La lettre juridique n°202 du 16 février 2006

La lettre juridique - Édition n°202

Éditorial

Consécration de l'Etat-Régions : maudit soit qui en mal y pense !

Lecture: 2 min

N4615AK7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84615
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Les amoureux de la centralisation jacobine devront se faire une raison : la disparition progressive du cadre national au sein de l'espace européen avance à grands pas. Les frontières étatiques, telles que nous les connaissons aujourd'hui, pourraient n'être, bientôt, que des reliquats moyenâgeux de la construction des Etats-Nations, au profit de l'Europe des régions. Comme le souligne à juste titre Pierre Hillard, dans un article sur "La régionalisation et l'aménagement du territoire en Europe : une révolution politique en faveur d'un partenariat transatlantique ?", l'impulsion allemande de ces dix dernières années, conduite par l'ancien Chancelier Schröder, a finalement gagné tout le continent ; et la décentralisation inéluctable de l'espace communautaire abat les dernières réticences exprimées par certains Etats, tels que la France. En effet, si pour d'aucuns, comme Robert Félicité de Lamennais, "la centralisation, c'est l'apoplexie au centre, la paralysie aux extrémités", reconnaissons-le, malgré deux lois d'envergure consacrées à la décentralisation, le gène récessif français de l'Etat centralisateur, si cher à Philippe "le Bel", perdure grandement : à cela deux raisons fondamentales, la peur d'une insuffisance structurelle de ressources pour relever les défis de la gestion autonome locale et, par voie de conséquence, la peur d'une rupture d'égalité entre les citoyens d'un même territoire national. Pourtant, malgré cette appréhension toute reptilienne, la France s'apprête à ratifier, enfin, la Charte européenne de l'autonomie locale, après l'avoir signée il y a près de 20 ans. L'Hexagone restait donc l'un des derniers Etats à ne pas avoir approuvé cette convention du Conseil de l'Europe, notamment, après que le Conseil d'Etat n'ait exprimé un avis négatif, le 15 décembre 1991, s'appuyant sur l'ambiguïté, l'incompatibilité et le refus des influences extérieures dans le processus de décentralisation engagé par la France, depuis 1981. Cette semaine, dans la Revue Lexbase de Droit public, Nicolas Wismer, Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales et Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon, nous présente les dispositions de cette Charte, en tant que cadre institutionnel d'une régionalisation de l'Europe communautaire. Mais d'ores et déjà, l'autonomie locale est l'honneur de l'actualité, puisque Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz, Membre de l'Institut de droit et d'économie des dynamiques en Europe (ID2), tisse le cadre des procédures générale et particulières de retrait de communes d'une communauté de communes, sur la base d'une récente décision du Conseil d'Etat. Florence Nguyen-Rouault, Docteur en droit et Attaché territorial, revient sur les dispositions de la loi de finances 2006 relatives à la redevance et à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, si chères à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Enfin, Olivier Dubos, Professeur de droit public, Centre de recherches et de documentation européennes (CRDE), à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, analyse la récente circulaire sur les aides des collectivités locales aux entreprises, véritables pierres d'angle de la politique de dynamisation du tissu économique local.

newsid:84615

Social général

[Jurisprudence] L'indemnisation du gréviste réintégré : vive le cumul !

Réf. : Cass. soc., 2 février 2006, n° 03-47.481, Société Colas Ile-de-France Normandie SA c/ M. Mohamed Bitat, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6225DMI)

Lecture: 10 min

N4568AKE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84568
Copier

par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

C'est à une question inédite que la Chambre sociale de la Cour de cassation était confrontée dans l'épilogue de cette très longue procédure : le gréviste qui est réintégré dans son poste après l'annulation de son licenciement et qui obtient le paiement d'indemnités compensant la privation de son salaire depuis son licenciement, peut-il en cumuler le bénéfice avec les salaires et autres revenus de remplacement qu'il aurait pu percevoir pendant cette période ? En répondant par l'affirmative, la Cour de cassation confirme une tendance lourde (1), mais qui nous semble discutable (2).
Décision

Cass. soc., 2 février 2006, n° 03-47.481, Société Colas Ile-de-France Normandie SA c/ M. Mohamed Bitat, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6225DMI)

Rejet (CA Paris, 21ème chambre, section B, audience solennelle, 2 octobre 2003)

Texte concerné : C. trav., art. L. 521-1 (N° Lexbase : L5336ACM)

Mots-clefs : grève ; licenciement ; nullité ; réintégration ; indemnisation ; cumuls.

Lien bases :

Résumé

Le salarié réintégré après annulation de son licenciement doit percevoir une indemnité égale aux salaires qu'il a cessé de percevoir, sans que l'employeur puisse déduire les salaires ou les revenus de remplacement perçus pendant la même période.

Faits

1. M. Bitat et cinq autres salariés de la société Colas Ile-de-France Normandie ont été licenciés le 24 janvier 1997 pour faute grave, motifs pris par l'employeur d'un refus d'obéissance et d'abandon de poste à la suite de leur refus, le 6 décembre 1996, de prendre leur poste de travail pour cause d'intempéries puis de leur départ sans autorisation du chantier à l'annonce du non-paiement des heures d'interruption de leur tâche.

2. Un arrêt de la cour d'appel de Paris, rendu le 20 décembre 2001 sur renvoi après cassation (Chambre sociale, 12 décembre 2000), a jugé que les salariés avaient exercé leur droit de grève et, annulant les licenciements prononcés et ordonnant la réintégration des intéressés dans l'entreprise, a condamné l'employeur à leur verser une provision avant expertise sur l'indemnité pour perte de salaire subie.

Solution

1. "Il résulte du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle ; que selon l'article L. 521-1 du Code du travail, qui détermine les conditions d'exercice de ce droit, la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié et que l'exercice du droit de grève ne saurait donner lieu de la part de l'employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunération et d'avantages sociaux et que tout licenciement prononcé en violation de ce texte est nul de plein droit ; que dès lors, la cour d'appel a exactement décidé que les salariés, dont les contrats de travail n'avaient pas été rompus et dont les licenciements étaient nuls, avaient droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'ils auraient dû percevoir entre leur éviction de l'entreprise et leur réintégration, peu important qu'ils aient ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période".

2. Rejet

Commentaire

1. Les données du problème

  • La faiblesse des sources normatives

En dépit de l'invitation adressée à lui par le Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6815BHU), le Parlement n'a guère été prolixe lorsqu'il s'est agi d'encadrer l'exercice du droit de grève. Si la loi du 11 février 1950 a jeté les bases du régime actuel, en indiquant que "la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié", il aura fallu attendre la loi du 25 juillet 1985 pour que la nullité soit formellement imposée comme sanction du licenciement prononcé en violation de l'immunité disciplinaire, ouvrant ainsi la voie à la réintégration des salariés (Cass. soc., 26 septembre 1990, n° 88-41.375, Compagnie lyonnaise des goudrons et des bitumes c/ M. André et autres, publié N° Lexbase : A1518AAH, Dr. soc. 1991, p. 60, rapp. P. Waquet, note J.-E. Ray).

  • Le droit à réintégration

La réintégration est un droit pour le salarié qui le désire. L'employeur ne peut, en principe, s'y opposer, sauf si cette réintégration est matériellement impossible (Cass. soc., 15 juin 2005, n° 03-48.094, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6829DIR, lire nos obs., Affaire "Wolber" : à l'impossible nul n'est tenu !, Lexbase Hebdo n° 173 du 23 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N5701AIY ; Dr. soc. 2005, p. 847, chron. G. Couturier) ; le juge pourra d'ailleurs l'y contraindre en assortissant l'ordonnance d'une astreinte.

Mais la réintégration est également une liberté que le salarié peut parfaitement décider de ne pas exercer ; il peut ainsi poursuivre l'annulation de son licenciement mais ne pas demander la réintégration, notamment lorsqu'elle sera humainement impossible ou, tout simplement, parce qu'il aura, depuis son licenciement et sans attendre l'issue du contentieux prud'homal, retrouvé un emploi.

  • Le droit à indemnisation

Les conséquences indemnitaires de l'annulation du licenciement sont logiquement différentes selon que le salarié sera ou non réintégré.

S'il est réintégré, il ne percevra logiquement aucune indemnité de rupture puisque le contrat de travail continue de s'exécuter ; il aura toutefois droit à une indemnité compensant la privation de ses salaires, depuis le dernier paiement jusqu'au jour de la reprise du travail, ainsi qu'une indemnité compensant l'ensemble du préjudice que lui aura causé le licenciement nul.

S'il n'est pas réintégré, il percevra en plus des indemnités sanctionnant la rupture du contrat de travail ; la Cour de cassation considère ici logiquement que le licenciement nul doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le salarié devra donc percevoir, en plus de l'indemnité compensant la privation des salaires, une indemnité de préavis, de licenciement, et une indemnité pour défaut de cause réelle et sérieuse dont le montant ne pourra être inférieur à l'indemnité prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74) (Cass. soc., 16 mars 2005, n° 02-45.077, FS-P+B N° Lexbase : A2964DHA, lire les obs. de Nicolas Mingant, L'indemnisation du membre d'un comité d'entreprise européen licencié sans autorisation administrative, Lexbase Hebdo n° 161 du 30 mars 2005 - édition sociale N° Lexbase : N2514AIX).

Reste à déterminer la nature de l'indemnité compensant la privation des salaires et qui sera due que le salarié soit, ou non, effectivement réintégré. Ce débat a, en réalité, un seul objectif pour l'employeur : prendre en compte les revenus de remplacement perçus par le salarié pendant la même période pour limiter le montant de l'indemnité au salarié.

2. Le refus d'autoriser la déductibilité

Jusqu'à présent, le moins que l'on puisse dire est que la jurisprudence ne brillait pas par sa clarté.

  • Exemple tiré de la situation des salariés protégés

Certaines solutions avaient été rendues s'agissant du sort réservé aux salariés protégés. Pour ces derniers, la déductibilité des indemnités perçues par le salarié pour la même période dépendait, en réalité, du cas de figure. Il n'existe pas d'hypothèse où cette déductibilité aurait été envisagée s'agissant du salarié réintégré alors que l'autorisation administrative aurait été annulée. Les affaires concernent toujours des hypothèses d'annulations de licenciements pour défaut d'autorisation qui correspondent à une hypothèse non prévue par le Code du travail.

Dans ces hypothèses, la Cour de cassation a interdit à l'employeur de prétendre limiter l'indemnité due pour compenser la perte des salaires pour tenir compte de revenus perçus pour la même période. Le salarié pourra donc les cumuler, à moins qu'il ne fasse l'objet d'une procédure de reversement, comme ce sera le cas pour les indemnités de chômage versées par les Assedics (Cass. soc., 25 novembre 1997, n° 94-43.651, Société Crosfield electronics c/ M. Bellon, publié N° Lexbase : A1639ACP, Dr. soc. 1998, p. 91, obs. M. Cohen : "Mais attendu que la sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur d'un représentant du personnel illégalement licencié et qui ne demande pas sa réintégration, est la rémunération qu'il aurait du percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours et non la réparation du préjudice réellement subi par le salarié protégé pendant cette période" ; Cass. soc., 26 mars 2002, n° 01-42.397, Mme Katherine Cuiney c/ Société d'exploitation du Riva golf hôtel de Beauvallon (SERGHB), FS-P N° Lexbase : A3835AYP ; Cass. soc., 28 octobre 2003, n° 01-40.762, M. Châabane Ben Achour c/ Institut du monde arabe, FS-P+B N° Lexbase : A9963C9U, Lexbase Hebdo n° 94 du 13 novembre 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9355AAQ ; Cass. soc., 19 octobre 2005, n° 02-46.173, Société Transmontagne c/ M. Michel Charbonnel, FS-P N° Lexbase : A0187DLI). Une même solution a été dégagée à propos des indemnités journalières maladie (Cass. soc., 3 mai 2001, n° 99-43.815, M. Serge Boissenin c/ Office public d'aménagement et de construction (Opac), inédit N° Lexbase : A4126ATY).

  • Situation de la femme enceinte

S'agissant du licenciement de la femme enceinte, la non-déductibilité des revenus de remplacement a été affirmée lorsque le licenciement a été annulé, qu'il s'agisse des indemnités journalières maternité (Cass. soc., 10 avril 1991, n° 89-42.751, Société Framatome c/ Mme Kerebel, publié N° Lexbase : A4987ABC) ou des allocations de chômage (Cass. soc., 10 novembre 1993, n° 89-42.302, Mme Schmitt c/ Consorts Laline, publié N° Lexbase : A2581AB9, JCP Ed. E 1994, II, 560, note J. Mouly), la solution résultant ici, comme dans l'hypothèse de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement, d'ailleurs, des termes même de la loi (Cass. soc., 16 juillet 987, n° 84-45.052, Mme Kaczmarek c/ Société anonyme Faidherbe Intermarché, publié N° Lexbase : A3851AGQ).

  • Critère jurisprudentiel

Cette jurisprudence s'explique aisément. Dans toutes les hypothèses étudiées, l'employeur a commis une faute en licenciant le salarié soit en violation d'une interdiction, soit en ne respectant pas la procédure adéquate. La déductibilité des revenus perçus par le salarié pour la même période serait donc un moyen de réduire la dette de l'employeur "innocent" ou, au contraire, de pénaliser encore plus lourdement l'employeur "coupable" ; c'est pour la même raison que le remboursement des allocations de chômage ne peut être infligé à l'employeur lorsque l'annulation du licenciement résulte de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement (Cass. soc., 23 mars 2005, n° 03-42.687, F-D N° Lexbase : A4239DHH).

  • Hésitations après 2003

Pourtant, cette logique allait être remise en cause en 2003, lorsque la thèse de la déductibilité avait semblé gagner du terrain. Dans une affaire où le licenciement avait été annulé consécutivement à l'annulation du plan social, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait, en effet, affirmé que "le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé" et autorisé les juges du fond à déduire "de la réparation du préjudice subi les revenus qu'il a pu tirer d'une autre activité professionnelle pendant la période correspondante et le revenu de remplacement qui a pu lui être servi pendant la même période" (Cass. soc., 3 juillet 2003, n° 01-44.522, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A0223C97, lire nos obs., Réintégration du salarié et réparation du préjudice salarial : la jurisprudence retient une solution réaliste, Lexbase Hebdo n° 79 du 10 juillet 2003 - édition sociale N° Lexbase : N8124AA7 ; Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 03-47.517, F-P N° Lexbase : A5510DMZ). Or, dans cette hypothèse, l'employeur était bien en faute, puisqu'il avait adopté un plan insuffisant, et pourtant la déductibilité était ici affirmée.

On pouvait donc ici hésiter. Fallait-il appliquer la logique dominante, qui subordonne la déductibilité des revenus perçus à l'innocence ou à la culpabilité de l'employeur ou, au contraire, étendre la solution dégagée en 2003 dans le cadre du plan social et considérer que la déductibilité s'impose naturellement ?

3. La confirmation du refus d'admettre la déductibilité

  • L'affaire

Le 6 décembre 1996, neuf salariés de la société Colas Ile-de-France, dont MM. Bitat, Ferdjellah, Soares, Giraldes, Lahouel et Pereira, qui travaillaient sur un chantier à Villetaneuse, avaient refusé de prendre leur travail au motif que la pluie constituait une intempérie s'opposant à l'exécution du travail. Deux heures plus tard, ces salariés avaient accepté de reprendre le travail à condition d'être réglés des deux heures perdues. L'employeur avait alors refusé d'accéder à cette demande et les salariés s'étaient mis en grève pour protester contre ce refus. Par lettre en date du 28 janvier 1998, ils avaient été licenciés pour refus d'obéissance et abandon de poste.

