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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Nous disons "incongruités", car il aura fallu l'intervention de la plus Haute formation de la Cour de cassation pour mettre les points sur les "i"... trémas. Car diacritique il y a en la matière. Par souci de cohérence, le législateur de 1958 a ouvert l'option de l'action civile devant le juge pénal, de manière à ce que le juge répressif condamne et évalue le préjudice ainsi subi par la société à l'occasion d'une infraction, mais également celui causé à la victime directe ou indirecte de cette même infraction. S'ouvraient aux justiciables deux voies de réparation de leur préjudice, devant le juge civil ou devant le juge pénal avec l'assentiment nécessaire du ministère public. Justice plus cohérente, plus rapide, au régime de la preuve facilité par le concours du ministère public, la réparation du préjudice civil devant le juge pénal aura tôt fait de faire grincer les dents, à partir du moment où la patrimonialisation de ce préjudice se lovait sur la pénalisation de la responsabilité civile.
La patrimonialisation du préjudice et par conséquent sa transmissibilité ne pose guère de problème d'appréhension, lorque des héritiers demandent la réparation du préjudice matériel que leur auteur aurait subi avant sa mort : matériel pour matériel -autrement dit pécuniaire pour pécuniaire-. "Les hommes oublient plus facilement la mort de leur père que la perte de leur patrimoine" (Machiavel, Le Prince). Il en va, tout de même, différemment, du préjudice moral dont la patrimonialisation aura été, certes clairement, mais plus difficilement, imposée par la Haute juridiction le 30 avril 1976, rejointe tardivement par le Conseil d'Etat, le 29 mars 2000.
Restait pourtant une question de poids : si les héritiers peuvent demander réparation devant le juge pénal pour le préjudice subi par le de cujus, est-ce à la condition que ce dernier ait lui-même actionné la juridiction répressive avant sa mort ou cette patrimonialisation est-elle indépendante de la volonté expresse ou tacite (par l'action du ministère public non contestée) de la victime directe ?
C'est à cette question délicate que l'Assemblée plénière a répondu, en conditionnant le droit à réparation des héritiers, à l'action préalable du de cujus ou du ministère public. Le droit moral, c'est-à-dire peu ou prou la volonté du défunt de poursuivre ou non l'auteur de l'infraction, est ainsi préservé ; et la patrimonialisation du préjudice civil ainsi limitée.
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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
Le 07 Octobre 2010
Par principe, les sociétés à responsabilité limitées relèvent des dispositions de l'article 206 du CGI relatives à l'impôt sur les sociétés (N° Lexbase : L2389IB4). Mais le législateur a introduit un régime fiscal spécifique (CGI, art. 239 bis AA N° Lexbase : L4952HLY) permettant aux SARL nouvelles ou préexistantes, dont le capital est détenu par les membres d'une même famille, de relever de l'impôt sur le revenu avec l'accord de tous les associés. Les autorités publiques ont, ainsi, considéré que ce régime d'imposition était plus adapté à ces petites entreprises familiales ce qui permet aux associés, sur le plan juridique, de profiter notamment de la limitation de leur responsabilité à leurs seuls apports -sauf exception (1)- et sur le plan fiscal de se voir appliquer le régime de l'impôt sur le revenu qui peut présenter des avantages par rapport à l'IS (absence d'IFA, barème progressif de l'IR, compensation des déficits de la société avec les revenus des associés... (2)). Cette option permet de faire fonctionner la SARL (3) sous un régime de semi-transparence fiscale et de revenir, à titre définitif cette fois-ci, sous un régime opaque IS (4).
Comme toutes les options fiscales, l'option pour le régime de l'article 239 bis AA du CGI est subordonnée au respect d'un certain nombre de conditions relatives à la qualité des associés (5), à l'activité de la société, et à l'exercice d'une option (6). Son application a entraîné un contentieux nourri dont les décisions récentes témoignent et, plus particulièrement quant à l'activité exercée dont la nature doit être industrielle, commerciale, artisanale ou agricole (7). Sont, par conséquent, exclues les activités libérales ou civiles, sauf si elles sont le complément indissociable d'une activité exercée principalement et éligible aux dispositions de l'article 239 bis AA du CGI (8).
Deux décisions rendues par le Conseil d'Etat se sont prononcées de façon univoque pour le respect des conditions relatives au champ d'application matériel de ce texte (CE 9° et 10° s-s-r., 16 juillet 2008, n° 300839, M. Berland ; CE 9° et 10° s-s-r., 16 juillet 2008, n° 299862, Société JMSFB) (9).
L'objet social de la société à responsabilité limitée JMSFB tenait en "la création, l'acquisition, l'exploitation, la gestion, sous forme directe ou indirecte, la location gérance ou la prise de participation dans l'exploitation de tout fonds de commerce lié à l'hébergement en résidence avec services, et particulièrement en maison de retraite médicalisée". La juridiction d'appel a relevé que la société JMSFB, "associée de la SNC Le Prieuré', ne participait ni à la gestion de celle-ci, qui avait été confiée à la société IGSA, ni à l'exploitation de la maison de retraite médicalisée". En fait, la société JMSFB "avait pour seule activité la gestion de ses participations dans la SNC" en question ; activité civile -exercée à titre exclusif- incompatible avec les dispositions de l'article 239 bis AA du CGI.
Le Haut conseil valide le raisonnement adopté par les juges du fond (CAA Douai, 3ème ch., 22 novembre 2006, n° 05DA00375, M. et Mme Jacques Berland N° Lexbase : A5363DTS ; CAA Douai, 3ème ch., 11 octobre 2006, n° 05DA00376, SARL JMSFB N° Lexbase : A0058DSX) entraînant ainsi l'imposition de la société JMSFB à l'IFA et la remise en cause de l'imputation des déficits de la société sur le revenu global des contribuables. Par ailleurs, la société ne pouvait utilement opposer sa qualité de commerçant (10) conférée par le statut d'associé de la SARL dans une société en nom collectif. Le Conseil d'Etat n'entend pas s'arrêter à la seule qualification de commerçant attachée au statut d'associé d'une SNC : le Haut conseil exige l'exercice effectif d'une activité commerciale éligible au régime de l'article 239 bis AA du CGI. Par conséquent, c'est sans surprise (11) que les Hauts magistrats refusent le bénéfice du régime de la semi-transparence aux activités civile de gestion de portefeuille (12).
Dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire, le législateur a introduit des dispositions particulièrement favorables pour les entreprises nouvelles soumises au réel à raison, notamment (13), de leurs activités industrielles, commerciales ou artisanales consistant en une exonération (14) totale -mais plafonnée- des bénéfices et des plus-values (15) réalisés (16) jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de la création de l'entreprise. Puis, un abattement de 25 %, 50 % et 75 % permet une sortie progressive de ce régime d'exception (17). Ces dispositions ne sont applicables que dans certaines zones en France de sorte que la doctrine a conclu en l'émiettement du territoire fiscal (B. Plagnet, Le régionalisme fiscal ou l'émiettement ?, BF novembre 2003 (18)).
Bénéficiant uniquement aux entreprises dont l'activité est réellement nouvelle (19) et indépendante (20), l'un des points les plus litigieux résulte de la localisation géographique de l'activité de l'entreprise se prévalant du régime de l'article 44 sexies du CGI ; la loi ayant prévu, par principe, l'implantation exclusive en zone d'aménagement du territoire du "siège social ainsi que de l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation".
L'administration fiscale admet que l'entreprise puisse cesser d'exercer son activité dans une zone éligible pour la transférer dans une autre zone éligible ou même qu'elle puisse exercer dans plusieurs zones éligibles à la fois (21). La problématique est plus délicate s'agissant des activités non sédentaires. La question a été tranchée favorablement pour les entreprises de transport (22), mais l'administration considère que les autres activités ne peuvent profiter des dispositions de l'article 44 sexies du CGI "dès lors qu'une partie de leurs chantiers, marchés ou lieux d'intervention sont situés en dehors des zones d'application territoriale du dispositif". A cet égard, les débats parlementaires (JOAN Débats, 10 juillet 1994, p. 4621) consacrés spécifiquement à cette clause du texte sont sans ambiguïté quant à la portée de la condition d'implantation exclusive (en ce sens, QE n° 28078 de M. Guédon, réponse publiée au JOAN du 12 juillet 1999, pp. 4284-4285 N° Lexbase : L4751IBL ; QE n° 57825 de M. Voisin, réponse publiée au JOAN du 16 avril 2001, p. 2258 N° Lexbase : L4752IBM). Afin d'accorder le fait économique et le droit, la représentation nationale a légalisé la doctrine administrative consistant à considérer que la condition d'implantation était satisfaite si l'entreprise exerçant l'activité non sédentaire réalisait au plus 15 % de son chiffre d'affaires en dehors de cette zone.
Pour autant, il n'a évidemment pas échappé à l'administration que certaines entreprises pouvaient être tentées par une localisation fictive en ce sens que tout ou partie de l'activité serait, en réalité, réalisée en dehors de la zone d'éligibilité dont la vocation n'est pas de servir de boîte aux lettres.
La décision rendue par le Conseil d'Etat le 27 juin 2008 interprète la condition relative à la zone d'implantation de l'entreprise nouvelle : le contribuable exerçait, à titre individuel, une activité de conception et de commercialisation d'évènements d'entreprise dans un territoire rural de développement prioritaire sous forme de programmes de séminaires, de stages de sports et d'aventure ou de soirées à thème destinés aux membres des sociétés clientes. Pour ce faire, le contribuable se procurait les moyens humains et matériels nécessaires en recourant à la sous-traitance et aux prestations de services fournies par des tiers. En appel (CAA Bordeaux, 4ème ch., 7 décembre 2006, n° 03BX02155, M. Philippe Bray N° Lexbase : A6521DTP), le contribuable ne démontrait pas que le chiffre d'affaires réalisé en dehors de la zone éligible ne dépassait pas le plafond de 15 % alors fixé, à l'époque des faits par la doctrine administrative (23) (instruction du 23 avril 2003, BOI 4 A-6-03 (24) N° Lexbase : X4492ABY). De plus, les conseillers de la cour administrative d'appel ont considéré que l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation n'était pas implanté dans une zone éligible au régime de l'article 44 sexies du CGI car, même si le contribuable facturait bien la totalité des prestations à ses clients, "les manifestations qu'il animait en faisant appel à des moyens matériels et humains procurés par des fournisseurs et sous-traitants, même si elles étaient conçues et organisées au siège de son entreprise [...], se déroulaient pour la plupart en dehors de la zone éligible à l'exonération revendiquée".
Cet arrêt est cassé par le Conseil d'Etat pour erreur de droit qui règle l'affaire au fond (CJA, art. L 821-2 N° Lexbase : L3298ALQ) : pour les Hauts magistrats, le contribuable remplissait bien les conditions d'éligibilité aux dispositions de l'article 44 sexies du CGI à raison des manifestations conçues, organisées et commercialisées au siège "où il dispos[ait] de moyens d'exploitation significatifs [...] alors même que la plupart de ses prestations se déroul[ait], compte tenu de leur nature, hors de la zone éligible et avec des prestataires de services extérieurs à la zone". Cette décision favorable aux intérêts du contribuable va à l'encontre d'une lecture très restrictive des conditions légales retenue par le juge d'appel dont la prise de position excluait alors tout un pan de l'économie. On remarquera également que la tolérance de 15 % du chiffre d'affaires réalisé hors zone éligible n'est pas visée par le juge de cassation. Cette solution ne semble applicable qu'aux seules activités dont la nature même commande un tel raisonnement. Elle est, en outre, subordonnée à l'existence de moyens d'exploitation significatifs au siège de l'entreprise ; ce dernier n'ayant rien de virtuel.
La décision "Pusztay" apporte d'importantes précisions en matière de procédures fiscales dans un océan de griefs -sans conséquences quant aux solutions apportées par le juge de l'impôt- émis par le contribuable tenant pêle-mêle à la concussion de l'administration fiscale (!), le recouvrement de l'impôt ou encore relatifs à la régularité du jugement rendu par le juge de première instance dont les moyens n'ont pas été exposés dans la requête d'appel mais seulement dans le mémoire ampliatif.
A la suite d'une vérification de comptabilité d'une société en participation, dont l'activité principale était le recouvrement de créances, le principal associé à hauteur de 99,99 %, a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu (25) et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Le contentieux persistant entre l'administration fiscale et le contribuable malgré la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (LPF, art. L. 59 N° Lexbase : L5471H9I), le juge de cassation tranche, en application de l'article L. 821-2 du CJA, le litige au fond après annulation de l'arrêt rendu par la juridiction d'appel pour erreur de droit (CAA Versailles, 3ème ch., 4 octobre 2005, n° 03VE01166, M. Joseph Pusztay N° Lexbase : A8824DKZ).
Les Hauts magistrats écartent en premier lieu le grief de non-respect de la garantie procédurale tenant en un débat oral et contradictoire qui doit être respectée lors d'une vérification de comptabilité. Mais, au regard des faits de l'espèce, ce point ne semble pas soulever de discussion. En effet, le contribuable prétendait avoir été privé d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur -qui est une garantie essentielle à peine de nullité de la procédure de vérification de comptabilité (CAA Marseille, 3ème ch., 7 décembre 2006, n° 02MA01479, M. et Mme Georges Cento N° Lexbase : A2547DUU)- alors que le juge de cassation relève que ce dernier a effectué douze interventions dans les locaux de la société vérifiée et "qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il se serait, lors de ces interventions, refusé à tout échange de vue avec le contribuable" (26) (rapp. : CE 3° et 8° s-s-r., 24 septembre 2003, n° 237115, Société Editions Godegroy N° Lexbase : A6060C9C). Si la preuve de la violation de cette garantie essentielle est à la charge du contribuable -ce qui est discutable (CE 3° et 8° s-s-r., 12 juin 2006, n° 266848, Ministre d'Etat, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Lavergne N° Lexbase : A9318DPS ; CE Contentieux, 9 mars 1988, n° 66954, M. Thievenaz N° Lexbase : A0803AIL)- on soulignera que l'effectivité d'un débat oral et contradictoire est subordonnée de facto à l'initiative du vérificateur ; ce qui est paradoxal s'agissant d'une garantie légale dont peut se prévaloir le contribuable.
