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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
Pour mémoire, certaines conceptions du droit civil français, à commencer par celles de la propriété -de caractère absolu- et du patrimoine -unique et indivisible-, ont longtemps conduit à considérer comme inenvisageable l'insertion d'une telle institution dans notre ordre juridique. Ces obstacles expliquent pour partie l'échec des tentatives pour mettre en place un mécanisme fiduciaire en droit français. Mais, constatant la nécessité d'instituer un mécanisme fiduciaire permettant de faire concurrence au trust anglo-saxon, le législateur a entendu faire de la fiducie "à la Française" un instrument juridique attractif et sûr. Pour ce faire, il s'est agi d'interdire toute utilisation de la fiducie à des fins de libéralités (successions ou donations) ; de réserver la qualité de fiduciaire à des personnes soumises à des règles de contrôle, de solvabilité et de transparence strictes ; de donner au constituant la faculté de nommer un "protecteur" de la fiducie chargé de s'assurer de la préservation de ses intérêts ; de limiter au seul patrimoine fiduciaire le droit de poursuite des créanciers dont les droits sont nés de la conservation ou de la gestion des biens de ce patrimoine ; d'instaurer des mécanismes de contrôle et de sanction efficaces contre les utilisations de la fiducie à des fins illicites ; et de prévoir un régime de stricte neutralité fiscale. L'opération fiduciaire est donc, en principe, totalement transparente sur le plan fiscal. Le constituant est en quelque sorte toujours réputé fiscalement titulaire des droits mis en fiducie, et est donc redevable de l'impôt à ce titre, pour éviter le risque d'utilisation de la fiducie aux fins d'évasion fiscale.
Toutefois, force est de constater que l'institution du trust anglo-saxon s'est considérablement développée ces dernières années. L'Ecosse, le Lichtenstein, l'Afrique du sud, l'Ethiopie, Israël, Porto Rico, le Japon, la Fédération de Russie, la Chine et l'Uruguay se sont ainsi dotés, plus ou moins récemment, de mécanismes identiques ou similaires au trust anglais ou nord-américain. Sa version "civiliste", la fiducie, fait également légion au Luxembourg, au Québec, au Liban ou en Italie. La nécessité d'introduire formellement la fiducie en France permettrait d'éviter que, pour des opérations purement françaises, des droits étrangers soient utilisés. Pour autant à force de neutralité, et en l'absence de fiducie-libéralité, l'introduction à contrecoeur de la fiducie en France ne faisant guère de doute, ce régime "à la Française" nouvellement institué sera-t-il compétitif ? "Le parti de la neutralité qu'embrassent le plus souvent les princes irrésolus, qu'effraient les dangers présents, le plus souvent aussi les conduit à leur ruine" écrivait Machiavel. Cependant, les princes florentins, pourtant bien conseillés, ont toujours préféré ménager la chèvre et le chou (entre la France, l'Empereur et la Papauté), jusqu'à l'extinction de Gian Gastone en 1737... le Grand duché de Toscane passant finalement... aux mains des Habsbourg. A savoir si la "combinazione" de la fiducie "à la Française" sera de première efficacité, notamment, au regard des multiples contrats innomés, certes très circonscrits, mais qui en présentent, cependant, les éléments caractéristiques (vente à réméré, cession-Dailly, prise à pension, remise d'instruments financiers, compensation de créances...).
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Réf. : Cass. soc., 9 mai 2007, 4 arrêts, n° 05-40.315 (N° Lexbase : A0908DWK) ; n° 05-40.518 (N° Lexbase : A0909DWL) ; n° 05-41.324 (N° Lexbase : A0910DWM) et n° 05-42.301, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0925DW8)
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N0691BB9
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Le 07 Octobre 2010
Résumé
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission. |
1. Une distinction confuse
Le 25 juin 2003, la Chambre sociale de la Cour de cassation a précisé les conditions dans lesquelles un salarié peut prendre l'initiative de quitter l'entreprise et obtenir du juge prud'homal des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (1). Selon ces arrêts, "lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission".
Lorsque le salarié prend clairement acte de la rupture du contrat de travail, c'est-à-dire lorsqu'il manifeste, par écrit (2) ou même simplement verbalement, son désir de "prendre acte", l'office du juge est relativement simple puisqu'il ne sera pas tenté d'appliquer la jurisprudence classique relative à la volonté claire et non équivoque de démissionner.
Lorsque le salarié démissionne formellement, puis se rétracte pour prendre acte, ou saisit directement la juridiction prud'homale d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge peut hésiter : doit-il statuer en premier lieu sur la validité de la démission, en déterminant si celle-ci repose sur une volonté claire et non équivoque du salarié, puis, si cela n'est pas le cas, examiner les griefs formulés contre l'employeur pour déterminer si la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou ignorer purement et simplement la démission et se situer directement dans le cadre du régime de la prise d'acte, tel que défini depuis 2003 ?
La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de se prononcer sur la question et d'affirmer que "la démission d'un salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur s'analyse en une prise d'acte qui produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission" (3). En d'autres termes, dès lors que la démission du salarié semble avoir été déterminée par le comportement de l'employeur, il convient de faire application des règles dégagées en 2003 et de traiter cette démission comme une prise d'acte.
Nous avions tenté, pour notre part, d'apporter des éléments de réponse supplémentaires en distinguant, d'une part, l'hypothèse où un salarié a été conduit à démissionner sans aucune intervention extérieure de son employeur (exemple du salarié dépressif pour des motifs étrangers à l'exécution du contrat de travail), et où il convient de s'interroger sur le caractère clair et non équivoque de la démission et, d'autre part, l'hypothèse où la rupture du contrat, voulue par le salarié (et quelle que soit la qualification initiale retenue) est imputée par le salarié à des fautes de l'employeur, et où le juge doit vérifier la pertinence de ses griefs afin de déterminer si la rupture du contrat produit les effets d'un licenciement ou d'une démission (4).
La difficulté que nous éprouvions à dessiner le périmètre exact de la jurisprudence relative à la prise d'acte ayant été également celle des juridictions du fond, la Chambre sociale de la Cour de cassation a décidé de clarifier sa position dans ces quatre arrêts en date du 9 mai 2007, et ce, d'ailleurs, comme on pouvait s'y attendre.
2. La volonté de clarifier les situations
Pour bien comprendre le type de situations visées par la Cour, il convient de se reporter au communiqué de presse qui accompagne ces arrêts : "En particulier, lorsqu'un salarié démissionne sans réserve ou 'pour convenances personnelles' avant de se rétracter en raison de manquements qu'il impute à son employeur sans invoquer aucun vice de son consentement, quel doit être l'office du juge ? Faut-il considérer que l'absence de réserve ou, mieux, l'énoncé de 'raisons personnelles' traduit une volonté sans équivoque de démissionner, peu important l'existence d'éventuels manquements, fondés ou non, de l'employeur ? Faut-il au contraire, et dans l'affirmative à quelles conditions, analyser une telle démission en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués sont justifiés ?"
Voici désormais les nouvelles consignes de la Cour de cassation : "lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission".
La formule mérite quelques précisions.
La Cour de cassation considère, en premier lieu, qu'existent bien des hypothèses dans lesquelles le juge peut être conduit à statuer dans le cadre de la seule appréciation du caractère clair et non équivoque de la volonté du salarié, sans qu'il soit utile de s'interroger sur le comportement de l'employeur. Selon la formule utilisée par la Cour, il s'agit de l'hypothèse où le salarié invoque un "vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission".
Cette formule est malheureuse car elle nous semble trop large. La référence aux vices du consentement renvoie, en effet, aux dispositions des articles 1109 (N° Lexbase : L1197ABX) à 1118 (N° Lexbase : L1206ABB) du Code civil, c'est-à-dire à l'erreur, au dol et à la violence. Or, l'hypothèse d'un dol, c'est-à-dire de manoeuvre de l'employeur, ou d'une violence exercée dans le but de le faire démissionner, renvoit non pas à l'hypothèse d'une démission annulée mais à celle d'une démission devant produire les effets d'une prise d'acte aux torts de l'employeur. Seule subsiste donc l'hypothèse d'une erreur commise par le salarié, ou d'une contrainte psychologique étrangère à l'employeur, renvoyant à des solutions traditionnelles de salariés démissionnant sous le coup de la colère (5) ou d'une violente émotion (6).
Dans ce premier cas de figure d'une démission donnée et contestée ensuite en raison d'un vice du consentement non imputable à l'employeur, la sanction sera bien l'annulation de la démission et, partant, la poursuite des relations contractuelles avec l'employeur, et non la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A côté de cette première hypothèse, se rencontre une seconde, en pratique beaucoup plus fréquente, d'une démission donnée puis contestée en raison de faits imputables à l'employeur et qui ont déterminé le salarié à démissionner. Dans cette hypothèse, la nouvelle formulation adoptée par la Cour de cassation invite les juges du fond à procéder en deux temps : ils devront, en effet, commencer par établir le caractère équivoque de la démission du salarié, c'est-à-dire montrer que la volonté a été déterminée par les faits imputés à l'employeur, puis, selon que ces faits étaient ou non de nature à justifier la rupture du contrat, faire produire à cette rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou d'une démission.
Dans cette hypothèse, le caractère équivoque de la volonté du salarié ne conduit pas à l'annulation de la démission, ni même, semble-t-il, à sa requalification, mais à sa "remise en cause", c'est-à-dire à la remise en cause de ses effets. Dans la mesure où cette démission aura été provoquée par des fautes imputables à l'employeur, alors elle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; à défaut, cette démission produira les effets... d'une démission.
L'un des intérêts de ces quatre arrêts est d'avoir donné aux juges du fond des exemples "de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission" permettant d'établir "qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque".
Ainsi, le fait que le salarié conteste sa démission plus de 17 mois après celle-ci n'est pas une circonstance permettant de retenir l'équivoque de la démission à la date où elle a été donnée. Dans cette affaire, de surcroît, "la lettre de démission ne comportait aucune réserve" et "le salarié [...] ne justifiait d'aucun litige antérieur ou contemporain de celle-ci avec son employeur" (7).
En revanche, la volonté claire et non équivoque de démissionner n'est pas caractérisée dès lors que "la société n'avait pas rempli les salariés de leurs droits s'agissant du temps de travail, des congés payés, du repos compensateur et pour l'un d'eux de l'indemnisation des arrêts de travail", et que "cette situation avait été signalée à l'inspection du travail", qui avait adressé un courrier de rappel à la société (8). La démission sera également équivoque si le salarié conteste, dans la lettre de démission elle-même, le paiement de ses heures supplémentaires (9), ou encore s'il se rétracte rapidement (en une semaine) et s'il proteste, dans la lettre de "démission", "contre la modification unilatérale de sa rémunération consistant en une suppression [...] d'une partie de ses commissions" (10).
Le moins que l'on puisse dire est que cette clarification n'est pas des plus claires. Si l'hypothèse d'une démission annulée pour vice du consentement ne fait pas difficulté, dans la mesure où l'on sait depuis longtemps que les dispositions du Code civil relatives à la validité des obligations conventionnelles s'appliquent également aux actes unilatéraux, telle la démission (11), celle d'une démission devant "s'analyser" en une prise d'acte, laquelle devrait à son tour "produire les effets" d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'une démission, n'est pas des plus simples.
