La lettre juridique n°319 du 25 septembre 2008

La lettre juridique - Édition n°319

Éditorial

Contrat de partenariat : des vessies, des lanternes et une réforme

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N1911BHA

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Les sceptiques diront qu'avec un déficit budgétaire de 2,9 %, cette année, et de 3,3 %, en 2009, selon l'analyse concordante de la plupart des experts économiques, une réforme du contrat de partenariat présenterait une aubaine pour masquer le véritable montant des dépenses publiques. C'est que l'on appelle la déconsolidation de la dette de l'Etat, qui peut ainsi répondre aux critères maastrichtiens, tout en continuant de dépenser hors bilan, ou des collectivités territoriales, qui procèderaient à d'importantes dépenses sous l'apparence d'un endettement faible. Une aubaine dont les Etats auraient toutes les facilités à se dédouaner, encouragés aux partenariats public-privé par la Banque mondiale, l'OCDE sans oublier la Banque européenne d'investissement. De plus, si 0,7 point de croissance est tiré par le seul secteur de l'immobilier, en berne aujourd'hui, une reprise de l'investissement dans la construction publique permettrait, à n'en pas douter, d'assurer une croissance "molle" -qualificatif emprunté par le ministre de l'Economie- et d'éviter la récession pour les prochains trimestres. "Etre riche ce n'est pas avoir de l'argent - c'est en dépenser" écrivait Sacha Guitry, dans ses Mémoires d'un tricheur. Mauvaises langues que tout cela...

Sur un plan purement juridique, une refonte du régime des contrats de partenariat, par la loi du 28 juillet 2008, était nécessaire, tant les obstacles juridiques et fiscaux s'amoncelaient devant cette voie d'exception de la commande publique, à tel point que les pouvoirs publics ont jugé son développement, sur les quatre dernières années, "timoré" (de "timor", la crainte en latin). Mais, quelle crainte, au juste, pouvait bien inspirer le recours au contrat de partenariat issu de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ?

Tout d'abord, rappelons, à toutes fins utiles, que le contrat de partenariat est "un contrat administratif par lequel l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics confient à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale relative au financement d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, à la construction ou transformation de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée". Le propos est long, mais il se doit d'être précis, tant il s'agit de distinguer ce type de contrat, du recours à un marché public ou à celui de la délégation de service public.

Rapidement, le contrat de partenariat permet de gérer globalement un projet avec un seul partenaire sans passer par l'allotissement, et, surtout, il permet une réalisation plus rapide du projet et l'intégration d'un ratio performance/qualité du service, dans le mode de détermination de la rémunération du partenaire privé ; une rémunération non pas relative à la rentabilité du service comme ce peut être le cas dans une délégation de service public. Cette rémunération est, en effet, lissée sur une longue période d'amortissement des investissements (en général sur 20 ans).

Seulement, force est de constater qu'avec 29 projets menés ou en cours (la majorité est afférente à l'éclairage des voies publiques), le recours à ce contrat de partenariat ne semble pas aller de soi pour les administrations centrales et territoriales.

Tout d'abord, le contrat de partenariat est concurrencé par d'autres partenariats public-privé pour lesquels les procédures de passation et d'exécution du contrat sont beaucoup plus aisées. Ensuite, les critères d'ouverture restrictifs -complexité et urgence- ont également freiné le recours aux contrats de partenariat, les personnes publiques ne souhaitant pas risquer de voir leurs projets contestés sur ce point et préférant, dès lors, renoncer à ce nouvel outil de la commande publique (cf. le contrat en vue de la construction d'un collège à Villemandeur annulé par un tribunal administratif d'Orléans, le 29 avril 2008). Enfin, le recours au contrat de partenariat n'est pas, non plus, favorisé par son régime fiscal et juridique qui le rend par certains aspects moins attractif que les marchés publics.

C'est à l'ensemble de ces obstacles que la loi du 28 juillet 2008, sur laquelle revient, cette semaine, dans nos colonnes, François Brenet, Maître de conférences à l'Université de Poitiers, entend s'attaquer. Mais, comme le souligne les parlementaires eux-mêmes, malgré les avancées notables qui rendent le contrat de partenariat indéniablement plus attractif, cet outil ne pourra, à l'avenir, représenter une part significative de la commande publique que s'il fait l'objet d'une politique ambitieuse de suivi et d'accompagnement. Cette démarche doit s'appuyer sur le renforcement des capacités d'expertise des décideurs publics, sur une évaluation honnête et sans complaisance du recours à ce mode contractuel, ainsi que sur une réflexion portant sur l'intelligibilité et l'accessibilité du droit de la commande publique. Toujours est-il que "la plus coûteuse des dépenses, c'est la perte de temps" selon Théophraste. A voir donc si le temps de l'analyse préalable n'empiète pas sur celui de la réalisation du projet, consumant par là même l'un des avantages certains du contrat de partenariat : la réactivité du secteur privé. Les 15 % d'investissements publics réalisés par ce type de partenariat, en Grande-Bretagne, demeurent un horizon encore lointain.

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Social général

[Textes] LME : neutralisation de l'impact financier du franchissement du seuil de 10 et 20 salariés par les entreprises, vers un retour sur l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 ?

Réf. : Loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR)

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N1959BHZ

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Le droit social est un droit modulé en fonction de la taille de l'entreprise. En effet, le franchissement de certains seuils d'effectifs accroît les obligations juridiques et financières de l'employeur. L'existence de ces seuils répond à la nécessité d'adapter le droit à la taille de l'entreprise, en allégeant les charges tant administratives que financières des petites entreprises. La loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie, dite "LME" (1), vise, dans son article 48, à atténuer l'effet des seuils financiers pour les petites entreprises, s'agissant du versement transport (seuil de 10 salariés) ; de la participation au financement de la formation professionnelle (seuils de 10 et 20 salariés) ; de la contribution au Fonds national d'aide au logement (FNAL) (seuil de 20 salariés) ; des "allègements Fillon" (seuil de 20 salariés) ; des exonérations de charges au titre des heures supplémentaires (seuil de 20 salariés). Selon les travaux parlementaires (2), le renforcement du lissage des seuils et leur harmonisation devraient donc inciter les chefs d'entreprise à embaucher indépendamment de ces seuils. C'est, précisément, sur cette hypothèse de travail que le pouvoir réglementaire avait déjà travaillé en 2005 : l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 (ordonnance relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises N° Lexbase : L0757HBN) avait prévu que les entreprises puissent exclure du calcul des seuils d'effectifs les jeunes de moins de 26 ans (3). On connait l'issue judiciaire de cette réforme, dans un premier temps validée par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2005-521 DC du 22 juillet 2005, loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi N° Lexbase : A1642DKZ) et le Conseil d'Etat (CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283892, Confédération générale du travail et autres N° Lexbase : A9978DKR) (4), puis, finalement, invalidée par le même Conseil d'Etat (CE 1° et 6° s-s-r., 23 novembre 2005, n° 286440, Confédération générale du travail-Force ouvrière N° Lexbase : A7291DLM) (5) et la CJCE en 2007 (CJCE, affaire C-385/05, CGT, CFDT, CFE-CGC, CFTC et CGT-FO c/ Premier ministre et ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement) (6). L'objectif poursuivi en 2008 est le même qu'en 2005 : remettre en cause les "effets de seuils", dans la mesure où les différents seuils auraient des effets sur l'emploi et constitueraient un frein à la croissance des entreprises, celles-ci hésitant à procéder à des recrutements supplémentaires lorsque leur effectif approche ces seuils légaux. La question n'est pas nouvelle (7), mais les réponses ont manqué de cohérence et de certitude. La loi de modernisation de l'économie, en supprimant certaines obligations des entreprises au regard des cotisations de sécurité sociale ou d'autres obligations des entreprises au regard d'autres financements liées au franchissement du seuil de 10 ou 20 salariés, exprime un volontarisme du législateur, dans la mesure où les économistes ne sont pas unanimes sur les effets positifs sur l'emploi de ce mécanisme de seuil.

I - Obligations des entreprises au regard des cotisations de sécurité sociale

A - Exonération de charges sociales des contrats d'apprentissage

  • Droit en vigueur

L'article L. 6243-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3388H9D) dispose que l'assiette des cotisations sociales dues sur le salaire versé aux apprentis est égale à la rémunération après abattement d'un pourcentage, déterminé par décret, du salaire minimum de croissance. Cependant, afin d'inciter à l'embauche de salariés dans les très petites entreprises, le deuxième alinéa de cet article prévoit un assouplissement du dispositif d'assujettissement des apprentis au régime des cotisations sociales : pour les employeurs employant moins de 11 salariés au 31 décembre précédant la date de conclusion du contrat, non compris les apprentis, l'Etat prend en charge la totalité des cotisations sociales patronales et salariales d'origine légale et conventionnelle, à l'exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

  • Nouveau régime instauré par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008

L'article 48-III de la loi n° 2008-776 a pour objet de proroger de trois ans l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs employant des apprentis, et qui dépassent, pour la première fois, entre 2008 et 2010 le seuil de onze salariés. Le deuxième alinéa de l'article L. 6243-2 et L. 6261-1 (N° Lexbase : L3425H9Q) du Code du travail continuent de s'appliquer, pendant l'année au titre de laquelle cet effectif est atteint ou dépassé et pendant les deux années suivantes, aux employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent au titre de l'année 2008, 2009 ou 2010, pour la première fois, l'effectif de onze salariés.

B - Réduction dite "Fillon"

  • Droit en vigueur

La loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (N° Lexbase : L0300A9Y), a créé une réduction générale des cotisations patronales de sécurité sociale, dite "réduction Fillon", qui s'est substituée à la réduction dégressive sur les bas salaires et à l'allègement "35 heures" (CSS, art. L. 241-13 N° Lexbase : L4299H94). Les salaires versés inférieurs à 1,6 fois le SMIC ouvrent droit à un allègement des cotisations patronales de sécurité sociale (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès, accident du travail et allocations familiales). Le montant maximum de l'allègement dépend de l'effectif de l'entreprise.

Dans les entreprises de plus de 19 salariés, l'employeur bénéficie d'un allègement des cotisations patronales égal, au maximum, à 26 % du salaire brut. L'allègement devient nul à partir de 1,6 SMIC mensuel. Pour les gains et rémunérations versés par les employeurs occupant de 1 à 19 salariés au plus, le coefficient maximal est de 0,281. S'agissant des modalités de calcul de ces seuils, l'effectif de l'entreprise est apprécié au 31 décembre, tous établissements confondus, en fonction de la moyenne, au cours de l'année civile, des effectifs déterminés chaque mois conformément aux règles fixées par le Code du travail.

  • Nouveau régime instauré par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008

L'article 48-III de la loi n° 2008-776 propose uniquement un gel de trois ans, et non un lissage, car l'allègement "Fillon" fonctionne déjà selon un système de dégressivité. Selon les travaux parlementaires (préc.), il serait trop complexe de superposer un dispositif de lissage à ce dispositif dégressif. En application de la loi n° 2008-776, et par exception à l'article L. 241-13 du Code de la Sécurité sociale, le coefficient maximal (pour les gains et rémunérations versés à compter du 1er juillet 2007 par les employeurs de 1 à 19 salariés, le coefficient maximal est de 0,281) continue de s'appliquer pendant trois ans aux gains et rémunérations versés par les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, dépassent au titre de l'année 2008, 2009 ou 2010, pour la première fois, l'effectif de 19 salariés.

C - Exonérations des cotisations de sécurité sociale des heures supplémentaires

  • Droit en vigueur

Afin de faciliter le recours aux heures supplémentaires, la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (dite loi "TEPA") (loi n° 2007-1223 N° Lexbase : L2417HY8) a institué un dispositif d'exonérations portant sur les heures supplémentaires (CSS, art. L. 241-18 N° Lexbase : L9288HZZ). Ces mesures s'adressent à l'ensemble des salariés, des secteurs public et privé et sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er octobre 2007. En matière de cotisations sociales, ce dispositif se traduit par la création d'exonérations à la fois pour le salarié et pour l'employeur. La réduction concerne la rémunération des heures supplémentaires, c'est-à-dire effectuées au-delà de la durée légale du travail fixée à trente-cinq heures (heures effectuées dans le contingent annuel des 220 heures et heures "choisies"), et des heures considérées comme telles dans le cadre des différents dispositifs d'aménagement du temps de travail dans l'entreprise (accords collectifs d'organisation du temps de travail par cycles de travail, de modulation/annualisation du temps de travail...).