S'agissant du droit de communication (27) permettant à l'administration d'avoir connaissance de documents et de renseignements auprès de tiers (28) pour l'établissement et le contrôle de l'assiette de l'impôt, la présente décision précise que l'obligation, qui pèse sur elle, d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements ainsi obtenus avant la mise en recouvrement des impositions (29) (CE 8° et 3° s-s-r., 29 décembre 2000, n° 209523, M. Rouch N° Lexbase : A2117AIA ; CE 9° et 10° s-s-r., 10 novembre 2000, n° 197979, M. Tossounian N° Lexbase : A9106AHQ ; CE Contentieux, 28 juillet 2000, n° 198440, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Garage Derrien N° Lexbase : A6528ATX) ne concerne que les renseignements "effectivement utilisés pour procéder aux redressements et n'implique pas que le vérificateur soit tenu de faire part au contribuable, lors des interventions sur place, de ce qu'il a demandé à des tiers des renseignements concernant la société vérifiée et des éléments qu'il a pu recueillir dans le cadre de ces investigations". Cette jurisprudence relative à l'utilisation effective de renseignements recueillis dans de telles circonstances s'inscrit dans celle déjà arrêtée par le juge de l'impôt qui a précisé que l'obligation de communiquer -à la demande du contribuable- les informations issues de l'exercice du droit de communication ne concerne que les éléments fondant un redressement (CE Contentieux, 12 octobre 2001, n° 217378, M. Piang-Siong N° Lexbase : A1808AXA ; CAA Bordeaux, 3ème ch., 16 novembre 1999, n° 98BX01091, M. Piang-Siong N° Lexbase : A0324AXB ; CAA Paris, 2ème ch., sect. B, 30 août 2002, n° 97PA02868, SA Kodak N° Lexbase : A3865A3K). En revanche, nous sommes plus critiques sur l'absence d'obligation, de la part de l'administration, de mener un dialogue oral et contradictoire quant aux investigations en cours auprès des tiers soumis au droit de communication. Cette position résulte d'une jurisprudence antérieure (CE 3° et 8° s-s-r., 28 juillet 2004, n° 248542 N° Lexbase : A9094DD8) (30) ; CE Contentieux, 6 décembre 1995, n° 126826, Société anonyme SAMEP N° Lexbase : A6988AN7) réitérée dans la présente décision. Elle confirme -en l'état de la jurisprudence actuelle- l'idée selon laquelle la demande d'information du contribuable est nécessairement postérieure à l'émission de la notification de redressements ou la proposition de rectification (31). Cela n'abonde pas dans le sens de la sérénité des relations entre l'administration fiscale et les contribuables. De plus, au cas particulier, le contribuable n'a pu fournir la preuve d'une part que l'administration fiscale aurait fondé ses redressements sur des éléments obtenus auprès de tiers autres que les états de recoupement annexés à la notification de redressements ; d'autre part, il n'a pu exciper de l'absence de réponse de l'administration fiscale à la lettre réclamant la communication des pièces dont elle s'était servie pour effectuer ses redressements, faute d'avoir pu apporter la preuve de son envoi.
Sur le bien-fondé des impositions, les problématiques avaient trait aux incidences de l'absence d'avis de la commission sur les impôts directs et les taxes sur le chiffre d'affaires et aux modalités de reconstitution du chiffre d'affaires de la société. En premier lieu, la Haute juridiction administrative souligne l'existence de graves irrégularités comptables mises au jour par les recoupements effectués auprès de tiers dont il est apparu "que les sommes recouvrées et les honoraires correspondants étaient très supérieurs aux montants retracés par la comptabilité de la société". Ainsi, l'administration était bien fondée à la considérer comme non probante. Mais, selon les dispositions du LPF (LPF, art. L. 192 N° Lexbase : L8724G8M), le contribuable supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition si, d'une part, la comptabilité comporte de graves irrégularités (32) -condition satisfaite en l'espèce- et si, d'autre part, l'imposition a été établie conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires -condition non satisfaite dès lors que ladite commission a considéré ne pas avoir été en mesure "de valider les bases d'imposition retenues par l'administration". Si l'absence d'avis de la commission n'emportait pas de conséquence quant à la régularité de la procédure d'imposition, il ne pouvait, en revanche, y avoir de renversement de la charge de la preuve au détriment du contribuable, faute d'avis. Le Conseil d'Etat estime que de telles circonstances commandent, par principe, à la commission de procéder à un supplément d'instruction lorsqu'elle ne peut se prononcer sur les bases arrêtées par l'administration fiscale. Le Haut conseil conclut, également, à l'impossibilité de valider tacitement les bases d'imposition arrêtées par l'administration fiscale car "les rappels d'impôt que l'administration envisage de mettre à la charge d'un contribuable ne peuvent être regardés comme établis conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qu'à la condition que la commission ait expressément entériné les bases d'imposition notifiées par le service". En d'autres termes, l'erreur de la cour administrative d'appel de Versailles a été de considérer que l'impossibilité d'émettre un avis devait être assimilée à la confirmation des redressements notifiés par l'administration fiscale. Cette position est, à bon droit, censurée par le Conseil d'Etat.
S'agissant de la reconstitution du chiffre d'affaires, l'administration fiscale a pris soin de ne pas retenir une méthode excessivement sommaire (33) qui aurait pu conduire le juge à arrêter les bases ex aequo et bono (34), à ordonner une expertise (35) (v. : EFL RIE V, § 39150) voire la décharge totale de l'impôt (36). Tout au contraire, au cas d'espèce, elle a procédé à une large enquête auprès de deux cents clients de la société vérifiée et s'est fondée sur un échantillon restreint constitué de dix-sept réponses exploitables. Après avoir retenu le chiffre d'affaires le plus favorable aux intérêts du contribuable reconstitué selon deux méthodes différentes, l'administration a également tenu compte de ses observations en réduisant le taux moyen des honoraires. Le requérant ne proposant aucune autre méthode de reconstitution plus précise, le Haut conseil ne fait pas droit à la demande du contribuable visant à appliquer la méthode de reconstitution arrêtée par l'administration à la seule fraction de son chiffre d'affaires réalisée en espèces dès lors que les recoupements ont été effectués par le service de manière aléatoire sur l'ensemble des opérations de recouvrement sans distinction quant au mode de paiement. En définitive, les précautions de l'administration relatives à la reconstitution du chiffre d'affaires ont été, sur le plan procédural, bien accueillies par le juge de l'impôt.
(1) Il s'agit, dans le cadre d'une procédure collective, de l'action en comblement de passif -avant le 1er janvier 2006- ou, depuis lors, de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif (C. com., art. L. 651-2 N° Lexbase : L3792HB3) ou de l'obligation aux dettes sociales (C. com., art. L. 652-1 N° Lexbase : L3796HB9).
(2) M. Cozian, Pourquoi ne pas penser à la SARL de famille ?, JCP éd. E, 2006, p. 1652.
(3) Seules les SARL sont concernées : une société en commandite simple "de famille" ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 239 bis AA qu'en se transformant préalablement en SARL car les droits des commandités et des commanditaires ne sont pas identiques ; à la différence des associés de SARL (QE n° 28266 de M. Mestre, réponse publiée au JOAN du 28 septembre 1987 p. 5402 ; D. adm. 4 H-1221, n° 19, 1er mars 1995).
(4) "Par ailleurs, l'article 239 bis AA du CGI a autorisé les SARL de famille à adopter un régime autre que celui qui est le leur de plein droit de manière à favoriser le développement durable de ces sociétés. Il n'interdit pas qu'il soit revenu sur le choix exercé. Mais le législateur n'a pas institué un dispositif permettant aux sociétés de se placer alternativement sous l'empire de l'impôt sur les sociétés ou le régime des sociétés de personnes, en fonction d'un intérêt purement fiscal et temporaire. Aussi (comme le prévoit l'article 46 terdecies C de l'annexe III au CGI), les sociétés ayant révoqué l'option pour se replacer dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés ne peuvent pas, à nouveau, opter pour le régime des sociétés de personnes", D. adm. 4 H-1223 n° 8, 1er mars 1995.
(5) La notion de famille est définie par la jurisprudence et la doctrine administrative (notamment : D. adm. 4 H 1221, n° 20, 1er mars 1995) comme des parents en ligne directe ou entre frères et soeurs, les conjoints, ou simultanément des membres de l'un et l'autre de ces groupes, les partenaires ayant conclu un PACS. Ce régime reste d'un maniement délicat s'agissant des familles recomposées : "Ne satisfait pas aux exigences du texte une société constituée entre une épouse, ses enfants et les enfants d'un premier lit de son conjoint" (QE n° 14487 de M. Valleix, réponse publiée au JOAN du 28 août 1989, p. 3794). En revanche, "une société constituée entre deux époux et un enfant du premier lit de l'un des époux peut valablement opter pour le régime fiscal des SARL de famille" (QE n° 31500 de M. Dumoulin, réponse publiée au JOAN du 27 septembre 1999, p. 5606), Doc. pratique EFL, IS, § 1305.
(6) CE 3° et 8° s-s-r., 21 décembre 2006, n° 282080, M. Joseph Bohbot (N° Lexbase : A1442DTL) ; CE 3° et 8° s-s-r., 21 décembre 2006, n° 282079, M. Philippe Bohbot (N° Lexbase : A1441DTK) ; CE 3° et 8° s-s-r., 21 décembre 2006, n° 282078, M. Laurent Bohbot (N° Lexbase : A1440DTI). L'option peut résulter d'un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire mais elle doit être notifiée au service des impôts auprès duquel doit être souscrite la déclaration de résultats et non pas seulement déposée au centre de formalités des entreprises : TA Nice, 12 octobre 2004, n° 00-2361 : Dr. fisc., 2004, comm. 842 ; RJF, mars 2005, n° 244.
(7) Depuis l'adoption de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 (N° Lexbase : L0259AIG).
(8) CAA Nancy, 2ème ch., 10 mars 2005, n° 01NC01230, SARL Invest Hôtel Chalons-sur-Marne : RJF, août/septembre 2005, n° 886.
(9) La jurisprudence s'était déjà antérieurement prononcée en l'absence d'activité : TA Amiens, 1er juin 2004, n° 00-1743, Dubois : Dr. fisc., 2005, comm. 696.
(10) C. com., art. L. 221-1 (N° Lexbase : L5797AIK). V. pour les conséquences : CA Paris, 3ème ch. A, 9 septembre 2003, n° 2002/17738, Société COPRIM SA c/ Société Localease (N° Lexbase : A6775C9S).
(11) D. adm. 4 H 1221, § 22, 1er mars 1995.
(12) Rapp. : CAA Douai, 2ème ch., 27 mars 2007, n° 06DA00286, M. et Mme Jacques Fossaert (N° Lexbase : A2943DWW).
(13) "Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, le bénéfice [de l'article 44 sexies du CGI] est également accordé aux entreprises qui exercent une activité professionnelle au sens du 1 de l'article 92, ainsi qu'aux contribuables visés au 5° du I de l'article 35 [Personnes qui donnent en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation]. Le contribuable exerçant une activité de location d'immeubles n'est exonéré qu'à raison des bénéfices provenant des seuls immeubles situés dans une zone de revitalisation rurale [ZRR]", CGI art. 44 sexies (N° Lexbase : L5610H9N). S'agissant des activités professionnelles non commerciales exercées par des sociétés qui ne sont pas implantées en ZRR, ces dernières doivent être soumises à l'IS et employer au moins trois salariés. V. pour des prestations intellectuelles : "que si l'activité de location-vente de matériel informatique présente un caractère commercial par nature, les prestations de conception et de réalisation de logiciels et de programmes informatiques sont des prestations intellectuelles qui, en l'absence de toute indication relative notamment aux moyens humains et matériels employés, permettant de les regarder comme réalisées, en fait, dans des conditions caractérisant l'exercice d'une profession commerciale, doivent être regardées comme de nature non commerciale ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces activités non commerciales étaient indissociables de l'activité commerciale de Mme Haensel ; qu'il suit de là que la requérante ne pouvait bénéficier, sur le terrain de la loi fiscale, de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par l'article 44 sexies du code général des impôts", CE 3° et 8° s-s-r., 29 décembre 2004, n° 255831, Mme Haensel (N° Lexbase : A2286DGR) ; pour l'exploitation publicitaire de l'image d'un sportif professionnel, l'activité sportive n'étant pas le complément indissociable de l'activité publicitaire : CAA Bordeaux, 3ème ch., 2 mai 2001, n° 98BX02084, M. Gary Elkerton (N° Lexbase : A8406AYY).
(14) Depuis la fin des années 70, plusieurs régimes comparables ont été adoptés par le Parlement. Tous ont été à la source d'un contentieux particulièrement important entre les contribuables et l'administration fiscale compte tenu des enjeux en matière de finances publiques.
(15) A l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actifs.
(16) Les bénéfices et les plus-values doivent être déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A du CGI (N° Lexbase : L1571HLR).
(17) Un régime spécifique est applicable lorsque l'entreprise est créée dans les zones de revitalisation rurale : loi n° 2005-157 du 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux (N° Lexbase : L0198G8T).
(18) "Au total, les zones prioritaires concernent environ 38 millions d'habitants et il faut y ajouter la Corse ainsi que les départements d'outre-mer qui bénéficient d'une fiscalité plus favorable [...] Autrement dit, près des deux tiers de la population se trouve dans une zone prioritaire ! Une telle proportion a des allures de caricature !", B. Plagnet, op. cit., § 8.
(19) La restructuration d'activités préexistantes, incompatible avec les dispositions de l'article 44 sexies du CGI, a entraîné une importante jurisprudence dont la doctrine administrative s'est fait l'écho : instruction du 5 novembre 2001, BOI 4 A-6-01 (N° Lexbase : X8207AA9).
(20) Indépendante en droit ce qui suppose que son capital ne soit pas détenu, directement ou indirectement, à plus de 50 % par une ou plusieurs autres sociétés, condition devant être respectée dès sa création et à tout moment de son existence aussi longtemps que l'intéressée entend bénéficier de l'allégement fiscal (CE 9° et 10° s-s-r., 7 juillet 2004, n° 242890, Société Techni Plafonds N° Lexbase : A0956DDR) et ce même si la société associée a été créée postérieurement à la création de l'entreprise nouvelle (CE 9° et 10° s-s-r., 11 avril 2008, n° 293754, Société anonyme ERMI N° Lexbase : A8685D7S) ou si la détention est temporaire (CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 262033, Société Capanord N° Lexbase : A1335DKN).
(21) Instr. préc., § 44.
(22) Peut se prévaloir du régime de l'article 44 sexies du CGI "Une entreprise de transport dont le lieu de stationnement habituel des véhicules, le lieu d'implantation des installations d'entretien et celui de la direction effective sont situés dans les zones d'application du dispositif, quand bien même les opérations de transport proprement dites se dérouleraient en dehors de ces zones (cf. réponse ministérielle Guédon, JOAN Débats, 12 juillet 1999, pp. 4284 et 4285)", instr. préc., § 44.