La cour d'appel de Versailles leur avait donné tort après avoir refusé de qualifier leur protestation de grève, mais cet arrêt avait été cassé le 12 décembre 2000 par la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui avait considéré que ce mouvement répondait bien à la définition juridique de la grève. Sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Paris avait considéré qu'il s'agissait bien d'une grève et accordé aux salariés des provisions à valoir sur le montant des salaires dont ils avaient été privés. C'est contre cet arrêt que l'entreprise avait formé un nouveau pourvoi en cassation, considérant que la créance devait être diminuée des revenus perçus par les salariés pour la même période.

  • La solution

Dans cet arrêt en date du 2 février 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation, par le rejet du pourvoi, met un terme définitif à cette affaire et donne raison aux juges du fond et aux salariés en refusant d'opérer, sur les sommes dues, la moindre retenue pour tenir compte des revenus perçus pendant cette même période.

C'est donc ici la thèse traditionnelle qui l'a emporté, celle de l'employeur sanctionné pour avoir fautivement licencié et qui doit donc payer au salarié les salaires qu'il lui doit, sans pouvoir déduire les revenus de remplacement que le salarié aurait pu, entre temps, percevoir. Ces derniers en conserveront donc le bénéfice, définitivement s'agissant des salaires versés par un autre employeur, provisoirement s'agissant des allocations de chômage dont l'Assedic sera en droit de leur réclamer le remboursement.

  • Valeur de la solution

Cette solution, qui confirme un large courant, n'est toutefois guère satisfaisante sur un plan théorique.

Il apparaît, en premier lieu, impossible de qualifier de "salaires" les sommes que l'employeur sera condamné à verser au salarié pour la période où il avait cessé de le payer ; le salarié n'a pas travaillé, il n'y a donc pas de salaire à verser.

En revanche, comme ce salaire n'a pas été versé par la faute de l'employeur qui a empêché le salarié de travailler, ce dernier aura droit au paiement de dommages-intérêts. Or, ces dommages-intérêts s'inscrivent nécessairement dans une logique de responsabilité civile ; ils sont donc soumis au principe de réparation intégrale qui interdit d'enrichir le salarié au-delà du préjudice qui lui a été causé.

Dans ces conditions, le refus de prendre en compte les revenus perçus pendant la période allant du licenciement à la réintégration nous semble totalement contraire aux règles qui gouvernent la responsabilité civile ; cette dernière est alors utilisée dans le cadre non plus de la réparation du préjudice mais bien comme peine civile infligée à l'employeur. Or, la mission d'infliger des pénalités civiles incombe au législateur, et nullement au juge.

Par ailleurs, il n'y a aucune raison pour refuser la déductibilité aux grévistes et l'admettre pour les licenciés économiques ; une harmonisation rapide serait donc plus que souhaitable, dans le sens d'une extension de la solution dégagée en 2003.

newsid:84568

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Jurisprudence "La Samaritaine" : une application propre aux entreprises en difficultés

Réf. : Cass. soc., 2 février 2006, n° 05-40.037, M. Gérard Philippot, administrateur Judiciaire, agissant ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation de la société anonyme Indépendent Insurance c/ M. Louis Albert, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6226DMK)

Lecture: 13 min

N4414AKP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84414
Copier

Le 07 Octobre 2010

La Cour de cassation, avec cet arrêt important (FS-P+B+R+I) rendu le 2 février 2006, se prononce sur une question restée à ce jour ignorée aussi bien par la loi que par la jurisprudence, portant sur les sanctions encourues par une entreprise en période de redressement judiciaire, lorsque son plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisant. L'application pure et simple de la jurisprudence "La Samaritaine" appellerait une solution bien connue : l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi implique la nullité de la procédure de licenciement (c'est-à-dire, du plan de sauvegarde de l'emploi lui-même) et, partant, la nullité des licenciements eux-mêmes. Pourtant, la Cour de cassation, sans revenir sur cette jurisprudence rendue le 13 février 1997, décide, pratiquement jour pour jour 9 ans plus tard, que les entreprises en difficulté doivent connaître un traitement particulier, adapté au particularisme de leur situation : la nullité du licenciement n'entraîne pas la nullité des licenciements, contrairement à la jurisprudence "La Samaritaine" (1) mais, en revanche, prive les licenciements prononcés de leur cause réelle et sérieuse (2). La voie indemnitaire est préférée à la technique de la nullité ce qui, tous calculs faits, devrait aller dans le sens des intérêts des salariés.
Décision

Cass. soc., 2 février 2006, n° 05-40.037, M. Gérard Philippot, administrateur Judiciaire, agissant ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation de la société anonyme Indépendent Insurance c/ M. Louis Albert, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6226DMK)

Rejet (CA Paris, 18ème chambre, section C, 28 octobre 2004)

Textes visés : C. trav., art. L. 321-4-1 (N° Lexbase : L8926G7Q) ; C. trav., art. L. 321-9 (N° Lexbase : L0043HDX).

Mots-clefs : insuffisance du plan social (plan de sauvegarde de l'emploi) ; sanctions ; nullité du plan social ; nullité des licenciements (non) ; indemnités pour défaut de cause réelle et sérieuse (oui).

Lien bases :

Résumé

En application des articles L. 321-4-1 et L. 321-9, dans leur rédaction résultant de la loi du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37 N° Lexbase : L0988AH3), la nullité de la procédure de licenciement n'est pas encourue en raison de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi établi en redressement ou liquidation judiciaire. Lorsque la nullité des licenciements n'est pas légalement encourue, l'insuffisance du plan social au regard des exigences de l'article L. 321-4-1 du Code du travail prive de cause réelle et sérieuse les licenciements économiques ensuite prononcés.

Faits

1. La société Independent Insurance a été placée, le 12 juillet 2001, en liquidation judiciaire et les liquidateurs ont présenté au comité d'entreprise un plan social (plan de sauvegarde de l'emploi), qui a ensuite été modifié au cours de la procédure de consultation, après que le juge commissaire eut arrêté le montant de la somme qui pouvait être affectée au financement du plan.

2. Une partie des salariés ensuite licenciés pour motif économique a saisi le juge prud'homal de demandes en annulation des licenciements et en paiement de dommages-intérêts.

3. Les arrêts confirmatifs, après avoir dit que ces licenciements étaient nuls, ont alloué aux salariés diverses sommes, à titre d'indemnités pour licenciements sans cause réelle et sérieuse.

4. Pourvoi formé par les liquidateurs.

5. Rejet du pourvoi.

Solution

En application des dispositions combinées des articles L. 321-4-1 et L. 321-9 du Code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi du 19 janvier 2000 applicable en la cause, la nullité de la procédure de licenciement n'est pas encourue en raison de l'insuffisance d'un plan social (plan de sauvegarde de l'emploi) établi à l'occasion d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de l'employeur.

Lorsque la nullité des licenciements n'est pas légalement encourue, l'insuffisance du plan social au regard des exigences de l'article L. 321-4-1 du Code du travail prive de cause réelle et sérieuse les licenciements économiques ensuite prononcés.

Observations

1. La nullité de la procédure de licenciement n'est pas encourue en raison de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi établi à l'occasion d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de l'employeur

La question de l'adaptation du droit du reclassement collectif (c'est-à-dire la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi) aux entreprises en difficulté n'a pas beaucoup mobilisé la doctrine, ni vraiment le législateur. Il y a là un vrai paradoxe, puisque l'hypothèse de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi devient réelle en cas de difficultés de l'entreprise, donnant lieu à l'application du régime du redressement judiciaire.

1.1. Appréciation de l'insuffisance du plan social

La particularité de l'entreprise en difficulté est prise en compte dans l'appréciation de la pertinence du plan de sauvegarde de l'emploi, conformément à la ligne directrice du contentieux, caractérisée par son pragmatisme et son souci de réalisme, tenant compte de la situation financière de l'entreprise, de la possibilité d'une liquidation judiciaire ou d'une cession de l'entreprise. Mais, imposer à l'employeur (l'administrateur) la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi peut manquer de sens.

En l'espèce, les liquidateurs invoquent, dans leur pourvoi, le fait que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour apprécier les capacités financières d'une entreprise en liquidation judiciaire, ni a fortiori les moyens financiers que l'entreprise est en mesure d'affecter à un plan social. En effet, selon les liquidateurs, le caractère suffisant d'un plan social s'apprécie au regard de l'objectif incombant à l'employeur de limiter le nombre des licenciements et d'assurer le reclassement des salariés. Son éventuel caractère insuffisant ne peut résulter de l'appréciation du montant de l'enveloppe financière affectée au plan social, ni du montant d'indemnités supplémentaires de licenciement qui pourraient être versées à des salariés remplis de leurs droits par application des dispositions légales et conventionnelles.

En se bornant à relever, pour dire que le plan social n'avait pas un caractère suffisant, qu'il avait été amputé de mesures d'indemnisations supplémentaires, sans constater qu'il ne remplissait pas son objet tel qu'énoncé par les dispositions légales, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles L. 421-4 et L. 324-1 (N° Lexbase : L6201ACN) du Code du travail, dans leur rédaction alors applicable.

La Cour de cassation s'est rangée au pouvoir souverain des juges du fond pour contrôler la suffisance du plan social. En effet, il revenait à la cour d'appel de se prononcer sur la pertinence du plan social au regard des moyens de l'entreprise, sans être liée par les appréciations portées sur ce point par le juge commissaire et le tribunal de commerce. Les juges du fond ont fait ressortir que les indemnités prévues dans la première version du plan social contribuaient à favoriser le reclassement professionnel des salariés licenciés ; ils ont relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis, que les moyens dont disposait l'entreprise lui permettaient de prendre en charge le paiement de ces indemnités, supprimées dans la dernière version du plan. Selon la Cour de cassation, ils ont pu en déduire que le plan social finalement arrêté était insuffisant.

On le voit, la jurisprudence fixée par la Cour de cassation laisse plénitude de compétence aux juges du fond pour apprécier la réalité des mesures contenues dans un plan social, c'est-à-dire leur caractère suffisant ou non. Ainsi, par un arrêt rendu le 10 mai 2005 (Cass. soc., 10 mai 2005, n° 03-40.624, F-D N° Lexbase : A2301DI3), la Cour de cassation décidait déjà que la pertinence du plan social doit être appréciée en fonction des moyens dont dispose l'entreprise pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement des salariés. Dans cette affaire, la cour d'appel, après avoir constaté la situation catastrophique de la société aux plans financier et économique, a pu décider que le plan social, qui comportait des mesures précises pour faciliter le reclassement du personnel et éviter ainsi les licenciements ou en limiter le nombre, était conforme à l'article L. 321-4-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8926G7Q).

1.2. Effets limités de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi

On sait, depuis la jurisprudence "Sietam", que la Cour de cassation assimile l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi à son absence (Cass. soc., 16 avril 1996, n° 93-15.417, Société Sietam industries c/ Comité central d'entreprise de la société Sietam industries, publié N° Lexbase : A3972AAD). Et l'absence de plan social implique, en application des dispositions bien connues du Code du travail, son annulation (C. trav., art. L. 321-4-1 N° Lexbase : L8926G7Q).

En l'espèce, les liquidateurs relèvent qu'il résulte des textes, dans leur rédaction applicable au litige (C. trav., art. L. 321-4-1 N° Lexbase : L6113ACE et L. 321-9, rédaction loi de modernisation sociale) qu'en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, la nullité de la procédure de licenciement n'était pas encourue en raison de l'insuffisance ou de l'éventuelle nullité du plan de reclassement. En déduisant la nullité des licenciements de la nullité du plan social élaboré dans le cadre de la liquidation judiciaire de l'employeur, la cour d'appel aurait violé les articles L. 321-7 (N° Lexbase : L8928G7S), L. 321-9 (N° Lexbase : L0043HDX), L. 321, alinéa 2, du Code du travail.

La Cour de cassation les suit dans leur raisonnement : il est exact qu'en application des dispositions combinées des articles L. 321-4-1 et L. 321-9 du Code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi du 19 janvier 2000 applicable en la cause (N° Lexbase : L0988AH3), la nullité de la procédure de licenciement n'est pas encourue en raison de l'insuffisance d'un plan social établi à l'occasion d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de l'employeur.

La Cour de cassation revient sur sa jurisprudence antérieure, où elle avait décidé que lorsqu'un administrateur a établi un plan social ne comportant aucune mesure de reclassement interne ou externe, l'insuffisance du plan social entraîne la nullité de la procédure ainsi que celle des licenciements consécutifs (Cass. soc., 19 février 2002, n° 98-45.526, FS-D N° Lexbase : A0225AYY).

Mais ce revirement de jurisprudence, qui peut paraître incompréhensible à première lecture, doit être doublement nuancé, au regard de la portée de la solution. D'une part, parce que la sanction de la nullité des licenciements consécutive à une nullité du plan social n'est pas nécessairement la sanction la plus appropriée, dès lors que l'employeur est en phase de redressement ou de liquidation. D'autre part, si l'employeur n'est pas sanctionné par une nullité des licenciements qu'il aurait prononcés, consécutivement à une nullité du plan social prononcée par le juge, il reste sanctionné, mais sur un autre terrain juridique, sur celui de la cause réelle et sérieuse.

2. Lorsque la nullité des licenciements n'est pas légalement encourue, l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi prive de cause réelle et sérieuse les licenciements économiques ensuite prononcés

L'absence de plan de sauvegarde de l'emploi (ou son insuffisance) appelle des sanctions, dans le cas bien spécifique des entreprises soumises à une procédure de redressement judiciaire, dont le régime légal ou jurisprudentiel a évolué très sensiblement, en l'espace de quelques années. Il faut, à ce titre, distinguer le régime juridique en vigueur sous l'empire de la jurisprudence "La Samaritaine", celui de la loi de modernisation sociale et celui en vigueur depuis la loi de cohésion sociale.

2.1. Conséquences de la nullité des licenciements sous l'empire de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et de la jurisprudence "La Samaritaine"

  • Entreprises non soumises à une procédure de redressement ou de liquidation

Depuis les arrêts "La Samaritaine" (Cass. soc., 13 février 1997, n° 96-41.874, Société des Grands Magasins de la Samaritaine c/ Mme Benoist et autre, publié N° Lexbase : A4174AAT), il est acquis que l'annulation du plan social conduit à l'annulation des licenciements prononcés sur son fondement : en effet, selon la Cour de cassation, la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents et, en particulier, les licenciements prononcés par l'employeur, qui constituent la suite et la conséquence de la procédure de licenciement collectif suivie par application de l'article L. 321-4 (N° Lexbase : L9633GQT), sont eux-mêmes nuls.

Cette solution a été consacrée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73 de modernisation sociale, art. 111 N° Lexbase : L1304AW9) qui a complété, sur ce point, les dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du travail alinéa 1er, in fine (N° Lexbase : L8990G74).

  • Entreprises soumises à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire

Ni la jurisprudence, ni le législateur n'avaient prévu des dispositions particulières pour les entreprises en difficulté, c'est-à-dire, en d'autres termes, un aménagement spécifique au régime de sanctions en cas de nullité du plan de sauvegarde de l'emploi.