La réduction de cotisations sociales salariales est proportionnelle au montant de la rémunération, dans la limite des cotisations et contributions, légales ou conventionnelles, rendues obligatoires par la loi. La réduction de cotisations patronales est de 1,50 euros par heure supplémentaire dans les PME et de 0,50 euros dans les grandes entreprises. Sont exclues du dispositif les heures complémentaires.

  • Nouveau régime instauré par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008

L'article 48-V de la loi n° 2008-776 prévoit que la majoration applicable aux entreprises employant au plus 20 salariés continue de s'appliquer pendant trois ans aux entreprises qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, dépassent, au titre de l'année 2008, 2009 ou 2010, pour la première fois, l'effectif de 20 salariés. Tout comme pour l'allègement "Fillon", pour l'incitation à recourir aux heures supplémentaires, la loi n° 2008-776 propose uniquement un gel de trois ans, et non un lissage.

II - Obligations des entreprises au regard d'autres financements

A - Financement de la formation

  • Droit en vigueur

Tout employeur concourt au développement de la formation professionnelle continue en participant, chaque année, au financement des actions. Dans les entreprises de moins de 10 salariés, les employeurs consacrent au financement de ces actions un pourcentage minimal du montant des rémunérations versées pendant l'année en cours s'élevant à 0,55 % (C. trav., art. L. 6331-2 N° Lexbase : L3748H9P). Dans les entreprises de 10 salariés et plus, les employeurs consacrent à leur financement un pourcentage au moins égal à 1,60 % du montant des rémunérations versées pendant l'année en cours (C. trav., art. L. 6331-9 N° Lexbase : L3757H9Z). Les employeurs de 10 à moins de 20 salariés sont exonérés des versements légaux ou conventionnels qui leur sont applicables dans les conditions suivantes : la part minimale (mentionnée à l'article L. 6331-9 du Code du travail) est diminuée d'un montant équivalant à 0,55 % ; le versement effectué au titre du congé individuel de formation est diminué d'un montant équivalant à 0,2 % ; le versement effectué au titre des contrats et périodes de professionnalisation et du droit individuel à la formation est diminué d'un montant équivalant à 0,35 % du montant des rémunérations de l'année de référence (C. trav., art. L. 6331-14).

L'article L. 6331-15 du Code du travail (N° Lexbase : L3763H9A) prévoit un dispositif de gel en précisant que les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent au titre d'une année, pour la première fois, l'effectif de 10 salariés restent soumis, pour cette année et les deux années suivantes, à l'obligation de financement s'élevant à 0,55 %.

  • Nouveau régime instauré par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008

La loi n° 2008-776 (art. 48-I) modifie ces dispositions. Il est prévu que les entreprises qui, au titre des années 2008, 2009 et 2010, atteignent ou dépassent l'effectif de 20 salariés restent soumises, pour l'année au titre de laquelle cet effectif est atteint ou dépassé, ainsi que pour les deux années suivantes, au versement de la part minimale due par les employeurs au titre du financement de la formation professionnelle continue mentionnée au 1° de l'article L. 6331-14 du Code du travail (N° Lexbase : L3762H99). Ainsi, entre 2008 et 2010, si une entreprise dépasse le seuil de 20 salariés en année N, elle restera soumise en année N, N+1 et N+2 au versement d'une participation minimale de 1,05 % (1,60 % - 0,55 %). Elle ne sera, en revanche, pas soumise au versement effectué au titre du congé individuel de formation, ni au versement effectué au titre des contrats et périodes de professionnalisation et du droit individuel à la formation. Ces entreprises seront assujetties, pour les quatrième, cinquième et sixième années, aux versements mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 6331-14, minorés d'un pourcentage dégressif fixé par décret en Conseil d'Etat. Les employeurs qui atteignent ou dépassent au titre de la même année le seuil de 10 salariés et celui de 20 salariés se voient appliquer l'article 48-I (préc.) de la loi n° 2008-776.

B - Financement de l'allocation de logement

  • Droit en vigueur

Le financement de l'allocation de logement et des dépenses de gestion qui s'y rapportent est assuré par le fonds national d'aide au logement, mentionné à l'article L. 351-6 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L4385HWC). Pour concourir à ce financement, les employeurs sont assujettis à une cotisation assise sur les salaires plafonnés et recouvrée selon les règles applicables en matière de Sécurité sociale ; à une contribution calculée par application d'un taux de 0,40 % sur la totalité des salaires et recouvrée suivant les règles applicables en matière de Sécurité sociale. Les employeurs occupant moins de 20 salariés et les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la Sécurité sociale ne sont pas soumis à la contribution de 0,40 % (CSS, art. L. 834-1 N° Lexbase : L5371H9S).

  • Nouveau régime instauré par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008

La loi n° 2008-776 (art. 48-VI) prévoit que les employeurs atteignant pour la première fois au titre de 2008, 2009 ou 2010 l'effectif de 20 salariés ne sont pas soumis à la contribution de 0,40 % appliquée à la masse salariale, et ce pendant trois ans. En outre, l'application de la contribution sera lissée dans le temps : pour les quatrième, cinquième et sixième années, le taux sera diminué respectivement d'un montant équivalent à 0,30 %, 0,20 % et 0,10 %.

C Versement transport

  • Versement transport hors Ile-de-France

En dehors de la région d'Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité est de caractère social, peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés dans une commune ou une communauté urbaine dont la population est supérieure à 10 000 habitants ou dans le ressort d'un établissement public de coopération intercommunale compétent pour l'organisation des transports urbains, lorsque la population de l'ensemble des communes membres de l'établissement atteint le seuil indiqué (CGCT, art. L. 2333-64 N° Lexbase : L2240IBL).

Les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de 10 salariés, sont dispensés, pendant trois ans, du paiement du versement. Le montant du versement est réduit de 75 %, 50 % et 25 %, respectivement chacune des trois années suivant la dernière année de dispense. Pour les employeurs qui sont dispensés du versement en 1996, la dispense de paiement s'applique jusqu'au 31 décembre 1999 (CGCT, art. L. 2333-64). Le législateur avait donc anticipé un système de lissage dans le temps puisqu'il est prévu que les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de 10 salariés sont dispensés, pendant trois ans, du paiement du versement (8).

La loi n° 2008-776 (art. 48-VII, 2°) supprime le dernier alinéa de l'article L. 2531-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2333IBZ), qui prévoyait que les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de 10 salariés sont dispensés, pendant trois ans, du paiement du versement : ces dispositions n'étaient pas applicables lorsque l'accroissement de l'effectif résulte de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé 10 salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes. Cette dérogation est abrogée par la loi de modernisation de l'économie.

  • Versement transport Ile-de-France

S'agissant de la région parisienne, le Code général des collectivités territoriales prévoit le même dispositif que celui en vigueur en province, mais à titre obligatoire (CGCT, art. L. 2333-64).

Dans la région d'Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées (à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique, à but non lucratif, dont l'activité est de caractère social) sont assujetties à un versement de transport lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés. Les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de 10 salariés sont dispensés pendant trois ans du paiement du versement. Le montant du versement est réduit de 75 %, 50 % et 25 % respectivement chacune des trois années suivant la dernière année de dispense (CGCT, art. L. 2531-2).

A l'instar du régime du versement transport en province, la loi n° 2008-776 (art. 48-VII, 1°) supprime le dernier alinéa de l'article L. 2333-64 du Code général des collectivités territoriales, qui prévoyait que les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de 10 salariés sont dispensés pendant trois ans du paiement du versement : ces dispositions n'étaient pas applicables lorsque l'accroissement de l'effectif résulte de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé 10 salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes. C'est précisément cette dérogation qui est abrogée par la loi de modernisation de l'économie.

En dispensant les employeurs de s'acquitter de certaines charges sociales de sécurité sociale ou assimilées, l'ordonnance n° 2005-892, comme la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, poursuivent une finalité incitative de création d'emplois par les employeurs. Selon la terminologie employée par les économistes, la mesure participe de la catégorie générale de "réduction du coût du travail", sur laquelle de nombreux travaux se sont interrogés (9). Les effets attendus d'une politique de l'emploi axée sur la baisse du coût du travail ont été analysés essentiellement à partir d'une mesure phare, l'exonération de charges sociales dite bas salaire (supprimée par la loi "Fillon" de janvier 2003). Les enquêtes menées auprès des employeurs confirment la difficulté de déceler un impact direct et de court terme de la mesure sur l'emploi. Les employeurs estiment, en effet, que le principal moteur de l'embauche est le niveau de l'activité de l'entreprise et de son carnet de commandes, le coût du travail venant en seconde position. Par ailleurs, ils ont une idée très imprécise des montants financiers économisés grâce aux mesures d'allégement (10). Dans les années 1980, les juristes avaient tiré les mêmes conclusions, d'un faible degré de corrélation entre effets de seuils et emploi, ou plus exactement, des effets attendus sur la création d'emploi, d'une suppression de certains seuils (11).


(1) J.-P. Charié, Rapport Assemblée Nationale n° 908, 22 mai 2008 sur le projet de loi de modernisation de l'économie (n° 842) ; L. Beteille, E. Lamure et P. Marini, Rapport n° 413 (2007-2008), Sénat, fait au nom de la commission spéciale, 24 juin 2008.
(2) J.-P. Charié, Rapport Assemblée Nationale n° 908, 22 mai 2008 sur le projet de loi de modernisation de l'économie (n° 842), préc..
(3) Ordonnance mise en oeuvre en application de la loi n° 2005-846 du 26 juillet 2005, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (N° Lexbase : L8804G9X) ; B. Gauriau, Commentaire de l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005, relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises, JCP éd. S, 6 septembre 2005, étude n° 1121, p. 41, spéc. n° 15-16 p. 43 et n° 24-25 p. 45 ; nos obs., L'exclusion du calcul des effectifs des jeunes de moins de 26 ans, Dr. soc., 2005, p. 1145.
(4) Lire nos obs., Seuils d'effectifs : un arrêt du Conseil d'Etat en demi-teinte, Lexbase Hebdo n° 187 du 27 octobre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N0047AKX).
(5) Nos obs., La mise en oeuvre de l'ordonnance n° 2005-892, relative aux seuils d'effectifs fortement compromise, Lexbase Hebdo n° 193 du 8 décembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1713AKN).
(6) Nos obs., L'ordonnance nº 2005-892 serait contraire au droit communautaire, Lexbase Hebdo n° 229 du 28 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3175AL8) ; CJCE, 18 janvier 2007, aff. C-385/05, Confédération générale du travail (CGT) c/ Premier ministre (N° Lexbase : A5728DTC), P. Cassia, Procédure accélérée, Europe, janvier 2006, Comm. n° 2, p. 9-10 ; B. Gauriau, Les jeunes de moins de vingt-six ans doivent être pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise, JCP éd. S, 2007, n° 1082, p. 28-31 ; F. Chaltiel, Le droit du travail devant la Cour de justice européenne, Les Petites affiches, 2007, n° 55, p.3-5 ; L. Idot, Notion de travailleur et décompte des effectifs, Europe, mars 2007, Comm. n° 93, p.19.
(7) C. Sachs-Durand, Les seuils d'effectif en droit du travail, préc. ; J. Prieur et P. Goyard (dir.), Seuils légaux et dimensions de l'entreprise, Droits commercial, fiscal, social et économique, Avant-propos de A. Sayag, LITEC, 1990 ; P. Bourguignon, Rapport en vue de l'adoption de la loi n° 81-1162 du 30 décembre 1981, Ass. nat. n° 567, 1ère session ord., 1981-1982 ; CNPF, Les effets des seuils d'effectif de l'entreprise, doc. ronéoté, Direction générale des Affaires sociales, Paris, 1984 ; M. Coffineau, Rapport en vue de l'adoption de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, Ass. nat., n° 1451, 2ème session ord. 1982-1983 ; E. Dailly, Rapport en vue de l'adoption de la loi n° 81-1162 du 30 décembre 1981, Sénat, n° 20, 1ère session ord., 1981-1982 ; J. Roger-Machart, Rapport en vue de l'adoption de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, Ass. nat., n° 1526, 2ème session ord., 1982-1983 ; M.-C. Boutard-Labarde et R. Saint-Esteben, Réflexions sur le seuil de sensibilité en droit de la concurrence, JCP éd. E., 1989, II, 15406 ; M. Kalika, La structure organisationnelle et la taille de l'entreprise, Les Petites Affiches, 1er déc. 1989, p. 11 ; G. Lang et C. Thelot, Taille des établissements et effets de seuil, Economie et statistique, janvier 1985, n° 173, p. 3.
(8) Ces dernières dispositions ne sont pas applicables lorsque l'accroissement de l'effectif résulte de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé 10 salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes. Dans ce cas, le versement est dû dans les conditions de droit commun, dès l'année au cours de laquelle l'effectif de 10 salariés est atteint ou dépassé.
(9) D. Migaud, Rapport d'information, Assemblée Nationale, 7 juillet 1999 ; DARES, Les entreprises et les aides à l'emploi en quatre mesures, Premières informations et Premières synthèses, novembre 1998, n° 46-1.
(10) P. Cabanes et F. Bouygard, Loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, Conseil national d'évaluation et Commissariat général au Plan, La documentation Française 1997. Une entreprise sur quatre estime que la mesure d'abaissement du coût du travail a eu un effet sur les effectifs de l'entreprise ; 10 % d'entre elles estimant qu'elle leur a permis d'augmenter les effectifs aux cours des deux dernières années.
(11) C. Sachs-Durand, Les seuils d'effectif en droit du travail, thèse préc., p. 69-70.

