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N5153ALG
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 4 août 2006, n° 278274, SA Warsemann automobiles (N° Lexbase : A7997DQA)
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N5085ALW
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Le 07 Octobre 2010
Surtout, selon cette décision, il n'appartient pas, en principe, à l'entreprise française en cause de vérifier que l'entreprise "communautaire" auprès de laquelle elle a acquis ces biens avait la qualité d'assujetti-revendeur et était, ainsi, en droit d'appliquer le régime de la taxation sur marge. Ce faisant, le Conseil d'Etat a transposé à ce régime l'appréciation subjective des droits du contribuable qui prévaut, pour le juge de l'impôt, en matière de droit de déduction.
En l'espèce, c'est donc en quelque sorte la théorie de l'apparence qui est appliquée, l'entreprise française ayant toutes les raisons de se fier à la teneur de la facture qui lui est adressée par l'entreprise "communautaire" auprès de laquelle elle a acquis des biens d'occasion.
1. La plupart des juridictions de fond s'étaient déjà prononcées sur l'applicabilité du régime de TVA sur marge aux assujettis-revendeurs ayant effectué des acquisitions intracommunautaires de véhicules d'occasion
1.1. L'administration fiscale s'est toujours livrée à une appréciation strictement objective du droit de bénéficier du régime dérogatoire de la TVA sur marge
1.1.1. Le régime de la marge constitue le régime de droit commun pour les transactions de biens d'occasion, d'oeuvres d'art et d'objets d'antiquité ou de collection
Le régime de la marge a été consacré comme régime de droit commun pour les transactions de biens d'occasion, d'oeuvres d'art et d'objets d'antiquité ou de collection par la 7ème Directive 94/5/CE, adoptée par le Conseil des communautés européennes le 14 février 1994, et entrée en vigueur depuis le 1er janvier 1995 (N° Lexbase : L8136AUU). Cette Directive a été transposée dans le droit français par l'article 16 de la loi n° 94-1163 du 29 décembre 1994, dont est issu l'article 256 bis, I-2° bis du CGI (N° Lexbase : L5154HLH), aux termes duquel : "Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la TVA lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l'article 26 bis de la Directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 (N° Lexbase : L9279AU9)".
Il résulte donc de ces dispositions que, quelle que soit la qualité de l'acquéreur en France (assujetti ou particulier par exemple), l'achat du bien ne constitue pas une acquisition intracommunautaire dès lors que les biens ont été livrés par un assujetti-revendeur identifié à la taxe dans un autre Etat membre et qui a soumis sa livraison à la TVA selon le régime particulier de la marge bénéficiaire. La taxe étrangère incluse dans le prix des biens taxés dans ces conditions ne peut faire l'objet d'aucune déduction.
En outre, en vertu de l'article 297 A du CGI (N° Lexbase : L5697HLL) (2), les livraisons de biens d'occasion effectuées par des assujettis-revendeurs sont soumises de plein droit au régime de la TVA sur marge, consistant comme son nom l'indique à asseoir la taxe, non pas sur le prix de vente total, mais sur la différence entre ce prix de vente et le prix d'achat, lorsque les biens en question leur ont été livrés par un non-redevable de la TVA ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la TVA au titre de cette livraison. Par conséquent, dans les autres cas, et donc si le vendeur est un redevable de la TVA et qu'il est autorisé à la facturer à l'assujetti-revendeur, c'est le régime normal de TVA qui s'applique, imposant à l'assujetti-revendeur de facturer, et d'acquitter auprès du Trésor, la TVA sur le prix de vente total.
Enfin, l'article 256 du CGI (N° Lexbase : L5148HLA), qui dispose au 1° que les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels sont soumises à la TVA, réserve au 2° le cas des acquisitions de biens d'occasion, en prévoyant qu'elles ne sont pas soumises à la TVA lorsque le vendeur a lui-même fait application du régime de TVA sur la marge.
1.1.2. La question essentielle posée par ce régime était de savoir quelle était la portée du contrôle que pouvait exercer l'administration fiscale sur les contribuables en revendiquant le bénéfice
Cette question a fait l'objet d'une attention particulière de l'administration fiscale, et a suscité en conséquence de nombreux contentieux, compte tenu des soupçons de l'administration quant à l'existence de circuits de fraude organisée en ce qui concernait la revente par un assujetti français de véhicules d'occasion acquis auprès de fournisseurs situés dans d'autres Etats de l'Union européenne.
L'argumentation de principe de l'administration fiscale reposait sur l'idée que le droit de bénéficier d'un régime dérogatoire devait être apprécié de manière objective, au regard des éléments apportés par l'administration, et non pas en fonction de ce que le contribuable pouvait raisonnablement ou manifestement savoir de la situation de son fournisseur. L'administration fiscale estimait ainsi qu'il fallait opérer une distinction entre le droit à bénéficier d'un régime dérogatoire et le droit à bénéficier d'une déduction de crédit de TVA.
La question posée au juge était donc de savoir de quel degré d'exigence l'administration était fondée à faire preuve à l'égard d'un contribuable ayant appliqué le régime de la TVA sur marge. Plus précisément, il s'agissait de déterminer l'étendue du contrôle de l'administration fiscale sur les justifications à apporter par les contribuables bénéficiaires de ce régime particulier, notamment, lorsque était en cause une transaction intracommunautaire.
1.2. La plupart des juridictions de fond se sont prononcées sur l'applicabilité du régime de TVA sur marge aux assujettis-revendeurs qui ont effectué des acquisitions intracommunautaires de véhicules d'occasion
1.2.1. A l'exception du tribunal administratif d'Orléans, tous les tribunaux administratifs saisis de cette question ont jugé qu'il n'incombait pas en principe à l'acheteur de vérifier la régularité de l'application en amont du régime de la 7ème Directive
Saisi le premier de cette question, le tribunal administratif de Poitiers a jugé qu'un assujetti-revendeur qui avait effectué des acquisitions intracommunautaires de véhicules d'occasion était en droit de bénéficier pour ces acquisitions du régime de non-taxation prévu par l'article 256 bis, I-2° bis, du CGI et de faire application du régime particulier de TVA sur la marge lors de la revente, dès lors que les factures établies par les vendeurs mentionnaient que ces derniers avaient fait application du régime de la marge dans l'Etat membre de départ des biens. Hormis le cas de collusion frauduleuse entre l'acquéreur et le vendeur, l'administration ne pouvait donc s'y opposer en invoquant le fait que les vendeurs n'avaient pu effectuer les ventes selon le régime particulier de TVA sur la marge au motif qu'ils avaient acquis les véhicules auprès d'assujettis-utilisateurs (3). Ainsi, selon le tribunal, si l'assujetti effectuant une acquisition intracommunautaire de biens d'occasion doit être en mesure de prouver que les biens d'occasion ainsi acquis lui ont été livrés dans le cadre du régime particulier de la 7ème Directive, cette preuve est apportée, hormis dans le cas de collusion frauduleuse, par la mention spécifique apposée sur la facture établie par le fournisseur étranger.
Saisi d'une semblable affaire, le tribunal administratif de Pau a retenu une solution similaire bien qu'un peu moins libérale pour l'acheteur dans la mesure où elle réservait l'hypothèse, plus large que l'hypothèse de la collusion frauduleuse, où il était manifeste que la mention de l'application du régime de la marge avait été portée à tort sur la facture (4).
En revanche, le tribunal administratif de Besançon a retenu une solution très favorable aux acheteurs de biens d'occasion en jugeant que le revendeur n'avait pas à vérifier si son fournisseur était autorisé à appliquer le régime de TVA sur marge mentionné sur les factures (5). Ce faisant, le tribunal a donc exclu toute réserve et toute exception à ce principe général, contrairement aux solutions rendues par les tribunaux administratifs de Poitiers et de Pau.
Seul le tribunal administratif d'Orléans s'est, en fait, démarqué de cette jurisprudence dominante en se fondant sur les dispositions des articles 242 terdecies (N° Lexbase : L1050HN9) et 242 quaterdecies (N° Lexbase : L1052HNB) de l'Annexe II au CGI qui imposent aux redevables de demander au centre des impôts la délivrance d'un certificat permettant de vérifier, au vu des renseignements communiqués par eux, que le véhicule est neuf ou d'occasion et que l'opération d'acquisition intracommunautaire est ou non soumise à la TVA et, par voie de conséquence, que la revente du véhicule entre ou non dans le champ d'application de l'article 297 A du CGI. Le tribunal en a déduit qu'à défaut pour un redevable, qui n'a pas produit le certificat susvisé, d'avoir satisfait à ses obligations fiscales, l'administration peut, à bon droit, refuser d'appliquer le régime de taxation sur la marge bénéficiaire prévu à l'article 297 A du CGI lors de la revente de ces véhicules et assujettir le redevable à la taxe sur le montant total du prix de vente des véhicules (6). Cette solution est, toutefois, critiquable dans la mesure où les certificats d'immatriculation ne permettent pas nécessairement de démontrer que ne s'est pas interposé dans la chaîne un particulier qui pourrait revendre le véhicule sans l'avoir fait immatriculer, mais dont l'intervention légitimerait l'application du régime de TVA sur la marge.
Au total, la plupart des tribunaux administratifs ont donc jugé qu'il n'incombait pas, en principe, à l'acheteur de vérifier la régularité de l'application en amont du régime de la 7ème Directive.
1.2.2. Toutes les cours administratives d'appel saisies de la même question ont confirmé cette solution
La cour administrative d'appel de Nantes, dont la solution vient d'être confirmée par le Conseil d'Etat, a jugé qu'une société qui avait acquis des véhicules automobiles d'occasion auprès de fournisseurs situés dans des Etats membres de l'Union européenne, qui lui avaient remis des factures mentionnant explicitement qu'ils avaient appliqué la TVA selon le régime de la marge en application de la 7ème Directive, n'avait pas à vérifier la régularité de l'application de ce régime, dès lors que ces fournisseurs s'étaient présentés comme ayant la qualité d'assujettis-revendeurs et qu'il n'était pas manifeste qu'ils n'eussent pas été autorisés à revendiquer cette qualité (7). Ainsi, même si la société avait eu connaissance des documents d'immatriculation qui indiquaient que les véhicules avaient été à l'origine la propriété de professionnels de l'automobile, cela ne suffisait pas à rendre manifeste l'erreur éventuellement commise par les fournisseurs, cette circonstance ne permettant pas de déterminer avec certitude si l'opération en cause avait ou non ouvert un droit à déduction à ces propriétaires. La société était donc en droit de bénéficier, pour l'acquisition intracommunautaire de ces véhicules, du régime de non-taxation prévu par l'article 256 bis, I-2°, du CGI et d'appliquer elle-même le régime de TVA sur la marge lors de la revente desdits véhicules.
La solution retenue par la cour administrative d'appel de Nantes, qui réserve donc seulement le cas où il est manifeste que le fournisseur ne pouvait légalement appliquer le régime de la TVA sur marge, rejoint ainsi celle de la plupart des juridictions de fond qui se sont prononcées sur des litiges équivalents. Ajoutons que deux autres cours administratives ont retenu récemment la même solution (8).
2. La solution rendue par le Conseil d'Etat s'inspire du raisonnement tenu en matière de droit a déduction de la TVA et consacre ainsi le caractère subjectif du contrôle de l'assujettissement au régime de la taxation sur la marge
2.1. La solution rendue par le Conseil d'Etat s'inspire du raisonnement tenu en matière de droit à déduction de la TVA
2.1.1. Le contrôle du juge en matière de droit à déduction
Selon les dispositions de l'article 223-1 de l'annexe II au CGI (N° Lexbase : L0874HNP), la taxe déductible est "celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures". Il résulte de ces dispositions que le droit à déduction est objectivement subordonné, en principe, au fait que la TVA ait été légalement facturée.
La jurisprudence relative au droit à déduction, prévu par les dispositions de l'article 271-II du CGI (N° Lexbase : L1812HNG), considère qu'il n'incombe pas à l'acheteur, dès lors que le fournisseur se présente comme assujetti à la TVA et qu'il n'est pas manifeste qu'il n'a pas rempli les obligations l'autorisant à la faire figurer sur ses factures, de vérifier la réalité de cet assujettissement (9). Cette position a été, dans les deux cas, ardemment défendue par les commissaires du Gouvernement qui soulignaient l'incohérence qu'il y aurait à faire rejaillir sur le client les conséquences des irrégularités fiscales commises par son fournisseur, ainsi qu'à faire dépendre le droit à déduction d'un contribuable de l'issue d'un débat relatif à la situation d'un autre contribuable, réserve faite des cas de collusion (10). Dans ses conclusions, sous l'arrêt "Semeillon", D. Fabre écrivait ainsi : "d'une part [...] on voit mal comment, en pratique, l'acheteur pourrait s'ériger en contrôleur de la situation fiscale affichée de son fournisseur ; d'autre part, et surtout, on ne peut pas faire dépendre le droit à déduction d'un contribuable de l'issue d'un débat relatif à la situation d'un autre contribuable" (11). Cette double justification ne peut s'effacer que lorsque la situation fiscale du fournisseur est manifestement connue de l'acheteur, et, notamment, lorsque est établie une collusion entre le premier et le second.
Le juge de l'impôt ne refuse donc le droit à déduction à l'acheteur que lorsqu'il est manifeste que le vendeur n'a pas rempli les obligations permettant de faire figurer la TVA sur la facture (12). L'appréciation du caractère manifeste ou non de l'irrégularité de la situation du fournisseur obéit, ainsi, à un régime de preuve objective dans lequel il appartient à l'administration de fournir des indices précis de la collusion des parties, et ce au cas par cas, les soupçons pesant sur un secteur dans son ensemble ne pouvant tenir lieu de la démonstration propre à l'entreprise concernée (13).
2.1.2. L'application de ce raisonnement au commerce intracommunautaire des véhicules
Dans sa décision du 4 août 2006, le Conseil d'Etat a considéré que l'administration ne pouvait remettre en cause l'application du régime de la taxation sur marge que "lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à [l']appliquer". Or, dans l'espèce qui lui a été soumise, le Conseil d'Etat a relevé qu'il "n'était pas manifeste" que les fournisseurs n'avaient "pas été autorisés à revendiquer la qualité d'assujetti-revendeur" (14).
Le Conseil d'Etat a ainsi estimé que les dispositions spécifiquement applicables au commerce des véhicules ne modifiaient pas fondamentalement ce raisonnement. En effet, les dispositions de l'article 242 quaterdecies prévoient que les personnes bénéficiant du régime dérogatoire, prévu au 2° du l de l'article 256 bis, doivent indiquer sur le certificat d'immatriculation prévu par les dispositions de l'article 242 terdecies, "selon le cas, que la TVA exigible a été acquittée ou qu'au vu des renseignements communiqués aucune taxe n'est due au titre de cette opération". Ces dispositions renvoient ainsi aux "renseignements communiqués", sans exiger d'autre démarche de la part de l'acheteur.
