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N2523BCG
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
Cela étant, la généralisation des procédures d'"alarme sociale" dans le secteur des transports publics, la systématisation de la négociation préalable au dépôt d'un préavis de grève et l'interdiction des "préavis glissants", vont-elles révolutionner le climat social ? Autrement dit, à qui profite cette loi, si la SNCF, comme la RATP, c'est-à-dire les deux principales entreprises publiques de transport en France, appliquent, d'ores et déjà, et avec un certain succès, ces recettes afin d'éviter l'envenimement des conflits sociaux ? A priori aux voyageurs ; mais, bien entendu, cette loi n'exclut en rien le droit de grève et n'empêche pas, ne faisant que les contenir, les perturbations afférentes. Plus surprenant, au nombre des bénéficiaires de cette loi, peuvent figurer les collectivités territoriales. En effet, avec les lois successives de décentralisation, si l'Etat est propriétaire de la SNCF et de la RATP, et également autorité organisatrice des transports sur les grandes lignes, la région est ainsi autorité organisatrice des transports collectifs d'intérêt régional, le département autorité organisatrice des transports scolaires, la commune et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) autorités organisatrices des transports d'intérêt local. Les responsabilités sont donc partagées, notamment, quant au respect du principe de continuité des services publics. La loi permettrait donc, indirectement, à toutes ces collectivités territoriales de gérer au plus près les transports relevant de leur autorité et de limiter ainsi leur responsabilité, tout en recherchant celle des entreprises délégataires, en cas de défaillance des services publics concernés.
Enfin, et pour ne pas être trop long, chacun se souvient des grèves de l'automne 1995. Sans avoir eu l'ampleur des mouvements sociaux de 1968, le spectre des grèves ayant paralysé la France à la suite de l'annonce, le 15 novembre 1995, du plan de réforme de la Sécurité sociale, demeure dans l'inconscient collectif de tous, comme des politiques. Ces grèves ont essentiellement traduit le malaise et l'exaspération sociales face à l'élite politique du moment. "Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent" : chacun aura donc bien retenu les leçons de 1995, à la lumière du Préambule de la Constitution de 1946. Et, à l'heure des réformes structurelles, une loi améliorant, à la fois, le dialogue social et la continuité des services de transport n'apparaissait sans doute pas inutile. Pour reprendre les conclusions du commissaire du Gouvernement Tardieu, sous l'arrêt du Conseil d'Etat "Winkell" rendu en 1909, la France de 2007 ne peut pas plus admettre qu'il y a un siècle un "Etat à éclipses" fonctionnant par saccade ou intermittence.
Les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire la chronique de Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale, consacrée, cette semaine, à l'étude de cette loi.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : CJCE, 26 juin 2007, aff. C-284/04, T-Mobile Austria GmbH et autres c/ Republik Österreich (N° Lexbase : A9283DWQ) et C-369/04, Hutchison 3G UK Ltd et autres c/ Commissioners of Customs & Excise (N° Lexbase : A9285DWS)
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N1839BC4
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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA
Le 07 Octobre 2010
Dans les procédures nationales au principal, les sociétés concernées soutenaient que l'octroi des droits était une opération soumise à la TVA et, partant, qu'il en allait de même des redevances d'utilisation des fréquences. Les juridictions saisies demandaient à la Cour de justice des Communautés européennes si les dispositions de la 6ème Directive-TVA (2) aboutissaient à soumettre à la TVA l'octroi par les pouvoirs publics desdites licences par voie d'enchères publiques (3). En cas de réponse positive, il était également demandé si le prix fixé s'entendait TVA incluse ou non.
Le souhait des opérateurs privés de récupérer une TVA qu'ils supposaient incluse dans le prix fixé par les autorités nationales n'a pas trouvé écho auprès de la CJCE. Le 26 juin 2007, elle a, en effet, dit pour droit que "l'attribution, par l'autorité réglementaire nationale responsable de l'assignation des fréquences, de droits tels que des droits d'utilisation de fréquences du spectre électromagnétique dans le but de fournir au public des services de télécommunications mobiles par voie de mise aux enchères ne constitue pas une activité économique au sens de cette disposition et, par conséquent, ne relève pas du champ d'application de cette Directive".
Faute d'exercer une activité économique en attribuant des fréquences UMTS, les Etats membres n'ont pas la qualité d'assujetti. Cette solution n'était pas celle proposée par l'Avocat général. Elle est pourtant justifiée.
1. L'incompatibilité de l'attribution des fréquences UMTS avec la qualité d'assujetti
Aux termes de l'article 2, § 1, de la 6ème Directive-TVA alors applicable, devenu article 2 de la Directive 2006/112/CE, sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel. La nature de prestation de services effectuée à titre onéreux ne prête pas à discussion en l'espèce. En revanche, la question se pose de savoir si les Etats concernés ont agi en qualité d'assujetti.
L'article 4 de la 6ème Directive-TVA (article 9 de la Directive 2006/112/CE) dispose que :
"1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.
2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. [...].
5. Les Etats, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.
Toutefois, lorsqu'ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.
En tout état de cause, les organismes précités ont la qualité d'assujettis notamment pour les opérations énumérées à l'annexe D et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables [...]".
Des paragraphes 1 et 2 du texte précité, il résulte qu'est assujetti celui qui a pour activité habituelle de livrer des biens ou de fournir des prestations de services en vue d'en retirer des recettes pour son propre compte. Cela suppose l'exploitation d'un ensemble de moyens destinée à produire de la valeur ajoutée. Aucun Etat n'a pour activité habituelle l'attribution de licences UMTS. En l'espèce, l'adjudication par voie d'enchères des licences d'utilisation de lots de fréquences permettant d'offrir des services de télécommunications mobiles du type UMTS/IMT-2000 apparaît purement ponctuelle.
Par ailleurs, la délivrance des autorisations nécessaires aux opérateurs de télécommunications relève, en vertu de la Directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications (4), de la compétence exclusive de l'Etat membre concerné. En cela, l'autorité nationale compétente ne participe pas à l'exploitation d'un bien, constitué par les droits d'utilisation du spectre des radiofréquences en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. Elle ne fait qu'exercer son pouvoir et son devoir de contrôle et de réglementation de l'utilisation du spectre électromagnétique dévolus par le droit communautaire. Il n'y a, donc, aucune concurrence possible avec des opérateurs privés. Or, la TVA ne concerne que les activités concurrentielles. Tel est le sens de la jurisprudence dégagée à propos des activités illicites mais dont les analyses concernent toute activité non concurrentielle (5). De plus, il importe peu qu'une activité régulatrice donne lieu au paiement d'une redevance (6).
Certes, le paragraphe 5 de l'article 4 précité exclut du champ d'application de la TVA les activités accomplies par les Etats membres en tant qu'autorités publiques, y compris en cas de contrepartie, tout en réservant les cas de distorsion de concurrence et les opérations relevant de l'annexe D, dont les télécommunications. Cependant, en l'espèce, ce paragraphe 5 est inopérant car l'attribution de licences UMTS n'est pas une activité économique caractérisée par l'exploitation de biens à titre habituel.
2. L'incompatibilité justifiée de l'attribution des fréquences UMTS avec la qualité d'assujetti
L'objectif consistant à réguler le marché exclut-il toute activité économique ?
Au point 58 de ses conclusions sur l'affaire C-284/04, Madame l'Avocat général Juliane Kokott indique que "la consultation de l'annexe D, point 7, de la sixième Directive montre qu'une activité régulatrice peut être soumise à la TVA en tant qu'activité économique. Parmi les activités qualifiées en effet d'activités de l'Etat soumises à la TVA conformément à l'article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième Directive, apparaissent dans cette annexe les opérations des organismes d'intervention agricoles portant sur les produits agricoles et effectuées en application des règlements portant organisation commune du marché de ces produits. Si un organisme d'intervention vend des produits de son stock, il doit donc verser la TVA, bien que ces opérations servent avant tout à réguler le marché et non pas à retirer des recettes".
L'exemple cité ne paraît pas pertinent dans la mesure où il s'agit d'une activité à caractère habituel et non d'une opération ponctuelle, comme en l'espèce. Pourtant, Madame l'Avocat général considère que la cession, contre le paiement d'une rétribution, d'un droit d'utilisation des fréquences limité dans le temps s'apparente à une mise en location ou à un affermage assimilable à l'exploitation d'un bien incorporel en vue d'en retirer des recettes (7).
Les bandes de fréquences ouvertes aux télécommunications mobiles UMTS/IMT-2000 sont limitées pour chaque Etat. Après attribution de ces fréquences aux opérateurs privés, l'Etat concerné n'en dispose plus durant vingt ans, sauf déchéance de l'attributaire. La comparaison avec un contrat de location est néanmoins séduisante, dans la mesure où le paiement immédiat s'apparenterait au versement unique et d'avance des loyers. Toutefois, ce forçage du pouvoir de régulation des Etats s'éloigne trop des faits.
Il serait peut-être plus judicieux de comparer l'attribution des fréquences UMTS à la cession d'un droit incorporel, catégorie de prestation de services taxable en cas d'exercice en qualité d'assujetti. La cession, même unique, d'un brevet n'est imposable que dans la mesure où son auteur a vendu le produit de son activité (8). L'inventeur doit la TVA sur la cession de son invention car cette opération résulte de l'exploitation d'un ensemble de moyens destiné à produire une valeur ajoutée. Comme le fabricant qui doit vendre sa production pour en retirer des recettes, l'inventeur doit céder le fruit de son activité s'il veut obtenir des revenus.
En va-t-il de même de l'Etat qui attribue contre un prix des fréquences UMTS ? A priori non car lesdites fréquences ne sont aucunement produites par les Etats. Chaque Etat, par suite de négociations internationales, s'est vu reconnaître une fraction de cette ressource rare. L'attribution, moyennant contrepartie unique et immédiate, du droit d'exploiter cette ressource prive l'Etat concerné du droit de la céder à nouveau. Il ne peut l'exploiter comme un prestataire habituel. Il n'y a donc pas de ressource exploitable durablement et susceptible de caractériser l'exploitation d'un bien en vue d'en retirer des ressources à caractère de permanence.
Certes, la commercialisation dans le cadre d'une activité régulatrice est taxable (9), mais encore faut-il qu'il s'agisse d'une activité répétée, habituelle. Tel n'est pas le cas de l'attribution des fréquences UMTS. En l'espèce, les recettes retirées n'ont pas de caractère de permanence dès lors que l'attribution des fréquences a été une opération unique. Rappelons que, selon l'arrêt "Enkler" (10), l'exploitation commerciale ponctuelle d'un bien ne constitue pas une activité économique au sens de l'article 4, paragraphes 1 et 2, de la 6ème Directive-TVA. La CJCE ne pouvait que réitérer cette solution.
Précisons que si la CJCE avait suivi son Avocat général, elle aurait néanmoins vraisemblablement exclu l'attribution des fréquences UMTS du champ d'application de la TVA ; cela, en s'appuyant sur la notion d'activité exercée en tant qu'autorité publique, ce que paraissait proposer Madame Juliane Kokott. Il est toutefois heureux que la CJCE ait préféré pointer l'argument juridique adéquat : l'absence d'exploitation d'un bien en vue d'en retirer des ressources à caractère de permanence.
(1) En Autriche : T-Mobile Austria GmbH, 3G Mobile Telcommunications GmbH mobilkom Austria AG, Hutchison 3G Austria, ONE GmbH et TRA 3G Mobilfunk GmbH, aux droits de laquelle est venue tele.ring Telekom Service GmbH. Au Royaume-Uni : Hutchison 3G UK Ltd, mmO2 plc, Orange 3G Ltd, T-Mobile (UK) Ltd et Vodafone Group Services Ltd.
(2) Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (N° Lexbase : L9279AU9, JOUE n° L 145, p. 1).
(3) La 6ème Directive-TVA a été abrogée et remplacée par la Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la TVA, publiée le 11 décembre 2006 (N° Lexbase : L7664HTZ, JOUE n° L 347, 11 déc. 2006, p. 1).
(4) Directive 97/13/CE (N° Lexbase : L7467AU4, JOUE n° L 117, p. 15). La Directive 97/13 a été abrogée et remplacée à partir du 25 juillet 2003 par la Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (Directive "cadre") (N° Lexbase : L7188AZA, JOUE n° L 108, p. 33).
(5) CJCE, 29 juin 1999, aff. C-158/98, Coffeeshop, § 14 et 21 (N° Lexbase : A2002AIY) : JCP éd. E, 1999, p. 1322. Adde, Y. Sérandour, Les activités illicites et la TVA, JCP éd. E, 2000, p. 72.
(6) CJCE, aff. C-284/04, § 45, et aff. C-369/04, § 39 ; CJCE, 18 mars 1997, aff. C-343/95, Diego Calì & Figli, § 24 (N° Lexbase : A0304AW8) : Rec. p. I-1547 ; CJCE, 19 janvier 1994, aff. C-364/92, SAT Fluggesellschaft, § 28 (N° Lexbase : A9825AUG), Rec. p. I-43.
(7) CJCE, aff. C-284/04, § 64, précité.
(8) CE, 8° et 3° s-s-r., 20 octobre 2000, n° 204129, M. Cambon (N° Lexbase : A1830AIM) : Dr. fisc. 18/2001, comm. 431, concl. E. Mignon ; RJF 1/01, n° 19. CAA Nantes, 30 octobre 2006, n° 05NT01192, Béfort (N° Lexbase : A5606DTS) : RJF 5/07, n° 549.
(9) Cf. supra.
(10) CJCE, 26 septembre 1996, aff. C-230/94, Enkler (N° Lexbase : A0096AWH) : RJF 11/96, 1370.
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Réf. : Loi n° 2007-1224 du 21 août 2007, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (N° Lexbase : L2418HY9)
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N2525BCI
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
La prévention des conflits repose, ici, sur l'idée qu'"en renforçant le dialogue social dans les entreprises de transport, les grèves pourront être pour une large part évitées" (9). Les parties sont donc invitées à négocier de manière préventive les modalités de la "négociation préventive" dans les entreprises (1.1.) mais, également, la prévisibilité du service (1.2.).
1.1. L'accord-cadre sur la négociation préalable au conflit
Le titre II de la loi, intitulé "Dialogue social et prévention des conflits dans les entreprises de transport", prévoit, ainsi, la conclusion d'un accord-cadre "organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social" (art. 2) et vise, également, à limiter la pratique des préavis "glissants", qui rendait, auparavant, quasi-ineffective l'exigence d'un préavis de 5 jours avant toute grève dans les services publics (art. 3) (10).
