La lettre juridique n°173 du 23 juin 2005

La lettre juridique - Édition n°173

Table des matières

L'harmonisation des règles procédurales : un tremplin vers "l'interlocuteur unique" ?

Lecture: 2 min

N5811AI3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3207427-edition-n-173-du-23062005#article-75811
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 07 Octobre 2010


L'air du temps est à "l'interlocuteur unique" : est-ce pour autant, en matière institutionnelle et juridique, un voeu pieu ? Dans le secteur commercial, cette technique appelle, sans nul doute, une satisfaction générale, tant les relations client-vendeur/prestataire sont simplifiées, l'information se passant ainsi d'intermédiaires. Mais auprès de nos institutions, les choses ne semblent pas si simples, à en croire les difficultés rencontrées par nos gouvernants à généraliser, au plus vite, ce qui semble être un credo des plus profitables aux usagers ou justiciables, et sain pour la conduite de nos institutions et celle du budget national. Mais, nos administrations ont chacune leur légitimité, comme le rappelait dernièrement notre ministre de la Cohésion sociale face au retard pris dans l'édification des fameuses "maisons de l'emploi" chargées d'assurer l'ensemble des prestations des ANPE, Apec et autres centres Assedic... Pourtant, constatons les récents efforts du Gouvernement dans le sens d'une amélioration et d'une simplification des relations entre administrations et administrés : tantôt au travers la mise en place du centre des impôts unique pour les grandes entreprises, généralisé peu ou prou au bénéfice des PME/TPE ; tantôt au travers la naissance de l'Autorité des marchés financiers se substituant à l'ancienne COB et autres institutions régulatrices en la matière. Mais, "Rome ne s'est pas construite en un jour" ; et à ce dicton populaire, le pragmatisme d'une harmonisation préalable à toute unification est bien souvent la seule voie de contentement des administrés-justiciables et des administrations elles-mêmes qui ne perdent, ainsi, aucune prérogative, aucun personnel... C'est pourquoi, attachons-nous à cette ordonnance du 8 juin 2005 relative aux règles de fonctionnement des juridictions de l'incapacité qui vise à harmoniser les règles de fonctionnement des tribunaux du contentieux de l'incapacité et des tribunaux des affaires de Sécurité sociale ; attachons-nous, également, à cet arrêt du 1er juin 2005, par lequel la Cour de cassation bat en brèche le principe de l'indépendance des procédures fiscale et pénale et favorisant, par là-même, une harmonisation des droits de la défense des contribuables, quelle que soit la juridiction compétente devant laquelle ils se retrouvent. Ces deux actualités juridiques sont bel et bien l'expression d'une volonté des instances suprêmes de s'engager, peu à peu, vers la fin des compétences juridiques éclatées. Que justifie, aujourd'hui, la logique d'un contentieux social tantôt traité par le juge prud'homal, par le juge civil, par le juge administratif, par le juge pénal ou encore par les instances internes de la Sécurité sociale ? Quid de celle d'un contentieux fiscal porté devant le juge civil, le juge administratif, ou le juge pénal, suivant la nature de l'impôt ou la procédure de redressement orchestrée contre le contribuable ? Les éditions juridiques Lexbase vous proposent, cette semaine, de retrouver le commentaire d'Olivier Pujolar, Maître de conférences à l'université Montesquieu-Bordeaux IV, sur l'ordonnance précitée, ainsi que les observations de Daniel Faucher, juriste-fiscaliste au Cridon de Paris, relatives à l'incidence sur la procédure pénale du non-respect des garanties en matière fiscale.

newsid:75811

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Affaire "Wolber" : à l'impossible nul n'est tenu !

Réf. : Cass. soc., 15 juin 2005, n° 03-48.094, Philippe Regnaut c/ Société Wolber, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6829DIR)

Lecture: 9 min

N5701AIY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3207427-edition-n-173-du-23062005#article-75701
Copier

par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

L'affaire avait fait grand bruit, mobilisant les médias, le monde syndical et politique, jusqu'à l'archevêque de Soisson ! En 1999, la société Wolber, filiale à 99,97 % de Michelin, fermait son usine de pneumatiques pour vélos de Soisson, délocalisait sa production en Inde et licenciait pour motif économique 451 salariés. Le 5 novembre 2004, le conseil de prud'hommes de Soissons constatait la nullité du plan social et ordonnait la "réintégration matérielle" des salariés dans une usine... qui avait disparu ! Tout en confirmant la nullité du plan social, la cour d'appel d'Amiens avait infirmé partiellement ce jugement et considéré cette réintégration comme impossible le 7 octobre 2003. Le rejet du pourvoi, dans cet arrêt logiquement promis à la plus grande publicité, signe la fin de cet épisode rocambolesque qui avait conduit le législateur, au début de l'année 2005, à modifier le Code du travail pour contrer une éventuelle dérive jurisprudentielle. Sans remettre en cause sa jurisprudence traditionnelle sur l'étendue du droit à réintégration, qui apparaît en filigrane dans la décision (1), la Cour de cassation a opté ici pour une solution de bon sens (2).
Décision

Cass. soc., 15 juin 2005, n° 03-48.094, Philippe Regnaut c/ Société Wolber, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6829DIR)

Rejet (cour d'appel d'Amiens, 7 octobre 2003, 5ème chambre sociale, cabinet A)

Textes concernés : NCPC, art. 5 (N° Lexbase : L2632ADT) ; C. trav., art. L. 321-4-1 (N° Lexbase : L8926G7Q)

Mots-clefs : plan de sauvegarde de l'emploi ; nullité ; réintégration des salariés ; impossibilité.

Lien bases :

Résumé de la décision

La société ayant cessé définitivement son activité et vendu ses actifs industriels et l'entreprise ayant disparu, la réintégration, demandée dans les seuls emplois que les salariés occupaient dans cette entreprise avant leurs licenciements, était devenue matériellement impossible.

Faits

1. La société Wolber, qui exploitait à Soissons une usine de fabrication de pneumatiques, a décidé en 1999 de cesser son activité et de fermer son usine en raison de difficultés économiques et à la suite de la résiliation d'un contrat de sous-traitance conclu avec la société Manufacture française de pneumatiques Michelin (MFPM). Elle a présenté au comité d'entreprise un plan social, puis notifié aux salariés leurs licenciements pour motif économique.

2. La cour d'appel d'Amiens a annulé le plan social établi par la société Wolber en raison de son insuffisance ainsi que, par voie de conséquence, la procédure de licenciement collectif et les licenciements économiques prononcés par l'employeur, mais a rejeté les demandes des salariés tendant à obtenir leur réintégration dans les emplois qu'ils occupaient avant leurs licenciements.

Solution

1. "La cour d'appel a constaté que la société Wolber avait cessé définitivement son activité et que ses actifs industriels avaient été vendus ; ayant ainsi fait ressortir que l'entreprise avait disparu, elle a pu en déduire que la réintégration, demandée dans les seuls emplois que les salariés occupaient dans cette entreprise avant leurs licenciements, était devenue matériellement impossible".

2. Rejet

Commentaire

1. L'impossibilité matérielle comme obstacle à la réintégration

1.1. Les dispositions légales applicables

L'article L. 122-14-4, alinéa 1er, du Code du travail (N° Lexbase : L5569ACA), dans sa version issue de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (N° Lexbase : L1304AW9), dispose que "lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 321-4-1, il peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail, sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié. Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois".

Même si le texte ne le précise pas, la réintégration peut se heurter à un obstacle insurmontable. Reste à déterminer quels sont les éléments qui peuvent s'opposer à la réintégration des salariés.

La Cour de cassation considère traditionnellement que "seule une impossibilité matérielle" est de nature à s'opposer à la réintégration des salariés, qu'il s'agisse ici de salariés protégés licenciés sans autorisation administrative (Cass. soc., 24 juin 1998, n° 95-44.757, Monsieur Vanderghote c/ Entrepose Montalev, publié N° Lexbase : A5384ACE : "impossibilité absolue" ; Cass. soc., 30 juin 2004, n° 02-41.686, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8129DC3, lire Gilles Auzero, La mise en disponibilité d'un salarié protégé ne vaut pas réintégration, Lexbase Hebdo n° 129 du 15 juillet 2004 - édition sociale N° Lexbase : N2300ABS), de grévistes (Cass. soc., 2 février 2005, n° 02-45.085, F-P+B N° Lexbase : A6210DG4, lire Christophe Radé, Seule une impossibilité matérielle peut s'opposer à la réintégration d'un gréviste illégalement licencié, Lexbase Hebdo n° 155 du 17 février 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4618ABN) ou de salariés lorsque le plan social a été annulé (Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-43.717, Société SEPR (Société les éditions de la prévention routière) c/ M. Michel Michelon, FS-P N° Lexbase : A9819C88, lire Stéphanie Martin Cuenot, L'annulation du plan social, Lexbase Hebdo n° 79 du 10 juillet 2003 - édition sociale N° Lexbase : N8080AAI).