(23) Elle a été légalisée depuis. De plus, "pour les entreprises qui réalisent plus de 15 % de leur chiffre d'affaires en dehors des zones éligibles, il a été admis, par mesure de tempérament, de limiter la taxation dans les conditions de droit commun du bénéfice des entreprises concernées, en proportion du chiffre d'affaires réalisé en dehors des zones éligibles", QE n° 21445 de Mme Roig Marie-Josée, réponse publiée au JOAN du 22 septembre 2003 p. 7351 (N° Lexbase : L4566DLP) ; v. également : QE n° 14622 de M. Le Fur Marc, réponse publiée au JOAN du 30 juin 2003, p. 5149 (N° Lexbase : L4510DIU). La tolérance administrative a également été reprise dans la loi : "Au-delà de 15 %, les bénéfices réalisés sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun en proportion du chiffre d'affaires réalisé en dehors des zones [éligibles]. Cette condition de chiffre d'affaires s'apprécie exercice par exercice", CGI, art. 44 sexies.
(24) "Cette tolérance est applicable aux contrôles et procédures contentieuses en cours à la date de publication de la présente instruction".
(25) Les associés d'une société en participation peuvent se prévaloir du régime de la semi-transparence fiscale sauf s'ils décident d'opter pour l'IS ou, à défaut d'option, si leurs noms et leurs adresses n'ont pas été indiqués à l'administration par les intéressés (CGI art. 206 N° Lexbase : L4670HWU ; CAA Paris, 2ème ch., 17 avril 2001, n° 97PA01515, Mme Annie Girardot N° Lexbase : A6093A7S) avant l'expiration du délai de dépôt de la déclaration de résultats du premier exercice de la société (CE 9° et 10° s-s-r., 21 avril 2000, n° 179092, SA Danone N° Lexbase : A9248AGM).
(26) En revanche, une vérification de comptabilité est irrégulière lorsque le vérificateur s'est rendu deux fois sur place pour emporter et pour restituer les documents sur lesquels il a exercé son contrôle, privant ainsi le contribuable d'un débat oral et contradictoire : CE Contentieux, 23 mai 1990, n° 50916, Ministre de l'Economie des Finances et du Budget c/ Binucci (N° Lexbase : A5043AQT) ; ou encore en l'absence d'examen contradictoire de la comptabilité de l'entreprise vérifiée en présence de son représentant légal : CAA Douai, 2ème ch., 30 octobre 2007, n° 06DA01708, M. Pierre Rondot (N° Lexbase : A9779DZ9).
(27) "Le droit de communication reconnu à l'administration fiscale [...], notamment auprès des entreprises industrielles ou commerciales ou des membres de certaines professions non commerciales, a seulement pour objet de permettre au service, pour l'établissement et le contrôle de l'assiette d'un contribuable de demander à un tiers ou, éventuellement au contribuable lui-même, sur place ou par correspondance, de manière ponctuelle, des renseignements disponibles sans que cela nécessite d'investigations particulières, ou dans les mêmes conditions, de prendre connaissance, et le cas échéant, copie de certains documents existants qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé ; que, sauf disposition spéciale, il est mis en oeuvre sans formalités particulières à l'égard de cette personne et, lorsqu'il est effectué auprès de tiers, n'est pas soumis à l'obligation d'informer le contribuable concerné ; qu'en revanche, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un membre d'une profession non commerciale lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude ; que l'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, au nombre desquelles figure notamment l'envoi ou la remise de l'avis de vérification auquel se réfère l'article L. 47 du même livre", CE 8° s-s., 6 octobre 2000, n° 208765, SARL Trace (N° Lexbase : A9611AHG). Seules les personnes énumérées par les articles L. 81 (N° Lexbase : L3950ALU) à L. 102 AA du LPF sont soumises au droit de communication. Par conséquent, la jurisprudence sanctionne l'hypothèse où l'administration laisserait croire à un tiers non visé par ces dispositions qu'il devrait malgré tout s'y soumettre (CE Contentieux, 1er juillet 1987, n° 54222, Marcantetti N° Lexbase : A2364APA). V. également : E. Glaser, Droit de communication : quelles garanties pour le contribuable ?, RJF, août/sept. 2008, p. 787.
(28) "Considérant que l'administration ne peut, en principe, fonder le redressement des bases d'imposition d'un contribuable sur des renseignements et des documents qu'elle a obtenus de tiers sans l'avoir informé, avant la mise en recouvrement, de la teneur et de l'origine de ces renseignements ; que, toutefois, lorsque l'administration fonde le redressement d'un contribuable, personne physique, sur des renseignements fournis par cette même personne mais obtenus dans le cadre d'une vérification de la comptabilité de la société dont elle est le mandataire social, les renseignements obtenus ne peuvent être regardés comme provenant de tiers", CE 8° s-s., 21 mars 2008, n° 284799, M. Outhier (N° Lexbase : A5016D7W).
(29) Cette obligation d'information à la demande du contribuable induit qu'elle n'a pas à être portée dans la notification de redressements émise par l'administration fiscale ou, depuis 2004, dans la proposition de rectification.
(30) "L'administration n'est pas tenue d'engager avec le contribuable un débat oral préalable à la notification de redressement contradictoire qu'elle adresse à partir des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication".
(31) Depuis le 1er juin 2004 (ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004, art. 27) : instruction du 18 mai 2004, BOI 13 L-3-04 (N° Lexbase : X1926ACC).
(32) CAA Bordeaux, 4ème ch., 28 décembre 2006, n° 04BX01545, M. Jacques Fyasse (N° Lexbase : A4335DU4).
(33) Notion à rapprocher de celle de "méthode radicalement viciée" qui emporte la décharge de l'impôt. V. cependant note 36.
(34) CE Contentieux, 4 mars 1991, n° 82936, SARL Sofia (N° Lexbase : A9047AQ7).
(35) CE 3° et 8° s-s-r., 6 mars 2002, n° 187871, Société Le Mirador (N° Lexbase : A2441AY3). Après expertise, le Conseil d'Etat arrêtera un coefficient de bénéfice brut en faisant "une juste appréciation du montant de l'impôt sur les sociétés" dont la requérante était redevable : CE 8° s-s., 9 juin 2004, n° 187871, Société Le Mirador (N° Lexbase : A6397DCW). Ainsi, le juge de l'impôt peut, après expertise, se résoudre à statuer ex æquo et bono.
(36) "la méthode d'extrapolation suivie par l'administration, qui ne soutient pas qu'au cours de l'exercice vérifié, la société se serait refusée à fournir sur l'ensemble de la période vérifiée les documents retraçant les données précises de l'entreprise, est excessivement sommaire et ne peut être admise ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit aux conclusions en décharge de la SARL La Folle Epoque'", CAA Marseille, 3ème ch., 19 janvier 2006, n° 01MA00643, SARL La Folle Epoque (N° Lexbase : A6065DML).
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Réf. : Loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR)
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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris
Le 07 Octobre 2010
Aux termes de l'ancien article L. 145-2, 4°, du Code de commerce (N° Lexbase : L3989HBD), les dispositions du statut des baux commerciaux s'appliquent "sous réserve des dispositions de l'article L. 145-26 (N° Lexbase : L2286IBB) aux baux des locaux ou immeubles appartenant à l'Etat, aux départements, aux communes et aux établissements publics, dans le cas où ces locaux ou immeubles satisfont aux dispositions de l'article L. 145-1 (N° Lexbase : L2327IBS) ou aux 1° et 2° ci-dessus".
Selon ce texte, sont soumis au statut les baux conclus par l'Etat ou le département qui entrent dans le champ d'application "général" du statut des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-1), à savoir un bail portant sur un local dans lequel est exploité un fonds commercial ou artisanal, ou dans deux cas de son extension légale, à savoir, un bail portant sur un local abritant un établissement d'enseignement (C. com., art. L. 145-2, I, 1° N° Lexbase : L2371IBG) ou consenti à une commune pour un service exploité en régie (C. com., art. L. 145-2, I, 2°). L'ancien article L. 145-26 du Code de commerce (N° Lexbase : L5754AIX) précise, en outre, ce qui est une conséquence de l'application du statut des baux commerciaux, que "le renouvellement des baux concernant des immeubles appartenant à l'Etat, aux départements, aux communes et aux établissements publics ne peut être refusé sans que la collectivité propriétaire soit tenue au paiement de l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-14 (N° Lexbase : L5742AII), même si son refus est justifié par une raison d'utilité publique".
Le nouvel article L. 145-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L2371IBG), tel que modifié par l'article 43 de la "LME", vise désormais non plus les "départements" et les "communes", mais les "collectivités territoriales". Le champ d'application des dispositions précitées se trouve, en conséquence, élargi, pour les baux visés, à ceux consentis également par les régions. L'article L. 145-26 du Code de commerce (N° Lexbase : L2286IBB) a, également, été modifié afin de prendre en compte cette extension : il précise désormais, notamment, que les "collectivités territoriales" ne peuvent refuser le renouvellement, même pour une raison d'utilité publique, sans être tenues de régler une indemnité d'éviction.
Il doit être rappelé, pour que ces dispositions s'appliquent, que le bail doit être consenti sur le domaine privé des collectivités territoriales, puisque les baux consentis sur le domaine public ne peuvent être régis par le statut des baux commerciaux (Cass. civ. 3, 28 février 1984, n° 82-11.194, SA Soreto N° Lexbase : A0151AAT ; Cass. civ. 3, 26 juin 2007, n° 03-18.816, F-D N° Lexbase : A9363DWP).
II - La possibilité de conclure plusieurs baux de courte durée
Le statut des baux commerciaux est, pour la plupart de ses dispositions, d'ordre public (C. com., art. L. 145-15 N° Lexbase : L5743AIK et L. 145-16 N° Lexbase : L5744AIL). Cependant, ce statut offre lui-même la possibilité aux parties d'y déroger, dès la conclusion du bail, à certaines conditions. Elles pouvaient, en effet, en application de l'ancien article L. 145-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L2320IBK) conclure un bail dérogatoire au statut. Ce dernier était un bail, comme l'a défini un auteur "initial, unique et d'une durée de deux ans au plus" (J.-P. Blatter, Les conventions exclues du statut des baux commerciaux, Rev. Loyers, 2004, p. 64).
Lorsque le preneur restait et était laissé en possession des lieux par le bailleur, il se créait alors automatiquement un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux. De la même manière, si les parties renouvelaient ou concluaient un nouveau bail, ce dernier s'y trouvait soumis, même si la durée totale des baux conclus était inférieure à deux années (Cass. civ. 3, 21 mars 2006, n° 05-10.149, F-D N° Lexbase : A8056DNP).
Dans ses propositions pour la modernisation des baux commerciaux, remis au Garde des Sceaux en avril 2004, le groupe de travail, sous la direction de Philippe Pelletier, s'était prononcé en faveur de la possibilité d'une succession de plusieurs baux dérogatoires dans la limite de la durée de deux années (rapport, p.61)
L'article 44 de la "LME" a consacré cette proposition en modifiant l'article L. 145-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L2320IBK). Le nouveau texte dispose désormais que "les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger [au statut] à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans". L'adjectif "totale" concerne la durée des baux successifs : un bail dérogatoire peut donc avoir une durée de deux ans ou moins. Dans ce dernier cas, plusieurs baux peuvent être conclus, à la condition que la somme de leur durée soit au plus égale à deux ans. Il est, cependant, gênant d'avoir maintenu les termes "lors de l'entrée du preneur" sans distinction. En effet, une lecture stricte des nouvelles dispositions pourrait conduire à considérer que ce n'est que lors de l'entrée dans les lieux du preneur que plusieurs baux de courte durée pourraient être conclus en prévoyant, dès la conclusion du premier bail, son renouvellement ou sa tacite reconduction à la condition que la durée totale n'excède pas deux ans. Ainsi, il ne serait pas possible, selon cette approche, que les parties concluent un nouveau bail dérogatoire au cours du bail initial, même si la durée totale n'excédât pas deux ans, sans l'avoir prévu dès le bail initial. Cette interprétation ôterait en partie l'intérêt de cette modification puisqu'il était d'ores et déjà possible, pour atteindre un résultat similaire, de conclure un bail de courte durée de moins de deux années tout en conférant à une partie la possibilité de mettre un terme avant cette date (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 23 janvier 2007, n° 05-19.366, F-D N° Lexbase : A6821DTS).
L'article L. 145-5 du Code de commerce n'a pas été modifié, par ailleurs, en ce qu'il prévoit qu'à l'expiration de cette durée (implicitement et, désormais, en présence de plusieurs baux dérogatoire, la durée totale des baux successifs) il s'opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux si le preneur reste et est laissé en possession des lieux.
Il a été ajouté un troisième alinéa à l'article L. 145-5 du Code de commerce pour limiter l'hypothèse d'application du statut des baux commerciaux en cas de renouvellement exprès ou de conclusion d'un nouveau bail à celle où un tel acte serait conclu "à l'expiration de cette durée", sous-entendu, celle du bail initial ou, en cas de successions de baux dérogatoires, la somme de la durée de chacun de ces derniers.
III - La demande de renouvellement entraîne "expressément" la cessation du bail
La cessation du bail par l'effet de la demande de renouvellement (C. com., art. L. 145-10, nouv. N° Lexbase : L2308IB4) n'était pas expressément prévue par les dispositions du statut des baux commerciaux.
L'ancien article L. 145-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L5737AIC) disposait, d'ailleurs, que les baux soumis à ce statut ne cessent que par l'effet d'un congé par dérogation au droit commun du bail qui prévoit une cessation de plein droit du contrat à l'expiration du terme fixé (C. civ., art. 1736 N° Lexbase : L1859ABH). Toutefois, les dispositions déterminant la date de "reconduction" du bail (C. com., art. L. 145-8, anc. N° Lexbase : L5736AIB) ou sa date de renouvellement (C. com., art. L. 145-12, anc. N° Lexbase : L5740AIG), en fonction de la demande de renouvellement, impliquaient nécessairement que cette dernière eût mit un terme au bail en cours (en ce sens, voir par exemple, Cass. civ. 3, 1er octobre 1997, n° 95-21.806, Société Sécurité Pierre c/ société Merval N° Lexbase : A0794ACE).
L'article 45 de la "LME", modifiant l'article L. 145-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L2243IBP), a explicité l'effet de la demande de renouvellement. S'il dispose toujours que le bail commercial ne cesse que par l'effet d'un congé, il précise, désormais, expressément que la demande de renouvellement fait obstacle à la reconduction du bail, ce qui implique qu'elle mette un terme au bail en cours.