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[Jurisprudence] Du caractère nécessairement proportionné du "cautionnement réel"

Réf. : Cass. civ. 1, 7 mai 2008, n° 07-11.692, M. Willem, Laurens Van Troostenburg de Bruijn, F-P+B (N° Lexbase : A4413D8X)

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N1954BHT

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par Alexandre Bordenave, Juriste, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan

Le 07 Octobre 2010

Lentement mais sûrement, le "cautionnement réel" (1) accède au statut de serpent de mer du droit des sûretés. Entrée dans une nouvelle ère à la suite de l'arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 2 mai 2005 (2), cette sûreté atypique est encore à la recherche d'un régime juridique propre, cohérent et clair ; l'arrêt rendu par la première chambre civile le 7 mai 2008 contribue à l'ouvrage. Dans cette espèce, un établissement de crédit avait consenti, en 1991, deux prêts pour un montant total de 2 090 000 francs (318 618 euros). Les prêts en question étaient garantis par deux engagements de "caution hypothécaire". Lorsque le prêteur entendit obtenir l'exécution des sûretés par les "cautions hypothécaires", les "garants réels" l'assignèrent en justice. Les demandeurs firent valoir devant le juge que les sûretés, alors consenties pour autrui, étaient manifestement disproportionnées et que, en conséquence, il fallait y voir un cas de responsabilité du prêteur.

Pour l'une des cautions au moins, le discours avait quelque chose de séduisant : le bien donné en garantie pour autrui lui tenait lieu de résidence principale et, qui plus est, représentait la source de l'essentiel de ses revenus. Ajoutons que la plaideuse aurait eu tort de se priver d'un argument qui a souvent fait mouche ces dernières années ! Ce faisant, elle invita les magistrats à trancher la question suivante : faut-il reconnaître une quelconque efficacité à une sûreté réelle donnée pour autrui pour le cas où elle serait manifestement disproportionnée ?

Ni le juge du fond, ni le juge de cassation n'ont adhéré à la position de la demanderesse : dans son arrêt de rejet, la Cour de cassation a froidement balayé l'argument de la disproportion en estimant que "la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers [...] n'est pas un cautionnement et que, limité au bien hypothéqué, elle est nécessairement proportionnée aux facultés contributives du souscripteur".

La solution, quoique teintée de sévérité, n'est pas surprenante, dans la mesure où elle est pleinement cohérente avec la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation qui, refusant, désormais, de voir dans le cautionnement réel une sûreté personnelle (même seulement pour partie), ne lui applique pas les règles relatives au cautionnement (I) et semble balayer même l'idée selon laquelle une sûreté réelle pourrait être disproportionnée (II).

I - Une sûreté réelle, rien qu'une sûreté réelle

Cela fait maintenant bientôt trois ans que la Cour de cassation s'est fait une religion sur la nature du "cautionnement hypothécaire" (A) ; ce faisant, elle en tire pleinement les conséquences (B).

A - Le "cautionnement hypothécaire", une sûreté réelle

1- Les techniques d'hybridation

Jamais à court d'imagination (3), les juristes ont élaboré quatre manières d'accommoder un zest de sûreté réelle et un soupçon de sûreté personnelle.

- Une première variante consiste pour un tiers à consentir une sûreté réelle (gage ou hypothèque, par exemple) au profit d'un tiers. C'est cette réalité qu'on a pu vouloir désigner sous l'expression plus claire et exhaustive de "sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers" (4).

- Une deuxième possibilité, impliquant certainement quelques précautions dans la rédaction l'acte, est le fait pour une caution de limiter son engagement à la valeur d'un bien, sans pour autant limiter les poursuites du bénéficiaire à ce seul bien. L'intérêt de la formule est peu évident.

- Une troisième alternative consiste à ajouter à un engagement de caution une sûreté réelle pour garantir la dette du débiteur principal. Il y a alors deux sûretés distinctes : une sûreté personnelle, d'une part, et une sûreté réelle, d'autre part, (5) ;

- Enfin, il est possible d'imaginer que la caution fournisse au créancier une sûreté réelle non pour garantir la dette du débiteur principal mais sa propre dette envers le créancier.

2 - Le maintien d'une solution devenue constante

Dans les faits de l'arrêt commenté, la "caution hypothécaire" avait affecté en garantie de la dette du tiers sa "maison d'habitation". Aucune mention n'est faite d'un quelconque engagement personnel : c'est donc la deuxième branche de notre énumération que les parties avaient retenue.

C'est au fond la plus délicate à qualifier juridiquement ; c'est en tous cas celle qui a un temps posé des difficultés à la Cour de cassation, difficultés tenant, notamment, au fait que les parties utilisaient généralement dans leurs instrumenta l'ambiguë expression "cautionnement réel" (6). C'est sur cette association subtile que la Chambre mixte a arrêté une position claire en décembre 2005, en estimant que "une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n' [implique] aucun engagement à satisfaire l'obligation d'autrui et n' [est] pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas" (7).

Le lecteur attentif n'a pas manqué de constater combien les termes employés par les formations de la Cour de cassation dont il est ici question sont proches ; le message est clair : une sûreté réelle pour autrui n'a rien à voir avec un cautionnement. L'arrêt du 7 mai 2008 (comme d'autres auparavant) fait ainsi prendre à jurisprudence de la Cour de cassation une constance appréciable. Constance à propos de laquelle il faut souligner que le législateur a, ne serait-ce qu'inconsciemment, entériné le principe : en effet, le nouvel article 2334 du Code civil (N° Lexbase : L1161HIT) (issu de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, relative aux sûretés N° Lexbase : L8127HHH) dispose que "le gage peut être consenti [...] par un tiers; dans ce dernier cas, le créancier n'a d'action que sur le bien affecté en garantie". La décision qui nous intéresse n'est donc aucunement novatrice ici.

B - La construction du régime du "cautionnement hypothécaire"

1- L'exclusion des règles applicables au cautionnement

Retenir une qualification univoque et uniforme pour le "cautionnement hypothécaire" est la clé qui permet de le soumettre à un régime juridique ne soulevant pas d'incertitude. Chacun des arrêts rendus ces derniers mois en la matière contribue à enrichir le modus operandi de cette sûreté ad hoc :

- l'arrêt du 2 décembre 2005 a précisé que l'article 1415 du Code civil (8) n'est pas applicable à la fourniture pour autrui d'une sûreté réelle (9) ;

- la "caution hypothécaire", personne physique, ayant souscrit son engagement au profit d'un établissement de crédit, n'est pas créancière des obligations d'information dont dispose l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2923G97) (10) ;

- le "cautionnement hypothécaire" doit, à peine de nullité, être conclu en la forme des actes notariés, conformément à l'article 2416 du Code civil (N° Lexbase : L1322HIS) (11) ;

- la "caution hypothécaire" ne peut être condamnée à payer la dette principale (12).

2- L'inapplicabilité de l'article L. 341-4 du Code de la consommation

Applicable en matière de cautionnement, l'article L. 341-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8753A7C) dispose que "un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation".

Sans la jurisprudence du 2 décembre 2005, il aurait été pertinent de fonder un moyen du pourvoi sur cette disposition légale. Sans doute éclairée par son avocat aux Conseils, la requérante ne le fit pas. Pour autant, elle ne manqua pas d'y faire une référence à peine voilée en dénonçant sa sûreté comme un engagement "manifestement disproportionné".

L'effort était louable ; très logiquement, la Cour de cassation ne s'y arrêta pas et rejeta le pourvoi en bloc. Ce faisant, on peut raisonnablement estimer qu'elle ajoute une pierre à l'édifice du régime du "cautionnement hypothécaire" : l'article L. 341-4 du Code de la consommation n'en fait pas partie.

Au-delà de cette précision apportée au régime des sûretés réelles constituées pour autrui, l'arrêt du 7 mai 2008 est porteur (et peut-être annonciateur) d'un débat sur la nature proportionnée ou non des sûretés réelles.

II - La sûreté réelle et la proportionnalité de l'engagement du garant

L'attendu principal de l'arrêt de la Cour de cassation ne surprend guère lorsqu'il se prononce sur la nature du "cautionnement hypothécaire" ; en revanche, l'affirmation selon laquelle une sûreté réelle est "nécessairement proportionnée aux facultés contributives" ne peut laisser de marbre.

A - Les sûretés réelles : des sûretés structurellement proportionnées ?

1- Le faux principe de proportionnalité du droit des sûretés

C'est peu dire que, au cours des dernières années, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a su faire preuve d'audace sur le sujet de la proportionnalité des sûretés. Depuis l'arrêt rendu le 17 juin 1997 (Cass. com., 17 juin 1997, n° 95-14.105, M. Macron c/ Banque internationale pour l'Afrique occidentale et autres, publié N° Lexbase : A1835ACX), et ce sans fondement légal exprès, elle semblait s'être parée d'un large pouvoir modérateur en matière de sûretés d'ampleur exagérée. L'artifice -permettons-nous le terme- consistait à considérer que le créancier acceptant une sûreté disproportionnée commet une faute engageant sa responsabilité et ouvrant droit pour le "garant" à des dommages et intérêts s'élevant purement et simplement au montant de la dette principale (13).

A notre connaissance, les décisions rendues en la matière concernent exclusivement des sûretés personnelles. Comme précisé plus haut, pour le cautionnement, le principe d'origine prétorienne a été généralisé par la loi "Dutreil" (loi n° 2003-721 du 1er août 2003, pour l'initiative économique N° Lexbase : L3557BLC). Le faisceau d'indices est remarquable ; ce serait se voiler la face que de nier la tendance : y aurait-il donc un principe général de proportionnalité en matière de droit des sûretés ? Les plumes les plus autorisées y ont consacré des lignes (14) : cela ne trompe pas.

Et d'ailleurs : le pourvoi ne s'y trompe pas. Clairement, le moyen soumis à la Cour de cassation est porteur du cri de ralliement (15) à un principe en germe de proportionnalité des sûretés. Peut-être le cri est-il arrivé étouffé aux magistrats ; toujours est-il qu'ils ne l'entendent pas, alors même qu'il est difficilement contestable que la sûreté octroyée, en l'espèce, était disproportionnée eu égard aux capacités financières de la "caution hypothécaire". A notre sens, il y a matière à tirer une conclusion simple : il n'est pas de principe général uniforme de proportionnalité du droit des sûretés réelles, donc du droit des sûretés en général.

