-clefs : convention collective ; champ d'application professionnel ; activité principale de l'entreprise ; dérogation conventionnelle ; validité Lien base : (N° Lexbase : E2273ETD) |
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par Daniel Faucher, Consultant au Cridon de Paris
Le 07 Octobre 2010
Pour l'application du régime de faveur des achats en vue de la revente, la Cour de cassation refuse d'assimiler une opération de fusion à une vente.
En application de l'article 1115 du CGI (N° Lexbase : L7381IGH), les achats effectués par les marchands de biens sont exonérés des droits de mutation, à l'exception des acquisitions d'immeubles qui supportent le droit d'enregistrement ou la taxe de publicité foncière au taux de 0,715 %. Ce régime de faveur est subordonné à la principale condition de prendre l'engagement, dans l'acte d'acquisition, de revendre dans un délai de quatre ans (cinq ans dans le régime mis en place à compter du 11 mars 2010). A défaut de pouvoir effectivement vendre à un tiers, les marchands dont le délai, parfois prolongé, venait à expiration ont eu recours à diverses opérations.
1. Apport, transformation de société, retrait
Si les apports effectués à titre onéreux sont assimilés à des ventes, les apports purs et simples d'immeubles en société ne sont pas des ventes (CGI, art. 1115, modifié par l'article 17, I, 2° de la loi de finances rectificative pour 1995 du 30 décembre 1995). De même, une transformation de société n'entraînant pas la création d'un être moral nouveau, une telle opération ne pouvait être considérée comme une vente (Cass. com., 4 juin 1984, n° 82-16.635 N° Lexbase : A1234AAX). Enfin, la Cour de cassation vient récemment de refuser d'assimiler le retrait d'actif à une vente (Cass. com., 2 février 2010, n° 09-10.384 N° Lexbase : A6126ERC).
2. Fusion
Les opérations de fusion entraînant la subrogation de la société absorbante dans tous les engagements de la société absorbée portant sur les immeubles transmis, y compris au plan fiscal, la cour d'appel de Paris avait décidé que la société absorbante était tenue de respecter l'engagement de revente pris par la société absorbée (CA Paris, 1ère ch., sect. B, 3 oct. 2008, n° 07/01578 N° Lexbase : A7652EAN). Sans surprise, la Haute juridiction rejette le pourvoi formé par le contribuable. Le juge suprême fait une stricte application des règles civiles et commerciales qui distinguent la transmission universelle, mode de transmission sui generis, d'une vente. De surcroît, l'opération de fusion se différencie d'un apport dans la mesure où la transmission du patrimoine ne donne lieu à aucune rémunération au profit de l'absorbée qui disparaît.
La cour administrative d'appel de Paris, dans un arrêt du 3 février 2010, énonce qu'il ressort des dispositions des anciens articles 92 B (N° Lexbase : L1933HL8) et 160-I-ter (N° Lexbase : L2652HLS) du CGI que, si un nouvel échange des titres reçus après un premier échange peut donner lieu à un report d'imposition de la plus-value d'origine et de la plus-value correspondant à cet échange, il en résulte nécessairement que cet échange, en l'absence de nouvelle demande de report, donne lieu à imposition de la plus-value en report d'imposition au motif que l'échange constitue bien une cession à titre onéreux.
1. Principe du report d'imposition des plus-values d'échange de titres
Les plus-values d'échange de titres réalisées jusqu'au 31 décembre 1999 pouvaient être reportées sur le fondement de l'article 92 B, II, 1. A du CGI, pour les plus-values d'échange de participations inférieures ou égales à 25 %. Le contribuable devait demander expressément à bénéficier de cette mesure. Cependant, ces opérations ne dégageant pas de liquidités, les contribuables omettaient de déclarer leur plus-value et donc de demander le report, l'administration avait admis que le bénéficie du report puisse être demandé dans les trente jours de l'invitation à régulariser adressée par le service des impôts en cas de procédure de redressement. En tout état de cause, la plus-value d'échange, en report d'imposition, devenait imposable au titre de l'année de la cession ou du rachat des titres reçus.
2. La notion de cession au regard des dispositions de l'article 92 B du CGI
La cession s'entend de toute transmission à titre onéreux. Ainsi, la transmission à titre gratuit avait pour conséquence de permettre une exonération définitive de la plus-value en report d'imposition. En revanche, par cession, il convenait d'entendre toute opération en vertu de laquelle le cédant reçoit une contrepartie. Ainsi, outre la vente pure et simple, sont visés les apports et les échanges, comme dans l'affaire soumise récemment à la cour administrative d'appel. Il est vrai que l'argument des contribuables qui considéraient que seule la remise de liquidités, c'est-à-dire une vente, pouvait mettre fin au report ne manquait pas de pertinence. En effet, l'esprit du texte, l'article 92 B II, permettait de prétendre que le contribuable, bénéficiaire du report, ne devait être taxé que lorsqu'il réalisait une opération se traduisant par la remise de liquidités, remise qui lui permettait de s'acquitter de l'impôt.
Confirmant une solution inédite rendue en 2008 (Cass. com., 18 novembre 2008, n° 07-19.762, F-P+B N° Lexbase : A3476EBD), la Haute juridiction précise que, après l'engagement de la procédure de redressement à l'encontre d'un héritier solidaire, l'administration doit, à raison du principe du contradictoire et de la loyauté des débats, notifier les actes de procédures suivant à tous les héritiers. Cette décision est donc à remarquer dans la mesure où elle vient restreindre la portée de la solidarité.
1. La solidarité entre cohéritiers...
En matière de droits de mutation par décès, la proposition de rectification est faite à chacune des personnes visées à l'article 1709 du CGI (N° Lexbase : L4051ICZ). Toutefois, les cohéritiers étant solidaires, la proposition adressée à l'un d'eux vaut à l'égard des autres (Doc. adm. 13 L 1513, n° 64 et s., reprenant Cass. com., 23 juin 1987, n° 85-17.774 N° Lexbase : A1375AHE). Ainsi, le service des impôts peut notifier un redressement visant au paiement de droits estimés dus à l'un quelconque des débiteurs de la dette fiscale.
2. ...à l'aune du principe du contradictoire
On sait que l'administration doit respecter le caractère contradictoire de la procédure et qu'à cet égard elle est tenue d'un devoir général de loyauté dans la mise en oeuvre des redressements (en dernier lieu, pour l'appréciation de la régularité de l'avis de la commission de conciliation, Cass. com., 8 mars 2005, n° 01-17.758, FS-P+B+I N° Lexbase : A2449DH8). Le juge suprême en déduit que, si l'administration est en droit de notifier l'engagement de la procédure à l'un quelconque des débiteurs solidaires, elle doit, à raison du principe de loyauté des débats, signifier ensuite, en cours de procédure, à l'ensemble des personnes solidaires, les actes de la procédure qui les concernent (Cass. com., 18 novembre 2008, n° 07-19.762, F-P+B). Autrement dit, l'effet de la solidarité est donc limité à l'engagement de la procédure, à savoir, la proposition de rectification. Ainsi, comme a pu le préciser ultérieurement un tribunal de première instance, la faculté dont dispose l'administration de choisir le redevable de l'impôt à l'égard duquel elle souhaite mettre en oeuvre la procédure n'est pas remise en cause. Elle doit seulement, mais nécessairement, notifier les actes de procédure postérieurs à l'ensemble des cohéritiers (TGI Châteauroux, 1er septembre 2009, n° 08-1162, n° 19.543).
3. L'apport de la décision du 7 avril 2010
Dans l'affaire soumise à la Haute juridiction, à la suite du décès d'un conjoint survivant, alors que la succession de son épouse prédécédée faisait l'objet d'un contentieux, les quatre enfants du défunt avaient déposés une déclaration de succession complémentaire. Cette déclaration tenait compte d'un legs particulier ayant pour objet un immeuble, consenti par la défunte à leur père et initialement contesté par les autres héritiers. Estimant que la valeur retenue était insuffisante, le service des impôts avait notifié un rehaussement de valeur à l'un des quatre enfants. Constatant que cet héritier ne s'était pas présenté comme représentant ses cohéritiers devant la commission de conciliation appelée à statuer sur la valeur de l'immeuble, la Haute juridiction a pu décider que la cour d'appel avait, à bon droit, retenu que l'administration avait méconnu les principes de la contradiction et de la loyauté des débats. Ce qui entachait d'irrégularité la procédure d'imposition. Autrement dit, même s'il n'ignore pas sa qualité d'héritier solidaire, l'héritier auquel une partie des actes de la procédure avait été uniquement adressé n'est censé être représentant de ses cohéritiers que s'il le précise dans ses propres écrits. Ainsi, à défaut de constater, sans contestation possible, que le seul héritier poursuivi par elle se présentait comme représentant de l'ensemble de la cohérie, l'administration doit notifier les actes de procédures subséquents à la proposition de rectification à l'ensemble des héritiers. Et ce, au nom du principe du contradictoire et de la loyauté des débats.
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Réf. : Loi n° 2010-499 du 18 mai 2010, visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement (N° Lexbase : L2472IMI)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
D'abord dégagée par le législateur dans le cadre de l'inaptitude des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, l'obligation de reclassement a été transposée aux salariés licenciés pour un motif économique, comme une composante supplémentaire de la cause réelle et sérieuse de licenciement, avant d'être consacrée en 2002 par la loi de modernisation sociale (1). Il apparaît, désormais, que "le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient" (2).
Reprenant en cela les acquis jurisprudentiels, le Code du travail précise que "le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises".
L'application de ces dispositions, singulièrement dans les groupes internationaux, a fait difficulté car la jurisprudence se montre extrêmement exigeante avec les entreprises. Même si elle a affirmé dernièrement que seul l'employeur était débiteur de cette obligation de reclassement, à l'exception des entreprises du groupe qui ne peuvent directement être tenues, à l'égard des salariés reclassés, d'aucun obligation propre (3), la Cour de cassation impose aux entreprises de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles compatibles avec leur qualification et ce, même lorsque ce reclassement les conduirait à voir leur contrat de travail modifié et, singulièrement, leur rémunération diminuée. L'employeur doit donc obtenir de toutes les entreprises du groupe la liste exhaustive des emplois disponibles, ce qui s'avère concrètement difficile, voire impossible et ce, y compris si l'entreprise se situe à l'étranger "dès l'instant que la législation applicable localement n'empêche pas l'emploi de salariés étrangers" (4).
Cette sévérité jurisprudentielle a conduit des entreprises à proposer à des salariés des emplois situés dans des pays où les niveaux de rémunération étaient très inférieurs à ceux constatés en France, provoquant la colère des salariés et de leurs syndicats qui y ont vu une marque particulièrement déplacée de cynisme et d'indécence.
La pratique a également imaginé recourir à des questionnaires préalables de mobilité permettant de déterminer, parmi les salariés licenciés, ceux qui seraient désireux d'être reclassés à l'étranger et qui seuls seraient destinataires de ces offres.