L'une des grandes nouveautés introduites par la loi consiste dans la limitation de la possibilité reconnue aux syndicats représentatifs de l'entreprise de déposer librement un préavis de grève.
La loi dispose que "le dépôt d'un préavis de grève ne peut intervenir qu'après une négociation préalable entre l'employeur et la ou les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis", l'objet de l'accord-cadre étant précisément de fixer "les règles d'organisation et de déroulement de cette négociation".
Cette négociation produit des effets de droit important puisque l'article 3 de la loi dispose que "lorsqu'un préavis a été déposé dans les conditions prévues à l'article L. 521-3 du Code du travail par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs qu'à l'issue du délai du préavis en cours et avant que la procédure prévue à l'article 2 n'ait été mise en oeuvre".
Ce texte est manifestement destiné à paralyser la pratique des dépôts de préavis multiples pour un même conflit, pratique qui avait été validée dernièrement par la Cour de cassation (11). Désormais, le syndicat qui déposerait un nouveau préavis, sans avoir respecté la procédure de négociation préalable, s'exposerait à voir ce préavis suspendu par le juge des référés, et les salariés qui le suivraient licenciés pour faute lourde (12).
L'article 2 impose aux partenaires sociaux l'ouverture de négociations "en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord-cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social".
Cette négociation s'engagera à la fois dans les entreprises concernées et dans la branche, un accord de branche ayant également le même objet devra être négocié pour s'appliquer dans les entreprises qui n'auront pas conclu d'accord, et dans l'attente de sa conclusion.
Dans l'hypothèse où aucun accord-cadre n'aurait été conclu dans la branche, et pour les entreprises n'ayant pas, non plus, conclu leur propre accord, ou dans l'attente de tels accords, la loi prévoit qu'un "décret en Conseil d'Etat pris après consultation des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés des secteurs d'activité concernés fixe les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable".
La loi laisse aux partenaires sociaux une certaine marge de manoeuvre pour fixer le contenu de l'accord-cadre ; il en va ainsi des "conditions [de] la notification à l'employeur des motifs" du recours à la grève tels qu'ils devront figurer dans le préavis (1°), des "informations qui doivent être transmises par l'employeur aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies" (4°), des "conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification et l'employeur se déroule" (5°), des "modalités d'élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable ainsi que les informations qui doivent y figurer" (6°), ainsi que des "conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l'employeur, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable" (7°).
S'agissant des délais dans lesquels la négociation doit s'opérer, le législateur s'est montré plus directif en imposant aux partenaires sociaux des maximums à ne pas dépasser ; il en va ainsi pour "le délai dans lequel, à compter de [la] notification [des motifs], l'employeur est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification" qui ne "peut dépasser trois jours" (2°), de "la durée dont l'employeur et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable", qui "ne peut excéder huit jours francs à compter de cette notification" (3°).
1.2. L'accord de prévisibilité du service
La loi (article 5) fait obligation aux partenaires sociaux de négocier, au sein des entreprises, et ce pour conclure, avant le 1er janvier 2008, "un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève". Cet accord "recense, par métier, fonction et niveau de compétence ou de qualification, les catégories d'agents et leurs effectifs, ainsi que les moyens matériels, indispensables à l'exécution, conformément aux règles de sécurité en vigueur applicables à l'entreprise, de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transport adapté".
L'accord fixe, également, "les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible, l'organisation du travail est révisée et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en oeuvre du plan de transport adapté. En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de l'entreprise non grévistes".
La loi prévoit que, si cet accord n'est pas adopté, c'est l'employeur qui arrêtera de manière unilatérale un plan de prévisibilité, dans l'attente de la conclusion d'un futur accord.
2. Les restrictions apportées au droit de grève
La loi impose à certains agents de nouvelles obligations dont le non-respect est susceptible d'avoir des conséquences disciplinaires (2.1.). La loi rappelle, également, le principe des incidences financières de la grève (2.2.).
2.1. La mise en cause de la responsabilité disciplinaire des agents
C'est sur la question des droits individuels des grévistes que les syndicats étaient certainement les plus vigilants de manière à ce que les éventuelles atteintes apportées au droit de grève soient strictement cantonnées à ce qui est véritablement indispensable à la continuité du service public.
La loi réalise, d'ailleurs, cette conciliation entre le droit de grève et les autres principes à valeur constitutionnelle, d'ailleurs rappelés dans l'article 1er de la loi (13), et comme l'a reconnu le Conseil constitutionnel dans sa décision en date du 16 août.
En premier lieu, les restrictions apportées au droit de grève ne concernent pas tous les agents, mais uniquement ceux qui relèvent des "catégories" identifiées dans l'accord de prévisibilité. Les autres ne sont donc pas concernés et pourront librement continuer à se mettre en grève, dans les conditions définies par le Code du travail.
En second lieu, les atteintes réalisées sont bien proportionnées. La loi impose, en effet, à ces catégories d'agents d'informer, "au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d'y participer", et ce sous peine d'une sanction disciplinaire (14).
La sanction du non-respect de cette obligation n'est malheureusement pas clairement définie.
La rédaction de la loi, sur ce point, n'impose pas, en toute hypothèse, d'assimiler le défaut d'information de l'employeur à la faute lourde de l'article L. 521-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5336ACM) qui autorise l'employeur à licencier le salarié. Le juge devra donc déterminer si cette "sanction disciplinaire" peut aller jusqu'au licenciement, compte tenu des circonstances, de l'intention de nuire du salarié et de la gêne occasionnée au service minimum, et entrer ainsi dans les prévisions du droit commun du licenciement des salariés grévistes, ou, au contraire, s'il s'agit d'une sanction disciplinaire "spéciale" exposant le salarié à une autre sanction que le licenciement ?
Compte tenu de la jurisprudence qui qualifie de faute lourde le fait pour un salarié de se mettre en grève sur la base d'un préavis ne respectant pas le délai légal de 5 jours francs, et ce même si, à titre individuel, ce dernier a respecté cette exigence (15), on peut penser que c'est la première interprétation qui sera retenue et qu'il s'exposera bien, en cas de non-respect de l'obligation individuelle d'information, à un licenciement pour faute lourde, même si ce risque nous semble ici hypothétique, compte tenu du climat social au sein des entreprises de transport.
La loi protège, par ailleurs, les intérêts de ces agents en indiquant que "les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l'organisation du service durant la grève", qu'elles sont "couvertes par le secret professionnel" et que "leur utilisation à d'autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par l'employeur comme étant chargées de l'organisation du service est passible des peines prévues à l'article 226-13 du Code pénal" (N° Lexbase : L5524AIG).
2.2. Les incidences de la grève sur les rémunérations
Les incidences de la grève sur la rémunération des salariés du secteur privé sont relativement simples : l'employeur ne peut procéder qu'à des retenues strictement proportionnelles aux temps de grève (16), sauf à commettre une discrimination à l'égard des grévistes (17), et il ne peut invoquer la grève comme motif de non-versement de certaines primes qu'à condition d'appliquer le même traitement à tous les salariés absents de l'entreprise, quel que soit le motif de leur absence.
Dans les services publics, les règles applicables sont plus complexes en raison de l'invalidation partielle, par le Conseil constitutionnel, de l'article 89 de la loi "Lamassoure" du 30 juillet 1987 (18) (loi n° 87-588, portant diverses mesures d'ordre social N° Lexbase : L2996AIS). Dans les entreprises privées gérant un service public industriel et commercial, ce qui est le cas du transport de voyageurs, il convient d'appliquer le régime prévu à l'article L. 521-6 du Code du travail (N° Lexbase : L6612ACU) tel qu'il résultait de la loi du 19 octobre 1982 (loi n° 82-889, relative aux retenues pour absence de service fait par les personnels de l'Etat, des collectivités locales et des services publics N° Lexbase : L3781HYP), soit : pour les arrêts de travail inférieurs à une heure, une retenue égale à un 1/160ème du salaire mensuel ; pour les arrêts de travail dont la durée est comprise entre une heure et une demi-journée, une retenue d'un 1/50ème ; pour les arrêts de travail dont la durée est comprise entre une demi-journée et une journée, une retenue d'un 1/30ème (19).
L'article 10 de la loi comprend ce qui semble apparaître comme de nouvelles dispositions relatives aux incidences financières des grèves. Ce texte dispose, en effet, que "la rémunération d'un salarié participant à une grève, incluant le salaire et ses compléments directs et indirects à l'exclusion des suppléments pour charges de famille, est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève".
Le moins que l'on puisse dire est que cette disposition brille par son absence de clarté car, si le principe de la retenue pour fait de grève est bien inscrit dans la loi, ce que personne ne songe à contester, elle ne dit rien du montant de cette retenue, alors que c'est ce point qui fait débat depuis des années.
La formule "réduit en fonction de la durée" pourrait même suggérer un principe de retenue strictement proportionnelle du salaire, comme c'est aujourd'hui le cas dans le secteur privé et pour les fonctionnaires de la fonction publique hospitalière et territoriale.
Le caractère vague de l'expression semble, pourtant, malheureusement indiquer qu'il ne s'agit ici que d'une formule dépourvue de tout intérêt juridique particulier, d'un simple "rappel", comme l'indique d'ailleurs l'exposé des motifs, et qu'il conviendra, par conséquent, de continuer d'appliquer la grille de retenues issue de la loi du 19 octobre 1982.
3. Le règlement des conflits
La loi renoue avec le recours à la médiation (3.1.) et consacre, également, la pratique du référendum de fin de conflit (3.2.).
3.1. La médiation
La loi permet, sans l'imposer, aux "parties au conflit" "dès le début du conflit", c'est-à-dire à tout moment, la désignation "d'un commun accord" d'un "médiateur" "aux fins de favoriser le règlement amiable de leurs différends" (art. 6). Celui-ci "dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l'article L. 524-2 du Code du travail" (N° Lexbase : L6629ACI) et "veille à la loyauté et à la sincérité de la consultation éventuellement organisée".
Ces dispositions ne présentent guère ici de nouveauté dans la mesure où la médiation était déjà pratiquée dans certains conflits. Dès lors que cette procédure n'est pas rendue obligatoire, il y a fort à parier qu'elle ne devrait pas peser de manière significative sur le dénouement des conflits dans les entreprises de transport (20).
3.2. Le référendum
La loi officialise, ici, la pratique du référendum de fin de conflit, mais lui confère un cadre qui garantit le respect les principes fondamentaux de la démocratie sociale.
L'article 6 permet à l'employeur, à une organisation syndicale représentative ou au médiateur éventuellement désigné, de demander, lorsque la grève dure "au-delà de huit jours", "l'organisation par l'entreprise d'une consultation, ouverte aux salariés concernés par les motifs figurant dans le préavis, et portant sur la poursuite de la grève".
Le texte précise que "les conditions du vote sont définies, par l'employeur, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d'organiser la consultation", et que ce dernier "en informe l'inspecteur du travail".
Le texte précise, par ailleurs, que "la consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote" et que "son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève".
Comme pour le recours au médiateur, la pratique du référendum risque donc de ne rien modifier au déroulement actuel des grèves dans la mesure où l'enjeu du résultat n'est pas juridique, mais uniquement symbolique, pour faire pression sur le ou les syndicats pour qu'ils fassent, le cas échéant, cesser le mouvement.
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Le 07 Octobre 2010
I. Entrée en vigueur du Règlement Reach
Le Règlement n° 1900/2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, dit Règlement Reach est entré en vigueur le 1er juin 2007.
Il vise à "assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement ainsi que la libre circulation des substances [...] tout en améliorant la compétitivité et l'innovation" (article 1.1 du Règlement).
Le champ d'application du Règlement Reach est particulièrement important, puisqu'il vise toutes les substances qu'elles soient fabriquées, importées, mises sur le marché ou utilisées, telles quelles ou dans des préparations. Certaines substances sont, néanmoins, exclues dont, notamment, les substances radioactives et les déchets.
De façon synthétique, le Règlement Reach impose en matière d'enregistrement et d'évaluation des substances concernées, les obligations suivantes :
1. Aux fabricants et importateurs de substances chimiques :
- jusqu'au 31 décembre 2008, de préenregistrer les substances fabriquées ou importées dans la communauté ces quinze dernières années ;
- jusqu'au 31 mai 2018, d'enregistrer, contre paiement d'une redevance, les substances produites ou importées en quantité supérieure à une tonne, en présentant un dossier technique comportant un rapport toxicologique et un rapport sur la sécurité chimique, comportant des mesures de gestion des risques ;
- d'échanger des informations avec les autres acteurs de la chaîne d'approvisionnement et, notamment, de rédiger les fiches de données de sécurité par substance.
2. Aux utilisateurs :
- d'identifier, mettre en oeuvre et, le cas échéant, recommander des mesures pour assurer la maîtrise des risques identifiés dans les scénarii d'exposition enregistrés, à défaut, d'élaborer eux-mêmes un rapport de sécurité chimique pour cette utilisation ;
- d'informer le fabricant ou l'importateur d'une utilisation de la substance pour qu'il intègre dans les scenarii d'exposition enregistrés, à défaut, d'élaborer eux-mêmes un rapport de sécurité chimique pour cette utilisation.
L'élément fondamental du règlement est donc l'enregistrement des substances dangereuses auprès d'une Agence européenne des produits chimiques basée à Helsinki.
Cette agence, créée par le Règlement Reach aura en charge de gérer les aspects techniques, scientifiques et administratifs du système Reach, en veillant à la cohérence des décisions au niveau communautaire. En plus de gérer le processus d'enregistrement, elle reçoit les demandes d'autorisation, et formule des avis et des recommandations dans le cadre des procédures d'autorisation et de restriction.
En vertu de l'article 57 du Règlement Reach, les substances "extrêmement préoccupantes" devront, quant à elles, être autorisées pour être commercialisées. Ces substances sont celles ayant les effets suivants :
- cancérogènes, mutagènes ou toxiques (CMR) ;
- persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables (PBT) ;
- perturbant le système endocrinien ou pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu'elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l'environnement (vPvB).
Toute fabrication, mise sur le marché ou utilisation d'une telle substance doit faire l'objet d'une demande d'autorisation. Si les risques émanant de la fabrication, de la mise sur le marché ou de l'utilisation d'une telle substance peuvent être adéquatement gérés, l'autorisation est accordée. Dans le cas contraire et si des substituts n'existent pas, la Commission évalue le niveau de risque, les avantages socio-économiques de l'utilisation de la substance et décide de l'autorisation ou non de la substance. Certaines substances, telles que les PBT et les vPvB, peuvent être autorisées uniquement si les avantages socio-économiques excèdent les risques et s'il n'existe pas de substitut.