2- Disproportion économique et disproportion juridique

L'argument final auquel recourt la Cour de cassation est frappant : une sûreté réelle serait nécessairement proportionnée. Cela nous paraît constituer un point de raisonnement à part entière car les juges auraient parfaitement pu aboutir à une solution équivalente sans se fendre de cette remarque.

La constitution d'une sûreté réelle est un acte de disposition qui suppose de son auteur qu'il soit le propriétaire du bien destiné à tenir lieu d'assiette de la sûreté. Cela permet d'arguer à juste titre que le simple fait de pouvoir constituer la sûreté témoigne de sa nécessaire proportionnalité à ce que la Cour de cassation appelle les "facultés contributives" du constituant. Ajoutons, par ailleurs, qu'il est exact que certaines sûretés réelles présentent la particularité d'embrasser l'entier patrimoine d'une personne : c'est le cas des privilèges généraux, au rang desquels on trouve entre autres le "super-privilège" des salaires (16) ou celui des articles L. 622-17 (N° Lexbase : L3876HB8) et L. 641-13 (N° Lexbase : L3904HB9) du Code de commerce. Il ne viendrait pas à l'idée de prétendre que ces privilèges sont disproportionnés. De manière provocatrice, les Professeurs Jacob et Rontchevsky font la même remarque au sujet du droit de gage général  figurant à l'article 2384 du Code civil (N° Lexbase : L1330HI4) (17).

A notre sens, cela procède d'une lecture purement juridique de ce qu'est la disproportion, lecture qui se fonde très élémentairement sur la notion de patrimoine et la libre disposition des actifs qui s'y trouvent (18). Car, sur un plan économique, on ne saurait valablement soutenir que la sureté consentie dans les faits de l'arrêt était proportionnée : elle fut donnée sur un bien représentant la quasi-intégralité du patrimoine de la constituante, bien générateur de fruits (19) et hautement symbolique puisqu'il s'agissait de la résidence principale de la garante. Cette sûreté, si on peut admettre qu'elle "tienne juridiquement" dans les "dimensions" du patrimoine de celle qui la donne, ne semble pas proportionnée à ses capacités contributives comme l'affirme de la Cour de cassation : sa réalisation appauvrirait bien trop la constituante pour que cela soit économiquement vrai. C'est d'autant plus le cas que la sûreté est ici donnée pour autrui et que le bénéfice retiré par la constituante n'est qu'indirect.

B - La faveur donnée à la proportionnalité à la créance garantie ?

1- La proportionnalité accessoire

A défaut d'être proportionnée à la fortune du constituant, rien de cavalier à attendre d'une sûreté réelle que son assiette ait au moins quelque rapport avec le montant de la dette principale. Deux dispositions légales vont d'ailleurs en ce sens :

- l'article 2444 du Code civil (N° Lexbase : L1216HIU) dispose que "lorsque les inscriptions prises en vertu des articles 2401 [N° Lexbase : L1345HIN] (hypothèque légale) et 2412 [N° Lexbase : L1318HIN] (hypothèque judiciaire) sont excessives, le débiteur peut demander leur réduction" ;

- et l'article L. 650-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4139HBW) qui prévoit tant un cas de responsabilité pour crédit abusif (20) qu'un cas de nullité dans l'hypothèse de sûretés disproportionnées aux "concours consentis" à une entreprise venant à être soumise à une procédure collective.

Est-ce suffisant pour admettre, à défaut d'un principe général et uniforme de proportionnalité, l'existence en droit des sûretés d'un méta-principe de modération de l'appétence du créancier ?

Aucun des deux articles précités n'était applicable en l'espèce. Très justement, le pourvoi ne s'y référait pas. Une fois encore, la Cour de cassation s'en tient à ce qui lui est soumis. Pour ce qui est des faits, il est difficile de se faire un avis précis sur la proportion de la garantie à la créance (21). Gageons, toutefois, que c'était le cas, les limites de la raison du bon père de famille (22) ne semblant pas avoir été franchies.

Aussi, si la Cour de cassation n'incline pas ici en direction du "méta-principe" de proportionnalité que nous venons d'évoquer, on ne saurait pas en tirer de conclusions dirimantes. Sans être trop affirmatif (23), on peut espérer légitimement que le contrôle de proportionnalité entre la sûreté réelle et la dette principale est encore susceptible d'être généralisé. Eu égard à l'objectif même du droit des sûretés -permettre le développement du crédit-, c'est heureux et salvateur.

2- Le surdimensionnement

Même lorsque la loi prévoit une exigence de proportionnalité des sûretés réelles à la créance principale, elle laisse aux parties une marge de manoeuvre : l'article 2444 du Code civil fixe ainsi le cliquet de la proportionnalité à 230 % de la dette garantie (24). C'est peu dire que la marge est vaste, mais les sûretés alors considérées sont d'un genre particulier.

En matière de droit des entreprises en difficultés, l'article L. 650-1 du Code de commerce ne se prononce pas aussi précisément. En conséquence, il ne condamne, ni ne précise, les contours de la technique dite de surdimensionnement bien connue des milieux financiers (25). Le surdimensionnement consiste à requérir du garant qu'il fournisse (ou se fasse fournir) des sûretés légèrement disproportionnées au montant garanti. C'est un classique des financements articulés autour d'un véhicule ad hoc (26). L'idée générale est de constituer, au profit des investisseurs, un matelas de sécurité pour "rehausser le crédit" du montage, ainsi que pour faire face à un certain nombre d'événements défavorables (telle la dépréciation des actifs donnés en garantie, par exemple) et aux coûts éventuels de réalisation des sûretés.

Le surdimensionnement a reçu une consécration légale : le Code monétaire et financier prévoit, pou les sociétés de crédit foncier, que "le montant total des éléments d'actif des sociétés de crédit foncier doit être supérieur au montant des éléments de passif bénéficiant du privilège mentionné à l'article L. 515-19 [du Code monétaire et financier N° Lexbase : L3618HZZ]" (27). Les émissions d'obligations sécurisées (28), qui ont récemment fleuries sur le marché français, font de même en appliquant la technique de surdimensionnement aux sûretés octroyées sous l'empire de l'article L. 431-7-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2814G94) (29).

Proportionnalité ne signifie pas équivalence et, dans l'intérêt du bon fonctionnement des marchés, c'est tout aussi heureux et salvateur que le méta-principe susmentionné ; le législateur en a conscience. A la vérité, c'est tout le sens des termes utilisés par le pourvoi (opérant un mimétisme par rapport à la loi) : la doléance concerne un engagement "manifestement disproportionné", seul potentiellement condamnable, ce qui, en l'espèce, n'était pas le cas aux yeux des juges de cassation.

Probablement, l'arrêt de la première chambre civile du 7 mai 2008 ne mérite-t-il pas de figurer dans un quelconque panthéon des jurisprudences concernant le droit des sûretés. Toutefois, il est remarquable de par la façon qu'il a de traiter dans des termes très généraux de la question de la proportionnalité des sûretés réelles et de la manière dont il y convient d'apprécier cette dernière. En tout état de cause, remarquons que la Cour de la cassation reste sibylline ; l'interprète est ainsi contraint de s'aventurer prudemment sur les chemins du non-dit. Neruda a écrit que "la parole est une aile du silence". En matière d'arrêts rendus par la Cour de cassation, le contraire n'est pas (toujours) vrai. De là à prétendre que "la proportionnalité est une aile du droit des sûretés", demeure un vrai pas à franchir...


(1) Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation recourt, elle aussi, à la précaution des guillemets.
(2) Cass. mixte, 2 décembre 2005, n° 03-18.210, Mme Yvette Pasquier, épouse Boudaud c/ BNP Paribas, P (N° Lexbase : A9389DLC), D., 2006, AJ. 61, obs. Avena-Robardet, Revue de droit bancaire et financier, 2006, 63, obs. D. Legeais ; B. Beigner, Bicentenaire d'Austerlitz : le Trafalgar du cautionnement réel, Droit de la famille, 2006, 10 ; V. Téchené, La nature du cautionnement réel et l'engagement des biens de la communauté, Lexbase Hebdo n° 196 du 5 janvier 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N2226AKN).
(3) Rappelons-nous de La Guerre de Troie de Jean Giraudou.
(4) M.-E. Mathieu, Les nouvelles garanties de financement, Aspects pratiques des sûretés réelles conventionnelles mobilière et immobilières, EFE, 2007, n° 66 s..
(5) Cass. com., 21 mars 2006, n° 05-12.864, M. Daniel Feuillatte c/ Société générale venant aux droits de la Société générale austria bank aktiengesellschaft, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A7521DNU) : solution que n'a pas condamné l'arrêt précité du 2 décembre 2005.
(6) Cass. civ. 1, 15 mai 2002, deux arrêts, n° 00-15.298, Banque nationale de Paris c/ M. David Abihssira, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6550AYA) et n° 99-21.464, Crédit industriel et commercial (CIC) c/ M. Jacques Piot, FP+B+R+I (N° Lexbase : A6722AYM).
(7) Op. cit..
(8) C. civ., art. 1415 (N° Lexbase : L1546ABU) : "Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propre".
(9) Prenant le total contre-pied de Cass. civ. 1, 15 mai 2002, n° 00-15.298, préc..
(10) Cass. civ. 1, 7 février 2006, n° 02-16.010, Société Les Tennis c/ Société Crédit finance corporation limited, FS-P+B (N° Lexbase : A8369DMW), Bull. civ III, n° 35, p. 29, D. Bakouche, L'article L. 313-22 du Code monétaire et financier n'est pas applicable au cautionnement réel, Lexbase Hebdo n° 203 du 23 février 2006 - édition affaire (N° Lexbase : N4716AKU).
(11) Cass. civ. 3, 15 février 2006, n° 04-19.847, M. Marie-Joseph Duval c/ Caisse régionale de Crédit agricole de la Martinique, FS-P+B (N° Lexbase : A9836DMA).
(12) Cass. com., 21 février 2006, n° 04-14.051, M. Louis Borghese c/ Société Crédit foncier de France, F-P+B (N° Lexbase : A1760DNI).
(13) Le hasard fait parfois bien les choses : il est possible de retrouver une application des plus explicites de cette technique dans un arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 novembre 1998 (CA Paris, 15ème ch., sect. B, 27 novembre 1998, n° 1997/22306, SARL Société d'exploitation et de distribution Djurdura c/ Banque populaire industrielle et commerciale de la Région Sud de Paris N° Lexbase : A6110DHR).
(14) P. Crocq, Sûretés et proportionnalité, in Mélanges, Ph. Simler, Litec, 2006, p. 291.
(15) D'un plaideur, donc certes quelque peu opportun.
(16) C. trav., art. L. 3253-2 (N° Lexbase : L0955H9A) et s..
(17) N. Rontchevsky et F. Jacob, Chronique - Droit des sûretés, Banque et Droit, n° 120, juillet-août 2008, p. 41.
(18) Comme le fait remarquer le Professeur S. Piédelièvre, "la logique des biens l'emporte in Pas de disproportion pour les sûretés réelles pour autrui, D., 2008, n° 29, p. 2036.
(19) Au sens de l'article 583 du Code civil (N° Lexbase : L3164ABS).
(20) Nous rejoignons ici le Professeur P. Crocq, op. cit., n° 23.
(21) Ce qui ouvre une question d'ordre général : la proportionnalité doit-elle s'apprécier au jour de son octroi ou au jour de sa réalisation ?
(22) La bonne mère, en l'espèce.
(23) Certains l'ont été : V. Avena-Robardet, Dalloz.fr, Actualités, commentaire de l'arrêt.
(24) Le Code civil est plus littéraire que nous et préfère parler d'"une somme égale au double du montant des créances en capital et accessoires légaux, augmenté du tiers de ce montant".
(25) Sous le doux nom de "over-collateralisation".
(26) Dont les titrisations.
(27) C. mon. fin., art. L. 515-20 (N° Lexbase : L6343DIR).
(28) Dans le jargon "structured covered bonds".
(29) Sur lequel S. Praicheux, La transposition en droit français de la directive européenne sur les contrats de garantie financière, Revue de droit bancaire et financier, 2005, p. 56. Dans ces montages propres aux groupes bancaires, les sûretés sont généralement mutualisées (et constituent donc des "cautionnements réels"). Ainsi, outre la précaution tenant à leur caractère proportionnel, il est fait attention à l'intérêt social de leurs constituants et aux procédures d'approbation (en termes de droit des sociétés) suivies par ces derniers.