La seule adaptation du plan de sauvegarde à la situation des entreprises en difficulté résulte de l'article L. 321-9, qui apporte peu d'éléments : l'administrateur (ou, à défaut, l'employeur ou le liquidateur), qui envisage des licenciements économiques doit réunir et consulter le comité d'entreprise dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 321-3 (N° Lexbase : L8925G7P) et aux articles L. 321-4, L. 321-4-1 (à l'exception du deuxième alinéa), L. 422-1 (N° Lexbase : L8894G7K), cinquième et sixième alinéas, et L. 432-1, troisième alinéa (N° Lexbase : L0041HDU).

Il faut donc comprendre que l'entreprise en difficulté n'est donc pas soumise à l'article L. 321-4-1, alinéa 2, selon lequel, précisément, la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement de salariés s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.

La Cour de cassation, par l'arrêt rapporté, paraît suivre cette ligne en décidant que si la nullité de la procédure de licenciement n'est pas encourue en raison de l'insuffisance d'un plan social établi à l'occasion d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de l'employeur, les juges du fond doivent être approuvés dans leur décision d'allouer aux salariés des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, lorsque la nullité des licenciements n'est pas légalement encourue, l'insuffisance du plan social prive de cause réelle et sérieuse les licenciements économiques ensuite prononcés.

C'est la première fois que la Cour de cassation retient cette solution, qui doit être largement approuvée, car elle comble une importante lacune des textes (qui sont étonnamment silencieux sur ce point). Jusqu'à présent, le législateur et la doctrine s'étaient focalisés sur la sanction la plus extrême, la plus sévère et, partant, la plus efficace, la nullité, en cas d'insuffisance (ou d'absence) de plan de sauvegarde de l'emploi. Mais, l'hypothèse "basse", c'est-à-dire l'allocation de dommages-intérêts aux salariés victimes d'une insuffisance/absence de plan de sauvegarde de l'emploi, n'avait pas été envisagée, parce que jugée inappropriée dans l'échelle des sanctions.

Le présent arrêt, dont la portée est limitée aux entreprises en redressement judiciaire, aménage un régime de sanction parfaitement adapté à leur situation, car la nullité de la procédure, qui appelle la nullité des licenciements, n'a pas de sens dans l'hypothèse d'une entreprise appelée probablement à disparaître, en raison du redressement dont elle fait l'objet. Puisque la réintégration de salariés ne peut être prononcée, en application d'un régime de sanctions pour absence/insuffisance de plan social, autant leur attribuer des indemnités dont le fondement juridique sera le défaut de cause réelle et sérieuse.

Le raisonnement de la Cour de cassation, pragmatique, s'inscrit bien dans la continuité de la loi de cohésion sociale (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49), qui a retenu la même solution, s'agissant des réintégrations consécutives à l'annulation de licenciements.

2.2. Conséquences de la nullité des licenciements, depuis la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005

L'article L. 122-14-4, alinéa 1er, du Code du travail (N° Lexbase : L5569ACA), dans sa version issue de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73 de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9), dispose que lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, il peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail. Mais, si le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 12 derniers mois.

La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49) avait modifié ce régime juridique des sanctions encourues en matière de plan de sauvegarde de l'emploi. La nouveauté tient à l'approche juridique de la réintégration du salarié : aux termes des deux dernières phrases du premier alinéa de l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74), dans sa rédaction résultant du V de l'article 77 de la loi de cohésion sociale, le juge peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail, sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié.

Comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé dans sa décision rendue le 18 janvier 2005 (Cons. const., décision n° 2004-509 DC, du 13 janvier 2005, loi de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : A9528DEM), il appartiendra au juge, s'il constate la nullité de la procédure de licenciement en l'absence du plan de sauvegarde de l'emploi, d'ordonner la réintégration du salarié sauf si cette réintégration est devenue impossible : à titre d'illustration d'une telle impossibilité, le législateur a mentionné certains exemples, tels que la fermeture de l'établissement ou du site, ou l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié. Cette solution avait été logiquement retenue par la Cour de cassation, notamment dans l'affaire très médiatisée dite "Wolber" (Cass. soc., 15 juin 2005, n° 03-48.094, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6829DIR, lire les obs. de Ch. Radé, Affaire "Wolber" : à l'impossible nul n'est tenu !, Lexbase Hebdo n° 173 du 23 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N5701AIY).

Implicitement, la Cour de cassation, par l'arrêt rapporté, suggère de compléter cette liste en incluant les entreprises en redressement (ou a fortiori en liquidation judiciaire) pour lesquelles la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi n'implique pas la nullité des licenciements, mais la réintégration des salariés, qui devient impossible du fait de la liquidation d'une entreprise (et, peut-être, du fait du redressement d'une entreprise). Parce que la réintégration du salarié est impossible, le juge devrait alors, en plus et logiquement, condamner l'entreprise au versement d'un indemnité, chiffrée par la loi de cohésion sociale a au moins 1 an de salaire (article L. 122-14-4 du Code du travail).

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Haute Alsace


(1) F. Favennec-Héry, Contrat de travail et droit des entreprises en difficulté, Semaine sociale Lamy 1995, n° 753, p. 2 ; F. Géa, Le licenciement économique au coeur d'un conflit de logiques : l'exemple des entreprises en difficulté - à propos des rapports entre l'économique et le social, in C. Marraud et alii,  La rupture du contrat de travail en droit du travail français et allemand, PU Strasbourg, 2000. 337 ; J.-M. Sportouch, Les licenciements en cas de redressement ou de liquidation judiciaires, Dr. soc. 1992. 787.
(2) M. Morand, Plan social et procédure collective, JCP éd. E, 1997. I. 691, p. 424.
(3) Bull. civ. V, 1996 n° 163 p. 113 ; Dr. Soc., nov. 1996, n° 11, p. 932, note G. Belier et H.-J. Legrand ; RJS mai 1996, n° 5, p. 316, note R. Kessous ; JCP éd. E, 27 juin 1996, n° 26, p. 161, note G. Picca ; Dr. Soc. mai 1996, n° 5, p. 484, note A. Lyon-Caen ; Droit Ouvrier, août 1996, n° 574, p. 317, note M. Mine.
(4) Cass. soc., 13 février 1997, n° 96-41.874, Société des Grands Magasins de la Samaritaine c/ Mme Benoist et autre, publié (N° Lexbase : A4174AAT), Dr. soc. 1997, p. 331, chron. T. Grumbach, p. 341, chron. F. Favennec ; JCP éd. G 1997, II, 22843, note F. Gaudu ; JCP éd. E 1997, I, 648, chron. G. Picca et A. Sauret ; P.-H. Antonmattéi, La nullité du licenciement pour motif économique consécutive à la nullité du plan social, RJS mars 1997. 155 ; M.-F. Bied-Charreton, La réintégration... à grands pas... ?, Dr. ouvrier 1996. 293 ; B. Bossu, La sanction d'un plan social non conforme aux dispositions légales, Dr. soc. 1996. 383 ; G. Couturier et J. Pélissier, Nullité du plan social, Semaine sociale Lamy n° 829, 3 mars 1997 ; G. Couturier, La théorie de la nullité dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, Mélanges J. Ghestin, LGDJ 2001, p. 273, spec. p. 284-285 ; T. Grumbach, Encore une fois sur les arrêts La Samaritaine, Dr. soc. 1997. 331 ;
(5) G. Couturier, L'impossibilité de réintégrer - Sur l'article 77-V de la loi du 18 janvier 2005, Dr. Soc. 2005, p. 403.
(6) X. Prétot, De la liberté d'entreprendre au droit à un emploi, ou les bases constitutionnelles du droit du licenciement, Dr. soc. 2005, p. 371.

newsid:84414

Procédure prud'homale

[Jurisprudence] Le principe de l'unicité de l'instance

Réf. : Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 03-47.058, M. Jean-Claude Gallay c/ Société Casa Azzura, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5508DMX)

Lecture: 11 min

N4542AKG

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84542
Copier

par Laurence Urbani-Schwartz, Avocate au sein du cabinet Fromont, Briens & associés

Le 07 Octobre 2010

L'article R. 516-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0611ADY) érige le principe de l'unicité de l'instance selon lequel toutes les demandes dérivant d'un contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une seule instance, sous peine d'irrecevabilité, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes. La Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle, dans un arrêt rendu le 25 janvier 2006, ce principe de l'unicité de l'instance et l'ampleur de ses conséquences, dans une affaire où un ancien salarié d'une entreprise avait, après une première instance au fond, saisi d'une nouvelle demande le conseil de prud'hommes en sa formation des référés.

Décision

Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 03-47.058, M. Jean-Claude Gallay c/ Société Casa Azzura, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5508DMX)

Rejet (CA Lyon, 17 septembre 2003)

Texte concerné : C. trav., art. R. 516-1 (N° Lexbase : L0611ADY)

Mots-clés : unicité de l'instance ; référé ; procédure prud'homale.

Lien bases :

Résumé

Dès lors que le demandeur a saisi le conseil de prud'hommes, lequel a statué au fond sur ses demandes dérivant d'un contrat de travail, toute demande formulée auprès de la juridiction prud'homale en sa formation des référés dérivant du même contrat et dont le fondement était connu avant le dessaisissement du juge du fond, est irrecevable en application du principe de l'unicité de l'instance.

Faits

1. Monsieur Gallay, salarié de la Société Casa Azzura, a été licencié par cette dernière. Monsieur Gallay a saisi le conseil de prud'hommes au fond de différentes demandes en contestation de son licenciement, dont il a été débouté, notamment par un arrêt du 26 novembre 2001.

Par la suite, en date du 3 mai 2002, Monsieur Gallay a, de nouveau, saisi la juridiction prud'homale, cette fois en sa formation des référés d'une demande tendant au paiement d'une somme au titre d'un rappel de salaires.

La cour d'appel de Lyon, dans un arrêt en date du 17 septembre 2003, a déclaré sa demande irrecevable.

2. Monsieur Gallay fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré sa demande irrecevable au motif de la violation de l'article R. 516-1 du Code du travail.

Solution

"Attendu que pour des motifs pris de la violation de l'article R. 516-1 du Code du travail, le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré sa demande irrecevable ;

Mais attendu que lorsqu'il a été statué au fond sur une première demande dérivant d'un contrat de travail, la règle d'unicité de l'instance fait obstacle à la présentation en référé d'une seconde demande dérivant du même contrat et ayant un fondement né ou révélé antérieurement au dessaisissement du juge du fond ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi".

Commentaire

1. Rappel du principe de l'unicité de l'instance et de ses tempéraments

1.1. Un principe dérogatoire au droit commun

L'article R. 516-1 du Code du travail dispose : "toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes".

Cet article pose donc le principe de l'unicité de l'instance prud'homale selon lequel les mêmes parties à une relation de travail ne peuvent introduire plusieurs instances, les demandes découlant du contrat de travail doivent être présentées dans le cadre d'une seule et unique instance.

Le principe de l'unicité impose donc au demandeur de formuler l'ensemble de ses chefs de demande lors de l'instance qu'il a introduite, toute demande dont le fondement existait déjà au moment de cette instance ne pouvant être accueillie dans le cadre d'une nouvelle instance.

Il convient de bien noter, à ce stade, que la règle édictée par l'article R. 516-1 du Code du travail n'est pas d'ordre public et, qu'en conséquence, le juge ne peut la soulever d'office.

La jurisprudence, après avoir considéré qu'il s'agissait d'une exception devant être présentée in limine litis, considère désormais que le principe de l'unicité de l'instance constitue une fin de non-recevoir pouvant être soulevée en tout état de cause, et même pour la première fois en appel (Cass. soc., 23 avril 1986, n° 83-41.517, Morizot c/ Gonzalès et autres, publié N° Lexbase : A4433AAG).

Dès lors, celui qui entend conclure à l'irrecevabilité des demandes sur le fondement de l'article R. 516-1 du Code du travail n'est nullement tenu de le faire avant toute défense au fond.

L'article R. 516-1 du Code du travail pose différentes conditions qui sont requises pour donner entière application au principe de l'unicité de l'instance. 

Si les conditions liées aux parties au litige (qui doivent être identiques) et au contrat de travail (il doit s'agir du même contrat) ne posent guère de difficulté d'application, d'autres conditions doivent être précisées.

Ainsi, s'est posée la question de savoir à quel moment l'instance prenait effectivement fin.

En réalité, toutes les demandes formulées dans le cadre d'une nouvelle instance, qu'elles soient introduites par le demandeur ou par le défendeur, pourront être déclarées irrecevables si la première instance a pris fin dans le cadre d'un jugement devenu définitif, d'une conciliation totale, à la suite d'un désistement du demandeur, en raison de la péremption de l'instance ou en raison d'un jugement de caducité.

C'est donc la jurisprudence qui est venue préciser le texte en considérant qu'aucune nouvelle instance ne peut être introduite si les causes du second litige étaient connues avant le dessaisissement de la juridiction, sachant que le dessaisissement du juge intervient par le jugement au fond sur les chefs de demandes qui lui étaient soumis (Cass. soc., 2 mars 2004, n° 01-46.886, F-P N° Lexbase : A4007DBZ).

En tout état de cause, pour que le principe de l'unicité de l'instance s'applique, le conseil de prud'hommes doit donc être dessaisi lorsque la nouvelle instance est introduite. Ainsi, tant que le juge n'est pas dessaisi et tant que le lien d'instance perdure, il est possible de présenter de nouvelles demandes. C'est donc le jugement qui emporte le dessaisissement et non pas la mise en délibéré de l'affaire.

Enfin, il convient également de bien relever que le principe s'applique au demandeur comme au défendeur : l'employeur, en défense, qui entend présenter une demande reconventionnelle ou en compensation doit donc la présenter dans le cadre de la même instance.

1.2. Le double aménagement du principe de l'unicité de l'instance

Le principe de l'unicité de l'instance est tempéré par la circonstance que des nouvelles demandes dérivant d'un même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel.

En effet, l'article R. 516-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0612ADZ) permet, lors d'une même instance, de présenter des nouvelles demandes à tout moment de la procédure, sans qu'il puisse y être opposé le fait qu'elles n'aient pas été évoquées lors de l'audience de conciliation, par exemple.

En outre, en application de l'article R. 516-1 du Code du travail, sont recevables toutes les prétentions présentées lors d'une nouvelle instance lorsque leur fondement est né ou a été révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

En application de la jurisprudence précitée, il s'agit bien d'une nouvelle instance introduite après, notamment, qu'un jugement au fond soit intervenu en première instance.

A titre d'exemple, un employeur peut saisir le conseil de prud'hommes, dans le cadre d'une nouvelle instance, de demandes tendant à la condamnation de son ancien salarié à lui verser des dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence bien qu'un jugement ait été rendu antérieurement à cette nouvelle saisine (contestation par le salarié des circonstances de la rupture de son contrat de travail, la Cour de cassation ayant relevé que le fondement de la demande de l'employeur -recrutement du salarié par une entreprise concurrente- était né postérieurement au premier jugement rendu, Cass. soc., 5 mai 2004, n° 02-40.768, F-P N° Lexbase : A0537DCU).

2. Le principe de l'unicité de l'instance appliqué au référé prud'homal

En matière de référés prud'homal, il convient de bien distinguer plusieurs situations afin d'apprécier la recevabilité des demandes présentées au regard du principe de l'unicité de l'instance.

Dans le cas d'une première saisine de la formation des référés préalablement à toute instance au fond et qui a donné lieu à une ordonnance rendue par la formation des référés, le demandeur peut valablement saisir par la suite le conseil de prud'hommes au fond, que sa demande soit identique à celle formulée dans le cadre de sa saisine du juge des référés (si le demandeur est débouté ou que la juridiction a considéré qu'il n'y avait pas lieu à référés) ou qu'elle soit différente.