  • La notion "d'impossibilité matérielle" faisant obstacle à la réintégration

A plusieurs reprises, la Cour de cassation avait été amenée à préciser ce qu'il convenait d'entendre concrètement par "impossibilité matérielle" de réintégrer.

Ainsi, dans un arrêt en date du 13 décembre 1994, la Haute juridiction avait affirmé que le fait que l'entreprise ait "pratiquement cessé son activité sur le site en cause et qu'il n'existait aucun emploi correspondant à [la] qualification" du salarié ne caractérisait pas une telle impossibilité (Cass. soc., 13 décembre 1994, n° 92-42.454. M. Vanderghote c/ Société Entrepose Montalev, publié N° Lexbase : A3909AAZ, Dr. soc. 1995. 513, obs. Cohen), ni le fait que l'entreprise avait procédé à de nombreux licenciements économiques (Cass. soc., 24 juin 1998, n° 95-44.757, Monsieur Vanderghote c/ Entrepose Montalev, publié N° Lexbase : A5384ACE).

Constitue, en revanche, une impossibilité matérielle le fait pour les salariés de s'être rendus coupables de concurrence déloyale (Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-46.479, FS-P N° Lexbase : A9827C8H, Dr. soc. 2003, p. 1024, obs. P. Waquet).

  • L'affaire "Wolber" et ses conséquences parlementaires

A la suite du jugement rendu dans cette même affaire par le conseil de prud'hommes de Soisson, le Parlement s'était emparé de la question et avait décidé de modifier les termes de l'article L. 122-14-4 du Code du travail afin d'assouplir ce critère de l'impossibilité de réintégrer.

La nouvelle version, issue de la loi du 18 janvier 2005 (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49), dispose désormais que "lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 321-4-1, il peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail, sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié" (lire notre chronique Le droit du travail après la loi du 18 janvier 2005 : la cohésion sociale comme affichage, la flexibilité comme objectif, Lexbase Hebdo n° 152 du 27 janvier 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4353ABT).

Au-delà de la discussion sur la portée exacte de la formule (pouvoirs du juge d'apprécier en opportunité la nécessité de prononcer la réintégration, sauf impossibilité de réintégrer), la volonté du Parlement était manifestement d'assouplir les hypothèses dans lesquelles la réintégration est impossible en consacrant des obstacles légaux, dont la liste n'est pas limitative ("notamment") et au titre desquels figurent, désormais, "la fermeture de l'établissement ou du site" et "l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié".

Il était, par conséquent, intéressant de voir comment allait régir la Cour de cassation face à cette loi nouvelle.

1.2. Le dénouement judiciaire de l'affaire "Wolber"

Dans cette affaire, les nouvelles dispositions de l'article L. 122-14-4, alinéa 1er, du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74), n'étaient pas applicables aux faits de l'espèce, puisque les nouveaux principes issus de la loi du 18 janvier 2005 "sont applicables aux procédures de licenciement engagées à compter de la date de promulgation de la présente loi" (art. 78). Il était intéressant de déterminer si la Cour allait faire une application anticipée de ces dispositions.

En l'espèce, c'était bien la fermeture de l'usine qui était en cause, fermeture qui s'était accompagnée du démantèlement du site (notamment la vente du matériel). Si cette fermeture n'avait pas empêché le conseil de prud'hommes de Soisson d'ordonner la réintégration des salariés et donc d'envisager la réimplantation de l'entreprise, la cour d'appel de d'Amiens s'y était refusée.

Cet arrêt est ici logiquement confirmé par le rejet du pourvoi, la cour d'appel ayant "fait ressortir que l'entreprise avait disparu" et "pu en déduire que la réintégration, demandée dans les seuls emplois que les salariés occupaient dans cette entreprise avant leurs licenciements, était devenue matériellement impossible".

Sans modifier les termes de sa jurisprudence antérieure qui recherchait le caractère "matériellement impossible" de la réintégration, la Chambre sociale semble donc faire implicitement application des nouvelles dispositions législatives qui visent, notamment, "la fermeture de l'établissement ou du site" parmi les circonstances qui font désormais obstacle à la réintégration.

Cette similitude n'est toutefois qu'apparente dans la mesure où la solution suggérée par la Chambre sociale de la Cour de cassation semble aller au-delà des nouvelles dispositions légales.

2. Les possibilités de réintégration suggérées

2.1. La détermination du périmètre de l'obligation de réintégration

Le nouvel article L. 122-14-4, alinéa 1er, du Code du travail, dispose, rappelons-le, que la réintégration est prononcée " sauf si [elle] est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié".

Selon ce texte, la fermeture de l'établissement ou du site fait obstacle à la réintégration, sans qu'il soit ici question de vérifier si celle-ci serait envisageable dans un autre établissement de l'entreprise ou dans une autre entreprise du groupe et de l'UES.

Or, jusqu'à présent, la Chambre sociale de la Cour de cassation a toujours considéré que l'impossibilité matérielle de réintégrer les salariés dans leur emploi n'interdisait pas de rechercher les possibilités de réintégration soit dans l'établissement (Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-41.013, Association laïque pour l'Education et la formation professionnelle c/ Mme Berthelin et autres, publié N° Lexbase : A4729AGA), soit en dehors de l'établissement, "lorsqu'il existe un groupe de personnes morales ou physiques constitutif d'une seule entreprise, ce qui est le cas lorsqu'une unité économique et sociale est reconnue", le périmètre de réintégration s'étendant alors à toutes les personnes juridiques constituant ce groupe (Cass. soc., 16 octobre 2001, n° 99-44.037, FS-P N° Lexbase : A4913AWU, D. 2002, p. 770, obs. E. Peskine).

2.2. La confirmation de la jurisprudence antérieure

Cette analyse se trouve implicitement confirmée dans cet arrêt "Wolber" du 15 juin 2005, puisque la Cour y précise que la réintégration avait été "demandée dans les seuls emplois que les salariés occupaient dans cette entreprise avant leurs licenciements". La demande ne portant pas sur la réintégration au sein d'autres entreprises du groupe Michelin (la société Wolber était une filiale à 99,97 % de Michelin), l'impossibilité matérielle consécutive au démantèlement du site s'imposait.

Il est d'ailleurs symptomatique de relever que le débat portait, notamment, sur l'application de l'article 5 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2632ADT), qui dispose que "Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé". Saisi d'une demande de réintégration dans l'établissement disparu, le juge devait donc répondre uniquement dans ce cadre, et non au-delà.

La Cour de cassation suggère très clairement que si cette réintégration avait été demandée au sein du groupe, elle aurait été envisageable sur les emplois disponibles.

Or, l'application du nouvel article L. 122-14-4, alinéa 1er, du Code du travail, ne semble pas pouvoir conduire à une telle solution puisque, rappelons-le, il suffit à l'employeur de prouver que l'établissement a disparu pour faire légalement obstacle à la réintégration, celle-ci ayant donc un périmètre désormais inférieur à l'obligation de reclassement.

2.3. Le sort des salariés

Dans cette affaire, il faut d'ailleurs préciser que Michelin avait proposé, dès 1999, aux salariés qui le désiraient, un reclassement au sein du groupe, reclassement qui avait été accepté par 37 d'entre-eux qui avaient, à cette occasion, reçu une prime de déménagement de 1 500 euros. Au début de l'année 2005, Michelin avait d'ailleurs fait de nouvelles propositions en ce sens aux 155 demandeurs, soit six années après leur licenciement... Selon la direction de Michelin, seuls 18 salariés n'auraient, depuis, pas trouvé de solution, alors que l'avocat des salariés, Maître Philippe Brun, dénombre pour sa part 90 chômeurs et 135 contrats à durée indéterminée, dont la moitié à temps partiel.