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Marchés de partenariat

[Textes] La loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat : une promotion du partenariat public-privé à la française enfin assurée ?

Réf. : Loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, relative aux contrats de partenariat (N° Lexbase : L7307IAU)

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N1937BH9

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par François Brenet, professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis

Le 07 Octobre 2010

Un nouveau texte sur les contrats de partenariat diront les défenseurs du partenariat public-privé à la française, encore un texte sur les contrats de partenariat diront ses détracteurs. Telles pourront être les réactions contrastées que ne manquera pas de susciter la lecture de la loi n° 2008-735 du 27 juillet 2008, relative aux contrats de partenariat (1). Ce texte, qui entend modifier l'ordonnance fondatrice n° 2004-559 du 17 juin 2004, sur les contrats de partenariat (N° Lexbase : L2584DZQ), afin de stimuler le partenariat public-privé, est le fruit de la rencontre entre plusieurs éléments : un succès mitigé du contrat de partenariat institué en 2004 tout d'abord, les contrats signés étant infiniment moins nombreux qu'espéré initialement (29 contrats attribués entre mars 2005 et février 2008) ; une volonté politique forte ensuite, les pouvoirs publics cherchant à faciliter le recours à un contrat dont on peut dire qu'il permet beaucoup de choses lorsque les moyens financiers publics font défaut. On doit, d'ailleurs, relever que la relance gouvernementale et présidentielle fait suite à une première initiative d'un député aujourd'hui membre du Gouvernement (2), et que cette volonté politique forte s'est traduite, dans les faits, par une adoption relativement rapide du texte. Déposé au Sénat le 13 février 2008, le texte y a été discuté les 1er et 2 avril, puis les 25 et 26 juin à l'Assemblée nationale, avant que le Sénat n'adopte en deuxième lecture, le 9 juillet 2008, la version du texte modifié par les députés. Néanmoins, il ne faut pas conclure, au vu du processus d'élaboration de la loi du 28 juillet 2008, que celle-ci constitue un texte résolument promoteur du contrat de partenariat. D'abord, parce que les travaux législatifs ont été menés parallèlement à l'émergence d'une jurisprudence administrative soucieuse d'assurer le respect des conditions fixées par l'ordonnance du 17 juin 2004. Après l'annulation pour vice de procédure, par le tribunal administratif de Paris, de la décision de signer le contrat de partenariat portant rénovation de l'INSEP (3), c'est le tribunal administratif d'Orléans qui n'a pas hésité à annuler pour défaut d'urgence la délibération du conseil général du Loiret attribuant un contrat de partenariat relatif à la construction et à l'entretien d'un collège (4).

Ensuite, ces travaux législatifs se sont déroulés avec la certitude que le Conseil constitutionnel serait saisi, et les parlementaires avaient bien conscience qu'il leur fallait résoudre une équation difficile : promouvoir le contrat de partenariat sans le dépouiller du caractère subsidiaire ou dérogatoire que le Conseil constitutionnel lui avait attribué dans sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 (5). Ils n'y sont que partiellement parvenus puisque le Conseil constitutionnel a finalement censuré l'une des dispositions phares du texte dans sa décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008 (6). Il a, en effet, jugé que la disposition instaurant une présomption d'urgence dans un nombre important de secteurs d'activités était inconstitutionnelle.

Au total, la loi du 28 juillet 2008 se présente donc comme un texte qui vise à faciliter la conclusion des contrats de partenariat, mais sans doute pas autant que ne l'avait souhaité la majorité en place (I). Néanmoins, elle comporte des innovations intéressantes qui visent à renforcer l'attractivité du contrat de partenariat (II).

I - La subsidiarité du contrat de partenariat

Si la subsidiarité du contrat de partenariat est moins marquée en 2008 qu'elle ne l'était en 2004 (A), il nous semble qu'elle demeure globalement préservée (B).

A - Une subsidiarité entamée

Plusieurs éléments forts vont dans le sens d'une "normalisation" du contrat de partenariat. L'élargissement de son champ d'application organique, tout d'abord, puisque l'article 25 de la loi du 28 juillet 2008 donne la possibilité aux pouvoirs adjudicateurs mentionnés aux 1° et 4° du I de l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics (N° Lexbase : L8429G8P), aux entités adjudicatrices mentionnées à l'article 4 de ladite ordonnance, ainsi qu'aux groupements d'intérêt public de recourir au contrat de partenariat.

De la même façon, l'article 15 de la loi de 2008 étend le champ d'application de l'ordonnance du 17 juin 2004 aux établissements publics de santé et aux structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique, ainsi qu'aux organismes de droit privé ou public mentionnés à l'article L. 124-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4651H97). Sans doute faut-il aussi comprendre comme un élargissement du champ d'application organique du contrat de partenariat la formule selon laquelle "les contrats de partenariat sont conclus par les collectivités territoriales ou les établissements publics locaux" (CGCT, art. L. 1414-1 N° Lexbase : L1979IBW).

La création par la loi du 28 juillet 2008 d'une nouvelle procédure de passation, la procédure négociée, aux côtés de l'appel d'offres et du dialogue compétitif, favorise aussi le recours au contrat de partenariat. La procédure négociée est, désormais, utilisable pour les contrats dont le montant est inférieur à un seuil qui sera fixé par décret, lequel devrait correspondre au seuil fixé par la Directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU).

Plus significative, sans doute, est la création d'une nouvelle condition permettant le recours au contrat de partenariat. On se souvient qu'à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003, le Gouvernement avait fait le choix de limiter l'utilisation du partenariat public-privé à la française aux seuls cas de complexité ou d'urgence du projet, à condition que, dans l'un et l'autre cas, le recours au contrat de partenariat soit avantageux. La loi du 28 juillet 2008 modifie l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et l'article L. 1414-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L1915IBK) sur ce point, en prévoyant que les contrats de partenariat peuvent être conclus si, au regard de l'évaluation préalable, il s'avère que "compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique".

Est, ainsi, instaurée une sorte de condition du type bilan coût-avantage qui permet de justifier le recours au contrat de partenariat. D'ores et déjà, il ne fait aucun doute qu'elle sera prisée par les collectivités publiques et leurs partenaires potentiels, car il est toujours plus facile de justifier le bilan avantageux du recours au contrat de partenariat que le caractère complexe ou urgent d'un projet. Il n'en demeure pas moins que le juge administratif ne manquera pas, comme le Conseil constitutionnel l'a invité à le faire dans sa décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, d'exercer un contrôle serré sur le respect de cette exigence, comme il l'a déjà fait sur celle relative à l'urgence (7).

On pourrait croire, à la lecture de ces développements, que le contrat de partenariat a perdu son caractère subsidiaire pour devenir un outil contractuel de droit commun. En réalité, il n'en est rien. Si sa conclusion est, désormais, facilitée, sa subsidiarité ne nous semble pas fondamentalement remise en cause.

B - Une subsidiarité préservée

Trois éléments inclinent à penser que le contrat de partenariat n'est pas devenu, avec la loi du 28 juillet 2008, un contrat susceptible de concurrencer durablement le marché public et la délégation de service public.

De toute évidence, la censure de la présomption d'urgence sectorielle par le Conseil constitutionnel a joué un rôle décisif. Pour être certain de relancer le contrat de partenariat, la majorité en place avait, en effet, posé le principe d'une présomption d'urgence, sous réserve d'une évaluation préalable non défavorable, dans des secteurs aussi divers que l'enseignement supérieur, l'amélioration de la qualité de la recherche et des conditions d'étude et de vie étudiante, l'enseignement français à l'étranger, la sécurité intérieure, les nouvelles technologies dans la police et la gendarmerie nationale, la réorganisation des implantations du ministère de la Défense, les opérations nécessaires aux besoins de la santé, les besoins relatifs aux infrastructures de transport, la rénovation urbaine, l'amélioration de l'efficacité énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments publics, etc..

Cette présomption d'urgence sectorielle ne devait s'éteindre qu'à la fin de l'année (électorale) 2012. Le juge constitutionnel a fort logiquement censuré une telle disposition, en considérant "qu'en présumant satisfaite la condition d'urgence sous la seule réserve que l'évaluation préalable ne soit pas défavorable, les dispositions contestées [...] ont pour effet de limiter la portée de l'évaluation préalable et d'empêcher le juge d'exercer son contrôle sur le caractère d'urgence ; que, dès lors, elles privent de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics". Cette déclaration d'inconstitutionnalité a été étendue aux dispositions prévoyant que la présomption d'urgence concernerait, également, les projets de contrat de partenariat mentionnés au III des articles 2 et 19 de la loi déférée, dont l'avis d'appel public à la concurrence aura été envoyé à la publication avant le 31 décembre 2012.

Le Conseil constitutionnel ne s'est pas contenté de censurer la présomption d'urgence sectorielle. Il a, aussi, adopté une conception restrictive de la notion d'urgence. Dès 2003, le juge constitutionnel a précisé qu'il y a urgence "lorsqu'il s'agit de rattraper un retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public". Il a ajouté, en 2008, que l'urgence peut aussi consister en un cas de force majeure, ce qui ne va évidemment pas dans le sens d'une facilitation du recours au contrat de partenariat.

Comment ne pas relever, enfin, que les débats ayant eu lieu devant l'Assemblée nationale et le Sénat, ont permis de trancher un débat récurrent. Depuis 2004, la doctrine s'interroge sur le point de savoir si le contrat de partenariat peut être utilisé comme technique de délégation de service public. Alors que la lettre de l'ordonnance du 17 juin 2004 allait clairement dans le sens d'une réponse négative, son article 1er (ainsi que l'article L. 1414-1 du Code général des collectivités territoriales) disposant que les contrats de partenariat peuvent confier à leurs titulaires "d'autres prestations de services concourant à l'exercice par la personne publique, de la mission de servie public dont elle est chargée", certains auteurs et praticiens n'ont pas manqué de défendre la thèse contraire. Si la loi du 28 juillet 2008 ne modifie pas la lettre de l'article 1er de l'ordonnance du 17 juin 2004 (et de l'article L. 1414-1 du Code général des collectivités territoriales), les propos tenus par Christine Lagarde et Hervé Novelli devant le Parlement doivent clore le débat dans le sens de l'interdiction d'utiliser le contrat de partenariat comme technique de délégation de service public (8).

II - L'attractivité du contrat de partenariat

C'est une véritable "opération séduction" qu'opère la loi du 28 juillet 2008. De nombreuses dispositions cherchent, en effet, à rassurer les collectivités publiques et leurs partenaires et visent, ainsi, à promouvoir le contrat de partenariat. Celles-ci mériteraient à elles seules une étude plus approfondie et nous nous contenterons ici de mentionner les plus remarquables.

Répondant à une demande persistante des partenaires, la loi du 28 juillet 2008 crée les conditions d'une meilleure valorisation domaniale, tout d'abord, en obligeant la personne publique à délimiter précisément les biens appartenant au domaine public (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, sur les contrats de partenariat, art. 13 et CGCT, art. L. 1414-16 N° Lexbase : L1980IBX). En donnant, ensuite, la possibilité à la personne publique d'autoriser le titulaire du contrat de partenariat "à consentir des baux dans les conditions du droit privé, en particulier des baux à construction ou des baux emphytéotiques, pour les biens qui appartiennent au domaine privé, et à y constituer tous types de droits réels à durée limitée" (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, précitée, art. 13 et CGCT, art. L. 1414-16, précité). La conclusion de ces contrats nécessitera, bien évidemment, l'accord de la personne publique et leur durée pourra même être plus longue que celle du contrat de partenariat principal. Seulement, et c'est une limite posée par le Conseil constitutionnel, lesdits contrats seront alors transférés à la personne publique au terme du partenariat.