Il est vrai qu'en l'espèce étaient en cause des transactions intracommunautaires et que, par rapport au contrôle habituel du droit à déduction, le contrôle de l'ensemble de la chaîne des transactions s'en trouvait compliqué. Cette caractéristique plaide, toutefois, pour une certaine indulgence vis-à-vis de l'acheteur. En effet, il est encore moins simple pour l'acheteur, dans le cadre d'une telle transaction, de vérifier si son fournisseur était autorisé à pratiquer la TVA sur la marge.
Soulignons, enfin, que la solution rendue par le Conseil d'Etat s'inspire de la jurisprudence communautaire relative au droit à déduction pour des participants à un circuit de fraude carrousel, lequel suppose par définition des transactions intracommunautaires. La CJCE a ainsi jugé, d'une part, que le droit à déduction ne peut s'apprécier qu'au vu de la situation de l'assujetti concerné lui-même et, d'autre part, que ce droit ne peut être affecté par le fait que dans la chaîne de livraisons dans laquelle s'inscrivent les opérations réalisées par l'assujetti concerné, une autre opération serait entachée de fraude à la TVA "sans que cet assujetti le sache ou puisse le savoir" (15).
2.2. S'il est favorable à l'acheteur, le caractère subjectif du contrôle de l'assujettissement au régime de taxation sur la marge laisse, toutefois, à l'administration fiscale la possibilité de recourir à l'assistance administrative internationale afin de vérifier la régularité de l'application en amont du régime de la 7ème Directive
2.2.1. Le caractère subjectif du contrôle de l'assujettissement au régime de taxation sur la marge est favorable à l'acheteur
En premier lieu, d'un point de vue formel, les justifications exigées dans le cadre de la 7ème Directive ne sont pas plus importantes que celles prévalant pour l'application de la 6ème Directive. La seule obligation spécifique imposée à l'assujetti-revendeur est qu'il lui est interdit de faire apparaître sur la facture qu'il délivre, ou sur tout autre document, la taxe afférente aux livraisons de biens qu'il soumet au régime de la TVA sur la marge (CGI, art. 297 E N° Lexbase : L5702HLR). Concrètement, le fournisseur doit donc mentionner sur la facture un prix TTC, mais sans identification de la TVA facturée, et ajouter, le plus souvent sur la facture elle-même, qu'il applique le régime de la TVA sur la marge. Toutefois, ni la 7ème Directive, ni les dispositions du CGI prises pour son application, n'exigent que cette mention soit assortie de justificatifs particuliers concernant l'amont de l'opération.
En d'autres termes, c'est essentiellement au regard de la facture d'achat qu'un opérateur saura s'il est en droit de pratiquer, pour la revente, une TVA sur la marge. Bien que le lien entre facture et droit au régime spécifique ne soit pas aussi fermement établi que celui entre TVA facturée et droit à déduction, il n'en demeure pas moins que ce lien existe et que ni les autorités communautaires, ni le législateur français, n'ont prévu d'autre référence permettant à l'acheteur-revendeur de s'assurer qu'il est en droit de pratiquer une TVA sur la marge.
Au total, la production par l'assujetti de la facture que son fournisseur lui a délivrée et qui est conforme à l'article 297 E du CGI constitue une présomption de ce que son fournisseur a la qualité d'assujetti-revendeur, mais l'administration peut combattre cette présomption en établissant l'erreur manifeste commise par le revendeur en appliquant le régime d'imposition sur la marge.
En second lieu, et plus généralement, en matière de taxation sur marge comme en matière de droit à déduction (16), se retrouve la caractéristique fondamentale conduisant, de la part du juge de l'impôt, à admettre l'appréciation subjective des droits du contribuable. Cette appréciation subjective signifie que le juge se prononce sur les droits du contribuable en fonction de l'information qui était la sienne au moment de la transaction, plutôt qu'en fonction, objectivement, du bien-fondé de cette information, tel que le juge peut éventuellement, et a posteriori, l'apprécier.
Cette appréciation subjective est directement liée à la spécificité de cet impôt indirect qu'est la TVA : en effet, en matière de TVA, contrairement à ce qu'il en est en matière d'impôts directs (17), la pratique du contribuable est largement tributaire de celle des autres opérateurs de la chaîne de transactions, notamment, en amont. Ainsi, en matière de droit au régime de taxation sur marge, de même qu'en matière de droit à déduction, l'on se situe dans un cas où le comportement du contribuable est, de bonne foi, dicté par les agissements des opérateurs économiques l'ayant précédé dans la chaîne des transactions. Il ne serait donc pas réaliste d'exiger du contribuable, sauf évidence manifeste, qu'il vérifie la teneur de l'opération effectuée par son fournisseur, et donc le droit de celui-ci d'appliquer, lui-même, le régime de la TVA sur la marge. En conséquence, comme en matière de droit à déduction, il serait inéquitable de faire supporter au contribuable les conséquences du comportement éventuellement erroné, voire frauduleux, de ces autres opérateurs, sauf à ce qu'il en ait eu manifestement connaissance.
2.2.2. La possibilité pour l'administration fiscale de recourir à la coopération administrative
Soulignons, d'abord, qu'il serait paradoxal de reprocher à l'acheteur de ne pas avoir exercé un quelconque contrôle sur la régularité de la situation de son fournisseur étranger à l'égard de la TVA, alors que l'administration, elle-même, ignore souvent sous quel régime ce fournisseur a effectué une partie des acquisitions litigieuses. En effet, que pourrait-on exiger en la matière de l'entreprise française alors que l'administration doit, pour être sûre du régime applicable, avoir recours à l'assistance administrative et attendre plusieurs mois une réponse de l'administration fiscale de l'autre Etat membre ? Il va de soi que l'on ne saurait en particulier exiger de l'entreprise française qu'elle se renseigne, à chacune de ses acquisitions dans un autre Etat membre de l'Union européenne, auprès des services fiscaux de cet Etat membre.
De fait, en matière de vérification du droit à l'application du régime de taxation sur marge, seule la coopération administrative paraît en mesure de produire des résultats. Si l'administration française saisit son homologue d'un autre Etat membre, cette dernière doit être en mesure de vérifier comment le revendeur de ce second Etat a lui-même retracé l'opération. En admettant qu'il soit établi que ce revendeur n'avait pas le droit de pratiquer une TVA sur marge (18), deux hypothèses sont envisageables. En effet, ainsi que l'écrit le commissaire du Gouvernement S. Verclytte, dans ses conclusions sous la décision du 4 août 2006 (19) : "Soit ce revendeur n'a émis qu'une facture, celle adressée au contribuable français : son administration fiscale ne pourra le redresser en droits (puisqu'il s'agit d'une livraison intra-communautaire, taxée en principe à taux zéro) [...] mais elle pourra lui infliger les pénalités sanctionnant cette irrégularité dans l'application du régime TVA, et en tout état de cause mettre fin aux opérations irrégulières. Soit le revendeur a émis deux factures : une facture correspondant à une livraison intra-communautaire, d'une part, et la facture invoquée par le contribuable français, d'autre part: dans une telle hypothèse, c'est en principe la première qui doit accompagner le transport ; il ne sera alors guère difficile de démontrer que le contribuable français, en brandissant la seconde, ne pouvait manifestement pas ignorer son caractère frauduleux".
Conclusion
La décision du Conseil d'Etat du 4 août 2006 fait de la condition d'assujettissement au régime de la taxation sur marge une condition subjective et non une condition objective. Cette solution est, à la fois, réaliste et juste dans la mesure où, en droit fiscal plus encore que dans les autres branches du droit administratif, il n'y pas d'égalité des armes entre le contribuable et l'administration, celle-ci disposant de l'information et de moyens d'investigation et de contrôle qu'aucune entreprise, fût-elle très importante, n'a la possibilité et la vocation de mettre en oeuvre.
Pour autant, le même réalisme qui justifie cette solution oblige à tenir compte des risques de fraude existant en matière d'achat-revente de biens d'occasion acquis auprès d'un assujetti-revendeur établi dans un autre Etat membre et appliquant le régime de la taxation sur marge. Sur ce point, la décision du Conseil d'Etat rend plus nécessaire encore le renforcement, en matière fiscale, des procédures d'échanges d'informations entre les administrations des différents Etats membres de l'Union européenne. L'on peut en particulier se demander s'il ne serait pas opportun de substituer à une procédure qui reste ponctuelle et lourde une procédure qui soit systématique et donc plus rapide.
Frédéric Dieu,
Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice (1ère ch.)
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Réf. : Décret n° 2006-1220 du 4 octobre 2006 relatif aux permis délivrés à titre précaire (N° Lexbase : L3064HSB)
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N5097ALD
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Le 07 Octobre 2010
Le décret du 4 octobre 2006 fixe lui-même sa propre date d'entrée en vigueur ainsi que la date d'entrée en vigueur de l'article 15 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 en tant qu'il remplace les articles L. 423-1 à L. 423-5 anciens (N° Lexbase : L7584ACU) par les articles L. 433-1 à L. 433-7 nouveaux du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3542HTD). Dans les deux cas, il s'agit du 1er novembre 2006. On peut, néanmoins, s'étonner de cette mise en oeuvre anticipée lorsque l'on sait que le décret devant préciser les modalités d'application de l'ordonnance du 8 décembre 2005 n'est toujours pas publié. Il semble qu'il faille chercher la cause de cette entrée en vigueur rapide dans la volonté politique du Gouvernement de permettre aux personnes habitant des logements insalubres d'être relogées le plus tôt possible dans des constructions provisoires.
Le décret confirme ainsi l'assouplissement du régime actuel du permis précaire à travers, notamment, l'extension de son champ d'application à toutes les constructions provisoires (I). Mais cet assouplissement ne va pas sans poser des questions, notamment, quant aux effets et implications juridiques de la nouvelle extension ainsi délimitée (II).
I. L'extension du champ d'application des permis délivrés à titre précaire
A. La recomposition du domaine du permis précaire
Dans l'optique de rechercher avant tout le point d'équilibre entre, d'une part, un nécessaire contrôle des opérations d'aménagement et de construction et, d'autre part, la suppression des contraintes pesantes et injustifiées qui nuisent à la dynamique économique, l'ordonnance du 8 décembre 2005 donne une définition précise du champ d'application de chaque procédure, parmi lesquelles celle relative à l'octroi des permis délivrés à titre précaire. En ce sens, le régime juridique d'un tel permis est assoupli. Les permis et constructions précaires disparaissent, en premier lieu, au profit des constructions autorisées par un permis de construire délivré à titre précaire. Comme peut le relever le Professeur Benoît Cattin, "l'appellation est mieux nommée, tant il est certain que ce n'est pas le permis qui est frappé de précarité mais le droit qui lui est attaché" (2).
En second lieu, le domaine de ce permis est entièrement recomposé. Sous l'ancienne rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, dite "SRU" (N° Lexbase : L9087ARY), la délivrance d'un tel permis était réservée à l'édification d'une construction à caractère précaire sur un emplacement réservé par un plan d'occupation des sols rendu public ou un plan local d'urbanisme approuvé ou un document d'urbanisme en tenant lieu (C. urb., art. L. 423-1 à 5 anciens N° Lexbase : L7584ACU). Ce permis pouvait aussi être exceptionnellement accordé pour l'édification de constructions précaires à usage industriel dans une zone affectée à un autre usage par un document d'urbanisme (C. urb., art. L. 423-4 ancien N° Lexbase : L7587ACY). Peut désormais être exceptionnellement autorisé tout projet de construction entrant dans le champ d'application du permis de construire (ou de la déclaration préalable) et ne répondant pas aux exigences des règles de fond posées par l'article L. 421-6 (N° Lexbase : L3299HC8) (C. urb., art. L. 421-3 al. 1er ancien N° Lexbase : L5655C8X).
B. L'application à toutes les constructions provisoires
La délivrance d'un permis précaire n'est plus réservée à l'hypothèse d'une construction à caractère précaire sur un emplacement réservé, mais s'ouvre à des catégories de construction, telles que les constructions provisoires ou de "dépannage", pour lesquelles aucun régime satisfaisant n'existait. Elles font l'objet d'un "permis précaire" qui peut déroger exceptionnellement aux règles d'urbanisme.
C'est la seule exception, avec les constructions temporaires (C. urb., art. L. 421-5 N° Lexbase : L8128HER), à l'obligation de respecter les règles de fond. Les constructions temporaires échappant à toute formalité au titre du Code de l'urbanisme en raison de la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de leur usage. Le principe est maintenu de l'assujettissement à un permis de construire de toute construction, hormis les cas où, en vertu d'un décret à venir, la construction est soumise à la procédure de déclaration préalable.
La distinction entre constructions "précaires" et constructions "temporaires" sera opérée par décret. Les constructions saisonnières, c'est-à-dire qui doivent périodiquement être démontées et réinstallées (C. urb., art. L. 432-1 et L. 432-2 N° Lexbase : L8107HEY) continuent à n'être autorisées que dans le respect des règles de fond, par un permis de construire qui fixe la durée de chaque installation et devient caduc à l'expiration d'un délai qui ne peut excéder cinq ans.
II. Les implications de l'extension du champ d'application au niveau juridique
A. Un délai d'enlèvement rendu obligatoire dans les secteurs protégés
Le nouveau permis précaire est étendu, à titre exceptionnel, à toutes les constructions à caractère provisoire, dès lors qu'elles ne rentrent pas dans le cadre des exemptions pures et simples et ne respectent pas les règles d'urbanisme. Il y a là un risque quant aux droits rattachés et exprimés à travers l'obtention de ces permis précaires. L'ordonnance a rendu obligatoire un délai d'enlèvement dans les secteurs protégés, la fixation de ce délai étant facultative dans les autres cas, sachant qu'à l'expiration de ce délai, le pétitionnaire doit enlever, sans indemnité, la construction autorisée (C. urb., art. L. 423-2 ancien N° Lexbase : L7585ACW et L. 433-2 nouveau N° Lexbase : L3543HTE).
C'est le décret n° 2006-1220 du 4 octobre 2006 qui indique, dès à présent, les hypothèses dans lesquelles le délai d'enlèvement de constructions précaires devra nécessairement être indiqué dans les permis de construire délivrés à titre précaire. Tel sera le cas, lorsque le terrain d'assiette du projet n'est situé ni dans une zone urbaine, une zone à urbaniser ou un emplacement réservé délimités par un plan local d'urbanisme, ni dans un secteur constructible délimité par une carte communale. Tel sera encore le cas, lorsque le terrain est situé dans un secteur sauvegardé ou un périmètre de restauration immobilière en application des articles L. 313-1 (N° Lexbase : L5592HBQ) à L. 313-15 (N° Lexbase : L5624HBW) du Code de l'urbanisme, dans un site inscrit ou classé en application des articles L. 341-1 (N° Lexbase : L5773HD8) et suivants du Code de l'environnement. Enfin, ce sera également le cas dans le champ de visibilité d'un monument historique tel que défini par le Code du patrimoine ou dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l'article L. 642-1 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L3981HCG).
En tout état de cause, le permis précaire portant sur une construction à édifier dans un emplacement réservé doit recueillir l'avis favorable de la collectivité intéressée à l'opération (C. urb., art. L. 423-1 ancien N° Lexbase : L7584ACU).