La charge de la preuve incombe à l'industriel demandeur. Toutes les autorisations doivent être révisées au bout d'un certain temps, déterminé au cas par cas.
Une procédure de restriction applicable à la fabrication, à la mise sur le marché et à l'utilisation de certaines substances chimiques permet aux autorités nationales ou à l'Agence européenne des produits chimiques (à la demande de la Commission) d'intervenir pour proposer des mesures de gestion des risques sur toute substance, tant celles ayant été enregistrées que celles, par exemple, qui ne rentrent pas dans le champ d'application du Règlement du fait d'un tonnage inférieur à une tonne.
Il est prévu qu'au cours des 11 années qui suivront l'entrée en vigueur du Règlement Reach, 30 000 substances sur les 100 000 existantes sur le marché communautaire seront enregistrées auprès de l'Agence.
Afin de préparer les différentes échéances fixées par le Règlement, la France a mené d'importantes actions de sensibilisation et a créé un service national d'assistance technique, chargé de fournir aux industriels des informations sur les obligations qui leurs sont imposées au titre du Règlement Reach.
En outre, une expertise nationale a été organisée avec la conclusion très prochainement d'un protocole d'accord entre l'Etat, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) et le bureau d'évaluation des risques des produits et agents chimiques (BERPC), qui précisera les rôles tenus par les acteurs de l'expertise dans la mise en oeuvre du règlement.
Un portail d'information est accessible sur le site internet : www.reach-info.fr.
II. Réforme de la réglementation en matière de fluides frigorigènes
Le décret n° 2007-737 du 7 mai 2007, relatif à certains fluides frigorigènes utilisés dans les équipements frigorifiques et climatiques, complète la réglementation en la matière, jusqu'alors régie par un décret n° 92-1271 du 7 décembre 1992 (N° Lexbase : L7768GTU).
Le décret de 2007 vise à mettre en conformité la réglementation française en matière de fluides frigorigènes avec le Règlement CE n° 2037/2000 du 29 juin 2000, relatif aux substances appauvrissant la couche d'ozone. Il a pour champ d'application les substances mentionnées dans son annexe 1, dès lors qu'elles sont utilisées ou destinées à être utilisées en tant que fluide frigorigène dans les systèmes et installations de réfrigération, de climatisation (y compris les pompes à chaleur) et de climatisation des véhicules. Il s'agit des :
- chlorofluorocarbures (CFC) ;
- hydrochlorofluorocarbures (HCFC) ;
- et hydrofluorocarbures (HFC).
Ce champ d'application est élargi par rapport au décret du 7 décembre 1992. L'ensemble des équipements frigorifiques et climatiques est à présent visé, alors qu'auparavant seuls les appareils contenant une charge en fluides supérieure à 2 kg étaient concernés.
Différentes catégories de personnes sont visées par le décret de 2007, à savoir :
- les détenteurs des équipements contenant des fluides frigorigènes ;
- les producteurs de fluides frigorigènes ;
- les producteurs d'équipements ;
- les distributeurs de fluides frigorigènes ;
- les opérateurs.
1. Les détenteurs des équipements
Il s'agit des personnes "exerçant un pouvoir réel sur le fonctionnement technique des équipements, qu'elles soient ou non propriétaires".
Elles ont certaines obligations en vertu du décret de 2007, principalement en matière de prévention des fuites de fluides frigorigènes :
- elles doivent faire procéder à la charge en fluide frigorigène de l'équipement, à sa mise en service ou toute autre opération réalisée sur l'équipement, par un opérateur (article 4) ;
- lorsque la charge en fluide frigorigène de l'équipement est supérieure à 2 kg, elles doivent procéder, lors de sa mise en service, à un contrôle d'étanchéité des éléments assurant le confinement du fluide (article 4). Un arrêté du 7 mai 2007 est venu préciser la périodicité et les conditions des contrôles d'étanchéité (N° Lexbase : L4269HXE) ;
- le détenteur doit également prendre toute disposition de nature à éviter le renouvellement d'une opération de dégazage (article 7).
2. Les producteurs de fluides frigorigènes et d'équipement préchargés
Les producteurs de fluides frigorigènes sont "non-seulement les personnes qui produisent des fluides frigorigènes mais également celles qui importent ou introduisent sur le territoire national ces équipements préchargés à titre professionnel".
Les producteurs des équipements contenant des fluides frigorigènes sont "non seulement les personnes qui produisent des équipements préchargés contenant des fluides frigorigènes mais également celle qui importent ou introduisent sur le territoire national ces équipements préchargés à titre professionnel".
Il est fait obligation à l'ensemble de ses producteurs en vertu de l'article 10 du décret de 2007 de :
- récupérer sans frais supplémentaires chaque année les fluides frigorigènes repris par les distributeurs ;
- traiter ou de faire traiter les fluides frigorigènes afin de les mettre en conformité avec leurs spécifications d'origine. Si une telle mise en conformité est impossible à réaliser, les fluides récupérés doivent être détruits dans une installation de traitement autorisée.
Les seuls producteurs de fluides frigorigènes doivent de surcroît, en vertu de l'article 12 du décret, transmettre les données relatives aux quantités de fluides, stockées, reprises ou retraitées à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
3. Les distributeurs
Les distributeurs de fluides frigorigènes sont "les personnes qui cèdent à titre onéreux ou gratuit, dans le cadre d'une activité professionnelle, des fluides frigorigènes. Ne sont pas considérés comme distributeurs les opérateurs qui procèdent à la récupération des fluides et les cèdent à des distributeurs pour qu'ils les mettent en conformité avec leurs spécifications d'origine ou pour qu'ils les détruisent".
Ils doivent, tout comme les producteurs de fluides frigorigènes, transmettre les données relatives aux quantités de fluides, stockées, reprises ou retraitées à l'ADEME.
Par ailleurs, à compter du 4 juillet 2009, les distributeurs ne pourront céder à titre onéreux ou gratuit des fluides frigorigènes qu'aux opérateurs disposant de l'attestation de capacité prévue à l'article 13 du décret de 2007 et aux personnes produisant, dans des installations classées pour la protection de l'environnement, des équipements préchargés contenant de tels fluides.
Les distributeurs sont également tenus, en vertu de l'article 8 du décret, de :
- mettre à disposition de leurs clients des contenants permettant d'assurer la reprise des fluides usagés ;
- reprendre sans frais supplémentaires chaque année les fluides frigorigènes qui leur sont rapportés dans ces contenants ;
- reprendre sans frais supplémentaires les emballages ayant contenu des fluides frigorigènes.
4. Les opérateurs
Les opérateurs sont les personnes habilitées à procéder à certaines opérations mentionnées à l'article 2 du décret de 2007 (mise en service des équipements, entretien, réparation, contrôle d'étanchéité, démantèlement, récupération,...).
L'opérateur doit établir une fiche d'intervention pour chaque opération nécessitant une manipulation de fluides frigorigènes.
Ils doivent, aux termes de l'article 9 du décret de 2007 :
- soit remettre aux distributeurs les fluides frigorigènes récupérés qui ne peuvent être réintroduits dans les équipements dont ils proviennent ou dont la réutilisation est interdite, ainsi que les emballages ayant contenu des fluides frigorigènes ;
- soit faire traiter sous leur responsabilité ces fluides et emballages.
Une obligation supplémentaire importante est mise à leur charge par rapport au décret du 7 décembre 1992, puisqu'ils doivent dorénavant obtenir une "attestation de capacité" délivrée par un organisme agréé.
Les opérateurs qui interviennent exclusivement sur des équipements dont la charge en fluide est inférieure ou égale à 2 kg disposent d'un délai expirant le 4 juillet 2009 pour obtenir l'attestation de capacité.
De nombreux arrêtés sont attendus, notamment, pour préciser les modalités de délivrance de l'attestation précitée.
Les intervenants de la filière ne respectant pas les obligations qui leurs sont imposées au titre du décret de 2007 encourent une condamnation à des peines d'amendes pour des contraventions de 3ème (450 euros) et 5ème classe (1 500 euros).
Les infractions devraient être constatées par les agents verbalisateurs compétents en matière de produits chimiques (C. envir., art. L. 521-12 N° Lexbase : L2949ANK) et de déchets (C. envir., art. L. 541-44 N° Lexbase : L2728AND).
III. Arrivée à échéance de transposition de certaines Directives
La transposition de deux Directives européennes en matière de santé, sécurité et environnement était attendue au courant du premier semestre 2007.
La Directive 2004/107/CE s'inscrit dans le cadre de la refonte de la législation européenne en matière de polluants présentant des risques pour la santé humaine, instituée par la Directive-cadre 92/62/CE du 27 septembre 1996, concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant (N° Lexbase : L7853AUE).
La Directive du 15 décembre 2004 s'articule autour de deux grandes idées :
- elle fixe des valeurs cibles des agents cancérogènes à respecter en posant ainsi un principe d'exposition aussi faible que possible à ces agents, dans la mesure où il n'existe pas à l'heure actuelle de certitudes scientifiques concernant les seuils au-delà desquels leurs effets sont nocifs pour l'homme ;
- elle détermine des méthodes et des critères pour l'évaluation des concentrations et du dépôt des substances visées et garantit que des informations adéquates sont obtenues et mises à disposition du public.
Elle n'a toujours pas été transposée en France, malgré le fait que sa transposition aurait dû avoir eu lieu au plus tard le 15 février 2007.
La Directive 2005/90/CE complète la liste de la Directive 76/769/CEE (N° Lexbase : L9259AUH), qui interdit la mise sur le marché pour le grand public, des substances classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, et des préparations contenant ces substances, qui sont listées dans ses annexes.
La Directive 2005/90/CE ajoute 346 substances à ces annexes, nouvellement classées ou reclassées et susceptibles de provoquer le cancer, des altérations génétiques héréditaires, et des malformations congénitales ou d'altérer la fertilité.
Un arrêté du 15 mars 2007 est venu opérer cette transposition en modifiant l'arrêté du 7 août 1997 relatif aux limitations de mise sur le marché et d'emploi de certains produits contenant des substances dangereuses (N° Lexbase : L7952HU3). Il insère dans le tableau des substances concernées les modifications posées par la Directive 2005/90/CE.
Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils
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Réf. : CE Assemblée, 16 juillet 2007, n° 291545, Société Tropic travaux signalisation (N° Lexbase : A4715DXW)
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par François Brenet, Maître de conférences en droit public à la Faculté de droit de l'Université de Poitiers (Institut de droit public, EA 2623)
Le 07 Octobre 2010
2- Aux origines de ce très grand arrêt de l'été 2007, se trouve le lancement d'une procédure d'appel d'offres par la Chambre de commerce et d'industrie de Point-à-Pitre (ci-après "CCI") pour l'attribution d'un marché à bons de commande d'une durée de trois ans et portant sur le marquage des aires d'avions et chaussées routières de l'aéroport de Point-à-Pitre le Raizet. L'offre présentée par la société Tropic travaux signalisation Guadeloupe a été rejetée le 14 novembre 2005 et le marché a finalement été attribué à la société Rugoway. La société écartée a alors saisi le tribunal administratif (ci-après "TA") de Basse-Terre d'une demande d'annulation de la décision de rejet de son offre, de la décision de retenir celle de l'entreprise lauréate ainsi que du marché lui-même en assortissant cette requête de demandes de suspension des actes attaqués sur le fondement de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3058ALT). Cette demande a été rejetée par une ordonnance du 2 mars 2006 et la société a alors saisi le Conseil d'Etat d'un recours en cassation en présentant, notamment, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le juge des référés qui aurait regardé les décisions attaquées comme exécutées, alors qu'elle avait demandé la suspension de l'exécution du marché et que les actes détachables produisaient leurs effets jusqu'à l'achèvement du marché. Reprenant une jurisprudence désormais classique (6), le Conseil d'Etat a rejeté la seconde branche du moyen relative aux actes détachables du marché en considérant que la signature du contrat rendait sans objet les conclusions dirigées contre eux. En revanche, il a fait droit à la première branche du moyen relative aux conclusions de suspension dirigées contre le marché au motif que l'entreprise requérante, en sa qualité de candidat évincé, pouvait parfaitement contester la validité du contrat devant le juge de plein contentieux et demander sa suspension. Par application de l'article L. 821-2 du CJA (N° Lexbase : L3298ALQ), il a ensuite réglé l'affaire au titre de la procédure de référé et considéré que le moyen tiré du détournement de pouvoir qu'aurait commis la collectivité publique n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du marché. Enfin, le Conseil d'Etat a affirmé que l'ouverture d'une nouvelle voie de recours devant le juge du contrat rendait la société irrecevable à demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation des actes détachables.
3- Afin de cerner les apports de l'arrêt "Société Tropic travaux signalisation" au contentieux des contrats administratifs (la partie de l'arrêt relative à la modulation des effets dans le temps des revirements de jurisprudence ne sera pas abordée ici (7)), nous tenterons de démontrer en quoi cette solution constitue une dérogation supplémentaire au principe de l'irrecevabilité des recours en annulation des tiers dirigés contre les contrats administratifs (I) avant d'évoquer les conditions dans lesquelles ce nouveau recours direct peut être exercé (II).
I. Une dérogation supplémentaire au principe de l'irrecevabilité des tiers à exercer un recours direct en annulation contre les contrats administratifs
4- Le principe de l'irrecevabilité des tiers à demander au juge d'annuler un contrat administratif est ancien et ses fondements se sont enrichis au fil des ans (A). Mais parce qu'il engendrait parfois de réelles difficultés, il lui a ensuite été dérogé dans au moins quatre hypothèses (B).
A. Le principe de l'irrecevabilité et ses fondements
5- On fait traditionnellement remonter à la deuxième moitié du XIXème siècle l'époque à laquelle le Conseil d'Etat a posé le principe selon lequel les tiers à un contrat sont irrecevables à en demander l'annulation au juge administratif. Plusieurs arguments, parfaitement décrits par le commissaire du Gouvernement Didier Casas dans ses conclusions, ont été avancés pour justifier un tel principe. Un argument que l'on peut qualifier de pédagogique, tout d'abord. Souhaitant mettre de l'ordre dans les recours contentieux, en distinguant notamment l'excès de pouvoir du plein contentieux, le Conseil d'Etat a estimé que les contrats étaient des actes de gestion relevant fort naturellement du contentieux de pleine juridiction. Et de ce premier constat, la jurisprudence a déduit que le contrat était la "chose" des parties, ainsi que les actes sur la base desquels il avait été conclu (c'est la fameuse théorie du "tout indivisible"), et que leur légalité ne pouvait être contestée que par le juge de plein contentieux auquel seuls les contractants pouvaient accéder. Un argument lié à la protection des droits acquis par les parties a, par ailleurs, justifié le principe de l'irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir exercé par les tiers. Enfin, un argument lié à la nature objective du recours pour excès de pouvoir a également justifié l'irrecevabilité à l'encontre des contrats administratifs, considérés comme étant à l'origine de droits purement subjectifs.