Dans une telle hypothèse, la décision rendue par la formation des référés a, par nature, un caractère provisoire et n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée. Par conséquent, les demandes présentées au fond ne peuvent, en aucun cas, être déclarées irrecevables du fait d'une première instance en référés (Cass. soc., 19 mai 1988, n° 85-43.243, M. Carle c/ Société anonyme Vicat, publié N° Lexbase : A3894AGC).

Dès lors, est inopérante toute argumentation visant à faire déclarer irrecevable les demandes présentées au fond et motivées par la circonstance qu'à la date de sa saisine en référés, le demandeur connaissait d'ores et déjà le fondement de ses prétentions et, en conséquence, aurait pu (et dû) présenter, à ce stade, les demandes afférentes.

Dans le cas d'une saisine de la formation des référés alors même que le juge du fond a déjà été saisi, mais n'a pas encore rendu de jugement au fond, la Cour considère que la règle de l'unicité de l'instance ne vise que l'instance principale et que la formation des référés demeure compétente pour statuer sur une demande de provision, alors même que le juge du principal a été saisi, peu important la connaissance de l'existence des obligations invoquées en référés avant l'introduction ou pendant le cours de l'instance au fond (Cass. soc., 3 décembre 2002, n° 00-45.724, F-D N° Lexbase : A1970A4Q).

Dans ces conditions, les demandes ainsi présentées dans le cadre de l'instance en référés ne peuvent être déclarées irrecevables sur le fondement du principe de l'unicité de l'instance (Cass. soc., 17 mars 1999, n° 96-43.328, Société Marène c/ M. du Besset, publié N° Lexbase : A4608AGR).

En conclusion, tant que la juridiction n'a pas rendu une décision sur le fond du dossier, la formation de référés peut être saisie.

Le principe de l'unicité de l'instance résultant de l'article R. 516-1 du Code du travail n'a pas vocation à s'appliquer en matière de référés.

En revanche, en cas de saisine du juge du fond puis du juge des référés, la Cour de cassation oppose, en toute logique, dans son arrêt en date du 25 janvier 2006, le principe de l'unicité de l'instance dans le cas de l'introduction de cette nouvelle instance en référés et déclare irrecevables les demandes présentées dans ce cadre lorsque la saisine de la formation des référés est réalisée après que la juridiction prud'homale ait statué au fond sur une première demande dérivant d'un contrat de travail entre les mêmes parties.

3. L'arrêt du 25 janvier 2006 : une solution logique et conforme à l'esprit du texte

La décision de la Cour de cassation en date du 25 janvier 2006 est parfaitement logique : l'instance introduite par le salarié ayant pris fin par le jugement rendu par le conseil de prud'hommes au fond, il ne pouvait initier une seconde instance, ni en référés, ni même au fond sur la base de chefs de demandes dérivant du même contrat alors même que le salarié aurait pu les présenter dans le cadre de son instance initiale.

La demande présentée par le salarié devant la formation de référés au mois de mai 2002 tendait au paiement d'une somme au titre de rappel de salaires, laquelle était donc connue et trouvait son fondement avant le dessaisissement du juge du fond, intervenu en novembre 2001.

Le salarié devait donc nécessairement, pour que sa demande soit recevable, la présenter dans le cadre de la première instance au fond.

Dès lors, en pratique, les deux parties au contrat de travail doivent faire preuve de vigilance et de diligence : le demandeur a évidemment tout intérêt à présenter des demandes exhaustives lors de sa saisine, voire de les compléter à tout moment au cours de la procédure et le défendeur a également tout intérêt à étudier précisément s'il peut présenter des demandes reconventionnelles.

En effet, en cas de litige relatif à la rupture d'une relation contractuelle intervenant, par nature, alors même que le contrat de travail liant les parties a pris fin, la seule possibilité pour le demandeur ou le défendeur à la première instance de saisir à nouveau la juridiction prud'homale sera de démontrer que ses nouvelles demandes ont un fondement né ou révélé postérieurement à la première instance.

Or, de tels cas de figure ne sont pas très nombreux (litige afférent à la violation d'une clause de non-concurrence, par exemple).

Dans ces conditions, la rigueur posée par le texte ainsi que son application stricte par la Cour de cassation, impose, notamment au praticien, de procéder à une analyse exhaustive quant aux difficultés et revendications qui peuvent lui être soumises par une partie à un contrat de travail avant d'introduire une instance prud'homale.

En effet, si un chef de demande a été "oublié" par l'une des parties, que ce soit le demandeur comme le défendeur, s'il est possible de venir greffer ce dernier à tout moment sur le fondement de l'article R. 516-2 du Code du travail (devant le juge départiteur, en appel....), dans une hypothèse où le jugement a déjà été rendu sur le fond et n'est pas susceptible d'appel (ou si la juridiction prud'homale a accueilli favorablement l'ensemble des demandes), les parties à un même contrat de travail ne pourront plus présenter de nouvelles demandes dérivant de cette relation contractuelle, sauf si le fondement de ces dernières est né ou a été révélé après le dessaisissement du juge.

D'autant qu'en la matière, la Cour de cassation fait une application stricte du principe.

Ainsi, dans une décision en date du 19 octobre 1994 (Cass. soc., 19 octobre 1994, n° 90-45.928, Mme Michèle Tramoni c/ Clinique chirurgicale ajaccienne, inédit N° Lexbase : A1423CXY), la Cour de cassation est venue préciser que dès lors que les causes de la demande étaient connues au moment de la première instance et que le demandeur pouvait les présenter -ne serait-ce que dans leur principe-, toutes nouvelles prétentions formulées dans le cadre d'une seconde instance étaient irrecevables.

Il s'agissait, en l'espèce, d'une salariée protégée qui avait obtenu par jugement prud'homal en date du 8 décembre 1987 sa réintégration en raison d'un licenciement survenu le 29 septembre 1986, sans demande d'autorisation préalable auprès de l'inspection du travail. Cette salariée avait été réintégrée dans l'entreprise et avait, par la suite, introduit une seconde instance pour réclamer un rappel de salaires et de congés payés correspondant à la période de septembre 1986 à février 1988, au cours de laquelle elle avait été exclue de l'entreprise.

Cette salariée contestait l'arrêt de la cour d'appel de Bastia qui avait déclaré sa demande comme étant irrecevable au motif que le montant des salaires dus ne pouvait être déterminé ni être entièrement exigible qu'à compter de sa réintégration, donc après l'introduction de la première instance prud'homale.

La Cour de cassation a confirmé l'arrêt considérant que "dès le prononcé du licenciement irrégulier, les causes de la demande étaient connues de Mme Tramoni qui pouvait réclamer, au moins en son principe, le paiement des salaires restant à courir jusqu'à la date de sa réintégration ; que, dès lors qu'il n'était pas contesté que Mme Tramoni avait été réintégrée le lendemain de la signification du jugement ayant ordonné cette mesure, les prétentions formulées à l'occasion de la seconde instance ne pouvaient avoir d'autre fondement que le licenciement irrégulier ; d'où il suit que la cour d'appel a jugé à bon droit que la nouvelle demande était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé".

Cette position de la Cour de cassation doit donc inviter et conduire le conseil des parties à une instance prud'homale à la plus grande vigilance sur ce point.

newsid:84542

Recouvrement de l'impôt

[Le point sur...] La responsabilité pénale en matière fiscale des personnes morales et des dirigeants : la nouvelle donne à compter du 31 décembre 2005

Lecture: 3 min

N4454AK8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84454
Copier

par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

L'engagement de la responsabilité pénale des personnes morales jusqu'à l'intervention récente des lois du 10 juillet 2000 (loi n° 2000-647, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, art. 8 N° Lexbase : L0901AI9) et 9 mars 2004 (loi n° 2004-204, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, art. 54 N° Lexbase : L1768DP8) n'était pas envisageable en raison de l'application du principe de la personnalité des peines. Seules les représentants légaux se trouvaient passibles personnellement des sanctions de peines de prison et d'amendes visées, notamment, par les articles 1741 et 1743 du CGI. Ce principe a été rappelé par la jurisprudence (TGI Paris, 8 décembre 1952), selon laquelle les déclarations frauduleuses ne sont pas faites "abstraitement par la personne morale", mais "très concrètement par la personne physique" qui les a signées (président directeur général ou gérant). Par ailleurs, pesait sur les dirigeants de sociétés une présomption de responsabilité (Cass. crim., 14 novembre 1994, n° 93-81.294, Reumaux Emmanuel c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2581AZM). L'article 121-2, alinéa 1, du Code pénal (N° Lexbase : L0401DZU), modifié par l'article 8 de la loi du 10 juillet 2000, a prévu que "les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 (N° Lexbase : L2205AMM) à 121-7 (N° Lexbase : L5525AIH), et dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises, par leurs organes ou représentants". L'article 121-2, alinéa 3, du Code pénal poursuivait en précisant que "la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 (N° Lexbase : L2053AMY)". L'engagement de la responsabilité pénale des personnes morales ne pouvait, toutefois, pas être poursuivi en matière fiscale à défaut pour les textes fiscaux, édictant des sanctions pénales, de prévoir expressément une telle procédure, en sorte que les dirigeants personnes physiques continuaient à répondre seuls des délits imputables aux personnes morales dont ils assuraient la direction et l'administration.

La loi du 9 mars 2004 en ne subordonnant plus la responsabilité pénale des personnes morales aux "cas prévus par la loi ou le règlement", par la suppression de cette mention, devrait conduire, désormais, à rechercher cette responsabilité dans tous domaines, dont, notamment, le domaine fiscal, et ce, pour les infractions commises selon les dispositions de la loi à compter du 31 décembre 2005.

Cette modification devrait avoir pour conséquence, en premier lieu, de faire disparaître la présomption de responsabilité pesant sur les dirigeants personnes physiques.

En second lieu, la responsabilité des dirigeants sera, désormais, le plus souvent recherchée au sens de l'alinéa 3 de l'article 121-2 du Code pénal en qualité d'auteur, de co-auteur ou de complice.

Mais, il convient d'observer que les personnes morales dirigeantes d'autres sociétés devraient être, également, recherchées pour les mêmes infractions.

Pour ce qui concerne les personnes physiques dirigeantes, l'administration ou le ministère public devra, donc, apporter la preuve de leur participation personnelle et intentionnelle aux infractions commises.

Il est rappelé, à cet égard, que cette preuve est plus particulièrement exigée aux termes des dispositions de l'article L. 227 du LPF (N° Lexbase : L8326AE4) pour les poursuites pénales tendant à l'application des articles 1741 et 1743 du CGI visant, soit la soustraction, soit la tentative de se soustraire à l'établissement et au paiement des impositions visées par ces articles.

Le délit général de fraude fiscale visée à l'article 1741 du CGI consiste en la soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt, constitué par l'omission de dépôt de déclaration, la dissimulation volontaire, l'organisation d'insolvabilité, et par tout agissement à caractère frauduleux (manipulations comptables, création de sociétés fictives, majoration de charges, etc.).

Parmi les délits spécifiques de fraude fiscale, on notera ceux visés à l'article 1743 du CGI tenant à la comptabilité par l'omission de passation d'écritures ou la passation d'écritures inexactes ou fictives ou encore tenant à l'action des tiers par la voie de l'entremise ou à la fourniture de renseignements inexacts pour l'obtention d'agréments par exemple.

L'administration fiscale pour ce type de délit ne peut porter plainte directement auprès du procureur de la république sans avoir préalablement saisi pour avis la Commission des infractions fiscales (CIF, voir LPF, art. L. 228 N° Lexbase : L8327AE7) et obtenu de cette dernière un avis favorable.

Si la modification législative ne change rien à cette condition particulière d'engagement de la responsabilité pénale, il en sera de même pour les dirigeants personnes physiques de l'exonération de leur mise en cause dans les hypothèses de justification de délégation de leurs pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires.

Pour un exemple de cette justification ou "d'exception de délégation de pouvoirs", on se rapportera à la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle précise aux termes d'un arrêt du 11 mars 1993 que "hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas pris part personnellement à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de la responsabilité s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires" (Cass. crim., 11 mars 1993, n° 91-80.598, Berthy Raymond c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1522ATK).

Le dirigeant social peut, donc, combattre la présomption de responsabilité qui pèse sur lui et laisser à l'appréciation du juge correctionnel en apportant la preuve de la réalité et de la portée de la délégation de pouvoirs, ainsi, consentie (voir, également, Cass. crim., 19 août 1997, n° 96-83.944, Balan Jean c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1277ACB).

La preuve de la réalité et de la portée de la délégation de pouvoirs doit être complète et sans équivoque selon la Haute cour. Ainsi, une délégation de pouvoirs, non contestable, consentie par le dirigeant d'une société à son expert-comptable, qui a commis les infractions relatives à la tenue de la comptabilité de la société et pour lesquelles il a été condamné, ne peut suffire dans la mesure où le dirigeant n'établit ni même n'allègue qu'il n'avait pas effectivement exercé ses responsabilités (Cass. crim., 3 décembre 1998, n° 97-85.615, Valet Guy c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4915AG7).

Les nouvelles dispositions ne trouvant à s'appliquer qu'aux infractions commises à compter du 31 décembre 2005, force est de constater que nous disposons, à ce jour, d'aucune visibilité sur ses conditions d'application que la doctrine et la jurisprudence viendront fixer dans un proche avenir.

newsid:84454

Contrôle fiscal

[Jurisprudence] La limitation de la durée des vérifications sur place

Réf. : Cass. com., 31 janvier 2006, n° 02-18.309, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Invest immo, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6432DM8)

Lecture: 4 min

N4618AKA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84618
Copier

par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010

La demande par le service vérificateur, plus de trois mois après le début du contrôle, d'un élément d'information relatif au statut des baux consentis par l'entreprise vérifiée, concernant, donc, les impositions soumises à vérification, entraine la nullité de la procédure. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 31 janvier 2006. On sait qu'en vertu de l'article L. 52 du LPF (N° Lexbase : L3957AL7), la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois pour les contribuables dont le chiffre d'affaires n'excède pas un certain seuil. Ces limites sont fixées à 763 000 euros pour les entreprises dont l'activité principale est la vente ou la fourniture de logement, 230 000 euros pour les prestataires de services et 350 000 euros pour les exploitants agricoles. L'inobservation de cette garantie entraine la nullité des impositions consécutives à une telle vérification. Le respect de cette garantie impose, donc, de déterminer précisément la date de début de la vérification, point de départ du délai, ainsi que la nature des interventions réalisées par le vérificateur. Par ailleurs, il est à remarquer qu'il existe des dérogations au principe de la limitation de la durée d'intervention sur place. 1. Date de début d'une vérification de comptabilité

Le délai de trois mois a pour point de départ le jour de la première intervention sur place de l'agent des impôts. Ce jour correspond, en principe, à celui indiqué sur l'avis de vérification adressé au contribuable. Lorsque cette date est modifiée, que ce soit à l'initiative du service ou sur demande préalable du contribuable, l'administration recommande à ses agents d'adresser, en recommandé avec accusé de réception, un courrier au contribuable confirmant la nouvelle date retenue (Doc. adm. 13 L 1314, 1er juillet 2002, n° 7). Cependant, le juge s'en tient, au-delà des mentions de l'avis, à l'examen des faits. La date de début de la vérification correspond à la date effective d'intervention sur place de l'agent des impôts (CE, 7° et 8° s-s., 15 novembre 1972, n° 83132, Sieur X c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0764B8S). Au cas particulier, les circonstances ne manquaient pas de piquant, puisque l'avis de vérification remis en mains propres au contribuable, le 22 décembre 1978, fixait la date de la première intervention au 21 décembre, soit la veille ! Sans s'arrêter à cette anomalie, le juge a cherché à déterminer la date à laquelle les opérations avaient effectivement commencées. Comme l'instruction révélait que ces opérations avaient débuté le 9 janvier suivant, la procédure a été jugée régulière.