On se demande d'ailleurs pourquoi la Cour n'a pas simplifié l'analyse en affirmant que la démission provoquée par des fautes de l'employeur doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ce refus de consacrer une hypothèse de requalification, alors que cette opération juridique est familière en droit du travail, pourrait alors révéler la volonté de ne pas introduire de fiction dans l'analyse du déroulement de la rupture et de ne pas sanctionner l'employeur pour le non-respect de la procédure de licenciement. Il convient, en effet, d'admettre qu'en l'absence de requalification, il ne saurait être reproché à l'employeur de ne pas avoir respecté la procédure du licenciement, puisque le salarié a démissionné. Certes, l'indemnité sanctionnant le non-respect de la procédure de licenciement se confond légalement avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12) ; mais cette absence de cumul ne vaut pas lorsqu'est en cause le paiement d'indemnités conventionnelles, et n'interdit pas au juge d'accorder, dans le cadre du chiffrage des dommages et intérêts dus au salarié, des indemnités supplémentaires en considération du préjudice que lui a également causé le non-respect des règles de procédure.
En d'autres termes, le refus de passer par la figure de la requalification de la rupture, s'il s'agit bien de cela, n'aurait d'intérêt que s'il se traduisait par le refus d'octroyer au salarié des indemnités sanctionnant le non-respect de la procédure de licenciement ; si tel ne devait pas être le cas, alors on ne voit pas bien l'intérêt d'avoir introduit cet élément de complexité supplémentaire dans l'analyse d'une situation déjà bien peu claire.
Christophe Radé
Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Décisions
Cass. soc., 9 mai 2007, n° 05-40.315, Société Lacour, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0908DWK)
Cass. soc., 9 mai 2007, n° 05-41.324, Société Janier, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0910DWM)
Cass. soc., 9 mai 2007, n° 05-42.301, Société Kent, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0925DW8)
Cass. soc., 9 mai 2007, n° 05-40.518, Société Citernord, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0909DWL) Textes visés : C. trav., art. L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP) ; C. trav., art. L. 122-13 (N° Lexbase : L5564AC3) ; C. trav., art. L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9). Mots-clefs : prise d'acte ; démission. Lien bases : . |
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Réf. : Cass. soc., 3 mai 2007, n° 05-12.340, Société de fabrication et commercialisation Sofaco, FS-P+B (N° Lexbase : A0563DWR)
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N0674BBL
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Le 07 Octobre 2010
Résumé
Indépendamment de l'action réservée par l'article L. 135-5 du Code du travail (N° Lexbase : L5718ACR) aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels sont recevables à demander, sur le fondement de l'article L. 411-11 de ce code, l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession. |
1. L'action en justice des syndicats en exécution des conventions collectives
Pendant de très nombreuses années, seuls deux textes ont pu servir de fondement à l'action en justice d'un syndicat en exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail (1).
Il s'agit, tout d'abord, de l'article L. 135-4, alinéa 1er (N° Lexbase : L5717ACQ), organisant une action dite de "substitution" par laquelle les syndicats dont les membres sont liés par une convention ou un accord collectif de travail peuvent exercer toutes les actions en justice qui naissent de ce chef en faveur de leurs membres, sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé, pourvu que celui-ci ait été averti et n'ait pas déclaré s'y opposer (v., sur ce type d'action, F. Petit, L'action de substitution, un cadeau promis à un avenir meilleur, Dr. soc. 2004, p. 262).
Est, ensuite, concerné l'article L. 135-5, permettant aux organisations ou groupements liés par une convention ou un accord collectif, d'intenter contre les autres organisations ou groupements, leurs propres membres ou toute personne liée par la convention ou l'accord, toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages-intérêts. Cette action, qualifiée de "contractuelle", reste réservée aux signataires de la convention ou de l'accord collectif (Cass. soc., 14 février 2001, n° 98-46.149, Société Moulinex c/ Mme Delalande et autres, publié N° Lexbase : A3485ARI ; Dr. soc. 2001, p. 572, obs. M. Miné).
Les syndicats qui ne pouvaient ni agir au profit de salariés sur le fondement de l'article L. 135-4, alinéa 1er, ni invoquer l'article L. 135-5 pour obtenir l'exécution des dispositions conventionnelles, faute d'être signataires de l'acte juridique en cause, ont alors tenté de solliciter l'article L. 411-11 du Code du travail relatif, faut-il le rappeler, à l'action en justice pour la défense des intérêts collectifs de la profession. Après avoir été longtemps hostile à une telle tentative, la Cour de cassation a fini par l'accepter, dans un retentissant arrêt rendu le 12 juin 2001, en affirmant qu'"indépendamment des actions réservées aux syndicats par les articles L. 135-4 et L. 135-5 du Code du travail, en cas d'extension d'une convention ou d'un accord collectif qui a pour effet de rendre les dispositions étendues applicables à tous les salariés et employeurs compris dans leur champ d'application, les syndicats professionnels sont recevables à en demander l'exécution sur le fondement de l'article L. 411-11 du Code du travail, leur non-respect étant de nature à causer nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de l'ensemble de la profession" (Cass. soc., 12 juin 2001, n° 00-14.435, Société Euro Disney SCA et autres c/ Fédération nationale des syndicats du spectacle de l'audiovisuel et de l'action culturelle CGT, publié N° Lexbase : A5948ATH ; D. 2002, p. 361, obs. H. Nasom-Tissandier et P. Rémy ; J. Pélissier, A. Lyon-Caen, A. Jeammaud, E. Dockès, Les grands arrêts du droit du travail, Dalloz, 3ème éd., 2004, n° 34).
Approuvée par la majorité de la doctrine (v., notamment, en ce sens les auteurs préc.) (2), cette solution trouvait à s'expliquer par le caractère essentiellement normatif de la convention ou de l'accord collectif de travail (pour plus de détails, v. les commentaires préc.). Ces mêmes auteurs n'en trouvaient pas moins critiquable et injustifiée la condition relative à l'extension de la convention collective et appelaient de leurs voeux l'application de la solution en cause à toutes les conventions collectives de travail, qu'elles aient ou non été étendues. L'arrêt sous examen vient exaucer ces souhaits.
En affirmant qu'"indépendamment de l'action réservée par l'article L. 135-5 du Code du travail aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels sont recevables à demander l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu [...]" (3), la Cour de cassation signifie l'abandon de la condition qu'elle avait elle-même posée en 2001, relativement à l'admission de l'action en exécution d'une convention collective sur le fondement de l'article L. 411-11 du Code du travail.
La solution est désormais claire : un syndicat peut exiger en justice l'application d'une convention ou d'un accord collectif de travail sur le fondement de l'article L. 411-11, alors même qu'il n'a pas signé l'acte juridique en cause et quand bien même celui-ci n'a pas fait l'objet d'un arrêté d'extension. Dès lors que l'on considère que la Cour de cassation a entendu tirer toutes les conséquences du caractère normatif des dispositions conventionnelles, cette solution ne peut qu'être approuvée. En effet, un tel caractère ne dépend en aucune façon de l'extension de la norme conventionnelle et une convention ou un accord collectif ordinaire comporte tout autant que les autres un tel caractère, alors même qu'il ne concerne qu'un nombre plus restreint de salariés. Cela ne saurait, toutefois, conduire à penser que le non-respect par un employeur d'une convention ou d'un accord ordinaire ne cause pas un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession au sens de l'article L. 411-11. En effet, "l'intérêt collectif de la profession" peut être l'intérêt d'une collectivité de travail particulière (v., en ce sens, J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Précis Dalloz, 23ème éd., 2006, § 585).
Cette solution, dont on persiste à penser qu'elle fait bon ménage de la nature contractuelle de la convention collective, pose la question de la place désormais dévolue à l'action fondée sur l'article L. 135-5 du Code du travail. Si cette disposition ne devrait pas désormais être lettre morte, elle n'en conservera pas moins une place toute résiduelle (v., sur la question, les obs. préc. de H. Nasom-Tissandier et P. Rémy).
2. Les effets de l'action en exécution d'un accord collectif fondée sur l'article L. 411-11 du Code du travail
A l'appui de son pourvoi, l'employeur arguait que le syndicat qui agit pour la défense des intérêts collectifs des salariés sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-11 du Code du travail est irrecevable à défendre en son nom propre les intérêts individuels des salariés. En conséquence, en condamnant, à la demande du syndicat, la société employeur à payer des sommes au titre de la participation pour trois années consécutives et à répartir ces sommes entre les salariés de l'entreprise, la cour d'appel aurait violé l'article L. 411-11 du Code du travail.
L'action de l'article L. 411-11 du Code du travail constituant, si l'on peut dire, le prototype de l'action collective, elle ne saurait, pas plus d'ailleurs que l'action de l'article L. 135-5, produire d'effets au bénéfice individuel de chacun des salariés. Admettre le contraire reviendrait, en outre, à exclure la compétence du conseil de prud'hommes, seul à même, on le sait, de trancher les litiges individuels nés à l'occasion du contrat de travail. Il convient, à ce propos, de rappeler que les actions en exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail doivent être soumises au juge de droit commun, dès lors qu'elles sont fondées sur les articles L. 135-5 et L. 411-11 du Code du travail.
Afin d'écarter l'argumentation de l'employeur, la Cour de cassation vient préciser que "la cour d'appel qui a relevé que l'action du syndicat de la métallurgie de la Loire CFDT tendait à la condamnation de l'employeur à constituer une réserve spéciale de participation d'un certain montant pour chacun des exercices litigieux ainsi qu'à sa répartition entre les salariés de l'entreprise et non à la constitution de droits déterminés au profit de salariés nommément désignés, en a exactement déduit que le syndicat ne défendait pas en son nom propre les intérêts individuels des salariés".
On approuvera sans réserve cette solution qui donne à l'action du syndicat en exécution d'une convention collective une pleine portée, sans lui enlever pour autant son caractère collectif. On doit noter que la Cour de cassation s'était déjà prononcée en ce sens dans un arrêt en date du 22 février 2006. Répondant à une argumentation fort proche de celle avancée dans l'arrêt commenté par l'employeur, la Cour de cassation était venue affirmer que "la cour d'appel, qui a constaté que le syndicat demandait la condamnation de la société à procéder aux augmentations prévues par l'accord du 18 janvier 2002 au bénéfice d'une catégorie de cadres, a décidé à bon droit que cette demande, qui ne tendait pas au paiement de sommes déterminées à des personnes déterminées était recevable, avait pour objet l'application de l'accord" (Cass. soc., 22 février 2006, n° 04-14.771, Société Sigma Kalon grand public c/ Fédération nationale des industries chimiques (FNIC-CGT), inédit N° Lexbase : A1766DNQ).
Pour n'être pas publié, cet arrêt n'en a pas moins attiré l'attention d'une certaine doctrine, soulignant qu'"ainsi le juge de droit commun se voit désormais reconnaître le pouvoir de désigner la catégorie des bénéficiaires, et restant dans la limite de sa compétence, d'assurer l'application de l'accord collectif au profit d'un ensemble défini de bénéficiaires non identifiés mais suffisamment identifiables en ordonnant l'exécution des dispositions conventionnelles sans nommer les salariés ni chiffrer leurs droits, ce qui, seul, relèverait de la compétence prud'homale" (M. Henry, art. préc., p. 118).
L'arrêt sous examen, qui aura quant à lui les honneurs du bulletin, vient donc ancrer dans notre droit positif une solution équilibrée préservant le caractère collectif de l'action en exécution d'une convention collective fondée sur l'article L. 411-11 du Code du travail.