Alors que le Conseil d'Etat avait pu manifester son intérêt pour cette méthode (5) et que l'administration avait également manifesté son hostilité à l'égard d'offres dérisoires (6), la Cour de cassation a considéré la pratique des questionnaires préalables à la mobilité internationale comme contraire au droit au reclassement des salariés, droit dont le caractère d'ordre public s'oppose à toute forme de renonciation préalable (7). Pour les Hauts magistrats, en effet, il serait dangereux pour les salariés de renoncer par avance à toute proposition de reclassement à l'étranger sans être confrontés concrètement à une offre précise qui pourrait, après réflexion, décider certains travailleurs à tenter l'aventure plutôt que de perdre toute perspective d'emploi sur le territoire national (8). Afin de protéger l'effectivité du droit au reclassement, la Cour de cassation a, d'ailleurs, considéré que le refus d'un salarié exprimé à propos d'une catégorie d'emploi n'exonère pas l'employeur de son obligation de proposer d'autres emplois disponibles au reclassement, même s'ils présentent les mêmes caractères (9), et que l'employeur ne saurait demander aux salariés de prendre position sur le principe d'un reclassement à l'étranger pour prétendre par la suite être dispensé de leur proposer les emplois qui y seraient disponibles (10).
C'est cette hostilité de la Cour de cassation à l'égard de cette pratique des questionnaires d'embauche (11) et l'obligation faite aux entreprises de proposer des emplois, y compris à des conditions de rémunération très éloignées de celles perçues par les salariés dont l'emploi est menacé, qui a conduit à l'adoption par le Parlement d'une proposition de loi émanant des députés Nouveau centre François Sauvadet et Philippe Folliot, et adoptée par le Parlement après des modifications apportées par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale à l'occasion de la première lecture du texte et destinées à corriger une partie de la proposition (12).
La loi n° 2010-499 du 18 mai 2010, visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement, modifie l'état du droit, tel qu'interprété par la Cour de cassation, sur deux points (13).
II - La fin des offres de reclassement à des conditions salariales inférieures
La loi du 18 mai 2010 modifie, en premier lieu, les termes de l'article L. 1233-4, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L3135IM3). Le texte disposait, jusqu'alors, que "le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure". Il précise, désormais, que le reclassement doit s'effectuer sur un emploi relevant de la même catégorie et être "assorti d'une rémunération équivalente".
Le texte est présenté par l'intitulé même de la loi du 18 mai 2010 comme devant garantir aux salariés concernés par une procédure de reclassement "de justes conditions de rémunération". Il s'agit de limiter le reclassement aux seuls emplois permettant de garantir au salarié une rémunération "équivalente", c'est-à-dire de ne pas imposer à l'employeur de proposer au salarié une rémunération inférieure considérée comme humiliante et inacceptable et provoquant "un profond sentiment d'incompréhension" (14).
Plusieurs remarques peuvent être faites sur le sens de cette modification.
En premier lieu, on notera que, pris à la lettre, le texte n'oblige pas l'employeur à proposer au salarié un emploi équivalent assorti d'une rémunération supérieure, ce qui est absurde ! Certes, le texte a été conçu pour s'appliquer à des salariés à qui on proposerait d'aller travailler dans des pays moins développés que le nôtre. Mais on peut parfaitement imaginer que des emplois équivalents soient disponibles dans des pays offrant de meilleurs niveaux de rémunération ; faudra-t-il, désormais, considérer que l'employeur n'est pas obligé de proposer ces emplois, ce qui serait proprement impensable, ou considérer qu'un emploi équivalent assorti d'une rémunération supérieure est, à plus forte raison, assorti d'une rémunération équivalente, c'est-à-dire lire le texte comme affirmant que le salarié doit percevoir une rémunération "au moins" équivalente ? C'est en tout cas ce que l'on peut souhaiter dans le cadre d'une interprétation téléologique de la loi inspirée par le principe de faveur.
En second lieu, la référence à une "rémunération équivalente" ne concerne que la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1233-4, c'est-à-dire l'obligation de proposer au salarié un emploi correspondant à sa catégorie professionnelle, et non l'hypothèse où l'employeur, ne pouvant garantir l'équivalence de la catégorie d'emploi, serait conduit à proposer au salarié un emploi d'une "catégorie inférieure" et qui constitue la seconde phrase du deuxième alinéa. Dans cette dernière hypothèse, il est logique de considérer que cet emploi d'une catégorie inférieure conduirait à proposer au salarié un salaire inférieur, ce qui n'est pas "injuste", pour reprendre les propres termes de l'intitulé de la loi du 18 mai 2010, puisqu'il y a alors corrélation entre la catégorie de l'emploi et le niveau de rémunération proposé.
Pareille interprétation, qui semble directement induite par la loi, entraîne, toutefois, des conséquences pour le moins absurdes qui ne manqueront pas de faire difficulté en pratique. A s'en tenir à cette lecture, l'employeur ne serait plus obligé de proposer aux salariés les emplois de catégorie équivalente mais assortis d'une rémunération inférieure, généralement parce qu'ils seront localisés dans un pays où les niveaux de rémunération, à catégorie équivalente, sont bas, alors qu'il demeurerait tenu de proposer aux salariés des emplois d'une catégorie inférieure, assorti d'une rémunération logiquement plus basse encore.
On aboutit alors à cette forme de paradoxe que l'entreprise est contrainte, à rémunération inférieure à celle perçue par le salarié, de ne proposer que des emplois de catégorie... inférieure. Or, on peut raisonnablement penser que ces emplois de catégorie inférieure, que l'employeur doit proposer au salarié s'il ne dispose pas d'emplois équivalents assortis d'une rémunération équivalente, seront moins bien rémunérés que les emplois de catégorie équivalente, mais proposant une rémunération inférieure à celle que le salarié percevait ! On comprend rapidement l'absurdité de la situation dans la mesure où les salariés privilégieront certainement une logique salariale à une logique de catégorie d'emploi, un salarié ayant certainement plus intérêt à se voir proposer un emploi d'une catégorie équivalente, même assorti d'une rémunération inférieure, à un emploi d'une catégorie inférieure par hypothèse assorti d'une rémunération encore plus inférieure !
Dans la pratique, on peut penser que les entreprises, qui ne seront désormais plus obligées de proposer des emplois équivalents assortis d'une rémunération inférieure, seront toutefois amenées à les proposer quand même aux salariés dès lors qu'elles seraient en mesure de leur proposer des emplois de catégorie inférieure. Telle semble être, d'ailleurs, l'intention des auteurs de la proposition de loi (15) et tel semble être l'intérêt des employeurs à qui on pourrait reprocher de mettre en oeuvre leur obligation de reclassement de manière déloyale (16).
Reste à déterminer si la loi est en mesure de remplir sa fonction, qui est de restreindre l'étendue de l'obligation de reclassement dans les groupes internationaux.
Telle qu'elle est rédigée, rien n'est moins sur. La délocalisation des productions vers des pays à faible coûts sociaux se justifie généralement pour des besoins de main-d'oeuvre peu qualifiée. Or, ces emplois peu qualifiés ont toutes les chances d'appartenir à une catégorie inférieure, que l'employeur demeure tenu de proposer même s'ils sont assortis d'une rémunération inférieure à celle que perçoit le salarié en France, que l'employeur doit toujours proposer aux salariés... Tout ça pour ça !
Si l'objectif était véritablement de dispenser les employeurs qui procèdent à des licenciements pour motif économique de proposer au titre du reclassement des emplois assortis de rémunérations inférieures, alors, il convenait d'ajouter cette nouvelle condition non pas à la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1233-4, mais bien après les deux phrases de ce même alinéa et dans une formule les englobant toutes deux. Comme d'habitude, malheureusement, aucune expertise juridique sérieuse n'a été réalisée sur ce texte qui va entrer en application et poser certainement autant de problèmes qu'il ne prétendait en résoudre.
III - La validation des questionnaires de mobilité
La loi du 18 mai 2010 a donc reconnu la valeur des questionnaires de mobilité que la Cour de cassation avait jusque là écarté et créé, pour ce faire, un nouvel article L. 1233-4-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3134IMZ) : "lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.
Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus.
Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant à celles qu'il a accepté de recevoir".
La lecture de ce texte appelle, bien entendu, des commentaires.
Il s'agit de permettre à l'employeur et au salarié de restreindre, avant toute mise en oeuvre de la procédure de reclassement, le périmètre géographique de celui-ci. La formulation du premier alinéa du nouvel article L. 1233-4-1 n'appelle pas, ici, de remarques spécifiques car le salarié peut valablement circonscrire son accord, et donc sa renonciation, en écartant certains pays, ou certaines régions, en mettant des réserves tenant au niveau de rémunération, ou toutes autres conditions autorisées par l'usage de l'adverbe "notamment", qui montre que le salarié est libre de ses choix.
Le délai pour réfléchir est bref, puisqu'il a été fixé à six jours ouvrables, soit une semaine complète dans la plupart des cas, sauf jours fériés qu'il conviendra d'ajouter au décompte excluant par hypothèse le dimanche.
Ce délai part de la "réception" de la proposition de l'employeur. Même si la loi ne fixe pas les modalités de ce questionnaire, l'employeur aura tout intérêt à se préconstituer la preuve que le salarié a bien "reçu" sa requête, par tout moyen utile (recommandé avec demande d'avis de réception, lettre suivi, accusé de réception de courriel, remise en main propre moyennant signature, voire notification ou signification).
La loi précise que le silence du salarié vaut refus, c'est-à-dire qu'il ne souhaite pas recevoir d'offres situées en dehors du territoire national, quelles qu'elles soient, ce qui constitue le pendant de la solution qui prévaut lorsque l'employeur propose au salarié la modification d'un élément essentiel de son contrat de travail pour motif économique, où le silence du salarié à l'issue du délai d'un mois vaut acceptation de la proposition (17). Il s'agit, en effet, de considérer que le silence du salarié vaut accord avec l'employeur ; et comme il s'agit ici de demander au salarié s'il est d'accord pour ne pas recevoir d'offre d'emplois situés à l'étranger, alors le silence vaut renonciation à ces offres.
La solution choisie, si elle se comprend dans une optique d'efficacité managériale, n'est guère satisfaisante car elle risque d'entraîner des renonciations non désirées. On peut regretter ici que la loi n'ait pas prévu une information écrite du salarié sur les conséquences d'un défaut de réponse et dont l'absence aurait pu être sanctionnée par l'inopposabilité de ce délai.
La loi prévoit, enfin, les conséquences d'une réponse positive expresse du salarié et que ce dernier devra être informé des suites données à ses souhaits, quelles qu'ils soient.
Reste ici encore à se demander si la nouvelle procédure mise en place remplit sa fonction et limitera l'obligation faite à l'employeur de proposer aux salariés des dizaines de postes situés à l'étranger et dont on sait pertinemment que le salarié les refusera.