Au-delà du débat sur l'impossibilité de réintégrer, c'est bien le procès de la mondialisation qui se profile et des délocalisations dans des pays "émergeants", au moins sur le plan économique. Mais que dire sur le plan social ?

newsid:75701

Sécurité sociale

[Textes] Juridictions de l'incapacité et tribunaux des affaires de Sécurité sociale : harmonisation et simplification des règles de fonctionnement

Réf. : Ordonnance du 8 juin 2005, n° 2005-656, relative aux règles de fonctionnement des juridictions de l'incapacité (N° Lexbase : L8561G8L)

Lecture: 8 min

N5733AI8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3207427-edition-n-173-du-23062005#article-75733
Copier

Le 07 Octobre 2010

Les juridictions intervenant dans le domaine social sont très nombreuses. Si l'on met de côté les juridictions susceptibles d'intervenir dans le cadre d'un litige relatif au droit du travail (conseil de prud'hommes, tribunal d'instance, tribunal de grande instance, tribunal administratif...), le nombre de juridictions compétentes dans le domaine social reste important. Une telle dispersion des juridictions n'est pas sans soulever d'épineuses difficultés (conflits de compétences, différences de procédures...). Depuis longtemps déjà, la mise en place d'une juridiction unique est souvent réclamée. Cependant, pour des raisons relativement variées, certains ne sont pas favorables à une telle unification juridictionnelle et plaident souvent en faveur d'une harmonisation des règles relatives aux juridictions spécialisées dans le domaine social. Ces juridictions n'ont pas échappé au mouvement actuel de simplification du droit. L'unification n'est pas la voie retenue par l'ordonnance n° 2005-656 du 8 juin 2005 relative au fonctionnement des juridictions de l'incapacité (N° Lexbase : L8561G8L), mais elle constitue une indéniable avancée vers l'harmonisation des règles applicables aux tribunaux des affaires de Sécurité sociale, aux tribunaux de l'incapacité et à la Cour nationale de l'incapacité. "Les problèmes soulevés par l'organisation des juridictions sociales spécialisées, tant de l'ordre judiciaire que de l'ordre administratif, sont nombreux et multiformes".

Tel est le constat qui constitue la première phrase d'un récent rapport du Conseil d'Etat sur l'avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social (1). Le constat n'est guère nouveau et ne saurait surprendre. On le sait, les litiges portant sur les relations de travail peuvent relever de la compétence de plusieurs juridictions (conseil de prud'hommes mais, également, tribunal d'instance, tribunal de grande instance, ou encore tribunal administratif). Pourtant, l'éclatement du contentieux paraît encore plus important en ce qui concerne le reste du contentieux social et, en particulier, en ce qui concerne le contentieux de la Sécurité sociale. En effet, en la matière, la dispersion est nette entre contentieux judiciaire, contentieux administratif et contentieux pénal. Au surplus, au sein de chacun de ces contentieux, les juridictions -spécialisées ou non- sont diverses, selon que le litige porte sur le contentieux général, le contentieux technique ou encore le contentieux du contrôle technique.

Le contentieux général de la Sécurité sociale regroupe tous les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de Sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, dès lors qu'ils ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux (v., CSS, art. L. 142-1 N° Lexbase : L4643ADC). En première instance, le contentieux général est de la compétence des juridictions judiciaires : les tribunaux des affaires de Sécurité sociale (2). Le contentieux technique porte sur les questions d'ordre médical (litiges relatifs au taux d'incapacité, à la détermination d'une date de consolidation...). Relevant de l'ordre judiciaire, le contentieux technique est attribué aux tribunaux du contentieux de l'incapacité en première instance et à la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) (3) en appel.

L'ensemble de ces juridictions connaît des compositions et règles de fonctionnement relativement variées, ce qui n'est pas sans accentuer l'opacité du système juridictionnel en la matière.

Les tribunaux du contentieux de l'incapacité et les tribunaux des affaires de Sécurité sociale ont fait l'objet de réformes relativement récentes (v., notamment, la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 N° Lexbase : L1304AW9 et la réécriture des articles L. 143-2 et suivants du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4387ADT). Ces dernières avaient notamment pour objectif la mise en conformité de la composition de ces juridictions avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR).

Cependant, l'indépendance et l'impartialité n'étaient assurément pas les seuls maux dont les juridictions judiciaires précitées souffraient. La situation appelait encore quelques attentions, notamment à propos des règles de procédure ou de fonctionnement. En effet, jusqu'à la réforme commentée ici, les règles de fonctionnement des tribunaux du contentieux de l'incapacité et des tribunaux des affaires de Sécurité sociale se caractérisaient notamment par leur assez grande disparité mais, également, par des obligations dont le respect est parfois difficile en pratique.

La loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, de simplification du droit (N° Lexbase : L4734GUU), prévoit dans son article 5 que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, d'une part, les mesures nécessaires pour simplifier les règles de fonctionnement des tribunaux du contentieux de l'incapacité et de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail et, d'autre part, les mesures nécessaires pour harmoniser le statut des assesseurs des tribunaux de l'incapacité et des tribunaux des affaires de Sécurité sociale.

Le Gouvernement a rendu sa copie et l'ordonnance n° 2005-656 du 8 juin 2005 relative aux règles de fonctionnement des juridictions de l'incapacité vient d'être publiée au Journal officiel (4). Les nouvelles dispositions entreront en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant la publication de l'ordonnance, soit le 1er octobre 2005 (5).

Répondant à un souhait fréquemment exprimé, les dispositions de l'ordonnance tendent à harmoniser les règles de fonctionnement des tribunaux du contentieux de l'incapacité et des tribunaux des affaires de Sécurité sociale. En effet, pour l'essentiel, ces dispositions visent à assouplir et harmoniser les règles de fonctionnement de ces juridictions mais, également, à faciliter leur accès par une modification des conditions de représentation et d'assistance des parties.

Ainsi, les différentes dispositions de l'ordonnance vont indéniablement dans le sens d'une simplification du contentieux, mais on regrettera, cependant, l'absence de réponse à différents problèmes, dont les délicates difficultés posées par l'éclatement des compétences (6).

I. La modification des conditions de représentation et d'assistance des parties

L'accès aux juridictions est souvent considéré comme difficile en raison de la rigueur des règles de représentation ou d'assistance qui s'y appliquent. En la matière, une autre difficulté était fréquemment évoquée : les règles de représentation et d'assistance devant les juridictions de l'incapacité et devant les tribunaux des affaires de Sécurité sociale étaient distinctes.

L'ordonnance n° 2005-656 du 8 juin 2005 élargit les possibilités de représentation et harmonise celles-ci devant les deux types de juridiction.

Jusqu'à la réforme commentée, les règles de représentation et d'assistance devant les tribunaux du contentieux de l'incapacité et devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail étaient relativement restrictives. Désormais, ces règles sont alignées sur celles qui prévalent devant les tribunaux des affaires de Sécurité sociale.

Ainsi, le nouvel article L. 144-3 du Code de la Sécurité sociale précise que les parties se défendent elles-mêmes et que, outre les avocats, elles peuvent se faire représenter ou assister par un membre de leur famille (leur conjoint ou ascendant ou descendant en ligne directe), suivant les cas par un travailleur salarié ou un employeur ou un travailleur indépendant exerçant la même profession ou un représentant qualifié des organisations syndicales de salariés ou d'employeurs, un administrateur ou un employé de l'organisme partie à l'instance ou un employé d'un autre organisme de Sécurité sociale, ou encore par un délégué des associations de mutilés et invalides du travail les plus représentatives.

Devant la CNITAAT, les parties peuvent également se faire assister ou représenter par un avoué.

Au final, les règles d'assistance et de représentation sont donc harmonisées. Il convient, en particulier, de souligner la possibilité d'être assisté ou représenté par un membre de sa famille proche ou encore par le délégué d'une des associations de mutilés et invalides du travail les plus représentatives. Cette dernière possibilité était demandée depuis longtemps par les associations oeuvrant dans le secteur, en particulier par la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH). Le nouvel article L. 144-3 du Code de la Sécurité sociale précise, de façon guère surprenante, que le représentant doit, s'il n'est ni avocat, ni avoué, justifier d'un pouvoir spécial.

Les nouvelles règles de représentation et d'assistance correspondent assurément au souci légitime de faciliter un accès effectif à la justice. L'importante technicité du contentieux de la Sécurité sociale ne doit, cependant, pas faire oublier que l'élargissement des possibilités de représentation ou d'assistance ne saurait être une solution miraculeuse.

Restait encore à améliorer le fonctionnement des juridictions précitées.

II. L'assouplissement et l'harmonisation des règles de fonctionnement des juridictions

Les règles de fonctionnement des juridictions de l'incapacité en vigueur jusqu'à l'adoption de l'ordonnance commentée méritaient d'être améliorées sur différents points.

En particulier, la pratique a souvent montré que la composition de ces juridictions, telle que prévue par le législateur, ne permettait pas un fonctionnement satisfaisant, notamment quand la mise en place, le renouvellement ou encore la réunion au complet de la juridiction était problématique. L'ordonnance du 8 juin 2005 comporte différentes modifications quant à la composition des juridictions ; elle apporte également quelques précisions quant à la possibilité de statuer à juge unique dans certaines hypothèses.