Gilles Auzero
Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Décision
Cass. soc., 3 mai 2007, n° 05-12.340, Société de fabrication et commercialisation Sofaco, FS-P+B (N° Lexbase : A0563DWR) Rejet (cour d'appel de Lyon, 4 février 2005, chambre sociale) Textes concernés : C. trav., art. L. 135-5 (N° Lexbase : L5718ACR) ; C. trav., art. L. 411-11 (N° Lexbase : L6313ACS). Mots-clés : syndicat ; action en justice ; convention collective ; action en exécution ; intérêt collectif de la profession. Lien bases : |
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Réf. : Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance (N° Lexbase : L6035HU3)
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N1457BBL
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Le 07 Octobre 2010
I. Un nouveau dispositif de prévention de la délinquance
A. La reconnaissance symbolique du rôle du maire et la promotion de nouveaux intervenants
L'article 1er de la loi institue, symboliquement, le maire comme le coordinateur et l'animateur de la politique de prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune (4). C'est une disposition qui consacre, certes, un rôle déjà bien souvent exercé par les maires dans la pratique (5), mais qui bénéficiera, désormais, d'une légitimité incontestable. C'est aussi une disposition qui entérine la forte montée en puissance des municipalités dans le champ de la sécurité locale au cours des vingt dernières années. De véritables "politiques de police municipale" se mettent en place qui ne se limitent plus à la mise en oeuvre des pouvoirs de police administrative classiques du maire (6). Cette fonction de pilote devrait se cristalliser au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) (7) malgré leur bilan en demi-teinte. L'article 1er de la loi tend, par conséquent, à faire figurer dans la loi les CLSPD et à les rendre obligatoires dans les communes de plus 10 000 habitants (8).
Outre le maire, la loi affirme la compétence de plusieurs acteurs en matière de prévention de la délinquance. L'article 1er de la loi reconnaît au département une compétence en matière de prévention de la délinquance. Il y procède en faisant de la prévention de la délinquance l'un des aspects de l'action sociale dont le département est le principal maître d'oeuvre (9). L'article 7 de la loi consacre le rôle du procureur de la République en matière de prévention. En effet, plusieurs des compétences confiées au ministère public (10) et, plus généralement, les effets dissuasifs de l'exercice de l'action publique à l'égard de telle ou telle forme de délinquance peuvent s'inscrire dans le cadre d'une politique de prévention. L'article 6 de la loi tend à créer, lui, à la charge des autorités organisatrices de transports collectifs de voyageurs, une obligation de concourir aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers. Il est aussi créé un service volontaire citoyen de la police nationale (article 30 de la loi). Ouvert à presque chaque citoyen français ou européen, ce service volontaire citoyen aurait deux objectifs : renforcer le lien entre la nation et la police nationale et permettre à chacun d'accomplir quelques jours par an des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l'exclusion de toutes prérogatives de puissance publique (11).
B. La mise à disposition de nouveaux moyens et de nouveaux outils
Le pendant nécessaire de la multiplication des acteurs de la prévention de la délinquance est l'organisation de leur coordination. L'article 1er confie au maire la coordination et la mise en oeuvre de la prévention de la délinquance. D'autres solutions sont proposées pour fédérer les actions. A l'échelon intercommunal, la loi dispose que, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention, son président anime et coordonne les actions qui concourent à l'exercice de cette compétence (12). Dans les relations entre la commune et le département, deux instruments de coordination sont créés (13). Enfin, un troisième niveau de coordination, assuré par l'Etat, est prévu (14).
Ensuite, si le législateur a déjà reconnu au maire un droit à l'information en matière d'infraction à l'ordre public, aucun cadre légal n'existe en matière d'action sociale ou éducative. La loi propose d'y remédier en autorisant le partage d'information à deux niveaux : le premier se situerait entre professionnels de l'action sociale (15) ; le second permettrait la communication au maire d'informations à caractère confidentiel nécessaires à l'exercice de ses compétences en matière d'action sociale, éducative et sanitaire. De plus, comme il n'existe plus de réponse simple et unique à un problème social ou éducatif, la loi met en place "un continuum de prise en charge" (16). En ce sens, la loi crée dans les communes de plus de 10 000 habitants, un nouvel organe de la commune : le conseil pour les droits et devoirs des familles (17). Ce conseil aura pour mission de dialoguer avec les familles, de leur adresser des recommandations et de proposer des mesures d'accompagnement parental. Le maire peut, d'une part, proposer un accompagnement parental si l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publiques sont menacés par un défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire et, d'autre part, demander à la caisse d'allocations familiales concernée de mettre en place un dispositif d'accompagnement des familles.
II. L'application de sanctions plus adaptées : l'exemple du stationnement irrégulier des gens du voyage
A. Les lourdeurs actuelles du régime des occupations illicites de terrains par des gens du voyage
S'agissant des occupations illicites de terrains par des gens du voyage, l'article 9 de la loi n° 2000-614, du 5 juillet 2000, relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (18) (modifiée par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (19)), prévoit une procédure d'expulsion spécifique simplifiée et rapide. Il est également prévu la possibilité pour le maire de se substituer à une personne privée propriétaire lorsque l'occupation illicite du terrain est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique. En outre, l'article 5 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a créé une nouvelle incrimination pénale qui sanctionne l'installation sans autorisation sur un terrain appartenant à autrui (20). A la différence, notamment, des terrains appartenant à des personnes privées, l'application de ces deux dispositifs est soumise, pour les terrains appartenant aux communes, à la réalisation, dans un cadre communal ou intercommunal, de terrains prévus au schéma départemental d'accueil. Ces deux dispositifs sont régulièrement mis en oeuvre par les forces de l'ordre.
S'agissant de la réalisation des aires d'accueil, l'article 201 de la loi n° 2004-809, du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (21), a prorogé de deux ans le délai initialement prévu par la loi du 5 juillet 2000 pour bénéficier des aides financières significatives que l'Etat met à la disposition des collectivités locales pour réaliser des aires d'accueil. La construction de celles-ci en sera ainsi facilitée. Par ailleurs, par une circulaire adressée le 8 juillet 2003, les ministres chargés de l'Equipement et de l'Intérieur ont insisté sur l'importance qui s'attache à la désignation d'un médiateur départemental pour favoriser le dialogue avec les gens du voyage (22) (23).
Les dispositifs en vigueur ont accru les pouvoirs du maire, mais beaucoup d'entre eux appellent, aujourd'hui, à un complément de la législation pour leur offrir une capacité de coercition. En dépit de la mise en oeuvre des dispositions relatives à la tranquillité et à la sécurité publiques posées par la loi du 18 mars 2003, pour la sécurité intérieure, modifiant la loi du 5 juillet 2000, relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, les propriétaires de terrains publics ou privés rencontrent, encore, de grandes difficultés pour mettre fin aux occupations illicites de gens du voyage. La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait abordé le problème sous l'angle pénal : s'installer sur un terrain sans autorisation dans une commune qui a satisfait à ses obligations peut être puni de six mois d'emprisonnement, d'une amende et d'une confiscation des voitures. C'est un outil que l'autorité judiciaire a commencé à utiliser mais le Gouvernement pense qu'il est nécessaire d'aller au-delà, non pas dans le domaine pénal, mais dans celui des procédures d'évacuation.
B. L'évolution vers une plus grande coercition du régime des occupations illicites de terrains par des gens du voyage
137 sénateurs ont déposé, le 13 septembre 2007, un amendement au projet de loi de prévention de la délinquance à la suite de Pierre Hérisson, président de la commission consultative des gens du voyage et sénateur (Haute-Savoie) et destiné à faciliter les expulsions des gens du voyage. Cet amendement se matérialise à travers les articles 12 ter et 12 quater et modifie la loi du 5 juillet 2000 concernant l'accueil des gens du voyage en créant une nouvelle procédure administrative d'évacuation forcée en cas de stationnement illicite de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique.
Le Sénat avait réservé le bénéfice de cette procédure aux communes s'étant dotées d'une aire d'accueil des gens du voyage conformément au schéma départemental. L'Assemblée nationale l'a toutefois étendue aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire accordé par la loi du 13 août 2004 pour réaliser leur aire d'accueil, ainsi qu'aux communes qui disposent d'un emplacement provisoire agréé par le préfet pour une durée de six mois. Il est ainsi proposé d'instituer une nouvelle procédure d'évacuation forcée décidée d'office par le préfet, sans autorisation préalable du juge et entourée des garanties fondamentales attendues pour les destinataires de ces mesures de police.
Aux termes de ce dispositif, le préfet, saisi par le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage d'un terrain privé dont l'occupation porte atteinte à la sécurité, à la tranquillité ou à la salubrité publique, peut mettre en demeure les occupants de quitter les lieux dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Ces dispositions habilitent le préfet, sous conditions, à procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles.
Cet amendement est intéressant dans la mesure où il vise à modifier la procédure. Jusqu'à présent, il appartenait au maire d'engager l'assignation en référé, processus long, coûteux et qui n'était pas très efficace (24). L'amendement permettra au préfet, dorénavant, de faire évacuer les contrevenants en cas d'occupation illicite de terrains. C'est une avancée considérable. C'est une procédure simple, rapide et peu onéreuse qui est mise en place. Par ailleurs, il tend à garantir les droits des gens du voyage en leur ouvrant la possibilité d'introduire un recours suspensif devant le tribunal administratif contre la décision du préfet, le juge ayant, alors, l'obligation de statuer dans un délai de soixante-douze heures (25).
La mise en oeuvre de ces dispositions reste subordonnée, conformément aux dispositions de la loi du 5 juillet 2000, à l'application des prescriptions du schéma départemental. Par conséquent, il est attendu de ces mesures qu'elles incitent les communes et les établissements publics de coopération intercommunale qui n'ont pas satisfait à leurs obligations à entreprendre, dans les meilleurs délais, la réalisation de ces équipements afin d'être en mesure de bénéficier des moyens de coercition mis à leur disposition. Ces dispositions s'appliquent, en effet, uniquement aux collectivités qui ont satisfait à leurs obligations légales de mise en oeuvre du schéma départemental d'accueil et de stationnement des gens du voyage.
Le dispositif proposé n'en suscite pas moins plusieurs interrogations. En premier lieu, on peut se demander si cette nouvelle procédure n'est pas contraire à l'article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L1332A99), aux termes duquel l'autorité judiciaire est la gardienne des libertés individuelles, en l'espèce le droit de propriété et la liberté d'aller et venir (26). En deuxième lieu, bien souvent, les difficultés rencontrées par les maires pour obtenir l'évacuation des terrains faisant l'objet d'une occupation illicite ne tiennent pas seulement à la longueur de la procédure, puisque le président du tribunal de grande instance statue en référé, mais sont liées également au refus des préfets de prêter le concours de la force publique. Il importe, donc, que, à l'avenir, les préfets soient moins timorés qu'aujourd'hui.
Christophe De Bernardinis
Maître de conférences à l'université de Metz
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Réf. : Cass. civ. 1, 27 mars 2007, n° 04-20.842, Société Alcatel business systems (ABS), FS-P+B+I (N° Lexbase : A7902DU9)
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Le 07 Octobre 2010
L'arrêt confirme ainsi l'analyse doctrinale faite par Aubry et Rau qui enseignaient que, parmi les droits relatifs au bien transmis, l'ayant cause à titre particulier peut invoquer ceux "qui se sont identifiés avec cette chose, comme qualités actives, ou qui en sont devenus des accessoires" (2). Transposée au cas d'espèce, on comprend donc que soit transmise à l'ayant cause à titre particulier la clause compromissoire, qui est incontestablement un accessoire du droit d'action, lui-même accessoire du droit substantiel (3). La solution, qui peut se recommander de l'article 1615 du Code civil disposant que "l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel", permet ainsi de régler la question de la transmission à l'ayant cause à titre particulier des droits accessoires au bien transmis dans les chaînes de contrats.
Il y a chaîne de contrats lorsqu'un même bien est successivement l'objet de plusieurs contrats translatifs de propriété. La chaîne est dite "homogène" lorsque ces contrats sont de même nature (l'hypothèse d'une vente suivie d'une ou plusieurs reventes par exemple) ; elle est, au contraire, "hétérogène" lorsque ces contrats sont de natures différentes (fourniture d'un bien non à un acquéreur qui le revend, mais à un entrepreneur qui réalise au moyen de celui-ci un ouvrage pour le compte d'un client qui pourra ensuite le céder : vente, suivie d'un contrat d'entreprise, suivi d'une vente).