B. La préservation de la rigueur des droits attachés aux permis précaires
L'arrêté du maire accordant le permis de construire peut prescrire, s'il y a lieu, aux frais du demandeur et par voie d'expertise contradictoire, l'établissement d'un état descriptif des lieux et, le cas échéant, d'une évaluation sommaire du fonds de commerce ou d'industrie dont la construction est susceptible de permettre le développement ou la transformation (C. urb., art. L. 423-2 ancien N° Lexbase : L7585ACW et art. L. 433-2 nouveau N° Lexbase : L3543HTE).
Si le bénéficiaire de la réserve décide d'acquérir le terrain, le propriétaire n'a droit à être indemnisé ni de la valeur des constructions précaires autorisées, ni de la valeur ou de la plus-value acquise par le fonds de commerce, ni des frais de démolition ou d'enlèvement de ces constructions (C. urb., art. L. 423-3 ancien N° Lexbase : L7586ACX et art. L. 433-5 nouveau N° Lexbase : L3546HTI). Toutefois, en cas de remise en état sollicitée par la puissance publique avant l'expiration du délai fixé pour l'enlèvement des constructions, le propriétaire a droit à une indemnité proportionnelle au délai qui reste à courir par rapport au délai prévu (C. urb., art. L. 423-3 ancien et art. L. 433-4 nouveau N° Lexbase : L3545HTH).
Enfin, le sort des titulaires de droits réels ou de baux de toute nature est, également, fixé de manière très rigoureuse puisqu'ils ne peuvent prétendre à aucune indemnité (C. urb., art. L. 423-5 ancien N° Lexbase : L7588ACZ et L. 433-6 nouveau du Code de l'urbanisme). Les actes passés avec des ayants cause doivent mentionner le caractère précaire des ouvrages, sachant que la loi frappe de nullité les actes de vente, de location ou portant constitution de droits réels sur des bâtiments édifiés à titre précaire s'ils ne mentionnent pas le caractère précaire de ces constructions (C. urb., art. L. 423-5, al. 3, ancien et art. L. 433-7 nouveau N° Lexbase : L3548HTL).
Christophe De Bernardinis
Maître de conférences à l'université de Metz
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Réf. : Décision n° 06-D-30 du 18 octobre 2006 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des taxis à Marseille (N° Lexbase : X7621ADM)
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par André-Paul Weber, Professeur d'économie, Ancien rapporteur au Conseil de la concurrence
Le 07 Octobre 2010
L'exercice de l'activité de taxi est en France soumis à une double condition. En premier lieu, le chauffeur de taxi doit disposer de la "carte professionnelle" témoignant de sa capacité à conduire un véhicule dans son département d'intervention, en deuxième lieu, il doit détenir une "autorisation de stationnement" également dénommée "licence" qui est délivrée par le maire de la commune. Cette dernière règle souffre d'une double exception. En effet, à Paris, l'autorisation de stationnement est accordée par le préfet de police et, sur les zones d'aéroports, l'autorisation dépend du préfet du département.
L'autorisation de stationnement est obtenue soit à la suite d'une décision du maire de la commune ou éventuellement des préfets, soit elle résulte d'un achat opéré sur le marché dit "secondaire" à la suite de la cessation d'activité d'un professionnel déjà titulaire d'une autorisation, et ce conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi n° 95-66 du 20 janvier 1966, modifiée, relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi (N° Lexbase : L4578HTQ). La première solution offre l'avantage de la gratuité, mais l'obtention de l'autorisation n'est jamais immédiate, elle se heurte à de longs délais en raison de l'existence de listes d'attente. La seconde solution permet, en revanche, de disposer d'une autorisation immédiate en profitant de l'offre de cession d'un taxi en exercice. Dans ce dernier cas, la licence peut être recédée à un tiers dans un délai de cinq ans tandis que le bénéficiaire d'une licence gratuite, obtenue à la suite d'une décision administrative, doit attendre quinze années pour pouvoir la revendre.
En janvier 2002, différentes organisations syndicales et associations ont conclu un protocole d'accord visant à normaliser le prix de cession des autorisations de stationnement sur la ville de Marseille. Selon ce protocole, une liste unique de vente des taxis doit être créée pour tous les professionnels qui envisagent de cesser leur activité. Prenant en compte la date d'inscription, les cessions doivent se faire par ordre chronologique. Sauf cas de décès, aucune dérogation ne peut être admise et le titulaire d'une autorisation qui se trouve en tête de liste et refuse la vente est rétrogradé en queue de liste. Le prix de cession des licences ne résulte alors plus du jeu de l'offre et de la demande, il est alors fixé collectivement à 38 100 euros, ce montant étant appelé à être révisé "périodiquement en fonction des critères économiques et sociaux du département". Les organisations syndicales et les associations en cause signataires du protocole ont, dans le même temps, acquis l'appui des réseaux de radio-taxis existants, ces derniers s'engageant à écarter tout nouvel acquéreur de licence ne passant pas par le mécanisme de la liste unique. Le mécanisme a eu pour effet d'augmenter de façon significative le prix des licences. Il est passé en moyenne de 19 000 à 51 000 euros sur la période comprise entre 2000 et 2005.
En fixant ce prix unique de vente des autorisations de stationnement, les parties cherchent à en faire remonter le niveau jugé trop bas. Il faut noter qu'à la même époque les prix de cession découlant, apparemment, du mécanisme de l'offre et de la demande s'établissent dans les communes voisines à des prix très sensiblement supérieurs, soit 120 000 euros en moyenne sur Aix-en-Provence et Marignane. Ils peuvent atteindre des niveaux de prix encore plus élevés notamment à Paris, 122 000 euros et à Lille, 135 000 euros (point 7 de la décision). Ces disparités ne sont, en fait, que la conséquence de la limitation du nombre des autorisations accordées et des perspectives de gain que l'obtention d'une licence permet d'anticiper.
Limitant ses remarques au marché marseillais, le Conseil fait remarquer que l'entente a eu pour effet d'augmenter artificiellement le prix des licences et a rendu, de ce fait, l'accès à la profession de taxi plus difficile. Il ajoute que l'entente a eu pour effet de déséquilibrer le bilan financier des nouveaux venus sur le marché du taxi pour conclure que "ces contraintes financières artificielles les conduisent à concentrer leurs activités sur les courses les plus rentables en négligeant une partie de la demande et à faire pression sur le pouvoir réglementaire pour que celui-ci, d'une part, augmente le tarif des courses chaque année en arguant du prix élevé d'achat de leurs licences et, d'autrepart, ne délivre pas de nouvelles autorisations à titre gratuit" (point 111 de la décision).
II - Les singularités des sanctions prononcées
Sans qu'il soit besoin de relever que bon nombre de ces dernières remarques pourraient utilement être reprises dans toutes les communes pour lesquelles le prix des licences dépasse le niveau atteint à Marseille, il importe de porter une attention particulière sur les questions de montant et de motivation des sanctions prononcées.
On se rappelle qu'aux termes du I (4ème alinéa) de l'article L. 464-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L5682G49) dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (N° Lexbase : L8295ASZ) que "si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des derniers exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre".
S'agissant des organisations engagées dans l'entente ayant réalisé un chiffre d'affaires, à savoir les associations de radio-taxis, le Conseil a infligé des sanctions pécuniaires s'élevant pour deux d'entre elles à 2,5 % du chiffre d'affaires, tandis que la troisième a été sanctionnée à hauteur de 1,25 %. La disparité tient à la circonstance que les deux premières ont participé à l'entente tout au long de la période comprise entre janvier 2002 et juin 2006, tandis que la dernière avait rompu le protocole dès octobre 2002. On peut alors se demander, et c'est la première interrogation que cette décision suscite, si le montant des sanctions prononcées est bien conforme aux dispositions du I (3ème alinéa) de l'article L. 464-2 voulant que les sanctions pécuniaires prononcées soient, en particulier, proportionnées à la gravité de faits et à l'importance du dommage causé à l'économie.
Le Conseil note, d'ailleurs, dans sa décision que "pour apprécier l'importance du dommage à l'économie causé par les pratiques, il convient, en premier lieu, de prendre en compte la durée des pratiques, l'importance de la perturbation apportée aux prix et à la taille du marché" (point 106 de la décision).
En l'espèce, du moins pour une association de radio-taxis, sa participation à l'entente ayant été particulièrement brève, on comprend mal la sévérité relative de la sanction qui lui a été infligée.
S'agissant des autres associations et organisations syndicales se trouvant en fait dépourvues de toute ressource ou de ressources symboliques, alors que le 4ème alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce offre au Conseil toute latitude pour sanctionner les pratiques anticoncurrentielles, la décision innove. Elle se cale sur la jurisprudence du juge communautaire pour lequel "le préjudice d'une association d'entreprises doit être apprécié en prenant en compte la situation financière de ses membres, lorsque les intérêts objectifs de l'association qui y adhèrent ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des entreprises" (ordonnance de référé du 21 janvier 2004, T-245/03 R).
Le Conseil poursuit en reprenant les conclusions du juge communautaire en soutenant que, si les faibles moyens financiers des associations d'entreprises constituaient le seul critère d'appréciation, alors les entreprises envisageant de s'engager dans des pratiques anticoncurrentielles auraient tout intérêt à constituer des associations. Se rangeant à la thèse ci-dessus exposée, et sans faire nullement référence aux dispositions du Code de commerce permettant d'infliger des sanctions aux organismes dépourvus de tout chiffre d'affaires, le Conseil a prononcé à l'encontre de chacun des cinq syndicats et associations professionnelles des sanctions pécuniaires d'un même montant s'élevant à 15 000 euros. Les membres de ces syndicats et associations, dont le nombre est évalué à un peu plus de 1 000, sont donc collectivement invités à payer une sanction globale de 75 000 euros (15 000 x 5), en d'autres termes, en moyenne, la sanction s'établirait aux alentours de 75 euros par titulaire d'autorisation.
Tel que calculé ce montant inspire différentes remarques.
Chaque syndicat et association professionnelle étant appelés à collecter 15 000 euros auprès de ses membres, on conviendra que la charge pesant sur chacun est d'autant plus élevée que le nombre des adhérents est réduit. Il y a là une iniquité difficile à comprendre.
L'iniquité est d'autant plus grande que le protocole litigieux a été "établi à la demande d'une très forte majorité de taxis marseillais". Le texte suggère donc l'existence de dissidents dont témoignent, d'ailleurs, les constations contenues dans la décision du Conseil. Des "ventes à prix atypiques" sont ainsi constatées tout au long des années 2003-2005 (points 62 à 68 de la décision).
Par le biais de cette jurisprudence, on notera, encore, que ce sont les artisans taxis qui sont aujourd'hui en activité et qui, éventuellement, ont été tenus de payer la licence au prix de l'entente, qui vont être appelés à apporter leur écot, certes symbolique, tandis que les cessionnaires de licence, ayant profité du dispositif mis en place s'en trouveront exonérés.
Alors que les associations de radio-taxis ont été frappées par des sanctions pécuniaires, se montant à 2,5 ou 1,25 % de leurs chiffres d'affaires, le principe d'équité suggère que le millier de taxis marseillais -lesquels ont participé à l'entente tout au long de la période 2002/2006- aurait réalisé chacun un chiffre d'affaires se situant en moyenne à 3 000 euros -2,5 % de ce montant donnant le montant de la sanction moyenne-, là encore on conviendra que le principe d'équité n'a pas été respecté. A moins que le montant des ressources des membres des syndicats et organisations professionnelles à l'origine de l'infraction aient été singulièrement sous-évalué.
Une fois encore, cette affaire, à l'évidence bien modeste, témoigne du problème qui est posé dès lors que l'on entend concilier réglementation publique et exercice de la concurrence. Les taxis marseillais souhaitaient sans doute relever le prix de leurs licences dont les montants pouvaient leur paraître bradés au regard des prix constatés dans les communes voisines. Elle pose, au surplus, toute la difficulté qu'il peut y avoir à prononcer des sanctions équitables.
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Réf. : Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 03-42.641, Société Sodemp, FS-P+B (N° Lexbase : A1936DSI)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Résumé
Un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif organisant le passage d'une rémunération au pourcentage à une rémunération au fixe, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et subissant, du fait de la modification de la structure de leur rémunération, une diminution de leur salaire de base que l'attribution d'une indemnité différentielle a pour objet de compenser. |
Décision
Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 03-42.641, Société Sodemp, FS-P+B (N° Lexbase : A1936DSI) Cassation partielle sans renvoi (CA Paris, 18ème ch., sect. D, 11 février 2003 ) Textes visés : le principe "à travail égal, salaire égal" Mots clés : principe "à travail égal, salaire égal" ; différence de rémunération ; volonté de combattre une baisse de la rémunération Liens base : |
Faits
1. La société Sodemp exploite, dans le 17ème arrondissement de Paris, l'hôtel "Le Méridien Paris Etoile". Le 29 avril 1992, elle a conclu un accord d'entreprise "sur les modalités d'accompagnement consécutives au passage de la rémunération au pourcentage à la rémunération fixe". L'article 1er de ce texte fixait le pourcentage maximum de baisse des rémunérations annuelles pour les diverses catégories de salariés concernés par la modification de la structure de leur rémunération. L'article 2 instituait un "salaire complémentaire individualisé, non-indexable [dit IPPC ou SCINI], destiné à compenser une partie de l'incidence du passage au fixe sur les rémunérations pour le personnel présent à la date du 4 juillet 1991". Il était, également, institué le passage à 39 heures payées 40 heures pour tout le personnel. 2. Mme Minka et un certain nombre de salariés de l'hôtel ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, en vertu de la règle "à travail égal, salaire égal". Se plaignant, aussi, de ce que la société Sodemp n'avait pas fait application de la réduction du temps de travail avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2001, de l'accord de branche du 15 juin 2001 portant réduction du temps de travail, les salariés ont sollicité le paiement de dommages-intérêts pour repos compensateur non fourni à compter du 1er février 2000 et de dommages-intérêts pour non-application de la loi du 19 janvier 2000 sur les 35 heures. 3. La cour d'appel de Paris a condamné l'employeur à verser aux demandeurs des indemnités pour violation de leur droit à repos compensateur. |
Solution
1. L'application d'un horaire d'équivalence, dans les industries et commerces déterminés par décret, est subordonnée à l'existence, pendant le temps de travail, de périodes d'inaction. Dès lors, ayant constaté, par une appréciation souveraine des faits et des preuves, que le travail des femmes de chambre ne comportait pas de périodes d'inaction, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. 2. Ne méconnaît pas le principe "à travail égal, salaire égal", "l'employeur qui justifie par des raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale". "Un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif organisant le passage d'une rémunération au pourcentage à une rémunération au fixe, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et subissant, du fait de la modification de la structure de leur rémunération, une diminution de leur salaire de base que l'attribution de l'indemnité différentielle a pour objet de compenser". "Pour condamner la société Sodemp à payer aux salariées des sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions de l'accord du 29 avril 1992 ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public des articles L. 133-5 4° (N° Lexbase : L3149HIH), L. 136-2 8° (N° Lexbase : L1373G9Q), L. 140-2 (N° Lexbase : L5726AC3), L. 140-3 (N° Lexbase : L5727AC4) et L. 140-4 (N° Lexbase : L5728AC7) du Code du travail ainsi qu'au principe 'à travail égal, salaire égal' ; [...] la disparité de situation suivant que les salariés étaient ou non présents à la date du 4 juillet 1991 n'est pas de nature à justifier une différence de traitement entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, étant observé que l'IPPC, indemnisant une perte de chance d'évolution favorable de la rémunération, n'est pas liée à l'ancienneté, et que le principe 'à travail égal, salaire égal' n'est pas limité à des situations dans lesquelles les salariés effectuent simultanément un travail égal pour un même employeur" "En statuant ainsi, alors qu'il existait une justification objective à la différence des rémunérations, la cour d'appel a violé la règle susvisée". 3. Est cassé et annulé l'arrêt d'appel en ce qu'il a condamné la société Sodemp au paiement de rappels de salaire et congés payés afférents aux salariées et de dommages-intérêts à l'Union locale des syndicats CGT de Paris 17ème. |
Observations
1. Liste des exceptions admises au principe "à travail égal, salaire égal"
Même si le principe "à travail égal, valeur égal", reconnu depuis l'arrêt "Ponsolle" (Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-43.680, Société Delzongle c/ Mme Ponsolle, publié N° Lexbase : A9564AAH), et les applications du principe de non-discrimination présentent des similitudes évidentes, leurs éléments constitutifs et, partant, leur mise en oeuvre, diffèrent sensiblement. Pour qu'une discrimination soit présumée, conformément au mécanisme issu de la loi du 16 novembre 2001 (loi n° 2001-1066, 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations N° Lexbase : L9122AUE), il est, en effet, nécessaire d'établir, conformément à la définition qu'en donne d'ailleurs le droit communautaire, que deux personnes se trouvent dans une situation identique et qu'elles sont traitées différemment. L'employeur ne pourra, alors, échapper à une condamnation qu'en prouvant que cette différence de traitement est "justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination". Lorsqu'un salarié invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal", le bénéfice de la présomption d'inégalité salariale, que lui reconnaît la jurisprudence depuis 2004 (Cass. soc., 28 septembre 2004, n° 03-41.825, F-P+B N° Lexbase : A4907DD4, Dr. soc. 2004, p. 1144, et les obs.), dépend uniquement de la preuve qu'il accomplit un "travail égal, ou de valeur égale", ce qui est plus facile à rapporter que la preuve de l'identité des situations. Cette faveur plus grande accordée au salarié qui se fonde sur la violation du principe "à travail égal, salaire égal" n'est, toutefois, que provisoire, puisque l'employeur pourra facilement s'exonérer en prouvant que les salariés en comparaison ne sont, en réalité, pas dans une même situation (Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-43.680, Société Delzongle c/ Mme Ponsolle, précité : "l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique").