  • La composition des juridictions

Le recrutement des assesseurs des juridictions de l'incapacité constitue souvent un défi difficile à relever. Alors que les tribunaux du contentieux de l'incapacité comprenaient cinq membres (un président, magistrat honoraire de l'ordre administratif ou judiciaire, deux assesseurs représentant les travailleurs salariés et deux assesseurs représentant les employeurs ou travailleurs indépendants), l'ordonnance prévoit qu'ils ne comprendront plus qu'un président et deux assesseurs.

Parité oblige, le premier assesseur représentera les intérêts des salariés, le second ceux des employeurs. L'alignement sur la composition du tribunal des affaires de Sécurité sociale est à nouveau au rendez-vous. En effet, l'article L. 142-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4646ADG) prévoit déjà que le tribunal des affaires de Sécurité sociale est présidé par un magistrat du siège du tribunal de grande instance ou par un magistrat honoraire et comprend un assesseur représentant les travailleurs salariés et un assesseur représentant les employeurs et travailleurs indépendants.

Ayant harmonisé la composition des deux juridictions de Sécurité sociale du premier degré, l'ordonnance du 8 juin 2005 opère, également, une simplification des modalités de désignation et de renouvellement des assesseurs des tribunaux du contentieux de l'incapacité et des assesseurs des tribunaux des affaires de Sécurité sociale.

Jusqu'alors, les modalités de nomination des assesseurs des deux juridictions étaient régies par les articles L. 142-5 (N° Lexbase : L1541GUM pour le tribunal des affaires de Sécurité sociale) et L. 143-2 (pour le tribunal du contentieux de l'incapacité N° Lexbase : L4387ADT). Quelques différences minimes existaient, mais elles sont gommées dans la nouvelle rédaction donnée à ces deux articles. Au surplus, et surtout, les deux articles sont complétés par des dispositions permettant un renouvellement plus aisé des fonctions d'assesseurs (v., CSS, art. L. 142-5, al. 1er et L. 143-2 al. 9, dans leur nouvelle rédaction).

Enfin, l'ordonnance du 8 juin 2005 précise conjointement, dans une même section du Code de la Sécurité sociale, le statut des assesseurs des tribunaux des affaires de Sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (7). Cette unification des statuts est peut-être le premier pas vers une future unification des deux juridictions.

Concernant le contenu de ce statut désormais commun (8), l'ordonnance adapte la liste des condamnations pénales causes d'incapacité, qui couvrent désormais les infractions relevant du domaine de la Sécurité sociale ainsi que les infractions liées à la législation sociale du Code rural. L'ordonnance précise, également, la discipline à laquelle l'ensemble des assesseurs des juridictions de Sécurité sociale du premier degré sont soumis (serment, absences, sanctions...).

  • L'extension de la possibilité de décision à juge unique

Jusqu'à l'adoption de l'ordonnance étudiée, il était pour le moins difficile, en pratique, de réunir quatre assesseurs autour du président du tribunal du contentieux de l'incapacité. Or, ce dernier ne pouvait siéger qu'en formation complète. Une telle situation entraînait des délais de jugement souvent longs et fréquemment dénoncés. La diminution du nombre des assesseurs déjà évoquée devrait permettre de réunir plus facilement le tribunal au complet.

Mais l'ordonnance va plus loin et précise que dans les cas où le tribunal du contentieux de l'incapacité ne peut siéger au complet, le président de ce dernier peut valablement statuer seul. La volonté d'éviter les situations de blocage des juridictions dues à l'absence des assesseurs est manifeste. La possibilité pour les présidents de statuer seuls est cependant assortie de différentes conditions. Si la juridiction n'est pas réunie au complet, il y a lieu à report, sauf accord des parties au litige pour que le président statue seul. En tout état de cause, le report ne peut intervenir qu'une fois. Si la juridiction n'est toujours pas au complet lors de la seconde audience, le président statue seul après avoir recueilli l'avis de l'assesseur présent (CSS, art. L. 143-2-3).

Là encore, l'ordonnance reprend les règles de fonctionnement du tribunal des affaires de Sécurité sociale, telles qu'énoncées par l'article L. 142-7 (N° Lexbase : L4649ADK). On notera, à cet égard, que le recueil de l'avis de l'assesseur éventuellement présent n'était jusqu'alors pas prévu par l'article L. 142-7 relatif au tribunal des affaires de Sécurité sociale, mais cet article est complété en ce sens par l'ordonnance pour éviter qu'une nouvelle disparité ne se fasse jour dans un texte dont l'objet principal était manifestement de les gommer.

Olivier Pujolar
Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Conseil d'Etat, L'avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social, étude adoptée le 4 décembre 2003 par l'assemblée générale du Conseil d'Etat, La Documentation française, Paris 2004, 74 p.

(2) Il existe actuellement 116 tribunaux des affaires de Sécurité sociale. En 2003, ces tribunaux ont rendu 89 908 décisions.

(3) Le siège de la CNITAAT est fixé à Amiens.

(4) Les mesures concernant le contentieux de la Sécurité sociale ont un peu tardé : en la matière, la loi du 9 décembre 2004 (N° Lexbase : L4734GUU) prévoyait un délai d'habilitation de 6 mois.

(5) L'article 7 de l'ordonnance précise que les assesseurs des tribunaux des affaires de Sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité désignés antérieurement à son entrée en vigueur demeurent en fonctions jusqu'au terme de celles-ci.

(6) D'aucun préconisent depuis longtemps la mise en place d'une juridiction sociale unique ou encore le transfert de l'intégralité du contentieux social aux juridictions de droit commun. Pour un rappel des débats récurrents sur ces sujets voir, notamment, Conseil d'Etat, L'avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social, préc., pp. 53 et s.

(7) Composée des articles L. 144-1 et L. 144-2, cette nouvelle section est intitulée Dispositions relatives aux membres des juridictions de sécurité sociale du premier degré.

(8) V., les nouveaux articles L. 144-1 et L. 144-2.

newsid:75733

Procédures fiscales

[Jurisprudence] Incidence sur la procédure pénale du non-respect des garanties en matière fiscale

Réf. : Cass. crim., 1er juin 2005, n° 04-85.031, Procureur général près de la cour d'appel d'Aix-en-Provence c/ Antoine Piacentino, FS-P+F (N° Lexbase : A5655DIB)

Lecture: 4 min

N5778AIT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3207427-edition-n-173-du-23062005#article-75778
Copier

par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010

Les poursuites correctionnelles pour fraude fiscale et la procédure administrative sont par nature et leur objet indépendantes et n'admettent pas les mêmes modes de preuve. C'est pour éviter une paralysie des poursuites, en cas de contestation de la procédure fiscale devant le juge pénal, que le juge a posé ce principe d'indépendance des procédures, qui permet au juge pénal de ne pas être contraint à surseoir à statuer en attendant que le juge fiscal se prononce sur la régularité de la procédure d'imposition. Cependant, cette indépendance a ses limites puisque, comme vient de le rappeler la Haute juridiction, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition, notamment, pour violation des garanties accordées par la loi au contribuable, est susceptible de porter atteinte aux droits de la défense dont il lui appartient d'assurer le respect. La Cour a, ainsi, ouvert une brèche dans le principe d'indépendance des procédures, au motif que la procédure de vérification est la base nécessaire de la plainte de l'administration fiscale. Lorsque le contrôle est entaché de graves irrégularités résultant de la violation des garanties du contribuable, il ne peut plus être regardé comme constituant le soutien de l'action publique. La question est d'importance puisque le délit de fraude fiscale peut être facilement relevé par l'administration. En effet, les deux éléments constitutifs du délit, élément intentionnel et élément matériel, se trouvent aisément constatés dans les cas où les contribuables minorent volontairement les recettes de leur exploitation. L'élément matériel est caractérisé par la simple dissimulation des sommes qui auraient dues être assujetties à l'impôt. Quant à l'élément moral, il implique que le contribuable ait connaissance et conscience de l'accomplissement d'un acte illicite. Or, les obligations des contribuables, notamment en matière de TVA, étant parfaitement codifiées, la simple commission volontaire des irrégularités matérielles constatées suffit à caractériser l'intention frauduleuse. Il est, donc, intéressant de faire le point sur cette indépendance des procédures d'imposition et pénale et de distinguer quelles irrégularités, en matière de procédure d'imposition, permettent d'entraîner l'annulation de la procédure pénale. Bien entendu, lorsque le juge pénal annule les poursuites, il n'annule pas la procédure administrative, ce qui n'est pas en son pouvoir, mais se limite à lui dénier tout effet juridique en invoquant le respect des droits de la défense.