La question s'est rapidement posée de savoir si, dans l'hypothèse dans laquelle le bien ainsi transmis est, dès l'origine, affecté d'un défaut, son propriétaire actuel dispose d'un recours contre le seul contractant immédiat ou également contre le vendeur fabricant ou l'un quelconque des maillons de la chaîne ? Ainsi, si la chaîne est homogène, le sous-acquéreur dispose-t-il d'un recours contre le fabricant ou l'un quelconque des vendeurs intermédiaires, et si oui de quelle nature ? Si la chaîne est hétérogène, la même question se pose s'agissant du maître de l'ouvrage qui confie à un entrepreneur la réalisation d'un ouvrage en vue de laquelle celui-ci acquiert auprès d'un vendeur fabricant un bien qui s'avère défectueux : le maître de l'ouvrage dispose-t-il d'un recours, contractuel ou délictuel, contre le vendeur fabricant ?
S'agissant des chaînes de contrats homogènes, la jurisprudence a relativement rapidement posé le principe de la nature contractuelle des rapports pouvant exister entre les contractants extrêmes. Ainsi la première chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt en date du 9 octobre 1979, a-t-elle considéré que "l'action directe dont dispose le sous-acquéreur contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire, pour la garantie du vice caché affectant la chose vendue dès sa fabrication, est nécessairement de nature contractuelle" (4). S'agissant des chaînes hétérogènes, mettant fin à une opposition célèbre entre la première chambre civile selon laquelle l'action était, ici encore, nécessairement contractuelle- et la troisième chambre civile -préférant le fondement délictuel-, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, par un important arrêt du 7 février 1986, a tranché en faveur de l'approche contractuelle de la première chambre civile : "le maître de l'ouvrage, comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartient à son auteur" (5). S'appuyant sur les analyses d'Aubry et Rau, la Cour de cassation fonde ainsi la transmission des actions de l'auteur sur l'idée que celles-ci sont un accessoire de la chose. Aussi bien, conservant sa nature contractuelle parce qu'elle est transmise avec la chose dont elle garantit la qualité et la conformité aux stipulations du contrat, comme un accessoire de celle-ci, l'action directe de l'ayant cause ne heurte-t-elle pas de front l'article 1165 du Code civil.
David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit
(1) Sur lesquels, voir notamment B. Teyssié, Les groupes de contrats, thèse Montpellier, 1975 ; F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9ème éd., 2005, n° 77.
(2) Aubry et Rau, Cours de droit civil français, t. II, 7ème éd. par P. Esmein, § 176, n° 69.
(3) Comp., sur la transmission des actions en dommages et intérêts, Cass. civ. 3, 23 octobre 1991, n° 89-18.458, Epoux Pont c/ M. Chauvet (N° Lexbase : A4689AH7), Bull. civ. III, n° 244 ; en revanche, sur l'absence de transmission des actions nées au profit du vendeur à raison de dégradations causées à l'immeuble antérieurement à la vente, Cass. civ. 3, 4 décembre 2002, n° 01-02.383, Société La Maison ardennaise c/ M. Jean-Noël Collignon, FS-P+B (N° Lexbase : A1932A4C), Bull. civ. III, n° 250 ; Cass. civ. 3, 17 novembre 2004, n° 03-16.988, M. Maurice Piccot c/ Mutuelle des architectes français (MAF), FS-P+B (N° Lexbase : A9375DDL), Bull. civ. III, n° 207 ; Cass. civ. 3, 7 décembre 2005, n° 04-12.931, Société Malard c/ Société Paul Boussicault, FS-P+B (N° Lexbase : A9200DLC), Bull. civ. III, n° 244.
(4) Cass. civ. 1, 9 octobre 1979, n° 78-12.502, Société Lamborghini c/ Landrau, Constant, Compagnie Union des Assurances de Paris, Société des Voitures Paris Monceau (N° Lexbase : A4538AZ4), Bull. civ. I, n° 241, D. 1980, IR, p. 222, obs. Ch. Larroumet, RTD civ. 1980, p. 354, obs. G. Durry.
(5) Ass. plén., 7 février 1986, n° 83-14.631, Société Anonyme des Produits Céramiques de l'Anjou et autre c/ Syndicat des Copropriétaires de la Résidence Normandie et autres (N° Lexbase : A2559AAZ), D. 1986, jur., p. 293, note A. Bénabent, JCP éd. G, 1986, II, n° 20616, note Ph. Malinvaud, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 11ème éd., par F. Terré et Ph. Simler, Dalloz, 2000, n° 252.
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Le 07 Octobre 2010
A - Preuve
Le recours à l'expertise est quasiment systématique en matière de responsabilité médicale. Même si on sait que les juges ne sont pas liés par les conclusions de l'expert, les rapports pèsent lourds dans les dossiers. Lorsqu'un arrêt est frappé d'un pourvoi en cassation, l'un des arguments soulevés par le demandeur est régulièrement le grief de dénaturation du rapport de l'expert. Un arrêt inédit rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 26 septembre 2006 donne à cet égard un exemple rare de dénaturation admise (Cass. civ. 1, 26 septembre 2006, n° 05-17.079, F-D N° Lexbase : A3525DRY).
Dans cette affaire, la juridiction d'appel s'était fondée sur les conclusions de l'expert pour condamner un obstétricien en raison de la contamination d'une jeune femme accouchée à la suite d'une transfusion de produits sanguins, la Cour affirmant "que le médecin expert mentionnait sans ambiguïté que dans le cas de Mme Y... la transfusion n'était pas indiquée et utile, l'accouchement n'ayant pas été hémorragique et les suites de l'accouchement étaient normales et la malade n'était pas anémique". C'est cet arrêt qui se trouve cassé dans la mesure où le rapport d'expertise faisait également apparaître "qu'à l'époque des faits, il était classique de transfuser les patientes qui avaient un peu saigné et qui étaient fatiguées dans les suites de couches. Cette position était effectivement en vigueur au moment des faits, le sang étant considéré comme un facteur de vie et sans complications majeures jusqu'à ce que nos connaissances évoluent dans ce domaine. Actuellement, les indications des produits sanguins labiles sont devenues beaucoup plus restrictives pour diverses raisons liées à la sécurité transfusionnelle". Dans ces conditions, la Cour de cassation conclut à la dénaturation du rapport de l'expert pour casser l'arrêt d'appel.
On sait, depuis 2003, que la Cour de cassation s'est refusée à condamner les fabricants de vaccins anti hépatite B mis en cause par les victimes de poussées de sclérose en plaque (2) ou du syndrome de Guillain-Barré (3), dans la mesure où aucune preuve scientifique de la défectuosité de ces produits, ni même d'un lien de cause à effet certain, n'a pu être établie avec certitude.
La prise de position du Conseil d'Etat dans ce débat était particulièrement attendue, même si on sait que ce dernier retient généralement de la causalité une conception encore plus stricte que la Cour de cassation (4).
Dans un arrêt rendu le 9 mars 2007, le Conseil d'Etat admet, de manière inédite, l'imputabilité de poussées de scléroses en plaque à une vaccination anti hépatite B, après avoir relevé que "les rapports d'expertise, s'ils ne l'ont pas affirmé, n'ont pas exclu l'existence d'un tel lien de causalité, l'imputabilité au service de la sclérose en plaques dont souffre Mme A doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme établie, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de mars 1991 de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté de la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part, à la bonne santé de l'intéressée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie, antérieurement à sa vaccination" (CE 4° et 5° s-s-r., 9 mars 2007, n° 267635, Mme S. N° Lexbase : A5805DUK).
Loin de s'opposer à la jurisprudence de la Cour de cassation, cette décision est à rapprocher directement de la position adoptée par la Chambre sociale, puis par la deuxième chambre civile, admettant l'indemnisation, au titre des maladies professionnelles, de la sclérose en plaque dès lors que la victime avait été soumise à une vaccination anti hépatite B à titre professionnel (5). Dans cette hypothèse, en effet, l'existence d'une présomption d'imputabilité du dommage à l'activité professionnelle permet de transférer le risque de la preuve du lien de causalité des épaules du demandeur sur celles du défendeur, l'incertitude scientifique interdisant alors de renverser la présomption d'imputabilité et de prouver avec certitude l'absence de lien de cause à effet entre la vaccination et le dommage (6).
Il faut, par ailleurs, souligner ici qu'il ne s'agissait pas de condamner le fabricant du vaccin en raison de la défectuosité du produit, et donc d'établir cette défectuosité au regard des exigences de la Directive du 25 juillet 1985 (N° Lexbase : L9620AUT), mais simplement de rattacher, sur un plan strictement causal, un dommage à l'exercice de la profession ; l'enjeu du débat était, en effet, devant le juge administratif, d'obliger l'employeur public, en l'occurrence un hôpital public, à maintenir l'intégralité du traitement de l'infirmière malade en application de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 (loi n° 86-33, art. 41 N° Lexbase : L4535AHG) pendant son arrêt de travail. Le jeu de la présomption d'imputabilité du dommage à l'activité professionnelle suffisait donc à garantir le maintien de la rémunération, sans qu'il soit utile de statuer sur une éventuelle défectuosité du vaccin, tout comme cette même présomption avait permis à la victime, dans cette même affaire, d'obtenir réparation dans le cadre des dispositions de l'article L. 3111-9 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8298GTI) au titre des victimes de vaccinations obligatoires.
Pour les autres victimes, qui ne bénéficient pas d'une présomption légale d'imputabilité, l'absence de certitude sur le caractère défectueux du vaccin anti-hépatite devrait donc logiquement demeurer un obstacle à leur indemnisation auprès des laboratoires qui les fabriquent.
B - Fautes médicales
La question de la distinction qu'il a lieu d'opérer entre faute médicale et simple erreur est des plus délicates, et on avait cru déceler dans la jurisprudence de ces dernières années une certaine tendance à l'assimilation des deux afin de favoriser l'indemnisation des victimes. La Cour de cassation a même consacré, en 2000, une hypothèse de responsabilité sans faute prouvée du chirurgien qui lèse un organe étranger à l'opération menée, à moins qu'il n'établisse que cet organe présentait "une anomalie rendant son atteinte inévitable" (7).
Cette solution, parfois reprise par des juridictions d'appel (8), n'a toutefois pas été confirmée depuis au plus haut niveau et la Cour de cassation a rendu plusieurs décisions qui semblent aller en sens contraire dans des hypothèses comparables où la faute aurait pu être également présumée (9).
Deux arrêts inédits rendus le 3 avril 2007 montrent que la doctrine de la première chambre civile de la Cour de cassation ne semble toutefois pas véritablement arrêtée et que les juges du fond disposent en réalité d'une marge d'appréciation assez grande dès lors qu'ils motivent suffisamment leur décision.
Dans la première affaire (Cass. civ. 1, 3 avril 2007, n° 06-13.457, Mutuelle d'assurances du corps de santé français (MACSF), F-D N° Lexbase : A9123DUG), la Cour de cassation admet purement et simplement l'assimilation entre maladresse et faute. En l'espèce, un médecin avait perforé l'oesophage du patient à l'occasion d'un examen endoscopique. La cour d'appel l'avait condamné après avoir relevé que la faute pouvait être déduite du geste maladroit du médecin. Or, l'arrêt est confirmé par le rejet du pourvoi. Après avoir formellement indiqué que la cour d'appel était "dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis", la Cour de cassation considère comme "légalement justifiée" la solution consistant à "déduire que M. X... avait ainsi commis une faute, exclusive de la notion de risque inhérent à un aléa médical", simplement à partir du constat "que la perforation instrumentale était la conséquence d'un geste maladroit du praticien".