IV - La suppression des termes d'usage et des usages locaux
Dans son ancienne rédaction, l'article L. 145-9 du Code de commerce disposait que le bail cesse par l'effet d'un congé donné "suivant les usages locaux et au moins six mois à l'avance". Le congé, selon ce texte, devait être donné pour une date prévue par les usages locaux, encore qu'il est généralement admis qu'il puisse être donné en cours de bail pour le terme contractuel (voir, toutefois, Cass. civ. 3, 16 novembre 1994, n° 92-18.280, M. Cappello c/ Société générale N° Lexbase : A7227ABB), la détermination de sa date d'effet suivant les usages locaux n'intervenant que lorsqu'il est donné en cours de tacite prorogation. Toujours selon ce texte, le congé doit, en outre, être délivré suivant un préavis déterminé également par ces usages mais au moins six mois à l'avance. Dans son ancienne rédaction, l'article L. 145-9 du Code de commerce se référait, également, à ces usages locaux et au préavis de six mois pour les baux dont la durée est subordonnée à la réalisation d'un évènement.
L'article L. 145-8 du Code de commerce, dans son ancienne rédaction (N° Lexbase : L5736AIB), précisait, à propos de la condition du droit au renouvellement tenant à l'exploitation d'un fonds de commerce pendant trois ans, la date de cessation du bail :
- sa date d'expiration, qui semble devoir être comprise comme son terme contractuel ;
- ou, en cas de tacite prorogation, la date à laquelle le congé est donné, conformément à l'article L. 145-9 du même code ;
- ou, en présence d'une demande de renouvellement, "le terme d'usage qui suit cette demande".
L'article L. 145-12 du Code de commerce, dans son ancienne rédaction (N° Lexbase : L5740AIG), détermine la date d'effet du bail renouvelé :
- la date d'expiration, qui semble devoir correspondre au terme contractuel, ou plus précisément le jour suivant ;
- ou, en cas de tacite prorogation, la date d'effet du congé ;
- ou, en présence d'une demande, "le terme d'usage qui suit cette demande". La Cour de cassation avait précisé que le terme d'usage, au sens de ce texte, devait être déterminé suivant les "usages locaux" (Cass. civ 3, 29 juin 2005, n° 04-14.190, FS-P+B N° Lexbase : A8614DIU).
Les usages locaux sont apparus anachroniques. Ainsi, par exemple, en Provence, un congé doit être donné avant Pâques pour la Saint-Michel. Ils ne sont pas toujours aisés à déterminer et sont parfois d'un maniement complexe.
L'article 45 de la "LME" supprime la référence aux usages locaux pour y substituer le début (1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre) ou la fin (31 décembre, 31 mars, 30 juin et 30 septembre) des trimestres civils. Il doit être relevé que ces dates correspondent à celles des usages parisiens. Désormais, le congé devra être délivré pour le dernier jour du trimestre civil (C. com., art. L. 145-9, nouv. N° Lexbase : L2243IBP). Symétriquement, le premier jour du trimestre civil qui suit une demande de renouvellement devient la date d'effet du bail renouvelé (C. com., art. L. 145-12, nouv. N° Lexbase : L2273IBS). C'est aussi avant cette dernière date que s'appréciera la condition du droit au renouvellement tenant à l'exploitation d'un fonds de commerce dans les trois années la précédant (C. com., art. L. 145-8, nouv. N° Lexbase : L2248IBU).
V - La suppression de la forclusion de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction ou en contestation du congé
Si les actions relatives au statut des baux commerciaux sont soumises, en principe, à un délai de prescription de deux années (C. com., art. L. 145-60 N° Lexbase : L8519AID), le dernier alinéa de l'article L. 145-9 du Code de commerce, dans son ancienne rédaction, disposait que "le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné". De manière symétrique, dans l'hypothèse où une demande de renouvellement a été formée par le preneur, l'article L. 145-10 du Code de commerce, dans son ancienne rédaction (N° Lexbase : L5738AID), disposait que "le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement" notifié en réponse à cette demande.
Le délai de forclusion se distingue du délai de prescription en ce que le régime du premier est beaucoup plus rigoureux que celui du second. En effet, contrairement au délai de prescription :
- le délai de forclusion ne peut être ni interrompu, ni suspendu (Cass. civ. 3, 11 décembre 1996, n° 95-10.601, Société Munier frères c/ Société Secar N° Lexbase : A0271ACZ) ;
- la délivrance d'une assignation n'interrompt, ni ne suspend, le délai de forclusion (Cass. civ. 3, 10 nov. 1993, n° 91-16.659, Société de travaux d'éclairage et force c/ Mme Hustache N° Lexbase : A5775ABI).
La Cour de cassation avait circonscrit le champ d'application de la forclusion en limitant son application aux congés ne comportant ni offre de renouvellement, ni offre de paiement d'une indemnité d'éviction (Cass. civ. 3, 3 juillet 1984, n° 83-11.500, Epoux Coueron c/ Epoux Courtin N° Lexbase : A0793AAM ; Cass. civ. 3, 29 mars 2000, n° 98-15.315, M. Delaby, agissant en qualité de mandataire-liquidateur c/ M. Luc Andrillon et autres N° Lexbase : A9338ATZ).
L'article 45 de la "LME" a modifié les derniers alinéas des articles L. 145-9 et L. 145-10 (N° Lexbase : L2308IB4) du Code de commerce en supprimant les termes "à peine de forclusion" afin de soumettre l'action du preneur en contestation du congé ou en paiement de l'indemnité d'éviction au régime de la prescription biennale (C. com., art. L. 145-60 N° Lexbase : L8519AID) et de la faire échapper à celui de la forclusion en raison de la sévérité des effets de cette dernière (cf. rapport n° 413, déposé le 24 juin 2008, fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation de l'économie, par M. Laurent Béteille, Mme Elisabeth Lamure et M. Philippe Marini, p. 183 et 184).
VI - Modification du délai imparti au preneur pour quitter les lieux à compter du paiement de l'indemnité d'éviction
L'article L. 145-29 du Code de commerce, dans son ancienne rédaction (N° Lexbase : L5757AI3), disposait que "en cas d'éviction, les lieux doivent être remis au bailleur pour le premier jour du terme d'usage qui suit l'expiration du délai de quinzaine à compter du versement de l'indemnité entre les mains du locataire lui-même ou, éventuellement, d'un séquestre". Il avait été relevé, à l'occasion des travaux parlementaires, que ce délai pouvait s'avérer insuffisant et que sa détermination, en référence aux usages locaux, était source d'incertitude.
L'article 46 de la "LME" a modifié l'article L. 145-29 du Code de code commerce (C. com., art. L. 145-29, nouv. N° Lexbase : L2275IBU), en supprimant la référence aux usages locaux et en fixant le délai à deux mois courant, soit à compter du versement de l'indemnité d'éviction au locataire, soit à compter, non plus de la date du versement de l'indemnité au séquestre, mais de celle à laquelle le versement de l'indemnité au séquestre aura été notifié au locataire, ce qui permet de ne faire courir le délai qu'une fois que ce dernier est informé du versement.
VII - Les modifications des règles de police du changement d'usages des immeubles d'habitation
L'article 13 de la "LME" a modifié, notamment, les modalités et les cas dans lesquels des dérogations à l'interdiction du changement d'usage des locaux à usage d'habitation peuvent intervenir (CCH, art. L. 631-7 N° Lexbase : L2362IB4 et s.). Ces modifications, importantes, ne concernent qu'indirectement le droit des baux commerciaux en ce que la conclusion d'un bail commercial suppose au préalable la possibilité d'affecter le local dont il est l'objet à une activité économique. Les nouveaux textes de la police de l'usage des immeubles comportent cependant des dispositions qui prévoient expressément l'exclusion de l'application du statut des baux commerciaux dans certains cas (CCH, art. L. 631-7-2, nouv. N° Lexbase : L2332IBY et art. L. 631-7-3, nouv. N° Lexbase : L2315IBD). Les nouvelles dispositions modifiant les règles de l'interdiction du changement d'usage n'entreront en vigueur, au plus tôt, que le 1er janvier 2009.
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Réf. : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ)
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par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Il s'agit là de l'un des aspects les plus importants de la loi du 20 août 2008 (C. trav., art. L. 3121-11 N° Lexbase : L3752IBL). Si l'existence du principe d'une enveloppe globale annuelle par salarié n'est pas remise en cause, non plus que sa détermination par accord collectif ou, à défaut, par décret, désormais, l'accord de branche n'intervient qu'à défaut d'accord d'entreprise. Par ailleurs, l'exigence d'une autorisation de l'inspecteur du travail pour effectuer une heure supplémentaire au-delà du contingent est supprimée. Désormais, donc, les entreprises pourront fixer elles-mêmes par accord le contingent d'heures supplémentaires, ainsi que les contreparties en repos pour les salariés. Il suffira pour cela qu'un accord soit signé avec des organisations syndicales représentant seulement 30 % des salariés.
A noter que les accords collectifs conclus avant la publication de la loi resteront en vigueur jusqu'au 31 décembre 2009.
Toute référence à un repos compensateur obligatoire est supprimée dans le Code du travail. L'heure supplémentaire au-delà du contingent bénéficiera, cependant, d'une contrepartie obligatoire en repos, fixée par accord d'entreprise, d'établissement ou, à défaut, de branche ou encore, en l'absence d'accord, par décret. Par ailleurs, l'heure supplémentaire accomplie dans la limite du contingent pourra aussi, à condition que l'accord le prévoit, bénéficier d'une contrepartie en repos.
La nouvelle loi a pour objet de distinguer les divers types de forfait et d'encadrer le recours aux conventions annuelles de forfait en heures et en jours, tout en subordonnant cette mise en place à un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche, afin de répondre aux besoins de fonctionnement de l'entreprise. Un écrit sera exigé.
Concernant les forfaits annuels en jours, création des lois "Aubry", la durée annuelle ne pourra excéder 218 jours. Cependant, l'accord collectif pourra fixer un nombre supérieur de jours, en respectant, logiquement, les dispositions relatives aux repos quotidien, hebdomadaire, aux jours fériés chômés dans l'entreprise et aux congés payés. A défaut d'accord sur ce point, ce nombre maximal est fixé à 235 jours. En tout état de cause, le salarié s'il renonce à des jours de congés au-delà de 218 jours ne pourra le faire qu'en accord avec son employeur et dans la limite du nombre maximum de jours travaillés fixés par l'accord. Il devra, également, bénéficier d'une majoration de rémunération d'au moins 10 % au-delà de la rémunération de ces jours travaillés. Enfin, tous les salariés engagés dans un forfait en jours devront bénéficier d'un entretien individuel annuel sur leur charge de travail, et l'employeur devra consulter et informer le comité d'entreprise sur l'usage des forfaits.
Pour les forfaits annuels en heures, les catégories de salariés susceptibles d'être signataires d'une convention individuelle sont celles qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, mais qui restent assujettis aux règles limitant la durée du travail, quotidienne et hebdomadaire et aux repos journaliers.
Est, ici, donnée une place plus importante à la négociation d'entreprise pour aménager le temps de travail sur plusieurs semaines, jusqu'à l'année. Par ailleurs, la réglementation en matière de temps de travail est simplifiée : en effet, un nouveau mode unique d'aménagement négocié du temps de travail est crée, il se substitue aux quatre modes précédents et met en avant des règles beaucoup plus souples. L'accord devra fixer les limites pour le déclenchement des heures supplémentaires, dans le respect de la durée légale. Il devra, également, fixer un délai de prévenance en cas de modification de la durée ou des horaires de travail, qui sauf stipulation contraire, sera d'au moins sept jours. Les modalités d'aménagement du temps de travail et la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année sont mises en place par accord d'entreprise, d'établissement de branche ou encore, en l'absence d'accord, par décret. Cependant, les accords conclus avant la publication de la loi resteront en vigueur.
Le compte épargne temps n'en est pas à sa première réforme. L'on se souviendra, notamment, de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (N° Lexbase : L1144G8U), qui l'avait profondément modifié. La loi du 20 août dernier assouplit, une nouvelle fois, le dispositif, en apportant, notamment, davantage de latitude à l'accord collectif d'entreprise et, à défaut, de branche.
A noter, également, entre autres dispositions, l'énumération des modalités d'approvisionnement du CET (C. trav., art. L. 3152-1 N° Lexbase : L3737IBZ).
Finalement, force est de constater que, tout en simplifiant et en assouplissant les mécanismes inhérents à la durée du travail, la nouvelle loi s'inscrit dans la droite ligne des réformes entamées il y a quelques années et réaffirme, notamment, la volonté d'accorder plus de prépondérance à l'accord d'entreprise. Surtout, elle s'efforce d'apporter des solutions à des problèmes amorcés depuis longtemps et ne fait, encore une fois, que confirmer une évolution : annualisation, forfaitarisation et monétarisation du temps de travail ne sont pas des idées nouvelles et se trouvent "simplement" généralisées.
(1) A titre d'exemple, on rappellera que l'on dénombre une demi-douzaine de régimes de modulation du temps de travail différents
(2) Philippe Langlois, La simplification du droit du travail, Institut de l'entreprise, janvier 2004.
(3) Pour un Code du travail plus efficace, Rapport au ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, 15 janvier 2004. Plus récemment, le rapport consacré par le Conseil d'analyse économique, en 2007, aux questions du temps de travail, du revenu et de l'emploi, notait que "le Code du travail s'étant étendu et complexifié, il se crée une instabilité juridique, qui frappe de plein fouet les petites entreprises plus démunies en ressources pour assimiler une quantité de lois considérable" (Rapport établi par MM. Patrick Artus, Pierre Cahuc et André Zylberberg, 2007).
(4) La loi a été promulguée le 20 août 2008 et publiée au Journal officiel du 21 août 2008. Saisi d'un recours déposé par plus de 60 députés et par plus de 60 sénateurs, le Conseil constitutionnel a validé, pour l'essentiel, par une décision du 7 août 2008, le texte adopté par le Parlement (Cons. const., décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail N° Lexbase : A8775D9U et les obs. de Ch. Radé, Commentaire de la décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : dispositions relatives à la durée du travail, Lexbase Hebdo n° 318 du 18 septembre 2008 - édition sociale N° Lexbase : N1815BHP).
(5) Rapport n° 470 déposé le 15 juillet 2008 par M. Alain Gournac.
(6) Voir les obs. de Sébastien Tournaux, Articles 18 et 19 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : les heures supplémentaires et les conventions de forfait, Lexbase Hebdo n° 318 du 18 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1808BHG).
(7) Lire les obs. de S. Tournaux, Articles 18 et 19 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : les heures supplémentaires et les conventions de forfait, préc..