2. Date d'achèvement de la vérification

Le délai de trois mois, indépendant du nombre d'interventions sur place du vérificateur et qui ne peut être ni suspendu ni prorogé (QE n° 29210 de M. Falco Hubert, JOANQ, 4 juin 1990, p. 2586, min. de l'Eco., réponse publ. 24 septembre 1990, p. 4480, 9ème législature [LXB=]), se calcule de quantième à quantième et le point d'arrivée se situe la veille du jour de la première intervention (CE, Contentieux, 23 juin 1993, n° 96477, Mme Bichet c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0139ANH). Au cas particulier, un contrôle sur place de comptabilité qui avait débuté le 16 octobre et s'était achevé le 16 janvier suivant excédait le délai de trois mois et était, ainsi, irrégulier. La détermination de la date à laquelle s'achève une vérification est, donc, essentielle. Selon le juge, cette date doit être fixée à celle de la dernière intervention sur place du vérificateur et non celle de la notification de redressements (CE, 3° et 8° s-s., 28 juillet 2004, n° 248542, M. Jean-Claude YX c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9094DD8). Cette date peut être délicate à déterminer lorsque l'agent des impôts, une fois l'examen des documents comptables effectués, entreprend certaines démarches qui peuvent se rattacher à la vérification. Ainsi, un relevé de prix effectué après l'expiration du délai de trois mois et avant que le vérificateur ait notifié les redressements correspondants ne peut qu'être considéré comme s'intégrant au contrôle de la comptabilité (TA Grenoble, 20 septembre 1996, n° 93-3219). De même, se rattache aux opérations de vérification une demande de documents comptables formulée après la dernière visite sur place et avant l'envoi de la notification de redressements (CE, Contentieux, 6 avril 2001, n° 205365, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M Bertrand N° Lexbase : A4649AYT). Dans l'affaire soumise récemment aux sages du Palais Royal, le litige portait, également, sur une demande de documents adressée par le service plus de trois mois après l'engagement des opérations de contrôle sur place. En l'espèce le vérificateur s'était fait communiquer des informations relatives au mode de location de l'immeuble appartenant à la société contrôlée. Jugeant que ces informations se rattachaient à la vérification, le Conseil d'Etat a annulé la procédure.

3. Dérogations au principe de limitation de la durée des vérifications

L'expiration du délai prévu à l'article L. 52 du LPF n'est pas opposable à l'administration, d'une part, en cas d'instruction suite à observations présentées par le contribuable, d'autre part, en cas d'examen de comptes financiers mixtes.

En effet, l'article L. 52, alinéa 4, du LPF précise que si le contribuable vérifié présente des observations à la suite de la réception de la notification, ou effectue une réclamation, l'administration peut, pour les besoins de leurs instructions et nonobstant l'expiration du délai de trois mois, procéder sur place à un nouvel examen de la comptabilité. Ce qui a été confirmé par le juge : la consultation de pièces justificatives, qui avait pour objectif de permettre l'étude des observations présentées par le contribuable contestant les redressements, ne constitue pas une prolongation de la vérification (CE Contentieux, 28 mars 1984, n° 38737, M. Guy Crouzier c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6440AL4).

La seconde dérogation vise l'examen des comptes bancaires mixtes ou utilisés pour l'exercice d'activités distinctes. Elle avait pour but de faire échec à la jurisprudence, selon laquelle, lorsque dans le cadre d'un examen de la situation fiscale personnelle réalisé en même temps qu'une vérification de comptabilité, le contrôle a porté sur des comptes mixtes, la durée de la vérification de comptabilité est censée avoir la même durée que l'examen de la situation personnelle. Ainsi, le délai de trois mois n'est pas opposable en cas d'examen de comptes mixtes ou utilisés pour l'exercice d'activités distinctes.

newsid:84618

Droit financier

[Focus] Modification du règlement général de l'AMF : juste un ajustement ?

Lecture: 11 min

N4579AKS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84579
Copier

Le 07 Octobre 2010

"C'est le devoir qui crée le droit et non le droit qui crée le devoir". Cette phrase fameuse de Chateaubriand, jetée comme un anathème lors d'un discours à la chambre des Pairs, illustre à merveille la mobilité de la réglementation boursière. Pour le gendarme du marché, s'il est un devoir c'est bien, en effet, de garantir par le droit un fonctionnement cohérent et limpide des transactions. Ce devoir lui impose une adaptation permanente, autant pour des raisons techniques qu'en raison de la nécessité de donner un cadre juridique harmonisé aux opérations financières internationales. De l'extérieur, pour le juriste traditionnel, cette évolution prend souvent la dimension d'un vertige, d'un tourbillon là où, sans doute, il ne faut voir qu'une évolution et une approche pragmatique du droit. Chacun s'accordera, en tous cas, nouvelle où ancienne école, sur le constat qu'il faut préférer un droit mobile, réactif et utilisé à un droit immanent... mais frappé d'ineffectivité. En pratique, cette réactivité trouve une illustration avec la réforme récente du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L0744HCK) qui adapte, sur différents points, les règles d'encadrement des opérations. A ce titre, il convient de distinguer deux séries de modifications : les unes s'insèrent dans un objectif d'amélioration et de sécurisation du droit financier (I) et sont, essentiellement, axées autour de l'idée -au coeur de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie (N° Lexbase : L5001HGC)- que le développement des opérations ne pouvait passer que par la restauration de la confiance des investisseurs dans l'économie. Les autres sont des mesures techniques (II), moins conjoncturelles, mais qui n'emportent pas moins des conséquences importantes quant à la structure des marchés.

I - Les mesures relatives à l'amélioration et la sécurisation du droit financier

L'arrêté du 30 décembre 2005 portant homologation de modifications du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L8045HEP) a été publié au Journal officiel du 18 janvier 2006. Il renvoie à la mise en oeuvre de divers textes de droit interne, eux-même articulés autour du droit communautaire, qu'il s'agisse de la loi "Breton" qui fournit l'essentiel du dispositif, ou du texte d'harmonisation du 20 juillet 2005 (1). On distingue, toutefois, deux objectifs dans ce train de réformes : certains, notamment ceux de la loi "Breton", étant, essentiellement, de nature économique (A), les autres ayant pour objectif la sanction (B).

A - Les objectifs économiques

On se rappelle que la loi "Breton" emportait le projet particulièrement ambitieux de redonner aux français "confiance en l'économie". C'est la raison pour laquelle la loi a adapté, dans son titre III, un certain nombre de mesures relatives aux marchés financiers. Selon les termes mêmes retenus par le Gouvernement, il s'agissait de "simplifier l'accès au marché boursier pour les entreprises, tout en renforçant la confiance des investisseurs afin d'accroître les financements disponibles sur le marché".

La réforme a, ainsi, dans ses aspects pratiques, introduit un certain nombre de simplifications et s'est proposée de lever les obstacles qui freinent encore l'accès des PME aux marchés de capitaux. En premier lieu, la loi "Breton" a revu le champ d'application du régime d'appel public à l'épargne afin de faciliter les petites opérations de levée de fonds, encourager les financements de proximité et créer des conditions favorables à l'apport de capitaux par des investisseurs professionnels. En second lieu, elle a édicté des dispositions visant à ouvrir l'accès au nouveau marché Alternext destiné à accueillir les petites valeurs.

Cette dernière mesure s'articule, toutefois, avec un ensemble de dispositions communautaires puisque l'accès au marché exige la production d'informations qui, harmonisation oblige, relèvent de la compétence de l'Union. On relèvera simplement, à ce propos et de façon liminaire, que la modification du règlement général de l'AMF emporte, pour les émetteurs qui sollicitent leur inscription sur Alternext, la faculté d'établir, comme tous les autres émetteurs, un "document de base" en cas de première admission. Ce document, destiné à faciliter les émissions, ne peut permettre l'ouverture des opérations d'appel public à l'épargne et doit, pour être présenté aux investisseurs, être accompagné d'une note d'opération soumise au visa de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

En accord avec la Directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003, dite "Prospectus" (N° Lexbase : L4456DMY), il a été institué, par ailleurs, un nouveau régime de prospectus résumé dont l'objectif est de rendre la communication au public plus compréhensible lors de l'appel public à l'épargne. A ce titre, la loi "Breton" a prévu, en application de la Directive, que des limitations de responsabilité pourront être introduites dans ce résumé, l'action en responsabilité civile ne pouvant, désormais, être intentée qu'en cas de contenu trompeur, inexact ou contradictoire eu égard aux informations contenues dans les autres parties du prospectus.

En outre, la même Directive prévoit que bénéficient d'une dispense de publication d'un prospectus les opérations qui, par leur ampleur, leur nature et leur volume, sont réservées aux professionnels. La loi "Breton" a conféré le pouvoir à l'AMF d'établir de telles dispenses.

S'agissant encore des extensions de compétence de l'Autorité, la loi a prévu, en transposition de la Directive 2003/71/CE, que l'autorité française est compétente pour approuver les prospectus en vue d'opérations par appel public à l'épargne portant sur des actions, des titres donnant accès au capital ou des titres de créance de faible valeur nominale d'émetteurs français. Dans le même registre, le texte prévoit l'élaboration de dispositions spécifiques pour encadrer les mises à jour et tenir compte, ainsi, de faits significatifs ayant touché l'émetteur durant la période d'émission (2).

Enfin, s'agissant d'opérations plus importantes pour lesquelles, en raison de l'intégration européenne, les émetteurs sont en mesure de choisir l'autorité compétente pour approuver les prospectus, la loi "Breton" a donné compétence à l'AMF pour établir le régime d'approbation interne de ce prospectus.

En pratique, les modifications du règlement général de l'AMF, publiées au Journal officiel du 18 janvier 2006, ne portent pas sur l'ensemble des dispositions qui viennent d'être évoquées et ne concernent que les points suivants :

- des aménagements, d'abord, concernant les dispositions du titre Ier du livre II relatives à l'appel public à l'épargne :

  • un cas de dispense de prospectus est ajouté pour les offres d'instruments financiers réalisées par des sociétés autres que des sociétés anonymes ou des sociétés en commandite par actions à l'article 212-4 lorsque le montant total de l'offre est inférieur à 100 000 euros, compris entre 100 000 et 2 500 000 euros et représentant moins de 50 % du capital de l'émetteur, lorsque l'offre est adressée à des investisseurs qui acquièrent les instruments financiers pour un montant total d'au moins 50 000 euros ou encore lorsque l'offre porte sur des instruments financiers dont la valeur nominale s'élève au moins à 50 000 euros, 
  • l'article 212-14 du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5265G8I) a été modifié pour préciser que la lettre de fin de travaux des commissaires aux comptes n'est pas requise pour les prospectus établis dans le cadre d'une admission de titre de créance sans offre préalable au public en France,  
  • lorsque le document de référence comprend les informations relatives aux montants des honoraires des commissaires aux comptes requises au titre de l'article 221-1-2 du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5302G8U), les émetteurs sont dispensés de la publication du communiqué prévu audit article. De même, l'obligation de publier ce communiqué ne s'applique pas dans le cadre d'une admission de titres de créance sans offre préalable au public en France ; 

- des dispositions, ensuite, relatives à l'ouverture de nouveaux marchés, le règlement prévoyant la faculté pour les émetteurs d'établir, en cas de première admission sur les marchés, un document de base ; cette faculté est explicitement étendue à ceux qui sollicitent leur inscription sur Alternext.

B - Les objectifs relatifs à la sanction

Partie fondamentale de la loi "Breton", diverses mesures visent à sécuriser les marchés en renforçant le pouvoir de contrôle et de sanction de l'AMF. On sait, en effet, que la mise en oeuvre de la Directive 2003/124 du 22 décembre 2003 dite "abus de marché" (N° Lexbase : L0340DMK) a profondément modifié notre droit boursier, notamment dans ses aspects pénaux. Or, la conception d'un régime de prévention, de constatation et de sanction de comportements illicites à l'échelle de l'Union européenne, impose la modification du pouvoir des autorités boursières.

La loi "Breton", reprenant les prescriptions communautaires, prévoit, à ce titre, dans son article 10, d'attribuer de nouveaux pouvoirs de sanction au profit de l'AMF. Elle adapte, en premier lieu, ses pouvoirs d'injonction afin de prévenir et de sanctionner les manquements relatifs aux titres des émetteurs faisant appel public à l'épargne, et ce, où que ces titres soient négociés, y compris à l'étranger. De façon plus traditionnelle, en référence au principe de territorialité, le texte prévoit, en second lieu, de sanctionner les manquements portant sur des titres admis à la négociation sur un marché réglementé de l'Espace économique européen, dès lors qu'ils ont été commis en France.

Plus encore, l'article 10 précité a prévu de donner le pouvoir de sanctionner des manquements objectifs aux règles de protection des investisseurs, sans qu'il soit besoin de prouver que les pratiques fautives ont eu un impact sur les cours ou sur le fonctionnement des marchés. C'est, en l'espèce, redonner à l'AMF un pouvoir réel de sanction des pratiques de manipulation de cours et de fausse information. En effet, la démonstration de la réalité de ces dernières était, auparavant, soumise à un ensemble de conditions relatives à l'impact sur le marché, conditions qui avaient pour conséquence d'amoindrir le pouvoir de police des opérations. La Directive a donc établi qu'il existait des pratiques considérées comme étant fautives per se (3) comme les sont certains agissements en droit de la concurrence. L'article 10, enfin, aligne le champ d'application du délit de manipulation de cours sur le délit d'initié et de fausse information.

Le règlement général de l'AMF a ainsi été modifié dans son article 611-1 (N° Lexbase : L2887G73) pour permettre à l'Autorité, en application de l'article L. 621-15 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3130G9S), de sanctionner les auteurs d'un abus de marché sur le territoire français lorsque les actes concernés ont pour objet un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou pour lequel une demande d'admission sur un tel marché a été présentée.

L'article 622-1 du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L2895G7D) a également été modifié, ce dernier interdisant, désormais, à toute personne détenant une information privilégiée d'acquérir ou de céder les instruments financiers auxquels cette information se rapporte, aussi bien que de tenter d'acquérir ou de céder ces mêmes instruments financiers.

C'est enfin un autre texte, la loi n° 2005-811 du 20 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, qui introduit une dernière réforme du règlement général de l'AMF en matière de prévention des sanctions. Il fixe, en effet, les conditions de mise à jour et de conservation des listes d'initiés et établit, par ailleurs, l'encadrement de la mise à disposition de ces listes par l'AMF. Cette mise à disposition a, au surplus, fait l'objet d'une position de l'AMF quant à l'obligation d'établir ces listes ainsi que d'en respecter le contenu.

II - Les aspects techniques de la réforme du règlement général

Les aspects techniques de la réforme du règlement général de l'AMF concernent des mesures de simplification (A) ou d'harmonisation (B).