La règle selon laquelle le silence gardé à l'issue du délai de six jours ouvrables semble de nature à garantir la réussite de l'opération. Certes, le salarié a toujours la possibilité de répondre à l'employeur dans le délai de six jours ouvrables pour s'ouvrir la possibilité d'un reclassement à l'étranger, et tenter, le cas échéant, d'obtenir du juge le constat que l'employeur aurait manqué à ses obligations en "oubliant" certaines offres d'emploi équivalent assortis d'une rémunération équivalente ou, à défaut, d'emplois de catégorie inférieure. Mais gageons que dans l'immense majorité des cas les salariés qui, massivement, ne souhaitent pas s'expatrier après un licenciement, ne répondront pas à l'employeur pour se concentrer sur un reclassement dans le cadre national.
(1) Dernièrement lire la chronique de J.-Y. Frouin, Protection de l'emploi du salarié, intérêt de l'entreprise et construction prétorienne du droit du travail, JCP éd. S, n° 9, 2 mars 2010, p. 1088.
(2) C. trav., art. L. 1233-4 (N° Lexbase : L1105H9S).
(3) Cass. soc., 13 janvier 2010, n° 08-15.776, Société San Carlo Gruppo Alimentare SPA, FS-P+B (N° Lexbase : A2943EQ3).
(4) Cass. soc., 7 octobre 1998, n° 96-42.812, Société Landis et Gyr Building Control c/ M. Bellanger (N° Lexbase : A5643ACY).
(5) Les offres à l'étranger ne sont obligatoires que si le salarié a "manifesté à sa demande [son] intérêt de principe pour un reclassement à l'étranger" (CE 3° et 8° s-s-r., 4 février 2004, n° 255956, Société Owens Corning Fiberglass France N° Lexbase : A2593DBN). La solution ne vaut, toutefois, que pour les offres d'emplois à l'étrangers, mais non sur le sol national (CE 3° et 8° s-s-r., 13 avril 2005, n° 258755, Association Secours catholique N° Lexbase : A8440DH3).
(6) Instruction DGEFP n° 2006-01 du 23 janvier 2006, concernant le reclassement des salariés à l'étranger.
(7) Cass. soc., 4 mars 2009, n° 07-42.381, Société PB et M, venant aux droits de la société Pinault Bois et Matériaux, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6328EDQ) et les obs. de Ch. Willmann, Le licenciement pour motif économique sous haute surveillance judiciaire, Lexbase Hebdo n° 343 du 26 mars 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9911BIW) ; Dr. Ouvrier, 2009, p. 395, note F. Dumoulin ; CSBP, 2009, n° 211, p. 146, note N. Saïda-Saliha ; JCP éd. E, n° 20-21, 15 mai 2009, p. 38, note S. Béal ; JCP éd. G, 2009, II, 10082, note D. Corrignan-Carsin ; RDT, 2009, p. 306, note J.-Y. Frouin ; JCP éd. S, 2009, n° 18, p. 33, note P.-Y. Verkindt ; SSL, n° 253, 14 avril 2009, p. 9, note M. Hautefort ; SSL, n° 1391, 16 mars 2009, rapp. J. Sauviré.
(8) En ce sens, P. Bailly, pour qui la décision du salarié peut être "déterminée par d'autres facteurs que la situation géographique de l'emploi et [...], au moment du choix d'une offre, le critère géographique pourra être contrebalancé par d'autres éléments comme l'intérêt de l'emploi, les avantages matériels qu'il comporte, etc." (P. Bailly, Actualité jurisprudentielle du licenciement économique, SSL, 3 février. 2009, p. 3).
(9) Cass. soc., 11 juillet 2001, n° 98-46.392, Société Transports Decoux c/ M. Bernard Bresson (N° Lexbase : A1875AUY) ; Cass. soc., 7 novembre 2007, n° 06-43.108, Mme Roselyne Cornn, épouse Bérenguer, F-D (N° Lexbase : A4271DZ9) ; Cass. soc., 24 juin 2008, n° 06-45.870, FS-P+B (N° Lexbase : A3616D9S), Dr. soc., 2009, p. 1165, note G. Couturier ; JCP éd. S, 2008, p. 1522, note F. Dumont.
(10) Cass. soc., 4 mars 2009, n° 07-42.381, préc..
(11) Hostilité légèrement réduite après Cass. soc., 13 novembre 2008, n° 06-46.227, JCP éd. G, 2009, II, 10035, note D. Jacotot, la Cour n'ayant pas condamné un employeur qui avait limité ses recherches dans le secteur où le salarié lui avait indiqué vouloir un poste.
(12) Proposition n° 1672 enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 13 mai 2009, sur laquelle lire SSL, n° 1420, 9 novembre 2009, comm. F. Géa. Le texte affirmait que, "lorsque les emplois proposés pour le reclassement sont situés à l'étranger, ils doivent assurer au salarié le respect des règles de l'ordre public social français en matière de rémunération". cette dernière formule a été écartée en raison de son caractère abscons.
(13) Publiée au Journal officiel du 19 mai 2010, p. 9209.
(14) Exposé des motifs de la proposition n° 1672, préc..
(15) "Si les auteurs de la proposition de loi ne souhaitent pas restreindre géographiquement les offres de replacement, qui sont susceptibles, quand elles sont souhaitées, de constituer une expérience enrichissante pour les salariés d'un point de vue professionnel comme personnel, ils entendent garantir aux salariés concernés, une rémunération équivalente à celle qu'ils percevaient dans leur précédent emploi, même à l'étranger".
(16) Sur la reconnaissance de la mauvaise foi de l'employeur dans la mise en oeuvre de son obligation de reclassement, dernièrement : Cass. soc., 19 mai 2010, n° 09-40.690, Société Puig prestige beauté, F-D (N° Lexbase : A3904EXU).
(17) C. trav., art. L. 1222-6 (N° Lexbase : L0818H98).
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Réf. : CE référé, 29 avril 2010, n° 338462, M. Jean-Hugues Matelly, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7844EWG)
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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz
Le 07 Octobre 2010
Dans chacune des publications, M. X est cité strictement et exclusivement en tant que chercheur au CESDIP-CNRS. Néanmoins, et nonobstant le cadre scientifique de l'expression de la réflexion et des précautions prises pour séparer clairement cette oeuvre de l'esprit et son commentaire de ses fonctions d'officier, le militaire de 44 ans a fait l'objet, en juin 2009, d'une procédure disciplinaire pour "manquement grave" à son devoir de réserve, qui s'est conclue par sa radiation des cadres, c'est-à-dire sa révocation. C'est le ministre de la Défense qui engagea les poursuites disciplinaires le 7 janvier 2009, par un ordre de renvoi devant un conseil d'enquête (8). Ce dernier notifiait un avis, le 14 octobre 2009, qui indiquait "que le chef d'escadron [...] de la région de gendarmerie de Picardie, devait faire l'objet d'une radiation des cadres pour mesure disciplinaire" et, suivant cet avis, le Président de la République prononçait, par décret du 12 mars 2010, la radiation pour manquement réitéré au devoir de réserve.
Si l'intéressé a d'abord demandé au Conseil d'Etat d'annuler au fond ce décret du 12 mars 2010, il a aussi, dans un premier temps, introduit une demande de suspension de la sanction selon la procédure dite du "référé-liberté" prévue par l'article L. 521-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3058ALT). Dans ce cadre, le juge des référés du Conseil d'Etat a, le 30 mars 2010, rejeté cette demande (9). Il a considéré que n'était pas constituée une situation d'urgence suffisamment caractérisée nécessitant une intervention du juge dans le délai de quarante-huit heures prescrit par ce texte, qui est seule de nature à permettre le recours au référé-liberté.
M. X a alors introduit une nouvelle demande de suspension, cette fois selon la procédure dite de "référé-suspension", prévue à l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS). Selon cet article, le juge peut suspendre la totalité ou certains seulement des effets de la décision contestée, si deux conditions sont remplies : il faut qu'existent à la fois une situation d'urgence, cette condition étant, toutefois, plus souple que dans le cadre du référé-liberté, puisqu'il n'est pas exigé que la protection d'une liberté fondamentale rende nécessaire l'intervention du juge des référés dans les quarante-huit heures, et un doute sérieux sur la légalité de la décision administrative contestée.
C'est à cette seconde demande de suspension que le juge des référés du Conseil d'Etat vient, en l'espèce, faire partiellement droit. Il juge, tout d'abord, que la condition d'urgence est remplie, en relevant à ce titre que la sanction a pour effet de priver l'intéressé de sa rémunération et de le contraindre à quitter son logement de fonction, sans que l'administration avance d'éléments contrebalançant l'importance de ces conséquences sur sa situation. Le juge estime, ensuite, que l'argumentation de M. X, fondée sur le caractère disproportionné, au regard des faits qui lui sont reprochés, de la sanction de radiation des cadres, la plus sévère susceptible d'être infligée à un militaire, crée un doute sérieux sur sa légalité. Compte tenu de ces éléments, le juge ordonne la suspension des effets les plus dommageables de la sanction infligée, à savoir la privation de rémunération et l'obligation de libérer le logement de fonction occupé. Pour le surplus, le décret contesté demeure donc applicable, en tant qu'il exclut l'intéressé du service.
Si le Conseil d'Etat reste saisi de l'affaire au fond et devra se prononcer définitivement sur la légalité du décret contesté, la décision du juge des référés sonne comme une première victoire pour M. X, car au-delà des vicissitudes de l'appréciation de la notion d'urgence dans le cadre des procédures de référés (I), la décision, même si elle ne préjuge pas du fond, s'analyse comme un prélude à la constatation de l'illégalité du décret prononçant la radiation du gendarme (II).
I - Une mesure provisoire de suspension qui témoigne de la différence d'appréciation de la notion d'urgence dans les procédures de référé
Le juge des référés du Conseil d'Etat s'est à la fois prononcé sur l'atteinte à une liberté fondamentale dans le cadre du référé-liberté (A), comme sur l'existence d'un doute sérieux sure la légalité de la décision dans le cadre du référé-suspension (B), confirmant, par la même, sa différence d'appréciation de la notion d'urgence dans le cadre de ses deux procédures de référé.
A - Le rejet du référé-liberté
Le référé-liberté demandant la suspension du décret présidentiel de radiation des cadres a été immédiatement rejeté dans le cadre de la procédure de "tri" de l'article L. 522-3 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3065AL4) pour défaut d'urgence (10). Pour le président de la Section du contentieux, Bernard Stirn, quelle que soit la gravité de la sanction, la mesure ne fait pas apparaître une situation d'urgence caractérisée qui rendrait nécessaire l'intervention du juge des référés dans les quarante-huit heures. Ce motif de rejet est très fréquent dans la mesure où, si le référé liberté peut être qualifié de "roi des référés" (11), l'urgence exigée n'est pas interprétée de la même manière que l'urgence requise au titre du référé-suspension. L'on peut dire, sans jouer sur les mots, que l'urgence du référé-liberté doit être d'un caractère plus urgent que celle du référé-suspension, eu égard au fait que, dans le cadre d'un référé-liberté, le juge doit, notamment, se prononcer dans un délai de quarante-huit heures. La notion d'urgence est donc susceptible de varier au gré des référés, à chaque référé son urgence, la jurisprudence semblant, en tout cas, clairement s'orienter dans cette direction (12).