(8) Lire les obs. de S. Martin-Cuenot, Articles 20, 21 et 22 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : répartition des horaires de travail, congés payés et autres, Lexbase Hebdo n° 318 du 18 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1825BH3).
(9) Lire les obs. de G. Auzero, Article 25 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : le compte épargne-temps, Lexbase Hebdo n° 318 du 18 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1812BHL).
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Réf. : Ass. plén., 9 mai 2008, deux arrêts, n° 05-87.379, M. Jacques Fortin c/ Mme Ana Ratinho, P+B+R+I (N° Lexbase : A4495D8Y) et n° 06-85.751, Mme Angèle Aliotti c/ M. Jean-René Bertoncini, P+B+R+I (N° Lexbase : A4496D8Z)
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par Dorothée Bourgault-Coudevylle, Maître de conférences à la faculté de droit de Douai, Centre éthique et procédures
Le 07 Octobre 2010
Dans le second, elle approuve, au contraire, les juges du fond d'avoir déclaré la citation directe irrecevable, au motif que "sauf exceptions légales, le droit de la partie civile de mettre en mouvement l'action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l'infraction. L'action publique n'ayant été mise en mouvement ni par la victime, ni par le ministère public, seule la voie civile était ouverte à la demanderesse pour exercer le droit à réparation reçu en sa qualité d'héritière".
Ces deux affaires permettent à la Haute juridiction de trancher une question sur laquelle elle n'avait pas encore eu vraiment l'occasion de se prononcer et de préciser les conditions dans lesquelles les héritiers de la victime d'une infraction sont recevables à former une action civile devant la juridiction répressive en réparation du dommage subi par leur auteur décédé. Il ressort des arrêts susvisés que, si l'héritier peut former une action civile devant le juge répressif pour obtenir réparation du préjudice subi par le défunt du fait de l'infraction, c'est à la condition que l'action publique ait été mise en mouvement préalablement par celui-ci de son vivant ou encore par le ministère public. Si tel n'est pas le cas, l'héritier se voit dénier le droit de mettre lui-même en mouvement l'action publique, la voie civile lui restant seule ouverte.
Les arrêts d'Assemblée plénière constituent une avancée certaine dans la construction jurisprudentielle relative aux conditions de mise en oeuvre de l'action civile des héritiers. La solution retenue n'est pas sans incidence sur la nature de l'action civile, dont la nature vindicative ressort un peu plus encore à la suite de ces deux arrêts.
I - Les héritiers de la victime d'une infraction possèdent deux actions différentes susceptibles d'être portées devant la juridiction pénale : ils peuvent exercer l'action civile en tant que proches de la victime immédiate de l'infraction. Ils forment, alors, leur action en tant que victime indirecte, ou par ricochet, pour obtenir réparation du préjudice dont ils ont personnellement et directement souffert du fait de l'infraction (Cass. crim., 9 février 1989, n° 87-81.359, Société Ford France et autre N° Lexbase : A9201AAZ, Bull. crim. n° 63 ; Cass. crim., 4 février 1998, n° 97-80.305 N° Lexbase : A2994ACU, D., 1999, jur. p. 445, note Bourgault-Coudevylle, pour une enfant née à la suite du viol incestueux commis sur sa mère et qui demandait réparation du préjudice personnel qu'elle subissait du fait de l'infraction). Mais ils peuvent également exercer l'action civile au titre de l'action successorale. Ce droit d'action, né de la dette de réparation découlant de l'infraction, est transmis aux héritiers avec le patrimoine du défunt. Il s'agit alors pour l'héritier de demander réparation non pas du préjudice qu'il subit personnellement du fait de l'infraction mais du préjudice personnel subi par le défunt. C'est de cette dernière action dont il était question dans les arrêts commentés.
Le principe de la transmissibilité à l'héritier du droit à réparation pour les différents préjudices, tant matériel que physique ou moral subis par le défunt, est depuis longtemps acquis en jurisprudence lorsque le de cujus a engagé l'action de son vivant (Cass. crim., 30 octobre 1957, Bull. crim., n° 681 ; Cass. crim., 4 décembre 1963, n° 63-90.310 N° Lexbase : A1053CG4, Bull. crim., n° 348 ; Cass. crim., 30 janvier 1964, n° 63-91.758 N° Lexbase : A5144CKQ, Bull. crim., n° 39). La Cour de cassation fonde sa solution sur la nature du droit à réparation, lequel "est un droit patrimonial, né dans le patrimoine de la victime à la date du dommage et transmis à l'ayant cause universel, héritier ou légataire, qui continue la personne de son auteur". En revanche, la question de la transmission par voie successorale de l'action en réparation d'un préjudice moral, lorsque la victime n'a pas agi de son vivant a suscité plus de difficultés. Contrairement aux chambres civiles, la Chambre criminelle a refusé, dans un premier temps, de l'admettre en se fondant sur son caractère personnel lequel faisait obstacle, selon elle, à sa transmission lorsque la victime directe de l'infraction n'avait pas pris l'initiative d'agir de son vivant. La question fut finalement résolue en Chambre mixte. Par deux arrêts rendus le 30 avril 1976, la Cour de cassation posait le principe de la transmission aux héritiers de l'action en réparation du préjudice moral ou d'affection subi par la victime du fait de l'infraction, que cette dernière ait ou non engagé l'action de son vivant (Cass. mixte, 30 avril 1976, deux arrêts, n° 73-93.014, Consorts Goubeau c/ Alizan N° Lexbase : A5436CKK et n° 74-90.280, Epoux Wattelet c/ Le Petitcorps N° Lexbase : A5437CKL, D., 1977, jur. p. 185, note Contamine-Raynaud ; solution identique pour le Conseil d'Etat : CE contentieux, 29 mars 2000, n° 195662, Assistance publique - Hôpitaux de Paris N° Lexbase : A9680B8Z). La Chambre criminelle se conforme depuis à cette jurisprudence. En admettant, dans la première affaire, la recevabilité de l'action civile des héritiers alors même "que le défunt, informé des faits, n'avait jamais déposé plainte de son vivant ni même manifesté l'intention de le faire", la Haute juridiction ne fait que réaffirmer une solution antérieurement dégagée. De ce point de vue, les arrêts d'Assemblée plénière du 9 mai 2008 n'apportent rien de bien nouveau.
L'apport des arrêts d'Assemblée plénière se situe à un autre niveau. Dans les différentes espèces ayant donné lieu aux arrêts de Chambre mixte et dans les arrêts ultérieurs, l'action des héritiers était toujours intervenue alors qu'une procédure avait déjà été préalablement engagée par le ministère public. Si bien que jamais véritablement avant les arrêts de mai 2008, la Cour de cassation n'avait eu l'occasion de se prononcer expressément sur la recevabilité de l'héritier à déclencher l'action publique par voie de constitution de partie civile ou de citation directe pour la réparation des préjudices matériels et moraux subis par son auteur.
En d'autres termes, si l'héritier recueille avec la succession du défunt le droit de pouvoir engager une action en réparation du préjudice personnel subi par le de cujus lorsque les poursuites sont déjà engagées, doit-on considérer qu'il dispose également du droit de mettre en mouvement l'action publique en se constituant partie civile ou par voie de citation directe devant une juridiction de jugement ?
Certes, un arrêt rendu par la Chambre criminelle, le 27 avril 2004 (Cass. crim., 27 avril 2004, n° 03-87.065, F-P+F N° Lexbase : A1730DC3, Bull. crim., n° 96), préfigurait déjà la solution adoptée par l'Assemblée plénière. Mais celui-ci, en raison de la particularité des faits de l'affaire (violences pratiquées par une fille sur sa mère âgée, ayant abouti à des hématomes et une incapacité de travail de 6 jours, action du frère après décès de la mère), laissait encore quelques hésitations sur la portée de la solution énoncée. Celle-ci ne fait plus aucun doute aujourd'hui. Ainsi, dans le second arrêt, l'Assemblée plénière énonce très clairement que "le droit de la partie civile de mettre en mouvement l'action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l'infraction" et que, lorsque "l'action publique n'a été mise en mouvement ni par la victime, ni par le ministère public", comme c'était le cas en l'espèce, "seule la voie civile est encore ouverte à l'ayant droit' pour exercer le droit à réparation reçu en sa qualité d'héritière".
II - La solution énoncée s'explique sans aucun doute par la nature de l'action civile, dont le double visage a souvent été souligné. Au-delà de sa fonction réparatrice, l'action civile reconnue à la victime pénale possède indéniablement une fonction vindicative. C'est cette double nature qui en fait toute la spécificité si on la compare à l'action civile ouverte devant la juridiction civile. A cette double nature correspond une dualité d'objet : un objet pénal, d'une part, contenu dans l'acte de constitution de partie civile. Il s'agit pour la victime de contribuer à l'accusation, d'unir ses efforts à ceux du ministère public pour obtenir la punition de l'auteur de l'infraction et l'application d'une peine. Un objet civil, d'autre part, constitué par la demande en réparation et qui tend à devenir presque accessoire tant le caractère vindicatif de l'action civile est désormais accusé. Au point qu'il est admis que la recevabilité de l'action civile n'est pas subordonnée à ce que la victime ait formulé une demande de dommages et intérêts, laquelle est seulement facultative, conformément à l'article 418, alinéa 2, du Code procédure pénale (N° Lexbase : L3825AZP). La Cour de cassation reconnaît que l'intervention de la partie civile dans le procès pénal puisse n'être motivée que par le seul souci de corroborer l'action publique et d'obtenir que soit établie la culpabilité du prévenu. Et c'est pourquoi, il importe peu que la réparation du dommage causé par l'infraction échappe à la compétence de la juridiction répressive (Cass. crim., 8 juin 1971, n° 69-92311, Panas, Fabet c/ Epoux Boussard N° Lexbase : A6092CGQ, Bull. crim., n° 182 -exemples : accidents du travail, fonctionnaires-). Loin de s'atténuer, cette tendance n'a fait que s'accentuer dans la période récente (cf. les différentes lois, depuis 2000, ayant favorisé le passage de victime à celui de partie civile comp. avec la loi du 5 mars 2007 [loi n° 2007-291, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale [LXB= L5930HU8]] qui a cantonné la recevabilité de la constitution de partie civile en matière délictuelle ; cf. aussi l'article 132-24 du Code pénal N° Lexbase : L8957HZR qui, parmi les finalités de la peine, range la sauvegarde des droits de la victime). Au point que plus personne n'oserait prétendre que les droits de la victime ne sont pas devenus un objet essentiel du procès pénal. La dernière loi, votée au Parlement le 1er juillet 2008 (loi n° 2008-644, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines N° Lexbase : L5399H74), destinée à faciliter l'indemnisation des victimes, en est une nouvelle preuve après la création à l'automne dernier d'un juge délégué aux victimes (JUDEVI). Eu égard à la place sans cesse grandissante des victimes au procès pénal, on peut comprendre que l'Assemblée plénière, dans ses arrêts du 9 mai 2008, ait souhaité limiter le nombre des personnes susceptibles de poursuivre l'accusation, en réservant cette faculté aux seules victimes directes ayant personnellement souffert de l'infraction. La solution retenue s'inscrit d'ailleurs parfaitement dans la ligne de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation qui rappelle de manière constante que "l'exercice de l'action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être enfermé dans les limites strictes posées par le Code de procédure pénale, et en particulier dans celles que fixe l'article 2 du Code de procédure pénale" (Cass. crim., 8 juillet 1958).
Le fondement retenu par l'Assemblée plénière pour dénier aux héritiers le droit de déclencher l'action publique est particulièrement intéressant. Selon elle, l'objet pénal de l'action civile contenu dans l'acte de constitution de partie civile doit s'analyser en un droit personnel attaché à la seule qualité de victime pénale, entendue dans un sens strict, et qui donc ne serait pas transmissible par voie successorale. Seul l'objet civil, né de la dette de réparation, droit patrimonial, serait transmissible. Ce qui revient à analyser le droit d'action civile de la victime comme un droit de la personnalité, qui serait inhérent à la qualité de victime pénale, entendue au sens de l'article 2 du Code de procédure pénale, et comme tel intransmissible. Au même titre qu'existe, pour le prévenu ou l'accusé, le droit à la présomption d'innocence, qui comme chacun sait est désormais protégé à l'article 9-1 du Code civil (N° Lexbase : L3305ABZ) au titre des droits de la personnalité.
La difficulté sera, sans doute, de justifier cette étrangeté qui consistera pour l'héritier, dans certains cas, en la possibilité de contourner l'obstacle en se constituant partie civile par voie d'action en tant que proche de la victime immédiate de l'infraction décédée, pour demander réparation de son préjudice personnel (mais encore faut il qu'il en est un !). Puisqu'alors, le droit de poursuivre l'accusation lui est reconnu. Puis une fois l'action publique déclenchée, de se constituer partie civile par voie d'intervention au titre de l'action successorale pour demander réparation du préjudice souffert par le défunt.
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Le 07 Octobre 2010
- L'imputabilité des manquements
- Quels pouvoirs de sanction pour l'AMF ?