A - Les mesures de simplification

Les programmes de rachat d'actions, mécanismes introduits récemment en droit interne ont posé, on le sait, des difficultés particulières en raison des risques techniques inhérents à ce type d'opération.

Les objectifs, au demeurant légitimes, du rachat d'actions sont, en effet, divers et peuvent parfois ne pas être transparents aux yeux des investisseurs. C'est ainsi que ces rachats sont utilisés essentiellement pour restituer aux actionnaires des fonds devenus excédentaires mais, également, pour adapter les financements à l'évolution du risque lorsque le financement par l'action ne semble plus nécessaire. Or, face à ces motivations qui concernent la gestion stricto sensu, il en existe d'autres dont les associés, voire certaines catégories d'associés, sont les seuls bénéficiaires.

C'est ainsi que, parfois, les rachats d'actions sont utilisés pour offrir de la liquidité aux porteurs lorsque le marché boursier ne le permet plus, pour renforcer la participation d'un actionnaire qui ne collabore pas à la réduction de capital, verser des liquidités à moindre coût fiscal ou de façon à ne pas défavoriser les détenteurs de stocks-options. On soulignera, en outre, que les annonces de rachat d'actions, en permettant d'anticiper une diminution du flottant, ont un impact mécanique à la hausse sur le cours des actions. On comprend, ainsi, que l'information est fondamentale en ce domaine afin de permettre d'éclairer le marché, les actionnaires ou une catégorie d'actionnaires sur l'opération envisagée.

Il demeure que l'excès d'information, notamment, en raison du ralentissement des opérations qu'il entraîne lorsque de nombreux visas ou autorisations sont nécessaires, peut contribuer à empêcher les rachats ou de les compliquer inutilement. Or, ces derniers sont, dans la quasi-totalité des cas, fondées en terme de gestion et ne présentent pas de risque particulier. C'est pourquoi la loi "Breton" est venue simplifier la procédure en supprimant le visa de la note d'information sur les programmes de rachat d'actions. La communication de ces opérations au public s'opérera, désormais, sur le fondement d'un document dont la substance et la diffusion relèvent des articles 241-1 et suivants du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5437G8U), les modifications portant sur trois points :  

  • un document, dit "descriptif du programme", est obligatoirement publié avant tout lancement du programme ;
  • le contenu de ce document est simplifié par rapport à celui de la note d'information ;
  • il est publié dans les mêmes conditions que celles qui s'appliquent au document de référence : "mise à disposition gratuite auprès du public et mise en ligne sur le site Internet de l'AMF" (4).

Enfin, dans certaines hypothèses prévues à l'article 241-3 du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5439G8X), l'émetteur peut être dispensé de la publication du descriptif du programme de rachat, en tout ou en partie. Ainsi, la dispense est partielle lorsque l'émetteur choisit de publier le rapport spécial prévu par l'article L. 225-209 du Code de commerce (N° Lexbase : L3762HBX) destiné à l'assemblée générale des actionnaires car ce dernier fait double emploi avec certains volets du descriptif.

Suivant la même logique (éviter la double communication), la dispense est totale lorsque l'émetteur publie le rapport spécial destiné à l'assemblée générale et que ce dernier comprend l'intégralité des informations devant figurer dans le descriptif du programme ou établit un document de référence qui reprend l'intégralité des informations devant figurer dans le descriptif.

Reste une simplification formelle qui consiste en la modification des règles de publicité en matière de fusion des sociétés d'investissement à capital variable (SICAV). L'article 411-21 du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5949G8T) prévoit que l'avis de fusion d'une SICAV ne doit, désormais, plus être publié que dans un journal habilité à recevoir des annonces légales dans le département du siège social et non, comme auparavant, dans le Bulletin des annonces légales obligatoires.

B - L'harmonisation et la modification de la date du transfert de propriété des instruments financiers

La modification de la date du transfert de propriété est une mesure importante en matière d'harmonisation du droit des marchés financiers puisque le régime de transfert est, désormais, aligné sur celui de la pratique internationale. En effet, cette dernière fixe la date de transfert au jour du règlement-livraison des titres alors que la solution retenue en droit interne reposait sur le choix d'une autre date : la négociation en bourse. Celle-ci déterminait, jusqu'à présent, l'inscription des instruments financiers au compte de l'acquéreur, solution conforme, certes, au droit des obligations mais, surtout, source d'une complexité inutile dans le cadre de relations avec les bourses étrangères.

C'est ainsi que le règlement général de l'AMF, prévoit, en application des dispositions de l'ordonnance n° 2005-303 du 31 mars 2005 (N° Lexbase : L1146G8X), que la date d'inscription en compte correspondra sous peu à la date de règlement-livraison fixée, sauf exceptions mentionnées au règlement général, trois jours après la date de négociation. Cette disposition s'appliquera à compter du 1er avril 2006.

Jean-Baptiste Lehnof
Maître de conférences à l'ENS-Cachan - Antenne de Bretagne
Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)


(1) Loi n° 2005-811, 20 juillet 2005, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers (N° Lexbase : L5010HGN).
(2) Afin d'assurer la protection des investisseurs et l'intégrité du marché, le II de l'article 8 de la loi "Breton" prévoit, par ailleurs, que lorsqu'un fait nouveau significatif intervient ou qu'une erreur est observée dans le prospectus entre la date d'approbation du prospectus et la clôture d'une opération par appel public à l'épargne, la personne ou l'entité qui réalise l'opération publie un supplément au prospectus, après visa préalable de ce document par l'Autorité des marchés financiers. Il simplifie, également, la vie des sociétés cotées en supprimant l'obligation d'établir un prospectus à l'occasion d'opérations de rachat d'actions.
(3) Toutefois, l'effet sur le cours demeurera un élément constitutif des manquements d'initiés puisqu'il doit être pris en compte pour apprécier si une information non publique doit être considérée comme une information privilégiée. L'article prévoit enfin, conformément à la Directive, que la tentative de manquement d'initié pourra également être sanctionnée.
(4) Modification en conséquence des instructions AMF n° 2005-06, relative aux informations que doivent déclarer et rendre publiques les émetteurs pour lesquels unprogramme de rachat d'actions propres est en cours de réalisation et aux modalités de déclaration des opérations de stabilisation d'un instrument financier (N° Lexbase : L0850G8Y) et n° 2005-07, relative aux modalités de cession par un émetteur des actions propres acquises avant le 13 octobre 2004 (N° Lexbase : L0849G8X).

newsid:84579

Bancaire

[Jurisprudence] Nature des sommes portées sur le compte personnel d'un époux

Réf. : Cass. civ. 1, 17 janvier 2006, n° 02-20.636, Société marseillaise de crédit c/ Hodara, FS-P+B (N° Lexbase : A3948DM8)

Lecture: 5 min

N4449AKY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84449
Copier

Le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 17 janvier 2006 (1), vient apporter une précision particulièrement intéressante sur le régime du compte personnel d'un époux marié sous le régime légal. L'éclairage nouveau qu'il donne ici à la nature des sommes inscrites sur un tel compte, lorsqu'un cautionnement a été souscrit par un conjoint sans le consentement exprès de l'autre, est en effet loin d'être neutre, ni pour le créancier poursuivant, ni pour le banquier tiers saisi. En l'espèce, un emprunteur s'était porté caution, sans le consentement de son épouse commune en biens, de deux prêts, qui n'ont pas été honorés. Le prêteur fait alors pratiquer deux saisies-attribution sur les comptes personnels ouverts au nom de celui-ci. Mais ces saisies-attribution sont privées d'efficacité par les juges du fond qui ordonnent leur mainlevée. Le prêteur forme subséquemment un pourvoi qui est finalement rejeté. Après avoir rappelé que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt contractés sans le consentement exprès de l'autre (2), la Cour de cassation vient, en effet, décider "que les sommes déposées sur les comptes litigieux étaient présumées communes en vertu de l'article 1402 du Code civil".

Le régime de la communauté appliqué au compte peut, a priori, paraître déconcertant. Les sommes et titres déposés sur un compte personnel en vertu de l'article 221 du Code civil (N° Lexbase : L2391AB8) sont réputés à l'égard du dépositaire, être à la libre disposition de l'époux déposant jusqu'à la dissolution du mariage. Par conséquent, le banquier dépositaire est dispensé de procéder à toute vérification de propriété ou de pouvoir au moment où ces fonds ou titres sont déposés et la présomption de communauté est, à son égard, tenue en échec (3). Mais cette règle, qui profite au banquier teneur de compte, ne produit pas ses effets à l'égard du banquier poursuivant, l'arrêt du 17 janvier 2006, aux visas des articles 1415 et 1402 du Code civil, lui opposant, au contraire, la présomption de communauté.

Cette combinaison des articles 1415 et 1402, appliquée au compte bancaire, est assez inédite. Elle est cependant d'inférence logique en s'insérant parfaitement dans l'ensemble de solutions relatives aux comptes des époux que la jurisprudence a patiemment dégagées. On rappellera, en effet, que cette même première chambre civile de la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de se prononcer, à propos de la saisissabilité des comptes des époux, en distinguant selon le compte et la situation. C'est ainsi qu'un compte de dépôt, qui n'est alimenté que par les revenus de l'époux débiteur, est bien saisissable. Mais il n'en va pas de même d'un plan d'épargne logement et d'un compte de titres : en étant "des acquêts que le mari ne pouvait engager par un cautionnement contracté sans le consentement exprès de la femme", les juges du fond ne sauraient rejeter une demande de mainlevée. Et ce, même si, comme en l'espèce, il n'était pas contesté que lesdits comptes étaient alimentés par les seuls revenus du mari caution (4). La même observation peut être faite pour un compte joint alimenté par les revenus de chacun des époux, qui n'est pas non plus saisissable faute pour le créancier d'identifier les revenus de l'époux débiteur (5).

S'agissant du compte professionnel d'un époux emprunteur, le banquier ne peut opposer les engagements souscrits au conjoint n'ayant pas donné son accord, dès lors que le compte de l'emprunteur n'était alimenté que par ses seuls revenus (6). En présence d'un crédit consenti par découvert en compte courant (7), le banquier ne peut davantage demander à la communauté le paiement du solde débiteur du compte d'un époux sans avoir préalablement recueilli le consentement de son conjoint. Et lorsque le compte saisi est tout à la fois alimenté par les fruits des biens communs et par les revenus des époux, le solde créditeur ne peut être saisi que s'il est établi qu'il provient des seuls revenus du conjoint poursuivi (8).

Auparavant, la preuve du caractère commun des fonds avait été infléchie sur le terrain des récompenses. Dans un arrêt annonciateur, il avait ainsi déjà été jugé, qu'il n'était pas nécessaire d'"établir le caractère commun des deniers qui ont servi à acquitter une dette personnelle à l'un des époux, lesdits deniers étant, en application de [l'article 1402], réputés communs, sauf preuve contraire" (9). Et corrélativement, si des deniers propres sont encaissés sur un compte commun et utilisés par les époux, le conjoint qui rapporte la preuve que ses deniers propres ont profité à la communauté a droit à récompense (10).

L'arrêt rapporté du 17 janvier 2006, vient transposer la règle aux sommes déposées sur un compte personnel qui deviennent, conformément à l'article 1402 du Code civil, "présumées communes" et donc toujours, comme dans son arrêt précurseur du 7 juin 1988 précité, réputées communes, sauf preuve contraire. La nature réfragable de cette présomption ne faisait guère de doute, le législateur lui-même réputant tout bien acquêt de communauté "si l'on ne prouve qu'il est propre" (11). Mais la formulation impersonnelle employée posait quand même en filigrane la question du régime de cette preuve. En l'espèce, qui du banquier poursuivant ou du titulaire du compte saisi devait supporter la charge de cette preuve contraire ? Sur ce point, la première chambre civile de la Cour de cassation apporte une autre précision intéressante. En conformité du droit commun de la preuve imposant à celui qui invoque un fait la charge de le prouver (12), elle énonce que le compte est insaisissable faute pour la banque poursuivante "sur laquelle pesait la charge de la preuve contraire, d'identifier les revenus du [débiteur saisi]".

Si une telle solution ne peut qu'être approuvée, elle est toutefois de nature à singulièrement compliquer la tâche du créancier poursuivant. En effet, lorsque la saisie porte sur un compte bancaire, le banquier tiers saisi est -à la lettre-, tenu "de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur au jour de la saisie" (13), sans qu'il puisse opposer un quelconque secret professionnel (14). Or, la communication du solde est une chose, celle de l'origine des sommes qui l'établissent en est une autre. Certes, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier "l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur" (15) et de communiquer à l'huissier de justice "les pièces justificatives" (16). Mais comme il a été déjà jugé que le banquier tiers saisi n'avait pas à communiquer les relevés bancaires couvrant une période très antérieure à la saisie-attribution (17), il est permis de penser que seuls les relevés bancaires contemporains de la saisie doivent être fournis. Ils peuvent présenter quelque utilité si ceux-ci permettent de retracer l'origine des sommes inscrites. Mais si la recherche du caractère commun ou propre des fonds requiert une exploration plus poussée, comme c'est souvent le cas, la preuve mise ici à la charge du banquier poursuivant risque alors d'être assez diabolique à rapporter...

Richard Routier
Maître de conférences à l'Université du sud Toulon-Var


(1) Cass. civ. 1, 17 janvier 2006, n° 02-20.636, Société marseillaise de crédit c/ Hodara, FS-P+B (N° Lexbase : A3948DM8).
(2) C. civ., art. 1415 (N° Lexbase : L1546ABU).
(3) Cass. ass. plén., 4 juillet 1985, n° 83-17.155, Consorts Edberg c/ Société européenne de Banque ex banque Rothschild (N° Lexbase : A4397AA4) ; D. 1985, p. 421, concl. J. Cabannes, note D. Martin ; JCP éd. G, 1985, n° 20457, Rapp. A. Ponsard.
(4) Cass. civ. 1, 14 janvier 2003, n° 00-16.078, Société marseillaise de crédit c/ X. (N° Lexbase : A6919A4Z), Bull. civ. I, n° 2.
(5) Cass. civ. 1, 3 avril 2001, n° 99-13.733, Bendenoun c/ Société Crédit immobilier AIPAL (N° Lexbase : A1747ATU), Bull. civ. I, n° 92 ; D. 2001, somm. p. 2933, obs. M. Nicod ; Defrénois 2001, p. 939, obs. P. Théry et p. 1129, note G. Champenois ; Banque et droit 2001, n° 4, p. 48, obs. F. Jacob.
(6) Cass. civ. 1, 18 février 2003, nº 00-21.362, Spire c/ CCF (N° Lexbase : A1832A7Y), Bull. civ. I, n° 48 ; D. 2003, somm. p. 1864, obs. V. Brémond ; RJPF juin 2003, n° 6, p. 15, note F. Vauville ; Defrénois 2003, n° 37825, p. 1356, obs. G. Champenois.
(7) Cass. civ. 1, 6 juillet 1999, n° 97-15.005, Proust c/ Banque régionale de l'Ouest (N° Lexbase : A8742AHA), Bull. civ. I, n° 224 ; D. 2000, Jur. p. 421, note R. Le Guidec ; JCP éd. G, 2000, II, n° 10237 ; JCP éd. E 2000, p. 947, note J. Casey.
(8) Cass. civ. 1, 17 février 2004, n° 02-11.039, X. c/ Crédit agricole de Savoie (N° Lexbase : A3201DB8), Bull. civ. I, n° 45 ; D. 2004, somm. p. 2260, obs. V. Brémond ; Banque et droit 2004, n° 4, p. 41, obs. F. Jacob et N. Rontchevsky .
(9) Cass. civ. 1, 7 juin 1988, n° 86-14.471, Mme Roch c/ M. Garnier (N° Lexbase : A1978AHQ), Bull. civ. I n° 178, JCP éd. G, 1989, 21341, obs. P. Simler.
(10) Cass. civ. 1, 14 janvier 2003, n° 00-21.108, Mme Claude Legrand c/ M. Gérard Lambert, F-P+B (N° Lexbase : A6887A4T), RJPF, avril 2003, n° 4, p. 14, note F. Vauville ; Defrénois 2003, art. 37791, p. 997, note G. Champenois.
(11) C. civ., art. 1402, al. 1er (N° Lexbase : L1533ABE).
(12) C . civ., art. 1315 (N° Lexbase : L1426ABG).
(13) Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, art. 47, al. 1er, portant réforme des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L9124AGZ) ; sur cette question v. C. Mouly, Procédures civiles d'exécution et droit bancaire, RTD civ. 1993 n° spéc., p. 65 ; H. Croze, Saisie-attribution bancaire, les mystères de l'article 47, LPA 6 janvier 1993, p. 70 ; H. François-Marsal, La saisie-attribution et le banquier tiers-saisi, LPA 6 janvier 1993, p. 74.
(14) Cass. civ. 2, 1er juillet 1999, n° 96-19.108, CRCAM de l'Yonne c/ Société Abers Touraine (N° Lexbase : A0129AUC) ; D. 1999, IR p. 210.
(15) Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, art. 44, précité.
(16) Décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, art. 59, instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L9125AG3).
(17) Cass. civ. 2, 28 septembre 2000, n° 98-13.428, Société Action chimique et thérapeutique c/ Banque française de l'Orient (N° Lexbase : A3627AUU).

newsid:84449

Collectivités territoriales

[Textes] Vers une ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale

Réf. : Projet de loi n° 92 autorisant l'approbation de la Charte européenne de l'autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985, Sénat, session ordinaire de 2004-2005.