Pour déterminer si les salariés se trouvent dans une situation identique, la jurisprudence tient, tout d'abord, compte de données, soit strictement personnelles, comme la situation familiale (Cass. soc., 26 février 2002, n° 00-45.631, M. Roland Hommel c/ Société de secours minière (SSM) de Moselle-Est, FS-D N° Lexbase : A0707AYT), soit de données professionnelles propres, comme le coefficient hiérarchique, la classification, la qualification, l'ancienneté, les connaissances professionnelles, les diplômes, l'expérience, ou encore les responsabilités exercées (Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-45.592, Société d'exploitation mixte des transports de l'agglomération de Montpellier (TAM), F-D N° Lexbase : A8554DPI). Les juges peuvent, également, prendre en compte la précarité du statut professionnel du salarié et la volonté de l'employeur de compenser cette précarité par le versement d'une rémunération supérieure (Cass. soc., 28 avril 2006, n° 03-47.171, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2049DPL, voir notre chronique, L'ancienneté et la situation juridique du salarié dans l'entreprise peuvent justifier une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal", Lexbase Hebdo n° 213 du 4 mai 2006 - édition sociale N° Lexbase : N7835AKE).
Certaines différences de situation tiennent, également, à des considérations plus juridiques, qu'elles soient temporelles ou spatiales. L'appartenance de deux salariés de la même entreprise à deux établissements distincts peut, ainsi, justifier une différence de rémunération, dès lors que les accords d'entreprise sont différents (Cass. soc., 27 octobre 1999, n° 98-40.769, Electricité de France c/ M. Chaize et autres N° Lexbase : A4844AGI, Dr. Soc. 2000, p. 189, chron. G. Couturier) et, semble-t-il, à condition que les différences entre établissements justifient ces différences de statut (Cass. soc., 18 janvier 2006, n° 03-45.422, F-P N° Lexbase : A3972DM3, sur ce sujet, lire notre chronique, Une différence de traitement fondée sur la pluralité des accords d'établissement n'est pas illicite, Lexbase Hebdo n° 199 du 26 janvier 2006 - édition sociale N° Lexbase : N3620AKB). Le critère de l'antériorité dans l'entreprise ne constitue pas, en soi, un motif suffisant justifiant une différence de rémunération (Cass. soc., 25 mai 2005, n° 04 -40.169, Société The Hôtel Ritz Limited c/ Mme Stoyanka Smilov, FS-P+B, préc.). Encore faut-il établir que cette différence en révèle une autre, comme le fait que les salariés bénéficient d'avantages légaux distincts ; ainsi, le salarié embauché antérieurement à la dénonciation ou à la mise en cause de l'usage bénéficiera du principe légal de maintien des avantages individuels acquis, et non le salarié embauché postérieurement (Cass. soc., 11 janvier 2005, n° 02-45.608, FS-P N° Lexbase : A0168DGC). Il en ira de même pour le salarié recruté avant le passage aux 35 heures et qui percevra une garantie mensuelle de rémunération pour en assurer le maintien (Cass. soc., 1er décembre 2005, n° 03-47.197, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8452DLM, lire, notre chronique, Le principe "A travail égal, salaire égal" impuissant à réduire les inégalités résultant du passage aux 35 heures, Lexbase Hebdo n° 193 du 8 décembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N1672AK7). La différence de date d'embauche est, également, un motif admis lorsque l'employeur a souhaité valoriser l'expérience et l'ancienneté acquises dans les tâches, à condition, toutefois, que celle-ci ne soit pas prise en compte, par ailleurs (Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-43.680, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2049DPL, lire notre chronique, L'ancienneté et la situation juridique du salarié dans l'entreprise peuvent justifier une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal", préc.). Cet argument n'est, toutefois, pas nécessairement pertinent. L'employeur peut, en effet, parfaitement mettre en place, généralement par la voie conventionnelle, un système de carrière valorisant, également, les mérites individuels des salariés (Cass. soc., 3 mai 2006, n° 03-42.920, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2459DPR, lire notre chronique L'égalité salariale n'est pas l'identité salariale, Lexbase Hebdo n° 214 du 10 mai 2006 - édition sociale N° Lexbase : N8019AK9), ce qui suffira, d'ailleurs, à justifier les différences de rémunération produites par le système en cause (CJCE, 3 octobre 2006, aff. C-17/05, B. F. Cadman c/ Health & Safety Executive N° Lexbase : A3687DRY, lire notre chronique, L'ancienneté et la performance individuelle comme justifications valables d'une inégalité salariale, Lebxase Hebdo n° 232 du 19 octobre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N4111ALT).
D'autres justifications tiennent, enfin, exclusivement à l'état du marché de l'emploi au moment où le salarié a été recruté et à l'intérêt de l'entreprise tenue, par exemple, d'embaucher en urgence un salarié qualifié pour assurer sa survie (Cass. soc., 21 juin 2005, n° 02-42.658, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7983DII, lire notre chronique, La justification des inégalités de rémunération, Lexbase Hebdo n° 174 du 30 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N6023AIW) ou de mener une politique de recrutement ambitieuse à l'échelon international (Cass. soc., 9 novembre 2005, n° 03-47.720, Société European synchrotron radiation facility (ESRF) c/ M. Marc Diot, FS-P+B N° Lexbase : A5949DLW, lire notre chronique, Nouvelle illustration d'une différence de traitement justifiée en matière de rémunération, Lexbase Hebdo n° 191 du 24 novembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N1188AK9). 2. Confirmation de la volonté d'assurer le maintien de la rémunération antérieure
Dans cette affaire, la direction de l'hôtel Le Méridien Etoile avait décidé de "moderniser" la rémunération d'une partie de son personnel en substituant à la traditionnelle rémunération au pourcentage une rémunération fixe mensualisée. Pour accompagner cette petite révolution, un accord d'entreprise avait été conclu pour garantir aux salariés embauchés avant une certaine date, fixée par la convention, le maintien de leur rémunération grâce au versement d'un complément salarial. Des salariés embauchés postérieurement à la date butoir fixée par la convention collective pour bénéficier du complément de salaire conventionnel avaient, alors, saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaires, se fondant sur la violation du principe "à travail égal, salaire égal". La cour d'appel de Paris leur avait donné raison, sur ce point, après avoir considéré que le critère de présence dans l'entreprise à la date déterminée par la convention collective ne suffisait pas à justifier la différence de traitement, dans la mesure où il n'était pas lié à l'ancienneté des salariés. Tel n'est pas l'avis de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui casse cette décision, au motif que "un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif organisant le passage d'une rémunération au pourcentage à une rémunération au fixe, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et subissant, du fait de la modification de la structure de leur rémunération, une diminution de leur salaire de base que l'attribution de l'indemnité différentielle a pour objet de compenser".
C'est la deuxième fois que la Cour de cassation vise la "situation juridique du salarié dans l'entreprise" (Cass. soc., 28 avril 2006, préc.) et que la Cour admet que l'employeur peut valablement favoriser certains salariés qui risquent de perdre une partie de leur rémunération à l'occasion d'une modification dans la structure de celle-ci ou d'une réduction de la durée légale du travail. L'affirmation rappelle, en effet, les termes d'un arrêt en date du 1er décembre 2005 où la Cour avait considérée qu'"un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif de réduction du temps de travail, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et ayant subi une diminution de leur salaire de base consécutive à la réduction de la durée du travail, diminution que l'attribution de l'indemnité différentielle a pour objet de compenser" (Cass. soc., 1er décembre 2005, préc.).
Comme la précédente, cette conclusion nous semble parfaitement logique et justifiée, puisque les salariés recrutés avant l'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective risquent bien de perdre une partie de leur rémunération, compte tenu du passage à un salaire payé au temps, là où il était antérieurement calculé au rendement, alors que les nouveaux embauchés n'auront jamais connu que ce système de rémunération classique. La Cour semble, ainsi, revenir sur la solution admise dans l'affaire du Ritz où une salariée embauchée postérieurement à la date fixée par la convention collective pour assurer le maintien des salaires antérieurs avait obtenu gain de cause (Cass. soc., 25 mai 2005, préc.). Il semble, toutefois, que dans cette affaire, la salariée en question avait bien travaillé antérieurement à la date butoir, mais sous un statut précaire d'extra, de telle sorte qu'elle pouvait avoir vocation à bénéficier, également, du maintien de la rémunération antérieure.
On notera, ici, que la Cour de cassation se montre moins favorable aux salariés que ne semblait l'avoir été, avant elle, le Conseil constitutionnel. Ce dernier avait, en effet, examiné la constitutionnalité de la loi "Aubry II" et singulièrement de la validité des garanties mensuelles de rémunération (GMR) au regard du principe d'égalité entre salariés, fondé sur le principe général d'égalité entre citoyens de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (Cons. const., décision n ° 99-423 DC, du 13 janvier 2000, loi relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : A8786ACE). Le Conseil avait, en effet, censuré la disposition de la loi excluant du bénéfice des GMR les salariés à temps partiel embauchés antérieurement à la réduction de la durée légale du travail, au nom du principe d'égalité avec les salariés à temps plein, mais admis, pour le reste, la conformité du dispositif, après avoir, toutefois, relevé que le législateur avait pu "sans porter atteinte au principe d'égalité, exclure du bénéfice du complément différentiel de salaire les salariés à temps complet et les salariés à temps partiel recrutés postérieurement à la réduction du temps de travail sur des postes qui ne sont pas équivalents à ceux occupés par des salariés bénéficiant de la garantie". Le Conseil avait donc l'air de considérer que l'argument tiré du principe "à travail égal, salaire égal" devait prévaloir sur la justification tirée du désir d'éviter aux salariés une perte de rémunération liée à l'abaissement de la durée légale du travail. Or, telle n'est pas la position de la Cour de cassation, dans cette affaire, puisqu'elle considère le motif avancé par l'entreprise comme suffisant pour justifier la mesure. Il n'est donc pas question, ici, de niveler "par le haut" en étendant le bénéfice de dispositifs conventionnels à des salariés exerçant un même travail, ou de valeur égale, dès lors qu'ils ne se trouvent pas dans la même "situation juridique" que les autres salariés.
On se demande, alors, s'il est encore bien raisonnable de parler de principe "à travail égal, salaire égal" tant le principe semble, aujourd'hui, battu en brèche par les exceptions. Il ne semble pas, non plus, possible de parler de principe de "non-discrimination salariale", car le motif invoqué par l'employeur n'a pas à apparaître illicite pour être sanctionné. Il semblerait, alors, plus raisonnable de faire référence à un "principe d'égalité de traitement salarial", ce qui éviterait aux salariés bien des déconvenues et des frustrations. |
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Réf. : CA Paris, 25ème ch., sect. B, 2 juin 2006, n° 04/15934, SA Immopar Antilles c/ SARL ACIHT (N° Lexbase : A0959DRX)
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Le 07 Octobre 2010
On comprend, dès lors, que malgré l'importance de ce contrôle, le législateur -tout en l'élargissant sans cesse- a également veillé à ce que des litiges ne puissent survenir à contretemps et, notamment, à éviter que les délais d'action s'alignent sur le droit commun, risquant ainsi de paralyser la vie de la société. Au surplus, le législateur a cherché à fermer la porte à la survenance de conflits inutiles -inutiles, du moins sous ce prisme particulier qu'est celui des affaires-.
Les dispositions de l'article L. 225-42 du Code de commerce (N° Lexbase : L5913AIT), dans sa rédaction issue de la loi NRE du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420, 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ), sont ainsi révélatrices de l'économie des textes. L'information doit demeurer la priorité du mécanisme et la société doit disposer du pouvoir de moduler la sanction et d'éviter la nullité des actes dans l'ordre sociétaire interne, à partir du moment où le contrôle a été réalisé. C'est pourquoi l'annulation des conventions passées sans contrôle préalable du conseil d'administration, alors que cette procédure était requise, n'est possible que si les actes en cause ont eu des conséquences dommageables pour la société. La nullité, par ailleurs, peut être "couverte" par un vote de l'assemblée générale statuant sur rapport spécial des commissaires aux comptes. Enfin, l'article précité dispose que l'action en nullité se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention, sauf au cas de dissimulation, le point de départ du délai de recours débutant à la date de sa révélation.