Daniel Labetoulle, Président de la Commission des sanctions de l'AMF
Claire Favre, Présidente de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation
Marie-Anne Frison-Roche, Professeur des universités, directeur de la Chaire régulation de l'Institut d'Etudes politiques de Paris (Sciences-Po)
Jean-Pierre Hellebuyck, Vice-président, Axa Investment Managers - membre du Collège de l'AMF et ancien membre de la Commission des sanctions de l'AMF
Yves Nicolas, Associé, PricewaterhouseCoopers Audit - président du département APE de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes
Dominique Schmidt, Agrégé des facultés de droit - avocat au Barreau de Paris, cabinet d'avocats D. Schmidt
Bruno Lasserre, Conseiller d'Etat et président du Conseil de la concurrence
Jean-Jacques Daigre, Professeur à l'université Paris I, directeur du master professionnel de droit bancaire et financier
Eric Dezeuze, Avocat associé, Bredin Prat - professeur associé à l'Université Paris Descartes
Jean-Guillaume de Tocqueville d'Hérouville, Avocat associé, Gide Loyrette Nouel
Jacques Espinasse, Administrateur indépendant
Michel Prada, Président de l'AMF
Lundi 13 octobre 2008
13h30 - 18h30
La maison du Barreau
2, rue de Harlay
75001 Paris
220 euros par personne
Service de la communication de l'Autorité des marchés financiers
17 place de la Bourse
75082 Paris Cedex 02
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Fax : 01.53.45.60.40
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Le 07 Octobre 2010
Le jeudi 9 octobre :
- L'accès à la justice en matière environnementale
- Le nouveau régime de réparation des dommages environnementaux devant le juge
Le vendredi 20 octobre :
- L'étendue du contrôle du juge dans les états membres
- Le contrôle du juge en action : la réalisation d'un projet en zone Natura 2000 (aspects comparatifs)
- Conclusion sur la coopération entre les juges en Europe et les besoins de formation
Le jeudi 19 octobre :
Jean-Marc Sauvé, Vice-Président du Conseil d'Etat
Miroslav Ouzky, Président de la Commission environnement au Parlement européen
Christian Charrière-Bournazel, Bâtonnier du barreau de Paris
Corinne Lepage, Avocat au barreau de Paris, ancienne ministre de l'Environnement
Charles Pirotte, Commission européenne, DG Environnement
Jerzy Jendroska, Professeur de droit public
Werner Heermann, Juge au tribunal administratif de Wurzbourg
Arnaud Gossement, Avocat au barreau de Paris
Maria Lee, Professeur de droit à Londres
Julio Garcia Burgues, Chef d'unité -Commission européenne, DG Environnement
Jan Passer, Juge à la Cour administrative suprême
Jean-Nicolas Clement, Avocat au barreau de Paris
Thomas Alge, Responsable "Droit de l'environnement" - Bureau de coordination des organisations environnementales autrichiennes
Le vendredi 10 octobre :
Georges Ravarani, Président de la cour administrative du Luxembourg
Joseph Micaleff, Juge à la cour d'appel de Malte
Jan Eklund, Juge au tribunal administratif de Vaasa
Ryszard Mikosz, Professeur de droit public et magistrat
Yann Aguila, Membre du Conseil d'Etat
Luc Lavrysen, Juge à la Cour constitutionnelle de Belgique, Président du forum de l'UE des juges pour l'environnement (UEFJE), Professeur à l'Université de Gand
Renate Philipp, Juge à la Cour administrative fédérale d'Allemagne
Marie-Claude Blin, Chef d'unité adjoint, Commission européenne - DG Environnement
Jean-Claude Bonichot, Conseiller d'Etat, juge à la Cour de justice des Communautés européennes
Carlos de Miguel Perales, Avocat associé au cabinet Uria & Menéndez - Professeur de droit (Espagne)
Pia Bucella, Directrice de la communication, des affaires juridiques et de la protection civile - Commission européenne - DG Environnement
Xavier Delcros, Directeur de la formation continue à l'école de formation du Barreau
Wolfgang Heusel, Directeur de l'Académie de droit européen
Mary Sancy, Professeur de droit de l'environnement à l'Université de Genève
Jean-Louis Borloo, Ministre de l'Ecologioe, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire
Vassilios Skouris, Président de la Cour de Justice des Communautés européennes
Jeudi 9 octobre 2008
A partir de 10h30
Vendredi 10 octobre 2008
A partir de 9h00
Centre de conférences internationales
19, avenue de Kléber
75016 Paris
Les avocats français souhaitant valider ce colloque au titre de leur formation professionnelle acquitteront les droits d'entrée suivants : 150 euros la journée - 250 euros les deux jours (déjeuners offerts).
Attention, nombre de places limité
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Réf. : CJCE, 19 juin 2008, aff. C-454/06, Pressetext Nachrichtenagentur GmbH c/ Republik Osterreich (Bund) (N° Lexbase : A2000D9X)
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N1827BH7
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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Selon l'article 3, paragraphe 1, de la Directive 92/50/CEE du Conseil du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (N° Lexbase : L7532AUI) (JOCE n° L 209 du 24 juillet 1992, p. 1) alors applicable (elle est, désormais, remplacée par la Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services N° Lexbase : L1896DYU, JOCE, n° L 134 du 30 avril 2004, p. 114, mais la question conserve toute son actualité), "pour passer leurs marchés publics de services ou pour organiser un concours, les pouvoirs adjudicateurs appliquent des procédures adaptées aux dispositions de la présente Directive". Les questions relativement complexes posées par le Bundesvergabeamt revenaient, finalement, à interpréter la signification du terme "passer" au sens de cette disposition.
Afin d'y répondre, la Cour a précisé, à titre préliminaire, que si le marché en cause a été conclu avant que la République d'Autriche n'adhère à l'Union européenne, les règles communautaires en la matière s'appliquent à un tel marché à partir de la date d'adhésion de cet Etat (CJCE, 24 septembre 1998, aff. C-76/97, Walter Tögel c/ Niederösterreichische Gebietskrankenkasse N° Lexbase : A1892AWY, Rec., p. I-5357). Dans un premier temps, elle a posé les principes qui permettent de distinguer la modification d'un marché existant de la passation d'un nouveau marché (I). Elle a, ensuite, appliqué ces principes aux faits à l'origine du litige pour conclure à l'absence de passation d'un nouveau marché en l'espèce (II).
I - La distinction entre modification d'un marché existant et passation d'un nouveau marché
La Cour a posé les critères permettant de déterminer dans quelles hypothèses il y avait passation d'un nouveau marché (A). Il est possible de s'interroger sur les conséquences d'un tel raisonnement sur certains principes cardinaux du droit des contrats administratifs (B).
A - Les critères de la passation d'un nouveau marché
Selon un rituel rhétorique bien établi, la Cour de justice rappelle que "l'objectif principal des règles communautaires en matière de marchés publics est d'assurer la libre circulation des services et l'ouverture à la concurrence non faussée dans tous les Etats membres" (point 31). Il en découle que "pour la poursuite de ce double objectif, le droit communautaire applique, notamment, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, le principe d'égalité de traitement des soumissionnaires et l'obligation de transparence qui en découle" (point 32).
Dès lors, les modifications d'un contrat en cours doivent être regardées comme une nouvelle passation "lorsqu'elles présentent des caractéristiques substantiellement différentes de celles du marché initial et sont, en conséquence, de nature à démontrer la volonté des parties de renégocier les termes essentiels de ce marché" (voir déjà, dans un contexte, toutefois, sensiblement différent, CJCE, 5 octobre 2000, aff. C-337/98, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A1751AWR, Rec., p. I-8377). On remarquera que le critère repose sur le standard du caractère substantiel de la modification. La Cour fait donc preuve d'un certain pragmatisme afin de préserver au procédé contractuel toute sa souplesse. On retrouve, ainsi, implicitement l'équilibre entre, d'une part, l'autonomie de la volonté qui doit également bénéficier aux entités publiques et, d'autre part, l'objectif de réalisation du marché intérieur ouvert et concurrentiel. La Cour utilise l'expression de concurrence non faussée qui était affirmée par l'article I-3, paragraphe 2, du Traité établissant une Constitution pour l'Europe et qui a quasiment disparu du Traité de Lisbonne en raison des réticences que ce terme avait fait naître en France. Le protocole n° 27 sur le marché intérieur et la concurrence rappelle simplement que "le marché intérieur tel qu'il est défini à l'article 3 du Traité sur l'Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence n'est pas faussée".
La Cour procède, ensuite, de manière fort pédagogique et donne plusieurs exemples de ce que pourrait être une modification substantielle. Il peut, d'abord, s'agir de l'hypothèse dans laquelle sont introduites "des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient permis l'admission de soumissionnaires autres que ceux initialement admis, ou auraient permis de retenir une offre autre que celle initialement retenue" (point 35). La modification est également substantielle "lorsqu'elle étend le marché, dans une mesure importante, à des services non initialement prévus" (point 36) ou "lorsqu'elle change l'équilibre économique du contrat en faveur de l'adjudicataire du marché d'une manière qui n'était pas prévue dans les termes du marché initial" (point 37).
Cette conception de la passation d'un nouveau marché n'est peut-être pas sans incidence sur le droit français des contrats administratifs.
B - L'impact incertain sur le droit français des contrats administratifs
Pour assurer la continuité du service public, la jurisprudence administrative a développé toute une théorie relative à la mutabilité du contrat administratif. L'existence d'un pouvoir de modification unilatérale de l'administration a fait l'objet d'un important débat jurisprudentiel et doctrinal (CE, 10 janvier 1902, n° 94624, Gaz de Deville-lès-Rouen N° Lexbase : A6862B7B, Rec., p. 5 ; CE, 11 mars 1910, n° 16178, Compagnie générale française des tramways N° Lexbase : A7823B7U, Rec., p. 223, conclusions L. Blum) mais a été finalement admis sans aucune ambiguïté par le Conseil d'Etat (CE, 2 février 1983, n° 34027, Union des transports publics urbains et régionaux N° Lexbase : A1402AMU, Rec., p. 33).
Ce pouvoir a pour contrepartie l'indemnisation intégrale du préjudice subi par le cocontractant, mais ne peut, cependant, être utilisé par l'administration que pour des raisons tirées de la nécessité du fonctionnement du service public. Il est, en effet, lié au pouvoir d'organisation du service public que l'administration détient et, fondé sur le principe d'adaptabilité du service public, ne peut donc être exercé que dans ce cadre. Il ne permet pas de toucher aux clauses financières du contrat, ni d'en changer la substance. Cette dernière condition permet donc de penser que la solution développée dans l'arrêt d'espèce ne remet pas en cause ce pouvoir de modification unilatérale, du moins si les modifications substantielles sont interprétées de la même manière par la jurisprudence administrative et la jurisprudence communautaire.
La compatibilité de la théorie de l'imprévision (CE, 30 mars 1916, n° 59928, Compagnie générale d'éclairage du Gaz de Bordeaux N° Lexbase : A0631B9A, Rec.¸ p. 125, conclusions Chardenet) avec la jurisprudence "APA" mérite, également, d'être examinée. La théorie de l'imprévision permet d'indemniser le cocontractant lorsqu'un événement étranger à la volonté des parties est venu bouleverser l'équilibre du contrat. Le cocontractant reçoit une indemnité d'imprévision correspondant à 90 à 95 % de ses charges supplémentaires, mais il est contraint de continuer à exécuter le contrat. Peut-on considérer qu'il y a un changement de l'équilibre économique du contrat au sens de l'arrêt "APA" ? Ce n'est pas certain puisque, justement, l'indemnité d'imprévision vise au maintien de l'équilibre du contrat. En outre, la théorie de l'imprévision ne vise qu'à remédier à une situation temporaire. Dès lors, soit l'équilibre se rétablit, soit le bouleversement revêt un caractère définitif et se crée un cas de force majeure qui justifie que soit demandée la résiliation du contrat par le juge avec, éventuellement, des indemnités (CE Ass., 9 décembre 1932, n° 89655, Compagnie des tramways de Cherbourg, Publié au Recueil Lebon N° Lexbase : A6802B73).
Au-delà de ces problèmes généraux, l'arrêt "APA" apporte une intéressante illustration de l'absence de modification substantielle du marché.
II - L'absence de passation d'un nouveau marché en l'espèce
La Cour a examiné si, constituait une modification substantielle, d'une part, le transfert d'une partie des activités de l'APA à l'APA-OTS (A) et, d'autre part, la révision des conditions tarifaires (B).
A - Modification substantielle et transfert des activités à une nouvelle entité
La question était ici de savoir si le transfert d'une partie des activités de l'APA à l'APA-OTS constituait une modification substantielle du contrat nécessitant la passation d'un nouveau marché. La Cour rappelle, tout d'abord, que "la substitution d'un nouveau cocontractant à celui auquel le pouvoir adjudicateur avait initialement attribué le marché doit être considérée comme constituant un changement de l'un des termes essentiels du marché public concerné, à moins que cette substitution ait été prévue dans les termes du marché initial, par exemple au titre de la sous-traitance" (point 40).
Toutefois, en l'espèce, il apparaît que l'APA-OTS est une filiale détenue à 100 % par l'APA, que cette dernière dispose d'un pouvoir de direction sur l'APA-OTS, et qu'il existe entre ces deux entités un contrat de transfert des pertes et des bénéfices, assumé par l'APA. En outre, l'APA est responsable solidairement avec l'APA-OTS. Dès lors, la prestation globale existante reste inchangée et pour la Cour de justice, il s'agit plutôt d'une réorganisation interne du cocontractant.
Ce raisonnement apparaît comme le parfait symétrique de l'exception in house, par ailleurs développée par la Cour de justice, et qui permet à une entité adjudicatrice de confier, sans procédure de passation, un marché à une entité sur laquelle elle possède "un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivité (s) qui la détiennent" (CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-107/98, Teckal Srl c/ Comune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia N° Lexbase : A0591AWS, Rec. p. I-8121, n° 50). On retrouve alors les mêmes difficultés et, notamment, le problème du changement des actionnaires postérieurement à la conclusion du contrat.
En matière d'exception in house, la Cour de justice a estimé que, dans la mesure où la société à capitaux entièrement publics avait acquis une vocation de marché, le contrôle qu'une commune pouvait exercer était précaire et cette exception était donc exclue (CJCE, 13 octobre 2005, aff. C-458/03, Parking Brixen GmbH c/ Gemeinde Brixen, Stadtwerke Brixen AG N° Lexbase : A7748DK8, Rec., p. I-8612). Cette solution avait été, ensuite, assouplie. La Cour ne semble plus considérer comme un obstacle à la qualification de contrat in house le fait que des actionnaires privés puissent entrer dans la société à qui a été confié le marché (CJCE, 11 mai 2006, aff. C-340/04, Carbotermo, Consorzio Alisei c/ Commune du Busto Arsizio, AGESP SpA N° Lexbase : A3283DPB, Rec., p. I-4137). Dans cette affaire, elle avait, toutefois, précisé que les statuts de la société en cause prévoyaient, non seulement que la majorité du capital restait détenue par la commune, mais qu'un actionnaire ne pouvait avoir plus d'un dixième du capital de cette société, et que chacun d'entre eux ne pouvait disposer de plus de 10 % des parts sociales.
Pour ce qui concerne le changement des associés du prestataire initial, la solution est encore plus simple. La Cour de justice remarque fort logiquement que "les marchés publics sont régulièrement attribués à des personnes morales. Si une personne morale est constituée sous la forme d'une société anonyme cotée en Bourse, il résulte de sa nature même que son actionnariat est susceptible de changer à tout moment. En principe, une telle situation ne met pas en cause la validité de l'attribution d'un marché public à une telle société. Il pourrait en être autrement dans des cas exceptionnels, telles des manoeuvres destinées à contourner les règles communautaires en matière de marchés publics" (point 51). Dès lors, la même remarque s'applique "dans le cadre de marchés publics attribués à des personnes morales constituées, comme dans l'affaire au principal, sous la forme non pas d'une société anonyme, mais d'une coopérative enregistrée à responsabilité limitée. D'éventuels changements dans la composition du cercle des associés d'une telle coopérative n'entraînent pas, en principe, une modification substantielle du marché attribué à celle-ci".