B. Les dérogations au principe et leur portée
6- Progressivement, il est apparu que le principe de l'impossibilité pour les tiers de demander au juge d'annuler un contrat administratif emportait certains inconvénients difficilement surmontables. Tel était le cas, notamment, lorsqu'il apparaissait que le contrat avait été conclu en méconnaissance des règles les plus élémentaires de la légalité telles que celles relatives à la compétence des autorités signataires ou des règles de publicité et de mise en concurrence pour prendre un exemple plus contemporain. La théorie des actes détachables a permis de corriger partiellement ces inconvénients en permettant aux tiers (et ce, après l'avoir admis pour les parties elles-mêmes (8)) de saisir le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif détachable d'un contrat administratif. Sur la base de la célèbre jurisprudence "Martin" du 4 août 1905 (9), le juge de l'excès de pouvoir a ainsi pu contrôler la légalité de l'activité contractuelle des personnes publiques, sans pour autant s'immiscer dans le coeur du contrat qui restait l'affaire du juge de plein contentieux et des parties. A la faveur de la réforme décentralisatrice des années 1982-1983, le Conseil d'Etat a, ensuite, admis une nouvelle dérogation au principe de l'irrecevabilité des tiers à demander au juge d'annuler un contrat administratif. Il a considéré que la juridiction administrative, saisie dans le cadre du déféré préfectoral, pouvait annuler un contrat conclu par une collectivité territoriale (10) avant de préciser, quelques temps plus tard, que le déféré préfectoral n'était rien d'autre qu'une forme de recours pour excès de pouvoir (11). Avec cette jurisprudence, un tiers, le préfet en l'occurrence, est ainsi autorisé à demander au juge d'annuler un contrat administratif local, même s'il n'est pas soumis par ailleurs à l'obligation de transmission (12). Une autre dérogation importante au principe a été consacrée, en 1998, par la Section du contentieux du Conseil d'Etat dans l'arrêt "Ville de Lisieux" (13) au sujet des contrats administratifs de louage de services. A vrai dire, on a quelques difficultés à dire si cette jurisprudence déroge vraiment au principe que l'on sait, ou si, au contraire, elle ne vient pas la conforter car la solution consacrée est justifiée par la nature spécifique du contrat en cause. Ce dernier placerait l'agent dans une situation légale et réglementaire et il ne serait finalement peut-être pas un vrai, mais un faux contrat. Une même remarque peut-être faite au sujet de la solution posée par la décision "Cayzelle" du 10 juillet 1996 (14). En admettant que les tiers puissent former un recours pour excès de pouvoir (REP) contre les clauses réglementaires (et divisibles) d'un contrat administratif, le Conseil d'Etat a, une nouvelle fois, admis que de telles stipulations avaient l'apparence contractuelle, mais ne possédaient peut-être pas une nature authentiquement contractuelle, et que l'admission du REP à leur égard n'était finalement rien d'autre qu'un juste retour des choses.
7- Parmi les quatre dérogations consacrées par le juge administratif, il n'est guère douteux que c'est celle relative à la théorie des actes détachables qui a produit les effets les plus importants en pratique. Les solutions relatives au déféré préfectoral, au REP contre les contrats de louages de services et contre les clauses réglementaires n'ont eu, à l'inverse, qu'un impact limité. Ce succès de la théorie des actes détachables vient de ce que le juge administratif a su la faire évoluer au cours des années pour la transformer, au final, en une véritable arme juridique à la disposition des tiers souhaitant contester la légalité d'un contrat administratif. On sait, en effet, que le juge administratif a retenu une conception extrêmement large de la notion d'acte administratif détachable en admettant la détachabilité de l'autorisation de conclure (15), de la décision d'approbation du contrat (16) ou encore, et c'est plus remarquable, de la décision même de conclure le contrat, alors même qu'elle ne se détache du contrat que du point de vue intellectuel (17). Surtout, le juge administratif s'est attaché, avec l'impulsion du législateur et sous l'effet des critiques doctrinales (18), à donner plein effet aux annulations prononcées. Il s'est, en effet, écarté de la conception originelle de la théorie des actes détachables qui établissait une frontière parfaitement imperméable entre le contentieux de l'excès de pouvoir et le plein contentieux (l'annulation des actes détachables devant rester platonique pour reprendre les termes de Romieu (19)) pour établir des passerelles entre les deux et obliger les parties à tirer toutes les conséquences des annulations prononcées en excès de pouvoir. Plusieurs étapes peuvent être identifiées. Dans une réponse de la Section du rapport et des études de 1989 (20), le Conseil d'Etat a, tout d'abord, rappelé le principe de l'étanchéité des deux contentieux avant de lui apporter un tempérament d'importance en précisant que "cependant, la légalité qui inspire l'action de l'administration peut conduire celle-ci, à la suite de l'annulation d'un acte détachable du contrat [...] à saisir le juge du contrat pour lui demander de prononcer la nullité ou à le résilier elle-même" avant d'ajouter que "la seule obligation qui incombe à l'administration est de décider sous le contrôle du juge de la suite à donner à l'exécution du contrat en cause". La deuxième étape de l'évolution est constituée par l'arrêt "Société le Yacht club de Bormes les Mimosas" du 1er octobre 1993 (21). En l'espèce, le Conseil d'Etat précisa, à l'occasion d'une demande d'indemnisation formulée par l'une des parties, à la suite de l'annulation d'un acte détachable à la demande d'un tiers, que c'est "eu égard au motif" ayant justifié l'annulation qu'il y a lieu d'apprécier si le contrat est frappé de nullité. Encore une fois, le principe de l'étanchéité entre les contentieux de l'excès de pouvoir et du contrat est nuancé. Dans une troisième étape, le Conseil d'Etat précisa qu'en cas d'illégalité d'un acte détachable, le tiers pouvait saisir le juge administratif d'une demande d'astreinte (22), voire d'une demande d'injonction, afin de contraindre les parties à saisir leur juge (le juge de plein contentieux), afin que celui-ci tire toutes les conséquences de l'illégalité décelée (23). La quatrième étape de l'évolution jurisprudentielle réside dans l'arrêt "Institut de recherche pour le développement" du 10 décembre 2003 (24). Malgré les précautions prises par le Conseil d'Etat pour ne pas établir une corrélation systématique entre l'annulation d'un acte détachable et la remise en cause du contrat (nullité constatée par le juge, résiliation par les parties ou résolution judiciaire), lesquelles se concrétisaient par la prise en compte du vice de légalité entachant l'acte en cause et de sa nature, le Conseil d'Etat a pris conscience que sa jurisprudence audacieuse, combinée avec l'utilisation des procédures d'astreinte et d'injonction, débouchait de plus en plus sur un anéantissement du contrat. L'effet platonique de l'annulation de l'acte détachable défendue par Romieu avait, ainsi, progressivement laissé la place à une remise en cause quasi-systématique des contrats administratifs concernés. Pour tempérer cette situation, le juge administratif a mis en place une soupape de sécurité aux termes de laquelle il lui appartient toujours de vérifier que le constat de la nullité du contrat, résultant de l'annulation d'un acte détachable, ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général. Ce standard jurisprudentiel, qualifié de "réserve d'intérêt général" par la doctrine (25), permet ainsi au juge administratif de moduler les conséquences de l'annulation de l'acte détachable et même de ne pas en tenir compte si un impérieux motif d'intérêt général l'exige. L'arrêt "Société Tropic travaux signalisation" s'inscrit assurément dans le prolongement de cette évolution jurisprudentielle qui cherche à trouver un meilleur équilibre entre les exigences de la légalité et de la sécurité juridique.
II. L'exercice du recours direct par les candidats évincés devant le juge de plein contentieux
8- L'arrêt du 16 juillet 2007 comporte de nombreuses précisions concernant les conditions de recevabilité du nouveau recours (A) et les pouvoirs susceptibles d'être activés par le juge du contrat (B).
A. Les conditions de recevabilité du recours
9- Ces conditions sont nombreuses et portent principalement sur l'identité des requérants (1°), sur la nature du contrat attaqué (2°), sur le délai de recours (3°). Mention doit être faite, également, de l'articulation entre ce recours direct et les recours existants (4°).
1° La condition relative à l'identité des requérants
10- La décision du 16 juillet 2007 précise, dans un premier temps, que le recours de pleine juridiction qu'elle institue est ouvert à "tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif". C'est assurément un changement considérable en ce sens que, pour la première fois, le Conseil d'Etat admet que le juge du contrat puisse être saisi par un tiers et non par les seules parties comme il le jugeait jusqu'à présent (26). Encore faut-il préciser que ce changement n'est pas aussi important que celui préconisé par Didier Casas dans ses conclusions. Ce dernier proposait, en effet, que l'exercice de ce recours direct soit ouvert à l'ensemble des personnes justifiant d'un droit patrimonial lésé et il estimait que pourraient entrer dans cette catégorie "les entreprises évincées de la procédure d'attribution d'un contrat, les usagers du service public en tout cas lorsqu'est en cause une délégation de service public ou un marché public de service public, ainsi que, peut-être, le contribuable local qui pourrait éventuellement se prévaloir de ce que les conditions financières d'un contrat ont des répercussions nécessaires sur ses droits patrimoniaux". Le Conseil d'Etat a finalement opté pour une solution plus restrictive même si l'on a aujourd'hui quelques difficultés à identifier le contenu exact de la notion de candidat évincé. Dans leur chronique de jurisprudence, Claire Landais et Frédéric Lénica soulignent, ainsi, qu'elle "recouvrira des réalités différentes selon la procédure ayant abouti à la signature du contrat" (27). En effet, si l'éviction d'un candidat est due au comportement de l'administration qui a manqué à son obligation d'organiser une procédure de mise en concurrence comme les textes le lui imposaient, tout porte à croire que pourront être considérés comme concurrents évincés l'ensemble des candidats qui aurait eu une chance d'obtenir le marché. En revanche, si l'éviction d'un candidat fait suite au déroulement d'une procédure de mise en concurrence, il y a tout lieu de penser que le juge administratif sera plus exigeant et ne regardera comme candidats évincés que ceux qui auront effectivement présentés leur candidature et a fortiori ceux qui auront présenté une offre (28).
2° La condition relative à la nature du contrat attaqué
11- L'arrêt "Société Tropic travaux signalisation" précise que "tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses". Une lecture rapide de cette formule pourrait laisser croire que le recours direct nouvellement ouvert concerne l'ensemble des contrats administratifs. En réalité, tel n'est pas le cas, car la mention des contrats administratifs ne peut pas être déconnectée de la référence aux concurrents évincés. En effet, pour être un concurrent évincé de la procédure de passation d'un contrat administratif, encore faut-il que ce dernier soit soumis à une obligation de mise en concurrence. Et en tout logique, il faut donc considérer que les seuls contrats administratifs concernés par le nouveau recours sont ceux qui, tels les marchés publics, délégations de services publics ou contrats de partenariat, sont soumis à une procédure de publicité et de mise en concurrence. Sans doute faut-il ajouter les contrats soumis volontairement à une telle procédure par l'administration. En revanche, ne sont pas visés la plupart des conventions domaniales (29) et des contrats de recrutement d'agents publics. Les implications d'une telle restriction sont nombreuses. Elle conduit, comme l'a souligné le Professeur Stéphane Braconnier, à introduire une forme de discrimination entre les requérants surprotégés bénéficiant à la fois des vertus du référé précontractuel et du nouveau recours, et les autres tiers condamnés à utiliser les voies de recours classiques pour faire valoir leurs droits (juge de l'excès de pouvoir, juge de l'exécution et juge du contrat). Il nous semble, ensuite, qu'elle est révélatrice de l'émergence dans notre ordre juridique d'un véritable droit des contrats administratifs spéciaux, c'est-à-dire d'un corps de règles ne concernant que les contrats réglementés par les textes (on pense ici aux principes applicables en matière de cession de contrats, d'avenants, etc.).
3° La condition relative au délai dans lequel le recours doit être exercé
12- Le nouveau recours ouvert au profit des candidats évincés doit être exercé devant le juge du contrat "dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi". L'institution d'un délai de recours de deux mois se comprend aisément. Il est de nature à assurer la sécurité juridique des contrats et, donc, de rassurer leurs signataires. Encore faut-il pour cela que le délai de deux mois, également applicable aux contrats portant sur des travaux publics, soit déclenché par les mesures de publicité idoines. L'intérêt de l'administration (et de son contractant) est évidemment de procéder à une publicité rapide de la conclusion du contrat, afin de purger rapidement le délai de recours. Mais en droit, rien ne lui interdit de différer de quelques jours, voire de plusieurs semaines la date de publicité appropriée par rapport à la date de conclusion du contrat. Immédiatement se pose la question de savoir ce que peuvent être ces "mesures de publicité appropriées" évoquées par la décision du 16 juillet 2007. Si le juge administratif ne leur impose pas de procéder à une publication de leurs contrats et semble vouloir leur laisser une marge de manoeuvre importante (30), il précise que cette exigence pourra "notamment" être satisfaite "au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi". Comme le notent Claire Landais et Frédéric Lénica (31), "il faut souhaiter que les juges chargés d'apprécier la validité des conditions de déclenchement du délai usent d'un grand pragmatisme. La mesure de publicité exigée par la décision commentée intervient en effet pour conclure le cycle de formation du contrat. Son objet étant très différent de la mesure de publicité qui ouvre la procédure, sa portée doit, selon nous, revêtir une bien moindre intensité".
4° L'articulation entre ce recours direct et les recours existants
13- L'arrêt du 16 juillet 2007 pose clairement en principe que, "à partir de la conclusion du contrat [...] le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables". L'ouverture de cette nouvelle voie de recours au profit des concurrents évincés a pour conséquence directe de leur fermer l'accès au juge de l'excès de pouvoir sur le fondement de la théorie des actes détachables, et tout cela au nom de l'exception de recours parallèle. Est-ce à dire pour autant que le contentieux des contrats administratifs se trouve simplifié ? Sans doute pas, car la théorie des actes détachables conserve toute son actualité pour les tiers ne possédant pas la qualité de candidats évincés.