La loi du 28 juillet 2008 s'efforce, également, de renforcer l'attrait pour le contrat de partenariat en donnant des garanties financières aux partenaires potentiels. Il est, désormais, prévu que "lorsque les demandes de la personne publique impliquent un investissement significatif pour les candidats ayant participé au dialogue compétitif, une prime doit leur être versée" (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, précitée, art. 7 et CGCT, art. L. 1414-7 N° Lexbase : L1849IB4). A cette obligation s'ajoute une faculté. Possibilité est, en effet, donnée à la personne publique de verser une prime forfaitaire à tout candidat qui lui aurait communiqué une "idée innovante" et qui aurait été suivie du lancement d'une procédure de contrat de partenariat (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, précitée, art. 10 et CGCT, art. L. 1414-1, précité).

La loi du 28 juillet 2008 renforce encore le caractère attractif du contrat de partenariat en prévoyant que celui-ci peut "prévoir un mandat de la personne publique au cocontractant pour encaisser, au nom et pour le compte de la personne publique, le paiement par l'usager final de prestations revenant à cette dernière" (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, précitée, art. 1 et CGCT, art. L. 1414-1, précité). La raison d'être de cette disposition réside, sans aucun doute, dans le souci de contourner la solution du Conseil d'Etat selon laquelle "le principe de l'exclusivité de compétence du comptable public pour procéder au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses publiques [est un] principe général des finances publiques applicable à l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs établissements publics" (9).

La volonté de valoriser le contrat de partenariat s'exprime aussi par l'adoption de toute une série de mesures visant à mettre sur le même plan le partenariat public-privé et les autres contrats de la commande publique. Ainsi, est-il prévu que "les projets éligibles à des subventions, lorsqu'ils sont réalisés sous le régime de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée (N° Lexbase : L7908AGY), sont éligibles aux mêmes subventions lorsqu'ils sont réalisés sous le régime de la présente ordonnance" (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, précitée, art. 25-1).

Cette volonté s'est tout particulièrement concrétisée dans le domaine fiscal. Les immeubles construits dans le cadre d'un contrat de partenariat sont, ainsi, exclus de l'assiette du versement pour dépassement de plafond légal de densité (C. urb., art. L. 112-2 N° Lexbase : L1861IBK). Les mêmes immeubles sont, également, exonérés de la redevance exigée en Ile-de-France à l'occasion de la construction de locaux à usage de bureaux et de locaux de recherche, ainsi que de leurs annexes (C. urb., art. L. 520-7 N° Lexbase : L1982IBZ). Le Code général des impôts a, également, été modifié avec l'exonération de la contribution annuelle sur les revenus locatifs (CGI, art. 234 nonies N° Lexbase : L1830IBE) et de la taxe de publicité foncière en matière de cession de créances (CGI, art. 677 N° Lexbase : L1965IBE et 846 N° Lexbase : L1846IBY). Est, également, prévue la possibilité pour le partenaire de constituer en franchise d'impôt une provision au titre de l'exercice au cours duquel la cession desdites créances est opérée (CGI, art. 39 quinquies I N° Lexbase : L1973IBP).

La question, très discutée devant le Parlement, de la dispense d'assurance dommage ouvrage est réglée dans le sens qui suit. Une distinction est faite entre l'Etat et les collectivités territoriales. Alors que l'Etat et ses établissements publics sont dispensés du paiement de cette assurance, les collectivités territoriales et leurs établissements publics y restent assujettis. Le Conseil constitutionnel a validé cette différence de traitement entre l'Etat et les collectivités territoriales, en considérant qu'il existait entre eux une véritable différence de situation, celle-ci résultant de la capacité de l'Etat et de ses établissements publics à faire face au risque financier résultant de la défaillance du cocontractant (10).

On regrettera, en guise de conclusion, que la modification de l'ordonnance du 17 juin 2004 n'ait pas donné lieu à une réflexion d'ensemble sur le droit des contrats administratifs. Celle-ci est pourtant, plus que jamais indispensable, comme le Conseil d'Etat l'a souligné dans son dernier rapport annuel (11).


(1) Eric de Fenoyl, Timide avancée pour le contrat de partenariat, occasion manquée pour le partenariat public-privé, AJDA, 2008, p. 1709.
(2) Thierry Raynaud, Les contrats de partenariat : un nouveau souffle parlementaire ?, BJCP, avril 2007, n° 51, p. 86.
(3) TA Paris, 12 mars 2008, n° 0702363, UNSA éducation et autres (N° Lexbase : A4277EAN), BJCP, 2008, p. 205, obs. Ph. T., AJDA, 2008, p.1327, note Jean-David Dreyfus, CP-ACCP, n° 79, juin 2008, p. 80, note Muriel Dreifuss.
(4) TA Orléans, 29 avril 2008, n° 0604132, SNSO c/ Conseil général du Loiret (N° Lexbase : A8857D8K), BJCP, 2008, n° 58, p.199, conclusions Ghislaine Borot et p. 211, obs. Ph. T., AJDA, 2008, p. 1203, note Jean-David Dreyfus, CP-ACCP, n° 79, juin 2008, p. 76, note Fabrice Cabazan, Dr. adm., 2008, comm. 92, note Fabrice Melleray.
(5) Cons. const., décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (N° Lexbase : A9631C89), Rec. p. 382, AJDA, 2003, p. 1391, note Jean-Eric Schoettl, RFDC, 2003, p. 772, note Etienne Fatôme et Laurent Richer, RDP, 2003, p. 1163, note François Lichère.
(6) Cons. const., décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, loi relative aux contrats de partenariat (N° Lexbase : A7893D99), Gazette du Palais, 8-9 août 2008, p. 4, note Didier Linotte, CP-ACCP, octobre 2008, note François Brenet.
(7) TA Orléans, 29 avril 2008, n° 0604132, SNSO c/ Conseil général du Loiret, précité.
(8) JO Sénat, Séances du 1er avril 2008 et du 9 juillet 2008, JOAN, Séance du 25 juin 2008.
(9) CE, Assemblée générale, 13 février 2007, avis n° 373788, EDCE 2008, n° 59, vol. 1, p. 228, BJCP, 2008, p. 294, obs. Ph. T., AJDA, 2008, p. 787, note J.-D. Dreyfus.
(10) Cons. const., décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, loi relative aux contrats de partenariat, précitée, considérant 37.
(11) Conseil d'Etat, Le contrat, mode d'action publique et de production de normes, EDCE, 2008, n° 59, La Documentation Française, 2008.

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Fiscalité des particuliers

[Le point sur...] La notion d'investissements outre-mer au regard de l'impôt sur le revenu et leur valorisation au regard de l'ISF

Lecture: 11 min

N1953BHS

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par Valérie Le Quintrec, Avocat à la cour, Cabinet Bancel Avocats

Le 07 Octobre 2010

Les opérations de défiscalisation outre-mer, qui jouissent d'une réputation sulfureuse, font l'objet actuellement d'âpres discussions entre le Gouvernement et le Parlement, notamment avec le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et ses modalités de financement. Le plafonnement de certaines niches fiscales dont font partie les investissements outre-mer se retrouve une nouvelle fois sur le "devant la scène" législative. L'objet de cette présente étude est de montrer aux lecteurs les difficultés rencontrées par l'investisseur outre-mer quant à la valorisation de ses investissements dans le cadre de ses déclarations ISF. Avant d'évoquer ces différents points, un bref rappel de ce que l'on entend par investissement outre-mer au regard de l'impôt sur le revenu s'avère nécessaire. 1. La notion d'investissement outre-mer au regard de l'impôt sur le revenu

Les articles 199 undecies A (N° Lexbase : L3781IAB) et 199 undecies B (N° Lexbase : L4664HWN) sont les articles phares relatifs aux modalités d'application des investissements outre-mer réalisés par les particuliers au regard de l'impôt sur le revenu.

1.1. La notion d'investissement outre-mer selon les dispositions de l'article 199 undecies A du CGI

Selon l'article 199 undecies A du CGI, des investisseurs personnes physiques soumis à l'impôt sur le revenu acquièrent en direct (ou construisent) un immeuble neuf situé dans l'un des départements ou collectivités d'outre-mer visés à l'article ci-dessus qu'ils affectent à leur habitation principale pendant une durée de 5 ans ou souscrivent au capital de sociétés qui ont souvent pour objet réel et exclusif de construire outre-mer des logements neufs donnés en location nue pendant une durée généralement de 5 ans (ou 6 ans).

Dans cette seconde hypothèse, le locataire doit obligatoirement être une personne physique. En pratique, ce montage s'applique fréquemment au secteur locatif intermédiaire (1). Dans la majorité des opérations appliquées à ce secteur, les investisseurs cèdent leurs titres, après la période minimale de location de 6 ans, au porteur économique du projet. Le bénéfice pour ce dernier est matérialisé par le prix de rachat.

Les investisseurs, au titre de ces investissements, bénéficieront d'une réduction d'impôt au titre de l'impôt sur le revenu généralement étalée sur 5 ans (ou exceptionnellement sur 10 ans). Le taux de cette réduction d'impôt correspond généralement à 25 %, 40 % ou 50 % (avec d'éventuelles majorations dans certaines hypothèses) du montant de l'investissement en cause.

1.2. La notion d'investissement outre-mer selon les dispositions de l'article 199 undecies B du CGI

Selon l'article 199 undecies B du CGI, une personne physique ou une société fiscalement semi transparente (c'est-à-dire non soumise à l'impôt sur les sociétés - CGI, art. 8, N° Lexbase : L2311IB9) qui réalise un investissement industriel exploité dans un département d'outre-mer bénéficie d'une réduction d'impôt au titre de l'impôt sur le revenu dès lors que l'investissement est utilisé par une entreprise exerçant son activité dans un secteur éligible (secteur du transport, secteur de l'agriculture...). En d'autres termes, pour bénéficier de la réduction d'impôt susvisée, le schéma doit être le suivant : l'investisseur, personne physique, souscrit, directement ou indirectement via une EURL, au capital d'une société en nom collectif ("SNC"). La SNC acquiert le bien et le donne en location simple à l'exploitant pendant au moins 5 ans dans les départements ou collectivités d'outre-mer..

La réduction d'impôt sera alors, en général, égale à 50 % du montant de l'investissement net de TVA ou de taxe non perçue mais récupérable (2) et de subventions et ce, que le bien soit exploité par l'investisseur, ou qu'il soit loué à une société l'exploitant dans un secteur défiscalisable.

Lorsque le propriétaire de l'investissement est une société fiscalement transparente (CGI, art. 8), le bénéfice de la réduction d'impôt remonte au niveau des associés de la société.

Pour que l'investisseur (personne physique ou associé de personne morale transparente) bénéficie de la réduction d'impôt de l'article 199 undecies B du CGI, il doit rétrocéder à l'exploitant domien local une partie de la réduction d'impôt qui lui est allouée, soit 50 % ou 60 % selon le montant de l'investissement réalisé, cette rétrocession se faisant par une diminution des loyers et/ou du prix d'acquisition final du bien.

Pour que ce deuxième schéma dit "schéma locatif externalisé" présente un intérêt tant pour l'exploitant local que pour les associés de la société, il est conseillé que l'exploitant local achète le bien et le revende immédiatement à la société transparente au moyen d'un crédit-vendeur ou d'un prêt. L'investisseur, dès la réalisation de l'investissement, va signer, avec l'exploitant local, un contrat de location de 5 ans du matériel, avec un "loyer" (loyers + éventuel dépôt de garantie) égal au montant du crédit-vendeur accordé par l'exploitant local ou du prêt consenti à ce dernier. Au terme de ces 5 années de location, durée de la défiscalisation, l'exploitant local n'aura en réalité déboursé, pour l'achat du matériel, qu'une somme correspondant au montant des loyers acquittés + 1 euro symbolique pour devenir définitivement propriétaire du matériel.