Les affaires en ce sens, intéressant la fonction publique, ne sont pas très nombreuses, et même si le Conseil d'Etat a très tôt accepté la possibilité d'atteinte à une liberté fondamentale en matière de fonction publique (13), les atteintes réelles ont été très peu nombreuses. Il a, ainsi, pu être jugé qu'une exclusion temporaire d'un an, fut-elle illégale, ne constituait pas, en elle-même, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens des dispositions relatives au référé liberté (14).
L'on peut aussi citer tous les référés du juge Y, ce juge membre du syndicat de la magistrature ayant multiplié les injures et les recours à l'encontre d'autorités politiques ou judiciaires, qui avait tour à tour été révoqué, réintégré, puis révoqué à nouveau par les différents Gouvernements de droite et de gauche qui s'étaient succédés au pouvoir. Le juge invoquant, notamment, au gré de ses référés, par exemple, une atteinte grave et manifestement illégale au principe constitutionnel d'inamovibilité des magistrats du siège (15), ou à la liberté fondamentale que constitue son droit à pension tel que consacré par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme sur le fondement de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) (N° Lexbase : L1625AZ9) (16).
Enfin, l'affaire "Centre hospitalier de Valence", jugée à propos d'un praticien hospitalier privé de l'exercice effectif de ses fonctions pouvait poser plus de difficultés puisque, privé d'exercer concrètement ses fonctions, le praticien soutenait que le centre hospitalier portait atteinte à sa liberté de travail. Il faisait, également, valoir à l'appui de sa demande de référé, que le caractère urgent tenait à ce que l'absence de pratique de la chirurgie risquait d'entraîner une régression dans l'exercice professionnel. Le Conseil d'Etat n'a pas suivi cette argumentation et a refusé de considérer cette situation comme constitutive d'une atteinte grave à une liberté fondamentale (17).
On l'a compris à la lumière de ces exemples, il y a application en l'espèce d'une jurisprudence classique mais sévère quant à la reconnaissance effective d'une atteinte à une liberté fondamentale. L'atteinte grave et immédiate à la liberté d'expression et à la liberté d'information du gendarme, alors même qu'il ne s'exprimait que dans le cadre de ses activités de chercheur, et nullement en sa qualité de militaire, s'ajoute à la longue liste de jurisprudence prise dans ce cadre, alors même qu'était établi un préjudice financier important puisque le décret le privait de son emploi, l'obligeait à prendre un nouveau logement, et avait des conséquences sur ses droits à la retraite.
B - L'approbation du référé-suspension
Se prononçant sur le référé-suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative, le juge des référés du Conseil d'Etat suspend donc partiellement certains effets de la décision. Il considère, tout d'abord, la condition d'urgence remplie : la mesure de radiation des cadres porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation, car elle a pour effet de le priver de sa rémunération et de le contraindre à quitter le logement de fonctions (18). Dans le cadre de l'appréciation globale de l'urgence et de la mise en balance des intérêts en présence, le juge des référés estime que l'intérêt public avancé par le ministère, c'est-à-dire la circonstance que la radiation se fonde sur un manquement au devoir de réserve "dont le respect est nécessaire à la discipline et à la cohésion des armées" n'est pas suffisant pour contrebalancer l'atteinte constatée.
Si l'urgence est ainsi caractérisée en l'espèce, il faut noter qu'elle peut être constituée par l'immédiateté suffisante du préjudice mais, également, en raison simplement de la gravité du préjudice, sans pour autant que celui-ci soit nécessairement irréversible. La condition d'urgence est ainsi satisfaite à propos de la demande de suspension de toutes mesures faisant obstacle au versement au demandeur de son traitement. Il en va naturellement d'une décision de licenciement en fin de stage pour insuffisance professionnelle privant un agent stagiaire de son emploi et bouleversant, en conséquence, ces conditions d'existence (19). Il en est de même de mesures suspendant le versement du traitement d'un fonctionnaire et le privant de toute ressource (20), d'une décision mettant fin aux fonctions d'un agent (21), d'une mesure d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois dont trois avec sursis (22), ou encore même d'une décision rejetant une demande de congé de longue durée, faisant donc obstacle au versement du traitement (23). Il n'y a, en revanche, pas urgence lorsque est en cause une décision infligeant un blâme, en l'absence de toute circonstance particulière (24), ou quand est querellée une sanction disciplinaire sans conséquence sur la rémunération du policier municipal averti (25).
S'agissant du doute sérieux sur la légalité, le juge des référés estime que la radiation des cadres, "la sanction la plus sévère qui puisse être infligée à un militaire", est "manifestement disproportionnée au regard des faits en cause". La qualification de "faute disciplinaire" pour les faits retenus n'est cependant "pas contestée" par le juge. Aucune mention n'est faite par le Conseil d'Etat sur la qualité de chercheur de M. X, utilisée pour les écrits ou les propos médiatiques qui lui sont reprochés. Par suite, le juge des référés ordonne la suspension de l'exécution du décret attaqué, "en tant seulement qu'il a pour effet de [le] priver [...] de sa rémunération et de la jouissance de son logement de fonction", mais rejette ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de le rétablir dans ses fonctions et dans l'ensemble des autres droits et prérogatives dont il a pu être privé".
Il faut rappeler que le juge des référés ne peut prononcer que des mesures provisoires. C'est pourquoi il prononce la suspension de certains effets de la décision de révocation -ceux ayant les effets matériels les plus dommageables-, mais ne peut, dans le cadre de son office, prononcer une décision qui aurait le même effet que l'annulation de la révocation. Mais, de ce fait, le requérant n'est pas réintégré dans ses fonctions, dans l'attente de la décision au fond. Comme a pu le préciser le Conseil d'Etat dans son communiqué sur la décision, il "reste saisi de l'affaire au fond et devra se prononcer définitivement sur la légalité du décret contesté". Mais lorsque la suspension de la décision litigieuse est accordée par le juge et, bien qu'il ne soit pas saisi du principal, l'on est fondé à penser qu'il sera très souvent difficile au juge du fond de ne pas constater l'illégalité de la décision. Dans l'esprit des requérants, à défaut de celui du juge, l'octroi de la suspension équivaudra à un "pré-jugement" du litige.
II - Une mesure provisoire de suspension, prélude à la constatation de l'illégalité de la sanction disciplinaire
La mesure provisoire de suspension du décret infligeant la sanction disciplinaire ne préjuge pas du fond, mais comme a pu le souligner le juge des référés du Conseil d'Etat, la sanction apparaît nettement disproportionnée (A), et la question se pose de savoir si le cadre discipliné de l'expression militaire ne va pas s'en trouver bouleversé par la suite (B).
A - Une sanction disciplinaire qui apparaît nettement disproportionnée
Les dispositions combinées des articles L. 4137-1 (N° Lexbase : L2593HZ3) et L. 4137-2 (N° Lexbase : L6134IAG) du Code de la défense prévoient que les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent à des sanctions disciplinaires réparties en trois groupes et qui sont, respectivement, pour le premier, l'avertissement, la consigne, la réprimande, le blâme, les arrêts et le blâme du ministre ; pour le deuxième, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération, l'abaissement temporaire d'échelon et la radiation du tableau d'avancement ; et, enfin, pour le troisième groupe, le retrait d'emploi et la radiation des cadres.
Pour des faits similaires en 2003 (26), les supérieurs hiérarchiques de l'officier lui avaient déjà donné l'ordre de ne plus communiquer avec la presse avant, dans un second temps, de lui infliger un blâme pour s'être exprimé dans les médias sans en demander l'autorisation préalable à sa hiérarchie. Aucun des recours contre les deux décisions ne prospéra, ni contre la décision verbale (27), ni contre la sanction disciplinaire qui ne fut, cependant, annulée que pour une irrégularité de procédure (28).
Si le blâme (amnistié depuis) a été confirmé par le Conseil d'Etat, il le fut aussi par la Cour européenne des droits de l'Homme, compte tenu, notamment, de l'"analyse minutieuse des faits de la cause" par les autorités internes, le "caractère limité de l'interdiction de communiquer avec la presse" et "la gravité modérée" de la sanction disciplinaire (29). La Cour jugea, notamment, que l'ingérence dans la liberté d'expression était conforme à l'article 10 de la CESDH car elle était prévue par la loi française, poursuivait le but légitime de "défense de l'ordre dans les forces armées" et n'était pas disproportionnée. La Cour estima que les propos du requérant pouvait porter atteinte à la crédibilité du corps militaire et à la confiance du public dans l'action de la gendarmerie, la restriction de la liberté d'expression étant justifiée car nécessaire à la défense de l'ordre et de la discipline militaire.
Enfin un second blâme lui a été infligé en décembre 2007, également pour manquement à l'obligation de réserve (30), toujours pour des faits similaires, excepté le fait qu'après mise en demeure de sa hiérarchie de cesser de s'exprimer dans les médias, l'officier est de nouveau intervenu dans les médias (31). Le blâme a été prononcé en se fondant, notamment, sur ce qu'il n'avait pas tenu compte de cette injonction du respect du devoir de réserve. Le Conseil d'Etat confirme cette sanction en écartant l'ensemble des arguments du requérant et en affirmant que la sanction était justifiée et proportionnée eu égard aux interventions médiatiques qui excédaient, selon la Haute juridiction, "par leur nature et leur tonalité, les limites que les militaires doivent respecter en raison de la réserve à laquelle ils sont tenus à l'égard des autorités publiques".
Si les décisions à l'encontre de M. X ont toutes été jusqu'à maintenant en sens contraire, il n'est pourtant pas sûr qu'il en soit ainsi pour la décision rendue au fond dans ce dernier cas d'espèce. La principale faiblesse de la sanction infligée au gendarme, quant à sa légalité, réside dans son caractère disproportionné. Il faut rappeler, à cet égard, le déclin du contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation au profit du contrôle entier dans le contentieux des sanctions, favorisant l'intensité du contrôle dans la vérification du caractère proportionné de la sanction (32). L'on peut se demander si la jurisprudence "Lebon", qui caractérise l'application d'un contrôle restreint du juge administratif sur les sanctions infligées sur les fonctionnaires ou agents publics (33), ne va pas être abandonnée pour l'occasion. Le contrôle normal est désormais exercé sur les sanctions infligées aux professionnels (34), aux élus (35), aux athlètes (36), voire, également, aux magistrats (37), toute l'évolution jurisprudentielle allant dans ce sens.