Dans la seconde affaire, en revanche, la Cour distingue très nettement faute médicale et simple erreur de diagnostic (Cass. civ. 1, 3 avril 2007, n° 05-10.515, F-D N° Lexbase : A8931DUC). La victime reprochait, ici, à un médecin une erreur de jugement. La cour d'appel avait considéré "qu'il ne pouvait être affirmé, contre les avis concordants des experts eux-mêmes, que l'erreur de jugement médical commise dans la sous-estimation de la gravité des faits soit constitutive d'un manquement dans l'obligation de soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science et qu'une erreur de diagnostic n'est pas constitutive d'une faute lorsque le médecin qui n'est tenu que d'une obligation de moyens a agi conformément aux données acquises de la science". Or, cet arrêt est confirmé par le rejet du pourvoi, la Cour de cassation affirmant à cette occasion "que la cour d'appel, ayant constaté que les experts avaient relevé que l'infection était masquée et fulminante et que son évolution n'avait pas permis de poser le bon diagnostic à temps, en a déduit, à bon droit, que les praticiens n'avaient pas commis de faute en ne posant pas le diagnostic exact".
Deux explications peuvent être ici fournies pour expliquer cette double solution.
La première tient, comme nous l'avons déjà indiqué, à la marge de manoeuvre laissée aux juges du fond, la Haute juridiction leur laissant une très large marge d'appréciation pour qualifier la faute médicale. La seconde pourrait bien marquer une plus grande sévérité pour les gestes chirurgicaux, et une plus grande tolérance pour les diagnostics médicaux, certainement en raison de la complexité de certaines pathologies.
- Précisions devant figurer sur les documents signés par les patients
L'inversion de la charge de la preuve du défaut d'information réalisée en 1997 par la Cour de cassation (10), en 2000 par le Conseil d'Etat (11) et en 2002 par le législateur (12), a logiquement incité les praticiens à se préconstituer la preuve écrite que le patient a bien été informé des risques auxquels il se trouve exposé. Il était donc prévisible que les litiges glissent de l'existence de la preuve de la délivrance de l'information à celui de la qualité de l'information donnée.
C'est tout l'intérêt d'un arrêt rendu le 7 septembre 2006 par la cour d'appel de Douai (CA Douai, 3ème ch., 7 septembre 2006, F. D. c/ P. N° Lexbase : A2278DWB). Dans cette affaire, une patiente qui avait subi une perforation du colon au cours d'une coloscopie, reprochait au gastro-entérologue ne pas l'avoir informée du risque de perforation intestinale. Le médecin se contentait de produire un document, signé du patient, dans lequel il était indiqué que ce dernier admettait avoir été informé et déclarait donner un consentement éclairé, sans toutefois mentionner expressément l'information sur le risque qui s'était effectivement réalisé, à savoir le risque de perforation intestinale. Ce document n'est pas jugé pertinent par la cour d'appel de Douai qui constate que le risque qui s'est précisément réalisé n'apparaissait pas formellement.
Le médecin échappe toutefois à la condamnation car la cour d'appel avait considéré que cette faute n'avait pas déterminé le patient à consentir puisqu'il aurait de toute façon accepté l'acte, même informé. Reprenant ainsi les enseignements dégagés par la Cour de cassation dans le second arrêt "Hédreul" (13), la cour de Douai a donc considéré que la faute commise n'avait pas causé de dommage au patient. Pour des raisons identiques, d'ailleurs, d'autres demandes présentées par des patients qui n'avaient pas été informés ont été rejetées dans d'autres affaires (14).
- Information et urgence
La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser, en 1998, quelles étaient les limites à l'obligation d'information qui pèse sur le médecin, singulièrement en cas d'urgence (15), avant que la loi du 4 mars 2002 ne vienne logiquement le confirmer (16).
Un arrêt rendu le 28 novembre 2006 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence nous en livre une illustration intéressante (CA Aix-en-Provence, 10ème ch., 28 novembre 2006, Bounoi c/ V. N° Lexbase : A2275DW8). Dans cette affaire, une patiente, envoyée à une clinique privée pour la suture d'un tendon, avait été vue en consultation pré-anesthésique en urgence et programmée pour une intervention chirurgicale le même jour. A son réveil, la patiente présentait un pneumothorax partiel droit, devenu complet le lendemain matin. Elle avait alors assigné l'anesthésiste et la clinique en réparation de son préjudice, notamment sur le fondement d'un manquement du médecin à son obligation d'information. La cour d'appel d'Aix-en-Provence l'a déboutée de ses demandes après avoir relevé que l'opération avait été pratiquée en urgence, ce qui ôtait au défaut d'information sur le risque de pneumothorax son caractère fautif.
- Evaluation du préjudice
Jusqu'à une période récente, deux cas de figure se dégageaient dans la jurisprudence de la Cour de cassation lorsqu'il convenait de déterminer l'étendue de la réparation due au patient privé de l'information à laquelle il avait droit avant l'opération, dès lors que cette faute l'avait bien entendu déterminé dans ses choix (17) : soit il apparaissait certain que, sans cette faute, le patient aurait choisi une autre voie, et la réparation du préjudice final devait être intégrale (18), soit la faute lui avait simplement fait perdre une chance de faire un choix plus judicieux et la réparation de cette perte de chance ne pouvait être que partielle.
Depuis 2004, la première chambre civile de la Cour de cassation impose l'indemnisation d'une simple perte de chance, et, à ce titre, la réparation d'une simple fraction du préjudice final (19).
C'est ce que confirme un arrêt inédit en date du 13 février 2007, aux termes duquel "la violation d'une obligation d'information ne peut être sanctionnée qu'au titre de la perte de chance subie par le patient d'échapper, par une décision peut-être plus judicieuse, au risque qui s'est finalement réalisé et que le dommage correspond alors à une fraction des différents chefs de préjudice subis qui est déterminée en mesurant la chance perdue et ne peut être égale aux atteintes corporelles résultant de l'acte médical" (Cass. civ. 1, 13 février 2007, n° 06-12.372, F-D N° Lexbase : A2249DUT).
C - Lien de causalité
Nous avons déjà eu l'occasion de souligner l'importance de la preuve du lien de causalité entre le dommage dont souffre la victime et l'acte médical en cause, singulièrement dans les affaires où des fortes incertitudes scientifiques règnent. Dans les autres hypothèses, la Cour de cassation confirme que la charge et le risque de la preuve du lien de causalité unissant le fait du praticien au dommage pèsent bien sur les épaules de la victime, soit pour casser les arrêts ayant retenu une causalité incertaine (Cass. civ. 1, 5 décembre 2006, n° 04-16.515, F-D N° Lexbase : A8255DSK : "en statuant ainsi, sans caractériser le lien de causalité entre la perforation sclérale ayant entraîné la perte de l'oeil et une faute retenue à l'encontre du praticien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé"), soit pour rejeter les pourvois dirigés contre les arrêts ayant, au contraire, fait application de cette exigence (Cass. civ. 1, 30 janvier 2007, n° 05-18.754, F-D N° Lexbase : A7831DT9 : "Attendu que la cour d'appel n'a pas dénaturé le rapport d'expertise et n'a pu que déduire de l'ensemble des constatations de l'expert que même fautive, l'absence, le 7 avril 1973, de prescription de gamma-globulines, dès lors que celle-ci aurait été trop tardive et dès lors inefficace, n'avait pas fait perdre de chance à Cyril X... ; que le moyen n'est donc pas fondé" ; Cass. civ. 1, 13 février 2007, n° 06-11.879, F-D N° Lexbase : A2244DUN : "en l'absence de preuve d'un lien de causalité entre les séquelles invoquées et l'intervention, la cour d'appel n'avait pas à se prononcer sur le devoir d'information du praticien et l'étendue de ces séquelles ; que le moyen n'est donc pas fondé" ; Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 05-19.020, FS-P+B N° Lexbase : A6869DUX : "Attendu que la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que les souffrances physiques éprouvées par la victime étaient liées à sa maladie et aux traitements nécessaires et que si ces derniers avaient été entrepris quelques semaines plus tôt, en l'absence de retard de diagnostic, elles n'auraient pas été moindres ; que le moyen n'est donc pas fondé" ; Cass. civ. 1, 3 avril 2007, n° 05-10.515, F-D N° Lexbase : A8931DUC : "Mais attendu que [...] la cour d'appel, ayant constaté que les experts avaient relevé que l'infection était masquée et fulminante et que son évolution n'avait pas permis de poser le bon diagnostic à temps, en a déduit, à bon droit, que les praticiens n'avaient pas commis de faute en ne posant pas le diagnostic exact, ainsi qu'en l'absence constatée de lien de causalité certain entre le défaut de transfert d'Isabelle X... dans une unité de réanimation et son décès").
D - Régime de la créance de réparation
Tranchant une controverse doctrinale très vive et mettant fin à une divergence de jurisprudence entre la deuxième chambre civile et la Chambre criminelle de la Cour de cassation, un arrêt de Chambre mixte en date du 30 avril 1976 a admis la transmissibilité aux héritiers de la victime de la créance de réparation du préjudice personnel, et ce même en l'absence d'action engagée de son vivant contre le responsable (20).
C'est cette conception patrimoniale de la créance de réparation, quel que soit son objet, qui a été réaffirmée dans un arrêt publié rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 13 mars 2007 (Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 05-19.020, FS-P+B N° Lexbase : A6869DUX). Au double visa des "articles 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) et 731 (N° Lexbase : L3338ABA) du Code civil", la Cour affirme, en effet, "qu'il résulte du premier de ces textes que toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir l'indemnisation de celui qui l'a causé et, selon le second, que le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance morale éprouvée par la victime avant son décès, en raison d'une perte de chance de survie, étant né dans son patrimoine, se transmet à son décès à ses héritiers".
II - Régime légal
A - Difficultés de l'application dans le temps de la loi du 4 mars 2002
L'article 101 de loi "Kouchner" du 4 mars 2002 a limité l'application dans le temps du nouveau régime légal d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux aux actes réalisés à compter du 5 septembre 2001. Certaines dispositions de la loi ont toutefois été déclarées applicables aux instances en cours, dès lors qu'aucune décision définitive n'est intervenue ; il s'agit de l'article 1er, consacré aux enfants nés avec un handicap, et de l'article 102 consacré aux victimes de contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C.
L'article 1er de la loi du 4 mars 2002, destiné à briser les jurisprudences "Perruche" (21) et "Quarez" (22), devait s'appliquer de manière immédiate, jusqu'à ce que la Cour européenne des droits de l'Homme (23), et dans son sillage la Cour de cassation (24) et le Conseil d'Etat (25), n'écartent ce principe de l'application immédiate en raison de sa contrariété avec l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention protégeant le droit de propriété. Pour les enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, il convient donc de continuer de faire application des solutions dégagées par la jurisprudence.
C'est bien ce que confirme la cour d'appel de Rennes dans un arrêt du 29 novembre 2006 qui conclut à la mise en cause de la responsabilité du radiologue qui, après une IRM obstétricale non contributive au diagnostic, n'a pas jugé bon d'effectuer une échographie morphologique de contrôle et a rassuré son confrère obstétricien sans l'inviter à effectuer une autre échographie lui-même, cette faute ayant fait perdre à la mère une chance d'effectuer une interruption thérapeutique de grossesse, la suspicion d'une holoprosencéphalie chez un jumeau dont le frère souffrait d'une anencéphalie étant une indication incontestable à la réalisation d'une interruption de grossesse, avant de fixer la perte de chance à 50 % (CA Rennes, 7ème ch., 29 novembre 2006, L. c/ D. N° Lexbase : A2280DWD).
L'article 102 de la loi du 4 mars 2002 dispose qu'"en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur [...] Cette disposition [étant] applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable".