B. Les pouvoirs du juge
14- Dans un long considérant, le Conseil d'Etat énumère les pouvoirs considérables du juge de plein contentieux chargé de se prononcer sur le recours direct exercé contre le contrat administratif par les concurrents évincés : "il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat".
15- Les pouvoirs du juge du contrat sont ainsi très étendus : pouvoir de résiliation, de modification, d'annulation totale ou partielle du contrat avec éventuellement une modulation dans le temps de ses effets, pouvoir d'indemnisation et pouvoir d'injonction. Il dispose aussi du pouvoir "de ne rien faire si l'intérêt général s'y oppose" (32). On retrouve ici la réaffirmation du principe consacré par l'arrêt "Institut de recherche pour le développement", précité, au sujet des conséquences de l'annulation des actes détachables sur le contrat. Nul doute que si le juge du contrat est doté de pouvoirs aussi étendus, c'est avant tout pour lui permettre de peser au trébuchet toutes les conséquences du vice de légalité identifié et d'imposer la mesure adéquate permettant de préserver les exigences élémentaires de la légalité tout en préservant la sécurité juridique des contractants. Il reste maintenant à savoir comment le juge du contrat fera usage de ses pouvoirs.
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Le 07 Octobre 2010
Les faits ayant donné lieu à l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 12 juillet 2007 sont d'une totale banalité pour un contrat d'assurance de groupe. En 1988, une banque accorde aux époux P. un prêt. Bien évidemment, elle exige en garantie de ce dernier qu'ils adhèrent au contrat d'assurance de groupe qu'elle a souscrit auprès de l'assureur GAN. Malheureusement -mais sinon, il n'y aurait pas de litige-, en 1996, Monsieur P., en arrêt de travail, sollicite, par l'intermédiaire de sa banque, la prise en charge de son incapacité temporaire totale de travail par l'assureur. Or, c'est aussi par ce biais que ce dernier fait savoir à l'assuré qu'il lui refuse sa garantie. Le souscripteur informe l'assuré au moyen d'un courrier daté du 10 juillet 1996. Le 15 novembre 2000, Monsieur P. l'assigne, ainsi que la banque, en paiement de dommages-intérêts. Mais la cour d'appel déclare son action prescrite.
Pour contester cette décision, l'assuré s'appuie sur la jurisprudence récente de la Cour de cassation en matière d'assurance de groupe, selon laquelle, la prescription pour ces contrats ne commence à courir qu'à compter du premier des deux événements suivants : soit le refus de garantie de l'assureur, soit la demande en paiement de l'établissement de crédit, bénéficiaire du contrat d'assurance de groupe (1). Plus précisément, le pourvoi essaye de démontrer que le refus de garantie par l'assureur n'a pas eu lieu, puisque le seul courrier qu'il ait reçu émanait du souscripteur du contrat d'assurance de groupe ; par conséquent, il en déduit que la lettre du 10 juillet 1996 ne constituait pas une information valable ayant pu faire courir le délai de prescription. La Cour de cassation rétorque qu'aucune disposition légale n'impose que ce soit l'assureur lui-même qui écrive à l'assuré, ce qui est exact à strictement parler. Aucune règle n'énonce dans une assurance de groupe souscrite par un établissement bancaire qui, de l'assureur ou de ce type de souscripteur, est tenu de l'accomplissement de cette formalité dont l'importance s'est accrue en raison de l'évolution de la jurisprudence en matière de point de départ du délai de prescription.
Il faut bien avouer que les dispositions légales relatives au rôle exact, vis-à-vis de l'assureur, du souscripteur d'une assurance de groupe lorsqu'il s'agit d'un établissement de crédit, sont inexistantes. Dans les autres hypothèses d'assurance de groupe, l'article L. 141-6, alinéa 1, du Code des assurances (N° Lexbase : L9847HEG), prévoit que le souscripteur est considéré comme le mandataire de l'assureur pour de nombreux aspects de la vie du contrat d'assurance. Ce type de difficulté n'est donc pas délicat à trancher. Mais dans le cas des établissements de crédit, chacun le sait, l'alinéa 2 de l'article L. 141-6 du Code des assurances leur dénie cette qualité, sans autre précision. Et le législateur n'a pas comblé ce vide juridique. L'assuré voulait donc, judicieusement, utiliser cette lacune.
La réponse de la Cour de cassation ne convainc cependant pas tout à fait, d'autant qu'en pratique, le souscripteur joue souvent un rôle actif vis-à-vis de son client. Son attitude est même susceptible de créer une "apparence trompeuse" ou une "apparence susceptible d'induire en erreur l'assuré ou l'adhérent" pour reprendre des formules chères à la Cour de cassation lorsqu'elle sanctionne le défaut d'information de ces mêmes organismes (Cass. civ. 2, 5 juillet 2006, n° 05-12.603, FS-P+B N° Lexbase : A3749DQW, Bull. civ. II, n° 184, p. 176 ; Cass. civ. 2, 13 janvier 2005, n° 03-17.199, FS-P+B N° Lexbase : A0232DGP, Bull. civ. II, n° 4, p. 3). De plus, l'ambiguïté qui existe déjà autour du souscripteur d'une telle assurance de groupe n'est plus à démontrer, loin s'en faut, puisqu'il est tout à la fois souscripteur du contrat d'assurance de groupe mais aussi et surtout bénéficiaire final de la garantie proposée par l'assureur (V. Nicolas, L'assurance perte d'emploi ou la nébuleuse pour l'assuré consommateur, Cont., Conc., Cons., 1995, n° 8, p. 1). Une clarification générale de la part du législateur serait donc la bienvenue. A tout le moins des précisions sur les fonctions exactes dévolues à ce souscripteur original ne seraient pas inutiles.
Par ailleurs, le pourvoi avait également développé un second moyen consistant, une fois encore et toujours, à mettre en cause l'obligation d'information du souscripteur, c'est-à-dire la banque BNP. Or cet argument appelle une certaine désapprobation. Le pourvoi rappelait cette jurisprudence acquise depuis des années selon laquelle, en assurance de groupe, l'obligation d'information du souscripteur ne s'achève pas avec la remise de la notice (2). Il reprochait donc à ce dernier de ne pas l'avoir alerté sur le délai, bref en assurance, de la prescription biennale, comme d'ailleurs de ne pas lui avoir suggéré de souscrire une autre assurance en raison de la procédure collective dont il était l'objet alors qu'il avait pourtant bien songé à déclarer sa créance comme celle de l'assureur. Là encore, la Cour de cassation ne fait pas droit à ses prétentions. Elle estime que la notice d'information remise mentionnait expressément les conditions de mise en oeuvre de la garantie, qu'elle avait été transmise avec diligence et que le pourvoi ne reprochait pas à l'assureur d'avoir eu une interprétation inexacte des termes de la police.
Ainsi que nous l'avions annoncé il y a quelques mois (3), on obtient à la fois la confirmation de solutions antérieures et celle de l'atténuation de la sévérité de la Cour de cassation dans les sanctions mises en oeuvre pour absence ou non-respect de l'obligation d'information de l'assureur ou du souscripteur d'une assurance de groupe. Il est permis d'approuver une telle analyse tant il apparaît, depuis quelque temps, fréquent que les adhérents à un contrat d'assurance de groupe tentent de trouver dans cette obligation d'information le remède à leur désappointement provenant pourtant de leur propre inertie ou d'une certaine duplicité. L'argument du non-respect de l'obligation d'information par le souscripteur est devenu le moyen quasi systématiquement utilisé quelle qu'est pu être l'attitude du souscripteur du contrat d'assurance de groupe ou bien de l'assureur. S'il y a peu de temps encore, la Cour de cassation faisait preuve de rigueur dans son appréciation de certaines situations (4), consciente de la multiplication de ces plaideurs à la limite de l'honnêteté intellectuelle, elle semble faire preuve de circonspection, peut-être particulièrement depuis ces tous derniers mois.
Car deux conceptions sont possibles : ou bien, on considère qu'il incombe à ces professionnels de l'assurance -qu'ils soient assureur ou souscripteur- d'exposer à leur client tout le droit du contrat d'assurance, celui du Code civil et du Code de procédure civile, ou bien, l'obligation d'information connaît des limites. C'est cette seconde voie que la Cour de cassation a choisie. La première option serait d'ailleurs irréaliste. S'il faut approuver la jurisprudence -qui l'a encore rappelé en Assemblée plénière le 2 mars dernier (5)- sanctionnant les comportements légers de ces souscripteurs peut-être insuffisamment formés, en dépit des efforts nombreux déployés au cours de ces dernières années, il ne faut pas verser dans l'excès inverse. Un assureur ou même son mandataire ne peut pas être un avocat, un conseil juridique ou un professeur de droit agrégé des universités.
Il demeure que la difficulté pour les magistrats est alors de déterminer les informations concrètes qui doivent être l'objet d'une attention particulière et donc d'une information précise. La jurisprudence s'attache, en fait, aux dispositions contractuelles elles-mêmes. Dans ce cas, l'obligation d'information se mue en obligation de conseil. Toutefois, la Cour de cassation réserve un sort un peu particulier pour le délai de prescription, peut-être parce que le législateur n'a pas exigé par exemple que celui-ci soit, comme les clauses d'exclusion ou de nullité, rédigé en caractères très apparents. Le délai de prescription assez bref, il est vrai, qui a été voulu tel par le législateur, avait pour objectif d'éviter certains contentieux. On peut le déplorer et juger qu'une prescription triennale ou même quinquennale serait de bon aloi. Mais il ne revient pas à la Cour de cassation d'opérer cette modification majeure.
Véronique Nicolas
Professeur de droit privé
Membre de l'IRDP de la Faculté de droit de Nantes
S'il est une discussion classique du droit des assurances, c'est celle qui porte sur la définition du risque couvert par distinction entre conditions de garantie et exclusions de garantie. Chacun sait que le Code des assurances a porté une attention toute particulière sur les exclusions, exigeant qu'elles soient rédigées "en caractères très apparents" (C. ass., art. L. 112-4 N° Lexbase : L0055AAB) et qu'elles soient formelles et limitées (C. ass., art. L. 113-1 N° Lexbase : L0060AAH), afin que l'assuré prenne pleinement conscience des limites de son contrat. Ces exigences de forme ne sont pas applicables aux conditions de garantie (6), à l'endroit desquelles les juges doivent se limiter, ce qui n'est pas mince, à une vérification de la clarté des définitions des risques couverts et des conditions dont la réalisation est exigée pour que la situation survenue entre bien dans la définition du sinistre couvert. Au chapitre de la preuve, les deux figures se séparent encore puisque, "s'il s'agit d'une clause d'exclusion, la preuve incombe à l'assureur, [tandis que] s'il s'agit d'une condition de garantie, la preuve incombe à l'assuré" (7).
On voudrait, ici, que les choses soient simples, mais la casuistique est reine et la diversité de rédaction des clauses conduit souvent à des solutions diverses. En outre, derrière l'apparente simplicité d'une dichotomie (condition/exclusion), se nichent des subtilités, telle celle liée à l'existence d'exclusions indirectes, lesquelles procèdent d'une déduction par a contrario des conditions de garantie (8). Une telle lecture postule, c'est une évidence, une suffisante clarté des termes employés. Or, sur ce terrain, on sait que les clauses d'exclusion ambiguës ont été marquées par une évolution jurisprudentielle dont il résulte que si, avant 2001, la Cour de cassation exigeait des juges du fond qu'ils se livrassent à une interprétation des termes équivoques employés dans ces clauses, elle a, par un arrêt du 22 mai 2001 (9), changé de cap en retenant qu'une "clause d'exclusion ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée", solution plus sévère dans l'admission de la validité de ces clauses et qui dénie aux juges du fond tout pouvoir d'appréciation. En est-il de même sur le terrain des conditions de garantie ?
A suivre un auteur, c'est une réponse négative qui s'imposerait, car "si les juges du fond ont perdu leur pouvoir d'interprétation des clauses d'exclusion claires et précises [...], [ils] conservent leur pouvoir d'interprétation des autres clauses ambiguës stipulées dans les polices par l'assureur" (10). Toutefois, un arrêt de la Cour de cassation rendu justement à propos de l'interprétation des termes ambigus employés pour définir les conditions d'une garantie, a été remarqué pour avoir employé l'article L. 133-2, alinéa 2, du Code de la consommation (N° Lexbase : L6646ABR), plutôt que le "classique" article 1162 du Code civil (N° Lexbase : L1264ABG), pour imposer la solution énergique et radicale selon laquelle "les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel". Or, on partagera volontiers l'analyse (11) selon laquelle cet article, en forme de sanction à l'encontre du professionnel (ici assureur), constitue une véritable directive pour le juge, qui n'a, dès lors, plus guère de marge d'appréciation, et dont le rôle se borne à identifier une ambiguïté. Il ne faut toutefois tirer cette conclusion d'une sanction de l'ambiguïté imposée par la loi qu'au bénéfice des assurés répondant à la qualification de "consommateur ou de non-professionnel", ce qui, raisonnablement, évince les assurances de risques professionnels (12).
C'est justement au chapitre de cette identification d'une éventuelle ambiguïté de la définition des conditions de garantie que l'arrêt rapporté du 14 juin 2007 apporte une contribution intéressante. En l'espèce, dans le cadre d'une assurance automobile, l'assuré a souscrit un contrat le couvrant contre le vol du véhicule dans les termes suivants : "Soustraction frauduleuse du véhicule : commise par effraction du véhicule et des organes de direction". Les conditions semblent d'une grande clarté ; la couverture semble conditionnée à la réunion de deux éléments constitutifs : une effraction du véhicule et une effraction des organes de direction de ce véhicule. Voilà qui procède donc à une exclusion indirecte du vol avec effraction du véhicule mais sans effraction de ses organes de direction ou vice-versa. Or, en l'espèce, l'assuré s'est fait voler "son véhicule [...] alors qu'il était stationné devant son domicile [et celui-ci a été retrouvé trois jours plus tard] la serrure de la porte avant gauche fracturée, divers équipements intérieurs et électriques ayant été volés". On passera sur le fait "qu'ont été encore volés le capot ainsi que l'aile avant droite alors que le véhicule était dans les locaux du garage où il avait été transporté", circonstances qui prouvent qu'un adage "vol sur vol vaut" reste à inventer mais plus à démontrer et qui devraient, au besoin, fournir à l'assuré se voyant opposer un refus de garantie, de quoi former une action distincte contre le garagiste dépositaire...