B - La fin des mécanismes verrouillant toute expression critique des militaires ?
La liberté d'opinion ne se conçoit que si les opinions peuvent être exprimées, d'où la reconnaissance de la liberté d'expression des fonctionnaires. Cette liberté doit juste être conciliée avec l'obligation d'obéissance, plus forte pour le personnel en uniforme, avec l'obligation de réserve, et avec l'obligation de discrétion professionnelle et le principe de neutralité. L'exercice du droit à la liberté d'expression des militaires a traditionnellement été strictement encadré (38), et le juge administratif a interprété strictement ce devoir de réserve particulier eu égard aux missions spécifiques que les militaires doivent remplir. L'on retiendra que sont considérées comme enfreignant le devoir de réserve : l'utilisation de la fonction exercée comme instrument de propagande et les déclarations faisant douter de la neutralité et d'un minimum de loyalisme envers les institutions. En outre, le juge prend en compte deux facteurs : la diffusion des propos et la situation dans la hiérarchie, plus le militaire ayant de responsabilité et, en toute logique, d'expérience et de compétence, plus il est invité à se taire. Le Conseil d'Etat parait veiller, toutefois, à ce qu'aucun militaire ne soit sanctionné par sa hiérarchie, indirectement et en dehors des procédures prévues, pour des propos tenus en dehors du service (39).
De manière générale, il faut noter qu'au niveau européen la situation faite aux militaires s'est progressivement libéralisée. D'une part, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme va en ce sens (excepté la décision mentionnée préalablement), en consacrant un devoir de réserve relatif et en garantissant, au profit des policiers ou des militaires, fussent-ils gradés, un exercice large de la liberté d'expression (40). D'autre part, il faut noter qu'aujourd'hui une minorité des effectifs est appelé au combat et que la professionnalisation des armées nécessite un recrutement important. Il convient donc d'offrir aux militaires un statut plus libéral sur le plan des droits fondamentaux. Le statut général des militaires a aujourd'hui évolué (41), mais plutôt dans la continuité. Il n'y a donc pas de réels changements sachant, notamment, que l'article sur le devoir de réserve a été purement reproduit (42). Le seul changement positif étant la suppression du régime de l'autorisation préalable, il n'est plus nécessaire pour les militaires d'obtenir l'autorisation de leur ministre lorsqu'ils souhaitent s'exprimer publiquement notamment sur des questions politiques, le contrôle a priori étant remplacé par un contrôle a posteriori.
Reste le problème de la liberté de participation individuelle au débat public du militaire dont les idées ne sont pas en parfait accord avec les positions officielles. La réserve assignée aux militaires serait d'abord indispensable au maintien de la discipline et à l'efficacité de la défense. Il faut, à cet égard, reprendre les propos du requérant qui pose la question de savoir si c'est "la discipline ou la liberté qui est la force principale des armées ?" (43). Autre argument mis en valeur, une troupe muette serait nécessaire à la préservation de l'autorité et du prestige du chef. Toujours selon les propos du requérant, "les qualités mêmes du gradé, son intelligence, ses compétences ne lui permettraient-elles pas d'emporter la conviction et l'adhésion de ses subordonnés ? Quelle est la mission la plus noble : commander des robots ou mener des hommes ?" (44). Enfin, le silence imposé aux militaires serait indispensable à la préservation de la démocratie. Là encore, les propos du requérant apparaissent assez pertinents, ce dernier affirmant, qu'"au contraire, la liberté d'expression est la première condition de l'enracinement démocratique, parce qu'elle permet l'échange des idées, le dévoilement des erreurs ou des dévoiements. La liberté d'expression des militaires n'est-elle pas, en réalité, le meilleur moyen de contrôle permanent de la force armée ?" (45). Il reviendra au Conseil d'Etat de trancher le débat sur le fond. Nul doute que sa décision sera attendue avec impatience.
(1) Cf. loi n° 2009-971 du 3 août 2009, relative à la gendarmerie nationale (N° Lexbase : L6083IEZ), JO, 6 août 2009, p.13112. Cette loi a un caractère incontestablement "historique", puisque la précédente loi sur l'organisation et les missions de la gendarmerie datait de la loi du 28 germinal an VI (17 avril 1798), relative à l'organisation de la gendarmerie nationale (JO, 20 août 1944, p. 304), et les règles régissant le statut et les missions de la gendarmerie reposaient sur un simple décret du 20 mai 1903, portant règlement sur l'organisation et le service de la gendarmerie (JO, 19 juillet 1903, p. 4599).
(2) Il est coutumier de faire remonter à 2002 le début du processus de rapprochement entre les deux forces de sécurité. Le décret n° 2002-889 du 15 mai 2002, relatif aux attributions du ministre de l'Intérieur (N° Lexbase : L3761IMA) (JO, 16 mai 2002, p. 9245), a d'abord précisé que, "pour l'exercice de ses missions de sécurité intérieure, le ministre de l'Intérieur [...] est responsable de l'emploi des services de la gendarmerie nationale [...]. A cette fin, en concertation avec le ministre chargé de la Défense, il définit les missions de ces services autres que celles qui sont relatives à l'exercice de la police judiciaire, il détermine les conditions d'accomplissement de ces missions et les modalités d'organisation qui en résultent". De fait, cette disposition administrative lui attribue des pouvoirs substantiels puisque les missions de police de la gendarmerie représentent, évidemment, l'essentiel de son activité. Une nouvelle étape est franchie avec la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (N° Lexbase : L6285A4K) (JO, 30 août 2002, p. 14398), qui prévoit une nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure, organisée au niveau national autour du Conseil de sécurité intérieure présidé par le chef de l'Etat, du Gouvernement et du ministre de l'Intérieur. Elle précise que cette architecture est transposée au niveau départemental, où le préfet assure la coordination de l'ensemble du dispositif. A partir de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, de finances pour 2006 (N° Lexbase : L6429HET) (JO, 31 décembre 2005, p. 20597), les crédits de la police nationale et ceux de la gendarmerie sont regroupés dans une même mission interministérielle "sécurité". Puis, le décret n° 2007-997 du 31 mai 2007 (N° Lexbase : L6465HXQ), relatif aux attributions du ministre de l'Intérieur (JO, 1er juin 2007, p. 9962), établit une responsabilité conjointe du ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur, s'agissant de la définition des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie nationale et de leur suivi.
(3) Cette crainte s'appuie, de même, sur les réductions d'effectifs qu'induit la révision générale des politiques publiques (RGPP). La suppression de postes d'ici à 2011 ne pouvant que favoriser une mutualisation des moyens humains et matériels peu propice à la préservation d'une dualité statutaire perçue, par beaucoup, comme contre-productive.
(4) La documentation française, n° 80, I/2009.
(5) Laurent Mucchielli et Christian Mouhanna, respectivement directeur et chargé de recherches au CNRS et au CESDIP.
(6) Site internet Rue 89.
(7) "Les rendez-vous d'Europe 1 soir" en début de soirée, en raison des indisponibilités des co-auteurs en cette nuit de réveillon, M. X s'avérant le plus à même de participer à l'émission, réunissant deux autres spécialistes, à savoir M. Jean-Yves Fontaine, sociologue et auteur de nombreux ouvrages sur les gendarmes, et M. Jean-Dominique Merchet, journaliste accrédité Défense et spécialiste des questions militaires au journal Libération.
(8) L'ordre de renvoi stipulant que, même si l'intervention du gendarme avait été présenté comme s'exprimant en qualité de chercheur, cette position ne le dispensait pas de l'exigence de loyalisme et de neutralité lié à son statut militaire, sa qualité de chef d'escadron de la gendarmerie nationale étant citée et diffusée par les médias. En conséquence, le gendarme commettait un manquement grave à l'obligation de réserve et un tel comportement était contraire à la déontologie et à l'éthique militaire.
(9) CE référé, 29 avril 2010, n° 338462, M. Jean-Hugues Matelly, mentionné dans les tables du recueil Lebon.
(10) Le juge administratif des référés tient de l'article L. 522-3 du Code de justice administrative le pouvoir de rejeter immédiatement une requête en référé sans instruction ni audience. En effet, l'article précité dispose que, "lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1".
(11) R. Chapus, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 10ème édition, 2002, p. 1234.
(12) Voir, par exemple, CE référé, 4 février 2004, n° 263930, Commune d'Yvrac (N° Lexbase : A2601DBX).
(13) Il a, à ce propos, jugé que, "si la décision mettant fin aux fonctions d'un agent public à la suite d'un refus de titularisation n'est pas, par son seul objet, de nature à porter atteinte à une liberté fondamentale, les motifs sur lesquels se fonde cette décision peuvent, dans certains cas, révéler une telle atteinte" (CE, Sect., 28 février 2001, n° 229163, Casanovas N° Lexbase : A0825ATQ, RFDA, 2001, p. 399, concl. P. Fombeur).
(14) CE référé, 27 juin 2002, n° 248076, Centre hospitalier général de Troyes (N° Lexbase : A8398EPQ), AJFP, 2002, n° 6, p. 50.
(15) CE référé, 10 juillet 2006, n° 294971, Bidalou (N° Lexbase : A6615DQ3), au motif que le décret de réintégration l'avait nommé à des fonctions du Parquet sans son consentement, le principe d'inamovibilité des magistrats du siège n'a pas un caractère absolu. Il ne fait pas obstacle à ce que soit prise à l'encontre d'un magistrat du siège, dans le respect des garanties prévues par la Constitution et la loi organique, une sanction disciplinaire pouvant consister, notamment, en un déplacement d'office, une mise à la retraite d'office, ou une mesure de révocation.
(16) CE, 20 octobre 2009, n° 332512, Bidalou (N° Lexbase : A8042EMS), où, pour justifier de l'urgence, il invoque le risque d'être privé de toutes ressources et de tous droits sociaux et qu'il atteindra le 9 janvier 2010 l'âge de la retraite de 65 ans. Toutefois, les circonstances invoquées et les documents produits par le requérant ne suffisent pas à justifier l'intervention, dans de très brefs délais, d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative.
(17) CE, 13 mai 2002, n° 246551, Centre hospitalier de Valence c/ Nouri (N° Lexbase : A9688EX4), JCP éd. A, 2002, n° 1012, note D. Jean-Pierre.
(18) Et ce, même s'il peut bénéficier d'un revenu de remplacement prévu à l'article L. 4123-7 du Code de la défense (l'équivalent des Assedic, l'Etat étant son propre assureur pour le chômage de ses agents involontairement privés d'emploi).
(19) CE, 3 novembre 2003, n° 254026, Baakrim c/ Ville de Lyon (N° Lexbase : A0964DAX).
(20) CE, 22 juin 2001, n° 234434, Creurer (N° Lexbase : A5277B8X) ou CE, 5 décembre 2001, n° 233604, Thomas (N° Lexbase : A7461AXM).