Si la victime dispose donc, désormais, d'un régime probatoire très favorable, encore faut-il qu'elle établisse être infectée par le virus de l'hépatite C, à défaut de quoi elle ne pourra bien entendu pas être indemnisée, faute de préjudice. C'est cette exigence de bon sens que rappelle un arrêt inédit rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 25 janvier 2007 (Cass. civ. 2, 25 janvier 2007, n° 06-16.000, FS-D N° Lexbase : A6969DTB : "c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis aux débats que la cour d'appel a décidé, sans se contredire, que Mme X... n'établissait pas qu'elle était porteuse du virus de l'hépatite C").
Une fois établis les éléments déclenchant le bénéfice de la présomption de contamination, la victime devra être indemnisée, à moins que l'établissement ne prouve que tous les produits transfusés étaient sains. En cas de doute, la victime devra être indemnisée, comme le rappelle très fermement la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt publié en date du 3 avril 2007 (Cass. civ. 1, 3 avril 2007, n° 06-18.647, F-P+B N° Lexbase : A9158DUQ) et comme le montre un arrêt rendu par la cour d'appel de Rouen en date du 17 janvier 2007 (CA Rouen, 1ère ch., cab . 1, 17 janvier 2007, M. M. c/ EFS N° Lexbase : A2281DWE). Dans cette affaire, en effet, l'expert, après avoir écarté toute possibilité d'une contamination par un autre biais, n'avait pu établir la provenance de certains des culots sanguins administrés à la victime.
B - Victimes d'infections nosocomiales
La Cour de cassation a retenu une conception large de l'infection nosocomiale et refusé de distinguer selon que l'infection présente une origine endogène ou exogène, dès lors que le caractère pathogène du germe en cause résulte directement d'un acte invasif (26).
Or, le Conseil d'Etat, dans un arrêt en date du 25 octobre 2006, a refusé de considérer comme relevant de ce régime les infections d'origine endogène (CE, 4° et 5° s-s-r., 25 octobre 2006, n° 275700, CHU de Brest N° Lexbase : A4812DSZ ; dans le même sens, CAA Nancy, 25 janvier 2007, n° 06NC00684, Mlle Nathalie L. N° Lexbase : A9867DTM).
Alors que la jurisprudence avait, en 1999, retenu à la charge des médecins et établissements l'existence d'une obligation de sécurité de résultat, dispensant la victime de la preuve d'une faute (27), la loi du 4 mars 2002 a, au contraire, limité le régime de la responsabilité de plein droit aux seuls établissements, imposant désormais la preuve d'une faute dans les actions dirigées contre les praticiens exerçant à titre libéral (28) ; en l'absence de faute, les victimes ayant atteint le seuil de gravité fixé par l'article D. 1142-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4457DKB) pourront être indemnisées par l'Oniam.
C'est cette régression dans les droits des petites victimes d'infections contractées auprès de professionnels libéraux qu'illustre un arrêt rendu par la cour d'appel de Caen le 30 janvier 2007 (CA Caen, 1ère ch., sect. civ., 30 janv. 2007, B. c/ O. N° Lexbase : A2277DWA). Dans cette affaire, le patient avait subi une arthrographie du genou et une infection à streptococus oralis était apparue le lendemain. Faisant logiquement application au médecin libéral des dispositions de l'article L. 1142-1, I du Code de la santé publique, la cour d'appel de Caen déboute la victime dans la mesure où le professionnel avait pris les précautions d'asepsie nécessaires.
Christophe Radé
Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Directeur de l'Institut des Assurances de Bordeaux
(1) Sur cette question, voir toutefois les difficultés d'application évoquées infra.
(2) Cass. civ. 1, 23 septembre 2003, n° 01-13.063 (N° Lexbase : A5811C94), Resp. civ. et assur. 2003, chron. 28, note Ch. Radé ; D. 2004, jurispr. p. 898, note Y.-M. Sérinet et R. Mislawski ; JCP éd. G, 2003, II, 10179, note coll. ; Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 06-10.063 (N° Lexbase : A4172DU3), Resp. civ. et assur. 2007, mai.
(3) Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, n° 03-19.534 (N° Lexbase : A6043DMR), Resp. civ. et assur. 2006, comm. 91, et les obs..
(4) Rappelons que le Conseil d'Etat avait, en effet, refusé d'admettre l'existence d'un lien de causalité entre l'erreur de diagnostic de l'hôpital ayant empêché les parents de recourir à une IVG et la naissance de leur enfant handicapé, dans l'arrêt "Quarez" (CE, sect., 14 février 1997, n° 133238, CHR de Nice c/ Epoux Quarez N° Lexbase : A8308AD3, Rec. p. 44), alors que la Cour de cassation avait admis ce lien dans l'arrêt "Perruche" (Ass. plén., 17 novembre 2000, n° 99-13.701, M. X, ès qualités d'administrateur légal des biens de son fils mineur Nicolas et autre c/ Mutuelle d'assurance du corps sanitaire français et autres N° Lexbase : A1704ATB, Bull. ass. plén., n° 9).
(5) Pour un accident du travail : Cass. soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768 (N° Lexbase : A6375A7A), D. 2003, p. 1724, note H. Kobina Gaba ; Cass. civ. 2, 25 mai 2004, n° 02-30.981 (N° Lexbase : A2759DC8), Bull. civ. II, n° 237.
(6) En ce sens, notre étude Les présomptions d'imputabilité en droit de la responsabilité civile, Mélanges Ph. Le Tourneau, à paraître.
(7) Cass. civ. 1, 23 mai 2000, n° 98-20.440 (N° Lexbase : A1673AIS), Resp. civ. et assur. 2000, comm. 272. Cass. civ. 1, 23 mai 2000, n° 98-19.869 (N° Lexbase : A7489AHT), Resp. civ. et assur. 2000, comm. 270 ; Gaz. Pal. 2000, n° 354 p. 42, note J.-L. Virfolet. Cass. civ. 1, 18 juillet 2000, n° 98-22.032 (N° Lexbase : A7456AHM), Resp. civ. et assur. 2000, comm. 370.
(8) CA Paris, 1ère ch., sect. B, 1er décembre 2006, E. c/ G. (N° Lexbase : A2279DWC, perforation de l'intestin du patient en pratiquant une coloscopie).
(9) Cass. civ. 1, 9 mai 2001, n° 00-10.357 (N° Lexbase : A4095ATT) ; Cass. civ. 1, 13 novembre 2002, n° 01-00.377 (N° Lexbase : A7151A3A), CCConsomm. 2003, comm. 52, obs. L. Leveneur, JCP éd. G, 2003, I, 152, p. 1356, obs. G. Viney.
(10) Cass. civ. 1, 25 février 1997, n° 94-19.685 (N° Lexbase : A0061ACA), Gaz. pal. 27-29 avril 1997, p. 22, rapp. P. Sargos, note J. Guigue.
(11) CE, 5 janvier 2000, n° 181899, Consorts Telle (N° Lexbase : A3400B73) et n° 198530, AP-HP (N° Lexbase : A9408AGK), JCP éd. G, 2000, II, 10271, note J. Moreau ; Resp. civ. et assur. 2000, chron. 17, Ch. Radé.
(12) Loi "Kouchner" du 4 mars 2002 ; C. santé publ., art. L. 1111-2, al. 7 (N° Lexbase : L9874G89).
(13) Cass. civ. 1, 20 juin 2000, n° 98-23.046, M. X c/ M. Y et autres (N° Lexbase : A3773AUB), D. 1999, p. 46, note H. Matsopoulou.
(14) CA Aix-en-Provence, 28 novembre 2006 (N° Lexbase : A2276DW9).
(15) Cass. civ. 1, 7 octobre 1998, n° 97-10.267 (N° Lexbase : A6405AGC), JCP éd. G, 1998, II, 10179, concl. J. Sainte-Rose, note P. Sargos ; D. 1999, jur. p. 145, note S. Porchy.
(16) C. santé publ., art. L. 1111-2, al. 2.
(17) Cass. civ. 1, 20 juin 2000, précité.
(18) Ainsi dans l'affaire "Perruche", précitée.
(19) Cass. civ. 1, 7 décembre 2004, n° 02-10.957 (N° Lexbase : A3421DEG), Resp. civ. et assur. 2004, comm. 60.
(20) Cass. mixte, 30 avril 1976, 2 arrêts, n° 73-93.014 (N° Lexbase : A5436CKK) et n° 74-90.280 (N° Lexbase : A5437CKL), D. 1977, p. 185, note M. Contamine-Raynaud. Dans le même sens : Cass. crim., 28 juin 2000, n° 99-85.660 (N° Lexbase : A3283AU7), Bull. crim., n° 248.
(21) Cf. supra.
(22) Cf. supra.
(23) CEDH, gr. chbre, 6 octobre 2005, deux arrêts, Req. 11810/03, Maurice c/ France (N° Lexbase : A6794DKT) et Req. 1513/03, Draon c/ France (N° Lexbase : A6795DKU), Resp. civ. et assur. 2005, comm. 327, et les obs..
(24) Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, trois arrêts, n° 02-13.775 (N° Lexbase : A5688DMM), n° 01-16.684 (N° Lexbase : A5686DMK) et n° 02-12.260 (N° Lexbase : A5687DML), Resp. civ. et assur. 2006, comm. 94, et les obs. Sur renvoi, CA Paris, 1ère ch., sect. B, 22 décembre 2006, n° 06/04079, A. c/ F. (N° Lexbase : A0514DUL) qui condamne le gynécologue-obstétricien qui n'a pas détecté les malformations du foetus lors des échographies, à réparer le préjudice subi par l'enfant atteint de graves malformations de la colonne vertébrale.
(25) CE, contentieux, 24 février 2006, n° 250704, Levenez N° Lexbase : A3958DNW), Resp. civ. et assur. 2006, comm. 127, et les obs..
(26) Cass. civ. 1, 4 avril 2006, n° 04-17.491 (N° Lexbase : A9651DNR), Bull. civ. I, n° 191 ; RTD civ. 2006, p. 567, obs. P. Jourdain : "Attendu, d'abord, que la responsabilité de plein droit pesant sur le médecin et l'établissement de santé en matière d'infection nosocomiale n'est pas limitée aux infections d'origine exogène"..
(27) Cass. civ. 1, 29 juin 1999, trois arrêts, n° 97-21.903, M. X c/ M. Y (N° Lexbase : A7452AHH), n° 97-15.818, M. X c/ M. Y et autres (N° Lexbase : A6644AHK) et n° 97-14.254, Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis c/ M. Henry et autres (N° Lexbase : A6656AHY), JCP éd. G, 1999, II, 10138, rapp. P. Sargos. Pour des applications récentes : CA Paris, 1ère ch., sect. B, 8 décembre 2006, n° 02/05256 (N° Lexbase : A8813DS9).
(28) C. santé publ., art. L. 1142-1.
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Réf. : Cass. civ. 3, 25 avril 2007, n° 03-16.362, M. Gérard Dahan, FS-P+B (N° Lexbase : A0161DWU)
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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris
Le 07 Octobre 2010
Au soutien de son pourvoi, M. D. faisait valoir l'inopposabilité de la cession de parts sociales au tiers créancier. Il rappelait, notamment, que les formalités de l'article 1690 du Code civil n'avaient pas été respectées, pas plus que celles de l'article 52 du décret du 3 juillet 1978 (N° Lexbase : L1814A4X). Il en concluait donc que le créancier social ne pouvait le rechercher après avoir vainement mis en demeure la société de payer.