C'est ce type de paradoxe : contrôle versus sécurité, qui était en jeu dans une affaire jugée par la 25ème chambre de la cour d'appel de Paris le 2 juin 2006, une société ayant résilié, à la suite de diverses restructurations, un "contrat de mission" dont était titulaire une autre personne morale, avec effet immédiat, et sur le fondement de la nullité de la convention. Elle affirmait, en particulier, en défense, que cette nullité résultait de l'application des dispositions de l'article L. 225-38 du Code de commerce (N° Lexbase : L5909AIP), la convention étant intervenue initialement entre la société et son directeur général de l'époque, sans que la procédure relative aux conventions réglementées n'ait été respectée.
Outre l'appréciation du caractère courant ou non de la convention, susceptible de faire échapper celle-ci au champ d'application du régime des conventions réglementées, la question posée au juge portait, de la sorte, sur l'appréciation d'une résiliation d'un contrat, conclu depuis plus de vingt ans, résiliation fondée sur le non-respect de l'article L. 225-38 du Code de commerce.
En l'espèce, l'arrêt est instructif à plus d'un titre puisqu'il éclaire sur l'appréciation que le juge fait de la résiliation d'un contrat, qui n'avait pas été conclu dans les formes requises pour l'adoption des conventions réglementées, et de l'exception de nullité invoquée pour en justifier la résiliation. La réponse du juge, rigoureuse au plan du rejet de l'action en nullité, sera plus nuancée s'agissant de la résiliation.
La nullité était invoquée en défense pour justifier la résiliation de la convention (I) mais en tant qu'exception. Le juge rejettera cette solution en appliquant strictement les dispositions relatives à l'action (II), tout en ouvrant largement la faculté de résiliation.
I - La nullité de l'article L. 225-38 du Code de commerce invoquée en tant que cause de résiliation
C'est à la suite d'un changement dans l'actionnariat d'un groupe, que l'actionnaire de référence, s'avisant qu'une des sociétés avait conclu, une dizaine d'années auparavant, une convention avec un de ses dirigeants, résilie celle-ci (A). Poursuivie par l'autre partie, la société qui avait résilié invoquait la nullité, en tant qu'exception, pour justifier de sa position (B).
A - La résiliation
Les faits de l'espèce débutent le 17 janvier 1989, lorsque la société Immopar Antilles (Immopar) conclut une convention avec la société représentant les copropriétaires d'une résidence située dans l'île de Saint-Martin, convention en vertu de laquelle la gestion de la résidence sera réalisée par Immopar, en collaboration avec le groupe Accor. Le 18 novembre 1992, un autre contrat est signé pour la gestion d'un hôtel à Kourou, en Guyane.
Le 28 janvier 1989, Immopar confie un mandat de gestion à la société Accor pour 20 ans, avec tacite reconduction, une part des revenus de l'exploitation étant rétrocédée à Immopar. Le 11 décembre 1991, Immopar conclut une convention de même type avec la société Accor, pour l'hôtel de Kourou et pour une durée de douze ans. Les engagements pris par la société Accor sont réputés l'être au nom des copropriétaires ayant mandaté la société.
En octobre 1993, le Consortium de Réalisation (CDR) prend le contrôle du groupe Immopar à la suite de la mise en oeuvre d'une procédure de règlement amiable.
Le 17 novembre 1993, Immopar, à la suite d'une restructuration causée par la réorganisation du groupe, conclut un "contrat de mission" (relevant donc du droit commun) avec M. Beyrat, ancien cadre du groupe Accor et alors directeur général d'Immopar -ou avec toute société qu'il constituerait à cet effet-. Ce contrat visait la réalisation d'une mission d'assistance dans la gestion des deux hôtels pour la durée des contrats de gestion dont elle bénéficiait elle-même. En 1994, M. Beyrat se substitue dans ce contrat la société ACIHT dont il avait le contrôle, ce contrat étant résilié en 1997 pour la part revenant à l'hôtel de Kourou en raison de sa cession.
Le 27 août 2002, à la suite d'un changement dans le capital et la direction d'Immopar, celle-ci résilie le contrat de mission, avec effet immédiat, en invoquant sa nullité.
La société ACIHT assigne, alors, la société Immopar devant le tribunal de commerce de Paris, invoquant la validité du contrat et demandant le règlement d'impayés, ainsi que des dommages-intérêts pour rupture abusive. La nouvelle direction de la société Immopar invoque, en défense, la nullité du contrat, en application des dispositions de l'article L. 225-38 du Code de commerce relatives aux conventions réglementées.
Le tribunal de commerce, dans un jugement du 28 mai 2004, retiendra que la convention visée constitue une opération courante qui n'est pas soumise au régime de contrôle préalable de l'article L. 225-38 et qui, en l'espèce, ne pouvait se voir appliquer la sanction de la nullité (2). Le juge ajoutera, par ailleurs, que l'article L. 225-42 du Code de commerce dispose que l'action en question se prescrit par trois ans, sauf dissimulation, ce qui n'était pas le cas dans l'affaire examinée. Ainsi, le tribunal conclura à la rupture abusive du contrat et à la condamnation de la société Immopar. Cette dernière interjette appel.
B - L'exception de nullité
Immopar faisait valoir, devant le second degré de juridiction, que la convention en question n'était en aucun cas courante ni normale. D'une part, ce type de convention était insusceptible d'être conclu dans un cadre usuel et, au surplus, -selon la requérante- elle l'avait été sans nécessité et cet acte constituait ainsi un véritable acte de disposition. Elle soutenait, d'autre part, que l'acte n'avait pas été conclu à des conditions normales puisque rien, toujours selon sa thèse, ne permettait de justifier des services rendus en contrepartie de la rétrocession considérable d'un pourcentage des résultats d'exploitation. Immopar soutenait, enfin, que le contrat avait eu des conséquences dommageables pour la société puisque l'exécution du contrat aurait multiplié ses coûts par huit.
Ces différents arguments lui permettaient de conclure à la nullité de la convention au motif que cette dernière aurait dû être autorisée au préalable par le conseil d'administration. La société demandait, donc, la restitution de l'intégralité des sommes versées en exécution du contrat litigieux. Elle ajoutait que la révocation, subsidiairement, n'était pas abusive car le mandant est libre de révoquer le contrat a tout moment et le mandat conclu en l'espèce, même s'il était à durée déterminée, pouvait être révoqué de façon anticipée pour des motifs légitimes.
On le voit, la qualification de "convention réglementée" conditionnait l'ensemble de l'argumentation relative à la cessation du contrat. La résiliation opérée à l'origine pouvait exclusivement trouver, selon la requérante, sa justification dans l'existence d'un conflit d'intérêts entre ceux du dirigeant et ceux de la société. La procédure relative à la conclusion de ce type de conventions n'ayant pas été respectée, la nullité aurait été encourue en raison du préjudice subi par la personne morale. La nullité a donc été utilisée en tant qu'exception, pour justifier de la résiliation de la convention réglementée.
S'agissant de la réponse du juge, la portée de cet arrêt doit être relativisée au niveau théorique mais, au plan factuel, il présente le mérite de rejeter une construction logique fondée sur une interprétation extensive de l'exception de nullité. Ce point est d'autant plus remarquable que le juge, en dépit de la sévérité -justifiée à nos yeux- de son raisonnement va heureusement dépasser l'analyse purement formelle et procédurale de la situation pour valider la résiliation ; mais sur un autre fondement.
II - La résiliation dans le cadre de l'appréciation stricte des conditions de l'action en nullité
Les arguments invoqués en appel par la société requérante, certes étayés en droit, ne pouvaient aboutir en raison de l'existence d'une prescription spécifique à l'action en nullité des conventions réglementées (A). La convention litigieuse, toutefois, présentait des caractéristiques susceptibles de donner lieu à une résiliation, résiliation que le juge va justifier (B) par une substitution de motif, en considération de l'aspect dérogatoire de la convention analysée.
A - Une prescription spécifique
La première question relative à la nullité portait, en l'espèce, sur la nature de la convention, et sa qualité ou non de convention réglementée, le juge du fond ayant analysé le contrat comme étant constitutif d'une convention courante et conclue à des conditions normales, c'est-à-dire, in fine, insusceptible d'être annulée.
En l'espèce, l'appréciation était aisée compte tenu des circonstances : le juge d'appel rappellera que, même si on peut considérer que la sous-traitance d'un mandat de gestion administrative et financière est courante dans ce secteur, ce n'était pas le cas pour les conventions conclues entre une société et son directeur général. Que, par ailleurs, s'agissant des conditions de sa conclusion, il apparaissait que la convention était conclue pour 20 ans minimum, sans possibilité de sortie anticipée, et ce, sans aucune justification. Ces caractéristiques ne pouvaient que conduire le juge d'appel à conclure à la soumission de l'acte au contrôle préalable applicable aux conventions réglementées. Ainsi, sur ce point, la cour d'appel ne peut qu'être vigoureusement approuvée quant à sa décision de réformer le jugement du fond qui avait conclu à la nature courante et normale d'une convention que les seules circonstances, ayant entouré sa conclusion, auraient suffi à qualifier d'exceptionnelle.
Le contrat se trouve donc, ipso facto, placé dans le champ d'application des conventions réglementées, et aucun des requérants ne contestant l'absence de contrôle préalable, la nullité était, en principe, susceptible d'être encourue.
Encore fallait-il, et c'était là la seconde question, établir si l'action pouvait encore être exercée et, sur ce point, les motifs de la cour d'appel sont décomposés en deux volets.
S'agissant, en premier lieu, de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 225-42 du Code de commerce, qui établit une prescription triennale, la solution, déjà retenue en première instance, est reprise. L'action en nullité était "largement" prescrite, en l'absence de dissimulation de la convention qui aurait pu empêcher le délai de courir.
Il demeure, toutefois, qu'en second lieu, les requérants s'appuyaient sur une logique plus complexe : le contrat litigieux avait été résilié mais la nullité était invoquée en justification de cette résiliation. Indépendamment de la demande de remboursement des sommes versées au titre de la rétroactivité, qui ne pouvait aboutir en l'espèce, c'est l'exception de nullité sur laquelle l'appelant s'appuyait pour faire échec à la demande d'indemnisation. Sur ce point, la cour d'appel répondra que celle-ci bien qu'étant "perpétuelle", ne peut jouer que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas été exécuté, ce qui n'était pas le cas dans l'affaire considérée
B - La solution en matière de résiliation
Restait à apprécier les conditions de la résiliation opérée par Immopar. A ce titre, le juge apporte un éclairage particulier sur la nature du contrat. En effet, le mandat consenti l'avait été pour une durée anormalement longue, durée qui interdisait, selon lui, de faire jouer la rétroactivité compte tenu de l'importance de l'exécution déjà réalisée. Toutefois, l'ancienneté même de la conclusion de la convention lui permettait de tirer une autre conséquence : l'assimilation du mandant à un contrat à duré indéterminée, solution permettant à chacune des parties de le résilier.
La cour d'appel place, ainsi, sa décision sous l'égide de textes particulièrement élevés dans la hiérarchie des normes. Il faut, en effet, considérer, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 9 novembre 1999 (3), que ce principe de résiliation unilatérale constitue, selon cette décision, une application directe de la liberté établie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. La fixation d'un préavis est, par ailleurs, selon le Conseil constitutionnel, de la compétence du législateur en raison de la nécessité d'assurer, pour certains contrats, la protection de l'une des parties.
Sur ce point, toutefois, une jurisprudence s'était déjà développée en matière de contrat de droit commun. A maintes reprises, et, notamment, en matière de concession, le juge avait, en effet, décidé, avant 1999, que la partie qui n'avertit pas son cocontractant suffisamment à l'avance pour lui permettre de trouver un nouveau partenaire se trouvait en situation de rupture abusive (4). C'est pourquoi la cour d'appel décidera qu'Immopar ne pouvait exercer cette faculté de résiliation, "sans l'assortir d'un préavis permettant à son mandataire de réorganiser ses activités", fixant la durée à "au moins un an". Elle décidera, donc, de condamner Immopar à verser à la société ACIHT les dommages-intérêts correspondant au préjudice né de l'absence de préavis.
Ainsi, le raisonnement juridique peut être retracé de la façon suivante. En premier lieu, la cour d'appel ne pouvait pas annuler le contrat pour des raisons de prescription évidentes, la nullité étant en elle-même difficilement envisageable, compte tenu des conséquences d'une remise en l'état rétroactive d'un contrat exécuté depuis plus de 10 ans. Par ailleurs, il était, également, impossible de permettre la révocation au titre de l'application de l'article 2004 du Code civil (N° Lexbase : L2239ABK), qui prévoit que le mandat est révocable à tout moment, puisque le contrat en question, contrairement à ce que prétendait Immopar, n'était pas un mandat mais un "contrat de mission" relevant du droit commun.
Pourtant, le non-respect de la procédure relative aux conventions réglementées était patent et la convention, en elle-même, paraissait largement suspecte, notamment, en raison de sa durée exceptionnelle, ce qui militait en faveur de la solution de la résiliation (5). C'est sans doute pourquoi celle-ci sera retenue, le juge tirant argument de cette durée pour décider d'appliquer à la convention le régime des contrats à durée indéterminée, ce qui permettait à Immopar de bénéficier de la possibilité d'opérer une résiliation unilatérale.
Jean-Baptiste Lenhof
Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne
Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)
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Le 07 Octobre 2010
- Bourses, OPA et concurrence
Quels sont les risques que fait courir le droit de la concurrence aux rapprochements et à l'organisation actuelle des places financières européennes ?
- L'application des règles en matière d'aides d'Etat au secteur bancaire et financier
Quels sont les risques que fait courir le renforcement de la politique communautaire dans ce secteur ?
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Quel est le regard des autorités de concurrence sur les contrats standards mis au point par les institutions financières ?
- Conclusions
- Clôture - Remise du prix de thèse ''Concurrences'' 2006
- Cocktail
Pervenche Béres, Députée européenne, Présidente de la Commission des affaires économiques et monétaires
Frédéric Jenny, Conseiller extraordinaire, Cour de cassation, Président du Comité international de "Concurrences"
Alain Pietrancosta, Professeur à l'Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, Président du Comité éditorial de la Revue trimestrielle de droit financier
Cecilio Madero, DG COMP, Directeur Direction D, Commission européenne
Alice Pezard, Président de chambre près la cour d'appel de Paris, Professeur associé à l'Université de Paris XI
Jérémie Pellet, bureau des concentrations, B3, DGCCRF
Didier Théophile, avocat (Darois Villey, Paris)
Dominique Berlin, Professeur à l'Université de Paris I, avocat (LeBoeuf, Lamb, Greene & MacRae, Paris)
Jean-Louis Colson, DG COMP, Chef de l'unité H2 (Aides d'Etat-Services financiers), Commission européenne
Thomas Pommera, Caisse des Dépôts et Consignations, Paris
Massimo Merrola, Professeur au Collège de Bruges, avocat (Bonelli Erede Pappalardo, Bruxelles)
André Prüm, Doyen de la Faculté de droit, d'économie et de finance du Luxembourg
Philippe Nasse, Vice-Président, Conseil de la concurrence, Paris
Anneli Howard, Solicitor et Barrister, Monckton Chambers, Londres
Vincent Martenet, Professeur à l'Université de Lausanne, Commission de la concurrence, Berne
Blanche Sousi-Roubi, Professeur à l'Université de Lyon ; Directeur de l'Institut de droit et d'économie des affaires
Bernard van de Walle de Ghelcke, Professeur au Collège d'Europe, avocat (Linklaters, Bruxelles)
Eduardo Martinez Rivero, DG COMP D1, Commission européenne
Michel Dietsch, Professeur d'économie à l'Université de Strasbourg
Laurence Idot, Présidente du Comité scientifique de "Concurrences"
Jeudi 30 novembre 2006
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Le 07 Octobre 2010
Maître Gérard Picovschi : Notre métier d'avocat d'affaires consiste, grâce à des savoir-faire innovants, à optimiser socialement et fiscalement l'entreprise, à mettre en oeuvre et à sécuriser juridiquement l'opération de cession.