Lecture: 7 min

N4530AKY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84530
Copier

Le 07 Octobre 2010

Le Sénat a adopté sans modification, en première lecture, le mardi 17 janvier 2006, le projet de loi autorisant la ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale (1). Après l'avoir signée le 15 octobre 1985, la France restait, plus de vingt ans après, l'un des derniers Etats à ne pas avoir approuvé cette convention du Conseil de l'Europe : elle est, enfin, en voie de le faire. I. Origine et objectifs de la Charte

Cette Charte (2) a été élaborée au sein du Conseil de l'Europe sur la base d'un projet présenté en 1981 par la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux d'Europe (CPPLRE), organe consultatif du Conseil de l'Europe, composé d'élus des collectivités territoriales des États membres et devenu, en 1994, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (CPLR). Après cinq années de travaux préparatoires, le texte était ouvert à signature le 15 octobre 1985. Seules quatre ratifications étaient nécessaires à son entrée en vigueur, effective le 1er septembre 1988.

Dans le respect de la souveraineté des Etats et de leur organisation territoriale, cet instrument juridique multilatéral se veut une référence pour la définition et la protection des conditions d'une autonomie locale en Europe. Elle défend l'idée d'un régime démocratique indissociable de l'existence de collectivités locales et d'un droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques qui s'exerce le plus directement au niveau local (3). Une véritable démocratie, fondée sur une administration efficace et une participation citoyenne à la vie locale, dépend du degré d'autonomie politique, administrative et financière accordé aux collectivités territoriales (4).

La Charte est dépourvue de dispositif de contrôle juridictionnel, son application est suivie par le CPLR et chaque partie doit transmettre au Secrétariat général du Conseil les informations appropriées relatives aux dispositions législatives et autres mesures prises dans le but de se conformer aux termes de la Charte.

II. L'autonomie locale dans la Charte

La première partie de la Charte décline une série de principes. Le principe de l'autonomie locale doit bénéficier de garanties législatives et, "autant que possible", de garanties constitutionnelles (art. 2). Il se caractérise par l'exercice de compétences significatives, avec des moyens adéquats, par le biais de conseils élus et par le recours à la consultation des citoyens (art. 3).

La préservation et l'adaptabilité sont les principes directeurs relatifs aux compétences des collectivités locales. En cas de compétences d'attribution, elles doivent pouvoir développer des initiatives dans les domaines qui ne sont pas explicitement exclus, selon une logique de subsidiarité (art. 4). Le contrôle administratif doit se borner au strict contrôle de légalité (art. 8) et un droit de recours doit apporter une garantie juridictionnelle au respect de ces principes (art. 11).

L'adéquation entre les compétences et les moyens est nécessaire pour garantir l'autonomie locale. Les collectivités décident de l'organisation de leurs structures administratives internes (art. 6). Le statut des élus doit leur assurer le libre exercice de leur mandat, notamment, par une indemnisation et une couverture sociale (art. 7). Les ressources propres doivent être proportionnées aux compétences et provenir pour partie de redevances ou d'impôts dont les collectivités locales ont le pouvoir de fixer le taux (art. 9).

La coopération entre collectivités territoriales est affirmée par la Charte (art. 10), tant au sein d'un même Etat qu'avec des collectivités d'Etats étrangers.

III. Les obstacles, causes d'une ratification tardive

L'importance du délai entre la signature de la Charte et l'actuelle procédure de ratification nécessite une explication. Un précédent projet de loi portant approbation de la Charte avait contraint le Conseil d'Etat à conclure à une incompatibilité du texte avec l'ordre juridique national. L'avis négatif du 15 décembre 1991 à l'encontre de la Charte était fondé sur deux motifs (5) : certaines dispositions de la Charte avaient vu leur rédaction considérée comme ambiguë, d'autres avaient été considérées incompatibles avec le droit français. "L'examen attentif des stipulations de la Charte fait, en effet, apparaître que celle-ci comporte en réalité soit des ambiguïtés qui seront source de revendications inutiles, voire de contentieux avec tous les aléas que celui-ci suscite en longue période, soit des règles différentes de celles qui régissent actuellement les collectivités locales, ce qui implique des modifications aux textes en vigueur, alors qu'aucune nécessité ne justifie ces modification"(6).

L'ambiguïté présentait le risque de potentielles sources de revendications politiques et de contentieux. En premier lieu, la portée de l'autonomie locale, telle que conçue par la Charte (art. 4, § 4), entend que les compétences confiées aux collectivités locales soient "pleines et entières" et pose le principe de leur consultation dès lors que des questions les concernent directement lors des processus de planification et de décision. Ensuite, le statut des élus locaux "doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante" (art. 7, § 2). En troisième lieu, la Charte énonce le principe de "ressources propres suffisantes", dont les collectivités locales disposent librement dans l'exercice de leurs compétences (art. 9, § 1). Enfin, la Charte affirme le droit d'association des collectivités locales, en particulier avec des collectivités d'autres Etats (art. 10) (7).

L'incompatibilité résidait dans l'exigence posée par la Charte d'une possible responsabilité des exécutifs locaux (art. 3, § 2), alors qu'une telle censure par les assemblées locales est exceptionnelle dans la pratique française et se trouve restreinte aux collectivités à statut spécifique.

Le refus d'influences extérieures a clairement motivé l'avis négatif du Conseil d'Etat à l'encontre de la Charte. Il entendait ainsi préserver l'équilibre et le consensus auxquels était parvenu le processus endogène de réformes décentralisatrices : "s'agissant d'un domaine qui touche, de manière essentielle et durable aux institutions de la République, il n'y a lieu de limiter les pouvoirs du Parlement, par la voie d'engagements internationaux qu'avec une très grande prudence et pour des motifs impérieux" (8). Une telle analyse était confirmée lors des débats devant la Haute Chambre : "Plutôt que la marque d'un jacobinisme persistant qui serait démenti par les faits, il faut voir dans cet avis la manifestation d'une réticence profonde de notre pays à subir une influence extérieure en matière institutionnelle et administrative" (9).

L'interprétation de cette attitude française se trouve confortée par le refus d'user, en 1991, de la faculté ouverte par l'article 12 de la Charte. Ses stipulations permettent aux parties de se considérer liées par un minimum de vingt paragraphes (sur les trente que compte la Partie I de la Charte), dont la moitié doit être choisie parmi une sélection de quatorze paragraphes. Les paragraphes écartés auraient pu ensuite être progressivement acceptés.

IV. Une compatibilité avec la décentralisation française

La poursuite du processus décentralisateur en France depuis 1991 a levé les risques majeurs d'incompatibilité des stipulations de la Charte avec notre droit positif. L'étude d'impact transmise par le Gouvernement pour l'information des parlementaires souligne que "l'entrée en vigueur en France de la Charte européenne ne nécessitera aucune modification du droit existant" (10). La réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 consacre le caractère décentralisé de l'organisation de la République française (loi constitutionnelle n° 2003-276, 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République N° Lexbase : L8035BB9).

Le principe de subsidiarité figure à l'article 72 de la Constitution française (N° Lexbase : L1342A9L) depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. La rédaction de l'article 4, paragraphe 3, de la Charte comporte sans doute des critères plus précis mais introduit, dans le même temps, une certaine latitude qui en réduit la rigueur (11). La notion de "blocs de compétences" figure au deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution. L'interdiction de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre est fixée par les quatrième et cinquième alinéas de cet article mais réserve la possibilité à la loi de prévoir par la voie de l'expérimentation des modulations dans l'exercice des compétences respectives des collectivités (12). Le principe d'une collectivité "chef de file" ouvre aussi la possibilité de prévoir la coordination par une collectivité territoriale d'actions communes à plusieurs niveaux de collectivités.

Le principe de consultation des collectivités territoriales pour toutes les questions les concernant directement ne serait pas inscrit dans les textes, mais dans une pratique ancrée dans les processus législatifs. Les garanties de l'élu local dans l'exercice de son mandat se trouvent, notamment, inscrites dans la loi n° 2002-276 du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité (N° Lexbase : L0641A37).

Le principe de l'autonomie financière et celui de péréquation, inscrits dans l'article 72 de la Constitution par la réforme du 28 mars 2003, semblent prévenir le risque d'atteinte à l'autonomie locale en matière financière à la suite d'une modification de la fiscalité locale réduisant la part des ressources fiscales, ou à la suite de transferts de compétences insuffisamment compensés par des transferts financiers. Les notions de ressources propres et de compensation des charges apparaissent suffisamment précises pour offrir de véritables garanties. Ces dispositions constitutionnelles sont complétées et détaillées par la loi organique du 29 juillet 2004 (loi n° 2004-758, 29 juillet 2004, prise en application de l'article 72-2 de la Constitution, relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales N° Lexbase : L5037E4C).

La promotion de l'intercommunalité et de la coopération décentralisée par des réformes législatives satisfait au droit d'association des collectivités territoriales (13).

V. Trois déclarations interprétatives

La ratification française se trouve assortie de déclarations interprétatives qui ne constituent pas des réserves mais précisent le sens que la France entend donner à certaines formulations de la Charte afin d'en écarter l'ambiguïté.

Les collectivités auxquelles s'applique la Charte sont définies en référence aux articles 72, 73 (N° Lexbase : L1343A9M), 74 (N° Lexbase : L1344A9N) et au titre XIII de la Constitution ou qui sont créées sur leur fondement. Cette formulation permet d'inclure dans la ratification toute évolution ultérieure du statut des collectivités d'outre-mer ou de l'intercommunalité. Les établissements publics de coopération intercommunale se trouvent expressément exclus du champ d'application de la Charte puisque la déclaration rappelle qu'ils ne constituent pas des collectivités territoriales au regard du droit interne.

Le problème de la responsabilité des exécutifs devant les conseils locaux fait l'objet de la seconde déclaration interprétative. La terminologie de la Charte permet de ne pas l'entendre comme une obligation mais comme une simple faculté.

La troisième déclaration interprétative précise la conception française de la notion de péréquation : "la République française considère que les mesures de péréquation des ressources fiscales inégalement réparties entre les collectivités locales peuvent être mises en place, dès lors que lesdites mesures sont définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et n'ont pas pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entrave leur libre administration". Elle rappelle, ainsi, la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux principes devant présider à la mise en oeuvre du principe de péréquation des ressources fiscales des collectivités territoriales (14).


Nicolas Wismer
Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales
Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon


(1) Projet de loi n° 92 autorisant l'approbation de la Charte européenne de l'autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985, Sénat, session ordinaire de 2004-2005, Annexe au procès verbal de la séance du 1er décembre 2004.
(2) Charte européenne de l'autonomie locale, Strasbourg, 15.X.1985, Conseil de l'Europe, STE n° 122.
(3) Ces principes sont énoncés dans le Préambule de la Charte.
(4) Idem.
(5) Ces éléments sont évoqués dans l'exposé des motifs du projet de loi (cf. supra).
(6) Avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi d'approbation de la Charte européenne de l'autonomie locale, 15 décembre 1991, cité par le rapport n° 15, fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la Charte européenne de l'autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985, par M. Daniel Goulet, sénateur, Sénat, session ordinaire de 2005-2006, Annexe au procès-verbal de la séance du 12 octobre 2005, 27 pages, spéc. p. 13.
(7) Dans un avis du 16 mai 1980, le Conseil d'Etat avait déjà affirmé ses réticences à l'encontre du développement de l'action extérieure des collectivités territoriales françaises.
(8) Avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi d'approbation de la Charte européenne de l'autonomie locale, 15 décembre 1991. L'effet de l'arrêt "Nicolo" (CE Contentieux, 20 octobre 1989, n° 108243, Nicolo N° Lexbase : A1712AQH) qui permet de faire prévaloir les engagements internationaux sur les dispositions de toutes les lois n'est sans doute pas étranger à la prudence du Conseil d'Etat.
(9) Sénat, séance du 17 janvier 2006, Compte rendu intégral des débats.
(10) Rapport n° 15, fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la Charte européenne de l'autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985, par M. Daniel Goulet, Sénateur, Sénat, session ordinaire de 2005-2006, Annexe au procès-verbal de la séance du 12 octobre 2005, 27 pages, Annexe II.
(11) La portée normative se trouve atténuée par des termes comme "de façon générale" ou "de préférence".
(12) La loi organique du 1er août 2003 en encadre l'objet et la durée (loi n° 2003-704, 1er août 2003, relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales N° Lexbase : L6930HGR).
(13) Outre certaines dispositions de la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République (N° Lexbase : L8033BB7), et de la loi d'orientation n° 95-115 du 4 février 1995, pour l'aménagement et le développement du territoire (N° Lexbase : L8737AGP), la France a ratifié nombre de Conventions et Traités internationaux, en particulier des texte du Conseil de l'Europe (Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales ou Protocole additionnel à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales).
(14) Décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991 (N° Lexbase : A8243ACB) et décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 (N° Lexbase : A8751AC4).

newsid:84530

Marchés publics

[Evénement] Réforme du Code des marchés publics : compte-rendu de la conférence ECOTER du 30 janvier 2006

Réf. : Projet de Code des marchés publics 2006, disponible sur le site internet du Minéfi

Lecture: 9 min

N4570AKH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84570
Copier

par Compte-rendu réalisé par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de la Revue Lexbase de Droit Public

Le 07 Octobre 2010

Lors d'une conférence organisée le 30 janvier dernier, par la mission ECOTER, organisme dédié aux collectivités membres, consacrée, notamment, au nouveau Code des marchés publics, Jérôme Grand d'Esnon, directeur des affaires juridiques au ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, est venu présenter les principaux apports de cette réforme. Son intervention méritait, notamment par sa clarté, de faire l'objet d'un compte-rendu. Les explications qu'il apporte et qui sont à l'origine des divers changements permettront aux acteurs de mieux comprendre et accepter les réformes qui leur sont imposées. Avant tout, Jérôme Grand d'Esnom a jugé nécessaire de procéder à un bref rappel historique du contexte des marchés publics, depuis cinq ans, afin d'apporter une explication à ce "télescopage" de textes. En effet, une première réforme a été opérée en 2001. Dès 2002, un constat de réforme inachevée s'est imposé et l'idée a été d'élaborer, le plus vite possible, un nouveau Code des marchés publics. Ce travail a été mené en parallèle avec celui effectué au niveau communautaire, de manière à ce que le nouveau code anticipe et intègre les dispositions des futures Directives européennes. Toutefois, au moment de la publication de la version 2004 du Code des marchés publics, au mois de janvier, celle des Directives n'étant plus tout à fait certaine à l'époque, les pouvoirs publics n'ont pas tenu compte de l'ensemble de ces dispositions. Finalement, les Directives européennes ont vu le jour le 31 mars 2004, avec pour date de transposition en droit interne, le 31 janvier 2006 (Directive (CE) n° 2004/18 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services N° Lexbase : L1896DYU et Directive (CE) n° 2004/17 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux N° Lexbase : L1895DYT). Le dossier a donc été réouvert immédiatement pour la transposition et, quitte à revoir une nouvelle fois le Code des marchés publics, la solution retenue par le Minéfi a été l'adoption d'une double démarche d'amélioration et d'innovation par rapport à la version de 2004. La version de 2006 s'inscrit, ainsi, dans le prolongement de celle de 2004 et il n'y a aucun risque de collision entre les deux.