Rappelons, en effet, qu'il résulte des textes précités que la cession de parts sociales n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement des formalités rendant la cession opposable à la société (c'est-à-dire soit par signification par un huissier, soit par l'acceptation de la société dans un acte authentique ou, si les statuts le prévoient, un transfert sur les registres de la société) et après publication. La publicité de la cession de parts est accomplie par dépôt, en annexe au registre du commerce et des sociétés, de deux copies authentiques de l'acte de cession, s'il est notarié, ou de deux originaux, s'il est sous seing privé.
La Cour de cassation a fait une interprétation stricte de ces règles légales, jugeant, notamment, que viole l'article 1690 du Code civil, la cour d'appel qui retient que le représentant légal de la société et associé a participé à l'acte de cession comme une partie qui s'oblige par la formule usuelle "lu et approuvé", manifestant ainsi la volonté de la société et de la communauté des associés d'accepter la cession et en déduit, qu'en dépit de l'omission des formalités prescrites, l'acte de cession est opposable à la société au regard des statuts et de l'article 1690 du Code civil (Cass. civ. 3, 11 octobre 2000, n° 99-10.108, Société civile immobilière France-Corse c/ Consorts Tomasi N° Lexbase : A7793AH4, Bull. civ. III, n° 162).
De même a-t-elle énoncé qu'un associé, tiers à la cession de parts sociales, ne peut invoquer son existence que si cette cession a été notifiée à la société ou acceptée par celle-ci conformément aux statuts et a fait l'objet d'une publicité légale (Cass. civ. 1, 24 mars 1998, n° 95-17.801, M. Philippe Catier et autre c/ M. Pierre Le Beguec et autres, inédit N° Lexbase : A5486CZ9).
En matière d'opposabilité de la cession aux tiers, il avait été jugé que l'acte de cession de parts sociales d'une SCI qui n'avait pas été déposé en annexe au registre du commerce et des sociétés était inopposable au créancier nanti (CA Paris, 13 mars 1997, Dr. Sociétés 1997, n° 100).
Dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation fait une lecture plus souple du formalisme légal requis pour l'opposabilité de la cession de parts sociales aux tiers. Elle retient que les statuts modifiés font état de la qualité d'associé du cessionnaire. Elle précise que ces statuts modifiés avaient fait l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal de grande instance, l'extrait K bis de la société mentionnant le nom du nouvel associé depuis cette date. Bien plus, la Cour de cassation rappelle que le nouvel associé avait été désigné en qualité de gérant de la société civile.
En conséquence, elle approuve les juges du fond qui avaient retenu que le créancier social pouvait se prévaloir de l'article 1857 du Code civil (N° Lexbase : L2054ABP) et donc agir contre le cessionnaire des parts sociales.
Cette solution, qui va dans le sens d'un assouplissement des formalités requises pour l'opposabilité des cessions de parts sociales (notamment aux tiers), nous paraît fondée, notamment, eu égard à la qualité de gérant de l'associé cessionnaire des parts sociales. En effet, l'article 1849 du Code civil (N° Lexbase : L2046ABE) prévoit spécifiquement que, dans ses rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social. Dès lors qu'il disposait du pouvoir d'engager la société vis-à-vis des tiers, Monsieur D., cessionnaire des parts sociales, ne pouvait valablement se retrancher derrière une absence de signification et de publication de la cession de ses parts sociales pour prétendre que les tiers créanciers ne pouvaient agir directement contre lui en cas de défaillance de la société.
Un tel argumentaire encourait la sanction des tribunaux.
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par Compte-rendu réalisé par Aurélie Serrano, SGR - Droit social
Le 07 Octobre 2010
1. Point sur le recours au télétravail en France
Le droit du télétravail est un droit issu d'accords collectifs. Il n'a pas de fondements légaux et s'est développé, en France, de manière largement informelle, depuis les années 1980. Il faudra attendre le 19 juillet 2005 pour qu'un accord des partenaires sociaux soit conclu sur ce thème. Cet accord a été étendu par arrêté du ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement en date du 30 mai 2006 (N° Lexbase : L9489HIB), modifié par arrêté du 15 juin 2006 (N° Lexbase : L0869HKE). Rappelons que ce texte est la transposition d'un accord-cadre européen conclu le 16 juillet 2002.
L'Ani (préc.) définit le télétravail "comme une forme d'organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l'information dans le cadre d'un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l'employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière".
L'accord rappelle que le principe d'égalité de traitement entre les télétravailleurs et les autres catégories de travailleurs doit être strictement respecté. Ainsi, les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans l'entreprise. Ce texte impose aussi à l'employeur le respect d'un certain nombre d'obligations : celui-ci doit veiller au respect de la vie privée du salarié, lui fournir l'équipement de travail, l'informer de la politique de l'entreprise en matière de santé et sécurité au travail...
Ainsi que le souligne Nicole Turbé Suetens, cette définition du télétravail permet d'englober différentes formes de télétravail régulier répondant à un large éventail de situations et de pratiques sujettes à des évolutions rapides. Elle inclut les salariés "nomades", mais le fait de travailler à l'extérieur des locaux de l'entreprise ne suffit pas à conférer à un salarié la qualité de télétravailleur. Le caractère régulier exigé par la définition n'implique pas que le travail doit être réalisé en totalité hors de l'entreprise, et n'exclut donc pas les formes alternant travail dans l'entreprise et travail hors de l'entreprise.
Selon une étude de la Dares intitulée "le télétravail en France", 7 % des salariés étaient, en 2004, en France, en situation de télétravail (5 % de télétravailleurs nomades et 2 % de télétravailleurs au domicile). Ce chiffre est à comparer avec la moyenne européenne qui se chiffrait à 13 % de la population active, chiffre lui-même inférieur à la moyenne américaine qui s'élevait à 25 % à la date de l'enquête.
La Dares relève, également, dans ce rapport, que les "télétravailleurs" sont très qualifiés (la moitié d'entre eux sont des cadres, un tiers d'entre eux exercent une profession intermédiaire). En outre, et contrairement aux idées reçues, les hommes ont adopté cette nouvelle pratique de travail plus fréquemment que les femmes. Les principaux secteurs d'activité utilisateurs du télétravail sont les services aux entreprises, les banques et les assurances. Enfin, les télétravailleurs semblent bien insérés dans leur entreprise et l'organisation de leur temps de travail, plus souple que pour les autres salariés, peut empiéter sur la nuit, les samedis et les dimanches, selon le choix des individus.
Un rapport parlementaire intitulé "Du télétravail au travail mobile : un enjeu de modernisation de l'économie française", présenté le 10 novembre 2006 au Premier ministre par Pierre Morel-A-Lhuissier, député de la Lozère, rappelle l'enjeu du télétravail dans la modernisation de l'économie française. Ce travail parlementaire s'inspire, notamment, de la Recommandation du Forum des droits sur l'internet sur le télétravail (sur cette recommandation, lire Christophe Radé, Publication de la recommandation du Forum des droits sur l'Internet concernant le télétravail, Lexbase Hebdo n° 147 du 15 décembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3934ABC).
Selon ce rapport, les principaux obstacles au développement du télétravail en France ne viennent pas d'un retard d'équipement ou d'infrastructures, ni d'une absence de volonté des salariés ou d'un faible besoin des entreprises. Ils tiennent davantage à la nature conflictuelle de la relation entre les employeurs et les salariés qui bride le développement de cette forme d'organisation du travail. En outre, plus structurée, plus encadrée, moins flexible que dans d'autres pays, l'organisation du travail en France ne permettrait pas aux personnes de juger objectivement des avantages et des inconvénients de l'apport des nouvelles technologies par le biais du télétravail. Dans les pays nordiques où la culture du consensus et de la négociation est beaucoup plus développée, ces freins n'existent pas. Ainsi, au Danemark, un accord national a été mis en place, avant l'accord européen, pour permettre à tous les salariés en télétravail de bénéficier d'un statut protecteur général. En France, le terrain et les usages ne sont pas à un niveau suffisant pour envisager la mise en place d'un télétravail massif.
Compte tenu de ces observations, l'auteur du rapport émet plusieurs recommandations pour développer le télétravail en France, autour de deux idées centrales : faire sortir le télétravail de la "clandestinité" au sein de laquelle il est cantonné, dans les entreprises comme dans les administrations ; mettre en oeuvre tous les dispositifs permettant aux entreprises comme aux salariés ou fonctionnaires qui veulent en bénéficier d'y accéder.
- L'exemple d'Air France
Un premier accord, conclu pour la période 2002/2005, avait pour objectif l'amélioration de la rentabilité et la maîtrise des coûts de l'entreprise. Un nouvel accord triennal de gestion prévisionnelle de l'emploi a été conclu pour les années 2006 à 2009. Le télétravail est repris dans cet accord et figure parmi l'une des solutions de prise en charge de l'accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique. L'expérience d'Air France a montré que le télétravail constitue, pour cette entreprise, un mode d'organisation plutôt d'exception, relativement difficile à gérer. Néanmoins, il permet de répondre à la demande de salariés et de résoudre des difficultés individuelles en évitant, notamment, de se séparer de collaborateurs (exemples de fermeture de site sans possibilité de reclassement proche ou de collaborateur devant déménager pour suivre son conjoint) par des formules ponctuelles adaptées et d'accueillir des personnels handicapés. Il semble, selon les éléments communiqués, que le télétravail "partiel", qui facilite l'encadrement, constitue une voie de développement plus prometteuse.
- L'exemple d'IBM
Cette entreprise a pris l'initiative d'aborder la question du télétravail dès les années 1990. Il n'était pas question alors, à proprement parler, de télétravail et, encore moins, de travail à domicile. Il s'agissait plutôt de mettre en place, par un programme mobilité, les conditions favorables et les moyens indispensables qui permettent de travailler de "n'importe où et n'importe quand".
Depuis 2004, IBM a mis en place le concept de "Dynamic Workplace" pour l'ensemble de ses collaborateurs : l'objectif est de "donner à tout employé d'IBM la possibilité d'accéder à l'information et de travailler de partout et à tout moment s'il le désire". En 2004, 30 % de la population d'IBM était mobile (plus de bureau attitré) et équipée ; elle devait être portée à 50 % en 2005 et à 75 % avant la fin de 2006.
Chez IBM, le développement de la mobilité visait plusieurs objectifs :
- l'augmentation de la productivité ;
- l'amélioration du service aux clients (réactivité, efficacité) ;
- l'amélioration de l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle afin de retenir et d'attirer les meilleurs éléments ;
- l'amélioration de la flexibilité des horaires pour les employés ;
- la réduction du coût des immeubles.
En pratique, la mise en place du télétravail chez IBM a abouti à la quasi-suppression de l'absentéisme et à une amélioration de la productivité du travail.
- L'exemple de Tokheim Services France SAS
Le recours au télétravail est encadré par un accord signé le 7 juillet 2005, dont le préambule souligne que le personnel français a vu son travail évoluer "vers plus de nomadisme en terme de communication et de lieux où s'effectue réellement le travail". Cet accord met en place une organisation "volontaire" du télétravail, qui peut faire partie de la description du poste dès l'embauche ou être l'objet d'un avenant qui modifie le contrat de travail initial. Le passage au télétravail est précédé d'"une période probatoire de trois mois renouvelable une fois" (avec possibilité de formation spécifique). En outre, le télétravailleur conserve la possibilité de demander à revenir, à tout moment, dans les locaux de l'entreprise. Le responsable hiérarchique assure, pour éviter l'isolement, un contact régulier et transmet des informations sur l'entreprise. Il contrôle l'activité du salarié et réalise son évaluation annuelle. L'employeur s'engage à respecter la vie privée du télétravailleur, celui-ci garantissant la confidentialité des informations reçues. L'entreprise fournit un ordinateur portable équipé, une connexion internet et un accès à l'intranet, du mobilier de bureau et assure, le cas échéant, le dépannage informatique. Le matériel demeure la propriété de Tokheim ; l'utilisation de ses équipements, pour lesquels le salarié doit s'assurer contre le vol, est réservée à l'activité professionnelle.