Nous préconisons aux chefs d'entreprise une démarche logique en sept points, fondée essentiellement sur l'expérience du traitement de ce type de dossiers et des principaux risques d'échecs :
1) se préparer psychologiquement ;
2) préparer son entreprise en optimisant ses résultats, la toilettant juridiquement et en la faisant auditer ;
3) la mettre en vente ;
4) assister le repreneur dans la définition de son mode de financement et de son business plan ;
5) rédiger les actes ;
6) optimiser fiscalement (plus-value et droits de succession) les capitaux résultant de la cession ;
7) les réinvestir dans le cadre d'une stratégie patrimoniale globale.
Lexbase : En quoi consiste la préparation psychologique du dirigeant d'entreprise ?
Maître Gérard Picovschi : Cette première étape dans la préparation à la transmission d'entreprise consiste, pour le dirigeant d'entreprise, à prendre le temps de méditer sur les conséquences juridiques, fiscales, sociales, économiques, ainsi qu'humaines, d'un tel acte.
Transmettre une entreprise, en effet, est une étape longue et délicate d'autant plus que pour le dirigeant d'entreprise, le plus souvent fondateur de l'entreprise, cette dernière représente une forte valeur affective.
Cette décision doit être prise suffisamment tôt de manière à mener à bien la reprise sans aucune difficulté. L'idéal est de s'y prendre au moins deux à trois ans avant le passage à l'acte.
Intégrer la notion de transmission-cession d'entreprise dans sa réflexion, c'est non seulement assurer la pérennité de son entreprise ainsi que le maintien de l'emploi, mais c'est également assurer son avenir personnel "post cession-transmission". Souvent, le produit de la vente de l'entreprise va constituer, notamment, pour son fondateur un complément de revenus aux pensions de retraite tout à fait essentiel.
Une fois cette première étape franchie, va se poser de façon cruciale le choix de l'interlocuteur fiable et compétent pour vous assister et vous mener à bon port sans embûche.
Cet interlocuteur doit être un avocat spécialisé rompu à l'exercice du management et au carrefour de plusieurs types de compétences ; il doit parfaitement maîtriser le droit, la comptabilité voire l'analyse financière, avoir un carnet d'adresses conséquent et être un professionnel de la négociation.
Lexbase : Vous soulignez l'importance de la préparation de l'entreprise. Comment doit-elle se faire ?
Maître Gérard Picovschi : La préparation de l'entreprise s'entend de son audit et de la recherche d'optimisation de sa valeur.
Concernant l'audit, il s'agit d'une étape essentielle à la transmission : son évaluation. Or, il existe autant de modes d'évaluation que de spécialistes de cette question.
Un bon nombre de facteurs concourt à sa valeur et à la détermination exacte de son prix de vente.
Parmi les méthodes existantes, on peut, notamment, retenir :
- l'évaluation par l'actif net corrigé,
- l'évaluation par un multiple de résultat,
- l'évaluation par les flux de trésorerie prévisionnels.
Concernant la recherche d'optimisation de la valeur, il faut savoir que, pour qu'une entreprise intéresse un repreneur, elle doit être, avant tout, viable et donc la plus profitable.
Or, la pression exercée par les charges sociales sur les bénéfices des entreprises en France grève de façon considérable la rentabilité du poste du dirigeant et réduit d'autant plus son attractivité car le regard du repreneur (ainsi que son banquier) va immédiatement se porter sur le montant du salaire net versé au dirigeant qu'il peut devenir.
Il convient de s'interroger sur la possibilité d'agir sur le volume des charges sociales.
Il existe un moyen parfaitement légal d'agir sur ce point : le transfert de statut social du dirigeant (c'est également envisageable pour d'autres personnes dans l'entreprise, par exemple, la force de vente) permet de réduire le taux de charges sociales de 60 % à 20 %, tout en maintenant la couverture sociale octroyée par la Sécurité sociale.
Ainsi, par exemple, pour un salaire représentant pour une société un "coût global entreprise" (CGE) de 136 000 euros, l'économie de charges sociales s'élèverait annuellement à environ 25 000 euros. Cette augmentation mécanique de la rentabilité du poste de dirigeant va se répercuter tout aussi mécaniquement sur la valorisation de l'entreprise et la rendre beaucoup plus attrayante pour un repreneur ou un investisseur.
Grâce à l'économie de charges sociales réalisée, non seulement sur le poste du dirigeant mais également sur celui des associés, collaborateurs privilégiés, force de vente, etc., le repreneur disposera de nouvelles ressources financières favorisant le financement de la reprise.
En outre, cette opération d'optimisation sociale va donner lieu au toilettage juridique de l'entreprise, voire à la réorganisation de son management afin d'optimiser le calcul des cash-flow futurs, argument essentiel pour sa cession.
Lexbase : Quel est le bon moment, pour un dirigeant, pour mettre en vente son entreprise ?
Maître Gérard Picovschi : Le bon moment c'est souvent l'approche de l'age de 55 ans à 58 ans par le créateur de l'entreprise ; néanmoins, rien n'interdit d'anticiper ce moment.
Celle-ci est à l'apogée de ses résultats, le dirigeant est en pleine possession de ses moyens. C'est souvent le "bon moment". Il est constaté statistiquement que les résultats de l'entreprise décroissent avec le temps, une fois passé ce cap.
Il est essentiel de sélectionner avec le plus grand soin les intermédiaires assurant la mise en relation et de n'en retenir qu'un petit nombre.
Lexbase : Quel rôle jouez-vous auprès d'un repreneur dans l'acquisition d'une entreprise ?
Maître Gérard Picovschi : Notre rôle consiste normalement à assister le repreneur dans la définition de son mode de financement et de son business plan, mais nous allons aussi jusqu'à bâtir et optimiser la structure juridique du repreneur...
Là encore, l'expérience démontre, lorsque le repreneur est une personne physique, l'importance pour le cédant d'assister activement celui-ci dans sa recherche de financement. Les banquiers sont souvent frileux, surtout dans certains secteurs économiques, et vous aurez besoin d'aider le repreneur à bien vendre son projet via un business plan intelligent et "normé", et de le présenter éventuellement au banquier de l'entreprise.
Evidemment, être racheté par une entreprise facilite beaucoup les choses à ce niveau et peut représenter un critère de sélection.
L'expérience et le savoir-faire d'un avocat d'affaires pourront être apprécié lorsqu'il s'agira d'élaborer un montage permettant d'optimiser, notamment, d'un point de vue financier, le rachat de la société.
A ce titre diverses techniques existent. Une des plus courantes est celle appelée : le LBO ("Leverage Buy Out") (2). Derrière ce terme se cache, en fait, un mécanisme qui consiste à racheter une entreprise avec effet de levier, c'est-à-dire avec endettement bancaire. Le principal avantage de ce montage est de permettre à des cadres dirigeants ou à des investisseurs de prendre le contrôle d'une société cible avec un apport personnel minimum puisque l'acquisition est largement financée par un emprunt bancaire dont le coût est inférieur au taux de rentabilité attendu de la cible.
Lexbase : Comment se concrétise la cession ?
Maître Gérard Picovschi : Une fois le repreneur trouvé et le prix fixé, il s'agit de concrétiser et de formaliser l'accord de volonté des parties.
Le cédant exige souvent de son repreneur qu'il s'engage vis-à-vis de lui. Dans un premier temps, cela peut se faire au moyen d'une lettre d'intention. Si elle est bien faite, cette lettre devra non seulement proposer les conditions de la cession (comme le prix), mais également le calendrier des opérations.
Notre expérience prouve qu'elle est quasi-systématiquement réclamée par l'acquéreur. D'ailleurs, rare sont les cas où le vendeur la refuse car ce dernier a conscience que cet élément peut faciliter le déroulement de la transaction.
Son aboutissement logique est alors l'établissement d'un protocole d'accord global entre les parties.
Le choix de l'avocat spécialisé est, ici, essentiel car il ne faut pas confondre la rédaction d'un protocole d'accord global et indivisible avec un ensemble d'actes distincts reliés entre eux par de vagues liens juridiques qui en rendraient inapplicable une partie en cas de problème.
Nous pensons vraiment qu'il faut intégrer intellectuellement et juridiquement l'intégralité de l'opération dans la rédaction d'un protocole global.
En effet, la rédaction juridique d'un ensemble d'actes séparés génère des failles susceptibles de requalification par le juge.
Un des éléments essentiels de la rédaction juridique est ce que l'on appelle "la garantie d'actif et de passif" (3).
De quoi s'agit-il ?
Il s'agit, le plus souvent, d'un engagement du cédant négocié entre l'acheteur et le vendeur, garantissant l'authenticité des éléments comptables qui ont permis de valoriser la société lors des négociations.
Si dans la phase "post cession-transmission", des différences devaient apparaître à l'actif ou au passif (insuffisance d'actif ou passif non déclaré), le vendeur serait contraint d'indemniser l'acquéreur à hauteur du poste non révélé.
En conséquence, le cédant a tout intérêt à dévoiler, lors des négociations, tous les éléments dont il a connaissance, même si ces révélations se font en contrepartie d'une réduction de la valorisation de la société.
A cet égard, il est très important que les bénéficiaires de cette garantie soient expressément stipulés. Ainsi, on peut tout à fait envisager que la garantie soit faîte au bénéfice de la société cédée (sous forme d'indemnisation), ou au bénéfice de l'acquéreur (sous forme d'indemnisation ou de réduction de prix).
Le choix du mode d'indemnisation n'est pas anodin et pourra dépendre de considérations fiscales.
En contrepartie de cette garantie, et fort logiquement, le cédant exige souvent d'y inclure une obligation d'information. Par ce biais, il pourra être informé d'un événement susceptible de déclencher l'application de la garantie.
Ce droit à l'information peut, notamment, inclure un délai maximal pour prévenir le cédant de l'apparition d'un passif supplémentaire et/ou la communication, dans un certain délai, des documents afférents à ce passif non déclaré.
La durée de la garantie est librement fixée entre les parties au moment de son élaboration. Le cédant a, bien entendu, intérêt à limiter au maximum cette durée. Généralement, la garantie porte sur l'année en cours plus les trois années suivantes, correspondant au délai de reprise de l'administration fiscale.
De la même manière, le montant de la garantie est souvent plafonné. Pour éviter tout abus ou toute procédure indélicate, le cédant a, également, intérêt à stipuler un montant plancher en deçà duquel la garantie ne se déclenchera pas.
Il convient de signaler qu'il n'est pas rare que dans les accords d'une certaine importance, l'acquéreur exige la mise en place de ce que l'on appelle en pratique "la garantie de la garantie".
Il s'agit pour le cessionnaire de s'assurer que le cédant pourra, le cas échéant, faire face à l'étendue du passif réclamé.C'est-à-dire, en d'autres termes, pour le cessionnaire, de s'assurer de l'efficacité de cette garantie et de la solvabilité de son cédant. Les parties doivent alors se mettre d'accord sur le type de garantie : cautions bancaires, garantie à première demande...
Enfin, rien n'interdit au cédant d'exclure certains éléments de la garantie, ce qui reviendra dans les faits, à en limiter la portée.
Lexbase : Une fois la cession opérée, quelle est votre priorité ?
Maître Gérard Picovschi : Il s'agit, en premier lieu, pour le cédant d'optimiser fiscalement les capitaux résultant de la cession.
La taxe sur les plus-values s'applique statistiquement très souvent dès le 1er euro car les cédants sont fréquemment créateurs de l'entreprise cédée. L'impôt sur les plus-values devient alors un frein et conduit parfois le cédant à renoncer à son projet, suivant ainsi l'adage "trop d'impôt tue l'impôt".
Des mécanismes fiscaux parfaitement légaux permettent d'alléger dans certains cas sensiblement cette facture. Il ne faut donc surtout pas renoncer...
En second lieu pour le cédant et son entourage, il faut réinvestir les sommes.
L'objectif consiste à assister le cédant et sa famille de manière à leur garantir un niveau de vie et une consistance patrimoniale équivalente, ou mieux supérieure, à celle antérieure à la cession.
Les répercussions, certes globalement positives sur le patrimoine du cédant, sont à examiner, notamment, au regard du droit des successions et du droit fiscal (par exemple : gestion de l'impôt de solidarité sur la fortune).
Là encore, nombre de possibilités d'améliorer sa situation de contribuable existent (notamment, au travers de modifications des régimes matrimoniaux, de montages financiers ad hoc développés par des établissements financiers compétents...).
En ce qui concerne l'entreprise cédée et le repreneur, ayant à coeur le succès de l'opération de reprise et la pérennisation de l'entreprise, il faut instaurer un suivi post-cession de l'entreprise cédée.
Le cédant et ses conseils ont forcément, de par l'antériorité de la relation qu'ils ont eu avec l'entreprise, une précieuse connaissance de cette dernière qu'ils doivent, et c'est souvent convenu comme tel (accompagnement du cédant), mettre à disposition du repreneur.
Propos recueillis par Anne-Laure Blouet-Patin
Rédactrice en chef du Pôle Presse
(1) Gérard Picovschi est avocat au Barreau de Paris, formé à la Sorbonne. Il a créé son cabinet d'avocat d'affaires en 1988 en le constituant autour de pôles de compétences comme le droit des affaires, le droit social, le droit fiscal, le droit de la propriété intellectuelle et, bien évidement, le droit des sociétés. Son but est d'apporter assistance et conseils à ses clients dirigeants d'entreprises. Dans cet esprit, il développe des concepts juridiques destinés à appuyer l'action de ses clients dans le management de leurs entreprises. La réduction des charges sociales en est un exemple, tout comme l'est son approche de l'optimisation de la cession d'entreprises. Il a mis en ligne un site internet : http://www.avocats-picovschi.com/.
(2) A propos des LBO, voir, Le financement d'une acquisition par LBO, Guilain Hippolyte, Lexbase Hebdo n° 124 du 10 juin 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N1834ABK) ; LBO : action de préférence ou pacte d'actionnaires ?, Renee Kaddouch, Lexbase Hebdo n° 205 du 9 mars 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N5515AKH).