Aujourd'hui, force est de constater que les délais n'ont pas été respectés, les rédacteurs de la version 2006 ayant été victimes de leurs nouvelles méthodes. En effet, l'innovation a été de vouloir réglementer "à ciel ouvert", avec une mise en ligne des projets, et la mise à disposition d'une boîte e-mail aux acteurs et praticiens de la commande publique leur permettant d'adresser des remarques et critiques. La première mouture, mise en ligne en juillet 2005, a ainsi donné lieu à plus de 250 contributions, toutes traitées sans exceptions. Dès lors, lorsque la deuxième version a été publiée au mois de novembre 2005, ses rédacteurs estimaient que le nombre de remarques serait nettement moins important, ce qui n'a pas été le cas. Face à une telle situation, deux solutions se présentaient : soit il s'agissait de respecter les délais de transposition et la date butoir du 31 janvier 2006, soit il s'agissait de jouer le jeu jusqu'au bout en tenant compte de toutes les contributions. C'est cette seconde solution qui a été retenue, dans la mesure où le code de 2004, largement proche de la Directive de 2004, ne place pas les acheteurs publics en situation de danger juridique. En effet, durant cette période transitoire, depuis le 1er février 2006 jusqu'à la publication du nouveau code de 2006, les règles qui doivent être appliquées sont celles des Directives du 31 mars 2004 précitées. Or, tous les outils actuels sont compatibles avec ces Directives. Le seul élément qui peut poser problème concerne les variantes : l'acheteur qui veut les autoriser dans le cadre d'un marché doit le préciser dans les documents de la consultation, alors que le système était inversé dans le cadre du code de 2004.

C'est ainsi que le Code des marchés publics 2006 sera immédiatement applicable au jour de sa publication, les contraintes d'adaptation des acteurs étant presque inexistantes.

A l'instar du code de 2004, le nouveau Code des marchés publics sera accompagné d'une circulaire. En revanche, celle-ci sera relativement courte et ne sera pas détaillée article par article.

Comme nous l'avons évoqué plus haut, deux axes ont guidé cette réforme. D'une part, l'amélioration du code de 2004, d'autre part, l'innovation.

I. L'amélioration du Code des marchés publics 2004

L'amélioration du code de 2004 se traduit, notamment, à travers le dialogue compétitif, la dématérialisation, et la suppression de la personne responsable des marchés (PRM).

  • Le dialogue compétitif

Le dialogue compétitif reste une procédure intelligente, mais compliquée. Il commence et il se termine comme un appel d'offres. L'erreur qui a été commise en 2004 a été de vouloir imposer l'obligation finale de rédiger un cahier des charges. En effet, le dialogue compétitif a pour but d'améliorer la définition du besoin. Or, l'on peut aboutir à plusieurs solutions différentes. Contraindre, alors, l'acheteur à rédiger un cahier des charges ne fait que compliquer. La bonne méthode doit consister, à la fin du dialogue, à laisser chaque entreprise présenter son offre, d'où la suppression pure et simple de cette obligation.

Quoi qu'il en soit, la procédure du dialogue compétitif reste une procédure compliquée, lourde et longue, mais qui ne doit pas être négligée dans les cas où le dialogue est nécessaire. Elle devient, ainsi, systématique dans certains secteurs, tels que les marchés de communication.

  • La dématérialisation

Depuis le 1er janvier 2005, les personnes publiques ont l'obligation d'être en mesure de recevoir des candidatures et des offres par voie électronique.

Il faut reconnaître que ce qui fonctionne bien, aujourd'hui, en termes de dématérialisation des marchés publics, c'est le transfert de l'information de l'acheteur vers les entreprises, c'est-à-dire la mise à disposition des documents de la consultation par voie électronique. Le taux de téléchargement des marchés est d'environ 20 à 25 %. Ces chiffres traduisent que le monde des entreprises est parfaitement équipé. Pourtant, le taux de remise des offres par voie électronique est quasi nul (de l'ordre de 1 à 2 %).

Quels sont, alors, les freins à la dématérialisation, dans le sens entreprises-acheteurs, des marchés publics ?

Le dispositif actuel est alternatif, c'est-à-dire que l'entreprise a le choix entre la forme papier ou la forme dématérialisée. En cas de problème informatique, le risque pour l'entreprise est que son offre ou sa candidature ne soit pas ouverte.

La solution consistait, donc, à remplacer ce dispositif alternatif par un double dispositif, avec l'idée d'une "roue de secours". L'enveloppe papier ne sera ouverte qu'en cas de défaillance avérée lors de l'ouverture sous forme électronique.

Mais, cette solution était-elle suffisante pour inciter les entreprises à répondre en ligne ? Sans doute pas... En effet, il existe un autre frein, celui de l'obligation de certification de signature, qui s'avère extrêmement dissuasif. Sur ce thème, lire "Pratique de la signature et de l'archivage électronique (PSAE)", Fabien Girard de Barros, Lexbase Hebdo n° 199 du Mercredi 25 janvier 2006 - Edition Affaires (N° Lexbase : N3517AKH).

Les coûts de certification de signature sont non négligeables, et l'offre des certificateurs est particulièrement large. Le risque que peuvent, alors, rencontrer les entreprises, est de s'adresser à un certificateur reconnu sur un marché, et pas sur un autre.

Force est de constater que dans tous les pays ayant retenu le niveau de sécurité 2 (certification de signature), la dématérialisation, en termes de réponses des entreprises à un marché public, ne fonctionne pas du tout, alors qu'elle fonctionne relativement bien dans les autres pays, dans lesquels le niveau de sécurité est moindre, tels que la Finlande ou le Royaume-Uni.

A partir de ce constat, la question s'est posée en ces termes : A quoi sert la signature ? La réponse est très claire. Pour Jérôme Grand d'Esnom, elle ne sert à rien. En effet, la signature n'a de sens que si elle représente une contrainte, un engagement. Or, la signature de l'offre par l'entreprise, ne l'engage pas, par la suite, à s'engager dans le marché, puisqu'elle dispose d'un moyen très simple : il lui suffit de ne pas présenter ses certificats fiscaux et sociaux. Il faut reconnaître, alors, que les éléments préliminaires du contrat ont été mélangés au contrat lui-même.

L'idée a donc été de supprimer l'obligation de certification de signature des offres, qui est tout simplement inutile. L'objectif est, en effet, rappelons-le, d'inciter les entreprises à la dématérialisation, celle-ci permettant de réaliser des gains de productivité. La certification de signature reste, en revanche, obligatoire pour signer le marché.

Pour devancer les critiques qui pourraient être formulées à l'encontre de cette mesure, par les professionnels de la certification, il leur est précisé que, quoi qu'il en soit, pour l'instant, les certifications de signature ne sont pas pratiquées.

Pour plus de précisions sur la dématérialisation des marchés publics, lire "La dématérialisation des procédures de passation encouragée par la réforme en cours", Chrystel Farnoux, Revue Lexbase de Droit Public, n° 3 du Mercredi 18 Janvier 2006 (N° Lexbase : N3203AKT), et "La dématérialisation des marchés publics : bilan et perspectives", Anne-Lise Lonné, Revue Lexbase de Droit Public, Mercredi 16 novembre 2005 (N° Lexbase : N0795AKN).

  • La suppression de la personne responsable du marché

Concernant les règles prévoyant la désignation d'une personne responsable du marché, finalement, il s'agit d'une règle d'organisation interne, qui n'a pas sa place dans le code. Il s'agit donc de laisser chaque acheteur s'organiser librement, dans le cadre de ses règles d'organisation, ce qui fonctionne très bien depuis 1993, dans le cadre des délégations de service public. Pour plus de précisions sur ce sujet, lire "Réforme du Code des marchés publics : la disparition de la Personne responsable du marché", Marie-Hélène Sanson, Revue Lexbase de Droit Public, n° 3 du Mercredi 18 Janvier 2006 - Edition Publique (N° Lexbase : N3201AKR).

II. L'innovation : les nouveaux outils offerts par le futur Code des marchés publics 2006

  • L'acquisition dynamique

Il s'agit d'une technique que la commission est allée chercher dans le secteur des industries de transformation. C'est un système qui permet de maintenir un vivier permanent d'entreprises : au moment où le besoin se fait sentir, l'acheteur met en concurrence tous ceux qui sont inscrits.

Mais il s'agit d'un dispositif compliqué pour une économie d'achat final. Jérôme Grand d'Esnom avoue ne pas être convaincu de sa pertinence et de son opportunité, lesquelles ne pourront, toutefois, s'apprécier réellement qu'une fois le dispositif testé.

Pour plus de précisions sur ce thème, lire "La transposition française de procédures européennes et le cas du système d'acquisition dynamique", Chrystel Farnoux, Revue Lexbase de Droit Public n° 4 du Mercredi 15 février 2006 (N° Lexbase : N4396AKZ).

  • L'accord-cadre

L'accord-cadre, en revanche, constitue enfin la solution au problème récurrent de la lenteur de l'achat public. La solution pour y remédier consiste à découpler la phase lente de la phase rapide du processus d'achat.

Avec ce système, la mise en concurrence débouche sur un engagement d'exclusivité pour une durée de quatre ans. Durant cette période, lorsqu'un besoin se crée, la personne publique ne pourra s'adresser qu'aux entreprises présélectionnées (une ou plusieurs sachant, toutefois, que le véritable intérêt de ce dispositif réside dans la multi-attribution), en organisant une nouvelle mise en concurrence entre elles, très rapidement, en 24 heures.

Il s'agit, ni plus, ni moins, du principe des marchés à bons de commande, mais sans minimum ni maximum : le contrat passé avec l'entreprise est un pré-marché, et non un marché. Il pourra arriver, dans le cas de multi-attribution, que l'accord passé avec une entreprise ne débouche sur aucun marché.

En réponse à la critique du gel de la mise en concurrence, l'obligation de renouveler s'effectue tous les quatre ans. Ainsi, pour tous les achats courants, les principes de transparence seront respectés tous les quatre ans.

Pour plus de précisions sur ce thème, lire "Les accords-cadres et les marchés à bons de commande", Marie-Hélène Sanson, Revue Lexbase de Droit Public du Mercredi 15 février 2006 (N° Lexbase : N4610AKX).

  • Les enchères inversées

Il s'agit d'un outil efficace, permettant de réaliser des économies allant jusqu'à 20 %, mais il présente le risque de contribuer à faire disparaître le tissu PME. C'est pourquoi, il est réservé aux marchés de fournitures dépassant un certain seuil, et n'est pas utilisable dans le cadre des marchés de services et des marchés de travaux.

  • La place des PME

Concernant la place des PME, il n'a pas été adopté une démarche de politique large, mais plutôt une politique de "bon achat public", celle-ci passant par la diversité, et s'opposant aux mesures de discrimination en faveur des PME, telles qu'elles avaient été envisagées, mais qui étaient contraires aux principes de la commande publique.

Il existe, donc, un ensemble de "petites" mesures, mises à la disposition des acheteurs public, destinées à rééquilibrer l'accès des PME aux marchés publics. Il s'agit, en premier lieu, de l'obligation d'allotir les marchés chaque fois que cela est possible, ou encore de l'introduction du respect d'un nombre minimal de PME parmi les candidatures à certains marchés publics (possible tant que ne concerne pas les offres). En outre, il s'agit de proportionner les exigences aux marchés. Cela doit passer par le respect d'une stricte corrélation entre le niveau de capacité requis et les caractéristiques des prestations attendues.

newsid:84570

Internet

[Manifestations à venir] Contrefaçon de marque sur Internet : état des lieux

Lecture: 1 min

N4621AKD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3208091-edition-n-202-du-16-02-2006#article-84621
Copier

Le 07 Octobre 2010

Contrefaçon de marque, référencement abusif, liens sponsorisés, conflits de noms de domaine... La marque est sur Internet la cible de toutes les attentions. Ainsi, mercredi 22 février 2006, de 12h30 à 14h00, l'electronic business group (EBG) fera le point sur le thème de la protection des marques sur Internet.
  • Programme

- Quelles sont les principales atteintes aux marques ?
Noms de domaines : le point sur la dernière jurisprudence (principe de spécialité et dépôt de marque en classe 38), ouverture du .fr aux particuliers...
.eu : est-il déjà trop tard ? Quelles sont les règles d'attribution et les premières pistes pour la résolution des conflits (Trib.com. Paris,10 janvier 2006)
Utilisation abusive des liens sponsorisés : où en sommes nous ? Le point de vue d'une marque et d'un support...
Pratiques du référencement : un référencement abusif peut-il être assimilé à de la contrefaçon ? Peut-on utiliser la désignation de son concurrent pour mettre en avant son site ? Quelle est la politique des moteurs de recherche en matière de référencement "abusif" : l'exemple récent de Google en Allemagne.
- Quel est le droit applicable, quelles sont les procédures adaptées pour une réponse efficace ?
- Comment mettre en place une stratégie de veille pour la protection de sa marque sur Internet ? Comment s'organiser en interne ? Existe-t-il des prestataires spécialisés ?

  • Intervenants

ACCOR - Isabelle Daviaud, responsable juridique NTIC
AFNIC - Loïc Damilaville, responsable du service communication et développement
CABINET GIDE LOYRETTE NOUEL - Etienne Drouard, avocat
GOOGLE, Yoram Elkaim, directeur juridique France

  • Date

Mercredi 22 février 2006 de 12h30 à 14h00.

  • Lieu

Cabinet Gide Loyrette Nouel
26-28 cours Albert 1er
75008 Paris

  • Renseignements/Inscriptions

Inscription préalable obligatoire auprès de Eric Tanguy
e-mail : eric.tanguy@ebg.net
Tél. : 01 48 01 08 79

newsid:84621