Restait, alors à examiner, si la révision des conditions tarifaires était susceptible en l'espèce de constituer une modification substantielle du marché.
B - Modification substantielle et révision des conditions tarifaires
L'avenant de 2001 prévoyait, d'abord, la conversion des prix en euros. La Cour estime fort logiquement que "dans le cas où, à la suite du passage à l'euro, un marché existant est modifié en ce sens que les prix initialement exprimés en monnaie nationale sont convertis en euros, il s'agit non pas d'une modification substantielle du marché, mais uniquement d'une adaptation de celui-ci à des circonstances extérieures modifiées, pour autant que les montants en euros sont arrondis conformément aux dispositions en vigueur" (point 57).
De manière plus importante, la Cour rappelle que "le prix constitue une condition importante d'un marché public" (point 59). Elle en déduit, ensuite, que "modifier une telle condition pendant la période de validité du marché, en l'absence d'habilitation expresse en ce sens figurant dans les termes du marché initial, risquerait d'entraîner une violation des principes de transparence et d'égalité de traitement des soumissionnaires" (point 60, v. CJCE, 29 avril 2004, aff. C-496/99, Commission des Communautés européennes c/ CAS Succhi di Frutta SpA N° Lexbase : A0426DCR, Rec., p. I-3801). Elle peut, à l'aune de ces principes, examiner l'avenant de 2001 qui prévoyait, également, la conversion des prix en euros accompagnée d'une réduction de leur montant intrinsèque et de la reformulation d'une clause d'indexation des prix. Cette dernière ne posait pas de difficultés, en réalité, puisqu'elle avait été prévue dans le contrat initial.
S'agissant de la réduction du montant, la redevance annuelle pour l'utilisation des articles rédactionnels et des archives médias avait été réduite de 0,3 %, afin qu'elle corresponde à un chiffre rond pouvant faciliter les calculs. Par ailleurs, les prix à la ligne pour l'insertion de communiqués de presse dans le service OTS ont été réduits, respectivement, de 2,94 % et de 1,47 % pour les années 2002 et 2003, afin qu'ils soient exprimés en chiffres ronds susceptibles, également, de faciliter les calculs. Le caractère minime de ces ajustements justifie que la Cour conclut à l'absence de modification substantielle. C'est avec un raisonnement analogue que la Cour de justice estime que l'augmentation des rabais prévue par l'avenant de 2005 ne constitue pas, non plus, une modification substantielle.
Il est possible d'être moins convaincu par l'argument selon lequel "ces ajustements de prix interviennent, non pas au profit mais au détriment de l'adjudicataire du marché, celui-ci consentant une réduction des prix qui auraient résulté des règles de conversion et d'indexation normalement applicables" (point 62). On pourrait, en effet, estimer qu'avec des prix plus bas, une autre entreprise aurait pu proposer une autre offre économiquement plus avantageuse.
En guise de conclusion, on notera la prise de position intéressante de la Cour de justice relative aux marchés publics à durée indéterminée : "la pratique consistant à conclure un marché public de services pour une durée indéterminée est en soi étrangère au système et à la finalité des règles communautaires en matière de marchés publics. Une telle pratique peut avoir pour effet, à terme, d'entraver la concurrence entre les prestataires de services potentiels et d'empêcher l'application des dispositions des Directives communautaires en matière de publicité des procédures de passation des marchés publics. Néanmoins, le droit communautaire, dans son état actuel, n'interdit pas la conclusion de marchés publics de services à durée indéterminée" (points 73 et 74).
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Réf. : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ)
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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Le volet de la loi du 20 août 2008 relatif au temps de travail s'ouvre sur un article 18 ayant trait aux heures supplémentaires. C'est la deuxième fois que le régime de ces heures de travail effectuées au-delà de la durée légale est sensiblement modifié (1). L'esprit de la présente réforme est, pourtant, différent de celui qui avait présidé à la précédente. Il ne s'agit plus de défiscaliser les heures supplémentaires, mais de modifier différentes règles relatives, principalement, au contingent d'heures supplémentaires et aux compensations des heures effectuées.
L'article 18 modifie la rédaction de l'article L. 3121-11 du Code du travail (N° Lexbase : L3752IBL) et lui adjoint quatre nouveaux alinéas. Le premier alinéa du nouvel article dispose que des "heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche". Dans son ancienne rédaction, le texte prévoyait que le contingent était défini par décret, l'article L. 3121-12 (N° Lexbase : L0302H93) ménageant la possibilité, pour les accords de branche ou les accords d'entreprise, de prévoir un autre contingent. Il y a donc un renversement complet de logique dans le nouveau texte. Désormais, le contingent est, par principe, déterminé par accord collectif d'entreprise. A défaut de négociation d'entreprise ou d'établissement, c'est au niveau de la branche que sera déterminé le contingent des heures supplémentaires (2). Et ce n'est qu'en dernier lieu, si aucun accord d'entreprise ou de branche n'est applicable aux salariés de l'entreprise, que le troisième alinéa de l'article L. 3121-11 du Code du travail confère cette compétence au pouvoir réglementaire (3).
A la première lecture, on pourrait se demander quelle est l'utilité de prévoir que l'accord de branche ne s'applique qu'en l'absence d'accord d'entreprise ou d'établissement. En effet, depuis la loi du 4 mai 2004 (loi n° 2004-391, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8), les relations entre accords de branche et accords d'entreprise ont été remodelées au profit d'un principe dit de proximité, impliquant que l'accord d'entreprise prime sur un accord de branche lorsque ces textes comportent des dispositions portant sur le même objet, cela sans égard au principe de faveur (4). Dès lors, l'articulation prévue par le nouvel article L. 3121-11 pourrait paraître redondante et superflue.
En réalité, cette précision est loin d'être dépourvue d'effet. On se souviendra, ainsi, que la loi du 4 mai 2004 avait ménagé, en faveur des partenaires sociaux, au niveau de la branche, la possibilité d'introduire des clauses de fermeture dans les accords de branche. Ces clauses interdisaient aux accords d'entreprise de déroger in pejus aux accords de branche et neutralisaient, ainsi, le principe de proximité (5). La précision introduite par la loi du 20 août 2008 s'oppose, désormais, en matière de fixation du contingent d'heures supplémentaires, à ce que le principe de proximité soit écarté par ces clauses. La décentralisation de la négociation collective trouve, ici, une illustration des plus profondes, sans qu'il soit certain, d'ailleurs, que la légitimité acquise par les acteurs au niveau de l'entreprise sera suffisante pour leur permettre d'assurer une telle mission (6).
Le second alinéa du nouvel article L. 3121-11 concerne les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent. Jusqu'à présent, ces heures supplémentaires ne pouvaient être travaillées dans l'entreprise qu'à condition que l'employeur ait obtenu l'autorisation de l'inspecteur du travail (7). Cette autorisation n'est, désormais, plus nécessaire. L'employeur, pour faire effectuer des heures supplémentaires hors contingent à ses salariés, devra seulement se conformer aux conditions déterminées, à nouveau, par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par un accord collectif de branche.
L'accord aura, en outre, pour mission de déterminer "les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos" pour ces heures hors contingent. Cette disposition a été, en partie, censurée par le Conseil constitutionnel, les Hauts magistrats ayant considéré que le législateur ne pouvait déléguer aux partenaires sociaux la fixation de la durée minimale de ces repos (8). Cette censure implique, néanmoins, une incertitude, puisque le texte ne prévoit nullement une durée minimale de repos compensateur pour ces heures hors contingent.
La seule certitude est que ces heures donneront bien lieu à repos compensateur obligatoire, ce qui n'est plus le cas pour toute heure supplémentaire. En effet, la dernière phrase du second alinéa de l'article L. 3121-11 laisse à l'accord déterminant le contingent et les conditions des heures hors contingent la possibilité de fixer un repos compensateur pour les heures effectuées dans le cadre du contingent.
Si l'on met cette disposition relative au repos compensateur pour les heures hors contingent en parallèle avec l'abrogation du paragraphe 3 de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie, relatif aux repos compensateurs obligatoires pour les heures dans le contingent, on comprend qu'il n'existe plus, par principe, de repos compensateur obligatoire pour les heures effectuées dans le contingent.
Ce constat appelle deux types d'observations.
La première observation est que cette suppression du repos compensateur obligatoire donne une importance fondamentale à la fixation du contingent d'heures supplémentaires, puisque les heures hors contingents demeurent compensées par un repos obligatoire. Il ne faut pas se le cacher, le risque majeur tient à ce que l'établissement de ce contingent dépendra des employeurs et des syndicats dans l'entreprise. Même si la légitimité des accords collectifs a été renforcée par le volet "démocratie sociale" de la loi du 20 août 2008, on peut craindre que les délégués syndicaux, sur qui reposeront cette négociation, n'aient pas la même force dans cette négociation avec l'employeur que l'auraient eu les organisations syndicales au niveau national, dans le cadre d'une négociation de branche.
La seconde observation est que la suppression du repos compensateur obligatoire constitue une réduction du coût des heures supplémentaires pour l'employeur sans que cela n'implique, en contrepartie, une majoration plus importante de la rémunération de ces heures pour le salarié. L'antienne de l'exécutif "travailler plus pour gagner plus" est totalement travestie. D'une certaine manière, on peut même estimer que les salariés travailleront plus, mais pour gagner moins, puisqu'ils perdront la compensation en repos des heures supplémentaires qui, si elle ne peut évidemment pas être qualifiée de rémunération, constituait, à n'en pas douter, un avantage lié au travail au-delà de la durée légale.
L'article 18 de la loi insère, ensuite, un nouvel article L. 3121-11-1 (N° Lexbase : L3829IBG) au Code du travail, texte relatif à l'information des représentants du personnel au sujet des heures supplémentaires dans l'entreprise (9). Le texte distingue selon qu'il s'agit d'heures effectuées dans le cadre du contingent annuel ou hors de celui-ci.
Dans le premier cas, le texte dispose que "les heures supplémentaires sont accomplies [...] après information du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel". Dans le second, il précise que "les heures supplémentaires sont accomplies [...] après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel" (10). Il y a donc une gradation dans l'information des représentants du personnel même si, dans un cas comme dans l'autre, l'employeur n'est pas tenu par leur avis. S'il s'agit d'une formalité procédurale supplémentaire, il faut, par conséquent, retenir que, sur le fond, l'une ou l'autre de ces deux procédures comportent des conséquences bien proches.
Si la distinction entre information et consultation des représentants du personnel est, somme toute, classique, la rédaction du texte laisse, en revanche, l'interprète bien perplexe s'agissant de déterminer la périodicité à laquelle ces procédures devront être respectées. A lire le texte, on pourrait avoir l'impression que l'employeur doit informer ou consulter à chaque fois que des salariés vont effectuer des heures supplémentaires, ce qui paraît aussi irréaliste qu'improbable. Mais alors quand seront-ils informés ou consultés ? L'ancien article L. 3121-14 (N° Lexbase : L0304H97), abrogé par la loi, parlait d'une consultation "au moins une fois par an", ce qui paraît un délai bien raisonnable. Difficile d'être plus précis, mais gageons que les employeurs diligents s'astreindront au respect d'un tel délai.
L'article 18 de la loi redessine, également, l'article L. 3121-24 du Code du travail (N° Lexbase : L3735IBX), relatif à la possibilité de substituer un repos compensateur à la majoration des heures supplémentaires. Cette disposition ne fait qu'être adaptée au principe de proximité, les aménagements devant en priorité être mis en place par l'accord d'entreprise ou d'établissement et à la disparition du repos compensateur obligatoire des heures effectuées dans le cadre du contingent. S'il est probable qu'il faille se féliciter du maintien d'une telle faculté d'adaptation, entreprise par entreprise, il faut, également, reconnaître que le maintien de cette faculté d'aménagement constitue un nouveau coup de canif dans l'objectif d'amélioration du pouvoir d'achat des salariés par le jeu des heures supplémentaires.
Ces aménagements peuvent, également, être institués dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ayant la faculté de négocier un accord. Dans cette hypothèse, les représentants élus du personnel, comité d'entreprise ou, à défaut, délégués du personnel, seront à nouveau saisis par l'employeur. Mais il ne s'agira cette fois plus d'une simple consultation mais d'une véritable autorisation puisque les aménagements ne pourront être mis en place si ces élus s'y opposent. Il ne faut pas se leurrer, il faudra beaucoup de cran aux élus du personnel de petites structures, par définition dépourvues du soutien d'une organisation syndicale, pour résister à une telle volonté de l'employeur.
Enfin, le paragraphe IV de l'article 18 fixe la durée du repos compensateur obligatoire pour les heures supplémentaires effectuées hors contingent en cas d'absence d'accord. Elle est fixée "à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés". Ces dispositions n'ont, étonnamment, pas été codifiées.
Cette précision ne concernant que l'hypothèse d'un contingent déterminé par décret, la censure du Conseil constitutionnel n'a pas été totalement prise en compte. Quelle est la limite de durée minimale en dessous de laquelle les conventions ne pourront pas descendre ? Cette absence de détermination pourrait constituer un véritable casse-tête chinois pour le juge judiciaire : d'un côté, le législateur ne fixe pas de durée ; de l'autre, le Conseil constitutionnel exige que la fixation de cette durée soit le fait du législateur, si bien que les conventions ne devraient pas pouvoir fixer cette durée. Mais, alors, quelle durée minimale sera retenue ? Parions que le juge imposera le respect d'un délai raisonnable ! Et parions qu'il sera proche de celui prévu par le paragraphe IV en l'absence de convention !
II - Les conventions de forfait
L'article 19 de la loi du 20 août 2008 revoit de fond en comble la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du Code du travail, relative aux conventions de forfait. Jusqu'alors, une première sous-section concernait les cadres alors qu'une seconde, comportant un article unique, s'appliquait aux salariés non-cadres, itinérants ou disposant d'une grande autonomie (11).
La philosophie de la nouvelle section est particulièrement claire et saute aux yeux dès le tout premier article de la première sous-section, relative à la mise en place des conventions de forfait. Celui-ci modifie l'article L. 3121-38 du Code du travail (N° Lexbase : L3861IBM) et dispose que "la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois". "Tous au forfait !" pourrait-on y lire en filigrane, en forçant le trait.
La loi intègre donc au Code du travail la faculté de conclure une convention individuelle de forfait avec tout salarié, sans qu'il soit nécessaire qu'un accord collectif préalable en prévoit la possibilité. Seuls des forfaits sur la semaine ou sur le mois pourront, ainsi, être mis en place, les forfaits à l'année demeurant réservés aux cadres et aux salariés disposant d'une autonomie particulière.