On insistera davantage sur le fait que les juges du fond s'étaient appuyés sur les expertises révélant l'effraction de la porte avant gauche et le vol de différents équipements à l'intérieur du véhicule, en s'abstenant, toutefois, de relever "que les experts avaient constaté l'absence de trace d'effraction" sur les organes de direction, omission relevée par la Cour de cassation. Le cumul de conditions constituait une exigence que les juges du fond avaient cherché à contourner. Pour échapper aux rigueurs du droit des assurances et condamner l'assureur à couvrir le sinistre, les juges de la cour d'appel de Paris avaient choisi de s'appuyer sur le droit de la preuve et, implicitement, sur le droit pénal.
C'est, en effet, sur le fondement du principe selon lequel "la preuve du sinistre est libre" que les juges du fond ont déployé un raisonnement qui tient l'exigence d'indices "prédéterminés et cumulatifs" pour inopérante. Seul importe, dans leur logique, que soit matériellement établie la réalité du vol. Constatant, au vu des expertises, l'effraction de la porte avant gauche du véhicule, le vol de différents équipements à l'intérieur de l'automobile, et le fait qu'il ait été retrouvé loin du domicile de l'assuré, ils en concluent "que ces circonstances établissent le vol du véhicule et que l'assureur ne peut se prévaloir d'une clause contractuelle exigeant en outre, des indices prédéterminés et cumulatifs, à savoir l'effraction des organes de direction du véhicule". Outre le principe de liberté de la preuve du sinistre, n'est-ce pas, implicitement, suggérer que la définition contractuelle du vol ne saurait être plus rigoureuse que la définition pénaliste, que le droit des assurances serait subordonné au droit pénal pour ce qui a trait à la définition du vol ? Que penser d'un tel raisonnement ?
Les appuis peuvent sembler solides puisque les juges parisiens semblent s'être placés dans le "sillage" d'un grand arrêt du droit des assurances en date du 10 mars 2004 (13), rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation au double visa des articles 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG) et, surtout, 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR), aux termes duquel "la preuve du sinistre, qui est libre, ne peut être limitée par le contrat". La proximité avec notre espèce est patente puisqu'il s'agissait déjà de prouver les conditions du vol en matière automobile. Or, dans cette espèce, la convention litigieuse "prévoyait que l'assuré établisse, outre des détériorations liées à une pénétration dans l'habitacle par effraction, le forcement de la direction ou de son antivol et la modification des branchements électriques ayant permis le démarrage du véhicule" et les juges du fond avaient jugé "que si les circonstances du vol envisagées par la police sont du domaine du fait juridique dont par principe la preuve est libre, la garantie n'est due, en cas de recours à des techniques plus affinées d'appréhension frauduleuse, que lorsque ces modes opératoires causent des détériorations matérielles figurant au nombre des indices exigés par la police". Ce raisonnement avait été censuré car les juges du fond, respectueux du contrat et de la jurisprudence jusqu'alors défendue par la première chambre civile de la Cour de cassation (14), s'étaient vus reprocher d'avoir méconnu le principe de liberté de la preuve auquel le contrat ne saurait porter atteinte. La nécessité, pour l'assuré, de rapporter la preuve d'un vol au sens de la police par démonstration de trois éléments précis cumulatifs (pénétration par effraction ; forcement de la direction ou d'un antivol ; modification des branchements électriques) était donc jugée attentatoire au principe de liberté de la preuve.
Mais l'exacte portée de cet arrêt du 10 mars 2004 restait à déterminer. Dans une première lecture, plus générale, il semblait traduire l'idée selon laquelle l'insertion de conditions de garantie dont la preuve serait, pour l'assuré, quasi-impossible (ou trop difficile) à rapporter, priverait de cause son engagement, de sorte que cette clause devrait être réputée non écrite (15). Dans une deuxième lecture, plus technique, on a souligné que "l'arrêt suggér[ait], en quelque sorte, de bien distinguer les mesures factuelles de précaution que le contrat met à la charge de l'assuré, et dont celui-ci devra encore demain prouver la réalité [par ex., la pose préalable d'un dispositif antivol, d'une alarme] et la réalisation du sinistre proprement dite, que l'assuré subit entièrement et dont la preuve ne peut donc être pour lui restreinte. C'est dire que l'assuré ne saurait ici devoir établir l'effraction proprement dite" (16). Cet arrêt du 10 mars 2004 avait été perçu comme une véritable remise en cause, sous couvert de principes probatoires, de l'existence même de conditions de garantie (17). Mais cette lecture était peut-être trop optimiste et il était permis de penser que l'assuré aurait toujours la charge d'établir que les conditions du contrat sont bien réunies (donc l'effraction ou plutôt la double effraction) mais que les moyens pour établir la réalisation du sinistre ne pourraient faire l'objet d'indices fixés par le contrat. Mais restait à trancher un conflit de qualifications : l'effraction est-elle un indice du vol ou une véritable condition de garantie du vol ? Bref, il restait à prendre la véritable mesure de l'articulation entre droit de la preuve et conditions de garantie, spécialement lorsque celles-ci sont draconiennes et difficiles à établir, et à surveiller si la deuxième chambre civile aurait l'audace d'user de l'article 1131 du Code civil (N° Lexbase : L1231AB9) pour sanctionner des clauses qui lui sembleraient telles qu'elles aboutissent à "vider" la garantie de sa substance. En effet, de deux choses l'une : soit les conditions exigeant un vol "qualifié" (par effraction ou double effraction) sont ravalées au rang d'éléments probatoires et "balayées" par un principe de liberté de la preuve, soit cette exigence de "qualification" demeure bien une condition de garantie, car l'assureur est encore maître de son choix : couvrir un vol "simple", quelles que soient les circonstances, ou un vol "qualifié", sorte de "vol complexe" dont il détermine les critères, et cette liberté de couverture doit être préservée.
Ce manque de clarté de l'arrêt du 10 mars 2004 nécessitait que la deuxième chambre civile précise sa pensée. L'arrêt du 14 juin 2007 nous semble apporter une contribution décisive et fournir des premiers éléments de réponse à ces interrogations.
La cour d'appel de Paris avait pris le parti d'une lecture extensive de l'arrêt du 10 mars 2004 en qualifiant les conditions de garantie "d'indices prédéterminés et cumulatifs" attentatoires au principe de liberté de la preuve du sinistre. La censure prononcée par les Hauts magistrats de la deuxième chambre civile au visa de l'article 1134 du Code civil, pour dénaturation du contrat par les juges du fond, conforte, au contraire, cette qualification de condition de garantie. Voilà qui consolide les polices exigeant la réunion de conditions cumulatives (effraction du véhicule et des organes de direction) pour constituer un vol garanti. C'est suggérer un équilibre entre droit du contrat et droit de la preuve : les conditions insérées doivent être respectées car elles ne sont pas de simples indices (du sinistre) mais de véritables critères (de l'objet garanti). Si la preuve est libre, c'est pour mieux permettre à l'assuré de prouver que les faits litigieux correspondent à la qualification de vol au sens de son contrat d'assurance, en répondant aux éléments de qualification consignés dans sa police au rang de condition. C'est sérieusement minorer la portée d'un principe de liberté de la preuve et conforter, au passage, l'autonomie du droit des assurances à l'égard du droit pénal. Quant à l'éventualité d'une nullité d'une clause définissant des conditions de garantie de façon si restrictive qu'elle priverait de cause l'engagement de l'assuré, elle restera au stade d'hypothèse doctrinale. Cet arrêt du 14 juin 2007 sera donc perçu, selon la lecture qu'on avait privilégiée de l'arrêt du 10 mars 2004, tantôt comme un véritable revirement de jurisprudence (lecture qui a notre préférence), tantôt comme un arrêt de précision.
On conviendra que, sur un plan pratique, les choses confinent à la subtilité, surtout pour l'assuré profane, car celui dont le véhicule a, comme en l'espèce, été volé mais qui n'a pu établir d'effraction aux organes de direction du véhicule, n'est pas garanti et lui qui s'attend à être couvert contre le vol "au sens du droit pénal" et non "au sens [circonstancié] de son contrat d'assurance", ressentira ce refus de garantie au mieux comme une suspicion (le défaut de preuve d'une effraction des organes de direction pourrait laisser présumer qu'il a laissé ses clefs sur le contact ou à portée du véhicule, sans surveillance) ou comme une volonté de faire peser sur lui le risque d'un vol sans effraction (l'annotateur avoue ici ses limites : les voleurs n'ont-ils pas le génie de détourner les objets sans effraction ?), au pire comme une manoeuvre déloyale de l'assureur consistant à percevoir une prime pour couvrir un risque bien étroit sur lequel on n'a pas attiré son attention puisqu'il est ici question de condition et non d'exclusion de garantie... N'y-a-t-il pas, cependant, quelque moyen, pour lui, d'obtenir réparation ? Les ressources de l'obligation de conseil ou d'information pourraient, en dernier recours, être utilisées pour obtenir des dommages-intérêts faute d'indemnité d'assurance. Encore faut-il avoir égard au montant de prime payé par l'assuré, car il est nécessairement proportionné au risque couvert et celui qui s'acquitte d'une faible prime ne peut s'attendre à une couverture à toute épreuve ! Inversement, celui qui s'acquitte d'une prime substantielle peut, en qualité de créancier, nourrir l'espérance légitime d'une bonne couverture. Et l'on sait la bonne fortune actuelle de l'espérance légitime en la réalisation de son droit créance, tant pour la Cour européenne des droits de l'Homme que pour la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat (18) ...
Sébastien Beaugendre,
Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes,
Membre de l'IRDP (institut de recherche en droit privé)
(1) Cass. civ. 2, 13 juillet 2006, n° 05-15.603, M. Jacques Drugeon, F-P+B (N° Lexbase : A4575DQI), Bull. civ. II, n° 203, p. 194 ; Cass. civ. 2, 7 avril 2005, n° 04-12.309, M. Michel Jammeron c/ Société Vie plus, F-P+B (N° Lexbase : A7612DHE), Bull. civ. II, n° 87, p. 79 ; Cass. civ. 1, 27 mars 2001, n° 98-20.595, M. Sylvestre Barros c/ Caisse d'épargne Ecureuil de La Rochelle, FS-P+B (N° Lexbase : A1110ATB), Bull. civ. I, n° 83, p. 52 ; RGDA 2001, p. 354, note J. Kullmann ; JCP éd. G, 2002, I, n° 116, obs. J. Kullmann ; H. Groutel, L'emprunteur et le point de départ de la prescription biennale : est-ce la fin de la fin ?, RCA 2001, chron. n° 23 ; Traité de droit des assurances, sous la direction de J. Bigot, Les assurances de personnes, Tome IV, n° 1122 et s., p. 896 et s. par L. Mayaux.
(2) Cass. civ. 2, 5 juillet 2006, n° 05-12.603, FS-P+B (N° Lexbase : A3749DQW), Bull. civ. II, n° 184, p. 176 ; Cass. civ. 2, 15 décembre 2005, n° 04-13.896, M. Alain Prechal c/ Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), FS-P+B (N° Lexbase : A9983DLC), Bull. civ. II, n° 325, p. 286 ; Cass. civ. 2, 13 janvier 2005, n° 03-17.199, FS-P+B (N° Lexbase : A0232DGP), Bull. civ. II, n° 4, p. 3 ; Cass. civ. 2, 3 juin 2003, n° 03-13.896, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) normand c/ Mme Yvette N. (N° Lexbase : A4405DUP), Bull. civ. II, n° 261, p. 221 ; Cass. civ. 1, 18 décembre 1985, n° 84-13.014, Epoux Coppe c/ Société France Bail (N° Lexbase : A6107AAG), Bull. civ. I, n° 357, p. 322 ; la remise de la notice d'information ne suffit pas ; le souscripteur doit aussi conseiller le futur assuré ; le devoir d'information et de conseil ne se limite pas à la phase d'adhésion du contrat.
(3) Voir : V. Nicolas, Nouveaux refus de sanctionner la prétendue absence d'obligation d'information de l'assureur envers l'assuré (Cass. civ. 2, 25 janvier 2007, n° 05-19.700, FS-P+B N° Lexbase : A6827DTZ), in Chronique en droit des assurances, Lexbase Hebdo n° 251 du 8 mars 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N2992BA3).
(4) Cass. civ. 2, 5 juillet 2006, n° 05-12.603, FS-P+B (N° Lexbase : A3749DQW), Bull. civ. II, n° 184, p. 176 ; voir également : Cass. civ. 2, 15 décembre 2005, précité ; Cass. civ. 2, 13 janvier 2005, précité ; Cass. civ. 2, 3 juin 2004, précité ; Cass. civ. 1, 19 décembre 2000, n° 98-15.101, Epoux X c/ Banque nationale de Paris (BNP) (N° Lexbase : A2100AIM), Bull. civ. I, n° 325, p. 211 ; Cass. civ. 1, 2 février 1994, n° 91-12.251, Banque populaire du Nord c/ Consorts Baudet et autre (N° Lexbase : A5722AHE), Bull. civ. I, n° 39, p. 31.
(5) Ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, M. Henri Dailler c/ Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, P+B+R+I (N° Lexbase : A4358DUX), et nos obs., Chronique en droit des assurances, Lexbase Hebdo n° 255 du 5 avril 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N6221BAN); RGDA 2007, n° 2, p. 398, note J. Kullmann.
(6) Cf., jugeant inapplicable l'article L. 113-1 du Code des assurances aux clauses qui stipulent une condition de la garantie : Cass. civ. 1, 23 février 1999, n° 96-21.744, Société Sud marine bateau et autre c/ Banque La Hénin marine et autre (N° Lexbase : A7539AXI), Bull. civ. I, n° 59 ; Cass. civ. 1, 12 mai 1993, n° 91-14.125, M. Fernand Béraud c/ Compagnie d'assurances la Samda, inédit (N° Lexbase : A9516CRU), Resp. civ. et ass., 1993, comm. 277, RGAT 1993, p. 760, note Maurice ; Cass. civ. 1, 9 mai 1996, n° 94-13.295, M. René Roustant c/ Fédération nationale de la mutualité française, (FNMF), inédit (N° Lexbase : A2836CQ4), Resp. civ. et ass., 1996, comm. 266, obs. H. Groutel ; Cass. civ. 1, 11 juin 2003, n° 00-13.361, Compagnie AGF c/ M. Bernard Cadran, F-D (N° Lexbase : A7095C8B), Resp. civ. et ass., 2003, comm. 247 ; cf., jugeant inapplicable l'article L. 112-4 du Code des assurances aux clauses qui stipulent une condition de la garantie : Cass. civ. 2, 27 novembre 1990, n° 88-12.964, M. A. c/ Compagnie d'assurances UAP, inédit (N° Lexbase : A3283C4D), Resp. civ. et ass., 1991, comm. 70 ; Cass. civ. 1, 23 septembre 2003, n° 02-11.570, Compagnie Les Assurances du Sud c/ Mme Ghislaine Delacroix, F-D (N° Lexbase : A6323C93), Resp. civ. et ass. 2003, comm. 333.