(21) CE, 25 avril 2001, n° 230439, Commune d'Angles (N° Lexbase : A7186B8N).
(22) CE, 6 avril. 2001, n° 230338, France Télécom (N° Lexbase : A2540ATA).
(23) CE, 18 décembre 2001, n° 240061, Mme Rücklin (N° Lexbase : A8393EPK).
(24) CE, 22 mars 2002, n° 244321, Matelly (N° Lexbase : A7454AYQ).
(25) CE, 3 novembre 2003, n° 252373, Commune de Vendargues (N° Lexbase : A0960DAS).
(26) M. X avait publié un article critique sur le management dans la gendarmerie et l'usage des statistiques dans une revue spécialisée (Les cahiers de la sécurité intérieure), repris dans un entretien au journal Libération.
(27) CE, référé, 5 février 2003, n° 253871, Matelly (N° Lexbase : A9689EX7) (référé liberté) ; CE, ord., 19 mars 2003, n° 254524 (N° Lexbase : A9708EXT) (référé suspension) ; CE, 10 novembre 2004, n° 256572, Matelly (N° Lexbase : A8937DDD) (au fond), et CE, 7 juin 2006, n° 275601, Matelly (N° Lexbase : A8339DPK) (au fond).
(28) CE, 19 mai 2004, n° 245107, Matelly (N° Lexbase : A2108DC3).
(29) CEDH, 15 septembre 2009, Req. 30330/04, Matelly c/ France (N° Lexbase : A1847EXP).
(30) CE 2° et 7° s-s-r., 9 avril 2010, n° 312251, M. Matelly, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5657EU3).
(31) L'édition du journal dans lequel il avait co-rédigé l'éditorial reproché a été imprimée et distribuée dans les derniers jours du mois d'octobre 2007, soit après la mise en demeure dont il avait fait l'objet.
(32) Voir, en ce sens, F. Melleray, De l'erreur manifeste d'appréciation au contrôle entier en matière de contentieux des sanctions, DA, 2010, n° 5, mai, comm. n° 82.
(33) CE, Sect., 9 juin 1978, n° 05911, Lebon (N° Lexbase : A6577B7Q), Rec. CE, p. 245, AJDA, 1978, p. 573, concl. B. Genevois.
(34) CE, sect., 22 juin 2007, n° 272650, Arfi (N° Lexbase : A8587DWX), Rec. CE, p. 263, concl. M. Guyomar.
(35) CE, 2 mars 2010, n° 328843, Dalongeville (N° Lexbase : A1656ETI).
(36) CE, 2 mars 2010, n° 324439, Fédération française d'athlétisme (N° Lexbase : A6450ESP).
(37) CE, 27 mai 2009, n° 310493, Hontang (N° Lexbase : A3389EHY), où le Conseil d'Etat opère un contrôle entier sur une sanction infligée à un magistrat du Parquet.
(38) Voir l'article 7 de l'ancien statut général des militaires de 1972 (loi n° 72-662 du 13 juillet 1972, portant statut général des militaires N° Lexbase : L6498AGR, JO, 14 juillet 1972, p. 7430), selon lequel "les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques sont libres. Elles ne peuvent, cependant, être exprimées qu'en dehors du service et avec la réserve exigée par l'état militaire".
(39) Cf. CE, 27 juillet 2005, n° 260139, Lewden (N° Lexbase : A1324DKA), où un médecin du service de santé des armées avait dénoncé certains dysfonctionnements dans ce service mais avait, néanmoins, été proposé au tableau d'avancement. L'inscription à ce tableau avait été refusée par le ministre, mais elle a été annulée par le Conseil d'Etat pour erreur manifeste d'appréciation.
(40) CEDH, 19 décembre 1994, Req. 34/1993/429/508, Vereinigung Demokratischer Osterreichs et Gubi c/ Autriche (N° Lexbase : A6640AWT), Série A, n° 302.
(41) Cf. loi n° 2005-270 du 24 mars 2005, portant statut général des militaires (N° Lexbase : L1292G8D), JO, 26 mars 2005, p. 5098.
(42) L'article 4 de la loi de n° 2005-270 ne faisant que reproduite l'ancien article 7 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972.
(43) J.-H. Matelly, L'incertaine liberté critique du militaire, AJDA, 2005, p. 2161.
(44) Ibid.
(45) Ibid.
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par Vincent Téchené, rédacteur en chef, Lexbase Hebdo - édition privée générale
Le 07 Octobre 2010
Lexbase : Si la société Total a été condamnée pénalement et doit donc payer des amendes, sa responsabilité civile n'est pas engagée, contrairement à ce qu'avaient retenu les premiers juges. Ce sont l'armateur, le gestionnaire du navire et la compagnie de certification qui doivent indemniser les victimes. Pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?
Christian Huglo : La cour d'appel de Paris a, en effet, reconnu la société Total pénalement responsable du délit de pollution et d'infractions aux dispositions du Code de l'environnement dirigées contre la pollution des navires (C. envir., art. L. 218-3 N° Lexbase : L2836AND) et en même temps irresponsable sur le plan civil.
La culpabilité de la société Total ne faisait aucun doute dans la mesure où elle a commis une faute pénale d'imprudence lors de la procédure de vetting en relation de causalité avec le naufrage. A ce titre elle doit supporter l'amende maximale de 375 000 euros prévue par le Code de l'environnement.
Pour comprendre les raisons pour lesquelles les juges d'appel ont, néanmoins, considéré que la société Total n'était pas responsable civilement, il convient de faire un peu d'Histoire. Après la catastrophe du Torrey Canyon le 18 mars 1967 (3), les Etats ont pris conscience des risques liés au transport maritime d'hydrocarbures et ont alors mis en place un dispositif dédié à l'indemnisation des victimes de pollution : la Convention CLC de 1969 (International Convention on Civil Liability for Oil Pollution Damage), relative à la responsabilité civile, et la Convention Fipol de 1971, qui crée un fonds d'indemnisation venant en complément de la réparation octroyée aux victimes par le propriétaire du bateau. D'ailleurs, ce fonds a fonctionné dans l'affaire de l'Erika mais dans les limites disponibles, à savoir 1,2 milliard de francs (184 millions d'euros).
Il faut bien alors avoir à l'esprit que l'idée retenue par la Convention CLC est de focaliser la responsabilité sur le propriétaire du navire, laquelle responsabilité est limitée à la valeur de la cargaison perdue lors d'un accident de mer. A titre d'exemple, pour la catastrophe de l'Amoco Cadiz (4) en 1978, le jeu du plafond de responsabilité a eu pour conséquence de limiter le montant de l'indemnisation à 76 millions de francs pour 220 000 tonnes de pétrole brut déversés sur 400 kilomètres de côtes. Ceci est dérisoire !
Pour en revenir à l'absence de responsabilité civile de la société Total, ce qui domine le droit de la pollution par hydrocarbures est le conflit entre ce droit spécial, issu des Conventions internationales qui non seulement circonscrivent la responsabilité au propriétaire du navire, mais qui en plus la plafonnent, et le droit commun. La cour d'appel, et cela est critiquable, a donc choisi d'appliquer exclusivement ce droit spécial dans le cadre duquel la responsabilité de droit commun n'est de retour que si le propriétaire du navire a commis une faute personnelle, qui sera alors en lien direct avec l'accident et la gestion du navire. Dans l'affaire qui nous intéresse, la société Total n'a pas été jugée civilement responsable car la cour d'appel ne l'a pas considérée comme le propriétaire du navire mais comme l'affréteur, catégorie qui, en 1992, s'est ajoutée à la liste de la Convention CLC des personnes non responsables de l'accident maritime en l'absence de démonstration d'une faute de nature intentionnelle.
A ce niveau, deux problèmes surgissent :
- le premier est de savoir si Total était vraiment uniquement l'affréteur. C'est une question de qualification juridique, qui sera discutée devant la Cour de cassation. En effet, la situation de Total présentait des caractéristiques de fait et de droit qui dépassent le cadre juridique des prérogatives et obligations d'un affréteur, si bien que le pouvoir de contrôle et de direction exercé sur le navire fait de Total un véritable gardien de la chose, au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS) ;
- le second est de savoir si Total n'a pas commis une faute intentionnelle, la cour d'appel étant fort lapidaire sur la question.
Lexbase : Justement, quelle est la distinction entre la faute par imprudence, retenue par la cour, et la faute intentionnelle qui permettrait, selon la Convention CLC, d'engager la responsabilité de l'affréteur ?
Christian Huglo : La faute par imprudence suppose de prendre des risques sans en mesurer les conséquences, alors que la faute intentionnelle, qui ne doit pas ici être assimilée à l'"intention coupable" du droit pénal, doit s'entendre de tout fait ou omission personnels commis témérairement et avec conscience que le dommage de pollution en résulterait probablement. Or, en l'espèce, la notion de conscience de la probabilité du danger était largement discutable et la Cour de cassation se prononcera, d'ailleurs, sur le sujet.
En effet, l'Erika était un navire construit en 1975 qui, depuis, avait connu de multiples modifications relatives à tous les acteurs concernés par la vie du navire : Etat de pavillon, propriétaires, gestionnaires et sociétés de classification. C'était un navire vieillissant et fatigué. Par ailleurs, la matière en question était du fuel lourd de catégorie 2 qui, pour être transporté, doit être chauffé aux environs de 60 à 70° C, ce qui capte une grande partie de l'énergie du navire et met à rude épreuve les réservoirs et les coques desdits navires plongés et au contact des eaux à très faible degré de température. Les navires doivent donc être assez solides pour résister à des différenciations de températures et de pressions.
Qu'en conclure ? Selon nous, la société Total a pris délibérément le risque de faire transporter un produit dangereux dont elle ne pouvait ignorer la dangerosité spécifique sur un navire qui, lui-même, présentait des défaillances graves de mise en danger d'autrui. Il y a eu, à l'évidence, une volonté manifeste d'agir avec témérité en prenant un risque totalement inconsidéré.
D'ailleurs la décision de la cour d'appel est bien faite puisqu'elle reproche, pour retenir la responsabilité pénale de Total, d'avoir, d'une part, contrevenu à ses propres règles vetting en acceptant l'Erika, pétrolier en limite d'âge, alors que sa période d'acceptation était caduque et, d'autre part, malgré la connaissance qu'elle avait des risques inhérents au transport maritime d'hydrocarbures et plus particulièrement au transport du fuel n° 2, signé avec une société offshore, le 26 novembre 1999, un contrat d'affrètement au voyage sachant que cette coquille vide ne répondait pas aux critères de sa mission, notamment en termes de sécurité, et qu'elle n'avait de ce fait procédé à aucune inspection physique du bâtiment permettant ainsi à l'armateur, uniquement soucieux de rentabilité financière, de percevoir le fret sans contrepartie de mise aux normes de son navire. Il suffisait donc de transposer les motifs ayant conduit à la responsabilité pénale de Total aux aspects relatifs à la responsabilité civile pour en déduire que Total a bien commis une faute intentionnelle. La Cour de cassation tranchera cette question !