1. Violation des dispositions de l'article L. 47 du LPF et absence de débat oral et contradictoire

Par une décision du 4 décembre 1978, la chambre criminelle de la Cour de cassation a ouvert une brèche dans le principe d'indépendance des procédures en déclarant recevable un moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 47 du LPF (N° Lexbase : L3907ALB) relatif à l'obligation pour l'administration d'informer le contribuable de sa faculté, en cas de vérification de comptabilité, de faire appel à un conseil (Cass. crim., 4 décembre 1978, n° 77-93423, Venutolo c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, publié au bulletin N° Lexbase : A1125CGR). Autrement dit, le contribuable poursuivi devant la juridiction répressive était en droit de soulever l'exception de nullité des poursuites, en raison de l'irrégularité commise au cours de la vérification de comptabilité. Pour la Cour, l'obligation d'informer le contribuable de la possibilité de se faire assister d'un conseil apparaissait "comme une garantie essentielle des droits de la défense, dont il appartient à la juridiction répressive d'assurer le respect". Ce principe a été réaffirmé dans deux décisions du 1er mars 2000 (Cass. crim., 1er mars 2000, n° 98-85.818, Procureur général près la cour d'appel de Montpellier et autre c/ M. X. N° Lexbase : A8748AHH et Cass. crim., 1er mars 2000, n° 98-85.818, Procureur général près la cour d'appel de Montpellier et autre c/ M. X. N° Lexbase : A1474AXU). Cependant, la nullité des poursuites n'est pas encourue lorsque, malgré la méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du LPF par l'administration fiscale, ces poursuites ont pour origine une abstention délibérée de déclaration (Cass. crim., 21 janvier 1991, n° 90-82.296, Brasseur-Delcourt Géry c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2154ABE). En effet, la constatation du défaut de déclaration était, dans une telle affaire, étrangère à la procédure de vérification.

Un arrêt de la cour d'appel de Paris (CA Paris, 18 octobre 1990, n° 3826/88 [LXB=]) a précisé que, lorsque la procédure de vérification, base nécessaire de la plainte de l'administration et des poursuites pénales, est entachée de graves irrégularités résultant de la violation des droits du contribuable, une telle procédure ne saurait être regardée comme constituant le soutien de l'action publique. Or, dans cette affaire, l'administration n'avait pas respecté une des autres garanties accordées par la loi au contribuable, à savoir celle concernant la possibilité d'avoir avec le vérificateur un débat oral et contradictoire dans les locaux de l'entreprise. En effet, l'agent des impôts avait emporté, sans autorisation préalable du contribuable vérifié, la comptabilité de l'entreprise pour l'examiner dans les locaux de l'expert comptable. Cette décision a été confirmée par la Haute juridiction qui a, donc, étendu le champ des atteintes aux droits de la défense à l'absence de débat oral et contradictoire sur place, qui constitue une garantie essentielle des droits du contribuable vérifié (Cass. crim., 23 novembre 1992, n° 90-86.657, Procureur général près la cour d'appel de Paris et autre c/ Albert Sztergbaum N° Lexbase : A0390AB3).

2. Autres irrégularités

Les irrégularités de "forme" commises par le service au cours des opérations de contrôle ne peuvent être invoquées devant le juge pénal au soutien d'une exception de nullité. Il s'agit, notamment, de l'absence, dans l'avis de vérification, d'indication des années soumises au contrôle et de l'inobservation de la prohibition édictée à l'article L. 50 du LPF (N° Lexbase : L5585G4M) (Cass. crim., 1er octobre 1984, n° 83-94.693, Noël c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A8189AAK). Il en est de même, d'une part, des contrôles successifs de comptabilité, pour une même période, en contravention avec l'interdiction formulée par l'article L. 51 du LPF (N° Lexbase : L8256AEI) (Cass. crim., 1er octobre 1979, n° 78-93884, Goetz c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, publié au bulletin N° Lexbase : A6840CE3), d'autre part, des vérifications sur place, qui excèdent trois mois, pour les contribuables visés à l'article L. 52 du LPF (N° Lexbase : L3957AL7) (Cass. crim., 6 juin 1977, n° 76-92108, Goubert c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, publié au bulletin N° Lexbase : A3297CG9). Enfin, on signalera l'irrégularité consistant en l'engagement et la poursuite d'opérations de vérification de comptabilité par un ancien assistant technique d'un centre de gestion d'une entreprise adhérente de ce centre, moins de deux ans après la fin de son détachement auprès du centre. Selon une cour d'appel une telle irrégularité, à raison de la connaissance du dossier du contribuable vérifié pendant la période du détachement, porte atteinte aux droits de la défense et entraîne, ainsi, la nullité des poursuites pénales (CA Toulouse 25 janvier 2001, 3ème ch. n° 75/01, RJF, 5/01, n° 711, p. 470). Cette solution devra être confirmée par la Haute juridiction.

newsid:75778

Sociétés

[Focus] Attribution gratuite d'actions de préférence

Lecture: 6 min

N5689AIK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3207427-edition-n-173-du-23062005#article-75689
Copier

Le 07 Octobre 2010

L'article 83 de la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 N° Lexbase : L5203GUA) a mis en place un nouveau dispositif permettant d'attribuer gratuitement des actions de la société aux salariés et aux mandataires sociaux (1). Ce mécanisme, qui ne remplace pas celui des stocks-options, vise à motiver et à impliquer davantage dirigeants et salariés dans la croissance de l'entreprise, conformément aux propositions du monde des affaires (2). Cette faculté a été codifiée par l'article L. 225-197-1 nouveau du Code de commerce (N° Lexbase : L5387G7N). Les premières difficultés sont rapidement apparues (3), portant, notamment, sur la question de savoir si des salariés de sociétés étrangères mais exerçant leur activité en France, pouvaient bénéficier du nouveau dispositif ou si des actions de préférence pouvaient être attribuées gratuitement.

La première difficulté a été résolue par l'administration fiscale, dans une instruction n° 5 F 14 05 en date du 24 mai 2005 (N° Lexbase : X1138ADI). Celle-ci a admis, par analogie avec le régime des stocks options, que des salariés ou des dirigeants de sociétés dont le siège social est situé à l'étranger mais qui exercent leur activité en France, puissent, sous certaines conditions, bénéficier du dispositif issu de l'article 83 de la loi de finances pour 2005.

L'ANSA (Association nationale des sociétés par actions), dans un avis de son comité juridique du 6 avril 2005 a tranché par l'affirmative la seconde question (4). Selon l'association, il est possible d'attribuer gratuitement des actions de préférence aux salariés ou aux mandataires sociaux (I). Cette faculté n'est pas sans conséquences, notamment, au regard du respect de la procédure des avantages particuliers (II).

I - La faculté d'attribuer gratuitement des actions de préférence

Rappelons qu'aux termes de l'article L. 228-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L8368GQY), "l'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes, peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre".

Selon l'Association nationale des sociétés par actions, ce texte ne distingue pas entre actions de préférence et actions ordinaires. Par conséquent, par application de l'adage "là où la loi ne distingue pas, il n'y a pas lieu de distinguer" (5), rien n'interdit aux émetteurs d'attribuer gratuitement des actions de préférence à leur personnel salarié ou à leurs dirigeants. Cette position ne souffre pas la discussion et n'est qu'une application des principes généraux du droit français.

Plus délicat était le problème de la détermination des droits particuliers attachés aux actions de préférence ainsi attribuées. On le sait, il résulte de l'article L. 228-11 du Code de commerce que "lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent. Ces droits sont définis par les statuts dans le respect des dispositions des articles L. 225-10 (N° Lexbase : L5881AIN) et L. 225-122 (N° Lexbase : L5993AIS)  à L. 225-125 (N° Lexbase : L5996AIW)" (6). La question se pose, donc, de savoir dans quelle mesure les actions de préférence attribuées gratuitement peuvent être privées du droit de vote. Faut-il obligatoirement que lesdits titres offrent un avantage tangible à leur titulaire, en sus de la gratuité, pour pouvoir être privés du droit de vote ? A l'inverse, peut-on attribuer gratuitement des actions de préférence dépourvues du droit de suffrage, sans que cette privation ne soit compensée par un privilège pécuniaire ?

De fait, la question agite les commentateurs depuis la publication de l'ordonnance du 24 juin 2004 (ordonnance n° 2004-604, portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales N° Lexbase : L5052DZ7). Pour les uns, la suppression du droit de vote suppose une contrepartie patrimoniale (7). Selon eux, l'article L. 228-11 du Code de commerce prévoit que l'action de préférence doit être assortie de "droit particuliers". Or, l'absence de droit de vote ne saurait s'assimiler à un droit particulier. Le principe de l'interprétation stricte des exceptions plaide en ce sens. En effet, la possibilité de priver une action de préférence de son droit de vote s'analyse comme une exception à la règle "une action, une voix" posée à l'article L. 225-122 du Code de commerce.