(3) Sur ce point voir, Les garanties conventionnelles (N° Lexbase : E7055AGE).
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Réf. : Cass. civ. 2, 26 octobre 2006, n° 05-19.009, M. Jean-Marc Bouvet, FS-P+B (N° Lexbase : A0417DSA) ; Cass. civ. 2, 26 octobre 2006, n° 05-13.637, Société Axa France vie, venant aux droits de la société Axa France collectives, FS-P+B (N° Lexbase : A0336DSA)
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N4878ALA
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Le 07 Octobre 2010
Résumé
La rupture d'un contrat de travail au cours de la période d'essai ne constitue pas un licenciement, et n'ouvre pas droit à prise en charge au titre de l'assurance groupe. |
Décisions
Cass. civ. 2, 26 octobre 2006, n° 05-19.009, M. Jean-Marc Bouvet, FS-P+B (N° Lexbase : A0417DSA) Rejet (CA Amiens, 1ère chambre, section 2, 17 mai 2005) Cass. civ. 2, 26 octobre 2006, n° 05-13.637, Société Axa France vie, venant aux droits de la société Axa France collectives, FS-P+B (N° Lexbase : A0336DSA) Cassation (CA Paris, 8ème chambre, section A, 13 janvier 2005) Textes visés : C. trav., art. L. 351-1 (N° Lexbase : L6240AC4) ; C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC). Lien bases : |
Faits
1. Pourvoi formé par J. M. Bouvet contre l'arrêt rendu le 17 mai 2005 par la cour d'appel d'Amiens (1ère chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Axa France vie ; M. Bouvet fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de prise en charge par l'assureur des échéances de remboursement d'un prêt en raison de son licenciement (1er arrêt). 2. Pourvoi formé par la société Axa France vie, contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2005 par la cour d'appel de Paris (8ème chambre, section A), dans le litige l'opposant à M. Murat Kucuksahin (2ème arrêt). 3. Rejet du pourvoi (1er arrêt). 4. Cassation (2ème arrêt). |
Solution
L'événement déterminant à l'origine de l'ouverture du droit à revenu de remplacement par l'Assedic au profit de M. Bouvet est la fin de la période d'essai qui le place en position d'inactivité à l'initiative d'un employeur, et non le licenciement et la période de travail antérieure qui n'interviennent que pour le calcul du montant de l'indemnité quotidienne due et éventuellement de sa durée ; l'Assedic n'avait pas servi de prestations à M. Bouvet avant le 30 novembre 2001 en l'absence de période d'inactivité entre la notification du licenciement et la fin de la période d'essai (1er arrêt). La rupture d'un contrat de travail au cours de la période d'essai ne constitue pas un licenciement (2ème arrêt). |
Commentaire
Dans la première espèce (1er arrêt), l'assureur opposait que le risque n'est garanti qu'en présence de deux conditions cumulatives, un licenciement et le bénéfice de revenus de remplacement : or, M. Bouvet était en situation non pas de licenciement mais de rupture de la période d'essai. La seconde espèce est très proche : M. Kucuksahin, déclarant avoir été licencié, a sollicité le bénéfice d'une garantie perte d'emploi auprès de la société Axa courtage, qui la lui a refusée au motif que l'assuré, dont le contrat avait été rompu en période d'essai, n'avait pas été licencié (2ème arrêt). Ces deux arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, sous le visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), portent en réalité sur deux aspects des clauses de garantie d'emploi : le fait générateur du risque, qui déclenche une prise en charge par l'assurance (1) et les exclusions de garantie (2), prévues dans les contrats, qui s'imposent aux juges, jusqu'à un certain point. 1. Le fait générateur du risque Le fait générateur du risque, en matière de perte d'emploi, est généralement défini par les compagnies d'assurance à partir du noyau dur, le licenciement et le droit qui lui est associé au bénéfice d'un revenu de remplacement. Les autres modes de rupture du contrat de travail deviennent problématiques. 1.1. Définition contractuelle du fait générateur du risque Selon la Commission des clauses abusives, ne sont généralement couverts, selon des formules rencontrées dans plusieurs contrats, que "le chômage donnant droit aux allocations prévues par le Code du travail et aux allocations formation". Les contrats contiennent parfois ces dispositifs : "tout assuré salarié, qui privé d'emploi, a droit aux allocations Assedic ou aux allocations solidarité, ou prouve être toujours demandeur d'emploi" ou "tout salarié licencié et bénéficiaire du revenu de remplacement prévu aux articles L. 351-1 et suivants du Code du travail..." (2).
L'hypothèse n'est mentionnée que pour mémoire, tant elle est placée au coeur même des assurances groupe visant la perte d'emploi. A ce titre, le licenciement présente le moins de difficultés juridiques.
La rupture de la période d'essai est-elle assimilée à un licenciement, ouvrant ainsi droit au bénéfice de l'assurance groupe couvrant la perte d'emploi ? En l'espèce (1er arrêt), licencié par son employeur, à effet du 4 août 2001, le salarié a retrouvé un emploi pendant la période de préavis, en travaillant pour la société MKD productions du 5 juin au 7 novembre 2001, date à laquelle ce second employeur a fait cesser la période d'essai. L'Assedic a pris en charge M. Bouvet au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 30 novembre 2001. Selon la Cour de cassation (1er arrêt), l'événement déterminant à l'origine de l'ouverture du droit à revenu de remplacement par l'Assedic au profit de M. Bouvet est la fin de la période d'essai qui le place en position d'inactivité à l'initiative d'un employeur, et non le licenciement et la période de travail antérieure qui n'interviennent que pour le calcul du montant de l'indemnité quotidienne due et éventuellement de sa durée. L'Assedic n'avait pas servi de prestations à M. Bouvet avant le 30 novembre 2001 en l'absence de période d'inactivité entre la notification du licenciement et la fin de la période d'essai. Donc, l'intéressé ne peut se prévaloir de l'assurance groupe perte d'emploi, car la rupture d'un essai n'est pas assimilée à un licenciement. 1.2. Appréciation judiciaire du fait générateur du risque En général, les clauses de garantie comprises dans un contrat d'assurance groupe perte d'emploi visent, comme condition préalable, la perte d'emploi résultant d'un licenciement économique, d'une part, et le bénéfice d'un revenu de remplacement, d'autre part. Ces deux conditions sont entendues largement et de manière extensive par les juges. La jurisprudence n'exige pas strictement que l'intéressé bénéficie d'un revenu de remplacement versé par le régime d'assurance. Ainsi, selon la Cour de cassation, l'allocation spécifique de conversion est assimilable à un revenu de remplacement pendant la période d'application de la convention de conversion (Cass. soc., 17 septembre 2003, n° 01-11.449, FS-P N° Lexbase : A5316C9R). De même, le fait que l'intéressé bénéficie d'une allocation de solidarité spécifique attribuée au titre du régime de solidarité ne doit pas avoir pour conséquence de l'exclure de la garantie (3). Un certain nombre de situations, non prévues par les polices d'assurance, ont (et vont) donner lieu à des développements contentieux, en raison de la divergence d'appréciations sur leur appartenance (ou pas) aux exclusions de garanties.
La Cour de cassation (4) a décidé que l'adhésion à une convention de conversion rentre dans les prévisions du contrat d'assurance perte d'emploi. La jurisprudence s'était déjà prononcée en ce sens (5). La solution adoptée tient à ces deux motifs : l'adhésion du salarié à une convention de conversion n'est qu'une modalité du licenciement économique ; l'allocation spécifique de conversion est assimilable à un revenu de remplacement pendant la période d'application de la convention de conversion. La Cour censure donc l'argumentation selon laquelle la rupture du contrat de travail, par suite de l'adhésion d'un salarié à une convention de conversion, qui n'a pas été qualifiée de licenciement par le législateur, est un mode de rupture spécifique assorti d'un régime juridique autonome (donc, écartant l'application de la garantie perte d'emploi).
Plusieurs systèmes se sont succédés, en matière de reclassement des salariés. Le juge s'est, parfois, prononcé sur leur nature juridique, au regard des assurances groupe perte d'emploi. Certains dispositifs, trop récents, n'ont pas encore donné lieu à des décisions de justice. Les conventions de cellule de reclassement et de congé de conversion du Fonds national de l'emploi (FNE), dont la conclusion est décidée lors de la négociation des mesures sociales du plan de sauvegarde pour l'emploi, peuvent être difficiles quant à leur appréciation au regard des assurances groupe perte d'emploi. Les partenaires sociaux, à la suite de la conclusion de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001, ont mis un terme aux conventions de conversion. Depuis le 1er juillet 2001, la convention de conversion ne repose plus juridiquement sur une base conventionnelle (6). Le plan d'aide au retour à l'emploi (Pare) anticipé, dit "pré-pare" (défini à l'article L. 321-4-2 du Code du travail N° Lexbase : L7855HBK, instauré par l'article 120 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9), pour les salariés des entreprises non soumises à l'obligation de mise en oeuvre d'un congé de reclassement, c'est-à-dire celles de moins de 1 000 salariés. Ce dispositif permet aux salariés licenciés pour motif économique ayant au moins 4 mois d'ancienneté, de bénéficier des prestations d'aide au retour à l'emploi pendant la durée du préavis. Là encore, cette mesure peut être difficile quant à son appréciation au regard des assurances groupe perte d'emploi. Prévue par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (art. 74) (loi n° 2005-32 N° Lexbase : L6384G49), la convention de reclassement personnalisé a fait l'objet d'un accord national interprofessionnel du 5 avril 2005, retranscrit dans une "convention relative à la convention de reclassement personnalisé" datée du 27 avril 2005 (7). La convention de reclassement personnalisé permet au salarié de bénéficier, après la rupture de son contrat de travail, d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser son reclassement (C. trav., art. L. 321-4-2 -I N° Lexbase : L7855HBK). L'adhésion du salarié n'exclut pas la possibilité de contester la lettre de licenciement et sa motivation, le motif économique du licenciement, les critères relatifs à l'ordre des licenciements et leur mise en oeuvre, le non-respect de la procédure de réembauchage ou encore l'absence de reclassement, comme la Cour de cassation l'a affirmé s'agissant de l'adhésion du salarié à une convention de conversion. A ce jour, aucun juge ne s'est prononcé sur les effets de l'adhésion à une convention de reclassement personnalisé sur une assurance perte d'emploi. 2. Les exclusions de garantie 2.1. Exclusions contractuelles Le plus souvent, les polices d'assurance prévoient comme exclusion de garantie la démission, le licenciement pendant le délai d'attente prévu à la police d'assurance, les fins de contrat de travail à durée déterminée, le chômage partiel, les licenciements ne donnant pas droit au revenu de remplacement. La lecture des différents contrats montre que sont, le plus souvent, exclues les personnes ayant dépassé 55 ou 60 ans (8), ou de moins de 25 ans, les personnes titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les personnes employées depuis moins de 6 mois ou 12 mois chez le même employeur. Les observateurs relèvent que sont, également, exclues, les pertes d'emploi impliquant la mise à la retraite ou à la préretraite, les licenciements consécutifs à une faute grave (Cass. civ. 1ère, 4 novembre 2003, n° 00-15.333, F-D N° Lexbase : A0572DAG), le chômage non indemnisé, le chômage après démission même légitime et indemnisé par les Assedic, les ruptures de contrat de travail par suite de maladie ou d'invalidité (9). Peuvent être exclus d'une garantie perte d'emploi, les départs en retraite, préretraite et toute forme de cessation d'activité dont la réglementation implique la non recherche d'un nouvel emploi, notamment convention d'allocation spéciale dans le cadre des conventions du FNE (CA Paris, 7ème ch., sect. A, 21 octobre 2003, n° 2002/6923, Monsieur Alfred Bujak c/ Société Axa Collectives N° Lexbase : A1700DA9). 2.2. Appréciation judiciaire des exclusions de garantie
En l'espèce (2ème arrêt), pour accueillir la demande de M. Kucuksahin, le juge du fond énonçait que le contrat d'assurance couvre "le chômage total consécutif à un licenciement donnant lieu au versement du revenu de remplacement prévu par les articles L. 351-1 et suivants du Code du travail" et prévoit comme exclusion la démission, le licenciement pendant le délai d'attente prévu à la police, les fins de contrat de travail à durée déterminée, le chômage partiel, les licenciements ne donnant pas droit au revenu de remplacement. Selon les juges du fond, la cessation du contrat de travail en période d'essai n'est pas un licenciement. M. Kucuksahin, qui a démissionné d'un premier emploi, a vu son second contrat de travail rompu en période d'essai : cette rupture représente pour lui une perte d'emploi, ce contre quoi il a voulu se prémunir par l'assurance. La société Axa ne pourrait donc soutenir que cette rupture en période d'essai sort de l'objet du contrat, car cette rupture ne peut pas être rattachée aux cas d'exclusions qui doivent être formels et limités. Le contrat ne précise pas que le licenciement ouvrant droit à garantie doit s'entendre au sens du Code du travail, ni qu'il soit exclusif de la rupture intervenue en période d'essai. Mais, selon la Cour de cassation (2ème arrêt), la rupture d'un contrat de travail au cours de la période d'essai ne constitue pas un licenciement. La jurisprudence s'était déjà prononcée en ce sens (Cass. civ. 1, 16 juillet 1998, n° 96-17.632, Caisse nationale de prévoyance assurances c/ M. Roger Jacquet, inédit N° Lexbase : A3531CUC ; Cass. civ. 1, 4 janvier 1995, n° 93-13.614, M. Bazet-Simoni c/ Société Auxiliaire de crédit et autre, publié N° Lexbase : A7954AGP).
La préretraite totale peut être comprise dans une clause d'exclusion (CA Paris, 7ème ch., sect. A, 21 octobre 2003, préc.). Si, dans une clause comprise dans une assurance groupe, sont exclus de la garantie, "les mises en retraite ou départs en retraite, préretraite et toute forme de cessation d'activité dont la réglementation implique la non recherche d'un nouvel emploi, notamment convention d'allocation spéciale dans le cadre des conventions du FNE", les juges du fond peuvent logiquement en tirer la conclusion que l'intéressé rentre bien dans les prévisions de cette exclusion, puisqu'il a adhéré à une convention AS-FNE (C. trav., art. L. 322-4 N° Lexbase : L6519DIB et art. R. 322-7 N° Lexbase : L0086ADK). Mais, il faut admettre que la clause litigieuse d'exclusion de garantie est mal rédigée, parce qu'elle laisse dans une zone d'ombre juridique toutes les autres conventions de préretraite qu'une entreprise peut conclure avec le FNE : convention d'aide au passage à temps partiel (FNE) ; convention de préretraite progressive (FNE) ; convention de préretraite de branche dite "Cats" (FNE). La rédaction des clauses comprises dans les contrats d'assurance groupe, souvent approximatives et incertaines, continue donc d'alimenter le contentieux. La Commission des clauses abusives a montré que "la moitié environ des contrats intitulent cette garantie assurance-chômage et l'autre moitié assurance perte d'emploi : il résulte de la définition contractuelle de ces garanties et des exclusions dont elles font l'objet qu'elles ont une portée beaucoup plus réduite que ce que ces appellations, surtout la première, peuvent donner à penser à un non-spécialiste de l'assurance". C'est pourquoi la Commission a recommandé que ne soient pas dénommées "assurance chômage" les garanties ne couvrant que certains consommateurs privés d'emploi dans certaines circonstances et sous certaines conditions restrictives et que la dénomination des garanties ne couvrant que certains consommateurs privés d'emploi dans certaines circonstances et sous certaines conditions restrictives soit adaptée à leur portée effective (10).