Lexbase : La cour d'appel a consacré la notion de "préjudice écologique", indépendamment de la loi du 1er août 2008. Pourquoi ce texte n'était-il pas applicable en l'espèce ? Comment le préjudice écologique est-il alors défini ?
Christian Huglo : La loi du 1er août 2008 (loi n° 2008-757 du 1er août 2008, relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement N° Lexbase : L7342IA8) ne s'applique pas dans cette affaire tout simplement parce qu'elle n'était pas entrée en vigueur au moment des faits. En réalité et surtout, ce texte transpose la Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (N° Lexbase : L2058DYU), laquelle ne se superpose pas aux dispositifs internationaux en vigueur et prévoit donc des exclusions liées à l'existence parallèle de mécanismes de prévention ou de responsabilité prévus par des textes internationaux relatifs à la pollution marine faite d'hydrocarbures.
Toutefois, l'article L. 142-4 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2147IB7), introduit par la loi du 1er août 2008, dispose que "les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel ils exercent leurs compétences et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement ainsi qu'aux textes pris pour leur application". Cette nouvelle disposition, entrée en vigueur entre le jugement de première instance et l'arrêt d'appel, qui vise donc à étendre le droit aux dommages indirects comme directs aux collectivités publiques, était immédiatement applicable en tant que loi de procédure, conformément à la jurisprudence traditionnelle de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (cf. Cass. crim., 9 avril 1970, n° 69-91.399, L'Hoest, publié au bulletin N° Lexbase : A7484CGB ; Cass. crim., 15 février 1973, n° 72-92.476, Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, publié au bulletin N° Lexbase : A5191CHQ). Il n'y avait donc aucun problème pour les communes que nous représentions de voir reconnaître leur qualité pour agir en réparation du dommage environnemental causé sur leur territoire.
Au titre de ces préjudices subis, trois postes sont d'abord distingués :
- le préjudice matériel lié aux activités de dépollution, lequel s'entend des frais de remise en état, tels les frais liés au nettoyage des sites, au sauvetage de la faune sauvage ou à la restauration des infrastructures ou encore les atteintes à l'outil de travail ;
- le préjudice économique résultant de la pollution, lequel s'entend de l'ensemble des pertes de revenus et des gains manqués, tels les pertes de marchés, les manques à gagner ou les pertes de chiffre d'affaires ;
- et le préjudice moral résultant de la pollution qui recouvre aussi bien le trouble de jouissance que l'atteinte à la réputation, à l'image de marque et à des valeurs fondant l'identité de la victime.
Ensuite et c'est notre sujet, la cour indemnise également le préjudice écologique résultant, selon elle, d'une atteinte aux actifs environnementaux non marchands, réparable par équivalent monétaire. Ce préjudice objectif, autonome, s'entend de toute atteinte non négligeable à l'environnement naturel, à savoir, notamment, à l'air, l'atmosphère, l'eau, les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité et l'interaction entre ces éléments, qui est sans répercussions sur un intérêt humain particulier mais affecte un intérêt collectif légitime.
En fait, les communes ont été victimes de préjudices non matériels indirects résultant directement de la dégradation de l'environnement littoral et de l'estran (5) qui consiste en fait en un trouble de jouissance.
Lexbase : Le préjudice écologique n'est-il pas particulièrement difficile à évaluer ? Quelles sont les approches envisageables et quelle est celle retenue par la cour ?
Christian Huglo : Le préjudice écologique n'est pas plus difficile à évaluer que d'autres préjudices non matériels. Ainsi, il est admis de longue date qu'une commune, lorsqu'un ouvrage public ou un bien de son domaine est matériellement atteint, a droit à réparation d'un préjudice dénommé "trouble de jouissance" : le dommage est considéré comme subi par la personne morale par le fait qu'elle n'a pas pu mettre l'ouvrage et les biens qu'elle entretient à la disposition du public (cf., notamment, CE Contentieux, 5 novembre 1982, n° 24361, Ville de Dôle N° Lexbase : A8634AKY).
Ici, il s'agit donc de tirer toutes les conséquences de la grave pollution et de la perturbation de l'estran qui peut être assimilé à un bien dont la commune doit pouvoir avoir une jouissance normale du fait de sa position de commune littorale. C'est ce que nous avons proposé et nous avons été suivi par les juges parisiens, de même que pour l'évaluation dudit préjudice. En fait, s'agissant d'un trouble de jouissance à un bien naturel lié à la biodiversité, il doit s'évaluer en unité, selon la méthode dite de "Chevassus-au-Louis" qui propose une valeur en unité biologique en m² d'estran affecté sur le littoral de chaque commune. Les chiffres retenus par la cour d'appel de Paris de 0,10 euro par m² d'estran et par an m'apparaissent tout à fait acceptables ; ils correspondent à la réalité.
Lexbase : Maître Pierre-Olivier Sur, avocat de l'armateur, a dénoncé "une décision techniquement [...] assez fragile et qui apparaît juridiquement extrêmement contestable" (6). Partagez-vous cet avis ?
Christian Huglo : Je pense surtout que la seule solution pour arriver à sortir de ces difficultés est un retour nécessaire au droit commun de la responsabilité. Le droit maritime est inadapté en matière de responsabilité des hydrocarbures, notamment en raison de la limitation du risque à la valeur de la cargaison. Or, ce qui compte c'est à l'évidence le risque inhérent à la nuisance éventuelle de la cargaison, laquelle est répandue en mer : ce n'est pas le navire qui pollue mais bien la cargaison ! Il convient dès lors d'appliquer le droit commun de la responsabilité et plus précisément la responsabilité du fait des choses de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil. En effet, dans l'affaire de l'Erika, on en conviendra, en tant qu'armateur disposant, gestionnaire de fait du navire, Total exerçait un pouvoir de direction et de contrôle dans la marche et la gestion du navire, en faisant, au sens de ce texte et de la jurisprudence y relative, le gardien de la chose navire !
(1) L'arrêt de la cour d'appel de Paris est consultable sur le site internet du cabinet d'avocats Huglo Lepage & Associés Conseil, rubrique "Actualités".
(2) Christian Huglo a publié récemment un article sur la question : L'Erika : éclairages sur la reconnaissance et la réparation du préjudice écologique, Environnement & Technique, n° 296, mai 2010.
(3) Le 18 mars 1967, le pétrolier de la filiale libérienne de l'Union Oil Company of California, compagnie américaine, nommé Torrey Canyon, armé par une filiale américaine de l'Union Oil Company of California, chargé de 120 000 tonnes de brut, s'échoue entre les îles Sorlingues et la côte britannique.
(4) Le 16 mars 1978, l'Amoco Cadiz, un pétrolier construit en 1974, immatriculé au Libéria, long de 330 m et affrété par la compagnie américaine Amoco Transport, filiale de la Standard Oil, s'échoue au large des côtes bretonnes et déverse sur 400 km de côtes les 220 000 tonnes de pétrole brut iranien transportées, auxquelles viendront s'ajouter 3 000 tonnes de fuel.
(5) L'estran est la partie du littoral située entre les niveaux connus des plus hautes et des plus basses mers.
(6) Cf. article de A. Fournier, Procès en appel de l'"Erika" : "une avancée théorique majeure", Lemonde.fr du 30 mars 2010.
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Le 07 Octobre 2010
Jeudi 17 juin 2010
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par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Yves Nicol : Il n'existe en la matière ni textes, ni décisions de justice, qui permettent de répondre définitivement à tous les cas de figure, puisque tout dépend des termes utilisés, du contexte et du moment ainsi que de la position dans l'entreprise de la personne qui est l'auteur de la critique. Pour trouver des éléments de réponse, il convient de se baser sur les fondamentaux du droit. Et, il y aura toujours ici une opposition, voire un antagonisme, entre deux positions.
D'un côté, certains avanceront, en effet, que le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression. Le postulat est classique et aujourd'hui bien établi, en témoignent les décisions de justice (2). Il y a également des textes extrêmement clairs, notamment l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), qui dispose que "chacun a droit au respect de sa vie privée" et l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4798AQR), qui prévoit, en des termes plus généraux, bien que similaires, que "toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance".
Ces textes consacrent, on le voit, la liberté d'expression, le droit à la vie privée, mais également le secret des correspondances. Cela signifie que, si l'on se place du côté du droit de la personne, du droit d'expression et de tout ce qui est garanti par ces textes, il y a un certain nombre de choses que le salarié peut faire ou dire, sans crainte de la moindre sanction.
Les décisions de justice abondent en ce sens, en reconnaissant que le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression. Elles apportent, cependant, d'ores et déjà à ce stade, une limite. En effet, si l'exercice de la liberté d'expression dans l'entreprise et en dehors de celle-ci ne peut justifier un licenciement, c'est à la condition qu'il ne dégénère pas en abus (3). Pour autant, certaines décisions vont bien plus loin, notamment une décision du tribunal d'instance de Paris du 12 octobre 2006, qui nous dit que la liberté d'expression autorise les salariés à tenir des propos sur l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise, y compris sur un blog, puisque c'était là l'objet de la décision.
Il y aura donc toujours une seconde position, qui trouve son fondement dans les limites de la première : si le salarié peut tout dire, c'est à la condition que ses propos ne dégénèrent pas en abus. La limite de la liberté d'expression, c'est donc le dénigrement (4), l'injure portée sur une personne (5) et là, évidemment, de tels propos relèvent du Code pénal.
Lexbase : Et dans un cadre privé ?
Yves Nicol : Les choses sont ici clairement établies. Les faits relevant de la vie privée ne peuvent pas aboutir à une sanction ou entraîner un licenciement. Le licenciement d'un salarié pour un motif tiré de sa vie privée pourra être justifié si le comportement de ce salarié, en raison de ses fonctions et de la finalité de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière (7)... Ce qui est, dans les faits, peu souvent établi.
Lexbase : Dans cette optique, les propos tenus sur un réseau social tel Facebook relèvent-t-ils de la correspondance privée ? En d'autres termes, peut-on critiquer son patron sur Facebook ?
Yves Nicol : A mon sens, très clairement, un réseau communautaire type Facebook est un réseau privé... un réseau privé accessible au public, certes, mais un réseau privé sur lequel on échange des correspondances tenues entre amis. Il n'y a finalement pas de différences entre des propos, des échanges, tenus sur Facebook, et des échanges tenus entre collègues de travail au café d'en face après le travail ou un samedi soir lors d'un dîner.