Les signataires utilisent une possibilité, qui est ouverte par la loi du 4 mai 2004 réformant les règles de la négociation collective (loi n° 2004-391, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8) pour déroger, par accord d'entreprise, à la disposition relative au repos quotidien minimal de 11 heures entre deux journées de travail (C. trav., art. L. 220-1 N° Lexbase : L4622DZ9).
Au sein de l'entreprise Tokheim, le télétravail peut être proposé par l'employeur, dans le cadre de mesures visant à éviter des suppressions d'emplois. Une compensation financière est alors due au salarié concerné.
- L'exemple de Renault
Par un accord d'entreprise signé entre la direction et les organisations syndicales le 22 janvier 2007, Renault offre la possibilité à ses salariés de travailler à leur domicile de 2 à 4 jours par semaine. Cet accord s'inscrit dans le cadre des évolutions technologiques récentes qui permettent d'envisager de nouveaux modes d'organisation du travail et d'offrir aux salariés qui le souhaiteraient la possibilité de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. En limitant les déplacements de ses employés, Renault témoigne également de son action pour le développement durable.
L'accord sur le télétravail à domicile s'adresse aux employés, techniciens, ingénieurs et cadres. Il se met en place sur la base du volontariat et sous condition de l'accord de la hiérarchie, avec une présence minimum d'un jour dans l'entreprise. Il est, ensuite, réversible à tout moment, sous condition de respecter un délai de prévenance d'un mois. L'accord précise que le salarié conserve les droits individuels et collectifs en vigueur dans l'entreprise et que l'équipement nécessaire à l'activité du salarié à domicile est pris en charge par l'entreprise.
2. Retour sur quelques problématiques liées au télétravail
Le télétravail pose des difficultés majeures quant au décompte et au contrôle du temps de travail.
L'arrêté d'extension de l'accord du 19 juillet 2005 précise que le recours au télétravail n'exonère pas l'employeur d'appliquer l'article L. 212-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5837AC8), qui dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. L'arrêté précise qu'il appartient à l'employeur de veiller au respect de la réglementation sur le temps de travail, notamment, en s'assurant de la fiabilité du système de décompte des heures supplémentaires, même si le salarié gère librement ses horaires de travail.
En pratique, le décompte des heures effectivement travaillées semble difficile. Pour se conformer à cette disposition, le moyen consistant à soumettre le télétravail à l'horaire collectif de travail, ou à contractualiser ses horaires peut paraître le plus simple. Le télétravailleur peut, également, déclarer sa durée de travail qui sera contrôlée par son employeur, notamment en cas de réalisation d'heures supplémentaires.
Jean-Emmanuel Ray précise qu'en tout état de cause, le télétravailleur ne pourra réclamer le paiement d'heures supplémentaires que si ces dernières ont été commandées par l'employeur. Ainsi que le souligne le Professeur, se pose, également, en matière de télétravail, le problème du contrôle du temps de repos quotidien qui doit être d'une durée minimale de 11 heures consécutives. En pratique, le respect des règles relatives à la durée du travail est difficile à contrôler. La durée de connexion peut constituer un indice mais, en tout état de cause, c'est la relation de confiance réciproque qui préside.
Le télétravail ne concerne pas les indépendants. Selon Jean-Emmanuel Ray, cette précision est importante. En effet, les employeurs ne peuvent profiter du télétravail pour donner à leurs salariés le statut de travailleur indépendant et se décharger, ainsi, des obligations liées au droit du travail. Rappelons que le principe qui régit, aux yeux des juges, la qualification de la relation de travail est le principe de réalité. Seule compte donc l'existence d'un lien de subordination, peu important la qualification donnée par les parties à leur relation de travail.
Dès lors qu'elle est régulière et nécessite l'utilisation des technologies de l'information, l'exécution du travail à domicile est soumise aux dispositions de l'accord interprofessionnel étendu, selon lesquelles "le télétravail revêt un caractère volontaire pour le salarié et l'employeur concernés".
Cette solution avait été affirmée, avant même l'adoption de l'accord interprofessionnel du 19 juillet 2005 (préc.), dans l'arrêt "Abram" du 2 octobre 2001 (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.727, M. Victor Abram c/ Société Zurich assurances, publié N° Lexbase : A6254AGQ) : "le salarié n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail [...]. L'ordre donné à M. Abram, après la suppression du bureau dont il disposait à la délégation régionale de Marseille, d'installer à son domicile personnel un téléphone professionnel et des dossiers constitue une modification unilatérale de son contrat autorisant le salarié à prendre acte d'une rupture du contrat s'analysant en un licenciement".
La Cour de cassation s'était placée sur le terrain du respect de l'intimité de la vie privée. L'acceptation du télétravail par le salarié est donc toujours nécessaire. La signature d'un avenant au contrat de travail au moment du passage en télétravail permet de formaliser cette acceptation.
L'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 31 mai 2006 (Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-43.592, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7230DPH ; sur ce sujet, lire Christophe Radé, L'organisation contractuelle du travail ne peut être modifiée sans l'accord du salarié, Lexbase Hebdo n° 219 du 15 juin 2006 - édition sociale N° Lexbase : N9530AK8) a décidé que "lorsque les parties sont convenues d'une exécution de tout ou partie de le prestation de travail par le salarié à son domicile, l'employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l'accord du salarié". La Cour de cassation a confirmé sa position dans un arrêt du 31 octobre 2006 (Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 05-41.836, F-D N° Lexbase : A2102DSN) dans lequel elle énonce que "la nouvelle proposition de mutation par laquelle l'employeur entendait mettre un terme à la situation de télétravail qui avait fait l'objet d'un accord entre les parties constituait une modification du contrat de travail que le salarié était en droit de refuser".
L'article 3 de l'Ani du 19 juillet 2005 prévoit que "si le télétravail ne fait pas partie des conditions d'embauche, l'employeur et le salarié peuvent, à l'initiative de l'un ou l'autre, convenir par accord d'y mettre fin et organiser le retour du salarié dans les locaux de l'entreprise. Les modalités de cette réversibilité sont établies par accord individuel et/ou collectif".
La clause de réversibilité est celle par laquelle les parties envisagent la possibilité de mettre fin à l'exécution du télétravail au domicile, sur la demande de l'une d'elles, après un délai de prévenance raisonnable se traduisant par la poursuite du contrat de travail, selon les mêmes conditions, dans les locaux de l'employeur.
La fixation du lieu de travail au domicile a pour conséquence de restreindre l'exercice des pouvoirs de l'employeur.
- Le contrôle de l'employeur au domicile du salarié
L'employeur ne peut jamais pénétrer au domicile du salarié afin d'y contrôler son activité sans avoir, au préalable, recueilli l'accord de ce dernier sous peine de sanctions civiles (C. civ., art. 9 N° Lexbase : L3304ABY) et pénales (C. pén., art. 226-4 N° Lexbase : L2313AMM).
Le contrôle physique du travail du salarié à son domicile étant exclu, l'exercice du pouvoir de contrôle doit donc s'effectuer à distance. Cependant, l'employeur n'est pas autorisé à installer n'importe quel équipement de contrôle.
La jurisprudence relative à l'ouverture d'armoires a donné les premières pistes en précisant que "l'employeur ne peut procéder à l'ouverture de l'armoire individuelle d'un salarié que dans les cas et aux conditions prévues par le règlement intérieur et en présence de l'intéressé ou celui-ci prévenu" (Cass. soc., 11 décembre 2001, n° 99-43.030, FS-P N° Lexbase : A6554AXZ). Elle a, ensuite, utilement affiné sa position afin de garantir l'équilibre de sa relation de travail et permettre à l'employeur d'ouvrir le fichier personnel d'un salarié en cas de risque ou événement particulier, et "en présence de ce dernier, ou celui-ci dûment appelé" (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2997DIT ; sur ce sujet, lire Christophe Radé, L'employeur et les fichiers personnels du salarié : la Cour de cassation révise la jurisprudence "Nikon", Lexbase Hebdo n° 169 du 26 mai 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4601AIA).
Un arrêt du 18 octobre 2006 est venu préciser que les "dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme ayant un caractère personnel, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence", c'est-à-dire à distance s'il s'agit de télétravail, et si l'ensemble du système informatique est resté propriété de l'entreprise (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48.025, F-P+B N° Lexbase : A9621DRR ; sur ce sujet, lire Sébastien Tournaux, La consultation des documents de nature professionnelle du salarié, Lexbase Hebdo n° 234 du 2 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N4508ALK).
- L'exercice du pouvoir disciplinaire
Si un contrôle de l'employeur peut effectivement s'exercer à distance, au domicile lieu de la vie privée du salarié, le pouvoir disciplinaire reste, cependant, encadré.
La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 18 mars 2003, a relevé que le licenciement d'un cadre qui s'était connecté sur l'ordinateur professionnel, depuis son domicile, à des sites libertins et de jeux sur internet, en fin de semaine et en dehors de ses heures de travail, était sans cause réelle et sérieuse. Les juges du fond relèvent que "la société ne conteste pas que le salarié soit autorisé à emporter l'ordinateur portable à son domicile le soir et en fin de semaine [...]. En autorisant le salarié à emporter l'ordinateur portable à son domicile, la société reconnaît nécessairement un usage privé de celui-ci, sauf à étendre le temps et le lieu d'exécution du contrat de travail au domicile du salarié durant son temps de repos et de vie privée, ce qu'elle ne revendique pas" (CA Versailles, 6ème ch. soc., 18 mars 2003, n° 02/00046, Monsieur Denis Gombert c/ SA Société française de radiotéléphonie N° Lexbase : A2288C9M ; sur ce sujet, lire nos observations, L'utilisation des outils technologiques au travail : quelles sont les règles ?, Lexbase Hebdo n° 237 du 23 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N5011AL8).
3. Le travail collaboratif : une autre forme innovante d'organisation du travail ?
Il existe trois grandes formes de télétravail. Le télétravail fixe au domicile qui représente, selon l'étude de la Dares d'août 2004 (préc.), 0,9 % des salariés, le télétravail alterné au domicile (1,1 %) et le télétravail nomade (5,4 %). Mais, ainsi que le souligne Serge Le Roux, à côté des ces différents types de télétravail, il existe un mode d'organisation différent bien que soulevant le même type de problématiques : le travail collaboratif, appelé également communauté virtuelle (sur ce sujet, lire Serge Le Roux, La mise en oeuvre d'une approche collaborative comme facteur d'innovation dans les PME-PMI, Marché et organisations, Editions L'Harmattan, n° 4, 2007).
Le travail collaboratif pourrait se définir comme le fait, pour plusieurs personnes qui ne se connaissent pas nécessairement, de travailler sur un objet unique, chacune de ces personnes pouvant modifier l'objet sans que les autres participants le sachent. C'est ce que l'on pourrait qualifier de polyautonomie, c'est à dire d'autonomie de chacun des participants.
Le travail collaboratif a pour origine la fragilisation des collectifs de travail en raison de l'organisation internationale des entreprises, de l'individualisation et de la multiplication des contrats de travail au cours des dernières années. Pour Serge Le Roux, le travail collaboratif (ou encore le fait de travailler ensemble séparément) et les technologies de l'information qui le permettent et l'accompagnent recréent une forme de solidarité contrôlée des équipes.
Toutefois, le travail collaboratif soulève de nombreuses questions. Comment peut-on, par exemple, individualiser et contrôler les performances de chacun ? Lorsqu'il s'agit d'un projet interentreprises, comment se partage l'autorité ? Selon Serge Le Roux, l'obligation de résultat et l'autonomie des participants sont essentielles dans le travail collaboratif.
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