(7) J. Bonnard, Droit des assurances, Litec, 2ème éd., 2007, spéc. § 257, et la jurisprudence citée.
(8) Là-dessus, cf. Lamy Assurances 2007, spéc. n° 218, et les exemples jurisprudentiels cités à l'appui d'une qualification d'exclusion indirecte [entre autres. : une garantie limitée aux travaux réalisés par l'assuré constitue une exclusion indirecte des travaux sous-traités (Cass. civ. 1, 25 janvier 1989, n° 86-19.074, Epoux Courtois c/ Société L'Abeille et autres, inédit N° Lexbase : A8554CZT, RGAT 1989, p. 381, note J. Bigot ; Cass. civ. 1, 19 mai 1992, n° 90-18.199, Société HLM Carpi c/ Société anonyme Coignet et autres, inédit N° Lexbase : A9476CWU, RGAT 1992, p. 572, note H. Périnet-Marquet) ; la garantie du vol dans le local quand celui-ci est sous surveillance procède à une exclusion indirecte du vol quand il n'y a pas surveillance (Cass. civ. 1, 15 avril 1982, n° 81-11.846, Union des Assurances Paris UAP c/ Dame Zeller et autre, publié N° Lexbase : A5539CHM, RGAT 1982, p. 483)] et des arrêts ayant refusé cette qualification [ex. s'agissant d'une clause subordonnant la garantie au fait que les travaux doivent être exécutés par l'assuré lui-même et à la qualification professionnelle appropriée (Cass. civ. 1, 12 février 1991, n° 87-18.585, Société anonyme d'Habitation à Loyer Modéré 'La Sablière' c/ Mutuelle Générale Française Accidents et autres, inédit N° Lexbase : A8124CRC, RGAT 1991, p. 386, note J. Bigot) ; s'agissant d'une clause indiquant que la garantie est acquise pour l'invalidité ininterrompue subsistant à l'expiration d'une période minimale de douze mois, qualifiée de condition de garantie (Cass. civ. 1, 12 janvier 1999, n° 96-14.022, Mme Françoise Picot, née Girois c/ Mutuelles du Mans, Mutuelle Générale Française Vie, inédit N° Lexbase : A7825CRA, RGDA 1999, p. 309, note critique L. Mayaux, qui estime qu'il s'agissait d'une exclusion indirecte)].
(9) Cass. civ. 1, 22 mai 2001, n° 99-10.849, M. X c/ Société Assurances du crédit mutuel (N° Lexbase : A5004ATI), D. 2002, somm. p. 2116, obs. Bonnard.
(10) J. Bonnard, op. cit., n° 88.
(11) Déjà défendue par G. Durry, Le glas des ambiguïtés du contrat d'assurance, Risques 2003, n° 55, p. 131 et par G. Courtieu, Resp. civ. et ass., 2003, chron. 13.
(12) En ce sens, J. Bigot in Traité de droit des assurances, Tome 3, LGDJ, 2002, n° 540.
(13) Cass. civ. 2, 10 mars 2004, n° 03-10.154, M. Emmanuel Peterle c/ Compagnie Axa assurances, F-P+B (N° Lexbase : A4966DBK), Bull. civ. II, n° 101, p. 86 ; RTD civ 2005, p. 133, obs. J. Mestre et B. Fages ; RGDA 2004, p. 562 et 644, obs. J. Kullmann ; Resp. civ. et ass., 2004, étude n° 20, obs. D. Noguero.
(14) Cass. civ. 1, 13 mai 2003, n° 00-15.195, Caisse industrielle d'assurances mutuelle (CIAM) c/ Societe Suisse assurances France, F-P (N° Lexbase : A0106B73), Bull civ I, n° 111.
(15) J. Mestre et B. Fages ne s'y trompaient pas en titrant leurs observations Un Chronopost probatoire ?
(16) J. Mestre et B. Fages, op. et loc. cit..
(17) D. Noguero, art. préc..
(18) Cf., notamment, à propos des "tableaux d'amortissement" et de l'intervention du législateur par une loi rétroactive (CEDH, 2ème section, 14 février 2006, req. n° 67847/01, Lecarpentier et a. c/ France N° Lexbase : A8583DMT) ou, à propos de la "survivance" de la jurisprudence "Perruche" et ses suites malgré l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303 N° Lexbase : L1457AXA), par maintien du régime jurisprudentiel antérieur pour toutes les actions en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi (cf. CEDH, gr. ch., 6 octobre 2005, n° 1513/03, Draon c/ France N° Lexbase : A6795DKU et CEDH, gr. ch., 6 octobre 2005, n° 11810/03, Maurice c/ France N° Lexbase : A6794DKT, JCP éd. G, 2006, II, 10061, note Alexandre Zollinger et la série d'arrêts rendus par nos deux Hautes juridictions : Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, trois arrêts, n° 02-13.775 N° Lexbase : A5688DMM, n° 01-16.684 N° Lexbase : A5686DMK et n° 02-12.260 N° Lexbase : A5687DML ; CE, contentieux, 24 février 2006, n° 250704, Levenez {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 2381264, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "CE 4/5 SSR, 24-02-2006, n\u00b0 250704", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A3958DNW"}}, JCP éd. G, 2006, II, 10062, note Adeline Gouttenoire et Stéphanie Porchy-Simon).
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Réf. : CA Paris, 15ème ch., sect. B, 1er juin 2007, n° 05/22456, M. Faïçal Ben Salah Lassila c/ Société Caisse de Crédit Mutuel de Paris 3 et 4ème Le Marais Bastille (N° Lexbase : A0175DXR)
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par Géraud Mégret, Moniteur Allocataire à l'Université Paris I
Le 07 Octobre 2010
La cour d'appel de Paris rejette l'argumentation soutenue par le créancier. Elle rappelle, dans un premier temps, que l'article L. 341-4 du Code de la consommation est applicable en la cause dès lors que le cautionnement a été souscrit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003 sur l'initiative économique (3), laquelle introduit cette exigence légale de disproportion. Elle souligne par ailleurs, et surtout, que "cette disposition, applicable à toute personne physique, peut être soulevée par M. L., caution dirigeante". Relevant une disproportion de l'engagement "tant au moment de l'engagement qu'au moment où la caution est appelée", les juges du fond déchargent la caution sur le fondement de l'article L. 341-1 du Code de la consommation.
L'application de l'article L. 341-4 au cautionnement souscrit par une "caution dirigeante" (I) témoigne du caractère objectif de l'exigence légale de proportionnalité (II).
I - L'article L. 341-4 du Code de la consommation est applicable aux "cautions dirigeantes"
Avant l'entrée en vigueur de la loi sur l'initiative économique, le principe de proportionnalité en droit du cautionnement était, de fait, largement dominé par les solutions jurisprudentielles. Le législateur avait, certes, introduit une telle exigence, mais celle-ci était cantonnée aux cautionnements garantissant une opération de crédit à la consommation et au crédit immobilier des particuliers (4). Inspirée par ce mouvement législatif, la Cour de cassation a progressivement introduit un principe général de proportionnalité fondé sur la faute du créancier qui accepte un engagement manifestement disproportionné (5).
Le régime de la disproportion jurisprudentielle est cependant, aujourd'hui, largement dominé par la distinction entre les cautions "intégrées" et "non intégrées". Dès lors que la caution exerce des responsabilités au sein de la société garantie et qu'elle est ainsi à même de mesurer les risques le l'opération garantie, la Cour de cassation exige, pour qu'elle puisse se prévaloir d'une disproportion de son engagement sur le terrain de la responsabilité civile, qu'elle apporte la preuve que la banque détenait des informations qu'elle-même aurait ignorées (6). Une telle exigence d'ordre probatoire condamne, de facto, les cautions dites "intégrées" à ne pouvoir se prévaloir d'une disproportion de leur engagement sur le terrain de la responsabilité civile (7).
De son côté, le législateur a généralisé le principe de proportionnalité avec la loi du 1er août 2003 en prévoyant qu'"un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation" (8). Ce texte, qui a notamment vocation à favoriser la lutte contre le surendettement des particuliers, permet, lui aussi, de protéger les cautions contre un engagement manifestement disproportionné.
Contrairement aux principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation, le texte n'opère aucune distinction entre les cautions ; il vise, en effet, toute "personne physique". Depuis l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la doctrine et la pratique s'interrogent sur le champ d'application de l'article L. 341-4 du Code de la consommation. La distinction opérée par la jurisprudence en matière de disproportion fondée sur le droit commun de la responsabilité civile a-t-elle vocation à être transposée à l'exigence légale de disproportion ? Ce point de vue, défendu par l'intimé en l'espèce, est clairement rejeté par les magistrats de la cour d'appel de Paris. Les juges du fond affirment, sans grande surprise, que l'article L. 341-4 du Code de la consommation est applicable à toutes les cautions personnes physiques sans distinction de qualité, confirmant ainsi l'avis d'une doctrine avisée (9).
La solution mérite, selon nous, d'être approuvée. En droit, rien n'autorise une application plus stricte des dispositions précitées pour les cautions dirigeantes de société. La loi n'opérant aucune distinction, il paraît douteux que la jurisprudence puisse interpréter un texte au regard des principes qu'elle a elle-même forgés. A fortiori, la seule qualité de dirigeant ou, plus généralement, de caution intégrée ne saurait suffire à exclure les dispositions du Code de la consommation (10).
Le champ d'application de l'article L. 341-4 du Code de la consommation, ainsi défini par les juges du fond, témoigne du caractère objectif de l'exigence légale de proportionnalité en droit du cautionnement.
II - Le caractère objectif de l'exigence légale de proportionnalité
La logique poursuivie par le législateur doit être soigneusement distinguée de la "politique jurisprudentielle" de la Cour de cassation. La Cour de cassation sanctionne, par le biais de la responsabilité civile, une disproportion subjective (11) essentiellement fondée sur la faute et, donc, sur le comportement des cocontractants. On comprend, dès lors, que la faute du créancier soit appréciée au regard de la qualité de son cocontractant. Ainsi, la Cour de cassation pose-t-elle des conditions plus strictes lorsque la caution est réputée avertie par sa qualité de dirigeant et qu'elle a les moyens de mesurer les risques auxquels elle s'expose.
Le dirigeant qui s'engage personnellement doit, au contraire, pouvoir jouir des protections légales accordées à toute personne physique. L'exigence légale de proportionnalité s'oppose à la disproportion résultant d'une faute du cocontractant. Le législateur ne s'intéresse qu'à la disproportion objective qui résulte d'une inadéquation entre le patrimoine de la caution et le montant de son engagement. Dès lors qu'il constate que la caution n'avait pas les capacités financières de s'engager au jour son engagement et qu'elle ne peut faire face à celui-ci au jour de l'appel en garantie, elle doit être déchargée. Contrairement aux principes posés par jurisprudence, la disproportion est appréciée tant au jour de l'engagement qu'au jour de l'exécution de la garantie. En cela, la loi sanctionne un risque pris par le créancier professionnel au jour de son engagement plus qu'une faute au sens du droit commun de la responsabilité (12). C'est, en toute logique, nous semble-t-il, que les juges du fond refusent donc de prendre en compte la qualité de la caution pour apprécier la disproportion sur le terrain de l'article L. 341-4 du Code de la consommation.
La solution dégagée par les juges du fond condamne, si elle devait être confirmée par la Cour de cassation, le principe jurisprudentiel de proportionnalité à tomber en désuétude (13). A l'exception des cautions ayant souscrit leurs engagements avant l'entrée en vigueur de l'article L. 341-4 du Code de la consommation, le droit commun de la responsabilité civile comme instrument de contrôle de la proportionnalité est voué, semble-t-il, à disparaître, entraînant avec lui la distinction entre les cautions dites "intégrées" et "non intégrées". La jurisprudence de la Cour de cassation ne trouverait à s'appliquer que dans les domaines non couverts par la loi (14).
En théorie, rien ne s'oppose à sanctionner une faute du créancier (15) lors de la conclusion du contrat de cautionnement. En pratique, pourtant, l'intérêt pour une caution personne physique de se prévaloir du droit commun de la responsabilité est quasiment nul. Dès lors que l'engagement de la caution est postérieur à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, celle-ci devrait pouvoir se prévaloir -quelle que soit sa qualité- d'une disproportion objective de son engagement. Elle échappe, ainsi, aux exigences de la responsabilité civile et, particulièrement, à la démonstration d'une faute. Dès lors, on ne voit guère ce qui pourrait inciter une caution personne physique à se placer sur le terrain de la faute alors que la loi lui offre une protection nettement plus efficace.
La substitution de l'exigence légale de disproportion aux règles de la responsabilité civile est souhaitable au nom de la sécurité des transactions que met en péril l'aléa inhérent à l'activité jurisprudentielle (16). Gageons que la Cour de cassation adhèrera à la solution dégagée en l'espèce par les juges du fond, premier pas d'un abandon des constructions jurisprudentielles antérieures.
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Réf. : Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (N° Lexbase : L2417HY8)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen
Le 07 Octobre 2010
1.1. Objet : procurer un revenu aux bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent une activité
Le revenu de solidarité active a pour objectif d'assurer l'augmentation des ressources d'une personne bénéficiaire d'un minimum social qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité afin d'atteindre un revenu garanti qui tient compte des revenus d'activité professionnelle et des charges de famille (loi n° 2007-1223, art. 18). Le revenu de solidarité active est une allocation comblant le différentiel entre, d'une part, un revenu garanti, correspondant à la somme d'un minimum forfaitaire (le niveau actuel du RMI sans activité) et d'une part variable proportionnelle aux revenus d'activité (par exemple équivalente à 70 % des revenus d'activité) et, d'autre part, l'ensemble des ressources de l'individu (3).