Pour les autres (8), à l'inverse, il convient de ne pas donner à la terminologie légale plus d'importance qu'elle n'en a. Pour les partisans de cette approche, le législateur a utilisé l'expression "actions de préférence" en référence à la notion anglo-saxonne de "preferred shares". D'autres appellations ont d'ailleurs été envisagées telle celle "d'actions de croissance" (9). De surcroît, il résulte expressément du rapport au Président de la République (N° Lexbase : X4150ACP) préalable à l'ordonnance du 24 juin 2004 que le terme "préférence" n'est pas nécessairement synonyme de "avantages". Aux termes de ce texte, "les droits sont entendus au sens générique du terme, et ces actions peuvent donc aussi être dotées d'obligations particulières et faire l'objet de restrictions". En d'autres termes, l'action de préférence ne comporte pas nécessairement plus de droits que l'action ordinaire, mais simplement des droits différents.

De fait, il nous paraît que le libéralisme présidant à la réforme des valeurs mobilières et à l'introduction des actions de préférence autorise la création d'actions de préférence dépourvues du droit de vote et sans avantages pécuniaires en compensation.

L'ANSA a, dans un précédent avis de son comité juridique du 3 novembre 2004, rallié cette conception (10).

C'est donc fort logiquement qu'elle a considéré dans l'avis commenté que les actions de préférence attribuées gratuitement peuvent être dépourvues du droit de vote et ne conférer à leur titulaire aucun dividende privilégié. Néanmoins, selon l'ANSA, rien ne paraît interdire, si l'assemblée générale des actionnaires en est d'accord, l'octroi d'un avantage pécuniaire en sus de la gratuité de l'attribution (11).

Ainsi reconnue, la possibilité d'attribuer gratuitement des actions de préférence, y compris dépourvues de tout droit de vote, n'est pas sans conséquences.

II - Les conséquences de cette faculté

Sur un plan pratique, la possibilité reconnue par l'ANSA d'attribuer gratuitement des actions de préférence privées du droit de suffrage permet d'impliquer salariés et dirigeants dans la croissance de la société, sans toutefois modifier la répartition du pouvoir pendant la période de conservation, entre la date d'acquisition des actions et celle à compter de laquelle il est permis à l'actionnaire de vendre ses titres (12). La faculté d'attribuer gratuitement des actions de préférence dépourvues du droit de vote, décidée par l'assemblée, permet, donc, aux actionnaires anciens de ne pas voir leur pouvoir au sein de la société dilué.

Sur un plan strictement juridique, mais aux conséquences pratiques considérables, se pose la question de savoir si la procédure d'approbation des avantages particuliers doit être respectée. Rappelons qu'aux termes de l'article L. 228-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L8372GQ7), "la création de ces actions donne lieu à l'application des articles L. 225-8 (N° Lexbase : L5879AIL), L. 225-14 (N° Lexbase : L5885AIS), L. 225-147 (N° Lexbase : L8400GQ8et L. 225-148 (N° Lexbase : L8401GQ9relatifs aux avantages particuliers lorsque les actions sont émises au profit d'un ou plusieurs actionnaires nommément désignés". Peu importe à cet égard que les titres soient acquis par une personne d'ores et déjà actionnaire ou par quelqu'un qui le devient à cette occasion (13).

La difficulté provient de ce que l'autorisation de l'assemblée générale n'est qu'une autorisation de principe. Il appartient par la suite au conseil d'administration de définir la liste des bénéficiaires des actions attribuées gratuitement. Au moment où l'organe souverain de la société statue, les bénéficiaires ne sont donc pas "nommément désignés" au sens de l'article L. 228-15 du Code de commerce, car inconnus.

L'ANSA considère toutefois que la procédure d'approbation des avantages particuliers a vocation à s'appliquer chaque fois que l'attribution gratuite d'actions de préférence est réservée à certains salariés ou dirigeants. Son raisonnement est le suivant : l'article L. 228-15 du Code de commerce doit trouver application à chaque fois que des actions de préférence ne sont pas créées au profit de l'ensemble des actionnaires, ni au profit du public. L'assemblée doit donc avoir connaissance de l'identité des titulaires des actions de préférence. Dès lors, il convient d'appliquer la procédure d'approbation des avantages particuliers à chaque fois que l'attribution gratuite d'actions de préférence ne profite qu'à certains salariés ou dirigeants. Le conseil est donc tenu, le cas échéant, de révéler à l'assemblée les noms des futurs bénéficiaires des actions. S'il est expressément prévu que les actions ne seront attribuées qu'à une catégorie de personnes, remplissant des conditions objectives, l'identité exacte de celles-ci n'est pas connue et dans ce cas, la procédure d'approbation des avantages particuliers ne peut trouver à s'appliquer.

Selon nous, si les conditions requises étaient tellement étroites que seules quelques personnes aisément identifiables pourraient en pratique obtenir des actions, ladite procédure devrait, cependant, être respectée.

En définitive, il résulte de l'avis du Comité juridique de l'ANSA, dont il faut se féliciter du pragmatisme, que :

- des actions de préférence privées du droit de vote, et sans avantage pécuniaire, peuvent être gratuitement attribuées aux salariés et dirigeants ;

- la procédure d'approbation des avantages particuliers doit être respectée, dès lors que l'attribution gratuite est réservée à certains dirigeants ou salariés.

Renée Kaddouch
Docteur en droit, Centre de droit financier de l'Université Paris I, Panthéon Sorbonne
Avocat à la Cour, JeantetAssociés


(1) Sur l'ensemble de la question, V. not. J.-P. Dom, L'attribution gratuite d'actions, Bull. Joly 2005 p. 188 ; N. Rontchevsky et M. Storck, La loi de finances pour 2005 instaure un régime attractif d'attribution gratuite d'actions par les sociétés, cotées ou non, au profit de leurs salariés et dirigeants, RTD com. 2005 p. 183.
(2) Rappr. S. Forestier et Alii, Livre Blanc Croissance Plus, p. 36, in http://www.croissanceplus.com.
(3) J.-P. Dom, Premières difficultés relatives à l'attribution gratuite d'actions, Journ. Sociétés avril 2005 p. 44.
(4) inédit.
(5) H. Roland et Y. Boyer, Adages du droit français, 4° édition, Litec, 1999, V° "ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus".
(6) La littérature est pour le moins abondante sur ce thème. On consultera, notamment : A. Couret et H. Le Nabasque, Valeurs mobilières. Augmentations de capital. Nouveau régime. Ordonnances des 25 mars et 24 juin 2004, éditions Francis Lefebvre, 2004, n° 484 et s. ; J. Mestre, La réforme des valeurs mobilières, Bull. d'actualités Lamy Sociétés commerciales, décembre 2004 ; A. Viandier, Les actions de préférence (Ord. n° 2004-604 du 24 juin 2004, art. 31), JCP éd. E. 2004 n° 1440 ; M. Germain, Les actions de préférence, Rev. Sociétés 2004 p. 597 - adde, Y. Paclot, Les actions de préférence : jusqu'où ne pas aller trop loin, Lexbase Hebdo n° 144 du 25 novembre 2004 - édition affaires N° Lexbase : N3589ABK.
(7) A. Couret et H. Le Nabasque, Valeurs mobilières. Augmentations de capital. Nouveau régime. Ordonnances des 25 mars et 24 juin 2004, op. cit., n ° 504-8 (plus nuancé désormais, H. Le Nabasque, conférence du 26 janvier 2005, tapuscrit aimablement communiqué par l'auteur) ; J. Mestre, La réforme des valeurs mobilières, précité ; J.-J. Daigre, L'aménagement du droit de vote, Journ. Sociétés septembre 2004 p. 5 ;
(8) A. Viandier, Les actions de préférence (Ord. n° 2004-604 du 24 juin 2004, art. 31), précité, spéc . n° 9 et s. ; M. Germain, Les actions de préférence, précité, spéc. n° 3.
(9) MEDEF, Les actions de préférence. Propositions du MEDEF pour une modernisation du droit des valeurs mobilières, mai 2001, p. 2, in http: //www.medef.fr, p. 7.
(10) ANSA, Comité juridique, n° 04-077, 3 novembre 2004, p. 3.
(11) Selon le Comité juridique, le dividende privilégié ainsi octroyé ne peut s'assimiler à un complément de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L7979G7N). En outre, ce dividende est soumis aux prélèvements sociaux de droit commun (CSG et CRDS).
(12) Cette durée est fixée par l'assemblée générale autorisant le conseil d'administration ou le directoire à attribuer gratuitement des actions aux salariés et aux mandataires sociaux.
(13) Rép. Min. n° 43987, JO AN Questions 24 août 2004 p. 6685 (N° Lexbase : L4559GTZ).