Dans ce type de schéma, l'exploitant domien aura acquis un bien nécessaire à son exploitation à un coût inférieur à celui qui l'aurait du payer s'il avait acheté en direct ledit bien. L'investisseur, bénéficiaire de la réduction d'impôt, va également réaliser une économie substantielle puisqu'il réalise un gain net correspondant à la différence entre le montant de la réduction d'impôt et le montant de la rétrocession attribué à l'exploitant local.

Le même type de schéma peut être envisagé lorsqu'une société soumise à l'impôt sur les sociétés réalise l'investissement industriel outre-mer. Ce sont toutefois les règles de l'article 217 undecies du CGI (N° Lexbase : L3734IAK) qui s'appliquent.

Après avoir rappelé les grands principes de l'investissement outre-mer au niveau de l'impôt sur le revenu, il convient à présent d'envisager les problématiques rencontrées lors de la valorisation des investissements outre-mer dans le cadre de l'ISF.

2. Valorisation des investissements outre-mer au regard de l'ISF : compte courant d'associé et parts de SNC de défiscalisation

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'un investisseur outre-mer qui a souscrit en direct au capital d'une société semi-transparente, type SNC de défiscalisation, dispose non seulement de parts de cette société mais également et généralement (dans ce type de schéma) d'un compte courant d'associé.

En matière d'ISF, les comptes courants et les parts sociales sont en principe à déclarer. Toutefois, dans ce domaine très particulier qu'est la défiscalisation d'outre-mer, il est fréquent de voir l'investisseur outre-mer ne pas déclarer ou déclarer pour une valeur insuffisante, selon l'administration fiscale, son compte courant et ses parts de SNC pour les motifs exposés ci-après.

Reprenons l'hypothèse d'un investissement en direct, selon les modalités fixées à l'article 199 undecies B du CGI, par laquelle un investisseur personne physique souscrit au capital d'une SNC de défiscalisation (prise de participation directe dans la SNC), cette dernière donnant en location un bien à un exploitant local.

Si on lit le bilan de la SNC, on constate l'existence d'un passif représenté par le compte courant de l'associé unique. Comme il a déjà été souligné ci-dessus, certains investisseurs (personnes physiques) décident de ne pas mentionner leur compte courant d'associé sur leur déclaration ISF ainsi que les parts de SNC estimant que ces deux "actifs" n'ont aucune valeur. En effet, ils ne considèrent pas leurs biens (compte courant d'associé et parts de SNC) comme des actifs professionnels exonérés d'ISF, mais comme des actifs sans valeur.

Cette problématique de valorisation est identique dans l'hypothèse où le contribuable a investi au travers d'une EURL, cette dernière disposant au passif d'un compte courant d'associé et à l'actif de parts de SNC de défiscalisation. Dans cette hypothèse, se pose également la question de la valorisation des parts de l'EURL et du compte courant d'associé.

2.1. Valeur à retenir des parts sociales détenues par l'investisseur outre-mer dans une société de défiscalisation

L'administration fiscale retient, en analysant le bilan de la SNC, la valeur nominale des parts, c'est-à-dire la valeur correspondant au capital figurant au bilan de la société divisé par le nombre de parts émises par celle-ci. Cependant, ces parts doivent logiquement être évaluées pour une valeur nulle ou quasiment proche de zéro pour les raisons suivantes.

Tout d'abord, et c'est ce que les lecteurs doivent retenir, les opérations de défiscalisation outre-mer sont des opérations de "pur portage fiscal" effectuées à fonds perdus de sorte que les investisseurs ne retrouveront ni directement ni indirectement le capital de la SNC souscrit. En d'autres termes, dès l'origine, les modalités de sortie sont prévues de sorte que la SNC, regroupant les investisseurs (personnes physiques), vendra, après un délai de portage de 5 ans révolus, les investissements pour le montant du passif (au niveau de la SNC) restant dû. Il en résulte donc que l'intégralité du capital social de la SNC souscrit par l'investisseur (personne physique) est définitivement perdue.

Dans l'hypothèse non pas d'un investissement direct cette fois-ci mais d'un investissement indirect, un acquéreur potentiel de parts d'une EURL (ayant constitué par le passé un investissement dans les DOM-TOM via une SNC), ne pourrait, selon certains, donner une valeur significative, car toute acquisition des parts serait destinée à être définitivement perdue sans qu'une réduction d'impôt puisse lui être accordée. L'actif de l'EURL (parts de SNC) ne recèle aucune plus-value latente.

Par ailleurs, toujours dans l'hypothèse d'un investissement indirect, l'associé de l'EURL constatant (bien souvent) que l'EURL est en situation nette comptable négative sans recéler aucune plus-value latente à son actif, ne peut espérer en retirer un prix significatif surtout si la cession génère un redressement fiscal au titre de la remise en cause des réductions d'impôt initialement accordées.

Ainsi, le jeu de l'offre et de la demande aboutit à la conclusion qu'une cession des parts sociales ne peut s'opérer au mieux que pour l'euro symbolique en raison de l'absence de retour d'investissement escompté par l'acquéreur et du risque fiscal supporté par le vendeur.

Qu'en est-il maintenant de la valeur à retenir des comptes courants d'associés ?

2.2. Valeur à retenir du compte courant d'associé

2.2.1. Les arguments de l'administration fiscale

Il est fréquent de voir l'administration fiscale redresser un contribuable à l'ISF (investisseur outre-mer) au titre de l'absence ou de l'insuffisance de valeur du compte courant figurant au passif d'une société de défiscalisation (SNC) ou de l'EURL associée de la société de défiscalisation. Après analyse des liasses fiscales des sociétés susvisées, l'administration va le plus souvent considérer que la SNC ou l'EURL dispose de dettes envers l'associé unique correspondant notamment au compte courant d'associé.

Au vu du montant de ce compte courant et en application des dispositions de l'article 885 E du CGI (N° Lexbase : L8780HLR), l'administration fiscale peut ainsi procéder au rehaussement de la base imposable à l'ISF du contribuable en cause pour la valeur nominale du compte courant d'associé. L'administration fiscale considère que les comptes courants d'associés ne sont pas des biens expressément exonérés d'ISF. Elle complète généralement son argumentation en considérant que les comptes courants d'associés ouverts dans une société ne sauraient avoir le caractère de biens professionnels pour le titulaire du compte, fût-il dirigeant de la société, et ce alors même que le compte courant serait bloqué pour une période plus ou moins longue dans l'entreprise (voir réponse ministérielle du 4 avril 2006 (3)). De plus, dans certains dossiers de contentieux fiscaux, l'administration estime que les apports en compte courant ne constituent pas pour une société une augmentation de ses fonds propres mais s'analysent en une créance des associés titulaires de ces comptes sur la société (en ce sens : lire Cass. com., 6 mai 2008, n° 07-13.762, F-P+B N° Lexbase : A4448D8A). Dès lors, ces apports ne peuvent être qualifiés de biens professionnels.

Ainsi, l'administration juge que les soldes créditeurs de ces comptes constituent une créance soumise à l'ISF au sens de l'article 885 E du CGI (N° Lexbase : L8761HL3), justifiant ainsi la rectification de l'actif net imposable aux soldes créditeurs du compte courant d'associé ouvert au nom du contribuable vérifié concerné dans les comptes de la SNC (en cas d'investissement direct) ou dans les comptes de l'EURL dont il est l'associé unique (en cas d'investissement indirect). Aussi, ce sont bien les valeurs inscrites au bilan de la SNC ou de l'EURL au titre des années vérifiées qui doivent être retenues selon l'administration fiscale et figurer sur les déclarations ISF correspondantes.

Toutefois, il semble que ces comptes courants d'associés puissent parfaitement être retenus pour une valeur au mieux de un euro compte tenu des particularités intrinsèques des opérations de défiscalisation.

2.2.2. Les arguments en faveur d'une valorisation nulle du compte courant d'associé

Si effectivement, une somme détenue par un associé dans le compte courant d'une société peut être assimilée à une créance et si les créances doivent être incluses à l'actif du patrimoine du contribuable, il n'y a pas lieu de forcément retenir la valeur nominale de cette créance.

Premièrement, une distinction est à opérer selon que la créance est à terme ou non. L'article 760 du CGI (N° Lexbase : L3142HNP) prévoit que "pour les créances à terme, le droit est perçu sur le capital exprimé dans l'acte et qui en fait l'objet", soit leur montant nominal.

Il est d'ailleurs à noter que s'agissant des comptes courants d'associés, la Cour de cassation a précisé notamment dans la décision "Barthélémy" du 19 juin 1990 (position confirmée à plusieurs reprises, notamment par l'arrêt du 23 février 1999, "Revaud" (4)), qu'un compte courant d'associés bloqué devait s'analyser en une créance à terme devant être évaluée selon les règles de l'article 760 du CGI (valeur nominale). En l'absence de terme, il y a lieu de retenir une évaluation du compte courant d'associé selon le principe de la "valeur vénale". Selon la Cour de cassation, une créance de restitution de compte courant d'associé est déterminée par la déclaration du contribuable et la valeur réelle d'une créance est constituée par sa valeur de recouvrement probable en fonction, notamment, de la situation de la société. En conséquence, la Cour de cassation considère qu'une créance de compte courant peut être nulle "du fait des difficultés financières et des pertes de la société". La situation déficitaire de la SNC est bien inhérente à ce type de société de défiscalisation.

Comme indiqué ci-dessus, les investissements effectués dans le cadre de cette loi dans les départements d'outre-mer sont caractérisés par un investissement réalisé à fonds perdus comme l'exige la loi (et le Bureau des Agréments de la DGI). Ainsi, la valeur réelle de la créance de compte courant ne peut être que symbolique, la probabilité de recouvrement étant inexistante et l'investisseur personne physique (en cas d'investissement direct) ou l'EURL (en cas d'investissement indirect) ne devant pas récupérer de trésorerie à l'issue des cinq ans de "portage fiscal" des parts des SNC.

En fait, les apports en compte courant sont des "quasi fonds propres" de l'investisseur personne physique (en cas d'investissement direct) ou de l'EURL (en cas d'investissement indirect). C'est pourquoi il y a lieu de considérer que les fonds propres de l'investisseur personne physique ou de l'EURL n'ont qu'une valeur de un euro au mieux.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que les arguments de l'administration fiscale ci-dessus visés pour justifier le rehaussement de la base imposable de l'ISF sont plus que contestables puisque la valeur réelle de ces comptes courants est nulle, la probabilité de recouvrement étant inexistante, du fait même de l'opération réalisée.

Conclusion

En dépit des décisions jurisprudentielles dans lesquelles il est demandé à l'administration fiscale d'abandonner les redressements ci-dessus visés, cette dernière continue encore aujourd'hui à rehausser les bases imposables à l'ISF d'investisseurs personnes physiques pour sous-valorisation ou absence de déclaration de parts sociales de SNC (en cas d'investissement direct) ou d'EURL (en cas d'investissement indirect) et de compte courant d'associé.

Elle persiste donc à nier la volonté du législateur qui, en créant les opérations de défiscalisation outre-mer, a souhaité instituer des investissements à fonds perdus générateurs de déficits, cette persistance provenant d'une certaine méconnaissance du fonctionnement de ces opérations.

Les investisseurs qui subiraient de tels redressements doivent s'obstiner à les contester, l'argumentation développée par l'administration fiscale étant inopérante concernant ces opérations très particulières.