La loi ne fixe pas le montant de ce revenu, dont on peut penser qu'il sera déterminé par décret dans les prochains mois. Selon les travaux parlementaires, si l'abattement était fixé à 70 %, pour une personne seule, la prestation pourrait s'annuler aux environs de 1,3 Smic, mais ce seuil de sortie dépendrait de la configuration familiale. Le niveau de revenu garanti dépendrait donc de la quantité d'activité, de telle sorte que chaque reprise ou augmentation d'activité rapporte un revenu supplémentaire au bénéficiaire. Il n'y aurait donc pas de montant unique envisagé pour le revenu garanti (4).
Le revenu de solidarité active peut tenir compte des prestations et aides locales ou extralégales à caractère individuel recensées par chaque département et dans la mesure du possible, de l'ensemble des droits et aides qui sont accordés aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (loi n° 2007-1223, art. 18).
1.2. Objectif : mesure d'intéressement, lutte contre le phénomène de trappe à la pauvreté
Les droits connexes liés au bénéfice du RMI sont d'une grande importance, puisqu'ils recouvrent l'allocation logement à taux plein automatique, la suspension des dettes fiscales, l'exonération automatique de taxe d'habitation, l'exonération de redevance audiovisuelle, l'exonération de cotisation CMU, l'accès automatique et gratuit à la CMU complémentaire, la tarification sociale téléphone et la prime de Noël (reconduite en pratique chaque année). Les minima sociaux ne constituent qu'un tiers des transferts sociaux bénéficiant aux ménages les plus pauvres et moins de 20 % de leur revenu disponible. L'existence de ces nombreux droits principaux et connexes, fort complexe, se traduit par des effets pervers dans la mesure où il conduit à des trappes à inactivité (5). Les effets de seuil peuvent, en effet, entraîner des pertes brutales de revenu lors de la sortie d'un minimum social (6).
La création d'un dispositif de revenu de solidarité active avait été proposée par la commission "Familles, vulnérabilité, pauvreté", constituée en 2005. Elle n'est ni originale, ni inédite et s'inscrit, au contraire, dans la continuité d'un certain nombre de mesures dites d'intéressement, qui se sont, il est vrai, développées depuis peu (2005 : décret n° 2005-1054, 29 août 2005, créant une prime exceptionnelle de retour à l'emploi en faveur de certains bénéficiaires de minima sociaux N° Lexbase : L8541HBX ; 2006 : loi n° 2006-339 du 23 mars 2006, préc.).
Dès 1988, le législateur a souhaité encourager les bénéficiaires du RMI à reprendre un travail : conçu comme un revenu de transition temporaire, le montant du RMI demeure volontairement faible et un mécanisme d'"intéressement" à la reprise d'activité est prévu, permettant de cumuler (dans une certaine mesure et pour un temps limité) l'allocation avec un revenu du travail. L'objectif poursuivi était d'inciter à la reprise d'emploi et une fois passée une "période d'essai", initialement fixée à 3 et désormais établie à 6 mois, de retirer progressivement à l'allocataire le support de l'Etat. Un tel mécanisme existe désormais pour 6 minima sociaux : le RMI, l'AAH, l'API et l'ASS, l'allocation d'insertion et l'allocation veuvage, même si leurs fonctionnements restent différents. Le dispositif d'intéressement prévu pour le RMI et étendu par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions (loi n° 98-657 N° Lexbase : L9130AGA), à l'API permet au bénéficiaire qui reprend un emploi de cumuler son revenu d'activité avec l'allocation intégralement pendant les deux premiers trimestres, puis en appliquant un abattement de 50 % sur la moyenne des revenus d'activité pour les trois trimestres suivants. Le prolongement de l'intéressement peut, en outre, être autorisé si la durée totale de travail des quatre derniers trimestres est restée inférieure à 750 heures et que le parcours d'insertion du bénéficiaire le justifie.
- Prime pour l'emploi
Ce dispositif fiscal fonctionne comme un crédit d'impôt en faveur des contribuables qui ont exercé une activité professionnelle dont la rémunération est comprise (pour un célibataire sans enfant) entre 0,3 et 1,4 Smic à temps plein. Il a deux objectifs : renforcer les incitations financières à la reprise d'activité et distribuer du pouvoir d'achat aux salariés à bas revenus. La prime est attribuée à chaque personne exerçant une activité professionnelle ; elle est déterminée en fonction de ses revenus d'activité. La prime ne concerne que les foyers fiscaux dans lesquels une personne, au moins, exerce, une activité (perçoit des revenus d'activité).
Selon l'OFCE (7), la prime pour l'emploi n'introduit aucun bonus à la reprise d'activité à temps très partiel, puisqu'il faut travailler un tiers de l'année au Smic horaire pour en bénéficier et qu'elle n'entraîne une augmentation du revenu disponible que si l'individu travaille plus de 51 heures par mois. Cet instrument s'avère donc assez faiblement ciblé sur les travailleurs les plus modestes, car ceux-ci connaissent fréquemment des parcours d'emploi marqués par le temps partiel ou discontinu tout au long de l'année.
- Prime exceptionnelle de retour à l'emploi
Le décret n° 2005-1054 proposait une formule monétaire d'incitation au retour à l'emploi, d'un montant de 1 000 euros, à la charge de l'Etat. Etaient visés, les bénéficiaires des minima sociaux, c'est-à-dire les personnes qui bénéficient, à la date de la création de l'entreprise, de sa reprise ou de l'embauche, du RMI (C. act. soc. fam., art. L. 262-1 N° Lexbase : L5161DKD), de l'allocation de solidarité spécifique (C. trav., art. L. 351-10 N° Lexbase : L0312HGN), de l'allocation de parent isolé (CSS, art. L. 524-1 N° Lexbase : L8981HWK) ou, enfin, de l'allocation aux adultes handicapés (CSS, art. L. 821-1 N° Lexbase : L0744G9G et art. L. 821-2 N° Lexbase : L3438HWA).
Le décret n° 2005-1054 posait trois conditions au bénéfice de la prime de retour à l'emploi : être inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi pendant une durée minimale de 12 mois au cours de la période comprise entre le 1er mars 2004 et le 1er septembre 2005 ; entre le 1er septembre 2005 et le 31 décembre 2006, le bénéficiaire d'un des minima sociaux devait créer ou reprendre une entreprise ou bien conclure un contrat de travail avec un employeur relevant du secteur privé ou du secteur public : le contrat conclu par le bénéficiaire d'un minimum social devait comporter une durée du travail au moins égale à 78 heures par mois, pendant 4 mois.
2. Revenu de solidarité active : dispositif, régime
2.1. Bénéficiaires
A titre expérimental, le revenu de solidarité active est mis en oeuvre simultanément pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé.
Le revenu de solidarité activé ne vise donc que deux bénéficiaires de minima sociaux parmi les neufs qui composent aujourd'hui les minima sociaux (prestations non contributives applicables sur l'ensemble du territoire national, versées sous condition de ressources et visant à assurer un revenu minimum à certaines catégories de personnes).
Il s'agit de :
- l'allocation supplémentaire vieillesse (réservée aux personnes âgées de plus de 65 ans (60 ans en cas d'inaptitude au travail) disposant de droits très faibles ou ne disposant d'aucun droit à l'assurance vieillesse. Montant : 365 euros pour un célibataire ;
- l'allocation supplémentaire d'invalidité (s'adresse aux personnes de moins de 60 ans, titulaires d'une pension d'invalidité de très faible montant, servie par la Sécurité sociale au titre d'une incapacité permanente. Montant : 365 euros pour un célibataire) ;
- l'allocation aux adultes handicapés (versée aux personnes handicapées qui ne peuvent prétendre ni à un avantage invalidité, ni à une rente d'accident du travail. Montant : 620 euros pour un célibataire) ;
- l'allocation de parent isolé (qui concerne les personnes isolées assumant seules la charge d'un ou plusieurs enfants. Montant : 561 euros pour un célibataire) ;
- l'allocation veuvage (s'adresse aux conjoints survivants d'assurés sociaux décédés. Montant : 550 euros pour un célibataire) ;
- l'allocation de solidarité spécifique (allouée aux chômeurs ayant épuisé leurs droits à l'assurance chômage et justifiant d'au moins cinq années d'activité salariée au cours des dix dernières années précédant la rupture de leur contrat de travail. Montant : 435 euros pour un célibataire) ;
- l'allocation temporaire d'attente (réservée aux détenus libérés, aux personnes en attente de réinsertion, aux rapatriés, aux réfugiés et aux demandeurs d'asile. Montant : 300 euros pour un célibataire) ;
- le revenu minimum d'insertion (garantit des ressources minimales à toute personne de 25 ans et plus. Montant : 440 euros pour un célibataire) ;
- enfin, l'allocation équivalent retraite (bénéficie aux chômeurs de moins de 60 ans totalisant déjà 160 trimestres de cotisation à l'assurance vieillesse. Montant : 939 euros pour un célibataire).
2.2. Mesure expérimentale
Les départements ayant remis, avant le 30 juin 2007, une délibération motivée et un dossier de candidature pour l'une des deux expérimentations prévues à l'article 142 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 (loi de finances pour 2007 N° Lexbase : L8561HTA) transmettent, avant le 30 septembre 2007, au représentant de l'Etat dans le département les compléments qu'ils souhaitent apporter à leur dossier pour tenir compte des modifications introduites par la loi du 21 août 2007 (loi n° 2007-1223, art. 21-I). Jusqu'au 31 octobre 2007, les départements peuvent, par une délibération motivée, présenter leur candidature à l'expérimentation (loi n° 2007-1223, art. 21-II).
Le revenu de solidarité active peut être mis en oeuvre, à titre expérimental, pour les bénéficiaires du RMI en vue d'atteindre le revenu de solidarité active. Cette mise en oeuvre est effectuée par les départements volontaires pour une durée de 3 ans à compter de la publication du décret pris en application du II de l'article 142 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, sous les réserves suivantes :
1. Les départements mentionnés au II du même article 142 sont autorisés à déroger à l'article L. 262-11 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L1444HIC) (à l'exception de ses quatrième, cinquième et septième alinéas ainsi qu'à l'article L. 262-12-1 du même code N° Lexbase : L1465HI4). Dans le cas où ces départements prennent en charge le financement de la prime de retour à l'emploi (en application du I du même article 142), ils sont autorisés à déroger à l'article L. 322-12 du Code du travail (N° Lexbase : L3146HID) (à l'exception de ses deuxième à cinquième alinéa) ;
2. Le conseil général a la faculté de réserver le bénéfice de l'expérimentation aux personnes résidant ou ayant élu domicile dans les conditions définies par l'article L. 264-1 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L8260HWT), dans le département (ou dans la partie du territoire mentionnée au second alinéa du VIII du même article 142), depuis une durée qu'il détermine. Cette durée ne peut excéder 6 mois ;
3. Les engagements réciproques au regard de l'emploi du bénéficiaire et du département sont précisés dans le contrat d'insertion (C. act. soc. fam., art. L. 262-37 N° Lexbase : L3287DYE) (loi n° 2007-1223, art. 19-I).
Les règles prévues pour la prime forfaitaire (mentionnée à l'article L. 262-11 du Code de l'action sociale et des familles) en matière d'attribution de la prestation, d'organisme débiteur, de financement de la prestation, de prescription, d'indus, d'incessibilité et d'insaisissabilité, de fraude et de sanctions ainsi que de contentieux sont applicables aux prestations versées, par les départements participant à l'expérimentation.
Le revenu de solidarité active est expérimenté en faveur des personnes bénéficiaires de l'allocation de parent isolé et de la prime forfaitaire (instituée par l'article L. 524-5 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L2640HIM) et résidant ou ayant élu domicile dans les départements ou territoires dans lesquels sont conduites les expérimentations. La liste de ces départements ou territoires est arrêtée par le ministre chargé de la famille au plus tard le 30 novembre 2007. Lorsque le bénéficiaire de l'allocation réside ou élit domicile hors de la partie du territoire, tout en demeurant dans le même département, l'allocation lui est maintenue (loi n° 2007-1223, art. 20-I).
Le revenu de solidarité active garantit aux bénéficiaires un niveau de ressources qui varie en fonction du nombre d'enfants à la charge du bénéficiaire, du montant des rémunérations tirées de l'exercice d'une activité professionnelle ou d'actions de formation et de la durée de reprise d'activité. Le bénéficiaire perçoit une allocation égale à la différence entre ce montant garanti et ses ressources appréciées dans les mêmes conditions que celles qui sont définies à l'article L. 524-1 du Code de la Sécurité sociale et comprenant l'allocation de parent isolé (loi n° 2007-1223, art. 20-II).
L'allocation est financée par l'Etat et servie selon les mêmes règles que l'allocation de parent isolé en matière d'attribution des prestations, d'organisme débiteur, de financement de la prestation, de prescription, d'indus, d'incessibilité et d'insaisissabilité, de fraude et de sanctions ainsi que de contentieux. Son régime fiscal est celui de l'allocation de parent isolé (loi n° 2007-1223, art. 20-III).
Lorsque les montants versés au titre du revenu de solidarité active, appréciés au moment où les bénéficiaires cessent de participer à l'expérimentation, sont inférieurs à ceux qu'ils auraient perçus s'ils n'avaient pas participé à l'expérimentation, la différence leur est restituée (loi n° 2007-1223, art. 20-IV).
Les engagements réciproques au regard de l'emploi du bénéficiaire et de l'Etat font l'objet d'un décret qui prévoit, notamment, les modalités d'accompagnement et de soutien des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé dans leur démarche d 'insertion et les actions de formation vers lesquelles ils peuvent être orientés (loi n° 2007-1223, art. 20-V).
Lorsque les ressources des personnes excèdent le montant du revenu familial, le droit au revenu de solidarité active est, sous réserve du respect des autres conditions d'ouverture du droit, maintenu jusqu'au terme de l'expérimentation.
Lorsque les personnes cessent de remplir les conditions d'isolement et de charge d'enfant (CSS, art. L. 524-1, al. 1), le droit au revenu de solidarité active est maintenu pendant une durée d'un an, sans pouvoir excéder la limite de la durée de l'expérimentation. Le nombre d'enfants à charge retenu pour le calcul du montant de ressources garanti est celui applicable le mois civil précédant celui au cours duquel la condition de charge d'enfant cesse d'être remplie. Le montant garanti susvisé peut être modulé pour tenir compte de la fin de la situation d'isolement. Il est fait masse, le cas échéant, pour le calcul de l'allocation mentionnée au II, des ressources du bénéficiaire et de celles de son conjoint (loi n° 2007-1223, art. 20-VI ).
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