newsid:75689

Institutions

[Textes] Le Conseil des impôts laisse sa place au Conseil des prélèvements obligatoires

Réf. : Loi n° 2005-358, 20 avril 2005, tendant à créer un Conseil des prélèvements obligatoires (N° Lexbase : L2539G8K)

Lecture: 6 min

N5762AIA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3207427-edition-n-173-du-23062005#article-75762
Copier

par Valérie Le Quintrec, Université de Bourgogne

Le 07 Octobre 2010

A la suite de la proposition émanant du Sénat de réformer le Conseil des impôts, a été adoptée le 20 avril 2005 une loi tendant à créer un Conseil des prélèvements obligatoires. L'objectif d'une telle réforme est clairement affirmé par les parlementaires. Il s'agit, en effet, "d'avoir une vision complète du niveau des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire, d'une part, des impôts et taxes perçus par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale et, d'autre part, de l'ensemble des cotisations obligatoires collectées au profit des institutions de protection sociale. La mise en place d'une seule institution permet, dès lors, d'apprécier l'évolution des prélèvements, qu'il s'agisse des impôts nationaux ou des prélèvements obligatoires". Cette nouvelle institution aurait, normalement, du voir le jour dans le projet de loi de finances pour 2005, mais le Conseil constitutionnel a censuré l'article 112 du projet susvisé qui créait le Conseil des prélèvements obligatoires estimant qu'il s'agissait d'un "cavalier budgétaire" (Cons. const., décision n° 2004-511 DC, du 29 décembre 2004, loi de finances pour 2005 N° Lexbase : A6184DER).

La reprise à l'identique de ce texte, sous la forme d'une proposition de loi par messieurs Jean Arthuis et Philippe Marini votée par le Sénat le 8 février 2005, a, par la suite, été opérée (article unique créant un nouveau titre, le titre V, dans le livre III du Code des juridictions financières, composé des articles L. 351-1 à L. 351-13).

Afin de mieux appréhender la mise en place de cette nouvelle institution, dont la compétence, la composition et l'organisation se distinguent nettement de celles du Conseil des impôts (2), il convient de rappeler les raisons qui ont poussé le législateur à une telle réforme (1).

1. La création justifiée du Conseil des prélèvements obligatoires ou la réforme nécessaire du Conseil des impôts

En dépit d'une minorité dissidente, la réforme du Conseil des impôts faisait l'objet d'un consensus aussi bien pour le Gouvernement, qu'au sein du Parlement français.

Il convient, de prime abord, de rappeler que les prélèvements obligatoires représentent à eux seuls 43,7 % de la richesse de la France.

Par ailleurs, les délocalisations en chaîne et l'expatriation des compétences et des capitaux liées à des coûts de production et de travail trop élevés s'expliquent, principalement, par le poids des prélèvements sociaux.

Il faut ajouter à cela les déficits abyssaux du système français de protection sociale, ainsi que la forte dégradation des finances publiques.

Au vu de ce qui précède, il était, ainsi, indispensable d'avoir une appréhension d'ensemble de ces prélèvements obligatoires.

C'est, dorénavant, chose faite avec la création de ce nouveau Conseil.

La mise en place de cette institution va, en effet, selon certains députés, "permettre au Parlement de mieux exercer son contrôle sur des sommes, dont le montant approche la moitié du produit intérieur brut (PIB)" et "de renouer avec une économie dynamique et compétitive, de rendre le territoire attractif pour les investisseurs en même temps que favorable à l'innovation et au développement des technologies de pointe, et, ainsi, de permettre à la France de retrouver la voie de la création de richesses".

Le nouveau Conseil mis en place se distingue très nettement du Conseil des impôts en raison, d'une part, d'un champ d'action plus large et, d'autre part, d'une composition et d'un mode de fonctionnement plus diversifiés.

2. Conseil des impôts et Conseil des prélèvements obligatoires, deux institutions bien distinctes

2.1. Un champ d'action élargi pour le Conseil des prélèvements obligatoires

Rattaché à la Cour des comptes, le Conseil des impôts est un organisme indépendant d'analyses ayant force de proposition dans le domaine de la fiscalité.

Institué par un décret du 22 février 1971, il est chargé "de constater la répartition de la charge fiscale et d'en mesurer l'évolution compte tenu, notamment, des caractéristiques économiques et sociales des catégories de redevables concernés" (décret n° 71-142, du 22 février 1971, portant création du Conseil des impôts modifié par les décrets n° 73-122, du 8 février 1973 et n° 77-1309, du 25 novembre 1977 N° Lexbase : L5628G9C).

Il établit périodiquement un rapport sur l'exécution de ses travaux. Ce rapport est, ensuite, remis au président de la République et publié (décret n° 77-1309, du 25 novembre 1977, art. 1er).

Le Conseil des impôts peut, également, être chargé, à la demande du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie d'études relatives à l'élaboration ou à la mise en oeuvre de certains aspects de la politique fiscale. Les rapports qu'il établit à ce titre sont remis au ministre concerné (décret n° 77-1309, du 25 novembre 1977, art. 2).

En d'autres termes, cette institution associée à la Cour des comptes joue, essentiellement, un rôle d'information et de réflexion. Ses analyses visent à éclairer le débat en matière fiscale.

A toutes fins utiles, il est nécessaire de souligner que des propositions du Conseil des impôts ont été reprises par le Gouvernement et le Parlement, parmi lesquelles on peut citer :

- l'élargissement de l'assiette de la CSG ;
- la baisse des droits de mutation à titre onéreux ;
- l'extension du régime micro-foncier et la simplification de l'imposition des plus-values de cession sur valeurs mobilières.

On remarquera, toutefois, que son champ d'action se trouve limité à la seule question des impôts proprement dits, les autres prélèvements ne relevant pas de sa compétence.

Le renforcement des moyens d'action du Conseil des Impôts s'avérait, donc, nécessaire.

Dans son 18ème rapport (dix-huitième rapport du Conseil des impôts), le Conseil des impôts lui-même réclamait un renforcement de ses moyens "pour lui permettre de réaliser un plus grand nombre d'études et de répondre aux demandes éventuelles des pouvoirs publics".

Dès lors, le nouveau Conseil des prélèvements obligatoires, également placé auprès de la Cour des comptes, est chargé d'apprécier l'évolution et l'impact économique, social et budgétaire de l'ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative aux prélèvements obligatoires.

2.2. Une composition et un fonctionnement révisés pour le Conseil des prélèvements obligatoires

D'un côté, le Conseil des impôts, présidé par le Premier président de la Cour des comptes, est composé de deux conseillers d'Etat, de deux conseillers à la Cour de cassation, de deux conseillers maîtres à la Cour des comptes, de deux inspecteurs généraux des finances, d'un inspecteur général de I'INSEE et d'un professeur agrégé des facultés de droit et de sciences économiques.

L'indépendance de cette institution est patente.

D'une part, outre le Premier président de la Cour des comptes, six de ses membres appartiennent à des corps juridictionnels et quatre sont issus des grands corps de la fonction publique.

D'autre part, il choisit librement les sujets de ses travaux et en fixe seul le calendrier.

La composition du Conseil des prélèvements obligatoires est, quant à elle, beaucoup plus diversifiée dans la mesure où le recrutement ne se limite pas à la fonction publique.

En effet, cette nouvelle institution comprend, outre le Premier président de la Cour des comptes comme l'actuel Conseil des impôts, huit magistrats et fonctionnaires et sept personnalités qualifiées du monde économique et social.

Ces derniers membres, choisis en raison de leur expérience professionnelle, donneront très certainement un éclairage nouveau et plus adapté aux attentes des acteurs économiques du pays.

Il convient de noter que les membres (sauf le président) seront nommés pour deux ans, leur mandat étant renouvelable une seule fois. Le nombre total des membres du Conseil des prélèvements obligatoires, président y compris, sera, ainsi, de seize (contre onze magistrats, fonctionnaires et universitaire pour le Conseil des impôts).

En outre, il est à préciser qu'une des priorités de la loi du 20 avril 2005 est de garantir l'indépendance des membres et rapporteurs du Conseil des prélèvements obligatoires et de les soumettre au secret professionnel. A cette fin, il est prévu que "dans l'exercice des missions qu'[ils] accomplissent pour le Conseil des prélèvements obligatoires, les [membres du Conseil et de son secrétariat, ainsi que ses rapporteurs] ne peuvent solliciter ou recevoir aucune instruction du Gouvernement ou de toute autre personne publique ou privée".