La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de reconnaître la validité d'une forfaitisation des heures supplémentaires sur la semaine avec tout salarié (12). Cette convention nécessitait un accord du salarié, quand bien même la convention collective aurait prévu un tel forfait (13). Comme la nouvelle convention individuelle prévue par la loi du 20 août 2008, elle ne devait pas mener à ce que la rémunération du salarié soit moins favorable que celle qu'il aurait perçu en dehors de toute forfaitisation (14). Dans une certaine mesure, le texte ne fait donc que légaliser une pratique déjà avalisée par le juge (15).
Il y a, cependant, un véritable changement de philosophie. Les forfaits de rémunération des heures supplémentaires, qui existaient jusqu'ici, avaient vocation à forfaitiser la rémunération et non le temps de travail. Or, la rédaction du nouvel article L. 3121-38 du Code du travail (N° Lexbase : L3861IBM) est sans ambiguité. C'est bien le temps de travail qui est forfaitisé. Même si, en pratique, la forfaitisation de la rémunération des heures supplémentaires ou du temps de travail mènent à un résultat similaire, cette négociation de gré à gré de la durée hebdomadaire du travail est certainement l'atteinte la plus sérieuse faite à la durée légale de 35 heures. Il ne reste guère, désormais, que les limites posées par les articles L. 3121-35 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L0329H93), c'est-à-dire, potentiellement, une limite de 48 heures par semaine.
La décentralisation de la négociation n'a, bien heureusement, pas été jusqu'à son ultime limite puisque, bien qu'aucun accord collectif ne soit plus nécessaire pour mettre en place ces forfaits, rien n'empêcherait les partenaires sociaux de négocier des durées hebdomadaires auxquelles les conventions de forfait ne pourraient déroger, faute d'être plus favorables que l'accord (16).
L'article L. 3121-39 nouveau du Code du travail (N° Lexbase : L3942IBM) rappelle le principe, déjà présent dans l'ancienne section 4, de la nécessité d'un accord collectif préalable pour la mise en place de conventions de forfait en jours ou en heures sur l'année. On revient là à un schéma plus classique, même si, encore, le principe de proximité est mis en avant, l'accord collectif primant sur l'accord de branche et les clauses de fermeture paraissant, désormais, exclues par l'application de l'adage specialia generalibus derogant.
Ce texte précise, également, que l'accord d'entreprise ou d'établissement "détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait" là où l'accord de branche ne pouvait, jusqu'alors, que déterminer les catégories de cadres concernés. Cette précision n'est, pourtant, pas nécessairement porteuse d'une grande évolution puisque, déjà, le Code prévoyait la possibilité de mettre en place des conventions de forfait à l'année pour d'autres catégories de salariés. Une remarque s'avère, cependant, nécessaire au sujet de cette disposition, puisqu'elle paraît en conflit avec les nouveaux articles L. 3121-42 et suivants (N° Lexbase : L3963IBE) qui déterminent avec précision les catégories de salariés pouvant être soumis à un forfait sur l'année. A n'en pas douter, l'accord d'entreprise ou, à défaut, l'accord de branche, ne pourra que réduire les catégories de salariés concernés par application de l'article L. 3121-39.
L'article 19 modifie, également, l'article L. 3121-40 du Code du travail (N° Lexbase : L3883IBG) en imposant que le consentement du salarié à la convention de forfait soit fourni par écrit (17). Un tel formalisme n'était, jusqu'à présent, exigé que pour les salariés non-cadres soumis au forfait. Compte tenu du caractère renonciatif à la durée légale du travail que constitue la convention de forfait, il paraît assez naturel d'exiger un minimum de formalisme, exigence assurée par l'établissement du consentement du salarié par écrit.
Dans un même ordre d'idée de protection du salarié, l'article L. 3121-41 du Code du travail (N° Lexbase : L3932IBA) reprend un principe déjà établi par le législateur et par la jurisprudence selon lequel la rémunération perçue par le salarié en application du forfait ne peut être inférieure à celle dont il aurait bénéficié en son absence, c'est-à-dire en calculant les heures supplémentaires ainsi effectuées (18).
L'article 19 introduit une seconde sous-section dans la section 4 intitulée "Conventions de forfait sur l'année". On revient, ici, sur un terrain mieux connu, celui des conventions en heures ou en jours applicables aux différents cadres et à certains salariés particulièrement autonomes.
Le nouvel article L. 3121-42 régit les forfaits sur l'année en heures. Dans la limite de la durée annuelle de travail, peuvent, d'abord, conclure ce type de forfait les "cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés". Il s'agit, mot pour mot, de la délimitation déjà prévue à l'ancien article L. 3121-38 définissant les cadres (N° Lexbase : L0332H98). Peuvent, également, se voir appliquer ce type de forfait, "les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps".
A cet égard, les critères d'application du forfait en heures sur l'année pour les non-cadres sont légèrement modifiés. En effet, l'ancien article L. 3121-51 du Code du travail (N° Lexbase : L5760IAL) prévoyait de tels forfaits pour les salariés itinérants, dont la durée du temps de travail ne pouvait être prédéterminée ou qui disposaient d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur étaient confiées. La condition d'itinérance ayant disparu, on peut avoir la sensation d'un élargissement des catégories de salariés concernées. Cependant, l'ancien texte prévoyait un critère alternatif d'impossibilité de détermination du temps de travail ou d'autonomie dans sa détermination. La première alternative disparaît, seuls les salariés disposant de cette autonomie pouvant être soumis au forfait en heures ce qui, cette fois, restreint les catégories de salariés pouvant être concernées.
Enfin, l'article 19 modifie les articles L. 3121-43 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L3869IBW) et retouche les règles relatives aux forfaits en jours à l'année.
Ce forfait ne pourra, d'abord, pas concerner tous les cadres. En effet, le texte reprend la condition posée pour l'application d'un forfait en heures, mais il y ajoute la condition que le salarié dispose d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps. Cela devrait permettre, de facto, d'exclure du mécanisme ceux que l'on a, parfois, pu appeler les "petits cadres" et qui demeurent soumis aux contraintes horaires imposées par leurs supérieurs. S'agissant des salariés non-cadres, ensuite, la loi reprend in extenso les anciennes conditions prévues par le Code du travail, c'est-à-dire un critère cumulatif d'impossibilité de prédétermination du temps de travail et de réelle autonomie dans l'organisation de l'emploi du temps du salarié.
La loi détermine, également, un nombre de jours maximal qui ne peut être dépassé par les accords collectifs déterminant la durée annuelle pour les forfaits-jours. L'article L. 3121-44 du Code du travail (N° Lexbase : L3857IBH) impose un plafond de 218 jours aux partenaires sociaux. Cette limite correspond à peu près au nombre de jours calendaires d'une année auxquels sont soustraits les congés payés, les samedis et dimanches, les jours fériés et, enfin, une dizaine de jours de récupération. Cette limite constituant un maxima, on peut estimer qu'elle est raisonnable. Mais, là encore, il pèse une véritable responsabilité sur les partenaires sociaux dans l'entreprise car, à défaut d'accord, les règles applicables seront beaucoup moins favorables.
En effet, l'article L. 3121-45 du Code du travail (N° Lexbase : L3952IBY) prévoit que les salariés, en accord avec leur employeur, peuvent renoncer à leurs jours de repos, dans la limite fixée par l'accord collectif. Si cette possibilité pour les parties au contrat de travail doit être formalisée par un écrit, il n'est plus nécessaire, comme cela était auparavant le cas, que l'accord collectif en prévoie la possibilité. La décentralisation est, là encore, le maître mot. La rémunération des heures ainsi effectuées doit être majorée d'au moins 10 %, ce taux pouvant être accru par un avenant à la convention de forfait. Si ce taux peut paraître bien modeste, il faut, néanmoins, constater que l'ancien système ne prévoyait aucun minima, cette mission étant déléguée à l'accord collectif.
Même si cette renonciation ne doit plus nécessairement avoir été prévue par accord collectif, l'existence de l'accord fixant la durée maximale demeure, néanmoins, primordiale. En effet, le texte dispose que, "à défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours". Dans cette hypothèse, les jours fériés et la dizaine de jours de repos sont exclus du calcul. C'est cette disposition qui a été vertement critiquée par les organisations syndicale catégorielles de cadres, en particulier par la CGC, et a même donné lieu à des manifestations de cadres, ce qui l'on en conviendra, n'est pas un phénomène des plus courants (19).
Il devrait, cependant, être particulièrement rare que la limite atteigne ces 235 jours, puisque l'existence même des conventions de forfait sur l'année dans l'entreprise est soumise par l'article L. 3121-39 à la conclusion d'un accord collectif préalable. Les partenaires sociaux négocieront donc nécessairement sur les conventions de forfait et il demeure peu probable qu'ils ne s'entendent pas à cette occasion sur un nombre de jours maximal. Cette limite de 235 jours est donc probablement "l'arbre qui cache la forêt", la disposition apportant le changement le plus profond demeurant la possibilité d'instituer des forfaits en heures à la semaine ou au mois pour tout salarié.
Comme dans l'ancien système, les salariés au forfait-jours ne sont pas soumis aux durées maximales hebdomadaires ou quotidiennes des articles L. 3121-24 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L3735IBX). La seule limite à cet égard est celle du respect des temps de repos obligatoires : repos quotidien, hebdomadaire, dispositions relatives aux jours fériés-chômés -c'est-à-dire au 1er mai- et respect du droit aux congés payés.
Enfin, le nouvel article L. 3121-46 (N° Lexbase : L3891IBQ) institue un entretien annuel individuel entre l'employeur et le cadre au forfait-jours. Cet entretien "porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié". Il s'agit là d'une négociation annuelle de la convention de forfait qui ne dit pas son nom. D'ailleurs, si l'idée d'un tel entretien est plutôt bonne, elle aurait pu s'accompagner d'une sanction en cas de réticences des parties à la tenue d'un tel entretien.
(1) V., déjà, lors de l'été 2007, les dispositions de la loi dite "TEPA" (loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat N° Lexbase : L2417HY8). Sur ce texte et ses incidences sur les heures supplémentaires, v., notamment, F. Favennec-Héry, Feu vert pour la détaxation des heures supplémentaires et complémentaires, JCP éd. S, 2007, 1665 ; F. Champeaux, Des incertaines vertus du nouveau régime des heures supplémentaires et complémentaires, une loi qui cherche, RDT, 2007, p. 699 ; nos obs., Les dispositions du projet de loi sur les heures supplémentaires, Lexbase Hebdo n° 270 du 26 juillet 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N9574BB9).
(2) On relèvera que, contrairement aux dispositions de l'ancien article L. 3121-12 du Code du travail (N° Lexbase : L0302H93), il n'est plus nécessaire que l'accord de branche ait été étendu.
(3) Dans cette hypothèse, le dernier alinéa de l'article prévoit la consultation annuelle des institutions représentatives du personnel dans l'entreprise.
(4) V. l'article L. 2253-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2409H94), issu de la loi du 4 mai 2004. Sur ce thème, v. M.- A. Souriac, L'articulation des niveaux de négociation, Dr. soc., 2004, p. 579.
(5) Sur la fréquence de ces clauses dans les conventions de branche récentes, v. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 23ème éd., p. 966, spéc. note n° 2.
(6) Sur cette question, v. notre article, Articles 5, 6 et 7 de la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : démocratisation de la désignation du DS, RSS et renforcement du statut protecteur des salariés titulaires d'un mandat syndical, Lexbase Hebdo n° 317 du 11 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9810BGG).
(7) Règle posée par l'ancien article L. 3121-19 du Code du travail (N° Lexbase : L0310H9D), abrogé par la présente loi.
(8) V. les obs. de Ch. Radé, Commentaire de la décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : dispositions relatives à la durée du travail, Lexbase Hebdo n° 318 du 18 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1815BHP).
(9) Alors que les articles suivants sont abrogés... Il aurait tout de même paru plus clair d'insérer ce texte à l'article L. 3121-12. Décidément, les pieux objectifs de la recodification ont bien vite été oubliés.
(10) Nous soulignons.
(11) Sur l'ancien système, v. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, préc., pp. 1060 et s..
(12) V., par ex., Cass. soc., 31 mars 1998, n° 96-41.878, Société Bristol MECI c/ M. Devilliers et autre (N° Lexbase : A9660AAZ).
(13) Cass. soc., 10 mars 1998, n° 95-44.842, M. Naegel c/ Société Promaco, publié (N° Lexbase : A2568AC4), Dr. soc., 1998, 492 , obs. J. Bathélémy ; Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 97-41290, M. Quintana c/ M. Charpentier., publié (N° Lexbase : A3549CGK), Dr. soc., 1999, 956, obs. B. Gauriau ; Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-46.369, Société Castorama France c/ M. Roy Cerezo, FS-P+B (N° Lexbase : A4840DBU).
(14) Cass. soc., 25 novembre 1998, n° 96-43.460, M. Marc Helfter c/ Société Armbruster frères, société anonyme (N° Lexbase : A2990AGT).
(15) Dans une certaine mesure seulement puisque la jurisprudence n'a jamais eu à statuer, jusqu'à ce jour, sur une forfaitisation de la rémunération sur le mois, si bien que les conventions de forfait en heures sur le mois constituent une véritable nouveauté.
(16) En effet, si le principe de faveur a sérieusement été remis en question dans les rapports entre conventions collectives par la loi du 4 mai 2004 déjà évoquée, l'articulation entre convention collective et contrat de travail est demeurée intacte, si bien que le contrat ne saurait instituer, même par convention de forfait, une durée dérogeant in pejus à la durée conventionnelle, l'article L. 2254-1 du Code du travail ayant préservé l'application du principe de faveur entre ces deux normes.
(17) La jurisprudence a toujours exigé que le salarié ait accepté le forfait, v., notamment, Cass. soc., 6 novembre 1991, n° 88-43.669, N'Guyen Manh Hoaï c/ SARL TMD (N° Lexbase : A9311AA4) ; Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-46.369, Société Castorama France c/ M. Roy Cerezo, FS-P+B (N° Lexbase : A4840DBU) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Condition d'effectivité d'une convention de forfait et rémunération des heures d'astreinte, Lexbase Hebdo n° 113 du 24 mars 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N0963ABB).
(18) Côté législateur, v. l'ancienne rédaction de l'article L. 3121-41 du Code du travail ; côté jurisprudence, v. Cass. soc., 25 novembre 1998, n° 96-43.460, M. Marc Helfter c/ Société Armbruster frères, société anonyme (N° Lexbase : A2990AGT).
(19) V. le site internet de la CFE-CGC.
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