(1) Les locations à caractère intermédiaire correspondent aux locations effectuées avec des montants annuels de loyers et de ressources du locataire qui ne doivent pas excéder certains plafonds (instruction du 9 janvier 2006, BOI 5 B-1-06 N° Lexbase : X5229ADZ).
(2) La notion de taxe non perçue mais récupérable communément appelée TVA NPR est régie par les dispositions de l'article 295-5° du CGI (N° Lexbase : L4708HWB).
(3) QE n° 84012 de M. Christ Jean-Louis, réponse publiée au 4 avril 2006 p. 3675, 12ème législature (N° Lexbase : L9828HIT). Le ministère de l'Economie a considéré qu'"il résulte des dispositions de l'article 885 E du Code général des impôts que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année d'imposition, de l'ensemble des biens, droits et valeurs appartenant au foyer fiscal soumis à cet impôt. Par exception peuvent être considérés, sous certaines conditions, comme des biens professionnels et exonérés à ce titre d'ISF les parts ou actions de société, c'est-à-dire des sommes investies en fonds propres dans l'entreprise. Les sommes placées au crédit d'un compte courant d'associé, alors même que le compte courant serait bloqué pour une période plus ou moins longue, ne constituent pas une augmentation de ces fonds propres, mais s'analysent en une simple opération de prêt. Par conséquent, la créance des associés, titulaires de ces comptes, sur la société est soumise à l'ISF".
(4) Cass. com., 19 juin 1990, n° 89-12.959, Barthélémy c/ DGI, inédit au bulletin, Cassation partielle, (N° Lexbase : A0088CXK) ; Cass. com., 23 février 1999, n° 96-19.587, M. Jacques Revaud c/ Directeur général des impôts (N° Lexbase : A8851AGW).

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Social général

[Textes] LME : extension de la procédure de rescrit et création d'un "titre emploi-service entreprise"

Réf. : Loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR)

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N1905BHZ

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Participant de la politique du Gouvernement en faveur de la croissance, de l'emploi et du pouvoir d'achat, la volumineuse loi de modernisation de l'économie, adoptée le 4 août 2008 (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR), ne renferme qu'un très petit nombre de dispositions intéressant le droit social (1). Outre l'atténuation des effets de seuil pour différentes contributions sociales (2), il convient, à ce titre, de faire mention de l'extension du rescrit social et de la création d'un "titre emploi-service entreprise". Envisagées dans leur globalité, ces mesures très techniques, largement expérimentées sous des formes similaires antérieurement, se rapportent aux obligations qui pèsent sur les employeurs en matière sociale. De ce point de vue, tandis que les unes visent à donner à ces derniers plus de stabilité juridique, les autres tendent à leur fournir une aide dans l'accomplissement de ces mêmes obligations. I - L'extension du rescrit social
  • Principe

Défini comme "l'acte émanant d'une autorité consultée par une personne privée ou un organisme public sur l'interprétation ou l'application d'une norme" (3), le rescrit vise à assurer à celui qui en est à l'origine une certaine stabilité juridique. D'abord apparue en matière fiscale (4), la procédure de rescrit a été instituée, en matière sociale, par l'ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005 (ordonnance relative à la garantie des droits des cotisants dans leurs relations avec les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales N° Lexbase : L8435G8W et lire les obs. de Ch. Willmann, Opposabilité des circulaires et rescrit social en matière de cotisations sociales, Lexbase Hebdo n° 174 du 29 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N5977AI9). Le rescrit social permet à un cotisant ou futur cotisant de demander à l'organisme de recouvrement dont il relève de se prononcer de manière explicite sur toute demande qu'il présente en sa qualité d'employeur. Il a, plus précisément, pour objet de connaître l'application à une situation donnée d'une réglementation spécifique ou d'une mesure d'exonération.

La décision est opposable pour l'avenir à l'organisme qui l'a prononcée, tant que la situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la situation du demandeur a été appréciée n'ont pas été modifiées. La décision explicite de l'organisme doit intervenir dans le délai de quatre mois. Si, à l'issue de ce délai, l'organisme de recouvrement n'a pas notifié au demandeur sa décision, il ne peut être procédé à un redressement de cotisations ou contributions sociales, fondé sur la législation au regard de laquelle devait être appréciée la situation de fait exposée dans la demande, au titre de la période comprise entre la date à laquelle le délai a expiré et la date de la notification de la réponse explicite (CSS, art. L. 243-6-3 [LXB=N5977AI9Q]).

Compte tenu du très grand nombre et de la complexité des dispositifs d'exonération de cotisations sociales que le législateur s'ingénie à créer depuis plusieurs années, il faut, sans doute, se féliciter de l'existence du rescrit social. D'autant plus que la procédure mise en place paraît relativement équilibrée, les intérêts des uns et des autres étant préservés.

  • Elargissement du rescrit bénéficiant aux employeurs

Jusqu'à la loi sous examen, le rescrit social ne s'appliquait qu'à un nombre très limité de mesures. Etaient, en effet, visées par l'article L. 243-6-3 du Code de la Sécurité sociale :

- les exonérations de cotisations applicables en zones franches urbaines (ZFU), zones de revitalisation urbaine (ZRU) et zones de revitalisation rurale ;

- les contributions patronales dues en matière de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire ;

- les mesures spécifiques relatives aux avantages en nature et frais professionnels.

La loi de modernisation de l'économie vient élargir de manière conséquente le champ d'application du rescrit social qui s'applique, désormais (CSS, art. L. 243-6-3, nouv. N° Lexbase : L2261IBD) :

- "aux exonérations de cotisations de sécurité sociale (5) ;

- aux contributions des employeurs mentionnées au chapitre VII du titre III du livre Ier (6) ;

- aux mesures réglementaires spécifiques relatives aux avantages en nature et aux frais professionnels prises en application de l'article L. 242-1 (N° Lexbase : L7990IA8) ;

- aux exemptions d'assiette mentionnées à l'article L. 242-1".

Relevons, encore, qu'une extension similaire du rescrit social est prévue pour les employeurs relevant du régime des salariés agricoles (C. rur., art. L. 725-24, nouv. N° Lexbase : L2346IBI). Cet élargissement du rescrit social entrera en vigueur le 1er janvier 2009 (art. 5, IV de la loi).

  • Application du rescrit aux travailleurs indépendants

La loi de modernisation de l'économie crée une procédure de rescrit social en faveur des cotisants ou futurs cotisants relevant du régime social des travailleurs indépendants (CSS, art. L. 133-6-9, nouv. N° Lexbase : L2299IBR).

Les personnes intéressées pourront interroger le régime social des indépendants pour connaître l'application, à leur situation, de la législation relative aux exonérations de cotisations de sécurité sociale dues à titre personnel et aux conditions d'affiliation au régime social des indépendants. Comme pour le rescrit social applicable aux employeurs, la demande du cotisant ne pourra être formulée lorsqu'un contrôle a été engagé par le régime social des indépendants (7). La procédure de rescrit sera, également, ouverte aux professionnels libéraux en ce qui concerne leur assurance vieillesse et, plus précisément, sur les conditions d'affiliation aux régimes concernés ou à l'une de leurs sections professionnelles (CSS., art. L. 133-6-10, nouv. N° Lexbase : L2388IB3).

Ces dispositions entreront en vigueur le 1er juillet 2009 (art. 5, IV de la loi).

  • Création d'un rescrit en matière d'aides d'emploi

Décidément inspiré par le rescrit, le législateur crée une procédure d'interrogation des administrations par les employeurs sur les aides au maintien et à la sauvegarde de l'emploi. Compte tenu du véritable maquis que constituent aujourd'hui ces aides, l'adaptation du rescrit en la matière constitue sans doute une bonne chose (8).

En application de l'article L. 5112-1-1, nouveau, du Code du travail (N° Lexbase : L2347IBK), "l'administration chargée des dispositifs en faveur de l'emploi mentionnées dans le présent livre et définis par décret doit se prononcer de manière explicite sur toute demande formulée par un employeur sur une situation de fait au regard des dispositions contenues dans le présent livre, à l'exception de celles ayant un caractère purement fiscal ou social". Cette dernière exclusion est logique dans la mesure où trouvera à s'appliquer, ici, le rescrit fiscal ou le rescrit social. Le "rescrit-emploi" ne devrait, par suite, concerner que les aides ne consistant pas en des exonérations de charges sociales. Notons qu'un décret en Conseil d'Etat définira les conditions d'application de ce nouveau dispositif et son entrée en vigueur, qui devra intervenir au plus tard le 1er janvier 2010 (9).

II - Le "titre Emploi-Service Entreprise"

  • Présentation

Créé par l'article 55 de la loi de modernisation de l'économie, le "titre Emploi-Service Entreprise" (TESE) est appelé à se substituer, à compter du 1er avril 2009, au titre emploi-entreprise (C. trav., art. L. 1273-1 à L. 1273-6 N° Lexbase : L1798H9H) et au chèque emploi pour les très petites entreprises (C. trav., art. L. 1274-1 à L. 1274-7 N° Lexbase : L1814H93). A l'instar de ces dispositifs, le TESE a pour vocation d'aider les entreprises à accomplir leurs obligations sociales.

Le TESE, dont les modalités d'application seront définies par décret, sera ouvert à toute entreprise, à l'exception des entrepreneurs de spectacles occasionnels et des employeurs dont les salariés relèvent du régime des salariés agricoles. Le TESE ne pourra, toutefois, qu'être utilisé en France métropolitaine et par les entreprises :

- dont l'effectif n'excède pas neuf salariés, quelle que soit la durée annuelle d'emploi de ces salariés ;

- ou qui, quel que soit leur effectif, emploient des salariés dont l'activité dans la même entreprise n'excède pas la limite de cent jours, consécutifs ou non, ou de 700 heures de travail par année civile.

  • Objet

Le recours au service du TESE permettra, notamment, à l'entreprise bénéficiaire d'obtenir le calcul des rémunérations dues aux salariés, ainsi que l'ensemble des cotisations et contributions obligatoires et de souscrire les déclarations obligatoires relatives aux cotisations et contributions sociales. L'organisme habilité pour recouvrer ces cotisations et contributions délivrera un bulletin de paie à l'employeur pour remise au salarié.

Bien plus, l'employeur, qui utilisera le TESE, sera réputé satisfaire, par la remise au salarié et l'envoi à l'organisme habilité des éléments du titre emploi qui leur sont respectivement destinées, aux formalités suivantes :

- les règles relatives à l'établissement d'un contrat de travail et celles concernant la conclusion d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat à temps partiel ;

- la déclaration préalable à l'embauche ;

- la délivrance d'un certificat de travail.

L'employeur ayant recours à un TESE pourra donner mandat à un tiers en vue d'accomplir l'ensemble de ces formalités.


(1) Ce dont on se réjouira, le législateur n'ayant pas été avare de réformes en la matière ces derniers mois.
(2) V., sur cette question, les obs. de Ch. Willmann, LME : neutralisation de l'impact financier du franchissement du seuil de dix et vingt salariés par les entreprises, vers un retour sur l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 ?, Lexbase Hebdo n° 319 du 25 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1959BHZ).
(3) B. Oppetit, La résurgence du rescrit, D., 1991, chron., p. 105 et s. Cité par F. Terré, Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 7ème éd., 2006.
(4) Rescrit fiscal, également, modifié par l'article 5 de la loi du 4 août 2008, v. les obs. de A.-L. Lonné, La loi de modernisation de l'économie : aspects de droit fiscal, Lexbase Hebdo n° 316 du 3 septembre 2008 - édition fiscale (N° Lexbase : N7334BGQ).
(5) Formule particulièrement compréhensive qui permet de regrouper, outre les dispositifs antérieurement visés par l'article L. 243-6-3 du Code de la Sécurité sociale, les dispositifs généraux d'allègement de cotisations sociales, les exonérations liées à l'accomplissement d'heures supplémentaires, celles liées à la conclusion de certains contrats, etc..
(6) Sont, notamment, concernées, la contribution sur les abondements des employeurs aux Perco, la contribution sur les avantages de préretraite d'entreprise, la contribution sur les indemnités de mise à la retraite, etc..
(7) Notons que le traitement des demandes relatives aux exonérations de cotisations de sécurité sociale sera délégué aux Urssaf, dans les matières où ces organismes agissent pour le compte et sous l'appellation du régime social des indépendants.
(8) Ce qui ne saurait interdire, bien au contraire, que le législateur s'attache un jour à effectuer un profond nettoyage au sein des dispositifs d'aides à l'emploi qui n'ont cessé de s'empiler depuis plusieurs années.
(9) On peut espérer que le texte réglementaire viendra apporter quelques précisions quant aux aides concernées et aux autorités susceptibles d'être interrogées dans des cas où interviennent une pluralité de prescripteurs.
(10) Lorsque l'effectif de l'entreprise dépasse neuf salariés, le TESE ne pourra être utilisé qu'à l'égard de ces seuls salariés.

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