Par ailleurs, les règles de nomination des membres du Conseil, qui sont, elles aussi, un gage d'indépendance, sont mieux garanties par une loi, ne serait-ce que parce que quatre membres du Conseil sont nommés par les autorités parlementaires.

Autre nouveauté pour le Conseil des prélèvements obligatoires, un droit de saisine est, désormais, reconnu aux commissions des finances et des affaires sociales des assemblées et, naturellement, au Premier ministre.

Cette saisine n'est pas possible dans la configuration actuelle.

De plus, les rapports au président de la République et au Parlement, dans lesquels les membres du Conseil des prélèvements obligatoires peuvent inclure une contribution personnelle, éventuellement dissidente, seront rendus publics, ainsi que les débats auxquels ils auront donné lieu au sein du Conseil.

Enfin, les membres et les rapporteurs de la nouvelle institution disposent d'un droit d'accès à l'information comparable à celui reconnu par les textes aux grands corps d'inspection.

Ils ont, en conséquence, libre accès aux services, établissements, institutions et organismes entrant dans le champ de leurs compétences.

Ceux-ci sont, dès lors, tenus de leur prêter leur concours, de leur fournir toutes justifications et tous renseignements utiles à l'accomplissement de leurs missions.

Pour le reste, le statut du Conseil des prélèvements obligatoire est similaire à celui du Conseil des impôts.

Les dispositions de la loi du 20 avril 2005 entreront en vigueur le 1er octobre prochain laissant l'actuel Conseil terminer son 23ème rapport, consacré à la fiscalité environnementale et ses membres terminer en toute sérénité, leur mandat.

newsid:75762

[Jurisprudence] Le renoncement du créancier au bénéfice du gage et le bénéfice de subrogation de la caution de l'article 2037 du Code civil

Réf. : Chbre mixte, 10 juin 2005, n° 02-21.296, Banque Hervet c/ M. Louis X..., et autres, publié (N° Lexbase : A6758DI7)

Lecture: 1 min

N5637AIM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3207427-edition-n-173-du-23062005#article-75637
Copier

Le 07 Octobre 2010

Aux termes de l'article 2037 du Code civil (N° Lexbase : L2282AB7), "la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution". Il s'agit là d'une cause d'extinction du cautionnement sans incidence sur l'obligation principale : dans l'hypothèse dans laquelle, en effet, le créancier bénéficierait, outre le cautionnement, d'autres sûretés, conventionnelles ou légales, personnelles ou réelles, ou de droits préférentiels divers, ces sûretés ou droits préférentiels sont de nature à profiter à la caution au cas où, après avoir été actionnée, elle entendrait se retourner contre le débiteur principal ou contre des tiers sur le fondement de la subrogation dans les droits du créancier. Or, précisément, lorsque la perte de ces sûretés ou droits est imputable au créancier, l'article 2037 du Code civil, à titre de sanction, prive celui-ci de son action contre la caution. Encore faut-il, pour qu'il en soit ainsi, qu'une faute puisse être reprochée au créancier, comme l'illustre encore, après beaucoup d'autres, un arrêt rendu en Chambre mixte par la Cour de cassation le 10 juin dernier. En l'espèce, une banque (le créancier) avait, par acte sous seing privé du 1er juillet 1992, accordé à une société (le débiteur) un prêt destiné à financer l'acquisition de matériel d'outillage et d'équipement. En garantie, elle s'était fait consentir, dans le même acte, un nantissement sur le matériel en question, ainsi qu'un cautionnement. Le débiteur principal ayant été mis en liquidation judiciaire, le créancier a assigné la caution en paiement qui, en défense, avait fait valoir que le créancier avait commis une faute en accordant au liquidateur la mainlevée de son nantissement : en clair, par application de l'article 2037 du Code civil, la caution se trouverait, ainsi, déchargée de son obligation. La Cour de cassation approuve les premiers juges d'avoir accueilli l'argumentation de la caution et, donc, d'avoir rejeté la demande du créancier : selon les hauts magistrats, "en retenant que la banque avait renoncé au bénéfice du gage, la cour d'appel en a exactement déduit que la caution était déchargée de son obligation".

Il faut rappeler que, selon la jurisprudence, toute faute peut être retenue contre le créancier (1), que ladite faute soit intentionnelle ou de négligence (2), qu'elle résulte d'un acte de commission ou d'une omission (3). Inversement, la caution n'est pas déchargée de son obligation et le créancier n'est pas privé de son action contre la caution dans l'hypothèse dans laquelle il n'aurait commis aucune faute ou, bien entendu, lorsque la perte de la sûreté ou du droit préférentiel est imputable à la caution elle-même, au débiteur principal ou à un tiers (4).

Dans l'affaire jugée en Chambre mixte, la faute du créancier était, semble-t-il, caractérisée, le fait, pour le créancier, de renoncer au bénéfice du gage constituant certainement une faute (5).

David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit


(1) Voir not., sur le fait pour le créancier de donner prématurément mainlevée d'une sûreté inscrite : Cass. com., 24 avril 1972, n° 71-11.596, Leredu c/ Société de Crédit Sofinco, publié au bulletin (N° Lexbase : A8158CIY), Bull. civ. IV, n° 116 ; de céder à vil prix le bien gagé dans des conditions rendant impossible toute appréciation de sa valeur vénale réelle : Cass. civ. 1, 1er juin 1999, n° 97-15.754, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de la Drôme c/ Société Landois (N° Lexbase : A5435A43), Bull. civ. I, n° 182 ; d'omettre d'inscrire une sûreté : Cass. civ. 1, 24 février 1982, n° 81-10.163, Société Crédifrance (N° Lexbase : A7220DIA), Bull. civ. I, n° 89 et Cass. com., 3 février 1998, n° 95-13.853, Banque Petrofigaz c/ M. Longo (N° Lexbase : A2362ACH), Bull. civ. IV, n° 57 ; d'omettre d'en renouveler l'inscription : Cass. com., 5 mars 1980, n° 78-16.412, Rigaud c/ Bouvet, Goujon, publié au bulletin (N° Lexbase : A1616CGX), Bull. civ. IV, n° 105.
(2) Cass. civ. 1, 24 janvier 1979, n° 76-14.714, Société Tielsa Mobel Werke GMBH et Cie, Société Wohnidyll International GMBH c/ Dlle Georget, publié au bulletin (N° Lexbase : A7787CIA), Bull. civ. I, n° 33 ; Cass. com., 17 mars 1992, n° 90-13.819, Mme Biré c/ Banque de Bretagne et autres (N° Lexbase : A4164ABT), Bull. civ. IV, n° 115.
(3) Voir not. Cass. com., 16 avril 1991, n° 89-15.983, M Venot c/ Banque de Neuflize, Schlumberger et Mallet (N° Lexbase : A2698ABK), Bull. civ. IV, n° 142 ; Cass. com., 13 mai 2003, n° 00-15.404, Société coopérative Banque populaire de Lorraine c/ M. Jacques Delcroix, FS-P (N° Lexbase : A0109B78), Bull. civ. IV, n° 73.
(4) Voir, ainsi, jugeant que la caution ne peut être déchargée lorsque la perte d'une sûreté ou d'un droit préférentiel n'est pas le fait exclusif du créancier, Cass. com., 11 janvier 1994, n° 91-17.691, M. Eugène Petit c/ Epoux Léo Petit et autres (N° Lexbase : A6478ABK), Bull. civ. IV, n° 15 ; Cass. civ. 1, 9 mai 2001, n° 98-23.144, Société Soderbanque c/ M. Jean Duthieuw (N° Lexbase : A4029ATE), Bull. civ. I, n° 125 et Cass. civ. 1, 22 mai 2002, n ° 99-17.245, M. Patrick Louis c/ Banque nationale de Paris (BNP), FS-P+B+R (N° Lexbase : A6942AYR), Bull. civ. I, n° 139.
(5) Voir, d'une manière générale, énonçant que la faute du créancier est établie lorsqu'il a accepté de renoncer à une sûreté, même à la demande de celui qui devait la consentir, Cass. civ. 1, 6 juin 2001, n° 98-22.640, Société Udéco diffusion c/ M. Roland Dalloux (N° Lexbase : A5329ATK), Bull. civ. I, n° 161 ; comp., déjà, affirmant que commet une faute de nature à libérer la caution le créancier qui s'est dessaisi de son gage, Cass. civ., 3 décembre 1941, DA 1942, p. 49.

newsid:75637