Christophe Willmann (1) Ch. Willmann, De la difficulté d'être chômeur-emprunteur, note sous Cass. soc., 17 septembre 2003, n° 01-11.449, FS-P (N° Lexbase : A5316C9R) et sous Cass. civ. 1ère, 4 novembre 2003, n° 00-15.333, F-D (N° Lexbase : A0572DAG), Revue de droit sanitaire et social, 2004 p. 224 ; Contrat d'assurance groupe perte d'emploi et appréciation des exclusions de garanties, Lexbase Hebdo n° 99 du 17 décembre 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N9804AAD). (2) Recommandation n° 90-01 concernant les contrats d'assurance complémentaires à un contrat de crédit à la consommation ou immobilier ou à un contrat de location avec option d'achat, BOCCRF 28 août 1990 et site internet de la commission des clauses abusives. (3) CA Paris, 7ème ch., sect. A, 1er avril 2003, n° 2001/16093, Société Gan Vie c/ Monsieur Mohamed Haddouche (N° Lexbase : A4506DA7), Rev. dr. sanit. soc. 2003, p. 533, obs. Ch. Willmann. (4) Cass. soc., 17 septembre 2003, n° 01-11.449, Mme Pascale Garcia c/ Compagnie d'assurances Gan, publié (N° Lexbase : A5316C9R), RDSS 2003, p. 533, note préc.. 5) CA Paris, 7ème ch., sect. A, 2 octobre 2001, n° 1999/16654, Compagnie Axa Collectives c/ Madame Huguette Simoussi (N° Lexbase : A5357DAN), Rev. dr. sanit. soc. 2002, p. 155, obs. Ch. Willmann. (6) J.Y. Kerbouc'h, Le Pare anticipé et le congé de reclassement, dans Le licenciement pour motif économique après la loi de modernisation sociale, préf. A. Supiot, Litec 2002, p. 306. (7) Ch. Willmann, La convention de reclassement personnalisé, Lexbase Hebdo n° 168 du 19 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4337AIH). (8) Y compris si elles atteignent cet âge en cours de contrat, la garantie cessant alors de plein droit (Recommandation n° 90-01, prec.). (9) Recommandation n° 90-01, préc., BOCCRF 28 août 1990. (10) Recommandation n° 90-01, préc., BOCCRF 28 août 1990. |
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Réf. : Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 05-42.158, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0483DSP) ; Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 04-46.280, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0481DSM) ; Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 04-48.234, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0482DSN)
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Le 07 Octobre 2010
Résumé
La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant. S'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte. |
Décisions
Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 05-42.158, M. Francis Vaujany c/ Société Le Trait d'union packaging, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0483DSP) Rejet (CA Chambéry, chambre sociale, 1er mars 2005) Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 04-46.280, Société Le Groupe CRI c/ Mme Isabelle Briard et autre, (N° Lexbase : A0481DSM) Rejet (CA Rouen, chambre sociale, 15 juin 2004) Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 04-48.234, M. Gérard X. c/ Société MEP, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0482DSN) Cassation (CA Aix-en-Provence, 5 octobre 2004) Textes visés : C. trav., art. L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP) ; C. trav., art. L. 122-13 (N° Lexbase : L5564AC3) ; C. trav., art. L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9). Mots-clés : contrat de travail ; rupture ; prise d'acte par le salarié ; résiliation judiciaire ; concours. Liens bases : ; . |
Faits
Pourvoi n° 05-42.158 Considérant que sa rémunération avait été modifiée unilatéralement, que sa prime de bilan ne lui avait pas été payée, qu'il lui était dû un rappel d'heures supplémentaires et que sa voiture de fonction lui avait été retirée, un salarié avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire. En cours de procédure, ce salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison du non-paiement de sa prime de bilan et des pressions morales qui auraient été exercées contre lui. Il invoquait donc des faits nouveaux à l'appui de sa prise d'acte. La cour d'appel a rejeté sa demande en résiliation judiciaire et dit que sa prise d'acte produisait les effets d'une démission. Le salarié faisait notamment grief à l'arrêt attaqué de s'être prononcé uniquement sur les effets de la prise d'acte en considérant que la demande antérieure en résiliation judiciaire était irrecevable. Pourvoi n° 04-46.280 Une salariée, s'estimant victime de harcèlement, avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, dont elle avait été déboutée par un jugement en date du 9 août 2001. Le 23 août suivant, cette même salariée avait alors pris acte de la rupture de son contrat de travail. L'arrêt d'appel ayant dit que la rupture du contrat de travail lui était imputable, l'employeur soutenait qu'un salarié qui a engagé contre son employeur une action tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail n'est plus en droit de prendre acte de la rupture à raison des faits dont il avait saisi la juridiction prud'homale. Pourvoi n° 04-48.234 Un salarié, agressé sur son lieu de travail par un parent de son employeur, avait été mis en arrêt de travail pour accident du travail. Il avait, par la suite, saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire avant de prendre acte, en cours d'instance, de la rupture de son contrat de travail. La cour d'appel avait estimé que le salarié n'établissait pas que le comportement de l'employeur à la date de la prise d'acte le plaçait dans l'impossibilité de poursuivre sa collaboration, et décidé que celle-ci produisait les effets d'une démission. |
Solution
Pourvoi n° 05-42.158 "Mais attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ; que s'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande en résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte" ; "Et attendu qu'abstraction faite du motif erroné critiqué par la première branche du moyen, la cour d'appel a examiné chacun des griefs formulés par le salarié contre son employeur, à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa prise d'acte ; que par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision". Pourvoi n° 04-46.280 "Mais attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ; que s'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande en résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte" ; "Et attendu que la cour d'appel a décidé que les faits reprochés par le salarié étaient fondés, d'où il suit que le moyen n'est pas fondé". Pourvoi n° 04-48.234 Cassation au visa des articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 du Code du travail ; "Attendu, cependant, que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ; que s'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande en résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte" ; "Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans prendre en compte les manquements reprochés à l'employeur par le salarié à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés". |
Observations
1. La prééminence de la prise d'acte par le salarié sur sa demande en résiliation judiciaire
Ainsi que la Cour de cassation l'a affirmé dans un important arrêt rendu le 19 janvier 2005, la prise d'acte de la rupture par le salarié rompt immédiatement le contrat de travail (Cass. soc., 19 janvier 2005, n° 02-41.113, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0755DG3, lire Ch. Radé, Nouvelles précisions concernant la prise d'acte par le salarié de la rupture du contrat, Lexbase Hebdo n° 153 du 3 février 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4456ABN). La Chambre sociale a su tirer toutes les conséquences de cette affirmation, au demeurant difficilement contestable, en soulignant, dans cette même décision, qu'il importe peu que l'employeur envoie postérieurement au salarié une lettre pour lui imputer cette rupture. De même, dans un arrêt postérieur, elle a considéré, toujours sur le même fondement, qu'il n'y a pas lieu non plus de tenir compte de la convocation du salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement intervenue antérieurement à la prise d'acte (Cass. soc., 28 juin 2006, n° 04-43.431, F-P N° Lexbase : A1054DQ4, Rev. dr. trav., 2006, p. 240, obs. J. Pélissier) (1). Ces différentes solutions doivent être approuvées dans la mesure où la prise d'acte, mettant fin au contrat de travail dès le moment où elle est notifiée à l'autre partie, l'employeur ne peut plus rompre un contrat qui est déjà rompu (2). C'est cette même règle jurisprudentielle de bon sens qui explique que la prise d'acte rend sans objet la demande de résiliation judiciaire engagée antérieurement par le salarié.
Ainsi que l'affirme à l'identique la Cour de cassation dans les trois arrêts commentés, "la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant". Cette solution est, là encore, on ne peut plus logique dans la mesure où la demande en résiliation judiciaire ne met pas fin au contrat de travail. Dans la mesure où celui-ci continue de produire tous ses effets tant que le juge n'a pas statué sur cette demande, le salarié peut mettre un terme à son contrat de travail de manière unilatérale et rendre sans objet la demande en résiliation judiciaire qui concerne alors un contrat déjà rompu. La solution retenue par la Cour de cassation dans les trois arrêts rendus le 31 octobre 2006 pouvait, au demeurant, se déduire d'une décision du 15 mars 2006 dans laquelle il avait été décidé que, "lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission, qu'il en est ainsi même si, préalablement à la prise d'acte, le salarié avait engagé une action en résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur" (Cass. soc., 15 mars 2006, n° 05-41.376, Association AFIPA c/ Mme Isabelle Bernard, publié N° Lexbase : A6211DND, Rev. dr. trav. 2006, p. 24, obs. J. Pélissier). La Chambre sociale avait, cependant, affirmé expressément, dans un arrêt postérieur en date du 3 mai 2006, que "lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail, puis a pris acte de la rupture de celui-ci et, enfin, a été licencié pour faute, le juge doit d'abord se prononcer sur la demande de résiliation, et, en cas de rejet, sur la prise d'acte en recherchant si les faits invoqués par le salarié à l'appui de celle-ci étaient ou non fondés et produisaient soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit les effets d'une démission" (Cass. soc., 3 mai 2006, n° 03-46.971, Société Elyo Centre Est Méditerranée c/ M. Ivan Katkoff, publié N° Lexbase : A2466DPZ). Les trois arrêts sous examen prennent donc l'allure d'un revirement de jurisprudence ou marquent à tout le moins une évolution par rapport à cette décision (3). Il est désormais acquis que la prise d'acte par le salarié rend sans objet la demande en résiliation judiciaire introduite auparavant par ce dernier pour la bonne et simple raison que la prise d'acte rompt immédiatement le contrat de travail (4). Il reste, désormais, à se demander si la Cour de cassation maintiendra sa jurisprudence selon laquelle lorsqu'un licenciement fait suite à une demande de résiliation judiciaire engagée par le salarié, le juge doit d'abord rechercher si cette dernière est justifiée (Cass. soc., 22 mars 2006, n° 04-43.933, Société Axa France Iard, publié N° Lexbase : A8118DNY ; Cass. soc., 16 février 2005, n° 02-46.649, Mme Linka c/ Mme Geiger, publié N° Lexbase : A7356DGK). Cette jurisprudence peut apparaître critiquable dans la mesure où si l'on considère que la résiliation judiciaire ne met pas un terme au contrat de travail, l'employeur, comme le salarié, devrait être à même de pouvoir mettre unilatéralement un terme à la relation de travail (5). Rupture qui devrait alors être seule examinée par le juge. Il est vrai que cette différence de traitement peut s'expliquer par la volonté de protéger le salarié (v., sur cette divergence de jurisprudence, J. Pélissier, obs. préc., p. 25). 2. L'office du juge en cas de concours d'une prise d'acte et d'une résiliation judiciaire
Ainsi que nous l'avons observé précédemment, la prise d'acte de la rupture par le salarié rompant le contrat de travail, elle rend sans objet sa demande initiale en résiliation, de sorte que le juge doit seulement se prononcer sur le bien-fondé de cette prise d'acte. Cela étant, la Cour de cassation apporte, dans les trois arrêts commentés, cette précision fondamentale que "s'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte". Cette solution, qu'il nous paraît difficile d'expliquer du strict point de vue de la procédure civile, trouve, néanmoins, à se justifier si l'on a égard au fait que l'article L. 122-14-3 indique que le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin par toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Partant, on doit considérer que, pour apprécier le bien-fondé de la prise d'acte, le juge se doit non seulement de tenir compte des éléments fournis par le salarié à l'appui de celle-ci, mais également de ceux invoqués à l'appui de la demande de résiliation judiciaire (6). En outre, on relèvera que, dans les deux cas, le juge est appelé à se prononcer sur d'éventuels manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles. Enfin, on soulignera que la solution retenue dans les arrêts sous examen n'est pas sans rappeler la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige et que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit (Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-42.804, Société Dépannage Côte d'Azur Transports (DCAT) c/ M. Jean-Pierre Rosso, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8388DII, lire Ch. Radé, La lettre par laquelle le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ne fixe pas les limites du litige prud'homal, Lexbase Hebdo n° 175 du 7 juillet 2005 - édition sociale N° Lexbase : N6328AI9).
On ne s'étendra guère sur cet aspect de l'office du juge tant il est, désormais, solidement ancré en jurisprudence. On sait, en effet, que depuis 2003 la Cour de cassation affirme avec constance que, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission (Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-42.335, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A8976C8X ; Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-42.679, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A8977C8Y ; Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-43.578, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A8978C8Z, lire Ch. Radé, "'Autolicenciement' : enfin le retour à la raison !", Lexbase Hebdo n° 101 du 1er janvier 2004 - édition sociale N° Lexbase : X5291ABL).
Gilles Auzero (1) Dans cette affaire, l'employeur avait convoqué le salarié, le 8 août 2000, à un entretien préalable à une mesure de licenciement, la date d'entretien étant fixée le 28 août suivant. Le salarié ne répond pas à la convocation mais prend acte de la rupture avant qu'une décision de licenciement ne lui soit notifiée. La lettre de prise d'acte est adressée à l'employeur le 24 août alors que la lettre de notifiant le licenciement est datée du 25 septembre. (2) V., en ce sens, les obs. préc. de Jean Pélissier. Ainsi que le relève cet auteur, il conviendrait cependant de tenir compte de la chronologie des fautes lorsque la faute reprochée au salarié et motivant le licenciement est antérieure à celle commise par l'employeur et ayant entraîné la prise d'acte. (3) Tel est le sens du communiqué accompagnant, comme il est désormais de coutume, cette décision et dans lequel il est souligné que "cet arrêt marque une évolution par rapport à un arrêt de la chambre du 3 mai 2006, qui concernait toutefois une situation particulière puisque se succédaient une demande de résiliation judiciaire, une prise d'acte et un licenciement". (4) Il ressort clairement des arrêts commentés que la prise d'acte peut parfaitement intervenir en cause d'appel. (5) V., toutefois, pour la mise à la retraite du salarié, Cass. soc., 12 avril 2005, n° 02-45.923, M. Simon Siboni c/ Société Secap, F-P+B (N° Lexbase : A8628DHZ), lire N. Mingant, Résiliation judiciaire et mise à la retraite en cours d'instance d'appel, Lexbase Hebdo n° 165 du 28 avril 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3694AIN). (6) Le salarié peut, dès lors, parfaitement invoquer des faits nouveaux à l'appui de sa prise d'acte ou faire à nouveau état des faits qu'il reprochait à l'employeur à l'appui de sa demande de résiliation ou encore les deux à la fois. |
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