Peut-on critiquer son patron au café d'en face ou lors d'un dîner ? La limite sera toujours l'injure, les témoins, les témoignages et, éventuellement, les troubles que de tels propos peuvent apporter à l'entreprise. C'est-à-dire que, si l'employeur ne peut pas avoir eu accès à cette conversation, à ces échanges privés, autrement que par un stratagème, ou si ces conversations lui ont été rapportées, à mon sens, ce licenciement est abusif.
Des textes pourront être mis en avant en défense du salarié, et notamment l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, qui garantit le secret de correspondances. Comment pourrait-on soutenir que des correspondances privées entre amis Facebook ne sont pas visées par ce texte?
Lexbase : N'y a t'il pas d'autres exceptions à la liberté d'expression et au respect de la vie privée ?
Yves Nicol : Les troubles objectifs apportés à l'entreprise peuvent également constituer une limite, effectivement (8). Il y a des exemples concernant les blogs. Mais, encore une fois, un blog reste public, c'est-à-dire que tout le monde peut y avoir accès. Tout le contraire d'un réseau privé type Facebook où seuls ses amis peuvent accéder à l'information. Sur un blog, ou par un autre mode d'expression public, si vous tenez des propos concernant les méthodes de management, si vous affublez de surnoms ou autres sobriquets vos managers, tout le monde peut avoir accès à ces informations puisqu'elles sont publiques, et, dans cette optique, cela est susceptible de créer un trouble objectif dans l'entreprise, mais encore faut-il le démontrer et démontrer qu'il y a une corrélation entre les propos et la mise en cause du bon fonctionnement de l'entreprise.
Le trouble objectif doit être évident, c'est peut-être là la principale difficulté. Par exemple, une décision de justice a été rendue concernant un vigile de supermarché qui a été pris en train de voler dans ce même supermarché alors qu'il était en week-end. Dans cette situation qui relève clairement de la vie privée, le licenciement a été considéré comme justifié par le juge car cette situation avait créé un trouble objectif compte tenu de la nature des fonctions. Ici, la notion de troubles objectifs s'impose naturellement. Mais, dans tous les cas de figure, il faudra la démontrer.
Pour ce qui est de propos tenus sur les réseaux sociaux, la difficulté tient, encore une fois, au fait que ces propos relèvent de la vie privée du salarié, et que, dès lors, l'employeur ne peut y avoir accès. Il y a eu un exemple en Angleterre, où la législation sociale est différente, mais l'histoire est tout de même intéressante. Un salarié avait demandé à son employeur une autorisation d'absence pour un motif personnel grave. Son employeur avait cependant constaté que, plutôt que de s'absenter pour un motif familial comme il l'avait indiqué, en réalité, il était à une fête déguisée en fée. Son employeur était l'un des ses amis Facebook, raison pour laquelle il avait pu avoir accès aux photos datées et avec l'heure. C'est un exemple qui montre bien que si vous n'êtes pas membre du réseau privé, il faut raisonner comme si c'était un échange entre collègues de travail au café d'en face ou lors d'un diner. On peut être toujours licencié pour cela, mais ce licenciement est-il justifié ?
Lexbase : Finalement, ces licenciements ne vous paraissent donc pas justifiés ?
Yves Nicol : C'est cela la vraie question. On observe des cas de licenciement de ce type, liés à des propos tenus sur Facebook, mais de quels propos s'agit-il vraiment et comment l'employeur en a-t-il eu connaissance ? J'ajouterai d'autres questions : les propos tenus sur Facebook l'ont-ils été durant le temps de travail et avec les outils informatiques de l'employeur ou bien le soir, à domicile, le week-end et avec les outils informatiques personnels ? Le salarié s'est-il vu reproché de passer trop de temps sur Facebook durant son temps de travail ? Etc..
Les juges vont devoir trancher. Personnellement, ce type de licenciement me semble abusif parce qu'il constitue une entorse à la vie personnelle des salariés et au secret des correspondances. Nous l'avons vu, il reste difficile, pour un employeur, de démontrer l'injure à partir du moment où il s'agit de correspondances privées et non publiques.
Pour autant, on voit bien que les avis sont partagés sur la question entre la liberté d'expression et le fait de savoir si l'on peut dénigrer son employeur. Mais ce dernier point relève autant du management que du droit. La tentation pour le juge risque ici d'être de ne pas juger uniquement en droit, mais aussi en tant que phénomène de société, parce qu'on voit bien l'ampleur prise par les réseaux sociaux et internet. Alors que, pour moi, en droit, la solution ne saurait souffrir d'ambivalence : il y a violation du secret des correspondances, de la liberté d'expression et du respect du droit à la vie privée.
Lexbase : Deux "droits" vont donc ici s'affronter...
Yves Nicol : D'un côté, on a effectivement la liberté d'expression et le secret des correspondances, qui me semble au moins aussi important que la liberté d'expression, sans compter l'article 9 du Code civil, qui consacre le droit au respect de sa vie privée. De l'autre, la notion d'abus, de propos injurieux, diffamatoires, excessifs et de troubles objectifs apportés à l'entreprise. Il existe également une obligation de loyauté, inhérente au contrat de travail, mais cette obligation concerne essentiellement la divulgation de secret de fabrication, des pratiques commerciales, des process internes qui n'ont pas à être dévoilés publiquement, ou, encore, des fichiers clients, des dossiers clients... A ce moment-là, il y a clairement violation de l'obligation de loyauté (9).
Il existe aussi l'article L. 1152-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0726H9R), qui dit clairement qu'"aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés". Après, tout est une question d'interprétation, en tout cas, un salarié ne peut être ni sanctionné, ni licencié pour avoir relaté des faits touchant à des points de discrimination et de harcèlement. Donc cela veut bien dire que cela reste possible dans certaines circonstances....
Lexbase : Mais concrètement, y a-t'il des cas de jurisprudence en France avec Facebook ?
Yves Nicol : Non, il n'en existe justement aucune, même si le contentieux tend à se multiplier. J'ai plusieurs dossiers de ce type actuellement, dont le licenciement d'une salariée ayant dix ans d'ancienneté pour des propos tenus sur Facebook. Mais il faut bien souligner que chaque cas est particulier, tant par les circonstances, que par les propos en eux-mêmes ou leur portée, telle les troubles objectifs apportés à l'entreprise. Il n'y aura que des cas particuliers.
En revanche, il existe une jurisprudence plus établie sur les blogs.
Il y a, par ailleurs, une autre hypothèse à prendre en compte : les intranets et blogs d'entreprise. En effet, souvent, les entreprises créent des blogs internes dans des contextes de fusion, par exemple, de sorte que les salariés puissent formuler des suggestions, des remarques, s'exprimer ou, encore, faire des commentaires. Et puis il y a les intranets d'entreprise, qui donnent accès à toute sorte d'informations utiles pour les salariés et sur lesquels on peut également s'envoyer des suggestions. Mais ce sont des outils informatiques internes à l'entreprise que le salarié utilise généralement sur son lieu de travail avec le matériel mis à sa disposition par l'entreprise. Tout cela est donc diamétralement opposé à ce que l'on trouve chez un salarié qui s'exprime sur Facebook avec ses amis Facebook le soir en dehors du temps de travail et du lieu de travail avec son outil informatique personnel. Il y a toujours une différence à faire entre le salarié qui s'exprime ou qui parle de son employeur dans un cercle privé et celui qui le fait "publiquement".
Lexbase : Ceci explique que les prud'hommes n'aient pas réussi à trancher ?
Yves Nicol : Effectivement, le fait que les conseillers prud'hommes n'aient pas réussi à se départager n'est pas surprenant parce que le conseil des prud'hommes reste une juridiction paritaire composée d'élus salariés et employeurs qui peuvent naturellement avoir des opinions antagonistes, reflétant d'ailleurs la société française. Par ailleurs, les éléments précis du dossier -qui pourraient faire la différence- ne sont pas connus. On ne peut donc raisonner que sur les grands principes. Enfin, il faut peut-être insister sur le fait que c'est un sujet très évolutif, très nouveau, quasiment un fait de société.
Donc, oui, pour conclure, on peut licencier pour des propos tenus sur Facebook. La question est de savoir si ces licenciements sont justifiés. La réponse se fera au cas par cas. Tout ce qui est abusif et injurieux pourra être sanctionné, ce qui est normal.
(1) Yves Nicol publie, par ailleurs, Avocatalk, à destination des entreprises et des managers.
(2) Cass. soc., 2 mai 2000, n° 98-41.557, X c/ Rectorat de l'académie de Lyon et autres (N° Lexbase : A8294AHN). Plus récemment, Cass. soc., 31 mars 2009, n° 07-44.918, Mme Isabelle Lajarrige, F-D (N° Lexbase : A5160EET).
(3) Cass. soc., 31 mars 2009, n° 07-44.918, préc..
(4) Ainsi, si le fait, pour un salarié, de dénigrer sa société devant ses subordonnés au cours d'une réunion privée et amicale, en l'absence du directeur régional, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc., 10 octobre 1991, n° 89-44.243, Société à responsabilité limitée Equipement diffusion c/ M. Roland Sibra N° Lexbase : A9612AT8), en revanche, commet une faute grave justifiant son licenciement sans préavis, le salarié qui émet des critiques virulentes auprès d'un client important sur la qualité du travail accompli par le personnel et sur la compétence des dirigeants de sa société (Cass. soc., 25 janvier 2000, n° 97-43.577, M. Daniel Chochon c/ société Jan, société à responsabilité limitée N° Lexbase : A6966AHH).
(5) Ainsi, le salarié qui émet des injures ou des critiques qui dépassent l'exercice normal de la liberté d'expression à l'encontre d'un supérieur hiérarchique commet une faute qui peut être qualifiée de grave (Cass. soc., 29 novembre 2000, n° 98-43.936, M. Jacques Legoupi c/ M. Goic et autres N° Lexbase : A9824ATZ).
(6) En dernier lieu, Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-45.256, Mme Martine Intartaglia, épouse Conia, FS-P+B (N° Lexbase : A4139EI7) et les obs. de G. Auzero, Un fait de la vie personnelle ne peut constituer une faute disciplinaire !, Lexbase Hebdo n° 358 du 9 juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9884BKB).
(7) Cass. soc., 22 janvier 1992, n° 90-42.517, Mme Rossard c/ Société Robuchon et fils (N° Lexbase : A3737AAN).
(8) "Dès lors que n'est pas caractérisé le trouble objectif causé par le comportement du salarié dans l'entreprise, le licenciement pour une cause tirée de la vie privée du salarié est injustifié" (Cass. soc., 30 novembre 2005, n° 04-41.206, F-P N° Lexbase : A8552DLC).
(9) La Cour de cassation a, cependant, jugé que manque à son obligation de loyauté le salarié qui, chargé de l'accueil et de l'intégration de nouveaux salariés, critique les méthodes commerciales et l'employeur lui-même, dépassant ainsi sa liberté d'expression (Cass. soc., 15 avril 2008, n° 06-45.383, F-D N° Lexbase : A9621D7H).
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